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University of Ottawa
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REVUE
ENCYCLOPÉDIQUE
REVUE
ENCYCLOPÉDIQUE,
OU
ANALYSE 1UISONNÉE
DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES
PVNS LES SCIENCES, LES ARTS INDUSTRIELS , LA LITTERATURE
ET LES BEAUX- ARTSJ
PAR UNE RÉUNION
DE MEMBRES DE L'INSTITUT,
ET D'AUTRES HOMMES DE LETTRES.
TOME XXXVI.
PARIS.
AU BUREAU CENTRAL DE LA REVUE ENCYCLOPÉDIQUE,
BUE D'ENFER-SAINT- MICHEL , N° l8.
OCTORRE T827.
v
1 I
« Toutes les sciences sont les rameaux d'une même tige. »
Bacon.
« L'art n'est autre chose que le contrôle et le registre des meilleures produc-
tions... A contrôler les productions (et les actions) d'un chacun, il s'engendre
envie des bonnes , et mépris des mauvaises. »
Montaigne.
«« Les belles-lettres et les sciences, bien étudiées et bien comprises, sont des
instrumens universels de raison, de vertu, de bonheur. »
M. A. J.
REVUE
ENCYCLOPÉDIQUE,
ou
ANALYSES ET ANNONCES RA1SONNÉES
DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES
DANS LA LITTÉRATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS.
I. MEMOIRES, NOTICES,
LETTRES ET MÉLANGES.
EXPOSITION PUBLIQUE
DES PRODUITS DES MANUFACTURES FRANÇAISES ,
EN 1827.
La solennité de l'exposition est terminée : les flots de
curieux qui , chaque jour, inondaient le Louvre se sont
écoulés; les récompenses sont distribuées, et l'opinion
publique approuve en général les décisions du jury. Nos
lecteurs trouveront dans ce cahier la liste des fabricans
et des hommes industrieux dont les ouvrages ont ob-
tenu des médailles de bronze, d'argent ou d'or, et de
ceux qui ont été jugés dignes d'un prix encore plus
élevé. Les curieux ont été satisfaits ; les hommes instruits
ont trouvé beaucoup à louer; peu de critiques se sont
fait entendre ; ces résultats semblent attester les services
rendus à l'industrie par les expositions publiques ,N et
par conséquent, l'utilité de cette institution. Presque
tous les écrits périodiques se sont empressés de lui
rendre hommage ; son éloge a retenti partout où les
6 IMPOSITION PUBLIQUE
journaux français peuvent être lus. L'émulation natu-
relle entre des Etats voisins fera probablement adopter
l'usage des expositions industrielles dans tous les pays
qui rendent aux beaux arts cette sorte d'hommage pu-
blic : déjà , l'Espagne elle-même en a donné l'exemple ,
au milieu de ses embarras , de ses souffrances , de sa
misère. Convient-il donc à la Revue Encyclopédique de
se séparer de cette unanimité si imposante, au risque
d'être seule de son avis ? Il ne faut rien moins que la
plus intime , la plus impérieuse conviction , pour que
l'on se détermine à professer une doctrine hors de
saison, des vérités qui ne seront point reconnues , bien
loin qu'elles soient préparées pour les applications qui ,
seules , peuvent leur donner quelque valeur. Nous n'hé-
siterons pourtant pas à nous mettre dans cette désavan-
tageuse position ; les circonstances nous permettent en-
core de rappeler des faits, et d'en tirer des conséquences
dont quelques esprits seront frappés , quand même ils
ne seraient pas convaincus. Cette opposition paisible efc
résignée conserve à la vérité ses droits, et aux opinions-
une sage liberté : ses fonctions devraient être créée*
d'office, si personne ne s'offrait pour les remplir.
En rendant compte de l'exposition de 1823 (voy. Rev..
Enc.} t. xx, p. 1 5), nous avons déjà manifesté quelques
doutes sur l'utilité réelle des expositions , telles qu'on
les fait : ce que nous avons vu en 1827 ne résout
point la question pour l'économie politique , et semble
même transférer à la politique proprement dite cette
partie de nos institutions. On est tenté de croire que les
arts industriels ont été considérés principalement en
raison de leur influence sur l'esprit public , manière de
voir qui porte quelquefois à préférer l'éclat à une pros-
périté réelle. L'industrie était peu disposée à se réjouir:
sa fête quadriennale est venue faire diversion à plus d'une
sorte de soucis. Ce résultat n'était point à négliger
quelle que fût la cause de la détresse commerciale don
il était peut-être inévitable que la France ressentît le
atteintes. Tout s'est passé selon les vœux des amis de 1;
pairie; la fête a été belle, universellement goûtée, asse
F.N 1817. 7
joyeuse; mais n'oublions point que ce n'est qu'une fête.
L'ancien local destiné aux expositions ne suffit plus à
l'immensité des produits qu'on y envoie; et rependant,
plus du cinquième de la France n'a pas encore fourni son
contingent. Si aucun département ne veut rester en ar-
rière, aucune fabrique ne consentira non plus à ne point
paraître au grand jour; des refus seraient bien durs,
quand même ils pourraient être équitables. Mais, com-
ment pourvoir au placement des futures expositions,
triples ou quadruples peut-être de celle que nous avons
vue cette année? On a proposé la construction duii
palais de V industrie ; c'est aller un peu trop vite, car,
après tout, la France a d'autres besoins qui ne sont pas
moins urgens que celui-là. D'ailleurs , avant de bâtir
pour des siècles de durée , ne faudrait-il pas constater,
par une enquête très-attentive, la bonté actuelle et per-
manente de l'institution pour laquelle on fait une de-
mande aussi exorbitante ? Cette institution sera-t-elle
encore utile , au moment où l'on sera prêt à l'installer
dans son palais ? Et comme elle serait sur le point de
devenir nuisible , si elle avait cessé d'être bienfaisante ,
on prolongerait peut-être son existence, afin de dissi-
muler la faute que l'on aurait commise en ordonnant
des travaux dispendieux et superflus. Quelques motifs
particuliers devraient engager les Français à ne pas sVx-
poser à un pareil désappointement, mais à délibérer
long - tems avant d'adopter des projets dont l'exécution
est toujours lente : ils n'ignorent pas que partout ailleurs
que sur les champs de bataille , on leur reproche un
défaut de persévérance qui les rend incapables d'achever
ce qu'ils ont résolu avec enthousiasme, et commence
avec ardeur. Si l'on veut que le palais de l'industrie con-
vienne à sa destination , quand même on profiterait de
constructions déjà existantes , la génération actuelle ne
jouira point du fruit des sacrifices qu'elle aura faits en
faveur de ses fabricans ; c'est un second Louvre qu'il
a agit de bâtir, si toutefois le nouvel édifice pouvait être
borné aux dimensions de celui que nous possédons. Il
tie faut point perdre de vue la marche croissante des
8 EXPOSITION PUBLIQUE
expositions, ni les causes diverses qui maintiendront
cet accroissement, et le porteront jusqu'à sa limite, si
l'institution conserve son influence. On s'exposerait à un
fâcheux mécompte , si le futur palais ne pouvait rece-
voir et loger convenablement l'énorme quantité de pro-
duits qui se presseront à l'entrée , lorsque les portes
en seront ouvertes. L'emplacement que 1 on a indiqué
ne suffirait point aux besoins de i83r , ni à plus forte
raison à ceux de 1 835 9 il paraît que l'on attache peu
d'importance à cette indication, et que les partisans du
nouveau projet s'accommoderaient encore mieux d'un
local moins éloigné du centre des affaires commer-
ciales
Indépendamment des expositions publiques et de leur
influence, tout est prêt en France, ou lésera bientôt,
pour que les arts industriels y marchent à grands pas
vers leur perfection. La source première de toutes les
améliorations est l'instruction de la classe laborieuse;
on y pourvoit. Quelques préjugés combattent encore en
faveur de l'ignorance ; mais leurs armes sont bien af-
faiblies, et blessent rarement. Lorsque les lumières au-
ront pénétré partout , l'art de diriger l'industrie pour
son plus grand avantage et pour celui de la société sera
réduit à ce conseil du bon sens : Laissez faire. En quel-
ques années la France peut atteindre ce degré d'ins-
truction : alors, le génie inventif, non moins fécond
qu'il ne lest aujourd'hui, ne sera plus exposé à suivre
de fausses routes et à s'égarer : les ateliers, remplis
d'observateurs éclairés , seront autant d écoles des arts
où des procédés raisonnes seront substitués aux rou-
tines , où tous les faits nouveaux seront aperçus, com-
pris , mis à leur place. Les bienfaiteurs des arts sont les
savans qui ont rendu les sciences usuelles, les écoles
consacrées à l'enseignement des ouvriers ou des chefs
de grands travaux, et avant tout, l'Ecole polytechnique
d'où sont sortis en si grand nombre d habiles et zélés
professeurs qui tous se plaisent à reconnaître pour leur
guide un de leurs anciens condisciples qu'il est désor-
mais inutile de nommer. Les précieux effets de l'en-
EN 18*7. 9
saignement Industriel auront bientôt changé la face àè
notre Industrie ci <l<- nos manufactures : plus d'une ré-
volution comparable à celles qu'ont opérées quelques
connaissances de physique et de chimie répandues dans
les ateliers, est déjà commencée, et sera bientôt com-
plète. Le génie se plaît clans L'exercice de ses forces;
plus il acquiert de ressources et de vigueur, plus son
activité redouble. L'instruction lui fournit des idées ,
des faits qu'il a besoin de connaître, des matériaux dont
il peut faire usage : les médailles et les récompenses ne
peuvent tout au plus qu'entretenir son ardeur, sans rien
ajouter à sa puissance créatrice, sans étendre ses fa-
cultés, ni leur prêter aucun secours.
On ne peut cependant méconnaître que les exposi-
tions publiques des produits de l'industrie répandent
quelque instruction , non parmi ceux qui exercent ou
étudient spécialement les arts industriels , mais parmi
les gens du monde ; et c'est précisément ce qui leur
donne tant de charmes , ce qui les rend si décevantes,
ce qui leur assure un si grand nombre de partisans. En
parcourant ces galeries où les arts ont étalé ce que leur
luxe a de plus attrayant, on acquiert sans peine et pres-
que sans attention des connaissances que l'on n'avait
point , et que l'on conserve , lorsque les objets qui les
ont transmises ne sont plus sous les yeux. En sortant
de ces lieux de prestige , on est satisfait de soi-même ,
aussi bien que de ce que l'on a vu; on conçoit une meil-
leure opinion de son jugement , et fort souvent ce mou-
vement d'amour-propre n'est point trompeur. Comment
résisterait-on à d'aussi fortes séductions ? On est en-
traîné, l'enthousiasme se communique, et c'est ainsi
que le goût des expositions publiques va toujours crois-
sant. Elles sont, à. coup sûr, les fêtes les plus belles,
les plus raisonnables que l'on ait jamais instituées en
l'honneur de 1 industrie ; mais elles n'atteignent point
leur but , si elles sont destinées à répandre dans la classe
industrieuse une instruction qui lui soit profitable. On
ne communique par ce moyen que des notions super-
ficielles, insuffisantes pour les applications, mais dont
io EXPOSITION PUBLIQUE
la curiosité se contente : ce sont les simples spectateurs
qui profitent de ces solennités dont l'industrie est l'objet.
On ne sera donc point surpris que le département de
L'Aube, l'un des plus éclairés et des plus industrieux
de la France, richement pourvu des moyens de propager
renseignement industriel , n'ait presque rien envoyé a la
dernière exposition. On peut augurer, dès à présent ,
que cet exemple entraînera d'autres désertions , que les
fabricans éloignés de Paris se lasseront de plus en plus
des déplacemens onéreux que les expositions exigent
deux , et que l'industrie de la capitale occupera presque
seule toutes les salles du Louvre. En 1823 , elle n'avait
fourni que le tiers des objets exposés , et c'était déjà
beaucoup , en raison du nombre et de l'importance de
ses fabriques : cette année , sur i63i numéros, 971 lui
appartiennent, en sorte quelle forme presque les deux
tiers , ou plus exactement , les trois cinquièmes de l'expo-
sition. Cette observation serait alarmante pour l'industrie
départementale , si l'on perdait de vue les divers motifs
qui invitent les fabricans de Paris à se produire au
Louvre, et qui en éloignent ceux des provinces. D'ail-
leurs, quelques grandes villes ont aussi l'ambition de
devenir un centre d'industrie , et font un appel aux
fabricans qui se trouvent à leur portée ; c'est encore un
exemple qui se propagera. Ainsi, l'exposition générale
est menacée de pertes successives , et tend à n'être plus
que départementale : il est même essentiel pour le bien-
être général que ce changement soit opéré par degrés,
mais promptement. C'est la France , et non la capitale
seulement qu'il faut rendre industrieuse; la Grande-Bre-
tagne nous offre le modèle de la plus utile distribution
des travaux manufacturiers : Londres n'absorbe rien ,
aucune partie du territoire n'est privée de l'industrie
qu'elle peut faire prospérer ; c'est ainsi que toutes les
ressources sont mises à profit , et concourent le plus
efficacement au bien-être des citoyens et à la prospérité
de l'état.
Si l'on veut absolument des expositions publiques ,
s'il nous est impossible de renoncer à ce régime auquel
I.\ i.S II
nous lommefl accoutumés et qui nous plaît , on doit au
moins s attacher à le rendre pins avantageux , el a dimi-
nuer quelques-uns de ses ineonvéuicns. Il semble que
Ton v parviendrait en renonçani a réunir a la fois les
produits de tomes les sortes «le travaux , en établissant
des divisions <jui paraîtraient successivement, sans qu'il
rut nécessaire de chercher un local plus vaste ou les
exposans fussent à l'aise, au milieu des objets de leurs
fabriques. Ces divisions fixées par une analyse exacte des
procédés de chaque art, et par le rapprochement de
ce;ix cpii présenteraient les plus nombreuses analogies,
offriraient les élémens d'une étude facile et fructueuse :
tout serait prévu et préparé pour que les arts pussent
s éclairer mutuellement, etmareber de concert au devant
des faits ou ils n'ont pas encore découverts , des per-
fe< tionnemens qu'ils ne pourraient atteindre aussitôt,
ni aussi sûrement, si leurs efforts étaient isolés. Des
jurys plus homogènes porteraient sur les ouvrages exposés
des jugemens encore plus dignes de confiance; des rap-
ports plus détaillés seraient plus instructifs. On pourrait
espérer que les arts en recueilleraient quelques fruits ,
et la curiosité même y trouverait l'avantage d'une jouis-
sance moins interrompue. On supporte péniblement
quatre années d'attente ; l'espoir d'en être dédommagé
par des plaisirs plus variés n'est pas une compensation
qui satisfasse tout le monde. Aux expositions partielles,
l'attention moins distraite saisit beaucoup mieux ce qui
frappe les regards; le public s'instruit plus, et mieux,
et les progrès de son intelligence sont encore au profit
des arts : l'œil d'un iu^e clairvovant les rend circons-
pects , ils sont moins exposés à sortir de la bonne voie.
Si 1 on adoptait cette manière de constater et de récom-
penser les progrès de l'industrie, on aurait à résoudre
une multitude de questions qu'elle ferait naître : l'orga-
nisation des jurys, la nomination des jurés, l'époque et
le lieu de ebaque exposition , etc. Quelques arts auraient
besoin de paraître plus souvent sous les yeux du public;
d autres, dont la marche est plus simple et plus lente,
laisseraient entre leurs apparitions périodiques un assez
ii EXPOSITION PUBLIQUE.
long intervalle. Les fabriques d'étoffes seraient au
nombre des plus pressées; les arts chimiques et métal-
lurgiques rallcntiraient leurs pas . etc.
Les expositions départementales ont un intérêt parti-
culier, et presque de famille , qui devrait les faire établir
dans tous les chefs-lieux de département. C'est là que
les manufactures placent leurs échantillons sous les yeux
des consommateurs, et contractent l'engagement de ne
rien fournir qui n'égale ces pièces de choix.
Faut-il que nous ayons à recommander une exposi-
tion permanente , la plus instructive de toutes , et dont
aucune autre ne peut tenir lieu, en un mot, le travail
des ateliers? Nos plus célèbres manufacturiers donnent
le noble exemple d'ouvrir cette source d'instruction à
tous ceux qui veulent y puiser ; mais il en est encore
plusieurs qui se renferment dans un profond secret,
comme certain lamineur de plomb qui fermait ses ate-
liers au maître de forge qui lui avait fait ses laminoirs.
Cet homme eût été un digne émule d'Omar : « Si vous
savez, disait-il, vous n'apprendrez rien de plus chez
moi ; et si vous ne savez pas , vous n'êtes pas en état d'y
rien apprendre. »
Il nous serait impossible de ne pas faire un volume ,
si nous entreprenions de parler avec quelque détail
de tout ce que le Louvre a rassemblé, cette année, dans
ses immenses galeries , même en nous bornant aux objets
les plus remarquables. Les journaux quotidiens se sont
acquittés de cette tâche avec succès ; on peut consulter
principalement le Moniteur, où M. Ch. Dupin a consi-
déré l'exposition dans l'intérêt des arts et de l'instruc-
tion industrielle, le Journal du Commerce , où M. Blan-
qui fait des observations très -justes sur l'état et les
ressources des manufactures françaises: et le Constitu-
tionneL Leurs opinions sur les choses , les personnes et
les talens ont été généralement d accord avec nos propres
remarques : nous ne pourrions que reproduire avec une
brièveté trop voisine de la sécheresse ce qu'ils ont écrit
avec des développemens qui nous sont interdits.
Ferry.
EN (8*7. i3
A'. A'. Parmi les écrits 1 1< >nt l'exposition dei produits de l'industi ii- .1
été \ê IUJet| il en Ml BU qui mci Ile il'- sm vivre .1 cette solennité ; il - t
intitule : forage dans ta cour du touvrt , ou Gnide de Tobsorvateur a
r a position , par une Société d'artistes ot d'anciens fabricant (1). On y
trouve <les indications utiles dont les marchands et les simples par-
ticuliers ne manqueront pas de profiter , et des Notices bien faites
sur quelques-uns des objets exposes. ( )n ne peut reprocher aux ré-
dacteurs qu'une propension à l'indulgence dont ils ne se défient pas
assez, et très-rarement quelques critiques peu méritées. Ainsi, par
exemple, au sujet des ouvrages d'orfèvrerie de M. Odiot, on lit dans
le petit ouvrage dont nous parlons : « Nous regrettons que nos or-
fèvres ne veuillent pas s'en tenir à la reproduction de vases, candé-
labres, surtouts de table, etc., et qu'ils s'efforcent, comme M. Odiot,
à modeler les saints de notre calendrier. » Un fabricant exécute les
formes qu'on lui demande ou qu'on demandera : et quand le tems de
l'exposition est arrivé, il met sous les yeux du public et du jury les
plus grands et les plus difficiles des ouvrages qu'il a faits. On pour-
rait faire aussi aux peintres les plus célèbres le reproche de multiplier
à l'excès les représentations de martyrs, objets pénibles à contem-
pler : mais ces grands artistes n'avaient pas toujours le choix du
sujet de leurs tableaux.
L'étendue de la liste suivante, réduite à une simple nomenclature,
fera voir qu'il ne nous était nullement possible de faire connaître,
même par la plus courte notice, les titres des fabricans et des artistes
qui ont obtenu des médailles. Quant aux décorations de la Légion-
d'Honneur , c'est à une longue continuité de succès qu'elles ont été
décernées. On remarquera aussi que le jury rappelle les médailles déjà
obtenues, lorsqu'il juge que les exposans n'ont pas cessé de les mé-
riter. Cet usage entretiendrait la confiance des consommateurs, s'ils
avaient la certitude que tout ce qui sort d'une fabrique est conforme
à l'échantillon mis sous les yeux du jury.
RÉcompejîses accordées en exécution de V article 3 de l'ordonnance
royale du 4 octobre 1826 , aux artistes et aux manufacturiers dont les
produits n'étaient point susceptibles d'être exposés séparément.
M. Burdin , ingénieur au corps royal des mines , en station dans
le département du Puy-de-Dôme. — Médaille d'argent.
M. Leblanc , professeur de dessin au Conservatoire des arts et
métiers , à Paris. — Médaille d'argent.
(1^ Paris , 1827; Dauvin, rue du Carrousel , n° 4- In-18 de 38a pages; prix, a fr. £0 cent
i | EXPOSITION PUBLIQUE
MM, Casalis et Cordier, mécaniciens à Saint-Quentin , Aisne. —
Médaille d'argent.
M. Ronffel (Jean-Baptiste), menuisier mécanicien, à Paris. —
Mt d ai lie de bronze.
Distribution des récompenses décernées aux fabricans qui ont
concouru a /'exposition des produits de l'industiue française
pour 1827. (Fin.)
RAPPELS des médailles de bronze (i).
Division des tissus. — MM. Laurent (Henri) , à Amiens , Somme.
Schlumbcrger père et fils , à Nogent-les-Vierges , Oise. Mestivier et
Hamoir, à Valenciennes, Nord. Hazard (Jean-Baptiste), à Yalen-
ciennes , Nord. Mme veuve Saint-Marc, MM. Porteu et Teliot , à
Rennes , I!le-et-Vilaine. Assy Guérin fils et Givelet , à Reims , Marne.
Morin et comp. , à Dieu-le-Fit , Drôme. Grand frères et Prades , à
Bédarieux , Hérault. Couchonnat , à Lyon, Rhône. Martin frères,
à Nîmes , Gard. Puget , à Nîmes , Gard. Veaute et comp. , à Nîmes ,
Gard. Farel fils , à Montpellier, Hérault. Hullot-Larminat et Prat , à
Paris. Galon frères , à Paris. Douinet et comp. , à Paris. Bardel , à
Paris. Sambuc et Nover, à Dieu-le-Fit, Drôme. Gobert, à Paris.
Valat (Philippe), à Montpellier, Hérault.
Division des minéraux et des métaux. — Lenoble , à Paris. Partar-
rieu, à Paris. Hildebrand , à Paris. Waddington frères, à Saint-
Remy-sur-Avre , Eure-et-Loir. Mentzer, à Paris. Dumas et fils , à
Paris. Les forges de Moncey, Doubs. Bouffon , à Sauxillanges, Puy-
de-Dôme. Billod , à Laferrière-sous-Jougue , Doubs. Nicod , à Fin-
des-Gras , Doubs. Thirion (J.-Nicolas) , à Saint-Sauveur, Meurthe.
Porlier, à Paris. Toussaint, à Paris. Leiris , à Paris. Sénéchal, à
T'aris. MIIQe veuve Charles, à Paris. Bergougnan , à Paris. Treppoz, à
Paris. Prélat , à Paris. Lamotte , à Saint-Etienne.
Division des machines. — Beugé , à Paris. Cartier, à Paris. Didiée,
à Paris. Fossey, à Paris. Tissot , à Paris.
Division des instrumens de précision et des instrumens de musique. —
Clément , à Paris. Perron, à Besançon , Doubs. Henriot , à Paris.
Division de chimie. — Delpech , au Mas-d'Asile , Ariége. La Com-
pagnie des salines de l'Est, à Dieuze , Meurthe. Demarson , à Paris.
Vincent et comp., à Vaugirard , Seine. Herbin, à Paris. Mareschal ,
à Paris. Gotten , à Paris. De Gouvenain, à Dijon , Côte-d'Or.
Division des beaux-arts. — Orbelin , à Paris. Malbeste , à Paris.
Quenedey, à Paris.
Division des poteries. — Gilbert (Laurent) , à Orléans , Loiret.
Fouque et Arnoux , à Toulouse , Haute-Garonne. Keller, à Luné-
(1) Les rappels des médailles d'or, d'argent et de bronze ont lieu pour les fabricans et
manufacturiers qui , dans l'intervalle d'une exposition à l'autre , ont continué à se mou-
Mrar dignes de* médailles qu'ils avaient déjà obtenues.
EN «Hv;. ,5
ville, Mt-iii tlio. F'iI'.iviin f , a Foëcy, (Hier. Mm<" \ rtive Desviyncs , a
Paris. I.nton , it Pai is.
Division dt-< uns divers* — Prailly prre , à Provins , Scinr-rt-
Marne. Mmc $imonueau , A Êtamues, Seinr-et-()ise. Saileron (Jean-
('liarlcs) , à I ,ongjmiM\iu , Seiue-et-< )isc. Yaslin et Piedor, .1 C.hatcan-
renaud , Indre-et-Loire. Largaèse cadet, à Montpellier, Hérault.
Guerineau fils aine, à Poitiers, Vienne* Vallet-Dartoif , à Paris.
Laloge , à Belle tille , Seine. Dufort fils, à Paris. Lacourade (Henri)
et eonij). , an moulin de Lacourade ., Charente. Angrand, à Paris.
Gourlier, à Paris. Savarcsse, à Paris. Savaresse (Martin), à Nevers ,
Nièvre.
HiDA.IXJ.Bf DE BRONZE.
Division des tissus. — MM. Bellanger-Pagé , à Tours , Indre-el-
I.oire. Brunet frères, à Autun , Saône-et-Loire. Maurel , à Laroque,
Ariége. John-Détruissard , à Caen , Calvados. Tur(Jean) et comp. ,
à Nimes , Gard. Dobrée (Thomas), à Nantes , Loire-Inférieure. La
Société anonyme pour le lin filé à la mécanique. Delecroix (Edouard),
à Lille, Nord. Crespel-Destombes, h Lille, Nord. Lemeneur, à Vi-
moutiers, Orne. Bruneel et Callemieu , à Lille, Nord. Eaucomprez ,
à la Bassée, Nord. Casiez Dehollain , à Cambrai , Nord. La Société
d'Ourscamp , sous la raison Rougemond ei comp. , Oise. Vallée
(Severin) , à Paris. Dulud frères, à Carlepont , Oise. Rafine (Noël)
et comp. , à Meaux , Seine-et-Marne. Mieg (Charles), à Mulbausen ,
Haut-Rhin. Reber (Georges) et comp. , à Sainte-Marie-aux-Mines ,
Haut-Rhin. Cuvru de Surmont, à Roubaix , Nord. Delobel de Sur-
mont, à Turcoing , Nord. De Buchy (J.-B.), à Turcoing , Nord.
Bardel et comp., à Versailles, Seine-et-Oise. Claisse et comp., à
Sedan , Ardennes. Beuvai t Lenoble , à Sedan , Ardennes. Paret
jeune , Castel et comp. , à Sedan , Ardennes. Gastine fils, à Loi>
viers , Eure. Viollet et Jeuffrain , à Louviers , Eure. Gaultier (Henri)
et Lenoble, à Elbeuf, Seine-Inférieure. Descoings fils, à Mouy,
Oise. Laperine (Dominique), à Carcassone, Aude. Sompeyrac aîné,
à Cenne-Monesties , Aude. Richard (Jean-Baptiste) et comp. , à
Paris. Broyon , à Paris. Legrand Rigaut et comp. , à Reims , Marne.
Gillard et comp. , à Reims , Marne. Le marquis de Potérat , à Mar-
dereau , Loiret. Le vicomte de Turenne , au ministère de la guerre.
Hennet , à Paris. Faciot (Robert-Cbarles) , «à Montmartre, Seine.
David et Danghein , à Lyon , Rhône. Burel et Beroujon , à Lyon ,
Rhône. Turbé (Charles) , à Lyon , Rhône. Joyard et Dambuant, à
Lyon , Rhône. Walter et Joyeux , à Metz , Moselle. Monteux et
Aidai, à Nîmes , Gard. Bousquet Dupont, à Nîmes, Gard. Miné,
à Paris. Laruaz-Tribout, Cardin-Meauzé, à Paris. Paysant (Paul), à
Caen , Calvados. MUesBeauguillot, à Caen, Calvados. Mme Armand, à
Paris. Videcoq-Tessier, à Paris. Fabien-Pillet et comp. , à Paris.
MlI»e Vaslin-Bimont , à Paris. L'institution des jeunes aveugles , à
Paris. Laisney, à Paris. Collignon fils, à Paris. Piedanna , à Paris.
Viallet, à Lyon, Rhône. Durand frères , à Lyon , Rhône. Prévost ,
à Paris. Joliet , à Paris. Martin père , à Moulin , Allier. Champoiseau
16 1 \POSiTiON PUBLIQUE
Noël) , à Tours , Indre et-l.oire. Biais aîné , à Paris. L'atelier de
chai i"tc de Valognes, Manche. Les ateliers de charité de Monte-
bonrg , Manche. IVeherand. Dubois et comp. , à Muizans, Isère.
Division des minéraux et des métaux. Marbre et marbrerie , autres mi-
néraux. — Manrel-Courrent et comp., à Bélesta , Ariége ; et à
Merial , Aude. Grimes, à Garnies , Aude. Giraud , à Paris. Société
anonyme de Montev-Notre-Dame , Ardennes. Dubuc , à Paris. Berge
(Victor), à la Bastide-sur-1'Hers, Ariége. Escot , à la Bastide-sur-
l'Hers , Ariége. Pillot et Eyquem , à Paris.
Métaux. — La Société anonyme pour la manutention du plomb ,
à Clichv •la-Garenne , Seine. Mazarin, à Toulouse , Haute-Garonne.
Thiébault aîné , à Paris. Cartier fils et Guérin , à Paris. Averty, à
Paris. Clancau , à Paris. Mme veuve Dietrich et fils , à Niederbronn ,
Bas-Riiin. Ratcliff , à Paris. Benoit , à Paris. Richard , à Paris. Muel
Doublât , à Abainville , Meuse. La Compagnie des forges de la
Basse-Indre. Michel jeune, aux forges de Corbançon , Indre. Gi-
gnoux et comp. , à Grèze , commune de Saint-Iront et commune
de Cuzorn , Lot-et-Garonne. Falatieu (Joseph-Louis) , à Pont-du-
Bois , Haute-Saône. Société anonyme sous la raison Fabrique d'acier
an Bas-Rhin. Valond (Victor), à Saint-Clair-sur-Galaure, Isère.
]\]me veuve Baverel et fils, à Laferrière-sous-Jougue , Doubs. Bobi-
lier (Célestin), à Lagrand-Combe , Doubs. Pupil , à Paris. Rousset ,
à Paris. Marchand et Vanhoutem , à Laigle , Orne. Vuilquin , à
Paris. Chatelard et Perrin , à Lyon , Rhône. Denimal et Miniscloux,
à Valenciennes , Nord. Va Hier, à Saint-Denis , Seine. Sirot fils , à
Valenciennes , Nord. Lemire (Noël), à Clairvaux , Jura. Poly, à
Paris. Thiry, à Metz , Moselle. Bécasse , à Paris. Lepaul , à Paris.
Roussin , à Paris. Vallon , à Paris. Touron , à Paris. Frestel , à
Saint-Lô , Manche. Douris-Fumaux , à Thiers , Puy-de-Dôme.
Soûlot , à Paris. Greiling (Henri), à Paris. Villenave , à Paris. Des-
champs (Paul) et comp. , à la Charité-sur-Loire , Nièvre. Delarue ,
à Paris. Lacompar et comp. , à Plancher-les-Mines , Haute-Saône.
Zanoîe aîné , à Orléans , Loiret. Antiq , à Paris. Guaita (A.) et comp. ,
à Zornhoff , Bas-Rhin. Blanchard , à Paris. Cessier, à Paris. Dele-
bourse , à Paris. Lelyon, à Paris. Laporte, à Paris.
Division des machines. — Middendorp et Gaultier-Laguionie , à
Paris. Bernard-Gilet et fils , à Sedan , Ardennes. Chardron (Maxime-
Anne) , à Sedan , Ardennes. Davenport , à Rouen , Seine-Inférieure.
Thonnelier, à Paris. Avit aîné , à Paris. Delavelye (Auguste) , à
Clichy-la-Garenne , Seine. Dioudonnat , à Paris. Farcot , à Paris.
Odohel , à Paris. Clerc (Armand) , à Paris.
Division des instrumens de précision et des instrumens de musique . —
Klepffer, à Paris. Endres, à Paris. Bernhardt , à Paris. Wetzel , à
Paris. Challiot , à Paris. Beckers, à Paris. Laprevotte , à Paris. Halary
(Antoine) , à Paris. Lefebvre , à Paris. Godefroy, à Paris. Triebert,
à Paris. Gravan , a Paris. Brocot , à Paris. Niot et Chaponnel , à
Paris. La Compagnie Cahier, à Paris. Chevallier, à Paris, tour de
l'horloge du Palais. Tabouret , à Paris. Brocchi , à l'Ecole polytech-
nique. Bunten, à Paris. Devrines , à Paris.
!.\ |8»?. 17
Division </e chimie. -■- Levaillant, a Paru. Julien cl comp. , a
Vaugirard , Seine. Cm lier ii!s et ( rrieu , à Pai ia. Aelor < i Bonnaii e ,
.1 Paria. Camus , à Paria. Lefebure et Bértheletny, à Rouen, Seine*
Inférieure, Gannal , au Grand-Gentilly , Seine. Grenet , à Rouen,
Seine-Inférieure. Pauze , à Wazemtnea , Mord. Dupré 'ils er comp. ,
.1 Paria. Roux el comp», à Paria. Simonin , .1 Paris. Dedreux, à
Paria. Lebel (Josepb-Acbijle)t I Lampertaloch , Bas»Rbini Thilorier
( Adrien ) , à Paris* (inmluci i es , .'i Paria. Degrand , à Marseille,
Boucbea-du-Rbôue. Lignjèreu , à Toulouse», Hante Gai on ne. Crespel-
Pinta.à Air.is , Pas-de-Calais. MasaoB.i Pont-à-Mousson.Meurthe.
André, i Pont-à Mousson , iMeuitlie. Duvergier, à Paris. Bonrget
aîné , à P. iris. Dournav, à Lohsann , Bas-Rhin.
Division des beaux-arts. — Youf , à Paris. Baudry, à Paris. Hénon
filfl aîné , à Paris. Jeanest , ;i Paris. Bertholon , à Paris. P». daine, à
Paris. Veyrat , à Paris. Isnard de Sainte-Loi elte , à Paris. Panc-
koucke , à Paris. Godard £ils, à Alençon , Orne. Langlumé , à Paris.
Mllc Fromentin , à Paris.
Division des poteries. — De Saint-Amand, à Passv, Seine. Lan-
glois , à Bayeux , Calvados. Légua y, à Cornmentry, Allier. De Vio-
laine , à Prémontré, Aisne. Bourguignon , à Paris. Lançon père et
fils , à Paris.
Division des arts divers. — Jacquiet (Louis) , à Paris. Bélier Mieg et
comp., à Mulhausen , Haut-Rhin. Basyle (E.) et comp. , à Ver-
sailles, Seine-et-Oise. Pimont (Prosper), à Darnetal , Seine-Infé-
rieure. Soucin el Lavocat frères , à Troyes , Aube. Leglàtre , à Saint-
Brieuc , C6tes-du-Nord. Delacre Snaude , à Dunkcrque , Nord.
Trempé aîné , à la Villettc , Seine. Nathan et Béer, à Lunéville ,
Meurthe. Atramblé , Briot et comp. , à Paris. Vernet frères et comp.,
à Paris. Le comte de Ligneville et Ferry-Milon , à Souche-d'Anould,
Vosges. Roulhac aîné , à Limoges , Haute-Vienne. Baudoin , à Paris.
Afme Breton , à Paris. Tavernier, à Paris. Pimont aîné , à Rouen ,
Seine-Inférieure.
RAPPELS DES MEDAILLES d'aRGEKT.
Division des tissas. — MM. Sallandrouze-Lamornaix, à Aubusson ,
Creuse. Rogier (Théodore ) , à Aubusson, Creuse. Reine, à Paris.
Benoist, Mérat et Desfrancs, à Orléans, Loiret. Deloynes , Benoist ,
Hallier, Dnjoncquoi et comp., à Orléans, Loiret. Forster-Slair, à
Paris. Leboucher-Villegaudiu , à Rennes , Ille-et-Vilaine. Joubert,
Bonnaire et Giraud , à Angers, Maine-et-Loire. Vaultrin et comp. , à
Senons, Vosges. Leblanc ( Julien - Tiniothée ), à Lille, Nord. Des-
fresches et fils, à Elbeuf, Seine-Inférieure. Fonsés (Guillaume), à
Carcassonne, Aude. Martin This et comp., à Buhl , Haut-Rhin.
Aynard et fils, à Montluel, Ain. Kose Abraham frères, à Tours, Indre-
et-Loire. Muret de Bort, à Châteauroux , Indre. Badin aîné et Lam-
bert, à Vienne, Isère. Faulquier ( Fulcrand ) , à Lodève, Hérault.
Bacot et comp. , à Paris. Jacquet , Demay et comp. , à Orléans , Loiret.
M,,p Armfield, à Loche et à Château-Renault, lndie-et-Loire. Devillc-
t. xxxvi. — Octobre 1827. 1
iS EXPOSITION PUBLIQUE
in'ini' tt Mathieu , à Lyon, Rhône. Reverchon ( Paul ) et frères, à
I ) on , R balte. Carcassonne frères, à Nîmes, Gard. David Verdier,
à Montpellier, Hérault. L)'Ocagne,à Paris. Mllc Gard Letertre, à
Paris. Bavk' et comp., à Paris. M<»e veuve Legrand-Leiuor et comp.,
à Paris. IfotM Maueeaux, à Paris.
Divisio/i des •nincrattx et des nu-taux. — Cuoq , Couturier et comp.,
à Paris. Aubertot père et fils, à Vierzon , Cher. Thué, à Crozon ,
Indre. Sirodot et comp. , à Bèze , Côte-d'Or. Rivals-Gincla (Auguste),
à Gincla, Aude. Abat père et fils et comp,, à Pamiers, Ariège. Peu-
geot frères, Calamc et Salin , à Hérimoncourt , Donbs. Fouques fils,
à Pont-Saint Ours, Nièvre. Mouret de Barterans et de Velioreille, à
Chenecey, Doubs. Boilvin frères, à Badonvillers, Meurthe. Saint-
Paul, «à Paris. Gaillard, à Paris. Provent, à Paris. Huret , à Paris.
Pradier, à Paris, Dumas et Girard , à Thiers, Puy-de-Dôme. Bost-
Membrun , à Thiers , Puy-de-Dôme.
Division des machines. — Sargeant (Isaac), à Paris. Sennefelder et
comp., à Paris. Laborde et comp., à Paris.
Division des instrumens de précision et des inslriimens de musique. —
Roller et Blanchet, à Paris. Pappe, à Paris. Pfeiffer, à Paris. Nader-
mann, à Paris. Duchemin, à Paris. Jecker, à Paris. Soleil père, à
Paris. Bordier-Marcet , à Paris.
Division de chimie. — Berard et fils, à Montpellier, Hérault. Oger,
à Paris. La Société de lTle-des-Cygnes, à Paris. Estivant-Debraux ,
à Givet , Ardennes. Estivant fils aîné, à Givet, Ardennes. Harel , à
Paris. Lemare, à Paris.
Division des beaux-arts. — Jacob Demalter, à Paris. Werner, à
Paris. Aucoc , à Paris. Ravrio, à Paris. Lebrun, à Paris. Legrand
(Marcelin), à Paris. Thompson, à Paris. Engelmann, à Paris. Motte,
à Paris. Simier, à Paris.
Division des poteries. — De Saint-Cricq, à Creil , Oise. La manu-
facture de glaces de Saint-Guirin , Meurthe.
Division des arts divers. — Beauvisage et comp., à Paris. Caron
Motel, à Beauvais, Oise. Lefèvre-Jaquet aîné, à Beauvais, Oise.
Ziegler-Greuter et comp. , à Guebwiller, Haut-Rhin. Barbet (Henri)
et comp., à Déville-lès-Rouen : Seine-Inférieure. Grégoire, à Paris.
Vauchelet fils et sœur, à Paris. Pelletereau frères , à Châteaurenaud ,
Indre-et-Loire. Walker (John), à Paris. Noirot et Ferret, à Niort ,
Deux-Sèvres. Schmuck, à Paris. Georger, à Strasbourg, Bas-Rhin.
Jacquemart, à Paris.
MÉDAILLES d'aRGENT.
Division des tissus. — MM. Henry aîné, à Soissons, Aisne. Trotry-
Latouche , à Paris. Polino frères , à Paris. Bietry (Laurent), à Mont-
martre, Seine. Veuve Delloye et fils, à Cambray, Nord. Heilmann
frères et comp., à Ribeauvillé, Haut-Rhin. Gombert père et fils, à
Paris. Gombert fils aîné, à Paris. Vincent et Michelez père et fils, à
Paris. Baum Gartner (Daniel) et comp., à Mulhausen, Haut-Rhin.
Schlumberger Steiner et comp. , à Mulhausen , Haut-Rhin. Ziegler
I \ i 8 • i<)
(iiciiti'i n eomp., .1 ('. uiliu illn , Haut- R h h. Lemetft} 01 (Victor), à
Fécaniu , Sciiic-1 nféi ieui e. Cordier cl comp.j à l'.ms. Scbmid et
S.il/ni.iiiii , à Ribeau ville, Haut EUiin. Kaiser (Xavier), A Sainte-
iM.i!i<-.Hix-M iiw.s , Haut-Rhin. Sénéchal et comp., au Grand-Cou-
ronne, Seine-Inférieure. Deblaing Batabel père et eomp., à Douai ,
Nord, l'.ilnc ChibouaJ et comp. f A Paris. Béchet ( Etienne) et comp..
à Sedan, Anlennes. Rautin (Nteolaa) pèra el fils , à Sedan , Ai dennee.
Bertèche Lambqutn et /ils , à Sedan , Ardennea. Brincourl prie «:t /ils,
à Sedan , Ardennea. Janaaen,a Sedan, Ardennea. Clerc neveu, à
Louviere, Eure. Preatat /ils, a Louvierà, Enre. Deafrèchea el Chen-
nevjère, à Lonviera, Eure. Chefdrae et Chauvrecdx, à Elbenf,
Seine- Inférieure. Tourangin frèrea, à Bourgea, Cher. Rogné et
Levard , à Enfernel, Calvados. Guirault-Fournil, à Limoux, Aude.
Eggly Roux et eomp., à I\>ris. Jobei t I.uc.'is et Louis Ternaux , à
Reims, Maine. Veuve Henrtol el fils, à Reims , Marne. Gharbonnaux
Deni/ez , à Reims, Marne. Deboullenois , à Paris. Ganneron fils, à
Paria. Bourgeois, à Rambouillet, Seine-et-Oise. Polonceau, ingénieur
en chef des ponts-et-chaussées , à Versailles , Seine-et-Oise. Mathevon
et Bouvard , à Lyon. Rhône. Didier-Petit , à Lyon , Rhône, urosset ,
Tanaros et Ripert, à Lyon, Rhône. Maille Pierronet comp., à Lyon,
Rhône. Brnnier frères, à Lyon, Rhône. Morfonillet et comp. , à
Lyon, Rhône. Boulet et Rochon, à Lyon, Rhône. Arquillière et
Mourron , à Lyon, Rhône. Kurtz, à Rouen, Seine-Inférieure. Dognin
et comp., à Lyon, Rhône. Lombard jeune et Grégoire aîné, à Nîmes,
Gard. Roux cadet, à Nîmes, Gard. Delbarre, à Paris. Chedeaux et
Comp., à Metz, Moselle. Chenu jeune, à Nancy, Meurthe. Balbàtre,
à Nancy, Meurthe. Vignon, «à Chantilly, Oise. L'hospice de Pontor-
son, Manche. Girard, à Sèvres, Seine-et-Oise. Lainné (Etienne) et
comp., à Paris. Hennequin et comp. , à Paris. Maupetit et comp. ,
à Paris. Hébert ( Frédéric ) et comp. , à Paris. Juillerat et L)e-
solme, à Paris. Griolet (Eugène), à Paris. La Société anonyme de
Marc-en-Barœul , Nord. Dilelot frères, à Paris. Dobler (Henri) et
Ronchaud (Emile), à Tenav, Ain. Lardin frères et comp., à Saint-
Rambert, Ain. Teissier-Dueros , à Vallerongue, Gard. Chartron père
et fils , à Saint-Vallier, Drôme. Dez-Mauiel , à Dôle, Jura. Dupré, à
Lagnieux , Ain.
Division des minéraux et des métaux. Marbre et marbrerie ; autres
minéraux. — Layerle-Capel , à Toulouse, Haute-Garonne. Thomas
Dequesne et de Couchy, à Paris. Gaudy (Théodore), à Brequenecque,
Pas-de-Calais. Boudon ( Félix ) , à Chassai , Jura. Vallin père et fils ,
à Paris.
Métaux. — Martin (Emile) et comp., à Fourchambault , Nièvre.
Gauthier de Claubry et comp., à Bercy, Seine. Hue, à Laigle, Orne.
Schmidt, à Paris. Dessoye et Paintendre, à Breuvannes, Haute-
Marne. Mon gin aîné, à Paris. Colliau (Valentin) et comp., à Toute-
voie, Oise. Mignnrd-Billinge, à Belleville, Seine. Saulnier, à Paris.
Metcalfe(S.D.), à Meulan, Seine-et-Oise. Scrive frères, à Lille, Nord.
Fouquet (Paul) , à Rugles, Eure. Sir-Henry, à Paris. Gavet, à Paris.
Gillet , à Paris. Taillandier-Aimard , à Thicrs, Puy-de-Dôme. Car-
ao EXPOSITION PUBLIQUE
cleilhac, à Paris. Fourmand (Louis-Bertrand), à Nantes, Loire-Infé-
i ieure. De Raffin jeune et comp., à Nevers, Nièvre. Lepage, à Paris.
Henette , à Paris. Pottct-Delcusse, à Paris.
Division des machines. — Debergue et comp., à Paris. Dietz fils, à
Pu ris. Monl farine, à Paris. Pihet frères, à Paris. Révillon (Thomas),
à Màcon, S;iùne-er-Loirc. Rollé (Frédéric) etSchwilgué, à Strasbourg,
Bas-Rhin. Favreau, à Paris. Kermarec, à Brest, Finistère.
Division des instrumens de précision et des instrmnens de musique. —
Dietz (Chi i*tian) , à Paris. Domeny, à Paris. Thibout , à Paris. Wil-
luinie, à Paris. Delabbaye, à Paris. Motel, à Paris. Berthoud , à
Paris, Deshays » à Paris. Garnier, à Paris. Laresche, à Paris. Wagner
à Paris. Vincent Chevallier et fils, à Paris. Domeî-de-Mont à Dole,
Juin.
Division de chimie. — La Société des mines de Bouxwillers, Bas-
Rhin. Payen, à Paris. Moutou-la-Billardière , à Rouen , Seine-Infé-
rieure. Lelebvre et comp. , à Wazemmes , Nord. Dihl , à Paris. Gense,
et Lajonkaire, au Petit-Mont-Rouge, Seine. Bonnemain, à Paris.
Ledru, à Franvilliers, Somme. Jullien, à Paris. Souchon, à Lyon,
Rhône. Bourget , à Lyon , Rhône.
Division des beaux-arts. — Bellangé, à Paris. Christofle, à Paris.
Romagnési, à Paris. Vallet et Hubeit, à Paris. Feuchère et Fossey,
à Paris. Choiselat Gallien , à Paris. PilLioud , à Paris. Parquin, à
Paris. Pinard , à Paris. Mortelèque, à Paris. Crapelet, à Paris.
Division des poteries. — Bontems,à Choisy-le-Roi , Seine. Douault
Wieland, à Paris.
Division des arts divers. — Caron Langlois fils, à Beauvais, Oise.
Thierry-Mieg, à Mulhausen, Haut-Rhin. Bertbe et Grevenicb , à
Sorel , Eure-et-Loir. Clavaud (Jean-Nicolas) et Georgeon , au moulin
de Bourrisson , Charente.
RAPPELS DE MEDAILLES d'oR.
Division des tissus. — MM. Hindenlang fils aîné , à Paris. Pelletier
(Henri) , à Saint-Quentin , Aisne. Mme veuve Defrenne et fils , à
Roubaix , Nord. Chatoney, Leutner et comp. , à Tarare , Rhône.
Matagrin père et fils , à Tarare , Rhône. Ribouleau et Jourdain (Fré-
déric), à Louviers , Eure. Bacot père et fils, à Sedan, Ardennes
Gerdret l'aîné, à Louviers, Eure. Chayaux frères , à Sedan , Ar-
dennes. Poupart de Neuflize et fils, à Sedan, Ardennes. Cunin-
Gridaine et Bernard (JeanBapt.) , à Sedan, Ardennes. Guibal(Anne-
Veaute) , à Castres , Tarn. Aube frères et comp. , à Beaumont-le-
Pioger, Enre. Quesné (Mathieu) , à Elbenf , Seine-Inférieure. Doyen
oncle et neveu , à Foulonval , Eure-et-Loir. Perrault de Joteinps ,
Mon ta nier et comp., propriétaires du troupeau de Naz , arrond. de
Gex, Ain. Le comte de Polignac, à Outrelaise , près Caen , Cal-
vados. Guérin Philippon , à Lyon , Rhône. Chuard et Delore , à
Lyon. Rhône. Ajac et comp. , à Lyon , Rhône. Séguin et Yéménite ,
à Lyon , Rhône. Saint-Olive fils , à Lyon , Rhône. Moreau frères , à
Chantilly, Oise. Bosquillon , à Paris. Poidebard, à Lyon , Rhône.
I.\ 18*7. si
Hocheblavc cl coinn , à Allais, Gard. Pillet alaé' »'i fiti , ■> Toan ,
lll'll (Wt-I.OII 1 .
Division U0S iiiinéinii.i et </cs tnrtiii.r. — Rréant , ;'i Paris. Iiislii
frères et Dixon,à Cerna} , Haut Rhin. Garrigou , Mattenel et conip.,
.1 Touloute , Haute-Garonne. Uni lie ûla , '1 Foix , Ariège. Saint-Bru ,
à Amboiie , 1 ikIi c-ct-I .on c Monmouceau père et fils et comp., à
Orléans, Loiret. Leclerc et Deqnenue , à Ra veau , Nièvre. Mouche!
fils, à Laigte , Orne. Roswag (Augustin), à Schlestadl , Bas-Rhin.
Frichot , à Paria. J«»py frères, à Beaucourt , Haut-Rhin.
Division des mac/tines. — P()Upart (Abraham), à Sedan , Ardennes.
Division des instrumens de précision et des instrument de musique. —
Lerebours , à Paris. Cauchoix , à Paris.
Division des beaux-arts. — Thomire et comp. , ù Paris. Galle , à
Paris. Cahier, à Paris. Odiot fils , à Paris. Fabre , a Paris. Henri
Didot, à Paris. Fauconnier, à Paris.
Division des poteries. — Ulzschneïder, à Sarguemines , Moselle.
Nast frères , à Paris. La manufacture royale des glaces de Saint-
Gobin , Aisne. Godarl, à Baccarat, Meurthe. Cbagot et comp., à
Paris.
Division des arts divers. — Haussmann frères , à Logelbacb , Haut-
Rhin. Hofer(Jean) et comp., à Mulhausen , Haut-Rhin. Fauler
père et fils, à Choisy-le-Roi , Seine. Home fils , à Hallines , Pas-de-
Calais.
MÉDAILLES I)'OK.
Division des tissus. — MM. Dollé (Alexandre) , à Saint-Quentin ,
Aisne. Schlumberger ( Nicolas ) , à Guebwiller, Haut-Rhin. Arnaud
et Fournier, à Paris. Clérembault et Lecoq Guibé , à Alencon , Orne.
Mercier père et fils, à Alencon , Orne. Gréau aîné , à Troyes , Aube.
Lelong oncle et neveu , à Rouen , Seine-Inférieuie. Ternaux et fils ,
à Sedan, Ardennes. Flaviguy (Louis-Robert) et fils, à Elbeuf,
Seine-Inférieure. Turgis (Pierre) , à Elbeuf, Seine-Inférieure. Fages
(Jean-Louis) , à Carcassonne, Aude. Henriot frères, sœur et comp. ,
a Reims, Marne. Le vicomte de Jessaint , préfet de la Marne , à Beau-
lieu , Marne. Mme la comtesse du Cayla , à Saint-Ouen. Maisiat
(Etienne) , professeur de fabrique à l'Ecole spéciale de commerce de
Lyon , Rhône. Ollat et Devernay, à Lyon , Rhône. Corderier et
Lemire , à Lyon , Rhône. Sa bran père et fils et comp., à Lyon ,
Rhône. Bahne , Dautencourl , Garnier et comp., à Lyon , Rhône.
Roux Carbonnel, à Nîmes , Gard. M'»e Carpentier, à Bayeux , Cal-
vados. Deneyrouse et Gossen , à Paris.
Division des minéraux et des métaux. Marbre cl marbrerie , autres mi-
néraux. — Pugeus et comp. , à Toulouse , Haute-Garonne.
HJétaux. — Debladis , Auriacombe , Guérin jeune et Bronzac , à
Impby, Nièvre. Frèrejean (Georges) et fils, à Pont-l'Évèque , Isère.
Manby et Wilson , à Carrières -sous-Charenton , Seine. Boigues et
fils, à Fourcbambault , Nièvre. Musseau , à Paris. Debuver, oncle
et neveu , à La Cbaudeau, Haute-Saône. Le baron Falatieu (Joseph),
à Fontenay-le-Chàteau , Vosges. Laverrière et Gentelet , à Lyon ,
Rhône. Coulaux aîné et comp. , à Molsbeim , Bas-Rbin.
22 EXPOSITION PUBLIQUE EN 1827.
Division des machines. — Calla , à Paris. Collier (John) , à Paris.
Division des instrumens de précision et des instrumens de musique. —
l 'T.u d , à Paris. Pleycl , à Paris. Breguet , à Paris. Perrelet , à Paris.
Pons, à Suint-Nicolas-d'Haliermont, Seine -Inférieure. Gambey, à
Paris.
Division de chimie. — Vicat et comp. , à Paris. Crespel Dellisse,
à An.i<, Pas-de-Calais. Appert , à Paris. Derosnes (Charles) , à Paris.
Division des beaux-arts. — Déni ère , à Paris. Firmin Didot père et
fils , à Paris.
Division des arts divers. — Léger Didot , à Jendheure , Meuse. Javal
frères et comp. , à Saint-Denis, Seine.
Par ordonnance en date du 3 octobre , S. M. a nommé chevaliers de
la Légion-d'Honneur les fabiicans dontles noms suivent : MM. Chayaux
(Pierre) , manufacturier de draps à Sedan ; Aubertot père , maître de
forges à Vierzon (Cher); Roux-Carbonnel , manufacturier d'étoffes
de soie, à Nîmes; Roze Cartier (Ilaimond), manufacturier de tapis
et de draps, à Tours; Poyedebard, filateur de soie, à Lyon;Gambey,
fabricant d'instrumens de mathématiques , à Paris; Turgis (Pierre),
manufacturier de draps, à Elbœuf ; Guibal (David), manufacturier de
draps , à Castres ; De Saint Cricq-Cazeaux (Edouard) , manufacturier
de favence , à Creil; Bellangé (Pierre-Louis), conseiller du Roi au
conseil les manufactures; Denière , fabricant de bronzes, à Paris ;
Cauthion (Jacques), directeur des travaux de la manufacture des
glaces , à Paris.
Des Sagas, ou de l'ancienne littérature du nord.
Les pays dû nord de l'Europe possèdent des sources histo-
riques abondantes qui intéressent non -seulement ces pays
mêmes, mais encore les autres régions de cette partie du
monde (et aussi l'Amérique), par suite des relations qui ont
successivement existé entre la Scandinavie et le reste de l'u-
nivers.
Les savans du Danemark et de la Suède et tous les ama-
teurs éclairés de la science historique, ont contemplé avec
satisfaction ces mines fécondes qui ne demandent qu'à être
exploitées pour produire de véritables richesses. Mais, par une
réflexion un peu tardive, on a senti que, pour ne rien perdre,
il faut veiller avec soin sur des biens si dignes d'être conservés;
car rien ne demeure stationnaire : avancer ou rétrograder est
l'alternative à laquelle tout ce qui existe est soumis.
DES SAGA/S, OU DE L'ANC. LITTÉRAT. DU NORD. kS
Plusieurs sav.uis avaient tiré de grandi avantagea de I an-
cienne littérature du Nord; ils avaient été soutenus dans leurs
i i;iv;ui\ par II protection des monarques danois, dont la muni li-
aedeeen faveur des sciences et dealctti ei né s'est jamais démentie.
Mais il était réservé à noire époque de voir accorder an intérêt
général à ses trésors littéraires quelquefois négliges, et de voir
prendre et appliquer îles mesures efficaces pour les conser\<i ,
les mettre dans un meilleur ordre et en faire jaillir de vives
lumières.
Nous avons cru qu'un rapide aperçu de l'ancienne littérature
dont il s'agit, de son histoire et des moyens adoptés pour la
rendre plus généralement utile, méritait de fixer l'attention de
nos lecteurs.
Pour apprécier toute la valeur de ces documens, même hors
de la Scandinavie, il faut se rappeler que les nations du Nord,
par leurs excursions fréquentes, et surtout par leurs grandes
migrations, ont exercé une influence notable sur les institu-
tions, les mœurs et les relations sociales des peuples méridio-
naux. La littérature dont nous allons nous occuper renferme
donc, indépendamment de ce qui intéresse le Nord , quelques
renseignemens précieux sur l'histoire des autres peuples.
Vers la fin du ixe siècle, les royaumes de Danemark, de
Norvège et de Suède se formèrent presque en même tems d'un
grand nombre de petits royaumes. Beaucoup de petits rois ou
seigneurs, ne pouvant supporter la suprématie ni la domina-
tion d'un souverain , et ne voulant pas subir l'humiliation d'une
situation inférieure et subordonnée, quittèrent leur patrie pour
chercher des pays où il leur fût permis de vivre indépendans.
Ce fut surtout de la Norvège, où, dans un assez court espace
de tems, le roi HARAxn Haarfager (Harald aux beaux che-
veux) se rendit maître absolu, qu'émigrèrent un grand
nombre de familles, distinguées par leur puissance et par une
civilisation relative assez avancée. La plupart de ces émigrans
allèrent s'établir dans l'île d'Islande. Là, chaque seigneur, ou
plutôt chaque paysan, fut le maître sur son territoire, et put
gouverner, en chef indépendant, sa famille et ses domestiques.
2't J)KS SAGA'S,
Cette confédération républicaine aristocratique dura pen-
dant quatre siècles.
Même avant cette époque de l'émigration, les traditions
étaient en grand nombre et assez généralement répandues. Les
nouveaux habitans de l'Islande y naturalisèrent les chants his-
toriques qui forment la première Edda (i), ouvrage d'une
très-haute antiquité, et une grande quantité d'autres tradi-
tions, soit mythes, soit relations historiques. Ils avaient avec
eux les poèmes de Braga , de Stœrkodd et de plusieurs autres
poètes célèbres dans des écrits postérieurs : malheureusement,
il ne nous reste que peu de fragmens de ces ouvrages.
La liberté entière dont on jouissait en Islande, l'isolement de
cette île, éloignée des pays théâtre ordinaire des guerres que
ces tems de discorde voyaient renaître sans cesse, beaucoup de
loisirs , la longueur des soirées pendant des hivers de huit
mois : toutes ces circonstances contribuaient à conserver dans
l'île le goût de la poésie, de l'histoire et de la littérature en
général, germes féconds, apportés par les réfugiés. On était
forcé d'aller en Norvège et en Danemark, pour se procurer
plusieurs objets nécessaires que l'île ne produit pas ; on na-
vigua pour des entreprises de commerce ; d'un autre coté, les
jeunes gens voyagèrent par curiosité ; ils firent des relations de
ce qu'ils avaient vu et appris. Tous leurs compatriotes se
plurent à les entendre; l'amour-propre national excita, dé-
veloppa le génie, et les poètes d'Islande furent illustres pen-
dant plusieurs siècles. Les langues du Nord différaient alors
très-peu les unes des autres : un poète islandais parcourait les
trois royaumes de la Scandinavie, et tous les pays qui bordent
la mer Baltique; il allait même en Hollande, en Angleterre, en
(i) L'un de nos collaborateurs , qui jouit d'une réputation euro-
péenne bien méritée , avait témoigné le désir de faire connaître Y Edda,
dans la Revue Encyclopédique , et nous nous sommes empressés de lui
procurer ce recueil. Nous espérons qu'il pourra bientôt en présenter
à nos lecteurs une rapide Analyse, qui sera comme le complément
de la Notice que nous leur offrons aujourd'hui. N do R.
OU DE L'ANCIENNE UTïï.KATI RE DU NORD, rf
Ecosse: partout il «tait compris, accueilli, récompensé; ei il
rapportait encore, de ces différentes contrées, des traditions
et des récits qui fournissaient les sujets de nouveaux ouvrages.
La propagation du christianisme établit des rapports et des
communications d'un autre ordre; les poètes islandais durent
prendre connaissance des littératures étrangères : ces conjonc-
tures inattendues les rendirent auteurs historiques; et. ainsi
naquirent les saga'S. Le mot saga (ce qui est dit) est d'une
signification très-étendue. Ce nom est donné à des relations
historiques, à des fictions écrites, à tout produit de l'ancienne
littérature dont nous parlons; on ajoute à cette désignation
presque générale le nom du personnage le plus remarquable
parmi ceux dont l'écrit présente l'histoire véritable ou embellie
de fictions. Non-seulement on écrivit dans les saga's les annales
du tems présent, mais on y inséra les principales traditions
relatives à des tems antérieurs .et même à la plus haute antiquité
et aux mythes de la religion abandonnée. C'est dans ces écrits
que de nos jours les savans historiographes, MM. de Suhm et
ScuÔnning, ont puisé leurs meilleurs matériaux pour leurs his-
toires anciennes du Danemark et de la Norvège.
Ces saga's , productions favorites du génie islandais, devin-
rent bientôt un trésor national, On en faisait des lectures dans
toutes les réunions, dans toutes les familles; ce fut pendant
dix siècles, et c'est encore aujourd'hui le passe-tems le plus
agréable. Nous devons à cette constance la conservation de ces
ouvrages qui se trouvent encore en plus grand nombre que les
livres historiques de la Grèce et de Rome. En fait d'antiquité ,
aucune nation ne possède une bibliothèque aussi considérable
que celle des Islandais; chez ce peuple, il n'est guère de famille
qui n'ait une collection de saga's : plusieurs en ont jusqu'à
trois ou quatre cents.
Un fait surprenant, mais prouvé, et que l'on peut vérifier
facilement, c'est que la langue primitive de tous les pays du
Nord, et que l'on n'y comprend plus à présent, s'est parfaite-
ment conservée en Islande, où chaque paysan parle encore le
langage des saga's, et où ceux dont l'esprit est plus cultivé
a6 DE SAGA'S,
expliquent aisément des poésies antiques qui embarrassent
beaucoup nos savans.
On peut classer les saga's ainsi qu'il suit, savoir :
ire di\ ision. — Saga s historiques , qui traitent des événemens
des 'eins historiques.
ire section. — Histoire de l'Islande et des autres îles de la
mer du Nord. ,
2e section. — Histoire des peuples de la Scandinavie.
ne division. — Saga's romantiques et mythologiques, qui
contiennent des traditions concernant les siècles antérieurs à
l'ère historique. Des événemens véritables forment sans doute
la base de ces ouvrages; mais le long espace de tems écoulé
entre les faits et les narrations ne permet pas de les admettre,
sans une grande circonspection et une critique sévère, comme
monumens authentiques.
111e division. — Saga's sur l'histoire grecque et sur l'histoire
romaine. — Ce sont, pour la plupart, de simples traductions.
ive division. '—Saga's de chevalerie. — Ces ouvrages sont,
en grande partie, tirés ou imités des auteurs français, anglais
ou allemands; la plupart ont été faits par ordre du roi norvé-
gien Hakon Hakonson.
Un très-grand nombre de saga's ont été composés par des
moines ; une autre partie est due à des savans islandais. Nous
ignorons actuellement les noms de presque tous ces auteurs.
Les saga's ont été écrites sur des peaux de veau très-peu
préparées; le tems et le grand usage qu'on a fait de ces écrits
les ont rendus extrêmement difficiles à lire; c'est seulement
depuis le xvie siècle qu'on a substitué le papier à la peau de
veau.
Beaucoup d'écrits originaux ont été perdus. Des copies, et
des copies de copies se sont succédées; ainsi plusieurs textes
ont été de plus en plus altérés.
Au commencement du siècle dernier, le savant antiquaire
islandais Ame Maonusson, voyant ces pertes avec un profond
regret, et animé du plus vif désir de sauver ces ouvrages pré-
cieux, sacrifia son tems et une grande partie de sa fortune pour
<>l DK i:\NCll.\M. LITTÉRATURE \)V NORD. 17
voyager dans toutes lc> parties <lr I Islande, afin (!:• réunir
le plus (le s;ig;i's originales qu'il lui fût possible. Il mourut
BU 17^0, léguant a l'Étal «cite collection, ainsi qu'un petit
capital applicable aux dépenses nécessaires pour la publier.
Cet ensemble, composa de 1 55/# manuscrits, prou\c te que
lient faire un seul homme rempli d'amour et de /«le pour les
sciences.
Mais à cette époque on ne prenait pas généralement un
grand intérêt à ce qui regarde l'antiquité, et l'on ne lit presque
rien pour seconder et accomplir les vœux du fondateur. Ce ne
fut qu'en 1772 que , pour publier les principaux ouvrages de la
collection, le gouvernement danois institua une commission
dite : Ainœ-Magna t nue.
Cette commission commença son travail, qui n'a pas donné
un prompt résultat ; de nos jours enfin, on a vu paraître plu-
sieurs ouvrages publiés par elle. Ces ouvrages portent l'em-
preinte de l'érudition et de tous les soins que l'on pouvait
attendre d'une réunion de savans , tels que Thorlaclus , Ver-
laux y Magnusson , Mullcr; mais leur zèle était nécessairement
entravé par d'autres occupations et par la médiocrité des
moyens matériels dont ils pouvaient disposer; dans cet état
de choses, on ne devait espérer que de loin en loin un seul
volume de ces écrits , si ardemment désirés de tous les amateurs
des monumens historiques.
Il en est de même de la publication de l'ouvrage fameux de
Snorro Sturleson. La publication de cet ancien chef-d'œuvre
historique fut commencée par ordre du roi, en 1768. On n'en
a vu paraître que depuis peu le sixième volume (in-fol., dans
les trois langues, islandaise, danoise et latine), quoique la
munificence de Christian VII et de Frédéric VI ait fourni tout
ce qui était nécessaire pour indemniser les savans éditeurs, et
pour payer les frais de la publication.
En 1824, le savant professeur Dr Rafn, voulant contribuer
à l'accomplissement du vœu, devenu presque général , de voir
les saga's publiées, s'associa aux Islandais Dr Btynjulfsnn >
Egiison el Gudmundsnn. On annonça le plan de travail adopté
•2$ DES SAGA/S,
par ces messieurs, et l'on invita les gens de lettres et les ama-
teurs de l'histoire ancienne à seconder leurs efforts. Cet appel
fut entendu: il s'adressait à toutes les personnes qui aimaient
l'antiquité, et qui voulaient connaître dans ses sources l'histoire
de la patrie. Peu de mois après , le jour anniversaire de la nais-
sance du roi, zélé protecteur de tout ce qui présente un but
utile , on fonda la Société des anciens manuscrits du Nord
( Nordiskc Oldskrift sehkab).
Cette société se propose de s'assurer, par un examen critique
très-sévère, du véritable texte original des saga's; de le con-
server sans altération, et d'en répandre la connaissance : elle
s'occupe, d'ailleurs, de tout ce qui peut fournir des lumières
sur l'histoire ancienne du Nord , sur la langue et les antiquités
de ces pays ; et par ces moyens , elle veut exciter de plus en
plus l'amour de la patrie dans tous les cœurs.
Il s'est à peine écoulé trois ans depuis l'établissement de
cette société , et déjà elle a pris un caractère qui inspire une
entière confiance : ses travaux marchent avec activité. Elle se
compose actuellement de cent quarante-cinq membres , auxquels
sont associés trente-sept étrangers et quarante-cinq correspon-
dais. Le président est le professeur Rask; le vice-président, le
chevalier d'ÀBRAHAMSON , aide-de-camp du roi; le secrétaire,
le professeur Rafn. Ce savant, et MM. Egilson et Gudmundson
forment le comité spécialement chargé de la rédaction et de la
publication. Ce comité a perdu M. le Dr Brynjulfson , que la
mort lui a enlevé tout récemment.
Pour s'assurer du vrai texte original , on se sert de la collec-
tion d'Ame Magnusson , mentionné ci-dessus, et des collec-
tions qui se trouvent dans les grandes bibliothèques de Copen-
hague ; on a aussi recours à la bibliothèque de Stockholm ; enfin ,
on fait venir des manuscrits de l'Islande même. Il y a trois séries
de publications, savoir : une série en langue islandaise , inti-
tulée : Fornmanna Sogur; une en langue danoise : Oednordiske
Sagaer ; et une troisième, en langue latine : Scripta historica
Islandorum de rébus gestis veterum borealium latine reddita et
apparatu critico instructa, curante societatc antiquariorum sep-
OIT DEL'ANCIENNE LITTÉRATURE DU NORD, ij
tentrionali. Les deux dernières sont des traductions de la pre-
mière*
On doit faire paraître chaque année nu volume (de 'a5 à
3o feuilles d'impression ) de chacune des trois séries. La Société
n'est en activité que depuis trois ans, et déjà elle a publié trois
Volumes de la première, et trois de la seconde. Quanta la troi-
sième série, le prenne!' volume a paru; le second est sous
presse , et le troisième est presque terminé. — Chaque volume
est tiré à -2,000 exemplaires.
Pour répandre la connaissance de cette collection , la Société
veille à ce que les volumes de la série danoise soient vendus à
un prix inférieur à la valeur des impressions ordinaires : la
série islandaise est réduite au quart de ce prix.
Les trois premiers volumes ( ou les neuf, si l'on veut) con-
tiennent la saga du roi norvégien Olaf Trygveson , et plu-
sieurs petites saga's, concernant des personnages qui ont vécu
dans le même tems.
La saga d'Olaf Trygveson est une des plus précieuses. Ce
prince éprouva les plus bizarres vicissitudes; sa vie et son
règne présentent une continuité d'événemens surprenans , qui
sont racontés dans un style pittoresque et animé. Cet écrit est
l'une des meilleures sources que l'on puisse consulter pour ce
qui a rapport à l'établissement de la religion chrétienne, et à
la lutte que cette religion eut à soutenir contre celle d'Odin et
Thor; il présente des documens curieux sur l'Angleterre, l'Al-
lemagne et la Russie , pays que le roi avoit habités et parcourus,
lorsqu'il avoit été obligé de vivre hors de sa patrie. Cette
saga a donc toujours été une de celles que les Islandais ont le
plus chéries ; elle a également fixé l'attention des savans étran-
gers.
On voit que la Société a commencé par la publication des
ouvrages de la 2e section de la indivision, suivant le classe-
ment qu'on a indiqué. Elle fera suivie cette collection jusqu'à
la fin, et s'occupera ensuite de la ire section de la même divi-
sion. X.
i? NOTICE
NOTICE SUR UGO FOSCOLO.
La littérature italienne vient de perdre un de ses principaux
ornemens. M.. Ugo Foscolo est mort à Londres, le n sep-
tembre dernier, d'une hydropisie qui le tourmentait depuis
près de deux ans, et que paraissent avoir augmentée sa manière
de vivre et ses travaux littéraires. Foscolo était né à Zante ,
vers l'année 1773. Doué d'une imagination ardente et d'un
esprit indépendant, il ne put se contenter de la sphère étroite
et obscure de sa patrie et des îles Ioniennes dont elle dépend.
Impatient d'étendre ses connaissances, il se rendit à Venise.
Après avoir quelque tems erré, sans dessein et sans but., sur
les bords de l'Adriatique et dans quelques villes d'Italie, il
s'arrêta à Padoue et suivit un cours de Cesarotti. Ce professeur
célèbre avait le talent de communiquer à ses élèves une véri-
table passion pour une littérature, à la fois fondée sur le goût
des anciens, affranchie de préjugés et d'entraves, et propre à
satisfaire aux besoins des modernes. Le jeune Foscolo profita
de ses leçons; et, devenu admirateur enthousiaste des écrivains
classiques , grecs, latins et italiens, il se lança dans la carrière.
En 179,5, la plupart des jeunes Italiens, d'après les conseils
de Genovesi, de Filangieri , de Parmi , de Ferré, etc., affligés
de l'état d'avilissement oïl l'Italie était depuis si long- tems
plongée, conçurent, sous les auspices des Français, l'espé-
rance de s'élever à de plus nobles destinées. Ugo Foscolo fut
de ce nombre. Ii se fit d'abord remarquer par quelques discours
improvisés que les circonstances lui inspirèrent; et sa muse,
qui avait commencé à chanter l'amour, consacra ses vers à la
liberté. Depuis cette époque, ces deux passions s'allièrent
tellement dans son imagination , qu'elles formèrent le trait
dominant de son caractère jusqu'à la fin de ses jours. Une
troisième passion, l'amour de la gloire, fut si vive en lui, qu'il
chercha et saisit avec avidité toutes les occasions de briller ;
ce fut pour y parvenir qu'il se montra tour à tour poète,
orateur, professeur, et qu'il affecta quelquefois le ton du plus
sévère stoïcisme, après avoir sacrifié au plaisir et à la mode,
SI R l CO FOSCOLO. 3i
» l avoir vécu ni véritable épicurien. IMais , dans ces situations
diverses, il sut toujours se Faire distinguer par son esprit et par
l'originalité de ses idées, Qnelques personnes, peu bienreît-
lanics pour lui, ont attribué à cette extrême mobilité I absence
dé caractère littéraire que l'on reproche à ses diverses pro-
dueiions : plus justes ou plus indulgens, nous préférons l'attri-
l)iier aux élans d'une brillante Imagination, et nous nous bor-
nerons à faire reniai quel' eetle chaleur do sentiment et de style
qui anime sa prose et ses vers, et qui lui assigne un rang
distingué, parmi les littérateurs dont s'honore l'Italie.
Foscolo avait débuté à Venise, comme auteur dramatique.
bar sa tragédie de Thyeste. Elle reçut de grands éloges des
comédiens italiens qui , à dire vrai, ne sont pas des juges très-
compéfens en ce genre. Mais il eut le mérite de se déclarer
admirateur des Grecs , et d'imiter Alfieri , dans un tems où la
plupart des littérateurs italiens dépréciaient encore la manière
et le stvle de ce poète. Foscolo montra un jugement plus sûr
(pic ses panégyristes enthousiastes : il reconnut lui-même les
imperfections de sa tragédie; et, sans rejeter le système qu'il
avait adopté, il se proposa de tirer un parti plus convenable
de ses études, dans ses autres ouvrages.
L'impression que fit sur lui la lecture de Werther, lui ins-
pira l'idée d'écrire les Lettres, aujourd'hui si connues, de
Jacopo Ortis. Il s'est peint, sous ce nom, tel qu'il était, ou tel
qu'il voulait s'offrir, dans la position d'un amant désespéré.
Bien qu'on reconnaisse, dans le fond du sujet, une imitation
peut-être servile de Gœthe, les traits de feu par lesquels il
caractérise son héros, et plus encore ses allusions aux événe-
mens dont sa patrie était le théâtre, et les souvenirs et les
opinions de quelques-uns de ses contemporains, dignes de
•\ ivre dans la postérité , font lire son roman avec un vif intérêt.
Ce genre de littérature était peu goûté chez les Italiens. Ugo
Foscolo a été l'un des premiers qui aient songé à l'introduire.
Les littérateurs routiniers voulurent en vain décrier cet ouvrage,
qui fit bientôt les délices de toutes les classes de la société, et
particulièrement des femmes. Ainsi, Foscolo a contribué à
3a NOTICE
répandre les sentimens les plus patriotiques , en les accompa-
gnant des images les plus attrayantes. La plus remarquée de
ses productions fut le Discours qu'il prononça au congrès de
Lyon, en 1801. Soit qu'il fût frappé de l'importance de l'évé-
nement qui donnait lieu à cette solennité, soit qu'il éprouvât le
besoin de satisfaire sa passion dominante, le jeune orateur
déploya une éloquence dont on n'avait pas d'exemple depuis
long-tems. Elle parut aux Italiens aussi extraordinaire que
l'était chez eux la fondation d'une république, aux louanges de
laquelle ce discours était consacré. Enflammé d'ardeur, comme
tant d'autres, à l'aspect de cette république naissante, Foscolo
choisit le rôle de Phocion; et traçant un tableau admirable
des événcmens qui avaient précédé , des vues qui s'y ratta-
chaient et qui en avaient changé la direction , et dont l'influence
le faisait désespérer du salut de sa patrie, il osa proposer les
seuls remèdes qui, suivant lui, pouvaient assurer sa prospérité.
11 n'épargna pas même Bonaparte, qui feignit, ainsi que se3
courtisans, d'applaudir à la hardiesse de cet élan patriotique.
Déjà célèbre comme poète, comme romancier et comme
orateur, Foscolo voulut acquérir encore la réputation d'érudit.
Il traduisit en italien le petit poëme de Callimaquc , sur la che-
velure de Bérénice , que Catulle avait mis en latin. Il y ajouta
un long commentaire; et il plaisantait avec ses amis de ses
citations nombreuses d'auteurs anciens et modernes qu'il n'avait
pas eu le tems de lire ni de consulter. On blâma cette mystifi-
cation, qui ne trompa personne, et qui n'eût pas été honorable
pour lui , s'il eût prétendu se faire un titre véritable d'un
savoir qui n'était pas le sien.
TSTommé professeur de belles-lettres à l'Université de Pavie,
il succéda au célèbre Monte dont il s'était déclaré l'apologiste
et l'ami, à l'époque où l'on poursuivait l'auteur de Basvllle. Il
débuta par un Discours sur l'origine et les règles fondamentales
de la littérature. Il s'empara des théories de Locke et de Condil-
lac, et traita des sciences littéraires, en philosophe. Le sujet ne
comportait pas le genre d'éloquence dont il avait donné des
preuves aux comices de Lyon.
S! R UGO FOSCOLO.
Les "Muscs continuaient à l'inspirer; et dans ses loisirs, il
chantait ses amours ou les malheurs de sa pairie. Il entreprit
alors un ouvrage plus important , une traduction de V Iliade
en fers sciolti. M. Etfouti s'occupait en même tems d'un sem-
blable travail : Poscoio , qui était l'ami de ce poète , voulut se
montrerson émnle. Ils publièrent ensemble leur preimerehant,
comme un essai de leurs foi ces. Le public applaudi t aux deux
athlètes; on admira, dans l'un, cette noblesse de style cf cette
harmonie de rhythme, qui sont propres à l'épopée; on distin-
gua, dans l'autre, une force et une concision qui le rappro-
chaient peut-être plus de son modèle.
Au milieu rie sa carrière littéraire, Foscolo nourrissait la
pensée de suivie celle des armes. Il s'attacha , pendant quelque
teins , au général 7'/w////cr, dont il partageait les sentimens pa-
triotiques, et il se rendit à Calais, en i.SoS, pour prendre part
à l'expédition que Bonaparte préparait contre l'Angleterre. La
tète remplie d'idées militaires, il revint en Italie, et publia à
Milan, en 1808, la belle édition des ouvrages classiques du
prince Raimond Montecucalli , remarquable par les corrections
qu'il y lit, et par les considérations importantes sur l'adminis-
tration militaire dont il l'enrichit. On trouva surprenant que
l'orateur des comices de Lyon eût dédié son ouvrage au géné-
ral Caffarclli, alors ministre de la guerre dans le royaume d'I-
talie. M. Grassi a donné, depuis, en 1821, à Turin, une nou-
velle édition plus complète et plus soignée des œuvres de Mon-
tecuculli.
Foscolo travailla encore pour le théâtre , et fit jouer à Milan
sa nouvelle tragédie d' ' Ajax. Il s'était brouillé avec Monti : des
écrivains qu'il n'avait pas ménagés saisirent une occasion de se
venger. Us ne se contentèrent pas de dire que les caractères de
cette tragédie, Jgamemnon , Ajax , Calchas , etc. étaient tous
calqués sur le même modèle, et que ce modèle était Foscolo
lui-même; ils allèrent jusqu'à dénoncer ses opinions, comme
directement hostiles contre le gouvernement. Us signalèrent ,
avec une servilité scandaleuse , quelques traits qui faisaient al-
lusion à Bonaparte , au pape et à d'autres personnages éminens.
t. xxxvi. — Octobre 1827. 3
34 NOTICE
Ce qui faisait le mérite de la pièce causa la disgrâce de l'au-
teur, qui chercha un refuge dans la patrie du Dante et de
Machiavel. Il m1 Lança, une troisième fois, dans la carrière tra-
fique, et donna sa Ricciarda , qu'on représenta sur quelques
théâtres d'Italie, et qu'on a imprimée à Londres. Il prit ce sujet
dans l'histoire des Lombards, et resta fidèle au système qu'il
avait adopté ; son style et quelques scènes ne manquent pas de
chaleur; mais la conduite et l'ensemble sont évidemment dé-
fectueux.
Foscolo redevint militaire, à l'époque du mouvement éphé-
mère que produisirent à Milan la chute de Napoléon et les
principes proclamés par la Sainte-Alliance. Le royaume d'Italie
osa se flatter , un moment, de l'espoir que son indépendance
serait reconnue et garantie. Foscoio, devenu l'un des aides-de-
camp du général Pino , harangua la garde nationale de Milan ;
ses opinions et ses espérances, hautement manifestées, com-
promirent sa sûreté , et il fut obligé de quitter sa patrie et d'al-
ler s'établir en Angleterre; c'est à Londres qu'il a passé les
dernières années de sa vie.
Il avait déjà traduit en italien le Foyage sentimental de Sterne,
qu'il publia, sous le nom de Didimo Chinexico. Cette belle tra-
duction fit connaître plus généralement l'ouvrage de Sterne aux
Italiens, et inspira aux littérateurs anglais des sentimens de
reconnaissance et d'affection pour l'illustre exilé, qui fut dé-
sormais plus honoré sur les bords de la Tamise , qu'il ne l'a-
vait été dans son propre pays. Son talent encouragé brilla d'un
plus vif éclat. Il mit au jour plusieurs productions nouvelles ,
et donna un certain nombre d'articles remarquables aux jour-
naux d'Angleterre où il s'éleva spécialement contre cet esprit
de servilité et de superstition qui domine dans les feuilles pu-
bliques de l'Italie; il fit aussi quelques cours de littérature ita-
lienne, que la pureté oV^on goulet les théories les plus saines
firent suivre par beaucoup d'hommes distingués. Il condam-
nait également la stérile impuissance des imitateurs ser viles et
la licence audacieuse des novateurs. Lui-même, en imitant les
grands modèles classiques, a su intéresser ses contemporains
SI B : GO ! OSCOLOL
par la profondeur <!<• ses pensées et par la vérité <!<• sei sentv
meos. Parmi les écrits qu'il .1 publias a Londres , ei qui sont
dignes d'être remarqués, on compte les Essais sur Pétrarque ,
où il cherche à relever cette délicatesse de sentiment et de style
que des barbares seuls refusent dapt écier ; une savante In
traduction aux Nouvelles de Boccacc , dont il montre l'esprit et.
le mérite, et un travail encore plus important sur la Divine
Comédie du Dante, dont il n'a publié que le premier volume.
C'est dans ee nouveau commentaire qu'il a entrepris de pré-
senter le Dante, plutôt comme apôtre d'une religion nouvelle
ou réformée, que comme poëte. Nous n'osons décider si l'in-
tention de l'auteur était de se moquer de ses lecteurs, ou de la
folie des commentateurs. Quelle qu'ait été sa véritable opi-
nion, il a répandu dans son ouvrage assez de lumières et l'a
semé de traits assez piquans pour le rendre agréable et inté-
ressant.
On possède diverses poésies de Foscolo , telles que YAlcéc,
les Grâces, quelques odes et plusieurs sonnets. On estime sur-
tout sa pièce intitulée Scpolcri , dans laquelle il lutte de talent
avec Hippolj te Pindcmonte qui a traité à peu près le même
sujet. On trouve dans les vers de Foscolo du pathétique et de
l'élévation. Cet homme célèbre eut à se reprocher quelques
désordres dans sa vie privée; mais ses talens et ses malheurs
sont des titres suflisans pour qu'on les pardonne à sa mémoire.
La postérité le classera parmi les hommes les plus distingués
de l'Italie.
F». Salfi.
3.
H. ANALYSES D'OUVRAGES.
SCIENCES PHYSIQUES.
EsSA.1 SUR LA CONSTRUCTION DES ROUTES ET DES VOITURES,
traduit de l'anglais de R. L. Edgeworth, augmenté
d'une Notice sur le système de Mac Adam, et suivi
de Considérations sur les voies publiques de la France,
ainsi que sur les moyens les plus économiques et les
plus prompts d'en compléter le développement et d'en
perfectionner le système (1).
« On se plaint, et avec raison, de l'énormité des chargcmens
qui pèsent sur nos routes. Il est difficile, en effet, que les
chaussées les plus solides ne soient pas fortement détériorées
par ces masses en mouvement, animées d'une vitesse plus eu
moins grande. Quand on n'envisage que l'intérêt des communi-
cations , on se demande pourquoi le gouvernement ne s'em-
presse pas d'établir de nouveaux tarifs de chargemens moins
ruineux pour les routes , et par conséquent moins onéreux au
trésor, qui acquitte les frais de leur entretien. Mais la conser-
vation des chaussées n'est ici qu'une des faces de la question :
on doit aussi considérer les rapports du roulage avec le com-
merce , et ceux du roulage avec les besoins de la société. En
abaissant le tarif des chargemens, on augmente les frais du
transport, et par conséquent le prix des denrées. Il faudrait
examiner si , pour économiser quelques millions sur les frais
annuels de l'entretien des routes, on n'impose pas à la société
un sacrifice bien plus considérable, si l'on ne porte pas une
(i) Paris, 1827; Anselin et Pochard , libraires, rue Dauphine y
1 vol. in-8° de 476 pag. ; prix , 8 fr.
SCIENCES PHYSIQUES V
atteinte (iiiMstc .ni travail el à l'industrie du producteur, si l'on
ne réduit |>.ts la masse des consommations, et par siiilc les
jouissances du public } et même les revenus de l'état (i). »
Ces paroles SOUt Le résumé officiel des opin ions qu'où pro-
fesse à la direction «les ponts-et-chaussées sur le sujet du livre
q ii* nous annonçons. Si l<' travail, d'ailleurs plein de faits cu-
rieux d'où elles sonl extraites, est tombé entre les mains de
31. Edgeworth, il a i\\\ être également surpris et des doutes et
des assertions que nous venons de citer; son amour-propre
national a dû surtout être flatté de la supériorité que les en-
quêtes, et la connaissance exacte des faits qu'on ne peut puiser
autre part, donnent jusqu'ici à l'administration de son pays sur
celle du nôtre.
L'état de nos routes est l'objet de plaintes universelles; l'ad-
ministration contre laquelle elles sont dirigées, partie à tort,
partie à raison, indique avec une honorable franchise toute
letendue du mal; mais à peine ose-t-elle en rechercher le re-
mède, et nous dire qu'il ne reste plus d'autre ressource que de
répartir sur un plus grand nombre de roues des fardeaux qui ,
réunis, bioyent tous les matériaux : dans sa persuasion que
L'application en est au-dessus des forces humaines , elle laisse
échapper l'aveu de son impuissance , comme d'une chose si
naturelle et si notoire, que personne n'a droit de s'en étonner.
Les règlemens sur les routes et les voitures doivent tendre ,
comme l'indique très-bien la statistique des routes , à ce que la
somme de l'entretien de la route et de celui du véhicule et de
l'animal attelé, soit un minimum. Ainsi la part à faire à l'amé-
lioration de chacun de ces élémens des frais de transport est
renfermée dans de certaines limites , et il faut s'arrêter au
point où, obtenue aux dépens des autres, elle constituerait une
augmentation réelle du prix total. La question étant si nettement
posée, on a droit de s'étonner qu'au lieu de cherchera la ré-
(i) Statistique des routes royales de France , par M. Becquey, di-
recteur général des ponts-et-chaussées (pag. a3). Paris, 1827; im-
primerie royale. In-4°.
3S SCIENCES PHYSIQUES.
souche, une administration, qui paraît ne pas craindre les lu-
inities du dehors , et qui en possède d'immenses dans son
propre sein, s'arrête à en contempler les difficultés, et se
demande avec tant de naïveté si les économies obtenues sur
l'entretien des routes ne seraient pas compensées par des sacri-
fices plus considérables, si elles n'attaqueraient pas l'industrie
du producteur? Puisque vous sentez si bien ce qu'il faut exa-
miner, que n'examinez-vous ? Cherchez quelle diminution de
charge exige le mauvais ou le médiocre état de la route ;
quelle amélioration de la route résulterait de la division des
fardeaux; et si, au bout du compte, la route étant plus rou-
lante, tout ne serait pas compensé, môme dans votre sys-
tème , de manière à ce que l'économie obtenue fut en pur bé-
néfice? Si vous savez tout cela, il faut agir en conséquence;
si vous ne le savez pas , il faut vous en enquérir; les hommes,
le tems ni les fonds ne vous manquent.
Les méthodes analytiques sont applicables au roulage,
comme à toute autre opération mécanique; mais il se com-
plique de tant de données minutieuses , impossibles à soumettre
au calcul, que l'analyse, séparée de la pratique, ne donnera
jamais sur cette question que des lumières trompeuses; son rôle
doit être de coordonner et d'expliquer des expériences di-
rectes , répétées à diverses reprises par des personnes et sur
des localités différentes, telles enfin que l'artillerie en fait dans
ses écoles avant d'adopter les améliorations les plus sûres en
apparence : il faut mettre l'ingénieur et le savant en ccmtacfc
avec le simple roulier, avec le postillon; et, si l'on prend ja-
mais ce parti, on sera surpris de trouver dans ces classes
d'hommes grossiers les observations les plus sensées , et sou-
vent les plus délicates, sur des choses qui sont l'objet perpé-
tuel de ses observations, et l'on pourrait même dire de ses
sensations , en tenant compte de l'espèce de rapport magné-
tique qui existe entre le cheval et l'homme habitué à le con-
duire.
Cette sorte d'effroi qu'inspire à l'administration l'examen
des règlemens sur la police du roulage, paraît tenir sur-
SI H M.I.s PHYSIQ1 ES. ftg
tout ;i celle CODVictiOB, OHl'l/I abaissant, le taux it€$ charge*
/aras on augmente les frais du transport t et par conséquent le
prix <lrs denrées. Pour peu qu'on eùl observé ce qui se passe
sur les routes, on ne se sérail pas laissé décourager par cette
assertion* si contraire à l'économie «le-; travaux d'entretien :
«m se serait demandé comment ces longues files de chariots
comtois à «m cheval qu'on rencontre dans toute la France,
soutiennent la concurrence des autres rouliers; comment le
roulage accéléré emploie presque uniquement les voitures à
un cheval; comment enfin, sur plusieurs rouies, les équi-
pages à chevaux isolés font tomber les lourds équipages à cinq
chevaux et au-delà? Et si, par extraordinaire, on venait à
constater que l'effet utile des chevaux attelés séparément est
plus considérable que celui des chevaux attelés ensemble (i),
l'administration, sans prétexte, pour rester dans son affli-
geante inertie, s'occuperait, avec le courage que donne la c< i-
(i) Voici quelques-unes des raisons principales qu'en donnent les
rouliers, juges compétens de cette matière : i° Il est impossible de
faire tirer ensemble, hors le moment du coup de fouet, plusieurs
chevaux attelés à la même voiture; dans l'attelage multiple, la charge
du cheval indolent se répartit sur les autres, tandis que le cheval de
cœur se consume en excédant ses forces; dans l'attelage isolé ces deux
graves inconvéniens disparaissent entièrement; c'est pour cela que
cinq chevaux qui porteront 4,5oo kilogrammes sur une seule charrette,
en porteront 5,ooo sur cinq maringottes. 'x° Le maillet d'un grand at-
telage est un animal fort cher et promptement usé, puisqu'il supporte
tous les chocs d'une charge de 4 à 5,ooo kilogrammes ; les chocs d'une
charge de 1,000 kilogrammes sont sans inconvénient sensible pour un
animal beaucoup plus faible. 3° Si cinq petites voitures coûtent plus
qu'une grande à cinq chevaux , elles s'usent beaucoup moins, par la
même raison qui fait que la charge divisée broyé les matériaux des
routes beaucoup moins que la charge réunie. 4° Un gros équipage ne
saurait, dans un mauvais pas , se passer de secours étranger ; les petits
équipages le franchissent en peu d'instans en se doublant. 5° Les char-
gemens et déchargemens sont beaucoup plus faciles pour les attelages
isolés, surtout s'ils doivent se faire en route , et dans un long voyage
on trouve à se défaire avantageusement des équipages devenus inutiles.
,o SCIENCES PHYSIQUES.
titude du succès, des améliorations dont l'ajournement est une
véritable accusation contre elle. Ce principe , que la division
des poids renfermes dans de certaines limites, est un moyen
d'économie dans les transports, a déjà été plusieurs fois mis
en avant dans la Revue encyclopédique ; la conviction que s'est
formée à cet égard celui qui écrit ces lignes repose sur quel-
ques expériences personnelles, mais surtout sur les rensei-
gnemens qu'il a négligé peu d'occasions de recueillir auprès
des gens de peine dont l'existence se passe au milieu des di-
verses opérations des transports. Nos lecteurs se souviennent
peut-être que l'ingénieur le plus estimé de l'Autriche , M. de
Genstner (i), est arrivé à la même conclusion par une route
tout-à-fait différente, en appliquant le calcul à d'ingénieuses
expériences dont il est auteur. C'est aussi la conséquence des
faits nombreux recueillis par M. Edgeworth, et des expériences
qu'il a combinées avec une rare sagacité , pour en faire jaillir
la vérité sous différentes formes. Nous nous bornerons, pour
ne pas rompre l'unité des vues que le traducteur a dévelop-
pées dans ses Considérations sur les voies publiques de France,
à insister sur ce résultat si fécond en conséquences, et nous
négligerons une foule de documens curieux qui, grâce aux ad-
ditions de notre compatriote, peuvent faire considérer sa tra-
duction comme ce qui a paru de plus complet sur le point où
les recherches des Anglais ont conduit depuis quelques-années
la grande question économique du roulage.
Les comparaisons établies entre les voitures à deux et à
quatre roues , les épreuves faites sur les ressorts viennent
confirmer la doctrine de la division des poids : M. Storrs' Fry
trouve que, sur la même route, deux forts chevaux qui lui
appartiennent conduisent plus facilement six milliers et demi
avec un chariot à quatre roues, que cinq milliers avec une
charrette très-bien construite, et qu'en général , le premier de
(i) Mémoire sur les grandes routes, les chemins de fer et les canaux,
traduit de l'allemand; de M. F. de Gerstner. Paris 1827 ; Bache-
lier. (Bcvue Encyclopédique, t. xxxiv,p. 34o, cahier de mai 1827.)
SCIENCES PHYSIQUES. 4'
cea véhicules permel d'augmenter \â charge d'un bon cheval d<-
plus de '.no kilogrammes sur une rouir raboteuse, comme ou
eu \iiit beaucoup en France; reflet utile d'an Moteur animé
d'une vitesse de 6000 mettes par heure, est augmenté d'un
tiers par les ressorts.
ainsi , l'expérience* el le raisonnement autorisent a penser
que la division des poids augmente l'effet utile de l'action des
bétes de trait; (BUS la répartition d'une même charge sut
quatre roues, nu lieu de deux, en diminue la résistance, et que
l'addition de ressorts procure un nouvel allégement; ainsi, de
quelque côté que l'on présente la question , on arrive à ce ré-
sultat encourageant, que les formes de véhicules y et les distri-
butions d'attelage* -qui proeurent dans les transports , l'économie
absolue la phts considérable , sont aussi celles qui ménagent le
plus les routes; il est présumablc que si, dans l'opération du
roulage, la roule et la voiture sont en quelque sorte deux
pièces d'une même machine dont toutes les réactions sont ré-
ciproques, l'effet d'aucune amélioration ne saurait se concen-
trer dans Tune d'elles; il s'étend nécessairement à l'autre.
Notre compatriote se plaint du peu de concordance qui
existe entre ces vues et nos règlemens sur le roulage ; il pou-
vait ajouter que si l'on jugeait l'administration par ses actes,
au lieu de la juger par ses intentions, on serait forcé de penser
qu'elle a posé en principe , que les taxes sur la circulation
doivent être aggravées en raison de la bonne forme des voi-
lures , et qu'il faut encourager celles-ci en raison des dé-
gradations qu'elles commettent sur les routes. L'assertion
vaut la peine d'être appuyée par un exemple : sur les bacs du
Rhône, dans le département de la Drôme, une charrette à un
cheval pave 1 fr. 20 c; à deux chevaux 1 fr. 5o c. , ou 75 c.
par cheval; et à cinq chevaux 2 fr. 20 c. , ou 44 c. par cheval,
ce qui équivaut à une réduction des deux tiers à peu près;
si la charge est répartie sur quatre roues on paye 1 fr. 5o c.
pour un cheval , 2 fr. pour deux , et 2 fr. 65 c. pour cinq. Ce
fait isolé ne prouverait rien , mais il paraît n'être qu'une ap-
plication d'un système général : en 1822, on a concédé le pont
/,a SCIENCES PHYSIQUES.
de Montrond sur la Loire ; la charrette à un cheval y paye 5o c,
celle à six chevaux 1 fr. 75 c. , ou 26 c. par tête d'animal ; sur
le pont de Bercy mis au concours à Paris, en 1826 , la char-
rette à un cheval payera i5 c. , celle à cinq chevaux /jo c. , ou
8 c. par cheval chargé : on ne trouverait probablement pas en
France un seul tarif, dans lequel le péage ne décroisse pas à
mesure que le nombre des chevaux augmente , et presque par-
tout les voitures à quatre roues sont l'objet d'une surtaxe. Cette
combinaison est-elle le résultat d'un système de primes à la dé-
térioration des routes ? S'il n'en est pas ainsi , on répondra
sans doute que la progression a été fixée dans un esprit de
justice, en raison des poids que peuvent porter chaque espèce
de voiture ou d'attelage : cela prouverait que l'administration
a présents, quand elle règle un tarif de pont, des faits diamé-
tralement opposés à ceux qui la frappent quand elle s'occupe
de l'entretien des routes; il faut espérer qu'elle ne s'interdira
pas long - tems le plaisir de mettre les uns et les autres en
balance.
Les voitures suspendues , qui ménagent les routes infini-
ment plus que celles qui ne le sont pas , payent aussi généra-
lement davantage ; elles sont en outre soumises toutes les fois
qu'elles voyagent par relais à une taxe de 25 c. par poste et
par cheval en faveur des maîtres de poste : dans la première
taxe on a voulu évidemment atteindre l'aisance du proprié-
taire , la seconde est motivée sur des considérations étran-
gères à cet article : mais on devrait au moins faire une excep-
tion pour les voitures à ressort qui portent des marchandises ,
et qui, dans l'intérêt des routes , comme dans celui de l'industrie
des producteurs , méritent toutes sortes d'encouragemens. On
verrait bientôt alors nos énormes diligences se convertir en
voitures sûres et commodes, qui seraient suivies par des four-
gons.
Si les avantages des attelages par chevaux, isolés , des cha-
riots à quatre roues , et des voitures à ressorts étaient constatés
par des enquêtes faites sur les principaux centres de circula-
tion de la France , les débats lumineux qui s'établiraient sur
SCIENCES PHYSJQ1 ES. 43
ces questions} l<*s expériences auxquelles nos savant les plus
distingués ne dédaigoeraieni pas de B'associer , donneraient
tout L'ascendant de l'opinion publique à l'autorité chargée de
L'exécution des règlemens que la France solliciterai! en faveur
de ces utiles innovations. Mais ou ce saurait irop le redire,
l'administration n'a d'autres moyens de force el (!<• lumières
que les enquêtes ; ce n'est que par ce moyen si si in | >li- , et si
utilement employé près de nous, qu'elle peut se former une
conviction dont on a vu qu'elle est fort éloignée ; et sans con-
viction il n'y a point d'énergie : cette diffusion de vérités
utiles serait le moyen le plus efficace de neutraliser les nom-
breuses résistances que provoque toute innovation de ce
genre; les vues d'amélioration de l'autorité ne font efficaces
qu'au milieu d'une population éclairée. Nos routes , cessant
d'être sillonnées par des fardeaux énormes , s'améliore-
raient promptement , les frais d'entretien diminueraient;
et la perfection des communications permettant de charger
davantage , donnerait bientôt lieu à une nouvelle économie
dans les frais de transport. Les avantages qu'on obtiendrait
sur les frais d'entretien seraient encore plus sensibles dans
les constructions neuves; la largeur et l'épaisseur, si dispen- .
dieuses de nos chaussées, sont exigées par les dimensions des
voitures qui les parcourent; dans un meilleur système de
roulage , l'une et l'autre pourraient être considérablement ré-
duites, et une multitude de contrées, aujourd'hui privées de
communications par l'énormité des frais qu'en exigerait l'ou-
verture , cesseraient de rappeler au sein de la France, l'aspect
de l'Espagne ou de la Pologne.
Cet aperçu des résultats qu'il est permis d'attendre des me-
sures que nous n'avons fait qu'entrevoir, est développé avec
talent, el appuyé de nombreux calculs dans les considérations
sur les voies publiques de la France : on pourrait discuter non
la réalité , mais la quotité de quelques résultats ; ce n'est point
ici le lieu de le faire , mais à la droiture des vues de l'au-
teur, à la lucidité qu'il porte dans des questions , auxquelles
on ne le croirait pas étranger par état , s'il ne le disait lui-
44 SCIENCES PHYSIQUES.
même , on peut-être assuré que toute discussion avec lui se-
rait instructive et agréable.
Des faits nombreux et bien observés , des rapprochemens
pleins de sagacité, un style élégant et correct , voilà ce qu'on
trouve dans cet ouvrage qui est certainement celui d'un homme
de beaucoup d'esprit, et d'un bon citoyen; nous remplissons un
devoir en le recommandant aux ingénieurs , aux propriétaires
tle voitures de transport , et aux personnes qui voyent avec
raison dans l'état des routes une des plus hautes questions de
l'économie publique et de la civilisation.
J. J. Baude.
SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.
Minitel nir .iitiié, ou Exposition des principes de législa-
tion criminelle , dans ses rapports avec les fonctions
de juré , et commentaire de la loi du i mai 1827 SUT
V organisation du jury , et des articles du Code d'in-
struction criminelle qui traitent de V examen et du
jugement par jurés; par Victor Guichard et J.-J. Du-
BociiET, avocats à la Cour royale de Paris (1).
Cet ouvrage se compose de deux parties très-distinctes : l'une
traite des principes qui doivent diriger la conscience du juré,
quand il examine les questions qui lui sont soumises; l'autre
traite des règles qui président à la formation ou à la compo-
sition du jury. Cette division de l'ouvrage en deux parties,
qui sont eu quelque sorte indépendantes Tune de l'autre, et
qui auraient pu former deux ouvrages distincts, explique com-
ment deux écrivains ont pu s'associer pour composer un livre,
sans s'exposer à se nuire ou à s'entraver mutuellement. Les
deux auteurs ayant d'ailleurs une méthode commune , et ne
prenant pour guide que l'expérience, c'est-à-dire l'observa-
tion des faits, seraient arrivés à des résultats identiques, en
restant fidèles à leur méthode, quand même les sujets qu'ils
ont traités auraient été moins séparés qu'ils ne le sont réelle-
ment. Nous avons cru devoir faire ces observations prélimi-
naires pour prévenir le préjugé que fait naître souvent l'as-
sociation de plusieurs noms contre tout ouvrage littéraire ou
scientifique dont l'unité de vues ou de pensées doit être l'un
des principaux mérites.
Dans celui-ci, là partie qui renferme les principes propres
à diriger la conscience des jurés dans leurs jugemens, appar-
(1) Paris, 1827 ; Sautelet. 1 vol. in-8° de xiv pages; prix, 7 fr.
',6 SCIENCES MORALES.
tient à 31. Victor Guichard; celle qui renferme l'exposition des
règles relatives à la composition du jury et à la procédure
appartient à 31. J.-J. Dubochet.
Depuis l'année 1800, époque à laquelle Bonaparte enleva
aux communes et aux départeinens la nomination de leurs
administrateurs, jusqu'à la loi qui a été rendue le i mai der-
nier, nous n'avons eu du jury que le nom. En s'emparant du
pouvoir, et en donnant à la France un simulacre de constitu-
tion, Bonaparte ne prononça point cependant l'abrogation, de
cette institution; il s'abstint même d'en parler. Mais il s'attri-
bua la nomination des officiers qui devaient former la liste
des jurés; et, dès ce moment , chaque jury ne fut qu'une vé-
ritable commission. A peine le gouvernement impérial eut été
renversé, que les dangers que présentait un tel état de choses
furent exposés par divers écrits (i). Peu à peu les esprits se
sont éclairés, les magistrats et les administrateurs ont eux-
mêmes compris que les jugemens perdaient la plus grande
partie de leur force, par cela seul que l'impartialité n'en était
pas évidente. Le gouvernement a donc renoncé à la faculté
de composer arbitrairement les listes des jurés, et, dès ce
moment, on a pu croire à l'existence de l'institution du jury.
Sans doute, la loi du i mai n'a pas corrigé tous les vices de la
législation antérieure sur cette matière; mais elle a incontesta-
blement détruit les plus graves. Pour que les autres dispa-
raissent également, il ne faut que des lumières, du tems et de
la persévérance.
Tant que les hommes auxquels on donnait le nom de jurés
n'étaient que des commissaires choisis par les préfets, il était
assez inutile de faire des livres sur leurs devoirs ou sur leurs
droits; mais aujourd'hui que la qualité de juré est à peu près
indépendante , et que les accusés n'auront plus à craindre de
voir dans les hommes appelés à les juger des adversaires ou
(i) Voyez le Discours préliminaire de la traduction française de l'ou-
vrage de sir Richard Philips, intitulé Des pouvoirs cl des obligations
des jurys. Paris, 1819. La seconde édition vient de paraître.
NCII.M I s MOB M I
des euoemis , il n'est personne qui ne - <>it intéressé à s'instruire
des devoirs qu'il peut avoir à remplir comme membre d'un
jurv. En renonçant à former lui même les listes des jurés f le
gouvernement a rendu la justice indépendante) dans toutes
les affaires du moins sur lesquelles un jucj esl appelé à pro-
noncer. Cela ne suffirait pas cependant pour qu'elle fut bien
administrée, si les citoyens ignoraient quels sont les devoirs
qu'ils ont à remplir. C'est doue à eux qu'il faut s'adresser main-
tenant, si Ion veut profiter des avantages que nous offre la loi
du i niai. Croire qu'on jouira des bienfaits d'une justice impar-
tiale, sans se donner la peine de s'éclairer pour concourir à
l'administrer, serait une grave erreur. Si chacun veut jouir de
toutes les garanties judiciaires, comme citoyen ou comme;
accusé, il faut que chacun s'instruise des devoirs qu'il a à rem-
plir comme juré. Lorsque les principaux citoyens sont appelés
à concourir à l'administration de la justice, les garanties que
Chacun d'eux reçoit ne sont jamais qu'en raison de celles qu'il
offre lui-même aux autres.
Lorsqu'un homme est appelé comme juré, un de ses pre-
miers devoirs est de porter l'attention la plus scrupuleuse à
tous les moyens d'attaque et de défense employés dans le cours
de la procédure, et déjuger ensuite selon l'impression qu'ont
laissée dans sa conscience les preuves produites pendant les
débats. S'il se trompe dans sa décision, son erreur est un mal-
heur pour lui, pour l'accusé s'il le condamne, et pour la
société ; mais ii ne peut en être responsable, ni moralement,
ni suivant la loi. Le cas est différent si l'erreur dans laquelle
il est tombé n'a eu lieu que parce qu'avant que de remplir les
fonctions de juré, il a négligé d'acquérir les lumières que
l'exercice de ses fonctions exigeait. En pareil cas, l'erreur est
imputable, au moins moralement, à celui qui la commet: on
peut comparer celui qui y tombe, au soldat qui, chargé çîe la
défense d'un poste , ne pourrait pas le défendre, par la raison
qu'il se sciait sciemment et volontairement abstenu de prendre
les munitions dont il devait se pourvoir. La loi ayant en effet
déterminé d'avance quels sont les hommes qui seront appelés
SCIENCES MORALES
a être jurés, il est du devoir de ceux cjui se trouvent dans ce
cas de s'instruire de ce qu'ils doivent savoir pour rendre des
décisions conformes à la justice. Ne pas remplir ce devoir, ce
n'est pas seulement rendre vaines les garanties que la loi pré-
sente aux citoyens; c'est, ainsi que nous l'avons dit, assumer
sur soi la responsabilité morale de toutes les erreurs dans les-
quelles on pourra être entraîné dans le cours de la vie en qua-
lité de juré.
Les devoirs des citoyens, en leur qualité de jurés, sont sus-
ceptibles de la même division que l'ouvrage de MM. Guichard
et Dubochet : les uns sont relatifs aux conditions qu'il faut
remplir pour exercer les fonctions de juré, ou aux moyens à
l'aide desquels on peut arriver à la découverte de la vérité;
les autres, aux règles qu'il faut suivre pour apprécier juste-
ment les faits sur lesquels on est chargé de prononcer. Ces
devoirs ne dépendent pas nécessairement les uns des autres:
on conçoit très-bien qu'un homme ignore les conditions à rem-
plir pour être juré, ou les devoirs qu'il a à remplir pendant la
procédure pour faire éclater la vérité, et qu'il possède cepen-
dant la capacité nécessaire pour bien prononcer sur les ques-
tions qui lui sont soumises; la supposition contraire peut égale-
ment se concevoir, quoiqu'il soit plus rare de la voir se réaliser.
Il y a aujourd'hui quelque analogie entre la manière dont les
listes des jurés se forment en France, et la manière dont elles
se forment en Angleterre; mais il y a aussi des différences très-
remarquables. Suivant les lois anglaises, ce sont les officiers
des paroisses, marguilliers ou inspecteurs des pauvres, qui
forment les premières listes. Ils sont tenus d'y porter tous les
hommes qui remplissent les conditions requises, suivant les
divers rôles de contributions qui doivent leur être soumis. Ces
listes faites, ils sont tenus de les afficher, pendant trois se-
maines, sur les portes de toutes les églises de la paroisse. Pen-
dant la même durée de tems, chacun a le droit de vérifier, sans
payer aucuns frais , la liste originale. Au bas de la liste affichée
se trouve un avertissement par lequel tous les habitans de
la paroisse sont prévenus que tel jour les juges de paix se
S( ll'.M.I S M > 1 ; \ 1 . 1 s A9
\ «-uniront dans tel lieu et à telle heure, pour juger les rérla-
mations auxquelles) les listes pourront donner lieu. Là tout
individu peui réclamer publiquement contre les insertions ou
les omissions illégales; les officiers des paroisses, obligés d'être
prosens, s»"" lenus de répondre, sous la foi du serment, à
foules les questions qu'il plaît aux juges de leur adresser, et les
difficultés qui se présentent sont débattues et jugées publi-
quement.
En France, ce ne sont pas les officiers des paroisses ou des
communes qui font les listes : ce sont les préfets. Comme ils
n'ont pas eux-mêmes dans les mains tous les actes qui prouvent
quels sont les hommes qui remplissent ou ne remplissent point
les conditions requises, ils ne portent sur la liste qu'un certain
nombre des hommes dont les noms doivent s'y trouver. La
faculté de réclamer contre les fausses omissions n'appartient
qu'à celui ou à ceux dont les noms ont été omis. Il peut ainsi
arriver que les préfets, par négligence ou par d'autres motifs,
n'y portent pas tous les noms qui devraient s'y trouver, et
que des citoyens, par mauvaise volonté, s'abstiennent de se
faire inscrire, et accroissent les charges des hommes dont les
noms ont été inscrits. Enfin, les réclamations contre la liste
sont portées devant le magistrat même qui l'a formée, ou de-
vant ses conseillers. Ces réclamations sont jugées à huis-clos,
et sans contradictoires défenses. On ne voit pas que les per-
sonnes dont l'inscription ou l'omission donne lieu à des diffi-
cultés doivent être appelées, comme cela se pratique suivant
les lois anglaises.
Il résulte de ces différences que le devoir de se faire ins-
crire en France est bien plus impérieux qu'il ne l'est suivant
les lois d'Angleterre. L'institution du jury n'est pas établie
seulement en faveur de ceux qui remplissent les conditions
requises pour être jurés; elle est établie en faveur de tous
les individus qui peuvent être accusés d'un crime , ou qui
peuvent en être les victimes. Chaque individu, même quand
il ne peut pas être juré , se trouve donc intéressé, dans les
deux pays, à ce que la liste soit composée de la manière
t. xxxvi. — Octobre 1827. 4
SCIENCES MORALES.
prescrite par Us lois, et c'est sans doute pour cette raison
que les lois anglaises ont reconnu à chacun le droit de ré-
clamer contre les vices de sa composition. En France, la
loi a disposé autrement; ce n'est qu'à ceux à qui elle impose
le devoir d'être jurés qu'elle accorde le droit de faire rectifier
les listes. Ceux auxquels ce devoir n'est pas imposé se trouvent
aussi privés de l'exercice de ce droit; il faut donc que d'autres
soient obligés de l'exercer pour eux. Mais sur qui pourrait repo-
ser cette obligation, si ce n'est sur les hommes dont les récla-
mations sont seules écoutées? Si une fraction nombreuse de la
société est frappée d'incapacité politique , et si par conséquent
elle ne peut pas se protéger elle-même, il faut bien que le
devoir de la protéger et d'exercer les droits dont elle est pri-
vée réside dans d'autres; s'il n'en était pas ainsi, elle ne serait
qu'une propriété.
Les hommes qui sont exclusivement appelés à être jurés ne
jugeraient donc leur position que d'une manière partielle, s'ils
croyaient qu'en s'abslenant de faire inscrire leurs noms sur
la liste, ils se bornent à renoncer à l'usage d'un droit. Ils
doivent considérer les fonctions de juré sous deux points de
vue : relativement à eux, et relativement aux autres membres de
la société. S'ils les considèrent relativement à eux, ils peuvent,
jusqu'à un certain point , s'imaginer qu'il leur est permis d'y
renoncer. S'ils les considèrent relativement aux autres, ils ne
peuvent s'y soustraire sans manquer à un de leurs premiers
devoirs , et sans se rendre coupables envers leurs concitoyens
d'une espèce de trahison. La loi considère si bien les fonctions
de juré comme un devoir envers la société , qu'elle condamne
à une forte amende celui qui ne se présente pas, quand il est
appelé. La peine serait injuste, et même absurde, si les fonc-
tions de juré n'étaient données que comme des droits; car re-
noncer à l'exercice d'un droit ne fut jamais considéré comme
un délit.
Nous avons insisté sur le devoir de se faire inscrire sur la
liste des jurés, quand on remplit les conditions nécessaires
pour y être porté; parce que celui-là est le fondement de tous
Sa i MORALES. ;>i
Us autres, et qu'on oc peut le négliger sans les trahir tous;
mais il en esl beaucoup d'autres <I< m t l'accomplissement n'est
ui moin > importhni , quoiqu'ils ne se rapportent généralement
<jn .m \ i ormes vie la procédure , ou bus moyens de rechercbei ,
<!<• découvrir ou de faire connaître la vérité. M. Dobochet, en
expliquant, article par article, les dispositions de la loi du 9. mai,
et celles du (iode d'instruction criminelle qui s'y rapportent,
les ■ rendues assez claires pour les mettre1 à la portée de tout le
monde. Sa méthode de commenter les articles de la loi, dans
l'ordre même où le législateur les a placés, peut en rendre l'in-
telligence plus facile; mais cela même rend difficile l'analyse
de son ouvrage. Pour la bien faire, il faudrait suivre l'ordre
qu'il a lui-même adopté, et cela nous mènerait plus loin qu'il
ne nous est permis d'aller.
M. Victor (iuichard n'a pas été ainsi enchaîné par l'ordre des
dispositions de la loi ; il n'a eu à consulter que les principes
généraux de la science, et il est, par conséquent, plus aisé de
donner une idée générale de la partie de l'ouvrage qui lui ap-
partient.
Cette partie du Manuel ries jures se divise en six titres : dans
Je premier, l'auteur traite de la méthode; il observe qu'en lé-
gislation il en existe deux : l'une indépendante des faits, l'autre
d'observation. Celle-ci est, à proprement parler, celle de l'u-
tilité ; c'est celle que M. Guichard adopte.
Dans le titre second, l'auteur traite de la législation crimi-
nelle et du droit de punir. jVous ne ferons aucune observation
sur le fond des pensées qui composent ce titre, parce qu'elles
sont généralement justes; mais il nous semble que, dans quel-
ques parties, le langage pourrait en être plus exact, et que la
confusion des termes jette sur les pensées une certaine obscurité.
L'auteur, avons-nous dit, traite du droit de punir cl des
règles qui le gouvernent; et il n'entend parler de ce droit que
comme d'un attribut du gouvernement. On est aujourd'hui gé-
néralement convenu de chercher le droit partout; et, comme
c'est une chose encore assez obscure et sur laquelle on est loin
d'être d'accord , il est bien rare qu'on ne la trouve pis partout
4-
5a SCIENCES MORAXES.
où on la cherche. Ainsi, par exemple, on a commencé paf
chercher, dans l'inflietion des peines judiciaires, l'exercice d'un
droit : on l'y a trouvé. La découverte étant faite , on a traité
du droit de punir en général, puis du droit d'envoyer aux
travaux forcés; puis, du droit de tuer. Nous avons vu naguère
des sociétés philantropiques et savantes mettre en question si
la société a le droit d'infliger la peine de mort. Là dessus d'é-
Ioquens mémoires ont été composés , et des prix ont été dis-
tribués : on aurait dit que la question avait été clairement et
irrévocablement décidée. Cependant, elle est aujourd'hui aussi
obscure qu'elle l'était avant d'avoir été posée. Ceux qui parais-
sent convaincus du défaut de droit dans l'inflietion de la peine
ne peuvent cacher leur étonnement de voir que, chez toutes les
nations, on tue journellement des hommes en conscience. Cela
leur paraît d'autant plus inconcevable , que suivant eux le droit
brille clairement aux yeux de tous les hommes par sa propre
lumière, et que toute la science du monde ne saurait en ac-
croître la clarté.
N'y aurait- il point ici, comme dans la plupart des disputes,
quelque expression ambiguë qui rendrait la question insoluble?
Pour nous en assurer, voyons comment se passent les faits, et
tâchons de ne donner à chaque chose que le nom qui lui con-
vient. Un individu que le besoin tourmente rencontre un
homme, le tue, prend sa bourse et s'enfuit. Là-dessus un ma-
gistrat décerne contre lui un mandat, des gendarmes l'arrêtent
et le mettent en prison, des juges lui font son procès et le
condamnent à mort : un magistrat le fait alors livrer à d'autres
gendarmes, lesquels le mènent en grande pompe sur une place
publique; là, ils le livrent à d'autres hommes qui l'attachent,
et puis lui coupent la tête.
Ici, il est un fait général et constant : c'estla manifestation de
l'autorité etde la puissance; nous voyons des hommes qui com-
mandent, d'autres qui obéissent , et un tiers sur lequel s'exerce
l'action de tous les autres. Il n'y a rien là d'équivoque, rien de
sujet à contestation : nulle question pour les académies. Mais, ces
hommes que nous voyons commander, ceux que nous voyons
SCIENCES MORALES. 5^
obéir, exercent- ils ou n'exercent*ils point un droit? C'est ici
que commencent les disputes, il ne faut pas demander cepen
dam ce que c'est qu'un droit; car, de pari el d'autre, on est
convenu que le mol est suffisamment clair, el qu'il n'y a que
les consciences obscures ou fausses qui osent en demandei
l'explication.
Ou ne doute pas que punir ne soit un droit; la seule chose
qu'on met en question est de savoir si ce droit s'étend jusqu'à
tuer l'individu auquel on inflige une peine. Si punir est un
droit, ce droit se trouve sans doute dans ceux qui l'exercent,
ou dans ceux qui le délèguent : voyons donc comment il naît ,
et où il se trouve. Un homme, avons -nous dit, commet un
assassinat; aussitôt un officier public, qu'on nomme vu juge
d'instruction f lance contre lui un mandat d'arrêt. Que fait ce
juge? il remplit un devoir que la loi lui impose, pour l'ac-
complissement duquel l'état lui accorde un salaire, et qu'il ne
peut éluder sans se rendre coupable de prévarication. Un
agent de la force publique exécute l'ordre du magistrat; c'est
encore un devoir qu'il remplit, une obligation qu'il a con-
tractée. L'accusé est conduit en prison : le concierge qui l'y
retient remplit encore un devoir envers la société; il ne peut
l'enfreindre sans s'exposer à des peines graves. Des témoins
et des jurés sont appelés: les devoirs des premiers sont de se
présenter et de déposer suivant la vérité; ceux des seconds
sont d'être présens aux débats, et de déclarer quelle est la
conviction produite sur leur conscience ; le devoir des juges
est d'appliquer la loi conformément à la déclaration qui a été
faite- Enfin, le devoir des agens de la force publique est
d'exécuter le jugement de la manière que la loi prescrit.
Ainsi, depuis le moment où le délit est commis jusqu'à ce-
lui où le coupable subit sa peine, nous ne trouvons que des
devoirs, des obligations, dans chacun des organes ou des agens
institués par la loi. Ces devoirs, ces obligations sont si rigou-
reux que nul ne peut manquer aux siens sans se rendre cou-
pable de prévarication , et dans un grand nombre de cas sans
s'exposer à de fortes peines. Si les autorités diverses qui con-
&f SU tERCES MORALES.
courent à L'application d'une peine n'ont que des devoirs a
remplir, et dis devoirs toujours pénibles, où se trouve donc
le droit? Serait -il dans les hommes par qui les peines sont
établies? Mais ces hommes sont à leur tour soumis à de uom-
bnu\ devoirs: ils ont de l'autorité, de la puissance; quand
ils établissent une peine, ils se soumettent à une nécessité, ils
obéissent à un devoir envers la société; ils n'exercent pas plus
:m droit que le magistrat qui applique une peine légale à un
individu que le jury a déclaré coupable.
Il est bizarre que toutes nos recherches philosophiques sur
le devoir et sur le droit nous aient conduits à ne plus savoir
distinguer un droit d'un devoir, et que tous nosprogrès en mo-
rale nous aient amenés à mettre en théorie les pratiques d'Alger
ou de Constantinople. Là, en effet, il n'est point de devoirs
pour la puissance; pour elle, il n'y a que des droits. Punir est
donc un droit , comme disposer de sa propriété en est un
autre. Et, comme nul n'est tenu de rendre compte de l'exercice
de ses droits, les magistrats peuvent punir ou ne point punir,
selon qu'ils le jugent convenable. Tout cela peut ^paraître bien
étrange, mais c'est à quoi nous avons dû nous attendre le
jour où nous avons vu des esprits distingués et des imagina-
tions ardentes repousser les sages écrits de Locke, de Con-
dillac, de Tracy, pour répandre sur notre pays le mysticisme
de l'Allemagne.
Nous devons nous hâter de dire que ce reproche ne peut être
adressé à l'ouvrage dont nous donnons ici l'analyse. Si l'on fait
exception de l'expression que nous avons relevée, et qui nous
paraît vicieuse, tout est écrit avec justesse. Les observations de
M. Victor Guichard sur le principe, la nature et les effets des
peines judiciaires, sont toutes fondées sur la nature même des
choses; toutes reposent sur les intérêts de l'humanité, et ten-
dent à faire entendre les lois dans le sens le plus juste. On peut
en juger par les deux règles que l'auteur donne au pouvoir et
au devoir de punir : l'une est de ne jamais punir que lorsque la
punition produit plus de bien que de mal; l'autre, d'arriver au
plus grand bien de la société et de l'offensé, en faisant au dé-
M.li.M l.s Moi; \l KS.
Unquaai le moindre mal possible, Cet règles sont développées
de lu.'iniri r a ce que les jurés puissent en suivre l'application
dans If plus grand nombre de <-.is.
Dans le titre iv, l\l. yictor Guichard traite de la gravité des
peines | ce qui le conduit à parler de la peine de mort. L'abo-
lition de cette peine est aujourd'hui sollicitée par un grand
nombre de ltons esprits. Tous les écrivains philosophes ne s'ac-
cordent pas sur les motifs qui leur font désirer (pie cette peine
soit abolie; niais tous sont généralement d'accord pour la sol-
liciter, et sut tout pour demander que l'application en soit res-
treinte au plus petit nombre de cas possibles. M. Guichard
fait à ce sujet des réflexions fort justes : il observe que, pour
résoudre la question, il faut comparer les effets de la peine de
mort avec ceux d'une autre peine. Il compare ensuite lui-
même les résultats que celte peine produit avec ceux de l'em-
prisonnement perpétuel et laborieux. Il prouve que l'empri-
sonnement perpétuel est plus avantageux pour la réparation
du mal causé par le délit, et qu'il peut, ne pas l'être moins
pour prévenir de nouveaux délits. 11 fait voir ensuite que,
pour juger de l'effet général d'une peine relativement à la pré-
vention de nouveaux délits, il faut considérer non l'effroi
qu'elle inspire au coupable au moment où il va la subir, mais
la crainte qu'elle inspire à un individu au moment où il éprouve
ja tentation de commettre un crime. Or, l'emprisonnement
perpétuel est plus efficace, sous ce rapport, que ne peut l'être
la peine de mort : il est des passions pour lesquelles on con-
sent à s'exposer à périr, mais pour lesquelles on ne s'exposerait
pas à être détenu à perpétuité. La raison de cette différence
est sensible : dans le premier cas, si l'on ne réussit point, le
châtiment qu'on subit met un terme à la passion qu'on éprouve ;
dans le second, au contraire, on éprouve tous les tourmens
d'une passion non satisfaite, en même tems qu'on subit la peine
du crime qu'on a commis.
L'abolition de la peine de mort fait disparaître une difficulté
rès-grave que Us jurés ont quelquefois à résoudre. Dans les
jerimes de meurtre, il n'est pas rare de voir les défenseurs de
SCIENCES MORALES.
accuses présenter pour excuse leur état de monomanie. Le jury
se trouve alors dans la nécessité de courir le risque d'envoyer
un insensé à l'échafaud, ou d'acquitter un grand coupable. S'il
ne s'agissait que d'un emprisonnement perpétuel, H y aurait
peu de danger à courir; car, dans aucune des deux suppositions,
personne ne peut prétendre que l'accusé convaincu du fait,
réputé crime ou délit, doive être rendu à la liberté. Mais il
n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de la peine de mort;
outre l'atrocité qu'il y a à livrer un fou au dernier supplice, on
accroît les dangers de la société. La monomanie, en effet, est
contagieuse , et rien n'est plus propre à la propager que de
donner en spectacle les individus qui en sont atteints. La peine
de mort appliquée à une telle infirmité produit donc un effet
contraire à celui qu'elle est destinée à produire : au lieu de
détourner les individus dangereux des faits qu'on veut prévenir
en les réprimant, elle les excite à les commettre.
M.Victor Guichard, ayant exposé les funestes effets de la
peine de mort, et ayant fait voir comment on en obtiendrait de
différens par une autre peine, s'occupe du rapport entre les
deux règles que nous avons précédemment rapportées avec la
procédure criminelle et le jury; c'est l'objet de son cinquième
titre. L'auteur est ainsi conduit à faire voir quel est le but de
la procédure criminelle , à rechercher quelle est la source prin-
cipale des délits qui se commettent dans un état un peu avancé ;
a développer les avantages qui résultent de l'institution du
jury; enfin, à démontrer comment les devoirs des jurés ré-
sultent des motifs de leur institution.
Dans le titre vi, notre auteur traite des questions d'une
haute importance, mais qui fort heureusement se présentent
rarement dans la pratique. Dans les tems de trouble, l'autorité
publique est quelquefois emportée par la violence des factions
au-delà des limites que la raison lui prescrit. Des lois violentes
peuvent alors être rendues, et il s'agit de savoir quelle doit
être, en pareille circonstance, la conduite des jurés. Nous
avons vu, par exemple , dans les troubles de la révolution, des
pères traduits en justice et être exposés à être condamnés à.
SCIENCES MORALES. 57
mort pour avoir Ciii passer quelques secours pécuniaires .1 leurs
enfans émigrés. D'autres lois, nous avons \n mettre la pitié
et d'autres Tertus ru rang des crimes. Dans ces cas, et dans
d'autres Semblables» les jurés sont ils tenus en conscience de
déclarer coupable celui qui, à leurs yeux, n'a commis aucun
fait répréhensible par lui-même, quoiqu'il ait exécuté l'acte
prohibé par la loi ?
dette question est grave lorsqu'elle se présente; mais il
arrive bien rarement qu'on ait à s'en occuper, et voici quelle
en est la raison. Lorsque des circonstances malheureuses déter-
minent un gouvernement à établir des peines qui ne sont point
en harmonie avec la conscience publique, le même pouvoir
qui établit la peine établit presque toujours un tribunal par-
ticulier pour en faire l'application. C'est ainsi que, pendant le
teins le plus orageux de la révolution, après avoir établi des
lois sanguinaires, on fut amené à créer un tribunal révolu-
tionnaire pour les appliquer. C'est encore ainsi que le pouvoir
militaire qui succéda au gouvernement directorial fut conduit
à créer des cours spéciales, des tribunaux militaires, ou des
conseils de guerre, pour punir des faits que la conscience des
citoyens ne condamnait pas, ou qu'elle n'aurait punis que de
peines moins graves. Ces observations n'ôtent rien, du reste,
au mérite des réflexions de M. Guichard : quoiqu'on puisse
être rarement appelé à les mettre en pratique, on les lira avec
utilité. En les lisant avec attention, on concevra plus facile-
ment en quoi consistent les devoirs des jurés.
En Angleterre, le jugement parjurés s'applique à toutes les
causescivilesetcriminelles.Là,nul individu ne peut ètreatteint,
ni dans sa personne, ni dans ses biens, ni dans son industrie,
à moins d'un jugement rendu par un jury. Pour juger toutes
les causes qui se présentent, il faut un nombre de jurés con-
sidérable; aussi, tout homme qui jouit de quelque indépen-
dance est-il sujet à être appelé comme juré. Mais il ne faut pas
croire que l'institution du jury soit arrivée du premier coup au
point de perfection où nous la voyons aujourd'hui. Depuis les
tems les plus reculés jusqu'à nos jours, il ne s'est point passé
!>8 SCIENCES MORALES
de règne sous lequel on n'y ait corrigé quelque vice , ou fait
quelque utile addition. L'origine des jurés se perd dans la
nuit des teins; et cependant ce n'est que depuis 1825 que les
Anglais ont une loi générale qui règle l'organisation des jurys.
Cette loi n'a même commencé à être exécutée qu'en 1826.
En France, le jugement par jurés ne s'applique jamais en
matière civile, et il n'a lieu en matière criminelle que pour les
cas les plus graves. Aussi , le nombre des hommes qui rem-
plissent les conditions nécessaires pour être jurés est-il fort
restreint, comparativement à la masse de la population. Mais,
en France, cette institution est toute nouvelle; il a fallu, pour
l'établir, réformer tout à la fois la législation, les habitudes
et les intelligences. Ne soyons donc pas surpris si elle n'est
encore ni aussi générale , ni aussi universellement désirée que
pourraient le demander les hommes éclairés. Si nous voulons
qu'elle fasse des progrès, tâchons que les idées et les mœurs
ne restent pas en arrière des institutions. Cette année, la légis-
lation a fait un grand pas : pourrions-nous nous plaindre qu'elle
n'est pas assez avancée, si les hommes qui appartiennent à la
classe la plus éclairée de la société ne savaient pas se mettre à
son niveau? Seraient-ils dignes de jouir des garanties qui leur
sont offertes, s'ils se dérobaient aux faciles conditions au
moyen desquelles ils peuvent les posséder ? Les devoirs qui
leur sont imposés, et sur l'accomplissement desquels leur sécu-
rité doit être fondée, ne sont ni nombreux , ni difficiles à rem-
plir. Les auteurs du Manuel des jurés ont fait ce qu'il fallait
pour leur en rendre l'intelligence facile; c'est à eux-mêmes à
faire le reste. • Charles Comte.
Histoire de Bretagne, par M. Daru , de l'Académie
française (1).
Le savant et laborieux auteur qui nous avait donné Y His-
toire de Venise a publié , depuis, l'histoire d'une province
(i) Virxs , 1826 ; Firmin Didot. 3 vol. in-8° prix , 18 fr.
SCIENCES lM()Il\lj;.s. 5<j
française qui n'a tien de commun avec l'ancienne répu-
blique df la mer Adriatique) si ce n'oit le goût des habitant
pour la navigation cl les entreprises maritimes. Dans tout
le cours de l'histoire de France, le peuple breton conserve
une physionomie particulière qui <loii séduire un historien
habile. On voit ces Bretons* fiers de leurs rochers et de
leurs fables, se tenir, pour ainsi dire, à l'écart, faiic des
efforts répétés pour défendre leur indépendance, et déjouer
a\ec rudesse des intrigues ourdies pour les subjuguer; on les
voit enfin conserver L'empreinte originale de leur caractère ,
leur idiome, leurs superstitions , leurs usages, long- -teins après
qu'ils ont été réunis à la nation française.
On ne peut toutefois se dissimuler qu'à l'exception de quel-
ques épisodes, l'histoire de la Bretagne est celle de toutes les
provinces du royaume, et que l'historien se donne une tache
bien pénible quand il veut rassembler en un seul tableau la
multitude de faits, souvent peu importants, qui composent
une histoire provinciale, cette suite fatigante de guerres, de
querelles, de dévastations, de meurtres, d'injustices de toute
espèce, dont la réunion constitue ce que l'on appelle l'âge de
la féodalité. Quelque talent que possède l'écrivain, il aura bien
de la peine à intéresser un lecteur éclairé à tous ces petits
événement où l'esprit ne trouve ni repos , ni satisfaction.
M. Daru a certainement fait preuve d'un talent très-remar-
quable dans son histoire de Bretagne; cependant, je doute
que ce nouvel ouvrage obtienne le même succès que son histoire
de Venise, dont le fond est plein d'intérêt, tandis que l'histoire
de Bretagne ne présente qu'un sujet stérile, et en quelque sorte
rebelle aux efforts du peintre.
Quelquefois, il faut le dire, l'auteur me paraît avoir négligé
de jeter des fleurs sur ce terrain aride : il aurait pu varier son
récit, en tirant un meilleur parti qu'il ne l'a fait des traditions
locales, de l'étude des monumens singuliers des âges antiques,
élevés dans quelques lieux solitaires de la Bretagne. L'expo-
sition du génie de la langue bretonne, que parlent encore les
habitaus des campagnes et des petites villes de trois départe-
Oo SCIENCES MORALES.
mens qui comptent près de 5oo,ooo âmes chacun, la compa-
raison des mœurs et des usages des Bretons avec ceux des
habitons de la Cornouaille anglaise et du pays de Galles, la
vie des premiers chrétiens et la propagation de la morale de
l'Evangile dans cette province, au milieu de toutes les résis-
tances druidiques, les événemens des communautés monastiques,
et beaucoup d'autres matières intéressantes ne devaient pas res-
ter étrangères au plan de l'auteur, et lui auraient fourni des
détails attachant et instructifs. L'histoire de la Suisse, par
.lean de Muller, qui a su embellir les commencemens des an-
nales d'un peuple dont l'origine n'est pas moins obscure que
celle du peuple breton, aurait pu lui servir de modèle.
L'abbé de La Rue (i) a soulevé une grande question, que
j'aurais voulu voir traitée par M. Daru : si les Bretons ont eu
une littérature. L'abbé de La Rue soutient qu'ils ont eu des
historiens, et principalement des poètes, et que les romanciers
du moyen âge ont puisé chez les Bretons les fables les plus
intéressantes de leurs poèmes romanesques et de leur cheva-
lerie. Il est certain que le pays de Galles et la Cornouaille an-
glaise ont produit des poètes qui ont chanté la table ronde ,
les guerres du peuple gallois contre les Saxons, les exploits
des petits rois du pays, etc. Comment les Bretons, si sembla-
bles aux Gallois dont ils sont comme les frères, seraient-ils
restés muets , tandis qu'au delà de la Manche les rochers re-
tentissaient du chant des bardes? Certes, les Bretons ont
chanté comme eux; plusieurs témoignages le prouvent. Com-
ment se fait-il donc que cette littérature bretonne, qu'il serait
si intéressant de connaître, ait été anéantie au point de ne
laisser aucune trace (2)? Pas un poème, pas une chronique,
(t) Recherches sur les ouvrages des bardes de la Bretagne armoricaine
dans le moyen âge. Caen , 181 5 ; in-8°.
(2) Il ne serait pas impossible de prouver que le roman à'Jmadis
de Gaule , et celui des Amours de la belle Iseult et de Tristan de Léonais
ont été composés par des poètes bas-bretons. Le brave grenadier
La Tour-d'Auvergne , né en Basse-Bretagne , avait recueilli à cet
SCIENCES MORALES. 6]
pas même une romance en has-hretou n'a échappé à la <1<
(i notion. M. de La Une explique celte dispar ution totale
par l'indifférence qu'inspirait aux gêna lettres du moyen agi
la langue vulgaire ou rustique du pays. Dans le pays de
(•ailes , le peuple était lui-même conservateur vies poésies na-
tionales; pourquoi n'en a-t-il pas été de même en Bretagne?
Comment les générations ne se sont-elles pas transmis le dépôt
du génie poétique de leurs pères, ainsi qu'on l'a pratiqué dan*:
beaucoup d'autres pays qui ont aussi peu de communica-
tion avec les nations étrangères? La poésie populaire de ces
contrées constitue, pour ainsi dire, toute leur littérature. La
Bretagne seule ferait elle exception à cette règle générale?
J'aurais préféré, je l'avoue, l'examen de cette matière inté-
ressante à la discussion à laquelle M. Daru s'est livré dans le
premier volume de son histoire, pour savoir si la Bretagne a
été conquise par Clovis. Ce n'est pas que ce point ne soit très-
savamment traité, et qu'il n'ait une certaine importance, puis-
qu'on l'a souvent remis en question dans la recherche du droit
des rois de France à la possession de la Bretagne; mais on
peut résumer la difficulté en peu de mots, en démontrant qu'il
n'existe aucune preuve suffisante pour établir que Clovis a
subjugué les Bretons. Quant à la prétention de la couronne,
c'est une question tout-à-fait oiseuse, puisque la Bretagne fait
depuis long-tems partie du royaume de France, et que les Bre-
tons ne réclament plus ni privilèges, ni droits particuliers.
égard des documens très-curieux qui , probablement , sont à jamais
perdus. La partie géographique de ces charmans ouvrages n'a pu
appartenir qu'à des auteurs qui avaient une connaissance pratique des
lieux où ils ont placé leur héros. Les plages de débarquement , les
petits ports , les hameaux que les chevaliers parcouraient, existent
encore sous les mêmes noms ; et cependant ils ne sont cités dans au-
cun livre géographique , ni portés sur aucune carte. Ce n'est donc
qu'en habitant cette contrée que les auteurs à'Amadisel de Tristan ont
pu les connaître et les décrire.
Il existe des vers, des romances, des contes en bas-breton. Plusieurs
ont étépubliés. (N. du fi.)
5* SCIENCES MORALES.
A la conquête de U Bretagne par Clovis se rattache une
autre question du même genre, qui consiste à savoir si la
Bretagne fut donnée par Charlcs-le-Simple aux Normands, et
si le roi de France avait le droit de faire cette concession. J'ai
eu l'occasion de discuter moi-même ces faits historiques (i),
et je m'estime heureux de me rencontrer sur plusieurs points
avec le nouvel historien de la Bretagne. M. Daru ne paraît pas
douter que le traité de Saint-C!air-sur-Epte , par lequel
Charles- le-Simple céda, en 912, la Normandie aux pirates
du nord , n'ait été écrit, comme tous les actes de ce genre. J'ai
élevé des doutes à cet égard , et je n'ai découvert aucun docu-
ment qui prouvât l'existence d'un traité écrit, quelque impor-
tantes que fussent les stipulations convenues entre les Français
et les Normands. L'auteur a discuté avec beaucoup de sagacité
ce fait remarquable, ainsi que les prétentions de la couronne
et celles des Bretons. Il n'est pas facile d'arriver à une conclu-
sion dans une affaire où il existe si peu de pièces authentiques.
M. Daru a certainement pesé avec une extrême attention les
raisons contradictoires, et a sainement jugé les écrivains fran-
çais et bretons qui avaient, avant lui, examiné la question du
droit public de la Bretagne.
C'est une justice à lui rendre que de déclarer qu'il a presque
toujours puisé aux sources originales, c'est-à-dire qu'il a
compulsé les chroniques et les annales des historiens du
moyen âge. Pour les derniers siècles, il s'est servi aussi de
matériaux inédits , empruntés aux archives de Nantes. Les bé-
nédictins devaient beaucoup aux cartulaires des couvens; mais
ils avaient peu fouillé dans les archives municipales des pro-
vinces, et il y a lieu de croire qu'elles recèlent une foule de
pièces intéressantes pour l'histoire civile et commerciale. Au
lieu de se copier successivement, les personnes qui écrivent
l'histoire d'une partie de la France devraient consulter de
pareils dépôts : ce sont des mines vierges dont l'exploitation
(1) Histoire des expéditions maritimes des Normands et de leur établisse-
ment en France au dixième siècle. Paris, 1826 ; t. 11.
SCIENCES MORALES. r, \
lom donnerai! un produit Abondant, A la fin de son troisième
volome, M» Deru a donné la note des actes qui existent dans les
arohives de Nantes, relativement aux démêlés <1< s durs dé
Bretagne et du clergé, durant le xnr'et le aV siècles, il aurait
rié utile d'étendre cette noie à tons les autres actes qui ont
quelque rapport à l'histoire, de publier textuellement, comme
pièces justificatives, 1rs documens inédits les plus importans.
Je dois encore louer le soin qu'a eu l'historien de citer les
paroles et les discours des rois et des hommes d'état dans
le langage du tems ; c'est un gage de fidélité historique; et un
moyen efficace de reporter l'imagination du lecteur vers les
tems passés.
C'est au second volume surtout que l'histoire de Bretagne
par M. Darn acquiert un véritable intérêt : alors s'engage la
lutte sanglante et dramatique des comtes de Blois et de Mont-
forl; les guerres des Anglais donnent du mouvement au récit;
(\vy> caractères comme celui de Clisson viennent surprendre
le lecteur. Les ducs de Bretagne, tantôt ennemis, tantôt amis,
et alliés de la France ou de l'Angleterre, ont besoin des bras
et de l'argent de leurs vassaux pour soutenir leurs guerres; ils
sont forcés de solliciter l'amitié des seigneurs et l'appui des
villes, de les consulter et d'agir par eux sur l'esprit du peuple.
De là l'origine du parlement de Bretagne, qui a joué un rôle
important pendant les derniers siècles. Au treizième, déjà les
ducs de Bretagne se servaient de la formule : Nous accordons,
nous et nos gentilshommes de commune volonté. Au quatorzième,
on employait cette autre formule : Jprès mûre délibération et
aris de nos prélats, barons et autres gens notables de notre grand
conseil, et du consentement exprès desdits prélats et barons. Mais,
ce n'était guère que lorsqu'il s'agissait d'impôt ou de don gra-
tuit qu'on avouait aussi solennellement l'intervention de
l'aristocratie. Tontes les fois qu'on pouvait s'en passer, on se
gardait bien de la consulter. Au xvc siècle, le conseil avait
pris de l'extension. Ce n'étaient plus seulement des prélats et
des barons qui y siégeaient, mais encore des bannerets , des
bacheliers, des chevaliers et écuyers , des gens de chapitre et
(>♦ SCIENCES MORALES.
des bonnes villes. L'auteur a inséré, à la fin du second volume,
de courtes dissertations sur l'admission des députés des ville»
aux états, sur la levée des impôts en Bretagne, et sur les
règlemens des états, dissertations extraites du droit public de
la province. On y cite une charte'de Guy de Thoars, comte
de Bretagne, de l'an i2o5, où l'on fait valoir l'avis et l'assen-
timent des évéques, barons, vavasseurs et nos autres hommes de
Bretagne ; ce qui semble indiquer les trois états. Il en résulte-
rait que , dès le commencement du xme siècle, les communes
avaient siégé dans le conseil provincial. Les trois états sont
désignés expressément dans un acte du parlement assemblé à
Rennes en i3i5; mais ce n'est qu'au siècle suivant que l'on
voit les trois ordres constituer régulièrement le parlement.
Je placerai ici quelques remarques sur les observations de
l'auteur, relativement au fameux combat des trente qui, selon
Froissartet les chroniques bretonnes, fut livré, en jl35i, près
d'un chêne, entre les petites villes de Josselin et Ploermel.
Trente champions bretons combattirent autant de champions
anglais, et l'on ignore pourquoi. Ce combat est pour les Bre-
tons ce que celui des Horaces et des Curiaces était pour les
Romains. On conserve les noms des chevaliers des deux partis;
on connaît tous les détails du combat; on a élevé sur les lieux
un monument aux Bretons vainqueurs; et tout récemment en-
core, une académie bretonne a proposé un prix pour le meil-
leur poème en leur honneur. Il s'est pourtant trouvé des éru-
dits qui ont traité de fable l'histoire de ce combat, dont aucun
auteur anglais n'a parlé. M. paru convient que les parti-
cularités du combat ont pu être inventées; mais il pense que
le fait lui-même est incontestable , appuyé, comme il l'est, sur
une tradition ancienne et universelle, qui selon lui, peut sup-
pléer à des témoignages écrits; et il ajoute cette réflexion : «Ce
serait un triste emploi de l'érudition, de ne la faire servir qu'à
répandre des doutes sur l'histoire, et à détruire ces tradi-
tions nationales qui entretiennent chez les peuples l'amour de
la gloire et de la patrie. La vérité avant tout, sans doute;
mais, si l'on aime la vérité, le pyrrhonisme, qui a aussi ses
SCIENCES MORALE» M
affirmations négatives , détruit la science elle-même i el que
peut-il v avoir d'utile, par exemple , dans l<'s efTorti de je ne
sais quel érudit qui a entrepris de prouver aux Suisses que
Guillaume Tell n'a jamais existé?* Je conviens^ avec l'auteur,
que ce serait tuer l'histoire que d'élever des doutes sur des
faits, sans motifs suffisaus; niais M. Daru conviendra que la
critique historique a précisément pour but d'examiner et d'éta-
blir la vérité, et qu'elle ue peut ni ne doit s'embarrasser du
plus ou du moins d'intérêt que peuvent prendre à un fait les
peuples ou les provinces, ni s'en rapporter exclusivement aux
traditions nationales, ni rechercher s'il est utile d'admettre ou
de rejeter une croyance devenue populaire. Je doute que Ton
ait entrepris de prouver que Guillaume Tell n'a point existé;
mais on a démontré que l'histoire de la pomme abattue à coups
de flèche sur la tète de son (ils est renouvelée des traditions
Scandinaves; et en cela, la critique historique a fait son de-
voir. L'espèce de colère que cette dissertation a fait naître chez
les Suisses n'a pu détruire la force des argumens. L'action du
fameux bourgeois de Calais, Eustachede St.-Pierre, telle qu'elle
est racontée par Froissait, est sans doute un bel exemple de
dévouaient patriotique et un beau modèle à présenter aux
citoyens; ce qui n'empêche pas que l'académicien Bréquigny
n'ait bien mérité de l'histoire, en tirant de la poussière des ar-
chives de Londres des pièces qui prouvent que le héros de
Calais était d'intelligence avec les Anglais, et qu'il accepta une
pension d'Edouard (i).
Le troisième volume commence par le règne du duc Fran-
çois II, contemporain de Louis XI, et qui obtint du pape le
(r) Il est peut-être prouvé qu'Edouard III fit une pension à Eustache
de Saint-Pierre , en l'honneur de sa noble action, mais nullement pour
cause de trahison. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque de la reddition
de Calais, le siège durait depuis une année , qu'Edouard avait laissé
périr contre les lignes les malheureux h;ibitans chassés de la ville à
'défaut de vivres; que Jean de Vienne était le commandant de Calais,
et qu'il marcha la hartau col à la tête ries six bourgeois. Eût-il consenti
à partager leur sort s'il les eût connus pour des traîtres? (Ar. du /?.)
t. xxxvi. — Octobre 1827. 5
66 SCIENCES MORALES.
privilège île ne pouvoir être excommunié à l'avenir. Le mi-
nistre Landois joua sous ce duc un rôle brillant : on le trouve
mêlé à toutes les affaires importantes de la Bretagne; et,
après avoir long-tems abusé de la confiance illimitée de son
maître, il finît par tomber victime de la fureur populaire.
A François II succéda la célèbre Anne de Bretagne , dont le
règne occupe avec raison une grande place dans l'ouvrage
de M. Daru. Ce fut par le mariage de cette princesse avec
Charles VIII que la Bretagne fut réunie à la couronne de
France, et qu'elle perdit son antique indépendance. L'histo-
rien contredit à ce sujet diverses assertions de ses prédéces-
seurs. Gaillard a représenté le mariage d'Anne de Bretagne
avec le roi de France comme un sacrifice fait au salut des Bre-
tons, et il croit que, par ce mariage, elle obtint la liberté du
duc d'Orléans, qui l'aimait, dit-on, éperdument, et qui finit
par l'épouser, lorsqu'à son tour il monta sur le trône, sous le
nom de Louis XII. M. Daru représente la princesse assiégée
dans Rennes, voyant tout le territoire de Bretagne envahi par
les troupes françaises, et n'ayant d'autre ressource que l'ac-
ceptation du trône que le roi de France lui offrait à la tête de
son armée. Quant au duc d'Orléans, il était sorti de la tour
de Bourges un an avant le mariage de la princesse. M. Daru a
consulté l'acte original du mariage conservé au Trésor des
chartres, et n'y a point trouvé la clause relative à la succes-
sion de ses enfans au duché de Bretagne, que J'on a intercalée
dans les copies. « Aucune clause de ce contrat, dit l'auteur, ne
règle les droits des enfans qui doivent naître de ce mariage. On
ne peut supposer que ce soit un oubli, et on est autorisé à con-
jecturer que ce fut une omission volontaire de la part des mi-
nistres de Charles VIII... Si Anne n'eût laissé que des filles ,
la couronne de Bretagne eût incontestablement appartenu à
l'aînée; mais c'est probablement parce qu'il n'y avait pas moyen
d'éluder cet aveu que les ministres de Charles VIII évitèrent
de parler des droits des enfans dans le contrat de mariage, s'en
remettant à la supériorité des forces du roi futur pour retenir
une si importante possession... Il fallait qu'Anne de Bretagne
SCIENCES MORALES. 67
lui dans une situation bien critique lorscjn Clic donna sa main
à Charles \ III , pour n'avoir pas lait stipuler les intérêts de ses
enfuis et le sort de son duché, u C'est de l'époque OÙ la jeune
reine, âgée de quinze ans, belle, instruite, spirituelle et de
nuïuirs très pitres, vint briller à la cour de France, que
I\ï. Daiu date la passion du duc d'Orléans pour elle. Sept ans
«après , cette princesse, devenue veuve, donna sa main à celui
qui l'avait aimée avec tant de constance, et elle supplanta sur
le trône l'épouse légitime de Louis XII, qu'on abreuva de
dégoûts et de cbagridS pour la contraindre au divorce, après
une union de vingt-deux ans.
Montée pour la seconde fois sur le trône de France, Anne
développa son caractère impérieux. Elle partit pour la Bre-
tagne pendant une maladie du roi, afin de s'assurer la posses-
sion de cette province; et comme le maréchal de Gié osa faire
arrêter sur la Loire les bateaux qui portaient ses bagages, elle
voua à ce maréchal, fidèle à son maître et à la France, une
haine implacable, et lui suscita un procès criminel. Elle voulut
marier sa fille Claude à Charles d'Autriche, et lui donna en
dot la Bretagne. Mais les députés aux états généraux de la
Bfovince présentèrent requête au roi, pour le supplier de ne
point souffrir que la Bretagne passât sous la domination d'un
prince étranger. Le mariage projeté fut rompu, en dépit de la
reine, et sa fdle fut unie au jeune duc d'Angoulème, que
Madame Anne ne pouvait souffrir.
Après le règne de Louis XII et d'Anne de Bretagne, la reine
Claude céda son duché à François Ier, son époux ; et ce prince
opéra la réunion définitive de la Bretagne à la couronne de
France ; réunion que le roi fit solliciter par les états même
de la province, mais sur laquelle la ligue ne tarda pas à revenir
après l'extinction de la race des Valois.
Les guerres de la ligue firent de grands ravages en Bretagne.
La ville de Saint-Malo, profitant des troubles, se sépara de
l'autorité royale , et se gouverna quelque tems en république.
Cet épisode est un des faits curieux sur lesquels M. Daru a eu
tort, ce me semble, de passer aussi légèrement; il est raconté
5.
tâ SCIENCES MORALES.
avec plus de détails et d'intérêt dans d'autres ouvrages, entre
autres dans Y Histoire des ducs de Bretagne ; Paris, 1739. N'est-ce
pas un événement, en effet, remarquable que cette petite révo-
lution dînant laquelle les bourgeois d'une ville dominée par un
château royal méditent et exécutent l'assaut de la forteresse,
tuent le gouverneur qui les avait traités avec inhumanité, orga-
nisent un gouvernement démocratique, se ménagent des intel-
ligences au dehors, et réussissent à maintenir leur indépendance
jusqu'à ce que Henri IV eût pris les rênes de l'état ?
Sous les règnes suivans, la Bretagne n'est plus une province
indépendante; elle n'a plus d'histoire particulière : à peine
quelques insurrections rappellent-elles le caractère prononcé
des anciens Bretons. M. Daru passe rapidement sur les deux
derniers siècles. L'époque de la révolution française n'y oc-
cupe même aucune place. Peut-être néanmoins la manière dont
cette révolution se manifesta en Bretagne devait mériter l'at-
tention de l'historien; la fédération bretonne surtout est un
événement trop remarquable pour être oublié dans une his-
toire complète de la Bretagne ; j'ignore le motif qui a décidé
M, Daru à tant de brièveté au sujet des événemens modernes,
ou plutôt ce qui l'a déterminé à ne point s'en occuper. C'est
un défaut ou une lacune dans son ouvrage.
L'auteur termine par quelques réflexions sur la situation
morale de la population bretonne ; je crois devoir en citer
une partie : « Francs , braves , laborieux , économes , mais
méfians et obstinés dans leurs préjugés, les Bretons ont résisté
au frottement, et ne se sont point polis par le contact des
autres peuples. Les routes, les canaux, les établissemens pu-
blics, sont encore chez eux fort loin de l'état de perfection
où ils sont portés dans les autres provinces du même empire;
il ne serait pas juste d'en rejeter entièrement la faute sur la
négligence ou le machiavélisme de l'administration. Il est pos-
sible sans doute qu'un ministre se soit cru un habile homme
d'état, parce qu'il laissait ce peuple dans l'ignorance; mais il
faut convenir que les Bretons s'y prêtaient merveilleusement.
Peut-être faut-il aussi attribuer une part dans ces déplora-
SCIENCES MORALES. 69
Mes résultats à une nuire cause qu'on n'a pas assez observée.
Apres avoir passé plusieurs siècles sous le régime féodal ,
pins dur chei eux que dans les provinces voisines, ces peu
pies étaient tombés sous le joug aristocratique. Les seigneurs
avaient affaibli le pouvoir du souverain. Ils lui faisaient la
guerre , ils dominaient dans les états ; et S près la réunion ,
s'ils avaient perdu leur influencé dans le gouvernement, ils
avaient conservé de grands privilèges et la prépondérance
dans l'administration. 1 /assiette des impôts, la distribution
des deniers publics, toute l'économie intérieure était dan", la
main des nobles et des évêques; or, il n'est pas de la na-
ture de l'aristocratie de favoriser le développement de l'in-
telligence dans la classe inférieure. »
Il est inutile de faire remarquer le mérite du style de cet
ouvrage; On y retrouve la force et le naturel delà diction de
l'histoire de A cuise , depuis long-tcms appréciée. Quant à l'es-
prit qui domine dans cette histoire, c'est le sentiment d'un
homme éclairé et profondément instruit, qui discute savam-
ment, qui expose les faits sous un jour lumineux, et qui
n'apporte dans ses opinions sur les événemens passés aucun
des préjugés qui défigurent la plupart des histoires de pro-
vinces ; un auteur pénétré des lumières du siècle, comme
M. Daru , sait s'affranchir de cette rouille des vieux tems.
Deppitjg.
Histoire du soulèvement des Pays-Bas sous Philippe ii ,
roi d'Espagne, traduite de V allemand de F. Schiller ,
par le marquis de Chateaugiron, membre du conseil
général du département de la Seine (1).
Ce n'est pas la première fois que cet ouvrage de Schiller pa-
raît dans notre langue. Déjà, en 1821 , M. de Cloet en avait
publié, à Bruxelles, une version française; mais le traducteur,
(1) Paris, 18-27 ; Sautelet et compagnie, a vol. in- 8° ; prix , 12 fr.
;o SCIENCES MORALES.
ici vent catholique, s'était prescrit d'avance d'omettre toutes
les pages, les phrases, les membres de phrases où l'auteur
allemand adresse des reproches à l'église romaine et des éloges
au protestantisme. Il ne nous appartient pas d'apprécier ici les
scrupules de M. de Cloet; mais tant de circonspection nous
étonne sous l'empire d'un roi protestant, et à une époque où
les gouvernemens raisonnables tolèrent l'expression de toutes
les opinions religieuses, et laissent même aux Juifs la permis-
sion de nier la divinité de Jésus-Christ. Toutefois, pour mettre
nos lecteurs en état de juger jusqu'à quel point la conscience
du traducteur flamand est timorée, nous citerons l'un des pas-
sages qu'il a cru devoir supprimer : «. Malgré les formes ri-
dicules que les réformés donnaient à ces violentes attaques
contre l'église dominante, quelques éclairs de raison y bril-
laient parfois, et plus d'un auditeur, qui était bien éloigné
d'être venu à ces réunions dans l'intention d'y chercher la
vérité, en emportait peut-être une parcelle à son insu.»
{Livre ni, chap. 3. ) M. de Chateaugiron n'a rien \u d'offen-
sant pour la religion catholique dans une apologie si modérée
de la réformation; et d'ailleurs il a compris avec raison que
la première obligation d'un traducteur est de reproduire avec
fidélité des sentimens et des opinions dont l'auteur seul de-
meure responsable. La nouvelle version , plus correcte et plus
élégante que celle de 1821 , est donc aussi plus complète; elle
reproduit tout Schiller, et les pages qu'elle lui restitue ne
Compromettent aucunement sa réputation d'impartialité. Si, en
traduisant quelqu'un des historiens catholiques qui ont raconté
les troubles des Pays-Bas, un protestant s'avisait de retrancher
tout ce qui blesserait ses affections politiques ou. religieuses,
il est probable qu'il réduirait les quatre tomes du jésuite Strada
à quelques feuilles, et l'ouvrage du cardinal Bentivoglio à un
volume.
C'est surtout en étudiant l'histoire d'une révolution qu'on a
besoin de lire tour à tour les écrivains de l'un et l'autre parti,
de comparer leurs récits, d'en examiner les sources, d'en re-
chercher les preuves. On est assez averti de la partialité d'un
sciences MORALES. 71
jésuite ou de celle d'un gueux dans cette grande lutte du pa
triotisme hollandais contre la tyrannie de Philippe il, pour
se tenir en garde contre les insinuations , les déclamations, les
mensonges de l'un et de l'autre; mais il D'en Tant pas moins
louer Schiller de son attention à éviter tous les pièges tendus à
sa bonne foi. Telle est sa réserve, nous dirions presque sa timi-
dité, qu'il se délie plus de ses propres affections que de celles
de Strada, et qu'il lui arrive souvent de juger avec plus d'in-
dulgence les inquisiteurs que leurs victimes. En parlant de cer-
tains hommes publics qui ont sacrifié sans cesse à leur cupidité
ou à leur orgueil les intérêts de la patrie, il use à leur égard de
tant de niénagemens ou de complaisance qu'ils prennent sous
ses pinceaux une attitude noble ou lière , des formes presque
honorables que les historiens catholiques même ne leur ont
pas toujours prêtées. L'auteur allemand leur accorde du génie,
sans dire assez que c'est un génie malfaisant au service de la
tyrannie. Peut-être Granvelle, si on ne l'eût pas fait cardi-
nal, Viglius, s'il n'eût pas été président, auraient-ils conservé
assez d'indépendance et de lumières pour contribuer à l'af-
franchissement des Pays-Bas, ou pour les préserver de quel-
ques infortunes; mais, décidés tous deux à s'avancer dans la
carrière des honneurs, ils renoncèrent à tout scrupule qui leur
en aurait fermé l'entrée; et, serviles instrumens du roi d'Es-
pagne, ils firent le mal par obéissance, proscrivirent sans
colère, et massacrèrent sans plaisir. Schiller nous semble se
tromper encore quand il prête à Berlaimont un aveugle en-
thousiasme pour ce pouvoir absolu qui sans doute dégrade les
caractères et flétrit les talens des serviteurs qu'il soudoie, mais
qui n'a jamais de partisans fanatiques. Le zèle du comte de
Berlaimont n'était que l'envie de conserver des dignités lucra-
tives, et d'en procurer à chacun de ses enfans ; il en avait
beaucoup, et son dévouement grandissait avec eux. De tout
tems, et même en ce seizième siècle, où l'énergie des vertus et
des vices ne laissait presque aucune place à l'hypocrisie, on a
vu trop d'hommes publics se croire obligés d'être mauvais
citoyens, parce qu'ils étaient pères de famille.
72 SCIENCES MORALES.
L'histoire ne fournit pas d'elle-même tous les détails dont
Schiller compose ses portraits; mais accoutumé, dans des pro-
ductions dramatiques, à ne point présenter de personnages et
à ne point laisser de caractères indécis, il cède volontiers à
cette habitude en écrivant des annales, et consent ainsi à res-
ter moins vrai pour devenir plus pittoresque : il sacrifie la
fidélité qu'on attend de lui aux effets qu'il veut obtenir. De là ,
des physionomies nouvelles prêtées à des personnages aupa-
ravant mieux connus, et de fausses couleurs appliquées parfois
aux événemens qui ouvrent l'histoire de la révolution flamande.
Souvent même le poëie efface tout-à-fait l'historien. Quand , à
propos d'une multitude qui court à la rencontre du prince
d'Orange arrivant à Anvers, Schiller- nous dit que « des figures
humaines semblaient sortir tout à coup des haies, des murs,
des cimetières, et même du fond des tombeaux, » (liv. m, c. 3),
n'est-ce pas le style et la licence de la scène romantique? Loin
de nous pourtant la pensée de reprocher à cet écrivain les
figures, quoique si hardies, dont il parsème sa diction histo-
rique : mais cette imagination si riche qui colore ses récits, qui
en varie les teintes, devait-il la prendre pour une source de
l'histoire elle -même, et y puiser avec tant de liberté les détails
qui lui convenaient pour achever ses portraits et compléter ses
narrations?
Il s'en faut que Schiller eût étudié, ou même connu tous les
historiens qui avant lui avaient raconté le soulèvement des
Pays-Bas ; c'est ce qu'attestent les notes souvent importantes
et toujours judicieuses deM.de Châteaugiron; cependant ,^ce
traducteur ne fait pas lui-même mention de quelques relations
originales qui lui auraient fourni les moyens soit de confirmer,
soit de rectifier les récits de son auteur. Nous signalerons par-
ticulièrement l'Histoire des Pays-Bas depuis i56o jusqu'à la fin
de 1602 (par Jean-François le Petit) à Saint-Gervais, 1604, par
Jean Vignon , 2 volumes in-8°, ouvrage devenu rare, et qui
néanmoins mérite, autant que les livres de Meteren et du pré-
sident de Thou, l'attention de ceux qui étudient sérieusement
cette époque. Us y rencontreront des détails que ces deux écri-
SCIENCES MORAL] 7I
Vains ont omis, et des pièces que le conseiller VanderVynekl
n'a pas reproduites, S'il tant louer Schiller, ce n'est point assu-
rément d'avoir transcrit les discours qu'il a plu à Strada el S
Bentivoglio de mettre dans la bouebe dé certains personnages,
mais du soin qu'il a pris d'encadrer dans ses récits les doeiimeus
Originaux qui expliquent les faits, OU qui sont des faits eux-
mêmes. Parmi les pièces qu'il cite eu entier se trouve le com-
promis dont les signataires s'engageaient à exposer leur fortune
et leur vie pour expulser des Pays-Bas l'inquisition et la tyrannie
espagnole (1). Ce manifeste de la révolution flamande est dû à
Philippe de Marnix , seigneur de Sainte- Aldcgondc, qui , au
mois de février t566, le rédigea, ouïe dicta du moins, en pré-
sence de dix gentilshommes qu'il avait pour convives dans sa
maison de Bréda. L'omission de ces détails et de plusieurs
autres autorise à supposer que Schiller se proposait de revenir
sur les premiers livres de son histoire, après avoir achevé les
derniers : il mourut sans avoir rempli sa tâche. Il n'a tracé en
quelque sorte que l'avant-scène de la révolution des Pays-Bas,
puisqu'il s'arrête en i56*7, au moment où commence l'adminis-
tration du duc d'Albe, si ce nom d'administration convient à tant
de proscriptions et de massacres. D'Albe n'a gouverné lesPays-
Bas que pendant huit années; mais ce tems lui a suffi pour livrer
aux bourreaux dix-huit mille hérétiques, sans compter les milliers
de citoyens exterminés dans les batailles, après les victoires, à
la suite des trahisons ou des capitulations. Voilà de ces tableaux
que le pinceau tragique de Schiller eût retracés sans efforts, et
avec une effrayante vérité. Ce qu'il a fait donne à regretter
qu'il n'ait pu achever ce travail. I! avait senti l'intérêt, deviné
la beauté, compris l'importance de son sujet, et son enthou-
(1) M. de Châteaugiron dit que, malgré toutes ses recherches, il n'a
pu trouver cette pièce importante, en français et en entier, que dans
Y Histoire générale de la guerre de Flandre, par G. Chappuys. On la lit
aussi dans Y Histoire des Pays-Bas , par J. F. Le Petit , t. i, pag. n3
à 116 , et dans Y Histoire des Provinces-Unies , t. xliii, pag. 5 19 et 5ao
de la collection in-4Q intitulée : Histoire universelle d'après l'anglais.
7i SCIENCES MORALES.
Masme impartial eût peut-être servi d'autant mieux la liberté
civile et religieuse, qu'il combattait le despotisme avec respect
et le fanatisme avec mesure. Sans trop suivre ces derniers
exemples de Schiller, ceux qui essaieront, après lui, d'écrire
les glorieuses annales de la révolution des .Pays-Bas pourront
encore le prendre quelquefois pour guide et souvent pour
modèle. Crussolle-Lami.
Voyage de la Grèce , par F. C. H. L. Pouqueville ,
consul-général de France auprès a" Ali , Pacha de
Janina ; membre de V Académie des inscriptions et
belles -lettres de V Institut de France. Deuxième édi-
tion (i).
Histoire de la régénération de la Grèce , compre-
nant le Précis des événement depuis iy4° jusqu'en
1824 ; par le même ; avec cartes et portraits. Deuxième
édition (2).
Le voyage de M. Pouqueville parut pour la première fois
dans le moment le plus favorable. La Grèce, jadis consacrée
par les miracles du patriotisme, mais souillée depuis par l'es-
clavage, venait alors de briser ses chaînes, et, comme les lieux
saints profanés, attendait du sang des martyrs une nouvelle
consécration. Tous les regards étaient fixés sur les exploits des
Hellènes ; le livre qui faisait connaître le théâtre de leurs
combats devait se répandre rapidement. Toutefois, on aurait
tort d'attribuer aux circonstances le succès qu'il a obtenu. A
toute autre époque, ce succès, moins général peut-être, et
surtout moins prompt, eût été tout aussi grand. Il serait diffi-
(1) Paris, 1826 et 1827; Firmin Didot père et fils, rue Jacob,
n° a4- 6 vol. in-8°, avec deux cartes de la Grèce, collées sur toile, et
renfermées dans un étui; prix, 60 fr.
(2) Paris, i8a5 ; Firmin Didot. 4 vol. iû-8Qj prix, 35 fr.
SCIENCES MORALES. fi
elle de citai un aune outrage du mène genre <>" I <>" trouvât
jilus d'érudition el <!<• science , une étude plus approfondie des
li»Mi\, icK (|i i'i ls mm maintenant ai tels (pi'ils paraissent avoir
été jadis, enfin des notions plus étendues sur tout ce qui peut
intéresser l'observateur.
Après avoir public un Vqyoge <n JHorée, à Constantinople
H en Ailxinic , fruit d'uu premier séjour daiis l'Orient, M. Pou-
queville, nommé en t8o5 consul-général à Janine , fut chargé
par If gouvernement français de parcourir la terre classique,
de l'étudier avec une attention scrupuleuse, et de rédiger une
description exacte des lieux, un exposé complet des institutions
politiques et des mœurs de la population. L'habitude de parler
le grec moderne et de lire le grec ancien, des connaissances en
physique et en histoire naturelle, devaient l'aider beaucoup à
remplir les vues du ministère. Il a résidé dix ans auprès du
satrape de Janina, et l'investigation de la Grèce l'a constam-
ment occupé. Voilà bien des moyens de parvenir à l'exacti-
tude.
Ces moyens cependant n'auraient pas suffi, sans une bonne
méthode. An bout de trois ans passés en Albanie, l'auteur se
crut assez riche en matériaux pour essayer de faire connaître
l'Epire et l'illyrlc macédonienne. Il avait commencé par recher-
cher ce que furent ces deux pays aux tems les plus reculés,
pour redescendre par degrés jusqu'à leur état actuel. Mais
bientôt il s'aperçut que son édifice, élevé sur des ruines , man-
quait d'une base solide; il recommença ce qu'il croyait ter-
miné; et procédant en sens inverse de ses premières opérations ,
il partit de l'état moderne pour arriver aux siècles héroïques. Les
traditions les plus vulgaires, les plus ridicules même, le mirent
quelquefois sur la voie de découvertes utiles. Il consulta sans
relâche les cartulaires des couvens, les archives des métro-
poles, les chroniques de la conquête du Péloponèse par les
croisés, les histoires des Byzantins, et tous les livres modernes
qui pouvaient lui fournir quelques lumières. Passant ensuite
aux historiens de l'antiquité, il sut en tirer de plus imporians
secours. Comme tous les vrais observateurs, il a reconnu que
76 SCIENCES MORALES.
ces grands hommes n'étaient pas moins des modèles de fidélité
que d'éloquence.
Une marche si laborieuse et si sage a produit les plus heu-
reux résultats, surtout pour la description de l'Épire. Plusieurs
indices et de judicieuses réflexions ayant porté M. Pouqueville
à reconnaître dans le vallon de Janina l'ancienne Héllopie, et
dans les ruines de Gardiki l'Iéron de Dodone, il s'appuie sur
cette découverte pour fixer la position de la plupart des villes
de l'Épire qui furent détruites, soit par les Romains, soit, plus
tard, par les barbares. Si l'on ne voyait dans ces recherches
que l'aliment d'une vaine curiosité, on se tromperait étrange-
ment. Les investigations de ce genre peuvent être, sous plusieurs
rapports, aussi utiles que curieuses. D'abord, elles jettent un
plus grand jour sur l'histoire des guerres dont la Grèce an-
tique fut le théâtre. M. Pouqueville l'a bien senti. 11 suit,
d'après ses nouvelles données, la description que Tite-Live
nous a laissée des marches de Flaminius et de Philippe , et il
montre combien les récits de cet historien acquièrent ainsi de
clarté. En second lieu, connaître exactement la position des
principales cités détruites est un préliminaire indispensable, si
l'on veut diriger avec fruit les fouilles que les Grecs modernes
ne manqueront sans doute pas d'entreprendre lorsque la
victoire leur permettra d'employer la bêche h un autre usage
qu'à creuser des fossés et à élever des retranchemens. Enfin , et
je m'étonne que le savant auteur n'ait pas fait cette re-
marque , les sites choisis par les anciens pour les fondemens
de leurs villes, et ce que leurs écrivains nous ont transmis sur
la salubrité plus ou moins grande de chacune de ces habita-
tions, seront les guides les plus sûrs que les Hellènes puissent
choisir dans la reconstruction de la Grèce ; l'état où se trouvait
leur pays, lorsqu'il était vivifié par l'indépendance, pouvant
seul leur faire présumer ce qu'il sera, quand les ruines, les
marais, les fanges fétides et les exhalaisons meurtrières qu'y
répandit le despotisme en auront disparu avec lui.
Mais ces découvertes dont on ne saurait nier l'utilité, du
moment qu'on les aurait constatées, sont elles mêmes sujettes
H
SCIENCES MOR W.F.s. 77
à contestation : elles se fondent toujours nécessairement mu
quelque chose d'hypothétique. Bfalgré toute L'érudition que
l'auteur emploie à les prouver, et encore bien qu'il parvienne à
les Caire paraître vraisemblables, quelques lecteurs n'y verront
peut-être que d'ingénieuses et savantes conjectures, et je n'ose-
rais moi-même affirmer qu'elles soient toutes exactes. Le voile
de l'antiquité peut, même en se déchirant, tromper encore les
yeu\ de l'observateur le plus éclaire. Un pareil inconvénient
n'est point à craindre dans le tableau de l'Kpire moderne. Il
ne s'agit plus ici de conjectures, mais d'observations positives.
Aussi l'auteur nous fait-il parfaitement connaître cette belle et
malheureuse contrée. Il décrit avec netteté les chaînes de
montagnes qui la bornent ou la divisent, le partage des eaux
qii coulent de ces hauteurs pour la fertiliser, les différens
climats qu'on y rencontre, et tout le littoral de la mer qui la
baigne. A ces recherches sur la géographie physique, il réunit
tous les élémens d'une statistique complète, c'est-à-dire les
notions les plus certaines sur les divisions territoriales établies
par le gouvernement civil, sur les circonscriptions ecclésiasti-
ques , la population , la situation et l'état des villes , des villages,
des routes; sur les revenus, sur les impôts, sur l'industrie, sur
l'agriculture. Souvent ses relations sont si précises, qu'en le
suivant dans ses doctes excursions, on se rend compte de la
forme même des objets; on croit apercevoir les moindres
accidens du terrain. Toutefois , son livre n'offre point cette
sorte d'aridité que présentent d'ordinaire les ouvrages du
même genre. Il mêle fréquemment aux descriptions scientifiqu e
des souvenirs pleins d'intérêt, des rapprochemens heureux. Is
marche sans cesse entre des tableaux de deuil et des vestigesl
de gloire. Les fureurs des despotes ont jalonné sa roule de
monumens si hideux, que, pour rester observateur fidèle, ii
doit devenir écrivain passionné. J'en citerai un exemple.
M. Pouqueville est conduit par ses recherches dans la ville de
Cardiki, dont on sait que le visir de Janina fit massacrer tous
les habitans.
«J'avais visité, dit-il, cette ville florissante; j'avais connu
-S SCIENCES vMORALES.
ses familles patriciennes unies par les liens du sang aux pre-
mières maisons de l'Epire; j'avais été témoin de ses malheurs
récens, quand j'en approchai pour la seconde fois; et malgré
la résolution que j'affectais, je fus frappé de terreur en y
entrant. Je frissonnai en voyant les mosquées abandonnées, les
rues désertes et silencieuses, et le deuil d'une ville entière
privée de ses habitans. Les pas de nos chevaux étaient les
seuls bruits, nos voix les seules intonations auxquelles l'écho
endormi répondît en se réveillant du fond des tombeaux. Par-
tout se présentait l'image de la désolation, ouvrage du satrape
de l'Épire. Les bains publics ouverts, les portes des maisons
brisées, des pans de mur écroulés, des rues incendiées, et
pour êtres vivans quelques sinistres jacals, ou des chiens deve-
nus presque sauvages, qui, par leurs hurlemens, paraissaient
nous demander leur maître et invoquer la pitié : voilà ce qui
restait de Cardiki. Nous nous assîmes, comme dans le désert,
auprès d'un puits, d'où mes regards se portèrent tristement
sur l'horizon, dont je comparai l'aspect au relevé que j'en
avais fait dans des tems plus heureux. » (T. n, p. 24.)
Après nous avoir fait parcourir les diverses contrées de
l'Épire, M. Pouqueville consacre deux chapitres à des aperçus
généraux sur cette province. 11 ne donne que comme un essai
ses observations sur la minéralogie; cependant elles peuvent
être utiles. Mais, Ce qu'on verra certainement avec plaisir,
c'est la peinture des tremblemens de terre si fréquens dans la
vallée de Janina, le tableau du changement des saisons et de
l'état de la campagne aux différens mois de l'année. On ne
pourra surtout lire sans émotion tout ce que l'auteur raconte
de la misère des paysans épirotes, et de l'oppression qui pèse
sur euXï
En passant de l'Épire dans les autres provinces grecques ,
INI. Pouqueville nous avertit qu'il n'a eu pour les étudier ni
le même loisir , ni les mêmes facilités. Une politique soupçon-
neuse lui a refusé l'accès de certains pays; et pour compléter
son travail, il a été forcé de joindre à ses observations per-
sonnelles celles des voyageurs qui avaient le mieux connu ce
SCIENCES MORALES. 7g
qu'on l'empêchait de voir. Ainsi, dans la Macédoine, ses
reconnaissances particulières s'arrêtent à !a vallée de la Dévol :
mais un observateur éclairé lui a fourni les matériaux néces-
saires pour achever la description de rillyric macédonienne et
de là Dassarettte; le dis aîné de M. Barbier- Dubocaoe lui a
remis un itinéraire de Thcssaloniquc à Pella ; et son frère,
M. Hugues Pouqueville, le récit d'un voyage à travers la Bosnie
et la partie septentrionale de la Macédoine. Ailleurs, il s'est
servi de document empruntés à MM. Holland,Gell,Dodwell
et Smart Hugues. Enfin, dans la description de l'Argolide, de
l'.Yrcadie et de la Laconie, il cite des fragmens pleins d'intérêt
qui doivent faire partie de la relation d'un Voyage dons le
Levant , dont M. Ambroise-Firmin Didot a publié, il y a deux
ans, un premier volume remarquable par des réflexions im-
portantes sur les lieux, les hommes, les institutions, par des
vues généralement sages, quelquefois étendues , et par le talent
de décrire réuni à celui d'observer.
Tous ces précieux secours ont permis à M. Pouqueville de
nous offrir le tableau de la Grèce entière. Mais il n'est pas une
seule province du continent dans laquelle ce laborieux voya-
geur n'ait fait lui-même de savantes recherches, et dont il ne
décrive certaines parties avec autant de soin, de précision et
de détails qu'il en a mis dans la peinture des contrées de l'Épire
qu'il avait le plus fréquentées. Je citerai, par exemple , ses des-
criptions du fameux vallon de Tempe, de la ville de Nauplie ,
et des ruines de Corinthe.
A ces itinéraires si variés succèdent des morceaux d'un in-
térêt plus général et plus puissant encore, où. il examine et
juge les diverses nations qui habitent les lieux dont il vient de
tracer la statistique. Après avoir étudié l'Épire et la Macédoine,
il s'arrête pour rechercher l'origine des Albanais ou Schype-
tars qu'on rencontre principalement dans ces deux provinces,
et pour nous faire connaître leurs usages, leurs mœurs, ainsi
que le caractère physique de leurs différentes peuplades. Rien
de plus curieux que tout ce qu'il raconte de ces barbares qui
tiennent à la fois de nos aïeux du moyen âge et des sauvages
de l'Amérique.
8o SCIENCES MORALES.
Le denier volume est rempli presque en entier par le ta-
bleau de la législation, des croyances religieuses, des moeurs
et de l'éducation chez les deux peuples qui se disputent la
Grèce...
Au moment où les Grecs se préparaient à prendre place
parmi les nations, toutes les nations devaient désirer de voir
paraître un ouvrage capable de fixer leurs idées sur le carac-
tère du peuple nouveau qui , naissant à la liberté , sous les
auspices de la victoire, venait augmenter la grande famille
européenne. M. Pouqueville retrace la vie morale et intellec-
tuelle des Grecs jusque dans les moindres détails. Adminis-
tration civile et religieuse , croyances, préjugés populaires,
habitudes , inclinations , travaux de l'agriculture et de l'in-
dustrie , il fait tout passer sous nos yeux. Aucun livre sur ce
sujet n'offre autant d'instruction , ne rassemble autant de faits.
Mais il est certains points sur lesquels je ne puis être d'accord
avec l'auteur; et je crois devoir discuter ceux de ses récits ou
de ses jugemens qui me paraissent exagérés ou inexacts. J'ai
vu souvent des hommes impartiaux s'appuyer sur son témoi-
gnage dans les reproches qu'ils adressaient aux Hellènes , et
se prévaloir d'autant plus de son opinion que personne ne
pouvait mettre en doute ses intentions généreuses. On me par-
donnera, j'espère, de donner quelque étendue à cette partie
de mon analyse.
Pour commencer par l'objet le moins important , il me
semble que M. Pouqueville s'exprime d'une manière beau-
coup trop générale, en assurant qu'on refuse aux jeunes
Grecques les premiers êlémens de la lecture et de V écriture. Je
ne citerai , pour le combattre , que des autorités bien connues.
M. Edward Blaquière a rencontré en Grèce plusieurs jeunes
filles qui possédaient au moins ces faibles commencemens d'ins-
truction. M. Ambroise-Firmin Didot a vu , dans Cydonie , une
jeune Grecque qui parlait le français , l'italien, et le grec
ancien le plus pur, qui savait parfaitement les mathématiques ,
et s'occupait... de l'étude des sections coniques de Newton (i).
(i) Notes d'un Voyage dans le Levant , page 3j5.
SCIENCES MORALES. Ri
Enfin, le vénérable M. Corel, dans son Mémoire sur l'état de.
ta civilisation en Grèce, publié il y a vingt-quatre ans, dit
expressément : Les riches... donnent une éducation plus soignée
à leurs en/ans , sans en excepter ceux du sexe , exclu jusqu'ici de
toute espèce d 'instruction , comme il était exclu du commerce
même le plus innocent avec les hommes. M. Po 11 que ville a donc
rapporté comme encore existant un usage dont on s'est écarté
depuis bien des années. Ne montre- t-il pas aussi une exces-
sive sévérité lorsqu'il nous dit que la conscience nationale des
Grecs leur fait regarder l'usure et la fraude comme des moyens
licites de gain (tome vi , page i85) ? Quant à l'usure , on doit
remarquer que le même taux d'intérêt, qui parmi nous serait
monstrueux, pouvait n'avoir rien de révoltant dans un pays
où le caprice d'un despote menaçant toujours toutes les for-
tunes, rendait immenses les risques du prêteur. Mais aucune
circonstance ne peut excuser la fraude, et il me semble bien
difiieile que la conscience dune nation n'y voie qu'un moyen
licite de s'enrichir. M. Pouquevillc n'aurait il pas été induit
en erreur par des rapports qu'ont multipliés, de toutes parts et
depuis long-tems, des rivalités commerciales? Dans tous les
cas , je me plais à reproduire ici un témoignage à décharge
que je n'ai jamais entendu démentir. « Les capitaines hydriotes,
dit M. Coraï (ouvrage déjà cité, page 28), ne connaissent
guère , dans leur cabotage de l'Archipel, ce qu'on appelle dans
le commerce les connaissemens. On leur confie des sommes
considérables d'argent monnoyé dans des sacs notés de la
marque des propriétaires, et accompagnés d'une simple lettre
d'avis. Arrivés au lieu de leur destination , ils distribuent les
lettres et les sacs; et loin qu'on cite aucun exemple de mal-
versation, il est arrivé que des sacs d'argent restés, faute de
réclamation, pendant deux et trois ans dans la caisse du capi-
taine, ont été rendus , au bout de ce tems , aux propriétaires
daus le même état qu'ils avaient été consignés. »
Du reste, M. Pouqueville rend fréquemment hommage à la
valeur, à la constance dans la foi nationale, à l'intelligence na-
turelle qui distinguent les Hellènes. Mais il me semble qu'on
r. xxxvi. — Octobre 1827. 6
SCÏEjSCES morales.
ne peut donner une idée bien exacte de ia physionomie mo-
rale des Crées, m ob les considère comme une seule nation.
Qu'on juge en masse les Français, les Anglais , ou tout antre
peuple dont un*' administration unique , des positions uni-
formes ont lait un ensemble en quelque sorte homogène . à
la bonne heure : on peut arriver à des résultats qui ne s'é-
loâgnent pas trop de la vérité. 11 n'en est pas ainsi de la Grèce.
Je persiste du moins à croire, comme je l'ai dit ailleurs (0,
que , pour bienjngep les Grecs, il faut les diviser en trois classes :
ceux qui ont été souvent mis en contact avec l'étranger par les
lui ni l/ations et te pouvoir qu'ils en recevaient; ceux qui ne l'ont
approché que dans les combats qu'ils soutenaient contre lu: ;
enfin , ceux qui ne l'ont connu que par les malheurs qu'ils sup-
portaient en silence. Ces trois classes forment comme trois na-
tions distinctes que des positions sociales entièrement diffé-
rentes ont singulièrement modifiées , et qu'on ne peut réunir
sons un même point de vue. Il n'y a presque rien de commun
entre le pavsan des plaines qui ne se relevait de sa patience
timide que par sa résignation au martyre, et ces peuplades
belliqueuses qui, ne pouvant plus défendre les lieux d'un
facile accès , se réfugièrent dans les montagnes, comme l'élite
d'une garnison , forcée de quitter une ville en ruines , se retire
dans la forteresse avec sa gloire et son drapeau.
C'est surtout à l'égard de ces braves , que le savant auteur
me paraît tout au moins sévère. Il me saura gré lui-même, j'en
suis sûr, de combattre qui Iqnes-unes de ses assertions, et de
chercher à dissiper l'obscurité que des expressions contradic-
toires pourraient jeter sur quelques autres. La plus fameuse
dès peuplades indépendantes est, sans contredit, celle des
Souiiotes. n<J- Pouqueville a célébré avec enthousiasme les Bot-
zaris t4 1rs Tsavellas dont ses récits ont répandu la gloire.
ï.'cpi -îîdant , je ne puis souscrire au jugement qu'il porte de
leurs compatriotes. Il semblerait n'accorder aux anciens habi-
K*na de Souli d'autre mérite que la valeur. La barbarie des
(i) Ûiscours , lire de l'Histoire du siège de Missola>ighî, page \j.
SCIENCES MORAL]
Sotriiôtet , 'lil-il, leur reuelasie , lettr\ nuenrs d< v<i ^tat / ,, -, -s , //,/.
firent , au Uetl de libérateurs , qu'un corps- arme (le hriyjinds. /.,,
hnivoiiii- était lettlc honor, e paMli'CUX , < I eefte fjmiliit- Dul^tuii ,
nui (tppaitit r/t au pâtre eunkWie au lieras , tenait lien de toutes le:,
vertus qu'Us ne connaissaient pas \ lonic m , j>. ftfaof). Leur ré-
publique , \ oyons- nous plus loin, n'était (jii'iinc anarchie. Dès
Cannée 1790, nno différence éitorftlti s'eiant établie entre lés
fortunes, les plus riches coudoyèrent des partis, et... la porte
fut ouverte à In corruption et au.r crimes (jui eu sont insépa-
rables, d
\c croirait-on pas, d'aprèS Ce passade, que les Souliofr. ,
en 1790, ressemblaient à ees peuples 'le nos jours où toutes
les idées nobles et patriotiques ont fait place au seul amour de
l'or? L'auteur ne paraît-il même pas les placer au-dessous de
ces nations dégradées, si honteusement semblables aux Romains
du Bas-Empire? En bien, c'est surtout de 1790 a i8o3, que
les annales de Souli rappellent l'histoire des plus beaux siècles
des grands peuples de l'antiquité. Il s'est trouvé des traîtres
dans Souli , je le sais : mais là c\i\ moins on les compte; y
a-t-il beaucoup de nations modernes où l'on puisse les compter?
Rien loin que la valeur fût la seule vertu des Souliotes , où
trouver ailleurs tant d'exemples de désintéressement, de fidé-
lité à sa parole , de dévoûment , de constance et de grandeur
d'âme? Enfin , une peuplade anarchique aurait-elle pu , quelle
que lut sa position , résister si long-tems aux forces et à l'astuce
du visir de .bmina ?
Après les vingt années de cette i tiLI <ï terrible, après ies mas-
sacres qui suivirent la trahison , après dix-sept ans d'exil ,
les débris de la population de Souli ont repai u dans la -Grèce,
au premier cri de liberté. Getto population est maintenant
presque éteinte. Mais, avant de descendre au tombeau, elie
a imprimé une trace immortelle sur tous les. monumens de i.i
nouvelle gloire des Grecs, Elle1 a consacré par son sang tous
leurs triomphes; par sa constance , tous leurs malheurs.
Hommes , femmes , enfans, ont : ou jours été au premier rang ,
•■■mire l'ennemi , eonlru la faim', contre les dissensions in-
6.
-
ft| SCIENCES MORALES.
leslines. Quel est le Grec moderne que l'Europe entière a salué
du nom de Léonidas? un Souliote. Quels sont, avec Nikitas,
les chefs que l'accusation , vraie ou fausse, de rapacité, n'a
jamais atteints ? des Souliotes. Qui balança , sous les murs de
Néocastron la baïonnette et l'artillerie légère des Égyptiens ?
des Souliotes. Qui couvrit de plus de lauriers les brèches de
Missolonghi ? des Souliotes. Qui commandait à Clissova? un
Souliote. A qui le gouvernement s'adrcssa-t-il pour réprimer
la turbulente ambition de Colocotroni? aux Souliotes. Certes,
il fallait qu'il y eût quelque chose de bien grand et de bien
noble dans les institutions qui ont formé cette héroïque peu-
plade, regardée, en Grèce même, comme la fleur de la popu-
lation hellénique.
Quant aux Klephtes, qui ne fondèrent point, comme les
Souliotes, un état libre au milieu de la Grèce asservie, mais
qui firent de ses montagnes des camps de refuge pour son
honneur et son avenir, M. Pouqueville les apprécie beaucoup
mieux. Je n'ai point ici à le combattre , mais seulement a, fixer
l'attention sur les passages où il leur rend une complète jus-
tice. Cette précaution me paraît nécessaire pour empêcher le
mauvais effet que pourraient produire d'autres endroits de son
livre dont les expressions risqueraient sans cela d'être inter-
prétées d'une manière trop défavorable aux guerriers de l'O-
lympe et d'Agrapha.
Dans la première édition de son Voyage, il avait négligé
leur histoire. Une énumération honorable, mais rapide, des
exploits de leurs chefs les plus fameux se perdait au milieu des
détails sur la nation soumise. Continuellement occupé de la
Grèce esclave, le lecteur apercevait h peine la Grèce indé-
pendante qui n'a jamais oublié ces nobles paroles de Thucy-
dide : Le bonheur est dans la liberté , la liberté dans le courage.
Des expressions peu mesurées achevaient de donner une idée
peu juste de ces guérillas de l'Olympe , aussi dignes des re-
gards de l'histoire que celles dont se couvrirent les rochers des
Asturies , au moment où le croissant dominait sur les plaines
espagnoles. De nouvelles réflexions, produites peut-être par
SCIENCES MORALES. H
la lecture (!<• l'excellent discours de M. Pauriel (i), ont engagé
l'auteur à remplir cette lacune dans l'édition qu'il vient de
publier. Il consacre aux Klephtes un chapitre tout entier, le
quatrième du livre onze. Là , il remonte jusqu'aux tema les
plus reculés j OÙ les roeliers de la Grèce devinrent le refuge
d'une partie des esclaves qui, n'ayant plus, après leur fuite,
d'autre inoven de subsister que le brigandage , fuient contraints
de s'y livrer. Il établit une grande différence entre ces esclaves
fugitifs et les Grecs qui se retranchèrent dans les montagnes
pour échapper au joug de Rome victorieuse; il demande avec
toute raison quels étaient les vrais brigands , des Romains ou des
montagnards du Parnasse , de l'OKta et du Cytliéron. Lorsque
Sylla , dit -il plus loin , eut réprimé l'insurrection de la Grèce
fomentée par Mithridate , les Klephtes , repoussés de la terre ,
s'élancèrent sur les mers. Delà, cette multitude de pirates que
Pompée fut obligé de combattre. Après l'établissement du chris-
tianisme dans la Hellade , les persécutions de Licinius refou-
lèrent les chrétiens dans les cavernes. Leur secours fit triompher
Constantin et le Labarum. L'invasion des croisés français
doubla le nombre des Klephtes. Ce fut bien pis encore sous les
Turcs. Les chrétiens restés dans les plaines furent forcés de
subir le joug. Ils se trouvèrent dans une attitude fausse que
des voyageurs sans discernement prirent pour de l'abjection.
« Les Grecs, poursuit l'auteur, étaient, à entendre ces dé-
tracteurs de l'infortune , un accident disparate et profane jeté
mal à propos au milieu des ruines de la Hellade. Mais , s'ils
avaient osé porter leurs regards vers les montagnes de la Sel-
léïde , du Pinde , du Parnasse , de l'Othrys et de l'OEta , quelle
eût été leur surprise? Ils y auraient appris que l'autorité même
de l'église a échoué contre ces superbes courages , chaque
fois qu'elle a voulu s'interposer pour les rappeler au joug de
l'obéissance des sultans... Quand les caloyers ou les prêtres ,
(i) Voyez le Discours préliminaire du Recueil des chants populaires de
la Grèce moderne, avec la traduction française en rçgard ; Paris, i8a,4
et i8-i5. a vol. in-8°.
SCiKNCivS MORALES.
qui les gnidaien; aux combats contre les Turcs , étaient, ainsi
qu'eux , frappes d anathèmes, et menacés de l'enfer et d'appa-
ritions sinistres, leurs rapsodes répondaient aux excommuni-
cations en disant comme Polydamas : « Je ne suis pas arrêté
par des craintes vulgaires , et je m'inquiète peu si les oiseaux
volent à droite vers l'aurore , du coté du soleil , ou à gauche
\ ers le couchant , séjour des ténèbres... le meilleur des augures
est de combattre pour la patrie. » Ce fut de ces bandes que
m' composèrent les Armatoles dont les. soldats conservèrent
cependant le nom de Klephtes ou voleurs... Ce fut à tort que
Lascaris , témoin des désastres de sa patrie , ordonna de trans-
crire sur son tombeau élevé en Sicile , qu'il n'y avait pas dans
la Grèce un coin de terre qui fût digne de donner la sépul-
ture à un homme libre ; il y eut toujours des citoyens armés
et des cantons indépendans... Ces braves, ou Palicares, can-
tonnés dans les rochers de la Selléide , de l'Acrocéraune , du
Pinde j du Parnasse , du Taygète , sans se rallier aux drapeaux
de Venise, avaient conservé des cantons libres où ils s'organi-
sèrent sous des chefs militaires qui furent appelés capitaines
dans l'Acrocéraune, polémarques chez les Souliotes qui étaient
partagés en phares; Képhaladès parmi les bandes du Pinde ;
chefstains dans le Péloponèse. Leurs soldats, connus d'abord
sous la dénomination de Stratiotes et de Palicares , ne s'enor-
gueillirent que plus tard de celle de Klephtes ou brigands ,
qui leur fut donnée par le gouvernement turc : c'est vers
l'année i56o qu'on les trouve ainsi désignés dans quelques
correspondances diplomatiques. Les Eleuthérolacons , appelés
ïzacons par les Byzantins, acceptèrent à cette époque la qua-
Jiîication de Maniâtes ou Furieux; les Cretois des Monts-
i>4l!ùcs, celle de Sphaciotes ou E gorge urs ; et les pirates de
1 Archipel se glorifièrent de l'épithète de Levcntis que leur au-
dace ennoblit , aux yeux mêmes des Turcs. »
Ces fragmens , tirés textuellement des pages 232, 233, 234
et 236 du tome iv, suffisent pour contenter les plus chauds
partisans des premiers insurgés grecs, dignes ancêtres des
héros dont nous voyons les nobles efforts. Ils montrent avec
SCIl,\CKS MORALES. 8;
évidence qu. s! (c, insurges are. plerenl des denouinr I ion -,
par elles-mêmes injurieuses, ce fui uniquement paire qu'ils
.iMiircul ijiic, (l;iiis un pays < ouquis , 1rs injure.-, do l'étranger
siuii des litres d'honneur i comme ses éloges «les flétrissures.
Un y yoil quelle est la véritable acception <lu rtjpl kèephte tp-<
pliqué aux montagnards, de la iielladr. (> n'était plus qu'une
simple désignation de parti qui ne cotiserait rien du sa pre-
mière signification^ Pourquoi donc M. Pouqueville la traduit -44
souvent par tin terme qui, dans noire langue, ne rappelle que
rcite signification ancienne, et ne réveille que des idées de
bassesse et d'infamie; idées bien différentes de celles que doit
apporter |e nom de cl"> hommes qui, pour nie servi»' des
expressions de l'auteur lui-même , furent toujours animes par
l'amour de la patrie ? Comment , après avoir expliqué si bien
ce qu'étaient ces défenseurs de la Grèce, a-t-il laissé , dans sa
seconde édition , les lignes suivantes : Les Armatotis s'élauceut
<!a /i s la cairicre du brigandage avec une audace digne d'une plut
belle cause? Ici, le mot brigandage n'est plus emplové dans
une acception détournée; les dernières paroles sembleraient
indiquer que l'auteur veut parler de véritables brigands.
Pourquoi retrouvons-nous ailleurs le repilire des bandes de
KleplUes de l'Etoile? Pourquoi plusieurs comparaisons des
Armatolis avec les flibustiers, et d'autres passades plus signi-
ficatifs encore , tendent-ils à représenter les bandes des Grecs
insoumis connues des hordes de brigands , ou à jeter du moins
une confusion fâcheuse dans les idées du lecteur à ce sujet ?
Sans doute, un pays administré comme l'était la Grèce, a dû
receler en assez grand nombre de véritables voleurs de grand
chemin. Bien des Turcs, et peut-être aussi des Grecs, ont dû
s'arroger le droit d'assassiner et de piller à volonté , sans avoir
acheté du sultan un diplôme de visir ou de cadi. Sans doute
aussi quelques-uns de ces misérables ont pu se joindre parfois
aux montagnards indépendans que leurs périls l'orraient à ne
pas scruter trop sévèrement la conduite antérieure de ces
recrues. Mais il aurait fallu , ce me semble, tracer une ligne
de démarcation bien tranchante entre deux espèces d'associa
88 SCIENCES MORALES.
lions si opposées , appeler toujours les uns voleurs ou bandits,
les autres uniquement Klephtes.
Au surplus, ces remarques ne peuvent diminuer en rien
l'estime que mérite, à tant de titres , le Voyage de la Grèce. Il
doit trouver place dans la bibliothèque de tous les admirateurs
des Grecs antiques et de tous les partisans de la Hellade mo-
derne. Après l'avoir lu, on sentira plus vivement combien il
importe à toutes les nations civilisées que le plus beau pays
de l'Europe échappe à l'influence pernicieuse qui frappe de
stérilité le sol le plus fécond et les esprits les plus ingénieux,
qui infecte les plaines, les fleuves, les villes, et ne permet pas
même aux malheureux habitans de tirer du sein de la terre
d'innombrables chefs-d'œuvre, monumens encore inconnus du
génie de leurs ancêtres. On sentira mieux aussi toute la gran-
deur de ce peuple prodigieux à qui l'espèce humaine doit ses
premiers et ses plus beaux titres de gloire; de ce peuple qui,
même dans la tombe, influe tellement sur toutes les autres
nations que le retour à ses exemples annonce partout les
époques d'honneur et de génie, comme le mépris de ses leçons
précède partout les âges de honte et d'abrutissement. Les
hommes qui parlent tant de la Grèce antique sans la connaître,
et qui attachent tant de prix à de petits détails inaperçus aux
yeux du véritable politique, n'apprendront peut-être pas sans
quelque élonnement, je dirais presque sans quelque regret,
que la méthode de l'enseignement mutuel, tant prônée comme
une découverte récente, est pratiquée, depuis un tems immé-
morial, dans l'Attique, dans le Péloponèse, dans l'Épire, et
date, selon toute apparence, du siècle de Périclès, si ce n'est
même du siècle d'Harmodius.
Il est des objets que les yeux peuvent seuls saisir avec pré-
cision. Aussi, les ouvrages où l'on se propose de faire bien
connaître un pays et un peuple ont-ils besoin, pour atteindre
complètement ce but, d'être accompagnés de cartes, de vues
perspectives et de figures. C'est ce que M. Pouqueville n'a point
oublié. Il nous donne des cartes qui paraissent tracées avec
beaucoup de soin, des figures dont plusieurs sont excellentes;
SCIENCES MORALES. 89
enfin, des vues assez nombreuses. Si Ces paysagefe SOnf en gé-
néral d'une exécution très-faible, quelques-uns, signés du
nom de M. Fauvel, doiven' avoir au moins le mérite de l'exac-
titude.
Le stvle offre assez souvent des expressions heureuses; sou-
vent aussi on y rencontre des taches. Mais les défauts de Vélo—
eut ion choquent beaucoup moins dans les écrits de ce genre
que dans les ouvrages purement littéraires. Il en est pourtant,
dans le Forage de la Grèce, qui peuvent quelquefois nuire à
la clarté du récit. Tels sont des équivoques produites par la
construction des phrases, et l'emploi de certains mots tirés
du grec qui, n'étant pas encore passés dans notre langue,
doivent embarrasser les lecteurs étrangers à l'idiome hellé-
nique; comme, par exemple, ecnêphles employé pour nuages,
et hydragogue mis à la place à'aquédu.c. Quelques personnes
blâment aussi la chaleur et le coloris que l'auteur a déployés
dans plusieurs passages de son livre. Je ne puis partager leur
opinion. Elles auraient raison sans doute s'il s'agissait d'un
ouvrage purement géographique ou statistique; mais le genre
du voyage permet tous les tons, et les lieux où voyageait
M. Pouquevillc exigeaient qu'il mît parfois dans ses récits de
l'élévation et du mouvement. Quel est l'homme doué d'un
cœur généreux et d'un esprit juste, qui pourrait parcourir
sans émotion les champs de Platée et les rivages de Salamine?
Je sais bien qu'égarés par de singuliers systèmes , quelques
Français traitent de préjugés de collège l'intérêt qui s'attache
à ces noms éternellement célèbres, et s'étonnent qu'on n'é-
prouve point le même attrait pour les plaines de Ravenne et de
Tolbiac. D'où vient, disent-ils, de cette espèce de culte pour
des lieux reculés, entièrement étrangers à notre histoire, à nos
souvenirs? Ce culte, fondé sur les motifs les plus raisonnables
comme les plus nobles, vient de ce que les victoires de l'an-
cienne Grèce furent remportées par la liberté sur le despotisme,
par l'amour de la patrie sur la passion des conquêtes. Pour-
rions-nous éprouver les mêmes impressions au souvenir des ba-
tailles où les peuples ne faisaient tout au plus que changer de
90 SCIENCES MORALES.
chaînes? La [neuve que ce culte ne tient, point au prestige deq
noms, c'est que nous l'offrons aussi aux plaines de I.cmIc, au\
champs de Moi al. Si Marathon et Salamine nous frappent en
i ore de plus de respect . c est parce que , dans ces journées im-
mortelles, la civilisation du monde dépendait du triomphe de
la liberté. Supposez que Darius ou Xerxès eût vaincu Miltiade
ou Thémistoele; alors, selon toute apparence, nous ignore
rions encore la grandeur que peut déployer l'esprit humain.
Le siècle de Périclès n'eût point existé, ni par conséquent le
siècle d'Auguste, le siècle de Léon X et celui de Louis XIA .
Une fois les modèles créés par les Grecs, d'autres nations ont
pu les égaler; mais, pour que le génie s'élevât d'abord à une
telle hauteur, il avait besoin des suffrages d'un peuple libre
et du sourire de la victoire. En voilà, certes, plus qu'il ne
faut pour justifier l'auteur qui, après avoir Récrit en savant
les lieux tels que les a faits l'esclavage, change de ton pour
rappeler ce qu'ils furent autrefois.
Rien de plus instructif, d'ailleurs, que ces rapprochemens
entre l'état d'une ville de la Turquie d'Europe et l'état de cette
même cité lorsqu'elle faisait partie de la Grèce. Ainsi, on
voit, par exemple, l'Attique soumise à des rois barbares ne
compter que vingt mille habitans; on la voit s'élever par la
liberté au degré de prospérité, de richesse et de force qui a
fait l'étonnement du monde, et redescendre, sous la t\ rannie
ottomane, au même point de dépopulation et de misère que
dans les teins antérieurs à rétablissement de ses lois. Lasse le
ciel que l'indépendance la repeuple bientôt de grands hommes
et de grands monumens! Assez de sang héroïque a coulé de nos
jours sur le sol de la Grèce pour y produire une nouvelle
moisson de gloire et de talent.
Ceci me conduit à parler de la relation que M. Pouqueviile
nous a donnée des trois premières années d'une guerre si mé-
morable. L'espace me manque pour apprécier un ouvrage si
vaste. Heureusement, ce serait un soin superflu. i.'Histoijr «.V
:\i régénération fie la Grèce est dans les mains de tous mes
lecteurs. La seconde édition offre des corrections nombreuses,
SCIENCES MORALES. 91
l'importantes améliorations qui tendent principalement à
endre le style plus simple «i plus naturel. On y sent encore
;uis doute h précipitation da premier travail. On désirerait
urtout que I auteur eût soumis à une critique plus sévère
uelqucs-uns des documens sur lesquels il a écrit. Mais peut-
irc l'espèce d'exagération ptoétique âû'bhlui rfeprbcïic à'-t-èîle
on'nbne à redoubler l'admiration des Français pmu les défen
eurs de la croix. D'ailleurs, tout le récit du gouvernement
l'Ali est d'un intérêt dévorant; plusieurs autres parties sont
•eintes à effet et produisent une vive impression. Enfin , quoi
n'on en puisse dire , il est certain que eette histoire a beau-
oup servi les Grecs en mettant le public a portée d'attacher
es Pdéés moins values au théâtre des opérations militaires
t aux principaux acteurs. Or, quelle plus douce récompense
fôùr un écrivain que le bonheur d'être utile à la cause du
nalheur, de l'héroïsme et de la liberté?
Auguste Fâbre.
LITTERATURE.
1
t
Bibliothèque des classiques latins, avec la Traduction
eu regard; publiée par M. Jules Pierrot (i).
Chaque siècle a son esprit; et celui-ci procède inévitable-
ment de l'état réel des lumières. Les traductions des écrits de
l'antiquité dans nos idiomes modernes subissent aussi l'in-
fluence de cet état; nous comprenons mieux les anciens, selon
que nous nous comprenons mieux nous-mêmes. Plus notre ;
civilisation ressemblera, sous quelques rapports, à celle des
Grecs et des Romains, plus nous trouverons de choses qui nous
sont connues dans leurs ouvrages; enfin, plus nous avance-
rons dans leurs idées , et plus nous nous approprierons leurs
pensées, leurs sentimens, plus aussi nous en découvrirons de
nouveaux dans des productions déjà vingt fois élaborées. Le
perfectionnement des traductions du grec ou du latin dépend
donc, on pourrait le dire, de celui même de la civilisation. On
les refera donc, d'époque en époque, pour les rendre meil-
leures ; un petit retour de barbarie suffirait aussi pour les faire
défaire, afin de les rendre plus mauvaises; mais cette autre pé-
riode de l'histoire des traductions ne paraît pas jusqu'ici très-
menaçante; c'est donc vers le mieux que tous les efforts tendent
actuellement à les diriger. Les travaux innombrables des criti-
ques de profession ont, en général, amélioré les textes; la dé-
couverte et l'interprétation d'une foule de monumens authen-
tiques ont aussi jeté des lumières précieuses sur un grand
nombre d'obscurités reconnues, mais non dissipées jusqu'à ce
(i) Paris, 1826-1827; Panckoucke, libraire-éditeur, rue des Poi-
tevios, n° 18. — (La collection formera 120 à i3o vol. in-8°; prix de
souscription à la collection entière, 7 fr. le volume; on ne paie
rien d'avance. Chaque ouvrage se vend séparément 7 fr. 5o cent. le.
volume).
LITTÉRATURE. g3
>ur ; l'examen, qui guide partout les vrais Ravan&j et surtout
e doute véritablenaeni philosophique dont ils commencent a
'honorer, ont discrédité cette habitude de corrections et de
(institutions, trop commune dans les premiers siècles de l'érudi-
ion moderne. J,c niomeul actuel est donc réellement favorable
une révision générale des traductions que la littérature
r.un aise a produites jusqu'ici. On avancera peut-être assez
lans la connaissance entière de l'antiquité pour qu'un jour
ussi on qualifie de belles infidèles les versions françaises que
îotrc époque aura déclarées parfaites : mais il en est ainsi de
ou tes les œuvres humaines , et il y aura trop à gagner pour la
Ociété dans un tel état de choses, pour que les renommées qui
pourront en pâtir, ne consentent de bon coeur à être surpassées
i ce prix. Il n'y a pas là pour les écrivains de motifs de décou-
ragement: la science actuelle, qui travaille réellement pour le
jonheur commun , acceptera ce pacte, et, placée pour ainsi dire
ffltre deux feux , elle combattra honorablement les deux masses
le compétiteurs à la fois; ceux qui l'ont devancée, afin de faire
ïiieux qu'eux , et ceux qui doivent la suivre , afin de leur laisser
noins ou même rien à faire, s'il est possible. Il n'y a que de
'honneur et de la générosité dans une pareille lutte.
C'est ce qu'ont très-bien compris les savans distingués qui
Dut associé le concours de leurs lumières au zèle éclairé de
M.. Panckoucke pour le succès de la nouvelle et vaste entre-
prise que nous annonçons. Habitués par leur goût ou par leurs
devoirs à vivre avec l'antiquité latine, à s'instruire à ses leçons,
à s'émouvoir à ses récits, à se former aux éternels modèles du
bon esprit et du bon goût qu'elle nous a laissés, ils ont voulu
faire participer à tant d'avantages, à tant de pures jouissances,
tous ceux qui ne connaissent pas assez son admirable langage
pour l'écouter et le comprendre sans les ecours d'un interprète.
Fidèles à la mission qu'ils se sont donnée, c'est pour le lecteur
français qu'ils la rempliront en toute conscience : c'est à lui
qu'ils vouent les fruits de leurs longues veilles, et sans qu'il
soupçonne même quels pénibles labeurs les auront ainsi portés
à leur maturité.
I XI TKRATlillK.
I n douMë ïVàntâgié nous semble résulter du plan môirtè
adopte pour la nouvelle collection : le texte latin de chaque
auteur précède, page à page , sa traduction française. Le lati-
nise qui, sans s'être voué à une étude approfondie de l'idiome
du monde romain, en conserve cependant une certaine con-
naissance, assez générale depuis la restauration des études, ne
retrouvera pas ce texte original sans quelque plaisir; il aura
sous sa main un moyen de juger des efforts et des succès du
traducteur; et cette occupation momentanée, à laquelle pré-
sideront plus d'une fois sans doute un goût cultivé et une
érudition suffisante , n'a rien que d'attrayant pour l'esprit, et
d'utile pour une instruction même incomplète.
Une autre considération, d'un intérêt plus général encore,
recommandera également la nouvelle collection. On a cru trop
lonç-tcms que, pour bien traduire un auteur latin, il suffisait
de bien savoir la langue latine. Nous prétendons que cette
connaissance, à quelque degré qu'on la porte, n'est cependant
pas suffisante à elle seule. Il y a deux objets dans une phrase,
les mots, et les choses dont ces mots sont les signes écrits. Si,
comme les modernes, les anciens avaient rédigé des diction-
naires de leurs langues, dictionnaires où l'acception véritable
de chaque mot, en chaque circonstance déterminée, serait
rigoureusement fixée, l'embarras serait moins grand, moins
ordinaire, puisqu'il suffirait de bien comprendre la phrase qui
décrirait cette acception, et qu'en ce cas les analogies, les oppo-
sitions et le rapprochement d'une description conduiraient le
plus souvent à une connaissance certaine, ou très-approchante
au moins de l'idée exprimée par ce mot. Si encore ces anciens
avaient fait chacun dans leur langue quelque traduction d'un
texte écrit dans un autre idiome, et que l'un et Vautre nous
fussent parvenus, nous aurions encore un autre moyen authen-
tioue d'arriver à la parfaite connaissance du sens véritable de
chacun de ces mots. Mais il n'en est pas ainsi : les anciens ont
fait quelques Vocabulaires contenant une courte série de mots
de deux langues, simplement rapprochés sur deux colonnes;
on a recueilli récemment à Paris les fragmens d'un vocabulaire
ÙTTÉB \n RE. ./.
de cette sorte, en gprtc ei en l.iiin, ci il ne pcul cire d'une
tirs grande utilité pour la critique l.\iinc. Ommi aux traduc
lions proprement dites , la longue domination du latin', comme
tangue des gouvernemens en Europe depuis les conquêtes dès
Romains «i chot des peuples qui fofrg-tems riè connurent que
relie langue el sa littérature, ne pouvait 1 1 1 1 i 1 < - 1 ri ( ' ri ! rendn
nécessaires des compositions qui seraient aujourd'hui dfûW i\
grand secours pour nous; il ne nous en reste (loin; que In-,
peu de ee genre qui viennent de la belle antiquité même. Dans
eel rlnl de choses, lin traducteur seni|)iiieu \ , après î'êfrC Oc-
cupe attentivement des mois, n'est pas encore quitté de tontes
ses obligations e&VefS le lecteur-, il faut qu'il s'occupe des
choses exprimées par ces mois, et. c'est ici (pie commence
pour Ini une autre série de recherches non moins difficiles,
non moins pénibles, si du moins il veut dire en fiançais ni
plus ni moins que ee qu'a dit [écrivain latin. Ici il doit ouvrir
l'encyclopédie de ton les les connaissances possédées par les Ro-
mains, et ce ne serait pas trop que de la posséder toute entière
pour bien traduire, par exemple, Cicéron. Voilà ce que nous
entendons par les choses qui sont dans les ouvrages des Latins;
mais ils ne firent pas non plus d'encyclopédie ; il nous faut donc
la faire pour eux et selon eux, c'est-à-dire, chercher ce qu'ils
ont voulu dire afin de savoir ce qu'ils ont dit. C'est cette con-
naissance des choses qui a manqué généralement, à la plupart
(Jes anciens traducteurs, et qui les a induits à faire parler
Cicéron comme un avocat au barreau, Énée comme un élé-
gant sentimental de la cour de Louis XV, Horace comme un
bel esprit de salon, et César comme s'il avait écrit la conquête
des ireiite-deu\ généralités du royaume de France. Il y a dans
la langue latine une foule de mots que j'appellerais techniques,
en tant qu'ils se rapportent aux institutions publiques, et dont
le sens varie néanmoins selon les tems et selon les lieux : ce-
mots exprimaient donc des choses différentes, analogues pein-
dre, mais non pas identiques ; ils se trouvent dans tout ce qm
se rapporte aussi aux usages généraux, à l'administration, à h
ion, aux coutumes uationales , enfin à tout ce qui cous-
yG LITTÉRATURE.
titue les (.Unions de l'histoire entière de la nation romaine, et
surtout des peuples qu'elle domina. Je ne crois pas qu'on tra-
duise complètement les narrations des écrivains latins, si l'on
ne s'occupe très-sévèrement à trouver la chose réellement
exprimée par chacun de ces mots , en ayant égard à la fois et
aux tems et surtout aux lieux ; on s'est donné très-rarement
cette peine dans les anciennes versions françaises, où ces mots
sont pour la plupart travestis en des équivalens français selon
une sorte de convention qui , pour être consacrée par l'usage ,
n'en est pas moins un vice que la science seule des mots ne
suffirait pas pour extirper. Les traducteurs de la nouvelle col-
lection latine, connus d'ailleurs par d'honorables succès dans
l'enseignement public, ou par des travaux littéraires qui sont le
gage de leur connaissance positive de l'antiquité classique, ont
senti ce que la solide instruction, aujourd'hui plus générale-
ment répandue, exigeait à cet égard de leur zèle, de leur
propre réputation, et ils s'appliqueront à donner, sous ce
rapport, à leurs versions françaises ce caractère de supériorité
incontestable sur celles qui les auront précédées. Ils savent ce
qu'exige d'eux l'amour du vrai, qui est le type de l'époque
actuelle, et l'accomplissement de ce nouveau devoir ne sera
pour eux qu'une nouvelle chance de succès. Les ressources
d'ailleurs ne leur manqueront pas pour cette autre partie de
leur tâche; les commentateurs, dans leurs prolixes élucubra-
tions , ont souvent éclairci bien des difficultés ; les archéologues,
depuis surtout que l'interprétation des auteurs et celle des mo-
numens sont regardées comme essentiellement dépendantes
l'une de l'autre et se donnant des lumières mutuelles, ont aussi
expliqué bien des passages obscurs dans les auteurs en expli-
quant les monumens ; les érudits , enfin , en scrutant l'antiquité
pièce à pièce, ont aussi dissipé un grand nombre de ses incer-
titudes pour nous , et leurs travaux sanctionnés par une opinion
éclairée, ont établi, sur bien des points essentiels, ce que
j'appellerai une jurisprudence d'interprétation, résultant de
rapprochemens nombreux, rationnels et concluans, sur des
mots ou sur des phrases entières d'auteurs latins qui ne parais-
LITTERATURE. :,
saienl pas, de prime abord, comporter nue telle expresssion;
et c'est encore ici l;i seienee des choses (jili M fondé celle (l< s
mots. Ces documens sont connus des ni n\< in\ traducteurs; ils
seferoni im devoir d'y prendre des direct ions utiles, capables de
prévenir de trop fâcheuses erreurs, et les plus propres à pér-
rectioriner leur ou\ rage.
Les trente-six auteurs latins les plus estimés, soit en prose,
soit en vers, formeront la collection entière dé 120 volumes,
environ, textes et traductions. Le format in-8°, généralement
préféré de nos juins, l'a élé aussi pour cotte bibliothèque la-
tine; sa belle et soigneuse exécution typographique répond à
son intérêt ; l'éditeur reproduit donc encore une de ces grandes
entreprises que son dévoùment à l'honneur et à l'intérêt des
lettres françaises a déjà si heureusement terminées.
Nous avons sous les yeux les huit volumes qui sont déjà
publiés, et ils justifient pleinement l'estime qu'une collection
de ce genre doit naturellement inspirer, lorsqu'elle est l'ouvrage
de professeurs distingués, et que l'un d'eux, M. Jules Pierrot
lui promet tous ses soins, et la place sous sa responsabilité
littéraire. Les deux premiers volumes de Juvénal sont accom-
pagnés de la traduction française de Dusaulx; la réputation
méritée dont elle jouissait faisait une loi de ne pas en entre-
prendre une nouvelle: quelques taches la déparaient; M. .T.
Pierrot les a fait disparaître par une soigneuse révision. Cor-
nélius Népos a été mis en français par MM. de Calonne et
Pommier; Velleins Parterculus, par M. Després, ancien con-
seiller de l'Université; Florus, par M. Taigon, et les lettres de
Pline le jeune, par de Sacy, traduction déjà connue, mais
revue aussi par M. Pierrot. D'autres secours sont également
assurés à cette belle entreprise; MM. Villeinain, Leclerc, Bur-
nouf et Naudet, concourent à son succès par des traductions
de morceaux importans, ou par des notices critiques ou litté-
raires sur les principaux auteurs.
D'honorables suffrages l'ont déjà recommandée à l'estime
lies littérateurs et du corps enseignant, comme des gens du
monde. Un Prince protecteur de toutes les vues d'une utilité
T. XXXVI. — Octobre 1827. 7
98 LITTÉRATURE.
générale, M. le Dauphin honore de sa protection spéciale la
Bibliothèque classique , et a permis qu'elle fût publiée sous ses
auspices. La France lettrée l'accueillera avec un égal empres-
sement; elle favorise tout ce qui peut l'honorer, et rien ne le
peut davantage que le concours d'hommes instruits vers un
grand but, celui de rendre vulgaires les exemples et les pré-
ceptes écrits dans la littérature d'un grand peuple vers lequel
remonte, comme à sa source la plus prochaine, toute la civili-
sation de l'Europe moderne.
Nous rendrons compte, clans des articles spéciaux, de chacune
des traductions, à mesure qu'elle sera rendue publique.
J.-J. Champollion-Figeac.
Espagne poétique. Choix de poésies castillanes, de-
puis Charles- Quint jusqu'à nos jours , mi&*6 en vers
français avec des articles biographiques, etc.; par Don
Juan Maria Maury(i).
PREMIER ARTICLE.
En annonçant sommairement le premier volume de cet
ouvrage (voy. Rev. Eric, t. xxxi, p. 5oo-5o2. — -Août 1826),
nous félicitions la littérature française des nouvelles richesses
qu'elle venait d'acquérir; et nous rappelant que le pinceau des
Murillo et des Ribéra est demeuré long-tems inconnu hors de
la Péninsule, nous nous réjouissions de ce que les premiers
maîtres de l'école poétique espagnole allaient être appréciés en
deçà des Pyrénées. Un second volume, qui vient de paraître, est
consacré à l'école moderne et aux écrivains vivans,
« Mais, nous dira -t- on peut-être, les tems poétiques sont
passés. La génération qui s'éteint a vécu sous l'empire de la
philosophie : les hommes parvenus à l'âge viril se sont formés
(1) Paris, 1826 et 1829 ; Mongie , boulevard des Italiens , n° 10.
a vol. in-8° ; prix, ï5 fr., et r8 fr. par la poste.
UTTÉRÀTOHE.
au milieu des orages de la révolution. La jeunesse semble
uniquement occupée des hautes questions débattues aux épo-
ques précédentes : tous les esprits sont tendus vers d'autres
objets que ceux dont le siècle de Louis \l\ fit ses délices. Les
écrivains sont membres de ce public auquel ils s'adressent, et
partagent sou opinion, on du moins doivent la Consulter.
Aujourd'hui, l'homme doue d'un génie créateur, de cette or-
ganisation privilégiée qui le dispose à revêtir sans efforts la
pensée des formes séduisantes de la versification, trahit sa des-
tination s'il n'emploie pas ses facultés à préparer le succès des
vérités pratiques d'où peut dépendre le bonheur de l'espèce
humaine. »
Oui, sans doute, l'esprit des nations est changé; et nous
sommes loin de nous élever contre les inclinations sérieuses de
la génération actuelle. Chaque époque donne à sa littérature
un caractère dominant. Plusieurs poèmes philosophiques ont
suivi Y Essai sur l'homme; les mâles accens tfAlficri et les fictions
malignes de Casti ont associé la muse de l'Italie aux grandes
luttes du siècle. Grâce à Byron, les chants du Barde ont préparé
la déclaration de principes faite par le dernier chef du ministère
britannique(Canning). L'auteur des Vêpres siciliennes et de V École
des Vieillards devient, dans ses nombreuses Messéniennes , l'or-
gane de la pensée publique. La lyre française semble s'unir à
la tribune pour faire entendre des accens prophétiques.
La collection des poésies castillanes publiées par M. Maurv,
presque étrangère au mouvement européen, n'offre guère au
lecteur français qu'un petit nombre de compositions conformes
à l'esprit du siècle ; mais il n'est pas indigne du philosophe de
rechercher , dans celles qui s'en rapprochent comme dans celles
qui s'en écartent, le sceau des tems qui les ont vues naître. Et si,
en dépit des institutions qui depuis trop long-tems contrarient
l'essor de l'intelligence dans la Péninsule ibérique; si, du sein
des ténèbres qu'elles y entretiennent, on voit jaillir, comme
des éclairs au sein des nuages, quelques grandes pensées et
quelques sentimens généreux; si la littérature des Espagnols se
maintient encore avec gloire parmi celles des nations dégagées
ioo LITTÉRATURE.
des entraves de l'ignorance et du despotisme, on clou ajouter
quelque admiration à tout l'intérêt qu'inspire un peuple aussi
favorisé par la nature que maltraité par le sort.
L'ouvrage dont nous nous occupons se compose de trois
divisions principales : i° la Poésie , où l'auteur a inséré deux
compositions originales parmi les traductions en vers; i° la
Critùpte , à laquelle il rattache de nombreux aperçus sur les
langues et la versification en général; 3° l'Histoire , qui com-
prend des notices et des articles biographiques. 11 procède par
époques, dans l'examen des auteurs, et fait remarquer à la fois
leur rang d'ancienneté et leur supériorité individuelle.
Le corps de l'ouvrage, divisé en quatre grandes sections,
commence au xvie siècle; mais l'auteur le fait précéder d'une
Introduction, consacrée aux tems anciens, écrite en vers, et
accompagnée de Notes remplies d'intérêt.
A la tète de la première partie, figure un savant couronné,
très-supérieur à son siècle, Alphonse, qui se flattait que la
machine universelle n'aurait pas été si compliquée, s'il eût
assisté au conseil de la création. Cet Alphonse , dit le Sage , fit
des vers : réformateur en tout, il modifia même Y alexandrin ,
dont on se servait avant lui, et il inventa une strophe com-
pliquée, dite couplet d'art majeur. M. Maury publie en fran-
çais des vers imités d' Alphonse , avec le même rhythme et la
même forme de strophe. Il présente aussi dans ses Notes
quelques morceaux de poésie comme exemples de la versifi-
cation de Berceo et Lorenzo, devanciers dû prince, et des frag-
mens d'un poëme en l'honneur du Cid , la plus ancienne des
compositions en prose ou en vers qui soit connue en Espagne.
Cette partie de l'Introduction offre encore au lecteur des
imitations élégantes de quelques ouvrages poétiques attribués
à des princes de la race des Ommiades qui régna long-tems
à Cordoue.
La seconde partie fait connaître : Yarchiprétre d'Hita ,
« Méchant aimable :
Enclin à marier la légende à la fable ; >•
Puis, Juan de Mena , auteur du poëme intitulé : le Labyrinthe.
LITTÉRATURE. 101
/', // Henri de V Mena paraît ensuite. IM. .Maury n'en 'ire, et pour
cause, aucun morceau; mais rien n'est plus curieux que sa
< ourle nul ice sur le SOPl bi/.arre de ce petit lils des lois, / 'illcrui
est accompagné du marquis de Santillane, précepteur trop peu
écouté du Ris aine de Jean second. Le table. m que l'auteur a
tracé, dans uni' note sur ce prince devenu roi , SOUS le nom de
Henri I\ , est très remarquable, et. c'est ainsi que par d'ingé-
nieux emprunts laits à l'histoire, ii sait, donner de la vie et de
l'intérêt à la partie la moins importante de son sujet.
> ers l'époque des anciens tems , qui touche à celle où don
Juan Maury a rencontré une série non interrompue d'auteurs
à citer, ou trouve encore Boscan , fameux par la révolution
qu'il opéra dans la versification castillane, lorsque le vers
d'Alphonse X lit place à Mendècasyllabe italien, et un grand
seigneur, éminemment distingué dans les lettres :
« Meudoze, chef terrible , adroit ambassadeur, »
qui fut envoyé à Rome, à Venise, à Londres et au concile de
Trente; il était lieutenant- général des armées de Charles-
Quint, gouverneur de la province toscane de Sienne; docteur
en théologie, en philosophie et en droit; bachelier pour les
langues hébraïque, grecque, arabe et latine, et historien estimé
delà guerre contre les Mauresques, dirigée par son neveu le
marquis de Mondejar. Il a composé d'autres ouvrages histo-
riques et traité en vers avec succès les questions les plus élevées
de l'ordre social.
Nous eussions voulu passer sous silence les poètes qui ne
sont nommés que dans les notes ; mais deux auteurs au moins
nous paraissent dignes d'attention : l'un par sa naissance , l'in-
fant don Manuel, neveu à* Alphonse X, et qui composa un
livre, moitié en prose , moitié en vers , intitulé : Le comte Lu-
canor; l'autre par ses infortunes amoureuses, Marias , gentil-
homme de don Henri de Villena , qui, assassiné par un mari
jaloux , expira en prononçant le nom de celle qu'il adorait.
I.e xvie siècle s'ouvre par un poète resté sans rivaux, le
crlcbre GarcjUaso , doué d'autant de beauté que de génie et
loa LITTERATURE.
d'une exquise sensibilité ; il unissait aux formes élégantes de
l'homme de cour l'impétuosité courageuse d'un guerrier. Né
du sang royal des Guzmans , il mourut avant le tems, mais
avec gloire , sous les yeux de l'empereur Charles V, qui vengea
sa mort en passant au fil de l'épée la garnison du fort sous
lequel il avait perdu la vie.
Toute la chaleur qui animait le jeune preux ne parut qu'une
roide insensibilité auprès de l'exaltation passionnée que rap-
pelle le nom seul de sainte Thérèse, qui fit aussi des vers. L'âme
ardente et pieuse qui plaignit l'ange tombé d'avoir perdu la
faculté d'aimer, s'est montrée tout entière dans un sonnet au
Christ , la pièce la plus remarquable , peut-être , de la collec-
tion que nous annonçons.
Tous les écrivains admis dans cette galerie intéressent aussi
vivement par leurs qualités personnelles que par leurs talens.
Comment n'aimerait-on pas ce bon Louis de Léon , religieux
de Tordre de Saint-Augustin, professeur de théologie, qui,
jeté dans les cachots de l'inquisition pour avoir traduit le Can-
tique des Cantiques , ne fut rendu à sa chaire qu'après cinq
années de persécutions et de douleurs? Il ne voulut pas même
conserver le souvenir de ce tems affreux; et le regardant
comme retranché de sa vie, il reprit ses leçons où il les avait
laissées, par ces mots : Dicebamus hesternâ die ! ... «JNous disions
hier!...» Louis de Léon s'est classé parmi les poètes lyriques du
premier ordre par l'élévation et la chaleur de ses idées , et
s'est mis au rang des hommes les plus courageux par l'énergie
avec laquelle il écrivit en faveur de l'infortuné don Carlos. Il
lui composa une épitaphe dont M. Maury donne la traduction
suivante :
« La dépouille de Charle honoie cette pierre ;
La substance immortelle est remontée aux cieux ,
La vertu l'y suivit. Il resta sur la terre
L'effroi dans tous les cœurs, des pleurs dans tous les yeux.»
Herrera , poète lyrique, cité après Louis de Léon , est encore
plus estimé des Espagnols; il reçut le titre de divin. Ce divin
personnage ne nous paraît pas aussi bien traité par son nou-
LITTÉRATURE. io3
\ eau biographe, mais il peut en appeler au traducteur. L'hymne
que I). J. Maury a imitée d<- ce poëte brille de foutes les qua-
lités qu'il semble lui refuser dans le jugement qu'il porte sur
son talent. Ne trou\ < I on pas , en effet , quelque peu de cette
grâce qui distingue Garcilaso dans cette apostrophe d'Herrera
à la Grèce, alors esclave:
« Et tu restes encore aux pieds de ces barbares
Qui déshonorent l'Orient !
Tu leur livres tes fruits ! C'est pour eux que tu pares
Tes vierges, au front souriant!...»
Il faut se rappeler que ce poëme date de près de trois siècles ;
il avait été composé pour célébrer la victoire de Lépante , rem-
portée le 7 octobre 1571.
L'épithète de mauvais poëte, donnée à l'immortel auteur de
don Quichole , par le présomptueux Villêgas , n'a pas empêché
M. Maury de placer Cervantes dans son recueil. Nous pensons
que, loin d'être blâmé , il obtiendra l'approbation de tous ceux
qui liront la charmante biographie dont il a enrichi son ou-
vrage.
« Nous voici maintenant en face du grand coupable qui ,
semblable à l'ange rebelle , au lieu de se réunir avec les bons
esprits , voulut être le prince des ténèbres. » C'est ainsi que
M. Maury annonce le poëte andalou Gongora , après l'avoir
signalé dès l'avant-propos comme le chef de la révolution qui
corrompit le siècle de Lopé de Vega. Transpositions forcées,
dislocation de phrases, hyperboles extravagantes, figures in-
cohérentes , métaphores redoublées, affectation dans les idées
comme dans le langage, et partout obscurité apocalyptique:
voilà ce qu'il parvint à mettre en crédit au Parnasse et dans la
chaire, à la ville comme à la cour. On ne peut cependant lui
contester un talent réel ; mais il ne sut qu'en abuser.
A la tète d'une seconde division qui comprend la fin du
xvie siècle , on voit figurer le célèbre Lopé de Vega, poëte
universel , dout la facilité et la fécondité tiennent du prodige ,
qui composait en vers aussi rapidement que l'on peut écrire en
prose, et à qui l'on doit dix-huit cents comédies remarquables
io4 LIÏTÈRA,TURE;
par leurs nombreuses beautés, et par leurs défauts plus nom-
bi eux encore. Nous recommandons au lecteur la notice biogra-
phique sur cet étonnant écrivain , ainsi que l'article relatif à
Cervantes. L'auteur fait ressortir habilement la distance qu'éta-
blit la fortune entre deux hommes si rapprochés d'ailleurs
par leur intelligence supérieure. Nous regrettons de ne pouvoir
donner une idée de la manière large et de la douceur élégante
du evgne du Manzanarès , reproduites avec bonheur dans les
traductions de M. J. Maury.
Près de ces deux auteurs , on peut placer un autre écrivain
d'un talent extraordinaire , le docte et fougueux Qicévédo. Il
lutta de fécondité avec Lopc de Vega, et d'infortune avec
Cervantes. Écrivain très-inégal ; prodigue de trivialités et de
plaisanteries spirituelles ; tour à tour austère ou licencieux ;
sophiste bizarre ou philosophe attachant; modèle d'exactitude,
et quelquefois portant jusqu'au délire le mépris des règles les
plus simples, Quëvédo renchérit sur les extravagances de Gon-
gora , après s'en être fait le censeur le plus amer ; il seconda
Lopé de Vega dans la guerre que celui-ci déclara au système
nouveau, et il finit comme lui, par céder au torrent.
Non loin de l'un et de l'autre , se groupent trois poètes y
demeurés purs au milieu de la corruption de l'époque : les
deux frères aragonais Lupercio et Barthélémy d 'drgensota;\\\n
homme d'église , l'autre homme d'état ; et l'inquisiteur de
Séville Rioja : ce dernier , armé de la sévérité des stoïciens ,
les deux autres doués de l'urbanité attique, ont relevé par les
sentimens les plus honorables le mérite d'un talent du premier
ordre. Leurs vers , autant que leur conduite , respirent le dé-
sintéressement , la haine de l'injustice et de l'arbitraire ; ils
combattent avec énergie Fhypocrisie et l'ambition , et lancent
les foudres de leur éloquence contre l'avidité des courtisans ,
et la vénalité des bénéfices.
Fillvgas , le présomptueux poète castillan que nous avons
cité à propos de Cervantes, termine la seconde division et le
premier volume de Y Espagne poétique. Traducteur agréable de
Théocrite et d'Anacréon, auteur de quelques heureuses imita-
UT1T.IUTI RE. mf>
lions des anciens , Villègas donna tête baissée dans les ridicules
écarts <!<• la nouvelle école. Son arrogance n'a été égalée par
aucun autre poëtc dans aucun paj rs. Nous ne connaissons qu'un
grand roi, ébloui par l'éclat de sa propre puissance, dont la
vie au offert un irait semblable à celui qui dévoila le caractère
de cel écrivain. \ la tête de l'édition de ses premières œuvres,
Villêsas se lit représenter sous l'emblème du soleil, avec l'épi-
graphe : Sicut sol matutinus y me surgente, quid isi<t- ?
« Or, dil M. Maurv, les clartés subalternes qui devaient
l'éclipser à son apparition étaient Lopé de Vega, Quévédo,
j&ongora, Rioja, Argensola, tous existans et dans tout l'éclat
de leur renonunée. »
Notre historien n'a ouvert" sa galerie qu'aux poètes lyriques ,
bucoliques et élégiaques, et sa préface explique les motifs qui
l'ont porté à ne s'occuper ni de l'épopée, ni de la scène espa-
gnole. On pourrait contester à V Espagne poétique Y exactitude
et la convenance d'un titre qui semble devoir embrasser tous
nres de poésie. Et, si le peu de succès des poètes épiques
castillans est allé:, ué comme un motif suffisant pour les exclure
d'une collection raisonnée, la même défaveur ne devait pas
atteindre les auteurs dramatiques qui ne sont pas sans célébrité,
MURILL.
( La fin au prochain cahier. )
III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
LIVRES ÉTRANGERS (i).
AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
ÉTATS-UNIS.
i . — * Proceedings of sundry cilizens of Baltimore conve-
ned for the purpose, êtes. — Délibérations de plusieurs citoyens
de Baltimore, assemblés pour discuter les meilleurs moyens
d'établir une communication entre cette ville et les états de
l'ouest. Baltimore, 1827; William Woody. In-8° de 38 pages.
Les États-Unis , qui offrent les exemples les plus remar-
quables du prompt accroissement des villes, commencent à
montrer aussi comment une nombreuse population concentrée
peut se disperser, et chercher fortune ailleurs. Baltimore, qui
en 1752 n'était qu'un hameau, .s'est élevée, dans l'espace d'un
demi-siècle, à une population de 63,ooo habitans, et réunis-
sait les embellissemens, les avantages et le luxe des villes du
second ordre; cette prospérité ne s'est pas soutenue, et î'émi-
çration commençait : le rétablissement de plusieurs branches
de commerce a changé cet état des choses; et, selon toutes les
probabilités, cette ville doit renfermer aujourd'hui 72,000 âmes.
Mais, pour prévenir le retour des tems de décadence dont la
génération actuelle a vu les désastreux effets, il est indispen-
sable d'ouvrir de nouvelles voies commerciales : il faut fran-
chir les monts Alleghanys, établir avec les états de l'ouest des
relations intimes, fréquentes, et jamais interrompues. Une voie
navigable serait fermée .pendant l'hiver : il faut donc s'oc-
cuper d'une route par terre, et l'invention des chemins en fer
vient ici fort à propos. Fréquenté en tous tems , parcouru
avec célérité, un tel chemin est précisément ce qu'il faut poul-
ie succès de l'entreprise. Il traversera des contrées acluelîe-
(1) Nous indiquons par un astérisque (*) , placé à côté du titre de chaque
ouvrage, ceux des livres étrangers ou français qui paraissent digues d'une atten-
tion particulière , et nous eu rendrons quelquefois compte dans la sectiou des
Analyses.
I I \TS IMS. 107
m. mii (li'sciios où d'heureux colons seront bientôt envirouués
(l'une joyeuse famille ei de nombreux troupeaux; le combus-
tible v .ihondc, les pâturages sont excelleus. On espère que les
transports seront accélérés pour que le poisson de nier et les
huîtres puissent être transportés très-loin dans l'intérieur, et
pendant une partie de Tannée franchir les nronlagncs. On n'a
donc pas eu de peine à former une compagnie pour exécuter
une entreprise aussi profitable. Tout est prêt pour mettre la
main à l'œuvre, et l'activité des entrepreneurs est un garant
du bon emploi qu'ils vont faire de leur tems et de leurs res-
sources. La compagnie compte au nombre de ses directeurs
1 les plus notables citoyens de Baltimore. Après avoir observé
dans la Grande-Bretagne les chemins en fer, leur construction
et leur influence sur le commerce, il ne sera pas saus profit
! d'aller voir aussi ce que ces nouveaux moyens de communica-
tion auront produit en Amérique.
2. — * A nav System of modem geography , etc. — Système
nouveau de géographie moderne, ou Notions générales de toute
I la terre, avec un appendix contenant des tables statistiques de
i la population, du commerce, des finances, et des diverses ins-
titutions des États Unis, et des vues générales de l'Europe et
de tout l'Univers : par Sidney E. Morse. Boston, 1822 ; George
Clark. In-8° de 676 pages, avec un atlas.
L'auteur de cet ouvrage en a offert un exemplaire à la So-
1 ciété de géograpliie de Paris : cet hommage , rendu par un savant
i étranger à l'une des plus utiles réunions d'hommes qui se con-
sacrent aux progrès des sciences, nous oblige à décerner aussi
! à son livre l'hommage d'un examen très-attentif. Entre une
attention scrupuleuse et la sévérité, la nuance est difficile à
i saisir; nous tomberons peut-être dans l'excès que nous avions
à cœur d'éviter : telle est la position désagréable d\m critique,
la dure nécessité qui pèse sur lui, dans les sciences aussi bien
que dans la littérature.
Le système de description suivi par M. Morse n'est pas nou-
veau : depuis long-tems les géographes français ne s'en écartent
I point. En effet, quand on parle d'un pays, il est très-conforme
à l'ordre naturel de commencer par le circonscrire dans ses
I limites; et ensuite, de considérer le sol avant de parler des
habitans, de leurs cités, de leurs travaux, élémens variables
de la géographie, au lieu que la nature du sol est constante.
M. Morse a réuni, dans une Introduction, les notions astro-
nomiques et les définitions mathématiques dont la géographie
ne peut se passer. Nous aurions désiré qu'il choisît une autre
définition du mot angle que celle-ci : < Un angle est l'espace
io8 LIVRES ETRANGERS.
compris entre deux lignes qui se coupent. » Plusieurs élément
ilv- géométrie st>ni une autorité sur laquelle M. Morse a pu sd
fonder; mais la définition n'en est pas plus exacte. Un angle
i ■: la situation respective de doux ligues; c'est cm rapport, et
non pas un espace : il ne faut pas confondre le moyen de mesure
avec l'expression de la mesure effectuée. Au reste, c'est aux
géomètres, et non pas aux géographes , que ces observations
doivent être adressées.
11 nous a paru que l'auteur a passé trop rapidement sur la
construction des cartes, cl qu'il fallait en donner une connais-
sance qui ne peut être renfermée dans quelques lignes. Le mot
projeetwn a besoin d'être non-seulement défini, mais expliqué.
De plus, il y a des cartes construites suivant des méthodes qui
ne sont pas des projections.
En n'admettant que quatre religions principales, le christia-
nisme, le mahométisme, le judaïsme, et le paganisme, on est in-
juste envers les religions de l'Inde, de la Chine, du Japon et
duThibet, qui ne sont pas moins philosophiques, ni plus sur-
chargées d'extravagances que le mahométisme.
Dans le tableau général de la population de la terre, l'Eu-
rope est comptée pour 180 millions; et la somme des popula-
tions des étals de l'Europe, dans le même ouvrage, s'élève à
plus de a3o millions. Il faut que l'ensemble soit une récapitu-
lation des détails.
Nous ne pousserons pas plus loin ces observations critiques;
le meilleur ouvrage supporterait difficilement l'épreuve à la-
quelle nous avons soumis le livre de M. Morse. Loin d'eu
penser mal, en raison de quelques reproches qu'on peut lut
l'aire, nous nous plaisons à le mettre au nombre des bons traités
de géographie élémentaire.
3. — * New England's Mémorial, byNathanielM(y&TOT$,vlc.
— Mémorial de la Nouvelle-Angleterre, par Natlianiel Mor-
tûn, secrétaire de la juridiction de Ncw-Plymouîh. 5e édition,
dans laquelle on trouve le Supplément ajouté à la seconde édi-
tion , des Notes marginales et un Âppendix , avec une copie
lithographique d'une ancienne carte de ce pays; par John Davis,
membre de la Société américaine des arts et sciences, etc. Boston,
1 826 ; Crocker et Brewster.
Le livre de Morton est précieux pour l'histoire des établisse-*
mens anglais dans l'Amérique du nord : il devait donc attirer
specia lement l'attention delà Société historiquede Massachusetts ,
dont M. Davis est membre. La première édition du Mémorial
parut en 16G9, et la seconde en 1721 , avec un supplément que
fpsiah Cotton, de New-Plymouth, crut devoir y ajouter. Deux
ÉTATS l MS. - IMÉR. M*
lu 1res éditions, dont la dernière fui publiée en 1 7 7 > , prouvent
rintérdl que l'on prenait ;i la conservation de ce monumcnl
historique. Ku effet, le Mémorial de M or ton esl une histoire
nutbentique, complète, cl l'auteur v déploie uih érudition
1res variée. En fait d'histoire, les écrivains originaux et con-
temporains devraient être seuls consultés, et les seuls change"
mens qu'il soit permis de faire à leurs ouvrages se réduisent à
ce qui esl rigoureusement nécessaire pour les rendre intelli-
gibles. On saura gré à M. Davis de n'avoir point rédigé , d'après
Horton el ses' continuateurs, une histoire qui porte son propre
nom, el qui tende à faire oublier celui des \ éritables historiens.
(/Europe abonde en écrivains beaucoup moins scrupuleux , et
qui regardent lés faits historiques comme des matériaux qu'il
es! permis de manipuler, de façonner et d'assembler pour en
former un édilice dans le goûl et le style modernes. F.
AMÉRIQUE MÉRIDIONALE.
/j. — Manifesta que elpoder ejecutivo de Colombia présenta à
la republica y al m/tn.lo , etc. — Manifeste adressé à la répu-
blique et au monde par le pouvoir exécutif de la Colombie,
relativement à ce qui s'est passé à Venezuela , depuis le 3o avril
t8a6. Bogota, 18-26.
La téméraire et inutile insurrection du général PaeJz, dont les
journaux quotidiens nous ont souvent entretenus, n'a pas été
bien connue en Europe, où les écrits dont elle a été le sujet
n'étaient pas encore parvenus. Ces écrits fourniront à l'histoire
des documens et des preuves ; il est donc important de leur as-
ligner une place dans les bibliothèques. An manifeste du pou-
voir exécutif de la Colombie on joindra la brochure intitulée :
Document curieux sur les événemens de Venezuela , etc. , lettre
confidentielle du vice-président de la république au général en chef
José- Antonio Puez, ainsi que la réponse de ce géuéi al. Ce-, deuv
pièces ont été imprimées à Bogota. On a publié à Valencia nue
quatrième brochure sons ce titre : Exécution du décret du pouvoir
exécutif concernant la formation des listes de la milice ; motifs qui
ont décide à soumettre au sénat l'acte (Taccusation du général Paez.
11 faut l'avouer : en lisant ces écrits, les hommes accoutumés
à vivre sons un gouvernement régulier concevront une opinion
peu favorable de l'accusé et des accusateurs, ft des partis qui
déchirent la Colombie. On sent avec peine qu'il manque une
nation à celte république, qu'il faudra beaucoup de teins pour
en créer une, et qu'il n'est pas encore certain que l'on puisse de
Kong-tems y parvenir. F.
HO LIVRES ETRANGERS.
ASIE.
5. — Translation of the Moonduk- Opunishnd , etc. — Tra-
duction du Môonduck-Opunishud, d'après la version du célèbre
Shunkura-Charyu ; par Ram-Mohum-Roy. Calcutta, 1819; im-
primerie de Lankcet. In-8° de 25 p.
G. — Translation qft/ie Kuth-Opunishud , etc. — Traduction
du Kulh-Opunishud, d'après la version du célèbre Shunkura-
Charyu; par le même. Calcutta, 18 19. In-8° de 40 p.
7, — A Defence of Hindoo- T/ieism , etc. — Défense du
déisme deslndous, ou Réponse aux attaques d'un avocat de
l'idolâtrie; par le même. Calcutta, 181 7. In-8° de 29 p.
8. — An Apology for the purs ait of final béatitude, etc. —
Apologie des moyens propres à faire obtenir la béatitude finale,
indépendamment des. observances brahmaniques; par le même.
Calcutta, 1820. In-8° de 16 p.
9. — Translation of the Cena-Opunishud , etc. — Traduction
du Cena-Opunishud, l'un des chapitres du Sama-Veda, d'après
la version du célèbre Shunkura-Charyu, établissant l'unité et
la toute-puissance de l'Être suprême, et ses droits à être seul
l'objet de noire adoration; par le même. Seconde édition. Cal-
cutta, 1823 ; imprimerie unitaire. In-8° de 8 p.
10. — Translation of a Conférence, etc. — Traduction d'une
Conférence entre un défenseur et un adversaire de l'usage qui
fait brûler vivantes les veuves indiennes, d'après l'original en
bengali. Calcutta. In-8° de 16 p.
11. — A second Conférence, etc. — Seconde Conférence
entre, etc., traduite de l'original bengali. Calcutta, 1820; im-
primerie de la mission des anabaptistes. In- 8° de 5o p.
12. — Bricf Remarks , etc. — Remarques succinctes concer-
nant les modernes empiétemer.s sur les anciens droits des
femmes d'après la loi hindoue des héritages, par Ram-Mohum-
Roy. Calcutta, 1822; imprimerie unitaire. In-8° de 16 p.
i3. — Thc Precepts of Jésus , etc. — Les Préceptes de Jésus
pour conduire à la paix et au bonheur, extraits des livres ou
Nouveau-Testament, attribués aux quatre évangélistes , avec
des traductions en sanscrit et en bengali. Calcutta, 1820; im-
primerie de la mission anabaptiste. In-8° de 82 p.
1 4. — An appeal to the cliristian public, etc. — Appel au public,
chrétien, ou Défense des Préceptes de Jésus , par un ami de la
vérité. Calcutta, 1820. In-8° de 32 p.
i5. — Final appeal to thc Christian public, etc. — Dernier
app>'l au public chrétien, en défense des Préceptes de Jésus :
\.sir. EUROPE. tu
par !i\M Muni m Roy. Calcutta, i8a3j imprimerie unitaire.
1.1 8° de '.7., p.
Les onze écrits don l on vient de lire les titres ont pourvu
t*'in- Ram - M0111 m - Rot 1 bramine devenu chrétien, autour
duquel se sont groupés un certain nombre dindons détrompés
comme lui des absurdités du polythéisme.
Ram Vïohnm-Roy, très-versé dans les langues anciennes ei
modernes da son pays, a extrait d<- celles-là et publié dans les
dernières les textes primitifs qui prouvent l'unité de Dieu , seul
Être tout-puissant f seul qu'on doive adorer;. 11 se félicite d'avoir
éveillé la curiosité de ses compatriotes sur cette question fon-
damentale ; ses écrits ont fait sensation , puisque des bramines,
st-s ci-devant confrères, ont tenté de le réfuter par des articles
insérés dans les journaux de Madras. Ces adressions ont
amené des répliques accablantes qui mettent dans un plus
grand jour ses démonstrations de l'unité divine.
Ram Moh 11 m -Roy ridiculise les trois cent trente mille divi-
nités des Indous, et dévoile les motifs qui portent les bramines
à défendre le polythéisme. 11 est pour eux une mine finan-
cière, comme l'était à Éphèse la grande Diane pour les ouvriers
qui faisaient des statues de cette déesse et pour les marchands
qui les vendaient. La religion des Indous est d'ailleurs très-
favorable à la volupté, à l'obscénité. Elle admet la polygamie;
et, parmi les bramines, il en est qui ont dix, quinze et vingt
femmes.
Ces discussions théologiques ont ensuite conduit l'auteur à
publier des extraits de la morale évangélique, surtout dans les
trois derniers ouvrages que nous venons d'annoncer. Il paraît
avoir une tendance vers la secte des unitaires.
Dans les trois écrits concernant les femmes, il établit, par
les textes des anciens livres, qu'on les a opprimées. C'est la
tyrannie exercée contre elles qui introduisit la concrêmatùm ,
ou l'usage de brûler les veuves sur le bûcher de leurs maris, et
la postcrématiori , qui les assujétit au même supplice avec cer-
taines formalités, lorsque le mari est décédé hors de sa rési-
dence habituelle. Dans ce dernier cas, elles peuvent cependant
opîer entre la mort et la vie purement ascétique. G.
EUROPE. .
GRANDE BRETAGNE.
16. — * Icônes filicum , etc. — Figures des fougères, destinées
à faire connaître les espèces qui manquaient jusqu'ici dans les
lia LIVRES ETRANGERS.
herbiers, on qui d 'avaient j>oint encore été représentées par
les botanistes; par MM. Uookkii et Grkville. Londres, 1827.
lu-fol. avec figures. Il a paru deux fascicules, cie 20 planches
chacun.
Les fougères deviennent à la mode en botanique. Linné n'en
connaissait guère que deux cents espèces réparties dans une.
quinzaine de genres. YVildenow en mentionna, dans son Sjrs-
tema plantarum s environ un millier, distribuées dans cinquante-
trois groupes. Après avoir consulté un grand nombre d'her-
biers, et réuni, durant nos voyages, une riche collection de
ces plantes, nous en évaluâmes, dans le Dictionnaire classique
d histoire naturelle , le nombre à quinze cents. Depuis ce tems ,
les recherches des botanistes l'ont encore grossi de nouvelles
découvertes , et il n'est pas téméraire de présumer que deux
mille fougères au moins végètent à la surface du "lobe. On
possédait déjà beaucoup d'ouvrages sur une classe de plantes
où la nature semble s'être plue à porter la variété avec les
élémens les moins nombreux de complication»; mais il n'existe,
rien de complet sur ce sujet. Aussi avions nous formé dès Iong-
îems le projet de fondre en un seul corps d'ouvrage tout ce
qui le concerne, avec une iconographie économique, mais suf-
fisante des espèces; malgré vingt-cinq ans de recherches et la
réunion d'immenses matériaux, trop d'élémens nous manquent
pour compléter ce travail, tel que nous l'avons conçu. Nous en
ajournons la publication, avec l'espoir que les fascicules que
nous annonçons nous seront d'une grande utilité; nous ne
leur trouvons d'antre défaut que de coûter trop cher. Quatre
ou cinq cents francs pour la représentation au trait de deux
cent quarante espèces, réparties en douze cahiers, nous pa-
raissentunebien forte somme. Nous engageons les savans auteurs
des figures de fougères à mieux spécifier Y habitat de chacune ,
ou leur bel ouvrage ne sera d'aucune utilité pour les progrès
de la géographie botanique. Indiquer le pays où croît une
plante ne saurait suffire ; il faut soigneusement noter le site,
son élévation au-dessns du niveau de la mer, la nature du sol ,
et beaucoup d'autres circonstances de localité, dont la connais-
sance est nécessaire pour juger des conditions dans lesquelles
unr plante peut croître. Nous engagerons encore MM. Hooker
et (rieville à compléter leur synonymie, et à ne point décrire
comme absolument nouvelles des choses déjà fort bien connues.
Au nombre des fougères qui furent décrites , et nous osons le
croire, au moins aussi bien figurées par d'autres que par- eus,
est le ceter.ach peduncidata 3 où nous n'avons rien découvert
qui fût plus pédoncule que dans cinq cents autres espèces, et
OB \M)i: BRETAGNE. it,3
qui n'est pas llD celerach , niai-, bien le telliguea srci de notre
Dictionnaire classique d'histoire naturelle. \>. de Sr.-V«
i •'. - - * Library oj useful knowledse , rtc. — Bibliothèque des
connaissait es usuelles publiée par les soins et sons la direction
de la Société formée pour répandre ces connaissances, Lon-
dres, 18917; Btldwin, Cradock el Joy; Edimbourg, Olever
cl liovd ; GlaagOW, Uobei tson et Alkins.ni; Dublin, W. F. Wa-
kcniaii; New-York, Carwill; Philadelphie, Wardle. I11-80.
La Société qui entreprend de rédiger et de répandre cette
Bibliothèque des connaissances usuelles , a nommé un comité
très nombreux, où se trouvent des membre, du parlement et
de la Société royale de Londres 1 et des hommes instruits qui
résident dans les principales vil les manufacturières de la Grande-
Bretagne, et qui sont à portée de Lien connaître les besoins de
l'industrie. Chacun des cahiers qu'elle publie contient au moins
t\eox feuilles d'impression, et coûte six pences ( 12 sous de
France ): de foi tes remises sont faites aux écoles, aux institu-
tions en faveur de l'industrie, à tous ceux qui peuvent aider
la Société, et concourir avec elle à la propagation des connais-
sances qu'elle veut rendre de plus en plus populaires, et par
conséquent utiles. Le premier cahier contient un Discours sur
les objets et les avantages des sciences , et sur les plaisirs qu'elles
procurent : c'est une exposition claire et instructive du but de
la Société, et un très -bon modèle pour ses coopéraleurs. Au
lieu d'un prospectus ordinaire, adressé seulement à ceux qui
peuvent devenir membres de l'association, cet écrit est un pre-
mier pas dans la carrière que l'on veut parcourir, une recon-
naissance générale de son étendue et des directions qu'il faut y
suivre pour arriver au but qu'on s'est assigné. Cette carrière
est immense; presque tout le savoir humain y est compris. A
l'exception des vérités révélées, dont l'accès est interdit au rai-
sonnement, et de celles qui ne se manifestent qu'après de lon-
gues et profondes études, il n'en est aucune qui soit exclue de
cette Bibliothèque. Ainsi, \a philosophie naturelle, comme di-
sent les Anglais, ou la connaissance des corps , comprendra
plus de cinquante traités, outre ceux que Ton pourra y joindre,
en faveur de quelques arts, ou de quelques études spéciales.
L'arithmétique et l'algèbre se trouvent renfermées dans cette
division; il serait peut-être convenable de les transporter à ia
philosophie intellectuelle , que nous nommons idéologie, et qui
comprend la science des méthodes. Mais la géométrie et la mé-
canique appartiennent essentiellement à la science des corps ;
on ne peut les en séparer, et elles réclament le secours du cal-
cul et de ses méthodes : on laissera donc les choses telles qu'elles
t. xxxvi. — Octobre 1827. S
ii» LIVRES ÉTRANGERS.
sont depuis long-tems, sans qu'on ait remarque le moindre re-
tard dans les progrès des sciences, causé par quelque erreur
dans leur classification.
Comme nous savons beaucoup moins de choses véritable-
ment utiles sur l'esprit humain et ses facultés que sur les pro-
priétés des corps, la philosophie intellectuelle ne comprendra
que sept traités, tous extrêmement difficiles à faire. Comment
exprimer dignement notre reconnaissance envers ceux qui nous
auront donné un bon traité des principes fondamentaux des con-
naissances humaines , qui auront tracé à l'intelligence une route
qui ne l'égaré jamais ? Quand même cette partie de l'ins-
truction serait inférieure aux autres, il serait injuste d'en sa-
voir mauvais gré aux écrivains qui n'auront pas réussi aussi
bien qu'on l'aurait voulu ; peut - être ne sommes- nous pas en-
core en état de populariser cette division des connaissances hu-
maines. Lorsque les sciences approchent de leur perfection ,
l'ordre des idées est bien connu ; il n'est point interrompu par
des lacunes de quelque importance, et par conséquent, il est
possible de l'exposer clairement, en peu de mots; mais la
philosophie intellectuelle est encore livrée à l'incertitude des
discussions, et n"a pas le caractère des sciences exactes. On
n'est pas d'accord sur plusieurs points essentiels, tels que l'in-
fluence des signes sur les idées, les effets réels de l'habitude ,
les inconvéniens du langage figuré, etc.
La morale et la politique sont deux autres divisions de nos
connaissances sur lesquelles il est très - difficile de rédiger de
bons traités populaires. Jusqu'à présent, la science sociale , dont
la politique et la morale ne sont que des divisions, n'a pas en-
core été considérée dans son ensemble; on n'a fait qu'entrevoir
ses principes généraux, sans les développer; on n'a point su
les débarrasser de toute obscurité, les montrer comme des lois
générales, dérivées immédiatement de la nature des choses.
Si les traités que la Société des connaissances usuelles nous pro-
met satisfont au besoin d'une instruction réelle sur ces impor-
tais objets, ils devront être traduits dans toutes les langues,
et répandus partout où les vérités de cette nature peuvent se
montrer sans être proscrites.
L! histoire des sciences et des arts est mise avec raison au nom-
bre des connaissances qu'il est très - utile de propager. On a
déjà celle des mathématiques, de l'astronomie, de la physique:
le nombre des divisions que la Société indique à ses coopéra-
teurs ne paraît pas suffisant. La philosophie naturelle, par
exemple, comprenant la physique et l'histoire naturelle, outre
la chimie et l'anatomie, on reconnaîtra sans doute que cha-
GRANDE-BRETAGNE. n5
eu ne de ces grandes divisions doit avoir son historien : on fera
la même observation sur les sciences morales- et politiques,
suc la jurisprudence, sur les croyances religieuses. Quant à
l'histoire des arts, on s'en tiendra probablement aux sis dis-
sions indiquées : les arts mécaniques < t. chimiques, les beaux -
arts, les manufactures, le commerce, la navigation, la guerre.
Dans les histoires des peuples indiquées dans le prospectus
de la Société, il n'est pas question des Turcs, ni de plusieurs
peuples anciens, célèbres dans I histoire, et qui ont accompli
leurs destinées. On voit avec satisfaction que l'histoire de quel-
ques hommes n'a p;is paru moins importante que celle des peu-
ples : on applaudit à la plupart «.les choix indiqués dans le pros-
pectus; mais on y remarque des omissions. Parmi les hommes
remarquables par leur dévouaient patriotique, on peut trou-
ver, hors de l'Angleterre, quelques noms à joindre a ceux de
De il itt , de Guillaume Tell y dePaolietde Washington?. Parmi
les généraux, Turcnne est le seul Français que Ton cite; on
peut aussi lui trouver des émules. Au nombre des hommes fa-
meux par d'importantes découvertes, le nom de BcrtlioUct de-
vait au moins être associé à ceux de Lavoisier , de Black , de
Cavendish et de Pricstley. Une classe très - utile, dans ces bio-
graphies, est celle des hommes qui se sont élevés par la seule
force de leur génie à un très -haut degré d'influence et de re-
nommée; mais Franldin devait peut-être appartenir plutôt à
la classe des philosophes, ou à celle des hommes d'Etat. Parmi
ces derniers, n'aurait-on pas du placer quelques-uns des pré-
sidons des Etats-Unis, Jcffcrson, John Adains 3 etc.? Au reste,
la liste insérée dans le prospectus n'est pas regardée comme
complète, et recevra successivement des additions dont l'uti-
lité sera reconnue.
Nous n'avons encore entre les mains que dix cahiers de cette
Bibliothèque, y compris celui que l'on peut considérer comme
un prospectus, et qui contient les statuts de la Société. L'ordre
des publications n'est pas celui des matières; chaque cahier pa-
raît le plus tôt qu'il est possible, afin que la Société accomplisse
sa tâche sans aucune perte de tems. Si le prix de 6 pences
pour chaque livraison de deux feuilles d'impression semblait un
peu haut, même en Angleterre, on devrait remarquer les li-
gures qui sont jointes au texte, le soin que l'on a eu de les mul-
tiplier, afin de rendre les explications tout- à -fait claires, et
d épargner aux lecteurs une fatigue qui n'aurait pas été au
profit de l'instruction.
Nous reviendrons sur cette publication intéressante, qui nous
offrira fréquemment des termes de comparaison pour les ou-
3.
m* LIVRES ETRANGERS.
V ragea analogues publiés dans d'autres pays. Il nous a paru
jusqu'à présent que quelques-uns des rédacteurs n'avaient pas
toujours cherché à se tenir au niveau des connaissances ac-
tuelles, et qu'ils auraient pu renfermer encore plus d'instruc- ■
tion dans le cadre étroit qui leur était tracé. F.
18. — * Golden Raies qf social phihsopJiy ', etc. — Règles d'or
de la philosophie sociale, ou Nouveau Système de morale pra-
tique, par sir Richard Phillips. Londres, 1826; chez l'auteur.
In-o° de xxiv et 3 1 7 pages.
La morale ne change point avec les siècles; elle est la même,
elle doit être la même , à toutes les époques, dans tous les états,
en paix comme en guerre, en révolution comme sons un gou-
vernement régulier et consolidé Biais les mœurs varient ; et si
les principes qui les dirigent et les modifient semblent subir
des altérations selon les tems , les esprits exercés ne se trom-
pent point au costume nouveau qu'ils empruntent, et les re-
trouvent dans toute leur pureté, malgré la métamorphose qu'ils
ont subie. Ces principes, toutefois, sont plus ou moins nette-
ment exprimés par les hommes qui se consacrent à les ensei-
gner , tantôt voiles sous d'ingénieux apologues, ou livrés à la
sagacité du lecteur après un simple rapprochement de faits
sans réflexion, tantôt déduits par de longs raisonnen.ens de
l'histoire générale des peuples et de l'étude de l'homme en par-
ticulier, ou présentés en courts apophtegmes, dont le trait pi-
quant ou profond se grave facilement dans la mémoire.
La possibilité de dire tout ce qui est utile, tout ce qui e^t
vrai sur toute chose, est un des plus beaux privilèges des ci-
toyens d'un pays libre; c'est celui des écrivains anglais La
sentence, nécessairement plus énergique parmi des hommes
qui n'ont rien à redouter, est aussi plus souvent employée,
parce qu'un long usage des principes ne permet pas de se
tromper sur leur justesse et leur application. Ce que l'on sait
bien , ce qui est adopté par tous, peut aisément se renfermer en
peu de paroles; et l'exactitude ou la force de l'expression le
rappellent rapidement à la pensée que frappe une phrase courte,
sonore et vivante de sens. Telle est la manière de sir Richard
Phillips. Sous le titre de Règles d'or , et sous la forme de pré-
ceptes, il a réuni tous les principes et les vérités pratiques dont
une longue expérience lui a fait connaître l'utilité, en descen-
dant aux situations les plus ordinaires de la vie, comme en s'é-
levant aux considé rations les plus graves sur les sociétés et sur
1 humanité en général.
Un de ses chapitres se compose de conseils aux princes sou-
verains. Ils sont simples, parce qu'ils sont déduits des droits
GRANDE BB I LG >F. n7
des citoyens, assurés par 1rs constitutions ; ils sont sages, parce
qu'ils sont fondes sur les règles les [)ius ordinaires de la justice,
sur le désir du bien, sur un respect aussi grand pour les pri
vili «ges du trône que pour les libertés des peuples; ils s<-i cietot
utiles ;tn\ souverains, si jamais Ie> souverains s'a\ isaîenl de les
lire , parce qu'ils leur présent! ut, dans un tableau précis , tout
ce (|ni peut ajouter à leur pouvoir et à leur splendeur, en se
considérant eux-mêmes comme les instrumens du bonheur
public.
Les préceptes que sir Richard Phillips offre aux électeurs
et aux législateurs rappellent aux uns et aux autres, d'une
manière ingénieuse et profonde, leurs devoirs les plus sacrés.
G'est un cours complet d'élection et de conduite parlementaire.
La propriété, la liberté, le bonheur , la vie de chaque Cltoj . n,
tiennent essentiellement à l'incorruptibilité* à l'indépendance,
à l'esprit public des représentans 5 et ce n'est pas une préroga-
tive sans importance que celle d'être chargé de scruter le ca-
ractère des hommes appelés à défendre les intérêts de la nation
dans la Chambre élective, soit comme tuteurs du trésor pu-
blic, soit comme conservateurs des libertés du peuple contre
les prérogatives de la couronne et les privilèges de la noblesse,
soit comme censeurs politiques. Sir Phillips voudrait même
que, pour assurer l'intégrité des choix, chaque électeur pro-
nonçât le serment que voici , à l'ouverture de l'assemblée : « Je
jure (pie je n'ai reçu par moi-même, ni par aucune autre per-
sonne, pour moi ou pour mon usage ou profit, directement ou
indirectement, aucune somme d'argent, charge, place ou em-
ploi, présent ou récompense, ni aucune promesse ou assu-
rance de charge, d'emploi ou de présent, à l'effet de donner
ma voix à cette élection. » Reste à savoir si les paroles so-
lennelles d'un serment arrêteraient les personnes qui ne sont
pas convaincues qu'un vote corrompu est un acte de trahison
envers son pavs, un crime que chaque citoyen doit dénoncer ,
poursuivre, et faire punir.
La publication en France de l'ouvrage de sir Phillips aurait,
pour l'instruction des hommes qui se destinent à la tribune na-
tionale, des résultats plus avantageux encore qu'en Angleterre,
où cependant les chapitres, dont nous venons de citer les titres,
oui été distribués au nombre de plus d'un demi-million d'exem-
plaires. Ceux qui concernent les journalistes, la liberté reli-
gieuse, l'économie politique, ne sont pas moins piquans, bien
qu'Us soient d'une application moins générale; on lira égale-
ment avec un vif intérêt les préceptes adressés aux instruc-
teurs delà jeunesse, aux prêtres de paroisse, et -aux banquiers.
^
n8 LIVRES ETR/VNGERS.
Cest un miroir qui réfléchit à la fois les faiblesses, les vices ,
les difformités de l'espèce humaine' en société , et les remèdes
qu'il convient d'y appliquer. C'est le code du bon citoyen et de
1 honnête homme.
L'ouvrage est dédié à Simon Bolivar, que l'auteur aime à
considérer comme le Washington de l'Amérique du Sud. R.
io,. — * The establishment of tlie Turks in Europe, etc. —
De l'établissement des Turcs en Europe; dissertation histo-
rique. Londres, 1828 (1827); Murray. In-8° de 128 pages;
prix, 5 sh. 6 d.
Depuis Baumgarten et Busbecquius jusqu'à Volney et à
M. Buckingham, les voyageurs en Orient ont sans cesse ajouté
aux innombrables documens que possèdent sur les mœurs des
Turcs toutes les littératures de l'Europe. Gibbon a consacré une
grande partie de son bel ouvrage à cet objet; et De Guignes,
avec moins de goût et de talent, mais avec une connaissance
plus approfondie de l'Orient, a réuni sur le même sujet une
immense quantité de faits dans son indigeste compilation. Au-
cun écrivain jusqu'ici n'a su extraire de ces matériaux un
choix de faits propres à caractériser les institutions et les
mœurs turques, à faire apprécier en quoi elles se rapprochent
ou diffèrent de celles des autres nations. A bien dire , il n'existe
guère que trois ouvrages où l'on puisse en prendre une idée:
\ Histoire de la Turquie, par Rycant, le Tableau de l'Empire
ottoman, par d'Ohsson et l'ouvrage de Castellan sur les
Mœurs des Ottomans. Mais le premier est suranné; le second
a le défaut d'être beaucoup trop volumineux; quant au troi-
sième, assez riche en détails sur les mœurs, il est nul, quant
aux notions politiques.
Pour bien faire connaître la race ottomane, il serait néces-
saire de diviser son histoire en trois époques. La première la
représenterait, avant que la soif des conquêtes et du pillage
l'eût portée sur l'occident; la seconde montrerait les qualités
dont l'islamisme lui donna le germe, et que développa une
longue suite de victoires; dans la troisième, enfin, on la pein-
drait, telle qu'elle est aujourd'hui, cédant lentement, et malgré
elle, à l'influence de la civilisation européenne, et s'avançant
à grands pas vers sa dissolution politique.
L'ouvrage que nous annonçons n'est qu'une légère esquisse
d'un côté de ce grand tableau. A peine l'auteur entre-t-il dans
les détails de son sujet; il est même certaines parties, telles
que les mœurs domestiques des Turcs, et leur littérature qu'il
a tout au plus indiquées. Cependant, rien dans l'histoire de
ce singulier peuple, n'est plus intéressant pour nous que
GRANDE-BRETAGNE. ne,
l'observation de ses qualités sociales et intellectuelles. S.uis
doute, on a beaucoup écril sur les rapports des sexes el sur
la condition des femmes ches les Turcs; mais il dc paraît pas
(]ue l(\s Européens aient jamais recueilli < ï « • s renseignement
exacts sur ce point. On n e>t pas plus avancé, quant à leni s
poètes, à leurs historiens , et aux différentes parties <'< leur
littérature. Des institutions politiques, aussi informes que
celles des Turcs, sont facilement décrites el offrent peu d'at-
trait; mais la difficulté consiste à saisir et à expliquer les
nuances de leurs qualités morales et intellectuelles, et les cir-
constances particulières qui ont produit ou développé leur
caractère national. C'est nue étrange erreur, dc chercher dans
le Koran seulement la cause des singularités qui sont propres
au caractère des Turcs. Le Persan, l'Arabe, le Mongol lisent
et révèrent le Koran; mais le caractère de chacun de ces der-
niers diffère autant de celui du Turc que le génie du peuple
espagnol diffère de celui de^ Anglais. Les doctrines de l'isla-
misme, loin d'avoir entièrement formé le caractère ottoman,
ont été sensiblement modifiées par lui; de telle sorte que le
Koran, interprété à Constantinople, ne ressemble pas plus au
Koran commenté à La Mecque ou sous les palmiers du dé-
sert, que la Bible de l'inquisiteur espagnol ne ressemble à
celle du ministre protestant.
L'auteur de Y Etablissement des Turcs en Europe n'a jamais
parcouru l'empire ottoman; il a donc dû se borner au rôle dc
compilateur. Avouons qu'il l'a rempli avec soin et habileté,
quoi qu'on puisse lui reprocher de s'être renfermé dans des
limites trop étroites.
En comparant entre eux les récits des voyageurs et les
relations des historiens, il est parvenu à se former une idée
fort exacte du peuple qu'il décrit. Cette méthode est souvent
suffisante; c'est même la seule qu'il soit possible de suivre,
lorsqu'il s'agit de nations éteintes, pour ainsi dire, comme les
Grecs et les Romains qui disparurent avec leurs institutions
politiques. Mais, pour parvenir à cette exactitude et à cette
précision que demande une critique judicieuse et sévère, l'écri-
vain doit éclairer par sa propre expérience les notions qu'il
puise dans les livres et étudier sur les lieux , et d'après nature,
les peuples vivans dont il veut retracer la physionomie. Notre
auteur n'a point assez examiné la vie privée des Turcs; il n'a
point découvert comment ils emploient leur teins, de quelle
manière ils vivent en famille; comment ils élèvent leurs fils ou
leurs tilles. Comme tant d'autres, il attribue au caractère otto-
man une trop forte disposition à la sensualité, dont il trouve
120 LIVRES rVf RANGERS.
la preuve clans la coutume de la polygamie. Dos recherches
plus exactes lui auraient appris qu'il y a plus de délicatesse et
d'affection dans la conduite d'un mari turc, qui fait de sa
femme son amie, sa compagne et non son esclave, qu'on n'en
trouve souvent chez certains maris, dans des pays plus civi-
lisés. Mais ce sujet exigerai! de grands développemens, et nous
aurions tort d'insister davantage sur des imperfections et des
erreurs presque inévitables dans un semblable travail.
À. St.-Johw.
20. — * Memoirs of the rival houses of York and Lancastery
historié al and biographical , etc. — Mémoires historiques et bio-
graphiques , relatifs à la rivalité des maisons d'York et de
Lancastre , et embrassant la période de l'histoire d'Angleterre
qui s'étemi depuis l'avènement de Richard II, jusqu'à la mort
de Henri VII; par Emma Roberts. Londres, 1827; Har-
rung etLepard, 2 vol. in-8°; prix, 26 sh.
En parcourant l'histoire des guerres civiles qui, pendant
une si longue période, déchirèrent l'Angleterre et l'inondèrent
de sang; en y observant les efforts continuels d'une noblesse
turbulente pour s'arroger le pouvoir, les combats acharnés
que se livraient des prétendans rivaux pour obtenir une cou-
ronne sans cesse disputée, et les courageuses tentatives des
communes pour arracher la liberté civile et religieuse des
mains puissantes qui leur en refusaient les bienfaits , on n'y
trouve aucune époque plus fertile en grands événemens , et en
incidens romanesques , que celle qui fut signalée par la longue
et violente contestation élevée entre les deux partis, désignés
sous les emblèmes de la rose rouge et de la rose blanclie.
L'origine de la maison de Lancastre remonte au règne de
Henri III, et les immenses richesses accumulées par ce prince
sur Edmond , son second fds (surnommé Crouchback), jetèrent
les fondemens de cette grandeur qui devint si fatale à la puis-
sance de Richard II. Outre les dov.s accordés par Henri III
à ce fils préféré, et parmi lesquels figurent le comté, le
château et la ville de Lancastre, Edmond fut investi par le
pape Innocent , des rovaumes de Sicile et de Pouille. Quoi
qu'il en soit , M. Astle , savant archéologue anglais, attribue
la source de cette fortune démesurée, et celle de l'ambition
non moins démesurée de la maison de Lancastre, à ce don
fatal du pontife romain. Ne pouvant conquérir le royaume de
Sicile par ses propres ressources, Innocent engagea adroite-
ment Henri 111 dans cette dispendieuse entreprise. Le cré-
dule monarque pleura de joie à l'investiture de son fils, célé-
brée à Londres en 1225 par l'évèque de Bologne; mais.
GRANDE-BRETAGNE. ish
comme ii dut demander à ses barons <1 immenses subsides
pour fournir aux. frais de cciic guerre , ceux ci refusèrent de
concourir a l'exécution de ce chimérique projet ; et, ne pouvant
convaincre le roi par leurs raisonnemens , de la folie de pro-
diguer ses trésors dans une tenl:ili\e hasardeuse sur lin pavs
éloigné, ils prirent le parti de recourir aux armes après avoir
toutefois souffert à plusieurs reprises les plus injustes exac-
tions. I ne lutte sanglante s'élant engagée entre Henri et ses
barons, elle se termina par la ruine totale de ces derniers.
Edmond, amplement dédommagé, de la perte de son royaume
par les riches dépouilles de ceux que l'on appelait rebelles,
transmit à sa postérité un héritage trop vaste pour de simples
sujets. Henri de Lancastre s'en prévalut pour se rendre redou-
table à son souverain ; et Richard II ne tarda point à être ren-
versé par l'influence supérieure de ce descendant d'Edmond.
Quoique l'usurpation de ]>olingbroke se fût accomplie sans
résistance, elle fut suivie d'une effusion de sang qui n'eut
presque point d'interruption pendant l'espace de i5o ans. Elle
commença immédiatement après l'accession de Henri IV au
tréme, et continua pendant le règne de son fils. Le torrent se
grossit, durant les guerres civiles qui éclatèrent entre les deux
roses rivales, ne s'arrêta point sous la domination des Tu-
dors , et ne se tarit enfin que lorsqu'il ne resta plus d'objet à
cette jalousie fatale, si cruellement excitée par les ambitieux
projets des maisons d'York et de Lancastre.
L'auteur de ces Mémoires a retracé avec un véritable talent
le tableau de cette brillante période de l'histoire de son pays.
La marche de son récit est rapide; ses réflexions, peu multi-
pliées, sont remarquables par leur justesse; et son style, simple,
naturel et clair, est parfaitement adapté au genre de son tra-
vail. Il est honorable pour notre siècle de voir que les femmes ,
sortant du cercle des fictions, dans lequel l'opinion semblait
les avoir reléguées, aient osé se saisir du burin de l'histoire
et se soient montrées capables de s'en servir habilement. C'est
une preuve de plus que les lumières s'étendent dans une pro-
gression toujours croissante, en dépit des tristes sophismes de
ceux dont les vœux ne tendent qu'à les voir rétrograder.
Miss Emma Roberts a eu le courage de s'élancer dans une
vaste et noble carrière, et nous aimons à applaudir à ses pre-
miers succès. Jrmande Dieudé.
21. — Le Narrateur français , or Sélection of anecdotes ,
reportées and characters in jrencli tongue, etc. — Le Narrateur
français, ou Choix, en langue française, d'anecdotes, de re-
parties et de caractères; ouvrage imprimé avec deux nouveaux
112 LIVRES ÉTRANGERS.
signes orthographiques pour arriver facilement à une pronon-
ciation élégante et correcte; par A. Roy. Londres, 1827;
\\ . Pickering. In- 12.
Ce recueil de Narrations est destine aux Anglais qui veulent
apprendre la langue française. On y trouve des remarques sur
les traductions, et des principes de grammaire nécessaires à
l'intelligence du texte; une table alphabétique des mots qui
s'y rencontrent le plus souvent, et un catalogue de tous les
autres avec la traduction anglaise en regard. Cette dernière
partie n'est, à proprement parler, qu'un petit dictionnaire
français anglais; la première contient les mêmes principes de
grammaire que la plupart des ouvrages de ce genre; il est juste
cependant de remarquer chez M. Roy une louable tendance à
simplifier les principes de la science qu'il professe. Enfin, les
deux cents anecdotes ou narrations qui composent son ou-
vrage, sont en général très-amusantes et fort variées : les deux
signes orthographiques qu'il emploie servent, l'un, à indiquer
quand il faut faire sentir sur la voyelle initiale d'un mot la
consonne finale du mot précédent; le second, à distinguer la
prononciation de Ye muet des monosyllabes où il a le son eu
très-faible, du scheva ou de la simple expiration de l'air à la
fin des mots, où l'on ne doit pas du tout l'entendre. Cette dis-
tinction, que M. Roy me semble avoir établie le premier par
un signe employé constamment, est en effet d'une grande uti-
lité pour tous ceux qui voudront parler le français comme on
le fait en France, et s'habituer aux différences que l'oreille
nous fait si bien sentir. B. J.
22. — Hamel t the Obeali-Man. — Hamel. Londres, 1827.
2 vol. in- 8°; prix, 16 sh.
Quoique présenté sous la forme d'un roman, cet ouvrage
reçoit du sujet qu'il traite une certaine importance. L'escla-
vage aux Indes occidentales est peut-être le thème sur lequel
les défenseurs de la liberté se sont le plus exercés depuis
quelques années; c'est le point contre lequel ils ont dirigé
leurs plus terribles attaques; et, par une singulière coïnci-
dence, c'est ce même esclavage que les fanatiques ont exploité
comme pouvant leur fournir la meilleure occasion de déployer
leur zèle pour les conversions religieuses. Aussi est-il permis
de douter que la question ait jamais été examinée avec impar-
tialité. Les défenseurs de la liberté s'appuyant sur cette pro-
position générale : que la liberté est un bien dont l'homme ne
peut priver l'homme, affirment que tous les Africains, op-
primés aujourd'hui par les Européens, ont droit à l'émanci-
pation, et doivent l'obtenir immédiatement. Les méthodistes,
GRANDE BRETAGNE.— RI SSIE. i»3
de leur côté, recueillent des Tonds considérables pour l'entre
tii-ii de ce qu'ils Rppelleni 11 banque africaine ( ajrican fund ;
ces fonds fournissent les riches émolument de leurs mission-
naires, la plupart jeunes-gens très exaltés (hot-headed) > qui
prêchent la foi parmi les nous avec pins de zèle nue de dis-
civiion; In foi, selon leursdogmes incompréhensibles, donne-
rait aux llOÎrS le droit de chasser à COUpS de loue! tons les
blancs des iles qu'ils habitent. Les deux partis ont soutenu
jusqu'ici leurs opinions avec tant de chaleur et de ténacité,
que l'homme exempt de préjugés, raisonnable et modéré peut
a peine élever la voix pour les combattre. Ilamel a évidemment
pour but d'indiquer les torts et les exagérations des partisans
de ces deux opinions. On reconnoît que l'auteur a vécu dans
les lieux qu'il décrit : il a été le témoin attentif des scènes qu'il
retrace. Si l'on peut s'en rapportera son témoignage, l'in-
fluence des méthodistes sur les malheureux esclaves doit pro-
duire de grands malheurs; et il est à regretter que ces faits
n'aient pas encore été publiés et soumis à l'examen. On ne
peut se flatter d'améliorer la condition des Africains qu'en
s occupant avec soin d'élever et d'instruire leurs cnfans;et non
en lâchant (letting loose) sur ses maîtres cette population dé-
nuée d'instruction et de ressources, ou bien en l'introduisant,
un bandeau sur les yeux , dans une communion dont les doc-
trines sont tout-à-fait inintelligibles pour elle. Il faut lire
Ilamel pour apprendre combien l'état des Indes Occidentales
est mal connu dans les autres pays, et pour apprécier avec
justesse le mérite et l'utilité des missionnaires qne l'on y envoie.
Cet ouvrage renferme quelques passages d'une grande force;
mais en général il n'est pas bien écrit; le récit manque d'intérêt :
il mérite néanmoins de fixer l'attention par l'importance du
sujet que l'auteur paraît avoir examiné en juge éolairé et im-
partial. Fanny Skymour.
RUSSIE.
2,3. — De l'influence des lumières sur In condition des peuples ;
discours lu, le 20 mai, dans l'assemblée solennelle de l'Uni-
versité impériale de Saint-Pétersbourg, par M. de Gouroff,
conseiller d'étal, recteur de l'Université, professeur ordinaire
d'histoire et de littérature, etc. Saint-Pétersbourg, 18,26 ; im-
primerie de l'Académie des sciences. In-8° de 58 p.
La langue française e>t presque cosmopolite. Ses conquêtes
se sont étendues spécialement dans le nord de l'Europe. Un
grand nombre de Mémoires des Académies de Berlin et de
1*4 LIVRES ÉTRANGERS,
Petersbourgsont écrits en français; et voilà que , dans une séance
solennelle de 11 Diversité de cette dernière ville, le recteur
prononce dois la même langue un discours intéressant. L'au-
teur a BU rajeunir le sujet qu'il avait choisi par des idées
neuves et par des applications honorables, et spéciales à Ja
Russie. G.
a4« — * Zapiski Volkovnika Voutier. — ■ Mémoires du colo-
nel Voutier sur la guerre actuelle des Grecs, traduits en russe
par Orcste Somof. Saint-Pétersbourg , 182/4-1825. Imprime-
rie du département médical du ministère de l'intérieur, 2 vol.
in-8°, en tout xvi et 345 pages; avec cinq portraits gravés au
trait , et une carte de la Grèce, tirée de l'Atlas de Lapie. Prix ,
10 roubles, et i5 sur papier vélin.
Le sort de la Gièce excite un vif intérêt, dans tous les cœurs
généreux. «En effet (dit un de nos plus estimables collabora-
teurs, M. de Sismondi , voy. Re\>. Enc, t. xxvi, mai 182$,
p. 383) si nous sommes hommes, si nous sommes chrétiens,
si nous sommes civilisés, jamais spectacle fait pour émouvoir
plus profondément les âmes ne fut présenté à nos regards;
jamais nos ancêtres n'en virent un pareil à celui que nous
donne aujourd'hui la Grèce. Jamais des souffrances plus ef-
frayables n'atteignirent une des grandes familles du genre
humain; jamais des dangers plus terribles ne menacèrent un
plus grand nombre de tètes; jamais des efforts plus héroïques
ne furent tentés pour sauver tout ce qui est cher aux âmes
élevées, la religion, la liberté, la pudeur des femmes et des
filles, le souvenir des ancêtres, le nom d'une patrie autrefois
glorieuse, le langage enfin qu'on prétendait que les dieux
avaient enseigné aux hommes. » Il est donc facile de concevoir
l'intérêt qui s'attache aux mémoires relatifs aux événemens
actuels de la Grèce. Nous avons recommandé, il y a quatre
ans, à l'attention de nos lecteurs les Mémoires du colonel
Voutier. (Voy. Rev. Enc, t. xx. Décembre 1823, p. 633-63/|.)
Quelque tems après, M. de Sismondi, en consacrant, dans
notre Recueil, trois analyses a six ouvrages sur l'histoire de
la régénération de la Grèce, publiés par MM. Pouqueville,
Raffenel, Voutier et RAYBAun,en France ; par MM. Stanhope
etBLAQuiÈRES,en Angleterre, i voy. Rev. Enc, t. xxvi, mai 1823,
p. 38i-3q8; t. xxvi, juin 1825, p. 703-716; et t. xxvu, juil-
let 1825, p. 69-80), a exprimé, sur les Mémoires de Voutier,
un jugement que nous aimons à reproduire ici. « A la fin de
l'année 1823, des mémoires sur la guerre des Grecs furent
publiés à Paris, sous le nom du colonel Voutier. Ecrits avec
sensibilité, avec chaleur, par quelqu'un qui se donnait, non
RUSSIE. r*5
tenlemenl comme témoin oculaire, mais comme acteur prin-
cipal dans les deux campagnes de i$si et dé iflaa , ils fu reot
reçus par le public a\cc empressemenl : les Grecs eux-mêmes
rendaient témoignage de la vérité des peintures de mœurs qui
s'v irons .lient présentées avec talent; I oppression de la Grèce
avant l'insurrection y était exposée de manière à faite une
impression profonde : la part que l'auteur s'attribuait dans
les opérations militaires, quoique considérable) était racontée
sans orgueil et sans prétention; il semblait dire ce qu'il avait
fait, ce qu'il avait vu, et ne vouloir parler que de ses impres-
sions personnelles» La critique d'ailleurs était désarmée par
le respect pour le caractère d'un de ces généreux Phiihcllènes
qui avaient offert leurs talcns et leur vie à une nation presque
réduite aux abois, au moment où elle combattait sans argent,
sans armes, sans vivres, sans discipline, sans connaissance de
la guerre, lorsque des terreurs paniques assiégeaient ses sol-
dats, lorsqu'on risquait jusqu'à son honneur par la pusillani-
mité ou la férocité de ceux sous les étendards desquels on
venait exposer sa vie. Les Mémoires du colonel Voutier sont
au nombre des autorités auxquelles MM. Pouqucville et Raf-
feael ont eu recours pour composer l'histoire des sièges de
Tripolitzn, d'Athènes et de Missolonghi. Cependant , quelques
personnes annonçaient déjà que cet officier n'avait jamais pu
écrire le livre qui lui était attribué, qu'un témoin oculaire
n'aurait pu tomber dans les erreurs grossières, dans les con-
tradictions qu'on préteudait pouvoir relever dans sa narration;
déjà le bruit se répandait qu'il ne fallait voir dans ces mé-
moires sur la Grèce qu'une spéculation de librairie; que le
colonel Voutier, à son retour, avait raconté à ses amis ce qu'il
avait fait avec ses compagnons d'armes, et que quelque écri-
vain obscur, mais non dépourvu de talent, avait mis de l'en-
semble dans ces récits, et en avait lait un ouvrage plus agréable
que vé ri clique. La publication toute récente des Mémoires de
M. Maxime Raybaud semble confirmer cette supposition. Cet
autre officier des Philhcllènes est, comme M. Voutier, arrivé
en Grèce, au milieu de l'été de 1821, et il y est resté comme
lui jusqu'à la fin de l'année 1822. Tous deux ont été en même
tems membres de l'état-major général, et aides-de-camp du
président. Il semble qu'ils ont eu à se plaindre l'un de l'autre,
et M. Raybaud s'attache à relever de graves inexactitudes
dans l'ouvrage de son prédécesseur. Il ne nous appartient pas
déjuger cette querelle entre deux hommes qui out montré un
beau dévouement à une noble cause, qui ont rendu de grands
services à la Grèce, comme militaires, et qui en ont rendu de
i.xi LIVRES ÉTRANGERS.
nouveaux, comme écrivains, si leurs Mémoires sont bien en-
tièrement d'eux. La lecture de l'un et de l'autre est agréable;
mais le livre cle M. Raybaud l'emporte sur celui de son de-
vancier, par la clarté, par la suite, par l'abondance des dé-
tails...» Depuis que cette analyse a été publiée dans notre
liane, on ne nous a point donné, jusqu'à ce moment, l'oc-
casion d'annoncer une traduction dans quelque langue étran-
gère des Mémoires de Foutier. La littérature russe s'est enri-
chie, la première, de cet ouvrage, par une traduction due
aux soins de M. Somof. Le traducteur, qui a d'abord fait
connaître son travail par .un grand nombre de fraginens insérés
dans les publications mensuelles du journal russe, le Fils de
la patrie (année 1824), l'a publié en entier dans les deux vo-
lumes que nous annonçons. Ils contiennent en outre, une
Notice sur la vie du gênerai Voutier, des notions très-intéres-
santes sur V état actuel de la civilisation en Grèce, les portraits
de Démétrius Jpsilanti, de Mavrocordato , de Canaris et d'un
soldat grec ou hlephte, et ils sont terminés par une table alpha-
bétique du contenu des Mémoires, pour faciliter les recherches.
La critique, tout en rendant justice au traducteur russe, dont
la version est élégante et pure, et en général exacte, lui repro-
chera quelquesomissions et quelques suppressions de tournures
de phrases et d'expressions vives et énergiques de l'ouvrage
original qu'il aurait dû ne point négliger et reproduire avec
fidélité. P. R. E.
DANEMARK.
Ouvrages périodiques.
2 5. — * Magazin for Kunstnere , etc. — Magasin des arts et
des métiers, par M. G.-Fr. Ursin, docteur en philosophie ,
professeur et membre de Y Académie des beaux-arts , à Copen-
hague. Ouvrage périodique. Copenhague, 1826-1827; Gvlden-
dahl. In-8°; prix, 8 fr.
S'il est vrai que le succès des ouvrages utiles et instructifs
fournit une des meilleures preuves de l'instruction du peuple,
celui qu'ont obtenu en Danemark les ouvrages phvsico-
techniques de M. Ursin nous donne l'idée la plus avantageuse
des progrès de l'instruction et de la littérature dans ce pays.
11 y a deux ans qu'il ouvrit une souscription pour la traduction
de l'ouvrage de Millixgton , intitulé : Epitome of natural and
expérimental philosophy. Son projet de traduire cet ouvrage fut
accueilli très-favorablement , et le nombre de ses abonnés fut
Danemark. ,,-■
si grand , qu'il se vit en étal <l<- diminuer du beaucoup le prix
quil avait fixé lors de la publication du prospectus, «le sorte
qu*il cul la grande satisfaction de pouvoir laisser sa traduction
à ses abonnés à un prix non seulement inférieur à celui de
l'ouvrage original, mais même au dessous de celui de toutes
les traductions qui enavaienl paru dans les pays étrangers. Le
grand succès nu avait obtenu cet ouvrage l'engagea à publier un
journal périodique sous ce titre : Magasin des arts et des métiers.
!.<• Recueil analogue que M. Robkrtson publie en Angleterre
lui en fournit l'idée. Il se propose d'offrir à ses lecteurs, i° un
aperçu des parties de la science mécanique qui peuvent être
mises à profit en Danemark ; a0 les inventions, les découvertes
et les perfectionnemens dans lesarts dus au Danemark, et qui
méritent de fixer l'attention publique; 3° la solution des pro-
blèmes ou des questions proposées par des artistes ou des ou-
vriers sur des objets imporians , relatifs à leur profession;
V' des notices d'un intérêt particulier, comme des calculs relatifs
au\ arts mécaniques et industriels, ou des observations histo-
riques sur des machines remarquables , employées dans d'autres
pays OU dans l'antiquité. Ce journal publie un numéro d'une
feuille d'impression chaque semaine, et les numéros publiés
depuis le mois de septembre 1826 jusqu'au 18 juin de cette
année forment le premier volume. On trouve à la tète de ce
volume une biographie de M. H. C. Oersted, avec son portrait
gravé en taille-douce.
L'intérêt des articles originaux et le choix judicieux des
morceaux traduits que le journal a offerts jusqu'à présent à
ses lecteurs, justifient le grand succès dont il jouit. Nous cite-
rons ici quelques-uns des articles.
Parmi les descriptions des instrumens mécaniques, on trouve
la description delà balance inventée par M. Quintens , ingé-
nieur de Strasbourg, avec un exposé des modifications ou des
changemens nécessaires pour en faire usage en Danemark; la
description dune montre d'une nouvelle espèce, inventée par
Henri Kyhl , horloger à Copenhague : on monte celle montre
moyennant une poulie (en latin trocklea) que l'on fait agir
sans ouvrir la boite, ce qui préserve le mouvement de la pous-
sière; l'annonce et la description de la serrure de Chubb , des
plaques de métal perforées de La Rivière, etc. etc.
On remarque aussi un traité sur l'éclairage par le gaz, et
sur les appareils qu'on y emploie; on voit dans ce traité le
dessin et la description d'un appareil inventé par. AI. Irgehs,
ferblantier de Copenhague , pour extraire le gaz de l'huile.
D'autres articles traitent de la préparation des vernis et de
l*8 LIVRES ETRANGERS.
l'encre , de l'usage des briques creuses, de l'art de graver , et
de la confection des billets de banque, etc. M. N.-R. Kiiossing ,
lieutenant de l'artillerie, a donné un aperçu des progrès de la
lithographie, avec des épreuves lithographiées d'après différons
procédés , pour montrer l'état actuel de la lithographie royale
de Danemark. Cet aperçu de l'état de la lithographie en
Danemark mérite de fixer l'attention , comme le premier qui
a été publié.
Ce qui ajoute à l'intérêt de ce journal , c'est qu'il renferme
tous les mois un résumé des leçons publiques que M. Oersted
donne gratuitement, le premier mardi de chaque mois, pour
faire connaître les inventions et les découvertes faites par lui
ou par d'autres dans les sciences physiques et les arts indus-
triels. M. Schoner, professeur d'histoire naturelle, donne des
notices sur les variations de la température dans le courant
de chaque mois. Les autres articles du journal sont en général
des annonces des ouvrages nouveaux, des rapports faits sur
de grandes entreprises, comme le chemin creusé sous la Ta-
mise, une traduction du discours de M. Ch. Dupin, où il ex-
pose les effets et l'utilité de l'instruction publique. V. B.
ALLEMAGNE.
26. — Deutschland , oder Briefe cines in Deutschland relsen-
den Deutschen. —L'Allemagne, ou Lettres d'un voyageur alle-
mand. T. I. Stuttgart, 1826; Franck.
Un Allemand, d'un esprit éclairé et d'un caractère indé-
pendant, pourrait, faire bien des remarques intéressantes sur
ce singulier amalgame de grands et de petits États qu'on nomme
Allemagne; mais il faudrait qu'il pût trouver un endroit où. il
lui fût permis de publier son ouvrage. A Stuttgart, on ne tour-
mente point les auteurs; cependant, le gouvernement vurtem-
bergeois n'est pas assez fort pour garantir à un écrivain franc
et intrépide toute la liberté dont il aurait besoin. Les Lettres
de l'auteur anonyme ne lui attireront aucune persécution; elles
sont fort innocentes, et le voyageur aurait pu se nommer sans
aucun danger. Il aime beaucoup son pays , et il en pense mieux
que des pays voisins, quelque beaux qu'ils soient; peut-être
connaît-il aussi mieux sa patrie que les contrées adjacentes. Il
a soin de glisser légèrement sur la partie politique, de ne point
•critiquer les gouvernemens , et de dire un peu de bien de cha-
cune des trente-huit souverainetés, grandes et petites, qui com-
posent la confédération. Dans les dix premières lettres, il jette
un coup-d'œil général sur l'Allemagne; le reste du volume
ALLEMAGNE.
* si employé à décrire l'Allemagne méridionale, c'est-à dire !<•
grand duché «!<• Bade el les petits royaumes de Wurtemberg et
de Bavière. L'auteur a nu style agréable , et ses descriptions
ont de l'intérêt , quoiqu'elles concernent des contrées bien con
nues. I) o.
7.7. — * De professoribus et mcdlcis. — Des professeurs et
des médecins, el des privilèges que leur accordait le droit ro-
maiu; dissertation par Théodore G ad pp. Breslau, 1827. In-8°.
On sail que les lettres de Pliue Le jeune renferment beaucoup
de choses qui ne peuvent être éclaircies que par l'étude du
droit romain. La lecture de la 68e lettre du livre i'T inspira à
M. Gaupp la pensée de rechercher quelles étaient les immunités
accordées aux philosophes en général; puis, il voulut savoir
quelles étaient les prérogatives spécialement accordées à ceux
qui enseignaient la grammaire et la rhétorique, et aux méde-
cins, prérogatives indiquées dans les auteurs contemporains
des premiers empereurs. En conséquence, il a traite d'abord
la question relative à l'origine et aux progrès des rrts libéraux
et des sciences chez les Romains; puis, il a examiné les diffé-
rentes classifications et les dénominations établies pour les
savans. Dans un paragraphe spécial, il rappelle les mauvais
procédés et les persécutions que des empereurs, des villes, ou
même de simples particuliers ont fait supporter, à diverses
époques, aux maîtres des sciences; il arrive enfin à la que tion
des privilèges accordés aux médecins et aux professeurs, qu'il
énumère et examine séparément avec assez de soin et de détails.
Avant d'entrer dans toutes ces discussions, l'auteur a indiqué
les sources auxquelles il a puisé : ce sont, outre les lois des divers
titres des Pandcctes , les Fragmenta vaticana , le titre du Code
Théodosien : De medicis et professoribus , e'c. Ce n'est I:ï
qu'un premier essai, qu'un spécimen d'un travail plus étendu,
dont nous espérons voir bientôt la suite; car la rédaction de
cet écrit prouve de vastes connaissances en philologie, en juris-
prudence et en archéologie. Il est permis de se promettre des
résultats essentiels de recherches aussi éclairées.
28. — * Thucydides de bcllo Pcloponncsiaco , Ub. vili. —
Histoire de la guerre du Péloponnèse , par Thucydide ,
en huit livres. Nouvelle édition, par Ernest -Frédéric Poppo.
T. Il, contenant les livres 11 et m. Leipzig, 1826. In-8°.
Le plus grand historien de la Grèce est aussi le plus difficile
à expliquer, et les philologues auront encore à s'exercer beau-
coup sur son texte, et à discuter sur son interprétation. On a
publié, en Allemagne, un grand nombre d'éditions delà guerre
du Péloponnèse; M. Poppo a compris toute la gravité de sou
t. xxxvj. — Octobre 1827. o,
i3o LIVRES ÉTRANGERS.
sujet ; il If traite avec circonspection et savoir, ne négligeant
rien de ce qui peut compléter son travail. C'est ainsi qu'on
trouve dans le second volume des supplément qui se rap-
portent au premier. Ils ont été fournis par l'édition portative
de Gœllcr, et par les s ;holies sur Austida, qui ont paru depuis
la publication de ce premier volume. Les scholies sont placées
sous le texte, et plus bas les variantes, avec les conjectures.
Cette édition , dont les épreuves ont été revues avec un grand
soin , a le mérite d'être fort correcte.
29. — Dionis Cassii Coccciani historiarum romanarum quœ
super sunt. — Restes de l'Histoire romaine de Dion Cassius ;
édition de Sturz. Leipzig , 1825. 8 vol. in-8°.
On connaît la vie de Dion ; on sait qu'élevé au rang de séna-
teur par Pertinax, promu au consulat par Sévère, il gouverna
sous leurs successeurs plusieurs provinces, et qu'enfin il alla
finir ses jours dans sa patrie, la Bithynie. Profitant des avan-
tages de sa position, il rassembla force matériaux, pendant
qu'il était à la tète des affaires; puis il en fit usage et rédigea
une histoire en quatre-vingts livres, depuis l'arrivée d'Énée en
Italie jusqu'au règne d'Alexandre Sévère. Le tems a détruit le
monument que Dion voulait léguer à la postérité ; il n'a épargné
que vingt livres; les trente-quatre premiers sont entièrement
perdus; ceux qui suivent le cinquante-quatrième sont mutilés;
enfin, les vingt derniers sont réduits à quelques faibles frag-
mens; chose d'autant plus fâcheuse que c'est dans cette por-
tion de l'ouvrage que nous aurions eu le plus grand besoin de
puiser ce qui nous manque d'ailleurs. Dion voulut imiter la
manière de Thucydide, surtout dans ses harangues; mais il
est resté fort inférieur à son modèle. Les philologues qui se
sont occupés de cet auteur avec le plus de succès sont Raimar ,
dont l'édition parut en 1760, et Lcunclace, qui déjà, en 1606,
avait donné la sienne. Xiphilinus a rédigé des epitome ou
abrégés des livres de Dion, que M. Sturz reproduit dans cette
nouvelle édition. Le premier volume est composé des fragmens
des trente-quatre premiers livres, et les livres complets rem-
plissent les tomes 11 et ni. Viennent ensuite les excerpta de
Xiphilinus. Les tomes v et vi sont consacrés aux remarques ;
le vne renferme Y apparatus ; enfin, le vin" et dernier est un
recueil de tables et d'index. On voit qu'il ne manque rien à
cette édition. Le plan a été conçu et exécuté avec sagacité et
érudition. Les fragmens publiés par Marelli s d'après un ma-
nuscrit du xie siècle, ont été recueillis; la traduction de
Leùhclave, souvent inexacte, a été soigneusement revue; enfin,
M. de Furia , bibliothécaire à Florence , a communique à
iLLEM IGNE. i3i
r.liifui <\rs variantes importantes recueillies dans trois ma
nuscrits de la bibliothèque de Médicîs. M. le professeur Pe) ro/t,
de Turin, a <!«• son côté secondé M. Sturz, en lui envoyant
beaucoup «le matériaux utiles. L'exécution typographique i
fort belle ; on a pris soin de noter on marge la pagination des
éditions de Kcinnr et de Leunclave, pour la commodité des < i
taiions. 1 *apparatus renferme d excellens morceaux de critique :
il <n est même qui paraissent aujourd'hui pour la première
fois. Les index sont plus complets et mieux disposés que ceux
d'aucune autre édition.
3b. — Lneiani Snmostitensis opera. — OEuvres de Lucien
de Samosaïc , en grec et en latin. Nouvelle édition, revue et
enrichie de notes et de variantes, par Théophile Lehm.vkn.
T. VI. Leiprig, 1826.111-8°.
Sans s'arrêter aux observations malveillantes et peut-être
inévitables de quelques critiques , M. Lchmann publie son
sixième volume, et poursuit avec zèle son utile entreprise. Eu
ce qui concerne le célèbre conte de Lueius, ou XAne , si bien
traduit, par M. Courrier, l'éditeur a partout mis à profit les
remarques de ce savant.
3k. — * Theognidis reliquiœ. — Ce qui nous reste de Théo-
gnis; édition faite sur un nouveau plan, et enrichie de notes
par Welker. Francfort-sur-le-Mein , 18*26. In-8°.
Le tems a dispersé tous les fragmens des élégies de Théognis
de Mégare; tels qu'on nous les a présentés, ils ne sont plus
qu'une suite d'énigmes à résoudre. Pour les arranger dans un
ordre plus naturel et plus lucide, il fallait à des connaissances
fort étendues, à une lecture assidue de l'antiquité, réunir
l'avantage de ces heureuses inspirations qui sont pour le savant
un coup de la fortune. M. Welker est parvenu à recomposer
un ensemble satisfaisant, là où il n'y avait que des vers muti-
lés par les corrections mêmes, que l'on avait opérées sans
choix et sans intelligence. Parmi les points de critique traités
dans \cs prolégomènes, nous citerons la dissertation sur Théognis
lui-même; une autre sur la forme première de ses ouvrages ;
enfin, celle qui concerne les éditions antérieures. L'histoire con-
temporaine de Mégare est traitée avec celle du poète. Il s'agit
d'une lutte entre l'oligarchie et le tyran Théàgènes, qui fut
enfin chassé à la suite d'une bataille gagnée par les nobles exilés
Plus tard , il y eut encore une révolution dans cette ville, mais
en faveur de la démocratie; car, pendant la guerre du Pélo-
ponnèse , Brasidas ramena la noblesse exilée de nouveau. On
ne sait que par conjecture quelle part eut à ces mouvemens
Théognis, qui (tarissait vers l'Olympiade 5;. S'il en faut croire
9-
LIVRES ÉTRANGERS.
ésultats obtenus par M Welker, il écrivis après la seconde
expulsion des nobles, et sous cette démocratie qui dura jusqu'à'
L'Olympiade 89, année 1™. On voit assez par ses poésies,
qu'il avait été exilé Lui-même , et qu'il avait perdu ses biens.
L'indignation lui dicta des vers contre la spoliation des
richesses et des honneurs, contre les mésalliances, eîe.
M. Wcîfcer s'occupe ensuite du séjour de Théognis en Sicile,
et il réfute l'opinion de quelques anciens philologues qui lui
donnent pour patrie la Mégare de cette île. Nous voudrions
pouvoir entrer dans la discussion d'une difficulté que fait naître
Suidas, en parlant d'une élégie qu'il attribue à Théognis : mais
le défaut d'espace nous interdit ce genre de digression ; nous
nous bornerons à indiquer cette difficulté , qui tend à concilier
la chronologie et l'âge du poète avec quelques actions de
Gélon, et avec quelques faits de la guerre des Perses. Nous
ferons aussi remarquer les doctes explications sur les mots
âyctPoi et KUKot , le premier appliqué aux nobles , le second
aux plébéiens. Nous ne pouvons ici qu'annoncer cette impor-
tante production, sans entrer dans le détail que M. Welker
donne des œuvres du poète. A plus forte raison devons-nous
omettre la partie philologique de son travail; son nom est une
garantie suffisante de son mérite. Ph. de Golbéry.
32. — Die Araber bey Tours. — Les Arabes auprès de
Tours ; roman par A. Ugewild. Wolfenbuttel, 1826.111-8°.
Les romans de Mlle Scudéry ne sont pas tout -à- fait passés
de mode. Il y a encore des romanciers qui font soupirer amou-
reusement les héros de l'histoire, et qui inventent des aven-
tures tendres pour tous les hommes qui ont joué un grand rôle
sur la scène du monde. Il est vrai que le théâtre leur donne
sans cesse l'exemple de ce contre sens. L'auteur du roman
que nous annonçons est du nombre de ces écrivains. ïl sup-
pose que Charles Martel, tout en repoussant les Sarrasins du
centre de la France , est éperdument amoureux de la fille
d'Abdérame , chef de cette armée d'invasion. Le roi franc
demande presque pardon à la fille de battre le père , et se com-
porte avec toute la tendresse d'un Céladon. Si ce roman était
plus gros, il pourrait faire suite auCrrus et à V Alexandre. D-g.
33. — * Systematische Bilder-Gcillerie , etc. — Galerie systé-
matique de dessins lithographies pour servira l'Encyclopédie
publiée sous le titre de Dictionnaire de conversation. Fiïbourg
en Brisgau, 1827; Herder. In-/t°.
L'Encyclopédie portative, à l'usage des gens du monde, pu-
bliée par le libraire Brockhaus > de Leipzig, sous ce titre : Con-
versations Lexicon , jouit d'une vogue qui se soutient sans in-
LLLEM IGNE.— SI ISSE. i '. '
ter motion depuis près de quinze ans. Plusieurs éditions, les
unes légitimes, iPautres Frauduleuses, attestent que ce livre
répond à un besoin général. En effet, il offre sur les différente.*:
parties des connaissances humaines «les notions suffisantes h
cette classe nombreuse de personnes que leur curiosité natu-
relle OU leur position dans le inonde engage à savoir un peu de
tont, sans que pour- cela elles soient disposées a faire des
études scientifiques spéciales et approfondies. Tout homme ,
savant ou ignorant , éprouve quelque difficulté à suivre une
description verbale d'objets pour lesquels Y intuition intellec-
tuelle ne parvient jamais à égaler l'intuition physique, à inouïs
quelle n'en soit préeédée ou accompagnée. Souvent une repré-
sentation au simple trait nous instruit mieux, en cinq minutes,
qu'une éloquente description , méditée pendant plus d'une
heure. Les personnes chargées de l'enseignement de l'enfance
devraient ne jamais perdre de vue cette vérité d'une évidence,
pour ainsi dire, matérielle. — Il manquait donc à une partie
de X Encyclopédie portative le plus clair des commentaires, des
planches. L'entreprise que nous annonçons remplira cette la-
cune. Mais, comme l'ordre des objets est systématique, nette
Galerie de dessins ne sera pas seulement utile aux possesseurs
de l'Encyclopédie , mais encore à tout lecteur de journaux, à
toute personne qui s'instruit par des lectures, ou par des con-
versations; aux erifans, dont l'éducation intellectuelle ne doit
pas consister à se faire une science de mots. Qu'on entende
parler pour la première fois d'un crabe ou de la cloche du
plongeur, du Panthéon ou d'une pagode, d'une naumachie ro-
maine ou d'une chlamyde grecque; qu'on lise une longue des-
cription (\u télescope d'Herschel ou d'un vaisseau de ligne, un
sent h' besoin de voir, puisqu'on ne peut guère se contenter
de lire ou d'entendre. La Galerie systématique se recommande
donc par son objet même; elle ne se recommande pas moins
par l'exécution. Quatre divisions sont déjà publiées en partie :
i Histoire naturelle ; i Statistique ; 3 Architecture ( civile, mili-
taire, navale, ancienne et moderne ); 4 Mythologie et Culte. —
Il ne s'agissait pas ici de viser à l'invention; bien choisir et
bien exécuter, telle est la double tâche des éditeurs. Ils l'ont
parfaitement remplie dans les cahiers que nous avons sous les
yeux. La collection complète aura 126 feuilles.
C. Mon ï* ai
SUISSE.
34* — * Histoire naturelle des lavandes, par le baron Fred. de
i \ j LIVRES ÉTRArNGEKS.
r.iM.iNs I vss.vra/. Genève, 1827 ; Bapbeaat et Delarue. In S"
de 200 pag. environ, avec onze belles planches grand in-40.
C'est par le secours des bonnes monographies qu'on par-
viendra à faire une histoire aussi complète que possible des
productions de la nature. Linné donna le modèle de ce genre .
de travail, qui s'est multiplié depuis sous tant de formes diffé-
rentes , sans que les sciences y aient beaucoup gagné. L'his-
torien des lavandes ne doit pas être confondu avec la foule
si nombreuse des faiseurs de monographies : son ouvrage
est un modèle, il ne laisse rien à désirer; dix espèces sont
parfaitement et peut-être même trop minutieusement décrites
dans son travail , et non moins bien représentées. On peut, après
l'avoir lu, regarder l'un des genres les plus intéressans de la
vaste et odorante famille des labiées comme définitivement
connu. Avec la monographie des lavandes, le jardinier saura
comment on doit cultiver dans toutes les circonstances de jolis
végétaux presque tous naturels aux climats méditerranéens ; le
médecin saura les cas où il doit les employer pour soulager
l'humanité souffrante; le distillateur en pourra extraire ce par-
fum si recherché pour la toilette; le chimiste en connaîtra les
principes ; l'érudit y trouvera ce qu'en rapportèrent les anciens;
( t les botanistes qui voudront à l'avenir composer des species ,
n'auront rien de mieux à faire que de copier la synonymie el
les descriptions de M. Gingins-Lassaraz. Les dix espèces de
lavandes décrites dans la monographie qui nous occupe sont
le stécas, la lavande verte, la pédunculée, la dentée, l'hé-
térophylle des Pyrénées, la lavande ordinaire, le spie , la
lavande pinnée, la lavande à feuilles d'aurone, la multifide
et la corne de cerf. Toutes peuvent résister aux hivers en
pleine terre dans le midi de la France; quelques-unes récla-
ment déjà l'abri des orangeries sous le climat de Paris.
B. DE St.-V.
35. — * Voyage pittoresque dans le canton des Grisons en
Suisse, vers le lac Majeur et le lac de Côinc, sur les grandes
routes nouvellement construites à travers les cols de Splugen et de
Bcrnhardin; par J. J. Meyer : accompagné d'une Introduction
par M. le docteur Ebel; avec une carte routière de H. Keller.
Zurich, 1827; J. J. Meyer. In-40 de 169 pages.
Au nombre des améliorations de tout genre que font entre-
prendre en Suisse la naissance d'un esprit public fédéral et le
besoin d'imprimer un mouvement plus rapide à l'industrie et
au commerce, il faut compter les routes nouvelles qui la tra-
versent, ou ia traverseront dans tous les sens. Le seul canton
du Tessin a contracté, pour cet objet, une dette de quatre
SUISSE. < . .
millions; encore sis rouler n'atieindr ont -elles loin but que |>ai
l'achèvement de celle qui passera par le Saint Çothardel donl
la construction vienl d'être commencée. Les routes du Berohar
din <i du Splugen, montagnes de la partie méridionale des
Grisons, ne lonl pas d'une moindre importance commerciale. La
première, destinée à établir une communication entre les (iri-
sons el les Etats du roi de Sardaigne, en et itanl la Lombardie, a
été l'objet d'une convention entre les deux gouvernemens. La
nature opposait à l'entreprise des obstacles <j i ■ î semblaient in-
surmontables dans un petit pavs dont les ressources sont fort
bornées: la persévérance du gouvernement, les sacrifices ïû
lontaires des particuliers et l'habileté qui a présidé aux travaux
ont surmonté toutes les difficultés. '«On a fait sauter 92,287
mètres cubes déroches, qui ont exigé i35o quintaux de poudre
à canon. La longueur de tous les murs de soutènement est de
G750 mètres (42,900 mètres cubes), et celle des murs de re-
vêtement de 6665 mètres (le livre indique fautivement 7998
mètres cubes). 11 y a 4^2 canaux formés par 1 2 960 mètres
cubes de maçonnerie. Des garde-fous, tantôt doubles, tantôt
simples, garnissent la route sur une étendue totale de 32,453
mètres, et des parapets en maçonnerie sur une longueur de
871 mètres. Tous ces garde-fous sont de bois. Sans compter
les deux grands ponts de Reichenau, on en rencontre cin-
quante-deux sur toute la route ; parmi ceux-ci, il y en a six
anciens, qui ont été élargis; tous les autres sont nouvellement
construits en pierre, excepté trois qui sont en bois; ces ponts
ont de 3 à 21 mètres d'ouverture, et il y en a un seul de trois
arches. La largeur de la route est presque partout de 18 pieds,
et sa pente est (\e 6 sur 100, ce qui produit environ 4 £ pouces
par toise. Depuis la ville de Co're, qui se trouve à 1 836 pieds
au-dessus du niveau de la mer, elle s'élève, sur une étendue
de quinze lieues, de 4?4^ pieds, jusque sur le mont Bcrnhardin,
dont la hauteur est de 6584 pieds, suivant un relèvement tri-
gonométriqne. » La dépense totale, y compris l'achat de terrain
et les indemnités payées pour des propriétés particulières, s'est
élevée à 1,1 32, 1 36 fr. de Suisse (le fr. à 3o s. de France).
La route duSplugen, dont le point culminant est de 71 pieds
au dosons du passage du Bernhardin, construite par l'Autriche
pour établir une communication entre la grande roule des
Grisous et la Lombardie, n'est pas moins remarquable par la
hardiesse de l'eut reprise.
A l'importance commerciale de ces deux nouveaux moyens
de communication , à cette jouissance d'admiration que prô
curent toujours la grandeur et l'audace dans les travaux de
i'36' LIVRES ÉTRANGERS.
l'homme vient se joindre l'attrait d'une nature extraordina
renient pittoresque et variée, de mœurs originales, de souve-
nirs historiques et de momtmens dont, les ruines attestent,
comme toutes les annales des peuples, les progrès lents mais
coostans de la liberté, qu'un œil attentif voit s'étendre, s'agran-
dir, se consolider, en dépit d'apparences souvent contraires.
Le pinceau de M. J. J. Mf.yer, la plume habile de M. le doc •
tcurEp.KL ont reproduit les charmes de la nature avec un sin-
gulier bonheur. L'auteur célèbre du Manuel du voyageur en
Suisse a donné une nouvelle preuve de ce savoir profond, de
cette exactitude dans les recherches, de ce talent de grouper
les faits dune manière instructive et attrayante qui ont fait h*
succès de ses précédons ouvrages. Les Grisons, bien que l'une
des parties les plus curieuses de la Suisse, ont été moins visités
que les autres cantons. Cet année , cependant , les voyageurs
ont commencé à s'y porter en plus grand nombre. Lelivre que
nous annonçons sera désormais un manuel indispensable pour
les personnes qui parcourront cette confiée , en curieux, en
artistes, ou en savans.
36. — * Voyage dans les petits cantons et dans les Alpes
rhétiennes , par M. Kasthofer, grand forestier du canton de
Berne, membre de plusieurs Sociétés savantes; traduit de l'al-
lemand, par E-J. Fazy-Cazal. Genève et Paris, 1827 ; Bar-
bezat et Delarue. In~8° de vin et 390 p.
M. Kasthofer , l'un des écrivains dont les ouvrages honorent
le plus la Suisse actuelle, n'est pas de ces auteurs qui voyagent
dans le seul but de se voir imprimés sur beau papier et reliés
en maroquin. Ses livres sont le résultat de voyages entrepris
pour observer des faits qui se rapportent au principal objet do
son activité, à la science forestière. Homme d'une culture intel-
lectuelle qui dépasse de beaucoup les limites de cette science ,
il étudie, chemin faisant, les mœurs et les usages des peuplades
qu'il visite, les diverses branches de leur industrie, en un
mot, une foule d'objets qui se rattachent à leur existence phy
sique, intellectuelle, morale et civile. La botanique et la mi-
néralogie, l'étude des langues et la littérature, l'économie pu-
blique et la législation trouvent également à faire leur profit
dans les écrits de M. Kasthofer, observateur calme et conscien-
cieux. L'ouvrage dont nous rendons compte, plus susceptible
d'un extrait que d'une analyse, renferme une multitude de faits
curieux ou importans; nous en citerons un de cette dernière
catégorie.
L'Engadine, grande et belle vallée du canton des Grisons,
présente, sous le rapport de sa population, un aspect peut-
M [SSE.
rire unique ii'ins Mm espèce, i ne manie héréditaire d'émij
tiou tourmente les pâtres de l'Engadine, qui pourrai! être
heureuse si ses enfans aimaienl le sol qui les vil naître. Les
êmigrans vont chercher fortune en exerçant un genre d'in
rlustrie « qui, peu digne d'un peuple de pâtres libres, les assu
j «'■ t i t aune occupation sédentaire et servile. FI n'est guère eu
Europe de % * 1 1 « * considérable qui ii" compte des fi i ismis dans
le nombre de ses limonadiers, confiseurs, pâtissiers et fabricanj
(!■• liqueurs. Après avoir passé une partie de leur * i<- dans l'exer-
cice de quelqu'une de ces professions, et dès qu'il se croient
suffisamment riches, ces émigrés retournent dans leur pays
i. >ur y étaler aux yeux de leurs concitoyens les avantages de
leur nouvel état : du reste, leur patrie les revoit avec un esprit
toui aussi peu cultivé que lorsqu'ils en sortirent; mais ils y
rapp< rtenten revanche le vernis extérieur des villes, des mœurs
plus ou moins corrompues, le dégoût de la simplicité, et tcus
les genres de prétentions qui découlent du ridicule orgueil des
riches parvenus (p. 184). » D'autres êmigrans rentrent dans
leur ]>ays plus pauvres qu'à leur départ et moins capables de se
livrer aux travaux de la campagne. « C'est un fait notoire et
.i\ ère , ajoute l'auteur, que la population décroît sans cesse par
suite de l'émigration. Vers la fin du xvie siècle, la T5as<<--Enga-
dine possédait une population de 7,5oo habitans, qui, dans
l'espace de deux siècles, a subi une diminution de près de
9,000 âmes (p. i85\ » Dans ce pays, l'économie rurale est
très-imparfaite et stationnaire; les autres genres d'industrie
sont abandonnés à des étrangers, qui travaillent négligemment,
parce qu'ils n'ont point de concurrence à craindre. Les bestiaux
y abondent, et l'on exporte les peaux crues, parce qu'il n'y a
pas un seul tanneur dans cette contrée favorisée par la nature.
Nous avons rapporté ces faits pour répondre aux personnes
qui se plaignent sans cesse de la surabondance de population
en Suisse et de l'insuffisance des ressources que ce pays offre à
ses habitans.Ce qui manque à une partie d'entre eux, ce n'est
ni le sol, ni l'occasion d'exercer une profession utile, mais
l'esprit d'industrie et une activité dirigée par une volonté forte.
Les cantons des Grisons et du Valais, ainsi que d'autrts en-
core, même certaines contrées du riche canton de Berne,
offriraient aux êmigrans ce qu'ils vont chercher dans les terres
incultes des Étais-Unis ou du Brésil; i) n'y aurait de diffé-
rence que dans les illusions, qui sont toujours en raison directe
des distances.
T. a citation tronquée que nous venons de faire donnera un<
idée dis vues philantropiques de M. Kaslhofer; 11 saisit toutes
LIVRES ÉTRANGERS.
les occasions de populariser le résultat (le ses expériences rt
d'éclairer &es concitoyens sur 1rs vraies sources de la prospé-
rité publique. Une chaleur de sentimeus. e,t de patriotisme
pénètre jusque dans ses doctrines économiques, et semble devoir
féconder ses idées.
La grande variété répandue dans son ouvrage en rend la
lecture fort attrayante. Il se rattache par les chapitres consacrés
aux routes du Splugen et du Bernhardin, à l'ouvrage récent du
Dr Ebel dont nous venons de rendre compte.
Il eût été à désirer que le traducteur de M. Kasthofer se fût
aussi bien familiarisé avec la connaissance des choses qu'avec la
langue qu'il traduit. Les noms propres sont souvent rendus
d'une manière fautive, ainsi que certains détails qui tiennent
aux mœurs, à des traits d'histoire ou à des sciences spéciales;
mais nous n'en recommanderons pas moins à ses soins d'au-
tres ouvrages du même genre, entre autres ceux du même
auteur.
Nous terminerons cet article par l'indication des principaux
écrits publiés par M. Kasthofer:
i° Bemerkungert ùbrr die W aider t etc. — Observations sur
les forêts et les pâturages des Alpes du canton de Berne;
Mémoire où Ton cherche à fixer les limites de la végétation
des diverses sortes d'arbres et d'arbrisseaux de la Suisse, ainsi
qu'à déterminer les rapports des forêts avec les cultures des
Hautes-Alpes, les rapports de la science forestière avec l'éco-
nomie rurale, enfin les conditions d'une meilleure culture des
contrées alpestres. Deuxième édition. Aarau, 1818; Sauerlander.
In-8° de xvi et 200 p.
20 Bemcrliungen auf einer Alpcn - Reise , etc. — Observations
faites pendant un voyage par le Soucten , le Saint-Golhard, le
Bernhardin , l'Oberalp, la Fourca et le Grimsd ; avec une com-
paraison du produit des Alpes grisonnes et bernoises. Aarau,
1822; Sauerlander. In- 8° de 356 p.
Dans ces divers ouvrages, marqués au même coin que celui
dont nous avons rendu compte, l'auteur a rapporté isolément
bon nombre de faits et d'expériences qui prouvent la possibi-
lité de cultiver et d'habiter les Alpes jusqu'à la hauteur de 5 à
6,000 pieds au-dessus de la mer. Or, à cette hauteur, et même
sur les lignes inférieures, la Suisse possède, pour ainsi dire,
un second pays en majeure partie inculte et inhabité. De là,
une idée favorite de M. Kasthofer, développée dans un ouvrage
récent, et exposée complètement par le titre même :
j° Beytiage zui Beurthcilung der Vortkeile , etc. — Essais sur
la possibilité d'établir de- colonies dans une partie des j.Alu-
M issiv— ITALIE.
5 des viji. s, paropposilion bux hospices île panures el au*
m usons de détention établis dans les \ Ries <i les bourgs , ainsi
qu'à l'incorporation des heimathhse (i) dans des communes
déjà existantes. Leipzig, 18*7 ; ( '.. l 'leischer. ln-8° de \ et Vx p.
outre i3 mbleaux in-4° contenant les noms des plantes qui
prospèrent sut les Alpes, l'indication des dernières limites «'<
leur végétation, comparées avec les dernières limites de leui
végétation d'après la latitude septentrionale géographique,
ainsi que dos remarques particulières sur chaque espèce.
M. KLasthofef s'élève avec force, dans cet ouvrage, comme
dans les précédens, contre ces hospices de pauvres, dans
h squels il ne voit guère qu'un asile ouvert à la paresse et à
finconduite ; et l'on ne petit se dissimuler, en effet, que, dans
plusieurs des anciens cantons, des établissements de ce genre.,
bien richement dotés, n'aient en partie mérité Ce reproche sévère.
1. 'auteur pense même que les Iravaux qui s'y font ne sauraient
entrer en comparai SOU avec l'industrie agricole à laquelle la
colonisation habituerait les pauvres. Former au bien les indi
gens , v ramener les malfaiteurs, tel est le double bienfait que
M. Kastbofer attend de l'éducation agricole, conséquence de la
colonisation qu'il propose. Il n'a pas de peine à prouver que cette
voie, qui lui parait plus sûre, serait en même tems bien plus
économique que l'établissement et la dotation d'hospices de
pauvres, que la construction et l'entretien de palais de déten-
tion, comme ceux que des cantons riches montrent avec or-
gueil. Enfui, M. Kasthoffer fait observerqu'en Suisse l'économie
publique est toute cantonnale, et que sa proposition tend à
donner à sa patrie, sur un point du moins, une économie pu-
blique fédérale. Les difficultés d'exécution ne sont point éludées
par l'écrivain philantrope ; sa brochure indique le moyen de
les lever. Il faut en convenir, s'il propose un grand problème,
il le résout en même teins dune manière aussi complète qu'on
peut le faire dans une théorie basée sur le rapprochement de
laits nombreux. C. Monnard.
ITALIE.
^7. — *S<igglj)iiiurLcii gcagrqficij etc. — Esquisses pittoresques,
géographiques, statistiques , hydrographiques et cadastrales de
l'Egypte; dessinées et décrites par MM. Segato et M\si, de Li-
(1 ) Population pauvre , sans droit de bourgeoisie , et sans asile légal .
réduite à être une p< Minière de vagabonds et de malfaiteurs.
i.'.o LIVRES ÉTRANGERS.
vourne. Première livraison. Florence, 1827. Les auteurs: Paris,
Cli. Béchet, quai des Augustins , n° 57. Grand iîi-folio.
Le grand ouvrage publié par la commission française en
Egypte contient, dans son état moderne, la description de
cette contrée , telle qu'elle était à la fin cin dernier siècle. De-
puis ce tenus, l'Egypte a subi diverses fortunes, et aujourd'hui
le chef qui la gouverne semble avoir deviné d'abord et s'être
convaincu ensuite par l'expérience, que la prospérité de ce pays
dépend de l'introduction des arts de l'Europe. On sait tous les
soins que Mohammed Ali donne à cette partie de l'administra-
tion de l'Egypte : des succès incontestables en ont déjà été
l'heureux fruit , et ces succès même sont d'un intérêt majeur
pour la France surtout. Pour elle en effet , toute nouvelle voie
adoptée par l'industrie étrangère est d'un effet inévitable pour
son commerce, et la côte méditerranée de la France doit in-
failliblement perdre ou gagner selon ce qui se passera en
Egypte. Des canaux importans y sont creusés, des manufac-
tures considérables s'y élèvent avec rapidité; des plantations
très-prospères couvrent les bords du Nil de productions de
première nécessité pour la France : il est donc de l'intérêt de
son commerce, desapolitique d'être exactement informée sur
ces innovations, sur ces créations inattendues, et c'est sons ce
rapport que l'ouvrage que nous annonçons est d'une grande
utilité dans les circonstances actuelles. MM. Segato et Masi
ont habité l'Egypte durant plusieurs années ; ils ont dirigé
quelques - uns des travaux publics ordonnés par le Pacha, et
vu tout ce qu'ils décrivent : on ne saurait donc obtenir des
renseignemens plus authentiques, et le caractère bien connu
des auteurs garantit aussi leur fidélité.
La première livraison de leurs Essais , que nous avons sou.s
les yeux, est composée de dix pages de texte descriptif et de
six planches, non compris le titre gravé et la dédicace au roi
de France , qui a bien voulu honorer de sa protection un ou-
vrage relatif à l'histoire moderne d'une contrée célèbre, dont
les antiques monumens ont reçu à Paris , par la munificence
royale, une si honorable hospitalité. On trouvera dans les
planches 1 et 2 la topographie et tous les détails techniques
du canal d'Alexandrie au Nil, entrepris à la turque d'abord ,
c'est-à-dire , avec toute l'insuffisance d'une ignare apathie;
continué ensuite par des Européens, et achevé en 1819 au
moyen d'une dépense de 17 millions de piastres. Le terrain sur
lequel il a été creusé, dans le voisinage d'Alexandrie, est de-
venu un lieu riant et animé; des Européens ont construit d<
belles habitations sur les c\vu\ rives; le pacha v a élevé ni
ULIE. ./,i
palais i i tahli des jai il u»s agi éables, la douane ci des ma ;asins.
Ce vice roi possède aussi une habitation semblable aux envi
rous du (aire; la troisième planche en donne Je plan hydro-
graphique et cadastral. La quatrième esl une vue très-bien
composée de la citadelle du Caire, prise du côté des maga-
sins de Joseph; la mosquéequi est située hors <!»■ la porte <!<■
la Victoire au Caire, est figurée sur la cinquième planche; et
l.t sixième représente divers costumes <lu pays, notamment ce-
lui des troupes du parha organisées à l'Européenne. Ce sont
là autant de faits nouveaux inconnus jusqu'ici, et les sujets que
le prospectus désigne comme devant être ceux des quatre^ au-
tres livraisons qui doivent compléter l'ouvrage de MM. Segato
et Masi, ne présenteront ni moins d'intérêt, ni moins de vé-
rité. On aura donc par l'ensemble de cet ouvrage un tableau
complet <lc l'Egypte actuelle à laquelle les écrivains contempo-
rains pourront peut-être un jour rendre son ancienne impor-
tance. Du moins elle se mêle assez aujourd'hui à la civilisation
de l'Europe, aux intérêts surtout du commerce français, pour
0,11»' son étude et la connaissance exclusive de son état succes-
sif, progressif ou rétrograde, devienne l'objet de l'attention
particulière des hommes véritablement attachés à nos prospérités
nationales. Il restedoncà désirer seulement que MM. Segato et
Masi terminent le plus promptement possible leur belle et ho-
norable entreprise , et que, les encouragement dont elle a besoin
ne lui manquant point, elle parvieune heureusement à sa fin.
La parfaite exécution du texte et des planches se recommande
aux hommes de goût comme l'importance du sujet à tous les
hommes instruits, dévoués aux intérêts nationaux ou occupés
de l'observation de la marche des arts et de l'industrie dans
toutes les parties du monde civilisé.
L'ouvrage, qui aura cinq livraisons, est fourni à i\^s prix
divers selon la nature de son exécution ; avec les ligures en
noir, le prix de chaque livraison est de 20 fr. , et de 4ofr.
quand les figures sont coloriées. Quelques exemplaires sur pa-
pier de Chine sont portés à i3o fr. la livraison coloriée, et 60 f.
en noir; et à 110 ïi\ sur papier anglais lissé. Ceux qui ne
veulent que les cinq livraisons en noir et le texte , peuvent
ainsi se les procurer pour 100 fr. ; et le goût pour les livres
de luxe trouve également à se satisfaire. On voit par là que
MM. Segato et Masi ont su se montrer a la fois bons obser-
vateurs et habiles artistes. Ce sont deux titres à l'estime
publique, pleinement confirmés par le savant rapport dans le-
quel M. GiaARn a appelé l'attention de l'Académie des sciences
sur la production que cet article est destiné à faire connaître et
apprécier. C. F.
LIVRES ÉTRANGERS.
fôt — Saggio ideologico efisiohgico sui Ncgri c sulla natum
immitiva delt uomo , etc. — Essai idéologique et physiologique
sur les Nègres et sur la nature primitive de l'homme; par
M, Cafetan Pesce. Naples, 1826; Manfrcdi. In~8°.
L'auteur de cet Essai s'est proposé de réfuter l'opinion de
H. Virey, qui soutient , avec beaucoup d'autres physiologistes ,
que les nègres forment une espèce différente de celle des blancs.
Il trouve étrange qu'on ait reconnu presque autant de rapports
entre un Éthiopien et un orang-outang, qu'entre un blanc et
un noir , et il croit pouvoir établir que les causes de la dissem-
blance des deux races proviennent plutôt des circonstances ex-
térieures, que d'une prétendue différence^ dans la forme de
leurs organes. Ainsi, à l'entendre, la géographie fournirait plus
de ressources que l'anatomie et la physiologie pour expliquer
un phénomène qui n'est pour JVL Pesce qu'une dégénération de
l'espèce humaine, produite et maintenue par toutes les causes qui
arrêtent la civilisation de ces peuples, en les condamnant à vivre
dans un état de servilité habituelle qui paralyse leurs facultés.
Il range au nombre de ces causes la funeste influence que, de-
puis trois siècles, les Européens ne cessent d'exercer sur les
malheureux enfans de l'Afrique.
3q. — ■ Cornmentari delC Atcnco di Brescia per l'anno aca-
demico i8a5 , etc. — Mémoires de Y Athénée de Brescia pour
l'année académique î8a5, Brescia, 1826. In-8°.
L'Athénée de Brescia continue à donner des preuves d'rai
zèle véritable pour les progrès des sciences, des lettres et des
arts. Dans le but d'exciter encore l'ardeur de ses collègues , le
président a rendu compte des travaux et des découvertes que
la commission chargée des fouilles a faits en 182 5 dans la
ville et dans la province de Brescia. Le cabinet d'antiques pos-
sédait déjà plus de 3oo monumens. Il a cité, parmi les divers
ouvrages littéraires, produits des veilles de quelques membres
de l'Athénée, des morceaux de poésie, plus ou moins remar-
quables par les sujets traités on par l'exécution, des traductions
de quelques fragmens lyriques de lord Byron , et de plusieurs
apologues espagnols d'Yriarte. M. Bucceloni s'est occupé en-
suite de l'examen du deuxième volume de Y Histoire des littéra-
tures du midi, par M. Sismondi , et il a signalé quelques juge-
mens de cet écrivain comme erronés ou entachés de partialité.
M. Sismondi répondra sans doute à ses observations. L'Athé-
née de Brescia n'a pas négligé non plus les sciences exactes et
naturelles, ni les arts industriels.
40 — * Convito di Dante Alighieri , ridotto a lezione mi-
gliore. — Le Banquet du Dante, édition mieux corrigée que
Il OIE.
tes précédentes Milan, i8a6j Pogliani. lu 8° de xlviu cl
'»',• pages.
Les Italiens qui puisent ou s'imaginent puiser dans les divers
ouvrages «le Dante des connaissances d'un ordre supérieur,
et qu'on chercherai! vainement ailleurs , éprouvent chaque
jour le besoin (rime édition exacte des œuvres de ce |>o<;te
célèbre. Le Convfoo était l'un de ses écrits que l'ignorance des
copistes el les prétentions des correcteurs avaient le plus al-
térés; l'édition qu'en la Biscioni, en 1723, et qui fut adoptée
par V Académie delà Crusca , était loin d'avoir fait disparaître
les erreurs el les altérations qui déparaient les éditions anté-
rieures. Les fautes dont elle est elle-même remplie ont été re-
levées et indiquées par le chevalier Monti, qui a apporté dans
ce travail un soin particulier. D'autres sa vans ) parmi lesquels
on remarque MM. Mazzuchelli et G. A. Mnggi , se sont réunis
à M. Monti et au marquis Trivulzio , l'un des plus riches pos-
sesseurs de manuscrits de Dante, pour publier une nouvelle
édition du Convito , aussi exacte que possible ; c'e»>t celte
édition que nous annonçons. Elle est ornée d'un portrait de
Dante, dessiné par M. Cigola et gravé par M. Fioroni , et n'a
ele tuée qu'à soixante exemplaires , M. Trivulzio ne l'ayant
destinée qu'à ses collaborateurs et à leurs amis. On la réim-
prime dans ce moment à Padoue dans un autre format , et il
en sera tiré un nombre d'exemplaires suffisant pour satisfaire
à l'empressement de toutes les classes de lecteurs. Les mêmes
éditeurs se proposent de corriger également les rime de Dante.
Ils auront de nouveaux droits à notre reconnaissance, s'ils
apportent les mêmes soins dans la réimpression des autres
ouvrages de cet écrivain classique. F. Salfi.
'\ 1 . — * Ipazia , ovvero dclle filosofic , etc. — Hypatia , ou des
sectes philosophiques, poëme en 20 chants; par Mme Diodata
Saluzzo R.oero. Turin, 1827; Chirio et Mina. 2 vol. in-8° de
220 pages environ.
Les anciens suivaient dans les arts des principes admirables.
Dans la peinture et la sculpture, ils s'attachaient surtout à re-
produire le nu, n'employant les costumes et les autres acces-
soires que comme un cadre destiné à faire ressortir le corps
humain. Dans la poésie, ils représentaient avant tout l'homme
avec ses sentimens et ses passions de tous les lems ; les détails
de mœurs venaient ensuite, comme à l'insu du poëte, occuper
dans le tableau la place nécessaire pour donner du relief au
suj t. Tel est l'art qui a fait vivre leurs ouvrages, qui les rend,
après plus de deux mille ans, aussi intelligibles , aussi admi-
rables pour nous qu'ils l'étaient pour les contemporains. Au-
\\\ LIVRES ÉTRANGERS.
jourd'hui beaucoup d'auteurs put adopté d'antres principes.
Ils prennent pour sujet principal la peinture des opinions et
des mœurs particulières à une époque, et ne donnent aux
passions et aux senlimens naturels qu'une place accessoire, un
développement subordonné aux détails qui spécialisent les
lieux et les tems, Il suit de là que, pour comprendre parfaite-
ment leurs ouvrages-, il faut avoir étudié autant qu'eux l'époque
qu'ils ont voulu peindre. Cet inconvénient grave se fait sentir
dans le poème de Mmc Saluzzo Rocro. Son principal but a été
de tracer le tableau des opinions philosophiques qui divisaient
les diverses sectes de l'école d'Alexandrie, au commencement
du ve siècle, en plaçant en regard les dogmes des cultes con-
temporains. Ainsi, épicuriens, éléaliques, cyniques, platoni-
ciens, gnostiques , stoïciens, éclectiques, pyrrhoniens, mages,
prêtres égyptiens et chrétiens, viennent tour à tour , dans ce
poème, faire l'exposé de leurs doctrines dans des morceaux de
poésie lyrique, qui, malgré de fort beaux détails , honorent
bien plus le poète par le mérite de la difficulté vaincue, qu'ils
n'intéressent et ne charment le lecteur.
L'action que l'auteur a imaginée pour servir de lien à ce
faisceau d'opinions abstraites et contradictoires est, comme
cela devait être, compliquée, obscure , quelquefois invrai-
semblable. Je me bornerai à en tracer ici les principaux évé-
nemens. Oreste, préfet romain* gouverne l'Egypte, au nom
de Théodose le jeune, qui, bien que chrétien, a pour tuteur
le païen Isdegcrde , roi de Perse. Isidore, descendant des
Ptolémées, veut enlever l'Egypte aux Romains et relever
le trône de ses ancêtres. Ce jeune héros est épris de la jeune
et savante Hypatia , qui est sensible à son amour, mais qui
toutefois refuse d'y répondre, parce qu'elle a été comertie
au christianisme par saint Cyrille, et qu'Isidore est païen et
philosophe. Un scélérat, nommé Altifon, conspire aussi contre
les Romains, mais pour un but différent. Altifon, grand
prêtre d'Egypte , veut livrer le pays aux fureurs de la popu-
lace et arriver par l'anarchie au despotisme. Une double ré-
volte éclate. Les Égyptiens se battent entre eux et contre les
Romains. Les intérêts se croisent ; les incidens se multiplient.
Enfin, Altifon, qui aime aussi Hypatia, la tue par jalousie dans
■'église chrétienne; il périt bientôt lui-même de la main d'Isi-
sidore; celui - ci, devenu chrétien et vainqueur des Romains ,
tombe à son tour sous les coups d'un fanatique, et le lecteur
ignore , à la fin du poème, quel sera le sort futur de l'Egypte.
On dit que Minc Saluzzo Roero a voulu , dans celte produc-
tion, faire allusion aux troubles et aux malheurs de l'Italie. J'ai
ITALIE. 145
quelque peine à croire, d après le peu d intérêt qui rogne daoi
I ouvrage, que le sentiment patriotique l'ait inspiré. L'amour
d Isidore pour sa patrie ,1a tendresse réciproque qui L'unit à
Hypatia,et en général les passions, les sentimehsdc tous les
personnages sont infinimeot refroidis par les opinions philoso-
phiques ou religieuses qui les dominent et dont ils semblent n'être
que les représentons. 1-e style participe à, ce; défauts: il est
souvent tendu , vague , et abstrait. Cependant des pensées pro-
fondes, des vers énergiques, de belles images, des descriptions
pittoresques, des détails brillans OU gracieux, surtout dans les
morceaux lyriques, fout vivement regretter que Mme Saluzzo
n'ait pas travaillé sur un autre fond. Le poëme d'Ipaxia atteste
chez son auteur une érudition prodigieuse pour une femme, et
un talent très-remarquable. Nous sommes persuadés qu'un su-
jet plus heureux lui offrira bientôt l'occasion d'ajouter un nou-
veau laurier à la couronne déjà si éclatante de sa gloire poé-
tique. Cir.
4a. — * Deisepolcrali edifizj delV Etrarla média, etc. — Des édi-
fices sépulcraux de l'Etrurie moyenne, et en général de l'archi-
tecture toscaoique : Discours de François Oiuoli , professeur de
physique à l' Université de Bologne. Bologne, i8a6.In-4°j avec
gravures.
L'auteur de cet intéressant discours, déjà connu par divers
ouvrages sur les sciences physiques, la littérature et l'archéo-
logie, s'est occupé des trois styles d'architecture adoptés par
les peuples étrusques. Il appelle le premier anti- tyrrliéniquc ,
le second tyrrhénique ancien, et le troisième grcco-tyrrliénique ,
et il les rapporte à trois époques différentes. Le premier sys-
tème fut pratiqué avant l'invasion des Méoniens ou des Ly-
diens conduits par Tyrrhénius, fondateur de l'empire d'Étru-
rie. Le second date de l'arrivée de ces étrangers, et il domina
jusqu'à l'époque où la troisième méthode fut introduite, à la
suite du commerce que les Étrusques entreprirent avec la
Grèce, et plus particulièrement, depuis le moment où Déma-
rate, exilé de Corinthe , trouva dans l'Etrurie une seconde
patrie, ety attira un grand nombre d'artistes grecs.
Ces recherches curieuses et utiles pour l'histoire sont ap-
puyées sur des raisonnemens si profonds , sur une érudition si
solide , et développées par une critique si judicieuse, que l'on
peut dire qu'elles laissent dans l'esprit du lecteur la conviction
que fait naître une vérité prouvée. Il serait nécessaire, pour
les sciences de ce genre, (pie l'exemple de ce savant professeur
fût suivi par les auteurs et que l'amour du vrai fût leur guide
unique dans les ténèbres de ces siècles reculés. Les monumens
t. xxxvi. — Octobre 1827. 10
, j LIVRES ÉTRANGERS.
des anciens peuples servent à rectifier leur histoire, quand ils
en ont une ; ou , s'ils n'en ont pas , ils la remplacent, en quel-
que sorte, en nous faisant connaître les arts, les croyances ,
les mœurs, les coutumes de ces peuples, et en nous transmet-
tant, par ce moyen, une idée générais de la situation de l'es-
prit humain chez les anciennes nations. Des préceptes géné-
raux l'auteur passe à l'examen des édifices sépulcraux qu'il a
découverts, près de Noroia et Castcl cPJsso , autrefois Orcla et
Castcllum Axiœ , aux environs de Viterbe sa patrie. La descrip-
tion qu'il en donne, la lumière qu'il répand sur ces précieux
restes de tant de siècles, et la comparaison spirituelle qu'il
fait de son opinion avec celles des antiquaires qui en avaient
déjà parlé, démontrent suffisamment la profondeur de ses con-
naissances ; le talent avec lequel il est parvenu à lire des ins-
criptions sépulcrales en caractères et en langue étrusques , et
à en donner aux lecteurs une interprétation plausible , qui n'a
pas, comme tant d'autres, l'inconvénient d'être contredite par
les monumens eux-mêmes, est une preuve de son éminent sa-
voir dans l'art herméneutique. Douze planches, dessinées avec
exactitude et parfaitement gravées, représentent les monumens
que le professeur a si habilement mis en lumière. Leur inspec-
tion nous a inspiré une réflexion que nous nous permettrons de
communiquer à nos lecteurs. Nous avons examiné , l'année der-
nière , les différons dessins et la précieuse collection d'antiqui-
tés mexicaines de M. Latour-Allarïj , de la Nouvelle- Orléans
( voy. Rcv. Enc. , t. xxxi, p. 848), et nous avons trouvé une res-
semblance étonnante entre les constructions des anciens Étrus-
ques et celles des anciens habitans du Mexique. Il est difficile,
pour ne pas dire impossible, de croire que ces peuples se
soient visités. Mais comme physiologiste, et non comme anti-
quaire, je suis porté à penser que les hommes, agissant tou-
jours d'après l'impulsion primitive de leur organisation céré-
brale, font à peu près les mêmes choses, quand ils se trouvent
placés dans les mêmes circonstances. D'où résulte une grande
vérité, c'est que la marche du perfectionnement ou de la de-
gradation morale des peuples est la même lorsque les événe-
mens qui agissent sur les masses ont des points nombreux de
ressemblance. Fossati.
Ouvrages périodiques.
43. — * Biblioteca Italiana , etc. — Bibliothèque italienne ,
n° CXIX. Milan , 1827. In-8°.
Ce cahier contient plusieurs articles dignes d'être remar-
qués. On y rend compte , en premier lieu , des ouvrages de
PORTI CAL.
M. Monti, donl uncoollection en «s vol. in 86 \mhi d'être pu
bliée à Milan. Elle comprend la traduction de V Iliade, quel-
ques morceaux de poésie, plusieurs poèmes, la traduction
des satires de Perse, 1rs tragédies de M. Monti , et ses dialo-
gues ci» prose. La plupart de ces compositions étaient inédites,
et tontes les antres oiif été revues et retouchées par l'auteur.
H est affligeant que cette édition ne soir j >.» s aussi complète
qu'elle déviait l'être, et pins pénible encore de se rendre
compte des motifs qui ont empêché qu'elle le fût.
In autro article présente des observations fort judicieuses
lUr \m nouveau poème épique de M. Bernard Bellini, intitulé
La CoiombiadCj et publié a Vérone , en îS-iG , 4 vol. in-8°.
Le poète n'a pas su trouver dans ce sujet tout ce qui pou-
vait le rendre intéressant, quoiqu'il l'ait conduit jusqu'au XXIVe
chant Alexandre Tassoni , qui l'avait devancé dans cette car-
rière, plus prudent que bien d'autres, s'arrêta au premier
chant, quand il aperçut les difficultés de son entreprise. Le
rédacteur de la Bibliothèque italienne démontre, avec beau-
coup de sagacité, que le protagoniste de cette épopée, bien
différent de celui de l'Odyssée, ne peut suffire à l'intérêt qui
doit être répandu sur toutes les parties d'un poème héroïque.
Peut-être la Coiombiade, produirait- elle plus d'effet si elle
était resserrée dans des bornes plus convenables à] la nature
du sujet.
La partie de la Bibliothèque de Milan qui traite des sciences
présente des remarques instructives sur les Élémens de logique
pure de M. Galuppi, qui font partie d'un ouvrage plus étendu ,
et sur les Élémens de philosophie , dont nous aurons plus tard
l'occasion de rendre compte dans la Reçue. Un autre article ,
plus digne d'attention , est celui que M. Gioja a consacré aux
Nouveaux principes d'économie politique de M. de Sismoxdi.
On connaît les travaux de cet habile écrivain, et leur influence
sur les progrès de la science qu'il professe; mais M. Gioja se
plaint de ce qus la plupart des économistes modernes, mieux
instruits de l'état actuel du savoir économique que des travaux
de leurs devanciers, se croient trop souvent les auteurs de doc-
trines, exposées long-tcms avant eux, et qui n'ont rien de
nouveau que les formes dont on les revêt de nos jours. Pour
en fournir des exemples, M. Gioja rapproche de certains pas-
sages du livre de M. de Sismondi, des extraits de Bccearia ,
de Ferri, de Genovcsi , et de ses propres écrits, où l'on trouve
les doctrines reproduites par le publicislc genevois (1).
( 1) Ces recherches peuvent paraître curieuses aux Italiens, dont elles
10.
148 LIVRES ÉTRANGERS.
On remarque, dans la section intitulée Variété, une lettre
de M. Joseph Taverna , adressée à M. Ange Pezzana , biblio-
thécaire à Parme, sur le but que Dante s'est proposé dans
sa alpine Comédie. L'auteur se déclare contre la foule de ces
commentateurs modernes qui font tous leurs efforts pour se
singulariser aux dépens de ce grand poëte. A entendre surtout
M.Foscolo, qui certes ne mérite point d'être confondu dans la
foule , Dante était un apôtre chargé d'une nouvelle mission
divine; et ce n'est plus seulement un poëte, c'est un chef de
secte qui devait réformer la religion en Europe, ou du moins
en Italie , et faire ce qu'exécuta deux siècles après Luther en
Allemagne. M. Taverna trouve, dans ce nouveau commen-
taire , pour nous servir de ses expressions , un mensonge ef-
fronté , un langage souvent barbare, un style qui n'a point de
forme , et partout le défaut d'ordre et de méthode. Quant à
nous , nous croyons que , si M. Foseolo a mis de l'exagération
dans ses hypothèses, son critique se laisse aller également à
exagérer beaucoup le sens de ses observations et de ses re-
marques. Mais , comme on ne peut douter du savoir de l'un et
de l'autre, nous attendrons , avant de décider entre eux, que
M. Taverna ait appuyé ses assertions de preuves plus nom-
breuses et plus concluantes. F. Salfi.
PORTUGAL.
44. — - * Memorias para a historia e theoria das Cortes ge-
raes , etc. — Mémoires sur l'histoire et la théorie des Cortès gé-
nérales des trois états du royaume en Portugal ; par le vicomte
de Santarf.m. Lisbonne , 1827. Petit in-4° de 49 pages ;
45. — Noticia dos manuscriptos pertencentes ao direito publico
externo diplomatico de Portugal à historia e litteratura do mesmo
flattent l'amour-propre national. Mais en quoi contribuent-elles à
l'avancement delà science? Comment nous conduisent-elles à la vérité?
et jusqu'à quel point prouvent-elles que M. de Sismondi, ou tout autre
écrivain qui pourrait être, ou qui a déjà été l'objet d'une pareille cri-
tique, ne doit pas à ses propres observations la découverte de doc-
trines, qui, avant lui , avaient pu être indiquées ou légèrement aper-
çues parquelque philosophe italien , mais qui pour la plupart n'avaient
jamais reçu les développemens nécessaires, ni l'appui des preuves
nombreuses dont les circonstances actuelles , une expérience plus lon-
gue et plus mûre ont permis aux écrivains modernes de Les entourer.
N, du R.
PORTUGAL. i/,.j
jniiz,t'tc. — Notiee des manuscri ts relatifs AU droit public, à
l'histoire et a la littérature «lu Portugal , qui se trouvent \ la
Bibliothèque royale de Paris, dans les autres bibliothèques de
cette capitale , ei dans les archh es de France; par le vicomte de
Savta&i u. Lisbonne, 1827, Petil in .'," de io5 pafces.
Depuis la publication de ces deux Mémoires, l'auteur, M. le
vicomte de Santarem a été élevé au ministère de l'intérieur.
Quoique rien dans sa carrière précédente n'eût donne lieu de
croire qu'il posséderait la fermeté de caractère, l'étendue de
vues et le dévouaient nécessaires dans un poste semblable, à
une époque de lutte et de factions, on pouvait espérer toute-
fois qu'il appuierait de tous ses efforts dans le conseil , la poli-
tique large, patriotique et généreuse du général Saldanha , son
oncle, et qu'il justifierait ainsi le choix que ce dernier avait fait
de lui. Les événemens n'ont malheureusement pas réalisé les
espérances de son parent et de son pays. Cédant trop facile-
ment à des influences de cour, au lieu de s'honorer en quittant
volontairement le ministère avec le général Saldanha , son pre-
mier acte ministériel a été de contresigner l'ordonnance de
destitution du ministre même qui l'avait appelé auprès de lui.
Le second a été de porter le dernier coup à la liberté de la
presse périodique, en destituant le rédacteur en chef de la Ga-
zette officiel le pour un compte-rendu parfaitement exact et très-
mesuré dos événemens des 25, 26 , 27 et 28 juillet.
Si M. de Santarem ne conserve pas son portefeuille (1), nous
espérons qu'il conservera du moins l'emploi de Garda do real
archivo da torre do tomba, c'est-à-dire, Garde général des ar-
chives du royaume, emploi oùil a déjà rendu des services réels,
et où, placé en dehors des passions politiques, il pourra conti-
nuera en rendre beaucoup d'autres. Ses études et ses goûts sont
ceux qui conviennent surtout à cette haute charge qu'ont pos-
sédée et illustrée des hommes tels que Ray de Pina , Gomes
Eaimcs de Zarara , et Fernam Lopcs.
Il s'était jusqu'ici consacré presque exclusivement à la science
minutieuse de la diplomatique. — Nommé chargé d'affaires en
Danemark , à son retour de Rio- Janeiro avec le roi Jean VI , il
passa l'année 1820 toute entière à Paris. Il a consigné dans une
notice publiée cette année le fruit de ses recherches dans nos
bibliothèques sur l'histoire de la littérature de son pays. La bi-
bliothèque rovale est le plus riche de tous nos dépôts en ce
genre, et déjà M. de Santarem eu avait publié un catalogue fort
(») Il vient en effet de lui être ôté.
LIVRES ÉTRANGERS.
bien l'ait, dans les Q°8 i3 et i5 des Annales portugaises. Le ca-
talogue qu'il donne aujourd'hui est plus étendu et plus complet,
el s étend à tous les autres dépôts publics de Paris. C'est un ex-
cellent travail préparatoire pour son corps diplomatique portu-
gais projeté.
Les événemens de 1821 rappelèrent M. de Santarem à Lis-
bonne. Étranger par sa naissance à la classe des grands oxxfi-
dalgues , il y était entré par les faveurs conférées à son père , et
par son alliance avec la nièce du général Saldanha , petit- fils du
célèbre marquis de Pombaî. Ses amis pouvaient espérer qu'au
lieu de se confondre dans la foule des courtisans obscurs, il sau-
rait se montrer digne de l'illustre patriote Pombal et de son gé-
néreux petit-fils , et que s'il entrait jamais dans les affaires, ce
ne serait pas pour devenir l'instrument des ennemis de la gloire
et de la véritable grandeur de sa patrie et des institutions oc-
troyées par le fils de son bienfaiteur.
Appelé, en 1823, à la place d'archiviste général delà cou-
ronne, par le marquis de Palmella, il pouvait lire dans les titres
confiés à sa garde et dans les excellentes chroniques de ses de-
vanciers Ruy de Pina, Gomes Eannes de Zuraca et surtout du
vénérable Fernam Lopez, que l'absolutisme seul était une in-
novation et une véritable révolution en Portugal , tandis que la
liberté était le droit antique.
Son mémoire sur les cortès, annoncé en tète de cet article ,
prouve que ces faits lui étaient familiers. Il a recherché avec
patience , et retrouvé dans les monumens anciens, tout ce qui
constituait la jurisprudence des antiques cortès; et il a vu dans
l'histoire l'état prospère du Portugal sous un régime de liberté,
et sa décadence après la perte de ses institutions.
Ces deux ouvrages de M. de Santarem prouvent une con-
naissance étendue des chartes et diplômes. Il examine à fond
l'esprit et les actes des anciennes cortès, depuis leur convoca-
tion jusqu'à leur dissolution. On y voit d'après des documens
authentiques, quelles étaient, aux diverses époques de la mo-
narchie, les qualités exigées des électeurs et des représentons
de la noblesse, du peuple et du clergé, la forme de l'acte d'é-
lection, le cérémonial des séances d'ouverture et de clôture, le
serment prêté par les deux ordres , le mode de discussion et de
délibération, etc. Ce travail consciencieux fait honneur à l'éru-
dition de M. de Santarem; sa place est désormais marquée
parmi les investigateurs scrupuleux qui préparent à l'historien
et au législateur les matériaux d'où doivent sortir ces concep-
tions nobles et fécondes qui éclairent et réforment les nations.
B.
PAYS I i \ s . i5i
l'A Y S BA S.
,o. — - Kerhandeling ocer hvt belangt etc.* Mémoire sur
1 importance des places fortes pour la sûreté de l'État, sur la
liaison de la science de I ingénieur avec la stratégie, et sur la
isité d'un système de défense mieux d'accord avec les pro-
grès de celui d'attaque; par /. - G. - /A ". Mebk.es, premier
lieu tenant ingénieur. Bruxelles, 181,6-273 Brest Van Kempen.
•> VOl. m 8". '
l 11 jeune officier, plein de zèle pour sa profession en même
teins que de patriotisme, lit avidement tout ce qui a été écrit
sur la défense des places , devance l'expérience, toujours lente,
par des éludes opiniâtres et rapides se rend compte de ce
qu'il a appris, et dans un moment où son corps avait à rougir
d'un petit nombre de membres indigues (1), il le venge, pour
ainsi dire, par des honorables travaux, de quelques bassesses
individuelles. Telle est L'origine d'un livre où se manifestent des
eou naissances multipliées et bien digét ées,quoiquc exposées d'une
manière assez confuse et dans un style peu correct. 11 n'appartient
pas à tous ceux qui portent une épée décrire comme César ou
Foy. M. Tvlerkes croit, avec le grand Frédéric, que la guerre en
tout teins fut le premier des arts. Celui qui écrit cet article et qui
se ressouvient, non sans une sorte d'orgueil, d'avoir aussi
porté les armes, est bien loin de faire un crime à l'auteur de
professer cette opinion ; mais il y voit un reste de cet esprit
de suprématie qui régnait naguère avec tant d'arrogance dans
les armées. Peut-être serait-il plus juste de la regarder comme
une simple marque d'enthousiasme, d'autant que M. Merkes
appuie partout sur l'obligation de défendre la liberté, l'indé-
pendance de la patrie, et subordonne la force et l'usage du
glaive à cette cause sacrée. Etendant son système de défense,
il l'applique à plusieurs places dont il fait sentir l'importance
par des raisons tirées de l'art, et l'histoire à la main. Ce qu'il
avance de la ville cl'Yprcs est appuyé , par exemple , des
instructions données par Çarnot à Pichcgru. L'ouvrage est
terminé par des maximes adressées aux ingénieurs et mises en
regard des principes correspondans de lr. stratégie, ainsi que
par des remarques sur les imperfections ordinaires de la cons-
truction des forteresses, avec les movens d'y remédier.
(1) Plusieurs officiers supérieurs du génie ont été mil en jugemens
et condamnés pour fraude , malversation, escroquerie , dans le con-
tentieux de leurs fonctions.
i5a LIVRES ÉTRANGERS.
47. — * Atlas universel de la Géographie physique, politique,
statistique et minera logique de toutes les parties du monde, sur
l'échelle de mfsTTï ou d'une ligne pour 1900 toises; dressé
par Ph. Vander-Maelen, membre de la Société de géographie
de Paris, d'après les meilleures cartes, observations astrono-
miques et voyages dans les divers pays de la terre; lithogra-
phie par Ode, membre de la Société de géographie de Paris.
Bruxelles, 1826-1827; Ph. Vander-Maelen, rue du Boulet,
n° 1 343. Un vol. in-folio, composé de 4°o cartes. Prix de la
livraison , i5 fr. Dix livraisons ont déjà paru; on les publie de
cinq en cinq semaines. Chacune d'elle contient dix cartes.
La géographie est devenue l'une des branches les plus essen-
tielles de l'instruction publique; et, indépendamment des
ouvrages importans récemment publiés qui contribuent à
répandre le goût de cette science, on a fajt également paraître
une infinité de cartes générales ou particulières, d'atlas, de
mappemondes, nécessaires à l'intelligence des livres de géo-
graphie, et qui ont obtenu plus ou moins de succès.
L'Atlas, entrepris par MM. Vander-Maelen et Ode, sera,
sans contredit, le plus complet de tous ceux qui ont paru
jusqu'à ce jour. Les auteurs ont compulsé les ouvrages les
plus exacts, les plus savans, et ils ont consacré plusieurs an-
nées de travaux assidus à réunir, à vérifier leurs matériaux,
et à les porter à un haut degré de perfection. Aucun obs-
tacle n'a pu les arrêter; leur marche n'a pas été retardée
par les motifs d'intérêt qui, trop souvent, viennent entraver
de semblables opérations; leur courage et leur persévérance
les conduiront , sans doute, au but qu'ils se sont promis d'at-
teindre. Ils doivent leurs notes physiques, minéralogiques,
statistiques, politiques, aux hommes les plus recommandables
dans chaque science, et elles sont rédigées avec autant de pré-
cision que d'exactitude et de clarté. Ces notes sont placées sur
chaque feuille , dans des cadres séparés, lorsque le tracé a
laissé assez de place pour cela; ou en forme de légende, sur
une portion vague de mer ou de pays inhabité.
M. Vander-Maelen s'est servi pour son travail de la pro-
jection par développemens coniques, afin de procurer aux sous-
cripteurs la facilité d'en former, par la réunion des cartes, un
globe de 23 pieds jo pouces 6 lignes de diamètre; et il offre
même de fournir aux personnes qui voudraient se livrer à
cette construction les feuilles de remplissage nécessaires pour
couvrir la surface de leur globe, à un prix très-modique. Ces
feuilles ne contiennent que des parallèles et des méridiens.
L'exécution de cette idée produirait les plus vastes globes que
l'on ait encore fabriqués.
PATS-BAS. i53
Cent cartes de l'atlas de INT. Vander-Maelen ont déjà paru;
il sera divisé en cinq parties : V Europe , ï./m/', V Afrique, l<-s
deux Amériquei et YOcéanie. Chacune des livraisons se compose.'
do dix caries, prises indifféremment dans toutes les parties du
inonde; elles portent, en tête, la désignation de la contrée
qu'elles représentent, et, aux deux côtés du litre, la division
à laquelle la carte appartient, et son numéro d'ordre; par
ce moyen, les souscripteurs pourront les classer avec facilité.
S. AI. le loi des l'ays-Iias, qui porte un vif intérêt à la
confeclion de cet atlas, et en protège l'exécution , a souscrit
pour tontes ses bibliothèques particulières et pour celles des
universités; et les princes de la famille royale ont suivi son
exemple. Cette marque de faveur, qui s'attache à cet ouvrage,
dés sa naissance , est un grand encouragement pour M. Vander-
Maelen, et un gage des soins qu'il doit mettre à l'exécution
des parties qui ne sont pas encore publiées. Plus son travail
sera exempt de taches, plus sa patrie s'en tiendra honorée;
plus il approchera lui-même de la récompense a laquelle il
doit aspirer, l'honorable suffrage de ses concitoyens et des
savans étrangers. C'est dans ce but qu'il voudra bien nous
permettre de lui dire que son trait lithographique n'est pas
toujours assez pur, quoiqu'il ait acquis de la netteté dans les
planches les plus récentes; et que la lettre surtout ne nous paraît
pas avoir été confiée à un artiste assez sûr de sa main; il doit
s'attacher, à l'avenir, à la rendre plus égale, plus agréable à
l'œil, et à mettre plus d'ordre dans la disposition des mots,
afin d'éviter la confusion. Nous lui recommandons encore
d'apporter la plus grande attention à l'orthographe des noms;
on ne saurait être trop scrupuleux à cet égard. Au reste, l'en-
semble de cet immense travail est digne d'éloges, et doit fixer
l'attention des géographes les plus instruits, comme celle des
gens du monde qui se plaignent de ne pas trouver assez de
détails dans les atlas ordinaires. R.
/, 8. — * Résume des opinions des philosophes anciens et mo-
dernes sur les causes premières , les propriétés générales des corps ,
et l'ether universel; par L.-A. Gruyer. Bruxelles, i827;Hayez,
imprimeur de l'Académie, i vol. in-! 6 de 355-267 pages.
Cet ouvrage, rempli d'une érudition très-agréable, et sou-
vent utile, trouvera beaucoup de lecteurs, même parmi cuux
qui ne croient point à la métaphysique , refusent ses offres trop
officieuses, et lui interdisent formellement l'entrée des sciences
naturelles. Sans examiner si les philosophes dont M. Gruyer
expose les opinions ont vu des vérités, ou s'ils n'ont fait que
rêver des hypothèses, c'est un spectacle plein d'intérêt que
i :,, LIVRES ÉTRANGERS.
celui dos fluctuations de l'esprit humain, pendant plus de trente
siècles, sans que les efforts des plus grands génies aient rien
produit pour la véritable instruction, tandis qu'à peine entrés
dans ta voie de l'expérience, les esprits ordinaires ont vu à
leur portée une immensité de faits qui ne semblaient, attendre
que des observateurs. Ces faits coordonnés ont formé les scien-
ces, dont l'édifice s'est élevé rapidement, et ces sciences ont
éclairé les arts déjà créés; elles en ont même enseigné de nou-
veaux. L'ouvrage de M. Gruyer met en évidence la stérilité
des discussions dans lesquelles l'intelligence humaine, aban-
donnée à ses propres forces, n'est plus aidée ni dirigée par la
contemplation d'objets qui la ramènent vers la nature qu'elle
cherche à connaître. C'est un avertissement des plus salutaires,
et qui, sans doute, ne sera pas toujours donné en vain. Notre
siècle devient celui des sciences utiles, c'est-à-dire, applicables :
La métaphysique est placée dans une sphère trop élevée pour
qu'elle daigne descendre jusqu'à nous, et s'occuper de nos be-
soins : qu'elle reste donc à sa place; ce n'est pas à elle qu'il est
réservé de répandre quelque lumière sur les causes premières,
ni sur les propriétés générales des corps, ni sur l'éther uni-
versel. Y.
49. — * Projet du Code pénal du royaume des Pays-Bas.
Bruxelles, 1827; Weissembruch , imprimeur du roi. In-8° de
167 pages.
Jusqu'ici les codes français., sauf quelques modifications , ont
été conservés en vigueur dans le royaume des Pays-Bas; mais le
gouvernement de cet Etat s'occupe à les remplacer par une nou-
velle législation qui sera probablement puisée en grar.de partie,
dans la nôtre. Les derniers titres du Code civil et le Code de com-
merce ont été adoptés, pendant la session des États-généraux
de 1825-1826; un Code d'organisation judiciaire a été discuté
et adopté , pendant la session de 1 826-1827 ; et enfin un projet
de Code pénal va être soumis à celle qui vient de s'ouvrir le 16
de ce mois (octobre). Les divers codes deviendront exécu-
toires lorsqu'ils seront tous achevés; en attendant, comme
nous venons de le dire , quelques lois particulières ont seule-
ment remplacé certaines dispositions de la législation française.
Nous ne connaissons pas les Codes civil et de commerce des-
tinés aux Pays-Bas; nous en avons entendu faire l'éloge, par-
ticulièrement du dernier, par des jurisconsultes recomman-
dables. Quant au projet de Code pénal , il est parvenu entre
nos mains, et nous allons nous exprimer franchement sur ce
sujet.
De tous les Codes qui composent l'ensemble de la législation
lS. i55
i aise , celui qui a suscité les .plus universelles cri tiqui i
iDiredii le Code pénal. Fait à une <-|i< >< j 1 1<- de fle&po
Usine et d'arbil r au e, les diverses dispositions qu'il renferme con
couraient merveilleusement à seconder ces deux mobiles * I » »
gouvernement qui pesait alors sur nous. Les vices principaux
qu'on y remarque ont été signalés avec force et éloquence
par de nombreux écrivains; il semblait donc que des législa-
teurs appelés à donner à leur paya un Code; des délits el des
peines , tout en consentant à adopter quelques-unes des loi mes
extérieures et même des classifications du Code pénal français,
auraient pu facilement y apporter d'importantes améliorations
et rendre ainsi leurs travaux dignes en tout point de la haute
mission qu'ils avaient à remplir et du siècle éclairé où nous
vi\ ons.
Telle n'a pas été, nous devons le déclarer, la marche des
hommes d'Etat qui ont prépaie le projet de Code dont nous
entretenons nos lecteurs. Ils ont fait, il est vrai, de nombreux
Changement «tu Code français; mais ces changemens, loin
d'avoir été conseillés par un esprit de réforme et d'améliora-
tion, rendent leur projet encore plus indigne de régir une
nation policée, et semblent avoir été puisés, du moins en par-
tie, dans les recueils des lois barbares du moyen âge.
Ce projet de Code pénal est partagé en onze parties dis-
tinctes, qui, réunies, formeront l\()S articles. Les peines qu'il
établit sont : i° la mort; i° les peines d'échafaud; 3° la dé-
claration d'infamie; 4° l'emprisonnement; 5° la relégation ;
6° le bannissement; 70 la déclaration, soit générale, soit mo-
difiée, d'inhabileté à toute charge, fonction ou emploi; 8° la
déclaration de déchéance de quelque charge , fonction ou
emploi, ainsi que la défense d'exercer certaine profession ou
métier, pour un tems ou pour toujours; 90 l'amende. La
peine capitale devra être exécutée sur l'échafaud, en suspen-
dant le criminel à une corde. Les peines dites d'échafaud
sont au nombre de quatre, savoir : i° le fouet et la marque;
H° le fouet; 3° le glaive passé par-dessus la tète; 4° l'exposi-
tion sur l'échafaud.
Parmi les actions réprimées par l'une des peines énumérées
plus haut, nous avons remarqué le duel, que l'art. 214 définit:
Un combat régulier entre deux personnes , en présence de témoins
ou sans témoins, précédé d'un défi fait verbalement, par écrit on
par geste , arec détermination d'un tems fixe /jour venger on
pour réparer une injure, réelle ou prétendue. Le duel n'est point
punissable lorsque ni l'un ni l'autre des adversaiees n'a reçu
aucune blessure. La tentative, quelle qu'en soit la gravité,
i56 LIVRES ÉTRANGERS.
n'est point punissable. Dans le cas où c'est l'offensé qui aura
provoqué son adversaire et l'aura privé de la vie, le coupable
devra être puni d'emprisonnement ou de relégation, avec ou
sans bannissement , qui, ensemble ou séparément, n'excéde-
ront pas huit années. Les peines varient ensuite, d'après les
diverses circonstances qui peuvent se rencontrer en pareille
occasion. Si l'offensant a été aussi le provocateur, et qu'il ait
tué son adversaire, il est puni comme meurtrier. Nous doutons
que ces dispositions pénales deviennent réellement efficaces;
et néanmoins nous en approuvons l'insertion dans le nouveau
Code des Pays-Bas.
Ce qui choque le plus la raison dans le projet du Code
pénal dont nous nous occupons, c'est la résurrection de châti-
mens propres à dégrader le caractère moral de l'homme , et à
le dépraver plus encore qu'il ne l'était avant d'avoir été atteint
par le glaive de la loi. N'a-t-on pas lieu d'être étonné que le
gouvernement des Pays-Bas qui, dans beaucoup de circons-
tances, a prouvé qu'il est animé d'un esprit véritablement cons-
titutionnel, semble, dans une si grave occasion, être resté
étranger aux progrès que la législation criminelle a faits en
Amérique et dans quelques États de l'Europe ? Espérons que
ce gouvernement, éclairé par les nombreuses critiques que son
projet de Code pénal a déjà essuyées, s'empressera de le retirer;
ou du moins que les chambres législatives useront du droit
qu'elles possèdent de le repousser ou de !e modifier dans les
dispositions qui blessent les droits de l'humanité et les intérêts
véritables de la société, et s'acquerront ainsi un nouveau
titre à la reconnaissance des peuples qu'elles sont appelées à
représenter. A. Taillandier, Avocat.
5o. — Essai de grammaire générale, basée sur les procédés
idéologiques et analytiques de Lemare, par N. Dally, direc-
teur du pensionnat et de l'institution de Visé Liège, 1826;
Dessain. In -8° de 40 pages.
Nous ne dirons qu'un mot de cet ouvrage. L'auteur, suivant
presque en tout la marche tracée par les grammairiens philo-
sophes, et en particulier les idées de M. Lemare, cherche à faire
découler toutes les règles de la grammaire générale de principes
clairs et peu nombreux, et tous fondés sur la nature et la raison.
L'extrême concision de sa grammaire la rendra peut-être diffi-
cile pour des enfans; mais, expliquée par un bon maître, elle
deviendrait extrêmement utile à la jeunesse, et surtout lui ren-
drait l'étude des langues plus facile, en ne lui inculquant que
des principes vrais et rigoureux.
Il faut cependant excepter de ce nombre quelques-uns do
PATS-BAS. 1^7
Ceux qui sont admis par AI. Daily, et entre autres, ceux-ci:
On appelle cas les différentes positions où un substantif est placé
dans une phrase ^p. l5)j le mot «le cas emporte ordinairement
|*idce d'une variation dans le matériel du mot. La racine fies
modifications complexes (des verbes) peut être varice par cinq
fignes d'idées accessoires : savoir, de VOÙC, de mode, de tc/ns, de
nombre et de personne (p. 19) : les langues sémitiques admet-
tent en outre des genres à quelque teins de leurs verbes. On
pourrait démontrer aussi rigoureusement <pie tous les mots dans
toutes les langues sont constitués de la même manière (p. 11).
Celte idée, d'une valeur primordiale attachée par la nature au
son de chaque lettre, développée par Court de Gébeîin jusqu'à
la consistance de trois volumes in-/t°, adoptée et caressée par
un grand nombre de grammairiens, et beaucoup trop estimée
par M. Daily lui-même, est tombée entièrement devant les
lumières de la philologie, et a prouvé seulement que les hommes
a système accommodent presque toujours la nature à leurs
pensées, au lieu d'accommoder leurs pensées à la nature. Je
l'en donnerai qu'un exemple que j'emprunterai à 31. Daliy. Le
mot tonnerre , dit-il (p. 3y) , est imitatif dans toutes les langues :
t désigne le contact des nues ; on, le son qui en résulte; et rr ,
le roulement produit par ce son. Certes, en fiançais, ce moi ton-
nerre est un mot fort doux, et je n'y ai jamais rien vu de ce qu'y
trouve M. Daily : mais en supposant que cela y soit , trou-
vera-l-il la même chose dans le mot volof danou , dans le mot
sanskrit résidant? Enfin, comment expliquera-t il les mots qui,
avec des sons pareils, ont des sens si différent dans les diverses
langues ou dans le môme idiome? I]. J.
Ouvrages périodiques.
5l. — * 'Bibliothèque des instituteurs ; journal de l'instruction
Doyenne et primaire dans les provinces wallones. Mons, 1827;
H J. Hoyois. In-8°.
Ce journal paraît tous les mois; le dernier cahier est remar-
quable par un entretien entre un curé et un paysan que le mot de
science remplit d'effroi. Le curé , dans un langage approprié à
l'ignorance entêtée de l'interlocuteur, parvient à lui faire com-
prendre combien de connaissances utiles (l'écriture, le calcul,
le dessin linéaire, quelques notions élémentaires et justes d'his-
toire et de géographie) on peut donner à un enfant en moins
de teins qu'on n'en mettait autrefois à lui apprendre à lire. Le
paysan ne se rend pas au premier mot; il voudrait que les
jeunes gens n'apprissent que l'arithmétique. Le curé, après
inS LIVRES ÉTRANGERS. — MVRES FRANÇAIS.
Vavoir combattu, lui promet un nouvel entretien, où il le con-
vaincra par des raisons irréfragables. Nous nous ferons un
plaisir d'en rendre compte. Ce premier dialogue est suivi des
discours de clôture de plusieurs cours normals pour les insti-
tuteurs primaires, terminés par des examens, à la suite des-
quels les commissions provinciales d'instruction ont délivré à
la plupart des instituteurs-élèves des brevets de capacité. Par-
tout on leur a fait sentir quelle est l'importance des bonnes
méthodes d'enseignement; et l'on ne saurait trop signaler avec
éloge le zèle et les efforts si généreusement déployés en Bel-
gique, pouf procurer aux instituteurs les moyens de se perfec-
tionner dans leur état, et à toutes les classes de la société ceux
d'acquérir des connaissances utiles. R.
FRANCE.
Sciences physiques et naturelles.
5a. — * Encyclopédie par ordre de matières: 98e livraison.
Paris, septembre 1827; Mme veuve Agasse , rue des Poitevins,
n° 6. In-4° ; prix, 45 fr. , et 36 fr. , l'atlas séparément.
La publication de cette immense collection, long-tems retar-
dée par les circonstances , touche à sa fin ; encore quelques
mois avec un petit nombre de volumes, et la plus complète des
Encyclopédies sera terminée. La livraison que nous annonçons
au public est bien faite pour réveiller son attention. Elle est
certainement l'une des plus importantes de la partie qui con-
cerne les sciences pl^siqucs ; elle se compose : i° de Y Atlas de
la géographie physique ; 20 de la seconde moitié du tome qui
contient l'histoire des zoophites ; 3° de l'explication des plan-
ches consacrées aux vers , coquilles et mollusques; 4° enfin dtj
tome xii de la Médecine.
L'explication des planches où sont classés les vers, les co-
quilles et les polypes, n'est qu'un simple cahier d'une dizaine
de feuilles. Il est dû au colonel Bory de Saint-Vincent, à qui
toutes les parties des sciences physiques et naturelles sont fa-
milières. Ce cahier , qui d'abord ne semble pas annoncer un
grand travail, a cependant nécessité de nombreuses et minu-
tieuses recherches. C'est un effort de patience assez remar-
quable dans un auteur qui laisse percer dans tous ses écrits
beaucoup d'ardeur et de vivacité. Au moyen de l'explication qui
fait suite aux illustrations du savant Bruguière , les souscrip-
teurs de Y Encyclopédie peuvent enfin faire relier la collection
des nombreuses et belles planches de coquilles déjà publiées,
SCIENCES PHYSIQ1 ES.
Il qui auront actuellement toute l'utilité qu'elles peuvent .noir,
puisque les noms des espèces 9*y trouveront
L'importance du volume qui termine l'histoire des zoophytes
méritera un article ft part; il fui confié à MM. Laltoi aôi \,
E, |)l si IIM'.I 11 VMI'S Cl BORI IM. S\IM \ !\, I NT. (> (lclIliiT cl
encore auteur du texte de la géographie physique , dont nou 1
bous occuperons également en particulier. En attendant l'exa
nicn que nous nous proposons de faire de cet oun raj e , is
allons, pour en donner une première idée, transcrire 1<' pas
sage suivant extrait de l'avis publié par M0" Koàssë.
« Nous croyons pouvoir annoncer ce volume de planches
tomme l'un des plus import ans «le V Eftcyctojyédie ; rien n'a été
épargné pour le tendre digne d'une si grande entreprise : qua-
rante-huit planches ou cartes doubles en composent le fonds,
et les souscripteurs remarqueront que quatre ont été enlumi-
nées avec soin, pour l'intelligence des théories auxquelles elles
ont trait. Cette partie de la collection avait été commencée par
peu -M. I)f suàkî -.nt, qui, ayanrfait graver plusieurs de ces plan-
ches, avait emporte dans la tombe les motifs qui l'avaient dé-
termine dans ses choix. Peu de personnes eussent osé entre-
prendre de terminer le travail du célèbre académicien. Le
| colonel Borv de Saint-Vincent, dont le zèle pour le progrès des
jisciences physiques ne s'est jamais démenti, a bien voulu rem-
i plir celte tâche. — Sous le titre modeste à* Analyse des Cartes , il
a tracé le modèle d'un traité de géographie physique des plus
beaux et des plus agréables à lire, car M. Bory de Saint - Vin-
cent semble s'appliquer à ne pas écrire pour un petit nombre de
lecteurs : on remarque dans tous ses ouvrages un soin parti-
culier pour se mettre à la portée de tout le monde, et l'art de
faire concourir à son but des données prises avec discerne-
ment dans toutes les branches des connaissances humaines.
Plusieurs des quarante-huit planches de cette livraison sontgra-
fées d'après les dessins de M. Bory de Saint-Vincent lui même.»
Nous engagerons M,ncAgasse à vendre séparément le travail
de ce savant ; il se répandrait ainsi dans les bibliothèques dont
les propriétaires ne sauraient acquérir deux cents volumes
quand un seul leur suffît. G. G.
53. — * Nouveau Manuel de Botanujuc , ou Principes élé-
mentaires de physique végétale, à l'usage des personnes qui se
destinent à suivre le.s cours de botanique du Jardin du Roi , des
facultés des sciences et de médecine, etc.; par MM. S. Gikaui>ï\
et .1. Juillet, pharmaciens internes des hospices civils de Paris.
Paris, 1827; Compère jeune, nie de l'École- de-Médecine: In-18,
orne de t ? planches; prix, 5 fr. Go c.
160 LIVRES FRANÇAIS.
On ne peut guère nommer un petit ouvrage ce volume de 600
pages de texte fort serré, et rempli d'excellentes choses. On
doit le considérer comme un vade-mecum indispensable aux
savans eux-mêmes. Ils y trouveront le résumé de tant de vo-
lumes qui nous inondent, et à la lecture desquels ne suffirait
pas ki vie d'un patriarche. Les deux auteurs ne se donnent pas
pour y avoir mis beaucoup du leur j mais ils ont fait un choix
très-judicieux de ce qu'ils devaient y mettre des autres. Avec le
Manuel de MM. Girardin et Juillet, on peut devenir botaniste, et
les botanistes consommés consulteront avec fruit cet ouvrage.
54. — Botanique du droguiste et du négociant en substances
exotiques; ouvrage traduit de l'anglais par M. E. Pelouse. Paris,
1827; Malher et compagnie, passage Dauphine. In- 11. de 38o
pages ; prix , 4 fr« 5o c.
Il est fâcheux que le traducteur de cet ouvrage, qui, s'il était
complet, serait d'une grande utilité, ne se soit pas élevé à la hau-
teur de la science. C'était une heureuse idée, assurément, que de
porter l'exactitude de la botanique dans une branche importante
du commerce, celle qui se compose des produits végétaux. Nous
croyons bien que le docteur ^Anthony Told Tiiomson , membre
de la Société royale y des Collèges de médecine de Londres et
d'Edimbourg, et de toutes les sociétés savantes d'Angleterre,
pourvu de connaissances profondes en botanique et en physio-
logie végétale , s'est aidé des plus nombreux documens, pour
dissiper beaucoup de préjugés, écarter une foule d'erreurs,» etc.
Mais le docteur Thomson est fort loin d'avoir épuisé la matière.
Nous pourrions lui rappeler cent articles au moins que l'indus-
trie et la pharmacie, empruntent du règne végétal, qu'on
demande tous les jours chez le droguiste, et dont il n'a pas dit
un mot. Nous pourrions lui indiquer une multitude d'omissions
dans un peu plus de deux cents des articles où il renferme la
botanique du commerce ; et nous engageons son traducteur
à réparer tant d'omissions , s'il donne jamais une édition nou-
velle de son livre. Nous aimons à croire les autres parties
de la Bibliothèque industrielle de M. Malher mieux traitées
que sa botanique , ouvrage entièrement à refaire, anglais dans
la force du terme , où l'on ne dit pas un mot de ce qui pourrait
être utile aux négocians et aux marchands français. Il eût pres-
que mieux valu rajeunir le vieux Pommet.
B. de Saint-Vincent.
55 — * Essai monographique sur les oscillaircs , par M. Bory
de Saint- Vincent. Paris, 1827; R< y et Gravier. In 8°.
Cet ouvrage est l'un des travaux remarquables sortis de la
plume d'un auteur fécond, qui, passant avec une surprenante
SCIENCES PHYSIQUES. itfi
facilite d'un injel i un .mire, met à Approfondir tout ce qu'il
! ta i («■ le teins <j ni suffirait k peine à beaucoup dn utrcs pour cflleu
rer seulement les mêmes matières. Nous avons rapporté (voy. t.
\\\ v, p. 7|/>) la lettre par laquelle IM. Bory de Saint- Vincent ap-
pela l'attention de l'Institut sur une classe d'êtres tellement limi-
trophe eut ie les règnes animal et végétal, (pie les naturalistes n'ont
su jusqu'ici auquel les rapporter* Ce savant fixe toutes les incer-
titudes; les oscillaires appartiennent au règne nouveau qu'il a
proposé précédemment d'adopter sous le nom àepsyçhodiairef.
T,es oscillaires, très-répandus dans la nature, couvrent le bas
des murs humides, les dalles de nos fontaines publiques, et
croissent dans l'interstice du pavé des grandes villes, aussi
bien que sur le chaume de. l'humble habitation des villageois.
On n'y voit à l'œil nu qu'une teinte d'un noir verdâtre, gélati-
neuse , et souvent fétide; au microscope, l'œil émerveillé y
découvre des lilamcns élégamment colorés et articulés, s'agitaut
par divers mouvemens où les plus incrédules ne pourront s'em-
pêcher de reconnaître des indices évidens d'animalité quand
ils se donneront la peine de voir. Ce qui nous paraît le plus
extraordinaire dans les observations de notre premier micro-
graphe , c'est la certitude qu'il a acquise que les mêmes espèces
d'oscillaires peuvent vivre et se développer également dans
les eaux les plus froides et dans celles des thermes les plus
chauds. Il s'en trouve dans les fontaines où le thermomètre
s'élève jusqu'à cinquante et quelques degrés. Après l'exposi-
tion lucide des généralités qui concernent ces singulières
créatures, une f rentable d'espèces sont parfaitement décrites.
La dernière , que particularise sa couleur d'un rouge foncé, et
qui fut dernièrement découverte par le savant botaniste Mou-
geot dans deux lacs de Suisse , est'appelée, par M. Bory de
Saint-Vincent, Oscillaria Pharaonis : «parce qu'elle parut,
dit ce savant , renouveler celle des plaies d'Egypte où les
eaux furent changées en sang. Y.
56. — * Anatomle de l'homme, ou Description et figures
lithographiées de toutes les parties du corps humain; par Jules
Cloquet, i). m., membre de l'Académie de médecine; etc.;
publiée par C. de Lasteyri.e, éditeur. 3ie et 3ae livraisons.
Paris, 1827; Piégeant, imprimeur-lithographe, rue Saint- ."Marc,
n° 8. 2 cah. in- fol. contenant 38 p. de texte et 10 planches ;
prix de la livraison, 17 fr 5o c. [Yoy.Rec Enc., t. xxxn, p. 5-2ç). 1
57. — Précis de nosologie et de thérapeutique , par J. B. G.
Barbier, médecin en chef de l'Hôtel-Dieu d'Amiens, profes-
seur de pathologie et de clinique interne ta l'école secondaire.
<le médecine pratique d'Amiens, etc Tom. 1. Paris, 18*27;
r. xxxvi. — Octobre 1827. 11
ifa L1VRKS FRANÇAIS.
Méquignon-Marvis. In-8° do G8o pages; prix, 9 fr. , et 1 1 fr.
par la poste. — N. B. Le premier volume ne sera remis qu'à
ceux qui s'engageront à prendre le second., qui doit paraître
incessamment.
Voici un ouvrage qu'il faut étudier, avant de le juger : nous
attendrons, pour nous livrera ce travail , (jue nous ayons les
deux volumes , et que l'ensemble des doctrines médicales de
M. Barbier puisse être mis sous les yeux de nos lecteurs. Tout
semble anuoncer une sorte de révolution dans les doctrines
adoptées jusqu'à ce moment : on s'était beaucoup Irop pressé
d'achever l'édifice , on s'est mis dans la nécessité de démolir
et de reconstruire , travail pénible pour l'esprit humain. On
espère que le livre de M. Barbier sera d'un grand secours pour
procéder à cette double opération. F. Y.
58. — Notice sur les hernies , et sur une nouvelle manière de
les guérir radicalement , par Beaumont, de Lyon. Paris , 1827 ;
Crevot , rue de l'École de Médecine, n° 5. In 8°; prix, 3 fr.
Après avoir fait l'énumération des moyens employés jusqu'à
ce jour pour obtenir ce qu'il appelle la cure radicale des
hernies , l'auteur, qui n'est pas médecin , mais qui a de la ré-
putation connue bandagiste, expose ceux qui lui sont propres.
Il s'agit de garnir la pelolte compressive d'un mélange d'opium
brut pulvérisé et de sous-carbonate d'ammoniaque. Cette appli-
cation fait naître à la peau une irritation assez vive, qui se
communique bientôt au tissu cellulaire, et détermine ainsi par
degrés l'endurcissement à l'aide duquel la guérison définitive
s'opère. M. Beaumont conseille, dans le même but, une autre
formule astringente , composée de lan , de pousses de maron-
nier d'inde, de noix de cyprès , de galles choisies , de sel am-
moniac: etc. Il termine son travail en citant dix-huit exemples
de succès qu'il a obtenus.
L'emploi des astringens pour la guérison des hernies n'est
pas une chose nouvelle. Cette méthode, jugée depuis long-
teins par l'expérience , n'est que palliative. Si les observations
que cite l'auteur étaient concluantes, M. le Dr Goulard, de
Lyon, chirurgien du plus grand mérite, n'aurait pas manqué
de les appuyer par son témoignage : désigné par les membres
de la Société du dispensaire pour prendre connaissance des
procédés de M. Beaumont, il a gardé le silence après avoir vu.
Dans tous les cas, s'ils ne sont ni nouveaux ni parfaits, ces
procédés ont l'avantage d'être sans danger. L.
59. — Manuel du dentiste, à l'usage des examens; ou Traité
de chirurgie dentaire, considérée sous les rapports anatomique,
physiologique, hygiénique et pathologique; parD. J. Goblin,
D. M. P. Paris, 1827; Compère, rue de l'École de médecine,
SGUCNC] S rilï.siM ES i63
n* 8. L'auteur, rue Tiquetonue#n* J7- Lu-8°de %55 pag«; prix,
3 IV.
Gel ouvrage, divisé en deux parties et en cinq chapitres ,
aurait pu rire beaucoup plus intéressant, si l'auteur n'y avait
accumulé une foule de choses qui appartiennent plus spéciale-
ment àl'anatomieetà la pathologie générales, ei ^M s'était con-
tenté (!<• faire connaître la dentition proprement dite, les ma-
ladies auxquelles les dents sont sujettes, les moj ens de les pré-
venir el de Ks guérir, lorsqu'elles sont développées. 'JVI qu'il
est, ce manuel renferme néanmoins des faits et des observations
que les hommes de l'art aimeront à consulter. D.
(io. — A buvettes recherches sur l'origine , in nature et le traite-
ment de laniole vésiculaire, ou grossesse hyda tapie, par M,ncvcuve
Boivin , maîtresse sage-femme, etc. Paris, 1827; Méquignoii
aîné, libraire de la Faculté de Médecine, lu-8' de 80 pag.; prix,
u IV. 5o c.
Cette brochure mérite l'attention des naturalistes et des
accoucheurs. Les premiers examineront si le part hydatique
est formé par des vers acéphalocystes comme l'ont pensé
Lacnncc , Dubois, Percjr, Hipp. Cloquet , après lludolphi et
Michel; ou bien, au contraire, par de simples vésicules,
résultat d'une conception dégénérée, d'une disposition mor-
bide des vaisseaux capillaires de l'amnios, du chorion, ou du
placenta. MM. Dcsormeaux t Fctpeau9elMmeJBoivin sont de cet
avis. Après avoir lu les <\vu\ observations de part hydatique
rapportées par l'auteur, les accoucheurs seuls pourront dé-
cider si les corollaires dédu'ts de son Mémoire sont incontes-
tables , et si la pratique peut en retirer quelque fruit pour le
prognostic et le traitement de cette affection singulière. L.
61. — Pharmacie élémentaire en 24 ferons, ou Manuel
théorique de l'élève en pharmacie , accompagné d'un Traité
sur le mode de préparation des prescriptions médicales, dans
tous les cas prévus; par G. L. B&ismonthsb.. Paris, 1S27 ;
Audin. In-12, de 4/9 pages, avec 4 planches; prix, 7 fr.
« J'ai vu paraître successivement plusieurs livres de sciences,
divisés en leçons; et en y réfléchissant, j'ai cru m'apercevoir
que, s'il était permis d'enseigner en 20 ou 3o leçons, des
sciences pour lesquelles nos écoles emploient deux années, il
serait possible de présenter sous la même forme un traité de
pharmacie, puisque les cours de l'école se terminaient en une
seule année : j'ai donc osé l'entreprendre.» Quoique cette ma-
nière de raisonner ne soit pas très-rigoureuse , on s'occupera
bien moins des motifs qui ont déterminé l'auteur a écrire ce
traité, que du succès qu'il a obtenu dans son travail. Il se pré-
XX.
x64 LIVRES FRANÇAIS.
sente avec une expérience assez rassurante; il a passé dix ans
dans les deux principales pharmacies de la capitale , ainsi qu'il
nous l'apprend dans son introduction. Mais , entre ces con-
naissances de pratique, et le talent nécessaire pour la compo-
sition d'un ouvrage élémentaire, l'intervalle est immense , et
malheureusement, on ne le soupçonne pas. C'est un travail
qui exige un apprentissage spécial , dans lequel on ne réussit
qu'après un certain nombre d'essais. Il ne suffit pas d'avoir
divisé en leçons , ou chapitres , l'ouvrage qu'on veut faire, et
mis entre ces chapitres un ordre qui semble satisfaisant : si l'on
n'a pas trouvé l'ordre de la formation des idées, si une ana-
lyse logique très-exacte et complète n'a pas fait découvrir cet
enchaînement nécessaire des vérités et des connaissances, on
n'a point fait un ouvrage élémentaire : celui de M. Brismontier
n'en est pas un ; on n'y sent point , en passant d'un chapitre à
un autre , la connexion intime de ce qu'on lit avec ce qui pré-
cède; l'ordre naturel des idées ne s'y fait pas assez reconnaître.
Mais , quoique ce livre ne soit pas encore un traité élémen-
taire , on ne lui refusera pas le mérite et l'utilité d'un bon
manuel. On n'approuvera pas que les notions chimiques les
plus essentielles ne viennent qu'à la 17e leçon ; mais, en con-
sidérant les chapitres comme isolés, on trouvera dans tous
beaucoup de connaissances exposées clairement, et avec pré-
cision. Si l'auteur s'attache à perfectionner son travail , la
seconde édition peut être fort bonne, et celle-ci rendra déjà
des services, non pas à la théorie, car celle d'un art chimique
n'est autre chose que la chimie, mais en raison du grand
nombre de faits et de préceptes qu'elle renferme , et qu'elle
rappelle facilement à la mémoire, fonction essentielle et im-
portante des manuels.
62. — * Formulaire pour la préparation et l'emploi de plu-
sieurs nouveaux médicamens , tels que la noix vomique , les sels
de morphine , l'acide prussique , la strychnine , la véra-
trine, etc. etc. ; par F. Magendie , membre de l'Institut , etc.
Sixième édition , revue et augmentée. Paris, 1827 ; Méquignon-
Marvis. In-12 de 3 10 pages; prix, 4 fr« 5o c. et 5 fr. 25 c. par
la poste.
« Malgré l'opposition des médecins du xvue siècle, malgré
le fameux arrêt du parlement qui proscrivit l'émétique , en
dépit même des sarcasmes spirituels de Guy Patin, l'utilité
des préparations antimonia'es est depuis long-tems reconnue:
pour celte fois du moins, le préjugé s'est soumis à l'évidence.
Il en sera de même , je l'espère, des substances nouvelles que
la chimie et la physiologie nous signalent de concert comme
de précieux médicamens ; la répugnance que plusieurs prati-
SCIENCES PHYSIQUES. if>r,
ciens éclairés éprouvent encore k j'en servir disparaîtra bien-
t «*> i devant les icmiIi.ii> il** le \|u rriencc qui en foui chaque jour
apprécier U*s avantn [es. Le sa vaut médecin, auquel on doit
cet ouvrage, invile les médecins .1 lui adresser leurs observa
fions, à I aider i perfectionner ce! important travail. Sur un
sujet aussi nouveau , la multiplicité (les faits est encore indis-
pensable pour arriver à la vérité, la reconnaître el lui im-
primer le caractère (le certitude qui la rend Utile dans les ap-
plications. Celte sixième édition ne sera pas la dernière de ce
formulaire; l'accueil qu'il a déjà reçu du public est un garant
de celui qu'il en recevra dans tous les teins. I\
63. — Les Médecins français contemporaine } par/.-/,.-//. P. . ,
iri livraison, Paris, 1827 ; à la librairie de l'Industrie, rue
Saint Mare- l'eydean, 11° 10; Gabon, rue de l'Ecole de Méde-
cine , no io. In-8° de 1 ia pages; prix , 2 fr. 5o c.
C'est une tâche difficile que celle de faire l'histoire des mé-
decins contemporains, sous le rapport de leurs doctrines seu-
lement. Un biographe est entraîné, presque malgré lui, dans
des particularités qui doivent nécessairement blesser les amours-
propres ; et l'auteur dont nous annonçons l'ouvrage n'a pas
entièrement évité cet écueil. Cependant, il faut, lui rendre jus-
lice. Les difïérens articles contenus dans cette première livrai-
son sont rédigés avec soin. Celui de M. Broussais est surtout
remarquable par une analyse exacte de la doctrine de ce méde-
cin célèbre, dont les partisans et les adversaires ont presque
toujours été dirigés dans leurs jugemens par l'esprit de parti.
M. Alibeht, dont les ouvrages ont été favorablement traités
par tous les journaux, sera peu satisfait de la manière dont il
est jugé dans cette biographie. MM. Coutanceau, Bérard ,
Ai)i;l<»' et Civiale y reçoivent des éloges mérités. D.
6/>. — Table de multiplication , suivie d'une Table donnant
la circonférence et la surface des corps circulaires et sphéri-
ques, ayant leur diamètre; d'une Table à l'usage des toiseurs,
où les quantités de pieds se trouvent réduites en toises et de-
mi- toiseti superficielles; et de plusieurs Tables pour la réduc-
tion des mesures quelconques, anciennes ou nouvelles, et ré-
ciproquement. Versailles, i82.r); Jalabert. In-8°. de 168 p.;
prix, 1 5 Fr.
Cette Table donne les produits des multiplicandes 1 à 1000
par les multiplicateurs 1 à io3 ; les circonférences des cercles,
les aires de ces cercles et des sphères de diamètres compris
entre 0,01 et 3, 00. T. R.
65. — Maximes de guerre de Napoléon* Paris, 1827;
Anselin et Pochard. In«3a, de 188 pages; prix, -i. fr. 5o c.
1G6 LIVRES FRANÇAIS.
On ii' apprendra pas sans intérêt que ce petit ouvrage est du
à un officier étranger, juste appréciateur des grands talons, et
qui sait les reconnaître, même dans l'homme qui fut long-tems
l'ennemi de sa patrie. Des notes jointes à chaque maxime,
mais à part, et réunies à la lin , font voir que Gustave- Adolphe,
Turenne , Frédéric et Napoléon ont professé et pratiqué ces
maximes, et que par conséquent, si elles ne sont pas les prin-
cipes fondamentaux de l'art de la guerre, elles en sont au
moins des conséquences rigoureuses et très- générales. La pe-
titesse du format fait assez voir que ce livre est destiné à faire
partie de la Bibliothèque portative de V officier. F.
66. — Guide-Manuel de l'épicier droguiste. Paris, 1827;
Malher et compagnie. In- 12; prix, l\ (r.
Cet ouvrage n'atteint pas le but que semble indiquer son
titre. Nous doutons fort que, tel qu'il est, il puisse devenir
d'une utilité bien grande pour ceux auxquels il est destiné.
Les notions qu'il contient sont souvent insuffisantes, les indi-
cations fausses , les définitions erronées. Dans les articles
principaux , les cacaos, les sucres , les cafés, les thés, l'auteur
oublie ou néglige de citer les sept-huitièmes des variétés con-
nues dans le commerce; il désigne, comme premières qualités,
les espèces inférieures; il n'indique point les caractères princi-
paux auxquels on peut reconnaître les variétés , ou bien il les
attribue à celles qui ne les possèdent pas. Ainsi , il ne parle pas des
cacaos de la Guianne dont il existe cinq variétés ; il ne nomme pas
même les variétés du Mexique qui comprennent le soconusco, le
meilleur des cacaos, celles des îles, celles du Brésil, etc. Il at-
tribue en général au cacao du Brésil une saveur styptique, qu'il
ne possède que lorsqu'il est nouveau, tandis que ce caractère ap-
partient toujours aux cacaos des îles. Il regarde le ihé Bohéou
Bou comme la deuxième qualité, tandis qu'elle n'est qu'une des
dernières, et il annonce, comme une qualité inférieure, le pekao
qui estla première qualité des thés noirs. Dans l'article ■$#£©«, l'au-
teur semble ignorer que le caractère de l'iode est de donner une
coloration bleue avec les fécules. Dans l'article acétate de plomb ,
il annonce qu'on peut reconnaître ce sel à la saveur sucrée que
seul il possède: on sait cependant que tous les sels de plomb
la possèdent plus ou moins. La connaissance de la géographie
n'est pas de peu d'importance pour le droguiste : elle lui en-
seigne à classer avec ordre les variétés des denrées que l'on re-
cueille en diverses contrées, comme les cacaos, la cannelle, etc ,
et les droits que chaque état prélève Mir les productions de
son sol, ou sur les productions importées des autres pays. Il
n'est donc pas indifférent de placer Campèche et Yucatan çUba
SCIENCES PHTSfQI I .'.7
In république de L'Amérique centrale , comme l'a fait l'aut< m ,
ou dana le Mexique , comme il aurait, dû le faire. I).
67. — Art de (n teinture, d'après ta méthode anglaise y suivi
de l'art de faire le vinaigre <le buis, de distiller la houille
et les pommei île terre : ouvrage traduit de l'anglais sur la
dixième édition t par M. Bi Los. Paris, 1827 , Audin ; Lecpinfc et
Durey. In- 12 de a38 pages, avec 3 planches; prix, > iv. 75 c.
Ce petit ouvrage tient plus qu'il ne promel , si l'on peose
que chaque objet y est traité avec assez d'étendue. On y trouve
une notice sur l'art du brasseur, et une autre sur la fabrication
du sucre de betlerave. Voilà doue six arts qui sont décrits, el
dont les procédés sont exposés dans un livre que l'on centrait
a peine suffisant pour le moins compliqué de ces arts. Il y a
lieu de penser que l'auteur ;: écrit pour cette classe de lecteurs
que l'on nomme gens du monde, classe qui doit être, ou exces-
sivement nombreuse, ou prodigieusement avide de lecture;
car c'est pour elle que presque tous les livres sont faits.
Notre langue est très- riche en excellens ouvrages sur la
teinture; les Anglais n'ont pas négligé de les traduire, et d'en
profiter. L'importance d'un art recommande les ouvrages où
ses procédés sont le plus complètement décrits, où l'on trouve
le plus d'instruction : la teinture et la fabrication de la bière
et du sucre de betterave sont de ce nombre. Quant à la distil-
lation de la houille, du bois et des pommes de terre pour ob-
tenir du gaz éclairant, du vinaigre ou de l'alcool , que les essais
et les écrits continuent jusqu'à ce que ces fabrications aient
acquis le degré de perfection dont elles paraissent encore éloi-
gnées. Tous les ouvrages nouveaux sur ces arts uaissans mé-
riteront d'être accueillis. Y.
68. — * Traita théorique et pratique du blanchiment des toiles
de lin, de chanvre et de coton ; par AI. L. J. Blachette. Paris,
1827; Firmin Didot. In-8°de3'^5 p. avec planches; prix,7fr.
Sur les 325 pages qui composent cet ouvrage, l'auteur en a
consacré près de 200 aux théories, c'est-à-dire à l'exposition
du but qu'on se propose dans le blanchiment, et à l'énuméra-
tion des propriétés chimiques des agens qu'on emploie dans cet
art. La part des théories est donc faite largement, et nous de-
vons convenir que nous y avons trouvé généralement des doc-
trines saines et avouées par la science. Il était extrêmement
important, dans un ouvrage de ce genre, de donner au manu-
facturier la connaissance des causes et des effeis, afin de le
mettre en garde contre les instrumens qu'il manie, et de lui
offrir en même tems les moyens d'en tirer tout le parti possible.
On ne pouvait évidemment atteindre ce résultat sans pré-
*6S LIVRES FRANÇAIS.
■enter le résumé des notions chimiques qui éclairent I art de
blanchir; et c'est ce que l'auteur a fait avec soin : nous devons
le louer sous ce rapport;
La partie technique, qui vient ensuite comme une applica-
tion des théories exposées, nous paraît trop bornée. Elle ne
décrit pas les opérations ave,: assez de détails pour guider les
manipulateurs. L'auteur a cependant fait entrer dans son cadre
étroit la description des perfectionnemens les plus importans
introduits récemment en France et en Angleterre. Il a décrit les
appareils propres à préparer le chlorure, ceux de grillage,
d'apprètage et de dégorgeage, et enfin les séchoirs. On re-
grette encore que le blanchiment des toiles de lin au chlore ,
qui est pour nous une industrie neuve, n'ait été qu'effleuré
dans le travail de M. Blachefte. Cette partie de l'art du blan-
chiment exige des appareils et des soins particuliers dont
l'auteur aurait pu trouver de beaux exemples dans plusieurs
établissemens français, entre autres dans celui de M. Plu-
chaed, de Saint- Quentin. En résumé, nous croyons que
M. Blachette a fait un ouvrage utile , mais incomplet.
DUBRUNFAUT.
69. — Il Art de fumer et de priser sans déplaiw aux belles ,
enseigné en 14 leçons, etc.; par deux marchands de tabac qui
ont mangé leurs fonds" Paris , 1827 ; Jehenne , passage Fey-
deau. In- 18 de xv et ia3 pages; prix, 1 fr. 5o c.
Ce petit ouvrage, d'une gaîté burlesque, est précédé d'un
avant-propos et de notions sur l'origine du tabac , sur ses pro-
priétés particulières et sur son emploi médical. Les cinq pre-
mières leçons renferment des instructions générales pour le
fumeur, l'énumération des différentes espèces de tabac, de
pipes , de cigares, etc. ; le choix de la boîte à tabac , l'emploi
de la petite sauge et de Tanis pour certains individus d'une
constitution délicate. Les six leçons suivantes indiquent, si
l'on en croit les auteurs , autant de moyens de fumer sans dé-
plaire aux belles. Les 12e, i3e et 1 4e leçons ont pour but de
faire connaître la manière de faire son chemin dans le monde
par la tabatière, de dissiper l'odeur du tabac et de noircir les
pipes. Quelques pages sont consacrées aux anecdotes, aux bons
mots, aux chansons , aux vers, etc., qui se rattachent à
l'usage de cette plante.
70. — * Le Manuel du Charpentier , ou Traité complet et sim-
plifié de cet art; par M. Ph. Valentin, maître charpentier.
Paris, 1827; lioret. In-18 de 383 pages avec dix planches gra-
vées; prix, 3 fr. 5o c.
Traité avec tous les développcmens qu'il serait susceptible de
SCIENCES PHYShM i;s. 169
recevoir, l'art du charpentier pourrait fournir la matière de
plusieurs volumes et il un grand atlas. Mais un ouvrage de
bette importance ne pourrait être livré au public à un pria as
se/, modique pour qu'il lut accessible i tout le monde ; el ceux
là surtout qui ont le plus besoin de lire et d'étudier les théories,
les <>u\ riers, eu seraient prn es. I l'art «lu charpentier étail peut-
être , <ie tous les arts usuels , celui (jui (levait ie plus fixer l'at-
tention des éditeurs de la collection des manuel .. Les détails
sont immenses dans la chai penterie, si l'on veut y comprendre
les parties qui ont rapport aux constructions particulières et
aux constructions civiles et navales : les ouvrages les plus éten-
dus qui ont traité de cet art n'ont pu embrasser foutes ses
Ramifications. L'auteur du Manuel du Charpentier devait donc
l'abstenir des détails et ne donner que ceux qui sont nécessaires
à l'application et à la démonstration des théories. Son livre, des
tiné à des gens peu familiarisés avec le langage des sciences,
devait surtout parler aux yeux, au moyen d'un grand nombre
de planches correctes et claires. Il devait contenir quelques not
bons de géométrie pratique; des tableaux de la résistance des
bois, eu égard aux longueurs et à i'équarrissage ; la manière la
plus avantageuse de les débiter. Il ne devait point perdre de
pages pour la description des outils et l'explication de la ma-
nière de s'en servir : l'ouvrier le moins expert connaît cette
parfie mieux que personne; mais il a besoin de tables de cuba-
turc, de toisé de réduction; il faut que son Manuel soit un
mémorial portatif qui renferme les faits dont la connaissance
est pour lui un besoin de tous les instans, et qu'il ne pourrait
conserver dans sa tète sans qu'il s'y glissât de îa confusion.
M. Yalentin a si bien compris sa mission, que son livre n'est
autre chose que l'exécution du plan que nous venons de tracer:
les planches qui le terminent sont fort bien faites, et méritent
une mention spéciale. Nous croyons pouvoir lui prédire un
succès durable. OE.
71. — * Mémoire sur les projets présentes pour la jonction de
ta Marne à la Seine, la dérivation de la Seine et les docks ou
bassins éclusiers à établir dans les plaines d'Ivry, de Choisy et
de Grenelle; par M. F. CofxDier, inspecteur divisionnaire des
ponts-et-chaussées. Paris, 1827; Firm. Didot. In-8°; prix, 5 fr.
IM. Cordier, qui vient d'attacher son nom à la plus impor-
tante amélioration qu'aient reçue nos ports de commerce, depuis
le commencement de ce siècle, devait être plus frappé qu'un
autre des nombreuses imperfections des prétendus ports de la
capitale, et l'attention qu'il y a porté ne pouvait être stérile
Il a remarqué qu'en 1824 la Seine a amené à Paris,
j;o LIVRES FRANÇAIS.
PWf les ports cl n haut 1,098,094 tonn.
Par le port de Bercy 284,449
Et par les ports du bas i8o,ii5
Total 1 (56 2,658
11 a calculé que le seul déchargement des bois de chauffage et
de charpente, des charbons, des vins et des matériaux, aux
ports du haut et de Eercy, donnaient lieu à une dépense an-
nuelle de plus de 2,680,000 fr. , et que cette dépense se rédui-
rait de près de 1,800,000 fr., si les bateaux étaient garés dans
des bassins à niveau constant, bordés de quais et de magasins.
Les moyens qu'il propose pour arriver à ce résultat facilite-
raient la navigation au-dessus de Paris, et préviendraient à
jamais les ravages que causent les inondations de la Seine.
Cette partie de la question pourra paraître indifférente à beau-
coup de Parisiens; il y a long-tems que la Seine n'a causé de
grands désastres, et ce motif de leur sécurité est peut-être la
plus forte raison de craindre que nous ne soyons à la veille
d'un de ces malheurs périodiques. La seule inondation de 1802
a causé dans Paris pour plus de 8,000,000 fr. de pertes directes;
et, <-i l'on veut parcourir les recherches que M. Cordier a faites
sur les inondations qui ont eu lieu depuis le milieu du xvne
siècle, sur les grandes mesures proposées après chacune d'elles,
et qu'une trompeuse sécurité faisait bientôt abandonner, on
trouvera que nous aurions tort d'être étonnés de voir* des
maisons bâties sur les laves du Vésuve.
M. Cordier propose: i° d'établir sur la Marne, à Chene-
vière, un barrage écluse qui soutienne les eaux jusqu'à Saint-
Maur, et facilite la navigation dans le grand bras de la Marne,
maintenant à sec une partie de l'année ;
i° De creuser un canal de jonction de la Marne à la Seine
avec embranchement sur Choisy; de maintenir les eaux à une
élévation supérieure à celle de la plaine de Choisy, qui ferait
arrosée;
3° D'ouvrir une dérivation de la Seine du port à l'Anglais
au Jardin des Plantes, d'établir, dans la plaine d'Ivry et près
du boulevard, des bassins assez spacieux pour les besoins de
la capitale;
4° De construire en amont du confluent de la Marne, un
barrage destiné à élever les eaux de la Seine, à rendre cette }
rivière navigable en toute saison, à la jeter en partie dans le
canal d'Ivry, à fournir à l'extrémité du canal une force motrice
équivalente à celle de 1260 chevaux, et suffisante pour élever 1
à la hauteur du bassin de la Villette une quantité de i >,70o
pouces d'eau, c'est-à-dire plus que triple de celle tle l'Onrcq!
qu'où nous promet;
SCIENCES PHYSIQUES. 171
5° D'ouvrir de la plaine d'Ivrv i celle de Grenelle un canal
(le 10 mètres de large, qui aurait deux souterrains: l'un de
i , i oo mètres de long entre cette plaine et le bassin <!<• la BièVre;
l'antre de 3,200 entre la liievre et la plaine de Crénelle, et qui
iraii joindre la Seine aux Hfoulincaux. Ce canal donnerait pas-
sage dans les grandes inondations an dixième des eaux du
Hen\e,et il établirait une. navigation facile de la hante à la
basse Seine, en évitant treize ponts et la traversée de la ville.
31. Cordier évalue les travaux à faire entre la Marne et le
Jardin des Plantes à 18,000,000 f r. , y compris les intérêts des
fonds pendant l'exécution; les produits bruts seraient, suivant
lui, de 1, 388,000 lr. Cette charge serait supportée par le com-
merce; et, en y ajoutant les 900,000 fr, qui lesteraient à payer
pour frais de déchargement, ou arrive à une somme inférieure
de 3o,a,ooo fr. à celle à laquelle reviennent aujourd'hui les
déchargemens : déplus, les avaries de rivière, qui sont sou-
vent fort considérables, seraient entièrement supprimées. Des
l,-388 000 fr. perçus par la compagnie qui se chargerait de ces
travaux, il faudrait déduire 488,000 fr. pour frais d'adminis-
tration et d'entretien; il ne resterait que 900,000 fr. pour
représenter l'intérêt des capitaux; encore, ce résultat ne serait-
il assuré que si le commerce abandonnait entièrement et le
canal de Saint-Maur et le lit naturel de la Seine, ce qu'il est
peut-être difficile d'admettre. L'accroissement de circulation
qui résulte de tout perfectionnement dans les communications,
doit à coup sûr entrer en ligne de compte ; mais l'amélioration
que projette M. Cordier ne s'étend ni à la haute Seine, ni aux
autres points d'où partent les bateaux qui viendraient stationner
dans ses gares ; les obstacles au développement de la circulation
ne sont malheureusement pas tous entre Chenevière, Choisv
et Paris; et ce ne sera peut -être que lorsqu'ils seront levés dans
un cercle plus étendu, que le canal dont nous nous occupons
deviendra vraiment lucratif.
L'agrément et la salubrité que procureraient l'abondance des
eaux fournies par la chute voisine du Jardin des Plantes, l'avan-
tage de préserver la ville d'inondations, dont une seule sem-
blable à celle de i6£>8 causerait des pertes supérieures à la
dépense du canal, sont des considérations d'un haut intérêt
msnicipd, et qui pourraient déterminer une administration
sau<' et prévoyante à réunir ses ressources à celles des capita-
listes qui ne seraient pas suffisamment dédommagés par lo
produit direct des travaux : ces réflexions s'appliquent surtout
au canal de la plaine d'Ivrv, aux Moulinaux , qui coûterait
38,o<>o,o>o. On pourrait en réduire la dépense à 1 5, 600, 000 fr.;
172 LIVRES FRANÇAIS.
mais, alors, le fléau des inondations ne perdrait rien de son
intensité.
M. Cordier s'est dès long-tems fait remarquer par la har-
diesse de ses conceptions , et il l'a toujours justifiée par un
bonheur d'exécution dont les ingénieurs imprudens ou mal
habiles n'ont jamais pénétré le secret. Si son honorable ca-
ractère était moins connu, nous le louerions de la franchise
avec laquelle il appelle la discussion sur son projet; il était
difficile de réunir plus de documens curieux et de les mieux
présenter.
72. — * Note sur un projet de distribution générale d'eau dans
l'intérieur de Paris; par M. Genieys, ingénieur des ponts-et-
chaussées. Paris, 1827 ; Carilian Gœury, quai des Augustins ,
n° Al In- 8°; prix, 1 fr. 5o c.
M. Genieys résume, dans une soixantaine de pages, l'une
des plus importantes questions d'utilité publique qui intéres-
sent la ville de Paris I! distingue le service des eaux de Paris
en service public et service particulier : le premier est le seul
dont l'administration se soit activement occupée ; on se de-
mande aujourd'hui s'il ne serait pas convenable d'y réunir le
service particulier, qui consisterait à établir dans toutes les
maisons , des robinets alimentés par les mêmes réservoirs que
les fontaines publiques, et de confier le tout à une compagnie
qui desservirait la ville au même titre que les particuliers. Les
4,000 pouces d'eau du canal de l'Ourcq sont dès long-tcms
destinés à subvenir à ces deux services.
Des doutes assez généralement partagés sur la continuité des
eaux qui arriveraient par cette voie j la répugnance plus géné-
rale encore qu'éprouvent les habitans de Paris à les employer
aux usages de la vie; enfin, des calculs d'hydrostatique, et des
considérations d'économie que l'auteur de la Note déduit fort
bien, lui font désirer que le service public et le service par-
ticulier soient absolument séparés; que l'eau de la Seine soit
principalement affectée au second ; que le service public s'ef-
fectue, sur la rive droite , au moyen de 3, 200 pouces d'< au de
i'Ourcq et de 55o pouces d'eau de la Seine, et sur la rive gauche,
au moyen de 400 p. de l'Ourcq et de 45o p. d'eau de la Seine. La
totalité de ces eaux alimenterait 36 fontaines monumentales, 4^
fontaines simples, et 1,060 bornes-fontaiues dont les orifices dé-
biteraient par jour 88, 3oo niètrescubcs d'eau, c'est-à-dire, une
quantité suffisante pour couvrir tout le pavé de Paris dune cou-
che de 3/» millimètres de profondeur. Il n'existe aujourd'hui que
65 fontaines et 124 bornes, qui, lorsqu'elles sont régulière-
ment alimentées , ne donnent pas plus du cinquième de celte
SCIENCES PHYSIQUES. 17 1
quantité. L'économie el la salubrité gagneraient peut être i
ce qu'au lieu de ce grand nombre de bornes ■» fontaines que
l'organisation du service particulier rendrait moins nécessaires,
on établît, au sommet des principales mes, de Farces bouches
à eau , qui s'ouvriraient seulement quelques minutes dans la
journée, et qui laveraient tout le quartier qu'elles desservi-
raient bien mieux qu'un filet d'eau continu.
Le service particulier a exigé beaucoup de recherches nou-
velles; il fallait, pour l'apprécier, déterminer la quantité d'eau
nécessaire à chaque habitant et la multiplier par la population
de Paris : celle-ci , qui semblerait devoir être bien connue, est
l'objet d'assertions contradictoires : elle est, selon X Annuaire
des longitudes s de 713,906 habitans; M. Genieys la porte à
736,611, à ce qu'il paraît, d'après des documens réunis à la
préfecture; et , dans les tableaux de population signés de
1VÎ. Corbière, que l'ordonnance du i5 mars dernier prescrit de
considérer comme seuls authentiques, elle est de 890,431.
Quant à la quantité d'eau à fournir par individu, elle a été
évaluée par M. Bruyère à 6 lit. 9; par M. Girard à 20 lit. ,
et par le professeur Lf.slie à 36 lit. : cette dernière évaluation
est fondée sur la consommation réelle de plusieurs villes de la
Grande-Bretagne, qui jouissent d etablissemens du genre de
celui dont il est ici question, et comprend tous les besoins de
la vie; c'est celle qu'adopte M. Genieys, et il en déduit qu'il
faut, pour le service particulier de Paris, 1,400 pouces d'eau :
s'il avait considéré que Londres, qui a fourni les principaux
élémens des calculs de M. Leslie, n'a point de ces fontaines
publiques, qui subviendront si abondamment aux besoins de
la population pauvre de Paris , il aurait peut-être adopté, poul-
ies besoins particuliers, une quantité un peu moindre, et il
aurait pu renoncer tout-à-fait à l'emploi des eaux de l'Ourcq.
Quoi qu'il en soit, il évalue l'établissement du service particu-
lier «à 16,/» 12,000 fr., et la dépense annuelle, y compris l'inté-
rêt à 0,08 du capital ci-dessus, à 1,568,620 fr. Cette évalua-
tion de frais est peut -être un peu basse; peut-être commet-on
une erreur beaucoup plus grave , en supposant que tous les
habitans de Paris deviendraient tributaires de la future com-
pagnie des eaux. On trouve, d'un autre côté, une considéra-
tion tout-a-fait rassurante pour cette entreprise, dans la com-
paraison de ce que coûte aujourd'hui l'approvisionnement
salarié individuellement par les habitans. D'après les tableaux
statistiques publiés en 1823 parM.de Chabrol, rétablissement
des eaux clarifiées débite journellement Sfity^ voies d'eau à
o fr. 10 c. 869 h. 5o c, etle reste du service est fait par i,338
l74 LIVRES FRANÇAIS.
pot tours d'eau a tonneau, qui ne peuvent vendre pour moins
de 2 fr, 5o e. par jour 3 , 3 /* 5 fr. , ce qui , indépendamment des
porteurs d'eau à bras, donne une dépense annuelle de
i,538,i 12 fr. Or, il n'est pas douteux que ceux qui paient cette
somme ne consentissent à en donner une supérieure , pour un
approvisionnement beaucoup plus commode et plus complet.
Au reste, il n'y a point de raison pour réunir tout le service
particulier des eaux de Paris dans la main d'une seule com-
pagnie. Peut-être se mettrait on plus à la portée de l'esprit
d'association, tel qu'on l'entend en France, en divisant ce vaste
travail entre plusieurs entreprises; toute la population de Pa-
ris n'est d'ailleurs pas au même degré de richesse et de civilisa-
tion : la rue Mouffetard pourrait fort bien ne pas partages
1 empressement à souscrire au service particulier, qui se mani-
festerait à la Chaussée- d'An tin et au faubourg Saint-Germain,
et se contenter long - tems encore de l'eau des fontaines pu-
bliques qu'on lui promet. J. J. Baude.
<j3. — * Atlas géographique de V Egypte et de la Nubie , pour
servir à la relation du voyage h Méroé et au fleuve Blanc, fait,
dans les années 1819 à 1822, par M. Frédéric Cailliaud , de
Nantes ; ouvrage dédié au Roi. Paris, 1827; Debure, libraire
du Roi, rue Serpente, n°7; Tilliard , rue Hautefeuille, n° 21 ;
Picquet, géographe ordinaire du Roi, quai de Conti, n° 17.
Prix de l'Atlas séparé , 25 fr. Avec les quatre vol. de texte in-8°,
55 h., et 60 fr. avec figures coloriées.
Cet Atlas, formant 12 feuilles grand in-folio , comprend:
i° une carte détaillée du cours du Nil et du fleuve Bleu, di-
visée en 10 feuilles, chacune accompagnée de son explication ;
20 une carte générale de l'Egypte et de la Nubie , à laquelle
on a joint la Cyrénaïque et l'Arabie Pétrée, une partie du
Soudan , du golfe Arabique , de la Palestine, de l'Abyssiuie et
d'autres pays adjacens. Cette carte , de grand format atlan-
tique, embrasse le cours entier du Nil et celui du fleuve Bleu.
Les travaux des savans voyageurs français , et principale-
ment ceux du défunt colonel Jacotin , avaient produit une
bonne carte de l'Egypte; mais, au-delà, nous n'avions encore
rien de positif sur les Oasis du désert de la Lybie, et au sud,
sur le cours du fleuve et les contrées qui l'avoisment; telle est
la plus grande lacune que M. Caillaud a remplie : elle com-
prend près de trois fois la longueur de l'Egypte. Les soins scru-
puleux que l'auteur a mis à dresser ses cartes, et le choix des
observations astronomiques et des itinéraires qui leur servent
de base , sont dqs garans de leur exactitude. Z.
7/4. — * Atlas géographique et statistique des départemrns de
SCIENCES PHYSIQUES. SCIENCES MORALES. 176
In France» Paris, 18917; Baudouin. Prix de chaque carte enlu-
minée, i fr. k<> c. |>ii,<' séparément, et 1 fr. a>5 c. pour les
souscripteur! de l'atlas entier (voy. Rev. E/tc.t tom. xxxv t
Les derniers tableaux de cél .nias, qui viennent de paraître,
lont ceux des départemeus du Morbihan , du Jura , de I\-//-
riège , de la Haute- Saône , de la Meurtlte el «le /" Corse ; ceux
nui restent encore ù publier pour compléter l'ensemble de nos
tlépartemens ^<>nt ceux du Cantal, de Y Isère, de l;i Loire,
de la Haute-Garonne, du / V//-, do la Vendée et de la Seine.
— On ne .saurai» trop recommander une entreprise qui tond à
rendre ia géographie de la France lout-à-fait populaire, er
à mettre à la portée des fortunes les plus médiocres les cartes
de chacune des divisious politiques et administratives de notre
patrie. L'effet moral d'un semblable ouvrage, indépendamment
! de l'instruction pratique , si utile pour les affaires, les rela-
t lions , le commerce , les voyages , est aussi d'attacher par des
liens plus étroits chaque Français à la vaste et belle contrée
dont il est citoyen et dont il acquiert facilement, et à peu de
frais, une connaissance plus exacte et plus complète. S. M.
Sciences religieuses , morales, politiques cl historiques.
75. — fol tu ire apologiste de la religion chrétienne, par
"auteur des Apologistes involontaires. Paris, 1827; Méqnignon -
Junior, rue des Grands- Augustins, n° 9. In-8°; prix, 6 [\\
Tout est excellent dans les OEuvres de Voltaire, disent
quelques enthousiastes partisans de la philosophie du xvme
siècle et de celui qui en fut un des plus beaux ornemens: rien
n'est bon dans les OEuvres de Voltaire, répondent à leur tour
d'autres fanatiques, non moins ridicules que les premiers. 11
y a du bon et du mauvais dans les OEuvres de Voltaire : pre-
nons le bon, laissons le mauvais; c'est le langage du bon sens
et de la raison; c'est celui du vénérable auteur du Voltaire
apologiste de la religion chrétienne, et des Apologistes involon-
taires , que sa sagesse, sa modération, son âge avancé, les
services qu'il a rendus à l'église, et l'estime publique dont il est
entouré n'ont pu soustraire aux coups de la persécution et de
l'arbitraire. Plus Voltaire a été nuisible à la révélation, quand
il en a combattu les principes, plus il peut lui devenir utile,
quand il rend hommage à la certitude de ses preuves; c'est la
lance d'Achille : il fait la blessure et il la guérit.
Nous ne craindrons pas d'emprunter ici un passage de l'ar-
ticle Voltaire , dans la Biographie universelle, parce que ce
176 LIVRES FRANÇAIS.
passage exprime notre opinion sur ce grand écrivain. « Il y
avait en lui comme une lutte continuelle du bon et du mau-
vais principe. Suivant que l'un ou l'autre était vainqueur, il
faisait tics actions louables, ou s'abandonnait à des mouve-
mens repréhcnsibles; il composait des ouvrages dignes d'admi-
ration, ou laissait quelquefois échapper des productions dignes
de mépris. Pour le juger, il faut lui emprunter à lui-même une
ingénieuse allégorie, celle de cette jolie statue, formée de tout
ce qu'il y a de plus précieux, et de ce qui l'est le moins, qui
fut présentée par Babouc à l'ange Ituriel, pour lui faire com-
prendre ce qu'il fallait penser de Persépolis. Faisons comme
le génie : blâmons les excès où Voltaire s'est laissé entraîner,
déplorons les maux qu'il a faits; mais rendons justice à ce qu'il
avait de bon, et jouissons des chefs-d'œuvre qu'il a créés:
enfin, ne brisons pas la statue d'un grand homme, parce que
tout n'y est pas or et diamant. »
On s'est plaint fréquemment qu'on ne trouve pas, dans les
écrits des défenseurs de la religion, autant de talent que dans
ceux de ses adversaires; M. M a voulu faire cesser ces
plaintes, en publiant un ouvrage apologétique écrit avec pureté,
étincelant d'esprit > dans lequel la vérité est ornée de toutes les
grâces de l'imagination ; un ouvrage, en un mot, dont Voltaire
seul est l'auteur; il n'a fait que suivre la marche tracée par ce
philosophe lui-même. «On a beaucoup écrit, disait-il, contre
les incrédules. Voyant que ces ouvrages n'étaient pas un pré-
servatif suffisant contre la malignité des leurs, j'ai tenté une
autre voie. J'ai parcouru le plus dangereux et le plus écouté
d'entre eux, celui en qui on avait le plus de confiance, et qui
avait le mieux réussi à propager l'erreur. Je puiserai donc dans
ses œuvres, et je pense que plusieurs, attirés par le nom qu'ils
verront à la tète de l'ouvrage, le liront non-seulement sans
défiance, mais môme avec édification. Par là je pare tous les
coups que l'auteur porte à la religion, je sanctifie des écrits
plus que profanes, et je change en un baume salutaire le poi-
son qu'un ennemi si dangereux avait préparé. »
76. — Le faux Miracle de Migné, près Poitiers , le 17 dé-
cembre 1826, ou Y Imposture découverte ; par M. l'abbé de la
Neufville, bachelier de l'ancienne Faculté de Théologie de
Paris, et ancien vicaire général de Dax, Paris, 1827 ; Ponthieu,
au Palais-Royal, galerie de bois, nQ 252 ; prix, 40 cent.
L'apparition de l'a croix de Migné est attestée par de^
hommes revêtus d'un caractère respectable. Le procès-verbal
des enquêtes et des rapports a été imprimé à Poitiers, à Paris,
ii Orléans, etc.; il s'en est vendu plus de vingt nnlie exem-
SCIENCES RIOR ILE i •
plaires, avec un pareil nombre de lithographies, représen
i;ini cci événement. Est ce un miracle, ou n'est-ce ftu'nne
jonglei ie ? ( !eci mérite le j>lus mur examen. Si le fait esi mira-
ciilcii\, c'est, aux veux des chrétiens, un nouveau témoignage
en faveur de la révélation ; si c'est le fruit de l'astuce el de
t.i fourberie, les auteurs devraient être sévèrement châtiés,
parce qn il- jettent du Louche sut les miracles évà.ngéliques,
parce qu'ils outragent la Divinité, qu'ils font mouvoir à leur
gré, parce qu'ils insultent à la raison humaine. Actuellement ,
•M. l'abbé de la Neufville a-l-il réussi b découvrir f imposture f
ainsi qu'il l'a promis? nous invitons nos lecteurs à se procurer
s;i brochure et à juger par eux-mêmes.
Quoi qu'il en soit, on peut être très -bon catholique, et ne
pns croire au miracle de Migné, lors même qu'il serait parfai-
tement constaté, et à tant d'autres prodiges, dont notre siècle
abonde. Gerson déclare, dans sa lettre à Conrad, archevêque
de Prague : que te tenis des miracles est passe, et an'// s'en est
fait autrefois un assez grand nombre pour établir le christia-
nisme. On peut aussi proclamer la vérité de ce miracle, et
même en signer le procès-verval , sans avoir une foi bien ro-
buste. Voltaire certifia le miracle opéré sur Mme Lafosse, en
1725 : il en écrivait, en ces termes, à Mme de Dernières : « M. le
cardinal de Noailles a fait un beau Mandement à l'occasion du
miracle; et, pour comble d'honneur ou de ridicule, je suis
ciré dans ce Mandement. On m'a invité en cérémonie à assister
an Te Deum qui sera chanté à Notre Dame, en actions de grâces
de la guérison de M,ne Lafosse. M. l'abbé Couct, grand-vicaire
de S. Em., m'a envoyé aujourd'hui le Mandement. Je lui ai
envoyé une Marianne, avec ces petits vers-ci :
Vous m'envoyez un mandement
Recevez une tragédie,
Afin que mutuellement
Nous nous donnions la comédie.
J.-J. Rousseau certifia que les prières de Michel-Gabriel de
Rossillion de Bernes, évéque de Genève, avaient éloigné, en
1729, de la maison occupée par Mu,c de Warens à Annecy, les
flammes d'un violent incendie qui la menaçaient. Il en parle
dans ses Confessions. L'historien de l'évéque de Genève rap-
porte le certificat, p. i63, part ic de la farcie ce prélat. Et
cependant, Voltaire et Rousseau ont attaqué la possibilité des
miracles. J. L.
77. — * Dictionnaire universel de droit français , par J.-B.-J.
Paillif.t, avocat à la cour royale d'Orléans, et plusieurs
t. xxxvi. — Octobre 1827. 1 a
i;« LIVRES FRANÇAIS.
publicistes, jurisconsultes, administrateurs français et étrahf
gers. Toin. III. Paris, 1826; Tournachon-Molin. In -8° de
63-2 pages; prix du vol., 10 fr.
M. Pailliet poursuit avec zèle et courage la tâche difficile
qu'il a entreprise, d élever à la -jurisprudence française, et
nous dirions même étrangère , le grand monument qu'il lui a
consacré. Le 111e volume que nous annonçons contient un
grand nombre d'articles dont plusieurs ont beaucoup d'im-
portance. Tels sont les snivans : Adultère , adultérins , affinité ,
ajournement , etc. Nous avons déjà donné au travail de M. Pail-
liet les èncouragemens qu'il nous semble mériter (voy. Rev. Enc,
tom. xxix, p. 220, et xxxu, p. 167); sans entendre nous ré-
tracter aujourd'hui , nous ne cacherons pas à cet honorable
jurisconsulte qu'il nous paraît trop étendre son cadre. En
effet, les trois volumes publiés jusqu'à ce jour sont loin d'avoir
épuisé la lettre A, et nous remarquons dans celui-ci des
articles entièrement étrangers à la jurisprudence , comme
ceux : Agnus Dei ; A Guy tan neuf , etc. Sans doute l'un des
premiers mérites de ce genre d'ouvrages , c'est d'être parfai-
tement complets ; mais il ne faut pas cependant sortir de son
sujet, surtout lorsqu'il est aussi vaste que celui dont M. Pail-
liet s'est emparé. A. T.
78. — * Des pouvoirs et des obligations des jurys, par Richard
Philipps, ex-shérif de Londres et deMiddlesex ; traduit de l'an-
glais, et précédé de Considérations sur le pouvoir judiciaire en
France , en Angleterre et aux Etats-Unis d'Amérique; par
Charles Comte, avocat. Seconde édition. Paris, 1827; Rapilly.
In-8°;prix, 8 fr.
Depuis la première édition de cet ouvrage , les lois relatives
«à l'institution du jury ont éprouvé des changemens considé-
rables, soit en Angleterre, soit en France. Cette institution,
dont l'origine se perd dans la nuit des tems , n'avait jamais
été considérée dans son ensemble par la législature anglaise.
Toutes les fois qu'on y avait aperçu quelque vice, on avait
cherché à y porter remède; mais ce n'est qu'une à une que les
imperfections en avaient été corrigées. Cette manière de pro-
céder avait sans doute plusieurs avantages. Elle ne fixait ja-
mais l'attention du public et des jurisconsultes que sur un seul
point; et, par conséquent, la question était mieux entendue
et mieux traitée. Elle ne donnait point au ministère le moyen
d'introduire des dispositions vicieuses, sous prétexte de faire
disparaître de légères imperfections.
Mais, si cette manière de procéder avait eu des avantages,
elle avait aussi des inconvéniens, et nous devons mettre au
SCIENCES MORALES. 179
nombre des plus graves l'immense multitude de statuts dont la
connaissance était nécessaire pour avoir des idées exactes sur mie
seule institution. Richard Phillips en avail rapporté dans son
ouvrage une quarantaine des plus remarquables; mais il n'avait
cité qu'une faible partie de ceux qui existaient. Les titres seuls
qui ont été abrogés et remplacés par des dispositions nou-
velles forment quatre ]>;* l;cs et demie d'un grand in-4°« (»^
Statuts ne sont pas tOUS conçus dans la même langue : plusieurs
étaient en mauvais latin; quelques-uns en vieux français nor-
mand; d'autres en mauvais anglais. Les difficultés du langage
se joignaient ainsi aux difficultés que faisaient naître déjà la
multiplicité de ces statuts et l'obligation de consulter aussi une
foule de décisions judiciaires. Car les précédais, c'esf-à-dire,
les arrêts des cours étaient encore plus nombreux que les
statuts.
Enfin, en 1825, un ministre, M. Peel, a eu le courage de
fondre en une seule loi tous les statuts et toutes les décisions
qui se rapportaient à un même sujet. Il a fait mieux; il a fran-
chement adopté toutes les réformes qui étaient sollicitées de-
puis plusieurs années, soit par les jurisconsultes eux-mêmes,
soit par les amis les plus éclairés de la liberté. Cette grande
réforme, à laquelle ont concouru les jurisconsultes les plus
instruits, sans distinction d'opinions politiques, a été exécutée
avec une franchise et une droiture admirables. Dans cette oc-
casion , on a pu se convaincre qu'en Angleterre, tontes les
fois qu'il est question de justice intérieure, les partis s'effacent
complètement. Il n'y a plus ni wbigs, ni torys, ni radicaux;
mais seulement des hommes qui cherchent de bonne foi quelle
est la méthode la plus sûre pour arriver à la vérité, et pour
maintenir chacun dans la possession de ses droits. Aussi, lors-
que le projet de M. Peel a été présenté à la Chambre des
Communes , il est devenu le sujet de très-beaux discours; mais
il n'a éprouvé aucune objection. Ce projet, adopté sans oppo-
sition , est un véritable code ; car il ne laisse rien à résoudre.
C'est le premier qui existe en ce genre, et c'est aussi le seul.
M. Charles Comte, dans la nouvelle édition qu'il donne de-
là traduction de Philipps, a supprimé les statuts que l'auteur
y avait insérés, et il les a remplacés par la traduction delà loi
nouvelle. Il a fait disparaître aussi les nombreuses notes, à
l'aide desquelles il expliquait les termes de la jurisprudence
anglaise, inintelligibles pour toutes autres personnes que des
jurisconsultes anglais. 11 à remplacé ces notes par une exposi-
tion des juridictions ou de la division territoriale de l'Angle-
terre, des magistratures, des actes judiciaires et même des
12.
• 8o LIVRES FRANÇAIS.
*
délits, dont la connaissance est nécessaire pour en tenu re par-
faitement les dispositions relative s aux jurés et aux jurys. Il a
donné l'explication de tous les termes, en suivant l'ordre alpha-
bétique; mais il a indiqué en même tems l'ordre dans lequel
les articles doivent être lus, lorsqu'on veut ne pas interrompre
le fil des idées. D'autres écrivains avaient fait connaître d'une
manière plus ou moins complète la constitution du gouverne-
ment; M. Charles Comte paraît s'être particulièrement attaché,
dans cette partie de l'ouvrage, à faire connaître la constitution
du peuple.
La partie de la législation française qui est relative au jury
a aussi éprouvé une révolution. Cette révolution, il est vrai,
n'est pas aussi complète que pourraient le désirer les amis des
garantes judiciaires; mais elle nous a fait faire néanmoins un
grand progrès. Plusieurs des principes de la loi anglaise ont
été franchement adoptés, et particulièrement ceux qui sont
relatifs à la formation et à la publication des listes annuelles,
et au tirage au sort des jurés. La loi anglaise diffère de la loi
française en un point très -remarquable : c'est dans le degré de
confiance qu'elles accordent à l'intelligence et à la bonne foi
des fonctionnaires publics. La première ne laisse rien à leur
discrétion ; elle descend dans les détails les plus minutieux;
eile attache des peines aux infractions les plus légères; enfin,
elle trace jusqu'à la formule des actes qu'elle prescrit. La
seconde, au contraire, se borne à poser des principes géné-
raux, et laisse au pouvoir discrétionnaire des officiers publics
tous les détails d'exécution. M. Comte a fait sentir cette diffé
rence, en mettant en parallèle les diverses infractions qui
peuvent être commises chez les deux nations. Les tableaux
qu'il en a donnés méritent d'être consultés par tous ceux qui
s'occupent de l'étude ou de la rédaction des lois.
Une partie des lois romaines ont été considérées comme la
raison écrite, et c'est ce qui a fait la plus grande partie de leur
force. Nous ne craindrons pas de prédire que les dispositions
de la loi anglaise sur le jury, et sur quelques autres parties
de l'ordre judiciaire, seront bientôt vues avec la même fa-
1 -eur. Déjà, avec les améliorations que nos lois ont subies à
cet égard, il est beaucoup de pratiques anglaises qui peu-
vent è!re adoptées, et qui le seront probablement par tous les
fonctionnaires de l'ordre administratif ou judiciaire jaloux de
se mettre à l'abri de tout reproche de partialité. Il leur serait
difficile de trouver des instructions plus justes et plus détail-
lées, soit sur les moyens de former et de publier les listes,
soit sur la manière d'en extraire un certain nombre de noms,
SCIENCES RtOfl W.K.S.
soti mu le tirage attaorf des jurés, *"it enfin sur la manière
de présider les assises al de diriger les débats. Les jurés aussi
pourront v trouver des règles «le conduite pour lemplir les
devoirs qui lew iooI imposés ( ou pour exercer 1rs pouvoirs
que le> lois leur donnent. Les règles «le la justice sort partout
les mêmes; et, lorsqu'un procédé <-st reconnu bon , nulle
part on ne peut mieux en tracer les règles que dans le pays
où il est pratiqué depuis des sieeles.
M. Charles Comte a lait précéder la traduction qu'il donne
de l'ouvrage de Phillips et de la nouvelle loi anglaise * de Con-
sidérations sur l'ordre judiciaire. Le long séjour qu'il a fait en
Angleterre la mis à même de comparer i<% système anglais au
tèine français. Ces considérations forment près de la moitié
du volume : elles sont trop importantes pour qu'il nous soit
possible d'en donner ici l'analyse. Elles se rattachent au 'Iraiu-
de législation du même auteur, et eu forment en quelque sorte
la suite.
La première édition des Pouvoirs et des obligations des jurys,
était depuis long-tèms épuisée; les personnes qui n'ont pu en
faire l'acquisition auront peu de regret du retard que M. Comte
a mis à publier la seconde. *.
71). — * Guide des Jures , contenant : la Charte constitution-
nelle, l'abrégé historique du jury, la loi du i mai 1827, l'or-
donnance du 27 juin de la même année, les circulaires et ins-
tructions ministérielles, les dispositions du Code d'in truction ,
les lois pénales qui concernent ies jurés, celles sur la taxe des
Irais de voyages fies Calculs propres à en faciliter l'exécution;
le tout suivi, sous chaque article, des motifs extraits des dis-
cours des orateurs des deux Chambres, des arrêts de la Cour
de cassation et des Opinions des auteurs, avec deux Tables ,
l'Une par ordre des matières, l'autre raisonnéc et alphabétique;
par M. TouoAr.n, avocat à la Cour royale de Rouen, ancien
magistrat. Paris, 1827 ; Baudouin frères, INève. In-18 de 186'
p. ; prix, 2 fr.
V oilà un titre qui vaut à lui seul une analyse d'ouvrage.
C'est un projet fort louable que d'avoir réuni dans un petit
volume Ses textes et les instructions que les jurés français doivent
connaître* Le rôle du jury est si important dans une bonne or-
ganisation judiciaire, que les citoyens ne sauraient apport»!
trop d'attention à s'instruire des devoirs que des fonctions aussi
graves leur imposent. Il s'en faut.de beaucoup que l'institution
du jury ait acquit encore tous les developpemens que l'avenir
de notre législation lui réserve sans doute. Restreint aujour-
d'hui à la connaissance des affaires auxquelles on attache
i8a LIVRES FRAIS ÇAÏS.
exclusivement le nom d'affaires criminelles, le jury paraît â un
grand nombre de publicistes pouvoir être appelé à juger, dans
le reste des procès , les points de fait en litige. Pour arriver
aux améliorations qui résulteraient d'une plus grande extension
donnée aux attributions du jury, il faut que les jurés ne man-
quent pas au pays, non-sculcmeut par leur nombre, mais en-
core par leurs lumières : l'un des meilleurs moyens pour les
aider à s'éclairer est de leur mettre dans les mains des ouvrages
aussi clairs et aussi faciles que celui de M. Tougard. Nous lui
soumettrons deux seules observations de détail. Il est d'avis ,
p. 73, que les jurés n'ont pas le droit de demander que des
témoins se retirent de l'auditoire, et soient entendus de nou-
veau, séparément, ou en présence les uns des autres. Nous
croyons au contraire, que les jurés peuvent et doivent faire
cette demande, toutes les fois qu'elle est nécessaire à leur con-
viction, sauf au président à statuer. Les termes de l'article 3a6
se bornent à donner au président le droit d'être juge de l'utilité
de cette demande; mais il n'en est absolument aucune qu'il soit
interdit aux jurés de faire. L'autre observation porte sur une
rectification à faire au premier alinéa de la page 169, d'après
une jurisprudence récente qui assimile avec beaucoup de raison
aux veuves n'ayant point de fils ou petits-fils , celles qui n'en
ont que de mineurs ou incapables. Nous ne partageons pas les
scrupules qui ont empêché M. Tougard d'ajouter à son volume
la table des peines dont il avait préparé le travail. La loi pénale
est faite pour être connue de tous les citoyens, et des jurés plus
que des autres. Elle aurait très-naturellement trouvé sa place
dans ce petit ouvrage , écrit dans l'excellente intention de po-
pulariser la connaissance des lois. C. R.
80. — * De la peine de mort, par Adolphe Garnier, avocat
à la cour royale de Paris : Mémoire qui a obtenu îa médaille
d'argent décernée par la Société de la morale chrétienne , dans
sa séance du 27 avril 1827, avec cette épigraphe : Melioribus
uterc fatis. Paris, 1827; imprimerie de Guiraudet. In-8° de
101 pages d'impression.
Cette dissertation sur la peine de mort a obtenu une dis-
tinction honorable dans le concours ouvert sur cette immense
question par la Société de la morale chrétienne. Nous avons
annoncé (Voy. Rce. Enc. , t. xxxv , p. 44^) que nous consa-
crerions un article d'analyse à l'ouvrage de M. Lucas , qui a
remporté le prix ; nous nous proposons de donner aussi , dans
cet article , des détails sur la manière dont M. Adolphe Garnier
a envisagé son sujet, et nous nous contenterons aujourd'hui
de le recommander à ceux de nos lecteurs qui aiment les études
SCIENCES mou w.K.s. .s;
philosophiques appliquées b des question* de haute légis-
lation. A. T.
Si. - * Des droits et des devoirs d<- In magistrature française
et dit Jury, par M. Boyard , conseiller à la (loin- royale
(le Nancy. Pans, i 8273 Cave/., nie de Seine, 11" 'i \ . In 8° de SX]
et 48a pages ; prix , (> fr.
Cet ouvrage, quoique nous ne partagions pas toutes les
opinions de l'auteur, nous paraît remarquable sous plus d'un
rapport, el il fournit une nouvelle preuve, ajoutée à tant
d'autres, du zèle avec lequel notre magistrature se livre à
l'étude consciencieuse de ses devoirs, et de l'ardeur qu'elle
apporte à embrasser la défense de tout ce qu'elle regarde comme
essentiel au maintien et à l'agrandissement de nos libertés pu-
bliques. M. Boyard s'est fait l'idée la plus noble et la plus liante
des fonctions de la magistrature; plein de vénération pour elle,
et de confiance dans les lumières et dans les intentions pures
de la très-grande majorité de ses membres, il ne s'en montre
cependant jamais le flatteur, et ne lui épargne pas des avis
sévères. Dans les cinq livres dont son ouvrage se compose, il
examine successivement Injustice et la magistrature avant 1789,
depuis l'assemblée constituante jusqu'au gouvernement impé-
rial, sous l'empire et depuis la restauration; enfin, le jury, tel
qu'il est, et tel qu'il pourrait être. L'ouvrage est terminé par
des pensées sur la magistrature, extraites des divers écrits de
D'Aguesseau, pour lequel M. Boyard professe le culte de la
plus haute admiration. A toutes les pages, un amour très-ardent
pour l'indépendance de la magistrature et pour sa gloire, anime
et élève la pensée de l'auteur; nous voudrions, toutefois, que
sa polémique fût habituellement moins âpre, et, par exemple,
qu'en combattant l'ouvrage sur la Justice criminelle , publié
avec beaucoup de succès par un ancien magistrat de Grenoble ,
M. Bérenger, il se fût abstenu de dire: « Il faut toujours se
délier de ces livres faits par spéculation » (p. ^33); qu'il n'eût
pas, en réfutant une opinion émise à la Chambre des députés
par un autre magistrat, M. Mestadter, employé des paroles
telles que celles-ci : « Qu'est-ce que cela signifie? c'est une in-
jure en l'air, et rien de plus : si le réformateur eût lui-même un
peu médité sur ces faits qu'il livre aux méditations de la
Chambre, il aurait sans doute aperçu sans de grands ef-
forts, etc.» (p. 1/J7). ï-e livre sur le jury, écrit en 1819,
contient avec quelques idées qui diffèrent des nôtres, beaucoup
de fort bonnes vues, dont plusieurs ont été adoptées dans la loi
nouvelle qui a amélioré le mode de formation des listes; mais
le ton général de l'auteur est quelque peu dédaigneux envers
,$4 I IVRES FRANÇAIS.
le jurv, perpétuellement sacrifié à la magistrature lorsqu'il est
mis en parallèle avec elle. M. Boyard combat très- vivement j
quoique par un ^eul motif, l'introduction du jury dans le juge-
ment des affaires correctionnelles; il craint que le zèle des jurés
ne suffise pas à ce surcroît d'occupations; l'expérience de la
valeur de celle objection va bientôt être faite, lorsque la nou-
velle loi sera mise à exécution. Il nous paraît aussi traiter
beaucoup trop légèrement la question du jury en matière civile,
qui n'a point cessé, quoiqu'il en dise, d'attirer les méditations
d'un grand nombre de fort bons esprits. « On ne songe plus
aujourd'hui, dit-il, à lui donner une telle extension; mais il
est encore des esprits chagrins qui, ne pouvant revenir de leurs
préventions contre la magistrature, voudraient au moins des
jurés correctionnels. M. Bérenger, par exemple, voudrait de
grandes et de petites assises, etc. » C'est se préoccuper étran-
gement que de supposer ainsi l'esprit chagrin à quiconque en-
visage ces graves questions sous un tout autre point de vue que
l'auteur. Pour en finir avec les critiques, je regretterai que
M. Boyard ait été trop sobre de citations de faits, et se soit
fréquemment contmlé de procéder par voie d'allusions à des
faits que le lecteur aimerait à comprendre mieux fcl à voir expli-
quer avec les noms et les dates; cette précision dans les cita-
tions en ferait, en quelque sorte, des pièces justificatives, qui
ajoutent ordinairement beaucoup de poids aux observations.
M. Bovard termine son ouvrage en annonçant que, si le pu-
blic accueille cette partie de son travail, il se propose de le
compléter en considérant l'ordre judiciaire dans ses rapports
avec la liberté desculîes, la royauté et l'administration publique,
et la liberté de la presse. On ne saurait trop souhaiter cette
publication; car il y a beaucoup à gagner dans les paroles
consciencieuses et fortes d'un magistrat qui, avec une entière
bonne foi , el en s'abandonnant avec complaisance à ses impres-
sions habituelles , s'exprime sur une matière dont l'importance
s'accroît chaque jour, et sur laquelle il devient de plus en plus
nécessaire de connaître l'opinion dominante dans la magistra-
ture. Les idées contenues dans le volume des Droits et clés
Devoirs permettent de penser que M. Boyard esi, sous plusieurs
rapports, un représentant fidèle de cette opinion.
Ch. Renouard, avocat.
82. — * Précis de l'histoire gé/ténde des jésuites , depuis la
fondation de leur ordre, le 7 septembre i54o , jusqu'à ce jour;
par A. J. B. Deuxième édt lion. Paris , 1827; Aimé Payen. % vol.
in- 18 , ensemble xxviij et 838 pages; prix, 4 fr.
Le compte avantageux et détaillé que nous a\ons rendu de
SCIENCES iMOHAl.lvS .s,
flivrage \ <>n . He*, Une. , tome \\i\ , p. H i r>> nous dispen te
ftOUm«ttre à un nouvel c\ainen. Nous nous bornons a rap
• notre premier jugement , en disant que jusqu'ici on n'a
cci it de plus siicciuci , ni de plus intéressant sur eette
ilietc laineuse : r.uiteur a suivi pas à pas I histoire générale
1 jésuiles (|iii avait parti en si\ volumes in- 1 v, , en i 70''. Celte
lltoire, à laquelle on ne pouvait reproelier que d'être trop
ligue, (leinanilait qu'un homme savant et impartial en fît une
*le de précis. M. A. ./. />. s'en est chargé, on peut dire , avec
nuage, puisque celte publication l'a lait attaquer en jus-
B* l'année dernière. Mais nos tribunaux, en l'acquittant , ont
ridu témoignage de leur amour pour la vérité, et. de la
fcune loi de l'auteur, (l'est \\t\c qualité ({n'en ce siècle les
I leurs recherchent plus que tout autre, parce qu'ils veulent
Innt tout connaître les faits dans leur exactitude, afin d'éloi-
ler les chances d'erreur dans le jugement qu'ils en por-
tent. M.
Itt^. — * Histoire militaire des Français par campagnes. 6e li-
iaison. — Histoire des guerres de la révélation , par /.-P.-G,
i.nnkt, chef de bataillon au corps royal d'état- major : Cani-
gnes du Nord , en 1792 et I79'3. Paris, 1827; Àmbroise Do-
nt. In- 18 de 36o pa^es, avec une carte , un plan de la bataille
f'dhnv , et deux portraits ; prix, 3 fr. 75 c
L'iiistoiie militaire fournit à l'homme de guerre plus de faits
ktructifs que l'histoire politique ne peut en offrir à l'homme
Mat : c'est un recueil d'expériences dont les données sont
se/, bien connues, en sorte que les lois de la formation des
Suttats peuvent être aperçues et vérifiées; les préceptes que
)ii en déduit ne sont autre chose que l'application de ces lois.
ais les guerres civiles, dans tous les tems, et les guerres de notre
■voliition, renferment tant d'cîcmens divers et d'une ana! vsesi
flicile, que leur histoire est presque perdue p >ur les études
ilitaires, et ne peut ^ucre être utile qu'au moraliste et au po-v
tique. Ce n'est plus au récit des combats, à l'exposition des
hî 11s de campagne, à l'influence des victoires ou des défaites
ail faut donner le plus d'attention : comme le caractère de
5 guerres change avec l'état des nations, on peut affirmer
nrdimeut que celles qui éclateront parmi nus descendans ne
«sembleront nullement à celles dont les tems passés nous ont
•ansmis le souvenir. Les événemens de cette nature doivent
tre écrits pour tout le monde, et non pour les militaires seu-
micnf; les mémoires anecdotiques sont alors les meilleures
istoii es. Il est à craindre que l'historien ne décolore ses ré-
ils et ne leur fasse perdre ce qui les rendait le plus iutéres-
186 LIVRES FRANÇAIS.
sans , en élaguant les faits qui ne sont pas une partie essentielle
du tableau qu'il a voulu tracer. M. Viennet est exact autant
qu'on peut l'être en ne disant rien qui ne soit vrai; mais il no
lui était pas possible de tout dire dans un aussi petit volume,
et le silence est une des infidélités de l'histoire, lorsqu'elle tait
ce qui est le plus digne d'être connu. On ne se plaindra point
du narrateur pour tout ce qu'on lit dans ses récits; mais on
regrettera qu'il n'ait pas fait deux volumes, au lieu d'un seul ,
afin de donner place à une foule d'anecdotes, de faits et de
mots caractéristiques des hommes et des mœurs militaires de
cette époque, mélange singulier du caractère national, d'an-
ciennes habitudes et de l'effervescence révolutionnaire. L'au-
teur a fait son cadre beaucoup trop étroit pour le tableau qu'il
devait renfermer. Quelques-uns des événemens politiques de
celte même époque sont présentés par l'historien sous un faux
aspect; on voit qu'il n'a pas puisé aux véritables sources ; il n'a
pas consulté le petit nombre de sincères témoins qui vivent
encore, et qui voient répandre chaque jour les falsifications
historiques dont les compilateurs à venir tireront les matériaux
de ce qui portera définitivement le nom d'histoire. Il ne faut
chercher dans cet ouvrage que le récit des faits militaires, les
seuls que l'auteur ait eu le projet d'écrire; les autres événe-
mens n'ont pas subi l'épreuve d'un examen assez sévère. Tel
qu'il est, cet ouvrage seraJu avec intérêt, et l'on y reconnaît
partout l'excellent citoyen, le militaire instruit et l'écrivain dis-
tingué. N.
84. — * Histoire de Napoléon ; par M. de Norvins, ornée de
portraits , de vignettes , de cartes et de plans. T. Ier. Première
livraison. Paris, 1827; Ambroise Dupont et C ie., rue Vivienne,
n° 16. L'ouvrage aura 4 vol. in -8° d'environ 45o pages. Les
livraisons paraissent tous les dix jours; prix , 2 fr. 5o c.
Il y a du bonheur à publier un pareil ouvrage, au moment
même où celui de Walter Scott succombe aux critiques de tonte
nature. M. de Norvins y travaillait depuis Iong-tems; il ne l'a
pas entrepris pour répondre aux provocations, ou pour rele-
ver les erreurs du barde écossais; mais il arrive à propos. La
curiosité publique, éveillée par la longue diatribe anglaise, lui
saura gré de s'être trouvé prêt, et d'avoir repoussé d'avance
les outrages, les calomnies dont un étranger haineux s'étail
promis d'abreuver l'armée française et la France. M. de Nor-
vins en aura bien mérité, si, comme il a dû s'en faire une loi
il n'oppose que la vérité à la passion et l'éloquence des fait*
aux suppositions d'une incroyable inimitié. Son ouvrage alorc
ne sera point une simple apologie , mais une histoire. R.
:
LITTÉRATURE. 189
Littérature
35. — * Encyclopédie moderne f ou Dictionnaire abrégé des
//ers, des lettres et des dits; avec l 'indication des ouvrages
les divers sujets son! développés h approfondis; par
Coi &TIN, ancien magistrat, et par une société de gens de
res. Tome xi*. Paris, 1827 j au bureau de l'Encyclopédie,
• Nonvc-Saint-Hocli, n" 24. In-8° de 64.0 pages; p'i*> 9 fr-
dv. Rev. Eue, , t. \\\ii, p. /»Hi, et t. xxxiv, p. 209.)
0:1s ik> rappellerons pas à nos lecteurs tout ce qne la civi-
tion a gagné à l'exécution tic L'idée primitive qui tondait à
mir, en un seul ouvrage, la totalité des connaissances hu-
lines , perdues dans une foule de livres, de brochures, de
•moires, ou prêtes à disparaître avec les hommes qui les pos-
taient, mais qui n'avaient pas le talent ou la volonté de les
miser par un écrit. Le mouvement que la première tenîa-
e en ce genre, faite sous la direction de Diderot, imprima
I propagation des idées, fut immense. L'auteur eut beau-
up à lutter; mais il triompha des obstacles par son éner-
rjue persévérance; et, si son ouvrage ne fut pas exempt de
fauts, il n'en arriva pas moins à rendre la science pratique
la vérité toute-puissante. D'autres dictionnaires du même
(nre furent successivement publiés en France et dans les pays
•angers; le plus remarquable d'entre eux est certainement
Encyclopédie méthodique de Pancroucke, continuée par sa fille
""' Vgasse. Cependant , l'expérience, la méditation, le progrès
ait, mais continuel, des éludes, ont fait vieillir le plus grand
ombre des articles publiés, il y a vingt ans; des besoins nou-
■3aux se font sentir, de nouvelles lumières se développent, et
masse des idées neuves et des découvertes amène la néces-
té de traiter sous un autre point de vue les objets déjà décrits,
î de rattacher aux principes actuels les doctrines et les faits.
Tel est le but honorable que s'est proposé M. Courtin. Onze
olumes de son Encyclopédie ont déjà paru; le onzième, qui
ient d'être publié, ne sera pas moins bien accueilli par les
kvans et les gens du monde, que les volumes précédées.
Parmi le grand nombre d'articles importans qu'il contient,
DUS avons remarqué l'article : Eclectisme en philosophie, par
1. AIillon, et en médecine, par M. Broussais. Il nous est
iflicilc aujourd'hui de concevoir comment de grands esprits,
?ls que Porphyre, Plotin, Proclus , Ammonius , gens d'un rare
avoir et dune étonnante puissance de conception, furent
ssez aveugles pour croire à la magie, et s'abusèrent assez
i88 LIVRES F&M$ÇAIS.
pour penser qu'on pouvait entretenir un commom: intimi
avec des esprits invisibles, ('es philosophes, (jue l'on nom
mait nouveaux platoniciens, déshonorèrent l'esprit liumah
par leurs folies thénrgkjnes et par les extravagances qu'ils pro-
clamèrent La secte des éclectiques dura depuis le nie siècl<
jusqu'au vne, et on lui dut tontes les superstitions et les héré
sies qui corrompirent la pureté du culte chrétien à son origine
L'éclectisme, en médecine, a également trouvé un antagonisti
redoutable dans M. Broussais; il le regarde comme l'opprobn
de la science. On ne compose pas, dit-il, un système raison
nable avec des débris de doctrines disparates; la doctrine phy
siologique seule est le véritable éclectisme; c'est une mélliod
par laquelle on peut, soi-même, corriger ses propres erreurs
en vérifiant, en recommençant les observations mal faites 01
incomplètes ; c'est l'art de bien juger les faits, et de les mettr
à leur place dans le cadre de la science, eh se gardant de le
inventer ou de les supposer.
Les anatomistes liront avec un grand intérêt l'article Et
cpphale, par M. Fossati, et les gens <\u monde, en le parcou
riint et en prenant une idée exacte de l'organisation cérébrale
repousseront ce préjugé que les nourrices, ou même les ins
trumens du chirurgien , peuvent , par la pression, changer!
forme des tètes des en fans nouveau-nés; ils apprendront aufl
que des faits positifs ont démenti l'hypothèse qui attribuait le
formes différentes des crânes à l'action des mescles sur le
parties osseuses auxquelles ils sont attaché;,.
M. Bory de Saint-Vincent, dont on retrouve le nom etl
talent partout où il y a de l'instruction à donner, a foiui
plusieurs articles importans à ce volume. Nous recommandai
ses notices sur Vêlépkanl, X 'écureuil , les échinodermes , Y cerf
visse , etc. Les mystères de l'histoire naturelle n'ont pour lu
'rien de secret, et il les dévoile avec autant de bonheur que d
talent.
M. Pages s'est distingué par des articles qui sont presque de
traités, sur {'économie politique, les emprunts, {'enregistré
ment ; MM. Courtin et Aubert de Vitry, par d'exceiien
morceaux sur les élections et V éloquence. Ou doit à MM. Kyrie
et Debret des renseignemens utiles et curieux sur Xîigéogropm
j)hysique et sur les monumens de C Egypte ; à M. Tissot de
préceptes littéraires sur Véglogue , tracés avec ce goût, ave
cette connaissance profonde des classiques et de leurs beauté
dont il a donné tant de preuves ; à MM. Le Normand ciMelle
des détails sur les arts, dont l'utilité sera vivement apprécier
Nous engageons à lire l'article Ècarrisseur. Les personnes qu
LITTÉRATURE. 189
voient dans les malheureux chevaux traînés à la voirie
u cli > cadavres sans vn leur se roui étonnées de la quantité de
* 1 1 1 1 1 ^ que l'industrie sail tuer des matières les plus viles el
dus dégoûtantes. Onze mille cbevaut de rebut sont annuel-
•ut abattus au clos de Monifaucon. Leur chair serl à nourrir
chiens, (1rs cochons cl «les poulcîs; les tendons, les jambes
•s sabots à faire de la colle forte; les sabot» sans défauts sont
<lus au\ fabricans de peigue* ciécaUlt} ics Ours soûl livrés
* maréchaux l'en ans' les clous envoyés dans le Cantal pour
souliers des paysans; les os passent au.\ fahricans de noir
■al et de phosphore; la graisse fondue forme l'huile dont
erveul les émailleurs, les hongroyeurs et les bourreliers;
intestins grêles sont enlevés par les fahricans de cordes à
aux; enfin, le détritus général de ce vaste dépouillement
ne naissance aux asticots ou vers blancs* qui procurent aux
isiens désœuvrés le plaisir de la pèche, el qui nourrissent,
'faisans élevés par les oiseleurs. Oti remarquera (pic nous
boas point parlé de la peau, qui forme le premier de ces
ktiiits. Les noms de M. Larriy, à qui l'on doit un article
Vart (/c< embaumemens , de MM. Dubrunfaut, Orhla et
K'ergie, qui se sont occupés des arts chimiques, de M. Fran-
ur , (jui a traité les questions de mathématiques , de M. Ké-
n . (jui a parlé de X éducation en général, et de M. le
Ucuant-gc/irial Fririon, qui a développé de belles idées
X éducation militaire ; ceux du savant M. Ferry , de
Nicollet , astronome , de M. Mirbel , botaniste , de
I. Bksuchkt, Beri.ier, Alexandre. Leno.ib , etc.. sont de
s garans de la science réelle qui recommande ce bel ouvrage
nitcs les classes de lecteurs. R.
&6. — * Monumens littéraires de l'Inde , ou Mélanges de lit-
'aturc sanscrite, contenant une exposition rapide de cette;
'éralure, quelques traductions jusqu'à présent inédites et un
,'rcu du système religieux et philosophique des Indiens, (Fa-
is lents propres livres; par A. Laxglois. Paris , 189.7 •> Lc>_
>re, rue de l'Éperon, n° aG.In-H0 de 268 pages; prix , 5 fr.
L'Inde et sa littérature sont encore trop peu connues pour
'on n'aeem ille pas avec intérêt un ouvrage composé dans le
]t de présenter sous une forme agréable les principaux traits
i la caractérisent. M. Lauglois, frappé de l'inexactitude des
tions répandues dans le monde sur l'Inde ancienne , a voulu,
jmme il nous l'apprend lui - même dans son avertissement, y
'Dstiiuer quelques faits; et , dans ce dessein, il a traduit , de
!ux poèmes dont l'un jouit encore aujourd'hui d'une grande
ébriîé, le Bhâgavata Pourâna et le Uarivamsa , plusieurs
i<)o LIVRÉS FRANÇAIS.
morceaux présentant "des scènes varices et pleines de détails de
mœurs. Ces Fragmens , publiés pour la première fois, sont sui-
vis d'autres extraits déjà traduits, mais qui ont reçu de la ré-
daction de M. Langlois une forme particulière. L'ouvrage entier
est précédé d'un tableau abrégé de la littérature indienne, ré-
digé d'après les nombreux travaux des Anglais. M. Langlois j
retrace d'une manière rapide les principales phases de cette
littérature singulière si profondément empreinte de l'esprit re-
ligieux , qui paraît former le trait caractéristique du génie in-
dien. Les noms de Viasa, Valmihi , Kalidâsa , et la mention
sommaire des ouvrages qu'on leur attribue, se trouvent dan<
cet exposé que les gens du monde liront avec un grand intérêt
Ils remarqueront aussi, dans les morceaux originaux traduits
par M. Langlois, eles particularités curieuses sur la vie privée
d'une nation célèbre dès la plus haute antiquité par sa civilisa-
tion et ses lumières. Dans un tems où les notions que l'on peul
rassembler sur l'état ancien de l'Asie sont recueillies avidement
l'ouvrage de M. Langlois est sur de trouver des lecteurs favo-
rablement disposés, et en même tems qu'il honore l'auteur, il
nous paraît un digne hommage rendu au talent du maître ha-
bile dont M. Lantrlois est sans doute fier d'avoir reçu les leçons
E.
87. — * Nouveau Dictionnaire de In langue française , conte-
nant les mots du dictionnaire de l'Académie, les mots générale-
ment adoptés qui ne s'ytrouvent point, les principaux termes
el'arts, de sciences et de métiers, les expressions figurées ou pro
verbiales , familières, poétiques, populaires ou du style sou-
tenu, avec des définitions; par F.-J. Mayeux. Paris, 1827;
Ferra jeune. In-12 de xxn et 655 pages; prix, 6 fr.
Cet ouvrage a paru, en 1814; depuis ce tems, il a été entre
les mains d'un grand nombre de personnes qui ont reconnu avec
plaisir que, malgré la petitesse de son format, il contient, en
effet, tout ce que promet son titre. ïl n'est guère possible de
faire un autre éloge d'une simple compilation, où l'auteur n'a
rien voulu mettre de neuf. Son but, comme il le déclare dans
sa préface, était de donner sous un format très- portatif lelexique
le plus complet possible. Nous devons dire qu'il a réussi, el
nous recommandons son ouvrage à tous ceux qui, n'ayant pas
beaucoup de tems à consacrer à l'étude des mots , désirent ce-
pendant trouver sur chacun d'eux des notions suffisantes dans
un volume commode. B. J.
88 — Éloge de Bossuct , avec cette épigraphe : Micat intev
omnes. Hor. Paris, 1826; Pillet aîné. In-8° de 62 pages; prix,
2 fr.
LITTÉB \ Il lll.. 191
Ceux qui liront ccl éciïl oe seront pas tentés de rapporter
pigraphc a l'oiu 1 âge. < >n v reconnaît partout une plume peo
en 1 ••, ci les nombreuses citations de Bossuel qu'il renferme
ni singulièrement ressortir la faiblesse et les impropriétés du
v\e de son panégyriste. Si, comme cela est probable, cet
ogc a disputé en 1826 la palme académique, l'auteur ano-
rmc ne doit avoir aucun regret de ne pas être redescendu
nh l'arène. Cir.
89. - ' Œuvres complètes de AT. le vicomte de ChatEAU-
,i\m>, pair de France, membre de l'Académie française,
ïuvième livraison. T. \I\ et XV. Paris, 1827; Ladvocat.
vol. in-80 de 400 et 4^o pages; prix, 1 "> fr. la livraison.
,o\. Rev. F. ne. , t. xwiii, p. i'W e\ I. XXXV, J). 348.)
Cette livraison contient la quatrième partie du dénie du
liri>ti(inisme,\-A Défense de cet ouvragepar l'auteur, sa Lettre
ME. de FontaneSy sur l'ouvrage de M™ de Staël , intitulé : De
1 littérature considérée dans ses rapports avec la morale; les Prê-
tes des éditions précédentes du Génie du Christianisme ; les
itiques qui, à diverses époques, en ont été faites, soit dans
i journaux , soit dans des brochures, et enfin la Discussion
lennelle dont il a été l'objet dans le sein de l'Institut , en
tu.
Nous consacrerons prochainement un troisième article aux
ivres de M. de Chateaubriand. 0
90. — * Traduclhm en vers du poëme de Lucrèce, par M. de
)Ngf.rville. Deuxième et troisième éditions. Paris, 1827 ;
pndey-Dupré père et (ils. 2 vol. in- 8° avec texte en regard;
ix j 1 5 fr.; 2 vol. in- 18 sans texte ; prix, 9 fr.
91. — * Amours mythologiques , du môme auteur. Troisième
Jition, contenant plusieurs fables nouvelles. Paris, 1827 ; Don-
py-Dupré. In-18; prix, 4 fr. 5o c.
tTNous avons été des premiers à faire connaître au public la
•lie traduction de Lucrèce (voy. Rev. Enc. , t. xx, p. 400, et
xxi, p. io3). Depuis (t. xxxn, p. 778), nous avons égale-
.ent rendu justice au charmant recueil des Amours mytholo-
gues. Ces deux ouvrages n'ont désormais plus besoin de nos
>ges : ils sont en possession de la faveur publique, et le nom
! M. de Pongerville est d'ailleurs aujourd'hui une garantie
flisante de talent et de succès. Bornons-nous donc à annoncer
i nouvelles éditions que préparent MM. Dondey-Dupré. Nous
outerons seulement que l'auteur, sévère envers lui-même,
•mine tous les grands écrivains, a fait de nombreuses correc-
(3ns à sa traduction de Lucrèce, et qu'il a à peu près doublé
n recueil des Amours mythologiques , qui, entre autres fables
IÇt LIVRES FRANÇAIS.
nouvellement traduites, contiendra les belles métamorphose;
île Narcisse et de Philomèle. Ch.
0/2. — * Poésies européennes } par Léon Halevy, auteui
d'une Traduction des Odes d'Horace: Première livraison. Paris,
1827. Delaforest, rue des Filles-Saint-Thomas, n° 7. Iu-8*;
prix , 3 fr.
Les mœurs, les préjugés, le langage même des peuples foni
éprouver des modifications sensibles aux productions des an
et de la littérature. Doués d'un génie et d'un talent absolumen
identiques , deux écrivains nés à la même époque , dans de:
nations différentes, donneront à l'ensemble et aux détails d<
leurs compositions des nuances très opposées; ces nuances d<
la pensée doivent être les objets de notre méditation ; c'est ai
moment où le champ de la littérature est en quelque sorl<
épuisé, qu'il faut explorer attentivement les lieux où l'on peu
cueillir encore quelques fleurs nouvelles. Cette idée a san
doute porté M. Léon Halevy à traduire les diverses produc-
tions des littérateurs étrangers. Les morceaux qui composen
la livraison que nous annonçons sont presque tous inconnus
et dus à des auteurs contemporains. Les poésies populaires
qui offrent un caractère d'originalité et. de nationalité, ont fix<
le choix et la préférence de l'auteur. Ce recueil , comme il \\
dit très-bien lui-même , présentera une espèce de panoram;
du génie poétique des nations de l'Europe. Le succès de cett<
heureuse entreprise ne pouvait être douteux , sous les auspice:
du jeune et laborieux écrivain qui, dès son début, s'est plac<
si haut dans noire littérature. Doué d'une érudition profonde
d'une grande vivacité d'imagination, d'un goût sûr , et d'ui
talent couple et varié, M. Léon Halevy réussit également dan
les sujets les plus opposés. C'est à lui qu'il appartenait de non
faire connaître les richesses poétiques de l'Europe; cette ire
portation littéraire lui mérite à la fois la reconnaissance de
amis des muses excelle des auteurs étrangers dont il se montr<
l'habile interprète. Celui qui a lutté victorieusement avec Ho
race ne doit craindre aucun combat. En ne publiant ce re
cueil que par livraisons , l'auteur semble avoir voulu pressenti
le goût public ; cet acte de modestie ajoute à l'estime qui lu
est due, et fait désirer vivement la continuation de son travail
La variété des pièces traduites par M. Halevy leur donne 111
nouvel intérêt. On aime à passer de la lecture d'un Fabliai
germain à une Idylle italienne , de la Cantate d'un Grec mo-
derne à Y Elégie d'un Russe ou d'un Suédois. M. Halevy, qu
a donné tant de preuves de son talent élégiaque, a traduit i.ix
pièce de Michel Ange, où règne une touchante sensibilité ; nou
LITTÉRATURE. rg$
citons avec plaisir la pooaU: de ce mi.»-, si terrible et si fier,
quand il anime la toile, et si tendre el ii passionné, quand il
soupire avec la muse de l'élégie.
A MON AMIE,
Trs yeux , tout i..\ onnam d'une < •« Kst<- flamme ,
A nies regarda voilés montrent un nom eau jour.
Seule lu lais ma (orée et tu soutiens mon Ame ,
Qui chancelle et faiblil sous te poids de l'amour.
Je n'ai plus de désir, de -\ccu qui m'appartienne ;
Tu poi tes dans ton sein ma joie ou ma douleur.
C'est dans ta volonté (pie je puise la mienne :
1 e siège de ma vie est passé dans ton cœur.
Je ressemble , ô mou ange , à l'astre solitaire
Qui doit au roi du joui- sa timide clarté.
Comme lui , sans chaleur, incomplet sur la terre,
Je ne réfléchis plus qu'un éclat emprunté.
de P***.
<)■}. — tissais portiques : Trois Napoléonides ; par J. - J . Lk-
ti ugent des Vosges. Paris, 1827 ; les libraires du Palais -
Royal. In-8° de 3i pages; prix, 2 fr.
L'auteur de ces Essais, séduit sans doute par le jargon à la
mode, a cru devoir, pour célébrer dignement son héros, accu-
muler les épithètes emphatiques et les hémistiches ronflans.
Lorsqu'il aura appris à s'exprimer d'une manière claire, simple
et correcte, il aura fait de grands progrés dans l'art d'écrire.
çi/j. — L'industrie française t poésie à l'occasion de l'exposi-
tion de 1 8 a 7 ; par Jouvet Desmarasd. Paris, 1827; F. Didot;
Ladvocat. ïn-8° de 8 pages; prix, 1 fr.
S il est vrai que dans l'art des vers
« Il n'est point de degré du médiocre au pire , »
il y a peu d'apparence que La poésie de M. Desmarand obtienne
une médaille d'encouragement à l'exposition du Parnasse.
95. — Catiliiia , tragédie en cinq actes, imitée de l'anglais de
Bcji Johnson. Paris, 1827 ; les marchanda de nouveautés. In-8°
de 88 pages; prix, 3 fr.
Il v a dans cette tragédie une scène où Catilina veut obli-
ger ses complices à sceller leurs sermens, en buvant dans une
coupe pleine du sang de Tullie, tille de Oicéronet femme de
Cetlugus, 1 un d'entre eux. ('.'est là sans doute ce que l'auteur
anonyme a imité de langlais. Dans tout le reste de sa pièce .
t. xxxvi. — Octobre 1827. i3
194 LIVRES FRANÇAIS.
on trouve une harmonie parfaite entre la nullité de l'action et
l'impuissance th\ style. Ch.
()6\ — Voyage aux Alpes et en Italie , contenant la des-
cription de ces contrées, avec des détails sur les curiosités na-
turelles et industrielles, les mœurs et coutumes des habitans,
les ctablissemens ou monumens, les hommes célèbres, etc.;
par M. Albert-Montémont. Deuxième édition, considérable-
ment augmentée, ornée de 3 jolies gravures et d'une carte des
Alpes. Paris, 1827; Ch. Béchet. 3 vol. in-18; prix, 10 fr.
M. Albert-Montémont a consacré une partie de la préface
de son Voyage à l'énumération des auteurs qui, avant lui,
ont eu l'idée de marier la poésie à la prose, dans des relations
de ce genre; tels sont Chapelle et Bachaumont , Le Franc de
Pompignan, Desmahis, Parny, Bcrtin, etc. Mais tous n'avaient
eu en vue que d'amuser leurs lecteurs par le récit de leurs
courses, récit empreint de cette aimable insouciance qui faisait
le fond de leur caractère, comme elle était d'ailleurs un trait
distinctif de leur siècle; M. Albert-Montémont a voulu marier
l'instruction au plaisir. Ses Lettres sur l' Astronomie lui avaient
déjà valu une place honorable parmi les poètes et les érudits
de notre époque; sa réputation poétique s'est accrue par la
publication des deux poèmes des Plaisirs de la Mémoire et des
Plaisirs de l'Espérance, traduits de l'anglais, et l'ouvrage, dont
nous annonçons la 2e édition, augmentera sa réputation scien-
tifique, sans nuire à l'autre.
La première édition de cet ouvrage (2 vol. in -12), publiée
en 1821 , ayant déjà été annoncée avec soin dans la Revue
Encyclopédique, (t. xi, p. 375-397), nous nous dispenserons
d'en reproduire ici l'analyse. Il nous suffira de signaler les
principales additions de cette seconde édition, lesquelles con-
sistent en deux lettres : l'une sur Venise (la 12e de l'ouvrage,
1. 11) et l'autre sur Chambéry (la 17e, t. m). L' Histoire de la
république de Venise, par M. Daru , a beaucoup servi à l'auteur
pour la première de ces deux lettres, et il en convient. Nous
citerons ce passage de la page 2i5, qui nous a paru renfermer
un portrait concis et caractéristique de cette ville célèbre, dé-
chue de tant de grandeurs. « Nous avons dit que , depuis la
découverte de l'Amérique et du passage aux Indes , Venise avait
perdu le sceptre du commerce; loin d'aspirer à le ressaisir ja-
mais, le négociant vénitien se traîne péniblement à la suite
des marchands de Trieste, que favorise l'Autriche, au préjudice
de Venise. Si vous demandez aux Vénitiens quelles sont main-
tenant les meilleures branches de leur industrie, ils répon-
dront : Y usure, et puis la contrebande; l'usure, parce que la
LITTÉRATURE. kj5
misère est extrême ef < ] 1 1 ^« > l ■ emprunte il gTOS intérêts; la con-
trebande, parée que des régiraens de douaniers dévoreol le
pays.) On reconnaît dans ce passage la touche de l'histo-
rien; en voici un , sur le même sujet, où l*on trouve celle du
poëte :
Ainsi, L'oiseau «le L'Arabie,
Après avoir, dans La splendeur,
Cinq siècles promené sa vie,
Meurt , et de sa cendre endormie
Renaît éclatant de vigueur;
Ainsi des Tuhctains encore.
Le pape, ayant nom grand Lama ,
lorsque la tombe le dévore,
Plein du souffle qui l'anima ,
Revient sous les traits d'un jeune homme
Commander au monde inconstant,
Et rit de l'évêque de Rome ,
Qui ne saurait en faire autant.
Cependant, dirai-je ici toute nia pensée? ce mélange des
vers avec la prose ne convient: peut-être pas entièrement dans
des ouvrages où l'on traite de matières d'histoire naturelle, de
statistique , de commerce et d'industrie; la science peut y nuire
aux vers, et les vers à la science, objet nécessairement plus utile
que l'autre dans ces sortes de livres. Ce n'est pas que les vers
n'aient aussi leur utilité ,*t je ne suis pointdeceux qui deman-
dent après la lecture d'une tragédie : Qu'est-ce que cela prouve?
mais chaque chose a sa place, et je crois que celle de la poésie
est spécialement dans les ouvrages ou l'on veut peindre les sen-
ti mens et les passions. M. Albert-Montemont partage peut-être
mon avis; mais il y a si peu de tems encore que le goût des
études sérieuses a commencé à se répandre parmi nous , que ,
se défiant un peu de ses lecteurs, il aura voulu faire comme le
médecin prudent, et imbiber de miel les bords du vase.
E. Héreau.
97. — * L'Epicurien y par Thomas Moore; traduit en fran-
çais par M. Ant.-Aug. Renouard. Paris, 1827; Jules Re-
nouard. In- 12 de x et 33 1 pages; prix, l\ fr.
Notre précédent cahier contient, dans la section du Bulletin
Bibliographique ( t. xxxv, p. 66/») un compte rendu détaillé de
la nouvelle production dont Thomas Moore vient d'enrichir la
littérature, et où il a mis, avec beaucoup de bonheur, les doc-
trines de l'épiai réisme , et les mystères fantasmagoriques des
prêtres égyptiens en présence du christianisme naissant. Au
lieu de reproduire ici cet article auquel nos lectcuis pour-
ront facilement recourir , nous préférons faire connaître la
i3.
ig6 LIVRES FRANÇAIS.
courte et modeste dédicace adressée à Thomas Moore par son
traducteur anonyme, qui, dit-on, s'est depuis long - tems fait
connaître par d'importans travaux littéraires d'un genre tout
différent de celui-ci : « Je vous rends ce charmant ouvrage que
je tiens de Notre amitié; mais je crains qu'il ne vous revienne
peu reeonnaissable. Tant d'éclat cîans le style, tant de finesse
dans la pensée , de délicatesse dans la peinture des sentimens,
se seraient à peine retrouvés sous la plume d'un traducteur
beaucoup plus exercé que moi : j'ai borné mon ambition à faire
connaître aux lecteurs français quelques-uns des charmes d'une
composition où, sous le voile d'une fiction gracieuse, vous avez
si bien exposé les opinions d'une des époques les plus intéres-
santes pour l'histoire de l'esprit humain. » Nous n'avons pas
sous les yeux l'ouvrage original; maii, à en juger par la tra-
duction, la gloire, déjà si bien établie , de Thomas Moore ne
peut que s'accroître encore par cette publication nouvelle. C.
98. — * Romans historiques de Van-der-Velde ; 11e et 111e
livraisons, contenant Paul de Las caris , Asmund Thyrshlin-
gurson et Gunima , 1 vol. ; Christine et sa cour, 1 vol ; les
H us sites, 1 vol.; le roi Théodore, 1 vol.; V Ambassade en
Chine y 1 vol.; la Conquête du Mexique , 1 vol. Paris, 1827 ;
Jules Renouard. 8 vol. in- 12 ; prix de chaque volume, 3 fr.
vVoy. Rcv. Enc, t. xxxi , p. 777 , l'annonce de la première
livraison.)
Walter Scott , à peu d'exceptions près , a renfermé la
scène de ses romans historiques dans les limites de la Grande-
Bretagne; Cooper a rarement transporté ses héros au delà des
frontières des États-Unis , ou des bornes de l'Océan atlan-
tique : Van-der-Velde , au contraire , est un véritable ro-
mancier cosmopolite. Il fait voyager ses lecteurs de la Bohème
au Mexique , de l'Islande à l'île de Malte , de la Chine à la
Suède , du cap de Bonne-Espérance à la Corse. Mais, ce que
ses romans y gagnent sous le rapport de la variété , ne le
perdent-ils pas en vérité locale ? Comment peindre , avec les
couleurs de la réalité , des pays et des sites, des mœurs et des
usages, que l'on connaît tout au plus par les récits souvent
contradictoires de voyageurs prévenus ou ignorans ? Aussi ,
ne doit-on pas s'attendre à retrouver, dans les œuvres du
romancier allemand, ces descriptions pittoresques qui prêtent
tant de charme aux récits du chroniqueur écossais et à ceux
du peintre habile qui le premier nous a fait connaître, sous
leur véritable aspect , les immenses solitudes du Nouveau-
Monde.
Van-der-Velde diffère encore de son modèle par retendue
LITTÉRATURE. lo}
«le ses ouvrages. On accuse Walter Scott de délayer immo-
dérément ses récits 1 de les Allonger par des dialogues inter
minables, où trop souvent il sacrifie au mauvais g<>nt : on
rencontre peu de Longueurs dans les romans allemands; mais
on regretta souvenl de ne pas y trouver asset de dévelop-
pcmens. L'intrigue y esl indiquée seulemenl ; les situations et
les caractères souvenl conçus avec énergie n'v sont guère
qu'ébauchés; ce sont des canevas, des esquisses, auxquels le
peintre n'a pas eu le tems de donner Les derniers coups de
pinceau ; il laisse à l'imagination des lecteurs le soin d'en
remplir les lacunes.
Parmi les romans contenus dans les deux nouvelles livrai-
sons de Yan-dcr-Vcide , nous donnerions la préférence à
celui où il retrace presque tonte l'histoire de Christine , re-
présentée d'abord an milieu des fêtes de sa cour de Stock-
holm, puis à Rome, à Paris et à Fontainebleau, enfin, à
Hambourg; entourée de savans illustres et de courtisans fri-
voles , d'amis francs et dévoués, et d'intrigans qui ne cherchent
qu'à disposer des travers de son caractère au profit de leur
misérable ambition ou de leurs vils intérêts.
Dans les Hussites , placés sur les frontières de la Bohème
et de la Silésie , nous trouvons un pendant agréable au char-
mant ouvrage dans lequel Van-der-Velde avait déjà retracé
quelques circonstances des dissensions intestines qui ont troublé
ce dernier pays (le roman des Patriciens qui fait partie de la
première livraison). L' Ambassade en Chine , la Conauete du
M .rifjue , et le roi Théodore , sont trois récits empruntés à
l'histoire, quant aux faits principaux , mais embarassés d'épi-
sodes romanesques , qui manquent souvent d'intérêt et de
vraisemblance. En général, Van-der-Velde usurpe maladroi-
tement, dans ses ouvrages, les fonctions de l'historien; il
donne trop de place aux événemens réels et connus , et divise
ainsi l'intérêt, en l'appelant d'un côté, sur les faits histo-
riques qu'il ne lui est point permis de présenter sous les formes
sévères , ni dans l'ensemble et avec l'enchaînement qui leur
conviennent ; de l'autre , sur des fictions dont le charme s'éva-
nouit et qui paraissent mesquines auprès de la grandeur impo-
sante de l'histoire.
Le sujet de Paul Lascaris , ou le Chevalier de Malte , était
plus propre à servir de malien? pour un roman ; aussi, avons-
nous lu cette nouvelle avec plus de plaisir que les trois pré-
cédentes. Asmund Thyrsklingurson est un amoureux islandais
qui ressemble à ces amoureux français ou anglais , espagnols
eu allemands, que les romanciers semblent avoir tailles tous
ii)8 LIVRES FRANÇAIS.
sur le mémo patron ; et malheureusement , la description ù*e
sa patrie , si curieuse sous tant de rapports, n'offre guère plus
d'originalité que la peinture de ses sentimens et de son héroïsme.
Gunitna , par contre, est une nouvelle agréable, remplie de
grâce et d'intérêt: c'est une seconde Ourika , mais dont l'amour,
quoi'qu'cn puissent mu rmurer les préjugés des belles européennes,
est récompensé par l'affection et la main d'un blanc , ni moins
riche , ni moins aimable que l'orgueilleux amant de l'infortunée
esclave dont M,ne de Duras a raconté les malheurs.
Sans doute il est inutile de renouveler ici les éloges que
nous avons déjà donnés à la traduction toujours élégante et
fidèle de M. Loëve Weimar. Quatre volumes encore, et la col-
lection des œuvres de Van-der-Velde sera complétée, et pourra
figurer, grâces à ses soins, dans toutes les bibliothèques, auprès
des œuvres de Cooper et de Walter Scott. A.
99. — * Robert et Léontine, histoire du xvie siècle ; par J.-C.-F .
de Ladoucette, membre de plusieurs sociétés savantes et litté-
raires. Paris, 1827; Lugan , passage du Caire, n° 121. 3 vol.
in- 12 ornés du plan du siège de Metz , de deux airs notés et de
figures; prix, 9 fr.
Tracer le tableau des mœurs et des usages qui régnaient sur
les bords delà Moselle au xvie siècle; raconter les événemens
les plus remarquables qui s'y sont passés à cette époque ; don-
ner une description exacte des monumens qui décoraient
cette région; conserver la mémoire d'une foule de locutions
qui lui étaient particulières, et de proverbes indigènes que le
tems avait consacrés, mais dont chaque instant voit disparaître
la trace; et cependant, prévenir l'ennui que produisent ordi-
nairement les ouvrages de pure érudition, quand elle n'est pas
fondue avec assez d'art ou relevée par l'élégance du style;
écarter le dégoût qu'éprouvent les gens du monde à la simple
annonce d'un livre qui traite des antiquités, tout cela parais-
sait extrêmement difficile; il n'y avait que la manière de Fon-
tenelle ou celle de Walter Scott qui pût aplanir la diffi-
culté et répandre de l'agrément et du charme sur des matières
arides, et qui en sont si peu susceptibles. M. de Ladoucette a
choisi la dernière, comme plus appropriée aux circonstances,
et le succès a justifié son choix. L'histoire de Robert et Léon-
tine , personnages réels ou fictifs du xviesiècle, est le cadre dans
lequel il enchâsse, les notions dont il a voulu nous faire part
sur un pays qu'il avoue lui être cher à tant de titres, et qui
inspire le plus vif intérêt, même à ceux qui ue sont pas nés
sur les bords de la Moselle.
L'érudition marche en première ligne dans l'ouvrage de
LITTÉRATURE. iqo.
M. de Ladoucette, c'est même l'objet essentiel qu'il l'es! pro-
posé; mais elle 11 v est jamais déplacée <>u fastidieuse, bien
qu'elle y soit, pour ainsi dire , semée à pleines mains, tant le
développement et la gradation en sont habilement calculés et sa-
gemenî ménagés. Quand <>n a lu Robert et Léontine, ou n'a que
faire de se demander si l'auteur a parcouru de nombreux can-
tons , feuilleté des archives, consulté des traditions, interrogé
des souvenirs, et obtenu des renseignemens positifs et précieux.
Dans cette foule de choses remarquables dont est rempli
l'ouvrage de i\I. de Ladoucette, on distingue eneoi e des détails
curieux sur les Bohémiens, sur la constitution et les usages de
la république de Metz, les Trimazaux, le dragon ailé, l'état
tic l'architecture au moyen âge, la société des Sans- Vert ,1e
tribunal de l'inquisition à la naissance de la réforme, l'esprit du
clergé catholique et des premiers réformateurs, la cour de
Henri II, et V ordre des Menteurs, dont il n'est fait mention
nulle autre part que je sache. Si l'on me demande ce qu'était
Ml ordre, je citerai les paroles de M. de Ladoucette: «Le
jour de réception , les chevaliers attachent par la bandoulière
leurs fusils à des anneaux enfoncés dans le chêne des Menteurs ;
leur président siège sur une borne , et devant lui le candidat,
à genoux , jure de ne jamais dire la vérité en fait de chasse.-»
Faites bien attention à la valeur des termes. Le chevalier jure
de ne jamais dire la vérité en fait de chasse seulement. La pré-
cision est ici de toute nécessité. On lit cette note au bas de la
page : « Il existe encore des diplômes de cette association, qui
parait remonter au xve siècle. »
Puisque nous sommes en train de répondre aux questions,
hâtons-nous de contenter la curiosité de ceux qui, étrangers a
la Lorraine, n'ont aucune notion sur les Trimazaux. On voit,
dans l'histoire de Robert et Léontine, que les Trimazaux sont,
des réunions où l'on célèbre la fête des trois maires; que Tri-
mazaux, autrefois Tri.maizaux , vient probablement d'une
abréviation de tribus mairis , aux trois maires. On y voit, un
peu plus loin, trois couplets composés et chantés, un jour de
trimazau, par Julienne en l'honneur de Gaspard de Heu, a
qui elle ne tarda pas d'être unie par les liens les plus doux.
Nous cédons à la tentation de transcrire les deux premiers.
Venez , d'un chant aimable et gai ,
Célébrer le beau mois de mai.
Les plaisirs purs et tranquilles
Sont inconnus dans les villes ;
Parmi les grands ,
I 'art remplace la nature ;
LIVRES FRANÇAIS
On se trompe , on se parjure :
Ah , vivent nos champs !
Gentils couplets des Trimazaux ,
El doux concerts de mille oiseaux ;
L'eau qui serpente et murmure ,
Des prés les fleurs , la verdure ,
L'éclat du jour,
Et des nymphes bocagères
Les jeux, les danses légères,
Inspirent l'amour...
Passons maintenant à V histoire qui sert de broderie aux re-
cherches scientifiques et monumentales de M. de Ladoucette.
La plupart des personnages qui y jouent un rôle important
ont réellement existé; mais ils agissent quand il plaît et comme
il plaît à celui qui les a mis en scène. Toutefois, ils conservent
le caractère que les annalistes et les auteurs contemporains
leur ont attribué, le caractère que chacun leur connaît. Ainsi ,
Charles-Quint, Henri II, Catherine de Médicis, la duchesse
de Valentinois, les ducs de Guise et d'Aumale, Gaspard de
Heu, Jacques de Gournay, Rabelais et autres ne perdent rien
de leurs qualités et de leurs vices; ils se montrent tels qu'ils
doivent être. Le caractère de chaque personnage fictif ou ro-
mantique est également bien dessiné, bien observé. On éprouve
du respect pour l'archevêque de Trêves , qui sait récompenser
la vertu et la rendre aimable; qui tient le langage de Fénélon
dans un siècle barbare : « Le Dieu que nous adorons, dit-il,
est un Dieu de paix et de miséricorde ; éloignons de nous le
fanatisme qui en fait l'instrument de ses vengeances. Les mau-
vais prêtres sont les plus cruels ennemis de notre sainte reli-
gion. » On déteste l'hypocrite Léonard, ce vil artisan de fraudes
et d'injustices; et l'infâme Thiébault, plus pervers, plus dan-
gereux que Lovelace. On s'intéresse à l'infatigable Polgar, à la
bonne Lisbeth , qu'on retrouve toutes les fois qu'il y a du bien
à faire. Ajoutons à ce court exposé que le style de Robert et
Léontine est ordinairement pur, et que les situations sont très-
attachantes. J. L.
Beaux- Arts,
100. — * Architecture moderne de la Sicile , ou Recueil des
plus beaux monumens religieux , et des édifices publics et par-
ticuliers les plus remarquables des principales villes de la Sicile,
mesurés et dessinés par /. Hittorff et L. Zanth , architectes.
L'ouvrage entier se composera de dix-huit livraisons , format
grand-in-folio, contenant chacune quatre planches gravées au
BEAI x Ain s. 101
Irait. I h texte explicatif ei historique sera remis gratis aux
louscripteurs , avec la dernière. Paris, 1836-1827; .Iules Re
Douard. Pria de la livraison, ."> IV. sur papier colombier fin ;
10 fr. sur colombier vélin ou papier de Hollande propre au
lavis.
101. — * Architecture antique de la Sicilefou Recueil des plus
întéressans monumens d'architecture des villes el des lieux l<
plus remarquables de la Sicile ancienne, mesures et. dessinés
par 1.1s Mioir.s. Trente livraisons, format grand in-folio, com
poses , chacune, de six planches dont plusieurs seront colorié) -
Un volume de texte sera remis gratis aux souscripteurs, à la
lin de l'ouvrage. Prix de la livraison, 10 fr. sur papier colom-
bier fin; 20 fr. sur colombier vélin, et 25 fr. sur colombier vélin,
|vec les planches sur papier de Chine.
Lorsque j'ai annoncé les cinq premières livraisons de X Ar-
chitecture moderne de la Sicile (voy. Bev. Eric, t. xxxm , p.
ttv.S ),j*ai dit que M. IIittori f avait fait deux j)arts des ri-
chesses qu'il avait acquis< s dans son voyage, et qu'il ne tarde-
rait pas à publier X Architecture antique. En effet, il a déjà
paru quatre livraisons de cette dernière collection ; ce qui n'a
pas empêché la première de s'accroître de six livraisons nou-
velles. Parmi les planches que ces dernières contiennent, j'ai
distingué, entre autres, celles qui représentent: Trois Fon-
taines à Messine , dont l'une a été élevée sous le règne de
Charles-Quint ; un charmant Casin , sur la route de Messine à
Catane, où la vigueur et la grâce de la végétation s'unissent à
l'habileté des dispositions architecturales pour braver l'ardeur
du soleil et faire de ce lieu un séjour enchanteur; le Palais ha-
bite par le consul de France à Païenne , dans la construction
duquel l'architecte a su vaincre, avec bonheur, les difficultés
que lui présentait l'irrégularité du terrain ;un Couvent de béné-
dictins à Catane , monument somptueux et immense , dont la
le, qui forme le plus petit côté, a 258 mètres de dévelop-
pement; enfin, comme détails qui sont d'un grand intérêt poul-
ies architectes et pour ceux qui étudient l'histoire de l'art,
deux Portes de la cathédrale de Catane.
Les quatre livraisons de V Architecture antique font con-
naître les ruines de Segeste ou d'Egeste et de Selinunte , villes
qui ont entièrement disparu, et qui sont placées à l'extrémité
de la Sicile, l'une sur la côte occidentale et l'autre sur la côte
orientale. Il existait sur celte dernière côte une \ illc de Selinus,
fondée par Syracuse; cette ville était auprès du Meuve nommé
Hypsa ; en suivant le littoral, et en se rapprochant d'Agrigen-
tum, on trouvait ce que Danville appelle Therm* Sklinuitti ■>
202 LIVRES FRANÇAIS.
Il parait que c'est à la ville de Selinus que M. Hittorff donne
le nom de Selinuntc; il a sans doute ses raisons qu'il déve-
loppera dans le texte promis; il faut donc attendre. Au reste,
il a joint à chaque livraison une notice sommaire des planches
pour en faire connaître l'objet. Ces planches contiennent des
Temples , un Théâtre, ries Restaurations , fruits d'études faites
sur les lieux; un Plan et une Vue des ruines de Selinunte , etc.
Plusieurs parties de ces planches sont coloriées. Telles sontrA\ç
Métopes en terre cuite de l'un des temples de Selinunte. Les dé-
tails que l'on doit s'attendre à trouver dans le texte ne peu-
vent manquer d'exciter une vive curiosité. La sculpture de ces
métopes est, comme sujet et comme caractère , fort extraor-
dinaire; elle me semble offrir quelque analogie avec ce que
l'on appelle la sculpture cginétique ; mais je ne donne cette idée
que comme une présomption.
Les deux collections que j'annonce , et dont je continuerai
à entretenir les lecteurs de la Revue, peuvent être acquises sé-
parément; elles ont un intérêt distinct : mais le rapprochement
de ces deux collections est déjà une étude , et une étude fruc-
tueuse, qui fournit le moyen de reconnaître ce que l'art mo-
derne a emprunté à l'art antique; donc je ne doute pas que cette
considération ne détermine les souscripteurs à ne point sépa-
rer deux ouvrages exécutés l'un et l'autre, avec une conscience
et un talent qui en assurent le succès. P. A.
102. — * Choix des plus belles fleurs prises dans différentes
familles du règne végétal, et de quelques branches des plus
beaux fruits y groupées quelquefois, et souvent animées par des
insectes et des papillons; gravées, imprimées en couleur et
retouchées au pinceau avec un soin qui doit répondre de leur
perfection; dédié à LL. AA. RR. les princesses Louise et Marie
d'Orléans ; par P. J. Redouté , peintre et professeur d'icono-
graphie au Musée d'histoire naturelle. ire, 2e et 3e livraisons.
Paris, 1827; l'auteur, rue de Seine, n° 6; Panckoucke, rue
des Poitevins, n° i4- 3 cahiers in-40, contenant chacun 4
planches ; prix du cahier, 12 francs.
Le nom de M. Redouté est connu de toute l'Europe où sa
belle Collection des roses {Yoy. Rev. Enc, t. xxxn , p. 789 )
a obtenu depuis longtems une place dans les bibliothèques des
botanistes, et dans celles des amis des arts et des fleurs. Il
leur offre aujourd'hui une nouvelle suite de dessins fidèlement
tracés d'après la nature même, et distribués avec ce goût par--
fait qui a toujours assuré le succès des compositions de l'habile
professeur. Dans un court avertissement, M. Redouté expose
les avantages de l'iconographie végétale, et en particulier des
BEA.1 \ VKJ'.S. io3
collections de figures qu'il a publiées : il les a destinées non-
seulemenl aux botanistes pour lesquels « Iles peuvent quelquefois
suppléer aux herbiers , mais aux manufacturiers pour qui elles
sont un \asie répertoire de modèles propres à embellir les
plus ricins produits de leur industrie; aux artistes et aux
(hommes du inonde, qui peuvent v trouver, les premiers un
guide pour leurs travaux, les seconds un agréable délassement.
Dans les trois cahiers (pie nous avons sous les yeux, paraissent
tour a tour l'anémone simple aux feuilles routes ou blanches
ou violettes, le pois de senteur, la tulipe de Gcssner, le jas-
min d'Espagne , les narcisses doubles, l'iris xiphium, les
oreilles d'ours, la pensée, l'œillet panaché , les narcisses à plu-
sieurs fleurs, la giroflée jaune et la tulipe cultivée, dont la
tétc magnifique est parée des plus éclatantes couleurs. Voilà de
quoi former dans nos salons, pendant les longs mois de l'hiver,
le parterre; le plus varié, le plus brillant et le plus propre à nous
rappeler les richesses et les charmes du printems. et.
io3. — * Cantiques religieux et moraux , mis en musique à
trois parties, avec basse continue ad libitum; par /. Adrien
Lafasge. Quatrième et cinquième livraisons, nos xxn à xxxiv.
Paris, 1827; l'auteur, rue du faubourg Saint-Martin, n° 114 ;
Paul, éditeur de musique, galerie de l'Odéon , n° il\. Deux
cahiers in- 12, formant 56 pages; prix de la livraison, /t fr. 5o c.
( Voy. Rcv. Eue. y t. xxxv, p. 207).
Nous recommandons de nouveau à l'attention des chefs d'ins-
titution et des directeurs des collèges ce recueil , intéressant
par le nombre, la variété et la composition des morceaux. Cinq
livraisons, publiées en moins de dix mois, nous garantissent
l'exactitude de l'éditeur pour la sixième et dernière livraison,
qui doit paraître avant la fin de cette année; ainsi se com-
plétera un ouvrage dont l'utilité sera désormais incontestable.
Nous aurons, lorsque cette dernière livraison paraîtra, l'occa-
sion démettre quelques idées sur les recueils de chant à l'usage
de la jeunesse, et de montrer que les cantiques religieux et
moraux réunissent les qualités propres à en assurer le succès.
Nous parlerons seulement aujourd'hui des morceaux contenus
dans les deux livraisons que nous avons annoncées. Ils sont au
nombre de treize, dont quatre sont faits sur des paroles la-
tines; savoir, une antienne, O Pastor Israël; un Domine
salvumfac régent; un Veni Creator, et un verset du psaume
Non nobis , Domine, non nobis , arrangé en canon à l'unis-
son et à l'octave, à quatre parties. Le Domine et le Veni Creator
surtout sont d'un bel effet quand ils sont chantés par un assez
grand nombre de voix. Parmi les chants faits sur des paroles
, LIVRES FRANÇAIS.
françaises , nous avons distingué un petit air fort gracieux
sur les mots Travaillez à votre salut; i\n chant vif et mar-
tial sur ces paroles de M. de Jussieu : Courage, amis, cou-
rage, déjà insérées dans l'utile recueil de M. Amoros; et sur-
tour li' n° 28 , intitulé V Occasion perdue , où des idées douces
et mélancoliques sont représentées par des sons plus doux
encore: JJ. J.
Mémoires et Rapports de Sociétés savantes.
io4< — * Société philantropicpie. — Rapports et Comptes ren-
dus pour l'année 1826, lus dans l'assemblée générale du 2 juin
1827. Paris, 1827; M. Baron, trésorier de la Société, rue de
Paradis, à l'administration du Mont - de - Piété. In-8° devin
et 238 pages; prix , 2 îr. ( Voy. Rcv. Eue. , t. xxm, p. 470,
t. xxvii, p. 881-930, t. xxxii, p 202 ).
Cet ouvrage offre une lecture ti es- intéressante pour l'homme
qui s'occupe du bien- être des classes peu fortunées, et il con-
tient des faits qu'il est doux et consolant de rendre publics.
Fondée an mois de brumaire an ix ( 1801 ) , la Société philan-
tropique, qui compte parmi ses membres tout ce que la ca-
pitale de la France renferme de noms recommandabîcs et d'il-
lustrations diverses, a répandu, chaque année, de nombreux
bienfaits. Le total de ss?s dépenses, depuis sa fondation jusques
et compris 1826, s'élève à 2,827,239 fr. 82 c. L'année 1812
est l'époque où elles furent le plus considérables ; elles s'éle-
vèrent alors à 446,080 fr. 90 c. Les autres années dans les-
quelles ces dépenses atteignirent un taux élevé sont : l'an x,
i8i3, 181/4, 1816, 1817, 1818, 1819 et 1822: celles où la
dépense fut moins forte sont l'anix, xi, xii,xm, 1806, 1807 ,
1808, 1809, 1810, 181 1, 181 5, 1823, 1826. Nous laissons cà
nos lecteurs le soin de tirer de ces faits les conséquences qu'ils
j figeront convenables. Le rapport fait par M. Deleuze , secré-
taire, des travaux de la Société en 1826, est très-intéressant.
11 constate que la recette s'est élevée, pour cette année, à
73,766 fr. 42 c, et que la dépense n'a été que de 70,416 f. 46 c:
l'excédant des recettes sur les dépenses a été de 3,349 ^ 9^ c>>
cette somme jointe à celle de 58, 000 U\ placée par la Société,
fait monter le total de ses ressources à 61,349 ^r- 9^ c- indé-
pendamment des 67,932 fr. , montant des dons annuels de plus
de 900 souscripteurs, dont la moindre cotisation est de 3o_ fr.
Si Ton veut se faire une idée des immenses services que la So-
ciété philantropique rend à la classe indigente , il suffit de jeter
un coup d'œil sur les tableaux de distribution de soupes éco-
MÉMOIRES ET II IPPQRTS.
nomiqncs pour lea cinq établissemcns qu'elle possède, dans 1rs
quartiers les plu: populeux «le Paris. Cette distribution s'eM
élevée, en 1826, s i 16,71 1 , doni 3o,i3a ont été vendues au
prix moyen de i ', centimes Le relevé général du noinln •<■ de
loupes économiques délivrées par la Société depuis l'an vm
jusqu'en janvier 1827, présente un total de iG, 870,153. Indé-
pendamment des secours alimentaires qu'elle distribue annuel
lemenl , la Société a six dispensaires, dans lesquels on soigne
les malades, qui , ne se trouvant pas dans un étal complet a iu-
digence, ne peu vent être admis dans les hospices. Depuis l'an m,
43,467 malades ont été portés sur les registres des dispensaires^
sur ce nombre, 33, 007 ont été guéris; i,5î/| sont- morts, et le
l Surplus se compose des malades qui ont obtenu quelque soula -
! genient, ou qui ont cessé d'avoir recours aux soins des dispen-
saires.
Le plus grand service qu'ait rendu la Société philantropique,
c'est d'avoir propagé, encouragé et multiplié les associations de
Secours mutuels, d'avoir appelé sur elles l'attention de l'adminis-
tr. tion municipale, et delesavoir éclairées sur les moyens d'as-
surer leur prospérité. Il n'existait qu'un très-petit nombre dé ces
Sociétés avant 1789; il s'éleva à 16 en i8o3 ,et à 33 en 1809.
Il était de 86 en 181 8. A cette époque, les rapports entre ces
associations et la Société philantropique étaient fréquens , et il
en devait résulter de nombreux avantages. On trouve dans le
rapport de M. Deleuze le récit des causes qui ont amené un
refroidissement de la part des Sociétés de secours mutuels ,
dans leurs relations avec la Société philantropliique; mais, nous
devons le dire, nous pensons que d'autres motifs, plus directs
que ceux indiqués par M. le secrétaire, ont donné lieu au ra-
lentissement de zèle dont il a parlé. Quoi qu'il en soit, le nom-
bre des Sociétés de secours mutuels n'a pas cessé de s'accroître,
et il résulte du relevé que nous en avons fait, que les cent
quatre - vingt-six Sociétés qui existaient dans Paris au 1 tr jan-
vier 1827 se composaient de 17,017 personnes ; qu'elles pos-
sédaient un capital d'environ i,/|/»8,36"i fr. ; et qu'indépendam-
ment des secours journaliers donnés à leurs malades , fixés assez
généralement au taux de 2 fr. par jour, elles payaient des pen-
sions de retraite à environ 23o personnes.
On peut juger, parce rapide aperçu des matières contenues
dans ce petit volume, qu'il est n>'\.) d'ouvrages susceptibles de
présenter autant d'intérêt au philosophe, dont la principale
étude est de rechercher les moyens qui peuvent contribuer à
soulager la misère du peuple et à trouver un utile et profitable
emploi aux ressources et aux économies de la classe ouvrière.
OE.
aoG LIVRES FRANÇAIS. — OUVR. PÉR>
Ouvrages périodiques.
io5. — * Esprit et conférences des lois d'intérêt général, qui
ont été rendues depuis la restauration, et qui seront rendues
à l'avenir; par MM. Tajan , auteur du Mémorial de jurispru-
dence ; A. Caze , et C. Messine, avocats à la cour royale de
Toulouse. Cinquième livraison. Toulouse , 1827; Devers. Paris,
au bureau du Journal du Palais , rue de Jérusalem , n° 3.
In-8°. Prix de la livraison , a fr. 5o c.
Cette nouvelle livraison de l'ouvrage important dont nous
avons annoncé les livraisons précédentes (voy. Rev. Enc. ,
tom. xxxi, p. 458 ; tom. xxxu , p. 5o5 ; et tom. xxxiu ,
p. 836) , contient le projet de Code forestier ; un précis histo-
rique dans lequel les auteurs esquissent rapidement , et à
grands traits , le tableau des changemens et des réformes
opérés dans notre législation forestière , depuis le xive siècle
jusqu'à nos jours ; l'exposé des motifs de la nouvelle loi pré-
sentée à la chambre des députés , par M. Martignac ; le rap-
port fait à cette chambre par M. Favarddc l'Jnglade ; l'exposé
méthodique des débats qui s'y sont élevés sur l'ensemble du
projet ; et le commencement de L'analyse de la discussion qui
a eu lieu sur les articles dont il se compose.
Cette livraison sera incessamment suivie de deux autres
qui compléteront le travail. Elles formeront ensemble un fort
volume (1) , où l'on trouvera réunis tous les élémens qui ont
servi à la formation du nouveau code publié. C'est, à notre
avis, le meilleur commentaire que l'on puisse en offrir aux
magistrats et aux jurisconsultes. Les difficultés que peut pré-
senter dans son exécution une loi récemment émise, ne sau-
raient être mieux éclairées que par les motifs qui l'ont dictée ,
et par la discussion qui l'a préparée. L'interprétation de la
lettre par V esprit > dans les cas douteux, est sans contredit la
plus sûre qu'on puisse lui donner, la seule qui repose sur une
base solide. Une explication systématique a le grave inconvé-
nient de substituer le plus souvent la volonté de l'homme à
celle du législateur ; ce qu'il importe toujours d'éviter dans
les livres que l'on écrit sur les lois , où tout doit être positif.
Celui que nous annonçons sera exempt de ce reproche.
Crivelli, avocat.
(1) Ce volume se vendra séparément au prix de 7 fr. 5o cent.
LIVRES l.l ït.Y.Nc.lus IMPRIMÉS EN FRANCE. 109
Ouvrages en langues étrangères.
106. — ' El ingenioso hidalgo don Quyote delà Manchay etc.
— Don Quichotte de la Manche, par Michel di Cervantes**
Iaavedra; édition en miniature, entièrement conforme à la
lernière édition de {Académie royale espagnole , e( publiée par
Ion Joachim-Maria de Ferrer. Paris, 1827; imprimerie de
iules Didot. In-12 avec dos estampes.
107. — * La Vida del Lazarillo de Tormes 9etc. — La Vie de
,.i/.ai illo de Tormes, ses aventures et ses malheurs; par D. Diego
lURTADO de IVIeïtdoza. Nouvelle édition , revue et corrigée avec
..•in. Paris, 1827; imprimerie de Gautier-Laguionie. In-12 avec
les estampes coloriées.
En rendant compte, il y a peu de tems, de l'édition com-
plète des OEuvres de Cervantes, publiée à Paris, par les soins
le M. ftArrieta, membre de l'Académie d'histoire de Madrid ,
i voy. Rcv. lînc.y t. xxxiv, p. 776), nous eûmes occasion de
îarler des soins donnés par M. de Feri er pour assurer le succès
le cette entreprise. Nous avons à parler maintenant du nou-
veau service que le même Espagnol vient de rendre à la litté-
rature de son pays, en faisant paraître les deux ouvrages que
nous annonçons, et que le tems a placés parmi les classiques.
r.e second n'est pas à beaucoup près aussi célèbre que le pre-
mier; mais il mérite d'être offert comme un modèle d'élégance
t de pureté aux admirateurs de la langue castillane.
On connaît les heureux efforts de l'art typographique, tentés
n France et en Angleterre, pour renfermer dans des volumes
compacts les chefs-d'œuvre des auteurs célèbres. Des monu-
nens de ce genre ont été consacrés à Shakespeare, à Molière,
1 Rousseau , à Voltaire, etc. Jaloux de payer aussi le tribut de
ion admiration aux classiques espagnols, M. de Ferrer a com-
ïiencé son entreprise par celui qui tient le plus haut rang
Mtrmi eux, et qui le mérite à tant d'égards; par cet admirable
énie qui combattit avec tant de grâce et de succès les travers
t les folies de son tems, et qui, sous les dehors d'un badinage
èger et spirituel, cache toute la profondeur du philosophe et
lu moraliste. M. de Ferrer n'a rien négligé pour que cette
•dition en miniature, comme il l'appelle, fût digne de l'auteur
1 qui elle est consacrée; l'impression a été dirigée par M. Jules
Didot lui-même : cet habile typographe y a employé pour la
première fois un nouveau caractère, bien supérieur pour la per-
ection et la netteté à ceux qui ont servi pour les publications
lu même genre faites à Londres et à Paris, mais d'une dimen-
*o8 LIVRES ETRANGERS.
sion tellement petite qu'on n'avait encore osé en faire usage.
Le papier vélin , de la première qualité, est tiré de la fabrique
de MM. Montgolfier frères, d'Annonay. Le même soin a pré-
sida au choix des estampes, dans lesquelles sont représentées
les actions principales du roman , d'après la collection de
48 gravures publiées, en 1797, à Madrid, par Rivera. Le por-
trait de Cervantes a été copié sur celui qui est placé en tète de
la dernière édition de Don Quichotte par l'Académie royale
espagnole, et dont l'exécution sur acier a été confiée à un des
plus célèbres graveurs de Londres. Enfin, le texte est conforme
à celui de la dernière édition donnée par la même Académie
en 1819, circonstance qui en garantit l'authenticité.
Quant à l'édition de la Vida del Lazarillo de Tonnes, quoi-
qu'elle n'ait pas offert, à cause du peu d'étendue de l'ouvrage,
les grandes difficultés qui ont été si heureusement surmontées
dans celle de Don Quichotte , il faut néanmoins en savoir bdn
gré à M. de Ferrer; car, cette production satirique ayant été
défendue presque aussitôt après sa publication sous l'empereur
Charles V, parce qu'elle contient la censure des vices et des
travers des hautes classes, il existe des différences remar-
quables dans les éditions qui virent le jour après cette époque;
quelques-unes, publiées vers la fin du xvie siècle, présentent
même des lacunes et des retranchement considérables. Pour
que l'édition à laquelle M. de Ferrer a donné ses soins offiît
la plus grande authenticité possible, il a consulté celles qui sont
conservées dans la Bibliothèque du roi , à Paris , au nombre
de six, dont trois ont paru à Madrid dans ces dernières an-
nées. M.
108. — * La Lyre Brisée, dithyrambe de M. Agoub; traduit
en vers arabes par le cheykh Réhafa. Paris, 1827; Don dey j
Dupré. In-8° de 44 pages ; prix, 5 fr.
M. Réhafa est un des jeunes Égyptiens envoyés par un chef
prévoyant dans la capitale du monde civilisé pour s'initier aux
secrets des sciences, des arts et de la philosophie. LTne année
s'est à peine écoulée, et les heureuses dispositions de quelques-
uns d'entre eux ont reçu des développemens extraordinaires.
On ne sait ce qu'on doit le plus estimer de l'heureuse faci-
lité des élèves, ou de la sagacité des maîtres qui les guident.
M. Acoub, qui s'est placé honorablement parmi nos orienta-
listes les plus distingués, a été chargé de concourir à diriger
l'instruction dans cette colonie temporaire, destinée à importer
aux bords du Nil les élémens de la civilisation, et confiée aux
soins de notre savant collaborateur M. Jomard , l'un des mem-
bres les plus laborieux de la commission qui publie l'ouvrage
IMPRIMÉS l.N FRANCE, »og
monumental de la Description de C Egypte. Après avoir con
tribué à la prospérité de l'établissement égyptien , il ;i pris la
tâche d'enseigner lui même la langue française} qui ne lui est
pas moins familière que l'arabe. Habitué aux idées el aux cou-
tumes orientales, M. Agoub pouvait mieux qu'un autre obte-
nir de ses élèves les résultats heureux dont la rapidité est vrai
ment étonnante, la traduction que public M. Uéhala est |e
plus bel éloge que l'on puisse adresser au guide et au disciple.
En applaudissant au début de celui-ci , on doit le féliciter d'a-
voir lait revivre dans sa langue maternelle le charmant poème
de I\l. Agoub; c'était lui donner à la fois une preuve degout
<'t de reconnaissance.
M. Rehal'a , encouragé par son essai , vient , dit-on , de s'im-
poser une tâche plus difficile encore; il traduit en arabe les
E terriens de géométrie de Lbobnd&e. Un autre élève de l'école
égyptienne traduit la Vie des plus illustres philosophes de l'an-
tiquité. La vie et les ouvrages des grands écrivains modernes
(deviendront sans doute les objets de l'élude de ces jeunes adep-
tes des connaissances humaines. Espérons que bientôt le génie
des Voltaire, des Diderot, des Rousseau, des Volney, répan-
dra de nouveau la lumière sur le berceau des sciences et des
arts ; la vraie philosophie, sans laquelle les sociétés n'ont au-
cune base solide, contribuera , de nos jours, à la regénération
d'un peuple trop long-tems déchu de sa gloire, et que flétrissent
encore l'esclavage el le fanatisme. P**\
T. XXXVI. — Octobre 1827. 1 \
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES
ET LITTÉRAIRES.
AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
États-Unis. — Boston. — Géographie physique et zoologie.
— influence de l'air et du sol de l'Amérique sur la taille des
animaux. — Si Buffon avait eti le tems de recueillir plus de fait
est d'observations sur le nouveau continent, il n'aurait pas écrit
que tous les animaux y dégénèrent, sans en excepter ceux que
l'on v a transportés de l'Ancien-Monde, ni l'homme lui-même.
La question est fort difficile à décider, par rapport à l'homme
considéré dans l'ensemble de ses facultés; mais, quant aux
animaux, on ne peut se dispenser d'admettre des exceptions à
la règle générale, telle que Buffon l'a exprimée. Si, par
exemple, le taureau de l'Europe n'avait point conservé en
Amérique la iailie qu'il a dans les pays les plus favorables à
son espèce , on ne verrait certainement pas à Boston le bœuf
colossal que l'on y montre aujourd'hui. Cet animal est du poids
de 4,000 livres, sans qu'un embonpoint aussi extraordinaire
paraisse contribuer à augmenter sa masse: ainsi, ses dimen-
sions en tous sens sont au moins à celles des gros bœufs de
l'Europe, dans le rapport de 3 à 2.
Ajoutons à ce fait remarquable une observation sur les pan-
thères d'Amérique, dont Buffon ne donne pas une idée juste.
Ces animaux, que l'on regarde comme propres aux pays chauds,
ne redoutent point des froids plus rigoureux que ceux du nord
de l'Allemagne, et qui surpassent quelquefois celui des hivers
de Pétersbourg. Un de ces animaux a été lue, cette année,
dans une île du lac George , par un pécheur, après un combat
dans lequel l'homme eut besoin de toute son adresse et de
toutes ses armes, quoiqu'il eût surpris son ennemi. Cet animal
avait a mètres et '21 centimètres de longueur (6 pieds g pouces
8 lignes ). L'île où il fut tué n'est pas la plus grande de celles du
lac George.
— Washington. — Instruction des en/ans. — Un estimable in-
stituteur, M. S. Wilderspin, a exposé, dans un très-petit volume,
les avantages de l'instruction qui prend l'homme entre les bras
AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE. ANTILLES, an
de sa nourrice , el ne le quitte que lorsqu'il est formé pour lui
môme et pour la société. Il fixe à dix huit mois l'âge auquel
un enfanl peu! commencer à fréquenter les écoles, et termine
à sept mus l'instruction de K enfance t en donnant à ce mot une
acception plus restreinte que celle qu'il a dans les langues de
l'Europe. Il assure que, par la méthode lancastérienne-, ou
d'enseignement mutuel* un instituteur, avec un seul aide, peur
se charger de trois cents en fans, et qu'il esi bon qu'il en ait au
moins une centaine, (les écoles soûl; disposées de manière que
les petits élèves y trouvent des amusemens a leur portée, et
qu'ils v viennent avec plaisir, et ne s'en vont qu'à regret. On a
remarqué aux États-Unis que les criminels sont presque tou-
jours des hommes qui n'ont reçu aucune éducation; et que, si
les enfajns sont négligés par leurs païens, et ne reçoivent pas
d'ailleurs quelque culture morale, il est rare que les leçons du
crime ne leur soient point offertes, et qu'elles soient refusées.
L'écrit de M. "NVilderspin, excellente description des écoles des
États-Unis, plein de faits importans et de vues pour le per-
fectionnement des études, passera sans doute en Europe, où il
sera consulté avec autant d'empressement que dans la patrie de
l'auteur. Les vérités qu'il contient conviennent à tous les pays
et à toutes les formes de gouvernement, parce qu'elles sont
essentiellement bienfaisantes , amies de l'ordre, et qu'elles pré-
parent les hommes pour les rendre utiles à 1 'tat, et soumis aux
lois. F.
ANTILLES.
Antilles. — Phénomènes météorologiques (i). — Un trem-
blement de terre s'est fait sentir à la Martinique le 3 juin der-
nier, à deux heures du matin : il n'en est point résulté d'acci-
dens. Une sécheresse désastreuse, qui durait depuis plusieurs
mois, a cessé à l'époque de ce phénomène, et des pluies abon-
dantes ont commencé à tomber; mais les récoltes étaient déjà
presqu'entièrement perdues. Depuis un tems immémorial , il n'y
avait point eu d'exemple aux Antilles d'une période de soixante-
six jours sans aucune pluie. La quantité d'eau qui tombe ordi-
nairement dans les îles de cet archipel pendant les mois d'avril
et de mai excède celle que reçoivent les campagnes de la France
pendant l'année entière.
L'opinion qui fait dépendre de l'état de l'atmosphère la
(i) Ces nouvelles ont été communiquées h F Académie dés Sciences
dans sa séance du 17 septembre dernier.
14.
212 ANTILLES. - AUSTRALASIE.
naiss.ii <v de la lièvre jaune, et qui admet que la chaleur et
l'humidité sont les conditions d'existence de cette maladie , a
trouve' Une nouvelle réfutation dans ces circonstances extraor-
dinaires. En considérant que , sous l'influence d'une tempéra-
ture semblable à celle de l'Amérique équatoriale, les contrées
de l'Inde n'éprouvent point ce fléau, on avait cru découvrir
son origine dans l'extrême humidité des contrées du Nouveau-
Monde qu'il ravage si fréquemment. Cependant, et quoique la
sécheresse ait été si grande aux Antilles qu'elle a fait périr les
cannes à sucre et fait disparaître les eaux de la plupart des ri-
vières, ces îles n'ont point été préservées d'une irruption meur-
trière de la fièvre jaune , qui s'est étendue progressivement du
littoral du Mexique jusqu'à Cuba. Ainsi , l'on ne peut se confier,
sans une erreur dangereuse, à la sécurité qu'inspire la séche-
resse des saisons, des lieux ou du climat, quand on est menacé
par l'introduction ou les progrès de cette formidable maladie.
A. MoREAU DE JONNÈS.
AUSTRALASIE.
Nouvelle-Sud-Galles et Terre de Van Diemen. — Situation
de ces colonies , d'après le Rapport présenté au parlement d'An-
gleterre , pour Vannée 182^ (1). — Ce rapport annonce que
l'état de la colonie n'est pas aussi avantageux qu'on l'avait
espéré. Elle est divisée en quatre cantons ou comtés : le
Cumberland , le Wcstmorcland , X Argylc et le Ca/nden. Le
Cumberland est de l'apparence la plus stérile sur les côtes;
la fertilité augmente à mesure que le terrain s'élève; mais
toute cette contrée manque d'eau, et les rivières Napéan et
Hawkesbury elles - mêmes ne parcourent que des districts
rocailleux qui n'en tirent presque aucun avantage. Le comté
de Camden abonde en excellens pâturages. Les seules par-
ties du comté d'Argyle que l'on ait examinées jusqu'à ce
jour sont d'une richesse et d'une fertilité particulières. Le
Westmoreland , qui se prolonge jusqu'aux montagnes Bleues,
(1) Nous empruntons ces détails au Bulletin mensuel que publie la
Société de géographie de Paris, dont les séances offrent toujours un
grand intérêt , par la lecture d'une correspondance très étendue et
très-variée, de mémoires et de notices dus au zèle de ses membres , et
et par les communications verbales d'un grand nombre d'étrangers.
Ce recueil nous fournira souvent encore, des renseignemens sur la si-
tuation de plusieurs contrées lointaines peu connues jusqu'à ce jour,
mais dignes d'attirer l'attention.
\l STftA.LA.SIE. »i.1
comprend l'établissement de Balhurat; maie il n'esl pas encore
bien connu. Les en\ irons de Nidnev, généralement peu fertiles,
sont, déjà épuisés, el il faudrait une dépense considérable pour
rendre au sol ses facultés productives. Sidney, Paramata,
Windsor el Liveroocl commencenl a mettre plus de symétrie
dans la disposition des rues, et plus de solidité dans la cous
truelion des maisons; mais cette ami lioiation ne s'est pas en
corc fait remarquer dans les villes de ta Terre de Van Dicmcn ,
ll«)l)ait-To\Nci-, Launcestoun et George's-To/wn. Le commerce
d'exportation n'a fait aucun progrès; la culture tin lin a été
insensiblement abandonnée; il en a été de mémo de celle du
tabac ; les produits d'une tannerie d'une étendue considérable
ne sont pas susceptibles de compenser les dépenses de la pré-
paration et du fret. Toute La fabrication de la colonie se borne
à celle des chapeaux, tics gros draps et des bas de laine qui se
consomment sur les lieux. Une manufacture de poterie n'a,
donné que des résultats d'une qualité grossière et d'un prix
très-élcvé. On espère, pour l'avenir, tirer parti des fila mens
d'une plante susceptible de former des cordages, et de quel-
ques espèces de bois de construction. Le climat de la Nouvelle-
Galles du Sud n'est point généralement nuisible à la santé des
agriculteurs. Les individus nés dans la colonie sont grands,
bien proportionnés et d'une complexion robuste. X.
— Etat de h presse périodique. — Il paraît, dans la capitale
tle la Nouvelle-Galles méridionale, trois feuilles publiques qui
sont la Sydney Gazette , le Howé's Express et X Australian.
Il n'en existait point du tout, il y a cinquante ans, dans toute
l'étendue de l'Ecosse ; et certes , dans les premiers tems de
leur publication, il s'en fallait beaucoup que ceux de ce der-
nier pays offrissent le degré de vie et d'activité que l'on re-
marque dans les journaux actuels de l'Australasie. On y
trouve des comptes rendus de séances de sociétés d'agriculture,
des procès verbaux de séances des cours de justice et do
longues colonnes d'annonces publiques et particulières; en un
mot, tout ce qui caractérise un bon journal anglais, et cela
sur un coin de terre des Antipodes qui n'était, il y a quelques
années , habité que par une poignée de sauvages à demi nus.
T. R.
Colonie anglaise de /'île Melvile. — On sait que de grandes
espérances avaient été fondées sur cet établissement, qui sem-
blait devoir devenir plus heureux encore que celui de Singa-
pore, et rassembler bientôt les jonques de la Chine et celles des
grandes îles de l'Archipel indien. Cette fois, la fortune s'est
jouée des projets de l'Angleterre, et l'on apprend que le succès
•a 14 Al ISTRALASIE. — EUROPE.
n 1 j ■oint couronné cette tentative. Les navires malais se sont
tenus éloignés constamment du port, qu'on leur ouvrait; et les
indigènes du golfe de Carpentarie, plus féroces encore, s'il est
possible, que ceux du midi de l'Australasie, n'ont cessé de tour-
menter les nouveaux colons par des hostilités. Après deux an-
nées d'efforts, pour acquérir leur amitié, ou pour s'en faire
craindre, on désespérait de parvenir à reconnaître seulement
l'intérieur de l'île, où l'on n'a pu encore pénétrera plus de
cinq ou six lieues de la côte. Moreau de Jonnès.
EUKOPE.
ILES BRITANNIQUES.
Statistique judiciaiRb et morale.' — Nous avons déjà dit, au sujet
de ces budgets du crime, qu'on ne peut les employer immédiatement
comme matériaux de la statistique morale d'un peuple; que le nom-
bre et la nature des délits sont des résultats extrêmement complexes
de l'état de la société, de l'inégalité des fortunes , de la législation
criminelle , du mode de procédure, etc. ; que l'état des dettes d'une
nation ne suffit point pour donner une idée de sa position finan-
cière , et que , dans l'ordre moral , il faudrait mettre dans la balance
le bien que cette nation a fait, et le comparer au mal dont on pro-
duit le registre. Nous ne craignons pas de le répéter, puisqu'on
l'oublie trop souvent : la logique des chiffres n'est bonne qu'autant
que l'analyse l'a précédée et l'accompagne. Que l'on sépare, que
l'on distingue soigneusement et nettement les causes diverses qui
concourent h la production d'un effet; qu'on assigne la loi suivant
laquelle chacune de ces causes exerce son action ; enfin que l'on
montre comment et dans quelle proportion ces données se combinent
pour la production de l'effet dont il s'agit. Si l'on se dispense de ce
travail, la formation des tableaux numériques n'est plus qu'un
amusement sans but , ou une voie pénible qui ne peut conduire à
aucune vérité, enfin une des plus fatigautes méthodes de mauvais
raisonnemens. Si la Revue Encyclopédique insère de tems en tems
quelques-uns de ces tableaux , c'est parce que nous espérons ren-
contrer quelques lecteurs suffisamment préparés pour en faire un
bon usage. ( N. du R.)
[LES BRITANNIQl KS.
2 i j
')-c des personne* emprisonnées t condamnées ou acquittées, dans
'ns le terre et le pays de Galles , pendant les sept dernières années.
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■Bonnement il«* 6 mois ;i i> uns.
( Elargis sans poursuite
0,3 18
2,5l 1
1,^81
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1 14
90
54
49
5o
57
5,8
~- — 1
En ittii , il y eut en Angleterre et dans le pays de Galles,
alors peuples d'environ io,i5o,ooo habitans , 3,i53 condam-
nations, dont /jo/t portant peine de mort. En 1821, la popu-
ation étant d'environ douze millions d'àmes , il eut 8,788 con-
damnations, dont 1 , 1 3 4 portant peine de mort. Enfin, en 1826,
a population étant d'environ treize millions d'habitans, les
tribunaux de l'Angleterre et du pays de Galles ont condamné
ii,oq5 individus, dont 1,200 à la peine de mort. En 181 1,
les condamnations furent donc dans la proportion de3i5 par
million d'individus; en 1821 , elles s'élevèrent à 7 3ss par mil-
lion; en 1826 , elles offrirent le nombre toujours croissant de
853 individus condamnés par chaque million d'habitans. Le
seul comté de Middlesex, dans lequel est située la plus grande
partie de Londres, peuplé d'environ douze cents mille nabi-
tans, a eu, en 1826, 2,220 condamnations, dont 204 por-
tant peine de mort : c'est à raison de i,85o condamnés par
million d'habitans. Le nombre des détenus pour dettes a été,
Ol 1826, pour l'Angleterre ei le pays de Galles, de 2,937,
dont 77Ô pour le comté de Middlesex. F. D.
ai.6 EUROPE.
Nécrologie. — Sir Thomas Stamford Raffles , savant
distingué, qui , de simple commis à la compagnie des Indes,
s'éleva par son seul mérite aux postes les plus éminens, et
dont Le roi d'Angleterre récompensa, en 1817, les talens et
les services par des lettres de noblesse, est mort d'une attaque
d'apoplexie le 5 juillet dernier.
Auteur d'une histoire excellente de l'île de Java, dont il fut
long-tcms le lieutenant-gouverneur; éditeur de diverses rela-
tions de voyages, et entres autres de celui de George Fin-
laison ( voy. Rev. Enc, t. xxix, p. /»6o ) , il fut encore un
des fondateurs de la brillante colonie de Singapore. — En
1824 , lors de son retour des Indes, il fit un naufrage dans
lequel il perdit pour plus de 20,000 livres sterling d'ouvrages,
cartes et objets précieux. — M. Stamford était membre de
presque tous les corps savans de l'Angleterre. F. D.
RUSSIE.
Instruction publique. — Universités. — Les cours seront faits
désormais en langue russe, et non pas en langue allemande,
comme cela s'était pratiqué depuis long-tems. — - Depuis le
commencement de cette année, les cours philosophiques ont
été interdits.
Réclamation. — Littérature russe. — Joukovsky, Cha-
khovsroy , Merzliakov et Viazemsky. — Dans un article ,
communiqué à la Revue Encyclopédique par un des correspon-
dans de ce Recueil, M. Schnitzler, sur les principaux poètes
de la Russie , à l'occasion de l'annonce d'une traduction alle-
mande de leurs productions, par Borg (voy. Rev. Enc. , no-
vembre 1824, t. xxiv, p. 391-394), il s'est glissé quelques
erreurs, qui pouvaient échapper à un étranger, et que nous
croyons devoir rectifier. « Vassili Andréïevitch Chakovskoi
(est-il dit dans l'article mentionné, p. 393), né en 1783, lec-
teur de la grande duchesse Alexandra Féodorovna. — Son
Recueil , qui a paru à Saint-Pétersbourg en 4 volumes, offre
des poésies lyriques , des romances , des ballades , des élégies,
des épîtres , etc. Sa diction est concise , mais hardie et éner-
gique. Il s'occupe en ce moment d'une traduction de la Jeanne
d' Arc de Schiller- ; il a aussi écrit en prose. » Au nom de
Chakhovskoy, il faut substituer ici celui de Joukovsky ; car
toute cette notice se rapporte à ce dernier, qui est regardé
comme l'un des poètes les plus distingués de la Russie , et dont
le mérite a été apprécié avec impartialité et justesse dans la
Revue y trois mois avant l'insertion de l'article de M. Schnitzler
RUSSIE. ii 7
\ov. /{ce. Eric, août i .H >./, ; t. \xm, p. 583-385). Lei
poéties de Jocxovs&i ont paru, en îHv/, , en 3 rouîmes m» <h".
ci 06 qu'il a écrit «i proie a été réuni dernièrement en i<sy>
dans nu volume in S" de i53 pages, à l'exception <!<• sa ira
ductiou de Don Quichotte t et de différent coûtes traduits du
français. Sa traduction en vers russes du Prisonnier de CJiïilon ,
de lord Byroh, a été le sujet «l'une annonce dans ce Recueil
\ov. Ji<r. Eue. , mai r8a3, t. wnr, p. 3S6 l. Quant an prince
.Ile. nutilrc ( n \ miovskon , dont le nom a été COnl >ndu d'une
manière ai étrange avec celui de Joi iotsky, et dont il n'a pas
été question dans l'article de M Schnitzler, il est né le % ', avril
(vieux stylo) 1777, dans le gouvernement de Smolcnsk. il est
l'écrivain dramatique le plus fécond de la Russie, dont il a
enrichi la littérature d'un grand nombre de pièces de théâtre ,
originales et traduites. On lui doit , entre autres traductions,
celles de Y Orphelin de la Chine, de Voltaire, publiée en
1809, et de YÀbufar, de Duc.is , en 1 8 1 5. Sa comédie origi-
nale, intitulée Aristophane 3 sa pièce , Leeon aux Maries, et
sa comédie romantique, ies Aventures de Nigei , empruntée au
roman de Wai.ter Scott, ont été annoncées successivement
dans la Renie (vov. janvier, 1824, t. xxi, p. 218-219 ; juin ,
1824 , t xxti, p. 732 ; et février, i8?6, t. xxix, p. 576). — «■ Le
pri née Petr Andréïevitrh Viazemsky (dit M. Schnitzler , d'après
la notice de Borg), conseiller de collège, docteur en philo-
sophie, professeur de littérature et d'éloquence à Moscou,
est né en 1778 , à Dalmatof, gouvernement de Perm; c'est un
poète distingué , un heureux" traducteur des anciens , et le
plus habile critique russe. » Nous avons ici une erreur de
même genre que la précédente à relever : cette notice doit se
rapporter à Alexis Merzliakov, professeur à l'Université de
Moscou , et connu, entre autres, par une traduction en vers
russes alexandrins de la Jérusalem délivrée , dont il a été fait
mention dans la Revue (vov. Rcv. Eue. , août 1822, t. xv,
p. 33o , et février, 1823, t. xvn , p. 324), et non point au
prince Pierre Viazemsky, que M. Borg avait eu tort de ne
point comprendre dans sa Galerie des pactes russes, et qui
occupe une place distinguée parmi les écrivains de la Russie.
Le prince Viazemsky est né à Moscou le 12 juillet (vieux
style) 1792; il manifesta de bonne heure du goût pour la
poésie. Son père en mourant le confia au célèbre Karamzin ,
qui l'a honoré dans la suite de son amitié, et l'a aidé de ses
conseils dans sa carrière littéraire. Batuchkov et Joukovskt ,
tleux poètes russes distingués, avaient formé avec lui des re-
lations intimes , que les circonstances ont interrompues. Les
n8 EUROPE.
productions du prince Ymzkmsry portent l'empreinte d'un
esprit vifel éclairé; son slyle a de la verve., de la concision et
une piquante originalité; ses poésies sont remplies d'idées, et
de saillies tour à tour ingénieuses et plaisantes. Ce qui le dis-
tingue surtout, ce sont des principes conformes aux progrès
des lumières et à l'état actuel de nos connaissances, principes
qui ne sont démentis dans aucun des écrits sortis de sa plume,
toujours amie de la vérité et de la saine philosophie. La litté-
rature russe lui doit d'excellentes biographies de Derjavjnk ,
ù'Ozkrov et de D.mitriev (i) : il ne manquera point sans
doute d'eu offrir une de Karamzine son ami et son beau-
frère , mort au mois de juin 1826 ( voy. Rc>>. Eue, juillet
1826 , t. xxxi, p. 242-24/i). Le prince Viazemsry vit ac-
tuellement à Moscou, où il continue ses travaux littéraires.
Parmi un grand nombre de pièces en vers et un prose qu'il a
fait insérer dnns le Télégraphe de Moscou (années i8a5 et
1826) , on doit remarquer un morceau intitulé : la Rose défen-
due , qui plaît par la grâce et la délicatesse de l'expression et
l'harmonie des vers, ainsi qu'une analyse spirituelle et pi-
quante des Mémoires inédits de Mme de Genlis , tomes v et vi,
analyse rédigée dans un esprit qui fait honneur aux sentimens
et à la manière de voir de son auteur. Ces deux morceaux se
trouvent dans le numéro 5 du Télégraphe , année 1826. C'est
dans ce même numéro que le prince Viazemsky a inséré
(p. 89-98) un article nécrologique sur le grand orateur ravi
en 1825 à la France , et regretté par les hommes de bien de
tous les pays. Nous reproduisons ici quelques lignes de cette
notice, qui feront juger favorablement et de celui qui l'a
écrite, et du rédacteur qui l'a admise dans son journal : « La
plus douce récompense que le général Foy pût espérer pour
ses services et pour son sang versé dans les combats , était la
confiance de ses concitoyens , manifestée par sa nomination à
la Chambre des députés. H déploya dans celte nouvelle car-
rière des talens extraordinaires, et se distingua par une élo-
quence mâle , vive et brillante , par de vastes connaissances
dans les objets relatifs à l'administration civile et militaire , et
à l'économie politique. Combien de fois ce représentant de la
gloire des armées françaises n'a-l-il pas entraîné ses auditeurs
par l'impétuosité d'une âme ardente et d'une noble indigna-
(1) La notice du prince Viazemsky sur la vie et les ouvrages de Dmi-
triev a été publiée dans la nouvelle édition des œuvres de ce dernier, et
annoncée dans la Revue , août 182/j , t. xxni, p. 383.
RI ssii'.. — POLOGNE. aig
lion, etl défendant la cause de ses comnietlans! Il ne lui ani
vait pas, il est \;ai , d'a\oir toujours la victoire de son rôle;
mais ses paroles retenl issaicnl <lai:s tonte la Irauee, et sa
gloire personnelle fermait , par le respect involontaire qu'il
avait inspiré, la bouche de ses adversaires qui devenaient
victorieux à leur tour par la majorité des voix. » Ensuite,
après avoir parlé des funérailles de ce grand citoyen , du deuil
général de toute la France, spectacle imposant et nouveau
dans les annales contemporaines , l'écrivain russe termine
son article par ces paroles : « c/est ainsi que la France et scs
poètes savent honorer la mémoire de leurs héros. » P. R. E.
POLOGNE.
Extrait d'une lettre de IFiina. — Etat de la littérature histo-
rique en Pologne. — ■ L'histoire d'une nation soumise aujourd'hui
à cinq gouvernemens diffiérens (i), divisée en sept parties dont
chacune est régie par des lois particulières (2), et qui toutes
sont dépendantes de la sainte-alliance; l'histoire d'une nation
autrefois libre, aujourd'hui tourmentée du besoin de recouvrer
l'indépendance et la liberté qu'elle a perdues, ne saurait être
indifférente à aucun homme généreux et ami de l'humanité.
Les savans et les littérateurs polonais continuent à s'occuper
de l'histoire ancienne de leur patrie , depuis qu'une époque
nouvelle a changé scs destinées sans les fixer encore : ils re-
cherchent soigneusement les causes de la grandeur passée et
des malheurs de la Pologne; ils s'attachent à recueillir tout ce
qui appartient à l'histoire de sa législation et de sa littérature
(1) Les cinq gouvernemens que l'on distingue en Pologne, sont :
i° celui de Russih ; 20 celui d'AuTRicnp,; 3° celui de Prusse; 4° le
gouvernement constitutionnel du royaume de Pologne; 5° le gouver-
nement constitutionnel de la petite République de Cr.vcovie.
(?.)Les sept parties de la Pologne actuelle sont: i° les provinces
tombées en partage à la Russie , en 1772 , gouvernées suivant les lois
russes; 2Q les provinces échues la même année à la Prusse et qui
obéissent aux lois prussiennes ; 3° celles de V Autriche ; 4° les provinces
appartenant à la Russie par le second et le troisième partages , régies par
les anciennes lois polonaises ; les ukases de Pétersbourg y remplacent
néanmoins très-souvent les décisions des juges, prononcées d'après le
statut de Lithuattie ; 5° \e& pays tombes en partagea la Prusse, en 181 5,
tels que le grand duché de Pose// , régis par des lois particulières : 6° le
royaume de Pologne proprement dit ; 70 la république de Cracovie , ber
e. au de la liberté polonaise.
220 EUROPE.
ancienne ; ils ne infligent rien pour transmettre aux géné-
rations futures une histoire complète de cette malheureuse
contrée.
Après la décadence de la Pologne, Czacki, non moins eé-
lèbre comme patriote que comme savant puhlieiste; Kollon-
tay, écrivain et orateur politique distingué ; Niemcewicz,
j)ot le et historien; Albertrandy, Ossolinski ; Bentkowski ,
auteur d'une Histoire littéraire de Pologne, publiée en 1814;
les deux frères Banptkié, l'un jurisconsulte , l'autre historien;
Soltyrowicz, Lelewel (Joachirn) , ex -professeur d'histoire
universelle dans l'université de Wilna, non moins distingué
par l'étendue et la profondeur de ses connaissances que par la
pureté de son patriotisme, et d'autres savans, ont acquis des
droits à l'estime et à la reconnaissance de leurs compatriotes
par leurs écrits sur l'histoire et la législation.
Une énumération des anciens historiens de ce pays, suivie
de quelques indications des principaux ouvrages publiés de
nos jours, ne sera point déplacée dans ce recueil.
L'histoire de Pologne a occupé beaucoup d'écrivains natio-
naux et étrangers, qui ont laissé plusieurs ouvrages, imprimés
ou manuscrits. Après l'auteur anonyme de la vie à'Adalbert, on
regarde Martin G allas, Français expatrié, comme le plus an-
cien historien; il vivait vers ino et n35. Vinrent ensuite
Mathieu Cholewa, évêque de Cracovie; Vincent, fils de Kad-
lubeck , autre évêque de Cracovie, mort en 1223; Bogufal,
évèque de Posen , mort en i25'3; Godzislas Baszro, Martin
Strzembsri, mort en 1279; Dzierzva, en 1420; Sigismond
Rositzius, en 1470 ; quelques anonymes, et enfin l'illustre Jean
Dlugosz (Lorigin), instituteur des fils du roi Casimir Jagellon,
né en i/ji5 , et mort en 1480.
Ici commence une autre époque : Mathieu de Miechow, mé-
decin de Sigismond Ier, publia son ouvrage en 1621 ; c'était le
premier ouvrage historique imprimé (1). Martin Kromer, évè-
que de Warinie, mort en 1589, fut surnommé le Tite-Lwe de
la Pologne. Parmi les écrivains qui depuis ont traité des épo-
ques particulières de l'histoire du pays, Bernard 'W\vomt?,^\ et
Alexandre Guagnini, Italien, doivent être distingués; ce der-
nier avait servi honorablement dans l'armée polonaise et fut
anobli. Nous citerons ensuite Mathieu Stryikowski , historien
de la Lithuanie et delà Russie polonaise; Stanislas Piasecki,
protestant qui vivait dans la seconde moitié du xvie siècle, au-
(1) Oii imprimait déjà en Pologne avant Tan 1480.
POLOGNE. >>\
leur de quelques oui rages très- remarquables , et qui a continué
l'histoire <!<• Pologne jusque la mon d'i. tienne liatory. "Martin
Hiiiski , mon en i 576, a laissé une Chronique qu'il a conduite
jusqu'au tema <»n il vécut, et que son (ils .io\ciini a continuée
jusqu'à Sigismond III. Le style de cette Chronique, d'aiHeurs
fori estimée sous le rapport historique, «'si si beau, (prou l'a
nomme le -style d'or. Adalbcrt Koiunuia, né en 1 '>'><>, a écrit
en latin une très-bonne Histoire de Lithuanie. Le célèbre Louis
Sciii.oKT/F.H , qui a traduit cet ouvrage en allemand, s'exprime
xainsi : Koialowicz est., sans contredit, l'un des meilleurs his-
toriens du xvu' siècle, tant par sa manière d'écrire, que par
le choix des matières, la sagesse des vues et la critique histo-
rique. »
D'autres écrivains, qu'il convient de mentionner, se sont
occupés de règnes séparés; tels (pie Tzeler, Petryey, GornicAi ,
Lubicnski, Piaseeki , Strfikoiwski, Fredro, Kobierzycki, Meyden-
sztryn , etc. Dans la seconde moitié du siècle dernier, Adam
Nauuszewicz, excellent traducteur de Tacite, poëte remar-
quable et historien, fut surnommé le Tacite polonais. Son his-
toire de la Pologne commence à l'époque de l'introduction du
christianisme par le roi Mieczyslas Ier, en 965, et se continue
jusqu'à la famille des Jagellons, ou première dynastie des
Piasls, régnant par droit de succession jusqu'en i386. Naru-
szewicz avait formé le dessein de reprendre plus tard l'histoire
des tems antérieurs à 965, qui devait former le tome 1er. Il
commença son ouvrage au second volume, et publia les tomes
2,3, l\ , 5, 6 et 7, de 1780 à 1786. Une seconde et belle édition
de cet ouvrage parut, à Varsovie, en i8o3, aux frais du comte
Th adée Mostowsri , publiciste et littérateur distingué, aujour-
d'hui ministre de l'intérieur; mais personne n'osa se charger
de composer le premier volume, qui manquait, pour compléter
ce bel ouvrage. La Société royale des amis des sciences de Var-
sovic, désirant exciter le zèle des littérateurs, arrêta : i° que
plusieurs de ses membres s'occuperaient individuellement de
l'histoire d'un règne, à commencer de l'époque à laquelle Na-
ruszewicz avait cessé son ouvrage; 20 qu'après avoir achevé
son travail, chaque auteur devrait le soumettre à la société;
3° que, lors de la réunion des divers manuscrits, une commis-
sion serait nommée pour les examiner, les refaire, s'il le fallait,
et pour publier enfin une collection complète sous les auspices
et au nom de la société; chaque membre pouvant néanmoins
publier son travail particulier avant la mise au jour de la col-
lection complète. En vertu de cette décision, les histoires de
plusieurs règnes furent terminées et soumises à la société, et
asu il aOPE.
deux ont été publiées; savoir : Panowank Zygmunta III, règne
de SigismondjlU,par/«&?« UwinNw&cRwicz.(fPrarsovie, 1819,
3 Torts volumes in-8°), et Panowanie fVladyslawa IV ', règne
de W ladislasIV, par Çaètan K.wiatk.owsju. [JVarsovie , i8'>,3,
1 fort vol. in-8°.) Les auteurs de ces ouvrages, surtout le pre-
mier, se sont montrés les digues continuateurs de Naruszewicz.
La Société des amis des sciences de AVarsovie, non contente
de faire terminer l'histoire que cet écrivain célèbre n'avait pu
conduire durant sa vie que jusqu'à l'année i386, a encore
acquis des droits à la reconnaissance nationale, en faisant pu-
blier, à ses frais, trente ans après la mort de Naruszewicz, le
premier volume de son ouvrage, contenant Y Histoire des teins
qui précédèrent V introduction du christianisme en Pologne. Ce pre-
mier volume, que l'auteur n'avait pu terminer, mais pour la
publication duquel il avait préparé et coordonné lui-même les
matériaux., est intitulé : Ristorya naroda polshiego przedrokiern
965. Histoire de la nation polonaise avant l'introduction de la
religion chrétienne, en g65, par Adam Naruszewicz, 2 parties.
(Warsovie, 1824. In- 8° avec cartes.)
La même année vit paraître une autre production : Bistoiya
Xionzont i-hrolow potskich, etc. Histoire des princes et des
rois de Pologne, par Théodore Waga, publiée par Joachim
Lelewel. (Warsovie, 1824. 1 vol. in-8°.)
Il v a soixante et quelques années que Théodore Waga pu-
blia sous ce titre un abrégé très - succinct de l'histoire de
Pologne. A défaut d'un meilleur traité, on s'en servit dans
toutes les écoles, et l'ouvrage eut un grand nombre d'éditions.
Enfin, M. Lelewel, ex-professeur d'histoire à l'université de
Wilna, reconnaissant combien il était défectueux, mais vou-
lant lui conserver un titre qu'un long usage avait rendu res-
pectable, le refondit entièrement, le compléta et le publia sous
le nom de Waga. Dans ce travail, il divise l'histoire de Pologne
d'une manière tout-à-fait neuve : en quatre époques., la partie
fabuleuse non comprise, et renfermée dans l'introduction. La
première époque commence à Ziemoaùt, fils de Piast, au
ixp siècle, et finit à Boleslas (Krzywousty) à la bouche de tra
vers, et s'étend de 965 à 1139. Dans cette époque, il présente
la Pologne conquérante. La seconde époque, comprenant de
11 39 à i333, présente la Pologne partagée sous les successeurs
de Boleslas. La troisième se termine à l'année i586, et con-
tient l'histoire des tems compris entre la mort de Wladislas le
nain (Lokietek), et à celle de Batory. Cette époque offre la
Pologne florissante. La quatrième représente le pays tombant
en décadence, depuis la mort d'Etienne et le commencement
POLOGNE. a*3
du règne de quarante i\% ans de l'indolent Sigismond m , qui
se rapporte bu moment où les jésuites commencèrent a exei
cer l * * 1 1 1- domination sur l'espril public, el .1 s'emparer d< s
écoles el des imprimeries; époque où, suivant l'expression de
Bentkowski, de Soltykowicz el de Sniadecki, l'édifice antique,
élevé par des citoyens vertueux et des princes magnanimes , fut
renversé : el à dater de laquelle <>n pul prédire la décadence
progressive des sciences et (les arts, et enlin celle du pavs. Ce
livre devant être à l'usage de tous les âges el dfe toutes les
conditions, el particulièrement de la jeunesse, L'auteur s'est
attaché aux objets les pins dignes d'intérêt. Il expose^ dans
des remarques pleines d'érudition et de jugement, l'étal de la
nation sous chaque roi, la législation et la forme du gouvei
neinenl. Il prouve (jnc la Pologne n'a jamais été un pays féo-
dal, cl donne aux lecteurs des notions suffisantes suc la culture
et la statistique du pays.
Dzieié krolestwa PefsAiego, Histoire du royaume de Pologne,
par George-Samuel Bandtkjé. Bakslau, 1820, Korn. ae édi-
tion. — ('et ouvrage, pins étendu que le précédent, donne une
connaissance complète de l'histoire de Pologne; il contient une
critique Sage, et le style en est clair et correct. Le savant
l.elewel a dit de eette seconde édition : qu'il ri existe pas, dans
ce genre , d'ouvrage plus parfait.
Rys historyi PolsAiey, etc. Esquisse de l'histoire de Pologne,
par Joseph Miklaszew ski. ( AVarsovie, 181 8, 1 vol. in- 12.) —
C'est un abrégé de l'histoire générale de Pologne, à l'usage des
commençans; il contient plusieurs cartes géographiques, repré-
sentant la Pologne dans les différentes périodes de sa gran-
deur passée.
Sptévvjrhistoryczne, etc. Chants historiques , par Julien-Ursin
\ii mckwicz , membre et président actuel de la société des amis
des seie/ices de IFarsoviv. (AVarsovie, 18 19. 1 fort vol. in-8°.)
— La société des amis des sciences ayant conçu le projet
honorable de transmettre aux générations futures des souve-
nirs nationaux, et le tableau des faits éclatans qui honorent
les anciens rois et les citoyens de la Pologne, chargea l'auteur
de réunir ces faits historiques, et d'en faire le sujet de chants
qui pussent devenir populaires. Ce savant respectable en a ré-
digé trente-trois; il a ajouté à chaque chant un précis histo-
rique, facile à retenir. L'ouvrage est terminé par un petit
poème sur le prince Joseph Poniatowski, mort à Leipzig en
1 -S 1 '). L'auteur a placé, en tête de l'ouvrage, un chant com-
posé par saint Adatbcrt, il y a huit cents ans , avec l'ancienne
musique, et qu'on a toujours chanté dans les églises; les soldats
EUROPE.
le répétaient au commencement de chaque bataille. Depuis
quelque teius , ou le chante de nouveau , tous les dimanches ,
dans une de9 églises de Warsovie. Chaque chant historique est
accompagné dune gravure et de la musique notée qui s'y
rapporte. On remarque avec plaisir que presque tous les su-
jets sont dessinés, et que presque toute la musique est compo-
sée par des dames polonaises.
Piélgrzym tv Dobromillu. — Le Pèlerin à Dobromil. (Varsovie,
1816. 2 vol. avec 5o gravures. ) — La princesse Isabelle Czar-
toryska, mère du sénateur palatin du royaume, est l'auteur
de cet ouvrage, dans lequel un pèlerin va de village en vil-
lage enseigner aux paysans et à leurs enfans l'histoire de la
patrie, racontée dans un style simple et claif.
Pamuvani éHenryka Walezyusza i Stefana Batore^p. — Règnes
de Henri de Valois et d'Etienne Batory, rois de Pologne;
extraits des manuscrits d' Albcrtrandy, publiés par Ignace
Onacewicz. (Warsovie, 1824. 2 vol. in- 8°. )
Jean Baptiste Albertrandy, évèque in partibus de Zenopolis,
mort à Warsovie en 1808, président de la société des amis
des sciences de cette ville, se rendit en 1782 en Italie, et
dans l'espace de trois ans il y fit, dans les différentes biblio-
thèques, des extraits concernant l'histoire de Pologne, qui
formèrent cent-dix volumes manuscrits; puis, il se rendit à
Stockholm et à Upsal, où sont déposés des manuscrits pré-
cieux, relatifs à Pologne. Doué d'une mémoire étonnante, il
recueillait par écrit tous les soirs ce qu'il avait lu dans la
journée, et parvint, de cette manière, à éluder la défense qui
lui avait été faite par le gouvernement Suédois de prendre au-
cune note écrite, et à réunir une collection précieuse de 200
volumes manuscrits d'extraits historiques. Stanislas- Auguste
lui accorda une médaille avec l'inscription nicrentibus. Il a
travaillé jusqu'aux derniers momens de sa vie; et les services
qu'il a rendus à la littérature , lui ont mérité l'estime pu-
blique.
Kollehtanea zdziéiopisow Turec/dch, etc. — Collcctanea, ou ex-
traits des historiens turcs, pour servir à l'histoire de la Pologne;
par Joseph Senrowski (Warsovie, i$i$. 2 vol. in-8°). Il est
curieux de connaître ce que les historiens turcs peuvent écrire
sur leurs relations avec les autres peuples; sur leurs guerres,
leurs victoires ou leurs défaites. De pareils matériaux sont
d'un grand intérêt pour la critique historique. Cet ouvrage
est fort rare.
Pamicntnihi o dawneyPolszcze, etc. — Mémoires sur l'ancienne
Pologne, par Julien- TJrsin Niemcewicz (Warsovie, 1820. k vol.
POLOGNE.
ii 8 . (,'csi une collection d'écrits de peu d'étendue, pouvant
wrvMr de matériaux pour l'histoire polonaise. Ce recueil con-
t ut i i dos lettres el des mémoires de Polonais distingués, <•(.
d'étrangers qui ont éeril sur la Pologne; des descriptions de
fêtes nationales, de diclcs; des discours; des extraits d'aeles
ancienSj etc. Il n'est pas un seul Polonais qui ne Lise cel ou-
vrage avec intérêt Les circonstances n'ont point permis à
l'auteur de !«• terminer.
Indépendamment «les ouvrages historiques dont nous ve-
nons de parler , il a été publié, depuis j «S i :> , un grand nombre
de traductions, entre autres : Panovanie Htnryka kfalezyuszat
Règne de Henry de A alois, par Cuois.vin, né en i53o, traduit
du français par Adidbc rt, Tu&sxj ( Wilna , 1818. 1 vol. in-8°).
Pienhnosri historyi Polshiéy. — Beautés de l'histoire de Po-
logne, par Nogaret, traduit du français (Breslau, Korn.
1 vol. in- 12 ).
Nous indiquerons encore un grand nombre de brochures,
de dissertations, d'écrits historiques assez étendus, publies sé-
parément ou insérés dans divers ouvrages périodiques, et par-
ticulièrement dans les Mémoires de Jf'arsoeic, dans les Mé-
moires scientifiques et les exercices littéraires , dans le Journal
de f Varsovie 3 dans Y Abeille de Oneovie, dans la Fourmi de Poz-
nanic, dans le Journal de IVilna , dans les Mémoires de Lcm-
hetg ; enlin, nous devons comprendre, dans cette rapide revue:
i° la Chronique polonaise du xe siècle , par Prokosz (Varso-
vie, 1825. 1 vol. in-12); 2° Ostatnié lata panowania Zyg-
munta starego , etc.; ou les dernières années du règne de Sigis-
mond Ier (le vieux), et le commencement du règne de Sigis-
mond II [Auguste), par Joachim Lelewel (Varsovie, 1821 ;
<ilucksberg. 1 vol. in- 8°); 3° YHlstorya Pols/d, etc., abrégé
de l'histoire de Pologne, par Joseph Falenski (Breslau, 1819.
1 vol. in-8°).
Le premier de ces ouvrages est une collection de fables in-
ventées vers le milieu du siècle dernier, et qu'on a voulu faite
passer pour un recueil du xc siècle. Cette fraude a été dé-
voilée dans le Journal de Varsovie. Le second est un extrait des
manuscrits d'une histoire de Pologne, qui n'est pas encore im-
primée. Le nom de l'auteur, ses nombreux travaux, bien con-
nus dans le monde littéraire, sont une garantie du mérite de
ce petit ouvrage. Le troisième traité est fort inférieur au pré-
cédent.
Enfin, les Mémoires de Michel Oginski, sur la Pologne et les
Polonais , depuis 1788 jusqu 'en 1 8 1 5 ( Paris ,1827.4 vol. in-8°) ;
ouvrage entièrement historique , annoncé dernièrement (voy
r xxxvi- — Octobre 1827 . i5
aafl EUROPE.
lier. Ehc.j t. xxxi i, p. 7 58), et dont les principaux journaux
île France, d'Allemagne, d'Italie, et même de l'Amérique du
Sud, ont rendu compte avec soin , est l'ouvrage le plus récent
sur la Pologne, et qui conduit l'histoire de ce pays jusqu'en
i8i5. P. C.
DANEMARK.
Copenhague. — Instruction élémentaire. — M. le chevalier
d'Ami ahamson , aide-de-camp de S. M. le roi de Danemark,
secondant avec zèle les vues bienfaisantes de ce monarque,
est parvenu à donner beaucoup d'extension à l'enseigne-
ment élémentaire dans toute l'étendue du royaume. Des suc-
cès aussi importans ont attiré l'attention des philantropes
de tous les pays : la Société d'instruction élémentaire de Paris
s'est empressée de féliciter M. d'Abrahamson et son souve-
rain, hommage qu'aucune adulation ne peut altérer, et qui
est l'expression fidèle de la reconnaissance publique. Dans une
lettre en réponse à cette Société, M. d'Abrahamson s'exprime
ainsi : « Je me suis empressé de mettre aux pieds de mon sou-
verain l'hommage que vous rendez à son amour pour son pays
et à son zèle infatigable pour la propagation des lumières dans
les contrées qui ont le bonheur de se trouver sous sa bienfaisante
administration : l'auguste prince a reçu cette respectueuse
communication aussi gracieusement que je pouvais l'espérer. »
ALLEMAGNE.
Berlin. — Académie des Sciences. — Question proposée par
la classe de physique, pour le concours de l'année 1829. —
L'entomologie est sans contredit celle des diverses branches
de la zoologie qui a le plus excité l'intérêt des amateurs et des
savans; et parmi ces derniers, on distingue des observateurs
du talent le plus éminent. Cette réunion d'efforts était plus
nécessaire ici que partout ailleurs , vu le nombre prodigieux
des espèces diverses , qui se trouve encore à peu près doublé
par la métamorphose presque totale que la plupart subissent ,
et qui amène non-seulement des formes toutes différentes,
mais surtout, pour surcroît de difficultés , une différence com-
plète dans les localités d'habitation et dans le genre de vie.
On conçoit aisément que la métamorphose des insectes, l'ob-
jet le plus important de l'entomologie, soit néanmoins le plus
imparfaitement connu. Les papillons sont presque les seuls
insectes dont les formes antérieures soient suffisamment avé-
rées; parmi les coléoptères, il s'en trouve quelques-uns dont
ALLEMAGNE. i»?
les Larves ont été bien reconnues; mais ce n'est j >«-is à beaucoup
près le plus grand nombre, el récemment encore deux en-
homologues connus oui décrit el figuré la larve d'un Drilu»
comme étant un ver Intestinal d'un testacée terrestre. Pour
ions les antres ordres, L'incertitude va toujours croissant, et
SUrtOUl pour les diptères, dont quelques larves, pi ises ancien-
nement, pour des ver S, passent encore aujourd'hui sous cette
dénomination, et dont la majeure partie nous est absolument
inconnue.
Pour contribuera dissiper une incertitude aussi fâcheuse, la
(lasse de physique propose la question suivante :
« Tracer pour tes larves d'insectes des ordres et des familles
naturelles tellement caractérisées qu'on puisse, parles caractères
de la larve, reconnaître sinon le genre, du moins la famille de l 'in-
secte parfait. La classe désire que cette nomenclature des larves
soit spécialement détaillée pour les diptera Lin. [antliata Fabr.)
et appliquée aux genres les moins connus sous ce rapport. » —
Les descriptions de larves qui ne se trouvent point encore
figurées doivent être accompagnées d'une délinéation exacte,
et d'exemplaires dans l'esprit de vin.
Le 3i mars 1829 est le terme de rigueur pour la remise des
mémoires. Le prix, de 5o ducats, sera décerné dans la séance
publique du 3 juillet même année.
Nominations. — S. M. le roi de Prusse a approuvé
la nomination que l'Académie des sciences a faites de M. le
ministre d'état baron de Stein à la place de membre hono-
raire ; celle de M. le professeur de Raumer à la place de mem-
bre résident pour la classe historique et philologique; et celle
•de M. le professeur d'EHREivBERG à la place de membre rési-
dent pour la classe des sciences physiques. Ce dernier était déjà
académicien extraordinaire.
— Enseignement de la géographie. — M. Alexandre de
Humboldt est sur le point d'ouvrir ici des cours de géogra-
phie physique. L'afflncnce des personnes qui s'inscrivent pour
suivre ses leçons est si grande, que la salle des cours ne suffira
point pour recevoir tous les auditeurs. M. de Humboldt qui a
beaucoup admiré à Paris le bel établissement du Géorama,
regrette qu'il n'y en ait pas à Berlin un du même genre qui lui
offrirait l'emplacement le plus convenable pour ses leçons et
pour faire suivre sur une carte d'une immense dimension les
voyages de découvertes, et donner une sorte & intuition du
globe terrestre, considéré d'un seul coup d'œil dans son en-
semble et dans tous ses détails. La Géographie comparée est,
i5.
228 EUROPE.
comme lAnatomie comparée, une science nouvelle éminem-
ment propre à faire avancer les sciences géographiques. N.
Weimar. — Hommage rendu par la puissance au génie.
— Il y a peu de tems que la ville de Weimar avait offert à
l'Europe littéraire une scène extrêmement touchante ; le pa-
triarche de la littérature allemande , l'illustre Goethe, avait
reçu l'hommage d'un monarque , ami véritable des sciences et
des arts , qui est lui-même un des hommes les plus éclairés
de l'Allemagne , et qui ne perd aucune occasion de montrer
le noble enthousiasme dont il est animé pour les idées géné-
reuses. Le roi de Bavière, ayant appris qu'on allait célébrer
le jour anniversaire de la naissance de Goethe , s'était rendu
inopinément à Weimar, avait pressé le poète célèbre dans ses
bras , en lui passant autour du cou le grand cordon de l'ordre
de Bavière , dont il était revêtu.
De retour à Munich , le jeune prince a consigné dans une
ode les vives impressions dont il était rempli en quittant Wei-
mar, et il a rendu un solennel hommage a la poésie, au grand-
duc de Weimar, Charles-Auguste, et à Goethe, son illustre
ami.
On retrouve dans cette ode le génie de la langue allemande :
beaucoup de profondeur et de grâce dans les idées , et une
grande -concision dans le style. La traduction, ou plutôt la
paraphrase suivante, est bien loin de donner une juste idée
des beautés de l'original.
A WEIMAR.
« Rêves d'une vie plus belle , que les jours passés à Weimar
se balancent avec délices devant mon âme ! autour de moi
tout doit changer : ainsi le veut le tems; mais ma mémoire
gardera si fidèlement ces beaux souvenirs, qu'elle saura rendre
au passé tout l'éclat du présent.
« Eh quoi ! le pâle reflet du souvenir, n'est-ce pas là tout le
bonheur accordé à l'homme ici bas? Hélas! ces rayons éclatans
qui se jouent sur les flots ne sont que les rayons déjà déco-
lorés du soleil, et la voix du plus grand poète, à mesure qu'elle
retentit , perd de son charme et de sa puissance.
« J'ai pu assister encore à ce grand spectacle du génie le
plus vaste , honoré , chéri de l'intelligence la plus digne de
comprendre le prix d'un tel trésor. J'ai vu Auguste, j'ai vu
mieux que Virgile. Leur étroite et noble union est éternelle sur
la terre. Non, jamais elle ne pourra être brisée que par l'im-
pitoyable caducée de Mercure , lorsque le tems sera venu d'ap-
ALLEMAGNE —SUISSE. sag
peler au* sombre* bords le sublime vieillard et son royal ami.
« Les souvenirs les plus euh rapt se sont entrelacés dans mon
âme, comme une cmiruiinc , heureux assemblage de tout ce
qui esi beau •' Rome encore illustrée par le séjour de Goethe,
Weimar, où Qeurjt sa jeunesse, où refleurissent ses vieux ans;
et vous, bords Ueureui du Rhin (jui les premiers avgz retenti
des accens du poèlOi
« Le soleil même , après avoir caelié sa tête radieuse dans
le vaste Océan, crie d'une voix puissante à la terre, tiède en-
core des leux du midi, qu'il reviendra la féconder. Ainsi,
dans les paroles du poète , on sent respirer-une puissance qui,
en dépit du tems et des lieux, ira subjuguer jusqu'à la der-
nière postérité.
« Oui, grand homme! le genre humain est riche à jamais
des bienfaits qu'il reçut à Weimar : votre gloire a conquis
l'immortalité et a revêtu d'une majesté impérissable les lieux
où vous respirez* A l'avenir ils seront honorés du concours des
peuples. Saint, Weimar, salut éternel, sanctuaire de l'Alle-
magne. » R.
SUISSE.
Zoi;g. — Population. — La population totale de ce canton
s'élève à i3,8oo habitans, parmi lesquels on compte 210 ecclé-
siastiques. D'après le tableau dressé en 1827, il se trouve
dans ce petit canton 55 ecclésiastiques séculiers; 44 autres ci-
toyens du canton exercent leur ministère ailleurs. Les ecclé-
siastiques réguliers se composent de 8 capucins, 32 moines de
l'ordre de Citeaux dans le couvent de Frauenthal, et 25 de
l'ordre de St. -François. En outre, 46 personnes des deux sexes
appartenant à ce canton passent leur vie dans des couvens hors
de leur pays.
Canton de Berne. — Education des sourds- muets. — Ce
cauton possède aujourd'hui trois établissemens consacrés aux
sourds-muets: deux dans les environs de Berne, et le troisième
dans la petite ville de Laupen. Quelques amis de l'humanité,
touchés du triste abandon auquel étaient condamnés les sourds-
muets, qui, dans le canton de Berne et sur une population de
3oo,ooo âmes environ, sont au nombre de 1000 , formèrent la
résolution d'ouvrir à ces infortunés une école où ils pussent
recevoir les secours d'une éducation spéciale et d'une instruc-
tion appropriée à leurs besoins. Ils voulaient aussi simplifier les
méthodes d'enseignement à leur usage, jusqu'alors enveloppées
d'une espèce de mystère, de telle soi te que chaque maître d'école
de la campagne pût en faire l'application au profit des sourds-
ilo EUROPE.
muets qui l'entourent. Le gouvernement encouragea cette en tre-
prise et lui accorda des sommes considérables. Un instituteur
fut envoyé, pendant huit mois, à l'institution célèbre, dirigée
a Yverdun par M. Nakf. (Voy.Rev. £nc.,t. xxxi, p. 246.) Ensuite
on loua à Baechtelcn , près du village de Wabern, à une demi-
lieue de Berne, un local dans une situation tranquille, où, dès
le mois d'avril 1812, furent admis deux élèves, puis trois; on en
compte maintenant vingt-irois, tous occupés, avec une joyeuse
activité, à la lecture, à l'écriture, au calcul , au dessin, ou bien
aux travaux manuels qui doivent un jour soutenir leur exis-
tence. Sous la direction de l'instituteur dont nous avons déjà
fait mention, se trouve placé un maître auxiliaire, sorti d'un
des séminaires bernois destinés à former les maîtres d'école.
Quelques-uns des élèves ont fait des progrès rapides et sont
déjà capables d'entretenir une conversation par écrit; d'autres
sont arrivés, dans l'instruction religieuse, au degré nécessaire
pour être admis à la première communion. Ils rédigent jour
par jour des mémoriaux ou livres de souvenirs (Tagebùcher) ,
dont la lecture est très-attachante. Après les heures de leçons,
ils se livrent aux travaux manuels : les uns sont tailleurs ou
cordonniers; d'autres cordiers, ébénistes, menuisiers, etc.
Depuis un an, une autre institution, soutenue également
par des fondations bienfaisantes, s'est établie près de la belle
promenade de FEngi, à un quart de lieue de Berne. Plusieurs
jeunes filles de diverses parties du canton y sont réunies sous
la direction de trois institutrices. Ces deux écoles sont soumises
à la surveillance d'une commission, et à l'inspection spéciale de
quelques membres choisis à cet effet. L'instruction des sourdes-
muettes est la même que celle des garçons; elles s'occupent de
leur côté de travaux d'aiguille, de couture, de tricotage, etc.
Tout annonce en elles des habitudes laborieuses , de l'adresse
pour les différons ouvrages qui sont propres à leur sexe, et
une vive reconnaissance pour leurs bienfaitrices et pour celles
qui se sont vouées à leur éducation.
Le maître d'école deLaupen, qui a passé quelque tems à
Baechtelen , a aussi quelques élèves dont les progrès sont très-
satisfaisans. C'est lui qui le premier a résolu l'important pro-
blème de faire marcher l'instruction des sourds- muets avec
celle des autres enfans, et de pouvoir ainsi, avec peu de nou-
veaux frais, rendre à la société comme membres utiles et actifs
un nombre considérable de ces infortunés qui semblaient des-
tinés à n'être pour elle qu'un fardeau incommode.
Les rédacteurs des Communications bâloises, auxquelles nous
empruntons ces détails (voy. ci-dessus, p. 3c)2), terminent en
SUISSE.*— ITALIE. •/'»<
manifestant le clésh- que leur canton puisse bientôt suivre
l'exemple donné par celui de Berne; mais cette noble émula-
tion pour le l>i<*n De s'arrêter! point sans doute.' aux frontières
de la Suisse ; en France où nous comptons , il est vrai , quelques
grandes el belles institutions pour les sourds-muets, il reste
encore dans nos campagnes des milliers <le ces ('-très malheu-
reux, dénués de tous secours et de tous moyens d'améliorer
leur sort : c'est sur eux que nous appelons 1'aUention du gou •
verneinent et des particuliers biciifaisans ; c'est à leur profit
qu'il convient d'imiter les utiles expériences de Latipen. a.
ITALIE.
Analyse d'une plante médicinale. — M. le D' Folchi ,
professeur de matière médicale à l'Université délia Sapienzq, à
Rome, vient de nous communiquer l'analyse qu'il a faite
récemment de la racine du polj'gala virginiana. Voici quelles
sont les différentes substances qu'il a extraites de cette plante :
huile pesante , en partie volatile; acide gallique libre; cire;
matière acre résineuse; fécule colorante jaune ; extrait gom-
nieux, matière azotée (il aurait fallu la désigner plus spéciale-
ment); sulfate de potasse; carbonate de chaux; sulfate de
chaux, etc. Il paraît que M. le professeur Folchi croit que
c'est dans la matière acre de cette racine que réside sou prin-
cipe actif comme médicament; il nous fait espérer qu'il com-
muniquera au public les détails de cette analyse , et les obser-
vations qu'il a faites sur les propriétés de cette matière.
Fossati, D. M.
Littérature italienne. — Observations générales. — Défauts
reprochés à plusieurs auteurs italiens par des critiques judicieux.
— Les Italiens se plaignent souvent, dans leurs journaux,
dans leurs entretiens et dans leurs ouvrages, de ce que les
étrangers, et surtout les Français, déprécient leur langue et
leur littérature, sans les connaître; et ils croient se dédom-
mager, en décriant aussi les littératures étrangères. Nous ne
condamnons pas l'espèce de patriotisme littéraire qui donne
lieu à ce genre de préventions et de plaintes ; mais nous ne
pouvons approuver l'abus qu'on en fait trop souvent, au pré-
judice même de la littérature nationale, qui trouverait peut-
être à profiter dans les productions intellectuelles des autres
pays, si ceux qui la cultivent savaient en apprécier les beautés.
Nous pouvons néanmoins affirmer à ces Italiens , si jaloux de
leur gloire littéraire, que les écrivains français , depuis qu'ils
s'occupent sérieusement de l'étude des ouvrages des autres na-
a3a EUROPE.
tions, connaissent parfaitement et goûtent la littérature italienne,
aussi favorisée par la nature même de la langue, que remar-
quable par les chefs-d'œuvre qu'elle a produits : les nombreux
ouvrages italiens , classiques ou didactiques, publiés à Paris
depuis quelque lems , viennent à l'appui de notre assertion.
S'il existe encore quelques détracteurs serviles de nos poètes,
ne pourrait-on pas en signaler également parmi les Italiens
eux-mêmes qui souvent jugent les étrangers avec autant de
suffisance que de légèreté ? Il serait plus convenable de cher-
cher à se bien connaître, afin de pouvoir s'apprécier mu-
tuellement sans partialité, et sans cet esprit de secte et de
dénigrement qui nuit aux deux nations.
Un reproche que les étrangers font généralement aux écri-
vains italiens , c'est une prolixité , une abondance de phrases
qui peuvent être élégantes et harmonieuses , mais qni sont
presque toujours déplacées ou parasites. Aujourd'hui que l'on
connaît la valeur du tems et l'importance des connaissances
réelles , on demande avant tout de la clarté et de la concision.
Les étrangers sans doute ont exagéré ce genre d'imperfection,
en le regardant comme inhérent à la langue italienne ; mais
ne doit-on pas plutôt s'en prendre à ces professeurs italiens
qui contribuent à répandre ce préjugé, en ne choisissant, pour
enseigner leur langue aux étrangers , que les ouvrages de
Boccace et des auteurs qui ont le plus imité ou contrefait sa
manière. C'est par ce motif que nous avons cité plusieurs fois
avec éloge la Société des méthodes , qui, ayant ouvert un cours
de langue italienne à Paris , a choisi, pour cette année et pour
objet des études qu'elle dirige, la traduction deSalluste par Al-
fieri. Si l'on eût mieux connu l'esprit de la nouvelle méthode,
qui consiste à enseigner la langue par les moyens les plus faciles
et les plus rapides, et à faire connaître la signification précise
des mots, avant d'occuper les étudians de la traduction équiva-
lente des phrases et de la variété des styles, quelques journaux
ne se fussent pas évertués à nous apprendre qu'il existe des his-
toires nationales plus curieuses et plus intéressantes que celles
de la guerre de Jugurtha et de la conspiration de Catilina ; que
ht narration concise et piquante de quelques écrivains italiens
pourrait nous attacher beaucoup plus, et qu'Ai fie ri enfin, dans
sa traduction de Salluste', nous donne plutôt l'idée du style de
ce célèbre auteur latin que de l'éloquence italienne. Alfieri n'a
pas cessé d'être Italien , parce qu'il s'est parfaitement appro-
prié le style de Salluste. Si Boccace, qui veut imiter et qui
souvent exagère la manière de Cicéron , est néanmoins géné-
ralement regardé comme un écrivain par excellence dans la
n w.ik. — oiu.ci . ->:\ \
langue italienne , pourquoi reprocherait-on à Alfieri d'avoir
voulu montrer aux étranger* , el aux Italiens eux-mêmes, et
beaucoup mieux que n'avait pu le faire Davanzati dans sa tra-
duction de Tacite, que la langue italienue est susceptible
(l'une grande précision» ainsi que Dante l'avait déjà prouvé,
malgré la stérile abondance dont l'.onl surchargée la plupart
des écrivains de nos jouis? Mais, quelque jugement que l'on
porte sur k Caractère <!u style d'Allini et Sur celui de la plu-
parl ('es auteurs italiens, la .Société des méthodes «le Paris a
très-bien senti qu'il fallait ans étudians un livre propre à être
expliqué mol à mot; et qu'il convenait surtout que ce fût une
histoire connue de tous, afin qu'elle pût mieux guider clans
une explication des mots qui correspondent à des idées avec
lesquelles on est familiarisé d'avance, (l'est par cette raison
qu'elle a choisi le SallUste d'Alfieri , et non d'autres livres plus
propres peut-être à faire connaître le génie de la langue
italienne et l'histoire de cette nation... Fr. Salfi.
GRÈCE.
Situation morale du pays. — Premiers besoins de la nation
grecque j vœux et espérances de ses amis, (i) — Au moment où
l'intervention armée et la médiation de la Grande-Bretagne ,
de la France et de la Russie font enfin espérer un terme pro-
chain à la guérie d'extermination qui menaçait d'un entier
anéantissement toute une nation généreuse, héroïque, grande
par ses antiques souvenirs, plus grande peut-être de nos jours
par ses efforts courageux , prolongés depuis six années , pour
conquérir son indépendance ; quand un homme d'état jus-
tement célèbre, do-nt le nom et le caractère ont fait concevoir
les plus nobles espérances , va se placer au poste éminent du
danger et de l'honneur où l'ont appelé la confiance et les suf-
frages unanimes de la nation grecque qui lui a remis le soin
de présider à son organisation politique et à ses destinées, il
doit nous être permis , sans sortir de la sphère habituelle de
nos investigations et de nos observations relatives à la civili-
sation comparée et à ses progrès, de signaler les premiers
besoins de ce gouvernement nouveau et de cette nation re-
naissante qui viennent prendre place parmi les membres de la
famille européenne.
Ces besoins évidens et urgens sont :
i° Un gouvernement central et national , énergique et modéré,
qui soumette à la même influence et à la même direction ,
(i ) Cet article avait été rejeté par le Bureau de Censure.
*34 EUROPE.
dans l'intérêt île la commune patrie , les volontés et les forces
individuelles, long-tems divisées ou même ennemies; qui
mette enfui un tenue aux désordres et à l'anarchie, dont les
ennemis des Grecs ont su profiter, et dont l'affligeant tableau
a souvent découragé leurs amis les plus dévoués.
'2° Un régime municipal , qui permette d'unir aux avantages
du gouvernement centralisé les bienfaits non moins précieux
d'une administration de famille pour chaque localité : les
magistrats municipaux, librement choisis parmi les habitans
les plus honorés de l'estime de leurs concitoyens, devront
surtout s'attacher à inspirer la confiance , à maintenir l'ordre ,
à faire naître et à conserver l'esprit et les affections de famille
et l'attachement à la patrie générale , dans chacune des parties
de la population grecque.
3° Une armée régulière, pour proléger et pour assurer à
la fois, au dehors l'indépendance nationale, au dedans, le
maintien de l'ordre et l'exécution des lois , et pour donner
à la nation et à ses défenseurs un sentiment profond et du-
rable de cette dignité morale, propre seulement aux hommes
qui ont une patrie.
4° Une marine , fortement constituée , destinée à garantir la
sûreté et la liberté de la navigation et du commerce dans les
parages qui avoisinent la Grèce , à faire disparaître peu à peu
ces habitudes de piraterie et de brigandage qui ont servi de
prétexte aux ennemis des Grecs pour calomnier leur nation et
pour flétrir leur cause : capable enfin de contribuer, avec le
concours d'autres pavillons chrétiens , à réaliser un jour les
espérances des philantropes qui voudraient voir la mer Médi-
terranée affranchie des incursions de ces pirates barbaresques
dont l'existence politique et l'impunité prolongées accusent
d'apathie et d'indifférence pour leurs peuples les puissances
chrétiennes et civilisées de l'Europe (î).
5° L'établisse men t S écoles primaires d'enseignement mutuel
et d'écoles secondaires , qui répandent peu à peu l'instruction
dans toutes les classes de citoyens , qui acquittent ainsi la
première dette de la patrie envers ses enfans , qui forment
des agriculteurs , des ouvriers, des marins , des commerçons,
des soldats , des artistes , également pénétrés du sentiment de
leurs droits civils et politiques , de leurs devoirs , de leurs
intérêts particuliers et publics, et pourvus des vraies connais-
(i) Établir des colonies européennes sur la côte septentrionale le
l'Afrique , serait le véritable , et peut-être le seul moyen de faire
cesser les pirateries des États Barbaresques. N. du R.
GRÈCE. 2^5
sauces premières et indispensables [lecture, écriture, calcul f
dessin linéaire , géométrie élémentaire, géographie, histoire na-
lionale , religion et morale pratique, etc.) qu'ils devront appli-
quer dans leurs relations sociales et dans tontes les circons-
tances <le leur \ ic
0° Une législation civile, criminelle , commerciale et mari-
time, en grande partie empruntée aux -code s perfectionnés
des nations les pins éclairées del'Europe, niais appropriée ù
la situation nouvelle, aux mœurs et aux localités de la Grèce.
7° Pour (pie ces besoins .soient satisfaits , il (,s>t indispen-
sable de pourvoir, avant tout, aux finances nationales. Jus-
qu'à présent, la Grèce n'a pu subsister , au milieu d'une
guerre qui interrompt tons ses travaux et détruit toutes ses
ressources, que par les bienfaits des peuples chrétiens; les
comités grecs européens et le généreux philhelt'éne, M. Eynakd,
se sont acquis des droits à la reconnaissance de tous les peu-
ples. Pendant long-tems encore, la nation grecque sera ré-
duite à la ressource des emprunts. Il faut y fonder le crkdit,
dont les premières conditions, les bases fondamentales sont
un gouvernement ferme et stable , la paix intérieure , le mou-
vement imprimé à l'agriculture , à l'industrie , au commerce.
La Grèce aura tout obtenu dès qu'elle sera sous un gouver-
nement fait pour elle, investi de sa confiance, et occupé de
son bonheur.
Le peuple Grec est excellent, brave , généreux , enthou-
siaste , susceptible de concevoir et d'exécuter tout ce qui est
grand et beau; on aurait tort de le juger d'après quelques-uns
des primats, et des chefs militaires et civils, corrompus par
le despotisme qui a long-tems ravagé ces contrées, étouffé
les esprits, flétri les âmes, et altéré les dispositions morales
des habitans qui avaient des relations obligées de soumission
directe ou de complicité a\ec les oppresseurs de leur pays.
Les prévisions de l'éloquent historien du siège de Misso-
longhi (i) , qui avait peint avec de si fidèles couleurs le carac-
tère de la nation grecque , sont justifiées chaque jour par les
événemens. Il assurait la Grèce que, si elle ne ternissait point
sa gloire par de lâches concessions , elle pourrait bientôt s'or-
ganiser, comme État libre et indépendant, reconnu des puis-
sances européennes qui satisferaient ainsi au vœu général et
prononcé des peuples, aux exigences impérieuses de l'huma-
(i) Paris, 18:27 ; Moutardier, 1 vol. in-8°. ( Voy. Rcv. Enc. ,
t. xxxiii , pag. i*4-)
*3£ r.i hopk.
nité , de la justice et de la politique qui devrait les avoir tou-
jours pour compagnes inséparables.
Aujourd'hui, tin dernier effort est réclamé, en faveur de
la Grèce , et tous ceux qui ont jusqu'ici servi cette nation in-
fortunée de leur plume, de leur argent ou de leur épée ,
doivent redoubler de zèle pour atteindre le but désiré. Les
peuples civilisés auront acquitté leur dette : le peuple grec
acquittera la sienne , en montrant à ceux qui ont sympathisé
avec ses souffrances , qui ont partagé ses périls, qui lui ont
prodigué leurs secours, qu'il sait obéir aux lois, mériter 1 estime
par les vertus civiques, par l'union , par l'amour de la patrie,
comme il a mérité l'admiration par ses exploits militaires. « La
reconnaissance et la consolidation de l'indépendance grecque
mettront fin à cette irritation continuelle, aces alternatives
d'indignation et d'enthousiasme qui agitent depuis si long-
tems toutes les populations civilisées (1). »La liberté de la Grèce
devient un élément nécessaire de la tranquillité de l'Europe (2).
M. A. Jullien , de Paris.
PAYS-BAS.
Bruxelles. — Développement de la prospérité agricole, in-
dustrielle, commerciale, des institutions relatives à l instruction
publique, dans le royaume des Pays-Bas. — Etat moral et social
du pays. — C'est toujours avec une vive satisfaction que le
philosophe observateur voit marcher les peuples et les gou-
vernemens vers un but commun, celui de la prospérité géné-
rale. Ce beau spectacle lui donne la conviction que l'art de
conduire les hommes n'est pas aussi difficile que des esprits
chagrins voudraient le faire croire. Le bonheur dont jouis-
sent les ha bilans des Pays-Bas en est la preuve; ils sont pla-
cés sur la ligne des perfectionnemens en tous genres, et guidés
dans la route qu'ils parcourent par un monarque qui connaît
leurs besoins , et qui marche avec eux.
(1) Discours préliminaire de l'Histoire du siège de Missolonghi; par
M. Auguste Fabbe.
(2) Voy. Rev. Enc , t. xxxiri (mars 1827), pag. 655-569 , la
JSotice sur l'intervention des peuples en faveur de la Grèce , et T. xxxiv
(mai 1827), pag. 3o5-3r9, Y Exposé de la situation de la Grèce, au
commencement de l'année 1827, par M. de Sismondi ; enfin , t. xxvm
(décembre 1825), pag. 674* la Notice intitulée : la Grèce après sa
cinquième campagne. Ou a joint à cette Notice l'indication de ioas les
articles insérés jusque-là sur la Grèce dans notre Rente.
PAYS BAS. /'.7
Le tableau des avantages qu'ils ont obtenus en peu d'années,
d'après le sage système qui les dirige; mérite que les traits les
plus saillans en soient recueillis cl consignés dans notre journal
central de la civilisation comparée, t < s résultats d'une adminis-
tration, qui favorise et encourage tous les genres de progrès, ren -
ferment plus d'une leçon utile; et d. au très pays, que la nature
a traités avec une bienveillance plus marquée, sauront sans
doute eu profiler, pour suivre l;i même direction.
Dans le royaume des Pays-Bas, le commerce prospère en
général; l'agriculture se relève de plus en plus; l'exploitation
des mines est poussée avec activité; les constructions navales se
multiplient; les branches diverses dès revenus- de l'état répon-
dent à ce qu'on en attendait. La population augmente, et les
colonies agricoles , en offrant un asile et du travail BUX familles
indigentes-» contribuent à diminuer le nombre des mendians ,
et par conséquent celui des malfaiteurs. L'industrie manufac-
turière fait des progrès constans; elle lutte avec activité, avec
succès, contre la concurrence générale; de nouvelles branches
même se sont introduites et naturalisées. Le manufacturier et
le commerçant, secondés par le gouvernement, unissent leurs
efforts pour se procurer des débouchés assurés, et coopérer
ensemble à la prospérité générale.
Les institutions relatives à l'instruction publique reçoivent
une extension appropriée aux besoins des peuples et aux
progrès de la science.
La culture des lettres et des beaux-arts est également encou-
ragée par tous les moyens convenables, et par le plus puissant
de tous, par l'entière liberté de la pensée et de l'industrie.
Les travaux d'achèvement et d'amélioration des communi-
cations par terre et par eau se poursuivent avec intelligence et
avec zèle : on apprécie leur puissante influence sur le déve-
loppement de la richesse publique et sur le bien-être croissant
des individus.
On s'occupe de modifier l'organisation du funeste impôt des
loteries; et, malgré les diminutions que cette mesure fera
subir aux recettes de l'état, on ne demandera aux citoyens
aucun sacrifice extraordinaire. Les habitans des Pays-Bas pen-
seront, sans doute, comme nous, qu'une simple modification
n'est point suffisante, et qu'une suppression entière répondrait
bien mieux à la sagesse du gouvernement et au cri de la mo-
rale outragée; mais on se met ainsi sur la voie, et l'on arrivera,
en peu d'années, au but vers lequel tendent toutes les récla-
mations de la philosophie.
L'administration de la justice et l'organisation du pouvoir
238 EUROPE.
judiciaire vont recevoir leur complément par la fixation des
cantons de justice qui doivent partager le royaume, et par
l'adoption d'un Code pénal et d'un Code de procédure crimi-
nelle , qui seront sans doute améliorés par les discussions
solennelles dont ils vont devenir l'objet dans les deux chambres
législatives (voy. ci- dessus p. ).
Les autres améliorations et les principaux avantages obtenus
par le gouvernement en faveur des citoyens, sont: x° une
répartition plus égale et plus équitable de l'impôt foncier, et
une nouvelle impulsion donnée à l'opération du cadastre ;
2° des mesures efficaces prises pour faire disparaître les causes
qui tendaient à propager le fléau presque pestilentiel qui
s'était développé avec une si cruelle intensité dans plusieurs
des provinces du royaume; 3° le choix des moyens convenables
pour faire cesser l'état de guerre où se trouve l'île de Java , et
pour y introduire, ainsi que dans les Indes occidentales , un sys-
tème d'administration plus simple et moins dispendieux; 4° la
conclusion d'un concordat avec le saint-siége , sous des ré-
serves qui renferment les garanties que les lois de l'étal et le
respect dû à la liberté de conscience, en matière d'opinions
religieuses, rendent nécessaires; 5° un traité de navigation et
de commerce avec les États-Unis du Mexique, qui assure au
pavillon des Pays-Bas les avantages accordés à la nation la plus
favorisée ; 6° enfin, un accommodement avec le roi de Suède
et de Norvège, qui lève provïsoircmeut les entraves qui ne per-
mettaient pas aux vaisseaux des Pays-Bas d'importer dans les
ports de la Suède d'autres produits que ceux de leur patrie , en
attendant une mesure réciproque de la part des chambres re-
présentatives de la Belgique.
Quand l'administration , l'industrie , le commerce, la justice
et l'instruction marcheur sur une même ligne, sont dirigés avec
sagesse vers un même but, et quand les peuples secondent de
leurs efforts et entourent de leur confiance les hommes placés
au timon de l'état , les destinées d'une nation sont prospères ,
et le présent devient le germe et le gage d'un avenir de plus
en plus heureux. N.
Enseignement primaire. — Poids et mesures. — Dans le
district de Tournay, les principales écoles primaires ont main-
tenant des modèles de poids et mesures, propres à une démons-
tration facile et fructueuse; il serait à désirer que toutes les
écoles, sans exception, même celles de filles, pussent être
fournies de modèles semblables.
Médailles historiques. — Le roi a chargé M. Braemt , gra-
veur justement estimé, de former une collection de médailles
PAYS-BAS.- FRANCE. *'\0
historiques destinées à retracer les événement les plus remar-
quables du nouveau règne. S. SI. désignera elle-même l<->
sujets. di EL
FRANCE.
M 1 iivt Catitat). — Etablissement agricole de M. De Pradt.
— M. De Pradl vient de convertir en ferme expérimentale une
terre qu'il possède dans l'arrondissemeni de Murât Cet éta-
blissement, qui sera pour une partie de la France centrale ce
que la ferme et L'institut agricole de Roville sont pour nos
départemens du nord, est situé à une lieue d'Alianches , sur la
grande rouie de cette ville à Bort, dans le département de la
Corrèze. Les bâtimens actuels suffisent pour 100 têtes de gros
bétail et pour leurs provisions d'hiver : la moitié du sol est en
prairies. Quatre ruisseaux traversent la propriété, et fourniront
à des irrigations qui augmenteront beaucoup les produits et la
valeur de ees terres : on estime qu'on en tirera i,/joo,ooo livres
de fourrage, et au besoin on augmenterait encore cette quan-
tité de provisions d'hiver. Les céréales y prospéreront, et le
terrain est renommé pour l'excellence des légumes qu'il pro-
duit. Les habitans croyaient, de génération en génération, que
leur climat ne permettait point de cultiver les arbres fruitiers.
M. de Pradt les a détrompés, en créant un très-beau jardin
dans sa terre, où les cerisiers, les pommiers et même les abri-
cotiers ont donné d'excellens fruits. Une pépinière multipliera
ces arbres, et sera pour le pays une source inépuisable de
bienfaits : on y a joint à la culture des arbres fruitiers celle des
arbres forestiers qui conviennent le mieux à la nature du sol.
La culture des plantes oléagineuses, et surtout celle du lin en
grand, est ajournée jusqu'à ce que le propriétaire ait obtenu
les améliorations qu'il projette sur les animaux domestiques.
Un établissement spécial est consacré aux bètes à cornes et
aux chevaux. Ces expériences du croisement des races de
bœufs et de chevaux seront étendues et continuées jusqu'à ce
que l'on soit arrivé à un résultat certain; en attendant, des
observations annuelles, enregistrées, mises en ordre et pu-
bliées, serviront à résoudre une multitude de questions, à
préparer les doctrines, à les confirmer. Vingt- cinq à trente
taureaux de races choisies seront répandus, chaque année, en
France, pour l'amélioration de la race des vaches du pays. La
ferme de M. de Pradt ne contient encore que quatre vingt-huit
vaches suisses : le nombre en sera porté à deux cents. On éta-
blira un haras de vingt-cinq jumens poulinières; on a déjà
•2,o FRANCE.
quatorze jumcns et an superbe étalon : les races anglaise,
normande et limousine ont fourni ces quinze individus, tous
d'une grande beauté. Les ventes annuelles du produit des di-
verses espèces d'animaux seront annoncées par les journaux,
afin que les agronomes et les cultivateurs puissent s'y rendre,
juger des progrès de rétablissement et de ce qu'ils peuvent en
attendre pour améliorer les races communes répandues pres-
que partout dans les département circonvoisins, au grand dé-
savantage de l'agriculture.
La Terme de M. de Pradt sera, comme celle de Roville, un
centre d'instruction agricole. Ainsi , tout sera ouvert à qui
viendra pour s'instruire, et des publications annuelles répan-
dront partout le résultat des expériences et tout ce qui paraîtra
digne de l'attention des agronomes. Puissions-nous voir mul-
tiplier sur le sol français beaucoup d'écoles telles que celles de
MM. de Dombasle et de Pradt. F.
Sociétés savantes.
Aix [Bouclies-du-Rhônc). — Prix proposés. — Société aca-
démique. — Cette société a proposé un prix de 3oo fr. pour le
meilleur mémoire sur l'amélioration des vins du département des
Bouches-du-Rhône , et un prix de 5oo fr. pour la solution
d'une question littéraire relative à X influence des grandes in-
vasions territoriales des Romains sur la Provence. Les prix seront
décernés le i4 juillet 1828 et le il\ juillet 1829. R.
Dijon ( Côte.- d'Or). — Société de lecture. — Nous avons
fait connaître l'existence d'une Société de lecture , formée
à Lyon, sur le modèle de celle de Genève ( Voy. Rev. Enc. ,
t. xxxv, pag. 79*2). Un de nos abonnés, M. Delmasse,
nous apprend qu'une Société semblable, et qui s'étend à tout
le département de la Côte-d'Or, est établie à Dijon depuis
Vannée 1820". Elle a été instituée sous les auspices de M. le
Maire, qui en a accepté la présidence, et lui a procuré un local
convenable. Le règlement, approuvé dans la réunion générale
des fondateurs, le i3 juin 1826, a été imprimé et répandu
dans le département. Des livres ont été achetés; quelques
personnes en ont donné; d'autres en ont prêté, et chaque
membre de la Société jouit aujourd'hui de l'avantage d'obtenir
à domicile, et pour un tems déterminé, tous les livres qui sont
au dépôt , et dont i) a besoin.
Espérons que d'antres institutions du même genre s'éta-
bliront peu à peu dans les principales villes de la France.
Tout ce qui tend à répandre le goût de la lecture et de
Dl PAR rEMl M PARIS. v'.i
l'instruction , contribue .1 l'amélioration morale des indi-
vidus, ;ui\ progrès de l'aisance particulière et de la pro
péri té publique. I ne Société centrale de lecture et de commu-
nications scientifiques et littéraires devait aussi être formée m
Taris, en 1877., cl ensuit;1 en iSv.'J, par !«' concours d'un
certain nombre de membres de L'Institut, et des rédacteurs
de la Revue Encyclopédique. Le noyau de la Société était formé,
le règlement rédigé, le local à peu pics arrêté; des circon-
stances , indépendantes de la volonté des fondateurs, ont em-
pêché l'exécution de ce projet qui offrait des avantages inap-
préciables et un point central de réunion à tous les amis des
sciences, épais dans les divers quartiers de notre capitale, et
aux étrangers distingués qui viennent la visiter. Le même projet,
qui n'est pas entièrement abandonné . sera sans doute reproduit,
par son auteur, dans un moment plus favorable; et Paris n'aura
plus à envier à Genève et à d'autres villes un établissement,
tout-à-fait approprié aux besoins d'une grande cité , vaste foyer
de lumières, sorte de rendez-vous européen, et au caractère
éminemment hospitalier de la nation française. M. yY. J.
PARIS.
Institut. — Académie des sciences. — Séance du i\ septembre.
— MM. de Prorif, Girard et Ditpin font un rapport sur le
Mémoire de M. Vicat, ingénieur en chef des ponts et chaussés,
intitulé : Observations physico mathématiques sur (juclques cas
de rupture des solides. « On appelle résistance absolue celle que
les solides opposent à une force de traction exercée parallèle-
ment «à leur longueur ; et résistance relative celle qu'ils oppo-
sent va l'aetion d'une puissance qui tend à les rompre , en
agissant perpendiculairement à cette dimension. Les géomètres,
à qui l'on doit ces dénominations, ont considéré les solides
résistans comme formés de fibres homogènes élastiques , ap-
pliquées les unes sur les autres. Dans cette hypothèse, la ré-
sistance relative est proportionnelle , toutes choses égales d'ail-
leurs , au carié de la hauteur de base de fracture. Mais lorsque
les corps solides sont composés de molécules agglutinées , ce
qui les rend sensiblement inextensibles, leur résistance rela-
tive cesse d'être proportionnelle au carré de la hauteur des
bases de fracture. Le coefficient constant de ce carré se trans-
forme en un coefficient variable qui augmente avec la hauteur
des bases , et qui diminue avec la longueur des solides mis à
l'épreuve. Cette observation a conduit M. Vicat à considérer
Urte troisième espèce de résistance qu'il désigne sous le nom
t. xxxvi. — Octobre 1827. iG
i\>. FRANCE.
de résistance transverse , et qui est celle qu'une des bases île
fracture quelconque d'un solide oppose à l'action d'une puis-
sance qui s'exerce dans le plan de cette base, et qui tend à
rompre le solide, en le séparant suivant ce plan en deux par-
ties qui glissent l'une sur L'autre. Cette résistance transverse
n'est, par exemple, que de six fois et un quart plus grande
(pie la résistance absolue dans certaines pierres calcaires de
dureté moyenne. En introduisant l expression de la "résistance
transverse dans celle de la résistance relative , M. Vicat ar-
rive à une formule qui établit , poutMe cas d'équilibre, les re-
lations existant entre la résistance absolue, la résistance trans-
verse, la résistance relative, les dimensions du solide encastré
et l'effort qui tend à produire sa rupture. Au moyen de cette
formule, on résout plusieurs problèmes importans dans les
constructions, et notamment celui des arrachemens , qui con-
siste à déterminer la force capable de dégager de son encas-
trement dans un bloc de pierre, par exemple, une tige de
fer ou de toute autre matière solide qui y serait engagée , et
à assigner le volume et la forme de la portion de ce bloc
qu'elle entraînerait avec elle. Telle est la courte analyse de la
notiee de M. Vicat, qui est elle-même très-succincte, et qu'il
n'a donnée que comme l'introduction d'un mémoire qu'il pré-
sentera bientôt à l'Académie. Le zèle et la persévérance de
cet habile ingénieur n'ont pas besoin d'être encouragés. Ce
qui caractérise ses travaux, et ce qui les rend véritablement
utiles, ce sont les soins qu'il apporte à en approfondir
l'objet, et la sagacité avec laquelle il y parvient. » (Approuvé.)
MM. Thénard et Chevreul font un rapport sur le deuxième
Mémoire de MM. Robiquet et Collin , concernant les subs-
tances colorantes de la garance. Ce travail est divisé en deux
parties : l'objet de la première est de faire connaître une sub-
stance colorante que les auteurs ont nommée purpurine; celui
de la seconde est d'exposer quelques applications de leurs re-
cherches à l'art de la teinture. Dans leur premier travail, ces
chimistes n'ont point assuré d'une manière positive que la
garance dût uniquement ses propriétés tinctoriales à Xalizarine.
Il ont cherché à savoir pourquoi il est à peu près impossible
de préparer une belle laque en traitant î'alizarine par l'eau
d'alun bouillante ; et c'est ce qui les a conduits à découvrir la
purpurine , substance qui est douée à un plus haut degré que
I'alizarine de la propriété de ceindre le coton en rouge. La
purpurine est fusible et se cristallise par sublimation en
aiguilles moins jaunes que celles de I'alizarine ; elle se dissout
dans l'éther ; la solution évaporée laisse des cristaux de cou-
TA UIS. ,,,
leur poncean plus ou moins foncée. La solution dans I ammo-
niaque, Il soude ou la potasse, est rouge de groseille, el pré-
cipite eo rouge par la chaux , la strontiaoe ou la baryte.
Vfais ce qui la distiogue surtout de l'alixarine , c'eal la pro
pieté <jru* possède exclusivement la purpurioe , de donner,
nvvc l'eau d'alun bouillante , une liqueur d'un rouge rosé
irès-pur , avec laquelle ou peut préparer nue belle laque.
Dans un troisième Mémoire, MM. Collin et Elobiquel trai-
teront <l<s rapports de l'ali/arine et de la purpurioe, el des
différences qui peuvent les distinguer. Les applications , qui foui
l'objet delà deuxième partie du mémoire , sent au nombre <!<■
trois. La première est relative à l'emploi d'une préparation
que les auteurs appellent charbon sulfurique % et qu'ils ob-
tiennent en traitant la racine de garance pulvérisée par des
proportions d'acide sulfurique telles que, dans les circons-
tances où ils opèrent, la température du mélange ue s'élève
pas au dessus de 60 à 70 degrés. Lavant ensuite à l'eau bouil-
lante, ils enlèvent la pins grande partie de l'acide, et il reste le
charbon sulfurique , qui peut être considéré comme du charbon
retenant la matière rouge de la garance. On peut faire servir
de deux manières le charbon sulfurique à la fabrication des
toiles peintes: i° en l'employant immédiatement, comme on
emploie la garance réduite en poudre; 20 en employant la
matière colorante, après l'avoir séparée du charbon au moyen de
l'alcool. Des essais, exécutés à JMulhausen , ont constaté les avan-
tages du charbon sulfurique. — La deuxième application consiste
en ce que les auteurs ont confirmé ce que Watt et Dœbeî einer
ont dit de l'existence de la matière colorante dans la garance
qui a éprouvé la fermentation alcoolique; d'où il résulte évi-
demment qu'il faut bien se garder de jeter comme inutile la
garance qui a éprouvé quelque altération spontanée. — La
troisième application a rapport aux essais que l'on pria faire pour
déterminer la valeur respective des garances du commerce.
Après avoir traité les échantillons de garance par l'eau à 200,
on soumet les résidus à l'action de l'ea u d'alun bouillante ; ce
liquide, en dissolvant la matière rouge, se colore, et d'après
les nuances plus ou moins fortes que les divers échantillons
ont communiquées, et que l'on compare dans des colorigraefes ,
on juge des proportions relatives de la matière rouge contenue
dans la garance. Cet essai ne donnant pas des résultats ab-
solus, les auteurs proposent , pour arriver à ce but, de
précipiter la matière rouge de l'eau d'alun par l'acide sul-
furique ; les précipités représentent, suivant eux, à très-peu
de chose près, les poids de la matière rouge contenus dans les
16.
•j44 FRANCE.
échantillons essayés. — Considérant la nouveauté des faits
exposés dans ce Mémoire , et leur liaison avec les faits i\u Mé-
moire précédent, l'Académie accorde son approbation au tra-
vail de MM. Robiquet et Col lin, et arrête qu'il sera inséra
dans le Recueil des savans étrangers,
— Du ier octobre. — M. Julia Fontenelle montre à l'Aca-
démie la tête d'un habitant de la Nouvelle-Zélande. On y ob-
serve, comme caractère ostéologique, la grande étendue de la
région occipitale, avec une crête longitudinale très-marquée.
La région frontale est fort étroite et offre une cloison osseuse
verticale de plus de deux lignes; les sutures du crâne sont
ossifiées , quoique l'individu ne paraisse pas avoir plus de trente-
cinq ans. — MM. Bosc et Latreille font un rapport sur le Mémoire
de M. Bois-Duval, intitulé : Essaidnnc monographie de la tribu
des zygénides (ordre des lépidoptères). La tribu des zygénides est
composée de six genres : cocytia , scsia, agocera, thyris, zygœna
et syntomis. Le genre zygene t le plus important des six , se com-
pose de petits papillons dont la couleur dominante est d'un bleu
plus ou -moins métallique, mélangé de rouge. Les ailes ne sont
jamais d'une seule couleur. Le rouge est , dans un petit nombre ,
remplacé par le jaune, mais ce n'est qu'accidentellemeut. Les
zvgènes éclosent à la fin du printems ou vers le milieu de
l'été; elles volent en plein jour, rapidement, en ligne droite et
près des terres : elles se reposent isolées ou en petits groupes
sur les têtes des statiles, des scabieuses, des centaurées, etc.
Les chenilles vivent sur diverses plantes légumineuses herba-
cées, telles que les trèfles, les luzernes, les sainfoins, etc. La
chrysalide est courte, de peu de consistance, brune, avec les
fanneaux des ailes et de l'abdomen plus pâles; elle demeure
dans cet état deux ou trois semaines. On ne trouve point de
zygènes dans le nouveau continent; les régions tempérées de
l'Europe, la Syrie, la Perse et le Cap de Bonne-Espérance sont
leur patrie: on n'en a pas encore rapporté de la Nouvelle-
Hollande. Sans nous occuper ici des autres genres, nous ter-
minerons cet extrait par les conclusions du rapporteur : « Quoi-
que l'auteur n'ait donné à son ouvrage que le titre modeste
d'Essai d'une monographie , vous avez pu cependant vous con-
vaincre que , tant pour l'observation des habitudes des insectes
qu'il traite, que pour les signalemens et la synonymie des
espèces, il a fait tout ce qu'on pouvait attendre d'un bon natu-
raliste, dans l'état actuel de la science. Peu de monographies
peuvent être comparées à ccile-CK et vos commissaires sont
d'avis qu'elle mérite d'être imprimée dans le Recueil des savans
étrangers, » (Approuvé.) — MM. Geoffroy Saint- Hilairc et Fr.
PARIS. *',.
Ctwter font un rapport sur udc Notice <!<• M. R.ambi a, médecin
| [ngraudes, concernant un enfanl monstrueux, né 1 Bénais
: [oclre e( ! oire), l<- 3o aoûl 1 8a6 , el moi 1 le 1 <> septembre 1 827.
Cel enfanl était hétéradelplw t c'est-à-dire un monstre humain ,
compose de deux frères jumeaux, joints ensemble ,et opposés
venue a ventre, <!e \oliiine et d'organisation très-dissem-
blables, le principal individu étant de la grosseur ordinaire
à son âge et complet dans toutes ses parties, el l'autre étant
de moitié plus petit et sans tête» Les membres supérieurs du
principal enfant n'étaient que de courts moignons, noyés, pour
ainsi dire, dans l'épaisseur des masses cli.i mues de la région sca-
pulairc. Le bras droit, terminé par un seul doigt, était plus
court que le bras gauche auquel tenaient lâchement deux doigts.
Voyez. , dit M. Uambur, le monstre de bénais revêtu de sa
robe; lien ne le distingue d'un autre enfant de son âge : taille,
force, allures, respiration, manières; s'il tète ou s'il mange,
c'est exactement la même chose. Il paraît assez gai, s'a in usant
quelquefois à embrasser la portion du jumeau joint à lui. »
L'individu incomplet avait l'anus imperforé, et ne semblait
doué que de la vie végétative. Lorsque le monstre mourut, les
autorités civiles et religieuses invitèrent le père à abandonner
à l'art le corps de son enfant; mais la présence dans le pays
d'un prétendu magicien promenant des ligures de cire, et
d'autres causes agirent sur l'esprit du père qui enterra son
enfant , et lit garder sa tombe à vue par des gens armés d'armes
à feu. L'Académie approuve le travail de M. Rambur, et en
ordonne l'impression dans le Recueil des savans étrangers. —
M. Poisson lit une note sur les vibrations des corps sonores.
M. Cauchy annonce qu'il s'est aussi occupé depuis long-tems
de l'équilibre et du mouvement intérieur d'un corps solide,
considéré comme un système de molécules séparées les unes
des autres, et qu'il est parvenu à des équations dans lesquelles
les composantes des forces exercées sur chaque molécule ne
se réduisent pas généralement à des intégrales. Il présente le
manuscrit sur lequel se trouvent consignées les recherches qu'il
a faites à ce sujet.
— Du 8 et du i5 octobre. — MM. Pelle tan, Boyer et Magen-
die font un rapport sur le mémoire de M. Ereschet, concer-
nant l'anévrisme faux consécutif du cœur et l'anévrisme vrai
des artères. «La lésion sur laquelle M. Breschel a voulu attirer
l'attention de l'Académie, est une sorte de déchirure qni se
fait dans les parois du cœur à certains points du ventricule
gauche;, mais principalement à sa pointe. Le sang s'engage
dans cette ouverture, pousse en dehors les enveloppes mem-
FRANCE.
bra lieuses, el forme ainsi à la surface de l'organe une tumeur
quelquefois aussi volumineuse que le cœur lui-même. Le sang
se coagule dans cette espèce de poche et y forme successive-
ment des couches concentriques de plusieurs lignes d'épais-
seur; aussi, bien que le cœur soit réellement déchiré, la vie
n'est pas immédiatement compromise ; car les couches fibri-
neuses qui remplissent la tumeur opposent une résistance suf-
fisante à l'effort du sang qui tend incessamment à les rompre,
et à s'épancher dans la cavité du péricarde, événement qui
serait suivi d'une mort subite. Parmi les faits que rapporte
M. Breschet, il faut remarquer une observation qui lui est
propre et qui est d'autant plus curieuse qu'elle a été faite sur
le cœur du célèbre tragédien Talma. Son cœur offrait une
poche extérieure assez spacieuse pour contenir un œuf de
poule; elle communiquait avec la cavité du ventricule gauche
par une ouverture circulaire d'un pouce de diamètre, garnie
d'une sorte de virole cartilagineuse, épaisse de près de 3 lignes,
ce qui indique que l'ouverture était fort ancienne, bien que
personne, ni Talma lui-même, qui avait étudié la médecine,
n'en eût soupçonné l'existence. On peut conclure avec quelque
probabilité des détails très-précis donnés par M. Breschet, que
l'espèce de iésion dont il parle n'est pas de nature à compro-
mettre par une rupture inopinée la vie des personnes qui en
sont atteintes. Car, pour qui a connu personnellement Talma,
il n'est pas douteux que sa vie ne se composât d'émotions fortes
et de mouvemens nerveux très-violens, qui devaient réagir
puissamment sur la fréquence et l'énergie des battemens du
cœur. Pour qui l'a suivi sur la scène et étudié sous le point de
vue physiologique son prodigieux talent, il est certain que,
dans les instans où il faisait à son gré passer dans l'âme des
spectateurs la terreur et l'épouvante ou les doux sentimens de
la pitié, il éprouvait lui-même à un haut degré les passions
qu'il savait si bien peindre; par conséquent, la première ori-
gine de sa maladie paraît devoir être rapportée à quelques-
uns de ces sublimes momens où il excitait les ravissemens et
l'enthousiasme du public. On doit aussi présumer que les
efforts répétés qu'exigeaient les éclats soutenus ou la sombre
concentration de sa voix, apportaient des modifications sans
nombre dans les battemens de son cœur. Or si , pendant
plusieurs années, de telles secousses, de telles agitations ont
pu avoir lieu sur un cœur frappé d'une lésion physique ,
s:ins occasionner d'accidens, il faut croire que cette lésion
doit être peu redoutable pour un organe dont les mouve-
mens resteront habituellement dans le cercle plus ou moins
PARIS. v.',7
{ rétréci d'une existence vulgaire.» La commission aurait pro
posé d'ordonner l'impression «In mémoire de !M. Breschel dans
le Keeneil des savans étrangers, si cet habile chirurgien n'avait
déjà donné à son ouvrage une autre destination. — M. Mirbel
fait mi rapport verbal sur la partie botanique du voyage de
M. Frcyrmet, rédigée par M. GAtrniCHAun. — M. Fr. CuViib lit
L'extrait d'un mémoire sur l'organisation el te développement
des épines du porc-épic. — M. Iîimt Ici un mémoire sur la
résolution des équations indéterminées du premier degré en
nombre entier. A. Michelot.
— « Académie TOyaie des beaux-arts. — Séance publique
annuelle du 6" octobre 1827. — Distribution des grands prix de
peinture, sculpture , architecture et musique, — Cette séance,
présidée par M. Thé. venin, était destinée à la distribution des
grands prix de peinture , de sculpture, d'architecture et de
composition musicale. Avant de proclamer les noms des vain-
queurs , M. le secrétaire perpétuel a donné lecture d'une Notice
sur la vie et lès ouvrages de M. Charles Dupaty, sculpteur,
enlevé au milieu de sa carrière, à sa famille et au bel art qu'il
avait porté à un degré remarquable de perfection. (Voy. Jiev.
Ane., Notice sur Dupaty, t. xxix, p. 386.) M. Quatremère
a présenté cet artiste se livrant, à l'âge de vingt-quatre ans, à
l'art de la sculpture, remportant le grand prix après trois ans
d'études, passant huit années à Rome dans le silence de l'ate-
lier, et ne rentrant dans sa patrie qu'après avoir achevé plusieurs
statues en marbre, de grande dimension. Il a rappelé les prin-
cipales productions de M. Dupaty, sa Vénus , sa Biblis , son
Jjax , son groupe de Cad/nus , etc. , et il a exprimé les regrets
sincères de tous ceux qui furent ses amis et ses admirateurs.
M. Raoul -Rochette a lu ensuite un Rapport sur les ouvrages
des pensionnaires du roi à V Académie de France à Rome. Ce
rapport fait l'éloge du talent de M. Court, en l'engageant à
s'appliquer à l'étude de la perspective linéaire et aérienne; le
public l'a vivement applaudi; et, quoique la partie critique y
soit traitée avec trop d'indulgence, les jeunes artistes auxquels
s'adresse le rapporteur mettront sans doute à profit les
conseils qu'il leur donne.
Noms des élèves qui ont obtenu des prix dans tous les genres.
Peinture. — Premier grand prix : M. François- Xavier Dupré,
de Paris, âgé de vingt-deux ans, élève de M. Guillon Lethiers.
— Second grand prix : M. Théophile Vaucheley, de Passy,
âgé de vingt-cinq ans. élève de MM. Abel Pujol et Hersent.
Sculpture. — Premier grand prix : M. F. - Gaspard* Aimé
l.\\\o, de Rennes, âgé de vingt-sept ans, élève de M. Carte-
»48 I RANGE.
lier. — Second grand prix : M. Honoré- Jean Husson, de Paris,
À o de vingt-quatre ans, élève de M. David.
Architecture. — Premier grand prix : M. Théodore La-
v.\\o\ stf, de Paris, âgé de vingt-huit ans, élève de MM. Vau-
doyer et Lebas. — Second grand prix : M. F -Alexis Cen-
drier, de Paria, âgé de vingt- cinq ans, élève des mêmes
architectes.
Composition musicale. — Premier grand prix : M. Jean-
JS. Guiraud, de Bordeaux, âgé de vingt- trois ans, élève de
MM. Le Sueur et Reicha. — Second grand prix : M. Guil-
laume-Ross Despréaux, de Clermont (Auvergne), âgé de
vingt-cinq ans, élève de M. Berton. — Deuxième second grand
prix : M. Alphonse Gilbert , de Paris, âgé de vingt-deux ans ,
élève de M. Berton.
L'Académie n'a point décerné de prix pour la gravure en
médailles et pierres fines , à cause de l'extrême faiblesse des.
esquisses et des ouvrages gravés.
L'exécution de la cantate qui a remporté le premier grand
prix a terminé la séance. L'auditoire a paru satisfait de cette
composition musicale. Tous les noms que l'on a prononcés ont
été accueillis par de vifs applaudissemens ; mais on a surtout
remarqué l'impression que celui de M. Court a produite sur
l'assemblée, qui a vu avec une extrême satisfaction que les
espérances fondées sur les premiers essais de ce jeune artiste
se réalisent, et que son talent, plus développé, promet de
nouveaux succès à l'école française.
Société royale des antiquaires de France. — Résumé de ses
travaux pendant le premier semestre 1827. — Janvier 1827. —
Parmi les Mémoires adressés à la société, on remarque ceux
de MM. Lacroix, de Valence, et Depping; le premier est re-
latif à un poignard antique en bronze, trouvé dans le rocher
de Crussol (Ardèche); à ce sujet, M. Berriat-Saint-Prix rap-
pelle le mémoire que M. Artaud avait présenté sur cette dé-
couverte, et qui est inséré dans le Magasin encyclopédique de
Millin, t. in, p. 119; le second mémoire décrit les figures
singulières d'un coffret découvert en Bourgogne, sur les terres
de M. le marquis de Chaste nay , et dans un lieu qui paraît
avoir appartenu à l'ordre des Templiers. — Février. — Il est
fait hommage à la société de plusieurs ouvrages, entre autres,
du Catéchisme de Fleury , traduit en breton par M. Le Gom-
dec ; et de la Chronique de la rive gauche du Rhin et de Co-
logne , par M. Brewen, associé correspondant. — Mars. — La
société reçoit une notice de M. Angon de Lalandf. , sur la situa-
PARIS. »4g
lion de Ge/utbum,ei M.db Ladoucbttb donne quelques détails
sur l'ancien château de Cour y. M. Bkrkiat-Sajnt-Prix rap-
pelle que la ville de Grenoble possède) dans sa bibliothèque,
une description manuscrite de ce château. 11 présente des ob-
servations sur la sainte chapelle de Pourgetf où Boileau avail
place la scène (lu Lutrin , dans les premières éditions de son
poème. Tout porte à croire (pie ce lien «tait imaginaire. On
renouvelle le bureau, et M, BeEEIAT-SàINT PrW est nommé
président. M. Drojat rend compte d'un aperçu des connais-
tances humaines au xixe siècle, par M. Faact; M. Eusèbe
Salvsrtb lit une Notice sur les antiquités de Corrc , en Franche-
Comté, — Avril. — Plusieurs lectures sont laites à la société,
et divers mémoires lui sont présentés; son attention est prin-
cipalement excitée par les observations de M. Aubert Pa-
rent, son correspondant à Yalenciennes, sur la cessation des
fouilles de Famars; par une lettre de M. Le Roi, de Bailleul,
lue par M. Berriat-Saint-Prix, sur les procès jadis intentés
à des animaux et aux sorciers, et spécialement par un rap-
port du président sur un ouvrage de M. Eusèbe Salverte , in-
titulé : Essai historique et philosophique sur les noms d'hommes ,
de peuples et de lieux. M. Dulaure rend compte d'un traité de
M. Schweigh.eusf.r, sur quelques monumens religieux du moyen
dge situés aux bords du Rhin. — Mai. — 'M. de Labouillerie
écrit que S. M. a autorisé l'administrateur de ses bibliothèques
particulières à souscrire pour un certain nombre d'exem-
plaires des Mémoires de la société, dont les sept premiers vo-
lumes ont paru. M. Le R.ouge rend compte de l'état des fonds.
M. Depping, ayant annoncé qu'un savant allemand croyait
avoir retrouvé, dans la bibliothèque de Laon, le recueil ma-
nuscrit des Lettres d'Eginliart à Emma, qu'il se disposait à
publier, propose à la société d'engager tous les bibliothécaires
de province à donner la liste des manuscrits de leurs biblio-
thèques; et la société arrête que des questions relatives à ce
genre de travail seront rédigées pour être envoyés à ses cor-
respondans. On donne lecture de plusieurs lettres et notices de
MM. Billaudct, La Pilaie, Jorand, Ainsivorth et Barbic-Dubocagc
(Jlexandre),sur divers monumens antiques et sur plusieurs points
historiques. La société renvoie ces mémoires à sa commission.
— Juin. — M. Berriat-Saint-Prix, président, donne un
aperçu des matériaux que doit contenir le huitième volume des
Mémoires de la société. M. Ladoucette annonce , de la part
de M. Duvivier , correspondant, trois notices archéologiques
sur des objets trouvés à Maubert- Fontaine , le Chêne et Van-
teresse, département des Ardennes. M. Df.pping lit un extrait
de son intéressant mémoire sur les Symboles des Basilidiens t
FRANCE.
qui lui ■ obtenu une mention honorable à l'Académie des in-
scriptions el belles lettres. M. Dulaurk fait un rapport sur la sta-
tistique de l'arrondissement de Falaise, offerte à la société par
les auteurs. M. de Lasteyrie est élu membre de la société. R.
Nouvelle méthode pour guérir le bégaiement. — Parmi les im-
perfections qui affligent la nature humaine, celle qui est connur»
sous le nom de bégaiement a souvent exercé la sagacité des
observateurs. Leurs recherches ont eu pour résultat, bien plu-
tôt de constater la difficulté d'y apporter remède, que de la
résoudre. Parmi les anciens , Hippocrate et Galien gardent le
silence sur le traitement qui convient à cette infirmité. Les
modernes ont cru en découvrir la cause dans des lésions or-
ganiques , et cette vue les a égarés sur la nature des moyens
curatifs qu'elle exige. Aussi, ont-ils accrédité l'opinion qu'elle
est incurable. Nous devons à M. Itard, médecin des sourds-
muets, un mémoire plein d'observations intéressantes sur le
bégaiement. Cet ouvrage est, sans contredit, ce qu'on a écrit
de mieux sur cette matière; mais les moyens de guérison qu'il
indique sont longs et difficiles : peu de bègues s'y sont soumis.
Il était réservé à Mme Leigh de découvrir les causes radicales
du bégaiement, et de fonder sur cette découverte une méthode
de traitement applicable à tous les cas. Ici commence une ère
nouvelle dans cette partie de l'art de guérir : les résultats ob-
tenus signalent, par leur nature et leur promptitude, une de
ces heureuses rencontres de l'esprit humain qui éclairent les
sciences d'une vive lumière. Tout le monde sait que, par des
exercices multipliés et une grande persévérance , plusieurs
bègues se sont guéris; mais aucune règle fondée sur l'observa-
tion ne dirigeait leurs exercices. Aujourd'hui que les causes
primitives du bégaiement sont mieux connues , on obtient une
guérison à la fois prompte et radicale.
M. Malebouche, à qui Mme Leigh a confié le soin de répandre
sa découverte en Europe, et qui connaît toutes les parties de
sa méthode, donne l'assurance que les moyens curatifs qu'il
emploie sont purement intellectuels : ils ne consistent dans
aucune opération ni dans aucun remède qui soit du ressort de
la médecine ordinaire. Les principes du système sont fondés sur
des observations physiologiques entièrement neuves : ils sont
donnés sous la forme d'instruction ; des exercices répétés en
rendent les effets durables : l'intervalle de tems exigé pour
une guérison parfaite excède rarement trois semaines. L'obser-
vation des règles enseignées étant chaque jour plus complète,
on peut espérer de l'avenir un perfectionnement progressif et
PARIS. *5l
des succès plus rapides. Plus de cent bègues ont été guéris par
ce moyen, tanl en Amérique qu'en Belgique.
I ne découverte aussi importante devail naturellement réunir
««les suffrages nombreux ci importans. Nousmettronsen première
ligne ceux des plus célèbres professeurs de l'univei sit é de New
^ ork. M""' Leigh leur axant communiqué confidentiellement sa
méthode, ces savans, après s'être livrés à un examen critique
de la théorie ei <l<- ses résultais, n'hésitèrent pas à manifester
leur approbation de la manière la plus formelle : nous avons
eu sous les veux cet acte imprimé, qui est revêtu des noms les
plus recommandables. Nous possédons aussi plusieurs exem-
plaires d'une brochure publiée* à New-\'orck, et contenant
\ mgt-cinq certificats de bègues qui se déclarent guéris. M. Ma-
lebouche a obtenu du roi des Pays-Bas la nomination d'une
commission prise parmi les membres de la Société pour l'utilité
publique (tôt nut van falgemeen) , qui est chargée d'examiner
les résultats annoncés et de lui soumet tic un rapporta ce sujet.
Quatre bègues que la société avait présentés ont été guéris : le
rapport a été fait en conséquence. M. Malebouche demeure
maintenant à Paris, rue de Marivaux, n° i. Z. R.
Enseignement industriel. — Les 1 j 5 cours de géométrie et
de mécanique, établis à l'imitation du Cours normal de Paris ,
en partie professés par d'anciens élèves de l'école polytech-
nique , ont obtenu des succès remarquables dans un grand
nombre de villes. Les autorités municipales et les sociétés
d'agriculture ont rivalisé de zèle et de générosité, dans beau-
coup de départemens , en donnant des médailles, des livres
ou d'autres prix aux élèves qui se sont le plus distingués.
.1 miens , Arras , Colmar, Douay, JLibourhe , Limoges , Lyon ,
Metz, Nantes, Nevers , Toulouse, Troyes, Versailles, ont fonde
de semblables prix qui excitent l'émulation et le zèle des
élèves et de leurs professeurs ; déjà l'on remarque , dans les
ateliers, la supériorité des tracés et la rectitude d'exécution
qui distinguent les bons élèves et les ouvriers formés par le
nouvel enseignement.
Dans l'année scolaire qui commence, des villes qui n'avaient
pas encore joui de renseignement industriel vont en éprouver
les bienfaits. On cite, dans le nombre, Arles, Besançon,
Bourges, Caen , Chartres, Chdteauroux , Dole, Gray, Laon ,
Le Puy, Nîmes, Rouen, Thiers , Tulle, Vesoul , Vienne,
comme celles où des magistrats éclairés et des citoyens amis
du bien public s'occupent avec le plus de zèle de cet objet
important. N.
Statistique industrielle et commerciale de la France. —
ai* FRANCE.
M. Ch. I)i rus s'est chargé d'un grand travail sur cet objet,
et les deux premiers volumes de son ouvrage ont déjà paru
depuis cinq mois ( i ). Ces deux volumes, jugés diversement
par les journaux , contiennent la description d'une partie de
la France sur laquelle il semblait que Ton s'accorderait mieux.
Il y a donc , dans les opinions relatives à la statistique , une
divergence dont l'origine ne peut échapper aux observateurs;
ils ne manqueront pas de l'attribuer à notre ignorance en
économie politique , à l'instabilité de nos doctrines , à la pa-
resse d'apprendre, jointe à la prétention de savoir. L'accueil
fait dans un pays à un ouvrage d'une haute importance com-
posé pour ce pays , mérite , à plus d'un titre , l'attention des
étrangers ; qu'ils nous regardent en ce moment , mais qu'ils ne
se pressent pas de nous juger. Tel est l'esprit et le caractère de
notre nation ; nous n'aimons point que l'on nous force à ré-
fléchir, et nous attendons tranquillement que la lumière nous
arrive , sans nous donner aucune peine pour la chercher. Nous
avions des matériaux pour une statistique de la France; dis-
posés avec quelque régularité dans des recueils peu volumi-
neux, ces matériaux étaient censés composer une statistique,
et nous en étions satisfaits. M. Dupin vient dissiper ces illu-
sions de l'amour-propre , et nous proposer de nouvelles
études ; il devait s'attendre à quelques réclamations. Celles
que les journaux ont publiées font voir que le but et le plan
de l'auteur ne sont pas encore généralement connus, que ses
méthodes de comparaison ont trouvé les esprits dirigés d'une
autre manière , et non préparés à les recevoir. Les lecteurs
étrangers aux recherches de calcul n'ont été frappés que de
quelques erreurs de détail dont iîs ne pouvaient apprécier l'in-
fluence sur la certitude des résultats généraux : d'autres, plus
instruits , mais accoutumés à considérer la statistique sous
un autre aspect, auraient voulu que l'ouvrage fût composé
selon leurs vues, c'est-à-dire, pour ceux qui savent, et non
pour ceux qui veulent apprendre; qu'il ne contînt que ce qui
appartient à la science , et qu'on eût omis tout ce qui ne peut
servir qu'à diriger les applications. Mais l'auteur, qui s'occu-
pait avant tout du besoin des applications, n'avait garde de
rien négliger de ce qui peut les rendre plus sûres et plus fruc-
tueuses. Ce n'est pas sans élonnement que Ton a vu reprocher
(i) Forces productives et commerciales de la France, par le baron
Ch. Dupin, membre de l'Académie des Sciences, etc. Paris , i8a~;
jBachelier. In-4°, tomes i et ir , avec deux cartes ; prix , 2 5 fr.
PARIS. a53
bette sorte de prolixité à un ou v rage destiné à se trouver sou-
vent entre les mains des administrateurs. Ainsi, les Critiques
n'ont pas atteint le but de tout examen lait dans les intérêts des
sciences; il sciait même à craindre qu'avec les intentions les
plus louables, ils n'aient fait quelque tort à une cause qu'ils
ont Certainement la ferme volonté de servir.
Cependant, les circonstances deviennent plus exigeantes;
on ne peut rassembler trop do lumières sur notre situation
industrielle et commerciale , ni prendre trop de précautions
Eonr ne pas se tromper sur le choix des moyens de faire le
ien et d'éviter le mal. L'influence que la dernière exposition
peut avoir exercée sur le progrès des connaissances indus-
trielles n'est encore connue par aucun fait; quelques mesures
de haute1 administration sont peut-être encore à prendre , ou
à préparer ; d'utiles entreprises hésitent, et craignent de dé-
buter hors de saison , ou dans des lieux peu convenables. Le
travail de M. Dupin vient donc fort à propos , non-seulement
en raison des données qu'il fournit , mais parce qu'il offre le
modèle de méthodes dont toute grande administration pt'ut
faire un bon usage. M. Dupin fait voir clairement que Ie&
moyens employés jusqu'ici pour évaluer la puissance des na-
tions ne suffisent point , et il propose de leur substituer le
dénombrement et la mesure des forces productives et commer-
ciales. f< Nous ne prétendons point dire que la puissance des
nations soit exactement et numériquement proportionnelle aux
résultats obtenus par de pareils dénombremens; mais nous
pouvons affirmer qu'on trouvera des termes de comparaison
bien moins inexacts que ceux qu'on s'est procurés jusqu'à ce
jour par toute autre voie. »
Parmi les forces productives d'un État, la population est
sans contredit au premier rang : mais il ne suffit point de
compter les têtes et les bras ; il est indispensable d'y joindre
l'appréciation des forces intellectuelles et physiques d'un indi-
vidu moyen , tel qu'il serait, si la somme des facultés était
également répartie entre tous. Eu appliquant à la France ces
procédés de mesure, M. Dupin se montre plus jaloux de servir
Sa patrie que de plaire à ses compatriotes; il ne les flatte pas ,
mais il leur montre comment ils peuvent devenir plus forts,
meilleurs et plus heureux ; car ces trois sortes de progrès sont
inséparables, dérivent de la même source, et sont obtenus
par les mêmes moyens. Les améliorations déjà préparées en
France , et que l'on peut obtenir graduellement sont la ma-
tière du second livre de l'ouvrage de M. Dupin , livre où les
vérités abondent , quelquefois consolantes , souvent austères ,
•i 5/» FRANCE.
toujours éminemment miles , dignes d'être méditées pat les
hommes d'État, et propagées par les amis de l'humanité.
l)eu\ livres sont consacrés aux détails de l'agriculture, des
arts, du commerce, de l'instruction, etc., dans trente-deux
département au nord, à l'est et à l'ouest, depuis le départe-
ment du Jura jusqu'à celui de la Manche. Chacune de ces di-
visions territoriales est comparée à un terme moyen dont
l'auteur n'a pas craint de reproduire les mesures à chaque
comparaison qu'il établit. Si l'on reprochait à cette méthode
l'inconvénient de grossir le volume, il serait équitable de tenu-
compte aussi de l'avantage qu'y trouveront les lecteurs occu-
pés, dout les recherches seront abrégées et le tems épargné.
La Revue Encyclopédique a déjà fait connaître cette manière
de traiter la statistique industrielle et commerciale d'un dé-
partement. ( Voy. Rev. Eric. , t.xxxiv, p. 28. Statistique du
département du Nord.) Plus ces sortes de mesures seront mul-
tipliées et deviendront familières, mieux on en sentira l'utilité.
Elles donnent le moyen d'apercevoir sur-le-champ les acqui
sitions ou les pertes de chaque sorte d'industries ou de pro-
ductions, et de reconnaître si l'on est sur la voie des amélio-
rations.
Le livre suivant peut être considéré comme une introduction
à la partie de cet ouvrage qui n'est pas encore publiée , et
qui ne sera pas la moins intéressante par l'importance des
faits la nouveauté des observations et des conséquences que
l'on peut en déduire. L'auteur fait dans ce livre le parallèle
de la France du nord et de la France du midi, avec toute la
France, c'est-à-dire, avec la France supposée ramenée à la
mesure moyenne et uniforme. Toute cette partie de son ou-
vrage devrait être l'entretien du jour, le sujet des méditations
dans le cabinet et des discussions en public. Tant que nous
paraîtrons insensibles à d'aussi grands intérêts, ne justifierons-
nous pas l'imputation de frivolité que l'on fait depuis long-
tems au caractère français? M. Dupin ne signale puint un mal ,
sans indiquer en même tems le remède qu'il croit propre à le
guérir. Sur ce dernier point, on ne sera peut-être pas toujours
d'accord avec lui; mais, pour que le livre soit éminemment
utile, il n'est pas nécessaire qu'il ait constamment raison; il
suffit qu'il contienne beaucoup d'instruction et de fortes pen-
sées, que les questions soient posées clairement et discutées
avec courage, que l'autorité soit avertie, le patriotisme excité,
les volontés décidées. Tous ces effets salutaires peuvent être
obtenus si l'on se met à lire attentivement l'ouvrage dont
nous parlons; et c'est par ce motif (pie nous présentons ici
PARIS.
1rs considérations par lesquelles non- terminions t'analyse de
<•( i ouvrage, que divers obstacles nous ont empêché d'insérer
à la place qui aurait dû lui être assignée dans uoire Revue.
Revenons encore an moment sur les critiques dont il a été
l* objet : si les auteurs de ces critiques avaient mis pins de tesns
et d'attention à la lecture d'un livre qui mérite mieux qu'un
simple coup d'ϔl| ils se seraient occupes de l'ensemble, de
l'ordonnance et de la distribution de l'édifice, et auraient
perdu de vue quelques imperfections de détail.
Le petit ouvrage, extrait en partie de celui dont nous par-
lons, et que l'auteur a rédigé pour l'instruction populaire, a
été l'objet non de critiques, mais de sarcasmes. Nous ne nous
arrêterons pas à ces misérables plaisanteries d'écrivains plus
sensibles aux charmes d'un calembourg qu'à l'utilité de l'en-
seignement industriel. L'opinion publique n'est pas dirigée par
les lazzis des saltimbanques.
Le livre qui termine le second volume est intitulé : « Sur la
circulation intérieure de la France du nord, et spécialement
sur le canal maritime de la Seine, sur Paris port de mer, et
sur de canal de Paris au Rhin.» Cette matière est aussi à
l'ordre du jour: espérons que ces grands projets seront enfin
discutés avec maturité et sagesse, et que les réclamations de
quelques localités ne seront pas écoutées, au préjudice du bien
général. Ferry.
Banquet mensuel de la Société de la Revue Encyclopédique ,
et Notice sur les osages , qui se trouvaient au nombre des con-
vives (mardi g octobre 1S27). — Les dîners mensuels de la Revue
Encyclopédique , établis depuis neuf années , et dont nous
n'avons pas fait encore mention dans ce recueil, ont toutefois
un intérêt et un caractère particuliers qu'on chercherait inu-
tilement dans les assemblées de même nature, en quelque pays
que ce fût. Ces dîners ont réuni successivement à la même
table , non-seulement les rédacteurs et les collaborateurs de la
Revue , et ses nombreux correspondais , mais aussi des hommes
distingués de toutes les nations. C'est une sorte d'institution
qui rapproche par des relations amicales beaucoup de Fran-
çais et d'étrangers , comme la Revue elle-même rapp roche les
habitans des différentes contrées du globe par des communica-
tions scientifiques et littéraires, renouvelées tous les mois,
et leur ouvre une école centrale d'instruction mutuelle où
viennent s'effacer et se détruire les anciens préjugés des inimi-
tiés et des rivalités hostiles qui séparaient les peuples.
Un philosophe a dit quelque part que la réunion à une
même table dispose les hommes , plus que toute antre cir-
»56 FRANCE.
constance , à dos sentimcns de confiance et d'amitié réci-
proques. Si cotte observation est fondée , quels nobles senti-
mens ne doivent pas se développer entre des personnes qui
appartiennent à la classe la plus rccommandable de la société,
sous le rapport intellectuel ! Ces banquets sont d'ailleurs
exempts de toute étiquette ; une parfaite égalité , une cordia-
lité franche, y président. On n'y connaît d'autres distinctions
que celles des talens supérieurs et des réputations euro-
péennes ; on y jouit sans orgueil de l'effet que l'on produit,
et qui se fortifie de tout celui que produisent les autres.
On reconnaît et on applique cette vérité, proclamée à la
fois par le christianisme et par la philosophie : que les hommes
sont frères, qu'un même esprit de fraternité, de bienveillance
mutuelle doit unir tous les membres de la grande famille hu-
maine; quelles que soient leur terre natale, la couleur de leur
peau, leurs langues, leurs coutumes , leurs croyances reli-
gieuses , leurs institutions politiques , ils doivent s'aimer et
s'entr'aider : l'échange des bons offices entre les hommes ,
comme celui des productions du sol et de l'industrie, est une
source féconde de richesses et de bien-être pour les nations
et pour les individus.
Cette vérité, qui élève l'âme , qui agrandit la pensée , se
trouvait , pour ainsi dire , produite dans un plus grand jour,
et appliquée d'une manière nouvelle dans la réunion nom-
breuse et choisie dont nous allons offrir rapidement les prin-
cipaux personnages et les traits caractéristiques.
Il était curieux d'observer le rapprochement de plusieurs
des hommes distingués dont s'honore notre civilisation euro-
péenne, et de ces demi-sauvages, venus des bords du Mis-
souri , arrivés depuis peu à Paris , qui représentent à nos yeux
la première enfance des sociétés.
Quatre Osages seulement, le chef, l'esprit noir, le gros soldat
et le jeune soldat , accompagnés de M. David Delaunay, Fran-
çais d'origine, colonel américain, et par leur interprète, nommé
Paul , ont fixé d'abord les regards de l'assemblée , dans
laquelle se trouvaient plusieurs dames françaises , attirées par
un motif bien naturel de curiosité. Les deux femmes osages,
Gritomy et Myanga , assez gravement indisposées , n'avaient
pu suivre leurs compatriotes. L'une d'elles est, dit-on, re-
nommée dans sa tribu comme improvisatrice.
Ces Américains appartiennent aune tribu sauvage des bords
du Missouri, dans laquelle on compte deux mille guerriers,
sur une population d'environ vingt mille cimes. Un chef héré-
ditaire maintient l'ordre parmi eux; mais les affaires impor-
PA.R1S. ir>7
tantes se traitent dans l'assemblée des guerriers, La législation
<lc cette peuplade se réduit au droit naturel de défense ; le
droit de propriété s'établit chçi <'ll<- par la possession : ses
membres ont toutefois des notions distinctes de ce droit , et le
vol leur est presque inconnu. Leui industrie se borne à la
fabrication des Qèches e( d«'s arcs, à la grossière construction
de cabanes en pieux ri en branches d'arbres, Les marchands
Américains leur fournissent des pioches , <l<-s haches et des
armes , en échange de leurs pelleteries. Les hommes se rasent
la tête et ne conservent qu'une touffe de cheveux à la partie
postérieure, qu'ils ornent d'une plume et d'un tube d'argent
ou de fer-blanc. Leur vêtement se compose d'une espèce de
pantalon à guêtres en peau de chevreuil qui monte jusqu'à la
ceinture ; le reste du corps est nu ; mais ils jettent sur leurs
épaules une couverture de laine blanche ou bleue, assez élé-
gamment drapée , ou un manteau de peau d'ours ou de bison,
dans lequel ils s'enveloppent la nuit. La teinte générale de
leur peau est d'un rouge de cuivre, et ils se peignent le visage
avec diverses couleurs, mais principalement avec du ver-
millon et du vert-de-gris , ce qui ressemble à une sorte de
tatouage; ils s'arrachent avec soin la barbe et les sourcils. Ils
portent pour ornemens de larges bracelets, d'amples colliers
avec une ou plusieurs plaques rondes qui leur tombent sur
l'estomac , et des peu dans d'oreilles si volumineux qu'ils sont
forcés de se pratiquer aux oreilles plusieurs trous d'une grande
dimension. Ces colliers et ces pendans sont composés de mor-
ceaux de verroterie et d'autres bagatelles de ce genre. Les
guerriers qui se sont distingués sont armés d'une sorte de
casse-tête d'honneur, orné de grelots. Sur les quatre Osagcs
venus à Paris, on eu compte trois qui sont ainsi décorés,
Les occupations des Osages sont la chasse et la guerre. Ils
ont des jongleurs, qui se disent à la fois médecins , sorciers et
prêtres. Ils ont des cuisiniers publics, dont toute la science
se borne à faire rôtir des viandes entre deux pierres rouges, ou
sur des broches de bois, mais qui sont aussi chargés d'annoncer
à haute voix dans chaque village les ordres généraux, de faire
les proclamations et de présenter les demandes en mariage.
L'existence des femmes ne saurait être heureuse : elles sont
réduites à une sorte de condition servile et soumises aux plus
durs travaux. Tous les soins du ménage retombent sur elles
seules : elles cultivent la terre, sèment du maïs, des citrouilles
et plantent des pommes de terre; elles accompagnent leurs ma-
ris à la chasse et sont chargées du fardeau des objets de cam-
pement, des meubles et des ustensile-.. La polygamie est
t. xxxvi. — Octobre 1827. 17
258 FRANCE.
autorisée dans cotte peuplade. Les Osages mariés ont des
droits sur les sœurs cadettes de leurs femmes, et peuvent, en
outre, prendre des concubines. Ils montrent un grand respect
pour la vieillesse, et passent pour hospitaliers. Leurs idées
religieuses se bornent à la reconnaissance d'un Dieu qu'ils
appellent le Grand Esprit ou le Maître de la vie, et à la croyance
d'une vie future. Leurs cérémonies consistent en quelques
prières qu'ils adressent à la Divinité dans leurs besoins;et alors,
ils se tiennent debout, la tète tournée vers le ciel.
Le banquet, auquel le directeur de la Revue avait invité ces
hôtes d'un nouveau genre, avait lieu à la Grande-Chaumière
du Mout-Parnasse. La société se composait de cent trente per-
sonnes, et l'on a observé qu'il s'y trouvait des membres de
dix-huit nations différentes : Américains du nord et du sud,
Anglais, Russes, Polonais, Danois, Allemands, Prussiens,
Suisses, Dalmates, Moldaves, Italiens , Toscans , Napolitains,
Piémontais; Corfiotes, Grecs, Espagnols, Belges, etc., et
beaucoup de Français. On y remarquait M. Hurtado, ministre
de la Colombie; l'amiral anglais Sidney Smith; le chevalier
Abrahamson, aide de-camp du roi de Danemark; M. Ternaux;
M. Rizo Neroulos, ancien ministre en Moldavie ; le pasteur
américain M. Jarvis; MM. Paravicini, Ugoni, Rosellini , jeune
archéologue toscan ; le colonel Bernardini et le chevalier Giove ,
de Dalmatie ; les comtes Benevelli et Meroni , de Turin et de
Milan; MM. Abbott , du théâtre anglais, et Laurent, directeur
de ce théâtre; MM. Lemercier, Cherubini , Choron , Pongerville,
Girard, de l'Institut; Alexandre Boucher, Firmin Didot, Rignoux,
Renouard, Baudouin , Pacho ; Foyaticr, sculpteur; Carloni, de
Rome, peintre d'un talent distingué; le docteur Gall; les mé-
decins Bally, Damiron, Fossati , Gasc, Roberton , Duvirier ,
Maegowans etc.; enfin, des physiologistes, des naturalistes,
des ingénieurs, des marins, des militaires, des hommes d'état,
des historiens, des archéologues, des peintres, des poètes, des
compositeurs, des savans, des écrivains et des artistes célè-
bres, rapprochement aussi curieux qu'intéressant.
Les quatre Osages étaient vêtus de leur plus beau costume,
et ils ont conservé beaucoup de décence pendant tout le
repas : il paraît qu'ils ont, à cet égard, contracté facilement les
habitudes européennes. Plusieurs phrases de bienveillance et
de remerciement, adressées par eux à la société, et accompa-
gnées de gestes expressifs, ont été rendues par leur interprète,
qui probablement n'en a pas reproduit toute l'originalité.
Une jeune dame, habile cantatrice, Mlle Monset, a chanté
deux romances d'un vrftet enchanteur. On a prié les Osages de
chanter un air de leur pays, et ils ont improvisé, en frappant
PARIS. afj
■oc torte de mesure avec leurs tomahawk* à grelots, et en
profértnl des sous bizarres j forlemeol accentués , t rois strophes
ou couplets que l'interprète a traduits, ef dont l'un dos con-
\iv.-s a fait, le soir même, une imitation <'u vers.
Il est difficile de définir la uattire d<- ce chant , que l'on pour-
raitappelcruue suite monotone de «ris modulés. Celui des prêtres
arméniens, qui fut entendu à Rome pendant la semaine sainte
de l'année du jubilé, peut seul lui être comparé ; les grelots en
faisaieut aussi l'accompagnement obligé. L'un des usages a fait
ensuite entendre un chant de guerre, sorte de hurlement musical
qui inspire la fureur, et il a exprimé, par sot» attitude et par ses
mouvemeus énergiques et menaçans, la manière dont on délie
I ennemi. Il paraît que la figure de rhétorique que l'on nomme
exagération n'est pas étrangère à ces peuples; car le guerrier
s'est empressé de dire qu'il avait tué à lui seul un nombre
d'ennemis plus considérable que celui des personnes présentes.
Toutefois, on a reconnu dans ses gestes l'expression mimique
la plus naturelle, la plus vraie, du courage et de la force. Les
docteurs Gall et Fossati Vont observé, comme physiologistes ,
et sont convenus que l'on trouverait difficilement , parmi les
Européens, une tète aussi large que la sienne immédiatement
au-dessus des oreilles. D'après le système adopté par ces deux
célèbres anatomist.es, l'organisation des Osages est assez heu-
reuse. Ils ont le front bien développé, ce qui prouve leur in-
telligence et leur aptitude à la civilisation. La forme de leur
tète et la masse générale de leur cerveau ne diffèrent pas
essentiellement de celles des races européennes. La couleur de
leur peau ne peut influer sur notre opinion à leur égard , et il
parait que cette conviction est entrée dans leur esprit; en effet,
le grand chef nous a adressé le discours suivant : « Mes frères,
vous me permettrez devons donner ce nom, car, sous vos peaux
blanches, comme sous nos peaux rouges, on trouve également
du sang humain et un cœur humain; nous sommes venus de
bien loin pour vous voir, nous avons traversé le Grand Lac, et
le Maître de la vie nous a conduits. Nous sommes arrivés heu-
reusement, vous nous recevez bien, nous sommes à cable avec
vous, nous sommes contens, et nous vous remercions. » Dans
un autre moment, le même chef a dit: «Mes frères, nous
savons qu'il y a deux chemins à suivre pour nos actions, l'un
bon, l'autre mauvais : nous tâchons de ne jamais prendre le
mauvais, » Le même caractère de simplicité, de candeur et de
bon sens se fait remarquer dans le discours que le chef Osage
avait adressé à M. le général La Fayette, lorsqu'il est allé chez
lui avec ses compagnon^ de voyage. M&, Jullten a rapporté ce
i6o FRANCE.
discours, à peu près dans ces termes : « Grand père (nom que
les Osages donnent à tous ceux auxquels ils veulent témoigner
une affection mêlée de respect), nous avons des oreilles, et
ton nom v est entré; nous avons un cœur, et ton nom y est
reste. Ton nom est partout, mais ta personne est ici : nous con-
naissions ton nom, nous désirions connaître ta personne, et
nous voici en ta présence : nous sommes satisfaits de te voir
et d'être bien reçus par toi. »
On a répandu dans le monde que des personnes éminentes
avaient trouvé inconvenant que les Osages, après avoir eu
l'honneur d'être admis devant le roi , reçussent une contri-
bution pour se communiquer au public. On n'a point suffisam-
ment remarqué que ce genre d'industrie est dans leurs mœurs;
qu'aux États-Unis même*, ils exécutent sur les théâtres les
danses de leur tribu , et qu'alors le gouvernement ou des
particuliers riches paient leurs dépenses et les comblent de pré-
sens. Les Osages dent il s'agit ne se sont point annoncés autre-
ment. Le but intéressé de leur voyage fut déclaré, avant leur
départ de la Nouvelle-Orléans, à M. Guillemin, consul de
France. Adressés à MM. Eyries , négocians au Havre, ils ont
sollicité du ministre des affaires étrangères une autorisation
pour venir à Paris, comme hommes libres, mais disposés à
tirer parti de la curiosité publique, ainsi que le font journelle-
ment, en France et en Europe, des artistes voyageurs très-
distingués et considérés, qui se produisent sur les théâtres et
dans les sociétés particulières, où ils reçoivent une rétribution
et tirent parti de leurs talens. Le roi , après avoir reçu les
Osages, leur a fait remettre une somme de 2,000 fr.
Il n'est peut-être pas inutile de faire remarquer que ces
hommes , contre lesquels i! ne s'est élevé jusqu'ici aucun sujet
de plainte, font réellement partie d'une tribu considérable ,
dévouée à la France; que les Anglais, qui alimentent leur com-
merce d'échange et celui de quelques tribus voisines , sont
forcés, à raison de cette disposition , de donner à leurs mar-
chandises de traite le nom et l'apparence de produits français;
qu'en ce moment on construit une route qui doit traverser le
vaste pays (plus grand que la France) qu'habitent les Osages ,
pour aboutir dans le haut Mexique, et que cette route doit
servir à l'exploitation d'un commerce , bien plus important
encore, avec toutes les contrées dont elle ouvrira l'accès,
commerce que les fabricans français peuvent exploiter désor-
mais avec avantage. De très-petites causes amènent quelque-
fois les résultats les plus utiles. Les hommes qui réfléchissent
ne repoussent jamais aucun moyen ; et les actes d'une hospi-
talité bienveillante leur paraissent surtout de nature à procurer
PARIS. 161
des avantages que n'auraient peut-être pas obtenus au même
degré la force ni la puissance.
Les convives et les nombreux spectateurs choisis, qui
avaient été admis à cette réunion, n<- se sont séparés qu'à dix
heures du soir, fort contens de ce qu'ils avaient vu et observé.
On a distribué quelques exemplaires d'une Histoire de fa tribu
desOsages\ par M. P. V. (Paris, 18*7; Charles Béchet. In-8°
de 9a pag.) qui renferme des renseignemens curieux sur cette
tribu. F. N.
Exhumation des restes- de Talka. — Le 19 octobre, à 7
heures du matin, on a procédé, dans le cimetière de l'Est , à
l'exhumation des restes de 'l'aima. Son COrpS a été enlevé i\\\
lieu où il avait été provisoirement déposé : on l'a transporté
dans an caveau construit auprès du tombeau de Delille. Le
nombre des personnes invitées ,1 cette funèbre cérémonie n'é-
tait pas aussi considérable que celui des souscripteurs l'eût fait
espérer, la plupart de ceux-ci n'ayant pas été prévenus. M. Da-
villierSy exécuteur testamentaire, conduisait le deuil. M. Tay-
lor , commissaire du roi près le Théâtre- Français, se trouvait à
la tète île Mal. les acteurs de ce théâtre; et M. Abbott accom-
pagnait MM. les comédiens Anglais. M. Kératry a prononcé
sur la tombe de Talma un discours improvisé, dont nous cite-
rons les phrases suivantes :
« Grand acteur, homme de bien, citoyen jaloux de la gloire
de ion pays, à laquelle tu as largement contribué par un talent
parmi nous sans modèle, Talma, nous venons donner à ta
dépouille l'asile que lui a décerné la reconnaissance de tes
compatriotes... Il est tems cpie les étrangers ne soient plus ré-
duits à demander où sont tes restes; il est tems qu'ils sachent
où porter l'hommage de leurs respects et de leur admiration...
« Et nous qui venons t'adresser un suprême et solennel adieu,
nous ne nous bornerons pas à rouler sur ta dépouille un marbre
modeste , mais plus riche que les mausolées, puisqu'il va porter
ton nom !... Nous nous souviendrons des qualités privées qui te
promettent une meilleure vie... La génération qui t'a entendu,
la génération qui te survit te devait l'immortalité qui appar-
tient au talent : elle te l'a donnée , une autre te viendra de plus
haut et d'une source plus pure... »
Immédiatement après ce discours, M. Abbott a jeté dans le
caveau une couronne d'immortelles, et MM. les comédiens
Français ont suivi cet exemple. R.
Théâtres. — Théâtre-Français. — Ire représentation âeVJmi
tu totale monde, comédie en trois actes et en prose; par***. Samedi
2f)2 i KANCE.
6 octobre.) — Il est inutile de faire l'analyse d'une pièce fort m<
accueillie à la première représentation, et qui n'en a tenté une
seconde que pour ne plusreparaître.L'intrigue d'ailleurs estassez
embrouillée et n'inspire qu'un bien faible intérêt ; elle n'offre
qu'une peinture de mœurs sans couleur et sans vérité; ce sont
là des personnnages que nous avons souvent vus au théâtre,
mais qui n'ont point les traits saillans de ceux que nous
voyons aujourd'hui dans le monde. Sans être bien neuf, le
caractère principal pouvait cependant être comique ; et mal-
heureusement il ne l'est pas. Cet homme , qui veut être bien
avec tout le monde, et qui à force de maladresses finit par dé-
plaire à chacun , est trop effacé dans la pièce où l'on s'attendait à
le voir mener toute l'intrigue; il agirpeu et presque toujours, hors
des yeux du spectateur. Nous nous empressons d'ajouter qu'il y
avait quelques intentions comiques dans les situations imaginées
par l'auteur, mais elles manquent de développement; c'était une
heureuse idée que ce contraste établi entre l'activité incommode
de cet homme qui fait les affaires de tout le monde, et l'apa-
thique indolence de ce Sain val qui ne fait pas même ses propres
affaires. Le mauvais succès de Y Ami de tout le monde ne doit
point décourager l'auteur, qui, plusieurs fois , a fait preuve
d'un talent aimable et spirituel. Les applaudissemens qui ac-
cueillent constamment les Suites d'un bal masqué, doivent être
pour lui une consolation de cette mésaventure et le gage futur
d'un plus heureux succès.
— Théâtre royal de l'Odéon. — Ire représent, de la Cassette,
comédie en trois actes et en prose; <par M*** (lundi ier octobre).
— Un tuteur avare et fripon qui tient sa nièce dans une espèce
de prison pour s'emparer de son bien ; un amant qui prend les
habits de son valet pour s'introduire dans la maison de ce tuteur,
et lui enlever sa pupille; un imbroglio fondé sur cette donnée,
et dont le dénoûment est un mariage auquel le tuteur dupé
ne peut pas s'opposer : voilà une pièce qu'on dirait vieille de
cent ans , et qui a été jouée sous le titre de comédie nouvelle ïl
y a quelques jours. Un dialogue piquant, une broderie spiri-
tuelle, n'ont pu rajeunir ce vieux canevas; et, pour en faire
plus toi justice, le parterre s'est montré fort injuste envers de jolis
détails qu'il aurait applaudis partout ailleurs. L'auteur, connu
dans le inonde pour un homme de beaucoup d'esprit et qui a
quelquefois été plus heureux au théâtre, a voulu garder l'ano-
flyme. M. A.
•— Théâtre Anglais. — Seconde représentation de Jane
Slwrc , tragédie en cinq actes de Rowe , et première représen-
tation d'Anglais et Fiançais , comédie en un acte , par
MM. Bavard et Gustave de Wailly, au bénéfice de M. Abbott.
PAULS. ,r, ;
(Lundi aa octobre. — En rendait! compte des premières repré*
seul. liions de-, ciminl lens anglaisa VOdéofts nousavions témoigné
le désir d«a le-, i oir établis dans la sailr l'avai t , et rapprochés (lu
centre des plaisirs et de la population. Ce V09U , généralement
inanifi 'Sté par Le public cl par les journaux , a été écoulé; cl les
représentations des chefs-d'œuvre de la scène anglaise al-
ternent maintenant, sur ce théâtre, avec: celles des brillantes
compositions de M. Ilo.vsini. M. Ajibott , dont le talent a été re-
marqué et applaudi par tous ceux qui ont vu à l'Odeon llotnco
et Juliette , V h'eole du scandale , le Stratagème d'une belle et
plusieurs autres pièces dans lesquelles il a rempli avec succès
des rôles importons , vient d'obtenir une représentation à son
bénéfice , dont la composition avait piqué la curiosité , et
attiré une assemblée brillante et nombreuse. La tragédie de
Um\e est assez connue , en France, par L'élégante imitation de
M. Anorielx , et par les tentatives de MM. Lemercikr et
Li uuèrks pour transporter sur notre scène les fureurs du
Louis XI de l'Angleterre, et les infortunes de la maîtresse
d'Edouard IV. La pièce anglaise, malgré ses défauts, excite
un intérêt puissant qui s'attache au sort de cette Jane Shore,
si belle, si malheureuse et si repentante. Sous les traits de
miss Smithson , surtout, elle inspire une pitié profonde, une
sympathie douloureuse : lorsque Jane reçoit Du mont qui se
présente pour entrer à son service, et qui , en nommant
Anvers , sa patrie , rappelle qu'il a connu le mari de sa
maîtresse ; lorsqu'elle repousse les coupables caresses de Has-
tings ; enfin , lorsqu'au dernier acte , elle demande du pain à
sou ancienne amie Alieia, et lorsqu'elle expire de faim et de
fatigue, dans les bras de son époux qu'elle vient de recon-
naître; miss Smithson a des accens si pénétrans, une panto-
mime si vraie, si attendrissante , qu'elle arrache des pleurs à
tous les yeux; qu'elle transporte le spectateur, par une illu-
sion terrible , dans ces rues de Londres où , depuis trois
jours , elle erre poursuivie par le besoin et par les insultes
d'une vile populace. Le rôle du duc de Glocester, a été bien
rempli, dans quelques parties, par M. Chapman , qui, dans
la scène du conseil, a eu des mouveinens d'une énergie fa-
rouche. M. Abbott a représenté le rôle de lord Hastings avec
beaucoup de chaleur et de noblesse.
De la cour du sauvage Richard, le décorateur nous a bien-
tôt transportés dans une auberge de Lille , où vient d'arriver
Eugène de Verneuil , qui, grâces aux habits, aux manières
et au baragouin d'un anglais de comédie , espère échapper à
sa famille et à ses créanciers , et retrouver sur le sol britan-
nique une jolie insulaire dont il a obtenu la foi. Sir Richard ,
964 FRANCE.
véritable anglais , vient aussi de descendre de diligence : il a
pour compagnons de voyage M. Deschamps , chargé par les
paréos d'Eugène , devenus ses créanciers , d'interrompre son
voyage el d'empêcher son union avec une anglaise , au moyen
d'une contrainte par corps; et Mme de Marcilly, qui trouve
le jeune lord fort aimable, mais qui refuse par patriotisme
d'écouter son amour. Dès lors, sir Richard n'éprouve aucune
répugnance à prendre pour quelques instans le nom d'Eugène;
car cette métamorphose , en le faisant passer pour français
auprès du crédule Deschamps et de la jeune veuve, détruit
tous les scrupules de celle-ci, et décide le don de son cœur
et' de sa main. Cette petite pièce de circonstance, où il y a
de l'esprit et quelques situations plaisantes , a été accueillie
avec beaucoup de bienveillance , grâces surtout au jeu spiri-
tuel et plein de gaîté de M. Abbott , qui a parfaitement repré-
senté un jeune baronnet , débarrassé de ce grotesque accou-
trement et de ces charges de mauvais goût dont on a long-
tems affublé, sur nos théâtres, tous les Anglais jeunes ou
vieux. On l'a surtout applaudi , quand il a conclu , de concert
avec Eugène de Verneuil, un traité d'alliance et d'amitié entre
les deux nations ; et lorsque , saluant l'auditoire , il l'a remercié
de sa délicate hospitalité , en exprimant la pensée « que les
Anglais et les Français peuvent continuer d'être rivaux , sans
cesser d'être amis. » ».
Beaux-Arts. — Néorama et Diorama : Vue intérieure de
Saint-Pierre de Rome. — L'église de Saint-Pierre de Rome,
que deux siècles et les secours de toute la chrétienté ont à
peine suffi pour achever, est le plus grand édifice connu : bâti
sur les dessins des hommes les plus habiles , orné des marbres
les plus précieux, enrichi de peintures et de mosaïques, pré-
cédé de deux magnifiques colonnades, l'esprit reste frappé
d'admiration à l'aspect d'un tel monument. Tous ceux qui ont
été à Rome en parlent avec enthousiasme, et c'est peut-être
la seule fois que l'imagination, ébranlée par la pompe des
récits , n'a pas été au-delà de la réalité.
Il serait inutile de donner une nouvelle description de cette
église : elle est partout. J'aime mieux rapporter ici des vers
dans lesquels Girodet, peintre et poëte à la fois, célèbre, dans
un poëme encore inédit (i) ce magnifique édifice.
(i) Le Peintre. Ce poëme , et les autres productions littéraires et di-
dactiques de Girodet, paraîtront, vers le i5 novembre prochain
chez Renouard , libraire , rue de Tournon , n° 6.
PARIS. ao5
De quelle majesté r -.w onne oe s;iint lieu !
Oui ! tout proclama ici la présence d'an Dieu.
Da la religion , des arts et du génie,
Du pouvoir al «lu tenu , ô merveille infinie !
Chef-d'œuvre <1«' l'Europe el '!<■ ton! L'univers (
Quel bras ;i suspendu ton dôme dam lei airs?
N'entends- je point, du haut de ta vaste coupole,
Dieu lui-même aux mortels annoncer sa parole?
L'ame ici s'agrandit ; l'orgueil humain dompté,
Succombant sous Le pouls de La divinité ,
Médite son néant, et songe à sa poussière.
Du temple d'Artémis qu'Éphèse soit moins fière;
Qu'Athènes vante moins son fameux Parthénon ;
La ville des Césars, son noble Panthéon...
Tel est le noble et grand édifice que deux établissement
rivaux se sont proposé de mettre sous les yeux du public, par
le moyen de la peinture.
MM. Boutoh et Daguerre, faisant une application nou-
velle et heureuse des ressources du Panorama , étaient depuis
long-tcms en possession de représenter des vues intérieures de
monumens, ou l'aspect de lieux remarquables.
M. Allaux, dessinateur fort habile, pensa que l'on pour-
rait faire plus : il crut pouvoir placer le spectateur au milieu
même du monument représenté.
Plein de cette idée, il se rendit à Rome, où il fit des études
nombreuses et extrêmement soignées de toutes les parties de
l'église de Saint-Pierre; il poussa le scrupule jusqu'à prendre
la coupe des caissons de la voûte , afin de bien en reproduire les
saillies. J'ai vu les dessins, et je puis assurer qu'ils prouvent
autant de conscience que d'habileté.
Revenu à Paris, M. Allaux fit élever une rotonde; là se
présenta une difficulté, sinon invincible, du moins assez sé-
rieuse pour que beaucoup de personnes n'eussent point essayé
de la vaincre. En effet, il s'agissait de représenter, sur une
surface parfaitement circulaire, des lignes droites, ou paral-
lèles, ou coupées à angle droit, et cela avec tous les accidens
que produisent les divers objets renfermés dans cette église, et
les détails de l'architecture. Il paraît que la solution de ce
problème de perspective a coûté plusieurs années de recher-
ches à M. Allaux. Pendant que cet artiste et son frère, le peintre
d'histoire, aidés de plusieurs autres artistes d'un talent reconnu,
travaillaient avec ardeur pour mettre à fin leur entreprise ,
MM. Bouton et Daguerre, justement effrayés de cette rivalité,
essayèrent de gagner M. Allaux de vitesse, et Paris a vu, pres-
que au même jour, deux églises de Saint- Pierre ouvertes au
public. Les auteurs du Diorama ont effectivement terminé les
266 FRANCE.
premiers leurs tableaux, mais ici on peut dire, avec le Misant-
trope :
... Le tems ne fait rien à l'affaire ;
et, pour que la foule leur restât fidèle, il fallait qu'ils fissent
mieux que leur compétiteur : c'est ce qui n'est pas arrivé.
D'abord, ils avaient un grand désavantage; ils n'avaient pas été
à Rome prendre des vues sur les lieux-, ils ont donc été obli-
gés de se servir de gravures plus ou moins bien enluminées,
et c'est toujours un moyen très- insuffisant. Ensuite, ils ne
pouvaient mettre leur spectateur au milieu du monument;
la disposition de leur établissement s'y oppose; ils l'ont donc
supposé près de la porte d'entrée d'où l'œil devrait embrasser
toute l'étendue de l'édifice; mais, au fait, M. Bouton, auteur
de ce tableau , n'a pas su donner une idée juste de la profon-
deur immense de l'église; il n'a pas, non plus, donné à l'aspect
intérieur de ce monument, son véritable effet. La seule partie
claire est le dôme ; tout le reste est obscur, les ombres sont très-
vives; or, il n'en est réellement pas ainsi. Dans Saint-Pierre, au
contraire, le ton général de la couleur est clair, la lumière cir-
cule partout. Au surplus, les premiers plans sont très-bien
exécutés; on voit que c'est l'ouvrage d'un homme habile , mais
ce n'est pas entièrement l'église de Saint- Pierre.
M. Allaux a mis le spectateur au milieu même de l'église; il
a supposé que, comme cela a lieu dans de certaines solennités,
on avait élevé, près de la coupole, une estrade recouverte
d'un dais où le pape se place, pendant la célébration de l'of-
fice. Le pape vient d'en descendre, et le spectateur est venu
s'en emparer.
M. Allaux a eu l'heureuse idée d'ouvrir les portes de la ba-
silique , de sorte que la vue se prolonge, d'un côté, jusqu'à
l'extrémité de la place du Vatican, et, de l'autre, jusqu'au
chevet de l'église. C'est un magnifique aspect. La scène repré-
sentée, dans l'intérieur du monument, ajoute à l'intérêt du lieu.
Le pape est prosterné devant la statue de saint Pierre, pour
laquelle on s'est servi du bronze d'un Jupiter Capitolin, comme
on a fait la statue de Henri IV avec une statue de Bonaparie;
derrière lui, les cardinaux, les chanoines sont également age-
nouillés; une haie de soldats forme une enceinte au-delà de
laquelle on voit des groupes de fidèles. Toutes ces figures sont
parfaitement bien exécutées.
En supposant que les portes de l'église étaient ouvertes , l 'ar-
tiste s'est ménagé les moyens de faire sentir la différence de !a
lumière extérieure et de la lumière intérieure. C'était une dif-
ficulté, sans doute; mais aussi c'était un moyen d'effet. Cet
effet, bien senti , bien exprimé, a produit une vive sensation.
l'A IUS. •,/>;
L'empressement <ln public 8 prouvé ;i M lilaux que l<- talent
el la persévérance ne restent pas toujours sans récompense
Maintenant que cet artiste a trouvé l<- moyen <!<• nous tram
porter au milieu d'un édifice tel que Saint Pierre, il ne devra
pas Lui être plus difficile <!<■ nous montrer I* ilhambra, !<• Cofy
S('c, le Campo t (icci/to, et tant d'antres beaux lieux dont la
vue ne pourrait manquer d'exciter un grand intérêt. P. A.
Nkchoi.ooik. — Manuel, ex-député , fié à Barcelonnette ,
département des Basses- Alpes , mort à Maùons-suriSeine t près
Paris, le V> août 1827 (i). — Quoique la Revue Encyclopédique
n'admette poiut dans son plan, el d'après sa direction pure-
ment scientifique) philosophique et littéraire, les événement
ni les discussions qui se rattachent aux affaires et aux passions
politiques du moment , elle n'a jamais renoncé à rendre hom-
mage aux personnages politiques et historiques qui ont servi
et honoré leur patrie et l'humanité par d'utiles travaux , par
des talons supérieurs, et surtout par un noble caractère. Nos
Tablettes nécrologiques Sont consacrées à tous les genres d'illus-
tration , et nous célébrons aussi , dans les comptes ouverts
respectifs de chaque nation, les grands citoyens, ou les
hommes éminemment utiles qui appartiennent à d'autres pays
que la France. Déjà les noms do beaucoup de Français respec-
tables , de toutes les opinions et de tous les partis , ont succes-
sivement reçu le tribut de nos regrets et de nos hommages.
C'est ainsi que les illustres savans Monge , Berthollet, Vol-
ney, Lacépède , La Place; leur collègue Haut, dont le savoir
profond s'unissait à une piété sincère; le père chéri des jeunes
élèves sourds-muets, l'abbé Sicard ; le vénérable pasteur
Oberlin; nos grands peintres Girodet, David; nos célèbres
sculpteurs Dupaty et Lemot ; notre grand acteur tragique
Talma ; l'éloquent et intrépide général Fov ; le constant dé-
fenseur des libertés publiques Lanjuinais; son respectable
collègue Boissy d'Anglas; le savant et laborieux géographe
Malte Brun ; le vertueux duc Mathieu de Montmorency; le
généreux philantrope La Rochefoucault-Liancourt, et beau-
coup d'autres amis distingués des sciences et de l'humanité,
français et étrangers, ont tour à tour obtenu , dans ce Recueil,
les hommages dus à leurs vertus et à leurs talons.
La gloire de la tribune est aussi une des conquêtes de l'es-
prit humain ; et, puisque tous les hommes qui ont contribué
aux progrès des sciences et des lettres et à l'avancement social
ont une place marquée dans notre Reçue , nous ne pouvons
(1) Cctarlicle avait été supprimé , dans notre cahier d'août , par ir
Bureau de Censure.
268 FRANCE.
nous dispenser de consacrer quelques pages à la mémoire de
M. Manuel, dont la perte, encore récente , sera long-tems et
généralement regrettée, et qui avait acquis, ajuste titre, la
réputation d'orateur éminemment éloquent , et d'ami sincère de
son pays. Nous empruntons l'article qui va suivre à l'un de
nos journaux quotidiens les plus estimés : c'est la peinture d'un
noble caractère; ce sont des faits, et les faits sont une pro-
priété commune.
« M. Manuel , né à Barcelonnette , au milieu des Alpes, fut
élevé à Nîmes , et rentra dans sa famille au moment où. toute
l'Europe en armes menaçait de nous envahir. Il fit partie de
cette levée en masse qui , par une suite de prodiges, conserva
intact le beau sol de notre France. Transporté à l'armée
d'Italie , il fut au nombre de ces jeunes soldats qui vécurent
trois ans au milieu des neiges du col de Tende, dépourvus de
pain et de souliers. Il descendit avec eux dans les plaines
d'Italie, lorsqu'ils s'élancèrent à la suite du jeune Bonaparte ,
pour voler à tant de victoires. Il fut présent à Montenotte , à
Lonato , à Rivoli, au Tagliamento. Il ne quitta l'armée que
lorsque la paix signée a Campo-Formio fit espérer pour la
France un repos long et glorieux. Ses devoirs de citoyen
étaient remplis ; la carrière des armes semblait momenta-
nément fermée; il se consacra au barreau. Bientôt, il y obtint
des succès éclatans. C'est au barreau d'Aix qu'il était venu
prendre place. Son esprit juste, prompt et ferme, son élocu-
tion pure et singulièrement facile, le placèrent au premier
rang, dans le souvenir même des hommes qui avaient entendu
les Monclar, les Portails , les Slmcon. Il y demeura quinze
années. La promulgation d'un code perfectionné et l'éclat d'une
immense gloire l'attachèrent au gouvernement de cette époque;
mais son attachement fut libre , car il ne reçut jamais d'emploi.
Nommé, à son insu, et contre son gré , député à la Chambre
des cent jours, il ne se présenta qu'avec timidité sur une scène
toute nouvelle pour lui. Il comprenait la grandeur de cette
scène , et ne comprenait pas assez sa force personnelle pour
n'être pas effrayé; mais, doué d'un rare privilège, celui de
rester inébranlable , quand tout était ébranlé autour de lui ,
sa parole demeura ferme et soutenue, au milieu des orages
de i8i5. Tant de clarté , de simplicité , de justesse de langage ,
au milieu d'un désordre général dans les esprits , produisit un
effet dent on se souvient encore. Quelques jours suffirent pour
décider la réputation de M. Manuel. Appelé plus tard à la
tribune par le département de la Vendée, ou sait quelles opi-
nions il embrassa, quelle fermeté , quelle éloquence il déploya
pour les défendre.
« Cette partie de sa vie est généralement connue. On sait
PMUS. 26g
comment M. Manuel occupa el quitta la tribune. Ce que je
voudrais peindre dignement ici, c'est une de ces âmes d'une
trempe rare, que la nature dispense bien peu souvent aux
hommes, et qu'il n'était possible d'apprécier que lorsqu'on
avait beaucoup approché M. Manuel, Ce n'était point la cha-
leur et l'éclat qu'il fallait chercher en lui, niais la force simple,
égale el inaltérable. Son esprit n'avait pas cette vivacité qui
rend les esprits inégaux susceptibles de grandir ou de baisser
avec les circonstances; le sien était juste, ouvert et sûr. Il
concevait bien , et il concevait vile; il s'exprimait avec élé-
gance, avec vigueur et avec une imperturbable assurance. Aussi
était il le seul improvisateur bien réel qui eût paru à notre
tribune depuis douze années, le seul qui n'apprît pas de dis-
cours d'avance , le seul qui prît la discussion au point où elle
était arrivée. Les esprits bouillans ne sont pas les plus propres
à l'improvisation; ils se troublent ou se précipitent, et n'a-
gissent pas avec cette régularité qui assure la suite des idées
et la continuité du discours. Barnave n'avait pas l'éloquence
de Mirabeau; il était plus véritablement improvisateur. M. Ma-
nuel avait dans sa force d'esprit le principe de la véritable im-
provisation oratoire. Cette force ne jette pas ordinairement
beaucoup d'éclat; elle ne se montre, n'apparaît au dehors
d'une manière imposante, que lorsque, tout s'ébranlant autour
d'elle , elle reste seule debout. Un mot de simple bon sens ,
quand tous les esprits sont agités , est un trait de génie. Quel
respect n'a t-on pas pour la raison qui survit à toutes les
antres ? M. Manuel avait un autre avantage : c'était de pouvoir
résumer une longue discussion , de résister seul à la fatigue
générale, pour recueillir et comparer tout ce qui avait été dit,
pour débrouiller celte confusion d'idées où jettent toujours
les controverses trop longues. C'était encore à sa force qu'il
devait cet avantage. D'après les paroles nettes et fortes qu'il
employait quelquefois, on lui a supposé un esprit absolu et
violent ; c'était , au contraire , un esprit modéré et sage. Cet
éclectisme qui signale notre époque dans toutes les sciences,
était sa théorie de choix. Que de fois je lui ai entendu vanter
cette direction des esprits , et soutenir qu'il n'y a point de
vérité absolue ; qu'il faut éclairer toutes les opinions les unes
par les autres! Mais il n'avait qu'un langage, tandis que la
plupart des hommes en ont deux. Il n'était pas, comme beau-
coup d'hommes, un modéré de tribune et un démagogue de salon.
« La tenue, la suite qui formaient les traits distinctifs de son
esprit, formaient aussi les traits distinctifs de son caractère. Ce
qu'il avait aimé une fois, il l'aimait toujours. Dans son Ame, où
tous les sentimens demeuraient inaltérables, il avait conservé
un peu de cette chaleur patriotique qui remplissait les camps,
170 FRANCE— PARIS.
il v a quarante1 années; il aimait la Franco par-dessus tout; il
l'aimait à la fois en soldat et en citoyen éclairé. Quand l'oubli
le plus ingrat l'eut laissé dans la nullité politique, il n'aimait
bas moins la liberté, que lorsqu'il recevait des couronnes d'or.
C'est sans doute une belle chose que la liberté pour l'orateur
applaudi, dont elle fait l'éloquence et les triomphes; mais,
pour l'orateur condamné au silence et à l'oubli, elle paraît quel-
quefois moins digne d'amour. Jamais, depuis quatre années,
on n'entendit M. Manuel dire que les partis sont ingrats, que
la liberté est une chimère!
« La paresse n'était pas plus entrée dans son âme que le
découragement. Condamné par ses médecins depuis plusieurs
années, et croyant à leur arrêt, il n'avait pas cessé de s'éclairer
et de s'instruire. Il avait cinquante-deux ans, et il n'était pas
une idée nouvelle qu'il n'accueillît, qu'il ne consentît à exa-
miner. Sans être mobile, son esprit, parce qu'il était juste, était
perfectible. Quand ses douleurs lui rendaient l'usage de ses
facultés, son tems était partagé entre les exercices du corps,
qu'il avait toujours aimés, et l'étude. Il lisait beaucoup, et on
l'aurait vu à la tribune avec une toute autre étendue d'esprit. Le
travail qu'il faisait sur son intelligence, il le faisait aussi sur son
caractère. Naturellement impérieux, parce qu'il était fort, il se
contenait sans cesse, et avait dans le commerce habituel une
douceur charmante. Vouloir être meilleur, presque sans but
d'ambition, seulement pour mourir meilleur, est le signe d'une
rare et belle nature. Quand on l'a vu calme, studieux, et tra-
vaillant sans cesse son esprit et son caractère, au milieu des
plus grands doutes sur sa vie, il est impossible de n'être pas
rempli pour lui d'estime et de respect.
'< La maladie qui effrayait ses amis et ses, médecins l'a saisi
tout à coup; les soins de l'art ont été inutiles. La forte organisa-
tion du malade n'a été qu'une cause d'épouvantables douleurs.
Quand la destruction était partout, la vie résistait encore, et
ne s'est échappée qu'après deux jours de tourmens cruels.
L'intelligence est restée ferme jusqu'au dernier instant, et a
survécu à toutes les facultés. M. Manuel était entouré de son
frère, de MM. Laffitte, Béranger, et d'autres amis qui lui
étaient profondément attachés. Ils se sont séparés de lui, pleins
de respect et de douleur. Le souvenir d'une âme si forte et
si belle ne s'effacera point en eux. La mort, depuis quelque
tems, a frappé sur les têtes les plus élevées ; elle a atteint des
esprits brillans, des cœurs généreux, des citoyens regrettables
à tous les titres; mais elle vient d'enlever dans Manuel ce
qu'il y a de plus rare au monde, un caractère! »
TABLE DES ARTICLES
< OHTEHUS
DANS LE CENT SIXIÈME CAHIER.
OCTOBRE 1827.
I. MÉMOIRES, NOTICES ET MÉLANGES.
i. Exposition jnibliqtie dei produits « Us manufacture! fran-
çaises, en 1827 Ferry. P. 6
2. Dea Saga'i , ou de L'ancienne littérature du Nord. . . X. 22
3 Notice sur Ugo Foscolo Fr. Salf. 3o
II. ANALYSES D'OUVRAGES.
4. Essai sur la construction des routes et des voitures, traduit
de l'anglais de R.-L. Edgeworth J.-J. Bande. 3o'
5. Manuel du juré, par Victor Guichard et J.-J. Dubochet ,
avOCatS » Charles Comte. 4-5
(î. Histoire de Bretagne, par M. Daru Depping. 58
7. Histoire du soulèvement des Pays-Bas sous Philippe II ,
traduite de l'allemand, de F. Schiller, par M. de Château-
giron. Crussolle-Lami. 6g,
8. i° Voyage de la Grèce, par F.-C.-H.-L. Pouqueville ;
20 Histoire de la régénération de la Grèce , par le même.
Auguste F abre. n\
9. Bibliothèque des classiques latins, avec la traduction;
publiée par M. Jules Pierrot. . . J.-J. Champollion Figeac. 92
10. Espagne poétique. Choix de poésies castillanes , mises en
vers français , par Don J.-M. Maury Muriel. 98
III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Annonces de 108 ouvrages , français et étrangers .
Amérique septentrionale. — Etats-Unis, 3 106'
Amérique-méridionale. — Colombie, 1 109
Asie. — Calcutta, 11 rio
Europe. — Grande-Bretagne, 7 iri
— - Russie, 2 12 3
— Danemark , 1 ouvrage périodique 126
— Allemagne , 8 128
— Suisse, 3 i33
— Italie, 7, dont 1 ouvrage périodique 139
— Portugal ,2 148
— Pays-Bas, 6, dont r ouvrage périodique i5i
Frakce, 57, savoir : Sciences physiques et naturelles , 23. . . . i58
— Sciences religieuses , rncrales , politiques et historiques , 10. . . 176
— Littérature, i5 „ 187
— Beaux- Arts ,4 200
— Mémoires et Rapports de sociétés savantes , 1 204
— Ouvrages périodiques , 1 206
— Livres en langues étrangères , imprimés en France , 3 207
1-L TABLB DES ARTICLES.
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES.
Amérique septentrionale. — Etats-Unis. Boston : Géographie
physique et zoologie ; Influence de l'air et du sol sur la taille
des animaux. — Washington : Instruction des enfans 210
Antilles. — Phénomènes météorologiques 2ti
Australasie. — Nouvelle Sud-Galles et Terre de Van-Dicmcn ; Si-
tuation de ces colonies ; Etat de là presse périodique. — Colonie
anglaise de Vile Melville 111
EUROPE.
Iles Britanniques. — Statistique judiciaire et morale: Nombre
de personnes emprisonnées, condamnées ou acquittées dans
l'Angleterre el le pays de Galles, pendant les sept dernières
années. — Nécrologie : Sir Thomas-Stamford Raffles 214
Russie. — Instruction publique : Universités. — Réclamation :
Littérature russe 216
Pologne. — Extrait d'une lettre de JVilna : Etat de la littéra-
ture historique en Pologne 219
Danemark. — Copenhague : Instruction élémentaire 226
Allemagne. — Berlin. Académie des sciences : Question propo-
sée par la classe de physique; nominations. Enseignement de
la géographie. — Wèimar : Hommage rendu par la puissance
au génie ibid.
Suisse. — Zoug : Population. — Canton de Berne: Edu cation
des sourds-muets 229
Italie. — Analyse d'une plante médicinale. — Littérature ita-
lienne : Observations générales; Défauts reprochés à plu-
si urs auteurs italiens 23 1
Grèce. — Situation morale du pays ; Premiers besoins de la
nation grecque; Vœux et espérances de ses amis 233
Pays-Bas. — Bruxelles : Développement de la prospérité agricole,
industrielle, commerciale, et des institutions relatives à
l'instruction publique ; état moral et social du pays. — Ensei-
gnement primaire; Poids et mesurés. — Médailles historiques. 236
France. — Mu/at (Cantal): Etablissement agricole de M. de
Pradt — Sociétés sav ntes : Aix (Bouches du Rhône) : Société
académique : Prix proposés. Dijon (Côte-d'Or) : Société de
lecture *. . . 240
Pakis. — Institut. Académie des Sciences : Séances du 24 sep-
tembre au i5 octobre. Académie des Beaux-Arts : Séance pu-
blique du 6 octobre. — Société royale des antiquaires. —
Nouvelle méthode pour guérir le bégaiement. — Enseigne-
ment industriel. — Statistique industrielle et commerciale de
la France. — Banquet mensuel de la Société de la Revue En-
cyclopédie , et notice sur les Usages. — Exhumation des restes
de Talma. — Théâtres. Théâtre-Français : ire représentation
de l'Ami de tout le monde, comédie. Théâtre de l'Odéon: i,e re-
présentation de la Cassette, comédie. Théâtre anglais. 2e repré-
sentation de JaneShore, tragédie, et ire représent. d'Anglais
et Français , comédie. — Beaux-Arts. Néorama et Diorama :
Vue intérieure de Saint Pierre de Rome. — Nécrologie .'Manuel. 241
REVUE
ENCYCLOPÉDIQUE,
ou
ANALYSES ET ANNONCES RÀ1SONNÉES
I>KS PRODUCTIONS LES PLUS HKMARQUABLES
DANS LA LITTÉRATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS.
I. MEMOIRES, NOTICES,
LETTRES ET MÉLANGES.
NOTICE
SUR LE CHLORE ET LES CHLORURES,
ET SUR LEURS DIVERS EMPLOIS.
Il est peu de substances chimiques susceptibles d'autant
d'applications utiles que le chlore et ses composés. Depuis
long-tems, les chimistes avaient déterminé quelques-unes de
ces applications, et les arts faisaient un grand usage de l'acide
hydrochlorique, soit parce qu'il donnait naissance au chlore,
soit par son emploi dans la teinture, pour aviver les couleurs
et pour enlever sur des fonds colorés des portions formant
diverses figures , soit encore pour opérer le blanchissage des
tissus de coton, de lin et de chanvre, pour nettoyer les vieilles
gravures, pour décaper la tôle et la réduire en fer-blanc, etc. ■
mais, la plus importante de toutes ces applications est sans
t. xxxvi. — Novembre 1827. 18
274 NOTICE
contredit, l'emploi îles chlorures à la désinfection des hôpi-
taux, des amphithéâtres d'anatomie, de tous les lieux où la
production des miasmes putrides, le développement des gaz
délétères, la décomposition des cadavres , mettent en danger la
vie des ouvriers, ou des hommes qui se livrent à la pli's
noble, mais quelquefois la plus dangereuse des fonctions,
celle de soulager la triste humanité des maux dont elle est la
proie, et d'apporter la santé dans l'empire même de la mort.
Avant de faire apprécier avec quelques détails l'important
service rendu à la société par les savans célèbres qui ont dé-
couvert les propriétés des chlorures , et qui en ont fait un
usage si avantageux, nous croyons devoir donner une courte
notice sur l'histoire du chlore et des travaux qui ont concouru
à eu développer toute l'utilité. Nous espérons que l'on ne
s'effrayera pas des termes de chimie nécessaires pour l'intel-
ligence des faits. Cette science est aujourd'hui populaire; et il
est peu de personnes qui n'en aient reçu quelques notions,
et qui n'en connaissent les expressions les plus usuelles.
Le chlore est un corps gazeux, simple, combustible, élas-
tique, de couleur jaunâtre , une fois et demi plus pesant que
l'air; il détruit les couleurs végétales et blanchit les corps
colorés; il asphyxie avec rapidité les animaux exposés à son
action et absorbe l'eau instantanément. L'eau, chargée de ce
gaz , acquiert sa saveur, son odeur et sa propriété décolorante.
Le chlore s'unit en diverses proportions avec l'oxigène, l'hy-
drogène et d'autres corps.
Le chimiste Scheele fit connaître, en 1774» trois corps
nouveaux, le manganèse } la baryte et le chlore , que l'école
théorique de Stahl appela du nom d'acide marin déphlogis-
tiqué. Scheele annonça le premier l'action du chlore sur les
matières colorantes. Cette découverte attira l'attention des
chimistes qui essayèrent d'en faire l'application aux arts in-
dustriels. Bientôt on se servit avec succès du chlore et des
chlorures pour le blanchiment de la cire, de l'amidon, des
pâtes de papier, et pour la restauration des gravures et des
manuscrits jaunis parle tems, ou souillés d'encre. L'illuslre
SUR LE CHLORE ET LES CHLORURES.
BfcHTHOLLKT étudia son action sur les toiles écruea en chanvre,
lin el coton; le blanchiment de ces substances par le chlore
devint une des industries favorites de ce savant, et il prévit
toutes les conséquences de cette importante invention. Il par-
vint à conquérir an profit do l'agriculture les vastes prairies
consacrées, dans les pays les plus fertiles , à l'étendage d< s
toiles, pendant la belle saison; et il prouva qu'en employant
le chlore avec réserve dans l'opération du blanchiment des
toiles, on leur conserve plus de solidité que par les moyens
longs et dispendieux autrefois en usage.
C'est encore à Berthollet (pie l'on doit les premiers chlo-
rures d'oxides et leur emploi dans les arts. Il conseilla aux
entrepreneurs d'une manufacture de produits chimiques de
recevoir des vapeurs de chlore dans une eau chargée d'alcali,
et c'est là l'origine de l'eau de javelle , si célèbre depuis parmi
les blanchisseurs.
Mais déjà le nom d'acide marin déphlogistiqué avait été rem-
placé par celui d acide muriatique oxigéné. Quelque tems après ,
MM. Gay-Lussac, TnÉNARD et Davy démontrèrent que le
chlore peut être considéré comme corps simple. Ce nom de
chlore fut imposé à cette substance par M. Ampère; et bientôt
on démontra que l'emploi des chlorures est suivi de succès,
lorsque l'on veut dénaturer des principes immédiats dans la
composition desquels l'oxigène entre comme élément.
Ce furent les Anglais qui les premiers exécutèrent en grand
les préparations de chlorures de chaux secs, qu'ils livrèrent au
commerce vers 1800, sous le nom de poudre de Tennant. La
propriété de cette poudre était de contenir, sous un petit
volume, une quantité considérable de chlore capable de se
conserver long-tems dans des vases clos. On fait un emploi
immense de ce composé dans les trois royaumes de la Grande-
Bretagne, et l'on commence à s'en servir en France, quoiqu'il
n'y en ait pas encore de fabrique spéciale. Un instrument des-
tiné à reconnaître les titres des chlorures versés dans le
commerce, a été inventé par M. Df.scroisilles, et perfectionné
par M. Gay-Lussac; on le nomme thloromèlrc.
iS.
a76 NOTICE
Mais tandis que plusieurs sa vans essayaient de faire des ap-
plications du chlore à l'art utile de la teinture, d'autres se
promettaient un résultat encore phu noble de leurs travaux.
Dès 17^3, c'est-à-dire un an après la découverte de Seheeîe,
Guyton de Mcrveaux avait obtenu un grand succès à Dijon ,
en essayant, au moyen de fumigations d'acide hydrochlorique ,
la désinfection d'une église empestée par des exhalaisons cada-
vériques, et celle d'une prison où le typhus commençait à faire
des progrès. Quelques années après, on employa les mêmes
procédés pour opérer, sans danger, l'évacuation des masses
putrides qui, depuis plusieurs siècles, s'étaient accumulées au
charnier des Innocens ; et, en 1792, Fourcroy s'en servit pour
désinfecter les salles de dissection et celles des hôpitaux. Guyton
de Morveaux , après quelques expériences nouvelles, composa
un petit appareil désinfecteur dont l'usage se multiplia ; el
vers 1809, M. Masuyer fit pour la première fois l'emploi du
chlorure de chaux liquide, afin d'assainir l'hôpital militaire de
Strasbourg.
On n'était pas allé plus loin, lorsque la Société d'encourage-
ment pour l'industrie nationale, stimulée par les invitations du
préfet de la Seine, proposa, en 1820, un prix pour l'auteur
d'un moyen chimique ou mécanique propre à fabriquer des
intestins soufflés, sans leur faire subir la fermentation putride
qui rendait si insalubres les ateliers de boyauderie. Ce fut
M. Labarraque, pharmacien à Paris, qui résolut le problème
et qui remporta ie prix. Il proposa l'emploi des chlorures de
chaux; et depuis cette époque, ce savant philantrope n'a cessé
de perfectionner ses premiers aperçus et de consacrer tous
ses efforts à propager l'usage des chlorures et à leur trouver
de nouvelles applications. Éclairé par son travail sur l'art du
bovaudicr, et guidé par un esprit d'observation juste et péné-
trant il en a indiqué l'emploi dans les exhumations el dans
tous les cas où des émanations putrides peuvent vicier l'air
atmosphérique. Il a rendu un service inappréciable à l'huma-
nité et à l'industrie, non-seulement en appliquant les fumiga-
tions du chlore à des opérations qu'elles rendent faciles et
SUR LE CHLORE ET LES CHLOR1 &ES. 277
exemptes de tout danger, mais «-m ramenant l'attention des
sas. 111s ci <l<- ta société tont entière sur les avantages d'un
agent dont l'emploi peut avoir une immense influence sur la
vie et la saute des hommes. Depuis les travaux de &f. Labar
raque i M. Wallacx a recommandé le chlore gazeux, mêlé d<"
Vapeurs aqueuses, comme médicament externe contre les
affections chroniques des viscères abdominaux, et surtout contre
celles du foie. M. Roche a annoncé à la Société de médecine
qu'en moins de trois mois, il avait guéri, au moyen du chlo-
rure de soude , une teigne qui depuis onze années avait
résisté à tous les traitemens. M. ZeisB a proposé l'emploi des
chlorures pour la désinfection des eaux-de-vie de grains et de
pommes de terre. MM. Culleiuer et Gorse se sont servis avec
succès du chlorure de soude pour ta gttérison des ulcères syphi-
litiques qui répandent une odeur infecte, et généralement
contre les plaies et les ulcères affectés de pourriture, et dont
le caractère est gangreneux. M. Labarraque et plusieurs per-
sonnes ont démontré l'efficacité du chlore contre l'asphixie
des fosses d'aisances; la Société d'agriculture de la Charente a
recommandé les fumigations de chlorure comme très-salutaires
dans les é tables et dans les cas d'épizootie; et des médecins
instruits ont annoncé qu'ils étaient sur la voie d'une découverte
du plus haut intérêt pour l'humanité, par l'emploi du chlore
dans les maladies de poitrine. Puisse leur espoir n'être pas
trompé !
Cet aperçu rapide sur les avantages et les propriétés du
chlore et des chlorures, est loin sans doute de les faire con-
naître, de les faire apprécier dans tous leurs détails; mais il
suffit pour montrer combien leur emploi peut être varié, et.
il laisse pressentir les nombreuses applications que l'on peut
encore en faire à l'industrie, à l'économie domestique et à la
salubrité publique (1). D. N.
(i)Voy. Rev. Eue, t. xwr, juillet-septembre 1826, page 73-2,
l'annonce de l'utile écrit publié par M. T, \ 1; vu u \ou r. , sur l'emploi
des chlorures d'oxide de sodium cl de chaux, Nous reviendrons sur
,t8
VOYAGE DE NAPLES
Voyage i*e Naples a Amalfi , par Castellamare et
Pompeïa; extrait d'un Voyage inédit en Italie, pen-
dant les années 1824-1827 ; par E. G. d'A. (i).
Adieu classîc land, adieu sunny skies,
'T is with sorrow I feel wé're destinrd to part;
FareweU cherisbed fripnds tlial so dearly 1 prize
And whose memory shall ne'er be effacerl from my heart.
IIow oft sball rcineiiibrance recall to my mind
The friends and the scènes tbat I am forced to resign ,
Where tbe bearts like tbe clime aie congenial and kind
And oh nature thy aspect is ever benign.
Vers inédits de lady Margt B.
Adieu, terre classique, adieu , ciel sans nuages,
Adieu vous mes amis dont le doux souvenir
Vient s'unir dans mon cœur à ceux de ces rivages.
Le destin me l'ordonne; bêlas! il faut partir.
Doux climats, doux amis que j'aime et que j'admire,
Quels tableaux enchanteurs vous formiez réunis!
L'un et l'autre à l'envi sembliez me sourire.
Adieu, tableau charmant; il le faut, je vous fuis.
E. G. c'A.
i/i juillet i8a5. — G'està la ville d'Amaltî que le monde est
redevable des deux découvertes qui, avec l'invention de l'im-
primerie, ont le plus puissamment contribué à tirer l'Europe
cette découverte si précieuse à l'humanité, lorsque nous rendrons
compte d'un ouvrage que prépare M. Labarraque sur les causes et les
phénomènes de la putréfaction des matières animales, et sur les moyens
d'arrêter, dans diverses circonstances , ce mouvement désorganisaient'.
(i) La ville d' Amalfi , devenue si célèbre par son commerce et
ses institutions durant le moyen âge, a bien mérité de la civilisation
par deux découvertes importantes : celles des Pandecles et de la Bous-
sole. Comme elle ne se trouve sur aucune des routes fréquentées de
l'Italie, elle est rarement visitée par les voyageurs. Nous avons pensé
que les lecteurs de la Bévue Encyclopédique trouveraient ici avec plai-
sir la relation abrégée d'un voyage entrepris dans un but scientifique
par un de nos collaborateurs qui a visité dernièrement une grande
partie de l'Italie. £ • «&« R>
\ LMAL1 I 179
de la barbarie où elle était plongée (i). Tout voyageur lui de-
vrait done un religieux pèlerinage; cl cependant nn petit
nombre, parmi ceux qui parcourent l'Italie , se décident à [a
visiter. La cause en < ï < > i i être attribuée, sans doute, à l'impossi-
bilité OÙ l'on se trouve d'aborder celle ville, soit à cheval,
soit en voiture; niais comme on m'avait fait espérer (pie je
pourrais v découvrir les vestiges d'une loi maritime très-im-
portante, citée par un grand nombre d'écrivains, et dont on
a perdu les dispositions (2), je pris le parti d'éclaireir les ver-
sions contradictoires émises par les auteurs à ce sujet, et d'aller
à la source même pour rechercher les traces de cette loi si
vantée. Je m'embarquai donc dans le port de Naples à deux
heures après midi, avec un de mes amis, M. B..., et fis voile
pour Castellamare sur une de ces lancellcs (sorte de péniches)^
montées par de vigoureux mariniers, qui servent à la commu-
nication entre les deux villes.
Une brise légère enfle notre voile latine; et, quoique tout
promette une heureuse traversée , nos mariniers comptent
(i)Ungrand nombre d'historiens attribuent à un Amalfitain, nommé
Gaetano Gioja , l'invention de la boussole , et cette circonstance a
fourni à Balui , poëte italien du x\ic siècle , le sujet du charmant
épisode qui termine son poëme de la Nautica ; Venise, 1590 , in-4°.
On sait que nous devons à la ville d'Amalfi le premier manuscrit des
Vandccles qui ait été retrouvé.
(2) Freccia , Giannone , Azutiî, et plusieurs autres écrivains, assurent
que durant le moyen âge la république d'Amalfi était régie , sous les
rapports maritimes, par une loi d'une haute sagesse, et qui, sem-
blable à la loirhodienne, avait été successivement adoptée par divers
peuples de l'Italie, où elle était connue sous le nom de Table amalfuaine.
Malheureusement , aucun de ces auteurs ne donne le texte de celte loi,
et quelques historiens du royaume de Naples assurent qu'elle n'a jamais
été publiée. (Dizzionario geografeo raggionato ; Naples, 1797. In-8 ',
page 16 r.) Quelques Napolitains avaient annoncé à M. le professeur
Pardessus que les manuscrits de cette loi se trouvaient dans les mains
P d'une famille Pança , demeurant à Amalfi. Ce fut dans le but de véri-
lier ce fait que j entrepris mon voyage.
i8o A OVAGE DE NAPLES
asseï sur notre libéralité pour nous présenter la cassette toute
rouverte des flammes de l'enfer, destinée à recevoir les dons
des âmes pieuses. Le produit des aumônes doit être consacré
par eux à des prières per le anime ciel purgatorio , et jamais
personne ne refuse une rétribution de quelques grains pour
cette destination.
Bientôt disparaissent derrière nous les collines verdoyantes
du Pausilippe, les tours grisâtres du château neuf, le môle et
son phare élégant , objet d'un culte d'amour pour les Napoli-
tains, et ces maisons de couleurs variées qui donnent à la ville
un aspect si pittoresque. Mais, en revanche, nous découvrons
Portici, ses palais, ses brillans rivages couronnés par le cra-
tère fumant du Vésuve , et qui couvrent depuis dix-huit siècles
les monumens et les ruines d'Herculanum (i). Torre delV An-
nunciata et Torre ciel Greco, si souvent sillonnées par les laves
brûlantes du volcan, et, comme le phénix, renaissant toujours
de leurs cendres (2) , surgissent à nos regards. La brise fraî-
chit, et nous franchissons rapidement, non sans quelque senti-
ment d'orgueil, ces parages illustrés par la victoire que les
flottes françaises remportèrent sur les Espagnols, lorsqu'elles
vinrent soutenir la trop chevaleresque expédition du duc de
Guise.
J'étais plongé dans les réflexions que faisait naître en moi le
souvenir de cette entreprise si téméraire , si extraordinaire ,
j'ai presque dit si française; je me représentais ce prince intré-
pide sur sa frêle nacelle , forçant, l'épée à la main, les matelots
épouvantés de braver les feux de la flotte assiégeante et des
(1) On regrette que les fouilles d'Herculanum aient été discontinuées,
non-seulement dans l'intérêt des arts , mais encore dans celui des let-
tres , puisque c'est dans cette ville seule que l'on peut trouver les ma-
nuscrits grecs et latins que l'on parvient à déchiffrer; ceux qui sont
extraits de Pompéïa tombent en poussière. Mais il faudrait abattre
Résine et Portici pour fouiller entièrement Herculanum , et cette me-
sure entraînerait des frais considérables.
(2) Les maisons sont construites avec la lave qui souvent a couvert
le village.
A AMALI I. iS]
forts ennemis, et débarquant , nu milieu de mille coups de
fanon, dans les bras d'une population ivre d'etonnement et de
joie i ); lorsque la cdiitilcuc du jeune mousse, répétée à voix
(i) Voici comment le prince raconte lui - m/:me ce fait dans ses
mémoire! (édit. de 1081, page o5) : » A la pointe du jour, nous
nous trouvâmes proche de l'île d'Ischia , où mes mariniers me vou-
lurent persuader de chercher an abri pour laisser passer le jour
et entrer plus facilement dans Naples la nuit. Mais je résistai à ce
sentiment, appréhendant qu'étant découvert... je ne tombasse, sans
combat, entre les mains de l'ennemi. La peur les faisant opiniâtrer
en leur sentiment , je fus- contraint de mettre l'épée à la main et
les faire voguer... Nous découvrîmes la ville de Naples et l'armée
(navale) d'Espagne qui était devant... Je commandai à l'heure môme
d'aller droit à la Capitanc, qui portait l'étendard , pour faire que l'on
m'attendît, et avoir le tems de m'éloigner avant que les vaisseaux eus-
sent mis leurs chaloupes à lamer. Comme je fus à deux portées de canon
de la Capilanc , au lieu de m'en aller droit à la ville , je pris ma route
au-dessous vers la Torre de.l Greco , afin que les felouques de Chiaja et
de Sainte-Lucie ne me pussent couper chemin; et pour donner avis
à la ville de mon arrivée , j'ordonnai à mes mariniers , en passant au
travers de l'armée d'Espagne, de crier qu'ils me portaient; et me
levant debout sur la poupe, je commençai à faire signe du chapeau
pour obliger de l'infanterie à sortir, et venir me recevoir à mon dé-
barquement. Je fus aussitôt suivi de tout ce que les ennemis purent
mettre à la mer de bâtimens à rames et salué de toute l'artillerie des
châteaux, du môle, des vaisseaux et des galères. J'abordai terre , une
lieue au-dessous de la ville, et donnant ordre aux mousquetaires qui
m'étaient venus recevoir de faire un feu continuel sur les bâtimens des
ennemis qui me pressaient trop, je côtoyai Résine et Portici, et ne
voulus point débarquer que je ne fusse arrivé, à la faveur de cette es-
carmouche et au bruit de toutes les canonnades des ennemis , à la place
de la Cavalerie, faubourg Lorette , où, sautant à terre, le vendredi
i5e (novembre 1645), sur les onze heures, je fus reçu avec un
applaudissement incroyable d'un nombre infini de peuple qui, me
portant en l'air quelque espace de tems , me mirent sur un beau cour-
sier qui m'avait été préparé, sur lequel je fis mon entrée dans la ville,
et allai descendre à l'église de Notre-Dame-des-Carmes pour la remer-
cier du bon succès de mon passage. » {Voyez l'excellente Histoire du
duc de Cuise, publiée en 1826.)
&8i VOYAGE DE NÀPLES
basse par l'équipage, nous avertit que nous avions dépassé la
petite enlise de la Madone di Porto- Salvo, placée sur une émi-
DjBDce voisine, et que nous étions hors de tout danger. Au bout
de quelques minutes, nous abordâmes sur la plage de Castel-
lamare , après trois heures de traversée.
On croirait, au premier coup d'œil, que cette ville vient
d'être envahie par des escadrons d'ânes, tant est grande la foule
de ces animaux qui inonde la place et les quais. Un des
cavaliers de la troupe se charge de notre bagage et nous con-
duit à l'auberge royale, où il nous faudra passer la nuit,
attendu qu'il y a peu de parties du royaume des Deux-Siciles
où l'on puisse voyager siirement après le soleil couché.
On nous assure toutefois que nous pouvons visiter sans péril
les environs de la résidence royale, et nous faisons appeler
l'indispensable cicérone qui doit nous servir à la fois de guide
et de rhapsode.
«Sous cette ville, nous dit-il pendant que nous côtoyons le
rivage pour gagner le chemin de la montagne, demeure ense-
velie une puissante cité. Stabie était son nom. Sylla la fit rava-
ger par un de ses lieutenans durant la guerre sociale (i), et le
volcan qui se trouve placé, comme vous le voyez, à plus d'une
lieue de distance, acheva l'ouvrage du dictateur en l'engloutis-
sant à jamais. On est parvenu à retirer dans des fouilles quel-
ques manuscrits , des statues, et des peintures que vous pouvez
admirer au muséum de Portici. »
« La ville nouvelle vous offrira peu de curiosités. Nous avons
cependant un arsenal, un bagne, enfin tout ce qui constitue
un port militaire : c'est ici que se font tous les arméniens de la
marine royale sicilienne (i). Mais rarement notre pavillon
franchit les colonnes d'Hercule. Quelques-uns de nos marins
ont eu le courage d'aller plus loin, et s'en sont quelquefois
bien trouvés. Vous apercevez sur les flancs du mont Saint-
(i) Plike, Histoire naturelle , liv. in, chap. v.
(ï) Les forces navales des Deux-Siciles s'élèvent à ■?, vaisseaux, 4
frégates et quelques bâtimens légers.
[lie
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^
A A M M. II. »83
Amgclo, <ini s'élève à pic bu dessus de nous , m) petit château
perché comme un uid d'aigle. Ce nid est celui du nabab, h ce
nabab esi un matelot de Castellamare, qui, poussé par une
humeur aventureuse sur les eûtes de l'IodoilStau , a su en rap-
porter une fortune immense. Ce fui aux souvenirs dé son pays
qu'il (lut ses SUCOès. Déjà, sans doute, vous aurez vu passer ra-
pidement sur nos {('tes des fagots que nos hùelie: ons font partir
du sommet de la montagne; ils glissent sur un câble et vont
s'arrêter près du rivage. Ce fut ainsi que, dans une occasion
importante, notre compatriote , aidé des souvenirs de sa jeu-
nesse , s'avisa de faire voyager l'artillerie d'un radjah au
service duquel il était engagé. La victoire fut le prix de
cette manœuvre, et sa fortune fut le prix de la victoire. Sur
une autre partie de la montagne, vous pouvez apercevoir les
quatre tours ruinées d'un château plus fort et plus vaste. Il se
trouve situé près du chemin que nous allons parcourir; et en
examinant de près son vaste heep (donjon), ses tours symé-
triques et arrondies, vous y retrouverez le système de cons-
truction normande qui vous fera facilement reconnaître son
origine. »
Je priai notre guide de nous conduire au château royal. Il
nous répondit que cela lui était impossible, parce que le roi
y faisait en ce moment sa résidence. Mais il nous offrit de
nous guider dans les bosquets qui en dépendent. « Voyez,
nous dit -il sur la route, ces nombreuses maisons de cam-
pagne dont le penchant de la colline est parsemé. C'est là
que tous les étrangers de distinction résidant à Naples vien-
nent chercher de la fraîcheur et de l'air pendant les cha-
leurs de l'été. Quelques valétudinaires y viennent aussi boire
les eaux alkalines et sulfureuses qui découlent de nos rochers.
Ici est le casin où mourut M. de Serre, ambassadeur de France,
vivement regretté de tous ceux qui l'avaient connu. Plus loin,
ce charmant édifice, que nous laissons à notre gauche, est
celui du baron ****, où se trouve réunie en ce moment la
meilleure compagnie de Naples. Dans l'aile qui le termine est
i\n théâtre de société, où, devant quelques membres de la
284 VOYAGE DE NAPLES
famille royale, on a souvent joué la comédie française avec une
étonnante perfection. Voici la maison (Je campagne du ministre
d'Angleterre , et celle de l'ambassadeur d'Autriche. »
Après avoir parcouru dans tous les sens les bosquets om-
breux de la résidence de Quisisana, ainsi nommée à cause de la
salubrité de sa position, après avoir salué dans ces bosquets le
roi qui s'y promenait avec sa charmante famille, nous redes-
cendîmes par une avenue d'une délicieuse fraîcheur. La tem-
pérature était si différente de celle que nous avions laissée à
Naples, que nous croyions avoir franchi i5 à 20 degrés de
latitude nord. Une tranche de ce veau de Sorrente, si vanté
par le bon Sancho Pança, arrosée d'une bouteille de La-
cryma Christi, recueilli sur les flancs du Vésuve, nous com-
posa un souper dont le pays seul avait fait tous les frais ; et un
lit fort propre, ce qui n'est pas commun hors de Naples, nous
reçut jusqu'au lendemain.
i5 juillet. — Il est six heures, notre léger cabriolet nous
attend à la porte , et les deux petits chevaux calabrois qui y
sont attelés semblent impatiens de notre retard; ils nous em-
portent avec la rapidité de l'éclair, en nous laissant à peine le
tems d'admirer ces campagnes fécondes que tapisse une triple
moisson. La vigne enlacée aux peupliers court en rians festons,
ses pampres verts se dessinent au-dessus des tiges jaunissantes
du maïs; et dans les intervalles du maïs même, des légumi-
neuses grimpantes s'élèvent en entourant ses tiges de leurs
feuillages touffus. Ailleurs, le cotonnier étale sa fleur violacée,
gage d'une riche récolie; il croît à l'ombre même du mûrier,
qui contribuera, comme lui, à la confection de nos fastueux
tissus. Çà et là , quelques agaves américaines qui présentent
leurs dards acérés sur le sommet des murailles en ruine, le
palmier aux larges feuilles et le figuier de l'Indoustan donnent
à certaines parties du paysage une physionomie des tropiques.
Des valérianes rouges, de grands convolvulus blancs, l'églantier
sauvage et la ronce rose tapissent les murs qui soutiennent les
terrains voisins et encaissent la route; bientôt une vaste plaine
s'offre à nos regards.
A. \M\UI. 9.85
le croîs apercevoir uot ville, cl. pointant je n'entends point
ces clameurs, COI éclats bru vans OOÎ anuoncrnt ordinairement
KS cites de l'Italie méridionale. Quoi! pas un paysan, pas un
moine, p;rs un mendiant, et nous sommes encore en Italie!
Quelles vastes et magnifiques tombes de marbre éparses sur les
bords du chemin! comme elles s'harmonisent avec le calme qui
règne dans ce paysage! Quel joli casin ! que ses fresques et ses
mosaïques paraissent fraîches et élégantes! Pourquoi ce banc
de marbre si richement ciselé à la porte de la ville? Mais où
sont donc les habitans? Le pavé est si beau! on y voit tant de
traces de roues! et Ton n'entend pas le bruit d'un char... Des
amphithéâtres, des portiques, des palais... Est-ce donc un rêve?
ou l'histoire de cette ville pétrifiée dont Cheherazade amuse
Chariar s'est-elle donc réalisée? — Non, me répondit mon ami,
vous avez traversé Pompéïa; nous y reviendrons (i). Mais j'ai
(i) Sur les fouilles de Pompéïa. Les fouilles entreprises à Pompéïa ont
été principalement faites , durant les deux dernières années, dans la di-
rection des rues au nord et à l'est du Forum. La rue du nord fut entiè-
rement déblayée en décembre 1823. On trouva un grand nombre de
lampes , de boucles d'oreilles et d'autres objets fort précieux. Cette rue
était terminée par un arc de triomphe. A droite de cet arc était un
temple à la Fortune Auguste, sur lequel on lit cette inscription :
M. TtJLLIUS. M. F. D. VI. »IER. QUIJVQ.
AuGUR TRI MILiTA. POP. AEDEM.
FoRTUNAE AuGUST. SOLO ET P. AE. C.
SUA.
Ce temple est petit, mais assez remarquable par sa construction. Deux
rampes conduisent à un péristyle élégant. En pénétrant dans la cella ,
on aperçoit la base de la statue qui ornait le temple. Quatre niches
à droite et à gauche contenaient probablement aussi des statues. On
n'en a trouvé que deux ; elles représentent un consul et une prétresse.
Une rue se trouvait en face de ce temple; on a commencé à la dé-
blayer eu 1824. Les murailles decette rue offraient cette particularité
remarquable , qu'elles étaient couvertes des votes électoraux des ci-
toyens pour quelques magistratures. A son extrémité l'on a découvert
des établissemens thermaux d'une grande beauté. Les diverses pièces
8 6 VOYAGE DE NAPLES
voulu vous faire faire un léger détour pour vous ménager le
plaisir de la surprise. Reprenons la route de Nocera (i), à
sont décorées avec goût de stucs et de mosaïques. On y voit aussi une
corniche élégante, soutenue par des Silènes en caryatides. Le pavé in-
férieur est souvent creusé pour la circulation de la vapeur. Un bassin
de marbre est couvert de l'inscription suivante en lettres de bronze :
CN. MELÏSSAEO. Cïf. F APRO M. STAIO
M. F RUFFO II. VIR. ITERUM ID LARRl M
EX. D. D. EX PP FG. CONSTAT H S. DCCE.
Tis-à-vis de ce bassin est une vaste baignoire en marbre blanc. La
salle voisine, où l'on se parfumait d'essences , renferme un magnifique
brasier en bronze, supporté pas des sphinx et des tabourets de même
métal. On lit sur ces derniers :
M. NIGIDIUS. VACULA. P. S.
Le commencement de l'année i8a5 a été signalé par une des plus
belles découvertes faites à Pompéïa : c'est celle d'une maison particu-
lière qui se distingue par la plus rare élégance. La mosaïque du pé-
ristyle offre un chien prêt à se jeter sur les passans , et au-dessous
est écrit :
CAVE CANEM.
L'intérieur des appartemens était revêtu des fresques les plus déli-
cates. L'une d'elles représente Y enlèvement de Briséis, et les anti-
quaires ne craignent pas de la mettre à côté de ce que la peinture a
produit de plus parfait. Malheureusement elle s'est beaucoup dété-
riorée. Je la vis au moment où l'on venait de la dégager des cendres
qui la couvraient. Rien n'égalait sa fraîcheur.
Derrière cette maison on a déblayé l'établissement d'un foulon,
avec tous les ustensiles du métier. C'est dans cet emplacement que l'on
continue les fouilles. On les prolonge aussi au delà de l'arc de
triomphe dont nous avons parlé.
Plus récemment encore on a mis au jour un Panthéon. Cet édifice est
un parallélogramme régulier; il renfermait entre autres objets précieux
les statues de Tibère et de Livie , quelques fresques bien conservées :
une d'elles représente Romulus et Rémus enfans. Près de cet édifice
se trouve une cour environnée d'un portique à colonnes dont les pié-
destaux sont de marbre.
(i) Anciennement Nucerina. Cette ville était le chef-lieu de cette
partie de la Campanie. {Voyez Pline, liv. m, chap. v.)
"WÏ"
'
A. AU \U I.
laquelle les Arabes qui P©nl occupée long tems ont laissé le
surnom de Nocera dei pagani (des païens , ce qui n'a rien de
personne] pour les habitans, toul aussi bons catholiques que
leurs voisins.
Après avoir franchi Nocera, on entre dans l'Édeu des paysa-
gistes , el toul <lc\ ienl encore plus magique dans le tableau qui
si- déroule à nos yeux. \ gauche, le n ésuve exhale une fumée
lente; plus loin, les cimes bleuâtres de l'Apennin Ceignent et
terminent l'horizon , tandis (pie ça et là, dans les plans inter-
médiaires, des monticules verdoyans, couronnés de tours en
ruines, semblent posés par la main du Poussin pour fournir
lux peintres une suite sans cesse renaissante de paysages dé-
licieux. Rien n'est comparable à ce tableau, si ce n'est peut-
être l'aspect des rives de la Meuse, ou de la vallée de la Sala
entre Païenne et Alcamo.
Un écu écartelé de gueules à la tour d'argent et d'or au lion
grimpant de gueules, sur le tout d'azur à trois fleurs de lys, est
sculpté sur le marbre, et nous annonce que nous quittons la
province de Labour pour entrer dans la principauté de Salerne.
Une petite ville charmante paraît devant nous. La parfaite
régularité de ses portiques, qui se prolongent des deux côtés
de la route, ne le cède en rien à ceux de Turin , ou de notre
rue de Rivoli, quoique sur une plus petite dimension. La
propreté des habitations , l'air d'aisance et de contentement
qui se peint sur tous les visages, la position de la ville, tout
concourt à faire de cette petite cité une des plus agréables ré-
sidences du royaume, et je remarque sans étonnement que
plusieurs Anglais y soi'.t venus fixer leur séjour.
Le monastère de la Cava (la Trinité) possède une des plus riches
bibliothèques d'Italie, et nous nous promettons bien de faire à
ce riche et précieux dépôt une visite particulière et fructueuse.
Au sortir de la Cava, nous descendons dans une gorge à
l'entrée de laquelle on rencontre un gentil ermitage. C'est là
que se trouve interrompue la longue chaîne calcaire des
Apennins , qui, se prolongeant dans cette direction , forme tout
le promontoire de Sorrente et se montre encore à Caprée. La
2 88 VOYAGE DE NAPLES
gorge se resserre de plus en plus; mais elle encaisse un ruis-
seau qui va donner de l'activité à une multitude de jolies fa-
briques semées dans le fond du vallon , et qui servent à la fois
à décorer le paysage et à enrichir le pays. A quelques pas de
là, Vietri s'élève en amphithéâtre sur une colline et s'étend
jusque la mer.
Cette ville est si sale qu'il ne tient qu'à nous de supposer
que nous sommes de retour à Naples. Il faut déjeuner à la ta-
verne ; le voyageur chercherait vainement ici un honnête
abri : nous descendons alla Marina , et nous faisons apprêter
une barque et des rameurs, puisqu'il faut absolument que
notre voyage soit fait par terre et par mer,
Les rameurs nous attendent; mais point de tendelet (i) sur
notre barque, et un soleil de juin , dont la force est doublée
par la réflexion des masses blanchâtres de rochers que nous
côtoyons , nous accable de ses rayons brûlans. Nos mariniers
sont en eau ; ils chantent pourtant, et rament en cadence ,
en saluant de leurs acclamations les nombreux pêcheurs qui ,
placés dans les anfractuosités des hautes montagnes de la côte ,
jettent dans le golfe leurs vastes filets. „'-
Après avoir doublé le premier cap, nous voyons se dé-
velopper devant nous le magnifique golfe de Salerne. En
apercevant à notre gauche la ville qui lui a donné son nom ,
nous nous rappelons avec fierté que , quelques siècles plus
tôt , cinquante de nos compatriotes avaient mis en fuite
dans les plaines voisines une nombreuse armée de Sar-
rasins qui l'assiégeaient (2) ; plus loin les côtes voisines ré-
(1) Petite tente pour préserver du soleil.
(2) Environ soixante chevaliers normands , partis de leur pays vers
l'an 1000, et revenant d'un pèlerinage à Saint-Michel de Gargano ,
relâchèrent à Salerne clans le tems que cette place , pressée par une
armée d'Arabes, venait d'acheter leur retraite à prix d'argent.Ils trou-
vèrent les habitans occupés à réunir le prix de leur rançon , et l'armée
des musulmans sans défiance. .. Alors cette poignée de chevaliers,
soutenue des plus courageux parmi les habitans , profite des ténèbres
de la nuit pour fondre sur le camp des ennemis , et met en déroute
A AMAl.l'l. a8y
vrillent en non-, d'autres souvenirs. Vous voyez , me dit
moi ami , ces grèves plates qui fuient dans le lointain; là fut
rasluin. Jadis ('es ri \ es enchantées offrirent un refuse, aux
voluptueux habitans de Svharis. Leurs bosquets embaumés de
rosiers présentèrent un premier abri aux exilés, tandis que
les pétales des roses effeuillées fournissaient à leurs membres
délicats des couches parfumées, trop dures encore pour, les
disciples d'Aristippc (i). Bientôt s'élevèrent des temples majes-
tueux ; le luxe et les arts ornèrent à l'envi ces délicieuses con-
fiées , et quelques-unes de leurs créations ont résisté aux at-
taques du tems. Maintenant , pas un homme ne végète sur
cette (erre flétrie; aux doux parfums de la rose ont succédé
les miasmes pestilentiels qu'exhalent en tous lieux d'impurs
marécages; les chants d'ivresse et d'amour ont cessé, et
l'éternel silence, qui plane sur ces contrées n'est interrompu
que par le sifflement des reptiles cachés sous des débris. Ces
vastes temples semblent restés debout pour dire au voyageur:
« Tel fut Pœstum; tel il est aujourd'hui! »
Ainsi tout change, ainsi tout puasse; ,
Ainsi nous-mêmes nous passons ,
Sans laisser, hélas ! plus de trace
Que cette barque où nous glissons
Sur cette mer où tout s'efface. Lamartine.
les 1 5,ooo Arabes qu'il renfermait. Le duc de Salerne voulut récom-
penser ses libérateurs , mais il eut lieu d'admirer encore plus leur
désintéressement que leur bravoure. Ces guerriers refusèrent et les
honneurs et les richesses qu'il leur offrait, et voulurent absolument
retourner dans leur pays. Us promirent seulement au duc de lui en-
voyer quelques-uns de leurs compatriotes.
Le brillant fait d'armes qui a été l'occasion de la conquête des
Deux-Siciles par les Normands est constaté de la manière la plus
authentique dans les chroniques contemporaines. Voyez les manuscrits
n° 47 et 199 de la bibliothèque du mont Cassin; Oderic Vital , Histoire
ecclésiastique, livre nr; et manusc. inédits de la Uibliot/ièq uc royale, n° ao.
(1) Forsilan et pin gués hortos quœ cura colendi
Omnrct, CÛnertm btfert quœ rosaria Pcrsti.
Vibg. Ceorg. iv, vers 118.
t. xxxvi. ; — 'Novembre i8;27. 10
arjo VOYAGE DE NAPLES
Je répondais par ces vers délicieux aux réflexions mélan-
coliques de mon ami, et notre barque traçait sur les flots un
sillon rapide et brillant, soudain évanoui. Les cris de nos ma-
riniers saluèrent Atrani.
Cette petite cité, qui, vue de la mer, présente un fort joli
coup-d'œil, à cause de la singularité de ses clochers bariolés
et de sa position romantique au milieu des rochers , et au-
dessus d'une rampe qui semble la soutenir du côté du rivage,
ne gagne pas à être vue à l'intérieur. Le désir de visiter une
fabrique de ces maccaroni , si célébrés par les gastronomes,
m'avait déterminé à me faire mettre à terre , et je fus étonné
de l'excessive irrégularité des rues , autant que de la mauvaise
construction des maisons. Introduits dans une des fabriques
que nous désirions visiter, nous admirâmes avec autant de
plaisir que de surprise l'excessive propreté qui présidait à la
confection de ces diverses pâtes , formées seulement avec
de la farine de blé dur (farro) détrempée , à laquelle on im-
prime une forme quelconque , au moyen d'une vis de pression
qui la fait passer par un moule de tôle. Nous avions vu , quel-
ques jours avant, à Torre dell Jnnunziata, des femmes im-
primer des formes aux pâtes qu'elles travaillaient avec leurs
doigts , et la méthode des habilans d'Airain nous parut à la
fois plus propre et plus expéditive que le système de fabrica-
tion adopté par quelques familles de la Torre.
Nous nous rembarquâmes, après cette courte excursion, et
quelques coups de rame nous avaient transportés sur les illustres
plages d'Amalfi.
Où sont les mille vaisseaux qui portaient naguère aux bornes
du monde le pavillon de la république triomphante ? Montrez-
moi les chantiers dont les constructions sans cesse renaissantes
couvraient la mer de voiles innombrables. Dans quel palais
s'assemblaient ces sénateurs dont les lois si sages avaient été
adoptées par les diverses contrées de l'Italie? Trois barques
de pêcheurs , des filets , quelques maisons d'une assez triste
apparence , placées toutefois dans la situation la plus pitto-
resque ; sur le premier plan un petit hôtel , orné de brillantes
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A AMALFI. a$i
couleurs, voilà tout ce qui reste aujourd'hui d'Amalfi. Dem
rochers qui surplombent défendent la ville des vents du nord,
et donnent à cet ensemble un caractère si particulier qu'il ne
saurait être rendu que par le pinceau. Le pilote nous met à
terre sur une grève de sable lin , et nous indique la demeure
de l'agent consulaire de France. C'est ce petit édifice élégant
bâti près du rivage. M. Lucibello, négociant du pays , chargé
par le consulat de France à Naples des intérêts français, était
absent; mais son frère nous fit le meilleur accueil. Mon pre-
mier soin fut de le prier de nous conduire dans la famille
Pança. qui devait, nous disait-on , posséder le manuscrit objet
de nos recherches. Nous nous acheminâmes donc à travers des
rues étroites et misérables jusqu'à la demeure de Xadvocato P***.
Ici , un spectacle nouveau nous attendait. La maison où l'on
nous introduisit, d'ailleurs fort propre, était entièrement dé-
corée de meubles si gothiques qu'ils doivent dater au moins
des beaux jours de la république amalfitaine , ce que leur ri-
chesse semblerait encore indiquer; et, comme pour faire res-
sortir davantage leur vétusté, trois jeunes filles , dans toute la
fraîcheur de la jeunesse , occupaient des fauteuils auprès des-
quels celui de Dagobert, que l'on conserve à la bibliothèque
du roi, aurait pu paraître moderne. Cet aspect me fit concevoir
les plus heureuses espérances pour ma recherche ; je croyais
déjà sentir l'odeur poudreuse du manuscrit , odeur si suave
pour les nerfs olfactifs du bibliophile; mes yeux se figuraient
déjà en lettres gothiques ces mots tant désirés :
tabulât vlmalfitanaf.
Mais , ô désappointement , M. Pança m'apporte une longue
et lourde histoire d'Amalfi, écrite naguère par un membre de
sa famille. Je voulus du moins parcourir rapidement la chro-
nique de Giuseppe Pança, et j'y recueillis les faits suivans*.
Amalfi, fondée vers Tan 600 de J.-C, avait d'abord été
gouvernée par des préfets annuels. Insensiblement, son impor-
tance et son territoire s'accrurent avec les richesses que ses
habitans obtenaient par le commerce; elle fut érigée en ré-
*9
ao^ VOYAGE DE NAPLES
publique dont un duc électif était le chef, et qui se trouvait
placée sous la protection des empereurs d'Orient. Ses lois
furent adoptées par tous les peuples de l'Italie pour les trans-
actions maritimes. Ses monnaies, connues sous le nom de taris
d'Amalfi, eurent dans le Levant le cours qu'ont actuellement
les piastres espagnoles. Sa rade devint le rendez-vous de toutes
les nations. La république eut à soutenir plusieurs guerres,
principalement contre les Arabes; mais ce ne fut point seule-
ment en Italie qu'elle combattit avec succès les infidèles. Les
premiers en Palestine, les Amalfitains créèrent l'ordre des
chevaliers de Saint Jean de Jérusalem. Dans le tems de leur
puissance (981), ils avaient conquis la province de Salerne;
environ un siècle plus tard, ils furent conquis eux-mêmes par
le comte Robert, qui leur laissa une partie de leurs privilèges.
Mais ils se révoltèrent (iogS); et vainement le comte normand
vint-il, à la tête de ses troupes, et de 20,000 Sarrasins, ses
alliés, mettre le siège devant la ville : il fut contraint de l'aban-
donner. L'empereur Lothaire fut plus heureux. Ayant envahi
l'Italie, il envoya une flotte des Pisans, ses alliés, avec qua-
rante-six galères devant Amalfi. La ville fut prise et perdit à
la fois ses richesses et sa liberté (1137). Ce fut alors que l'on
retrouva les Panclectes , qu'un marchand d'Amalfi avait rap-
portées du Levant. Les Pisans ne demandèrent à Lothaire que
ce livre précieux pour prix de la victoire : il leur fut accordé; et
c'est à cette circonstance qu'il dut pendant trois siècles le titre
de Panclectes pisancs. La république étant entrée quelques
années plus tard clans le domaine de Roger, dès ce moment
son histoire n'offre plus qu'un intérêt secondaire (1).
(1) Guillaume de la Pouitle , poëte latin qui écrivait vers la fin du
xi? siècle , décrit ainsi l'état de la ville d'Amalfi :
Urbs hœc dives opum populoque ; referta videtur,
Nulla magis locuples , argenio , veslibus , auro ,
Parlibus innumeris ; ac plurimus urée moralur
Nauta, maris cœliaue vias aperire peritus.
Hue et Alexandri diversa feruntur ab urbe
A. AMALM. i9ï
Avant de prendre congé de notre vieil avocat) nous lui de-
mandâmes s'il n'existerait point dans AmaHi quelques ai
chivea ou quelque dépôt littéraire à consulter. Sur sa réponse.1
négative, nous prunes congé- de lui et de ses charmantes filles,
et nous nous acheminâmes vers la partie supérieure de la ville
qui se prolonge dans les profondeurs d'un énorme ravin. Les
deux roches calcaires cpii nous dominent semblent avoir été
séparées par l'effet d'un violent tremblement de terre. Au
fond coule un ruisseau qui, passant sous deux ponts placés à
des hauteurs inégales, est du plus heureux effet : l'un de ces
ponts sert de soutien à une forge. En descendant son cours ,
nous reconnûmes que ses eaux alimentaient, dans l'intérieur
de la ville, une fabrique d'une assez triste apparence. Nous
visitâmes ensuite un cloître dont l'architecture à ogives pleines
et entrelacées nous parut d'un style remarquable; et de là nous
passâmes à l'église dont la construction originale nous avait
frappés dès notre arrivée. Cet édifice, fort élevé au-dessus du ni-
veau de la grande place, sur laquelle il est situé, ne nous étonna
pas moins par la multitude bizarre de petites colonnes d'ordres
et de couleurs divers qui soutiennent son portail, que par la
bigarrure de son clocher, chargé de bandes noires et blanches.
Régis et Anùochi : hœc fréta plurima transit :
Hic Arabes, Indi , Siculi noscanlur et Afri :
Hœc gens est totum nropè nobilitala per orbem ,
Et mercanda ferens , et amans mercata referre.
Guglielmi appuli historicum poema de rébus
JSormanorum , liber tertius.
« Cette ville opulente et très-peuplée n'est égalée par aucune autre ,
sous le rapport des richesses , de l'or, de l'argent et des tissus pré-
cieux qui s'y trouvent rassemblés. Elle renferme un grand nombre de
marins habiles à reconnaître leur route sur les mers par la connais-
sance des cieux , et qui parcourent une infinité de détroits. C'est là que
se trouve le dépôt des marchandises d'Antioche et d'Alexandrie, c'est
là que Ton rencontre réunis, l'Arabe et l'Indcu, le Sicilien et l'Africain.
La nation amalfitaine s'est illustrée dans l'univers presque tout entier
par l'échange réciproque des richesses ries nations. »
a94 VOYAGE DE NAPLES
Une autre route se présente à nous pour revenir à Naples,
nie dit mon ami; nous pouvons, en remontant le promontoire,
côtoyer ces rochers fameux (igalli), auprès desquels Homère
a placé les sirènes (i). Ils servaient naguère encore de retraite à
des êtres aussi dangereux, mais revêtus de formes moins sédui-
santes, qui enlevaient les voyageurs sans prendre l'embarras
de les charmer. Si, comme je le suppose, nous sommes assez
heureux pour ne rencontrer ni sirènes, ni Barbaresques, notre
barque voguera ensuite
Entre le doux Sorrente où la grappe dorée
Se marie aux citronniers verts ,
Et les rochers aigus de la pâle Caprée.
Casimir Delavigfe.
Nos yeux chercheront vainement les moindres vestiges du
temple magnifique qui couronnait l'extrémité du cap des Picen-
tins; mais nous pourrons encore aller maudire, sur les pics
stériles de l'île qui l'avoisine, les restes de l'horrible repaire
habité par le tyran de Caprée. De là, quelques minutes nous
suffiront pour gagner les lieux enchantés où naquit l'amant in-
fortuné d'Eléonore, et vos regards indignés se reposeront avec
plaisir surles vastes bosquets de myrtes et d'orangers en fleurs
qui embaument la plaine de Sorrente. Saluant la demeure du
Tasse par quelques vers de XAminte, nous traverserons le golfe
et nous aurons regagné Naples.
(i) To'<ppa 81 y.ap7raXi'{Ju<)ç è^ix.STO vyjîjç sùsp-p;;
Wx<îov SeipTivouv y., t. X.
« Cependant le navire s'avançait avec célérité vers File des Si-
rènes, etc. »
Homère , Odyssée , liv. xn , vers 166 et suivants.
Homerus non nisi , etc.
« Homère ne parle que d'une seule île, on en compte trois aujour-
d'hui, qui sont situées près du promontoire de Minerve en Campanie. »
H. Schxichthorst, Geographia Homer.
Gœltingue, 1787. In-4°, pag. i<$
A AMALFJ. — NOT. SUR PESTALOZZI. io/>
Mon compagnon de voyage traçait avec complaisance son
itinéraire; el cependant le dieu des vents, qui a placé son
séjour dans les îles \oisines | les îles Knlieinics , aujourd'hui de
Lipari), avait déchaîné le plus terrible de ses enfans. Lo lebec*
cm (libyens), si redouté dans la Méditerranée, amoncelai*
avec fureur des nuages noiràlres sur les cimes de l'Apennin , > .
les roulemens prolongés du tonnerre retentissaient jusque dan,
les échos des Calabres. Plus prndens que le prudent Ulysse, i
peut-être aussi pins faibles que lui, nous n'osâmes braver le
double danger dont nous menaçaient Éolc et les sirènes; et ,
suivant l'expression des marins, nous résolûmes, enjuj'û
devant le te m s , de reprendre, pour retourner à Naples, le che-
min par lequel nous étions venus. E. G. d'A.
Notice biographique sur Pestalozzi.
Pestalozzi (Henri), né à Zurich, le 12 janvier 1746, mort
à Brougg (canton d'Argovie) le 27 février 1827, s'est acquis
une réputation européenne par ses recherches et ses travaux
pour améliorer l'éducation primaire et populaire, celle àc>
enfans des classes industrielles et des classes inférieures de la
société.
Un profond sentiment religieux, l'amour de la justice, la
pitié pour les pauvres, une affection expansive pour les en-
fans, tels furent les traits distinctifs de l'àme et du caractère
du jeune Pestalozzi, présages de la vocation qu'il avait reçue
de la nature. Son esprit ardent et actif chercha d'abord à se
satisfaire par l'étude des langues. A l'âge de dix-huit ans, il y
renonça pour s'occuper de théologie, mais le mauvais succès
d'une prédication lui fit abandonner aussi cette carrière pour
se livrer à la jurisprudence. Quelques essais littéraires sem-
blèrent annoncer en lui un philologue. Un livre, qui était déjà
une véritable autorité dans plusieurs parties du monde civi-
lisé, X Emile de J.-J. Rousseau, lui révéla le génie qui lui était
296 NOTICE BIOGRAPHIQUE
propre. Subjugué par cette lecture, il se persuada que la civi-
lisation européenne était un contre-sens, et que, de toutes
les professions, celle du savant était la plus contraire à la na-
ture. Cette conviction qui changea toute sa destinée, exerça
une influence marquée sur la tendance de ses travaux jusqu'à la
lin de sa vie, même sur ceux qui avaient pour objet des étudi-s
scientifiques, puisqu'il s'occupa sans relâche de l'application
d'une méthode populaire à l'enseignement du latin. A peine
remis d'une maladie grave, produite par un excès de travail,
il brûla ses notes, ses extraits, srs collections de manuscrits
sur le droit et sur l'histoire de la Suisse, pour se vouer à
l'économie rurale. Il acquit des connaissances théoriques et
pratiques dans cette partie, et il aliéna son patrimoine, pour
acheter, dans le canton d'Argovie, une petite campagne qu'il
appela Neuhof; c'est là qu'il s'ouvrit une carrière agricole, à
l'âge de vingt- deux ans. Son mariage avec Mlle Schoulthess,
fille d'un négociant de Zurich, lui fit prendre un intérêt dans
une fabrique de coton à laquelle il se dévoua d'une manière
active. Son nouveau genre de vie, à la fois agricole et indus-
triel, lui fit connaître l'état de misère intellectuelle et morale
du peuple; son âme s'émut d'une pitié profonde, et dès ce
moment il résolut de combattre, par tous les moyens qui
pouvaient dépendre de lui, cette maladie iuvétérée de nos
sociétés modernes, objet d'une déplorable et criminelle insou-
ciance. Il forma, en 1775, dans sa petite propriété un institut
pédagogique pour des enfans pauvres et abandonnés. Bientôt
il se vit entouré d'une cinquantaine déjeunes garçons, dont il
fut le père, l'appui, l'instituteur. Pestalozzi soutint, par ses
seules ressources personnelles, sa généreuse entreprise : per-
sonne ne voulut s'associer au projet de transformer en êtres
humains des enfans condamnés dès leur berceau à la dégra-
dation; à peine rencontra-t-i! quelques hommes capables d'ap-
précier cette idée sublime. L'agriculture et l'industrie manu-
facturière entrèrent dans le plan d'éducation de Peslalozzi ,
comme moyens d'occupation et comme offrant la perspective
d'une carrière u'ile à des enfans primitivement des'inés à la
M II rivSTALOZZI. y..j7
mendicité. Il paraissait devoir y trouver aussi mu; ressource
pour faire prospérer sou établissement : cependant il n'en fut
point ain^i. lVstalo//i était un homme d'imagination et même
de génie; mais nullement un nomme pratique et d'exécution.
La nature semble exiger, dans les facultés de chaque individu ,
comme dans !a société civile, la séparation des pouvoirs; rare-
ment le talent et le mérite de l'exécution appartiennent à celui
qui découvre les grandes lois de la société ou de la nature
humaine* Inhabile aux détails des affaires, victime de sa bonté,
de sa trop facile confiance, Pestalo/./.i perdit la plus grande
partie de sa fortune, malgré les mœurs simples et la vie fru-
gale qu'il avait introduites dans sa colonie, et dont il donnait
lui-même l'exemple.
Ce mauvais succès lui attira les sarcasmes de cette nom-
breuse classe d'hommes qui sont toujours prêts à railler le
dévoûment, et à flétrir du nom d'exaltation ou de folie les
grandes idées que le génie conçoit ou que l'humanité inspire.
Pestalczzi ne se laissa pas néanmoins égarer ni abattre par
l'échec qu'il venait d'éprouver, ni par les moqueries des froids
apôtres de l'égoïsme. Profondément convaincu de la justesse
de ses vues, il ne leur fut pas un seul moment infidèle; ne
pouvant encore les réaliser par la pratique, il les consigna
dans son célèbre ouvrage intitulé Léonard et Gcrtnule , sorte
de roman populaire et vraiment moral, qui aurait suffi à la
réputation de l'auteur, si la réputation avait pu être le but
d'un homme qui s'est constamment oublié lui-même pour ne
songer qu'à la classe la moins bien partagée par le sort et par la
société. D'autres ouvrages suivirent celui que nous venons de
rappeler.
Jusqu'à la révolution helvétique, aucun des gouvern» meus
cantonaux de la Suisse ne s'occupa de soutenir les essais de
Pestalozzi , ni d'en tirer parti. Mais, en 1798, à l'aurore de
l 'ère nouvelle, le gouvernement helvétique, abjurant les in-
térêts des castes et voulant réhabiliter les malheureux parias
modernes, mis hors de la loi naturelle du perfectionnement
intellectuel et moral, accueillit avec empressement l'homme de
298 NOTICE BIOGRAPHIQUE
génie qui avait conçu le projet de tirer la classe pauvre et
ouvrière de la situation d'humiliation et de souffrance dans
laquel'e l'indifférence générale la retenait plongée. Les hor-
reurs de la guerre avaient désolé le canton d'Unterwald ; un
petit peuple, véritablement héroïque, avait été en partie
exterminé, en défendant ses foyers contre l'invasion étrangère;
un grand nombre d'enfans étaient restés orphelins et sans
asile, au milieu des débris fumans de leur patrie. Le gouver-
nement unitaire confia aux soins de Pestalozzi plus de cent
cinquante de ces enfans, auprès desquels celui-ci remplit tous
les offices que réclamait leur triste état de dénûment et
d'abandon. Ce premier institut fut établi à Stanz, dans un
couvent supprimé. Le directoire helvétique adjoignit à Pesta-
lozzi un économe, et chargea son commissaire M. Zschokke
de le seconder dans ses plans. Cet établissement n'existait que
depuis trois mois , lorsque son fondateur eut la joie de pré-
senter ses élèves au directoire helvétique. Peu de tems après,
l'approche des armées étrangères entraîna la dissolution de
l'institut de Stanz. Qu'on se figure le désespoir du philantrope,
lorsqu'il vit étouffés dans leur germe les fruits qu'il allait re-
cueillir.
Malgré la situation très-embarrassée des affaires publiques >
le directoire helvétique n'abandonna point son protégé; il lui
loua au prix le plus modéré le château de Berthoud (canton
de Berne) et le domaine qui en dépendait. Là Pestalozzi réor-
ganisa son établissement , qui prospéra, sous la protection du
gouvernement central et avec l'aide de MM. Krusi, deNiEDERER»
et de plusieurs autres collaborateurs, dignes de leur chef, dont
quelques-uns étaient ses élèves, et qui semblaient nés pour
comprendre ses idées et pour sympathiser avec son âme.
En 1804, l'établissement fut transporté d'abord à Munchen-
Bouchsée; puis, dans la même année, à Yverdun, ville du
canton de Yaud, qui offrit d'une manière généreuse pour cette
utile destination son vaste château et les jardins qui en dépen-
dent. Là, l'institut de Pestalozzi parcourut en peu d'années des
phases bien diverses. On le vit successivement élevé par le
SI R PESTALOZZI. *<J0
concours de quelques pédagogues habiles el philantropes à uu
très-haut degré de prospérité <i «le célébrité; pois, troublé
par des dissensions intestines, par l'orgueil et les prétentions
d'hommes égoïstes ou irascibles; ensuite, ébranlé dans ses
fondemens par les vices d'une administration économique qui
manquait d'ordre et de surveillance; enfin, tout- à-fait en
dissolution. Un génie malfaisant se plaça entre le chef de l'éta-
blissement et les hommes qui avaient contribué à sa prospérité;
l'âme de Pestalozzi , flétrie et affaiblie, se ferma à la confiance
la plus légitime pour s'abandonner à une condescendance fatale
à son repos et à son ouvrage. Nous ne nous engagerons point
dans le récit des querelles longues, opiniâtres, déplorables,
qui ont signalé, accompagné et suivi la décadence rapide de
l'institut d'Y Verdun; nous sommes placés trop près des hommes,
des événemens et des passions, pour être certains de connaître
toute la vérité et de pouvoir la présenter sans alliage. Des ou-
vrages écrits en sens opposé viennent d'être publiés sur ce
sujet (i) : ils renferment des documens dont profiteront ceux
qui voudront écrire l'histoire de l'établissement et de la mé-
thode de Pestalozzi, lorsque le tems sera venu d'examiner et
déjuger avec une parfaite impartialité des individus et des faits
auxquels se rattachent encore des souvenirs trop récens et des
passions mal éteintes.
En i8^5 , Pestalozzi se retira à sa campagne de Neuhof, en
Argovie, et M. Schmidt qui exploitait sous le nom du véné-
rable vieillard, les restes de l'établissement, reçut du gouver-
ment du canton de Vaud, pour des motifs graves, l'ordre de
(i) Voyez l'ouvrage intitulé : Meine Lebenschicksale , etc., Leipzig,
1826, in-8°. Les Destinées de ma vie , etc. Cet ouvrage porte en tête
le nom de Pestalozzi ; mais l'opinion générale des Suisses éclairés
l'attribue à M. Schmiot. On vient de publier une réfutation de ce
livre, et un exposé de la situation de l'Institut d'Yverdun sous ce
titre : Bcitrag zur Biographie Heinrich Pestalozzi' s. Mémoire pour ser-
vir à la biographie de Pestalozzi. Saint-Gall, 1827. In-8° de xiv et
3/J2 pages.
3o<> NOTICE BIOGRAPHIQUE
quitter le pays. Ainsi fut dissout cet institut qui, dans les
derniers tems, existait plutôt de nom qu'en réalité, et à côté
duquel Pestalozzi avait fondé et entretenu une petite école de
jeunes filles pauvres.
Pendant sa retraite dans le canton d'Argovie, Pestalozzi l'ut
nommé président de la Société helvétique d'Olten, qu'il présida
dans la séance de 1826. Cet hommage, offert à ce vétéran de
la philantropie, est l'expression fidèle des sentimens que les
Suisses généreux lui ont voués pour les services qu'il a rendus
à l'humanité. La reconnaissance publique ne s'informera pas
si une justice rigoureuse peut lui imputer en grande partie les
causes des tracasseries qui ont troublé sa vieillesse, et qui ont
répandu quelqu'ombre sur l'éclat de son entreprise : elle ne
voudra conserver et consacrer que le souvenir de ses bien-
faits.
Les travaux , excessifs pour son âge, auxquels Pestalozzi
s'est livré, vers la fin de sa vie; les peines qu'il a continué
d'éprouver, par suite des événemens, que nous nous sommes
bornés à indiquer, enfin la perte du sommeil, ont abrégé ses
jours qui auraient pu se prolonger encore. Il est mort le 17 fé-
vrier à Brougg où on l'avait transporté de sa campagne. Il ne
fut malade que très -peu de jours. Quoique ses douleurs, pro-
duites par une rétention d'urine, fussent très-viohntes , ii les
supporta avec le calme du sage; il rassembla sa famille autour
de lui, deux jours avant sa mort, et parla pendant près d'une
heure, avec une exaltation qui était celle d'une grande âme.
Pestalozzi n'est plus, son institut a cessé d'exister; mais
ce qu'il a fait pour l'humanité ne périra point. 11 semble quel-
quefois que la Providence se plaise à dissoudre la partie ma-
térielle des entreprises les plus généreuses, pour n'en laisser
subsister que ce qui en est l'âme, afin d'apprendre aux hommes
à ne voir dans les grandes choses que ce qu'elles ont d'impé-
rissable, et à ne point attacher leurs regards et leurs espé-
rances à des existences éphémères et à des accidens passagers.
^L'instrument du bien se brise; mais le bien subsiste: l'homme
de génie passe; mais sa pensée reste, et ce germe, jeté dans le
BU* PESÎALOZZt 3ôi
momie de l'intelligence, produit «Ici fruiti souvent tardifs que
«cueilleront les générations à venir, dette réflexion, générale
meut vraie n'est juste qu'en* pat lie, lorsqu'on l'applique ■
Pestalo/./.i : pendant sa vie, il I déjà exercé nue influence puis-
ntate sur l'éducation. On n'attend pas sam doute (jnc nous don-
nions ici même, en abrégé, une idée complète de ce que l'on a
appelé sa méthode, et que nous appellerions avec plus d'exac-
utude son Système d'éducation. Il nous suffira) pour le faite
apprécier) d'indiquer quelques-uns de ses traits les plus saillant.
Voulant élever au rang d'hommes les classes les plus dé-
laissées, et ordinairement les plus abruties, il s'appliqua avant
tout à développer chez elles les facultés humaines. Sa tendance
principale, sous le rapport intellectuel) fut de mettre en pra-
tique, à l'égard du peuple, dans les limites fixées par ia nature
ides choses, le mot si profondément sensé de Montaigne:
U J'aime mieux que mon élève ait la tète bien faite que bien
pleine. » Sous le rapport moral, il suivit une marche analogue.
II ne cherchait point à donner à son élève des connaissances
positives, mais une aptitude aies acquérir. Le calcul, le dessin,
■\e chant, etc., n'étaient point pour lui un but, mais un moyen
de développement; l'occasion la plus propre à exercer le coup
id'œil, la main, la voix, l'intelligence, la faculté de comparer,
[d'abstraire , de déduire des conséquences.
Pestalozzi n'avait pas seulement pour objet de développer
les facultés de l'enfant; il se proposait de les développer, con-
formément à la marche progressive indiquée par la nature,
sans oublier aucun de ces intermédiaires négligés dans la
Plupart des systèmes d'éducation. Nous renvoyons , à eet
égard, aux divers écrits publiés sur sa méthode par celui de
ses collaborateurs qui en avait le mieux saisi la partie philo-
sophique et qui était en même tems le plus chaud de ses an-
ciens amis, M. Niederer, aujourd'hui chef d'un institut de
demoiselles à Yverdun (i).
(i) Voyez aussi l* Esprit de la méthode de Pestalozzi , précédé d'un
Précis sur l'institut d'éducation d'T'rerdun , par M. •/ Jullien. L*au-
3oa NOTICE BIOGRAPHIQUE
Personne n'a exposé peut élre avec plus de précision ce
qu'il y avait de réellement neuf dans les principes et dans la
méthode de Pestalozzi, ainsi que dans la conception et l'orga-
nisation de son institut (voy. Schlîcssliche Rechtfertigung des
Pcstalozzischcn Instituts gcgcn seine Verleumdcr. Justification
définitive de l'institut de Pestalozzi, contre ses détracteurs.
Iferten, i8i3, s. 56 — 63.). L'ouvrage que nous venons de citer,
et d'autres ouvrages, sortis de la même plume, nous initient
complètement aux grandes vues psycologiques qui ont servi
à Pestalozzi de point de départ et de fil conducteur: le peu
que nous avons dit ne montre pas, il est vrai, d'une manière
suffisante, mais fait du moins entrevoir que Pestalozzi a pris
l'étude de l'esprit humain pour base de la science qui en di-
rige le développement; bien différent en cela de ces hommes
qui font consister tout le succès de la pédagogie dans l'acqui-
sition de connaissances plus ou moins étendues, et qui consi-
dèrent l'esprit humain plutôt comme un magasin d'idées et de
faits recueillis au-dehors, que comme l'objet propre et le but
final de l'éducation. Ce point de vue établit une distance im-
mense entre la marche de Pestalozzi et la méthode lancasté-
rienne, quoique le philosophe populaire de Zurich se soit aussi
proposé, outre la dissémination des lumières dans les classes
inférieures, d'établir un enseignement mutuel, mais dans les
familles plutôt que dans les écoles. Les personnes qui ont cru
apercevoir une analogie entre les deux méthodes, paraissent
n'avoir pas vu que la première est un système psycologique
d'éducation, tandis que la seconde n'est qu'un mode simplifié
d'instruction. Les ressorts même , employés dans les deux mé-
teur examine d'abord l'institut considéré dans son origine , dans ses
premières vicissitudes , dans son organisation intérieure et dans sa
situation , alors très-florissante , en i8ro et 1811; puis, il expose suc-
cessivement les principes fondamentaux de la méthode d'éducation de
Pestalozzi, les caractères essentiels qui la distinguent des autres mé-
thodes , ses moyens spéciaux d'exécution, et ses résultats. Milan, 181 a.
3 vol. in- 8°.
SUR PESTALOZZL îo3
thodes sont ectièrcmenl difTcrens, ainsi que l'a observé avec
beaucoup de justesse un écrivain doué (l'un raie coup d'œil
philosophique | et que je m'honore de compter au nombre de
mes collègues et de mes amis : « La méthode de Pestalozzi,
dit-il, en cherchant dans les forces morales et intellectuelles
de reniant le mobile de son activité et la source de ses vrais
progrès, suppose dans l'esprit une puissance indépendante des
circonstances extérieures et qui n'a pas besoin de leurs se-
cours. La méthode lancastérienne , au contraire, emploie pour
animer les élèves des motifs et des sentimens qui sont peut-
être moins L'ouvrage de la nature que celui des hommes (i). »
11 y aurait eu dans le système de Pestalozzi une lacune im-
portante, si son auteur n'avait pas eu en vue l'éducation des
mères, ces premiers dépositaires du cœur des enfans, et que
la nature appelle à présider aux premiers développcmens de
leur sensibilité et de leur intelligence. Si Rousseau a ramené
tant de mères aux sentimens de la maternité, Pestalozzi les a
instruites dans l'exercice de leurs fonctions les plus augustes;
plusieurs de ses écrits et particulièrement son admirable livre
intitulé: Comment Gcrtrude instruit ses enfans, nous montrent
ce qu'il a voulu faire; le tems et l'expérience apprendront à
nous ou à nos successeurs ce qu'il a fait effectivement.
A ce dernier égard, comme à tous les autres, nous sommes
trop rapprochés du moment où son génie actif a donné une
impulsion nouvelle aux idées pédagogiques, pour embrasser
d'un coup d'œil toute la sphère dans laquelle le mouvement
s'est propagé. Mais, ce que nous n'hésitons point à dire, c'est
que les travaux de Pestalozzi fixent dans l'histoire de l'éduca-
tion une ère nouvelle; c'est que cet homme extraordinaire n'a
encore posé en quelque sorte qu'un principe dont les généra-
tions futures déduiront les conséquences, et dont la génération
(i) Des principales opinions sur l'origine des idées ; dissertation par y^/î-
«/re'GiNDROz, ministre du Saint-Evangile, aujourd'hui professeur de
philosophie à l'académie de Lausanne. Lausanne, 1817. In-4° de
66 pages.
">> >, KOTÏCE BIOGRAPHIQUE
présente a déjà vu quelques développcmens , sans savoir tou-
jours à quel principe eile devait les rapporter. L'idée que
Pestalozzi a poursuivie durant une vie entière et a laquelle,
malgré tant de mécomptes et. de tristes expériences, il s'est
attaché avec foi , aux portes mêmes du tombeau, n'est pas de
celles qui meurent avec l'homme ; elle est un noble legs fait à
l'humanité.
En 1819, Pestalozzi a commencé à publier ses œuvres com-
plètes, dont le produit a été destiné par lui à la fondation d'une
école pour des enfans pauvres. Nous nous bornerons à indi-
diquer ici le contenu des volumes que nous avons sous les
yeux.
T. I — IV (1819, 1820). Léonard et Gertrude, 3me édit.
T. V (1820). Comment Gertrude instruit ses enfans , ou di-
rections adressées aux mères sur la manière d'instruire elles-
mêmes leurs enfans.
T. VI (1820). A r innocence , à la gravité 9 à la magnanimité
de ma patrie ; paroles adressées avec courage et humilité à ses
contemporains, avec foi et avec une ferme espérance à la pos-
térité, par un vieillard qui, fatigué des longues luttes de sa
vie, voudrait, avant de mourir, déposer une offrande de con-
ciliation sur l'autel de l'humanité, sur l'autel de tons les enfans
de Dieu.
T. VII (1821). Mes recherches sur la marche de la nature
dans l'éducation du genre humain. — Sur la législation et l'in-
fanticide.
T. VIII (1822). Continuaiion du précédent ouvrage : — Sur
le principe de l'éducation élémentaire ; discours prononcé à la
société suisse des amis de l'éducation en 1809.
T. IX (1822). Divers écrits sur l'éducation.
T. X (1823). Figures pour ma croix de pardicu , ou pour fa-
ciliter les premiers développemens de la réflexion; (ce sont des
apologues populaires et ingénieux ).
T. XI (1823). Vues et expériences concernant le principe de
l'éducation élémentaire , accompagnées d'opuscules et de frag-
ment sur la marche et l'histoire de mes travaux.
SUH PKSTAI.OZZ1. *5o5
T. XII (1824). Christophe et Elisabeth , second livre popu-
aire.
Dans cette collection , telle que nous la possédons, ne sont
ompris ni le Livre des mères, ni les quatre autres volumes élé-
mentaires pour l'application des principes de l'auteur. Le vo-
ume intitule : Mes Ûestinées , dont il a été question plus haut,
ne s'y trouve pas non plus. Après ce dernier ouvrage, Pesta-
lozzi a publié un nouveau volume dans lequel ses véritables
amis ont reconnu son génie et sa belle âme.
C. Monna&d.
t. xxxvi. — Novembre 1827. 20
II. ANALYSES D'OUVRAGES.
SCIENCES PHYSIQUES.
Dictionnaire d'agriculture pratique , contenant la
grande et la petite culture, V économie rurale et do-
mestique y la médecine vétérinaire , etc. ; par MM. Fran-
çois de Neufchateau, A. Poiteau, ancien directeur
des cultures aux habitations royales de la Guyane,
A. Aubert du Petit Tiiouars, de l'Académie des
sciences, Noisette, Lachevardière , Bulos, Cels,
Senac fils, Maurice, etc.; précédé à' une Introduction
sur la manière d'étudier et d'enseigner V agriculture ;
par M. le comte François de Neufchateau , de
l'Académie française, etc. (i).
A l'époque où nous fûmes chargés d'annoncer à nos lecteurs
ce nouvel ouvrage sur les scienees agricoles, nous aurions
été forcés de garder le silence sur une partie de ce qu'il ren-
ferme. La censure n'aurait pas manqué d'apercevoir un but
politique dans l'exposition de projets conçus en 1801; l'indis-
pensable visa n'eût point été apposé. Nous nous sommes donc
bornés à lire ce dictionnaire et son introduction, attendant,
pour en parler, que nous pussions jouir au moins de quelques
momens de sécurité.
L'analyse d'un dictionnaire ne peut être que l'indication du
(1) Paris, 1827 ; Aucher-Eloy, rue de la Harpe , n° 65. 2 vol. in-8c
de 706-779 pages, avec figures en faille douce; prix, 21 fr.
SCIENCES PHYSIQUES. krç
I > ■ 1 1 que les rédacteurs avaient en vue, des idées communes à
ions, ci qui établissent la coordination de leurs travaux. C'est
dans la préface el l'introduction que l'on petit reconnaître le
plan do l'ouvrage, et. se mettre en état <1<' mieui apprécier les
Bétails. Un traité méthodique n'a pas besoin de ces moyens
préparatoires dont nb autour croit devoir user envers son
lecteur; si l'ordre des idées est exactement suivi, si la mé-
thode est bonne, et si elle a dirigé constamment la rédaction
de tout l'ouvrage | le lecteur est assez disposé, et peut se
mettre à l'étude : ordinairement il va droit au fait, et ne lit
que ce qui renferme l'instruction qu'il veut acquérir; et l'au-
teur eut pu se dispenser d'écrire ce qui ne sera pas lu. Mais
lorsqu'il s'agit d'un livre qui n'est pas destiné à une lecture
suivie, quelques indications peuvent abréger les recherches
que l'on y fait, et rendre plus fructueuses les notions que l'on
en tire; il convient alors de commencer par mettre entre les
mains du lecteur le fil qui doit le diriger. Nous avons donc com-
mencé par la préface; l'introduetion est venue après , et quel-
ques articles du dictionnaire ont terminé notre examen; nous
allons en rendre compte dans le même ordre.
Dans la préface, les éditeurs de ce dictionnaire annoncent
que rien d'essentiel n'y est omis , qu'ils ont prétendu offrir aux
habitans des campagnes « un guide manuel, un véritable for-
mulaire à leur usage, en se proposant de le rendre, autant que
possible, complet, portatif et peu coûteux.» Plus loin, on lit
que ce dictionnaire « présente l'ensemble des acquisitions que
la science a faites, des perfectionnemens qu'elle a reçus, de ma-
nière a ce que chaque cultivateur puisse en tirer parti. Le jar-
dinage (horticulture), la chasse, la pêche, quelques autres
accessoires , tels que la connaissance de l'arpentage et celle des
principales lois qui régissent la propriété, des notions de
médecine données avec réserve, et pour les cas seulement où
Ton peut se passer du médecin ; enfin , tout ce qui se rattache ,
soit médialement, soit immédiatement aux labeurs champêtres,
aux agrémens de la maison rustique, à sa commodité, à sa
salubrité, à son économie, etc., a été réuni clans cet ouvrage.
20.
3oS SCIENCES PHYSIQUES.
On n'y trouvera aucune assertion qui ne repose sur des faits
constatés; aucune opération qui n'ait été rigoureusement ex-
périmentée, et qui ne soit décrite avec l'intention d'être clair,
eu allant directement au but sans digression. » Vient ensuite
une liste de plus de cent auteurs modernes dont les ouvrages
ont été consultés. Voilà le programme : s'il est rempli, l'ou-
vrage mérite la reconnaissance des agronomes; mais voyons
d'abord comment M. François de Neufcb'âteau conseille d'étu-
dier et d'enseigner l'agriculture. Le mémoire où ses vues sont
exposées nous reporte en arrière d'un quart de siècle, et rap-
pelle des circonstances qui ne peuvent revenir : il faut que ses
lecteurs s'attachent à séparer les vérités de tous les tems et les
préceptes applicables dans tous les lieux, à généraliser ce qui
n'a pu être discuté que pour un cas particulier.
L'agriculture est un art, et par conséquent, l'étude et l'en-
seignement de la théorie ne suffisent point; il est indispensable
d'y joindre les connaissances que la pratique seule peut donner.
L'auteur prouve aisément que les écrits des anciens agronomes
ne sont plus une source d'instruction pour les cultivateur? ,
quoique les sa vans y puisent encore une érudition très-
agréable, comme on le voit par ce mémoire. En traversant le
moyen âge pour arriver jusqu'aux écrivains modernes, on ne
trouve non plus rien qui puisse ajouter à nos connaissances
agricoles, jusqu'à ce qu'OLiviER de Serres ait mis entre les
mains de ses compatriotes son Théâtre d'agriculture } ou Ml**
nage des champs. Franchissant près de deux siècles, l'auteur
du Mémoire s'arrête au Cours complet d'agriculture par l'abbé
Rozier, le plus grand monument typographique que l'on ait
dédié au plus noble des arts. Mais l'abbé Rozier ne bornait
pas ses vues à l'instruction agronomique par le moyen des
livres; il en voulait une autre encore plus efficace, il la regar-
dait comme indispensable; il croyait que sa patrie allait en
jouir, et qu'il aurait eu le bonheur de contribuer aux progrès
rapides qui seraient infailliblement amenés par l'institution
qu'il méditait; mais les foudres de la révolution frappèrent
SCIENCES PHYSIQUES. 3og
]<-siv.mi et vertueux agronome i)« Sou projet lui survécut;
il l'avait développé dans un Mémoire adressé à L'Assemblée
Constituante. Cet écrit ne sorti! point des cartons <!u comité
d'agriculture, et l'Assemblée législative en hérita : M. Fran-
çois de NeufcMteau en était membre, l'abbé Rosier reprit
Courage et quelque espoir. Il s'adressa promptement à l'ami
des champs, devenu législateur: « Au nom de la chère agri-
culture, disait-il, lisez et jugez. Si vous croyez mes idées
saines, faites juger. Mon Mémoire est intitillé : Plan (l'une
croie nationale <V agriculture dans le parc de Chambord. Le
district et le département séant à lîlois furent consultés dans
le tems; leurs réponses toutes approbatives doivent etre
déposées dans les mêmes archives. Le comité d'agriculture me
marqua que l'Assemblée ne s'occuperait pas des établissemens
de détails, qu'ils regardaient les assemblées suivantes. Vous
vous trouvez donc au point désigné : si j'ai raison, c'est à vous
d'agir pour la commune patrie... Lorsqu'à mon âge, fort
au-dessus de tous les besoins, et dans la plus délicieuse habi-
tation, je sollicite mon déplacement, vous devez être bien
convaincu que je ne vois, que je ne désire, que je ne soupire
même qu'après l'avancement de l'agriculture dans toutes les
parties du royaume que mon plan embrasse. L'intérêt n'a
aucune part à ma demande; j'ai de tout tems été citoyen, je
le suis et le serai jusqu'au dernier instant de ma vie. »
Continuons à mettre sous les yeux de nos lecteurs quelques
extraits de l'intéressante narration de M. François de Neuf-
château. Les faits qu'elle nous révèle ne sont pas moins pré-
cieux pour l'histoire que des récits de batailles ou de négo-
ciations diplomatiques.
« Sur cette lettre , vous pouvez juger de l'ardeur que je mis
sur-le-champ à faire rechercher, dans les cartons et les papiers
du comité d'agriculture, les pièces dont l'abbé Rozier me don-
nait l'indication; mes recherches pressantes furent infruc-
tueuses; les pièces avaient disparu. Je m'en informai par écrit
(i) Il fut tué par une bombe , au siège de Lyon, en 1793.
3io SCIENCES PHYSIQUES.
près du chevalier Lamekville, cligne ami de l'agriculture qui
avait fait un bon rapport sur le Code rural, à l'Assemblée
constituante. Il était alors revenu dans le Berri , à ses moutons
cjont il était aussi un fort zélé panégyriste, (i) Il ne put me
donner aucun renseignement sur le plan de l'abbé Rozier,
dont il n'avait qu'une idée vague. Par un hasard fort singulier,
je n'ai su que long-tems après, que l'original de ce plan,
détourné par je ne sais qui, avait été pour lors envoyé en
Espagne, où on l'avait traduit, et d'où il nous est revenu,
mais retraduit de l'espagnol. Quand même je l'aurais recouvré
en 1791 ou 1792, la crise politique et les tempêtes qui gron-
daient alors avec tant de fureur ne m'eussent pas laissé un seul
moment propice pour remettre ce plan sous les yeux des lé-
gislateurs de ce tems si orageux, suivi bien peu après de tems
plus orageux encore. »
M. François de Neufchâteau rapporte plusieurs extraits
de ce projet qui fut généralement approuvé par les hommes
les plus recommandabies de l'époque où l'abbé Rozier le
communiqua pour la première fois. La France en aurait peut-
être obtenu l'exécution, si Tnrgot eût pu rester quelques
années de plus au ministère. En se chargeant d'imprimer le
mouvement à l'institution, et de la diriger aussi long-tems que
ses soins seraient jugés utiles, l'auteur déclarait qu'il ne rece-
vrait ni traitement, ni indemnité, afin de diminuer, disait-il,
les frais d'état-major, ordinairement si ruineux pour les éta-
blissemens qui peuvent le mieux se passer de cette sorte de
luxe. Le sage agronome réservait au clergé des campagnes
l'honorable emploi de répandre les bonnes méthodes de cul-
ture; et de jeunes prêtres instruits dans son école normale y
auraient acquis un moyen de plus d'exercer dignement leur
ministère de bienfaisance. Peu à peu, les routines, opiniâtres
parce qu'elles sont aveugles, auraient fait place à des pratiques
(2) Lorsque la révolution commença à rétrograder, le paisible M. de
Lamerville fut persécuté dans le Berry. Le sentiment des maux de sa
patrie abrégea beaucoup son utile carrière, N. du R.
SClKNCl.s PHYSIQUES. lit
MiéclainVs, ei |>;u conséquent dociles et perfectibles. A l'époque
tic la révolution , l'homme de bien crut voir le moment où ses
■peux allaient être exaucés; la morl seule pul interrompre
vives sollicitations en faveur de l'école d'agriculture. Ge plan
trouva dans RI. François de Neufchâteau un patron non moins
f^zélé, et encore plus en étal <lc lad.ipt*! aux circonstances, et
de profiter de tout ce qui pourrait lui être favorable. I.a lecture
d' Vrllitir ï onng lui (il sentir de plus en plus l'importance des
vues de l'abbé llozicr : voici ce que dit l'agronome anglais, au
\ sujet du parc de Chambord.
...« 11 y a de grandes parties de ce parc en (riche, ou eu
bruyères, ou du moins dans un état médiocre de culture. Je ne
DUS m empêcher de penser que, s'il venait un jour dans l'idée
du roi de France d'établir une ferme complète de navets, à la
mode d'Angleterre, cet endroit serait fort, propre à cet objet.
Qu'il donne le château au directeur et à tons ses a gens : les ca-
sernes, qui ne servent maintenant à rien, fourniront des étabîcs
aux troupeaux: , et le bénéfice du bois sera suffisant pour former
et maintenir l'établissement. Quelle différence entre l'utilité
d'un pareil établissement et l'inutilité d'une grande dépense faite
ici pour soutenir un misérable haras qui ne tend qu'au mal!
J'aurai beau néanmoins recommander de pareils établissemens
d'agriculture , ils n'ont jamais été entrepris dans aucun pays,
et.nc léseront jamais, jusqu'à ce que les hommes soient gou-
vernés par des principes tout-à-fait contraires à ceux qui pré-
valent aujourd'hui, jusqu'à ce qu'on croie qu'il faut pour
l'agriculture nationale autre chose que des Académies et des
mémoires. » C'était avant 1789 t\\\ Arthur Young gourmandait
ainsi la France et son gouvernement.
La lecture de ce passage et de plusieurs autres relatifs à la
Sologne décidèrent M. François de Neufchâteau à visiter avec
le plus grand soin Cliambord, son parc et ses environs. Le
résultat de cet examen fut d'agrandir les vues de l'abbé Ro-
zier, d'ajouter à son projet d'école plusieurs enseignemens
auxquels il n'avait pas pourvu; l'établissement conçu sur une
plus grande échelle devait être poljrgcorgique ; les moyens
3 ii SCIENCES PHYSIQUES,
d'exécution étaient médités et calculés, les mémoires adressés
au gouvernement : pendant ce tems, Bonaparte s'emparait de
la France. L'auteur du nouveau projet raconte son entrevue
avec le premier consul; toutes ses espérances s'évanouirent,
mais ses vœux n'en furent pas moins ardens, et ils le sont en-
core. C'est toujours vers Chambord que ses regards sont dirigés,
lorsqu'il pense au besoin que nous avons d'une grande école
d'agriculture, d'une institution véritablement polygeorgique.
Cette introduction est une lecture pleine d'attraits. L'auteur a
mis à la suite, sous le titre de pièces justificatives , des Mémoires
sur la culture du chanvre considérée comme moyen de pré-
parer la terre pour les céréales, sur les moyens d'augmenter
les produits de la vigne, et sur la fabrication des pâtes légu-
mineuses. Tous ces objets seraient compris dans l'enseigne-
ment, tel que M. François de Neufchâteau l'avait conçu dans
son projet d'école nationale d'agriculture.
Nous nous sommes arrêtés long-tems sur l'introduction,
moins cependant que nous ne l'aurions désiré. Venons main-
tenant au dictionnaire; et, comme il est évident que les rédac-
teurs ont été courts, voyons si l'ouvrage est complet et au
niveau des connaissances acquises.
A l'article Cèdre, le lecteur est renvoyé au mot Mélèze :
pourquoi? fallait-il confondre deux arbres, parce qu'ils sont
delà même famille; et le magnifique cèdre du Liban ne mé-
ritait-il pas au moins une simple mention? S'il est exclus
comme arbre exotique, on demandera par quel privilège le
tulipier n'est pas compris dans cette exclusion. L'indication
des arbres propres à notre sol, et qui seront une précieuse
acquisition pour nos arts, ne doit être omise dans aucun ou-
vrage d'agriculture. On regrette que les érables, dont les es-
pèces les plus intéressantes sont omises, n'aient pas obtenu
plus de place que les millepertuis, etc. Quelques omissions peu-
vent être tolérées dans un traité, plutôt que dans un diction-
naire. Les éditeurs de cette sorte d'ouvrages devraient avoir
sans cesse sous les yeux l'image fidèle d'un lecteur désappointé
qui ne trouve point l'article dont il a besoin : ce n'est jamais
SCIENCES PHYSIQUES. Si3
ej,j impunément (ju'ils s'exposent au courrooi de ce juge inexo
rnble.
"Sous le disons à regrel ; il manque à ce dictionnaire beau-
loup de mots que l'on v cherchera. Lvec plus de regrel encore,
nous ajouterons que beaucoup d'articles sont incomplets. On
sait, par exemple, dans le midi de la France, beaucoup plus
de choses sur le figuier que l'on n en trouve dans ce diction-
naire. On ne regardera | as comme une compensation à cette
Disette certains détails étrangers à l'agriculture, tels que la
salaison des harengs, de la morue, etc. On remédie aux omis-
sions par un supplément , aux superfluités par de courageuses
suppressions; mais, comment insérer dans les articles trop
courts ce qui serait nécessaire pour les compléter? Il semble
bien établi par l'expérience qu'en fait d'arts, la prolixité est
moins à craiudre dans les ouvrages qu'un laconisme qui con-
tiendrait peu de mots, et encore moins de choses.
Que faut-il donc penser de ce dictionnaire? qu'il lui manque
au moins i\eu\ volumes. Il renferme un très-grand nombre
d'articles excellais , et d'une étendue proportionnée à l'impor-
tance de leur objet; s'ils avaient servi de modèle à tous les
autres, le succès cîc l'ouvrage eût été certain. Tel qu'il est, on
peut encore en faire un bon usage; mais on sent que te travail
a manqué d'ensemble, que les diverses parties ne sont pas
coordonnées, et dans leurs véritables rapports , qu'il eût fallu
commencer par une table générale, non-seulement des articles,
mais des matières diverses que l'on y ferait entrer. Une se-
conde édition peut satisfaire à ces conditions imposées par les
lecteurs, et alors, l'ouvrage sera l'un des dons les plus pré-
cieux que l'on ait faits aux sciences agricoles. N.
3i4 SCIENCES PHYSIQUES.
Voyage métallurgique en Angleterre , ou Recueil
de mémoires sur le gisement , V exploitation et le .
traitement des minerais d'étain , de cuivre, de plomb,
de zinc et de fer , dans la Grande-Bretagne ; par
MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont, ingénieurs des !
mines (i).
Les voyages des deux savans auteurs de ces Mémoires furent
entrepris, en 1823, d'après les ordres du directeur général
des ponts-et- chaussées et des mines : leurs observations furent
insérées successivement dans les Annales des mines , depuis
1824 jusqu'en 1827. Mais, pour les mettre plus à la portée de
ceux qui ont besoin de les consulter, il convenait de les réunir;
au point où nous en sommes, et malgré les immenses progrès
que nos arts métallurgiques ont faits depuis le commencement
de ce siècle, nous pouvons nous instruire encore à l'école des
Anglais. Remarquons, au sujet des Annales des mines, qu'un
recueil qui a fourni les matériaux d'un ouvrage tel que celui-ci,
peut se passer de toute autre recommandation ; ii est suffi-
samment apprécié par des extraits aussi imporlans, et par la
confiance que lui accordent les savans étrangers, toujours
empressés de le consulter et de le citer.
La mission de MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont était prin-
cipalement géologique : mais on ne peut étudier la structure
des couches terrestres et l'ordre de leur superposition, sans
faire en même tems la minéralogie de la contrée que l'on ob-
serve ; et, si cette contrée est couverte d'exploitations où. toutes
les ressources des arts sont déployées, tout invite à se livrer
à l'étude de ces arts, de ces procédés, afin de les transporter
dans sa patrie. On pouvait être assuré d'avance que nos deux
ingénieurs des mines rapporteraient un portefeuille bien rem-
pli de notes et de mémoires sur les travaux métallurgiques des
Anglais , quand môme ils n'auraient pas été spécialement char-
(1) Paris. 1827 ; Bachelier. In-8° de 372 pages, avec un atlas de
17 planches; prix, 12 fr. 5o c.
SCIENCES PHYSIQUES. 5i5
;cs de recueillir, su: eeï objet, toute l'instruction qui sérail ;»
t'iir portée. Ils ont profité des communications bienveillantes
jui leur ont été faites par plusieurs propriétaires et chefs de
bines, et des précieux dOcumeUS, îles secours de toute sorte
'fqu'ils ont reçus tics savans les plus distingués de la Grande -
-Ulf Bretagne. Cependant en considérant l'immensité des objets
qu ils devaient embrasser, les modestes auteurs sont fort
éloignes de croire que leur travail puisse être complet; ils
soupçonnent même que la vérification la plus scrupuleuse des
faits et des documens contenus dans leurs mémoires n'a pas
fait disparaître quelques erreurs, et ils réclament pour leur
ouvrage une indulgence qu'il obtiendrait certainement, et à
bon droit , s'il en avait réellement besoin.
L'ordre des mémoires est tracé dans le titre du livre. Les
ailleurs commencent par les mines d'étain et de cuivre du
Cornouailles. Les îles britanniques, disent-ils , versent dans le
commerce plus de ces l\cux métaux qu'aucune autre nation de
l'Europe, et la presqu'île du Cornouailles et une partie du
Dcvonshire fournissent seules tout l'étain, elles sept huitièmes
de cette énorme quantité de cuivre. Le produit annuel des
mines d'étain varie beaucoup : en 1817, il s'éleva jusqu'à
4,182,082 kilog. ; et en 1820, il ne fut que de 2,8i5,i57 kilog.
En prenant l'ensemble des exploitations de cuivre dans toute
la Grande-Bretagne, on voit que leur produit augmente depuis
plusieurs années : en 1822 il fut de 1 1,207, 63o kilog.
La constitution minérale des contrées métallifères, les gîtes
des minerais, les procédés d'exploitation, les préparations
pour lafonte, et enfin cette dernière opération, sont décrits
successivement, pour l'étain et pour le cuivre. La première
partie est celic qui offre le plus d'attraits à la simple curiosité,
à cause des faits d'histoire naturelle et de géologie qu'elle
contient en assez crand nombre. L'analoj'ic des roches stanni-
feres du Cornouailles, de la Saxe et des côtes de Bretagne,
depuis l'embouchure de la Loire jusqu'au delà de Pyriac
(Morbihan) , est un fait très-remarquable, et qui mériterait
bien d'être complété ou éclairci par l'élude minéralogique des
3i6 SCIENCES PHYSIQUES.
contrées de l'Inde où les mines d etain sont si abondantes. Le:
observations faites en Europe confirment, disent nos auteur$j||
1 opinion de M. de Humboldt énoncée, dans son Essai geog-
nostiquc sur le gisement des roches, que le granit stannifère es,
un des plus modernes.
Les détails sur l'extraction du minerai font découvrir auss
quelques faits d'aulant plus intéressans qu'ils sont moins atten-
dus. On n'aurait pas soupçonné, par exemple, l'existence de,
sources d'eau douce, sous la mer, à plus de 200 mètres au-,
dessous de 3a surface : on cherche à deviner comment la terril
s'oppose assez efficacement à la filtration des eaux pour qu'on,
la trouve d'autant plus sèche que l'on pénètre plus avant dam
son intérieur, etc. Quelques galeries sous-marines ont été
creusées si près du fond , que les eaux de la mer y ont fait
irruption , mais cet accident a été réparé, le passage des eaux
bouché avec soin , et l'exploitation continuée. Les richesses
métalliques concédées au Corn ouailles sont une ample com-
pensation de la stérilité du sol : d'autres contrées, encore moins]
propres à la culture, n'ont obtenu aucun dédommagement.-
Mais le charbon terre a été refusé à ces roches si abondantes
en métaux, en sorte que le traitement du minerai est fait en
très grande partie hors du pays, dans les lieux bien pourvus
de combustible. Comme les lois ont prohibé l'exportation du
minerai d'étain , on est réduit à importer le charbon nécessaire
pour en opérer la fusion , et c'est le pays de Galles qui le
fournit. Les navires qui l'ont apporté retournent chargés de
minerai de cuivre, pour alimenter les fonderies placées à portée
des houillères. C'est ainsi que, dans les Pyrénées françaises,
la mine de fer du Canigou est transportée dans le département
des Hautes-Pyrénées où les bois sont encore assez abondans ,
et que ce département envoie du charbon aux forges des Py-
rénées-Orientales. Mais, au pied de ces montagnes, l'échange
du combustible et du métal est fait par la voie de terre : nous
sommes encore loin du tems où la navigation intérieure éta-
blira des communications moins dispendieuses entre les deux
extrémités de la chaîne.
,
1
SCIENCES PHYSIQUES. 3i7
pLes fonderies où le minerai d'étaia du Cornouailles est ra-
ené à i état métallique, appartiennent en général à des par-
■uliers qui Dépossèdent pointde mines, et <jui achètent le
Induit des exploitations voisines, après un essai que IMM. Du-
inoy el l.lie de Beaumont regardent comme très-inexact. Ils
Si onviennent cependant qu'il donne le même résultat que to fonte
111 n grand : niais, dans les londeries dont il s'agit, un essai
)eut-il avoir un antre but? et puisqu'il l'atteint en peu de teins
•t à peu de frais, il semble que rien ne manque à sa perfection.
1 Jne analyse chimique plus exacte n'apprendrait pas aussi bien
;e qu'il s'agit de savoir, et ne serait pas, dans la pratique,
jn guide aussi digne de confiance. Les Anglais persisteront Vrai-*
jcmblablemcnt dans leur méthode d'essai, et ils feront bien.
Les Allemands ont été, dans l'art des mines, les instituteurs
de presque tous les peuples de l'Europe continentale : on ne
peut reconnaître si les Anglais ont participé à cette instruction,
ou si les procédés de leurs mineurs sont tous indigènes. En
comparant l'affinage de l'étain pratiqué en Cornouailles avec celui
des Saxons , on voit que le premier consomme moins , et produit
plus de mêlai: on s'étonne que les Allemands ne connaissent pas
encore le procédé des Anglais, ou qu'ils ne l'aient pas adopté.
Le Cornouailles et le Devonshire ne sont pas aussi riches en
cuivre qu'en étain , et ne possèdent pas seuls des mines de ce
métal ; le Lancashirc, le Cumherland , le Stafforshire et le Der-
bvshire, l'Ecosse et l'Irlande, en fournissent aussi une quantité
presque suffisante pour la consommation intérieure, et dont
une partie est exportée. Mais c'est dans le pays de Galles que
li plus grande partie de ce métal est fabriquée. Dans l'espace
d'un siècle, le port deSwansea, qui n'était qu'un petit village,
est devenu une ville déplus de dix mille habitans, malgré les
pernicieuses exhalaisonsqueles fourneaux répandent dans l'air,
et qu'on n'est pas encore parvenu à neutraliser assez complète-
ment. On pense bien que nos auteurs décrivent avec soin les
diverses tentatives que l'on a faites pour obtenir ce résultat
sollicité à la fois par l'intérêt des exploitations et par l'humanité.
Dans une note communiquée par M. Thjbàud, ingénieur des
mines , le traitement du cuivre pyriteux dans le pays de Galles.
3i8 SCIENCES PHYSIQUES.
est comparé a celui que des mines de même nature reçoivent à
Sainbel , dans le département du Rhône. On voit, par cette»
comparaison, que l'habileté et le savoir de nos mineurs nei»
redouteraient point la concurrence anglaise, si notre sol était H
aussi riche en métaux que celui de l'Angleterre.
Les mines de plomb du Cumberland et du Derbyshire sont le
sujet du second Mémoire, dont la première partie, qui contient'
la description des roches métallifères et des gîtes du minerai,
a été rédigée par M. Brochant de Villiers, inspecteur divi-
sionnaire des mines, et membre de l'Académie des sciences. La
masse de plomb que les mines d'Angleterre fournissent annuel-
lement est évaluée «à 81,900,000 kilog. ; on pense qu'elle n'est
pas toute employée par la consommation intérieure. Nos in-
génieurs n'ont pu recueillir sur le travail de ces mines des
documens aussi précis que ceux qu'ils avaient obtenus dans le
Cornouailles et le pays de Galles , et ne comparent point les
procédés anglais à ceux de l'Allemagne et de la France.
Nos voyageurs n'ont fait qu'un Mémoire très-court sur les
minerais de zinc de l'Angleterre, sur les procédés de leur
exploitation et de leur traitement; l'analogie des gisemens de
ces minerais, en France, en Belgique, en Silésie et dans la
Grande-Bretagne, et celle des travaux qu'ils exigent pour en
extraire le métal, n'exigeaient pas plus de développemens. Il
n'en est pas ainsi de la fabrication de la fonte et du fer en An-
gleterre; cet art, que les Anglais ont approprié à l'ensemble de
leurs ressources locales et à l'état de leurs machines, est une
précieuse acquisition pour la France , où il ne tardera point à
se naturaliser. Nos ingénieurs lui ont consacré un Mémoire
très-étendu, aussi complet qu'il a été possible de le faire, ac-
compagné des calculs qui peuvent éclairer et diriger les fabri-
cans et les spéculateurs. Ils commencent par un Aperçu sur les
dijférens bassins houillers de V Angleterre, immense provision
de combustibles que des siècles d'exploitation la plus active
n'épuiseront pas. On a calculé que la couche ht plus produc-
tive des mines de Newcastle peut fournir, pendant i5oo ans,
autant que l'on tire aujourd'hui, tant pour la consommation
intérieure que pour l'exportation.
s< n vers PHYSIQUES. 3ig
De toutes les provinces de la Grande-Bretagne] la princi-
eij >auté* de Galles est la mieux partagée pour la fabrication du
Vr. Toul v concourl à rendre les travaux plus faciles et plus
profitables : la houille abonde, ainsi que la mine qui est plus
riche que celle des autres provinces; l'exploitation est faite
par des galeries horizontales; les usines communiquent avec
la mer par des canaux.
Comme la fabrication du fer par les procédés anglais est.
actuellement pratiquée en France, il serait inutile de la dé-
crire en peu de mots pour ceux de nos lecteurs qui ne l'ont
pas vue : c'est dans l'intéressante usine de MM. Manby e»:
m m son à Charcnton, et dans les forges des départernens de
rjsère et de la Loire où cette nouvelle méthode est suivie, que
l'on peut en prendre une idée juste. Les détails dans lesquels
nos ingénieurs sont entrés, seront très-utiles aux fabricans dont
ils dirigeront les spéculations et les travaux; mais ils ne sont
point susceptibles d'analyse.
Ce volume est terminé par une Description du procédé de
carbonisation de la houille > employé près de Saint- Etienne , à
rétablissement du Janon. Cette Notice, que l'on doit à M. De-
laplanche, élève ingénieur des mines, nous apprend que le
cohe ( charbon de houille ) obtenu dans cet établissement ,
n'est que la moitié, en poids, de la houille carbonisée, au lieu
que les Anglais ne perdent que trois dixièmes dans la même
opération. Cependant, les procédés sont à peu près les mêmes ;
c'est donc à l'inexpérience, ou au peu de soin des ouvriers
français, que l'on doit attribuer l'infériorité du produit de
leur travail. Beaucoup d'autres faits analogues font voir que
l'industrie la moins raffinée en apparence a besoin d'être gui-
dée par un discernement que l'expérieuce peut seule faire
acquérir : cette vérité est pleinement confirmée dans l'ou-
vrage que nous venons de parcourir, et fera d'autant mieux
apprécier l'utilité des détails instructifs que les auteurs y ont
réunis. Ferry.
SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.
OEuvres de Servan; Nouvelle édition , augmentée de
plusieurs pièces inédites , avec des observations et une
Notice historique, par X. De Portets , lecteur royal,
professeur au Collège de France et à la Faculté de
droit de Paris (i).
M. de Portets ne s'est point trompé, lorsqu'il a cru pouvoir
réunir avec succès, dans un recueil plus complet, les OEuvres
judiciaires de Servan, en y ajoutant un choix de ses autres
écrits déjà imprimés et deux volumes d' OEuvres inédites, extraites
des manuscrits mêmes de l'auteur. Nous ne reviendrons pas
sur les OEuvres judiciaires de Servan , dont nous avons eu déjà
l'occasion de présenter une analyse dans ce recueil (voy. Rev.
Enc, t. m, p. 63, juillet 1819). Malgré les critiques acerbes
de quelques rhéteurs chagrins, la célébrité oratoire de Servan
subsistera.
Nous allons porter notre examen sur les écrits déjà connus
mais étrangers au barreau , qui font partie de cette nouvelle
édition, et plus spécialement sur les OEuvres inédites qui y
sont comprises.
Parmi les premiers écrits, nous pourrions discuter la Lettre
aux commettons du comte de Mirabeau, qui, embrassant à la
fois la morale et la politique rationnelle, entre dans l'étendue
de notre plan, et ce ne serait pas en dévier, sans doute, que
de chercher à fixer l'opinion sur les principes politiques d'un
homme public dont le nom, comme le talent, ont été euro-
péens. Cependant, la mémoire de Mirabeau ayant été parfai-
(1) Paris, 1823 ; les éditeurs , rue du Pot-de Fer , n° 8 , faubourg
Saint-Germain. 5 vol. in-8°; prix, 3o fr.
SCIENCES MORALES. hi
tement appréciée dans l'excellente Notice de M. Baethb , dont
bous avons rendu compter ( voy. Rev, Eue., t. VI, p. iHS, avril
i8'2o), nous nous abstiendrons de réouvrir ici une polémique
qui nous entraînerait trop loin.
Après la Lettre aux comtuettans de Mirabeau , est reproduit
un écrit intitulé: Événemens remarquables et intéressons , à
l'occasion des décrets de V Assemblée nationale , concernant l'éli-
gibilité de MM. les comédiens f le bourreau et les juifs . Cette
brochure, publiée en 1790 et annoncée comme un extrait de
la séance du a/, décembre 1789, n'est autre chose qu'une pa-
rodie burlesque de la discussion et du décret concernant l'éli-
gibilité des comédiens et des juifs aux assemblées politiques;
et l'intercalation du bourreau entre les uns et les autres, est
une addition faite d'office par l'auteur du pamphlet, qui l'aura
crue plaisante. Feu M. le général Grimoard énonce , dans un
catalogue qu'il nous a remis des ouvrages imprimés de Servan ,
qu'il n'a pas l'entière certitude que cet écrit soit de l'ancien
avocat-général de Grenoble, mais il est du moins calqué sur
ses idées; l'on y a imité sa manière, et l'on reconnaîtrait assez
qu'il en est l'auteur, à l'animosité avec laquelle il y revient à
la charge contre Mirabeau. Il est triste de voir Servan, pour
rappeler ce que les premières saturnales de la révolution
avaient de ridicule, descendre, vers la fin de cette composi-
tion, à une bassesse de style que nous n'osons reproduire.
Un pamphlet de meilleur ton eût pu remplacer avec avan-
tage cette parodie par fois trop ignoble. Nous voulons parler
de V A vis au publie et principalement au tiers-état, de la part du
commandant du château des îles de Sainte- Marguerite , et du
médecin et du chirurgien du même lieu. Cette vive et piquante
plaisanterie sur un magistrat enlevé arbitrairement sur les
fleurs de lys mômes, et envoyé en détention aux îles Sainte-
Marguerite, est une satire personnelle, il est vrai; mais alors,
le héros or. plutôt la victime des sarcasmes de Servan . n'avait
pas encore été rendue sacrée par le malheur, et l'auteur était,
à son égard, dans l'opinion du décret qui deux ans après
fut rendu par l'Assemblée constituante, pour passer à l'ordre
t. xxxv 1. — Novembre 1827. 21
\iï SCIENCES MORALES.
du jour, sur la proposition de M. Duval-D'Epréménil , du
retour à l'ancien ordre de choses (i).
Les Œuvres inédites de Servan comprennent deux volumes.
L'un se compose de X Influence de la philosophie sur l'instruction
criminelle , et de Commentaires historiques et critiques sur les
deux premiers livres des Essais de Montaigne. Servan composa
le premier traité vers la fin du règne de Louis XV : les prin-
cipes en sont généralement bons , mais on regrette que l'édi-
teur n'ait pas rectifié par des notes quelques erreurs. En com-
mentant Montaigne, Servan entre en matière, ex abrupto,
sans nous prévenir dans quel esprit il va examiner l'auteur
des Essais. Il l'apprécie ordinairement avec assez de justesse;
mais quelquefois aussi il le querelle mal-à-propos, ou trop
minutieusement. Ces commentaires sont aussi privés de toute
note de l'éditeur. Le second volume est rempli presque entiè-
rement par une sorte de traité des révolutions dans les grandes
sociétés civiles , considérées dans leurs rapports avec l'ordre gé-
néral. La seconde partie de ces considérations traite particu-
lièrement de la révolution française, et nous allons nous y
arrêter. Après avoir examiné la diversité des opinions sur les
causes de cette révolution, Servan donne raison à toutes; mais
aucune, dit-il, ne l'a formée toute seule. Hasardant, à son tour,
sa conjecture, il trouve la cause générale, la cause génératrice
de la révolution dans la vanité française. N'en déplaise à la
mémoire de Servan, il s'est trompé, sans doute, et a trop avili
la cause de nos révolutions, qui, comme il en convient bientôt
après, fut, non point la vanité, mais l'amour plus noble de la
liberté et de l'égalité. Il recherche ensuite les causes qui firent
subsister la république romaine et la monarchie anglaise ,
malgré leurs dissentions intestines, et celles qui ont précipité
tout «à coup la monarchie française. L'idée principale de Ser-
van, qui n'est pas dépourvue de justesse, c'est que, si notre
révolution fut grande, nos chefs de parti furent petits, et que,
s'il s'est fait que cette révolution, conduite par des enfans, au-
(i) Voyez le décret du 29 septembre 1790.
SCIENCES MORALES. 3»3
pics des révolutions anciennes, ait produit une explosion plus
vaste et plus terrible que toutes les aunes, c'est que les révo-
lutions anciennes allaient surtout par la force de quelques
hommes, et. que La nôtre n'a reçu de mouvement et d'impul-
sion que de la force des choses. Arrivant aux chefs de parti et
à ceux que Servan appelle les douze tyrans , qui composaient le
comité révolutionnaire , il trouve nos factieux contemporains
bien ginguets (i), auprès des Gracques, de Marins, de Sylla ,
de César, de Châtillon, de Guise, de Cromwell , etc. etc. Il
rappelle que Robespierre, qui a dévoré tous ses collègues et
jusqu'à Danton, était l'objet de la dérision de Mirabeau. Il faut
remarquer que ces réflexions furent écrites pendant la tyrannie
de Robespierre, et que Bonaparte , qui ne fut pas assurément
le plus vulgaire de nos factieux , n'avait pas encore apparu.
Après avoir fait observer que toutes les révolutions, avant la
notre, ont été conduites par un homme maître absolu d'une ar-
mée dont il soutenait son parti , Servan distingue Dumouriez de
nos autres chefs de révolution- Il y avait en effet, dans ce
capitaine, une grande étoffe pour en faire un chef puissant de
parti; et de tous les Mémoires politiques ou militaires publiés
jusqu'à ce jour, aucun n'attache plus que les siens.
Il est facile d'ailleurs à Servan, en parlant des duoeemvirs
du comité de salut public , de sillonner d'ignominie la figure de
Coîlot-d'Herbois , de Billaud, etc. ; mais ces chefs de parti , ou
plutôt ces factieux n'ont pas été les plus grands hommes de nos
troubles civils; et, posant autrement la question , nous deman-
dons, si Mirabeau, La Fayette, Dumouriez, Malesherbes
et Bonaparte lui-môme, qui avec de tels hommes ne fut peut-
être pas devenu le premier consul, et n'eût pas eu à absorber
des collègues si débonnaires, nous demandons si cette pentar-
chie n'eût pas su diriger les affaires publiques , maintenir l'in-
tégrité de la France, et la faire honorer, même de ses ennemis?
Ce ne sont donc pas les hommes qui ont manqué à la France;
mais, c'est que la révolution, comme le reconnaît Servan,
(i) Textuel.
21.
324 SCIENCES MORALES.
était préparée de manière que la force des choses l'emportât
sur la force humaine.
Le volume des OE livres inédites de Servan est terminé par
Y extrait d'un Porte-feuille , composé de pensées diverses qui
ont aussi un mérite inégal , et dont la plupart , il faut l'avouer,
sont trop faibles.
Nous connaissons d'autres OEuvres inédites de Servan, qui
eussent pu remplacer plus heureusement le Porte-feuille. Nous
indiquerons principalement un ouvrage sur les querelles hu-
maines, dont le plan est très-étendu , et des observations cri-
tiques sur le livre d'Helvétius , intitulé : de l'Homme. Servan a
écrit sur un grand nombre de matières de morale et de légis-
lation , mais en tournant presque toujours dans les mêmes
idées. Il ne savait pas avancer assez dans son sujet , ni en
sortir, et il n'a presque jamais tiré le trait qui termine une
étude.
On regrette de ne pas voir, au nombre des pièces réimpri-
mées, Y Oraison funèbre de Charles Emmanuel , Roi de Sardaigne
et Duc de Savoie , composée par Servan dans un style évangé-
lico- philosophique, et qu'il suppose avoir été prononcée, le 17
mars 1778 , par un vicaire de paroisse, à Chambéri.
Les doutes d'un provincial sur le magnétisme animal , défense
pleine d'adresse et plaisanterie piquante dont Grimm a fait un
éloge complet, et qu'il indique comme un modèle de la discus-
sion la plus ingénieuse , méritaient aussi d'être reproduits dans
un choix des OEuvres de Servan; quoique l'éditeur soit allé
au-devant du reproche sur cette omission.
On lit avec un intérêt qui ne peut s'épuiser à l'égard de
leurs auteurs , quelques lettres inédites de Voltaire , d'Helvé-
tius, d'Holbach, de Buffon et de Rousseau; mais , si l'éditeur
a eu à sa disposition , comme nous le présumons , le Porte-
feuille de Servau, il s'est montré avare ou trop discret. Les
correspondais de Servan, parmi les hommes les plus dis-
tingués , ont été nombreux , et nous pourrions les nommer.
Un grand nombre de ses lettres ont été aussi conservées, et
nous les connaissons. Pourquoi donc n'avoir pas mis le public
SCIENCES MORALES. 3*5
dans la confidence de ces relations familières qui nous eussent
fait mieux connaître l'homme public dans l'homme privé?
La Notice historique sur la vie ei les ouvrages. de Servait t qui
précède cette édition} et que Ton doit à !M. X. de Portais,
avocat et professeur distingué, est écrite du style le plus spi-
rituel et brille d'aperçus ingénieux. Mais, quoiqu'il prévienne
ses lecteurs à cet égard, cet habile écrivain n'a-t- il pas fait
lhomme, tandis qu'à l'exemple de Montaigne, il ne voulait
que le réciter? Il nous avait promis d'égaler Plutarque dans sa
franchise; mais nous a-t-il mis, comme Plutarque, en rapport
et , pour ainsi dire , en conversation avec le célèbre avocat gé-
néral de Grenoble? N'a-t-il pas présenté Serran tel qu'il l'au-
rait voulu, plutôt que tel qu'il fut? M. de Porfets, pour se
justifier des lenteurs de la publication de son recueil, rap-
pelle , dans son avertissement , que les sybarites priaient les
femmes à souper, un an d'avance, afin qu'elles pussent à loisir
préparer leur parure. N'aurait-il pas lui-même employé des
préparatifs encore plus longs, pour parer un magistral, le
revêtir d'un habit brodé et lui mettre du rouge et des dentelles?
Nous craignons que, négligeant la ressemblance, mérite trop
vulgaire des peintres médiocres, il n'ait préféré un beau travail
à un portrait fidèle. Nous soumettons nos doutes à M. de Portets
lui-même, qui s'était engagé à ne cacher dans l'ombre aucune
des particularités importantes de la vie de Servan. Cependant,
s'il n'a voulu le peindre seulement de profil , pourquoi n'a-t-il
rien pris, pour son édition, dans un recueil de pièces intéres-
santes pour servir à l'histoire de la révolution de 1789, en France ?
C'est dans les pièces de ce recueil que Servan est tout entier;
et , après les avoir lues, on peut juger que , s'il se mit d'abord
fort en avant dans la révolution , il a peut - être depuis trop
rétrogadé. L'éditeur de ses œuvres n'avait-il rien non plus à
choisir dans la Correspondance entre quelques hommes honnêtes ,
ou Lettres philosophiques , politiques et critiques sur les évenemens
et les ouvrages du tems , publiées à Lausanne en 1794» et dont
toutes les lettres, sous le litre du Correspondant de Suisse,
sont de Servan? Mais tel fut l'effroi de l'éditeur, concernant
vjtG SCIENCES MORALES,
les écrits politiques de Servan , qu'il n'a pas même voulu re-
produite cette belle Adresse aux amis de la paix , dans laquelle
l'auteur montrait les plus honorables senliinens, lors même
que les moyens qu'il proposait pour sauver la France eussent
été erronés. *
M. de Portets , soit qu'il ait cédé trop facilement aux inspira-
tions d'un esprit abondant, soit qu'il ait employé à dessein cet
artifice de composition , a trop souvent fait perdre de vue son
héros, par des ornemens accessoires que nous appellerons de
luxe. Toutes les réflexions qu'il tire de son sujet sont justes et
brillantes; mais on pourrait lui dire quelquefois qu'il tient de
bons propos, hors de propos. Son style, élégant et poli, pa-
raît toujours retenu > et il manque de celte allure libre qui fait
ressortir plus fortement et peut-être plus fidèlement la pensée.
Qu'il nous soit permis d'exprimer le vœu qu'une édition des
Œuvres complètes de Servan soit enfin offerte au public. Les
éditions de Limoges et de Liège peuvent suffire au barreau;
M. de Portets vient d'en faire une pour les gens du monde, et
celle que nous provoquons sera destinée aux philosophes et
aux politiques.
Il nous reste à relever une erreur très-légère. M. de Portets
fait précéder mal à propos le nom Servan d'une particule. Le
seul des ouvrages imprimés que nous connaissions , où le nom
Servan reçoit le de , ce sont les Réflexions sur la réformation des
états provinciaux , publiés en 1789; et , ce qui prouve que c'est
une erreur de l'imprimeur, c'est que Servan n'eût pas choisi
cette époque pour commencer à prendre une particule féodale.
L'exécution typographique de l'édition de M. de Portets,
qui a été confiée aux presses de M. P. Didot l'aîné, mérite des
éloges. Grâces au goût et au zèle de ses éditeurs, Servan a reçu
l'hospitalité dans des livres mieux bastis , selon l'expression de
Pasquier.
Parent-Réal.
SCIENCES MORALES. 3/7
TàBLBÀI ciliioMHoGlQUK DBS BVBNBMEIfS RAPPORTES PAR
Tac i ri;, et antérieurs à V avènement de V empereur
'libère, par M. le marquis de FoRTIÀ , membre (!<:
plusieurs académies en France, en Italie et en Alle-
magne (i).
Je ne connais, dans l'ordre moral , rien de beau comme le
dévoùment : celte vertu, née de l'enthousiasme, élève l'iiomme
au-dessus de lui-même, en l'élevant au dessus des calculs de
l'intérêt : elle le conduit à l'héroïsme ; et , si quelquefois elle
peut l'égarer, ce n'est que dans l'ordre politique. Il n'en est
pas de même du dévoùment de l'érudit pour la science : les
écarts de son zèle , les illusions de son savoir ne sont presque
jamais nuisibles, et souvent sont utiles aux progrès delà partie
scientifique qu'il a embrassée. La chimie a dû quelques-unes
de ses plus précieuses découvertes à de folles recherches sur la
pierre philosophale ; les rêveries impudentes de l'astrologie
judiciaire ont empêché la science astronomique d'être en-
tièrement abandonnée dans les siècles d'ignorance ; quelques
éclats de lumière, source des grandes vérités de la métaphysique ,
ont jailli des sottes disputes de la scholastique enfin , des im-
menses recherches d'une foule de chronologistes pour établir
des systèmes erronés, ont surgi le petit nombre de données
certaines que nous possédons sur les premiers âges du monde.
Ainsi, dans le paisible domaine de la science, l'erreur, quand
elle est jointe à la bonne foi, peut indirectement conduire à
d'importantes vérités.
Ces réflexions sur le dévoùment à la science nous sont venues
tout naturellement à l'occasion du Tableau chronologique des
évênemcns rapportés par Tacite , que vient de publier M. de
(i) Paris, 1827. 1 vol. in-8° fesant partie de la nouvelle édition de
Tacite , traduit par Dureau de la Malle , publié par Michaud, libraire
place des Victoires, n° 5. L'ouvrage entier forme 6 vol. ornés de eûtes
et de vignettes ; prix , 36 fr.
3i8 SCIENCES MORALES.
Fortia. Héritier du zèle des Debrosses, des d' Argenson , des
Paalmjr, des Hénault pour l'érudition historique , il a consacré
aux progrès de cette science , pendant une longue vie , toutes
les ressources d'une haute intelligence, et tous les moyens
que donnent une grande fortune et une considération méritée
par le pius noble caractère. Également versé dans les sciences
exactes et dans l'étude de l'antiquité , chez lui l'astronome a
pu venir seconder les recherches de l'historien et du philologue.
Animé de cet esprit de conscience sans lequel les travaux
de l'érudition demeurent incomplets, il ne se borne point,
dans son Tableau chronologique , à exposer à son lecteur ce
qu'il sait, à lui présenter ses recherches toutes faites. Il se
donne la peine de refaire en quelque sorte pour lui , et devant
lui , son travail , afin de le mettre à même d'en contrôler le
résultat. Accoutumé , chose assez rare , à donner dans ses
livres plus que ne promet leur titre , c'est après avoir tracé
pour son lecteur un véritable traité de chronologie , que
M. de Fortia arrive à l'examen des difficultés , et de l'année
romaine, et des fastes consulaires, qu'il marque leur con-
cordance avec les olympiades , avec l'ère chrétienne, et qu'il
examine les différens systèmes de la chronologie de Rome.
Jamais travail à la fois aussi complet et aussi court n'avait été
fait sur la chronologie : l'auteur nous offre dans un petit
nombre de pages, la substance d'énormes in-folios ; et , ce qui
ne vaut pas moins , à coté des trésors de l'érudition ancienne ,
il nous donne ses propres découvertes. Voilà sans doute ,
me dira-l-on, beaucoup de savoir; mais, que peut-il être,
sans la méthode, sans cet. esprit d'analyse , qui est à la science
ce que le principe vivifiant de la nature est à la matière ?
L'ouvrage de M. de Fortia répond d'avance à cette objection par
la clarté de ses divisions, et parla logique lumineuse des dé-
ductions et des raisonnemens.
L'auteur du Tableau chronologique est propriétaire et con-
tinuateur de la savante chronologie des bénédictins de Saint-
Maur, ces honorables religieux qui, sans chercher à gouverner
les rois, ne craignaient pas d'éclairer les peuples. Dans ce
SCIENCES MORALES. 3sg
tableau , M. de Fortin a refait en entier le travail de M. Ai ni ni
sur la Chronologie romaine, qui a paru en ittio,, dans les ivc
et v volumes de Y Art de vérifier hs dates (partie ancienne).
M. Albert, ami et disciple de Turgot , avait comme lui l'esprit
un peu systématique. Il a eu la prétention de savoir, pour
ainsi dire, au jour, à la minute, l'époque des intercalations
des pontifes aux années romaines , et de l'entrée en charge des
divers magistrats. M. de Fortia n'a pas la prétention de nous
en apprendre autant que son devancier: c'est une preuve qu'il
en sait davantage, et surtout qu'il sait mieux : car, rien n'est
plus diamétralement contraire aux progrès de la science his-
torique que /'esprit de certitude qu'y apportent d'avance ceux
qui l'étudient (i).
Peu de personnes savent peut-être que , pendant le court
ministère de M. Turgot , ce M. Albert , modeste et laborieux
éruùit, fut lieutenant civil, poste dont les fonctions répon-
dent à, celles de préfet de police; mais ce vertueux magistrat
eût été plus propre à être édile dans Rome , pauvre , et répu-
blicaine , que surveillant des filles et des escrocs dans la capi-
tale d'une vieille monarchie minée parla corruption. Aussi ,
avec toute sa science, M. Albert fut un assez pauvre magistrat.
Heureusement qu'il ne resta pas long-tems en place. Plus po-
sitif que Turgot, Coibert n'eût fait de lui qu'un académicieu.
Quoi qu'il en soit, le travail de M. Albert était encore ce
que nous avions de plus savant sur la chronologie romaine : le
commun des érudits adoptaient ses calculs, comme tout faits;
et ils avaient même pour eux le suffrage de quelques savans.
M. de Fortia a prétendu mieux faire : il n'a pas craint de dé-
sapprouver les approbateurs de son devancier. S'il l'a pu sur-
(i) C'est ce qu'a écrit dans plus d'un endroit de ses ouvrages l'il-
lustre et savant M. de Volney. Personne, au reste, n'a mieux prouvé
par l'exemple la vérité du principe qu'il avait posé, et c'est parce
qu'il avait commencé à douter de tout en fait d'histoire que l'auteur
des Ruines est arrivé à quelques résultats importans pour la chrono-
logie. N. du R.
33o SCIENCES MORALES,
passer, il aura le double mérite de la science et du courage :
car il en faut pour rompre en visière à certains, érudils qui ne
se montrent guère traitables sur le chapitre de la contra-
diction.
Si j'apprenais l'hébreu , les sciences, l'histoire ;
Tout cela , c'est la mer à boire,
a dit notre La Fontaine, dont le scepticisme épicurien était
cent fois plus près de la vérité que la présomption crédule des
docteurs de son tems. Rien n'est plus difficile , selon moi, que
d'arriver à une vérité historique entièrement satisfaisante, sur-
tout pour l'histoire ancienne; mais, si l'on ose aborder les ques-
tions de chronologie , la chose devient plus difficile encore.
En effet, quels sont les monumens les plus anciens de l'his-
toire ? La Genèse , les zodiaques égyptiens , des fragmens
informes de Sanchoniaton. La Genèse : elle ne prouve rien aux
yeux de la critique, puisqu'elle n'est pas de son ressort et
qu'on ne peut la discuter, sans ébranler les fondemens de
toutes les communions chrétiennes. Les zodiaques : chacun les
explique à sa guise. Les lambeaux du grand ouvrage de San-
choniaton qui était, dit-on , comme la Genèse du paganisme :
le savant Court de Gebelin a perdu assez d'encre et de papier
à vouloir les expliquer. En thèse générale , il est à regretter
que, pour tous les peuples lettrés, à l'exception des Chinois,
les bases de l'histoire , et les bases de la religion soient les
mêmes : on ne peut discuter les unes , sans mettre en ques-
tion les autres ; on marche à travers des feux ; partout se pré-
sentent des écueils ; ce n'est pas là seulement le cercle de Po-
pilius, c'est le lit de Procusle.
De cet état de choses auquel tout honnête homme doit se
soumettre sous peine en Angleterre d'être déféré devant un
jury, en France de comparaître devant la police correction-
nelle, il résulte pour les adeptes de la science chronologique
la nécessité de se résigner à borner le cercle de leurs libres
spéculations au xne ou xme siècle avant notre ère. Au delà
de cette limite , toute certitude historique s'évanouit , on
SCIENCES MORALES. 33i
parcourt un chemin sans issue , l'on navigue sur une mer sans
rivages, on mesure un abîme sans fond. En deçà, au con-
traire, tout dans l'histoire grecque, assyrienne, médiquc ,
juive, égyptienne, commence à présenter sur 1rs faits im-
portuns, les caractères de la vérité. Il n'en est pas de même
de l'histoire romaine : lien de moins prouvé, selon moi, que
tout ce qu'on nous raconte si pertinemment sur les commen-
jbemens de Rome ; rien de plus obscur que la chronologie
romaine. Ces incertitudes, ces obscurités proviennent de deux
causes principales : la première, est pour les commencemens de
Rome, l'absence presque totale de mou u mens écrits; la se-
conde consiste dans l'irrégularité de Tannée des Romains.
Quant à l'incertitude des premiers terns de Rome , je n'insis-
terai pas davantage ici sur ce point ; j'y reviendrai plus tard.
Il me suffit d'en avoir fait mention pour donner à penser que,
si M. de Forlia est parvenu à trouver une chronologie romaine
en tout point satisfaisante , il n'a pas accompli une tâche facile;
et l'on peut dire que, si le berceau tant soit peu fabuleux de
la prétendue fuie de Troie pouvait être défendu avec succès
par quelqu'un, il ne faudrait pas chercher un autre Hector :
Si Pergama dextrâ
Defendi possent , etiara hâc defensa fuissent.
Les prolégomènes du tableau chronologique sont divisés
en lxxiii articles. Dans les seize premiers, le savant auteur pose
les principes généraux de sa chronologie, tant relativement
à l'année grecque qu'à l'année romaine : il entre à cet égard
dans les détails les plus curieux et les plus instructifs. Quel-
ques-unes de ses démonstrations, établies mathématiquement
avec le secours de l'algèbre, pourront effaroucher les lecteurs
superficiels; mais elles seront accueillies avec plaisir par ceux
que n'effraient point une instruction pénible, pourvu qu'elle
soit solide. Au reste , M. de Fortia a su tempérer la sécheresse
de la matière par d'heureuses excursions dans le domaine
d'une érudition moins aride. Les formes de sa discussion sont
très-faciles , partout où elles ne sont pas hérissées de signes
33a SCIENCES MORALES.
algébriques; et son style , éminemment clair, élégant, indique
un homme entièrement maître de sa matière.
C\st ainsi qu'à propos des modifications introduites dans
l'année athénienne par l'astronome Méton , M. de Fortia rap-
pelle les plaisanteries indécentes qu'elles inspirèrent à cet
Aristophane qui ne respecta ni les dieux, ni Socrale. Dans sa
trop fameuse comédie des Xuées , ce poète , qui fit un si dé-
testable usage de son génie , représente les dieux fort désap-
pointés par le dérangement du calendrier : ils ne savent plus
à quoi s'en tenir sur les sacrifices qui se faisaient à certains
jours de l'année, et s'attendant quelquefois à faire grande
chère au jour marqué , ils éprouvent le désagrément de s'en
retourner, l'estomac vide et sans avoir soupe. M. de Fortia
blâme, avec le grave historien des mathématiques Montucla ,
la liberté que prenait le poète de mêler la divinité dans ses
ép^grammes : il trouve qu'Aristophane aurait mérité la c .
à p!us juste titre que Socrate.
Dans les articles xvn et xvm , 31. de Fortia nous fait con-
naître les formes bizarres et diverses qu'a successivement
prises l'année romaine. Elle fut d'abord de 3o4 jours , for-
mant 10 mois. Ce nombre ne convenant ni au cours du soleil,
ni aux phases de la lune , n'avait aucun rapport avec le retour
périodique des saisons. Le froid arrivait dans les mois d'été, et
la chaleur dans les mois d'hiver. >*uraa , natif de Cures , 1 une
des principales villes des Sabins, laquelle avait quelques rap-
ports avec les Grecs , commença la réforme du calendrier ro-
main : il ajouta 5o jours aux 3o^ deRomulus, etintroduisit deux
nouveaux mois Januaruis elfehruaiius. Enfin, en l'honneur du
nombre impair, il comprit un jour de plus dans son année, ccj qui
lui en donna 355. Pour arriver à établir clairement ces faits,
M. de Fortia discute les textes de Macrobe, de Censcrin et
surtout de Plutarque, dont il réussit à concilier les contradic-
tion^ 'art. xix, xx , xxi . A l'appui de ce qu'il avance, il in-
voque l'opinion de M. Saint-Martin ; et cet accord entre deux
savans aussi distingués est bien propre à convaincre le lec-
teur. Je dois ajouter qu'avant eux Rollin avait su présenter ces
SCIENCES MORALES.
(faits avec clarté; mais en résultats seulement, et sans en! ici
ans la discussion des sources, l.n général , on ne saurait trop
. rendre hommage à ce Vénérable prie de I histoire ancienne
et romaine en France : partout son admirable bon sens a jeté
la lumière, non pas seulement sur la morale de l'histoire, mais
encore sur les questions les plus épineuses de la critique. Et
cependant, je pourrais citer aujourd'hui tels jeunes savans
d'hier, qui ne parlent de Rollin qu'avec légèreté , ou même
avec dédain.
Un siècle après Numa , l'année romaine éprouva encore une
nouvelle modification : ce fut sous Tarquin Y Ancien, prince
grec d'origine , Toscan de naissance, et qu'on peut regarder
comme le second fondateur de Rome. Sous lui , en effet , cette
ville perdit l'aspect agreste et misérable d'une colonie d'Albe,
pour prendre la physionomie plus imposante d'une colonie
gréco-étrusque. L'influence de Tarquin X Ancien avait même
précédé son avènement, et l'on peut dire qu'il fut l'âme du
gouvernement du sage Ancus Marcus. La réforme que , selon
MM. de Fortia et Saint-Martin , il amena dans le calendrier,
eut pour objet de faire accorder les jours et les mois avec la
lune, et les années avec le soleil; et d'organiser les mois in-
tercalaires beaucoup mieux que ne l'avait fait Numa; mais il
paraît que cette opération fut manquée : on fut contrarié par
des pratiques et des opinions antiques et superstitieuses que
l'on se vit obligé de respecter (xxn). La révolution qui subs-
titua dans Rome l'autorité des consuls à celle des rois, amena
de nouveaux désordres dans le calendrier. Tout fut confondu,
interverti. Quelle fut la cause de cette confusion ? Le droit
confié aux pontifes de régler le calendrier, avec la faculté d'y
faire des intercalations extraordinaires. « Il est facile de con-
cevoir, dit M. de Fortia, quelles durent être les conséquences
de l'établissement d'un pareil usage; il rendit tout-à-fait inu-
tiles... les précautions qui avaient été prises pour empêcher
l'année civile d'empiéter sur l'année solaire. Bientôt , on ne
suivit plus aucune règle; les intercalations mêmes furent en-
tièrement omises pendant quelque tems; elles devinrent en-
334 SCIENCES MORALES.
suite une affaire d'intrigue ; quelquefois les prêtres les accor-
daient ou les refusaient par faveur, suivant qu'ils voulaient
plaire ou nuire aux gouverneurs et aux magistrats dont ils
voulaient prolonger ou faire cesser la puissance, etc. »
Je m'abstiens des réflexions morales et politiques auxquelles
pourraient donner lieu de semblables abus : je me contente-
de renvover le lecteur à l'excellent discours sur la politique
des Romains dans la religion, par Montesquieu, bien qu'on
puisse n'être pas tout-à-fait d'accord avec ce grand écrivain
sur le degré d'admiration qu'il accorde aux Romains en cette
matière délicate. Sans doute il est bon , dans les tems d'igno-
rance et de superstition , de faire tourner au profit de l'état
jusqu'aux préjugés du peuple ; mais toute politique qui aurait
pour base d'entretenir les mêmes préjugés , toute corporation
sacerdotale qui en profiterait pour servir ses intérêts ou ceux
d'une puissante aristocratie , ne pourrait mériter que Fanimad-
version et le blâme, sous tous les régimes religieux et à toutes
les époques.
Sous le rapport purement chronologique, on sent combien
cette complication de l'année solaire et de l'année civile, jointe
aux opérations désordonnées des pontifes, rendent aujour-
d'hui difficile de s'expliquer la suite exacte des années ro-
maines. Il n'existe aucune portion des registres pontificaux :
et d'ailleurs , s'ils existaient , la même mauvaise foi qui aurait
présidé aux opérations des pontifes, ne présiderait elle pas à
leur rédaction ? On n'a donc pu , comme le reconnaît M. de
Fortia , établir la correspondance des années romaines avec
les années avant l'ère chrétienne que par de simples conjec-
tures. Quelques-unes sont fondées sur des textes positifs d'au-
teurs anciens; mais d'autres, et c'est le plus grand nombre,
ne le sont que sur des raisonnemens un peu hasardés. Dod-
well, et après lui M. Albert, se sont imposé cette tâche pénible.
M. de Fortia applique la pierre de touche aux tables de ces
deux chronologistes , en examinant si elles sont d'accord avec
la chronologie des éclipses.
Dans cet examen , il prend pour base de ses calculs l'éclipsé
SCIENCES MORALES. 335
ni eut lieu l'an 56 \ <!«• Homo, 19O avant Jésus- Christ ,
p i/i mars-julien répondant cette année au 1 1 juillet romain,
(on les tables astronomiques : or, Dodwell fait correspondre
l date de celte éclipse à des joins différons : Al. Albert en fait
niant , mais en présentant un autre calcul. M. de Fortia en
conclut contre l'incertitude réciproque de leurs tables , et il
regrette que des sa vans aient répété les assertions de M. Al-
bert , sans prendre la peine de les vérifier. Il termine en dé-
clarant que les tables de ce dernier sont entièrement hypo-
thétiques et ne méritent aucune confiance (xxiv).
Après avoir expliqué le calendrier julien et le grégorien
(xxv, xxm) , l'auteur aborde la première difficulté qui se
présente pour la chronologie romaine , laquelle se trouve sous
l'an 3oi avant notre ère, répondant a l'an /<53 de Rome; il
prouve par des textes anciens , arme victorieuse à opposer aux
conjectures modernes , que, dans cette même année, il y eut
des consuls comme à l'ordinaire; puis , deux dictatures, mais
non pas des consulats durant tonte Tannée; puis, une dictature
sous l'année suivante. Le tableau de cette année fera mieux
comprendre ce que j'énonce ici :
An 3oi avant J. C. — 4^3 de R.
Consuls. Marcus Lîvius Denter,
Marcus jEmilius Paulus (Tite-Liv., liv. x, chap. 1;
Diodore, livre xx, p. 106.)
Première dictature, C. Junius Bubulcus. (Tite-Liv., ibid. )
Ce dictateur acheva l'entière réduction des
Eques, pendant les huit jours qu'il garda
sa magistrature.
Seconde dictature. M.Valerius Corvus. (Tite-Liv. , ibid., c. ni.)
An 3oo avant J. C. — 4^4 de R.
Consuls. M. Valerius Corvus.
Quintus Apuleius Pansa. (Tite-Live., ibid., chap. vi.)
Le texte de Tite-Livc porte que Valerius fut nommé a ce
consulat au sortir de sa dictature,, consul ex dictature factus :
d'après cela , M. de Fortia , établit que des chronologistes ont
commis une grave erreur, en faisant une année avec la dicta-
136 SCIENCES MORALES.
ture de Valerius (xxvu, xxvm) ; mais, par quelle inconce-
vable distraction son imprimeur, dans le Tableau chronologique,
a-t-il passé sous silence la dictature de Junius Bubulcus , et
inséré à la place une dictature de Fabius Maximus qui n'est
appuyée sur aucun texte , et dont il n'est nullement question
dans les articles xxvu et xxvm ?
Cette distraction m'étonne d'autant plus que , dans Tar-
ticle xxx , intitulé : Conclusions des principes précéclens et nou-
velles observations sur les dictatures de tan 3o i avant noire ère ,
M. de Fortia, épuisant tous les argumens de sa lumineuse dis-
cussion , s'élève contre la prétendue dictature de Fabius
Maximus, inventée, dit-il, par Sigonius, « en s' appuyant sur
des marbres mal lus ou mal expliqués , puisque leur autorité
ne peut être opposée à celle d'un historien tel que Tite-Live. »
Plus loin (xxxiii) notre auteur fait la même justice d'une
erreur commise par M. Albert, à propos de l'entrée en charge
«les consuls Appius Claudius Cœcus et Lucius Volumnius
Flamma Yiolens , l'an 3o6 avant notre ère. Puis , après avoir
fait voir que les années dictatoriales 3oi et 3oo, (prétendue
dictature de Papirius) des fastes d'Almeloveen étaient imagi-
naires, le savant critique , Diodore et Tite-Live à la main, dé-
montre qu'il faut encore retrancher de cette chronologie les
années 3io et 3n. A l'appui de son opinion, il cite les
fastes consulaires de Rollin , qui, sans en avoir la prétention,
fut un chronologiste si distingué.
L'époque de la prise de Rome par les Celtes fournit plus
loin (art. xxixîixlv) à M. de Fortia le sujet d'observations très-
importantes, et qui dominent toute la chronologie romaine :
car, de la connaissance précise de ce grand événement résul-
tent de nouvelles preuves sur l'année de la fondation de
Rome, et d'utiles rapprochemens avec divers événemens con-
temporains de l'histoire grecque.
L'auteur du Tableau chronologique se livre ensuite à l'examen
des chapitres lxxi, lxxiî, lxxiii et lxxiv du ier livre de Denys
d'Halycarnasse(xLViià li), dans lesquels cet historien expose les
différens systèmes des anciens sur la fondation de Rome. Neuf
SCIENCES W0R1U V',:
auteurs cités pa* Dcxvvs, et parmi lesquels il nomme (tristoio,
oui cin R.opic bâtie lorig-tenas avant l'époque généralement
reeonnue. M. de Fortja oonsaiere un article entier à disenter le
mérite de ers divers écrivains (xlviii) dont la plupart sont à
peu près inconnus. (
(ne <!is( L|%S)Ob non moins importante est délié dos diverses
objections qui oot été faites cefcitré lanibénlkiité des premiers
fastes de Rome. Le premier anietir de des doutes critiques ebt
un Français, M. de Poiiu.y, qui, en 179.?,, attaqua en pleine
académie les narrations si respectées de I ite Livo et de Denys
d'IIalveai nasse. Ses argumens ne demeurèrent point sans ré-
ponse , et l'abbé Salues prit le soin de les réfuter. En 1738 et
et 1750 , Beaufort reprit la question traitée par Pouillv. Plus
tard , I'Evesqvk , dans son Histoire critique de la république
romaine y publiée en 1807, reprit les argumens de ses prédé-
cesseurs , en les modifiant avec sagesse. Sans aller aussi loin
qu'eux, il me semble avoir prouvé que l'histoire romaine , dans
ses détails et pour les premiers siècles, n'est qu'une fable
convenue.
M. de Fortia n'est point de cet avis, et en cela , bien des
sa van s du premier ordre partagent son opinion qu'on peut bien
dire être la plus générale : je lui lais cette concession , mais
tout en demeurant pour mon compte aussi fidèle que jamais à
mon sentiment négatif.
En effet , qu'on prouve tant qu'on voudra que les Romains
ont éerit de bonne heure , que les livres de Nu m a ont réelle-
ment existé , et qu'après l'incendie de Rome par les Gaulois on
ait pu sauver quelques inscriptions , quelques registres publics,
il n'en est pas moins positif qu'avant Fabius Pictor, qui vivait
au tems de la seconde guerre punique , Rome n'a pas eu d'his-
torien. Le moyen alors, c'est-à-dire, au bout de cinq siècles,
qu'avec les inscriptions frustes la plupart, avec des annales
rédigées pnr des pontifes crédules ou menteurs, et dans tous
les cas infiniment abrégées , avec des mémoires de famille où
la vanité patricienne mentait d'avance à la postérité . et dans
ses prétentions diverses attribuait quelquefois le même con-
t. xwvi. — Novembre 1827. 22
338 SCIENCES MORALES.
sulat , la même victoire à quatre généraux différezts; le moyen ?
dis-je, qu'avec de tels matériaux, Fabius Pictor, que d'ailleurs
on représente comme fort partial , ait pu écrire une histoire
raisonnable ?
Quoi qu'il en soit , j'aime à le reconnaître , jamais les com-
mencemens de l'histoire de Rome n'ont trouvé un plus puissant
défenseur que M. de Fortia. Je suis forcé de convenir qu'il a
prouvé que les Romains , ab initio rerum Romanarum , firent
un assez fréquent usage de l'écriture. Il a également détruit les
doutes que l'on pouvait élever sur l'authenticité des livres de
Nnma. Dans une discussion si difficile , c'est beaucoup que
d'avoir réduit ses adversaires au silence sur deux points de
cette importance.
Charles du Rozoir.
•v^vv». '».'*. ■«<-»<**-*
LITTERATURE.
ËSFA6HI mi i iQin.. Choix nii imh.su. s c.A.srii.LAXiiS ,
depuis Charles- Quint jusqu'à nos jours , mises envers
français avec des articles biographiques y etc. ; par /^c//
/oa/I Maria Mauiiy (i).
SECOND ET DERNIER ARTICI.r.
( Voyez ci-dessus, pag. 98 — io5.)
« Les bons auteurs de Louis XIV, écrivait Voltaire à lord
ll.nvey, n'ont-ils pas été vos modèles? N'est-ce pas d'eux que
votre sage Addisson, l'homme de votre nation cpii avait le
goût le plus sur, a tiré souvent ses excellentes critiques?
LY'véque Burnet avoue que ce goût, acquis en France par
les courtisans de Charles II, réforma chez vous jusqu'à la
chaire, malgré la différence de nos religions; tant la saine
raison a partout d'empire! Dites -moi si les bons livres de ce
teins n'ont pas servi à l'éducation de tous les princes de l'Eu-
rope? Dans quelle cour d'Allemagne n'a-t-on pas eu de théâtre
français?»
Cette influence de la littérature française s'exerça plus direc-
tement encore en Espagne. Les peuples qui confiaient leurs
destinées à un petit-fils de Louis XIV, participèrent, à jusie
litre, aux bienfaits du siècle qui avait reçu son nom. Un
nouvel ordre de choses, résultat de l'une des transactions po-
litiques les plus importantes de l'histoire moderne, releva la
littérature castillane de la dégradation où elle élait tombée
avec l'état lui-même. Par l'avènement de la dynastie française
(1) Paris, 1826 et 1827; Monçie , boulevard des Italiens, n° 10.
u vol. in-8° ; prix, r5 fr. , et 18 fr. par la poste.
xx.
v,o LITTÉRATURE.
au tronc des Fspagnes, l'école française régna aussi sur le
Parnasse espagnol;
Mais près d'un siècle s'était écoulé entre la dégénération et
la restauration du goût; et cet intervalu: produit une lacune
dans le plan du livre que nous avons sous les yeux. Les noms
poétiques ne répondent plus aux époques, connue dans les
divisions précédentes. L'auteur a comblé le vide par une réu-
nion de morceaux quicaractéri^cnl le génie national, sur laquelle
nous reviendrons. ISous allons entrer dans le xviii6 siècle,
afin d'ajouter une nouvelle galerie de tableaux à celle que
nous avons décrite, et qui finissait à Villegas.
A cette époque, on voit figuier Luzan, né sous Philippe V,
mais qui n'établit sa réputation que sous Ferdinand VI. Sous
le règne de Charles III, l'Espagne s'honora du colonel Cadalso,
du fabuliste Iriartè* et du docteur don Juan Melendez , qui
commence une autre série de gens de lettres. Il fut suivi du
curé Iglesias, du comte de Norona , et de Cienfuegos. Trois
écrivains encore vivans, MM. Moratin , Quintana el Arrlaza
ferment celte galerie de poètes, qui ont marqué le règne de
Charles IV. Des notes font connaître d'autres écrivains mo-
dernes et plusieurs hommes d'état, qui firent la gloire de
l'Espagne et des lettres. Ainsi se termine cette chaîne illustre
qui, remontant au premier auteur qui ait écrit en langue cas-
tillane, se continue jusqu'à l'époque où nous sommes arrivés.
Un sage retour aux règles de l'art et aux principes du goût,
effet immédiat de l'influence française, constitue les princi-
paux litres poétiques des trois premiers auteurs que nous ve-
nons de nommer : Luzan, excellent critique, poète médiocre,
que l'on a comparé à La Harpe; Cadalso, plus renommé pour
ses qualités personnelles que pour son génie, et Iriarté 3 écri-
vain élégant et correct, à qui M. Maury se plaît à rendre
justice.
Don Juan Melendez, digne de figurer près de Lope de Vega
et de Garcilaso, a mérité la place distinguée que lui accorde
l'auteur de l Espagne poétique , et les éloges donnés à ses vertus
et à son talent L'histoire de ce ppëte, intimement liée à celle
L1TTÊR ATTJRK. 1 \ i
Je su pahic présente plusieurs genres d'intérêt. Voici ce qu'en
rapporte son biographe: < Après la réfutation d'Aranjuez,
Mi-laid'-, qu'un nouveau règne, toujours réparateur, avait
i appelé à "Madrid, s'v trouve dans la position critique OÙ I ab-
sence du nouveau roi hisse les employés supérieurs, les
hommes marquans et la nation entière. La douceur de carac-
tère, qui avait (ait tant d'amis à nôtre poëte, le rendait peu
susceptible de voirie salut de ta patrie dans les résolutions
désespérées. Il accepte une mission de pai* <\i\ lieutenant-gé-
néral du royaume. »
« Il pari pour Oviedo : une accusation capitale et le titre de
traître vendu à l'étranger y accueillent l'homme pur, loyal ,
honorable par ses vertus privées et publiques, et surtout Es-
pagnol jusqu'au fond de l'âme. Il est conduit en prison avec
sou collègue, le comté tîel Pinar ; ils sont ensuite relâchés,
puis incarcérés de nouveau, et relâchés encore. Mais, ait
moment de se mettre en route, le peuple brise la voiture et
veut les fusiller. Melendez répète en vain une de ses romances,
bien faite pour désarmer la fureur populaire, si rien d'humain
pouvait la désarmer : son supplice n'est suspendu qu'afin de
savoir si on ïe lunra par devant ou par derrière. Toutefois , la
discussion a demandé quelques inslans , et l'on voilai ri ver la
croix, dite de la vicloirc. Les furieux agenouillés laissent
enlever leur proie. Un jugement dans les formes acquitte les
accusés qui atteignent enfin Madrid. Napoléon y trouva
Melendez. »
t La célébrité du poète magistrat lui assignait naturellement
un emploi supérieur ; car, il faut le dire, ce n'est qu'à la nullité
ou à la médiocrité qu'il fut possible d'attendre l'événement.
L'élite de la nation figura dans les deux camps qui se formèrent»
l'un sous le canon impérial , l'autre derrière les murailles de
Cadix: tous deux ont eu le même sort ! »
Cette notice biographique nous paraît supérieure; à celles de
Cervantes et de Lope de Vcga ; elle est plus riche d'idées, de faits
intéressans. Le talent de Melendez y est parfaitement carac-
térisé; mais peut-être ses premières poésies y sont un peu trop
342 LITTÉRATURE.
exaltées , aux dépens de celles qui les suivirent. Il faut convenir
que Melendez a imprimé à ses chants lyriques le cachet de
l'originalité, ce nombre , cette cadence, cet accent passionné,
ces sons mélodieux, cette verve d'expression, enfin, que
M. Maury admire dans les poésies nationales et anacréontiqucs
de cet auteur.
Appelés à examiner le mérite des traductions de M. Maury,
nous ne quitterons point Melendez, sans présenter quelques
observations sur cette ode remarquable, dans laquelle Don
Juan Maury lui fait dire :
... Hôtes des cieux , où plaça votre maître
La ligne de contact du néant et de l'être ?
Le texte portait : Une colonne majestueuse entre l'être et le
néant. Si une colonne a pu paraître trop matérielle, une ligne
de contact est aussi trop technique. N'y avait-il pas quelque
terme moyen qui se rapprochât un peu plus de l'image ori-
ginale. Nous regrettons de ne pas retrouver dans l'ode fran-
çaise le Créateur disant au chaos : Retire-toi ; et à la voûte des
cieux : apparais.
Hâtons-nous cependant de rassurer un auteur digne de tous
nos égards. Ces reproches, les derniers que nous aurons à
lui adresser, seront plus que balancés par des éloges sincères.
Nous ajouterons que cette ode célèbre a été très-habilement
reproduite par le poëte qui en a enrichi la langue française :
la progression des idées y est mieux suivie, et la pièce e^t
terminée d'une manière plus heureuse; mérite trop négligé
par la plupart des lyriques espagnols.
Melendez est le fondateur de l'école mixte, qui tend à
ramener les formes anciennes aux idées du jour, et à allier le
goût étranger avec le génie national. Iglesias est demeuré Cas-
tillan, et il n'est nullement moderne; ami de Melendez, mais
toujours son égal, il ne reçut point ses influences, comme
Cicnfucgos et Quintana , à qui Melendez servit de maître, ou
comme ses autres contemporains qui débutaient dans la carrière,
lorsque le cygne du Tonnes avait acquis sa haute réputation.
LITTÉRATURE. V,*>
M. Maury nous semble peu juste, quand il refuse à Cienfue-
gos une qualité qu'il reconnaît au plus liant dey ré dans M. Ar-
ria/.a. Celui-ci est né poète, sans doute : sa facilité se fait
remarquer dans tout ce qu'il a écrit; mais n'y a-t-il pas quelque
exagération à dire que, depuis Lope de Ve$a-% il est le seul
poêle espagnol qui semble penser eu vers ?
Quant à Cienfuegos, auteur tragique et lyrique, ce n'est pas,
à notre avis, l'instinct poétique, c'est l'entente de la compo-
sition qui lui a manqué. On remarque, dans quelques-unes de
ses pièces, et notamment dans la tragédie à'Idomenée t et dans
l'ode politique citée par M. Maury, des morceaux pleins de
verve. Au reste, si dans les pages consacrées à M. d'Arriaza ,
dans l'Espagne poétique, l'amitié qui unit les deux écrivains a
exercé sa douce influence, on ne saurait soupçonner M. Maury
d'un sentiment hostile envers Cienfuegos : il a relevé avec
force le grand caractère que ce poêle, attaché alors au gouver-
nement, déploya au commencement des troubles de l'Espagne.
Il vint expirer en France, non loin des lieux où, jeté par la
même tempête, devait bientôt mourir, dans des principes op-
posés, Melendez, son maître et long-tcms son ami.
Don Manuel Quintana, dont 3e zèle politique , comme celui de
Cienfuegos, fut payé de plusieurs années d'emprisonnement
après le triomphedela cause pour laquelle ils avaient combattu,
a suivi la double carrière poétique de son condisciple. Il jouit ,
à bon droit, d'une plus haute renommée, comme élève de
Melpomène et comme poêle philosophe. Ce recueil fait con-
naître ses plus belles compositions lyriques. Les qualités du
modèle offraient à l'imitation de grandes facilités. « La dignité
de sa poésie, dit son interprète, la force des pensées, une
diction noble et énergique, des sentimens élevés caractérisent
ses ouvrages. Nous voyons en lui un autre Herrera, avec plus
de grâce et d'aménité; mais il est peut-être moins versifi-
cateur. »
Les deux autres poètes vivans de cette série devaient pré-
senter à leur traducteur autant de difficultés «à vaincre, que
Melendez dans ses poésies gracieuses. M. Moratin et M. Ar-
34 i LITTÉRATURE.
riaza, l'un habile à soutenir par beaucoup d'art d'heureuses
dispositions naturelles; l'autre, dispensé par la nature de rien
demander à l'art : le premier plus brillant, le second plus par-
fait (1); tous les deus excellent par la facture du vers et la
pureté du langage.
Toutefois, le traducteur des poêles castillans lutte avec eux,
sans laisser apercevoir l'inégalité des armes. Il supplée à la
mélodie des sons par l'élégance des tours : car i'élégauce est
à l'esprit ce qu'est la mélodie à l'oreille.
Les amateurs de la poésie castillane, qui sont en état d'en
goûter les compositions originales, n'approuveront peut-être
pas toutes les abréviations érigées en système par l'auteur de
L'Espagne poétique. «Notre littérature, a-t-il dit, n'est pas
exemple de prolixité... Nos poètes originaux présenteront sou-
vent au traducteur une question délicate à résoudre : faut-il
modifier ou tout rendre? Leur doit-on plus d'égards qu'aux
lecteurs? Nous nous sommes déridés pour ceux-ci.»
Cette décision favorable au publie français a reçu la sanc-
tion d'un tribunal espagnol aussi éclairé que compétent. Le
recueil politique et littéraire qui paraît à Londres, sous ce
titre : Ocios de Espaholcs emi^rados, et que nous avons déjà
signalé à l'eslime publique (voy. Rcv. Enc. , t. xxxi, p. 686),
s'est empressé d'appuyer par d'ingénieux raisonnemens ceux
de D. J. Trlaïu-yen faveur de son système.
Les lecteurs français ne tiendront peut-être pas assez compte
de l'extrême difficulté du travail qu'il a entrepris. Il n'est
guère, en effet, d'éiémens de la poésie qui ne doivent trou-
ver, dans une langue cultivée, des expressions ou des formes
qui y répondent. Biais, comment transporter dans un autre
idiome des productions indigènes, populaires, imprégnées
du goût du terroir, caractérisées par l'expression familière,
(i) Notre Reçue s'est occupée avec détail de cet écrivain , considère
principalement comme auteur comique. vTom. xxïiii, p;»g. \5i, fé-
vrier i8'.?.y).
LITTÉRATURE. I4I
et, pour ainsi dire, pir faeceiil. du pays? Gc n'est [>;is tout:
si, comme le dil M. Maury dans ses spirituels rapproche-
mens entre les goûts littéraires et 1rs habitudes sociales, la
littérature espagnole aime à déroger à nobfess<ff comment
«nres qui prouvent celle assertion s'accorderont - il:; av( C
une langue jalouse à l'excès des bienséances? I /habile tra-
ducteur des poésies castillanes fait plusieurs concessions aux
lecteurs français: il se tiendra, dit il, à quelques tons plus
haut que le castillan; mais il s'attachera surtout aux moyens
d'illusion qui naissent de l'imitation des mouvemens et des
formes; et ses copies offriront peut-être cette sorte de res-
semblance qui, sans soutenir l'examen des détails, frappe
cependant au premier coup d'œil.
C'est ainsi que M, Maury est parvenu à faire connaître en
deçà des Pyrénées, non -seulement ces romances moresques,
OÙ respirent les passions impétueuses cies enfans du désert, où
l'on retrouve les teintes locales de la belle Audalousie, mais
aussi ces chants villageois d une naïveté presque inimitable, et
les saillies parfois bizarres, qui abondent dans les composi-
tions populaires d'une nation dont le caractère est éminemment
original.
L'opinion développée dans l'ouvrage périodique; espagnol
dont nous avons parlé , est que M. Maury, dès son premier
volume, a offert un modèle de bonne traduction : il conserve
aux poètes leur caractère individuel et leur couleur nationale;
et il approche autant qu'il est possible de, leurs beautés origi-
nales; il les met eu évidence, et souvent il eu éclaircit les
obscurités.
L'auteur de l'excellent article de ce recueil espagnol félicite
celui de ^Espagne poétique d'avoir tracé à l'école française de
nouvelles voies. Nous ne pouvons approuver cette opinion ,
et nous pensons, au contraire, que M. Maury a tort, toutes les
lois qu'il s'écarte des voies françaises. Quelques hardiesses, qui
peuvent passer pour des négligences , ont manqué de faire mé-
connaître1 son talent : un coup d'œil trop rapide et. superficiel
pourrait faire attribuera l'imperitic ou à des habitudes étian-
3/»6 LITTÉRATURE.
gères les effets trop ambitieux des moyens qu'il a puisés dans
la science de la versification.
Des faits curieux , extraits de la double histoire de la Pénin-
sule sous la croix et sous le croissant , choisis et appréciés
avec discernement; de nombreux aperçus neufs, ingénieux
ou savans, formant une espèce de poétique; une suite de ta-
bleaux biographiques dessinés avec beaucoup de grâce : tels
sont les divers genres de mérite qui recommandent l'ouvrage
dont nous nous occupons.
Les exemples d'Athènes et de Rome ont démontré qu'un
peuple qui s'est distingué dans la carrière des lettres et dans
celle des armes ne perd jamais entièrement ses droits et ses titres
de gloire, quelqu'affligeante que soit la décadence actuelle
d'une nation qui fut une des plus puissantes et des plus poli-
cées de l'Europe. Le tribut que vient de lui offrir un de ses
enfans, en replaçant sous les yeux les principaux chefs-d'œuvre
dont elle s'honore, semble un gage des nouveaux et nobles
travaux de l'intelligence par lesquels elle reprendra, dans des
jours plus heureux , le rang qui lui appartient parmi les peu-
ples civilisés. Muriel.
OEuvres complètes de J. Fenimore-Cooper , américain,
traduites de l'anglais , par A.J. B. Defauconpret(i).
Lorsque les premiers ouvrages de M. Cooper parurent à
Paris, les romans historiques de Walter Scott étaient déjà
connus en France depuis plusieurs années; et telle était l'avi-
dité du public pour ce genre d'écrits, telle était l'admiration
que l'auteur écossais avait généralement excitée, que l'on crut
devoir lui faire honneur à la fois de l'invention et de la per-
fection du genre où il excellait. On ne voulait admettre ni con-
currence, ni comparaison avec lui ; il s'en fallait peu que ses
(i) Paris , 1827 ; Gosselin. 28 vol. in-ta ; prix, 84 fr.
LITTÉRATURE. ^47
amis oe vissent en lui , non seulement le premier, mais le seul
auteur, créateur el modèle dans Cette sorte de roman. La vé-
rité se faisait jour néanmoins au milieu de ces diseussions ; et
s il arrivait de cette polémique, très- innocente d'ailleurs, ce
qui arrive toujours en pareil cas; savoir, que le goût du pu-
blic, fortement prononcé pour tout ce qui rappelait des sou-
venirs historiques, lit naître une multitude d'autres ouvrages
du même genre, dont plusieurs ne sont pas indignes du
maître ; cette brandie de littérature , devenue plus impor-
tante, et appelant une attention plus scrupuleuse de la part
des critiques, leur a permis de mettre chaque chose à sa place,
et d'attribuer aux divers auteurs la portion de gloire qui leur
appartient réellement.
L'intérêt qui se rattache à cette question a été si général
qu'on me permettra sans doute d'en dire quelques mots.
Nous avons été forcés de tout tems , par l'impossibilité de
connaître tous les individus des siècles passés , de distinguer
les hommes en personnages historiques et non historiques
dans la première classe sont ceux qui ont eu assez d'influence
sur la marche des affaires publiques, ou de la civilisation , pour
que l'histoire recueillît leurs noms avec la date et les circons-
tances de leurs actions ; dans la seconde se trouve la multi-
tude de ceux dont nous n'avons jamais entendu parler, c'est-
à-dire , plus des neuf cent quatre-vingt-dix-neuf millièmes de
l'espèce humaine. Il est certain , d'ailleurs , qu'un roman , qui ,
dans son acception la plus générale, est une narration faite
à dessein d'amuser, deviendra historique, si l'on y met en scène
des hommes auxquels nous donnons ce nom , ou s'il retrace
particulièrement une époque dont l'histoire seule peut nous
donner une idée.
Il n'y a pas jusqu'ici de difficulté , mais il s'en présente une
dans la pratique : quel rôle fera- 1 -on jouer à ces personnages
dits historiques? Seront-ils les héros du roman? Mais où
trouver une vie assez remplie d'événemens pour suffire à plu-
sieurs volumes , et dont toutes les actions convergent assez
vers un seul but pour conserver toujours l'unité nécessaire à
3*8 LITTÉRATURE.
f intérêt ? La chose est impossible : il faucha donc inventer; et
alors nous ferons faire aux héros une foule d'actions que l'his-
toire nous apprend positivement n'avoir pas eu lieu. Ainsi ,
naîtront les Pharamond , les Gjrms ,*l<es Clélie , les Robert de
France , etc., ouvrages frivoles et faux , où , à l'aide d'un nom
historique , des personnes tout-à -fait étrangères à l'histoire
falsifient les événemens, et transportent dans des siècles re-
culés le ton et les manières des salons qu'elles fréquentent.
D'autres auteurs , mieux inspirés, imaginent de faire reposer
l'intérêt du roman sur des personnages de fantaisie , qu'ils
peuvent créer, peindre, faire agir à leur manière, et de les
rendre seulement les témoins ou les acteurs obscurs de ces
scènes historiques où les puissans du monde jouent toujours
le premier rôle ; et alors , ils montrent ceux-ci sous les vé-
ritables couleurs que leur donne l'histoire , et ne leur prêtent
que des actions , des pensées ou des paroles conformes à la
vérité historique : genre d'ouvrage plein de vérité , parce que,
comme dit M. de Sismondi , dans la préface de Julia Sévéra ,
il ne rapporte que des choses gui ont pu écte , quoique nous ne
sachions pas qu'elles aient été. , et très-propre à fixer l'intérêt»
parce qu'il est le complément nécessaire del'hisfoire, qu'il supplée
naturellement dans la peinture des mœurs et de la vie privée.
Cette division du roman historique en deux classes explique
la réprobation qui a pendant long-tems frappé ce genre, et la
faveur dont il est dernièrement devenu l'objet. Il ne consistait
d'abord que dans l'emploi de quelques noms : j'ai cité les
livres de M,,c de Scudéri ; la Princesse de Clèves de M,ue de
Lafayetle, le Maleh-Adhel ée Mrae Cottin, les Nouvelles histo-
riques de M,ue de Genlis , le Conzahe et le Niwia Pompilius de
Florian se seraient depuis long-tems placés sous ma plume , si
l'intérêt et le style surtout n'avaient racheté , du moins en
partie , la fausseté des détails. Mais le succès même de ces
fictions et l'exception peut-être unique que présente le Fosca-
rini de M,ne de Saluées, prouvent qu'en général , au lieu de les
décorer du nom de roman , on devrait les appeler franchement
des mensonges historiques.
II n'en est pas de même de COlle seconde espèce dont nous
ryoqs parlé. Autant l'autre est bornée, autant celle ci est
étendue : autant l'autre manque de moyeu, autant celle-ci
pffre de ressources : autant la première est propre à fausser
les idées , autant la seconde tend à les rectifier el à n'en donner
que de jn Mrs. Tous les avantages sont donc de CC COlé : niais,
pour apprécier exactement le mérite d'invention de celui qui
a donné l'exemple de passer i\n premier au second genre, il
faut remarquer qu'il a suffi de changer de personnages prin-
cipaux en personnages épisodiques les acteurs donnés par
l'histoire : or, ceci nfest point une chose nouvelle : ia peinture
de la cour de Charles II, dans les Mémoires de Grammo/it ;
le ministère du comte d'Olivarès, dans Cil filas ; une bataille
de Frédéric dans les Barons de Felsheirn; le Voyage d An ténor
de feu Lantier; et surtout celui d' ' Anacharsis, ce chef-d'œuvre
de I érudition française, comme on l'a souvent appelé, prou-
vent que la France pourrait aussi faire valoir quelques pré-
tentions à la création de ce genre. Car on doit convenir que
le choix du sujet , ni l'exécution , ni la forme , ni la profon-
deur des connaissances historiques , qui tiennent de très près
sans doute à la perfection de l'ouvrage , ne font rien du tout à
la classification , et que le Nain mystérieux et les Puritains sont
du même genre, quoique assurément ils soient loin d'avoir le
même mérite.
C'est donc moins dans la création d'un genre, que dans
l'intérêt qu'il a su y répandre, et dans la perfection où il l'a
porté, que consiste le grand , l'immense talent de Walter
Scott; talent dont nous pouvons donner une idée suffisante,
en disant que, malgré ses défauts, ceux qui de nos jours ont
couru la même carrière, comme Vander Velde en Allemagne,
MM. Sismondi et Mortonval en France, M. Cooper lui-même
en Amérique , n'ont pu parvenir à en égaler ni la richesse, ni
la variété , ni l'originalité.
Nous n'avons à parler aujourd'hui que des ouvrages du der-
nier : c'est celui que la faveur publique semble placer le plus
près de l'auteur écossais ; c'est celui qui paraît en effet exceller
5o LITTÉRATURE.
par l'originalité et la vérité de ses tableaux , celui dont j'esti-
merais encore plus les productions , s'il n'avait pris à tache de
copier son modèle jusque dans les parties les plus répréhen-
sibles de ses ouvrages. La suite de cet article montrera que
les qualités du célèbre romancier américain lui sont propres ,
tandis que ses défauts appartiennent en grande partie à celui
qu'il imite. M. Cooper est auteur de sept romans , dont voici
les titres classés d'après leur ordre de publication en France :
Précaution, les Pionniers , l'Espion, le Pilote , Lionel Lincoln ,
le Dernier des Mohicans , et la Prairie.
Précaution est un roman de mœurs. Il ne représente que
des scènes de famille , et roule entièrement sur le besoin et la
difficulté de choisir un bon mari ; le grand nombre de person-
nages introduits par l'auteur, en fait un véritable imbroglio
dont la solution ne repose que sur un changement de nom qui
se découvre à la fin ; nous n'en parlons , au reste , que pour
souvenir ; il était loin de faire attendre ceux qui l'ont suivi.
Les six autres romans sont du genre que nous nommons,
comme tout le monde, historique : V Espion , le Pilote, et Lionel
Lincoln, ont pour but de marquer les progrès et la marche de la
puissance américaine, tandis que les trois autres s'occupent
plus de nous faire connaître la nature et les mœurs des sau-
vages de l'Amérique du nord.
Dans le premier de ces romans, Washington, déguisé sous
le nom de Harpcr, a donné une entière confiance à Harvey
Birch , qui , par un dévoûment incroyable pour son pays , par
une abnégation sublime de lui-même , consent à passer pour
l'espion de l'armée royale , afin d'assurer le triomphe de la
liberté en Amérique. Traité en ennemi par ceux qu'il aime ,
condamné par eux à une mort ignominieuse, pris plusieurs
fois et s'échappant toujours au moment de périr, il veille sans
cesse sur ceux qui veulent sa mort ; il les défend au péril dé
ses jours, et consent, dans sa dernière entrevue avec Wa-
shington , à emporter au tombeau une réputation infâme ,
plutôt que de compromettre le repos de son pays. Sa mort
seide met en évidence le secret qu'il a si bien gardé , et qui
LITTÉRATURE. 3Si
était consigné dans an papier souscrit de Washington lui -
même el qu'Harvey Birch portait sur sa poitrine.
Nous ne pouvons dissimuler que la lecture de cv livre laisse
dans l'âme ce sentiment pénible que fait toujours naître un
déni de justice : mais , à le considérer sous le rapport moral,
ii est difficile d'en trouver un plus propre a élever l'âme , et à
nous inspirer, au milieu de nos bonnes actions , ce désintéres-
sement , cet oubli de nous-mêmes qui en double la valeur.
Dans le Pilote , une frégate et un schooner américains font
une descente sur les côtes de l'Angleterre, pour tâcher de
s'emparer de quelques personnages importans ; ils ont besoin
pour cela d'un pilote qu'ils trouvent en effet sur le rivage, et
qui n'est autre que le fameux corsaire Paul Joncs , caché sous
le nom de M. Grajr; cet homme méconnu et humilié par l'An-
gleterre a juré de se venger de ses dédains; il a pris parti pour
Louis XVI et les Américains; et , bien que l'entreprise de ceux-
ci n'ait aucun résultat, il parvient cependant à les sauver, en
les engageant dans des récifs et dans des bancs de sable qu'il
connaît parfaitement, et au milieu desquels les vaisseaux an-
glais n'osent les poursuivre.
Le personnage principal ne joue pas , dans cet ouvrage , un
rôle à beaucoup près aussi important que dans le précédent ;
et il n'est pas représenté sous des couleurs aussi éclatantes ;
mais la gaîté , la brusquerie , la promptitude , et en même tems
le courage et la bonhommie des marins , et surtout l'originalité
de leurs expressions, lui donnent un caractère très-remar-
quable , et qu'il serait sans doute impossible de retrouver
dans aucun autre.
Lionel Lincoln, ou le Siège de Boston t, offre moins d'intérêt
que les deux romans dont nous venons de parler. Le jeune
major Lincoln revient d'Angleterre à Boston, son pays natal ,
■avec des sentimens d'amour et de dévoùmcnt pour son roi : il
a fait la traversée avec un vieillard nommé Ralph qui chérit ,
au contraire , la cause de l'indépendance , et qui prend néan-
moins sur son jeune compagnon un ascendant irrésistible.
Lionel devient amoureux de sa cousine Cécile Dynévor, qu'il
15* LITTKI1 YTURE.
épouse plus tard ; et ce mai iage est pour lui l'occasion qui
amène la connaissance d'une série de crimes commis dans sa
famille , dont le résultat avait été la mort et la diffamation
de sa mère , et la réclusion de son père dans une maison de
fous. Son père n'est, d'ailleurs , autre que le vieux Ralph;
il meurt, au moment où on le reconnaît, frappé de trois coups
de couteau par son geôlier de Londres , qui l'a suivi , on ne
sait comment , et sans que son iils fasse le moindre effort pour
le défendre.
Cette suite d'atrocités n'est évidemment que le cadre du
tableau où l'auteur a voulu peindre la confiance présomptueuse
des chefs anglais , la conduite imprudente et immorale de
leurs troupes; et d'un autre côté, l'exaspération, le dé-
voûment et l'activité des Américains. C'est dans ce but sans
doute qu'il a jeté dans son drame un jeune idiot qui se trouve
être le frère aîné de Lionel Lincoln ; cet insensé , répétant sans
cesse les discours qu'il a entendu tenir mille fois, est natu-
rellement l'écho des opinions des Améiicains; mais une folie
prolongée , et soutenue à travers des scènes de sang ci de car-
nage , est quelque chose de si affligeant, disons mieux, de si
rebutant , que l'attention s'attache avee peine à cette malheu-
reuse création du rôle de Job Pray.
Les trois romans qui suivent , et où M. Cooper nous semble
avoir déployé le plus de ressources et d'originalité, tendent,
comme nous l'avons dit , à peindre la nature sauvage de l'Amé-
rique.
Le dernier des Mohlcans y qui n'est que le second dans
l'ordre de sa publication , est le premier par l'époque qu'il
retrace. Duncan Heyvard , jeune officier anglais , s'est chargé
de reconduire à leur père i\ei\x jeunes filles , Alice et Cora ; il
a pris pour guide le Renard-Subtil , snuvage perfide qui les
égare à dessein ; alors, il s'adresse , pour demander son che^
min , à un chasseur qu'il trouve conversant avec deux Indiens
de la tribu des Deîawares; ce chasseur a reçu le nom <XOEil-
dc-Faucon , ou de Longue-Carabine. Issu de chrétiens , chrétien
lui-même à sa manière , il est presque devenu Indien; mais,
LIITIUATI [RB.
Pans M loyauté , il n'a pu s'altaeher qu'aux Dclawarcs, dont
peu de \ iees souillent les \eilus: < Y-.I avec les deux chefs de
celle tribu , le Grand-Serpent et le Ceif dgilé t son (ils, qu'il
conversait, lorsqu'il fut questionné par lleyvard : il lui fait
comprendre la trahison du Renard-Subtil , et se trouve forcé
de iui servir de guide avec ses deux amis , les deux seuls rcs-
tans de la famille des JYIohicans. L'auteur met alors sous les
yeux du lecteur une multitude de scènes , tantôt gaies , tantôt
terribles , propres à peindre le caractère et les habitudes des
sauvages sous tous les aspects possibles. 11 engage un grand
nombre de combats qui se terminent par la mort du Renard-
Subtil et du Cerf- Agile, le dernier des Mohicans , et par le
mariage d'Heyvard avec Alice.
Les Pionniers forment la seconde partie , si l'on peut le dire ,
du roman des Mohicans. La civilisation a fait des progrès , et
Marmaduke-Temple est juge dans la ville de Templeton. Le
Grand-Serpent et OEil -de-Faucon se sont un peu rapprochés
des colons; le premier s'est converti au christianisme, et a
reçu le nom John l'Indien ; le second a changé son nom en celui
de Bas-de-Cuir, qu'il doit sans doute à ses guêtres: tous les
Unix sont attachés d'une amitié sincère au jeune Edouard Ef-
fingham. petit-fils du major Effingbam, qui avait autrefois té-
moigné une grande amitié à la tribu des Delawares, et avait
même été adopté par elle, et fds d'Edouard Effingham, ancien
associé de Marmaduke-Temple, dont il s'était séparé en lui
laissant tout son bien , lors de la guerre des Anglais contre leurs
colonies. Edouard , persuadé que M. Temple lui a enlevé ses
biens , nourrit contre lui une haine profonde qui ne l'empêche
pas d'adorer miss Elisabeth Temple , sa fille. Pendant ce tems ,
Bas-de-Cuir, accusé d'avoir tué un daim et d'avoir menacé un
constable de son fusil , est condamné à la prison et à une
amende qu'il ne peut payer : Edouard le délivre , et avec John ,
ils se retirent sur une montagne, où le Grand-Serpent, sentant
approcher sa fin, meurt en chantant ses louanges et celles de
«a nation. Edouard et Bas-de-Cuir ont cependant sauvé
miss Temple de la mort ; bientôt tout s'explique. Edouard re-
t. xxxvi. — Novembre 1817. 23
35/f LITTÉRATURE.
connaît que M. Temple a été aussi fidèle et désintéressé qu'il
l'avait cru cupide : il épouse sa fille; mais Bas-de-Cuir, fuyant
toujours devant la civilisation , indigné des immenses abatis
de bois et des défrichemens que Ton fait tous les jours , fait
ses adieux à ses amis pour s'enfoncer dans les forêts.
La Prairie est le complément des deux ouvrages qui pré-
cèdent. Bas-de-Cuir s'est éloigné des hommes ; mais quatre-
vingt-dix ans se sont accumulés sur sa tète. Déjà il ne peut
plus que tendre des pièges ou des trappes aux animaux, et on
lui donne le nom de Trappeur. Il est rencontré sur ses mon-
tagnes par Ismaè'l Bush, qui émigré avec toute sa famille et veut
former un établissement loin des hommes. Ismaè'l, à l'instiga-
tion de son beau-frère Abiram, a enlevé la jeune Inès à som
père, dans l'espérance d'en obtenir une forte rançon; son
amant se met à sa recherche; et cet amant est le petit-neveu
de ce Duncan-Hcyvard que nous avons vu , dans le Dernier des
Mohicans , avoir de si grandes obligations au chasseur Natha-
niel-Bumpo, ou OEil-de-Faucon : cette reconnaissance suffit
pour attacher le trappeur à la fortune du jeune officier; ils
cherchent ensemble la belle Inès, sont traversés dans leurs re-
cherches par la tribu des Sioux , et aidés par le jeune Cœur-
Dur , chef de la tribu des Pawnies-Loups , qui égale en vertu
les anciens Delawares. Ici se placent nécessairement des com-
bats , tous fort intéressans, soit des sauvages entre eux, soit
des sauvages contre la colonie que conduit Ismaè'l Bush : ils se
terminent par la victoire de Cœur-Dur sur Mathovic, chef des
Sioux , et par la restitution d'Inès à Middleton ; enfin, le vieux
trappeur reçoit une hospitalité généreuse des Pawnies , vit au
milieu d'eux, comblé d'honneurs, et meurt plein de jours ,
après avoir obtenu de Middleton, qui était venu le voir par
hasard , la promesse que ses dernières volontés seraient ac-
complies.
Les qualités qui distinguent généralement les romans de
M. Cooper sont les suivantes : un intérêt toujours croissant et
égal à celui que "Walter Scott et Wandcr Velde ont su répandre
dans leurs ouvrages ; l'observation exacte des localités , et une
LITTÉRATURE»
venu- constamment soutenue dans l<\s caractères; enfin, une
pointnic des passions tellement vivo qu'il fait toujours partager
au lecteur celles qu'il prête à ses personnages* Jo regrette de
uc pouvoir citer ici plusieurs des scènes que notre autour a
tracées avec un rare talent ; je choisirai du moins celle qui m'a
.semblé la plus parfaite, et qui doit trouver chez nous le plus
grand nombre d'appréciateurs : c'est la reconnaissance du jeune
IWuldleton par le trappeur. L'officier vient de montrer, pour
se faire connaître, sa commission de capitaine d'artillerie, ac-
cordée à Duncan-Uncas-Middlcton. — « À qui ? à qui ? s'écria
le trappeur qui était resté assis , et qui regardait l'étranger
avec des yeux qui semblaient vouloir en dévorer les traits;
quel est son nom ? Ne l'avez-vous pas appelé Uncas? Uncas !
est-ce bien Uncas? — Toi est mon nom, répondit le jeune
homme : c'est celui d'un chef d'une tribu des naturels du pays ,
et mon oncle et moi , nous sommes fiers de le porter, parce que
c'est en mémoire d'un service important rendu à notre famille
par un guerrier dans les anciennes guerres des provinces. —
Uncas ! vous l'avez appelé Uncas î répéta le vieillard en se le-
vant; et s'approehant du jeune étranger: il sépara les boucles
de cheveux noirs qui lui tombaient sur le front. Mes yeux sont
vieux, continua-t-il ; ils ne sont plus aussi pereans que lorsque
j'étais moi-même un guerrier; mais je puis reconnaître les traits
du père dans ceux du fiU. Je les ai reconnus dès qu'il s'est
approché; mais, depuis ce tems, il s'est passé tant de choses
devant mes yeux , que je ne pouvais me dire où j'avais vu sa
ressemblance. Dites-moi, jeune homme, quel est le nom de
votre père ? — Le même que le mien... Le frère de ma mère
se nommait Duncan Uncas Heyvard. — Encore Uncas , encore
Uncas! s'écria le vieillard, en tremblant d'émotion ; et son
père? — Portait les mornes noms, à l'exception de celui du
ohef d'une des peuplades du pays ; ce fut à lui et à mon aïeule
que fut rendu le service dont je viens de parler. — Je le savais,
je le savais, s'écria le trappeur d'une voix tremblante; et ses traits
raidis par l'âge , étaient agités d'une forte émotion , comme si
ces noms qu'il venait d'entendre eussent éveillé en lui des idées
23.
&56 LITTÉRATURE.
endormies depuis long-tems , el se rattachant aux idées d'un
siècle passé : je le savais, fils ou petit fils , c'est la même chose,
c'est le même sang , ce sont les mêmes traits. Dites-moi main-
tenant; celui qu'on nommait Duncan , et qui ne portait pas le
nom d'Uncas, vit-il encore ?
« Le jeune homme secoua tristement la tète, et répondit:
Non; il est mort, plein de jours et d'honneurs. . . — Plein de
jours, répéta le trappeur, en jetant un coup d'oeil sur ses
mains maigres et desséchées, mais encore nerveuses. Ah! il
vivait dans les habitations, et n'était sage qu'à leur manière...
Mais vous l'avez vu souvent ; il vous a parlé d'Uncas : qu'en
disait-il? qu'en pensait- il dans son salon, jouissant de toutes
ses aises et de tout le luxe des habitations? — Je ne doute
pas que ses discours ne fussent les mêmes que ceux qu'il aurait
tenus dans les bois, s'il se fût trouvé face à face avec son
ami. — Appelait-il le sauvage son ami? ce pauvre Indien, ce
guerrier dont le corps nu était peint? n'était-il pas trop fier
pour cela ? — Il se faisait honneur de cette liaison , et il donna son
nom à son fils aîné, nom qui se perpétuera probablement parmi
tous ses descendans, comme un héritage de famille. — Il a
bien fait; il a agi en homme, oui, et en chrétien; il avait
coutume de dire que le Delaware avait le pied léger; se sou-
venait-il de cette circonstance? — Léger comme l'antilope, il
le nommait souvent le cerf agile. . . Mon grand-père et mon
aïeule conservaient une trop vive impression des dangers qu'ils
avaient courus, pour oublier aucun de ceux qui les avaient
partagés,
«Le trappeur détourna les yeux et parut lutter contre quel-
que sentiment intérieur qui l'agitait vivement. Vous a-t-il parle
de tous? lui demanda-t-il : étaient-ils tous des peaux rouges;
à l'exception de lui-même et des deux filles de Munro ? — N%»,
il se trouvait un blanc avec les Delawares, un batteur d'es-
trade de l'armée anglaise, né en Amérique. — Quelque ivrogne,
sans doute, quelque misérable vagabond, comme ceux qui
vivent avec les sauvages? — Vieillard, vos cheveux gris de-
vraient vous apprendre à mettre plus de retenue dans vos
LITTÉRATURE. 357
discours. L'homme don! je vous parle était doué do don le
plus précieux et le plua rare de la nature, celui do distinguer
le bien du mal; en courage*, il était égal à ses compagnons à
peau rouge; en science militaire, il leur était supérieur, parce
qu'il axait été inh'ux instruit; en un mot, c'était un noble
rejeton sorti du tronc de la nature humaine.
«Tendant que Middleton parlait ainsi avec ce ton de chaleur
généreuse si naturel à la jeunesse, le vieillard avait les yeux
fixés sur la terre : ses doigts jouaient tantôt avec les oreilles
de son chien, tantôt avec les bords de ses vôtemens; il ouvrait
et fermait le bassinet de son fusil, d'une main qui tremblait,
de manière à faire croire qu'elle n'était plus en état de le
manier.
«Votre grand-père n'avait donc pas tout-à-fait oublié l'homme
blanc ? demanda le trappeur, quand le jeune homme eut cessé
de parler. — Il l'avait si peu oublié qu'il y a dans notre fa-
mille trois personnes qui en portent le nom. — Qui en portent
le nom, dites-vous? s'écria le vieillard en tressaillant; quoi!
des hommes riches, élevés, honorés, et ce qui vaut encore
mieux, des hommes justes portent son nom? son véritable
nom? écrit avec les mêmes lettres, commençant par un N et
finissant par un L (Nathaniel). — Exactement, répondit le
jeune officier en souriant. — La nature ne put combattre plus
long-tems. Accablé par une foule de sensations extraordi-
naires, stimulé par des souvenirs endormis depuis bien long-
tems et réveillés tout à coup d'une manière si étrange, le vieil-
lard n'eut que la force d'ajouter d'une voix creuse dans laquelle
les efforts qu'il faisait pour parler permettaient à peine de
reconnaître le son naturel delà sienne : « Jeune homme, je suis
ce batteur d'estrade, jadis guerrier, maintenant misérable trap-
peur; » et deux fontaines, qui semblaient taries depuis Jong-
tems , lui fournirent alors de nouvelles larmes qui coulèrent
avec abondance le long de ses joues ridées. Appuyant la tète
sur ses genoux, il la couvrit d'un pan de son habit de peau de
daim, et on l'entendit sangloter.»
Bornons ici cette citation que j'ai beaucoup abrégée. Elle
358 LITTÉRATURE.
suffit pour montrer avec quel talent M. Cooper sait peindre
les passions, sans jamais sortir de la nature.
Mais, si ses livres ont au plus haut degré les qualités que
j'ai signalées, ils ne sont peut-être pas exempts des défauts que
nous trouvons dans la plupart des romans historiques. Je mets
au premier rang la manie de faire son roman en quatre vo-
lumes. On est forcé, pour arriver à ce nombre, d'avoir recours
à un usage immodéré des dialogues : on fait converser ses per-
sonnages souvent sur des choses qui ne tiennent nullement à
l'action, ou pour peindre des caractères ou des ridicules que
le lecteur n'a aucun besoin de connaître. Walter Scott a mis
à la mode ce moyen d'allonger un livre, et j'ai entendu vanter
ces dialogues éternels dont il a rempli ses romans: je conviens
que dans les premiers momens on a pu être surpris et flatté
même de la tournure vive qu'ils donnent aux portraits que
veut offrir l'auteur, et de l'originalité de ces conversations :
mais un peu de réflexion aurait dû convaincre que cette con-
fusion de genres n'est pas du tout favorable à la narration.
Qu'au théâtre, où le dialogue est le seul moyen, on l'emploie
pour faire connaître les personnages et les faits, rien de mieux;
mais, quand on peut raconter, qu'on s'amuse à faire discourir,
c'est ce qui ne sera conçu que par ceux qui savent quelle est
l'exigence des libraires. Ce n'est pas que je biàme le dialogue
quand il est employé pour un but utile, comme le dévelop-
pement d'une idée ou d'un caractère qu'il est important de
connaître, ou quand il se rattache immédiatement au drame;
mais, le plus souvent, il n?est là que pour former une
scène dont on se passerait facilement. C'est ainsi que dans
TEspion, les officiers de l'armée américaine dissertent sur la
dureté de la vache qu'on leur fait manger; que, dans Lionel
Lincoln, le capitaine Polwarth discute longuement avec Mac-
Fuse sur l'ordonnance et les apprêts d'un dîner. On accordera
sans peine que de semblables questions ralentissent beaucoup
la marche d'un roman.
Un autre caractère de tous les auteurs qui appar tiennent à
l'école de Walter Scott, c'est l'emploi de personnages en quel-
LITTÉRATURE. 35g
que sorte biiriiatui ils, et qui exercent su i • les autres iiclcms
«me influence merveilleuse , qui trop souvent n'est pas expli-
quée : L'Espion , le Pilote, Lincoln le père* sont des êtres de ce
genre. Sous le rapport de l'intérêt, ou aurait tort de s'en
plaindre ; car nous sommes tous tellement amis du merveilleux,
que nous ne pouvons nous en détacher, sous quelque forme
qu'il se présente; et, pour le dire en passant , les romanciers de
ce siècle ont montré quel cas il fallait faire des déclamations
des critiques du siècle passé contre l'emploi du merveilleux
dans le poème épique. Mais j'avoue que dans un roman des-
tiné à peindre la société au sein de laquelle nous vivons, j'ai-
merais mieux qu'on ne présentât pas de ces êtres fantastiques,
dont l'apparition, même dans un livre, peut produire des im-
pressions dangereuses sur les tètes faibles et sur l'imagination
des femmes.
Une création qu'il est plus difficile d'excuser sous le rap-
port littéraire, c'est celle de ces personnages grotesques, re-
produits presque partout. Dans les Mohicans, c'est David la
Gamme, le maître de chant; dans la Prairie. , c'est le médecin
Obed; dans l'Espion, le chirurgien Sitgreaves : non que ces
caractères soient blâmables en eux-mêmes, puisqu'ils sont dans
la nature, et qu'ils n'ont rien de repoussant; mais il est trop
clair qu'ils sont placés là sans aucune nécessité, seulement
pour que les conversations qu'on leur fera tenir, ou les actions
ridicules qu'on leur prêtera , allongent encore le volume.
Il n'en est pas de même de ces figures où les auteurs semblent
avoir voulu montrer ce que peut devenir l'homme, lorsque ses
facultés, fortement excitées et dirigées vers un même but, sont
encore favorisées par une taille ou une force peu ordinaires :
tels sont, dans l'Espion, et dans le Pilote , le capitaine de dra-
gons Lawton et le contre-maître Tom-le-Long : ces personnages
sont de véritables créations, et le rôle important qu'ils jouent ne
permet pas de les regarder comme des hors-d'œuvre. Il fau-
drait y ajouter, dans un autre genre, quelques portraits de
femmes, qui tous se distinguent par la grâce caractéristique du
sexe, jointe tantôt à une fermeté de résolution peu commune,
3Go LITTERATURE.
tantôt à une douceur ou à une faiblesse que nous ne rencon-
trons que trop. A cet égard même, on pourrait peut-être
signaler dans les ouvrages du romancier américain un peu de
monotonie; car il oppose presque toujours deux sœurs ou deux
cousines, ou deux amies, dont l'une est la sensibilité même, et
l'autre la gaîte personnifiée; mais ces tableaux ont tant de
fraîcheur et tant de grâce, que personne assurément ne sera
tenté de lui en faire un reproche.
Ces observations prouvent avec quelle impartialité la Revue
Encyclopédique apprécie\esou\Tr âges âom elle présente l'examen.
M. Cooper est l'un des hommes que son beau talent et son
noble caractère doivent le plus faire estimer. Nous avons dit,
sans restriction , combien nous trouvions à louer dans ses ou-
vrages ; mais la vérité nous faisait un devoir de relever les
défauts qui, selon nous, les déparent quelquefois. Notre fran-
chise même est un hommage rendu à l'écrivain d'un mérite
supérieur dont nous avons lu avec un soin consciencieux les
admirables productions; et nous aimons à croire qu'il nous
saura gré d'une critique sincère qui seule pouvait donner du
prix à nos éloges.
B. J.
BEAUX -ARTS.
(i) L'enseignement du dessin linéaire, a après une
méthode applicable a toutes les écoles pri/naires , quel
que soit le mode d'instruction qu'on y suit; par
L. B. Francoeur. Deuxième édition (2).
Cet ouvrage est la seconde édition d'un livre sur le même
sujet , mais qui était destiné seulement à la méthode de l'en-
seignement mutuel ; ce livre avait paru en 1819. On peut faci-
lement pressentir ce (pie huit ans d'expériences ont dû fournir
de documens importans à l'auteur, dont on a pu, dans plus
d'une circonstance, apprécier la haute instruction et le zèle
éclairé : cette seconde édition , par sa nouvelle application ,
et par la liaison que M. Francœur a établie entre l'exercice du
dessin purement linéaire , et son emploi dans toutes les bran-
ches des arts graphiques et dans celles des arts d'imitation,
offre des perfectionnemens qui méritent notre attention; mais
avant de procéder à l'indication de ces perfectionnemens , je
crois devoir jeter un coup-d'œil sur l'origine , la nature et les
résultats du dessin linéaire, qui ne me semblent pas avoir en-
core été convenablement envisagés.
On croit assez généralement que le dessin linéaire est une
découverte moderne; on le rattache au système d'enseignement
mutuel attribué par parenthèse assez mal à propos à une in-
vention anglaise récente ; bien qu'il soit déjà anciennement
mentionné , notamment dans le Traité des études de Rolliu.
(1) M. le baron de Silvestre, membre de l'Académie des Sciences,
ayant fait à cette société , sur l'ouvrage de M. Francœur, un Rapport
verbal qu'il a bien voulu nous communiquer, nous ne croyons pouvoir
mieux faire connaître le traité de Y Enseignement du dessin linéaire ,
qu'en présentant ce rapport à nos lecteurs.
(2)Paris, 1837; L. Colas. 1 vol. in-8° de vj-175 pages, avec un H-
tret des problèmes contenant 6 feuillets , et un atlas in-fol. de 1 a pi.
36a BEAUX- ARTS.
Il suit de cette erreur que les avantages ou les inconvéniens
qu'on attribue à ces procédés sont assez ordinairement en
raison du jugement qu'on porte sur les moyens d'éducation
simultanée ou réciproque dernièrement mis en usage plus gé-
néral , et qui ont été successivement accueillis ou repoussés,
en grande partie , suivant qu'on les regarde plus ou moins
comme des produits de l'esprit d'innovation.
Il ne serait peut-être pas inutile de dégager cette méthode
du vernis de nouveauté qui la rend suspecte à quelques per-
sonnes d'ailleurs éclairées, et qui empêche qu'elle ne soit im-
partialement examinée dans ses procédés et dans ses résultats;
sous ce rapport, il me paraîtrait à regretter qu'un semblable
sujet n'eût pas été soumis à l'Académie des beaux arts qui
était plus intéressée à l'approfondir, et dont le jugement aurait
donné un plus grand poids encore, et une plus immédiate
application à la décision qui peut intervenir à cette occasion.
En effet, et suivant ma pensée, l'enseignement du dessin
linéaire, n'est pas seulement un exercice convenable à tous
les hommes, et qui semblable à l'écriture est pour eux un
moyen lucide de s'exprimer; ce n'est pas seulement une occu-
pation nécessaire à tous les artisans pour faciliter les travaux
qu'ils sont appelés à exécuter; mais il semble qu'il soit encore
une étude élémentaire , très-utile à tous les artistes , aux
peintres, aux sculpteurs , aux architectes, et qui peut influer
pendant toute leur vie sur la perfection de leurs ouvrages.
Cette assertion pourrait paraître hasardée s'il n'était facile de
l'appuyer sur deux considérations générales assez impor-
tantes : la première, tirée de la nature même des organes que
nous employons à l'imitation des objets; la seconde , de l'ob-
servation que dans les siècles les plus renommés pour les
beaux-arts, des pratiques analogues au dessin linéaire étaient
employées dans l'éducation des jeunes artistes. Je me bornerai
à traiter très-sommairement ces deux importantes questions.
Le dessin linéaire a pour objet de rectifier le coup d'œil de
l'élève et d'assurer sa main ; on cherche à l'accoutumer à voir
bien et à tracer juste; je n'aurai pas besoin d'expliquer coin-
BEAUX-ARTS. 369
ment l'enfant qui commence à dessiner n'a pM naturellement
l'ceil juste et n"a pas la main sûre; le second défaut provient
plus encore du premier, qu'il ne virni do manque d'habitude ;
le premier défaut est facile à concevoir, lorsqu'on observe
que pour réduire im objet qu'on vent imiter, le coup d'œil
fixe successivement divers points de l'original , et qu'il réunit
ces divers points en un seul sur la copie ; ces regards successifs
portés sur l'objet qu'on veut reproduire ont besoin d'être ra-
menés à l'unité par un jugement très -exercé, et ce jugement
se forme avec plus de rapidité sur des ligures régulières, dont
la donnée est invariable, que sur des corps irréguliers dont
l'œil inexercé apprécie vaguement les contours, les distances
et les directions.
L'examen des études du dessin dans les ateliers modernes
fournit des preuves irrécusables à ces assertions : les jeunes
élèves auxquels on commence à donner à copier des parties
de la figure , simples en apparence , passent un tems très-
long à les imiter passablement; ils manquent de ce coup d'œil
exercé par le tracé des lignes géométriques qui leur aurait
appris à saisir avec exactitude, les longueurs , les distances et
les directions. J'ai vu des artistes conserver toute leur vie de
l'inexactitude dans la fixation exacte des rapports de situation,
d'étendue et de direction entre les différentes parties d'une
figure, et commettre à cet égard des erreurs qui étaient re-
levées avec justesse par des personnes étrangères à l'art , et
dont l'observation semblait dessiller les yeux à l'auteur même
de l'ouvrage : je n'ai point observé cette inexactitude chez les
élèves instruits dans l'art du dessin par la méthode linéaire;
ils acquièrent en général en peu de mois une grande certitude
dans l'appréciation des distances, des parties, des directions
des lignes , et dans le tracé des formes qu'elles représentent.
J'avais déjà remarqué les mêmes résultats en examinant des
élèves formés à Paris il y a vingt ans , suivant une méthode
analogue employée par M. Cloquet , habile professeur de
dessin , et j'ai vu les mêmes faits dans l'institution déjà an-
cienne de Pestolozzi , et dans celles qui sont aujourd'hui diri-
3f,', BE.1UX-ARTS.
gées sous ce rapport d'après les principes du célèbre profes-
seur d'Yverdun , par MM. de Fcllenberg à Hofwyl , et le père
Girard à Fr ibourg. L'ouvrage de M. Francœur fait connaître
que plusieurs écoles de dessin linéaire en France, et notam-
ment celles de Libourne et celles de Paris, ont obtenu les
(tiennes résultats.
Mais comme je l'ai déjà dit , loin d'être nouveau , l'en-
seignement du dessin linéaire ou de pratiques analogues, avait
été employé à l'éducation des artistes dans les siècles les plus
renommés pour les beaux -arts. Raphaël Mengs, qui avait
étudié avec tant de soin les procédés des anciens , dit dans ses
leçons pratiques de peinture : « Qu'il faut commencer à ins-
truire un élève, en lui faisant tracer des ligures géométriques
sans règle et sans compas, afin qu'il acquière la justesse de
l'œil , qui est la base fondamentale du dessin , puisqu'il n'y a
pas de figures qui ne soient composées de lignes géométriques
simples ou mixtes » Il avait lui-même commencé de cette ma-
nière l'étude de la peinture : il raconte que dès qu'il eut l'âge
de six ans (vers 1734), les premiers soins de son père se bor-
nèrent à lui faire tracer les lignes droites les plus simples ,
telles que la verticale, l'horizontale, l'oblique , jusqu'à ce que
l'enfant fut parvenu à les tirer juste, d'une manière ferme et
hardie ; il le fit passer ensuite aux figures géométriques les
plus simples, mais toujours sans règle ni compas, jusqu'à ce
qu'il eut acquis la justesse de l'œil ; puis il lui enseigna à des-
siner les contours du corps humain en l'obligeant à les ré-
duire, le plus qu'il était possible, à des figures géométriques:
il le faisait ensuite dessiner à l'encre de la Chine , afin de lui
ôter les moyens de retoucher son ouvrage : il lui fit aussi ap-
prendre de très-bonne heure la perspective.
On voit ici la description tout entière des procédés de l'en-
seignement du dessin linéaire pratiqué il y a près d'un siècle :
et, sans vous parler des élémens de dessin de notre Jean Cou-
sin , qui recommande avec tant de force des études analogues ,
je pourrais aussi vous citer Gérard Lairesse , né il y a près de
deux siècles, et qui dans ses principes de dessin expose, avec
Il E AUX- A RTS. 566
de très-grands détails, la pratique du dessin linéaire qu'il con-
sidère '-oiniiie un moyen court et facile tTapprendre le dessin
par les clcnuns de la ^.ometric , et qui passe ensuite aux leçons
de perspective et d'anatomie, a\;:ni d'appliquer ses élèves
aux méthodes par lesquelles on les fait commencer aujour-
d hui dans nos i.tcliers modernes.
Je pourrais joindre à ces citations celle de presque tons les
auteurs renommés qui ont écrit sur l'enseignement du dessin,
et sans parler de Cimabué , le restaurateur de la peinture en
Italie, qui était aussi architecte, et qui parait avoir employé
des procédés de ce genre au xine siècle, ni de Giotto , son
élève, qui, interrogé sur ce qu'il savait faire, se bornait à
tracer à main-levée un cen le parfaitement régulier ; je citerais
comme des autorités encore plus imposantes, Albert Durer
et Léonard de Vinci , qui vers la lin du xve siècle recom-
mandent le tracé des corps réguliers aux élèves en peinture;
Léonard dit que le jeune peintre doit d'abord apprendre la
perspective pour savoir donner à chaque chose sa juste me-
sure ; il recommande l'emploi des niveaux et des aplombs, et
veut qu'après s'être rendu bon perspectif, il acquière une
connaissance approfondie des mesures du corps humain.
Si nous voulions pénétrer plus profondément encore dans
les tems passés, nous verrions que Vitruve , qui a vécu sous
Auguste , recommande expressément l'emploi des lignes et des
mesures; il donne les rapports proportionnels de toutes les
parties du corps humain entre elles, et dit formellement que
ces mesures étaient celles dont les excellens peintres et sculp-
teurs de l'antiquité s'étaient servis; il montre combien ils met-
taient d'importance à connaître les justes proportions et les
rapports exacts de ces parties entre elles. Nous avons lieu de
penser d'après Aristote et Pline que l'élude du dessin faisait
partie de l'éducation publique chez les Grecs; mais Pline dit
formellement que les jeunes gens qui se destinaient à la pein-
ture étudiaient la géométrie; il cite notamment le peintre Pam-
phile qui enseignait cette science à ses élèves , et il parle, ainsi
que Vitrwve, des canons géométriques qui avaient été formés
365 BEAUX-ARTS.
en Grèce par les plus habiles artistes pour l'étude des beaux-
arts; d'après ces faits, ou ne peut douter qu'Apelle n'eût com-
mencé par la géométrie ses études en peinture , puisqu'il
avait été à l'école de Pamphile ; d'un autre côté , on sait que
les canons de Parrhasius et de Polyclète étaient surtout re-
nommés chez les anciens , et il paraît, suivant Diodore de
Sicile, que les Grecs tenaient des Égyptiens l'habitude de faire
usage, pour la pratique des beaux-arts , de ces canons géomé-
triques qu'ils avaient ensuite tant perfectionnés.
On est autorisé à penser que les Grecs, comme les Italiens
du xve siècle , se servaient pour l'étude des beaux-arts d'un
moyen analogue au dessin linéaire, et qu'ils ont peut-être dû
à cette première habitude l'avantage de tracer des traits régu-
liers avec hardiesse et précision , la grande pureté de leurs
contours , la justesse et la régularité des proportions dans
leurs tableaux, leurs statues et leurs monumens. Nous re-
trouvons ces qualités à un degré supérieur dans les cartons
que ces grands hommes nous ont laissés , et nous apprécions à
quel point cette pureté du contour était recherchée par les
anciens, et quel prix ils attachaient à sa perfection , lorsque
nous voyons dans l'histoire, qu'Apelle s'était fait reconnaître
de Protogène par une figure qu'il avait tracée sur son tableau,
que Michel-Ange le fut également de Raphaël , en employant
en son absence le même procédé.
Il y a dans ces citations des auteurs qui ont écrit sur le dessin
linéaire, un fait qui paraît digne d'attention; quelques-uns
comme Petalsozzi et les écrivains plus modernes ont princi-
palement considéré cet exercice de l'œil et de la main des
enfans , comme applicable surtout à la pratique des arts in-
dustriels, et comme convenable à tous les hommes du monde,
quel que puisse être le genre d'occupation à auquel ils seraient
dans le cas de se livrer ; mais Yitruve , Léonard de Vinci ,
Gérard Lairesse, Jean Cousin , Mengs , etc.; l'ont uniquement
considéré comme indispensable aux élèves peintres , et comme
devant avoir exercé une notable influence sur la perfection
des travaux des grands artistes : serait-il donc vrai que ces
BEAUX-ARTS. 3 fi 7
premières lignes de pur métier, exigées de très jeunes élèves ,
DUSSenl avoir non-seulement une influence sur in rapidité «le
leurs premiers progrès , mais qu'elles eu exerçassent encore à
eeiie époque où leur talent dans toute sa maturité ne laisse
plus la faculté «le songer à leurs premiers efforts, et où l'ad-
miration publique semble attribuer la perfection de leurs
ouvrages à la seule inspiration du génie? Cette question pa-
raîtrait fort importante à traiter, et il me semblerait à désirer
qu'elle attirât spécialement l'attention de l'Académie des beaux-
arts.
Quant à moi, je suis loin de penser qu'une semblable mé-
thode d'enseignement ait suffi à faire produire ces chefs-
d'œuvre des arts, qui sont restés des objets inimitables d'une
constante admiration; sans doute, il existe d'autres causes de
la supériorité des arts d'imitation à certaines époques, mais le
développement de ces causes, quelque intérêt qu'il pût inspi-
rer, paraîtrait étranger à l'objet de ce rapport. Il suffit , je
crois, d'avoir rappelé que lors de ces époques les plus remar-
quables pour les beaux-arts, les connaissances des élémens de
mathématiques et le tracé des lignes géométriques faisaient
partie de l'enseignement qu'on donnait aux jeunes élèves qui
se destinaient à la pratique des arts d'imitation. Je crois devoir
faire remarquer aussi , qu'il se pourrait que les leçons de des-
sin géométrique qui semblent avoir fait partie de l'éducation
chez les Grecs, en y généralisant les moyens de juger avec
rectitude les productions des beaux- arts, eussent entretenu
l'émulation des artistes qui savaient que leurs ouvrages seraient
soumis à d'équitables appréciateurs. Cette considération peut
contribuer à rendre raison de l'enthousiasme universel et pres-
que incroyable que les monumens des arts excitaient dans la
Grèce entière, et de la noble ambition qu'un semblable en-
thousiasme devait produire parmi les grands artistes dont cette
nation a pu s'enorgueillir.
Après avoir écarté le préjugé de nouveauté qui pouvait
inspirer des préventions dans les jugemens portés sur le dessin
linéaire, je dois indiquer les rapports sous lesquels M. Fran-
368 BEAUX-ARTS.
civnr a perfectionné la première édition de son ouvrage. Il
divise sa seconde édition en six sections; dans la première, il
traite du dessin linéaire à main-levée; il donne à cet égard des
préceptes analogues à ceux qu'il avait consignés dans sa pre-
mière édition. Les élèves, soit qu'ils s'exercent individuelle-
ment, soit qu'ils travaillent simultanément, tracent sur la
demande du professeur des lignes horizontales, verticales,
obliques; ils les font YPune longueur déterminée; ils les divisent
en parties proportionnelles; ils mènent des parallèles dans
toutes les directions, à des distances indiquées; ils font des
angles, des triangles, et des rectangles de toutes dimensions.
Le tracé successif et souvent répété de toutes les figures rec-
tilignes ou curvilignes familiarise les élèves avec la construc-
tion à vue et à main-levée de tous les corps réguliers; le pro-
fesseur rectifie sous leurs yeux leur travail à l'aide de la règle
et du compas dont il est seul autorisé à faire usage.
On pourrait peut-être borner à ce simple exercice l'enseigne-
ment du dessin linéaire, puisqu'il ne s'agit que de rendre l'œil
de l'élève juste, et sa main sure, et qu'un long exercice des
procédés compris dans cette première division produit ordi-
nairement cet effet; mais M. Francœur ouvre aux élèves dans
les sections suivantes une autre carrière d'application qu'il
leur est bien utile de parcourir.
Dans la seconde section il cherche à les familiariser avec
l'emploi de la règle et du compas, pour parvenir au tracé
géométrique des mêmes figures qui avaient été dessinées à
main-levée, et pour leur apprendre à pouvoir donner à leurs
travaux cette précision nécessaire pour la construction, préci-
sion que la plus grande habileté de l'œil et de la main ne sau-
rait jamais égaler : cette section, non plus que les trois sui-
vantes, ne faisait pas partie de la première édition de l'ou-
vrage de M. Francœur ; il expose dans la troisième section
les premiers élémens de l'art des projections, à l'aide desquels
il donne des notions de la levée des plans et de l'art des cons-
tructions. Il a cherché à établir dans sa quatrième section,
pour les élèves qui se destinent à la pratique des beaux-arts,
BEAUX-ARTS. 36g
quelle était lu transition la plus convenable entre le dessin
rigoureusement indiqué des figures géométriques et celui des
figures naturelles irrégulières; il a traité avec soin ce passage
difficile de la pratique du métier, à l'exereice de l'art, et
il a fait apprécier le danger de laisser substituer par les étu-
diaus la raideur à la rectitude , par un emploi inconsidéré
de ces moyens de régularité : il n'abandonne pas néan-
moins encore ses élèves à leur simple coup d'œil;eten con-
tinuant l'usage des mesures et des lignes pour les principales
divisions et pour les rectifications qui pourraient être né-
cessaires , il semble placer sous la main môme de l'élève un
régulateur toujours présent , qui prévient les erreurs qui
pourraient l'abuser encore et lui donne les moyens de
rectifier lui-même les fautes qui auraient pu lui échapper.
M. Francœur part de ce principe incontestable, que toute
figure , quelque compliquée qu'elle soit , peut être ramenée aux
rectangles et aux cercles. Avec l'habitude déjà acquise par
l'élève de tracer très-correctement des rectangles et des cercles
de toutes les dimensions et de les diviser en parties propor-
tionnelles; il trace et divise ainsi les masses des objets qu'il
veut représenter, afin d'en resserrer les détails dans de justes
limites; cette méthode est celle qu'emploient les géographes
lorsqu'ils veulent tracer une carte on un plan ; c'est celle
qu'emploient les peintres lorsqu'ils veulent réduire un grand
tableau, si ce n'est qu'ils font avec la règle et le compas ce
que les élèves qui ont pratiqué le dessin linéaire peuvent faci-
lement exécuter à vue et à main -levée. Après avoir dessiné
quelque tems, ainsi dirigé par des carreaux proportionnels
tracés sur l'original et sur la copie , l'élève s'habitue peu à peu
à substituer des lignes idéales aux lignes matérielles de son
réseau; une réglette marquée de divisions équidistantes, qui
lui sert tant pour les niveaux que pour les aplombs, le pré-
pare à se passer de toute espèce de régulateur. M. Francœur
termine cette section par des considérations sur les dimensions
de toutes les parties du corps humain qui doivent être l'objet
de l'instruction donnée aux élèves: il cite à cet éçard les régies
t. xxxvi. — Novembre 1827. 24
57p B FAUX- ARTS.
données par Jean Cousin, en faisant observer que ces règles
ne sont pas rigoureuses, et peuvent seulement présenter des
termes moyens entre les meilleures proportions. C'est surtout
ce genre d'étude auquel les anciens s'appliquaient avec une
grande prédilection, et pour lequel les plus habiles peintres
et sculpteurs avaient écrit, sous le titre de canons, des règles
que nous ne connaissons plus que par leur renommée, mais
qui sont bien à regretter si elles ont contribué à former les ar-
tistes dont les productions si parfaites nous semblent inimi-
tables , ou bien si ces préceptes sont le résultat des profondes
méditations de ces artistes habiles.
M. Francœur expose dans la cinquième section de son ou-
vrage les règles de la perspective; et il a réuni dans un petit
nombre de pages ce qui est à l'usage des peintres, et peut être
compris et retenu par eux avec une telle facilité qu'on doit être
surpris qu'un aussi grand nombre d'entre eux dédaigne de
consacrer quelques journées à acquérir une connaissance si
nécessaire à l'exécution de leurs travaux.
Un atlas in-folio, composé de douze tableaux, présente le
tracé de toutes les figures qui doivent servir de modèle aux
élèves dans l'étude des différentes sections de l'ouvrage.
M. Francœur aurait pu terminer ici son livre ; tout ce cjui
concerne le dessin linéaire, tout ce qui concerne même le des-
sin des artisans et celui des artistes, se trouvait exposé en ce
qui a pour objet les élémens de cet art si difficile. Un jeune
élève qui posséderait parfaitement toutes les parties de cet ou-
vrage, lors même que ce serait sans comprendre les préceptes
spéciaux qui lui auraient été donnés, mais par la seule force de
l'imitation et de l'habitude, serait en état de faire des progrès
rapides, en suivant pour l'étude de l'art les leçons de nos habiles
professeurs; mais l'auteur a voulu tirer un nouveau parti de son
ouvrage pour la plus grande instruction de ceux des élèves qui,
en dessinantles figures géométriques, auraient parfaitement com-
pris les préceptes spéciaux; il a voulu leur faciliter les movens
d'appliquer utilement le calcul et la connaissance des figures
géométriques qu'ils avaient acquis, et il a terminé sa seconde
Kl W \ \I!'IS. 3;'|
édition comme il avaii terminé la première, par une série de
problèmes où les calculs sont appliqués à là géométrie; il a
réuni eu conséquence en un corps de doelrine, les counais-
sances simples dé la géométrie el du calcul; il a exposé la
série des règles et des problèmes les plus fréquens dans les
usages ordinaires de la vie, et il y a joint des exemples nu-
mériques pour faire concevoir l'application des principes. Cet
exercice qui occupe agréablement les élèves, en présentant un
but manifestement utile aux calculs qu'on exige d'eux, mettent
les artisans à même de mesurer l'étendue des résultats de leur
travail, de faire eux -mêmes leur devis, de composer leurs
mémoires, de calculer le prix et la quantité des matériaux né-
cessaires à leurs entreprises, enfin de faire toutes les évalua-
tions qui se rapportent à l'état qu'ils exercent.
Je me suis arrêté avec intérêt sur l'ouvrage de M. Fran-
cœur. II m'a paru que l'auteur avait bien rempli son objet; il
est à désirer que ce livre fasse partie de l'instruction générale
élémentaire; l'industrie française lui devra des succès: il est
facile d'apprécier combien l'instruction élémentaire de la géo-
métrie et celle du dessin, donnée aux simples artisans, peut
faire prévoir de progrès à nos arts et métiers. Un objet non
inoins important de ce travail est l'indication des exercices
préparatoires à l'étude des arts d'imitation ; le résultat que je
regarde comme incontestable a néanmoins besoin, pour avoir
l'assen liment général , d'obtenir celui de l'Académie des beaux-
arts, et je fais des vœux pour que le travail de M. Francœur et
les procédés d'instruction des anciens, qui sont propres à le
corroborer, paraissent à celte académie dignes de sa plus
sérieuse attention.
de Silvestre , membre de l'Insliluf.
i4-
III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
LIVRES ÉTRANGERS (i).
La cessation de la Censure nous permet de rétablir, dans ce cahier,
avec l'indication suivante X , les articles qu'elle avait rejetés.
AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
ÉTATS-UNIS.
10q# — * Transactions oj the american philosophical so-
rietfj etc. — ■ Transactions de la Société philosophique améri-
caine . établie à Philadelphie pour hâter les progrès des con-
naissances usuelles. Tome ni, ire partie delà nouvelle série.
Philadelphie, 1827. Imprimerie de James Ray junior. In-40
de 184 pages.
Ce cahier des Transactions de la Société philosophique amé-
ricaine contient une grammaire de la langue des Indiens Lenni-
Lenape, ou Delawares, traduite du manuscrit allemand de feu
le révérend David Zéisberger, par M. Pierre- Etienne Dupon-
ceau. Cet ouvrage est d'un si grand intérêt qu'il faut l'étudier
long-tems avant d'en faire l'analyse; et après ce premier travail,
on sentira peut-être la nécessité d'étudier encore. Cette gram-
maire , dit M. Duponceau , est l'œuvre d'hommes qui n'avaient
point le secours des sciences et des arts, enfans de la nature,
<fuidés par une intelligence encore inexercée. Et cependant sa
langue est riche, méthodique, régulière, quoique variée dans
ses formes... Il ajoute plus loin que, tandis qu'on imprimait sa
traduction, une foule d'observations se sont offertes à son
esprit, et il se réserve de publier un jour celles qu'il n'a pu
mettre ici sous la forme de notes. Tous ceux qui liront atten-
tivement cette grammaire seront précisément dans le même
fi) Nous indiquons par un astérisque (*) , placé à côté du titrede chaque
ouvrage, ceux des livres étrangers ou français qui paraissent dignes d'une atton-
tiou particulière , et nous eu reudrous quelquefois compte daus la section des
Analyses.
ÉTATS I M.s.
cas : après la leclure, ils seront assiégés par une surabondance
rie pensées, <!<■ remarqués, de comparaisons, et se trouveront
plus capables de travaux philologiques qu'ils De Triaient aupa-
ravant* Nous essaierons «le comparer à cette langue américaine
nos principales grammaires de I Europe, et de rechercher celle
qui en approche le plus, s'il est encore tems damasser des
matériaux pour composer l'histoire de l'esprit humain, cesl
dans l'étude (les langues que l'on trouvera les plus anciens et
les précieux : remercions doue Mf. Duponceau d'avoir publié
l'ouvrage de Al. Zéisberger, el des additions qu'il y a faites, et
de celles qu'il se propose d'y faire. Y.
1 10. — * Memoirs an the canal of New- Yorks etc. — Mémoires
sur le canal de New-York. New- York, 182G. In-4° de plus de
l\ 10 pages.
La description de la cérémonie de l'ouverture du grand
canal, qui joint le lac Érie à l'Océan , a été publiée, en 1 8ar> ,
par ordre de la corporation de la ville de INew-York. Elle se
compose: i° d'un mémoire rédigé sur la demande du comité
formé dans le conseil commun de la ville de New- York, et
présenté au maire de la ville , le jour de l'ouverture du canal ,
par M. Cadwalladeu D. Colden ; 2° d*nn appendice conte-
nant la relation de la cérémonie d'ouverture du canal d'Érié
par la corporation de la ville de New-York, avec le récit des
dispositions faites par les négocians, les citoyens et les socié-
tés pour célébrer dignement cet événement; 3° d'un rapport
détaillé des comités de la corporation, par le général Fleming,
qui, en sa qualité de grand-maréchal, conduisit le cortège à
travers la ville; et par M. C. Rhind, qui dirigea les opéra-
lions hydrauliques. On y trouve aussi le récit succinct de toute
la cérémonie, depuis Buffaloe jusqu'à l'Océan, et de celui-ci
à Buffaloe, préparé par M. W. L. Stone, sur l'invitation du
comité, etc.
«L'Océan et les mers méditerranéens de notre continent,
dit M. Colden, sont enfin réunis. Des canaux de plus de
quatre cents milles d'étendue ont été construits en moins de
neuf années, aux fiais et par les bras des citoyens d'un seul
état, sur le territoire duquel aucun blanc n'avait encore mis le
pied an commencement du 17e siècle. Des bâtimens partant
des bords du lac Érié franchiront les collines et les vallées
intermédiaires, et les navires de l'Océan paraîtront sur un
point qui , il y a deux cents ans, était environné d'un désert,
que se disputaient des tribus sauvages ennemies. Ces Indiens,
comme tous lès hommes plongés dans la même barbarie, pa
laissaient considérer la guerre comme leur condition natti-
3; i LIVRES ÉTRANGERS.
relie 3 et traitaient tout étranger comme un ennemi. Leur igno-
rance et leur superstition leur faisaient envisager comme
surnaturel tout ce qui était extraordinaire. Lorsqu'ils virent le
premier navire européen s'approcher de leurs côtes , et surgir,
pour ainsi dire, du sein de l'Océan, et lorsqu'ils aperçurent à
son bord des êtres de forme humaine, ils s'imaginèrent que
c'était leur grand dieu Maniilo, accompagné de ses esprits,
qui voguait sur les eaux.
« La rencontre des bateaux des lacs et des vaisseaux venus
de la mer aura lieu près de l'endroit où celui qui découvrit
notre fleuve majestueux, et lui donna son nom, prit terre en
1609. La première terre de l'état sur laquelle Hudson posa le
pied est, à ce qu'on croit, l'île de Coney. Quelle différence
entre son aspect actuel et celui qu'elle présentait alors! On y
retrouve les mêmes grands ouvrages de la nature que Hudson
contempla : la mer, les baies spacieuses, et le beau fleuve qui
descend des montagnes. Mais les huttes de sauvages ont fait
place aux habitations d'un peuple civilisé, riche et libre. Un
désert inculte a été converti en riantes campagnes, produisant
tout ce qui est nécessaire aux besoins et aux jouissances de
l'homme. Au lieu de canots remplis de ces sauvages, qui firent
retentir les airs de hurlemens à la vue du vaisseau d'Hudson ,
on verra des barques magnifiques, somptueusement ornées,
et portant des milliers de nos concitoyens, glorieux de l'ac-
complissement d'un ouvrage, qui atteste l'immense espace qui
sépare l'homme civilisé de. sauvage. »
Le mémoire de M. Colden , d'une étendue de 102 pages, est
enrichi de son portrait, d'une carte des États Unis, d'une autre
de l'état de New-Vork, et d'une troisième du territoire habité
autrefois par les Indiens des cinq nations , dont Cadwallader
Colden, lieutenant-gouverneur de la province de New-York,
aïeul de l'auteur, a écrit l'histoire en 1724. L' 'appendice, de
3o8 pages, renferme la description de tout ce qui s'est passé à
l'occasion de l'ouverture du canal, deux cartes, des portraits
de l'honorable Philip Hone , maire de la ville de New- York en
1826-, du gouverneur De Witt Clinton , à qui l'état de New-
York est particulièrement redevable de cette entreprise; de
Samuel L. Mitchill, ancien représentant et sénateur au con-
grès, et professeur de botanique et de matière médicale à
l'université de New- York; des honorables JVilliam Paulding,
maire de New- York, en 1824 et i8a5; et Richard Rire, rap-
porteur de la ville de New-York pour 1826; enfin, trente-six
vues, soit du pays que parcourt le canal, soit de ce qui a eu
lieu à la fête de son ouverture. W.
AVUi.u.s EUROPE.
Ouvrages périodiques.
îii. — ■ " A tuiles de eie/iiias , agrtcttlturû , eomeieio y a/tes-
— Annales des sciences, de l'agriculture , dll commerce; et des
;uts. La lla\ane, i 8a^.
Cet ouvrage] publié par, cahiers, doit être un recueil de
docunu'us sur L'île de Cuba, s;» géographie physique, sa statis-
tique, cic. Le principal rédacteur est M. J). Hamon de l\
Sacra, directeur du jardin botanique de la Havane. On trouve
dans le premier cahier des extraits de la correspondance de ce
savant botaniste avec MM. Base, de Candolle , Ztgrâ et. Cari
Mditius. D'autres correspondances avec l'Europe ou les Etats-
l ois d'Amérique seraient aussi fort utiles pour donner à ce
nouveau recueil le caractère que doivent avoir aujourd'hui les
communications entre ceux qui cultivent les sciences, ou entre
les sa vans et le public. La minéralogie et la géologie de Cuba
sont encore peu [connues; mais, pour bien observer l'une et
l'autre, et pour rédiger convenablement les observations, il est
indispensable de connaître l'état des sciences hors des lieux où
l'on se trouve, leur langage actuel, les moyens de description
et de mesure qu'elles ont acquis. Les rédacteurs savent déjà,
sans doute, qu'on est aujourd'hui peu curieux de faits qui se
reproduisent partout avec les mêmes circonstances : ils au-
raient pu omettre les détails qu'ils donnent sur des grottes
calcaires qui n'ont de remarquable, etc. Ce recueil est destiné
à prendre un rang distingué parmi ceux que les savans s'em-
pressent de consulter; il faut donc en bannir ce qui ne serait
ni important, ni recommandé au moins par quelque nouveauté.
F.
EUROPE.
GRANDE BRETAGNE.
1 11. — * Two years in Ncw-South-ffales, etc. — Deux années
dans la Nouvelle Sud-Galles; par P. Cunningham , chirurgien
delà marine royale. Londres, 1827; Colburn. 1 vol. in-8° ;
prix , 18 sh.
Cet ouvrage est le plus complet que l'on ait publié jusqu'ici
sur la Nouvelle Sud-Galles. L'auteur, qui a passé plusieurs an-
nées dans ces contrées, donne le tableau de leur situation mo-
rale, politique et agricole. 11 divise en quatre portions la partie
habitée de cette colonie. La première comprend les comtés de
376 LIVRES ÉTRANGERS.
Cumberland et de Candem , remarquables par une vaslc étendue
de terrains fertiles, quoiqu'ils soient peu arrosés. 'C'est au pre-
mier de ces deux comtés qu'appartiennent les villes de Sidney,
capitale de la colonie, de Paramatta, de Windsor et de Liverpool,
dont la population fait des progrès immenses. Aucune ville n'a
été bâtie jusqu'ici dans le comté de Candem. La seconde divi-
sion comprend les comtés de Westmoreland et d'drgyle , situés
au sud de. Sidncy, et dont le dernier est surtout riche en gras
pâturages. Les comtés de Northumberland et de Durham , situés
au nord de Sidney, forment la troisième division et sont princi-
palement peuplés de colons libres, émigrés volontairement de la
Grande-Bretagne. On n'y trouve point de villes, mais beaucoup
d'établisscmens considérables et une grande quantité de terres
cultivées et fertiles. La quatrième division, composée des com-
tés de Roxburgh et de Londonderry, offre la même apparence
et, la même fertilité que la précédente; on désigne communé-
ment ces quatre derniers comtés sons le nom de Bathurst.
M. Cunningham entre dans des détails très-intéressans sur
l'aspect du pays, sa situation topographique, les mœurs de ses
habitans, son climat et ses ressources en tout genre. Ses con-
seils aux Européens qui désireraient passer dans la Nouvelle
Sud-Galles méritent d'être médités. Selon lui, pour commencer
avec avantage un établissement dans ce pays, il faut être pos-
sesseur d'un capital d'au moins 1,200 livres sterling (3o,ooofr.).
11 3. — *The seccnth Report, etc. — Septième Rapport du co-
mité de la Société pour l'amélioration des prisons de discipline.
Londres, 1827; Arch. In-8° de 555 p.
Ce volume est rempli de détails curieux sur l'état des maisons
de détention dans les trois royaumes unis, et sur quelques-unes
de celles de la France, de la Hollande, de l'Italie, de l'Alle-
magne, de l'Amérique du nord , des Indes occidentales et de la
Nouvelle Sud-Galles. L'ami de l'humanité voit avec plaisir que
presque partout, grâce à la bienfaisance des particuliers, bien
plus encore qu'à celle des gouvernails, le sort des prisonniers
est moins misérable. Les lieux où ils sont renfermés ont, en
général, été assainis, leur nourriture est meilleure; leurs travaux
mieux appropriés à leur force et à leur constitution. Dans un
appendice placé à la suite du rapport, sont passées en revue toutes
les prisons de la Grande-Bretagne, d'après l'ordre alphabé-
tique des comtés. Ce tableau, qui occupe a5^ pages, fait con-
naître dans toutes ses particularités le régime suivi dans les
prisons de l'Angleterre, de l'Ecosse et de l'Irlande. On regrette
que la Société n'ait pu donner un travail aussi complet poul-
ies pays étrangers. L'ouvrage est terminé par des tableaux qui
GftÀNDE-BRETÀGNE. ^77
offrent le nombre des personnes emprisonnées dans les trois
royaumes pendant les sept dernières années, et qui indiquent
la nature <\v>> crimes et «les délits, le nombre des condamnés et
des absous. [Voy, ci-dessus, page r>. i/», section des Nouvelles,
un résumé de ces tableaux. )
114. — * The further progrès* qf colonial reforma etc. —
Etat des progrès récens de la réforme coloniale, ou Analyse
des communications faites au Parlement, à la fin de la dernière
session, sur les mesures à prendre pour l'amélioration de la
population esclave dans les colonies anglaises. Londres, 1827;
Arch. In-8° de 78 p.; prix, 2 sh. 6 d.
Cette brochure, qui a pour but de faire connaître la situation
réelle de la population esclave des colonies anglaises, et par-
ticulièrement de celle des Indes occidentales, nous a révélé ce
fait important : qu'à moins de promptes et grandes améliora-
tions dans les lois coloniales, les possessions anglaises des
Antilles seront immanquablement en proie aux mêmes boule-
versemens qui enlevèrent, au commencement de ce siècle, l'île
de Saint-Domingue à la domination de la France. «Il vient,
comme l'a dit Gibbon, une époque où la patience des plus
timides esclaves se change en fureur et en vengeance. » Cette
époque approche, et les insurrections partielles qui ont éclaté,
il y a peu d'années, à la Jamaïque et à Démérari, le mécon-
tentement qui fermente parmi les esclaves, sont les symptômes
précurseurs de la révolution dont est menacé l'Archipel amé-
ricain. Comment éteindre ce feu révolutionnaire qui couve
dans la poitrine de chaque homme de couleur? Les abolitionistes,
qui publient la brochure dont nous avons donné le titre, ne
peuvent sans doute vouloir l'affranchissement immédiat de
tous les esclaves, qui violerait le droit de propriété, et rédui-
rait à la misère tous les colons, et les esclaves eux-mêmes;
personne, excepté peut-être les colons, ne pourrait désirer
qu'on augmentât l'autorité des maîtres en violant ainsi le
droit naturel pour retenir dans une servitude éternelle leurs
semblables et leurs frères. Mais il est difficile de concilier deux
partis1, extrêmes, dont l'un ne veut rien céder, et dont l'autre
voudrait tout obtenir; dont l'un (celui des colons) nous pré-
sente les esclaves comme plus heureux que la plus grande partie
des paysans d'Europe, tandis que l'autre les regarde comme
plus misérables encore que les Grecs sous le joug ottoman, ou
que les galériens enchaînés dans nos bagnes; dont l'un ne veut
voir que les actes d'inhumanité auxquels sont en butte les
noirs, et dont l'autre n'a de pitié que pour le sort déplorable
qui attend les infortunés planteurs.
3;S LIVRES ETRANGERS.
Il y avait un moyen d'arrangement, une voie de salut. Le
gouvernement des colonies pouvait, ainsi qu'on le remarque
dans l'écrit dont il est ici question, en adoptant les règlemens
envoyés par le ministère anglais (voy. Rev. Enc. , t. xxix,
p. 867 ) , apaiser les amis des noirs, et sinon empêcher
pour toujours, du moins retarder pour long-tems la révolu-
tion qui menace les Antilles. Mais la voix de la modération
ne fut point entendue. Les colons virent dans l'abolition de la
peine du fouet, comme stimulant du travail, une cause de
diminution de ce travail, et ils se refusèrent à cette abolition.
Ils craignirent, en admettant en justice le témoignage des
noirs, de devenir les victimes de fausses accusations, et ils
s'opposèrent à l'audition des nègres comme témoins. Ils
considérèrent comme une atteinte à leur droit de propriété
la manumission forcée des esclaves, et ils ne voulurent point
consentir au rachat légal de ces malheureux. Ces refus eurent
lieu dans presque toutes les colonies qui n'appartenaient pas
à la couronne; les colons indisposèrent le gouvernement, sou-
levèrent l'opinion publique, et leur conduite justilie, jusqu'à
un certain point, les plaintes contenues dans la brochure dont
nous parlons, et les appréhensions de ses auteurs, persuadés
que jamais l'esclavage ne sera aboli, ni même allégé par la
volonté des propriétaires d'esclaves, ni par les législateurs des
Indes occidentales.
On doit convenir néanmoins que la condition des esclaves a
reçu quelques améliorations depuis les dernières années;
comme l'a fait observer un des rédacteurs de la Reçue Ency-
clopédique , et comme nous aimons à le répéter, en nous ap-
puyant des aveux contenus dans l'écrit même que nous annon-
çons , a les châtimens sont aujourd'hui plus rares et moins
sévères, les travaux plus doux; les noirs sont mieux logés,
mieux vêtus, mieux nourris, et quand ils sont malades, ils
reçoivent tous les soins que prescrit l'humanité dans des in-
firmeries convenablement disposées, et que visitent régulière-
ment des médecins attachés à ces établissemens. » C'est un
fait incontestable qu'il y a eu des adoucissemens apportés à
la condition des noirs; mais ces adoucissemens ne sont point
suffisans , et les règlemens envoyés par le ministère anglais
seraient peut-être maintenant inefficaces. Il faut absolument
reconnaître le principe que l'homme ne saurait avoir le droit
de propriété sur un autre homme; que la différence de couleur
ne peut être une barrière entre les enfans d'un même père-;
il faut commencer l'œuvre de l'émancipation par l'application
de ce principe. L'extinction complète de l'esclavage peut ne
GRANDE BRETAGNE. T7Î>
pas être immédiate ; mais L'œil* te de l'affranchissement graduel
<loit coiiiinciici'i' dès aujourd'hui. Il Tant instruire les nègres,
et leur faire connaître quels sont les droits et les devoirs de
l'homme, avant de les rendre à la liberté. Il faut aussi, s'il est
possible, iriénager lès intérêts des colons, et eri conférant,
Mr exemple) le titre de citoyen aux trois cent cinquante mille
esclaves de la Jamaïque, faire en sorte; de ne point réduire à la
misère les soixante mille blancs aujourd'hui leurs maîtres, et
demain leurs égaux.
Ge n'est point par le moyen des missionnaires que l'Angle-
terre envoie en si grand nombre dans ses colonies qu'on ob-
tiendra ce premier but : l'instruction des noirs. Les missionnaires
souvent trop au sort des esclaves dans l'autre vie, et pas assez
à leur bien-être dans celle-ci. C'est une éducation religieuse et
spirituelle, et non industrielle et sociale, qu'ils leur donnent.
Ce n'est pas non plus par l'exécution des règlemens rédigés
par le ministère anglais qu'on éteindra l'esclavage; ces règle-
mens adouciront le sort des noirs, mais sans produire leur
entier affranchissement. Si l'on veut concilier les intérêts des
colons avec les exigences de la justice, il faut imiter ce qui se
pratique dans la Colombie et dans plusieurs autres parties de
l'Amérique du sud. Là, les enfans des esclaves naissent libres;
ils restent à la charge du colon jusqu'au sortir de leur enfance;
ils accordent alors à celui-ci un certain nombre d'années de
leur tems pour l'indemniser àes dépenses qu'a occasionées leur
éducation, et après cet intervalle d'une sorte de servitude vo-
lontaire, ils rentrent dans la classe générale des citoyens et
dans l'exercice des droits civils et politiques. Avant un quart
de siècle, l'esclavage aura presque entièrement disparu du ter-
ritoire de la Colombie, et cette révolution se sera accomplie
sans avoir entraîné la ruine de la population blanche. Telles
sont les mesures que devraient réclamer les véritables amis des
noirs , parmi lesquels on doit compter les auteurs de la bro-
chure qui a donné lieu à nos observations.
Frédéric Degeorge.
Xiiλ. — * History of the progress and suppression qft/ie Re-
formation in Italy, in tlw sixteenth century , etc. — ■ Histoire des
progrès et de la suppression de la réformation en Italie, pen-
dant le xvie siècle ; par Thomas M'Crie , D. D. Edimbourg ,
1827 ; Blackwood. I11-80.
Les hommes les plus versés dans les annales des peuples
modernes ont toujours pensé que les germes de la réforme ,
en matière de religion, existaient en Italie avant l'apparition
de Luther et de Calvin. Il leur paraissait même impossible que
38o LIVJIES ÉTRANGERS.
les abus innombrables, qui s'étaient introduits dans l'église
pendant les ténèbres du moyen âge , fussent restés inaperçus
dans un pays où. la renaissance des lettres et des arts s'était
accomplie avec tant d'éclat, et d'où les lumières s'étaient en-
suite répandues dans tout le reste de l'Europe. Cependant ,
cette opinion , quoique fondée sur des faits incontestables et
sur des raisonnemens solides , n'avait jamais trouvé une plume
savante qui s'occupât de la développer dans toute son étendue.
Uu philosophe éeossais vient de remplir cette tâche avec bon-
heur. Il a démontré, le flambeau de l'histoire à la main, que ,
depuis le onzième siècle, tous les hommes éclairés de l'Italie
attribuaient les désordres de l'église , d'abord à la puissance
temporelle des papes , soutenant par la violence des préten-
tions que la raison repoussait ; ensuite, à leur suprématie spi-
rituelle qui avait dépouillé les évèques et les curés de leur
mission apostolique directe ; entin , à l'immensité des richesses
qui avaient amené la corruption des mœurs dans le haut clergé,
et altéré la sainteté et la pureté de la religion primitive. C'est
alors qu'un cri universel se fit entendre et se prolongea pen-
dant quatre siècles, pour faire cesser des scandales aussi ré-
voltons ; et l'opinion sur ce sujet avait fait de tels progrès , était
devenue si dominante, que ce fut en Italie que les réforma-
teurs de la Suisse et de l'Allemagne puisèrent le principe de
leur enthousiasme et trouvèrent le plus grand nombre de pro-
sélytes de leurs doctrines. On doit surtout remarquer que les
plus ardens défenseurs de la réforme étaient tous des ecclésias-
tiques éminens par leur piété et parleurs lumières , et que des
conciles même, tels que ceux qui se tinrent à Pise, à Bâle et à
Constance, s'étaient rangés solennellement de ce parti.
L'auteur a suivi le développement de cette grande révolu-
tion avec beaucoup de précision et de talent. Il a puisé aux
sources , et a consulté les documens que les annales politiques
et littéraires de l'Italie présentent sur ce sujet. La seconde partie
de l'ouvrage est consacrée à décrire les moyens employés par
la cour de Rome pour extirper la réforme de cette contrée; et
tout ce qu'on sait sur de semblables catastrophes arrivées dans
d'autres parties de l'Europe , se reproduit ici sous des formes
identiques. Ce sont toujours les mêmes ruses, les mêmes vio-
lences, les mêmes atrocités, les mêmes massacres, qui ont
déshonoré la religion et la race humaine. La seule opinion de
l'auteur que nous ne partageons pas, c'est qu'il paraît attri-
buer à un manque d'énergie de la part des proîestans italiens
de s'être laissé écraser de la sorte , sans opposer aucune ré-
sistance efficace. Mais la même chose n'arriva-t-elle pas en
GRANDE-BRETAGNE. 38 r
Espagne, en France, et dans plusieurs Etats de l'Allemagne,
où, comme en Italie, les gouvernèmens se déclarèrent les exé-
cuteurs passifs des arrêta exterminateurs qui leur venaient de
Rome? Les protestans n'eurent pins à montrer l'énergie de
leur conviction qu'au milieu des toitures et en présence; de-
là mort qu'on leur préparait sons les formes les pins atroces; et
leur courage ne resta point au-dessous de celui des premiers
martyrs du christianisme. I] — i.
1 16. — * The life and correspondance of major Cartwikcht, etc.
— 'Vie et Correspondance du major Cartwright. Londres, 1826';
Colburn. 2 vol. in-8°, avec gravures et cartes ; prix , 28 sh.
« Son esprit élevé et ses profondes connaissances dans le
droit constitutionnel le plaçaient au plus haut rang parmi les
hommes publics; la pureté de ses principes, l'inébranlable fer-
meté de sa conduite politique obtenaient à ses discours la
plus respectueuse attention. » Ces paroles que le célèbre Fox
prononça en plein parlemeut, en présentant une pétition du
major Cartwright, peignent admirablement les qualités pu-
bliques du citoyen courageux que la liberté compta au nombre
<le ses apôtres les plus dévoués pendant plus d'un demi-siècle.
John Cartwright, né le 17 septembre 17^0, fut élevé à
l'école de Newark et passa une partie de sa première jeunesse
à Bel ton. ïl s'engagea de bonne heure dans la marine anglaise,
et servit avec distinction. Lorsque la révolution française éclata ,
et quand il vit la guerre s'allumer entre les deux pays, il donna
sa démission pour ne pas avoir a combattre une nation dont
il adoptait les principes de réforme et de liberté, et dont il par-
tageait les espérances. Dès-lors, il s'engagea dans la carrière
des affaires publiques où il ne tarda point à se distinguer parmi
les hommes illustres qui travaillaient pour obtenir une réforme
parlementaire. Il mourut le 23 septembre 1824, et ses amis
décidèrent qu'un monument serait élevé à sa mémoire.
Le major Cartwright a composé et publié un grand nombre
d'écrits politiques. On en trouve une liste de quatre-vingt-un
dans ses Mémoires; plusieurs furent insérés dans les papiers
publics; d'autres imprimés sous la forme de brochures; ils
traitent principalement de la composition des milices, du
système du jury, et de la réforme parlementaire. Le plus im-
portant de ses ouvrages fut celui qui parut vers la fin de sa vie,
en 1823, sous le titre: The Constitution produced and illustrated;
(la Constitution anglaise retrouvée et mise en lumière). Dans cet
écrit, dont on a publié un abrégé, le major Cartwright résume
toutes ses opinions politiques; on y retrouve reproduite avec
sagacité , celte opinion partagée d'ailleurs par Blackstone et par
&4 LIVRES ÉTRANGERS.
d'autres écrivains estimables : que l'Angleterre jouissait, sous
les dynasties saxonnes , d'une constitution régulière et d'une
portion de liberté infiniment plus grande qu'à aucune époque
postérieure de son histoire. Le major Cartwright accuse Guil-
laume-le-Conqucrant d'avoir détruit par la force cette consti-
tution toute démocratique, et de lui avoir substitué les formes
féodales qui servent de bases à la constitution actuelle.
Le major Cartwright fut lié avec les personnages les plus
importans de son tems. Les Mémoires qui font l'objet des deux
volumes que nous avons sous les yeux, et qui ont été rédigés
par miss F-D. Cartwright, nièce du major, renferment des
particularités précieuses sur toutes ces personnes, particulière-
ment sur le comte Jbingdon , Fox , lord Holland , sir Francis
Burdett , sir Samuel Romilly, le président Jefferson, lord John
Russel 3 etc. Ces Mémoires sont rédigés avec soin ; le style en
est pur et simple, et l'on y remarque un air de bonne foi et
de vérité : miss Cartwright n'a point sacrifié la fidélité historique
au désir d'augmenter la gloire de son vertueux parent. F. D.
117. — * The beauties of the court qf Charles the second. —
Portraits des beautés célèbres de la cour de Charles II, avec
des Notices biographiques ; par D. B. Murphy. Londres, 1827;
Martin Colnaghi, Cockspur street. Paris, Galiguani, rue "Vi-
vicnne, n° 18. Prix de chaque livraison, petit in-40, a 1. st.;
grand in-4°, épreuves sur papier de Chine, 3 1. st.; grand
in-folio, premières épreuves sur papier de Chine, 4 1. st. L'ou-
vrage entier se formera de cinq livraisons.
Tout le inonde connaît les femmes célèbres dont les grâces,
l'esprit et la beauté firent l'ornement de la cour brillante et
corrompue de Charles II, et dont l'influence s'étendit même à
la littérature du tems et lui prêta ce vernis de galanterie,
ce ton badin et léger qui la distinguent par un contraste si
frappant des graves écrits qu'avait vus naître l'Angleterre avant
et sous la domination de Cromwell. Les mémoires de Pepys,
Evelyn et de plusieurs autres écrivains contemporains, con-
tiennent une foule d'anecdotes piquantes, de détails curieux
qui jettent un grand jour sur les mœurs et sur les habitudes des
personnages marquans de cette époque; mais personne n'a
compris aussi bien et n'a rendu avec autant de vérité le ton
et le caractère d'une cour dont lui-même faisait les délices,
que le spirituel et gracieux Hamilton. En lisant les mémoires,
qu'il attribue au comte de Grammont, on ne peut se défendre
d'un vif désir de contempler les traits des beautés dont il a
célébré les charmes et l'esprit. Chose étonnante cependant !
ainsi que l'avait remarqué Horace H'alpole , il y a déjà cin-
GRANDE-BRETAGNE. \S ;
tjuantc ans, personne n'a pensé à reproduire les véritables
P orii aiis de ni femmes charmantes, dune manière digne de
leur célébrité et de l'intérêl quelles inspirent, d'après les pré-
cieux originaux el ie$ portraits, peints par le fameux sir Pttei
///), el par les plus habiles artistes du teins, et qui font encore
partie, au nombre de vingt, du cabinet du roi d'Angleterre,
dans le château royal de "Windsor. Grâce à l'éditeur de l'ou-
vrage que nous annonçons , les beautés de la cour de Chéries II
sont enfin réunies dans une suite complète de gravures exécu-
tées par les premiers artistes de Londres.
Mais en nous offrant des portraits, il fallait aussi nous initier
aux secrets des caractères; il fallait prendre le ton de la cour
pour bien peindre ses manières et rendre ces nuances délicates
et légères qui donnent aux personnes et aux choses l'indivi-
dualité et la vie. Cette tâche difficile a été parfaitement remplie
dans les Notices historiques dont les portraits sont accompagnés,
et où l'on a réuni, avec un talent remarquable, les anecdotes
et les détails les plus piquans, dispersés jusqu'ici dans les
dilTérens mémoires de l'époque, Le caractère, l'esprit et les
mœurs de la cour sont décrits avec une grâce et une légèreté
qui rappellent souvent le style brillant du chevalier de Gram-
mont.
L'ouvrage aura cinq livraisons, dont chacune offrira quatre
portraits avec le texte. Sur les vingt portraits qui composeront
l'ouvrage, quatorze auront été gravés pour la première fois.
Les deux premières livraisons ont déjà paru et justiGent plei-
nement nos éloges. Nous voyons, dans la première, les por-
traits de la reine, de lady Casdcmaine; de la comtesse de
Grammont, mieux connue sous le titre mérité de la belle Ha-
milton, de la comtesse (.YOssoty. Dans la seconde, les portraits
de la duchesse de Richcmond (la belle Steu-art), de la duchesse
de Somerset, de la fameuse Nell Gwyn et de miss Laivson. La
troisième livraison, qui paraîtra incessamment, contiendra les
portraits de lady Bellasis, de lady Rochester, de lady Denham ,
et de lady Southesh. M.
il 8. — The Forget nie not. — Ne m'oubliez pas, par Fre-
derick Shobert. Londres, 1828; Ackermann. Grand in-18
renfermé dans un étui orné de i3 gravures; prix, 12 sh.
119. — No me olvides. — Ne m'oubliez pas , par P. Mendibil.
Londres, 1828; A.ckermann. Grand in-i"8, orné de i3 gra-
vures; prix, 12 sh.
120. — The literary Souvenir , etc. — Le Souvenir littéraire,
par Alaric Watts. Londres, 1828; Longman. Grand in- 18,
01 né de 12 gravures; prix, 12 sh.
384 LIVRES ÉTRANGERS.
i2i. — The A mulet , etc. — L'Amulette , etc. , par S.-C. Hall.
Londres, 1828; Baynes. Jn-18 renfermé dans un étui, orné de
14 gravures; prix, 12 sh.
122. — The Bijou, etc. — Le Bijou, par fV. Fraser.
Londres, 1828 ; Pickering. Grand in- 18, orné de i5 gravures;
prix , 12 sh.
Nous n'avons rien à Paris que l'on puisse comparer à ces
jolis ouvrages destinés aux présens de la nouvelle année. Pieliés
avec élégance, rédigés avec goût, ils sont surtout précieux
par la beauté et le grand nombre de gravures qu'ils contien-
nent. Composés par les mêmes auteurs, enrichis des dessins des
mêmes artistes, ils serait assez difficile de décider lequel parmi
eux mérite la préférence. On trouve, dans tous, des vers
agréables, des nouvelles intéressantes et des gravures exécu-
tées avec le plus grand soin. On rencontre, dans chacun d'eux ,
les noms également recommandables de Mme Hemans , de miss
Milfort , de miss Tandon s et ceux de MM. Coleridge , Mont-
gomery, Barton, Date , ete.
Si pourtant nous devions faire un choix entre ces recueils ,
nous ferions pencher la balance en faveur de celui qui contient
des vers de Robert Southey et de Thomas Campbell , de la
prose de JValter Scotletde Washington Irving , des dessins de
Thomas Lawrence, ou un paysage de Con stable ; alors le Bijou
serait préféré à ses concurrens, s'il n'était imprimé d'une ma-
nière peu correcte, et si sa reliure mesquine ne contrastait
avec les reliures élégantes du Forget me not et de l' Amitlet. Les
âmes pieuses préféreront l'Amulette aux autres recueils. On y
trouve à la vérité quelques pièces faibles, mais d'autres d'un
vrai mérite. Pour n'en citer qu'une, nous choisirons celle qui
est intitulé: le Héros du Colisée , par miss Jewsbury. — ■ Le
Souvenir littéraire , inférieur dans l'exécution de ses gravures,
sera choisi par les amis de la bonne poésie. Il contient d'excel-
lens morceaux, parmi lesquels nous avons remarqué les Ailes
de la colombe, par Mme Hemans. — Enfin, le Forget me not , le
plus ancien de ces ouvrages, sera préféré par les personnes qui
attachent un grand prix à la beauté des gravures. Celle de la
Septième plaie d'Egypte est supérieure à tout ce que nous con-
naissons en ce genre. Le No me Olvides n'est en grande
partie qu'une traduction du Forget me not anglais; mais M. Men-
dibil a embelli les morceaux originaux en les traduisant, et
l'on peut dire de son travail :
Dans ses heureuses mains le cuivre devient or.
Ses compositions originales, telles que Y Esquisse sur Venise ,
GR V.NDE-BRETAC S
Derniers momcns de Las-Cases, V Espérance du Juste , font
regretter que cel auteur n'ait point tiré un plus grand nombre
de pièces <!<• son portefeuille. F. D.
Ouvrages périodiques.
ia3. — * The hondon weekly review t and Journal qf Ute-
rature and (hc fine arts. — Revue hebdomadaire de Londres,
ou Journal do la Littérature et des Beaux Arts. Londres, 1827;
Westlcy. Edimbourg, Winkworth. Dublin, Wakeman.
Trop long -teins les journaux anglais ont pain dédaigner les
littératures étrangères, ils en parlaient rarement , et toujours
avec un ton de supériorité qui dénotait ou beaucoup d'igno-
rance, on beaucoup de mauvaise foi. Aujourd'hui ils semblent
vouloir s'amender: du moins plusieurs recueils littéraires,
nouvellement fondés en Angleterre, s'empressent de prendre-
part aux communications et aux échanges de vues et de pen-
sées qui se sont établis entre les peuples. C'est un progrès
important pour la Grande-Bretagne, peut-être trop concentrée
jusqu'ici en elle-même. Il était tems qu'elle prît son rang
dans le vaste mouvement intellectuel qui s'étend maintenant
d'un bout de l'Europe à l'autre. Elle l'a senti, et on doit l'en
féliciter.
La Revue hebdomadaire de Londres ne date pas de plus de
trois mois, et déjà elle a donné plusieurs articles pleins d'in-
térêt, d'abord sur la littérature populaire des Suédois; puis,
sur Y Histoire de la Révolution d' Angleterre, par M. Guizot. Cet
écrivain si remarquable y est jugé avec beaucoup d'impar-
tialité, et son ouvrage est à juste titre signalé comme le plus
complet de tous ceux qui ont paru en Angleterre et en France
sur le même sujet. Le compte rendu de l'Histoire de la guerre
de la Péninsule, par le général Foy, laisse beaucoup à désirer :
les vues n'ont rien de large, et les critiques sont souvent dic-
tées par des préjugés nationaux. Une analyse de Six mois en
Russie, de M. Ancelot, se compose plutôt de simples extraits
que de considérations littéraires. Nous avons remarqué parmi
les articles originaux, i° un Mémoire sur Ugo Foscolo ; i° des
notes sur l'Afrique méridionale; 3° l'intéressante Notice de
M. Ch. Remnsat sur madame Guizot, insérée dans un des der-
niers cahiers de la Revue Encyclopédique (voy. T. XXXV, p.
567 ), et reproduite dans le journal anglais avec les passages
supprimés par la c< usure. Il y aurait encore plusieurs articles de
t. xxxvi. — Novembre 1827. 25
386 LIVRES ÉTRANGERS.
sciences et de beaux- arts à citer, quoique cette partie de l'ouvrage
ne nous ait pas paru aussi soignée que les autres. Nous engageons
les auteurs à mieux choisir à l'avenir les ouvrages anglais qu'ils
annoncent , et dont la plupart sont trop peu importans. Il ne faut
pas que leur zèle pour explorer les richesses étrangères leur
fasse négliger celles qu'ils possèdent. L. Sw. B.
RUSSIE.
1 24. — * Doumuiy etc. — Méditaiions , par K. Ryléef. Mos-
cou , i8a5 ; imprimerie de Selivanovski. In-8° de 172 pages.
Ce recueil remarquable, dont nous devons la communication
à notre correspondant de Moscou , auteur des articles signés
des initiales P. R. E. dans la Revue Encyclopédique , contient
21 pièces. Le mot de Méditations réveille pour nous des idées
de poésie : M. de Lamartine, qui, le premier en France , a ras-
semblé ses œuvres sous ce titre générique, s'est placé au plus
haut rang de nos poètes modernes par la chaleur et l'inspira-
tion , l'élégance et l'originalité de l'expression, l'harmonie du
stvle, et quelquefois la profondeur des idées; mais de graves
défauts se font remarquer chez lui à côté de ces qualités, et les
plus grands, à notre avis, ceux qui l'empêcheront de faire
école, sont la trop grande uniformité de style et de pensées,
l'emploi trop fréquent des mêmes formes , l'obscurité , un néo-
logisme outré, l'affectation de principes en opposition avec les
idées nouvelles, et par conséquent le manque de conviction, si
nécessaire à la poésie.
Ce n'est donc point au chantre de lord Byron, mais à l'au-
teur des Messéniennes , qu'il convient de comparer M. Ryléef;
sa vocation, le but de ses écrits et quelquefois leur exécution,
peuvent autoriser ses compatriotes à le mettre sur la même
ligne ({lie notre poète national. Du reste, la qualification de
Messéniennes , qui n'a pas toujours été trouvée exacte à l'égard
des pièces de M. Casimir Delavigne, eût été peu applicable,
dans son sens primitif du moins, à celles du poète russe, qui
nous offre de véritables Méditations poétiques sur l'histoire de
son pays. M. Ryléef, dans un avant-propos, revendique d'ail-
leurs cette qualification pour ses anciens compatriotes, aux-
quels les Polonais, et d'autres peuples après ceux-ci, l'auraient
empruntée. C'est donc une reprise de possession qu'il exerce
en s'emparant de ce titre pour les chants historiques qu'il a com-
posés , à l'imitation du célèbre poète polonais Niemcewicz.
Kappeler à la jeunesse les exploits de ses aïeux, lui rendre
RUSSIE. 387
familière la connaissance des époques les plus remarquables de
l'histoire nationale, lui faire de l'amour de la patrie le premier
besoin etle premier devoir, tel est le but de tous les écrits du
poète distingué que nous venons de sommer; tel est aussi celui
de M. Kvléel". La simple indication (les sujets qu'il a traités
suffirait pour convaincre les lecteurs russes (le ce que nous
avançons; nous devons aux lecteurs français un aperçu de ces
mêmes sujets pour leur en faire sentir l'importance historique.
Nous puiserons ces détails dans les sommaires dont l'auteur a
fait précéder chacune de ses pièces.
Le fondateur de la monarchie russe, IIurik, lors de sa mort
arrivée en 879, avait confié la tutelle de son fils Igor à son pa-
rent Oleg; celui-ci s'empara du pouvoir, qu'il garda tant qu'il
vécut, et se fit pardonner cette usurpation par ses talens. Son
règne fut fécond en victoires remportées sur les empereurs de
Bysance. Ce sont ces exploits, célèbres dans l'histoire russe,
que l'auteur a voulu chanter dans sa première méditation, in-
titulée : Oleg le Sage. — Igor, ayant pris les rênes de l'empire
à la mort d()leg en 912 ) , fut tué, en 945, parles Drévliens
révoliés. 11 laissait un fils (Sviatoslaf), trop jeune pour régner;
sa mère, Olga, placée depuis par l'église russe au rang des
saintes, gouverna l'empire à sa place. La seconde méditation,
qui a pour titre Olga au tombeau d'Igor, contient le récit de la
mort de ce dernier, fait par la mère à son fils, en l'engageant
à venger son père. — - Sviatoslaf , assassiné par les Petchénègues
eu ()-i , est à son tour le héros de la troisième méditation, qui
porte son nom. — Sviatopolh , petit-fils de celui-ci et fils adop-
tif de Vladimir-le-Grand , auquel il succéda, après avoir fait
assassiner ses frères, en ioi5, mort en Bohème, où il s'était
réfugié, en 1019, à la suite de troubles civils, est le héros de la
quatrième méditation. — Rogneda, épouse de Vladimir-le-Grand,
dont elle était devenue la conquête après que celui-ci eut fait
périr son père et ses frères, fait le sujet de la cinquième médi-
tation. Nouvelle Judith , elle avait voulu profiter du sommeil de
cet époux , dont elle s'était vue abandonnée, pour Lui trancher
la léte; ce projet ayant manqué, elle allait périr de la main de
Vladimir, qui fut retenu par son fils. — Boyane , qui fait le
sujet de la sixième méditation, surnommé le Rossignol des tems
anciens, fut le chantre des exploits d'Igor. — Le fils de Vladimir-
le-Grand, Mstislaf, est le héros de la septième méditation,
dédiée à M. lîoulgarine. — La huitième, dédiée au même, a
pour sujet les infortunes de Michel Tterskaï (Michel, de Tver) ,
auquel son neveu , George Danilovitch (fils de Daniel), disputa
le trône, en intéressant à sa querelle le Khan Usbeck, qui, étant
*5.
3SS LIVRES ÉTRANGERS.
alors maître dv la Russie, ht mettre à mort le malheureux
prince, placé depuis par l'église au rang des martyrs russes. —
Le héros (h* La neuvième est le eélèbre Dmitri Donskoï (Dmitri,
du Don11, qui, en i38o, délivra la Russie du joug des Tatars ,
et dont les exploits sont consacrés dans l'histoire de ces tems. —
Glinski , oncle de la grande princesse Hélène, qui, après l'a-
voir fait délivrer d'une prison où il avait été justement enfermé
pour trahison envers l'état, l'y fit rejeter parce qu'il voulait s'op-
poser à ses déportemens, est le héros de la dixième méditation.
- — Le brave et savant Kourbski , qui trahit sa patrie, et mourut
loin d'elle, est celui delà onzième. — La mort cVlermak, con-
quérant de la Sibérie, déjà chanté par M. Dmitrief , fait le su-
jet de la douzième méditation. — La treizième est consacrée à
Boris Godounof ' > élu souverain en i5o,8, après la mort de Fédor
( Théodore ) Ivanovitch ( fils de Jean ) , et auquel l'histoire
reproche plusieurs crimes , entre autres là mort du jeune Dmi-
tri. — Dmitri V Usurpateur (ou le faux Dmitri ), reconnu par
presque tous les historiens pour le moine Otrépief , ce dont
l'auteur ne paraît pas encore très-convaincu, est le héros de la
quatorzième méditation. — La quinzième est consacrée au noble
dévouaient (¥ Ivcrn Sousanin, qui préféra la mort à l'injonction de
découvrir la retraite de son souverain Mikhaël (Michel) Fédo-
rovitch ( fils de Fédor ) , dernier rejeton de la branche de Ru -
rik, que voulaient faire périr les Polonais, alors maîtres de
Moscou (en 1S12) ; la seizième à Bogdan ( Dieu donné ) Khme-
lnitsky , célèbre par ses victoires sur les Polonais, de 1647 à
i65r et la dix-septième au dévoûment & Artémon Matvécf, tué
par les Stiélitz, lors de leur révolte arrivée en 1682, sous le
règne du tsar Fédor Alekceïevitch ( Théodore, (ils d'Alexis ).
p ierre-lc- Grand est le héros de la dix-huitième méditation ,
Volinskij guerrier diplomate, qui vivait sous son règne, celui
de la dix-neuvième; enfin , Natalie Dolgoroukova , célèbre par
son dévoûment conjugal , a inspiré la vingtième méditation, et
le poète lyrique Derjavin, une des plus belles lumières de la
Russie, la vingt-unième et dernière.
On voit que tous ces sujets se rattachent directement à l'his •
toire nationale , et l'on pressent de quel intérêt ils doivent être
pour les Russes, traités avec le talent qui distinguait Ryléef. Ce
poète donnait àsa patrie des espérances qu'Alexandre Pouschkin
est chargé aujourd'hui de réaliser; peut-être un jour eût-il mérité
d'être chanté à son tour, comme il a chanté le célèbre Derjaviu.
Nous avons à regretter, avec tous ses compatriotes, qu'un talent
oui s'annonçait sous d'aussi heureux auspices, ait été détourné de
la carrière des lettres, et que celui dont la mission était de celé-
RUSSIE. 38g
brer toutes les gloires nationales ail pu \ oir sou nom mêlé dans
les discordes civiles, dont il ;i\;iii fail lui-même un tableau si
n isi<< ri si \ rai , dans lequel, par une sorte de fatalité , il a, pour
ainsi dire, prophétisé le sortqui l'attendait (1). E. Ili-'.r. eau.
i *>5. - Médaille de Mithridate 1 1 1 , / oidu Bosphore ( ïmmét ien,
tt de la reine Ge/xie/n ris ; par J. StEMPKOWSKT, Odessa, 1827.
In- 8°, >> pages.
L'auteur annonce que cette Notice est l'abrégé d'un travail
plus étendu qu'il se propose de publier un jour. Elle est divisée
en six paragraphes; les trois premiers on! pour objet de prou-
ver que la reine, connue jusqu'à présent sons le nom de Pepae-
pyris, s'appelait réellement Gepaepyris ; qu'elle était l'épousé
de Mithridate III, et non celle de Sauromate 1er, ee qu'il
prouve par deux médailles découvertes dans l'île de Tendra.
Le v (,i le 5e paragraphe contiennent un aperçu rapide sur les
principaux événemens de la vie de Mithridate et quelques
éclaircissemrns sur un passage de Pline, concernant ce person-
nage; on trouve dans le 6'" plusieurs remarques sur les médailles
de Gepaepyris, Mithridate III , Rhescnporis II et Cotys Ier.
Les preuves dont l'auteur s'appuie paraissent assez con-
cluantes, et nous l'engageons à poursuivre ses recherches. N.
Ouvrages périodiques.
1 26. — * Odesskoï JVestnik , etc. — Journal d'Odessa , feuille
périodique publiée en russe et en français. Odessa, 1827. Petit
in-folio.
La ville d'Odessa possède un journal depuis le Ier avril
1820. Il paraissait d'abord en français; format petit in-folio,
sous le titre de Messager de la Russie méridionale , ou feuille
commerciale 9 publiée avec l'autorisation du Gouvernement, et il
était spécialement consacré au commerce. Il contenait la liste
des bâti mens qui arrivaient au port d'Odessa et qui en par-
taient, le relevé des importations et des exportations, divers
articles et annonces touchant le commerce, l'industrie et la
navigation; les prix courans, cours de change, publications
du gouvernement, etc. Cette feuille paraissait tous les mardis
ei vendredis. — Au 1 er juillet 1821, le même journal parut
aussi en langue russe; mais cela ne fut pas continué. A celle
(1) Gravement compromis dans la dernière conspiration de Russie,
Rtlébf a payé <!c sa * ie an égarement dons lequel sans doute l'avait
entraîné une imagination trop ardente.
3gft LIVRES ÉTRANGERS.
époque, on y insérait quelques articles Je théâtre, et quel-
ques nouvelles politiques et scientifiques. En 1822, on com-
mença à v donner un relevé des observations météorologiques.
Le Messager cessa, en novembre 1823, et fut remplacé par
le Journal d'Odessa, ou Courrier commercial de la Nouvelle-
Russie. Cette feuille, qui paraissait aussi deux fois par semaine,
format in- 4°, était rédigée sur un plan plus étendu, et offrait
plus d'intérêt que le Messager. Elle fut continuée jusqu'à la fin
de 1826, époque à laquelle elle fut entièrement réorganisée
pour paraître sous la forme qu'elle a aujourd'hui.
À dater du commencement de l'année 1827, le Journal
cC Odessa est imprimé dans les deux langues, russe et fran-
çaise, format in-folio, et paraît tous les mercredis et same-
dis. Outre les Nouvelles de l'intérieur et de l'extérieur, emprun-
tées aux feuilles périodiques des différentes capitales, ce journal
rapporte les nouvelles des provinces qui composent la Nou-
velle-Russie, c'est-à dire des gouvernemens d'Ecathérinoslaw,
de Kherson, de Tauride, et de Bessarabie. Son but principal
étant de faire connaître les ressources qu'offrent ces provinces
à l'agriculture, à l'industrie et au commerce, on y trouve, re-
lativement à ces objets, des notions d'un grand intérêt, et re-
marquables par les données nouvelles qu'elles fournissent. On
y rencontre aussi, de tems en tems, des Notices historiques ,
statistiques , géographiques et archéologiques , toujours relatives
à la Nouvelle-Russie, pays si célèbre dans l'antiquité par les
nombreuses colonies grecque s qui y étaient établies; des an-
nonces et des analyses d'ouvrages qui traitent de ces contrées,
et de voyages, des articles de théâtre, des observations météo-
rologiques, etc. Ce Journal , continué sur le même plan, peut
intéresser non-seulement les habitans de l'empire de Russie,
mais aussi ceux des autres contrées de l'Europe, principale-
ment de celles qui entretiennent des relations commerciales
avec le midi de la Russie, soit par la mer Noire, soit par les
routes de terre. S.
DANEMARK.
127. — Talc ved Soroe Académie, etc. — Discours prononcé
à l'ouverture de l'Académie de Soroe, le 21 mai 1827, par
O. Malling , ministre d'état , premier membre de la direction
de l'Université et des collèges, chevalier des ordres de l'Élé-
phant et de Danebrog. Copenhague, 1827 ; Schultz. In-40 de
24 pag.
La détérioration des biens de campagne et un funeste in-
DANEMARK. 3g i
candie avaient anéanti une des plut balles institutions du l)a-
nenaark , X Académie de Soroe , où tant d'hommes célèbres
avaient été formés. Mais le souvenir de son ancienne splendeur
riait encore trop réceni pouf que le roi ne se hâtât pas d'y
porter une bienveillante attention. Les mesures les plus sages
lurent prises pour rétablir et augmenter les propriétés dont.
jouissait autrefois l'Académie , et un nouvel édifice s'est relevé
sur les ruines de l'ancien. L'ouverture en a eu lieu au printems
dernier, et c'est à celte occasion que le discours (pie nous annon-
çons a été prononcé. L'orateur y présente un aperçu rapide de
L'histoire de l'Académie. Il décrit son origine , son élévation et
sa décadence; il parle de ses célèbres professeurs et de ses bien-
faiteurs augustes, et il nous fait enfin pressentir ce que peut
devenir cette institution sous une protection aussi favorable.
Le roi Frédéric II jeta les premiers fondemens de l'Aca-
démie, et son successeur Christian IV, qui s'acquit de justes
titres à l'admiration des Danois, eut la satisfaction de la voir
devenir florissante; mais avec lui l'Académie tomba, et ce ne
fut que sous Christian VI qu'elle commença à se relever. Ce
roi adopta et mit à exécution des projets qui s'achevèrent sous
son successeur Frédéric V. Cependant , ce qui restait des biens
de l'Académie n'eût pas suffi à la rétablir, si le célèbre Holberg
n'y eût contribué avec une extrême libéralité. Cet écrivain,
qui s'est (ait une réputation européenne , offrit à l'Académie
la baronnie qu'il possédait, ses autres biens évalués à 1 2,000 écus,
et sa belle bibliothèque. Ainsi dotée, l'Académie reprit son ac-
tivité, et acquit bientôt de la célébrité : elle devint l'école
où se forma la langue danoise. Les Guldberg , \esSucdorf, les
Kraft y les Sclijthe , les Erichsen et les Kongsler, qui vivaient
alors à Soroe, se sont rendus immortels dans l'histoire littéraire
de Danemark. Après cette époque, l'Académie devait déchoir
encore une fois; mais le roi Frédéric VI vient de la relever,
et la sagesse de l'administration actuelle fait espérer qu'elle
prospérera long-Iems pour le bien de l'état. L'orateur qui a
présidé à l'ouverture de l'Académie sera bientôt octogénaire;
mais on retrouve dans son discours tout le feu de sa jeunesse ,
la pureté de diction et l'harmonie de style qui ont rendu
classiques ses ouvrages antérieurs.
128. — * Absalon soin Helty etc. — Absalon héros, homme
d'état et évèque ; essai biographique, par H. -F. Estrup , pro-
fesseur à l'Académie de Soroe. Soroe, 1826. In-8° de 187
pages.
L'Académie de Soroe, située au milieu de l'île de Sélande,
dans une des plus riantes contrées du Danemark, doit son
LIVRES ÉTRANGERS.
origine à la sécularisation des terres d'un riche couvent. L'é-
vêque danois Ab$alony était le principal fondateur et le pro-
tecteur paternel de ce couvent. Son tombeau existe encore
dans l'église du monastère. M. Estrup, professeur d'histoire
à l'Académie de Soroe, a c\ù , par ce fait même , prendre l'en-
gagement de devenir le biographe d'Absalon; et il ne pouvait
guère choisir un plus digne sujet, car Absalon est. le plus
illustre des hommes que le Dauemark a vus naître au moyen
âge : quelques taches dans son caractère ne sauraient effacer
l'éclat de la bravoure et de la haute sagesse qu'il déploya à la
tète de l'armée et au conseil de l'état, où il ne voulut jamais
que la gloire et ie bien de son pays. Tout ce que M. Eslrnp a
mis d'érudition, de profondeur et d'exactitude dans ses ou-
vrages antérieurs se retrouve dans ce mémoire, où rien ne
parait oublié. Cette biographie peut être considérée comme le
meilleur traité critique de l'importante période de l'histoire
de Danemark, de u57 à 1201. V. B.
ALLEMAGNE.
î ig. — Miniatargemàlde aus der Lànder und V ôlkerkunde. —
Tableaux en miniature, propres à faire connaître les pays et les
peuples; t. XL VI, XLVIII. Pesth, 1827; Hartleben. 3 vol.în-18
Ce sont des résumés géographiques, en partie traduits des
langues étrangères, en partie composés en Allemagne même , et
ornés de cartes et de vues. Les trois derniers volumes qui vien-
nent de paraître contiennent une traduction libre de la Descrip-
tion de l 'Angleterre, par M. Depping, publiée à Paris , en 1824,
en 6 vol. in-18. Le traducteur est M. de Gerle, qui a composé
lui-même plusieurs ouvrages géographiques sur la Bohème.
Dans les volumes précédeus, l'éditeur du recueil des tableaux
en miniature avait également donné une traduction des descrip-
tions de la Suisse et de la Grèce, publiées par M. Depping. N.
i3o. — * Jllgemeines Eandwôrterbuch der philosophisehen
W issenscliaflen , nebst ihrer Lileratar und Geschichte. — Dic-
tionnaire général des sciences philosophiques, avec leur litté-
rature (bibliographie) et leur histoire; par fV.-T. Krug,
professeur de philosophie à l'université de Leipzig. T. I : A-E.
Leipzig, 1827; Brockhaus. In-S° de 755 pages.
M. Krug est connu en Allemage comme un homme d'un
esprit éclairé , et comme un partisan zélé de la liberté de penser
et d'écrire; il a montré, depuis le rétablissement de la paix,
une activité extraordinaire à combattre, dans des brochures et
dans les journaux, le parti des obscurans, qui, en Allemagne
\ i EMAGNE, 5g :
comme ailleurs lra\ aillent sourdement .1 ramener la servitude de
l'espril el du corps. Le nouveau Dictionnaire philosophique, qu il
vient de commencer, est rédigé tout à-fait dans les principes libé
raux qu'on lui connaît. Ce dictionnaire s pour 1 >mi de donner la
définition des termes usités dans les sciences philosophiques,
d'expliquer brièvement l<*s systèmes el les doctrines, de ren-
\ oyer aux ou> rages qui développent ces diverses 11 atières; en lin
d'indiquer les principaux événemens de la vie des hommes qui
se sont fait un nom par Ictus travaux philosophiques. Les ar-
ticles sonl courts el précis comme ils doivent I éti e dans un dic-
tionnaire; c'est un avantage que l'ouvrage de Krug a sur beau-
coup de dictionnaires français, dont les ai ticles sont des traites ,
et qui s'étendent souvent a une* quantité énorme de volumes.
1 indications bibliographiques ajoutées par l'auteur mettent
chaque lecteur à même de se procurer des renseigneinens pins
étendus dans les livres. <jni traitentde la matière. La bibliographie
est le côté fort des savans allemands. Tel ouvrage fiançais qui
n'est peut-être pas connu de vingt savans à Paris , quoiqu'il ait
paru au milieu d'eux, est cité dans le dictionnaire de Leipzig
comme source de renseignemens , à coté d'une foule de petits
traités, publiés en Allemagne même, sur une matière quel-
conque qui se rapporte à la philosophie.
Quoique la censure pèse sur la librairie en Saxe, M. Krug
a pu développer ses idées avec une entière liberté, comme le
prouve l'article Censure même, dans lequel l'auteur flétrit cette
institution comme injuste et inutile. « Elle n'est pas juste, dit-il,
parce qu'on ne peut accorder à un homme la faculté de limiter
la manifestation des pensées d'autrui. D'ailleurs les opinions sur
ce qui est nuisible à la religion, à l'état, aux bonnes mœurs,
varient au point que personne, sans être infaillible comme
Dieu, ne peut se permettre de prononcer d'une manière déci-
sive à cet égard ; aussi partout les règlemens de censure sont si
vagues, qu'ils laissent une carrière presque illimitée à l'arbi-
traire. L'institution se fonde sur une maxime éminemment in-
juste, celle qu'il ne faut pas laisser parler les autres, s'ils ne
parlent pas précisément comme nous. Les vues partiales et bor-
nées des censeurs s'opposent à la propagation des idées géné-
reuses, et en cela la censure arrête le développement intellec-
tuel du genre humain , dont la manifestation de la pensée est la
condition. Une presse libre est elle-même le meilleur correctif
de la licence, etc. » L'auteur renvoie à l'article Liberté de penser,
où il fait \oir que l'état n'a que le di oit de réprimer , et non pas
de prévenir ; et qu'il n'y a qu'un jury qui puisse et qui doive
prononcer sur les délit- de la presse. Ce 4 avec la même fran-
}<)', LIVRES ÉTRANGERS.
chise c]ue , dans l'article Divorce , If.Krug combat l'opinion de
ceux qui. sous un prétexte religieux, veulent, contre la nature
des choses, au méprisde la justice et de la saine morale, qu'un ma-
riage malheureux soit un esclavage éternel. « On s'est fondé, dit-
il , sur ce passage de la Bible : Ce que Dieu a joint, l'homme ne
doit point ledélier. Mais, dans ce cas, il ne faud rai tja mais se cou-
per les cheveux, se faire des amputations, etc. : car les membres
du corps ont été unis par le créateur, bien plus intimement que
ne le sont les deux époux. En suivant strictement ce principe, il
ne faudrait pas non plus prononcer la séparation de corps et
de bien : car c'est aussi une manière de délier les mariés. Toute
l'erreur vient de ce qu'on ne- veut envisager le mariage que
comme un lien divin ; on ne veut pas voir qu'il y a mariage sans
que l'église intervienne , et que son intervention seule le fait
envisager comme un sacrement , etc. » Après avoir prouvé que
le mariage n'est point un lien indissoluble, M. Krug discute les
questions de la compétence de l'état pour prononcer le divorce,
et les motifs d'après lesquels les tribunaux doivent se décider.
Un des articles les plus étendus de ce premier volume est ,
comme on devait s'y attendre , celui qui traite de la philo-
sophie allemande. L'auteur retrace rapidement l'histoire de cette
philosophie. Après avoir parlé de Wolf, et de Yéclectismc qui ,
vers le milieu du dernier siècle, devint dominant dans la phi-
losophie allemande, il continue: «Cet éclectisme disparut, lors-
que le scepticisme de Hume engagea un penseur allemand de
la première force à soumettre à un examen plus rigoureux l'en-
sembledes facultés intellectuelles. Ce penseur était Kant. Ayant
médité long-tems en silence, et ayant été spectateur de la lutte
des divers partis sur le terrain de la philosophie , il se présenta
enfin comme réformateur et restaurateur de la philosophie, en
publiant son principal ouvrage : Critique de la raison pure. Cet
ouvrage fut d'abord accueilli froidement : peu de personnes le
lurent, et très peu le comprirent. Mais, lorsqu'une analyse de
ce travail, insérée dans la Gazette littéraire de Jéna , eût fixé
l'attention du public allemand ?x\v le grand mérite du livre de
Kant, il opéra une révolution dans le domaine de la philoso-
phie et des scien ;es en général ; révolution telle que l'histoire
littéraire en connaît peu de semblables. On dirait qu'un esprit
critique s'était emparé tout à coup des tètes des philosophes
allemands , et même des autres savans de cette nation ; tous
furent animés du désir de rechercher les principes fondamen-
taux de toutes les connaissances et la source de notre savoir et
de notre foi, et de mettre la religion à l'abri des attaques de
"l'incrédulité, en la liant plus intimement avec la morale. De-
ALLEMAGNE. 3o5
puisée icms , il sY t formé en Allemagne une philosophie pai
ticulière qu'on appelait d'abord critique t mais qui ensuite a
subi i.nii de modifications 4e la part de penseurs plus ou moins
originaux, qu'il est difficile <!<• tracer uue esquisse rapide ci
facile, soit de cciic philosophie même e*udes écoles qui sont
soi hes de celle de K.inl, soit des systèmes des adversaires qui
oui combattu celle manière de philosopher. Nous renvoyons
donc aux articles Spéciaux sur haut, Hcitt/iohl , I ' ic/ite , Schel-
ling , Schulze , Bartjiti , Jacubi, Piat/ier, etc. Ce qu'il ya.de
certain , c'est que la réunion de tant de penseurs a donné aux
recherches philosophiques, en Allemagne, une activité plus
grande que dans aucun autre pays. Aussi les philosophes étran-
gers sont-ils restés fort eu arrière. Mais il est douteux si la
philosophie allemande pourra se maintenir à cette hauteur,
aujourd'hui que beaucoup de penseurs, d'ailleurs estimables,
se livrent à nu vague mysticisme, et mettent de l'importance à
parler un langage presque inintelligible pour les indigènes , à
plus forte raison pour les étrangers. On ne peut donc point
blâmer ces derniers, s'ils ne se montrent pas en général très-
avides de connaître Ja philosophie allemande, et s'ils traitent
souvent de rêveries la tendance des esprits, en Allemagne ,
vers les recherches abstraites.
Nous aurions désiré que M. Krng qui exprime ses idées très-
clairement, fût entré dans de plus grands détails sur les sys-
tèmes philosophiques des Allemands, et qu'il eût misa notre
portée leurs opinions, et même leurs rêveries. Peut - être ces
détails se trouveront-ils dans les volumes suivans.
i3j. — * Staatsreeht der constitutionellen Monarchie. — Droit
public de la Monarchie constitutionnelle, par le baron u'Are-
tin , t. I. Altembourg, 1824; t. II, part. iie, continuée, après
la mort de l'auteur, par Ch. de Rotteck, professeur à Fri-
bourg. Fribourg, 1827.
Ces deux auteurs ont voulu établir les principes sur lesquels
doit être basée, selon eux, la monarchie constitutionnelle.
L'introduction contient l'histoire du droit constitutionnel depuis
les tems anciens jusqu'à Montesquieu , et depuis ce grand légis-
lateur jusqu'à notre époque, qui a vu fonder tant de consti-
tutions nouvelles. Viennent ensuite les principes du droit
((institutionnel relatifs an chef de l'état, aux citoyens, à la
nation en masse, à la liberté civile, à l'administ ration, au
culte, à la force armée et aux affaires étrangères. M. d'Areiin
définit Y état constitutionnel , celui qui est gouverné selon la vo-
lonté universelle , raisonnable , et e/ut ne tend <juau bien général ,
c'est-à-dire , à la plus grande liberté et sûreté de tous les membre*
m,/> LIVRES ÉTRAiNGERS.
</<• lu société, La représentation <iu peuple, par députés, est
une condition nécessaire de ce mode de gouvernement; la
liberté de la presse et le jugement par jury paraissent, à l'au-
teur , également indispensables à la monarchie constitutionnelle.
- Sans la liberté dejé (presse, dit-il, l'opinion publique, chargée
de veiller à l'inviolabilité du principe fondamental des consti-
tutions, c'est-à-dire le règne de la loi, serait arrêtée dans son
exercice; sans les jurés, les citoyens seraient trop exposés aux
persécutions, » II n'est pas moins nécessaire, suivant l'auteur,
que la couronne coopère à la législation. Il accorde au chef de
l'état toutes les prérogatives qui lui sont attribuées dans les
principales constitutions d'Europe; en cas d'une guerre injuste,
il impose aux ministres le devoir de se retirer, et aux chambres
celui de refuser les subsides. L'auteur se prononce contre les
armées permanentes; il veut qu'en tems de paix les monar-
chies constitutionnelles ne conservent que des cadres militaires
capables d'exercer la milice nationale dans les armes. A l'égard
delà police, le continuateur de l'ouvrage n'est pas du même
avis que le premier auteur; M. d'Aretin veut que la police se
borne au maintien de l'ordre et de la sûreté publique; M. de
Rotteck veut que le ministère de l'intérieur agisse par la police
sur le bien-être du peuple, et que la police continue de former
une section de ce ministère. D — g.
i 32. — * Stacdtcwesen des Mlttelcdters : — Villes du moyen âge,
par Charles DictrlcJi Hullmann, 2 e partie. Bonn, 1827; Adolphe
Marcus. In-8°.
Nous avons rendu compte du premier volume de cet ou-
vrage, qui intéresse tous ceux qui étudient l'histoire. Le second
se divise en trois parties principales. Dans la première, l'auteur
analyse et explique les ressorts de la puissance souveraine
exercée sur les villes; dans la seconde, il traite surtout des
personnes qui exerçaient cette puissance, c'est-à-dire, des rois,
des princes et de leurs préposés ; enfin , dans la troisième, il
est question des familles qui se sont emparées du pouvoir dans
les villes. M. Hullmann expose d'abord comment les clercs
surent se rendre nécessaires aux peuples et aux princes pour
toutes les affaires financières, et comment, malgré l'éloigne-
ment du clergé pour l'industrie , il se vit porté à la protéger en
faveur de la magnificence dont elle entourait le culte. Il fut ha-
bile surtout à se faire donner les impôts qui frappaient le com-
merce ; et plus d'une charte révèle les moyens honteux par
lesquels le clergé obtenait des droits sur les marchés, sur le
change, sur l'entrée des marchandises, sur les juifs, etc., etc.
Le premier prétexte qui donna naissance à ces prétentions ,
(jiunt aux mai clic- , vint de cette ci i tance qu'on l<-s tenail
alors a cuir i , ou même dans les églises. L'auteur
s'appuie d'un document qui prouve que I évéque* du Mans joui
suit, dès 687, d'un droil sur les n 1 I en conclut que
concessions remontaient peut-être aux désordres civils
auxquels Pépin mil li;i par la bataille de Textriacum; mais ce
document, attribué n Thierr} [II, n'est pas à l'abri de toute
< que. Nous voudrions pouvoir rapporter tou4 le chapitre
des monnaies , où il est question des sociétés d'entrepreneurs
auxquelles on affermait ce droit, et ({ni, le plus souvent,
tient aussi le droit de change comme conséquence du
monnayage. M. Efullmann parle ensuite de l'usure, des lois sur
l'intérêt des juifs et des sommes payées par eux pour obtenir
protection, des vexations qu'on ne cessa d'exercer contre eux
durant le moyen âge. Dès le commencement du vu* siècle,
cette nation se répandit sur l'Europe méridionale, y faisant le
métier de coût tier et y exerçant parfois la médecine. Cicéron
avait prétendu que les .luifs sont nés pour la servitude ; on
les vit dispersés et sans lien national apparent, quoiqu'ils
fussent toujours intimement liés les uns aux autres. Les per-
sécutions ne commencèrent qu'à l'époque des croisades; bien-
tôt on regarda les Juifs comme une propriété susceptible de
vente, et les chartes du xive siècle sont assez nombreuses
pour prouver que plus d'une fois on engagea ou l'on aliéna à
tel ou tel seigneur les Juifs d'une ou de plusieurs communes.
Le système de l'impôt termine ce chapitre. Le second est con-
sacré à l'état militaire. Le souverain s'était réservé le droit de
faire élever des murs de défense: aussi fallait- il obtenir sa
permission pour fortifier une ville. L'auteur examine quelles
étaient les troupes de défense, quels hommes étaient obligés
de servir à cheval , et à quelles conditions. Si quelque chose
doit étonner, c'est la multitude de faits qu'il a rassemblés ; la
France, l'Italie, l'Allemagne, semblent avoir déroulé à ses yeux
tous leurs parchemins et toutes leurs chroniques; et cepen-
dant, tout marche, dans son livre, d'un pas facile. Le lecteur
s'étonne de l'érudition et ne s'en fatigue pas, grâce à l'élé-
gante simplicité du style, à la clarté et à Tordre des matières.
Dans le chapitre de l'administration et de la justice, M. Hull-
mann s'applique à définir ce qu'on entendait par bonnes gens,
bonnes villes ; il recherche l'origine des noms de famille, celle
de la noblesse1 des villes; il énumère toutes les dignités muni-
cipales avec des détails sur les fonctions de chacun des em-
ployés. La seconde section de ce volume, dont nous avons déjà
indiqué le sujet traite, entre autres choses, des engagemens du
3g8 LIVRES ÉTRANGERS.
droit de souveraineté transmis aux évèques , puis des prévôts,
des podestats, du burggraf; enfin du vicomte, du vicarius,
du bagulus, du gastaldus et du prsepositus. Nous citerons, dans
la troisième section, le chapitre où sont analysées les constitu-
tions de Cologne, de Soeft, d'Àugsbo'urg, de Baie, de Spire, de
\\ orms , de Zurich , de Mayenee, de Magdcbourg , de Genève,
de Marseille, de Totdouse et de Barcelonne. Pour bien faire
connaître toutes les richesses de ce bel ouvrage, qui déjà fait
autorité, il faudrait étendre cet article bien au delà des bornes
qui lui sont prescrites. Pli. de Golréry.
133. — * Dr Martin Luthcrs IVcrhe. — Œuvres du Dr Martin
Luther, choisies conformément aux besoins du siècle. Ham-
bourg, 1826; Perthes. 10 vol. in- 12.
i3 4- — * -D'' Martin Lut lier s sammtliche IVerhe. — OE livres
complètes du D1- Martin Luther, ire livraison, t. i-iv. Erlan-
ç.en, 1826. Heyder. 4 vol. in-8°.
Depuis près d'un siècle, on ne s'était guère occupé en Alle-
magne à faire de. nouvelles éditions des œuvres de Luther,
quoiqu'on réimprime souvent quelques-uns de ses traités théo-
logiques, ses catéchismes et ses sermons. L'édition complète
donnée par Walch , à Hall, 1740-1753, en 24 volumes in-4°,
est la dernière. Au milieu du xvme siècle, lorsque I3 langue
s'épurait, et lorsqu'on voulut être classique en Allemagne, on
ne fit guère cas de Luther comme écrivain; les théologiens
seuls étudiaient ses écrits. Aujourd'hui les choses sont changées.
L'anniversaire séculaire de la réforme religieuse a ramené
l'attention des Allemands sur l'auteur de cette réforme. Le goût
littéraire de la nation , qui n'a point de système exclusif et qui
admire le génie partout où il se rencontre , a commencé à
rendre de solennels hommages à l'ardent réformateur à qui
Bossuet même reconnaît du génie, et une éloquence vice et
impétueuse qui entraînait les peuples et les ravissait. Il y a dans
les écrits de Luther de la véhémence, une franchise qui ^a
souvent jusqu'à la rudesse, et une conviction qui ne manque
jamais son effet sur le lecteur. Quand on pense qu'à l'époque
où il vivait, la langue allemande était encore barbare, on
s'étonne du style de Luther, qui souvent diffère peu de l'alle-
mand de nos jours. On reproche aux protestans de n'avoir pas
de prédicateurs vraiment éîoquens , de connaître à peine cette
véhémence de discours qui fait le mérite de l'éloquence de la
chaire en France. Ce n'est certainement pas à Luther que ce
reproche peut s'adresser: Démosthènes et Bossuet ne sont pas
plus véhémens; d'ailleurs, Luther, à l'instar de tous les
hommes de génie , portait une vive lumière dans toutes les
ALLEMAGNE. ;.,.,
dise tissions auxquelles il se livrait, el l'on «si suuveul étonné
de ses rcQcxious sur des matières qui semblaient sortir de la
sphère de ses occupations. Cependant peu de personnel, «le
notre teras, oui eu le courage <lc lire la collection complète
de ses œuvres, et il faut avouer qu'elle est presque illisible.
Luther ;> employé , comme \ oltaire, une pai tie de sa i te à com
battre tl<--> contemporains, des eunemis, des institutions vicieuses
et d'anciens abus; de là une fouir de pamphlets i d'écrits d'un
intérêt momentané, perdu pour la postérité ;mais du moins Vol-
taire avait toujours de f esprit; Lnther n'en a pas toujours, el
il écrivait dans un siècle grossier; Luther était aussi irascible,
aussi emporté que le philosophe de Ferneyj sa bile débordait
sur le papier; il a écrit beaucoup <le choses indignes du son
génie, et qu'on ne pcul lire sans dégoût. Ce se ait donc plutôt
un choix qu'un recueil d (rimes complètes qu'il faudrait au-
jourd'hui au public allemand. Aussi , le premier des t\cux ou-
vrages annoncés mériterait-il la préférence sur le second, si le
choix était fait avec goût; malheureusement l'éditeur a procédé
avec une telle négligence, qu'il est permis de douter qu'il ait
bien lu les œuvres de Luther; les journaux allemands signalent
des mutilations et un défaut d'ordre impardonnables. On espère
(pie quelque éditeur, plus soigneux de la gloire de Luther et
de ses propres intérêts, fera un meilleur choix dans le volu-
mineux recueil des œuvres du grand réformateur. D — g.
i35. — Cœcilii iMinatiani Apideï de orthographia fragmenta.
— Fragmens du Traité de l'orthographe de Cœcilius Apulée ;
édition pnbliée par M. Osann, professeur à Giesen. Darmstadt,
1826, in-8°.
Voici encore une découverte de M. Angelo Mai, qui, en
1823, a fait imprimer ces fragmens , reproduits aujourd'hui
par M. Osann avec des notes archéologiques , grammaticales
et critiques. Ce nouvel éditeur pense qu'Apulée a vécu peu de
tems après Cassiodore, qui ne le cite pas parmi ceux qui ont
écrit sur l'orthographe. Ce qui tendrait à établir que nous
n'avons pas l'ouvrage entier de ce grammairien , c'est que
Cœlins Rhodoginus en cite des passages qui ne s'y trouvent
pas, et qu'il en est d'autres encore que Tostellius Aretinus
rappelle dans un ouvrage peu connu, mais que l'on chercherait
également en vain dans celui-ci. M. Osann a réimprimé la pré-
face de M. Mai en l'enrichissant d'importantes additions. 11 est
un autre Apulée, bien moins connu encore que celui dont il
est ici question, et que M. Osann appelle Apulée le jeune. Il
est auteur d'un traité de nota asphationis et de diphtongis ,
joint à celui de l'orthographe, contenu dans cette édition, el
4oo LIVRES ÉTRANGERS.
imprimé d'après quatre manuscrits dont la collation a été
opérée avec beaucoup de soin. M. Osann ne croit pas que cet
écrivain soit antérieur au xe siècle. Il a ajouté trois tables à
son travail: l'une est celle des auteurs nommés par les deux
Apulée; l'autre est un index rerum ; [enfin , la troisième porte
sur les notes. Sans doute cette publication n'est pas d'une
grande importance pour la littérature ancienne, mais elle ne
peut manquer d'être utile. Nous glanons aujourd'hui dans le
champ où moissonnèrent les philologues d'autrefois; il n'est
rien qu'on ne recherche, rien qu'on n'imprime; cela présente
des avantages, car il arrive parfois que les matériaux les plus
insignifians, aux yeux de l'homme ordinaire, fournissent au
génie des lumières que, sans ces maigres découvertes, il n'aurait
pu faire jaillir de ses recherches.
i36. — Dinmclii orationcs très. — Trois discours deDiNARQUE;
publiés de nouveau par C. A. Schmidt, avec les Notes et les
Index des éditions précédentes. Leipzig, 1826. In-8°.
Dinarqne, l'orateur, était disciple de Théophraste; il com-
posa soixante quatre harangues, dont il ne nous reste que
trois, Il intervint dans les affaires publiques, et nous savons
qu'il fut accusé de s'être laissé corrompre par les ennemis de
sa patrie, et qu'il se déroba par la fuite à ses accusateurs.
M. Schmidt n'a pas fait de grands efforts pour étendre à cet égard
le cercle de nos connaissances ; il a pensé qu'après Ruhnkenn
Taylor , Bêcher et Schœma/m, il fallait se taire, non fere habui
quocl addorcm. Cela est d'autant plus fâcheux, que ces célèbres
philologues n'ont touché ce sujet qu'en passant. L'histoire lit-
téraire a besoin de dissertations sur les points qui sont de-
meurés obscurs; ce n'est qu'en éclairant les faits par de sa-
vantes dissertations sur chaque auteur, que nous parviendrons
à les compléter. Au surplus, l'édition que nous annonçons est
fort bonne; on a suivi surtout le texte de Becker; rien n'a été
changé aux notes de Reiske , dont la pagination est d'ailleurs
marquée en marge. M. Schmidt n'a point donné place dans
son livre aux discours contre Théocrinès, que quelques auteurs
anciens et modernes, ôtent à Démosthènes pour l'attribuera
Dinarque : son motif pour l'exclure, est qu'il ne sait à qui se
faire honneur. Il a surpassé ses devanciers, quant à la clarté
et à la précision de l'interprétation; souvent il signale des dif-
ficultés qu'ils n'avaient pas même aperçues. On trouve, après
le travail sur Dinarque, deux digressions sur l'authenticité des
deux discours de Démosthènes contre Aristogiton. L'auteur
pense , avec Baekh , que l'un de ces discours a été composé au
tems de Démosthènes, et croit que le second n'est qu'une non-
ALLEMAGNE. /,<>.
Vrille imitation de l'autre, rédigée à la manière des sophistes.
L'Index de Reiske 16 trouve réimprimé ici, avec ses fautes et
ses hernies ; il valait mieux le refaire , on n'en pas donner.
/'//. Dl CoMJÉKY.
Ouçragfi périodiques*
1.Î7. — NatuTwissenschaflliche Âbhandîungen^ etc. — Mé-
moires sur les sciences naturelles, par une société de savaris du
.n'nrtcrnhcrg. Tnbingue, 1826'; II. Laupp. In-8°.
Ce journal, qui est venu satisfaire à un besoin généralement
senti par les hommes instruits du Wurtemberg, n'admet que des
mémoires originaux sur une partie quelconque de l'histoire na-
turelle. Les 1 1 >is premiers cahiers, que nous avons sous les
yeux, contiennent plusieurs articles fort intéressans; nous si-
gnalerons surtout des renseignemens nouveaux sur la géologie.
Plusieurs mémoires de MM. C.-G. Gmf.lin, et Hundeshagen,
sur la composition chimique des roches de la Souabe, semblent
ouvrir une voie à peu près nouvelle, et méritent aussi d'être
cités. Une notice sur le gisement du sel-gemme en Souabe, par
M. G. Schubler, offrira des points de comparaison aux per-
sonnes qui recherchent cette substance en Suisse ou en France.
Nous mentionnerons aussi d'intéressantes dissertations de
M. Rapp, sur le mollusque drgonauta Argo , sur l'anatomie des
cétacées, et sur les pierres de la vessie; de M. C.-G. Gmelin
sur la métamorphose des plantes, sur la composition chimique
des tourmalines, et sur celle de l'eau de la mer Morte, où ce sa-
vant a trouvé le brome ; enfin des recherches physiques de
M. Bohnenberger sur la détermination de la longueur du pen-
dule simple, et sur la construction d'un baromètre normal.
A. Perd....
SUISSE.
N. B. Le mouvement religieux si remarquable qui s'est
fait sentir dans la partie la plus éclairée du monde civilisé a
obtenu, dans le canton de Vaud , de la célébrité, grâce à la
loi du 20 mai 1824, destinée non - seulement à comprimer
des sectaires , mais à donner un démenti aux leçons de
l'histoire, a la connaissance de la nature humaine, aux prin-
cipes de la liberté religieuse. Ce mouvement, qui s'était déjà
propagé, sans le secours de la fameuse loi, s'est naturelle-
ment étendu par elle; bien plus, malgré elle, il s'est épuré
en s'étendant. L'esprit religieux, préparé de longue main
parle tems et par les evénemens, et dont l'empire parmi
t. xxxvi. — Novembre 1827. 26
/»02 LIAMES ÉTRANGERS.
nous s'agrandit et s'affermit , ne se renferme ni dans les
limites étroites d'une seete que le législateur n'a pas même pu
définir en la proscrivant, ni dans cette orthodoxie roidement
légale qui réclame l'administration de tout le fonds religieux
de la nation Vaudoise. Il unit par le lien de la charité des
hommes différons de caractère, d'opinion, de manière de voir,
depuis le méthodiste exclusif jusqu'au partisan de cette liberté
large, la seule bien entendue, qui repousse toute espèce de des-
potisme , tout monopole exercé sur la conscience et sur la
pensée.
Cette disposition des esprits a fait naître plusieurs ouvrages
qui s'y rapportent. Nous ne citerons quejes cinq suivans :
i38. — ■* Feuille religieuse du Canton de Vaud. Lausanne,
1826-1827 ; Blanchard. In-8°.
Ce journal, publié en une feuille, d'abord tous les quinze
jours, plus tard toutes les semaines, a obtenu assez de vogue
pour compter en fort peu de teins plus de douze cents abon-
nés. Il renferme des explications de la Bible, des instructions
et des exhortations, des notices et d'autres morceaux sur les
missions et les sociétés bibliques, un petit nombre d'articles
sur l'histoire ecclésiastique, des anecdotes religieuses, des mé-
langes, des annonces de livres. Un esprit de profonde piété re-
commande la Feuille religieuse , à laquelle travaillent plusieurs
jeunes membres du clergé vaudois. La variété des matières et
de la forme n'est pas moins un des élémens du succès de ce
journal. Plusieurs entretiens ou dialogues, écrits avec talent et
avec une grande connaissance du peuple, sont particulière-
ment propres à populariser l'esprit du christianisme.
1 3g. — * Essais sur les sujets les plus importons de la religion;
par Thomas Scott; avec une notice historique sur t auteur ; tra-
duits de l'anglais sur la dixième édition , par L. Burnier , pas-
teur. Lausanne, 1825 ; Fischer. Paris, Treuttel et Wurtx.
2 vol. in-8°.
L'histoire de Thomas Scott est fort remarquable, et elle
fournit une page intéressante de plus à la psychologie reli-
gieuse: la notice placée en tète de la traduction des Essais
sera lue avec plaisir par les personnes de toutes les opinions.
La théologie de Scott était à la fois dans son cœur et dans sa
raison. Croyant soumis, mais logicien rigoureux, plein de-
piété, mais sévère dans sa doctrine, alliant à la foi une grande*
lucidité d'esprit, ce théologien a exposé le système de l'ortho-
doxie protestante avec le plus haut degré de clarté et avec l'en-
chaînement le plus logique. Il est permis de ne pas embrasser
le système de l'auteur ; mais il est impossible de ne pas le corn-
si tSSE. 4o"i
prendre. Si Les théologiens, les philosophes, les politiques
avaient toujours exposé leurs opinions avec autant de précision
et de uetlete, il y aurait eu dans le monde moins de disputes
de nuits et moins de livres inutiles. Présenter la doctrine reeue
dans lu plupart des églises protestantes avec cette parfaite
lucidité, est un grand service rendu : la France et la Suisse fran-
çaise doivent des reniereiemens à M. le pasteur IJi;i;nikr, qui
a fait passer dans notre langue les Essais de 7'//. Scott.
i ,'|0. — Coins de religion chrétienne , par ./. F. Ki ai. , pasteur
et ancien doyen. Lausanne, i&'iG; Blanchard. In-8° de vm et
388 pages.
Comme l'original des Essais de vScott , le Cours de religion
chrétienne a été composé depuis long -teins; mais sa publica-
tion n'en a pas moins le mérite de l'à-propos. Au moment où,
dans L'effervescence d'une ardeur religieuse dont la nouveauté
les étonnait eux-mêmes, des jeunes gens et des hommes jeunes
en prudence dirigeaient contre l'église nationale du canton de
Vaud en masse des attaques virulentes et en condamnaient sans
ménagement la discipline et la doctrine, rien ne pouvait être
plus opportun que la publication du système théologique d'un,
pasteur qui, durant une longue carrière, avait honoré cette
église par ses vertus, sa piété, ses lumières et son éloquence.
Le livre de feu M. le doyen Real est ce que fut sa vie, une
réfutation éclatante des incriminations si injustement généra-
lisées dont l'église vaudoise a été l'objet dans ces derniers
temps. La beauté du plan, l'enchaînement logique des idées
capitales, la richesse des idées de développement, une étude
profonde du christianisme, tels sont les mérites principaux du
Cours de religion. Divisé en paragraphes écrits avec concision ,
il présente dans sa forme une certaine austérité convenable
dans un manuel qui suppose des développemens ultérieurs,
mais ne les donne pas. On n'en est que plus agréablement
frappé de tant d'onction et d'idées belles et touchantes que le
vénérable auteur a répandues dans cet ouvrage.
i,|i. — Vie de M. de la Fléchère, de Njon , pasteur de
Madclcy , dans le Shropshire , en Angleterre ; traduit de l'anglais.
Lausanne, 1826; Hignou. In-8° de vin et 435 pages.
M. de la Fléchère, né en 1729, mort en 1785, auteur d'un
poème français , la Grâce et la Nature , était originaire de jVyon ,
dans le canton de Vaud. Sa vie, entièrement ascétique et mar-
quée par les plus touchantes vertus et par une fervente piété
offre au croyant un modèle difficile à suivre , au philosophe
un phénomène psychologique à étudier. Abrégée d'un bon tiers,
26.
4*4 LIVRES ÉTRANGERS.
en partie par le retranchement de lettres surabondantes, celte
biographie intéresserait plus généralement.
142. — * Mélanges évangélirjues. Genève, Abr. Cherbuliez;
Paris, H. Servier, t. I. Considérations chrétiennes sur divers
sujets de doctrine et de morale , ire édition, 1825 ; 2e édition ,
1826. In- 12 de 3oo pages. — T. II, Choix de Lettres chré-
tiennes. 1826. In- 12 de 296 pages. — T. III, Méditations
chrétiennes. 1827. In 12 de 3oo pages. (Ce tome porte le nom
de l'auteur, M. Fr.-Aug.-Alph. Gonthier, ministre du Saint
Évangile, à Nyon.)
M. Gonthier, l'un des membres les plus honorables du clergé
vaudois, et qui le fut long-tems du clergé prolestant de France,
condamné à une retraite absolue par une santé qu'ont usée
l'excès du travail et les souffrances du cœur, privé par là de
ses fonctions publiques, fait servir, dans la solitude, à la pro-
pagation de la religion chrétienne, un talent et une âme qu'il
leur consacra dès sa jeunesse. Les Considérations chrétiennes ne
sont ni un ouvrage ordinaire de doctrine, ni un manuel de
dévotion, comme il y en a beaucoup; c'est un livre, comme
malheureusement on en voit bien peu , dans lequel la théologie
et la piété se pénètrent l'une l'autre avec un charme touchant.
Cette fusion a même un attrait d'originalité dû au grand nombre
d'idées neuves et fortes que l'auteur produit avec aisance. Il
n'écrit pas pour écrire, mais pour dire des choses qui n'ont
pas été dites. Son livre offre un aliment nouveau à la méditation
des dévots et des penseurs qui ne le sont pas. — Les Lettres-
chrétiennes sont choisies parmi celles des pères de l'église, de
François de Sales , de Duquet, de Fénélon, deGellert , etc., etc.
Il y en a de récentes qui étaient inédites. — Les Méditations
chrétiennes ont le même caractère et la même forme que les
Considérations; comme celles ci, elles sont suivies de pensées
diverses. Faisons des vœux pour que la santé de M. Gonthier
lui permette de continuer une publication commencée sous de
si heureux auspices.
i4*£ — Inscriptiones in Helvetia ad hue repertas , etc. — Ins-
criptions découvertes jusqu'ici en Suisse, recueillies et briè-
vement éclaircies; par/. -G. Orelli. Zurich, 1826. In-8° de
4o pages;
Beaucoup de notions et de découvertes relatives à l'histoire
ancienne des peuples sont dues à l'étude des inscriptions, l'une
des sources monumentales de la vérité historique. Comme les
inscriptions s'expliquent fréquemment les unes par les autres,
rapprocher toutes celles qu'on a trouvées dans un même pays,
c'est bien mériter de l'histoire. M. le professeur Orelli , de
MISNK.— 1TAIJI $o5
Zurich , s*es< acquis un droil incontestable h la reconnaissance
des savons , eu réunissant dans un petit volume et en classant
suiv.mt les localités les •/ >7 inscriptions romaines découvertes
jusqu'à ce jour en Suisse. L. attention sérieuse c j u<? l'on com-
mence seulement à donner au cantop des Grisons i partie de
l'ancienne Khclie, fera sans doute trouver des inonunicns du
même genre dans ce sol foule jadis par les années romaines,
et théâtre de leurs exploits» Jusqu'à ee jour, on n'y a pas dé-
terré une seule inscription.
M. Oielli est un critique U0U moins sévère que judicieux:
dévoué tout entier à la vérité historique, c'est avec le sang-
froid qu'exige l'examen attentif et scrupuleux de documens
obscurs qu^l étudie et discute ces anciennes inscriptions,
même celle de Julia Jlpinula dont lord IJvron disait : « Je ne
connais point de composition humaine plus touchante que
celle-là. » C. Monnaru.
ITALIE.
* i.\f\. — * Istoria civile del rcg/io di Napolc , etc. — Histoire
eivile du royaume de Naples, par P/t'/vr Giannone. Milan,
1823-1824 ; les éditeurs 4es classiques italiens. ilk vol. in-8°.
Nous avons déjà donné quelque idée des premiers volumes
de cette histoire, qui présente le tableau le plus instructif des
conquêtes et des prétentions de la cour romaine sur les plus
belles provinces de l'Italie ( voy. Rcv.Enc, t. xxxiii, p. 188).
L'édition complète, aujourd'hui terminée, forme 14 volumes,
dont les trois derniers comprennent les écrits posthumes de
l'auteur. Ce sont des apologies, ou plutôt des attaques sou-
vent très-violentes dirigées par Giannone contre ses persécu-
teurs et ses ennemis. La plupart de ces opuscules étaient restés
inédits ; et à peine furent-ils imprimés après sa mort qu'ils
devinrent très-rares, sous l'empire de cette inquisition qui,
après avoir triomphé de l'auteur, ne cessait de poursuivre sa
mémoire. Les éditeurs de Milan ont bien mérité du public
pour avoir enfin mis au jour la collection entière des écrits
de ce grand publicité.
On y trouve : i° Y Apologie de son 'Histoire civile , divisée en
trois parties. La première donne la relation de toutes les dé-
marches des ennemis de Giannone pour le faire juger et con-
damner sans l'entendre; dans la seconde, sont rapprochées
les imputations les plus contradictoires et les plus absurdes*,,
dont il fut poursuivi, surtout, par les moines qui n'avaient
d'autre intention que de le rendre odieux a.ix yeux de la mul-
/,o6 LIVRES ÉTRANGERS.
titude; la troisième partie contient la célèbre profession de foi
que l'auteur rédigea, avec l'ironie la plus piquante, contre un
jésuite, le père Sanfclice , qui dut sa célébrité plutôt aux sar-
casmes de Giannone qu'à ses propres talens.
Au lieu de parler de plusieurs opuscules que contient le der-
nier volume , nous croyons plus utile de donner ici un aperçu
d'un ouvrage auquel Giannone avait long-tcms travaillé, dont
on ne connaît guères que le titre , et sur lequel on a débité des
choses peu exactes. Nous voulons parler de son Triregno.
L'abbé Pansini fut le premier qui le fk connaître , dans sa Fie
de Giannone. Les éditeurs de Milan, ayant eu sous les yeux
un exemplaire complet de ce manuscrit curieux qu'on regret-
tait généralement comme perdu , en ont fait un extrait encore
plus détaillé , dont voici la substance. Le Triregno est divisé en
trois livres : le premier traite du règne de la terre ; le second ,
du règne du ciel ; et le troisième , de celui des papes. Le pre-
mier livre se subdivise en trois parties, où se trouve exposée
la doctrine des Hébreux , sur l'âme du monde , sur les âmes
des individus , sur leur immortalité et sur la nature des biens
auxquels ils bornaient leurs vues. Giannone pensait comme
tant d'autres, que, jusqu'à Descartes, on s'était éloigné bien
peu de la doctrine des Hébreux , en ce qui concerne la création
du monde, la formation de l'homme, et la nature de l'âme et
de la pensée. Il examine spécialement comment les Hébreux
ont pendant long-tems compris la résurrection des morts , qu'ils
croyaient destinés, dit l'auteur, à un royaume qui n'était pas
céleste et spirituel , mais terrestre et matériel.
La connaissance du royaume céleste fut l'ouvrage de Jésus-
Christ , et forme le sujet du second livre. Giannone expose la
substance de cette nouvelle doctrine évangélique , dont le but
est la perfection de l'esprit et du cœur. Pour mieux exécuter
son dessein , il divise ce livre en quatre parties ; il y traite
spécialement de la nature du royaume céleste ; de la résurrec-
tion générale des morts, article bien plus important, à son
avis , qu'on ne le croit communément; des divers lieux où les
âmes sont retenues avant la résurrection; et du royaume in-
fernal, considéré en opposition avec le royaume céleste, et
sur lequel on a débité de tout tems les puérilités les plus ridi-
cules. La vision béatifique de Dieu , qui a tant occupé les théo-
logiens, n'est pour Giannone que la connaissance des vérités
de tout genre. Il s'efforce d'expliquer de même les mystères et
les rits les plus imposans de la religion chrétienne; et il n'est
pas toujours entièrement orthodoxe , relativement à quelques
opinions et à quelques pratiques des catholiques , surtout en ce
ITALIE. | ..7
4 1 1 1 1 regarde l«*s prières 1 les indulgences, te purgatoire, la
béatification des saints, etc. il résulte de ses recherches que
la religion chrétienne fut altérée de plus en plus, à mesure
qu'elle s'étendit dans l'empire romain.
Giannone croyait que, sans la connaissance préliminaire des
deux régnes terrestre et céleste, on chercherait vainement à
expliquer le troisième, c'est-à-dire le règne des papes qui,
selon lui , comprend dix périodes ou époques principales ,
depuis la prédication de l'Kvangile , jusqu'au pontificat de Clé-
ment XII, ou plutôt jusqu'en 17^0. Divers sujets, effleurés
seulement dans Y Histoire civile du royaume de Naples , se. trou-
vent reproduits dans ce troisième livre, et traités avec plus
de soin et d'exactitude. Aucun publiciste n'avait mieux déve-
loppé, avant Giannone , les maximes et la politique de cette
nouvelle puissance qui s'est insensiblement élevée au milieu
des éîats chrétiens , aux frais des peuples et des princes.
Ne pouvant donner plus d'espace à l'analyse de cette his-
toire, nous ferons remarquer seulement que l'auteur, en com-
muniquant au prince Trivulzi ce travail auquel il avait déjà
consacré douze années de sa vie, pendant son séjour à Vienne,
disait que Dieu le défendrait lui et ses écrits , puisque leur
objet n'était que la recherche de la vérité. « Il songeait peu ,
ajoutait-il, aux pièges, aux proscriptions et aux malédictions
des hommes , pourvu que Dieu protégeât et bénit ses travaux.
MalcdicuM illi t et tic benedices.» Giannone termina son Tri-
regno à Genève ; ce que nous venons de dire peut servir à cor-
riger quelques inexactitudes de l'article Giannone ', inséré dans
la Biographie universelle.
i/j5. — Osscrvazioni e giudizj sidla storia d'Italia di Carlo
Botta. — Observations et jugemens sur l'histoire d'Italie par
Charles Botta. Modènc, 1825 ; G. Vincenzi et Cie. In- 8°.
Cet ouvrage est un recueil d'articles sur l'histoire de M. Bot-
ta, tirés de divers journaux. Il peut servir, comme tant d'au-
tres écrits du même genre, à démontrer le peu d'accord qui
existe entre les opinions des hommes, et surtout des journalistes.
La plupart de ces articles critiques appartiennent à des Italiens :
les uns sortent de plumes romaines; d'autres viennent de Tu-
rin, ou de Florence; mais ceux qui se font le plus remarquer
par l'esprit jésuitique qui les a dictés, ont été publiés à Mo-
dène, dans un journal intitulé : Mémoires sur la religion, la
morale et la littérature. On y trouve une Lettre du comte Para-
disiy et des Observations du marquis Lucchesini , sur plusieurs
passages de l'histoire de M. Botta; ce qui nous a valu une ré-
ponse de cet historien, très-courte et très-spirituelle, égale-
/,o8 LIVRES ETRANGERS.
nient insérée dans ce recueil , et qui fournit une preuve nou-
velle île la modération de l'auteur et de sa supériorité.
Eu parcourant ce recueil, on s'aperçoit aisément qu'aucun
des critiques n'a abandonné la bannière sous laquelle il mar-
chait; mais , ce qui est assez plaisant, c'est qu'ils veulent tous
se faire valoir pour l'objet avec lequel ils sont le moins familia-
rises. Ainsi , si l'un de ces rédacteurs dont l'article même prouve
qu'il connaît peu sa propre langue, accuse M. Botta de man-
quer de correction et d'élégance, un autre qui paraît étranger
à l'étude du droit public, se félicite d'en avoir puisé les prin-
cipes dans les ouvrages de Charles Gozzl et de Métastase , qui
ne professait, comme on sait, que les maximes convenables à
un poëte courtisan et protégé.
Ce qui peut paraître encore plus singulier, c'est que ces doc-
teurs infaillibles donnent toujours leurs principes comme vrais,
sans les avoir discutés; ils les proclament avec autant d'assu-
rance que si personne ne les avait jamais révoqués en doute ; et
ils en tirent les conséquences les plus étranges. Ils s'appuient
de l'autorité de Y Index , et l'on sait combien cette congrégation
et la sainte inquisition se sont acquis de droits sur la crédulité
des gens qui cherchent la vérité sans raisonnement, depuis le
procès de Galilée. M. Botta a dû se trouver victime de cette lo-
gique spéciale que l'on s'efforce de rétablir de nos jours. On
l'avait signalé comme un écrivain beaucoup trop modéré, rela-
tivement à certains principes politiques qui caractérisent l'es-
prit du siècle ; mais cela n'a pas suffi aux partisans du despo-
tisme absolu et du fanatisme. Ils confondent, selon leur habi-
tude, l'abus avec l'usage; ils attaquent les principes adoptés
par les publicistes les plus éclairés de toutes les époques, parla
raison que des personnes qui les ont professés ont commis des
désordres plus ou moins graves. Mais, en raisonnant de la sorte,
on serait amené à rejeter les maximes des catholiques qui fai-
saient la guerre aux Albigeois, à cause des horreurs que les
premiers se permirent pour convertir ou c>craser les autres.
Combien d'exemples ne pourrait-on pas alléguer pour repous-
ser ces subtilités de raisonnement, qui conviennent plutôt à un
' prédicateur qu'à un logicien ! Ces observations se rapportent h
l'esprit qui domine dans cet écrit et qui paraît dirigé contre les
progrès des lumières et de !a raison; mais nous rendons jus-
tice en même tems à des remarques d'une toute autre nature
sur l'histoire de M. Botta. Nous ne sommes pas toujours d'ac-
cord , sur quelques principes , avec cet estimable auteur; et
nous avons déjà manifesté notre manière de voir à cet égard.
Au reste, nous laissons chacun penser à sa façon, c'est le moyen
ITALIE. /,<>.,
d'approcher de La vérité. Mais, pourquoi M. le journaliste de
IModenc, «|it i se montre si Sévère sur l'exactitude historique,
scsl il permis de mutiler, dans plusieurs endroits imporians ,
l'article de noire Revin- \oy. /ter. l'.ne. , t. xxiv, ]).(')■>(')) sansen
avertir ses lecteurs? Nous protestons ('outre cette altération
des faits Cl de la pensée,; et nous déclarons positivement que
l'article, inséré dans le Recueil de iModène , comme extrait de
la Revue Bucyclopédiquc , n'est pas celui qui a paru dans notre
Recueil,
il^G. — Istoria délia rivuluzione dt Irancia , etc. — Histoire de
la révolution de France , depuis la convocation des états géné-
raux jusqu'à l'établissement de la monarchie constitutionnelle;
huit livres, par Pierre Manzi. Florence, 1826 ; Pczzati. Tn-8°.
Lorsque tant de Français ont échoué, en écrivant l'histoire
d'une révolution dans laquelle ils ont été acteurs ou témoins, il
peut sembler extraordinaire qu'un Italien qui ne Ta aperçue que
de loin, ait ose tenter celte difficile entreprise. Mais, si l'on veut
réfléchir que le mouvement qui éclata d'abord en France avait
des ( 'démens dans le rc%tc de l'Europe civilisée, et cju il était
plutôt un des inévitables produits du siècle que l'ouvrage de
quelques hommes ou même de quelques partis, on ne sera pas
surpris qu'un Italien ait voulu faire connaître à ses compatriotes
quelles furent les causes, et quels sont les résultats d'un évé-
nement qui appartient au monde entier et qui nous entraîne
plus qu'on ne pense. M. Manzi est bien loin de pénétrer dans la
profondeur des considérations que demandait l'importance de
son sujet ; mais il rachète cette imperfection par l'exactitude
des faits et par la modération de ses principes. Il a considéré la
révolution française comme le vœu général d'une nation éclai-
rée sur ses intérêts, et non comme le résultat des efforts d'une
faction. Les personnes qui liront cette histoire pourront en tirer
quelque profit, si elles y ajoutent la lecture des excellent ou-
vrages de M. Mignet et de M. Thiers.
147. — * Gï Italiani in Russia , etc. — Les Italiens en Rus-
sie : Mémoires d'un officier italien. T. III. Italie (Florence),
1827. In 8°.
Les Italiens qui ont partagé le sort des Français, dans les
derniers événemens politiques et militaires de l'Europe, ma-
nifestent de plus en plus leur noble ressentiment de se voir non -
seulement dépouillés de leur existence politique, mais même
oubliés, dans l'histoire contemporaine, par des écrivains in-
justes et partiaux. Déjà M. Vaccani a réparé en partie ce tort
dans son Histoire des campagnes et des sièges des Italiens en Es-
pagne. Nous nous proposons de donner une analyse détaillée
/,io LIVRES ÉTRANGERS.
de l'ouvrage dont nous annonçons aujourd'hui le 3° volume, et
dont les deux premiers sont déjà connus de nos lecteurs ( voy.
Rev. Enc , t. xxxm , p. 189 ). L'auteur s'est proposé de relever
des noms, des combats , des vertus militaires, jusqu'ici dépré-
ciés ou négligés. Il se plaît à rappeler et à décrire ces événe-
mens remarquables auxquels il a souvent pris part, ou dont il
a été témoin. Tout lecteur à qui le sentiment de la gloire na-
tionale n'est pas étranger partagera l'intérêt que l'auteur porte
à l'illustration de sa patrie. On voit dans ses récits tout ce que
les Italiens étaient devenus en peu de tems sous l'influence
française, et ce qu'ils pourraient devenir si des circonstances
plus favorables secondaient leurs dispositions. IV ous regrettons
de ne pouvoir consigner ici les noms des braves Italiens qui se
sont le plus signalés dans cette importante et malheureuse cam-
pagne de Russie, et auxquels l'auteur a rendu une pleine jus-
tice, en rapportant des faits honorables pour euxel dontonne
peut contester l'exactitude. Les Italiens doivent savoir gré à
l'historien de son zèle patriotique, et profiter de son ouvrage.
Le même auteur nous promet des mémoires sur les autres cam-
pagnes des Italiens, et surtout sur celle d'Espagne.
i/|8. — Giornale biogrqfîco , etc. — Journal biographique de
Vicence. Vicence, 1827; Pariso et comp. In- 12.
Le premier numéro de ce journal , auquel le titre cValmonach
conviendrait mieux, commence par parler des Vicentins dis-
tingués dans la science musicale. On trouve ensuite une liste
chronologique d'Italiens plus ou moins célèbres; puis quelques
tables statistiques, et des préceptes d'agriculture. Si les rédac-
teurs veulent se rendre utiles aux lettres, ils devront s'occuper
de corriger les inexactitudes et les omissions que l'on rencontre
dans les écrits des biographes leurs devanciers.
1/J9. — Vita ciel cardinal Gasparo Contarini, etc. — Vie du
cardinal Gaspard Contarini, par monseigneur Lodovico Becca-
delli. Venise, 1827; Alvisopoli. In-8°.
Deux traits de cette vie qui nous semblent dignes d'une at-
tention particulière, suffiront pour faire apprécier le degré
d'intérêt que l'on peut prendre au cardinal Contarini. Envoyé
à la diète de Worms et de Ratisbonnc, où il s'agissait de con-
cilier les protestans et les catholiques, les protestans dirent de
Contarini que s'il se fût rencontré six autres prélats pareils à
lui, toute dissention eût cessé. Malheureusement on préféra la
méthode de Baronius et de Bellarmin. Le cardinal Contarini
protégea constamment les Grecs modernes que les circonstances
avaient jetés dans la misère. Il ne pouvait méconnaître les des-
cendans des hommes auxquels le monde civilisé devait sa litté-
ITALIE. /,n
rature el sa religion; il disait, ei ceci est fort remarquable, que
nous sommes obligés, par reconnaissance el par charité, à faire
du bien, non seulement aux Grecs qui sont nos frères, mais
encore aux pierres de leur payr... Combien <!<• nos con tempo
rains pourront rougir, en lisant les paroles de ce véritable
chrétien !
l5o. — Discorso dcl haronc lùndi/uinilo rorro, etc. — Dis-
cours du baron Ferdinand Ponno, prononcé aux funérailles du
comte Dominique Pino. Lugano, 182G; Vanelli et compagnie.
In-8°.
Le nom clu général Pino est trop étroitement lié à l'histoire
politique et militaire de l'Italie, pour que l'esprit de parti puisse
le faire condamner à l'oubli. Pino fut l'ami de son pays, et non
des gouvernemens qui l'opprimèrent sous quelque dénomina-
tion que ce fût. Sa bravoure et ses services militaires arra-
chèrent au pouvoir les distinctions qu'il obtint; mais jamais ces
laveurs ne lui firent oublier son pays. Il fut calomnié, pour-
suivi, proscrit;; mais l'histoire impartiale placera toujours le
nom du général Pino dans le petit nombre de ceux des Italiens
qui sont restés constamment fidèles aux intérêts de la patrie.
Fr. Salfi.
i5i. — * I promessi sposi, etc. — Les Fiancés, fragment
d'une histoire milanaise du xvne siècle, découvert et retou-
ché par Alexandre Manzoni. Milan, 1826; Y. Ferrario. 3 vol.
in-8°.
C'était en Tannée 162.8, et dans un village de la Lombardie,
aux environs de Lecco , que Renzo aimait la belle Lucie; leur
tendresse mutuelle allait être couronnée par la bénédiction
nuptiale; mais la jeune personne avait inspiré une violente
passion au seigneur Rodrigo. A cette époque existait dans le
pays où vivaient nos amans une foule de seigneurs farouches,
environnés de brigands à gages, connus sous le nom de bravi,
que la justice n'osait et ne pouvait atteindre dans leurs châteaux
fortifiés. Rodrigo était de ce nombre, et sans hésiter sur le
choix des moyens pour satisfaire sa passion, il fit signifier
secrètement à don Abbondio, curé du village, homme faible
et craintif, la défense de célébrer le mariage de Lucie. C'est
ici que commence à se développer l'intrigue sur laquelle
M. Manzoni a fondé le roman historique qui nous occupe. Un
capucin, le père Christophe, parvient à soustraire la jeune
Lucie aux poursuites de Rodrigo; il la place sous la protection
d'une religieuse dont le caractère fantasque ne présente pas
l'intérêt qui aurait pu le faire valoir. De son côté, Renzo arrive
à Milan; il se laisse entraîner dans une émeute populaire, dont
4ia LIVRES ÉTRANGERS.
la famine était le prétexte, et à laquelle pourtant on laisse croire
que le cardinal de Richelieu n'était pas étranger: il faut se
rappeler que cet impérieux ministre faisait alors la guerre en
Italie poui' soutenir contre l'empereur, l'Espagne et le duc de
Savoie, «es droits du duc de Nevers, appelé à succéder à
Vincent -de Gonzague, dernier duc de Mantoue. Renzo se ré-
fugia à Bergame; sur ces entrefaites, Lucie avait été enlevée,
à la sollicitation de Rodrigo, par un seigneur formidable, qui,
frappé tout à coup de remords, se décide à la rendre à sa fa-
mille. L'auteur fait intervenir ici le cardinal Borromée, et lui
prête des paroles constamment dignes de ce prélat illustre, et
qu'on ne peut lire sans émotion; il passe ensuite à la descrip-
tion de la peste qui désola Milan en i63o, morceau plein de
vérité et de détails touchans. C'est au milieu des horreurs de
ce fléau et dans le lazaret des pestiférés que Rodrigo trouve la
mort. Renzo rencontre dans le môme hospice le vertueux père
Christophe et sa bien-aimée Lucie, à laquelle il est enfin marié
dans son village par don Abbondio, que deux ans auparavant
lidée seule de cette union faisait frémir. Une multitude d'aven-
tures et de caractères remplissent le cadre de cet ingénieux
roman. Des incidens habilement disposés, une peinture fidèle
et animée des mœurs de cette époque , un style toujours appro-
prié aux situations, une grande variété de tons , telles sont les
qualités qui ont mérité à ce bel ouvrage le succès éclatant qu'il
vient d'obtenir en Italie, et qu'il va sans doute obtenir en
France (i). C. Rossetti.
i5-2. — * Opère varie italiane e francesi , etc. — Divers ou-
vrages italiens et français d'£. Q. Visconti, recueillis et publiés
par le Dr Jean Labus. Milan, 1827; typographie des classiques
italiens. In-8°.
M. Labus, dont le zèle pour les progrès de l'archéologie est
généralement connu, s'est chargé du soin de réunir et de pu-
blier les opuscules et les mémoires du célèbre E. Q. Visconti,
jusqu'ici dispersés, ou qui n'étaient pas encore imprimés. L'édi-
tion commence par les morceaux qu'il a composés en italien ;
(1) On annonce, comme devant paraître incessamment, une tra-
duction française de ce roman ; nous saisirons cette occasion de
revenir sur une production littéraire aussi distinguée , et de payer un
nouveau tribut d'estime à l'auteur, déjà célèbre en Italie comme écri-
vain dramatique et comme poète, et que son jugement et son goût
exercés garantiront sans doute des écarts où pourrait l'entraîner une
imagination ardente et impatiente de toute espèce de joug. N. du B.
ITALIE.— ESPAGNE. 4t1
ccuxqiie l'auleuravait rédigés Ml franraislessiiivronl .M. LabdS ,
daitS une s;iv;i rite préface , donne plusieurs renseignemens sur les
écrits dont se compose celle édition. Il V .1 joint un précis (lis
critiques dont <piel<|iies nioninnens éelaircis. péf l'archéologue
italien ont été l'occasion. L'édition est accompagnée <lc planches
exécutées avec l'exactitude nécessaire à cette sorte d ouvrages.
I 1.. Salfi.
ESPAG1NK.
1 53. — * Diccionm io , etc. — Dictionnaire géographique et
statistique de l'Espagne et du Portugal, dédié à S. M. (,'. par
le IV Sebastien Mignano, membre de l'Académie royale d'his-
toire de Madrid , et de l;i Société géographique de Paris. T. I-V.
Madrid, 182G. 5 vol. in 4°.
Ces cinq volumes, les seuls que l'on ait publiés jusqu'à ce
jour, nous paraissent, par' leur étendue, sans proportion a\cc
les forces d'un seul individu, quels que soient d'ailleurs les
talens et l'activité laborieuse de L'auteur. D'après la préface,
cet ouvrage comprendra plus de 't6,ooo articles. La méthode
suivie par le rédacteur pour chaque article le conduit à donner
d'abord le nom et les désignations principales de chaque lieu ;
et ensuite, la description topographique, les différentes pro-
ductions, les distances, un précis desévénemens remarquables,
les noms des hommes célèbres qu'il a vus naître ; enfin la
quotité de la contribution dont il est passible. Ce Dictionnaire
se fait surtout remarquer par les renseignemens exacts qu'il
donne sur la nature des revenus publics, et leur produit. La
carte générale de la Péninsule ne marque pas seulement les
communications existantes par terre et par eau , mais encore
celles qui sont projetées, et celles que l'auteur, d'après ses
propres idées, croit convenable d'indiquer pour un système
de canaux d'arrosage et de communication à l'intérieur. Les
matériaux qui ont servi à la formation de cette grande entre-
prise littéraire sont dus à la fois , comme l'annonce la préface,
aux ouvrages et aux travaux déjà publiés sur la géographie et
surlastalistique de l'Espagne., soit pardes écrivains du pays, soit
par des étrangers, et aux communications obtenues des admi-
nistrations de la capitale et des provinces, des fonctionnaires
publics, des savans et des curés de paroisse, à chacun desquels
l'auteur a fait demander des renseignemens détaillés sur leurs
villages respectifs et les villages circonvoisins. Toutefois,
M. Mignano n'a pas manqué de trouver des antagonistes qui
ont découvert dans son ouvrage des méprises, des lacunes , et
414 LIVRES ÉTRANGERS.
bien d'autres fautes; il a été critiqué avec aigreur par M. F.
Cabaitero, qui, sous le nom de souscripteur repentant , de sous-
crtptenr semi-géographe 9 a publié ce qu'il appelle des correc-
tions fraternel/es, au nombre de trois. La dernière est adressée
au docteur presbytérien , D. Sébastien Mignano , rédacteur dit
Dictionnaire géographique de l'Espagne et du Portugal, déjà connu
du public. Les remarques de ce critique ne sont ni légères , ni en
petit nombre; mais il nous permettra de n'être point de son avis,
quand il qualifie de méprisable le Dictionnaire que nous annon-
çons. L'auteur promet de réparerait moyen d'un ou de plusieurs
supplérnens les omissions et les erreurs qui se trouvent dans
cet ouvrage; et, quoique M. F. Caballero en ait compté plus de
quatre-vingt-dix, dans sa troisième correction fraternelle, elles
nous paraissent dénature à être facilement rectifiées, en suppo-
sant qu'elles existent, car ce genre d'ouvrages est nécessaire-
ment incomplet dans tous les pays; et celui de M. Mignano
sera très-recommandable, surtout lorsqu'il aura publié le sup-
plément qu'il annonce, et qui est destiné à compléter son im-
mense travail» P. M.
PAYS-BAS.
i54. — Over de Hcrfsthoortscn , etc. — Sur les Fièvres de
l'automne à Amsterdam, particulièrement sur celles de l'an 1 826,
par M. H. -F. Thyssen, d. m., membre de la première classe
de l'Institut royal des Pays-Bas, etc. Amsterdam, 1827.
I11-80 de 128 p.
L'auteur, déjà avantageusement connu par sa Notice histo-
rique sur les maladies des Pays-Bas (Amsterdam, 1824), a
traité le sujet indiqué par le titre de cet ouvrage, en présen-
tant : i° des observations sur la situation physique d'Amster-
dam (p. 1-19); a0 sur les maladies qui ordinairement s'y
manifestent dans l'automne (p. 20-42); 3° il s'est attaché à
faire connaître les circonstances qui ont amené les maladies
de l'an 1826 (p. 43-102); puis, il donne les détails les plus
intéressais sur la nature et le caractère de la maladie qui a
régné alors, détails puisés presque, entièrement dans des obser-
vations qu'il a été à même de faire et de rassembler lui-même
dans sa pratique. Cet ouvrage mérite l'attention de tous ceux
qui étudient la médecine, et qui s'occupent des moyens propres
à conserver la santé publique. X.
1 55. — ■ Résumé d'une nouvelle théorie des caustiques , suivi de
différentes applications à la théorie des projections stéréogra-
phiques, présenté à X Académie royale de .Bruxelles, dans la
PAYS-BAS.
léanœ da 5 novembre i >s i 5 , par M. A. Qui nm. Bi ux<
18*7. in ," de 15 |>. et une planche gravi
li question d'optique, traitée d'une manière nouvelle par
M. Quetelet dans différcus Mémoires qu'il a lus su ment
à l'Académie royale . dont il est l'un c!( s plus illustres membres,
a Tut dès long- teins le .sujet des recherches des savans: ei
dans ces derniers teins, MM. Stttrm . G g /.//e , eic., s'en
occupés avec succès. M. Quetelet, on liant cette théorie à celle
des développées, lui donne un nouvel intérêt L'écrit que nous
annonçons, n'étant lui -même en grande partie qu'un résumé
de divers mémoires, n'est pas susceptible d'être analysé ici
avec quelque espérance d'en faire comprendre l'esprit, attendu
qu'il ne nous est pas permis de donner assez d'étendue à notre
article. Nous pensons que les savans liront avec plaisir le nou-
veau mémoire d'un géomètre si digne de leur estime.
I RAXCOFUR.
1 56. — * Esquisse politique sur l'action des forces sociales dans
les (lift] rend • i de gouvernement. Bruxelles, 1827 ; A. L;i-
crosse. In 8°.
Notre génération est sérieuse, on ne cesse de nous le ré-
peter, et cela est vrai à quelques égards; mais il ne suit pas
de là qu'on doive s'étudier à débiter sérieusement des pauvretés
en style prétentieux. Or, il s'est établi une école qui ne fait pas
autre chose. L'auteur de l'ouvrage dont on vient de lire le titre ,
n'est point de cette secte morose et pédantesque, aussi a-t-on
fort peu préconisé son livre. Il écrit avec conviction et avec
franchise, et sans affectation. Persuadé que les hypothèses par
lesquelles les anciens et les modernes tentent d'expliquer l'ori-
gine de la société sont et seront toujours dénuées de preuves;
ne se décidant ni pour l'âge d'or, ni pour l'état de nature, il a
fort bien vu que quelle qu'ait été la condition primitive de la so-
ciété humaine, il n'y a d'essentiel à rechercher pour nous que
sa condition postérieure, dont l'histoire nous a laissé le témoi-
gnage. Des troubles, des calamités, des révolutions effrayantes
l'ont toujours ébranlée, agitée, renversée : voilà le fait. Quelle
est la cause immédiate et permanente de tant de désastres ?
voilà le problème. L'auteur a cru en trouver la solution dans
l'action toujours constante des forces réelles, spontanées el per-
manentes de la société civile, et il a été conduit à reconnaître,
comme un axiome fondamental de la politique : que la force
réelle se régit par elle-même, se protège par elle-même, se dé-
veloppe par elle-même; que telle est la condition de son exis-
tn caractère est absolu, el que tout dépend d'elle,
tandis qu'elle ne dépend de personne. On conçoit que , dans
416 LIVRES FRANÇAIS.
la démonstration de cette thèse, il peut entrer des données
fausses ou mal posées , et qu'en traitant de politique il est
impossible de ne pas subir l'influence des événemens que Ton
a traversés : c'est moins le tort de l'auteur que celui de la na-
ture humaine. de Reiffenberg.
157. — * Bydi agen totde Geschiedenis der Ncdcrlanden. —
Mémoires pour servir à l'histoire des Pays-Bas, par M. J.-P.
Van Cappelle. Harlem, 1827. In-8° de 4 2 4 P-
Huit Mémoires sur différens sujets remplissent ce volume.
Le premier, qui a le plus d'étendue (p. 1-204), concerne
Elbcrtus Lconinus , chancelier de la Gueldre, né en i520, et
mort en 1598. Sa vie se rattache aux événemens de ce tems,
et particulièrement aux troubles qui existaient alors dans sa
patrie. Non-seulemeat comme citoyen, mais aussi comme sa-
vant jurisconsulte, il mérite d'être distingué. En 1579 , il parlait
comme conseiller d'état aux états-généraux rassemblés à Anvers ,
et se portait entre autres le défenseur intrépide de la liberté
des cultes ( voy. p. 162). — Le second Mémoire est consacré
au bourguemestre d'Anvers, Anthonis van Slialen , une des
victimes du duc d'Albe, et exécuté à mort en i568. Quelques
particularités relatives au conseil des troubles, qui condamna
aussi Van Shalen, se trouvent dans le troisième Mémoire,
p. 25 1 -281. Mais c'est avec un pénible sentiment que nous
avons lu, p. 277, que le mode de procédure qui avait lieu
devant ce conseil, de terrible mémoire, a été maintenu dans
les Pays-Bas jusqu'en 1798, la seule confiscation des biens
exceptée. Quoique les institutions judiciaires des Pays-Bas ne
fussent pas exemptes de plusieurs défauts, pourtant ce que
M. Van Cappelle dit contient une erreur grave, que nous
sommes obligés de signaler. Les connaissances en mathéma-
tiques du prince Maurice de Nassau et sa familiarité avec le
célèbre Simon Stevin font l'objet du quatrième Mémoire. Les
détails sur là carte de géographie ancienne, dite carte de
Peutinger, p. 3o3-335, sont peu intéressans, et n'ont que très-
peu de rapport avec l'histoire des Pays-Bas. Deux historiens
célèbres ont écrit l'histoire des Pays-Bas, Hooft dans ses
Nederlandsche historien , et Schiller dans sa Geschichte des
A 'bj ails der f ereinigten Niedcrldnder von der spanischen Regie-
rung { histoire du soulèvement des Pays-Bas contre le gouverne-
ment Espagnol), M. Van Cappelle a très-judicieusement établi uu
parallèle entre ces deux écrivains , et indiqué les différences no-
tables qui s'offrent dans la manière dont ils ont envisagé
et traité le même sujet (p. 338-363). Le discours suivant, de
l'Influence des préjugés sur les études histoiiques , fait honneur
PAYStBA ,.
au jugement et à l'impartialité de l'auteur qui, comme profes-
seur d'histoire nationale à l'Athénée d'Amsterdam, trouve
l'occasion de montrer par sou exemple comment il faut éviter
les écueils dangereux des préjugés, dont ne savent pas toujours
se garantir les historiens) môme les plus consciencieux. Ou
lira saus doute aussi avec beaucoup de satisfaction le discours
! le dernier du volume) sur l'amour de la patrie chez nos an-
cêtres* C'est une des vertus que les étrangers cu> .-mêmes se
sont toujours plu a leur reconnaître, X.
1 58. -— Gesc/uedexis van het Slot de Muiden , etc. — His-
toire du château de Muiden , et de la vie qu'y mena Ilooft;
par J. Konino , membre de l'Institut. Amsterdam, 1827 ; Van
(1er Hcy. I11-80 avec fig.
L'administration des domaines avait mis en vente l'antique
château de Muiden , fameux par tant de souvenirs historiques,
et surtout par le séjour qu'y fit Corneille Hooft , le Tacite de la
Hollande. Aussitôt, les amis des lettres de prendre l'alarme.
Le roi, cédant à leurs sollicitations, préserva de la destruction
le gothique édifice , et M. Koning prit la plume pour retracer
les traditions qui se rattachent à ses murs.
159. — Journal fait en Grèce pendant les années 1825 et 1826,
par M. Eugène de Villenf.uve , capitaine de cavalerie dans
l'armée hellénique, orné du portrait de l'auteur, accompagné
de plusieurs pièces justificatives, de divers fac simile , etc.
Bruxelles , 1827 ; Tarlier. In-8°.
Le nom de la Grèce a quelque chose de magique : c'est un
talisman qui fera lire avec intérêt la relation de M. de Ville-
neuve , quoiqu'elle se recommande peu par le mérite du style ;
ses anecdotes , en général assez communes, ajoutent néanmoins
quelques traits à la physionomie d'hommes célèbres ; et , à ce
titre il est bon de les recueillir.
160. — Guillaume Frédéric d'Orange-Nassau, avant son
avènement au trône des Pays-Bas, sous le nom de Guillaume Ier,
par un Belge. Bruxelles, 1827 ; Tarlier. In-8° avec fig.
Quoique je sois loin d'approuver les biographies d'hommes
vivans , et surtout celles des princes, je ne puis m'empècher de
louer dans celle-ci l'amour de la vérité qui l'a dictée. Le roi
des Pays-Bas est un monarque pour lequel la vérité elle-même
a tout l'air de la flatterie , et qu'on paraît louer outre mesure
en ne faisant que le simple exposé de ses hautes vertus. Son
historien a voulu le faire connaître aux peuples qu'il gouverne,
àuneépoque|oùses bien faits ne pouvaient le lui révéler : c'est en
quelque sorte antidater notre reconnaissance, de Reiffenberg.
161. — * Histoire générale de la Belgique , par M. Dbwes .
t. xxxvi. — Novembre 1827. 27
4i8 LIVRES ÉTRANGERS.
membre de l'Institut des Pays-Bas, et secrétaire perpétuel de
l'Académie des sciences et belles lettres de Bruxelles; tom. ni
et n. Bruxelles, 1827. H. Tarlier. 1 vol. in 8°, formant en-
semble 81a pages.
En rendant compte des deux premiers volumes de cet im-
portant ouvrage ( Voy. Rcv. Enc.t t. xxxm, pag. 757 ) , nous
avons fait remarquer combien cette nouvelle édition est supé-
rieure à la première. Les changemens introduits dans les 3e et
4e volumes ne sont pas moins nombreux ; le chapitre des
Croisades s'est particulièrement amélioré: le souvenir de ces
guerres avantureuses où brillèrent avec tant d'éclat les princes
et les seigneurs belges semble avoir électrisé l'historien; son
style en a pris une certaine chaleur qui ne lui est pas ordinaire.
Le chapitre sur la servitude dans les provinces belgicjucs est aussi
très- remarquable, mais sous d'autres rapports: c'est une dis-
sertation fort savante et fort bien raisonnée, qui jette en quel-
que sorte une vive lumière sur le tableau des institutions et
des mœurs d'un peuple digne à toutes les époques d'attirer les
regards de l'observateur philosophe. Le récit de la longue et
terrible lutte des viiles de la Flandre avec leurs souverains ren-
ferme peut-être trop de détails insignifians, et ceux qu'a fournis
le chroniqueur Meyer ne sont pas toujours présentés sous leur
véritable point de vue. Les faits se classeraient mieux dans la
mémoire du lecteur, s'ils étaient resserrés avec plus d'art. Le
quatrième volume finit à la mort de Philippe-le-Bon en 1467.
Voici le portrait que M. Dewez trace de ce prince, le plus
puissant et le plus riche de son siècle. « Il était affable, libéral;
il avait les manières aisées, l'air ouvert; il avait une qualité
qui n'était pas ordinaire chez les grands : il savait écouter,
c'est-à-dire qu'il prenait attention et intérêt à ce que l'on disait;
il ne se fâchait pas souvent : mais, quand il entrait dans un
accès de colère... Il était terrible; il était religieux, dit -on;
mais il était, comme cela se voit souvent, plus attaché au culte
extérieur et aux cérémonies de l'église qu'à la morale et à l'es-
prit de la religion, c'est-à-dire; plus à la forme qu'au fond...
Il était brave, mais ambitieux, possédé d'un désir insatiable
de s'agrandir, et tous les moyens lui semblaient bons pour par-
venir à ses fins... Il était bon, dit-on encore; mais peut-on
bien dire sans restriction qu'il était bon , celui qui traita si du-
rement et si inhumainement les Gantois et les Dinantais? Il
faisait de grandes largesses, donnait des fêtes magnifiques; il
traitait le peuple avec modération, le gouvernait avec sagesse,
il le ménageait dans les impôts: voilà sans doute les motifs qui
lui ont valu cette dénomination de bon. » Stassart.
PA.YS-BAS.— FRANCE. 419
16a. - Le gueux de mer, ou la Belgique sous le due d'Albe.
Bruxelles, 1827; Sacré. 9 vol. in- 12.
L'essai que nous annonçons prouve du talent, du goût, de
l'imagination : quelques scènes produisent uneffel dramatique;
mais l'action est mal nouée, <i rattachée faiblement au grand
tableau de nos troubles. Le dirai-je? La vie intérieure des
Belges, leurs idées courantes sonl représentées avec peu de
fidélité; néanmoins, on lira ce livre avec plaisir : il est gros
d'espérances. de R.
Ti VUES FRANÇAIS.
Sciences physiques et naturelles.
i63. — * Histoire naturelle des mammifères , avec des figures
originales dessiuéës, coloriées d'après des animaux vivans; par
MM. C.F.ori roy-Sunt-Hilairk tjl Frédéric Cuvier, membres
de l' Académie des sciences. Paris, 1827; Bel in, vue desMathu-
rins-Saint- Jacques , n° 14; ^e livraison, de 1 feuilles in-40 et
6 pi. coloriées ; prix , g fr. ( Voy. Bec. Enc, t. xxxtv, p. 442.)
Le mangabejr se trouve au Congo er à la Côte d'Or. La mé-
nagerie de Paris a possédé un très-grand nombre de ces singes;
ils étaient tous familiers et assez doux , malgré leur excessive
pétulance», qui paraît surpasser celle de la plupart des espèces
du genre guenon. — Le genre macaque, qui vient ensuite, corn
prend dix espèces publiées par M. Frédéric Cuvier. Ces singes
sont caractérisés par de vastes abajoues, où ils mettent en ré-
serve des alimens; la nature snpplée ainsi à leur défaut d'agi -
lité. Il parait que les macaques seuls ont donné à Paris des
exemples de propagation. «Les petits, après une gestation de
sept mois , naissent avec tous les sens ouverts ; les quinze pre-
miers jours, ils restent continuellement la bouche attachée à
la mamelle de leur mère. Bientôt ils regardent autour d'eux,
et, dès les premiers essais qu'ils font pour se mouvoir, ils ont-
une adresse et une force qu'on n'aurait pu attendre que d'un
long exercice et d'une longue expérience. »
Après avoir fait connaître les caractères communs à toutes
les espèces, M. Frédéric Cuvier fait l'histoire de chacune en
particulier. Il donne beaucoup de détails sur un mâle et une
femelle de macaques proprement dites, élevés dans la ménagerie.
Là, ces animaux s'accouplèrent à plusieurs reprises; la femelle
mil bas deux (o:s , et laissa périr les i\v\\\ femelles qu'elle avait
produites. Ce défaut de soins confirma l'Opinion de M. Cuvier
sur l'altération que l'esclavage fait éprouver, chez les ani-
maux, à l'amour de la progéniture. Cette espèce, qui est la
macaque de Buffon , paraît être assez commune; elle arrive
/,io LIVRES FRANÇAIS.
fréquemment en Europe aujourd'hui, et principalement de
Sumatra.
Le macaque à face noire s'unit naturellement à la macaque de
Buffou, qui a la face d'une couleur très-claire; c'est à M. Al-
fred Duvaueel qu'on doit de savoir que cet animal se trouve à
Sumatra : il paraît avoir le caractère des autres macaques.
Le toque, ou bonnet chinois de Buffon, est surtout remar-
quable par la singulière forme de sa tète et de son museau,
qui est mince et étroit, tandis que celui des autres macaques
est lourd et épais; la nudité et les rides de son front sont pour
lui des caractères exclusifs.
Nous ne pouvons donner que des éloges aux planches de ce
bel ouvrage, dont l'exécution se poursuit avec les mêmes soins
et le même suceès.
164. — * Atlas des oiseaux d 'Europe, pour servir de com-
plément au Manuel d'Ornithologie de M. Temminck ; par M.
J.-C. Werner, peintre d'histoire naturelle; 6e livraison. Paris,
1827; Belin, rue des Mathurins-Saint- Jacques , n°i4. Un
cahier in-8°, contenant 10 planches; prix, 3 U\ fig. en noir; et
6 fr. fig. coloriées. ( Voj. Rev. Enc., t. xxx, p. 462.)
Cette livraison est consacrée auxpies, aux geais, aux pyr-
rhocorax , aux Jaseurs, aux voiliers et aux loriots. Les planches
sont lithographiées et coloriées avec exactitude et avec soin;
et, quoique les oiseaux y soient rarement représentés de gran-
deur naturelle, il est impossible, après avoir vu ces dessins,
de ne pas reconnaître les espèces qu'ils figurent. L'atlas de
M. Werner, le plus complet qui existe en ce genre, remplace
donc, on peut dire avec avantage, une collection qu'on ne
seroit pas certain de se procurer avec des dépenses considé-
rables et des recherches pénibles. A. M — t.
i65. — Quelques idées sur la régénération des forets; par
M. le chevalier Soulange-Bodin, président de la Société
Linnéenne de Paris. Paris, 1827; an secrétariat de la Société
Linnéenne, rue des Saints-Pères, n° 46. L>8° de 10 pages.
Cet écrit est le discours que M. Soulange-Bodin a lu à la
séance de la fête champêtre célébrée par la Société Linnéenne,
le 24 mai de cette année, dans les bois de Bellevue, près
de Meudon. L'orateur, bien convaincu de la nécessité de varier
les productions végétales confiées au même sol , regarde les
terres de l'Europe comme épuisées pour la production des
arbres qu'elles nourrissent depuis un si grand nombre de
siècles; il pense que le résultat nécessaire de cet appauvrisse-
ment du sol est la dégénération des espèces forestières, dont les
dimensions etles qualités décroîtront sans cesse, à moiusque la
prévoyance de l'homme ne vienne au secours des forêts. Il pro-
SCIENCES PHYSIQUES. 4*i
pose de remplacer le pins tôl p< >->^i I >l *■ ces espèces vieillies par
d'autres qui aient toute la vigueui de Is jeunease , el que l'Ame
rique peul nous fournir. Il v a certainement des vérités dans cei
ici ii; mais telle esl la nature de l'intelligence humaine', que,
pour faire admettre les vérités, ci sur (oui pour les rendre ap-
plicables , il faut qu'elles se présentent avec un certain appareil
donl la raison l'aii les apprêts. Le discours de I\ï. Soulangc-Bodiu
est paré (les fleurs de l éloquence : il reste à revêtir ses idées des
formes simples el sévères «lu raisonnement. C'est une disserta-
tion dès importante, étendue, pleine de laits exposés avec
ordre, qui pourra convaincre lès esprits, et déterminer la vo-
lonté. Le renouvellement intégral des espèces1 forestières est nue
entreprise si vas-le el île si longue exécution , (jne l'on ne s'y
décidera point sans une conviction profonde, impérieuse; cette
conviction ne peut être amenée que par des ouvrages qui ré-
pandent l'instruction et le désir A\m acquérir encore plus, qui
fassent une forte impression sur les esprits, et qui fixent une
époque dans l'histoire de la science. F.
i (>(>. -— Mémoire sur l'éducation classique des jeunes médecins,
par le docteur... Paris, 1827 ; Cosson , rue Saint-Germain-des-
Prés, u°. 9. In- 8°.
Cet écrit, adressé en forme de lettres au savant docteur
Clianssicr, doit servir de complément à deux autres mémoires
publiés par l'auteur en 1819. Son but est de prouver que le
texte des aphorismes et des pronostics d 'Hippocrate est fixé pour
toujours, d'après les manuscrits; et comme il le dit, il combat
pro mis et focis. C'est en 18 10 qu'il a rassemblé, pour la pre-
mière fois, en corps de doctrine et de morale les préceptes
du père de la médecine , pour les offrir à la génération ac-
tuelle; en 1 8 1 3 , époque de la publication de son travail, le
docteur Bosquillon donnait, dans son cours, les plus grands
éloges à la traduction de M. Demercy ; jugement qui a été tour
à tour confirmé, combattu ou modifié. Ce dernier parti est
celui qu'adopta l'auteur de l'article Hippocrate , dans la Bio-
graphie universelle; quoi qu'il en soit, M. Uemercy (puisque
son nom nous est révélé par ses ouvrages) a bien le droit de
juger à son tour ceux qui se présentent après lui dans la car-
rière ; il en use peut-être avec trop peu de ménagement, comme
helléniste, comme médecin, comme ardent zélateur des bonnes
doctrines et des études classiques, à l'occasion de deux livrai-
sons qui viennent de paraître d'une édition nouvelle des œuvres
complètes d'Hippocrate. « On distingue facilement, dit-il, que
le but de- l'éditeur a été de puiser dans d'autres ouvrages ou
traductions, afin de faire croire à ses lecteurs qu'il se serait
4*3 LIVRES FRANÇAIS.
occupe lui-même, depuis longues années, d'un travail de
cetle nature. » Douze pages sont ensuite consacrées à combattre
pied a pied ce nouvel éditeur. « S'il avait eu, ajoute le docte he'-
léniste, les moindres connaissances en littérature, il se serait
convaincu par l'examen des meilleurs modèles , que la gloire
de corriger un texte est une propriété d'auteur, que l'on ne
peut lui ravir impunément, encore que les manuscrits anciens
soient des sources communes où il est permis de puiser; que,
si quelquefois on parvient à faire d'utiles et importantes cor-
rections au texte des auteurs, il faut bien savoir que le talent
seul, avide d'une juste renommée, ose mettre en monnaie cou-
rante ces trésors de sciences. » Voilà, de bon compte, des
griefs qu'un auteur ne pouvait passer sous silence : l'ignorance
et le plagiat. Nous renvoyons aux nombreuses citations de
M. Demercy les personnes qui voudraient acquérir les preuves
de ce double délit.
Notre critique en conclut « la nécessité de fonder une chaire
d'Hippocrate, pour pouvoir y enseigner, expliquer et com-
menter, sur le texte grec, les chefs-d'œuvre de ce père de la
médecine; c'est là précisément le commencement, le milieu et la
fin de ce mémoire. » En effet, ce mémoire s'ouvre par la trans-
cription de lettres patentes de Charles IX, ordonnant, ce qui,
par parenthèse, se pratique encore aujourd'hui, de soumettre
à un examen sévère les candidats aux places vacantes de pro-
fesseurs. La création du Collège royal, par François Ier, est
opposée à la contagion actuelle des systèmes et des fausses doc-
trines qui se sont propagés, s'il faut en cioire M. Demercy, au
point que le médecin le plus instruit sur les œuvres d'Hippocrate,
passerait aux yeux des novateurs pour le plus ignorant. Nous
observerons que Montaigne , contemporain de François Ier,
prétendait que les médecins de son tems sa\ aient doctement
Hippocrate etGalien, mais qu'ils ne connaissaient nullement les
malades. L'accusation était un peu vive : celle de M. Demercy
l'est -elle moins? C'est au nom d'Hippocrate, et en faveur
de la société tout entière, qu'il s'adresse aux contemporains
et qu'il exhale tous ses regrets sur la négligence que l'on
apporte dans l'explication précise des sentences du père de la
médecine. Cette seule défection ( nous transcrivons textuelle-
ment ), qui provient de l'abandon de l'éducation classique ,
coûte, par année, la vie à plusieurs milliers d'individus , tandis
que l'on enseigne avec profusion aux jeunes gens toutes les
sciences accessoires à la théorie de la médecine. La règle gé-
nérale était autrefois, observe-t-il enfin , que les docteurs en
médecine apprissent le grec. Mais le grec et le latin ne font-ils
SCIENC1 S PHYSIQUES. , i I
l>as encoi e aujourd'hui la base des études classiques ? mais est
il démontré que h meilleur helléniste soil toujours le meiMeiu
médecin? mais, alors qu'on était hérissé de grec, la vie se
prolongeait -elle plus que sous l'empire des systèmes? Nous
souscrivons de grand coeur à la propagation des bons et doctes
euseignemens et de l'étude approfondie des langues mortes; el
déjà dans toutes les langues vivantes il y a plus de 3 oo édi-
tions, traductions et commentaires des seuls aphorismes., ce
chef-d'œuvre de la raison humaine. Ce n'est pas assez saris
doute; mais l'observation est bien aussi quelque chose. llippo-
crate dur beaucoup à la famille des Asclépiaées dont il fut le
membre le plus distingué. Dût-il moins à son génie, à cette
science infuse avec la vie, à cette patience, à ce discernement
(jui l'accompagnaient dans ses voyages? Il savait «pie la vie est
courte et que l'étude en absorbe la meilleure partie. Son livre
était la nature et l'homme. Loin de nous l'idée de nous inscrire
contre l'érection d'une chaire d'Uippocrate, ne dût-elle servir
qu'à faciliter la séparation de l'or pur et de l'alliage, en ré-
pandant la connaissance des seuls traités qui appartiennent
réellement à ce grand maître. R — n.
167. — Exposition de la doctrine médicale, allemande , par
M. UuRiNCE, doct. en méd. de l'université de Gœttinguc, etc.
Paris, 1827; Gabon. In-8° de 60 pages; prix, 1 fr.
Eu Allemagne, où les idées philosophiques occupent plus
les esprits que dans notre pays, on a souvent essayé de les
combiner avec les faits et les phénomènes du monde matériel.
Dans les divers systèmes où cette réunion a été tentée, ce sont
des idées spéculatives et conçues à priori qui servent ordinai-
rement de fondement à l'édifice; et si, par suite, les sciences
physiques ne s'y trouvent présentées que sous un faux jour,
afin qu'elles puissent s'accommoder au besoin des doctrines
philosophiques, celles ci perdent a leur tour de leur élévation ,
et, dégradées en quelque sorte par une alliance qui les rabaisse,
ne peuvent plus satisfaire aux besoins de l'âme qui les ont
inspirées.
Les systèmes médicaux de cette espèce diffèrent d'ailleurs
entre eux en raison de la nature des idées qui leur servent de
point de départ, selon qu'elles remontent pins haut, quelles
sont plus ou moins transcendantes. Ainsi, par exemple, une
doctrine, dite de la polarité, est particulièrement professée
dans les états autrichiens; elle repose surtout sur la considé-
ration de ce qu'elle appelle la force universelle de la nature,
force primitive, unique, qui cependant se compose elle-même
de deux forces dites polaires, l'une attractive ou COOtractive,
4*4 LIVRES FRANÇAIS.
et l'autre tépulsive ou expnnsive, en opposition constante, ten-
dant à se détruire mutuellement, et qui, agissant partout en
se Modifiant sans cesse, produisent tout, animent tout. Au
moyen de cette première donnée, empruntée à. une hypothèse
employée par les physiciens pour se rendre raison des phéno-
mènes électriques, on explique la nature entière, la vie elle-
même , et les innombrables faits de détail qui en dépendent.
Mais, quoiqu'on soutienne dans cette doctrine que tout, dans
l'univers, est animé et doué de vie, jusqu'aux pierres des
rochers, et qu'on y apprenne comment se forme la matière par
le simple conflit des forces répulsive et attractive, qui se rendent
sensibles dans f espace en constituant une chose (voy. le Journal
des Progrès des Sciences et Institutions médicales , Paris, 1827 ;
3? vol. ), ce n'est cependant là que de la hante physique; ce
n est point encore de la véritable métaphysique, telle que celle
qui sert de base à la doctrine médicale allemande dont M. Du-
ringe se rend l'interprète.
A la vérité , beaucoup de choses sont communes à ces deux
doctrines. Il est encore question, dans celle-ci, de polarité-
positive et négative, d'une force productive, de deux forces
opposées entre elles, etc.; mais, au lieu de commencer mo-
destement par l'attraction et la répulsion, elle s'élève au monde
intellectuel, à l'idéal qui a précédé le monde matériel, enfin
à l'absolu. « C'est du principe absolu, dit M. Duringe, cjue
doivent partir toutes les recherches dans la médecine; car on
ne peut concevoir l'existence d'un être quelconque qu'en le
considérant par rapport à son origine, à sa nature. Ce principe
étant la source de toute vie organisée et inorganisée, est la
base de la physiologie et de la pathologie. » Si le sort des
sciences médicales était lié à ia connaissance de l'absolu, à
celle de l'origine des êtres, elles languiraient encore dans
l'enfance, tandis qu'il a suffi de la simple observation et de
l'expérience bien dirigées pour les amener au degré avancé
de développement où elles sont parwnues.
Loin de nous cependant la pensée de vouloir jeter de la dé-
faveur sur les doctrines de la philosophie transcendante, même
sur celles qui sembleraient, au premier abord, se rapprocher
du mysticisme; ce que nous blâmons, c'est l'application qu'on
en veut faire aux sciences physiques , application qui non
seulement égaie ces dernières dans de fausses routes, en invo-
quant des analogies superficielles, de prétendues harmonies,
d'apparens contrastes; mais, nous le répétons, ont en outre le
défaut de faire perdre de vue le seul but, souvent sublime , des
conceptions philosophiques. Ainsi , dans la doctrine exposée
SCIENCES rinsioi JvS. 4^
par M. Dminge, «I«- l'absolu sort, comme deuxième ordre de
choses , une h lade formée de I idéal <>u subjectif et du réel ou
objectif) puissances contraires, réunies par une troisième,
nommée force formatrice ou synthétique. Qui ne croirait re-
trouver ici eelte an(i(|lie allégorie, celte eelebre triade (pli
domine le platonisme et y a été expliquée dans Irois systèmes
différens, Ahéologiquement , allégoriquemenl , el enfin physi
i] ne ; nent; triade que Platon avait empruntée à Timée de I «ocres,
disciple lui même de Pythagore, lequel l'avait trouvée dans la
trimourti des Indiens. i\oii> savions que cette mystérieuse con-
ception avait beaucoup occupé les philosophes allemands , qui ,
depuis KLant, ont suivi les opinions de Schelling ou les ont
plus ou moins modifiées; mais nous ne pensions pas qu'on fût
arrivé an point d'eu trouver un exemple dans le kaliqui, réuni
à l'avilit: y produit y par la force synt/it:ti</in' , un sel. C'est partir
de bien liant pour tomber bien bas. Quand il y aurait quelques
\nc>> utiles dans ce (pie l'auteur de cette brochure dit des
lièvres, comme échantillon de sa doctrine, les idées étranges
qu'il y mêle en détruiraient toute la valeur,
Rigollot (ils, D.-M.
168. — * Application de F arithmétique au commerce et à la
banque, d'après les principes de Bczout ; par /. - B. Juvigny.
Tra ù irme édition. Paris, 1827; Renard; Bachelier. In - 8° ;
prix, 7 IV.
L'Arithmétique deBezout est, comme les autres ouvrages de
ce savant, écrite avec un ordre et une clarté que personne ne
conteste; et le reproché qu'on fait à la rédaction de cette par-
tie de la science est seulement d'être incomplète et de ne pas
traiter les questions délicates relatives aux propriétés des nom-
bres et à leurs combinaisons. Mais ces lacunes ne sont pas un
défaut, lorsqu'on destine l'ouvrage à l'enseignement de la par-
tie des calculs qui est nécessaire aux commereans; peut - être
même sont-elles avantageuses, parce qu'elles limitent mieux
rétendue des sujets que l'on doit considérer, en rejetant tout
ce qui n'est pas directement utile. On doit donc louer M. Ju-
vigny davoir emprunté à Bezoutla théorie et la logique sur les-
quelles l'art du calcul est basé. C'est une amélioration notable
laite ;t une entreprise, déjà couronnée d'un plein succès. L'au-
teur a réduit les deux volumes de ses précédentes éditions à un
seul ; c'est un livre entièrement refait, et qui nous a paru
beaucoup meilleur qu'il n'était. Les exemples de Bczout ont été
remplacés par d'autres tiré-, des usages et: des besoins du com-
merce. Les emprunts faits à ce savant n'excèdent pas 80 pages;
le reste du livre est consacré à l'application des principes de
,2(5 LIVRES FRANÇAIS.
l'arithmétique à toutes les règles commerciales : tels sont les
arbitrages, les négociations, l'évaluation des comptes cou-
rans et des prix des liqueurs, les escomptes et intérêts, des
notions sur les monnaies réelles et de compte, la théorie des
opérations sur les fonds publies, français et étrangers, etc.
Nous recommandons aux praticiens la lecture de cet. ouvrage,
où ils trouveront des notions exactes présentées avec ordre
et discernement ; c'est un excellent Traité (l'arithmétique com-
merciale.
169. — * Supplément au Traité de Géodésie , contenant de
nouvelles remarques sur plusieurs questions de géographie ma-
thématique, et sur l'application des mesures géodésiques et as-
tronomiques à la détermination de la figure delà terre; par L.
Puissant, lieutenant- colonel au corps royal des ingénieurs
géographes, etc. Paris, 1827 ; Bachelier. In-4° de 125 pages ,
accompagné de tables; prix, 7 fr. 5o c.
Les dernières opérations géodésiques faites en France ont
excité les recherches des savans sur le parti ie plus favorable
à tirer des résultats obtenus, pour déterminer l'aplatissement
terrestre. M. Puissant a publié sur ce sujet plusieurs mémoires
insérés dans la Connaissance des tems. Ces utiles travaux sont
ici reproduits par l'auteur. Il y a joint divers autres écrits dont
le but est de rendre les applications numériques plus faciles ,
en ce qui concerne la mesure trigonométriquedes hautes som-
mités, les calculs d'azimuts et de latitudes, la détermination
des longitudes, etc. On y trouve aussi d'importantes remarques
sur les mesures du pendule et la loi de décaissement de la pe-
santeur à la surface terrestre. Cette nouvelle production de
M. Puissant est digne, sous tous les rapports, de cet habile
géomètre; elle complète son grand Traité de Géodésie, et les
personnes qui ont cet ouvrage dans leur bibliothèque doivent
y ajouter celui que nous annonçons.
1 70. — * Histoire de l'astronomie au dix-huitième siècle ; par
Delambke, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences,
professeur d'astronomie au collège de France, membre du bu-
reau des longitudes, etc. ; publiée par M. Mathieu, de l'Aca-
démie des sciences et du bureau des longitudes. Paris, 1827 ;
Bachelier. In-4° de 800 pages, accompagné de planches et du
portrait de Delambre; prix, 36 fr.
Les savans attendaient avec impatience la publication d'un
volume qui complète l'histoire de l'astronomie, que la mort
douloureuse de son illustre auteur semblait devoir laisser im-
parfaite. Le savant M. Mathieu a bien voulu se charger de
revoir les manuscrits de Delambre dont il n'y avait que huit
SCIKNCES PHYSIQUES. ,77
feuilles imprimées, à l'époque de son décès, de vérifier sur
mvrages originaux les diverses citations, et d'i ajouter,
[lie cela riait nécessaire, des notes explicatives. Enfin, ce
beau monument élevé à l'astronomie est achevé, e! 1rs savans
peuvent jouir des immenses travaux qu'il a nécessités. Cette
période du xvniesiècle esl précisément celle où cette science a
lait de plus grands progrès, et où les génies les plus célèbres
ont concouru à la perfectionner et à l'étendre. C'est à Newton
que la série commence, quoiqu'il soit né au milieu «lu siècle
précédent, parce que la longue et illustre cai rière <!e cet homme
extraordinaire a donné aux découvertes subséquentes un carac-
tère particulier. 1 /ouvrage rapporte celles qui sont spécialement
dues à Newton , et les oppositions qu'elles ont rencontrées. On
\ voit (jne la douceur et l'amabilité n'étaient pas des vertus que
cet astronome recherchât; car, suivant un passage de AVhiston :
Newton était du caractère le pi us -craintif, le plus cauteleux et
le plus soupçonneux que j'aie jamais connu ; et s'il eût été vi-
vant, quand j'écrivis contre sa chronologie, je n'eusse pas osé
publier ma réfutation; car, d'après la connaissance que j'avais
de son caractère , j'aurais dû craindre qu'il ne me Huit.
L'auteur rapporte les découvertes astronomiques de Flams-
teed et de Halley : celles de Le Marinier et des descendans Cas-
sini viennent ensuite; puis les travaux des académiciens' fran-
çais pour mesurer un arc du méridien près du pôle et sous
l'équatcur, opérations qui ont rendu célèbres Bougucr et AJau-
pertuis , apôtres l'un de Descartes, l'autre de Newton , et dont
le dernier est devenu ridicule par ses querelles avec Kœnig et
Voltaire, en se faisant peindre dans l'action d'un homme qui
aplatit les pôles de la terre. Les travaux de Bradley, de Maycr et
de LacaiUe occupent, dans l'ouvrage de Delambre, une étendue
proportionnée à leur importance. Viennent ensuite ceux de
Lata/ide , Mashelyiw , Le Gentil, Dusé/our, contemporains de
notre jeune âge ; et ceux de l'infortuné Baillj qui dut à son im-
mense savoir l'honneur d'être de trois Académies , et une célé-
brité qui lui faisait dire que tous les bonheurs paraissaient
avoir été faits pour lui } peu de teins avant de tomber victime des
fureurs des factions. Fràxcoeur.
171. — * Mémoire sur les roues hydrauliques a aubes courbes,
mues par-dessous, suivi d'expériences sur les effets mécaniques
de ces roues; par M. PoHCELitT, capitaine au corps royal du
génie) etc. Nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée
d'un second Mémoire sur tes expériences en grand relatives à la
nouvelle roue, contenant une instruction pratique sur la manière
de procéder h son établissement. Metz, 18*27; ^I",L veuve Thiel.
In~4° de 146 p;»gcs, et une planche, prix, 7 fr.
:\±S LIVRES FRANÇAIS.
Nous espérions qu'il nous serait possible de consacrer quel-
ques pages à nue analyse de l'important mémoire deM. Poncelet,
( t de l'addition qu'il y a faite : mais l'accumulation toujours
croissante des, ouvrages dont la Revue Encyclopédique doit
fendre compte renverrait à une époque trop éloignée l'article
où nous aurions développé ce que nous n'avons encore pu
dire qu en peu de mots sur le premier mémoire, et où nous
aurions fait mention des expériences qui sont le sujet de l'ad-
dition. Ce nouveau mémoire, qu'il faut regarder comme insé-
parable du premier, est celui que les praticiens consulteront
le plus .souvent, et qui aura contribué le plus à faire adopter
la nouvelle roue hydraulique de M. Poncelet. C'est sur une
de ces roues établies sur la Moselle pour faire mouvoir une
scierie que le savant auteur a fait ses expériences : les résul-
tats qu'il a obtenus sont des données que l'on peut employer
avec une entière confiance. M, Poncelet l'a décrit avec soin,
ainsi que les moyens dont il a fait usage pour déterminer son
effet utile, et trouver le maximum dont il est susceptible. Le
détail des expériences, et les observations auxquelles on est
conduit par l'ensemble des faits sont exposés avec une netteté
et une précision remarquables. M. Poncelet en déduit la con-
firmation de ce qu'il avait annoncé dans son premier mé-
moire : que la nouvelle roue appliquée à une chute d eau d'en-
viron deux mètres était capable de produire un effet utile égal
aux trois cinquièmes de la force totale, et que pour les chutes
qui n'excéderaient pas treize décimètres, l'effet utile pouvait
s'élever jusqu'aux deux tiers.
L'instruction sur l'établissement des roues à aubes était d'au-
tant plus nécessaire, que le calcul doit fixer préalablement
toutes les dimensions de ces roues et de leurs accessoires.
Après ces opérations indispensables, M. Poncelet fait le cal-
cul de la vitesse et de la force de la roue, en prenant pour
exemple quelques-unes de celles qu'il a citées dans son mé-
moire. Les notes que l'auteur a mises à la fin ne sont pas
seulement des additions et des éclaircissemens : les lecteurs
les regarderont comme une partie essentielle des deux mé-
moires. F.
172. — * Exposé de quelques principes nouveaux sur l'acous-
tique et la théorie des vibrations, et leur application à plusieurs
phénomènes de la physique; par M. le baron Blein, ancien
officier général du génie. Paris, 1827; l'auteur, rue desGrands-
Augustins, n° 9. In-4° de 44 pages, avec une planche et un
tableau.
Ce mémoire a été soumis au jugement de l'Académie; nua*
ulCiftCES J | j
les commissaires chai gés * 1 « * l'examiner n'onl pas encoi >• énoncé
leur opinion. En effet, les questions dont M. Blein donne In
solution sont tellement spéciales el bois de la voie des re-
cherches de presque ions les sa vans, que ceux qui en ont fait
l'objet de leurs méditations parviennent difficilement à se faire
comprendre, el ne peuvent trouver qu'un très-peiit nombre
de juges compétens. L'auteur embrasse ions les phénomènes
de la nature auxquels la théorie des vibrations peul être ap-
pliquée; celle généralité est une difficulté de pins. Il nous
sérail donc impossible d'exposer en peu de mots des doctrines
sur lesquelles il faut que l'attention s'arrête long-tems, et ne
considère l'ensemble qu'après s'être assurée que chaque partie
est suffisamment connue. Les lecteurs capables de cette mesure
d'attention feront très-bien de lire le mémoire de M. Blein-; la
plupart des physiciens paraissent se rapprocher de quelques-
unes de ses opinions; c'est un motif de plus pour qu'on les mé-
dite. Espérons que l'Académie des sciences ne perdra pas de
vue le rapport qui doit lui être fait sur ces mémoires.
«J'espère* dit M. le général Blein, dans \\n Avis prélimi-
rtaiie,c\ue l'on ne me blâmera point d'avoir employé quelques
loisirs à des recherches yu\ peu éloignées de mes anciennes
fonctions. MM. de. Lacépède et Vrony ont composé des sym-
phonies, des chants et des chœurs. Le général Buloiv, que j'ai
connu, celui-là même qui nout battit à Dennewitz, m'apprit
qu'il avait composé une messe à grand orchestre. De tels exemples
suffisent pont ma justification.» Y.
173. — Traite de physique appliquée aux arts et métiers , et
principalement à la construction des fourneaux, des calori-
fères à air et à vapeur, des machines à vapeur, des pompes; à
l'art du fumiste, de l'opticien, du distillateur; aux secheries,
artillerie à vapeur, éclairage, bélier et presse hydrauliques ,
aréomètre , lampes à niveau constant, etc. Par M.. T. J. V. Gun.-
i.oun, professeur de mathématiques. Paris, 1827; Raynal,
rue Pavée-.St. André des-Arcs, n° i3. Jn-12 de 484 pages,
orné de 160 ligures; prix, 5 fv. 5o c.
Le litre énonce le but de l'auteur et les sujets qu'il a traités.
11 faut pourtant dire qu'il promet plus de choses qu'il n'en
donne; car il ne dit rien sur l'éclairage; il expose des principes
trop succincts d'optique , pour que les constructeurs de lunettes
puissent y trouver les règles pratiques de leur art; le fumiste
n'y puisera non plus que des préceptes généraux dont on ne
lui donne pas les moyens de faire usage dans 1rs cas particu-
liers qu'il doit rencontrer, etc. Toutefois ce livre peut rendre
des services à l'industrie, ne fût-ce qu'en montrant l'utilité des
43o LIVRES FRANÇAIS.
calculs avant de filire des entreprise:;, bien que les résultats
numériques qu'on obtient soient ordinairement imparfaits. Je
regrette que l'auteur se soit interdit l'usage des formules algé-
briques (ne les eût-il données qu'en notes, s'il avait craint que
ce langage fût inconnu de plusieurs de ses lecteurs) : il aurait
rendu son livre plus utile. Du reste, on reconnaît aisément que
cet ouvrage est écrit par un des auditeurs du cours de M. Clé-
ment, dont il transmet toutes les opinions systématiques. Ce
savant, dans ses leçons , généralement fort intéressantes, ob-
serve la même marche et les mêmes procédés de calcul : ses
nombreux auditeurs pourront tirer un grand parti de l'ou-
vrage de M. Guilloud pour le suivre avec plus de facilité.
L'optique , l'électricité , l'acoustique, etc. , sont traitées beau-
coup trop succinctement pour que cette partie du livre soit de
quelque utilité. On remarque aii^si des phrases qui , pour être
exactes, auraient besoin de plus de développemens, et qui,
dans leur énoncé textuel, pris à la lettre, sont erronées; assu-
rément, l'auteur ne les entend pas de celte manière; mais le
lecteur pourrait s'y tromper. Il serait à désirer que , dans une
prochaine édition, M. Guilloud donnât plus d'étendue à son
ouvrage , et multipliât les exemples, en appliquant les théories
qu'il expose aux cas variés qui se présentent le plus ordinaire-
ment dans les arts.
1 7 4- — Manuel des jeux de calcul et de hasard ou Nouvelle
Académie des Jeux, contenant: i° tous les jeux préparés
simples, tels que les jeux de mots, les jeux de l'oie, loto, do-
mino, etc.; les jeux préparés composés, comme dames, tric-
trac, échecs, billard, etc.; i° tous les jeux de cartes, soit
simples, soit composés : i° les jeux d'enfant, comme la bataille,
la brisque, la freluche, etc. ; a0 les jeux communs, tels que la
bête, la mouche, le lenlurelu, la triomphe, etc; 3° les jeux de
salon, connue le boston, le reversis, le whiste; 4° les jeux d'ap-
plication, comme l'ombre, le piquet, etc.; 5° les jeux de dis-
traction, comme le commerce, le vingt-et-un, etc.; 6° les jeux
spécialement dits de hasard, tels que le pharaon, le trente-et-
quarante, la roulette, etc.; un Appendice contenant les jeux
étrangers, comme les tarrots suisses, etc., et les jeux de com-
binaison gymnastiques , comme la paume, le mail, etc.; avec
des recherches sur leur origine et leurs probabilités, des anec-
dotes historiques relatives à plusieurs d'entre eux , et les déci-
sions des plus habiles joueurs sur les coups difficiles; précède
des règles générales communes à tous les jeux, et suivi d'un
vocabulaire de tous les termes usités dans les jeux; par M. Lr-
kiiun, de plusieurs académies. Paris, 1M27; Roret. In-18 de
365 pages; prix, 3 fr.
SCIENCES PHYSIQUES. 4Î1
En copiant littéralement le litre de ce petit ouvrage, nous
nous gommes dispensés de l'analyser, pince qnon y trouve des
notions fort claires de tout ce qu'il renferme. Les personnes qui
se livrent par goût aux genres de délassemens qui v sont décrits,
l<- consulteront avec intérêt , lorsqu'il s'agira de décider du ré-
sultat de quelque circonstance difficile. En fait, c'est une aca-
démie des jeux très complète et parfaitement, à la hauteur du
sujet. Fa INCOEUa.
i7r>. — L'art de fabriquer la porcelaine, suivi d'un Vocabu-
laire des mots techniques , et d'un Traité de la peinture et dorure
sur la porcelaine ; par F. Bastenaire-Daudenart, ancien ma-
nufacturier, etc. Paris, 1827; Malher. a vol. in-12, de 402-
43a pages, avec plusieurs planches; prix, 9 fr. cartonne.
RI. Daudeuart commence par une revue des ouvrages pu-
bliés jusqu'à présent, en France, sur l'art de fabriquer la por-
celaine. Il est sévère dans ses jugemens sur le mérite de ses
devanciers; il ne se reporte peut être pas assez à l'époque où
ils écrivirent , et ne tient pas assez compte de ce qu'étaient alors
les connaissances chimiques et l'art lui-même. Il s'est donc
imposé l'obligation d'offrir au public un livre qui mérite les
éloges, non seulement de la génération pour laquelle il est fait,
mais de celle qui lui succédera. Comme les progrès des sciences
et des arts se ralentissent en approchant du terme de leur per-
fection, ce traité sera peut-être assez iong-tems le meilleur (pie
l'on puisse consulter; l'auteur s'est attaché à le rendre clair,
méthodique et complet; on y trouvera les connaissances du
chimiste unies à celles du manufacturier. Dans une autre édi-
tion, il sera très-utile de mettre des échelles, afin de faire con-
naître non seulement la forme, mais les dimensions réelles des
objets que les planches représentent. Cette observation peut
s'appliquer à presque tous les écrits sur les arts. !'.
176. — Abrégé de la Nouvelle Géographie universelle , pliysi-
que , politique et historique 3 d'après le plan de William Gutiirie,
rédigé depuis son origine (1800) jusqu'à ce jour, par Hyacinthe
Langlois; onzième édition , entièrement refaite, et augmentée
de 1,700 pages, avec les nouvelles divisions conformes à l'état
politique de l'Europe et des autres parties du monde, les der-
nières découvertes; les sources et autorités sont citées à chaque
article. Paris, 1827; Hyacinthe Langlois père, rue de Bussy,
n° 16. 3 très forts vol. in-8°, formant ensemble 3, 370 pages,
(210 feuilles); prix, 36 IV.; grand in 8° papier vélin grand-raisin,
5o fr.; le même, avec le nouvel Atlas universel portatif "de géo-
graphie ancienne et moderne, contenant 3o, cartes, par Ar-
rowsmitîi et Danvii.le , quatrième édition revue et corrigée
,W LIVRES FRANÇAIS;
d'après les nouvelles divisions des états de l'Europe et des
autres parties du globe, par Frémin, géographe, i vol. petit
in-folio, cartonné à la Bradel; prix, 57 fr. ; papier vélin avec
latins, 70 fr. ; l'atlas se vend séparément 25 fr.
177. — * Nouvelle Géographie méthodique destinée à l'ensei-
gnement, par MM. Achille Meissas , élève de l'abbé Gaultier, et
Auguste Michelot, chef d'institution, ancien élève de l'Ecole
polytechnique : suivie d'un petit Traité sur la construction des
cartes, par M. Charle , géographe attaché au dépôt de la
guerre; accompagné d'un Atlas in-folio, dressé par le même.
Paris, 1827. Brunot-Labbe; Baudouin frères. In- 12 de 356 pag-,
avec 2 planches gravées; prix, 2 fr. 5o c, le texte cartonné.
Atlas élémentaire , 7 fr. ; id. , avec 5 cartes muettes, 12 fr. 5o c.
Atlas universel, composé de onze cartes écrites, 12 fr. 5o c. ;
idem, avec les 5 cartes muettes , 18 fr.
Nous ne ferons qu'un petit nombre d'observations sur cet
ouvrage dont l'utilité sera mieux appréciée à mesure qu'il sera
plus répandu. Au premier coup-d'ceil, il semble que la con-
struction des cartes n'aurait pas dû être renvoyée à la fin, et
que la connaissance de l'instrument qu'on emploie est indispen-
sable pour en faire un bon usage. Mais il faut remarquer, et
nous aurons plus d'une fois l'occasion de le répéter, qu'il s'agit
d'enseigner la géographie à des enfans, et que, par conséquent,
sans négliger d'exercer l'intelligence autant qu'il est possible,
il faut confier à la mémoire tout ce dont elle doit demeurer
seule dépositaire. Ainsi, après les définitions et l'exposition des
principales divisions, et des connaissances encore superficielles
de la géographie astronomique, on a dû placer les notions élé-
mentaires de géographie politique. La cosmographie, qui exige
plus d'efforts d'intelligence, a dû venir ensuite, et fournira la
géographie physique des connaissances dont elle ne peut se
passer. Tandis que les jeunes élèves parcourent ces divers de-
grés d'enseignement, l'intelligence se fortifie de plus en plus,
et par l'exercice et par l'effet de l'âge : il est tems alors d'arriver
à la construction des cartes, notions plus difficiles à bien com-
prendre que toutes celles qui ont précédé. L'ordre suivi par
les auteurs de cet ouvrage est donc celui dn développement
progressif de l'intelligence des enfants, et par conséquent le
meilleur pour l'enseignement. On ne sera pas moins satisfait
des détails que de l'ensemble; les auteurs ont réussi à rassem-
bler dans un petit volume un assortiment de connaissances
toutes applicables, telles qu'elles sont, et dont on pourra com-
pléter par la suite les différentes divisions, sans avoir besoin
de faire aucune réforme dans ce que l'on sait.
SCIENCES PHYS1Q1 ES. SCIENCES MORALES. {11
L'usage des caries muettes » si on moyen d'éludé que la géo
graphie possède aujourd'hui beaucoup mieux cm aucune autre
science , mais «Ion; on de v rail ci cm lie 1 usage à toutes celles qui
peuvent être mises sons la forme de tableaux; et les science,
qui exercent à la lois l'intelligence et la mémoire sont dans ce
c is. Espérons que cet enseignement aussi agréable que facile
fera (les progrès : il est sans (Joute inutile de le recommander
spécialement à ceux qui s'occupent de la propagation des con-
naissances usuelles. 1'.
Scienees religieuses, morales ^ politiques et historiques.
178. — * Restitue de C histoire des traditions morales et reli-
gieuses citez les divers peuples, par M. j>k S... Seconde édition
revue. Paris, 189.7; Lecointe et Durey. In-18; prix, 3 fr.
La première édition de ce Résumé, tirée à i 5oo exemplaires,
s'est épuisée en très- peu de tems, sans aucune réclamation de
la part de l'autorité. Il n'en a pas été de même de celle que
nous annonçons : elle a été déférée aux tribunaux, et l'on connaît
les jugemens qui en sont émanés. A Dieu ne plaise qu'il entre
jamais dam ma pensée d'affaiblir le respect qui leur est dû. Pilais,
je l'avouerai, je crains toujours que ces poursuites contre ceux
que Ton regarde comme les adversaires du christianisme ne
nuisent à la sainteté de sa cause. Ils peuvent nous reprocher
justement que nous triomphons tout à notre aise, et qu'ils n'ont
pas la liberté de nous répondre, ce qui n'est pas un préjugé
favorable pour nous. Ne vaudrait-il pas mieux combattre par
des raisons les ouvrages des incrédules, que de les faire con-
damner par des magistrats, ou insulter dans des pamphlets?...
J'insiste sur ce principe, parce qu'on s'acharne de jour en
jour à le méconnaître. Le christianisme s'est propagé par la
conviction, et non par la contrainte, ou plutôt malgré les ef-
forts que l'on a faits pour arrêter sa marche victorieuse. 11 n'est
aucun père de l'église qui n'ait fait valoir cet argument comme
une des preuves les plus frappantes de sa divinité. Les tems
n'en ont point changé la nature; ce qui était vrai autrefois in;
peut être faux maintenant. Les moyens qui ont servi à répandre
l'Évangile sont les seuls qui doivent être employés pour en
perpétuer la durée. Entourez la révélation de tout cet appareil
d'armes et de supplices qui conservent les institutions humai-
nes , vous la confondez avec elles; vouslui enlevez le caractère
qu'elle tient du ciel, celui de se défendre par la douceur et la
charité, à l'exemple de son divin fondateur.
Venons au Résumé de l'Histoire des traditions morales. On v
t. xxxvi. — Novembre 182-. 28
434 LIVRES FRANÇAIS.
remarque des idées très-saines, des intentions droites et une
certaine modération. Cependant, je le dis sans détour, l'au-
teur s'écarte souvent de son sujet; au lieu de l'approfondir, il
s'attache avec complaisance à des objets étrangers, ou qui
n'ont pas un rapport direct avec les mœurs et les croyances
des nations. Il n'est pas assez avare de réflexions, et il en fait
parfois qui semblent hostiles: il a beau déclarer que son livre est
un sommaire où il ne se propose que de réunir un certain
nombre de renseignemens, et où même il ne peut citer en général
les autorités; on lui répondra par ses propres paroles, que
ce dernier soin serait cependant très-convenable dans les livres qui
ne sont pas de simples ouvrages d'agrément ; et ensuite qu'il
faut bien choisir les renseignemens que l'on donne, et recourir
aux sources pour n'être pas trempé. Il est douteux que M. de
S •• ait lu avec assez d'attention les symboles des différens
peuples du monde, et qu'il ait suffisamment entendu les ex-
pressions techniques qui y sont consacrées. On pourrait, à
l'appui de ce soupçon, citer ses explications du Zcnd-Avesta
et du Sem Hammaphorasch. Je lui ferai une querelle plus sé-
rieuse sur la manière dont il résume la croyance catholique;
il est bien rare qu'il ne la montre sous un faux jour, ou qu'il
n'aille chercher dans les inepties d'un vulgaire ignorant les
matériaux qu'il met en œuvre. M. de S... doit savoir qu'il ne
faut pas confondre la doctrine catholique telle qu'elle est en-
seignée dans l'Ecriture et dans la tradition , avec la doctrine
catholique telle que l'ont faite le fanatisme et la superstition.
Certes, je suis loin de le blâmer d'avoir tourné en ridicule les
pratiques et les abus qui déparent la religion; mais je le
prie de croire que tout ce qu'il y a dans le clergé, et même
parmi les fidèles , de plus vertueux et de plus éclairé, les dés-
approuve aussi formellement qu'il peut les désapprouver lui-
même. J- L.
179. — * Principes de littérature, de philosophie, de politique
et de morale; par le baron Massias. T. iv et dernier, Morale.
Paris, 1827; Firmin Didot, Delangle frères. In 18 de vj-210 p. -f
prix, 3 fr. (Voy. Rev. Enc, t. xxxm, p. 244 et t. xxxv, p. 44o.)
Dans ce quatrième volume qui renferme 708 aphorismes ,
l'auteur s'est proposé un but d'une grande importance, qu'il
va nous expliquer lui-même : « Avant de finir, je ne puis résister
à la tentation de faire connaître au lecteur (et cet aveu sera ,
s'il le faut, le châtiment de ma présomption) que dans les cent
cinquante-quatre principes ou théorèmes qui suivent, j'ai eu la
prétention d'élever la morale à la certitude des sciences posi-
tives. Et comme la moralité est la perfection et le couronnement
SCIENCES MOR/YLKS. 4$|
de nos autres facultés, il s'ensuivrait, si j'avais réussi, que
l'exercice el les produits de toute l'activité humaine, les sciences,
les arts, les vertus auraient dans mou travail «les bases inébran-
lables el leur légitimité philosophique. Peut-être me suis-je fait
illusion ; peut-être ai- je pris mes désirs pour des réalités, nue
le lecteur examine el juge. » (p. v.)
Par quels moyens M. Massias a-t-il cherché à obtenir un
semblable résultat , c'est-à-dire, à donner à la morale le même
dejyré de certitude que nous accordons aux sciences exactes?
Simplifiant l'hypothèse delà statue animée de Condillac, il a
supposé un être humain qui ne percevrait son existence que
par un seul point indivisible, ainsi réduit au minimum du sens
du toucher; et il a montré, ou essayé de montrer, que, dans
cette simple perception , est tout l'homme organique, intelli-
gent, social et moral, concluant de là invinciblement (les pré-
misses une fois accordées) que notre certitude morale est entière
et irréfragable, puisque l'homme, de quelque manière qu'il
sente, qu'il perçoive, ne peut être conçu sans moralité ; que
l'en priver, c'est le détruire; et que, pour ne pas y croire, il
faut qu'il renonce à croire à lui-même. Or, ce qui est inhérent
à notre nature, ce que le genre humain est forcé de croire, est
irrécusable, est vrai. C'est dans les i54 premiers théorèmes
qu'il faut suivre et juger les principes qu'il a établis et les
conséquences qu'il en tire. De l'analyse que son travail l'a forcé
de faire de tous nos modes de perception, il est résulté qu'en
nous sont trois principes d'action, le plaisir, la douleur et le
devoir; ce qui attaque par ses bases la doctrine, souvent très-
spécieuse de ['utile, du célèbre publiciste et philosophe Jêrémie
Bentham et de son école.
Après avoir dit quelles sont les sources de nos actions ,
M. Massias parle de leur nature, et il les divise en organiques,
intellectuelles, sociales et morales.
Le devoir est la loi des actions morales. « Il est l'obligation
de sacrifier la sympathie organique à la sympathie morale ,
l'utile au beau et au sublime, l'égoïsme à l'ordre, l'injuste
au juste, le bien-être au bien, l'individuel à l'universel.»
(page 18.)
Les motifs d'obéir aux exigences de cette loi sont la dignité
de notre nature , l'immatérialité et l'immortalité de notre prin-
cipe intelligent, propriétés que l'auteur démontre par l'exposi-
tion et la comparaison des faits physiologiques et des faits de
conscience, lesquels, opposés dans leurs principes et dans
leurs résultats, doivent aussi être opposés dans leur nature,
leur destination et leur fin.
58.
436 LIVRES FRANÇAIS.
La classification des devoirs le conduit à ceux qui nous lient
à la Divinité; il établit que ia morale a sa sanction dans la
religion, mais que, sans morale, la religion n'est que féti-
chisme.
Le livre est termiué par des pensées diverses de l'auteur,
dont un bon nombre est relatif à son système du rapport de la
nature à l'homme , et de l'homme à la nature. Si la dernière est
exacte, il s'ensuit qu'aucune philosophie , jusqu'à ce jour, n'a
pu avoir de bases légitimes. «S'il est irrécusablement vrai que
la nature agit constamment sur notre organisation et sur
notre intelligence pour en solliciter et en régler les opéra-
tions, et si néanmoins personne jusqu'à présent n'a tenu
compte de cette intervention , et n'a considéré l'homme que
moins cet élément primitif de son être, de son mode d'être
et d'action, il s'ensuit qu'aucune philosophie n'a pu résoudre
le problème de notre moi, et donner des bases certaines à la
connaissance humaine. » Z.
180 — * Essais de Montaigne : Nouvelle édition , publiée
d'après l'édition la plus authentique, et avec des Sommaires
analytiques et de nouvelles Notes , par Anmury Du val, membre
de l'Institut. Paris, 1827; Rapilly, passage des Panoramas,
n° /,3. 6 vol. in-8°; prix, 21 fr.
Deux siècles et demi se sont écoulés depuis la première
publication des Essais de Montaigne. Une multitude de révo-
lutions, depuis cette époque ont changé la face du monde : les
sciences et les arts ont fait des progrès immenses; un nombre
considérable de grands écrivains ont paru; et cependant Mon-
taigne est toujours un grand philosophe, et même un grand
écrivain. Non seulement ses écrits ne sont pas en arrière de
l'époque à laquelle nous vivons; ils sont, sous beaucoup de
rapports, au niveau des hommes les plus éclairés de nos jours,
et par conséquent ils sont encore bien au-delà du point auquel
sont parvenus les peuples. Le monde vieillira beaucoup encore
avant que les masses arrivent à ce bon sens pratique qui fait
le fond de sa philosophie. Quelle force ne fallut il point à l'es-
prit de cet homme extraordinaire pour devancer son siècle, et
même la plupart des écrivains qui sont venus près de trois
cents ans après lui' Montaigne n'est pas seulement remar-
quable par la force, l'abondance et la justesse de ses pensées ;
il l'est aussi par la simplicité et par la force du style. Il suffi-
rait souvent, pour qu'un grand nombre de ses pages pussent
être mises à côté de celles de nos plus grands écrivains, de
substituer notre orlogiaphe à celle du siècle dans lequel il vi-
vait, ou de changer quelques mots qui ont vieilli.
.\UK\ci.s MORALES. fij
Parmi les causes < | ■ i i contribuèrent le plus à faire de lui un
grand philosophe, il Fàul mettre sans doute la manière dont il
fut élevé. Instruit dans les langues anciennes, comme chacun
de nos tu f.ms «-si instruit dans s:i langue maternelle, il ne vit
presque aucun genre de mérite à lire ou même à parler couram
ment la langue de Cicéron on de Virgile. Il employa par con-
séquent, <lès sa pins tendre jeunesse^ le teins que les antres met-
taient à apprendre <ln latin ou du grec, à nourrir son esprit des
pensées des anciens philosophes, lyanl appris les langues an-
ciennes de très bonne heure, et en quelque soi te sans s'en aper-
cevoir, il fut choqué de voirqnc le teins le pins précieux de la
jeunesse n'était employé qu'à apprendre des tiïots.t*e savoir* faire
rut tout à ses yeux; le sttvoir-dire , dégagé de tout autre mérite,
ne lui parut qu'une frivolité. Sons ce rapport, Montaigne doit
être l'homme de notre siècle; et pins nous ferons de progrès,
plus son nom et ses écrits deviendront populaires.
Les écrits de Montaigne sont de beaucoup supérieurs à ceux
de la plupart des écrivains du dix huitième siècle. Des pensées
qui, dans ses ouvrages, sont d'un bon sens et d'une justesse
admirables , sont souvent devenues de misérables sophismes
dans les écrivains qui s'en sont emparés, soit parce qu'elles
ont été mal entendues ou mal appliquées, soit parce qu'elles
ont été exagérées jusqu'au ridicule. J. J. Rousseau, par exemple,
n'a presque pas une pensée qui ne soit prise dans Montaigne;
mais aussi il n'en a presque pas pris une seule qu'il n'ait faussée,
soit dans ses développemens, soit dans ses applications. Deux
chapitres des Essais sur l'éducation renferment plus d'observa-
tions justes, plus de vérités utiles que tous les gros livres qu'où
a écrits sur le même sujet. Ces deux chapitres devraient être
le manuel de tous les pères de famille, de tous les instituteurs;
Us peuvent, du reste, être résumés en deux mots: c'est qu'/7
ne faut apprendre aux en/ans que ce qu'Us doivent faire étant
grands.
Les Essais de Montaigne ne sont point un ouvrage destiné à
des hommes d'une profession particulière; ils conviennent éga-
lement aux hommes de tous les états ou de toutes les condi-
tions. Régler sa vie de la manière la ping avantageuse aux
autres et à soi-même est la science que l'auteur enseigne, et
cette science doit être celle de tous.
Rien n'est plus propre à constater les progrès du bon sens
d'une nation que la diffusion des écrits de ce philosophe.
Le libraire qui les met à la portée des fortunes modestes
fait preuve de discernement, et mérite que ses efforts soient
encouragés. Espérons (pie \"\ bonne opinion qu'il a conçue du
438 LIVRES FRANÇAIS.
jugement du public ne sera point démentie par l'expérience.
Nous pouvons assurer, d'ailleurs, que cette édition des Essais
de Montaigne est faite avec le plus grand soin et sur un très-
beau papier. Le nom de M. Amaury Duval, qui l'a enrichie
d'un grand nombre de notes, est, au reste, une garantie qui
pourrait dispenser de toute autre.
181. — *Dc la Sagesse, trois livres, par Pierre Charron;
Nouvelle édition publiée avec des sommaires et des Notes expli-
catives, historiques et philosophiques, par Amaury Duval,
membre de l'Institut. Paiis, 1827 ; Rapillv. 3 vol. in-8° sur
beau papier satiné, avec portrait \ prix, io fr. 5o c.
Cest une heureuse idée de publier à la ibis, et comme dans
un seul corps d'ouvrage, les écrits de Charron, et ceux de
Montaigne. Lorsque deux écrivains ont été contemporains,
qu'ils ont été unis par une étroite amitié, et qu'ils ont écrit
sur des sujets analogues , il est rare que les hommes qui ont de
l'admiration pour les écrits de l'un, n'aient pas un certain
penchant pour les écrits de l'autre. On traite volontiers les li-
vres pour lesquels on a du goût, comme on traite ses amis : on
aime à placer à côté d'eux les ouvrages qui ont avec eux de
l'analogie et qu'ils ont contribué à former. C'est une espèce de
fraternité à laquelle on rend volontiers hommage.
Montaigne a exercé une influence immense sur la plupart
des écrivains français qui sont venus après lui; cette vérité n'a
pas besoin d'être démontrée aux personnes qui ont lu ses écrits,
et qui connaissent les ouvrages de nos philosophes. Mais aucun
ne doit autant à son génie que le moraliste Charron : cet écri-
vain n'eût jamais été qu'un théologien obscur et fût mort
ignoré, s'il n'eût pas été particulièrement lié avec l'auteur des
Essais. Sa liaison avec Montaigne eut une telle influence sur la
nature et sur la direction de ses idées, qu'elle lui inspira tout
à la fois îe sujet et les pensées de son livre. Ce que l'un écri-
vait et pratiquait en quelque sorte comme par instinct, était
réduit par l'autre en théorie. Les écrits de Montaigne sont
ceux d'un sage qui observe le monde et qui s'observe, sans
penser à en tirer d'autre avantage que d'apprendre à régler sa
conduite , et de faire connaître un homme qui diffère des autres
sous tant de rapports. Les écrits de Charron sont, au contraire ,
ceux d'un écrivain qui pense principalement à ses lecteurs, et
qui veut leur communiquer les pensées ou les sentimens qu'il
croit les plus propres à les rendre sages et heureux.
De cette différence entre les deux écrivains est résultée
celle que nous observons entre leurs écrits. Les Essais de
Montaigne renferment une multitude de sujets divers, qui n'ont
SCIENCES MORALES. 439
outre eux aucune liaison ; tout ee qui frappe l'espt it de l'au-
lettr es! pour lui madère à observation. Sa plume marche tou-
jours à la suite lie ses idées, cl ne l'arrête que quand le sujet
est épuisé; peu importe d'ailleurs à l 'écrivain l'ordre dans
lequel les sujets Se présentent. Il est toujours tout entier à ce
qu'il écrit et ne paraît jamais se mettre en peine ni des sujets
qui précèdent, ni de ceux qui doivent suivre. Aussi, son ou-
vrage demande a être lu de la même manière qu'il a été écrit :
à bâtons rompus. Il est impossible d'avoir un meilleur com-
pagnon de voyage. On le prend , ou on le quitte, selon que les
affaires le permettent : on y revient toujours avec plaisir,
parce qu'il est toujours varie.
Les écrits de Charron , ayant été composés dans un but
déterminé, sont moins variés et plus méthodiques. L'écrivain
ne perd jamais de vue son sujet : il divise et subdivise les ma-
tières qu'il traite, quelquefois au-delà de ce qui est nécessaire
pour bien exposer ses pensées. Dans son ouvrage, on voit
moins l'homme que l'auteur; c'est le contraire des Essais de
Montaigne. Charron décrit successivement les diverses pas-
sions dont l'homme est susceptible, et il prend souvent pour
guides les philosophes de l'antiquité. Il décrit aussi les divers
états dans lesquels un homme peut se trouver, et il en fait voir
les inconvéniens et les avantages. Enfin, il expose les règles de
conduite qu'il est bon de suivre dans chaque circonstance , et
apprend comment on peut modérer ses passions. Son livre
forme donc un véritable manuel de morale. Tous les sujets ne
sont pas traités sans doute, comme ils pourraient l'être aujour-
d'hui; mais ils le sont néanmoins d'une manière remarquable,
lorsqu'on se reporte surtout au tems auquel il écrivait.
L'ouvrage de Charron, imprimé dans le même format, sur
un même papier et avec les mêmes caractères que celui de
Montaigne , accroît la valeur de celui-ci , les acquéreurs de
l'un ayant la faculté de les acheter ensemble ou séparément,
selon leurs convenances. Ch. C
182. — * Discours de la Méthode, pour bien conduire sa
raison et chercher la vérité dans les sciences , par Descartes.
Paris, i825; Ant. -Aug. Renouard. In-18 de 178 pages;
prix, 2 fr.
i83. — * Méditations métaphysiques , par Descartes. Paris,
1825. In-18 de 210 p.; prix, 2 fr.
Ces deux chefs-d'œuvre du père de la philosophie moderne
auraient dû depuis long-tems être offerts à la jeunesse des
écoles et au public éclairé, sous cette forme élégante? et com-
mode qui invite à la lecture, qui par la ténuité du volume
/no LIVRAS FRANÇAIS.
diminue la crainte d'aborder un aussi important objet que La
métaphysique cartésienne, et qui fait ressortir combien les plus
belles choses peuvent souvent tenir peu de place. Les i\cu\
petits ouvrages dont il s'agit offrent, en effet, un mérite sem-
blable à celui de ces statues antiques de moindre proportion,
mais d'une perfection achevée, d'un modèle unique, où la
grâce ne le cède qu'à la force et à l'élévation du style. Le
Discours de la Méthode surtout, publié en français en 1 637 ?
presque en même tems que le Cid , et une vingtaine d'années
avant les Provinciales , est un phénomène presque aussi remar-
quable dans l'histoire de notre langue que dans celle de la
philosophie, et mérite, même comme monument littéraire,
d'intéresser vivement. Les Méditations furent, comme on sait,
traduites par le duc de Luynes sur le latin de Descartes, qui
revit lui-même cette traduction plus fidèle qu'élégante. C'est
une lecture plus forte et plus difficile que celle de l'ouvrage
précédent, mais à laquelle on se trouve tout préparé et comme
entraîné par celui-là. Cette étude progressive de deux ouvrages,
dont l'un est la répétition agrandie, mais nullement copiée de
l'autre, est un des plus utiles et des plus nobles exercices qu'un
homme puisse donner à sa pensée : car elle offre à sa contem-
plation le sublime spectacle d'une théorie pure et toute ratio-
nelle, consacrée par le génie le plus original , le plus créateur
et le plus mathématique de son siècle à la démonstration de
Dieu, de la double substance et de la raison. Ceux qui ont une
fois goûté cette doctrine peuvent bien entrer dans d'autres
routes philosophiques; mais les Méditations de Descartes sub-
sistent toujours pour eux comme un souvenir sacré, comme
l'hymne du raisonnement conçu dans le sanctuaire le plus in-
time de l'intelligence et de la conscience humaines; et souvent
sans doute il leur arrive de regretter ce dogmatisme ferme et
rassurant qu'ils ne sauraient trouver aussi plein , ni aussi élevé,
dans aucun autre système. Y — g — r.
X 184. — * Histoire physique , civile et morale des environs de,
Paris, par Dulaure; XIe livraison, ou première partie du
tome VI. Paris, 1827; Guillaume. In 8° de 2/jo pages, avec
gravures ; prix de chaque livraison, 7 fr. 5o c. ( Voy. Rcv. Enc>
r. xxxiv, p. 2o5-2o6. )
Cette première moitié du tome iv contient le chapitre iv
du livre Ier de la huitième partie de Y Histoire des environs de
Paris; ce chapitre est consacré à la description de Crécy ,
Coulommiers , la Ferté- Gaucher et lieux environna ns. Le
deuxième livre décrit le pays d'entre Seine et Marne; le
troisième, les lieux qui sont sur la route de Paris à Provins: et
s( IENCES MORALES. /,/,i
le quatrième, ceux nue l'on rencontre sur celle de Paris à Mrluu-
[ n coup d'œil rapide jeté sur cette Kvraison nous a fait
juger (|ue c'était peui être une des^plus intéressantes que l'on
eût encore publiées, mais nous a convaincus en même teins
qu'il nous serait difficile d'entrer aujourd'hui dans beaucoup
de détails sur les faits qu'elle renferme; nous nous réservons
d'y revenir, lorsque les éditeurs publieront la seconde partie
du même volume. E. H.
1 85. — * Précis de l'histoire de la constitution d' 'Angleterre ,
depuis Henri l II jusqu'à Georges II ; d'après QalLAM, par
si. IL Bo&ghbrs. Paris, 1827; Ponthieu. In-8°.
Le titre seul de cet important ouvrage, dont le sujet se rat-
tache par des analogies remarquables à nos plus chers intérêts
du moment, et le nom de l'auteur, sont des garans de succès.
En nous empressant de signaler son apparition, nous nous pro-
posons de lui consacrer une analyse, dans l'un de nos prochains
cahiers.
186. — * Histoire de la contre- révolution en Angleterre , sous
Charles II et Jacques II; par Armand Carrel. Paris, 1827;
Sautelet. In-8° de 4^9 p- ; prix: , 7 fr.
Nous consacrerons plus tard un article de quelque étendue
à cet important ouvrage.
187. — * Histoire de la garde nationale de Paris, depuis
l'époque de sa fondation jusqu'à l'ordonnance du 29 avril 1827;
par M. Cliarles Comte , auteur du Censeur européen ; publié
le 14 juillet 1827, jour anniversaire de la prise de la Bastille.
Paris , 1827 ; Sautelet. In-8° de 535 pag.; prix, 6 fr.
A peine l'ordonnance funeste du 29 avril eut-elle appris à
la France étonnée que la garde nationale de Paris , composée
de l'élite de ses citoyens , était licenciée , qu'un cri d'indigna-
tion s'éleva de toutes parts contre l'opération ministérielle ; et
qu'au milieu de la douleur produite par cette mesure irréflé-
chie , on éprouva le besoin de rendre une prompte justice aux
sentimens honorables de cette milice si distinguée, en pu-
bliant l'histoire des services qu'elle avait rendus à la patrie et
au trône. Il fallait se hâter. M. Comte , dont le talent est connu,
et dont la réputation garantit l'impartialité , se chargea de cette
noble tâche. La réparation que demandait l'opinion en faveur
de la garde nationale de Paris ne fut point tardive , et son
histoire fut livrée au public impatient, le i/» juillet suivant ,
jour anniversaire de la prise de la Bastille. Il faut remarquer
que la création de la garde bourgeoise , qui fut l'origine de
la garde nationale, date également du i.\ juillet 1789.
L'histoire écrite par M. Comte est divisée en cinq époques.
La première s'ouvre par un précis très-court , mais très-re-
442 LIVRES FRANÇAIS.
niarquable, sur l'état ancien de la France, et sur les causes do
la révolution. Les États-Généraux sont convoqués; la force
année commet des violences qui exaspèrent l'esprit du peuple;
la ville de Paris témoigne le désir de se passer de mercenaires
pour concourir à sa propre sûreté ; l'organisation de la milice
parisienne est arrêtée ; les officiers sont nommés ; les citoyens
s'arment de toutes parts ; bientôt la Bastille est prise , et M. de
Lafayette proclamé unanimement commandant de la garde
nationale.
La seconde époque , qui commence par le tableau inté-
ressant, et d'une grande vérité, de la situation politique de
Paris dans les premiers jours qui suivirent la prise de la Bas-
tille , contient l'histoire de la journée du 6 octobre , où la
garde nationale sauva la famille royale , et conduit le lecteur
jusqu'au départ du roi pour Varennes , et à la seconde fédé-
ration. Le surlendemain de cet anniversaire une pétition
ayant été portée au Champ-de-Mars , afin d'y être signée par
des personnes qui provoquaient la déchéance de Louis XVI ,
on vit la garde nationale tirer sur l'attroupement qui s'était
formé près de l'autel de la patrie.
A la troisième époque l'auteur donne un aperçu de l'état
des partis sous l'assemblée législative , raconte l'insurrection
du 10 août, le renversement du gouvernement monarchique ,
et montre combien la garde nationale eut peu d'influence sur
ces événemens ; elle disparut en quelque sorte par le fait de
l'insurrection , et une loi vint bientôt lui ravir jusqu'à son nom.
La quatrième époque est consacrée aux détails de sa nou-
velle institution , sous le nom de sections armées. Une partie
des citoyens qui la composaient fut alors désarmée et empri-
sonnée. Le directoire la réorganisa.
La cinquième époque vit la destruction de la garde nationale
par les ordres de Bonaparte , et son rétablissement au moment
où les puissances coalisées envahirent la France. La conduite
de cette garde fut alors digne de tous les éloges , et elle rendit
les plus éminens services à la cause des Bourbons , et surtout
à l'ordre public , maintenu par ses soins au milieu des troupes
étrangères qui avaient envahi notre territoire.
L'ouvrage de M. Comte , rempli de faits intéressans , écrit
avec force et rapidité , deviendra un livre de bibliothèque , et
il sera considéré parmi les mémoires dont on se servira pour
écrire l'histoire de la révolution , comme un des plus importans
et des plus véridiques. Une seconde édition fera sans doute
disparaître quelques expressions et quelques locutions triviales
qui sont échappées dans la chaleur de la composition. R.
X 188. — Souvenirs de la garde nationale, depuis son origine en
SCIENCES imoiiaf.es. 44S
1781) , JUSQU'À son licenciement en 18/7, par un ex-capitaine ;
dédié aux défenseurs de la barrière de Clicny. Paris, mai 1827;
a la librairie universelle, rua Vitienne, n" i bis. ln-8" de
.» 9 pages ; |>ri\ , 1 fir.
L'auteur rappelle , dans oe petit aombre «le pages, les traits
les plus intéressans de l'histoire de cette garde civique. Le
o juillet 1781), [Mirabeau demande que des gardes bourgeoises
.soient organisées à Taris et à Versailles ; le |3, les électeurs
de Paris, formés en comité permanent, prennent un arrêté
pour l'organisation de la milice parisienne. La création pro-
yisoire fut de 3i,ooo hommes, dont 1000 officiers. Les ser-
vices de cette garde pendant les premiers tems de la révo-
lution , les solennités de la fédération , où parurent 60,000
députés en armes , venus de tous les points de la France , la
protection dont «lie couvre la famille royale contre les sédi-
tieux du 20 juin, son dévouaient patriotique contre l'invasion
étrangère, et ses diverses vicissitudes , sous la convention , le
directoire et l'empire , jusqu'au moment où on la voit de nou-
veau reprendre ses armes contre l'étranger, tels sont les prin-
cipaux faits contenus dans cet opuscule, où lc»3 membres du
corps utile qu'on vient de détruire trouveront avec satisfac-
tion quelques-uns de leurs titres à la reconnaissance nationale.
M. A.
189. — * Biographie universelle et portative des contemporains ,
ou Dictionnaire historique des hommes célèbres de toutes les
nations, morts et vivans; en un seul volume in-8° , avec un
atlas de 200 portraits. Paris, 1827; Àucher Éloi, rue Saint-
André-des-Arcs, n° 65. Prix de la livraison, 2 fr. ( Voy. Rcv.
Enc. t. xxxi 11, p. 801. )
Nous sommmes en retard sur le compte de cet excellent ou-
vrage, dont chaque livraison mériterait un article particulier,
L'éditeur, pour satisfaire à l'impatience du public, a imaginé,
en poursuivant la publication de la première partie, de com-
mencer la publication de la seconde à partir de la lettre L ; il a
paru trois livraisons de celle-ci, contenant jusqu'à la série LAN,
incluse. La 28e livraison de la première partie arrive à la fin de
DEZ. Une parfaite impartialité préside à la rédaction de cet ou-
vrage, de mieux en mieux fait, et à laquelle nous donnons des
éloges d'autant plus sincères, que, comme les auteurs gardent le
pins strict incognito, nulle affection n'en peut être la cause dé-
terminante. On reconnaît aisément que chaque article est traité
par un écrivain de la profession du personnage dont il devient
l'historien. Un vaudevilliste n'écrit point sur lessavans qu'il ne
comprendrait pas; un faiseur de tragédies ou de feuilletons.
44 \ LIVRES FRANÇAIS.
sur 1rs militaires dont les opérations lui furent toujours étran-
gères; un romancier, enfin, sur les hommes d'état. Nul doute
que la distribution des matières n'ait été soigneusement faite
entre des personnes qui s'entendaient aux choses qu'il était
question de traiter. Ainsi, dans les notices où sont retracés les
hauts faits de nos guerriers, tels que Dampierre , Darricati ,
Decaen , Défiance, Delmas, Desaix , etc., il n'est pas question
de bronze qui vomit le trépas, de montagnes de morts et de
inourans élevées sous le sabre des héros, ni d'autres beautés
du même genre, dignes du mélodrame et entassées dans la plu-
part des ouvrages écrits récemment sur le métier des armes.
On trouve un compte fidèlement rendu et sans emphase des
opérations dont l'histoire doit garder le souvenir. Peut-éîre ,
dans certains articles, s'est- on montré trop concis.
Dans l'article Davout, nous trouvons qu'on a passé un peu
légèrement sur la fin de la carrière militaire et politique de ce
maréchal; et, en étendant notre réflexion sur l'article Decrès,
il nous paraît que le degré de gloire le plus élevé, acquis avec
des titres pompeux, ne reflète point un éclat suffisant pour
faire disparaître les fautes dans les tableaux de l'historien. Le
respect dû aux lauriers de l'empire proscrit sans doute une criti-
que amère debeaucoupde torts graves; mais aucune considéra-
tion n'autorise la justification de ce qui ne saurait être justifié.
Pourquoi donc nous peindre, autrement que comme un mauvais
minisrre et un mauvais Français, un homme qui n'eut d'autre
mérite que de savoir cacher la servilité d'un courtisan sous ces
dehors de franchise tant soit peu grossière des gens de mer,
qui contribua à la ruine de notre marine, et qui fut la cause de
de la perte du dernier point importanldont la possession dans les
niersde l'Inde rappelât le nom de la France et sa gloire navale?
L'histoire des nommes qu'on peut, à proprement parler,
appeler révolutionnaires, est en général très-bien faite. Les ar-
ticles Danton et Camille Desmoulins, particulièrement, sont très-
remarquables. Le notice sur David est l'ouvrage d'un homme à
la fois connaisseur dans les beaux- arts et dont la plume est fa-
miliarisée avec les sujets politiques. Entre les notices qui con-
cernent les savans , nous recommandons celles qui concernent
De/ton, Delambre, Decandollc, et M. Delamarek , en remarquant
que ce dernier n'a pas été traité avec toute la distinction qui
lui était due. L'historien de ce savant n'a pas assez insisté sur
le mérite émitient de celui dont on peut dire qu'il est, de tous
les naturalistes, le seul qui puisse être mis en ligne avec ce
Linné dont la Suéde eut le bon esprit de s'enorgueillir, tandis
qu'il est du petit nombre des naturalistes qui, s'occupant philo-
SCIENCES MORALES. j j 3
sophiquemenl de !.i science , n'en font j >.» s un véritable enfan-
tillage: la Franco connaît i peine ce génie supérieur dont, elle
devrait poui tant s'enorgueillir aussi. Lngrangt et Lacépède sont
mieux appréciés , et nous trouvons qu'il va une soi te de cou
rage à publier que le second, si vanté pour sou style, n'est.
qu'un écrivain d'un rang secondaire^ diffus el prolixe outre
mesure. Les articles La Harpe et Lalande sont fort curieux, et
même arausans. ,
1 e duc Deçà te occupe plus d'une vingtaine de colonnes , où
l'augmentation qu'il fit de la Chambre des pairs se trouve sé-
vèrement jugée. I ne autre célébrité libournaise, ou dé Sainte-
l'oix, près Libourne, se trouve oubliée; les biographies s'oc-
cupent des grands crimes comme des grandes vérités, des
grandes nullités même, puisque lé Russe 1)... trouve place dans
celle que nous annonçons. Lacombe, président du tribunal ré-
volutionnaire de Bordeaux, qui (it tomber en six mois quatre
cents tètes notables dans cette ville, dont l'audace féroce égala
celle de Fouquier-Thinville, qui porta enfin à son tour sa tète
sur l'échafaiid , est omis , et devra être attaché au pilori de
l'histoire dans quelque supplément, L'article Laine ( non pas
le chanteur de l'Opéra, mais le ministre d'état) nous paraît
contenir une omission importante sur le commencement de sa
carrière; il n'y est pas dit un mot de son origine africaine et
du voyage qu'il a dû faire à Saint-Domingue , si nous nous en
rapportons au très-curieux et spirituel ouvrage de M. l'évèque
Grégoire, intitulé De la noblesse de la peau, où nous lisons:
« Un écrit publié récemment nous révèle que, dans les
premiers lems de la révolution française-, les colons du Cap-
Français exclurent de leurs rangs, comme homme de couleur,
M. Laine, aujourd'hui ministre d'éiat et pair de Fiance, le
même qui, en 1819, déploya tant de fureur contre un député
de l'Isère. » — Nous recommandons encore la lecture de l'article
qui concerne M. Lqffitte , où le rédacteur, combattant avec un
peu de vivacité les vues de cet habile financier, quand elles se
trouvèrent une fois seulement conformes à celles d'un ministre
odieux à la nation, n'en rend pas moins justice aux vertus
ainsi qu'aux talens de l'un de nos plus grands citoyens, de
l'un des hommes les plus aimables et les plus simples dans
ses goûts, (pie n'aient pas corrompu d'immenses richesses , si
bien acquises, et mieux employées encore; d'un homme au-
quel, malgré le courage qu'il montra en sacrifiant sa popularité
à la conviction où il était qu'une opération peut ne pas être
perverse parce que des hommes pervers la proposent, vient
de recevoir des habitans de la capitale un nouveau té-
4/, 6 Livres français.
moignage de leur haute confiance. En nous disant que M. Laf-
fite n'a pas toujours été dans l'opulence, et qu'il est l'unique
artisan de sa fortune, son biographe n'a sans doute point
connu une particularité d'une si belle vie ; il n'a point en-
tendu ce grand citoyen dont aucune spéculation ne compromit
la réputation, que l'envie et la calomnie attaquèrent vainement,
raconter, avec une spirituelle simplicité, comment il fit le
voyage de Bayonne à Paris, à pied, lorsqu'il vint pour la
première fois dans cette grande cité qu'il devait représenter un
jour. On peut mettre en parallèle avec M. Laffitte , pour les
vertus civiques et pour la manière impartiale dont son histoire
est traitée dans la Biographie portative, le vétéran de la liberté
des deux mondes , l'illustre général Lafayette, l'un des hommes
de nos jours les plus dignes de trouver un Plutarque.
B. de Saint- Vincent.
X 190. — * Histoire de Louis /X (Saint Louis), par M. Pigault-
Lebrun, membre de la Société philotechnique. Paris, 1827;
Barba, cour des Fontaines, n° 7. In- 12 de 204 p.; prix, 3 fr.
X 191. — * Histoire de Charles VI , par le même. Paris, 1827;
Barba. In-12 de 3o3 pag. ; prix, 3 fr.
M. Pigault-Lebrun, écrivain spirituel , connu par des romans
remplis de joyeuses descriptions et d'aventures plaisantes, dout
la relation vive et animée entraîne le lecteur, a voulu consa-
crer son talent à des travaux d'un ordre plus élevé et d'une
nature plus sérieuse. Il a pensé que l'histoire de France n'a-
voit jamais été présentée dans cet ensemble qui forme un tout
de plusieurs parties, et qui inspire un intérêt soutenu; avec cet
esprit de philosophie qui démêle les causes et qui suit leurs ré-
sultats de siècle en siècle, comme les détours du labyrinthe
avec le fil d'Ariane, il a voulu classer les faits et leurs consé-
quences avec ordre et liaison; il a négligé les incidents oiseux,
il a choisi des événemens assez importans pour que leur déve-
loppement excitât toujours la curiosité; il a essayé de peindre
à grands traits les hommes, leurs caractères, l'abus du pou-
voir, la superstition, l'aveuglement des peuples et les ambi-
tions éclatantes; et il a composé une Histoire de France , critique
et philosophique, à l'usage des gens du monde (Voy. Rcv. Enc.
t. xxxi, p. 477).
M. Pigault a-t-il convenablement rempli le cadre qu'il s'était
tracé? nous devons le croire, si nous nous en rapportons au
succès qu'il obtient, puisqu'avant même la publication totale
des huit volumes qui doivent compléter son ouvrage , l'éditeur
juge à propos d'en détacher les règnes importans, et de les
réimprimer séparément. Les deux volumes que nous annon-
çons sont de ce nombre : par la modicité de leur prix, et par
SCIENCES MORALES. /Il7
leur format , ils se Iroiivcront bientôt sous les yeux de la cl a ,-■•
des lecteurs qui ne sauraient Atteindre au coûteux in-octavo.
Nous ne connaissons pas le grand ouvrage dont ils sont déta-
chés; mais ces fragmens sont complets, el doivent en donner
une idée parfaite. I.crits avec rapidité, (l'un style facile et élé
ganl , les règnes de Louis 1\ et de (.liai les \ | nous rappellent
tout ce que les historiens et les chroniqueurs ont rapporté sur
eux d'evenemens remarquables \ et partout, dans ses tableaux ,
M- Pigault Sait' nous faire pressentir avec finesse,* les grandes
leçons qui découlent (\c> belles actions connue des mauvaises,
des \ ices des princes et des peuples autant que de leurs vertus. On
voit qu'il a souvent lu Voltaire; qu'il a étudié ta manière d'écrire,
et qu'après un récit que distinguent la clarté et la simplicité, il
cherebe, comme lui , à amener le trait par une phrase courte,
énergique et profonde. Celte méthode, qui ne peut être adoptée
(pic par un homme de beaucoup d'esprit, et qui sied très-bien
à M. Pigault, a aussi son écueil. On ne déguise pas toujours
avec assez d'adresse une imitation long-tems prolongée; et
lorsque cette imitation dégénère en copie servile, l'auteur,
quelque talent qu'il ait d'ailleurs, risque d'encourir le reproche
de plagiat. Nous craignons que la mémoire de 31. Pigault ne
l'ait quelquefois trop bien servi; et nous l'engageons à sup-
primer, dans une troisième édition, des phrases peu impor-
tâmes sans doute par elle-mêmcs, mais qui nous semblent trop
connues.
Voltaire a dit quelque part que les habitans du Khoracan,
que l'on nommait Corasmins, pressés par les Tartares, s'étaient
précipités sur la Syrie, et qu'ils avaient égorgé dans Jérusa-
lem Turcs , juifs et chrétiens. C'est un des morceaux que
M. Pigault a reproduits presque mot à mot. Les faits , au
reste, appartiennent à tout le monde; mais, avant de se les
approprier, il faudrait s'assurer de leur réalité, et celui-ci
nous a inspiré plus d'un doute. Nous nous croyons certains que
les habitans du Khoracan n'ont jamais porté le nom de Coras-
mins , et que ce nom, ou à peu près, était celui des peuples
de la Khoaresmie ou Kharismic, situés au nord du Khoracan ,
au sud de la mer d'Aral. Mais, avant que ces peuples, ou
même ceux du Khoracan, pressés par les Tartares, se préci-
pitassent sur la Syrie, ils avaient à traverser le grand désert
salé de Naoubendjan ; puis la Perse tonte entière; puis, la
chaîne redoutable des monts du Louristan; puis, la Mésopo-
tamie et ses déserts, et le Tigre , et l'Euphrate, et d'autres
cours d'eau qui ne sont pas de légers obstacles; ils avaient enfin
à parcourir un espace de plus de six cents lieues sur des terri-
448 LIVRES FRANÇAIS.
toircs toujours ennemis. Cette excursion subite nous parait
donc peu probable; et nous eussions désiré que l'historien en
recherchât les causes et nous les expliquât, ou qu'il annonçât
ses doutes sur l'intervention des Corasmins dans les affaires de
la Palestine , comme il l'a fait pour la prétendue ambassade du
grand khan de Tnrtarie à saint Louis, dans l'île de Cypre.
L'histoire doit être positive en tout, et l'historien qui veut
que son ouvrage survive à une première apparition doit pos-
séder une grande variété de connaissances. H s'exposerait à
perdre une partie de la confiance qu'il aurait inspirée , en pei-
gnant avec vérité les mœurs et les coutumes d'un peuple, s'il
transportait sous son climat les produits et les phénomènes na-
turels d'une autre partie du globe. Cette réflexion s'applique
aux préjugés adoptés par l'ignorance à telle ou telle époque.
11 est nécessaire de ue les reproduire que comme des préjugés.
Ainsi , par exemple , il ne faut pas dire aujourd'hui que le se-
cret du feu grégeois est perdu; car il n'est pas un chimiste qui
n'en puisse fabriquer.
Nous ne pousserons pas plus loin ces observations, qui n'ôte-
ront rien au mérite de l'ouvrage de M. Pigault. La lecture en
est attachante, les faits s'y pressent sans se confondre, et l'on y
reconnaît, avec plus d'énergie et de dignité, la plume élégante
qui traça l'épisode de Tékéli. Nous ne douions point de son
succès.
Au moment où nous terminons cet article, on nous remet
les règnes de Charles VII et de Louis XI, dont nous aurons
soin de rendre compte. . R.
19?,. — * y le politique et militaire de Napoléon , racontée par
lui-même au tribunal de César,- Alexandre et Frédéric. Paris,
1827; Anselin. 4 vol. in -8° ; prix, 3ô fr.
La vie d'un homme à qui la France fut pour un moment
redevable de la paix ; mais auquel elle reprochera d'avoir tout
sacrifié à son ambition, qui se rendit non moins célèbre que
Charlemagne et parut mériter de former la souche d'une qua-
trième dynastie , est bien digne d'exercer la plume des écri-
vains. Mais, s'il fallut un Robcrtson pour entreprendre l'histoire
de Charîes-Quint , de ce monarque si inférieur en génie à
Napoléon, ce n'est point à Walter Scott, qui traduit l'histoire
en roman, qu'appartient l'honneur de tracer, en caractères
ineffaçables, la vie de ce dernier. Il faiU , pour nous trans-
mettre les hauts faits de ce héros contemporain , un écrivain
dépouillé d'esprit de nationalité, contempteur des doctrines de
la féodalité et de l'aristocratie, qui ait compris la révolution
et qui ne soit pas prévenu contre les beaux génies qu'elle a
SCIENCES MORALES. 449
enfantés et contre les institutioni qu'elle ■ fuit naître; qui ait
une connaissance approfondie des rapports politiques des
puissances de l'Kurope au xiv siècle, et qui, versé dans les
hautes combinaisons de la guerre, soit, à même d'analyser les
campagnes mémorables de ce grand capitaine. Sous ces divers
••apports, l'auteur anonyme de la lie politiqUB et militaire de
Napoléon a des avantages incontestables sur l'historien anglais.
Une lecture rapide nous a convaincus qu'à travers quelques
défauts, il avait réussi à peindre ce grand homme. On assure
que cet ouvrage, neuf et original^ est dû à la plume du général
JoMiNi. Nous sommes portés à le croire ; on reconnaît sa
touche large et hardie, son style inégal, mais pittoresque, sa
précision dans le récit des opérations militaires, ses vues pro-
fondes en politique; et, ce qui achève de nous confirmer dans
cette opinion, c'est que nous avons trouvé, dans le premier
volume, plusieurs fragmens de l'Histoire critique des Guerres
de la Révolution. L'auteur seul de cet ouvrage avait le droit d'en
agir ainsi. K.
X io,3. — * Réfutation de la relation du capitaine Maitland,
commandant le Bellérophon, touchant V embarquement de Na-
poléon à son bord; rédigée par M. Barthe , avocat à la cour
royale de Paris , sur les docùmens de M. le comte de Las-Cases ;
augmentée du testament original de Napoléon , et ornée d'une
jolie vignette , représentant Napoléon sur le rocher de Sainte.-
Hélène. Paris, 1827; Charles Béchet. In-8° de iv et 162 pages;
prix, 4 fr- 5oc.
C'est ici une pièce destinée à l'éclaircissement d'un des grands
procès que jugera l'histoire; la conduite du gouvernement bri-
tannique à l'égard de l'illustre prisonnier, durant sa captivité ,
n'est pas la seule accusation que la justice de la postérité sera
en droit d'intenter à l'administration anglaise de cette époque;
il faudra enfin juger cette captivité elle-même ; il faudra décider
si Napoléon avait consenti à se livrer à la merci d'un maître
implacable, ou s'il n'avait entendu se confier qu'à un ennemi
généreux. Or il résulte des propres aveux du capitaine Maitland,
que si l'on n'a point promis formellement un asyle à Napoléon ,
on s'est expliqué de manière à lui laisser croire que cet asyle
lui serait accordé ; on attachait la plus haute importance à se
saisir de sa personne , et un piège a été évidemment tendu pour
y parvenir. M. Barthe a très bien fait ressortir cette circon-
stance, dans l'espèce de plaidoyer qu'il publie sur les pièces
qui lui ont été confiées par M. de Las-Cases. Il pense que Na-
poléon, sorti de l'île d'Elbe pour renverser le gouvernement
t. xxxvi. — Novembre 1827. 29
456 LIVRES FRANÇAIS.
des Bourbons, pouvait être, en Fiance , accusé de conspiration.
« Mais , ajoute-t-il , sorti des mains de ce gouvernement , placé
hors de tontes les nations, roi détrôné, n'étant le sujet d'aucun
prince, la police de l'Angleterre n'avait sur sa personne ni
droit , ni juridiction : aucun gouvernement ne pouvait l'attein-
dre désormais, qu'autant qu'il violerait les lois spéciales de ce
gouvernement. » Et plus bas : « Oui , la vérité, à mes yeux ,
est que , sur la proposition même du commandant du Belléro-
phon , il fut convenu que Napoléon serait conduit sur le sol de
l'Angleterre , pour y jouir de la protection de ses lois, et qu'un
de ses ofliciers recevrait toutes les facilités de remettre lui-
même une missive au prince régent. » Telle sera aussi la vérité
pour tous ceux qui examineront cette affaire sans prévention ;
et cependant le sol anglais fut interdit à Napoléon , et la plus
horrible captivité fut décrétée, et la mort prématurée du captif
a été causée par les tourmens de sa prison. Le jugement de la
postérité à cet égard sera conforme sans doute à celui de la
grande majorité des contemporains. Cet opuscule, auquel les
notes fournies par M. de Las-Cases donnent beaucoup de prix ,
forme une suite nécessaire au Mémorial tracé par le fidèle com-
pagnon de l'empereur déchu. M. A..
19/1. — Mémoire sur l'ancienne ville des Gaules qui a porté le
nom de Samarobriva; par M. J. Rigollot y?/.?. Amiens, 1827;
Caron-Duquenne. In-8° de 38 pages.
M. Mangon-Delalande avait adressé, cette année, à l'Aca-
démie d'Amiens, un mémoire tendant à prouver, comme il
avait déjà essayé de le faire, dans une dissertation publiée en
1825, que l'ancienne ville des Gaules nommée Samarobriva
était Saint - Quentin , capitale du Vermandois , et non pas
Amiens , comme on le croit généralement.
L'Académie d'Amiens devait ou abandonner ses préten-
tions , ou justifier de ses titres , et elle chargea M. Rigoîlot fils
du soin de les faire valoir. La tâche était difficile ; car la bro-
chure à réfuter, dont nous avions déjà connaissance, est écrite
avec séduction , et pouvait persuader tous ceux qui , dans cette
matière, ne s'en rapportent qu'au dire des autres. M. Rigoîlot
devait, en répudiant tout esprit de parti, discuter de nouveau
les textes dont M. Delalande s'était servi pour appuyer ses
prétentions et invoquer ensuite les autorités propres à con-
firmer soit une opinion , soit l'autre. Il résulte de ses recherches
et des preuves nombreuses dont il accable son adversaire, que
la ville d'Amiens est réellement l'ancienne Samarobriva , et
que c'est vers le ive siècle qu'elle changea de nom, comme
beaucoup d'autres villes des Gaules , pour prendre celui d'Am-
bianum.
SCIENCES MO» W.KS -LITTÉRAL l !» I /, m
L'tillteiir (ci mine son mémoire par CCS Iroia VtTSj lues tirs
\<ics «lu martyre de sainl Quentin \
hatereà adgredieoa urbetn , que floridfl Galloi
Extiteral , quondam Dooien Samarobria ^ stans ,
Atnbianum , quam mine mutato uotaine dietfnt.
Nous devons dire aussi que c'est l'autorité la moins authen-
tique dont il se soit servi pour appuyer ses eonrlusions. N. L.
Littérature.
195. — * Dictionnaire classique de fa langue française , avec
«les exemples tirés des meilleurs auteurs français, et des notes
puisées dans les manuscrits de Riva roi , publié et mis en ordre
par quatre professeurs de l'université. Deuxième et troisième
livraisons. CAQ — GUI. Paris, 1827; Brunot-Labbe. 2 cahiers
in-8° ; prix de la livraison, 3 fr.
Nous avons annoncé (voy. Rev. Enc, t. xxxv, p. 4^5) la
première livraison de cet excellent Dictionnaire. Nous lui avons
donné les éloges qu'il méritait, et nous ne pouvons aujourd'hui
que les répéter. Mélons-y cependant une critique légère, mais
utile, puisqu'elle peut faire éviter une petite faute dans un
ouvrage classique. Nous avons surpris quelques définitions
inexactes; il serait urgent de les rectifier. En voici un exem-
ple : Génitif : le deuxième cas d'un nom dans les langues qui
ont des cas. Est-il bien philosophique d'abord de définir une
chose par la désignation de la place tout-à-fait arbitraire que
lui assigne l'usage? Et ensuite, cette définition est -elle bien
juste ? Dans le sanskrit, le génitif n'est que le sixième cas ; dans
le grec, nous ne le regarderons bientôt plus que comme le
troisième, grâce à la grammaire de M. Burnouf.
Plus loin, on trouve Gramme: unité de poids, un peu moins
de dix-neuf grains. Le gramme devait porter avec lui sa défi-
nition rigoureuse. Le définir par les mesures anciennes, c'est
tourner dans un cercle vicieux; car, pour faire connaître exac-
tement les anciennes, nous serons obligés de les exprimer en
parties des nouvelles mesures. B. J.
196. — Tableau historique , chronologique des concours
généraux de l'Université, ancienne et nouvelle, depuis, la
fondation des concours jusquen 1826 inclusivement ; suivi du
Tableau de la distribution des prix du concours général , et des
distributions des prix des huit collèges de Paris et de Versailles
en 1827 ; par A. J. de Mancy, auteur de Y Atlas historique
29.
452 LIVRES FRANÇAIS.
des littératures y etc. Paris, 1827; L. Hachette, rue Pierre-
Sarrazin, n° 12; Jules Renouard. Une grande feuille coloriée;
prix , 3 fr. 5o c.
Nous avons annoncé la première édition de ce tableau
(voy. Rev. Enc. , t. xxx, p. 577), où figurent, à côté de
beaucoup de noms devenus célèbres des lauréats de l'ancienne
université, Thomas, Delille , La Harpe, Dupuis, Lebrun (duc de
Plaisance), Chain fort, Lavoisier, Hauy, le chevalier Berlin ?
Robespierre , Camille Desmoulins , André Chénier , An-
drieux , etc. etc., ceux des élèves de la nouvelle université
dont plusieurs ont justifié, par d'utiles travaux ou de brillantes
productions , les succès qu'ils avaient obtenus dans leur pre-
mière jeunesse. Nous citerons de nouveau MM. Villemain,
Naudct , Victor Leclerc , Cousin , Charles Dupin , et Casimir
Delavigne, etc., qui ont remporté tour à tour les premiers prix
décernés par l'université aux élèves des collèges de Paris.
M. de Mancy a donné, de plus, la liste des élèves couronnés,
cette année, à la distribution des prix du concours général,
et il promet de continuer cette entreprise, en ajoutant,
chaque année , les noms des nouveaux lauréats , à son ta-
bleau , qui deviendra ainsi un vaste répertoire où l'on aimera
à retrouver la trace des premiers triomphes d'un grand nombre
d'hommes qui seront devenus illustres dans les lettres , les
sciences, les arts ou la politique. et.
197. — L'Enéide des gens du monde ; poëme en douze chants.
Ire livraison. Paris, 1827 ; Levrault, rue de la Harpe, n° 81.
In-8°;prix,3fr.
Encore un nouveau travail sur Virgile ; mais du moins ce
n'est aujourd'hui ni un commentaire perpétuel , ni un recueil
de notes philologiques et géographiques , ni une traduction en
vers ou en prose. Qu'est-ce donc? C'est l'ouvrage d'un auteur
qui, s'étaut formé le goût à l'école de nos aristarques mo-
dernes , et qui , épris des beautés de Virgile , sans s'aveugler
sur ses défauts , a cru qu'en se permettant plusieurs chan-
gemens dans X Enéide , et en substituant à propos ses idées à
celles du poète latin, il ne lui serait pas difficile d'en rendre la
lecture aussi agréable qu'intéressante à quelques classes de la
société, surtout aux gens du monde.
Son plan n'a rien de la servilité d'un traducteur ordinaire.
Dégagé des entraves d'une interprétation rigoureuse , il ne
traduit pas , il imite ; et cette liberté qu'il s'est permise donne
à ses vers plus de douceur et de naturel. Il fait plus, une
imago étrangère à l'original , mais qui lui semble capable
d'ajouter un nouveau prix à la copie , vient-elle s'offrir à son
LITTÉB \Tt RB. /,«
imagination , il l'en empara avec avidité s el l'abandonne .« ses
propres inspirations. C'est ainsi qu'ail premier livre, aptes
avoir traduit assez fidèlement le sujet des chants d'Iopas, il
ajoute:
A des chanta plus joyeux par Didon excité ,
D'un délire nouveau toutrà-coup transporté |
Il chante ec beau jour, premier beau jour du monde,
Où , brillante d'attraits , Vénus sortit de l'onde ,
De sa douée chaleur pénétra l'univers,
L'embellit, le peupla de mille êtres divers.
Puis, livrant son {'('•nie à d'aimables eaprices.
Il chanta de l'amour les plus chastes délices,
Ses désirs, ses tourmens, ses rêves enchanteurs,
Et l'instant où l'hymen le couronne de fleurs.
Etonné de lui-même , il sent qu'un Dieu l'inspire ,
Et parcourt avec lui les cordes de sa lyre.
Ce n'est plus lui qui joue; il le sent, et jamais
Sa lyre n'a produit des accords si parfaits.
Il ne se trompait pas : l'enfant, dieu d'Idalie,
Donnait seul à son luth tant dame et d'harmonie.
Il faut l'avouer : il n'y a pas dans Virgile un seul mot qui
ait pu donner l'idée de ces vers ; et cependant , ils se trouvent
placés en cet endroit aussi naturellement que s'ils étaient
l'œuvre du poète original. Virgile lui-même n'aurait peut-être
pas dédaigné une pareille inspiration , qui semble faire pres-
sentir au lecteur la destinée future de la malheureuse Didon.
J'espère qu'on saura gré , comme nous , à l'auteur d'avoir
ennobli le caractère d'Achatc, qui a plutôt l'air d'être le domes-
tique d'Enée que son ami. En élevant à une condition plus
noble \ejïdus Jchatcs , souvent insipide dans Virgile, l'auteur
l'a mis à même déjouer, dans la suite de l'ouvrage, un rôle
plus digne de la poésie épique.
Il fallait sans doute moins de mérite pour éviter le fatal
longé servet vestigia conjux. Aussi cette faute n'a point échappé
au nouvel imitateur.
Chargé du poids d'un père ,
Jamais charge à mon corps ne parut plus légère;
A mes côtés marchaient mon épouse et mon fils.
Le reste de la troupe , à mes ordres soumis ,
Par des chemins divers, au sortir de la ville ,
Devait d'un bois voisin gagner le sombre asyle.
C'est avec plaisir encore que nous avons vu la scène dé-
goûtante des harpies remplacée par une description gracieuse
d'une fête de Cérès.
lM LIVRES FRANÇAIS.
Les changemens, les corrections et les additions que «mis
avons remarqués dans ces trois premiers livres, nous en an-
noncent de plus considérables pour les suivans ; et, s'ils sont
toujours soutenus par des vers élégans et faciles , l'ouvrage ne
pourra manquer d'exciter la curiosité des lecteurs. L.
10,8. — * La Liberté, poëmc dithyrambique, divisé en deux
lyres (ou chants); par Nestor de Lamarque. Paris, 1827; les
marchands de nouveautés. I11-80 de 87 pages ; prix, 2 fr.
La poésie reçoit des circonstances où nous sommes un ca-
ractère grave et sérieux; elle puise souvent paruti nous ses
inspirations dans les sentimens qui sont communs à tous les
bons Français, et qui échauffent les cœurs généreux. M. de
Lamarque a suivi cette noble impulsion , en chantant la liberté.
Un préambule , intitulé spicilège, reproduit plusieurs passages
extraits d'ouvrages anciens et modernes dans lesquels la liberté
est présentée comme le premier des droits politiques, comme
la condition nécessaire des progrès de la civilisation et de
l'industrie, comme la dette des gouvernemens envers les na-
tions. Tels sont les textes développés par le jeune poète dans
plusieurs strophes dont nous citerons les deux suivantes :
elles suffiront pour faire désirer vivement de lire le poèmeJ
entier.
Il est un ncm qui roule à travers tous les âges,
Qui de l'homme naissant salua le berceau,
Que la foudre prononce au milieu des orages,
Qui plane sur les grands naufrages,
Qui malgré les tyrans vit dans tous les langages,
Que l'on grave sur leur tombeau !
Un nom que sur les murs où l'oppresseur habite
Trace pour son arrêt une invisible main ,
Et qui fait luire encor l'espérance proscrite
Dans ces cachots obscurs qu'entoure un triple airain ;
Un nom qui fait germer sur le sol des deux mondes
Des plus nobles vertus les semences fécondes ;
F affermit les revers , console aux jours de deuil,
Et rend aux peuples noirs , à ces races humaines
Dont le glaive est forgé des débris de leurs chaînes ,
Le rang que parmi nous leur disputait l'orgueil.
Liberté! liberté ! ce nom s'est fait entendre:
11 vient de réveiller votre héroïque cendre ,
Mânes de Thémistocle et de Pélopidas !
Nobles enfans de Thèbe , et de Sparte , et d'Athènes ,
Il est tems de briser vos chaînes
A la voix des Léonidas! N-
LITTERATURE. 455
190.— l es Ixiins de met} poème 1 par IYI. F. Thueux. l'aris ,
18*7; Ladvocat; Boulogne-sur Mer, Leroy- Berger. In- 8° de
59 page»; prix, 2 !r.
L'auteur célèbre l'établissement qui réunit dans sa ville na-
tale un grand nombre de voyageurs; il amplifie, à la manière
des poètes, les agrémens -i les bienfaits des bains de mer; et
le tableau du bonheur dont on jouit à Boulogne suffirait sans
doute pour y attirer up grand nombre de lecteurs, si l'on nvaii
ordinairemenl beaucoup de foi aux paroles des portes. Mais il
est à croire <pie la moindre ordonnance du médecin aura à cet
égard plus de pouvoir sur (esprit des malades que les vers de
M. Thueux. Ce n'est pas que son poème soit sans mérile : une
invention assez riche, un Style toujours pur, une imagination
riante, voilà les qualités qu'on y trouve; m;iis on y désire
une disposition plus beufeuse , et moins de vague dans les
idées.
IM. Thueux, en adoptant le genre que les rhéteurs ont nommé
,/ rnonstr&tif, et qui consiste à louer pour louer ou à blâmer
pour blâmer, a senti (pie la monotonie est l'écueii presque iné-
vitable de ce genre; il a voulu y échapper, en réunissant dans
son ouvrage les divinités de la Grèce ancienne, quelques sou-
venirs de la Grèce moderne, la fondation de Boulogne par
César, la visite de la duchesse de Berry, et deux épisodes assez
intéressans.Tous ces efforts n'ont pu couvrir le vide du poème,
ni donner de l'intérêt à un recueil de vers sans action et sans
unité; mais on y remarquera des détails remplis de charme,
et les vrais amans de la nature en retrouveront les couleurs
véritables dans plusieurs descriptions de l'auteur.
200. — La Corbicréide, poème en quatre chants, par Bar-
thélémy et Méry. Paris, 1827; Àmb. Dupont; In-8° de 75 p.
prix , 2 f. 5o c.
201. — La Bacriade, ou la guerre d'Alger, poëme héroï-
comique en cinq chantsy par les mêmes. Paris, 1827. Amb.
Dupont; In - 8° de 96 p. prix , 2 U\ 5o c.
Tout ce que nous avions à dire sur les auteurs de ces deux
poèmes, nous l'avons dit depuis long-tems. Quelques journaux,
charmés de voir en eux les interprètes de l'opinion de la majo-
rité de la France, appréciant d'ailleurs l'élégance soutenue de
leur style et la tournure heureuse et facile de leurs vers, n'ont
su leur donner (pie des éloges, et leur ont fait un mérite de la
1 apidité avec laquelle ils composent. Pour nous, plus justes ou
plus sincères , nous avons soigneusement distingué le talent
littéraire et poétique de l'expression d'une opinion, et tout en
montrant les qualités qu'on devait admirer en eu\, nous avons
,',56 LIVRES FRANÇAIS.
cherché à les prémunir contre l'ivresse d'un premier succès,
et nous les avons prévenus des dangers que leur ferait courir
une trop grande précipitation.
Ils n'ont guère profité de ces conseils, et nous ont donné,
à la distance de trois mois, la Corblércide^ que nous n'avons pu
Annoncer sous le régime de la censure; et la Bacriaclc, publiée
il y a peu de jours.
Dans le premier de ces deux poèmes, le ministre des finan-
ces, effrayé de l'attitude menaçante de la garde nationale,
veut faire rédiger au ministre de l'intérieur l'ordonnance du
licenciement; il l'invite à se rendre la nuit même au Champ-
deMars, où il se trouvera avec son collègue Peyronnet. INos
auteurs ont cru bien faire en conduisant les ministres sur le
théâtre même où leur avait été témoigné le mécontentement
public; ils ont trouvé plaisant de faire saisir les trois héros
par un essaim de mouchards réunis dans les cabarets voisins.
Cette conception bizarre et fausse a donné naissance à. quel-
ques détails qu'on lit avec plaisir, mais qu'on est fâché de voir
commencer par ces vers :
La lune, à l'horizon à cette heure inclinée ,.
Allonge des héros l'ombre indéterminée,
Et du pont d'Iéna , leurs pieds en traits obscurs
De la lointaine école escalade les murs.
L'école militaire est au sud du pont d'Iéna; pour que la descrip-
tion eût le sens commun , il faudrait placer la lune au pôle :
pourquoi donc décrire ce qu'on ne sait pas, ou ce qu'on n'a
pas vu ?
Les ministres font leur pacte au Champ-de-Mars; puis, ils
sont saisis et relâchés par les mouchards; enfin, ils retournent
dans leurs hôtels, d'où ils n'auraient pas dû sortir: mais, Cor-
bière, effrayé de son ordonnance , monte au sommet du Pan-
théon, d'où il observe le télégraphe de Saint-Sulpice, qui doit
l'avertir s'il y a du danger pour lui; quand il n'y en a plus, il
descend et va chez Villèle qui le décore du cordon bleu.
On se demande comment deux hommes d'un talent incontes-
table, quoique trop vanté peut-être, ont pu travailler sur un
sujet aussi incohérent, aussi décousu que celui-là : on regrette
qu'ils ne se donnent pas la peine d'imaginer un plan raison-
nable, et de chercher quelques idées à la fois originales et
sensées.
La Bacriade n'est pas même amusante : on ne pouvait du
moins refuser cette qualité à leurs précédens ouvrages; mais
ici ils ont bien changé; et peut-être la faute en est-elle au
LITTÉRATURE. /,'>:
jnjet qui DO leur a pas permis de mettre en scène les minis-
tres , objets ordinaires tic leurs sarcasmes : à défaut de ces per-
sonnages, ils ont puisé dans les petits journaux des plaisante-
ries sur la giraffe, sur la justice algérienne, et ils ont été ,
chose inouïe de la part d'écrivains qui professent des idées
vraiment libérales, jusqu'à tourner en ridicule l'établissement
d'un collège égyptien en France. Qui ne voit, au contraire,
que ecl acte d'un pacha vice-roi, élevé dans les habitudes du
despotisme, indique une portée de vues peu ordinaire, et mé-
rite les éloges des amis de l'humanité. Si l'on voulait absolu-
ment le mettre en scène, il y avait sans doute dans la vie
politique d'un chef militaire et absolu des actions qui pou-
vaient prêter au blâme , el même inspirer une indignation
généreuse; mais convenait-il à des plumes libérales de dénigrer
une institution dont les plus grands princes auraient droit de
s'honorer ?
X 202. — * Œuvres de M. J. P. G. Viennet. Êpîtresct Dia-
logues des morts. Paris, 1827; Ambroise Dupont. 2 vol. in-18 ,
ensemble de 676 pages; prix, 9 fr.
Ces deux tomes sont les premiers de la collection qui doit
réunir les œuvres de M. Viennet; il annonce, dans sa préface,
qu'elle sera composée de huit volumes, dont les deux derniers
contiendront la Philippide. N'anticipons pas sur les publications
suivantes; nous aurons, il faut l'espérer , l'occasion de rendre
à l'auteur toute la justice qu'il mérite, et de faire apprécier une
épopée dont des lectures partielles n'ont pu donner jusqu'ici
qu'une idée imparfaite. Aujourd'hui , nous avons à rendre
compte des ouvrages auxquels il doit sa grande popularité, et
qui lui ont marqué une place si haute dans l'estime publique,
je veux dire ses Epîtres. — Nées des événemens contemporains,
presque improvisées, comme il l'explique lui-même dans une
préface pétillante de gaîté , de verve et souvent d'indignation,
à mesure que les circonstances développaient tel ou tel carac-
tère politique, elles ont du, et ce n'est pas un des moindres
avantages de ce genre de poésie, porter constamment l'em-
preinte du moment qui les avait inspirées. Toutes les fois que
des pensées grandes et généreuses, ou mesquines et injustes,
semblaient diriger les chefs du gouvernement, M. Viennet sen-
tait le besoin d'épancher son àme dans ses vers , et de verser
la louange ou le blâme sur les actes dont il était le témoin.
Mais, en voyant cesépîtres au nombre de trente- deux, rangées
par ordre chronologique, on ne peut se dissimuler que le talent
de l'auteur a grandi , comme l'esprit public, depuis l'établisse-
ment du gouvernement constitutionnel. Avant cette époque,
458 LIVRES FRANÇAIS.
les Français privés de liberté , mais éblouis par la gloire des
conquêtes, donnaient beaucoup aux mots, fort peu aux choses:
le nombre était petit de ceux qui savaient bien quelle était la
politique la plus désirable pour une nation; en fait de gouver-
nement, chacun avait sa marotte. Douze années de paix, de
discussions, d'examen, ont fait remplacer les illusions et les
théories les plus séduisantes, par des idées positives. On s'est
aperçu que la forme du gouvernement , ni les qualités per-
sonnelles des princes n'offraient pas des garanties suffisantes
pour le bonheur des peuples, si de bonnes lois, bien exécu-
tées, n'assuraient à chacun le libre exercice de son industrie,
le libre développement de son intelligence. C'est donc vers cette
liberté que se sont tournés peu à peu tous les désirs des Fran-
çais , parce que tout le reste en doit être la conséquence. Pa-
reillement, dans les premières épîtres de M. Viennet, il est
beaucoup question de gloire, de conquêtes, d'illustrations,
souvent de vers et de littérature, quelquefois de métaphysique.
Mais, dans les dernières, et à partir de celle que fit naître
l'apparition d'un capucin à Paris, en 1819 , des considérations
plus sévères prennent la place des idées qui avaient brillé dans
les autres.
L'histoire et la politique surgissent fout entières dans la poé-
sie de M. Viennet. Là, il ne donne presque rien à l'arrange-
ment des mots ; mais les faits , se pressant avec rapidité, forment
une masse effrayante de preuves, et accablent par une puis-
sance plus forte encore que celle des raisonnemens. Les épîtres
aux Louangeurs du tems passé , h Hqffman , sur les Jésuites , à
l'abbé de La Mcnnais , et surtout aux Chiffonniers ( voy. Rcv. ,
Enc., t. xxxiii, p. 257), sont des chefs-d'œuvre dans ce genre;
là, comme dans l'admirable Dialogue de Louis XI et François Ier ,
de Voltaire , Schwartz et Guttemberg , et des deux rois insensés
Charles FI et Georges III, l'auteur, soutenu par une profonde
connaissance de l'histoire , renferme dans ses vers moins de mots
que de sens ; et je ne crois pas que, parmi nos poëtes contem-
porains , si l'on excepte peut-être Béranger, on en puisse citer
un dont la pensée soit aussi pleine, aussi riche, aussi variée
que celle de M. Viennet. Il est fâcheux que l'expression n\ ré-
ponde pas toujours. LTne trop grande précipitation lui fait quel-
quefois négliger la facture des vers; de là , des expressions
faibles, des lignes traînantes , quelquefois même des obscurités.
Mais ces fautes ne détruisent point les qualités précieuses que
nous avons fait remarquer dans l'auteur: qualités dont l'en-
semble lui a valu , et lui conservera un rang très-distingué sur
notre Parnasse , en même tems que son caractère le place au
LITTÉKA1 1 RE. 45g
nombre de ces poètes, nobles, fidèles interprètes de la patrie,
et que la liante reconnaît pour vraiment Français. B. .1.
•>(»'». " Almanaeh des Dames, pour l'an i$a8. Paris, ( 18*27);
Treuttel et Wurtz. In 18 de a4<J psgfiSj orné d'un frontispice
et de «S gravures; prix, S IV. broché.
2o/i. — * Almanaeh dédié aux Dames, pour l'année iS^.tt.
Paris, 1827; Lefuel. In-ivS de 164 pages, avec un frontispice,
(> gravures, un calendrier et un souvenir; prix, /» fr. broehé.
La table du premier et du plus ancien (le ces deux recueils
nous offre 65 ailleurs et 100 pièces, dont une seule en prose;
nous trouvons dans l'autre 3o auteurs seulement et 5'2 pièces,
dont /|i en vers. On aime à rencontrer, dans X Almanaeh des
Dames , les noms de MM. Andrieux, Chauvet, Demie- Baron ,
Delphine Gay, Halevy, M. A. Jtdlicn, Jules Lefèvre , Lesguil-
lons , Mollevaut , Montémont , Soumet, (te.; dans V Almanaeh
dédié aux Dames, ceux de MM. Ancelot, Bignan , Brès , Vietor
Hugo, Tissât, etc.; et dans l'un et l'autre, ceux de madame
Tas tu , mademoiselle Delphine Gay et M. Pongerville. On lit
avec plaisir dans le premier une épigramme de M. àndrieux;
le Charme, élégie de M. Boulay-Paty; Y Ode a Daphné , de
M. Denne - Baron'; X Ange de poésie , par mademoiselle Del-
phine Gay; un Hommage à la mémoire de M. le due de la Ro-
ehefoueauld- Liancourt , par M. Jullien; les deux Aveugles,
par M. Jules Lefèvre; dans le second, une pièce de M. Brault,
qui a pour titre, A l'Europe, et V Epure à la Femme que je cherclie,
par M. Mazeins; dans tous les deux, la charmante élégie de
madame Tastu, intitulée, le Dernier jour de V Année. A ees^
pièces il convient d'ajouter les stances de Fontanes à M. de
Chateaubriand ; YOrage, par M. Edouard D***. , et l'élégie in-
titulée, aux Mânes de ma Fille, par M. Lesguillons, qui se
trouvent dans Y Almanaeh des Dames; Moïse sur le Nil , ode de
M. Victor Hugo; la Fête-Dieu , par M. Brault, et le Chant du
Cor/, par un anonyme, que nous offre Y Almanaeh dédié aux
Dames; mais la palme nous paraît due celte année, dans ces
deux volumes, à M. de Pongerville, dont le premier a re-
cueilli la pièce (Y Atalante et Hippomène , et le second, celle de
Ceyx et Alcyone. On voit que ces deux recueils rivalisent sous
le rapport de l'intérêt poétique ; quant aux gravures qui , pour
bien des personnes, sont le principal mérite des almanachs,
il faut reconnaître qu'elles sont préférables dans le premier, qui
fera bien de chercher à conserver cette supériorité, à laquelle
il doit en partie son succès. L'exécution typographique de l'un
et de l'autre, confiée au même imprimeur, serait irréprochable
si la correction en avait été plus soignée. C'est nu reproche que
460 LIVRES FRANÇAIS.
nous avons déjà eu occasion de lui adresser Tannée dernière,
reproche que méritent plus ou moins aujourd'hui nos plus
célèbres typographes, et auquel il serait tems, pour l'honneur
de leur art, qu'ils voulussent bien attacher plus d'importance.
L'auteur de cet article réclame pour sa part contre l'omission
de deux mots [un soir) omis à la fin du premier vers d'une
fable intitulée : le Paon qui se mire (pag. 229 de X Almanach des
Dames), et qui étaient sinon nécessaires au sens, du moins in-
dispensables à la rime. On remarque aussi à la page 75 de Y Al-
manach dédié aux Dames y un vers (le i3e) qui n'a point de
rime correspondante. Cette faute doit-elle être reprochée à l'au-
teur, nous l'ignorons; dans tous les cas, elle doit l'être à l'édi-
teur et à l'imprimeur, qui sont également responsables de pa-
reilles négligences. E. H.
2o5. — Joseph Vcrnct, ode qui a remporté le prix au juge-
ment de l'Académie de Vaucluse; par M. Bignan. Paris , 1827 ;
Hubert, au Palais Royal. In- 8° d'une demi- feuille d'impres-
sion ; prix , 1 fr.
Cette pièce , où l'on remarque un petit nombre de vers heu-
reux, n'ajoutera pas beaucoup à la réputation que l'auteur s'est
acquise par sa traduction de trois chants de X Iliade et par la
publication d'un poëme lyrique sur Napoléon , suivi d'autres
poésies, recueil auquel nous avons accordé de justes éloges
(Voy, Rev. Enc., iom. xxix, pag. 714 et suiv.), et dont nous
apprenons que M. Bignan a fait paraître récemment une nou-
velle édition. E. H.
206. — * Les Loisirs de M. de Villeneuve, ou Voyage d'un
habitant de Paris à l'est de la France, en Savoie et en Suisse;
publié par /.-/. Lemoine. Paris, 1827; Ponthieu. In-8° de
460 p. ; prix, 5 fr.
La composition de cet ouvrage est assez singulière. L'auteur
suppose que M. de Villeneuve, son ami, lui lit au coin du feu
un manuscrit contenant le récit de son voyage, que le premier
interrompt de tems en tems par ses observations et par ses
critiques. M. de Villeneuve, victime, à ce qu'il paraît, d'une
destitution ministérielle , est allé, à la fin de 1824 , accompagné
de sa femme et de sa fille , chercher des distractions dans un
voyage en Suisse. Chemin faisant, il recueille, sur la situation ,
l'esprit et les besoins de la France, des détails qui lui sont
fournis par la conversation des personnages qu'il met en scène;
et, quoique les opinions qu'ils expriment sur les anciens abus,
sur les avantages de la répartition des propriétés, sur les bien-
faits d'une liberté sage, sur la marche et les progrès de la
société, aient été souvent développées avec plus de profondeur
LITTÉRATURE. qfh
par de savans économistes, on ne DCUt nier qu'il n'y ait clans
le récil de notre voyageur un ton de vérité et de bonhomie qui
plaît et qui persuade. Cette observation s'applique également à
la partie descriptive du voyage, <|iii , malgré beaucoup de
longueurs et de détails minutieux, intéresse encore, après tant
de peintures de la Suisse; et des Alpes. Le st\ le de cet ouvrage,
à la fois élégant et naïf, est plein de je ne sais quelle onction
qu'il doit, je pense, à cette union de la religion et de la phi-
losophie , qui est la pensée favorite de l'auteur. Persuadé
qu'// n'j a point de sagesse sans religion, ni de religion sans
sagesse; M. de Villeneuve nous montre une sœur de Saint-
Vincent de Paul et un jeune médecin matérialiste qui, attirés,
l'un par une piété tendre et bienfaisante , l'autre par un excel-
lent cœur et un esprit aimable, conçoivent une affection mu-
tuelle et. finissent par s'unir. Cette union représente, aux yeux
de l'auteur, le grand besoin de notre époque, et l'on doit
avouer que son ouvrage, empreint d'une philosophie douce
et d'une religion pure, dispose à les faire chérir toutes deux.
207. — * L'Homme du monde, par M. Ancelot. Paris, 1827;
Ambroisc Dupont et Cie . 4 vol. in-18 ; prix, 12 fr.
Je vais peu dans le monde; mais, si je m'en rapporte aux
nouvelles que j'en reçois de tems en tems, l'amour y tient au-
jourd'hui moins de place que dans le roman de M. Ancelot.
Sans doute, il existe encore entre les deux sexes trop de rap-
ports fondés sur les passions ou sur le vice. Mais, comme l'a-
mour -propre n'est plus guère intéressé dans ces rapports, on
préfère généralement à la séduction, qui est lente et épineuse,
la corruption, qui est prompte et commode. Ainsi, un homme du
monde , tout occupé du désir d'accumuler les honneurs et les
richesses, cherchera peut-être encore à obtenir en passant les
faveurs de certaines dames d'une vertu peu rebelle, ou bien ,
comme le marquis Caracciolo, n'ayant pas le tems de faire l'a-
mour, il l'achètera tout fait près de quelque grisette; mais il n'ira
point, comme le comte de Sénanges, séduire la fille adoptive
d'une personne du même rang que lui et d'une intime amie,
dût cette victoire ne lui coûter, ainsi que dans le roman nou-
veau , qu'un mois de séjour à la campagne. Il sait à merveille
que les suites presque inévitables de ce triomphe, qui n'en est
plus un aux yeux du public, le perdraient de réputation , non-
seulement auprès des hommes raisonnables, devenus plus nom-
breux, mais encore auprès de ces gens qui, par calcul et par am-
bition, couvrent le relâchement de leurs mœurs du rigorisme de
leurs principes. Le tems est passé, où l'homme d'un certain monde,
Ç6a LIVRES FRANÇAIS.
entouré crime petite société de ses pairs dont l'opinion était pour
lui l'opinion publique, pouvait impunément tout tenter auprès des
femmes qui n'étaient pas absolument ses égales. La raison publique
est plus avancée que M. Ancelotne paraît le croire dans sa pré-
face; les mœurs font aujourd'hui partie intégrante du caractère
d'honnête homme; et l'égoïste Sénanges , loin d'être retenu par
le respect humain et par les convenances , quand la main de
celle qu'il a rendue mère lui est offerte avec une dot considé-
rable, s'estimerait trop heureux d'étouffer à ce prix, le scan-
dale. Si ces observations sont justes, M. Ancelota mal connu le
monde de notre époque, et il calomnie en quelque sorte l'opi-
nion publique, en la présentant dans tout son roman comme
l'auxiliaire et l'adulatrice d'un homme aussi corrompu que son
héros. Nous nous plaisons , du reste, à convenir qu'en mettant
à part la vérité des mœurs , ce roman offre beaucoup d'intérêt.
C'est une idée très-dramatique d'avoir donné pour défenseur à
Emma un fils naturel de Sénanges, Arthur, qui ne le connaît
pas pour son père. Les nobles provocations du jeune homme
amènent entre les deux personnages une situation terrible et
déchirante. Le dévoûment d'Arthur à l'infortunée Emma est
touchant et pathétique. Peut-être même le pousse-t-il trop loin,
quand il offre son nom et sa main à la victime des séductions
de son père. Il faudrait du moins, pour faire passer ce qu'un
tel dessein a d'outré et de choquant, une extrême exaltation
d'idées et une brûlante énergie de langage. Or, le style de
M. Ancelot n'est pas ici au niveau de la situation; ce style, pur,
élégant, spirituel, disert, manque en général de rapidité, d'en-
traînement et de chaleur. On regrette que , dans un ouvrage où
les plus vigoureux ressorts de l'âme sont sans cesse mis en jeu,
la sensibilité du lecteur ne soit pas plus souvent émue. Peut-
être faut-il s'en prendre au caractère de Sénanges, aussi froid
que celui de Lovelace, sans avoir la même profondeur. Peut-
être le personnage d'Arthur aurait - il pu recevoir d'heureux
développemens. Quoi qu'il en soit de ces remarques, Y Homme
du monde n'en mérite pas moins un rang distingué parmi les
romans du jour, et le succès que l'auteur a obtenu , en le trans-
portant sur la scène, prouve que la fable en est fortement
constituée. Ch.
208. — * Frédéric Styndhall, ou la Fatale Année; par M. Ri-
ratry. Paris, 1827; Adolphe Bossange. 5 vol. in- 12; prix,
16 fr.
De ce qu'on peut faire abus d'une chose , doit- on blâmer
cette chose en elle - même? Nous ne le pensons pas, et nous
LITTÉRATURE. /,63
<n>\ ons, avec M. kératry , que les écrivains moralistes do siècle
dernier ont montré de la sévérité, citons même de l'injustice ,
<mi proscrivant les romans. Ce u'esl pas l'emploi de ce genre de
littérature qui était dangereux, c'était la fausse direction qu'où
lui donnait; et , il faut bien l'avouer, quelques romans, publiés
il y a Soans, pouvaient en quelque sorte motiver la réproba-
tion dans laquelle on voulait Les envelopper ions. Mais, d'un
autre coté, que d'exceptions honorables dans notre siècle, et
dans celui même qui nous a précédés , sont propres à faire mo-
difier ce jugement, et même à lui en (aire substituer un tout-à-
fait opposé! Les teins qui ont vu naître une foule de romans
licencieux sont jugés par ce seul fait. Si un des écrivains les
plus ingénieux, de nos jours (i) a pu dire, sans être accusé de
trop de paradoxe, que l'on retrouverait au besoin l'histoire d'un
peuple dans celle de son théâtre; si l'on a pu étendre cette pro-
position jusqu'au genre le plus futile en apparence, jusqu'à la
chanson , à plus forte raison peut - on l'appliquer au roman ,
qui, par sa nature même, est un des genres de littérature qui
doit rendre le plus fidèlement l'expression de la société. Con-
sidéré sous ce point de vue , c'est-à-dire comme peinture de
mœurs, et comme auxiliaire delà philosophie, non-seulement
ce genre devient innocent, mais encore il est appelé à rendre
les plus grands services. Trop d'auteurs célèbres, depuis Le-
sage et Richardson jusqu'à Walter Scott et M. de Chateaubriand,
se sont empressés de sanctionner cette opinion par d'excellens
ouvrages, pour qu'il y ait beaucoup de difficultés, et par consé-
quent beaucoup de mérite à la soutenir. A nos yeux, M. Kéra-
try est donc suffisamment justifié de s'être essayé dans un genre
moins facile qu'on ne croit.
On conçoit quel caractère, quelle physionomie doit prendre
le roman sous la plume d'un écrivain tel que M. Kératry , sur-
tout lorsqu'on saura que ce n'est pas un délassement à d'autres
travaux qu'il a cherché dans ce genre d'occupation, mais un
moyen de parler plus sûrement à la raison, en intéressant l'i-
magination, et de rendre populaires les plus hautes questions
de morale et de philosophie : nous disons les plus hautes , parce
que, dans les cinq volumes que nous annonçons , on trouve des
dissertations lumineuses sur la liberté des cultes , l'organisation
sociale et la justice criminelle, la peine de mort, l'immortalité
de l'àme, le duel, le beau dans les arts, et sur d'autres objets
(i) M. Etienne, dans son Discours de réception à V Académie fran-
/,<S4 LIVRES FRANÇAIS.
d'une égale importance aux yeux du philosophe et du mora-
liste. La juste réputation de M. Kératrypeut faire pressentir le
talent avec lequel il a traité ces questions ; il nous suffit de dire
qu'elles nous ont paru le résumé de ce que l'auteur a écrit de
plus neuf et de plus vrai sur ces matières importantes dans dif-
férens traités publiés à diverses époques (i).
Mais M. Rératry n'aurait satisfait qu'en partie aux exigences
du genre, si, comme d'autres auteurs l'ont fait, il s'était borné
«à disserter dans un roman. Il fallait inventer une action qui
servît de cadre aux vérités morales qu'il voulait développer , et
il fallait que ce cadre présentât de l'intérêt, à part la haute di-
rection morale qui, selon nous, fait le principal prix de son
ouvrage. Celui qui a mérité^ qu'on dît de lui : « Un carac-
tère singulier du talent de cet écrivain philosophe, c'est que,
sans cesser d'être exact, il met de l'imagination dans la méta-
physique et de la passion dans la morale.» ( Voy. Rev. Enc.,
t. xviii, p. i5o), un tel homme, disons-nous, était en fonds pour
contenter les lecteurs les plus difficiles à cet égard , et il Favait
prouvé dans un autre ouvrage, Les derniers des Beaumanoir
(voy. Rev. Enc. , t. xxv, p. 216). A cet intérêt qui s'attache aux
deux principaux personnages de son nouveau roman, à cette
teinte mystérieuse qui est répandue sur tout l'ouvrage, et que
nous craindrions d'affaiblir en essayant d'en donner une ana-
lyse, à cet amour si pur et si vrai dont il a fait une peinture
si touchante et si neuve, enfin à la catastrophe inattendue par
laquelle se termine l'ouvrage, ajoutons la couleur historique et
locale qu'il a su lui donner, en y faisant figurer les Van - Swic-
tcn, les Jamery-Duval, les Métastase, les No verre, les Haydn,
les Sperges, les Winckelmann, à côté du prince de Kaunitz ,
du cardinal de Rohan , de François Ier, de Joseph II et de Ma-
rie-Thérèse, qu'il a fait parler et agir selon le caractère res-
(1) Voici les titres de ceux de ces ouvrages sur lesquels nous avons
appelé déjà l'attention de nos lecteurs : i° Inductions morales et philo-
sophiques (voy. Rev. Enc., t. Ier, p. 193); a0 Réflexions soumises au Roi
et aux Chambres ( t. V, p. 1 22 ) ; 3° Séance du i5 janvier 1820 ( ibid. ,
p. 3og); ^° Annuaire de l'École française de peinture {ibid., p. 3oo, ) ;
5° Lettre à M. Mounier sur la Censure (t. VI, p. 184); 6° Documens
pour l'intelligence de l'histoire en 1S20 (t. VII, p. 596) ; 70 La France
telle qu'on V a faite (t. IX, p. 356); 8° De l'organisation municipale
(t. X , p. 186) ; 9° Examen philosophique des considérations sur le senti-
ment du sublime et du beau , de K.ANT ( t. XVIII, p. i5o) ; io° Du beau
dans les arts d'imitation ( ibid. , p. 1 9 3 ) ; 1 1° Du culte en général , et de
son état, particulièrement en France ( t. XXVII, p. 193 et 5oo).
LITTERATURE. 46$
n( de la Dation à laquelle ils appartenaient et celui queleuf
donne l'histoire, et l'on n'aura qu'une faible idée de l'ensemble
d'un tableau dont il L'auJ étudier tons !<•-, détails pour bien l'ap-
précier.
M;iis, du m t-on, n'y a-l il aucune ombre défavorable à ce ta*
bleau, el La critique a a- t— elle rien à y reprendre ? Nous sommes
loin de l'affirmer; mais nous ne voyons point <!<• reproche?
graves à faire à l'auteur. Tout en admirant la vérité de nm-ur..
et de | > 1 1 x sionoinic avec laquelle est peinte dans cetouvrage une
nation chei laquelle nous avons habile, nous avouerons qu'un
des personnages du roman nous a paru autre; ce personnage
c'est le baron de Steinn, cet intrépide chasseur, dont certaine
lettre surtout nous a paru présenter une disparate tropehoquante
avec la situation où se trouvent les autres personnages qui
l'entourent, dette espèce d'homme est peut-être peinte au
naturel; mais nous n'avons pas oublié ce précepte :
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable;
et si L'auteur n'a pas voulu appeler le mépris sur ce personnage,
nous croyons qu'il en a exagéré la peinture;. Le style, quoique
beaucoup plus pur et plus COfTect que celui des Beaumanoir ,
nous a paru pécher quelquefois encore, surtout dans le premier
volume, par un néologisme trop hardi, ou par des alliances de
mots malheureuses. Une chose que nous avons constamment
remarquée cependant, c'est que les phrases dont nousétions dés-
agréablement affectés ne se présentent jamais dans les endroits
les plus importans de l'ouvrage, ni dans les discussions philo-
sophiques, qui sont écrites avec autant de clarté que déraison.
M. Kératry, dans sa préface, parlant des critiques adressées à
ses Bcaumanoir , passe si aisément condamnation sur ces taches
légères, qu'il s'engage même à les faire disparaître autant qu'il le
pourra; il prend une attitude si modeste devant nos confrères ,
dont la plupart pourraient être accusés « d'improviser l'examen
et la critique d'ouvrages qui ont coûté beaucoup de tems, d'é-
tudes etdeméditationsà leurs auteurs, » qu'il vaurait,selonnous,
une affectation ridicule et une sorte de pédanterie à relever
quelques expressions qui pourraient tout au plus être l'objet
d'un doute soumis à son auteur, dans un entretien familier ,
mais qui ne peuvent nuire à l'intérêt puissant qui s'attache à
son nouvel ouvrage. E. Hère au.
209. — Constantin, ou le Muet supposé; nouvelle imitée de l'al-
lemand, de M. Kruse, par madame la baronne Isabelle de Mon-
tolieu. Paris 1827; Ai thus-Bertrand. In-12 de 209 pages,
orné d'une jolie gravure, d'après. Chasselat; prix , -> Ir.
t. xxxvi. — Novembre 1827. 3o
^56 LIVRES FRANÇAIS.
On trouve dans cet ouvrage, qui renferme des longueurs,
quoiqu'il n'occupe qu'un seul volume, un jeune homme bien
né ( Constantin W* ) qui, vivant honorablement du professorat,
consent à recevoir un présent en argent d'un homme qu'il n'a
vu qu'une fois et qui ne lui a aucune obligation, qui, sur une
simple proposition, lie son sort à celui de cet homme singulier,
et abandonne tout pour le suivre. Un anglais [lord Egleton) ,
le héros de Constantin , dont le caractère s'annonce d'abord
assez bien par des singularités , qu'il finit par pousser jusqu'à
l'extravagance, qui s'accused'un crime qu'il n'a point commis,
s'impose par pénitence un silence éternel, le rompt dans une
circonstance critique, devant Constantin, auquel il expose en-
suite dans un long discours les raisons qui le forcent à agir
comme il le fait; et qui, lorsqu'une découverte qu'il ne pouvait
pas raisonnablement espérer le relève de son vœu, pousse la
bizarrerie, ou plutôt l'absurdité, jusqu'à prolonger encore son
silence volontaire de tout le tems qu'a duré son interruption,
tems qu'il avait exactement noté, en tenant sa montre sous ses
yeux pendant le récit de ses aventures à son jeune ami; une
femme {lady Eglcton), qui, sans aimer son mari, pousse la
jalousiejusqu'àla fureur, et finit par en être victime; un homme
[Stockwell), ou plutôt un spectre, dont le teint livide et cadavé-
reux l'a fait regarder partout comme une espèce de monstre et
surnommer le diable , qui n'a été aimé qu'une seule fois, au clair
de lune , et dont le jour a détruit pour jamais toutes les illusions;
qui, fuyant les hommes, dont il ne peut être aimé, a concen-
tré tonte sa passion sur la soif de l'or et des diamans, qu'il
prodigue parfois machinalement, et sans intention réelle de
faire ie bien; une petite fille (Sarah) bien sage, bien dévote ,
bien mystique, unique dépositaire d'un secret important, qu'un
seul mot de sa bouche pourrait éclaircir, mais qui persiste à
se taire , on ne sait par quel motif, dont la jalousie de lady
Egleton a failli causer la perte, à laquelle lord Egleton s'était
réellement un peu trop intéressé , et qui finit par devenir la
femme de Constantin ; enfin un cousin de cette jeune fille ,
[Elias), espèce de garnement, qui paraît propre à commettre
tous les crimes , qui, surpris près de la chambre de lady Egleton
au moment de l'assassinat commis sur la personne de celle-ci, est
livré par son époux à la justice, et mal gré les protesta! ions de Sarah
en faveur deson innocence, reste en prison jusqu'au momentoùle
véritable meurtriereslconnu,etydevicnthonnète homme, grâce
à la lecture assidue de la Bible. A ces personnages principaux du
roman viennent se joindre quelques autres individus d'un ordre
inférieur, et qui contribuent plus ou moins à l'action; cette
1.11 Tl.UATUli:.- lU.AliX-YRTS. fâ
action consiste dans un mystère horrible et impénétrable, et
l'auteur D6 l'a soutenue aussi long - lems qu'à force d'invrai-
semblances , de mo\ eus maladroits <i d'incidens plus mal ame-
nés i,.s mis (jue les autres. Ce mystère qu'il y a répandu aurait
pu cependant exciter la curiosité de quelques personnes qui se
complaisent encore à la lecture des noirs romans de madame
lladcli ffc; mais l'auteur, par un manque d'artifice impardonnable,
a dévoile lui-même une partie de son secret dans le second
titre (îe sa nouvelle, où l'on apprend que le personnage prin-
cipal du roman, lord Egleton, et non Constantin, n'est qu'un
muet supposé.
Regrettons que madame de Montolieu n'ait pas été mieux
inspirée dans le choix de son dernier ouvrage ; elle a fait des
efforts souvent heureux pour rendre en style clair et intelli-
gible tous ces petits détails communs et puérils, et surtout
ces passages mystiques dont l'auteur allemand a semé sa Nou-
velle. Ce volume prendra place dans la galerie de l'habile tra-
ductrice, mais il ne pourra que faire ombre aux jolis tableaux
qu'elle nous a offerts précédemment. E. H.
Beaux- Arts.
210. — * Voyage à Athènes et h Constantinople ; ou Collec-
tion de portraits, vues et costumes grecs et ottomans, peints
d'après nature, en 1 819; lithographies à Paris et coloriés par
L. Dupré, élève de David. Quatrième et cinquième livraisons.
Paris, 1827 ; l'auteur, rue Cassette, n° 2 3. L'ouvrage entier
aura dix livraisons, grand in-folio, composées, chacune, de
quatre planches et de deux feuilles de texte. Prix de chaque li-
vraison, 20 fr. , et 25 fr. pour ceux qui n'ont pas souscrit,
avant la cinquième livraison.
L'ordre de publication suivi par M. Dupré ne lui a pas per-
mis de joindre aux planches qui composent chaque livraison,
le texte qui les explique; mais cette espèce de discordance était
inévitable; elle cessera nécessairement lorsque l'ouvrage étant
terminé, l'on pourra lire, de suite, l'ensemble de sa narra-
tion, et la rapprocher des planches dont elle augmente l'intérêt.
Les planches des 4mect5lU0 livraisons représentent: un Grec
logothète et une Demoiselle grecque de Livadie ; les Météores
de The s salie et le Pinde ; un Page de Veli, pacha de Tlie s sa-
lie ; un Boucher albanais; le Vaivode d' Athènes , le Lion de
Chéronée , près duquel un Torture lutte avec son cheval ; enfin
une Vue de £ Acropolis d Athènes , prise de la maison de
M. Fauvel, consul de France. Cette vue, qui réveille tant de
3o.
tfS LIVRES FRANÇAIS.
souvenirs. Me semble supérieure à celle que Stuart et Revei.t
ont donnée dans leur descriplion d'Athènes, parce qu'elle
offre un plus grand développement. C'est laque, tout récem-
ment encore , un de nos compatriotes défendait , les armes à la
main, la cause sacrée des Grecs.
La planche qui représente les Météores de la Thessalie ,
offre un exemple curieux et bien extraordinaire de l'état
d'oppression ou sont réduits les chrétiens en Grèce. Ces mé-
téores sont des couvens bâtis sur la cime de rochers inacces-
sibles, et qui ressemblent plutôt à des «//es qu'à des habitations
humaines : on ne peut y parvenir qu'en se mettant dans un pa-
nier attaché à une corde , et que l'on fait monter au moyen
d'une poulie. C'est ainsi que les pauvres moines grecs mettent
leur demeure, bien plus que leur personne, à l'abri des ava-
nies des Turcs; au reste , un seul fait pourrait montrer, dans
tout son jour, la situation déplorable des Grecs, avant qu'ils
eussent pris les armes pour essayer de se soustraire à la do-
mination turque. Après avoir peint l'état de ruine et de dégra-
dation ou sont plongés les habitans de Larisse, capitale de la
Thessalie, M. Dnpré ajoute : « Mais peut - on s'en étonner ,
quand on apprend qu'il suffisait à un janissaire d'envoyer un
mouchoir brodé à tout chrétien devenu père, pour lui signifier
qu'à l'instant même l'enfant nouveau-né devenait son raja. »
Dans l'entrevue que notre peintre eut avec Veli, fils d'Ali-
Tebelin, et gouverneur delà Thessalie , un mot qui lui échappa
prouve que les Turcs ne respectent que le pouvoir des armes.
« Autrefois, dit-il à notre jeune compatriote, parlant du tems
où Bonaparte gouvernait la France, un barbier français qui
venait en Grèce , faisait plus de sensation qu'aujourd'hui un
ambassadeur. »
Après avoir quitté le lâche et cruel Veli, M. Dupré parcourt
les bords du Pénée, maintenant tristes et dépouillés , et la
vallée poétique de Tempe. Il salue l'Olympe, et arrive aux
Thermopyles où il trouve un tumulus bien conservé. « Saisi
de respect à cette vue, dit le peintre, je me persuadai que je
marchais sur la cendre des trois cents immortels ; je déposai sur
ce tertre une couronne de fleurs. Ces fleurs avaient été cueillies
dans ce lieu; c'étaient sans doute avec des fleurs semblables
que les guerriers de Sparte avaient orné leurs cheveux au jour
du combat. Quels souvenirs ! »
Comment l'imagination ne serait - elle pas exaltée dans un
pays où tout réveille eh effet un souvenir glorieux ; où tout
porte un nom poétique; où les habitans donnent encore aujour-
d'hui au laurier le nom de Daphné.
r.KU \ -ARTS. Vm
Bientôt, n< >i ■ <- jeuoe peintre quittera la terre sacrée de l.i
Hellade, pour visiter la ville de Constantin : là , d'autres sou-»
\erins, d'an 1res spectacles l'ai tendent ; la manière don L il a r< ni
pli la première partie de la làelie qu'il s'était imposée, est un
sur garant que la seconde ne sera pas moins digne du succès
que cet ouvrage & déjà obtenu. P. A.
21 1. — * Le Propriétaire- Architecte, ouvrage utile aux archi-
tectes, aux entrepreneurs, cl principalement aux personnes (pli
veulent diriger elles-mêmes leurs ouvrieis; dessiné et rédigé par
/ rbain Vitrt. V'"' livraison. Paris, 11897; Autlot. In-/»" de 254
pages avec des planches ti es bien gravées; prix , 8 ïr. (Voy. Kcv
Eue, t. XXXVp. 473 , l'annonce des premières livraisons.)
Après avoir rassemblé-) dans ses premières livraisons, des
modèles pour les nabi talions particulières, M. Vitry traite de
leur construction. Plus heureux que dans nos articles précédens,
nous n'aurons aujourd'hui que des éloges à lui décerner.
L'auteur n'a point voulu faire un traité complet de l'art de
bâtir; mais, après avoir passé rapidement sur les parties les
plus élémentaires de la construction, il consacre de plus longs
développe mens à celles que recommandent leur importance, ou
h's améliorations récentes que les progrès des sciences y ont
l'ait apporter. C'est ainsi qu'il donne des détails instructifs sur
les habitations rurales, sur les cheminées, sur l'assainissement
des cuisines ,des fosses d'aisances, etc. Ces parties importantes
de l'art des constructions ont subi, depuis quelques années,
d'heureux changemens; l'ouvrage de M. Vitry pourra contri-
buer à les faire connaître dans les départemens, où ils ne sont
point encore devenus populaires comme à Paris.
On trouve, en outre, dans cette livraison des modèles de devis
descriptifs et estimatifs, etde marchés qui nous ont paru disposés
avec tout le soin et l'exactitude désirables. Vient ensuite un dis-
cours préliminaire dans lequel l'auteur combat les critiques trop
exigeant qui ont blâmé ses projets de maisons turques, chi-
noises, etc.; il se plaint de l'enthousiasme exagéré de quelques
artistes pour tout ce qui est antique; il voudrait que l'on adop-
tât en France un système d'architecture convenable à notre
climat, et à nos usages ; et en cela, nous partageons entièrement
sa manière de voir. Mais M. Vitry croit-il arriver à cette archi-
tecture nationale, en copiant servilement des peuples, dont sous
tous les rapports nous différons beaucoup plus que des Grecs
ou des Romains ? L. R.
212. — * Isegraphie des Hommes célèbres, ou Collection de
fac-similé de lettres autographes et de signatures. 4', 5e et
6e livraisons. Paris, 1827; Bernard et Delarue, rue Notre
470 LIVRES FRANÇAIS.
Dame-des-Victoires , n° 16. 3 cahiers in-A°; prix de la li-
vraison, 5 fr.
Nous avons annoncé les trois premières livraisons de cet ou-
vrage qui continue d'être publié avec exactitude. ( Voy. Re<>.
Enc, t. XXXV, p. ao5. ) Les trois nouvelles livraisons con-
tiennent soixante-neuf noms célèbres de diverses époques et
même dedifférens pays, quoique les Français y soient toujours
en majorité. Nous en citerons quelques-uns pour donner une
idée de la variété qui rend cette collection intéressante pour
toutes les classes d'amateurs.
On peut mettre cet ouvrage au nombre de ceux qui font
penser. Cette collection épistolaire.réveilie beaucoup de sou-
venirs; elle flatte par l'intérêt qu'inspirent les personnages avec
lesquels on se trouve, pour ainsi dire, dans l'intimité; eiie amusi
par la diversité des styles, et par l'espèce de causerie dont on
se trouve le confident. Ce mélange des noms de personnages
qui ont joué dans le monde des rôles si divers, rappelle cette
égalité de la mort qui confond tous les rangs, et laisse surnager
pêle-mêle toutes les célébrités qui échappent momentanément à
l'oubli. Il est assez singulier de lire de suite la lettre ç\ Eugène
Beau harnais , refusant un trône, et celle de d'Alembert, remer-
ciant un journaliste de quelques éloges. Quels contrastes frap-
pans, que Fléchier gémissant sur les massacres des chrétiens,
et le brûlement des églises, et Gluck se plaignant des dégoûts
qu'il a essuyés à l'Opéra; Louis JT^s'occupant des détails mys-
térieux du baptême d'un enfant naturel, et Cléry demandant
une redingotte pour le fils de l'infortuné Louis XVI; Tronchet
écrivant au Moniteur, pour faire disparaître d'un discours une
légère faute de style; et Guadel écrivant au directoire du dé-
partement, pour faire enlever les cadavres qui sont répandus
dans les environs du château des Tuileries !
Il est fâcheux que, parmi ces lettres, il y en ait quelques-
unes d'insignifiantes. Cependant, il est juste de dire que le plus
grand nombre peut au moins satisfaire la curiosité. On ne sera
pas peu surpris de trouver deux hommes tels que Voltaire et
Montesquieu très- négligens sur l'orthographe: Montesquieu
supprime presque partout les doubles lettres; il écrit, abé,
viene ,femes , et ensuite il met deux t au mot honctte , et il est à
remarquer que sa lettre est adressé à l'abbé d'Olivet. Mais on
peut avoir un grand génie et n'être pas grammairien. Quelqu'un
disait que Voltaire ne savait pas L'orthographe; je crois que ce
fut Duclos qui répondit : « Tant pis pour l'orthographe. »
Quant à V Isographie , on peut être fâché d'y rencontrer cer-
tains noms peu remarquables. Il est des célébrités repoussantes
BEAI X-ARTS.— MÉMOIRES ET RAPPORTS. 471
qui cependant sont avouées; mais pourquoi y placer le marquis
de Sade? H h est célèbre que pour ceux qui connaissent ses
torts : les autres ignoreront pourquoi SOU nom se trouve ici.
On remarquera surtout ceux <le Bajrle, Descartes, Desaix, J>i-
</>/■(>{, Mirabeau, Rollin, Sicard, Sterne et Taima; et les signa-
tures de Georges d'Amboise et de Charlerfiagne. Les livraisons
paraissent tous les mois; les éditeurs en annoncent encore
dix-huit. D. M.
Mémoires et Rapports de Sociétés savantes.
•2i3. — * Mémoires de la Société royale d'agriculture et de
commerce de Cae/i. Caen, 1827, Mancel , libraire, rue Saint-
Jean ; Paris, Lance, rue Croix-des-Petits-Champs, n° 5o. 2 vol.
in-o°.
L'Espagne, on aurait peine à le croire aujourd'hui, offrit
la première dans l'Europe moderne les modèles i\u vrai ré-
gime municipal et de sociétés patriotiques qui s'occupaient des
travaux publics et particuliers propres à hâter les progrès de
l'agriculture et du commerce. Si Louis XIV avait fondé des
sociétés pour les arts industriels , comme il en accorda aux
belles-lettres, la France aurait pu voir se perpétuer l'admi-
nistration de Colbert. Ce ne fut que dans la dernière moitié
du dix - huitième siècle que le gouvernement permit à des
agronomes et à des économistes de réunir leurs efforts pour
combattre la routine et pour introduire des améliorations.
Deux ordonnances de 1762 et 1763 autorisèrent soixante-seize
propriétaires delà généralité de Caen, zélés pour le bien public,
et qui voulaient encourager les cultivateurs par leur exemple , (le
se communiquer leurs observations , et d'en donner connaissance
au public , à condition que cette société ne pourrait prendre
connaissance d'aucune autre matière.
Mais la féodalité et l'inégalité des partages subsistaient encore ;
et les terres que ne possédaient point des gens de main-morte,
étaient en général la propriété des grands : les sciences, malgré
leurs progrès, n'avaient pas encore été appliquées à tous les be-
soins de la société. La révolution ouvrit une ère nouvelle pour
l'agriculture. Après des désastres qui n'avaient épargné per-
sonne, une administration réparatrice seconda l'essor natio-
nal , et favorisa le développement des idées industrielles. Les
sociétés d'agriculture et de commerce reconstituées furent
libres de provoquer et d'accueillir tontes les vues utiles pour
les amender, ou les appuyer de leur recommandation; et
le Consulat choisit des magistrats, même des dignitaires,
47 1 LIVRES FRANÇAIS.
parmi les agronomes. On ne craignit plus d'éclairer la popuîa-
lion agricole ; un ministre imagina les expositions des produits
de l'industrie; les préfets consultèrent les sociétés savantes,
et assistèrent souvent à leurs séances : la centralisation alors
ne dédaignait pas leurs propositions, et ses cartons n'enve-
loppaient pas d'un éternel oubli leurs rapports; et, bien loin
de décourager le patriotisme par la calomnie, le zèle par l'es-
pionnage, on récompensait des travaux aussi généreux : l'agri-
culture était honorée.
Caen, jadis capitale d'une province essentiellement agricole
et industrielle, devenue le chef-lieu du département du Cal-
vados , redemanda sa société d'agriculture, qui ne pouvait plus
être contrainte d'omettre le commerce. Diriger incessamment
vers un but honorable, parce qu'il est éminemment utile, le
zèle des citoyens ; applaudir aux essais heureux avec cette cri-
tique supérieure dont les éloges sont aussi des conseils; pro-
pager les méthodes perfectionnées : telle fut la tâche que cette
société s'imposa; et ses Mémoires , recueillis pour la première
fois, attestent qu'elle l'a remplie avec succès. Le premier vo-
lume offre le précis des travaux de cette société, depuis i8gi
jusqu'à 1810; le deuxième se compose de Rapports et de Mé-
moires de 1810 à 1820.
Depuis des siècles, la Basse-Normandie possédait un grand
nombre de manufactures de tous les genres d'étoffes de laine,
qu'alimentaient les troupeaux qui couvraient son territoire.
Les succès obtenus ailleurs par le croisement des races, les ex-
périences nombreuses de plusieurs membres de la société et ses
instructions excitèrent les cultivateurs à tenter l'amélioration
de leurs troupeaux. La pile Polignac a acquis une réputation
européenne, et le Calvados est redevable à cette grande ré-
génération du perfectionnement des produits de ses fabriques
de draps.
Négligée depuis long-tems , la race des chevaux normands
était menacée de perdre sa supériorité : la société de Caen
éclaira l'intérêt des nourrisseurs, et stimula leur zèle par des
primes. Il reste encore beaucoup à faire; mais le gouverne-
ment dispose seul des haras, et il dépend de lui de réformer
son système de remontes.
Un cultivateur essaya d'acclimater le colza dans le Calvados;
Vautier eut bientôt pour imitateurs Cavelier et Moisson,
négocians : la société récompensa leur patriotisme, et propagea
cette culture. A présent, plusieurs arrondissemens y trouvent
des richesses ou des moyens de lutter sans perte contre le sys-
tème des usines, qui tirent des colzas de la Flandre, de
Mi.violKKS ET HAMORTS. /,73
l'Alsace, et même de l'Allemagne, pour fabriquer des huilai
à Caen. et alimenter de leurs produits h's manufactures de
savon de "Marseille.
J>a soeiété d'agriculture de Caen tsi encore parvenue à dé-
livrer une partit; du Calvados des jachères. Même dans la
partie appelée le Bocage, le froment alterne aujourd'hui avec
le sarrasin; le trèfle a remplacé le varie ; des entrais divers et
plus abondans stimulent le sol , et des cultivateurs qui vi-
\ aient misérablement sur des fermes de trente à quarante
arpens, en ont triplé les produits. Ainsi se réfute l'opinion
qu'il n'existe de bonne culture que sur de vastes propriété»»
Un Anglais, domicilié à Ardenncs, près Caen, reçut en
1797 quelques épis du blé précoce qu'on récolte en Angleterre
vers le ie;i août, jour de Lammas, ou de Saint-Pierre-aux-
Liens. Ce grain (ut confié à une piate-bandc de jardin. Bientôt,
des essais en grand prouvèrent à la société de Caen que l'on
peut semer cette espèce de blé, même au printems; qu'elle
résiste le mieux aux variations de l'atmosphère, produit le
plus dans les terres de médiocre qualité, rend plus de farine,
et que son chaume est le meilleur. M. Lamouroux, enlevé si
prématurément aux sciences naturelles, publia, aux frais de
la société d'agriculture, un Mémoire qui dissipa toutes les
préventions : maintenant, le blé lammas est cultivé dans tout
le royaume; et cependant aucun monument n'a conservé le
nom de feu M. Weatchroft.
Le déboisement était devenu une calamité pour le Calva-
dos ; la société royale n'a cessé d'y porter des remèdes.
MM. d'Artuenay, de Magneville , plusieurs autres de ses
membres , ont fait d'immenses plantations. La carrière de
pierre; à chaux de Litry a suffi pour enrichir les cantons voi-
sins ; mais, malgré l'usage général du plâtre , de la marne
et de la poudrette , les engrais sont insuftisans : il serait à dé-
sirer (pie de nouvelles explorations du sol procurassent la dé-
couverte de houillières nécessaires au chauffage, à l'agricul-
ture et à l'exploitation de mines de fer dont le gisement est
bien reconnu. Les arbres fruitiers qui fournissent la boisson
du pays ont été aussi la madère de plusieurs Mémoires. Mais
le choix des espèces nous semble moins important que la fa-
brication du cidre, qui reste encore dans toute l'imperfe< tion
du moyen âge.
A l'exemple de la Société d'encouragement pour i industrie
nationale, établie à Paris, qui s'est proposé d'assurer à nos
manufactures une supériorité constante sur les manujacturcs
étrangères y la Société d'agriculture et de commerce de Caen s'est
474 LIVRES FRANÇAIS.
appliquée a procurer aux fabriques du Calvados un rang égal
ou supérieur aux autres fabriques de France. Des Mémoires
exposent l'état du commerce de Caen, depuis le onzième siècle
jusqu'au quinzième; ils indiquent les découvertes de la chimie
industrielle dans ce district, et divers procédés surpris à l'esprit
inventif des étrangers. Après quelques observations sur le
chanvre, par MM. Prtjdhomme et Nicolas, on lit avec plai-
sir un Rapport sur la belle fabrique de M. Desktables, à
Vire : ce citoyen, est parvenu à égaler les papiers d'Annonay
et de Hollande. Le parcage des huîtres à Courceulles a fourni
à M. Lair une notice fort curieuse sur cette branche de com-
merce.
Louis XIV avait soupçonné l'influence heureuse des expo-
sitions publiques; mais il ne demandait guère aux manufactu-
riers que des objets capables de rehausser le faste de sa cour.
La première exposition des produits de l'industrie, qui hono-
rera toujours le consulat, suggéra à la Société de Caen l'idée
d'en préparer une. Nous nous rappelons avec un vif plaisir
l'impresiosn que causa cette exposition dans tout le Calvados :
elle révéla aux habitans étonnés des genres d'industrie anciens
ou nouvellement importés, dont ils ignoraient l'existence dans
leur patrie. L'émulation se répandit dès lors parmi les fabricans.
Ils briguèrent par des perfectionnemens les médailles et les
mentions décernées solennellement par la Société. La fabrique
des dentelles prouva, en i8o3 , qu'elle n'avait rien perdu de son
ancienne réputation : à l'exposition de 1806, elle la dépassa. Il
en fut de même de la bonneterie ; et la coutellerie dégénérée
redevint digne de la ville qui avait jadis admiré ses produits.
La mécanique exposa des chefs-d'œuvre; la draperie de Vire
se montra rivale de celle d'Elbeuf ; et les fabriques de toiles
peintes, de mousselines et de mouchoiws, prouvèrent qu'avec
plus de capitaux elles égaleraient au moins celle de Jouy, de
Saint-Quentin et de Chollet.
Les Rapports de M. le secrétaire sur ces expositions , comme
la plupart des Mémoires sur les diverses parties de l'industrie
agricole et commerciale, professent les principes vrais et sains
qui ne sont devenus populaires que dans ces dernières années.
On y apprend combien sont peu regrettables les anciens inspec-
teurs des fabriques; et l'on y voit aussi que, « si les manufac-
turiers ont craint de présenter des ouvrages d'une fabrication
ordinaire, ils se sont trompés sur les instructions de la Société :
qu'elle envisage la consommation en général; et que, suivant
elle, le meilleur genre de travail est celui qui fournit le plus
d'occupation et un plus grand produit. »
MÉMOIRES ET RAPPORTS. /,;5
kucnne <li- nos grandes cirés n'a consacré à L'industrie autant
d'expositions publiques.que la ville de Caen. Ceiut eu 18 1 1 que
se lit la troisième, quand Napoléon v séjourna avec Marie-
Louise. I ne aote du afl volume ors Mémoires annonce (ju'il n'a
pis été publié de rapport détaillé sur- cette exposition. Est-ce
parce qu'elle fut préparée à la hâte? Beaucoup d'articles attes-
taient d'heureuses améliorations. Serait - ee pour éviter de
rappeler le gouvernement impérial ? Nous ne pouvons le croire.
C'est du voyage du premier consul dans la Seine-Inférieure
que datent les progrès admirables de l'industrie dans ce dépar-
tement : alors le génie de Napoléon révéla au Havre ses liautes
destinées. L'histoire de l'ancienne Normandie n'offre pas d'é-
poque aussi brillante. Plût à Dieu que le conquérant eût ren-
contré dans chaque cité française une exposition de produits
industriels! Ce mouvement général lui eût peut-être rappelé
des devoirs qu'il n'était que trop porté à oublier.
En 1819, la quatrième exposition des produits des arts dans
le Calvados devança de quelques mois l'exposition de l'indus-
trie nationale : proximité qui stimula l'émulation des fabricans
et contribua à rendre très-honorable la place que le Calvados
occupa dans le palais du Louvre. La vis d'Archimède à double
effet y perfectionnement dû à M. Pattu, ingénieur en chef, et.
dont plusieurs rapports démontrent l'utilité, l'indigo du pastel
cultivé en grand auprès de Caen, des ruches mieux disposées,
des laines mérinos, des huiles épurées se partagèrent les éloges
des habitans, avec les dentelles de Bayeux et de Caen, les co-
tons (liés d'Aulnay, les retors de Coudé, les lacets d'Orbec, les
draps de Vire, les cretonnes de Lisieux , la porcelaine de
Bayeux, avec la bonneterie de Caen et celle de Falaise : cette
variété infinie de produits perfectionnés donna à cette expo-
sition un éclat que pourraient lui envier la plupart des capitales
étrangères.
La Société royale de Caen eût méconnu l'opinion unanime
dans le Calvados, si elle n'eût récompensé le patriotisme et les
connaissances profondes de son secrétaire. Après des remer-
cimens votés aux autorités supérieures et à un négociant géné-
reux, elle a exprimé ainsi sa vive reconnaissance : « A M. Picrre-
Jimr Lair, pour les travaux pénibles auxquels ils s'est livré,
pendant dix huit ans, comme secrétaire de la Société. Son nom
réveillera toujours le souvenir des vertus qui distinguent un
véritable ami de la prospérité de la France. " Hommage bien
digne de cet écrivain qui a loué avec une piquante variété les
services et les talons de collègues enlevés par la mort à leur
pjys, et qui vient d'acquérir de nouveaux droits à l'estime du
/l76 LIVRES FRANÇAIS.
monde savant, en prônant une part considérable à la publi-
cation des Mémoires de la Société de Caen. Tous les agro-
nomes et les administrateurs même liront avec intérùt et profit
les Mémoires et les rapports composés par MM. de Mag/ieville t
Pattu , Duciieval , Marc , îVheatcroft , Deschamps , Le San-
i'ûge , etc
Ces écrits, très-concis d'ailleurs, s'arrêtent à 1820: ce qui
nous promet une suite aux deux volumes <|ue nous annonçons.
Malheureusement on n'y retrouvera pas le précis d'une nou-
velle exposition de l'industrie départementale. La Société a
vainement réitéré, en 1826, ses sollicitations pour obtenir de
l'administration supérieure l'autorisation exigée pour ces solen-
nités, qui ne coûtent rien au budget général, et qui ont déjà
tant contribué à l'enrichir. En 1810,, le ministre de l'intérieur
écrivait : * Je ne puis qu'applaudir au zèîc qui anime la Société
royale pour faire fleurir et prospérer l'industrie et le com-
merce dans un département aussi intéressant. » En 1827, l'in-
dustrie du Calvados n'a obtenu qu'un refus. Ne peut-on attri-
buer au découragement qu'elle en a ressenti le peu d'envois
qu'elle a faits à l'exposition du Louvre, où néanmoins ses pro-
duits-sont tous distingués parmi les plus importans?
On retrouve dans ces Mémoires les vœux et les projets
amendés que les hommes supérieurs et le commerce de Caen
n'ont cessé de présenter pour l'améiioration de la navigation
de l'Orne inférieur, et pour la jonction de cette rivière avec la
Sarthe ou la Mayenne. Mais c'est en vain que des plans et des
devis, dressés depuis le xve siècle, ont été approuvés par
neuf de nos rois. Cependant, voici le tableau des mouvemens
de la navigation dans le port de Caen : en 1820, 5o,5 navires
entrés, dont 65 étrangers, total du tonnage 25, 00/, ; en 1821,
565 navires français, et 70 étrangers , tonnage 24,668 ; en 1 822 ,
navires 687, dont 68 étrangers, et jaugeant 27,960 tonneaux;
en 1823, 566 navires et 23,212 tonneaux; en 1824, 579 fran-
çais, 54 étrangers ou 24, 520 tonneaux; en 1825, 838 navires
du port de 31,760 tonneaux; plus de 900 navires en 1826.
Quelle serait la prospérité de la place de Caen et du Cal-
vados, si l'Orne avait une autre embouchure et était canalisé
dans tout son cours! L'auteur de cet article vient de visiter ia
Sarthe et la Mayenne et de traverser la Bretagne : il partage
l'étonnement que causent en général la prédilection du gou-
vernement pour le canal «le la Rance et de la Vilaine, et l'oubli
si opiniâtre où il laisse un projet de caualisation qui hâterait
la civilisation dans l'Orne et la Mayenne, ferait fleurir l'agri-
culture et l'industrie dans six dcpartemens, ouvrirait une
MÉMOIRES M uappokts.— 01 va. PÉR. /,:7
conununieation sûre pendant la quelle, (I très économique
dans tous l<-s teins, entre Cien, Angers, Tours, Nantes, et
même Bordeaux, par la Hgne de la bordogne, et qui , ea un
mot, mira il , en deçà de*nos deux presqu'îles, la Hanche avec
l'Océan. Mais, puisque l'excellent Mémoire de Al. le docteut
1 wt.i. sur ci- projet es* resté inutile , on doit presque déses-
pérer d'obtenir de grand bienfait peatr les département de
! ( )uesl. I sillon- \,\ nmiN.
QwrQges périodiques.
9. i/j. — * Journal de V Instruction des Sourds-Muets et (1rs
.U'ru^lcs, rédigé par M. BÉBiAiit, directeur de L'institution spé-
ciale des Sourds-Muets. Tom. II : "vin® numéro. Paris, 1827; an
bureau du. lit journal, boulevard du Mont- Parnasse, n° -il\ bis.
Ce journal, spécialement consacré à une œuvre de bienfai-
sance, est destiné à apporter quelques rayons de lumière à des
intelligences long-lenis délaissées, à relever jusqu'à la dignité
humaine, une nature dégradée par la plus cruelle des infor-
tunes. Il s'adresse à la fois aux instituteurs et aux sourds-muets;
ces derniers y trouvent des historiettes intéressantes, fondées
sur des circonstances qui peuvent leur devenir communes; les
autres, des préceptes utiles à l'art qu'ils professent, et des
observations qui tendent à introduire des améliorations dans
les méthodes d'instruction. Le numéro que nous annonçons
contient un résumé curieux du procès de Filleron , sourd-muet
accusé de vol, et de celui de Pierre Sauron , aussi sourd-muet,
accusé d'assassinat; le premier a été acquitté, ie second a été
condamné aux travaux forcés à perpétuité. A la suite du récit
de ces deux affaires se présentent des remarques sur le langage
naturel et le langage conventionnel des sourds-muets. L'auteur
s'étonne de ce que, dans une séance publique de l'Institution
royale de Paris, le directeur de l'institution, et après lui, le
plus ancien des professeurs, se soient trouvés hors d'état de
transmettre, par signes, aux élèves quelques paroles bienveil-
lantes qui leur furent adressées par Mgr l'archevêque de Paris,
présent à la séance. Ce fait paraît, en effet, assez singulier;
mais il faut se hâter de faire remarquer que les signes qui cons-
tituent le langage des sourds- muets ne leur ont pas été fournis
par les instituteurs; ils les inventent eux-mêmes; ils les modi-
fient; ils multiplient les signes elliptiques, et leur langage figuré
finit par s'éloigner tellement des types primitifs qu'il est im-
possible de les recon naître. Cela est si vrai, qu'il existe dans
toutes les institutions de sourds- muets une langue de signes
,;8 LIVRES FRANÇAIS.
particulière, que savent tous lej élèves, au moyen de laquelle
ils conversent entre eux, même en présence des maîtres, et sans
être compris de ceux-ci. C'est aux professeurs à intervenir
continuellement dans le langage de leurs élèves, à l'apprendre
sans cesse, à suivre ces jeunes gens dans le travail de leur in-
telligence, à s'approprier leurs découvertes, à s'identifier avec
leurs pensées, sous peine d'être prornptement laissés en arrière,
et de ne pouvoir même plus comprendre ceux qu'ils sont chargés
d'enseigner, loin d'avoir la possibilité de les instruire.
Le Journal de £ Instruction des Sourds- Muets , rédigé avec
talent, sera recherché avec empressement non- seulement par
les infortunés pour lesquels il est composé, mais par toutes les
personnes qui s'intéressent aux progrès de l'art qui les rend à
la dignité d'hommes.
2i5. — * Gazette des Tribunaux; journal de jurisprudence
et des débats judiciaires. Troisième année Paris, 1827; au
bureau du journal, quai aux Fleurs, n° 11 ; prix de l'abonne-
ment, i5 fr, pour trois mois; 3o fr. pour six mois, et 60 fr.
pour l'année. ( Voy. Rev. £nc., t. XXVIII, p. 929. )
Il existait depuis long-tems, à Paris, divers journaux de
jurisprudence; mais la plupart, graves et arides, se bornaient à
rapporter les arrêts des cours et à les discuter dans leur géné-
ralité et leurs rapports avec la lettre des lois, sans sortir des
formes adoptées au palais. Ils sont très-utiles, sans doute, aux
jurisconsultes, aux avoués, aux notaires, à tous les membres
de l'ordre judiciaire ; mais la sécheresse du style et l'absence
de tout intérêt dramatique ne les rendant guère susceptibles
d'être lus par les hommes du monde, l'éloignement qu'ils ins-
piraient aux personnes étrangères au barreau , dût paraître
extraordinaire aux observateurs, qui remarquaient, en même
tems , avec quel empressement toutes les classes de la société
se portaient aux séances des cours royales, et même à celles
des tribunaux civils, où une foule de causes présentent des
incidens romanesques, touchans ou singuliers. Frappés de
cette anomalie, plusieurs avocats, d'un mérite véritable, se
sont réunis pour publier un journal où les séances des tribu-
naux sont reproduites avec leur physionomie, leur originalité,
et tout l'intérêt qui doit résulter de la variété des passions hu-
maines mises à nu, et placées entre la société, l'honneur et
la fortune d'une part, et de l'autre la ruine, le déshonneur et
la mort. Tout ce que les hommes ont de plus cher est succes-
sivement appelé sur les bancs, par l'effet inévitable du contact
des individus. L'enfance et la vieillesse , le crime dans ce qu'il
a déplus hideux, l'innocence avec toutes ses grâces, le sexe
<>( vu pkii. -LIVR. KN LANG ÉTft. /,7o
faible et te sexe énergique, la vertu et sa candeur, l'astuce et
ses ruses, comparaissent tour à tour el arrachent des larmes
d'attendrissement, ou excitent des sentimens d'horreur. I ,<-s
scènes tragiques 1rs plus imposantes ne causent pas des im-
pressions aussi \ i\ <s; la comédie n'a rien d'aussi gai, et surtout
d'aussi naturel. Ce fui donc une heureuse i <!<*<• <|uc de repro-
duire, dans une feuille périodique, les débats les plus remar-
quables des tribunaux, et de leur laisser l'allure dramatique
qu'ils prennent nécessairement d'eux-mêmes. Le succès dé-
passa bientôt les espérances \ la Gazette des Tribunaux parais
Sait dans l'origine trois fois par semaine el sous un petit format ;
elle n'avait pas six mois d'existence, qu'elle prit le parti de
paraître tous les jours, en adoptant le format des plus grands
journaux et elle se vit recherchée, non-seulement à Paris,
mais dans toutes les villes des départe mens, même dans les
campagnes et dans les pays étrangers. Ce n'est pas seulement
l'intérêt de curiosité qui fait le succès de cette feuille; elle a
des avantages plus réels, et qui tendent à l'amélioration suc-
cessive de la jurisprudence adoptée par les cours du royaume,
en la ramenant à une unité de principes qui sera le résultat
de la comparaison desjugemens, des motifs sur lesquels ils
sont fondés, des moyens de défense, des objections des pro-
cureurs du roi, des arrêts rendus sur appels. Déjà l'exemple
de telle c :ir a été objecté à telle autre; et il faut espérer que
nous ne serons plus exposés à gémir sur des jugemens diamé-
tralement opposés, rendus d'après la même loi, dans des
causes identiquement semblables. La Gazette des Tribunaux
aura puissamment contribué à procurer ce grand avantage ,
cette unité si désirée, qui n'était sans doute violée que parce
qu'on ne connaissait point les cas où déjà la loi avait reçu son
application et où le sens en avait été déterminé.
La Gazette des Tribunaux rend compte de toutes les affaires
importantes au civil comme au criminel, pour les départe-
mens comme pour Paris; elle est ouverte aux réclamations,
dans les cas où la jurisprudence peut être douteuse, et dans
tous ceux où les intérêts généraux, ceux des familles, ceux des
particuliers sont compromis. L'esprit de sagesse qui conduit la
plume de ses rédacteurs en fait un ouvrage de mœurs aussi
utile qu'intéressant. R.
Livres en langues étrangères , imprimes en France.
ai G. — La Victoria de funîn, etc. La Victoire de Junin, chant
à Bolivar, par J. J. Oi.medo. Paris, 1826 ; Jules Renoua rd. In-12
de 72 pag., avec un po? trait de Bolivar.
A8o L1VR. EN LANG. ETR., IMP. EN FRANCE.
S'il est une langue faite pour chauler la liberté et pour dé-
crire les combats, c'est la langue espagnole; il n'en est point
de plus imitative pour tout ce qui tient à la guerre; la seule
magie de ses mots nous fait entendre le hennissement des che-
vaux, le cliquetis des armes, le roulement des tambours; et la
noblesse, la vigueur , la fierté, qui forment son caractère dis-
tinctif , la rendent digne de célébrer une nation qui rompt
les chaînes du despotisme, et qui fait rentrer ses citoyens
dans leurs droits naturels. Toutes ses beautés devaient se déployer
dans un chant à Bolivar, libérateur de sa patrie. L'auteur y a
réuni le charme des beiles images et des nobles pensées; tout
le commencement est plein d'enthousiasme et de feu, et la des-
cription de la bataille de Junin est admirable; nous ne pouvons
donner les mêmes éloges à la prédiction de Huaina Capac. Si cet
inca ne paraissait que cinq à six minutes, et ne prononçait que
dix ou douze beaux vers, pour bénir les Américains vainqueurs
et leur annoncer les combats et les triomphes qui les attendent
encore, nous n'aurions qu'à admirer; mais la prédiction occupe
9.5 pages; l'inca y raconte, dans le plus grand détail, la future
bataille d'Ayacucho, qui doit assurer à jamais la liberté de la
Colombie. Nous disons qu'il la raconte, parce qu'en effet on
croirait qu'il parle d'une chose passée, et non d'une chose à
venir. Il a le ton si tranquille, il s'arrête avec tant de complai-
sance à tous les incidens de la bataille, que rien ne ressemble
moins à ce délire prophétique d'une âme qui s'élance dans l'a-
venir, aux efforts qu'elle fait pour écarter les nuages dont les
choses futures sont enveloppées; un autre tort bien grand , est
d'avoir mis dans la bouche de cet adorateur du soleil l'éloge
de la religion chrétienne, qu'il a connue à peine, et de le faire
parler avec horreur de celle de Mahomet, dont à coup sûr il
n'a jamais entendu parler. L'auteur qui a prévu cette critique,
dit, dans une note , qu'on ne doit point s'étonner que celui qui
habite les régions de la lumière et de la vérité ait des idées
justes sur la religion, la législation, les sciences Je ne
saurais admettre cette excuse du poète ; une ombre ne nous
agite, ne nous fait tressaillir, que lorsque nous la voyons en-
core sous l'empire des préjugés et des passions qui la dominè-
rent pendant sa vie. Sans cela, c'est un autre être ; si elle a passé
par les régions de la lumière et de la vérité , elle a été modifiée
par un ordre de choses que nous ne connaissons pas ; elle s'est
élevée à un état de sainteté et de perfection qui ne nous per-
met plus d'avoir des rapports avec elle. L. L. O.
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES
ET LITTÉRAIRES.
AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
Etats - Unis. — Floride occidentale. — Benvenue , dans
le Lock.ac.ray, près de Tallahassee, iG juillet 1827. — Climat ,
sol, productions ; avantages (/ne peuvent se promettre les colons
européens qui voudraient s'établir dans cette contrée. — Plusieurs
respectables propriétaires du continent européen , appuyés
de la recommandation de l'un des hommes les plus distin-
gués du siècle par son noble caractère et son ardent amour
de l'humauité, le général Lafayette, ont présenté au gou-
verneur de la Floride d'importantes questions sur la pos-
sibilité et les avantages de la colonisation dans cette belle
contrée. Le gouverneur s'est hâté de leur répondre, et ses ob-
servations nous ont paru d'un tel intérêt, que nous n'hésitons
pas à les communiquer à nos lecteurs.
Les questions qui lui ont été adressées sont les suivantes :
i° Dans quelle partie de la Floride conseil leriez-vous à une
société d'agriculteurs de s'établir, et combien coûteraient deux
ou trois mille acres de bonnes terres vierges? 20 Si une co-
lonie, composée de laboureurs, de vignerons et d'ouvriers
avec leurs familles, venait s'établir dans la contrée désignée,
aurait-elle la certitude de réussir dans ses entreprises, en ad-
mettant qu'elle ne compterait dans son sein que des hommes
honnêtes et laborieux, et qu'elle serait dirigée par quelques
propriétaires ayant des capitaux suflisans à leur disposition ?
3° Une nouvelle colonie aurait-elle plus d'avantages à emmener
avec elle des travailleurs européens, qu'à employer des na-
tionaux ou des nègres pour préparer la terre? 4 e Des Français,
des Suisses ou des Allemands, pourraient-ils supporter la cha -
leur et le changement de climat? 5° Quelles sont les principales
productions des parties les plus élevées de la contrée? 6° Est-
il facile d'en vendre les produits avec avantage ? 70 Peut-on
y élever des troupeaux de grand ou de petit bétail? 8° Est-il
prouvé que la culture de la vigne puisse y réussir? a-t-elle
été essayée? et quels ont été les résultats? 90 Quels sont les
plants d'Europe, ou d'autres lieux, qui sont le plus suscep-
t. xxxvi. — Novembre 1827. 3i
ftftj AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
cibles de réussir? ou doit-on préférer les plants mêmes dit
pavs? io° Les végétaux et les arbres à fruit d'Europe ont- ils
prospéré , et serait-il convenable d'apporter un choix, d'échan-
tillons pour essais ? 1 1° Dans quel état est la colonie française
de Tombeckbee, qui acheta cent mille acres de terres du gou-
vernement en 1818? Si elle n'a point réussi, quelle en est la
cause? A-t-elle des terres à vendre, et quel en est le prix?
12° Quels sont les gages des ouvriers, par jour, par semaine,
ou par an? i3° Quelle est la meilleure saison pour l'arrivée
d'une colonie? 140 Enfin, quelle est la population blanche ,
celle des Indiens et celle des nègres?
Le gouverneur de la Floride a répondu :
1 ° Je recommande à une société d'agriculteurs de s'établir dans
la Floride du milieu; et j'atteste, avec connaissance de cause, ce
fait important, que des cultivateurs européens peuvent endurer
et endurent, dans cette partie du pays, l'action des rayons les plus
verticaux du soleil, sans en éprouver le moindre inconvénient.
Je parle d'après mon expérience, et d'après le résultat jour-
nalier des travaux faits sur mes propriétés. Il existe dans l'at-
mosphère une élasticité causée sans doute par notre élévation
autant que par notre proximité du golfe du Mexique (qui nous
soumet à l'influence de la brise de mer), élasticité que toutes
les personnes nouvellement arrivées trouvent extrêmement
agréable, et à laquelle on doit attribuer l'ardeur et le plaisir
que montrent les fermiers industrieux et les ouvriers dans |ou£
leurs travaux; ces faits établis, j'affirme que le canton de Tal-
lahassee possède un plus grand nombre de ressources qu'aucun
autre des états du sud, soit qu'on le considère sous le rapport
du commerce, ou sous celui de l'agriculture. Ces ressources
ne demandent qu'à être développées par l'industrie.
Les deux grands et importais produits du territoire de la
Floride sont les cotons et la canne à sucre , qui seuls suffiraient
pour engager les planteurs à s'y établir, atin de les cultiver.
La qualité du colon est supérieure à toutes les autres, et son
prix est beaucoup plus élevé. La canne à sucre, qui y ac-
quiert une batteur et une grosseur extraordinaires, est remar-
quable par la quantité de matière sucrée qu'elle contient. La
nature a semé dans cette région , d'une main libérale, tous les
fruits et tous les produits des états du nord et du milieu; et
rirn ne peut être comparé à l'abondance de l'indigo, du riz et
du coton que l'on y recueille. Nos terres les plus communes
donnent 80 boisseaux de riz par acre : le froment, le maïs,
l'orge, le seigle, l'avoine, le millet, y croissent avec autant de
vigueur que dans les meilleures terres des états du milieu,
ÉTATS UNIS. ',*>
ivès tic la nier; le sol v est beaucoup phis facile à travailler, et
les plantes nuisibles plus aisées à extirper; ce qui n'est pas
«l'une médiocre importance pour ceux qui veulentjcultiver par
eux mômes.
t." Ou ne saurait douter qu'une colonie, composée comme
on le oit, ne réussit dans son entreprise. Aucune partie de
■Amérique du non! , sous le rapport du climat et du sol ,
L'est plus propre à la culture de la vigne que le district de la
Floride centrale. L'observateur !e moins habile peut reconnaître
dans nos forets huit ou dix sortes de vignes qui croissent et
s'étendent exlraordinairement , et qui portent en abondance
des raisins sauvages. Nos bois sont remplis d'un grand nombre
d'espèces de vignes; ce qui doit faire penser que leurs fruits
s'amélioreront quand les plants seront soignés et dirigés par
des ouvriers expérimentés. Ces vignobles naturels n'ont pas
moins de quelques centaines de siècles. En divers endroits, on a
greffe le grand raisin rouge de France sur la racine de la vigne
sauvage, et la greffe a produit dès la première année; la seconde
année le plant a donné un boisseau de grappes; et la troisième,
une énorme quantité. Ainsi, dans aucun lieu du monde, le vi-
gneron ne peut s'établir avec autant de facilité, avec une
plus grande certitude de succès et une moindre dépense com-
parative. Mais notre population , qui peut obtenir du raisin
en abondance, n'entend rien à la fabrication du vin (1). On n'a
jamais eu l'occasion, ou du moins bien rarement, d'acquérir
des connaissances pratiques sur cet objet important, et peu de
personnes sont disposées à commencer un essai de cette nature,
parce qu'elles supposent qu'il faudrait un teras trop long pour
conduire leurs travaux à des résultats avantageux : on est imbu
du préjugé que cinq années sont nécessaires pour créer un vi-
gnoble. Tous les plants étrangers, apportés dans cette partie
du pays , ont parfaitement réussi, et produisent en tems utile
quand on les a convenablement soignés. Cette sorte de culture
(ï) Le perfectionnement des méthodes usitées pour la fabrication du vin a
été l'objet de longues recherches et d'expériences faites par M.Ger-
VA.is. Les procédés qu'il emploie avec succès pour améliorer et con-
server les vins de toute qualité, procédés pour lesquels il a un brevet
d'invention , le \\ octobre 1827 , ont mérité l'approbation des
Commissaires de plusieurs sociétés savantes chargés de les examiner
et une société commanditaire vient de se former «à Paris pour exploi-
ter eette découverte qui promet de grands avantages à l'agriculture
et que tous les pays de vignobles ne tarderont pas a s'approprier.
N. du R.
l.
484 'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
est si mal entendue ici , qu'elle doit devenir une source de grand
profit pour les personnes qui la connaissent. Le premier éta-
blissement qui se fera sur une échelle convenable doit, en peu
d'années, procurer d'immenses avantages.
3° Les habitudes particulières et le caractère des Européens
les rendent peu capables de se bien servir de la hache, le pre-
mier des instrumens et le plus utile pour le nivellement des
forets; ainsi, quelles que soient l'adresse , la force du corps et
l'industrie des ouvriers que l'on amènera d'Europe, il est con-
venable qu'ils soient dirigés dans ce genre de travaux par les
indigènes , beaucoup plus habiles nécessairement dans l'art
d'abattre les arbres, de créer des palissades de défense, etc.
Ces ouvriers peuvent être employés en même tems à défricher
le sol , à rouler les bûches , et à brûier on à détruire les
broussailles dans les terres nouvellement acquises.
4° Les babitans de la France, de la Suisse, de l'Allemagne, .
et même les Européens du Nord, peuvent supporter facile-
ment la chaleur et le changement de climat, par plusieurs rai- •
sons. La ebaleur commune de la Floride est moindre que celle
de la Suisse méridionale; le thermomètre de Farenheit ne s'é- I
lève, aux époques de la plus grande chaleur, que de 75 à
90 degrés, pendant le jour, et durant la nuit de 60 à 75 (33 de- *■
grés Réaumur à 40 le jour, et 24 à 33 la nuit). Sous le rap- '•
port de la salubrité et de l'agrément, c'est un climat délicieux,
et l'on peut regarder Tallahassee, capitale de la Floride,
comme le Montpellier des Etats-Unis. A l'époque de l'année î
où les vents pestilentiels soufflent avec violence sur les côtes 1
de la Méditerranée, les Floridiens sont rafraîchis par des on-
dées journalières qui se prolongent depuis le milieu de juil-
let jusqu'à l'équinoxe d'automne. On ne saurait les comparer
aux pluies périodiques des latitudes méridionales : elles sont
douces et paisibles, et elles influent puissamment sur la végé-
tation et le système animal. .
5° On ne peut appeler cette contrée montagneuse, quoi-
qu'elle soit couverte de collines; elle a tous les avantages des
plaines champenoises, avec toutes les beautés d'une surface
coupée de hauteurs et de vallées. Le sol se compose, en quel-
ques lieux, d'une terre grise, profonde, molle et chaude, et
facile à travailler; dans quelques autres, d'une terre noire,
profonde, superposée à une glaise rougeâtre. Quand on la
retourne, elle présente une surface lustrée; et, si ou la
mouille, elle teint en rouge le doigt dont on Ta touchée. On
rencontre encore de la marne pure, avec un mélange de
glaise et de sable, profonde, mais non pesante. C'est dans ce
i':t\ rS-1 US. /«h;>
sol que \ irut générait tnenl la ?igne indigène. Je dois ajouter,
aux productions et BtIX fruits dont j'ai déjà parlé, l'orange
vouée, aigre et amère, qui réussît à merveille dans le comté
jft'Alachua, fet l'oronge de Chine, cultivée avec succès dans le
district de Saint-Augustin, et le Pensacola. Mais, comme nous
parlons de contrées réCetnmeni annexées à la Floride, qui les
a achetées aux aborigènes, l'orange de Chine n'a pu y arriver
(EtlCOre à maturité, à défaut de teins. L'olive doit être rangée
parmi les productions commerciales de ce territoire. Un bois
■'oliviers!, créé dans l'intention de fabriquer des huiles d'olive,
donnerait des profits énormes. Les arbres que j'ai vus dans les
jardins de quelques propriétaires de Saint -Augustin sont plus
grands que les plus beaux oliviers de France, et ils donnent
des fruits exccllens et en abondance. On rencontre des oli-
viers sauvages dans les forets; je les ai vus chargés de fruits,
et je ne doute pas qu'ils ne puissent être greffés avantageu-
sement. Le ver à soie a été multiplié avec succès; on a in-
troduit le mûrier blanc, et il a bien profité. Le mûrier rouge
est commun dans nos forêts; il y devient immense, et il four-
nirait une abondante nourriture aux vers à soie; on objectera
seulement que la qualité de la soie, lorsque le ver a été nourri
[avec les feuilles du mûrier rouge, est inférieure à celle des
vers nourris avec le mûrier blanc.
6'° Il est facile de vendre et d'exporter les produits de la
Floride; il suffit, pour s'en convaincre, de jeter les yeux sur
une carte de l'Amérique du nord. Notre proximité des rives
de la mer et l'étendue de nos côtes, découpées de baies et de
hàVreS, nous donnent de grands avantages sur toutes les outres
parties des États-Unis. Nous avons à choisir, pour nos appro-
visionnemens de toute nature, entre Cuba et la Nouvelle-Or-
léans; entre New- York et tous les ports du sud, pour nos
cotons, nos sucres et nos fruits. Taliahassce n'est qu'à vingt
milles de Saint-Marc, port de mer où entrent des vaisseaux
qui tirent treize pieds d'eau. Vous pouvez facilement arriver au
lieu même de votre établissement, avec tous vos colons, dans un
vaisseau, et apporter vos ustensiles d'aménagement. On trouve
>t plusieurs milliers d'acres de bonnes terres vierges à acheter à la
1 1 distance de vingt à trente milles de cette place, au prix de deux
a à cinq dollars par acre, et dans un pays qui, pour la santé,
3 la bonne eau, la variété des produits, l'élévation et l'agré-
[i ment de la situation, l'étendue de la vue, la fertilité du sol,
e la facilité des labours et le voisinage de la mer, n'est sur-
5 passé par aucune portion des Etats In.is d'Amérique. Le dis-
trict de Taliahassce est situé entre le 3oe et 4oe degré de la-
titude nord.
486* AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
7° Le territoire de la Floride est aussi propre à élever dit
gros et du petit bétail qu'aucun autre de l'Amérique. On peut
le nourrir sans difficulté, et avec peu de dépense. Les hivers
sont si doux et les gelées de si courte durée, qu'ils n'ont au-
cune influence sur les herbages sauvages nommés cattle-rangc.
Nous ne sommes donc point forcés de faire des provisions de
fourrage pour la saison froide. Les prairies naturelles sont
abondantes, extrêmement nourrissantes , et conservent leur
verdure pendant tout l'hiver. Les prairies artificielles, telles
que la luzerne, le sainfoin, le trèfle, etc., n'ont pas encore été
essayées ici, quoique l'on ait de fortes raisons de croire qu'elles
réussiraient parfaitement, et surtout si on les semoit de trèfles
dont nous connaissons deux espèces indigènes, l'orange et la
blanche.
L'herbe de Guinée a été cultivée avec succès. Je ne puis,
douter cependant que l'abondance de nos foins et leur qualité
nutritive ne les fassent préférer à toutes les espèces artificielle-
ment produites. Les chèvres et les moutons sont parfaitement
acclimatés, et la laine des derniers, dans les races les plus com-
munes, devient d'année en année, et probablement à raison
de la douceur du climat , d'une extrême finesse. C'est un fait
que je puis affirmer, d'après mes observations personnelles.
8° La culture de la vigne donnerait les résultats les plus avan-
tageux, etc. [Voy. l'art, i ci-dessus.)
9° Tous les arbres exotiques réussissent sans difficulté, ainsi
que ceux du pays. Jusqu'à ce jour aucun essai n'a manqué.
io° La végétation est excessivement rapide. Nous avons trois
saisons pour l'horticulture. Les fruits du jardin botanique du
prince, à New -York, sont tous originairement tirés de l'Eu-
rope, et ont parfaitement réussi, particulièrement les pèches, '
les brugnons et les abricots. Les prunes , les cerises, les mûres,
les-oranges, les olives et les pommes sont sauvages dans nos
bois; enfin, je ne connais pas de pays au monde où les forêts
soient remplies d'une aussi grande variété de fruits indigènes.
ii° Je ne saurais dire exactement dans quelle situation se
trouve la colonie française de la rivière de Tombeckbee; mais
on ne s'y est pas occupé de la culture de la vigne , comme on
l'avait annoncé. Elle n'a pas été non plus composée du nombre
d'ouvriers qui lui étaient nécessaires, et la plupart de ses mem-
bres n'avaient point l'habitude du travail et l'énergie de vo-
lonté qui sont des élémens essentiels de succès. La contrée
d'Alabama d'ailleurs n'est point saine, et les fièvres bilieuses
attaquent les colons avant la fin de l'année. Il est très-différent
de coloniser de sa pleine volonté, ou d'y être forcé par les évé-
Il ATS l NIS,— AFRIQUE. .',87
nemcns politiques, comme des émigrés, «-te. | Le reste de cet
article n'apprend rien «le nouveau, et pose seulement en
principe que Ions les membres 'l'une colonie naissante doivent
jouir <le l'entière liberté de leur personne <'t. de leurs opéra-
bons, et qu'ils n'ont rien de mieux à faire (lue d'adopter les
inours et les usages de la république américaine. Les distinc-
tions de rang ne ibnt que nuire à la prospérité de l'établisse-
ment.)
12" Les gages des ouvriers sont tres-< l<\ es. Le salaire d'un
travailleur nègre est de cent shellings par année, et. à propor-
tion par mois et par semaine. I n ouvrier demande; et reçoit
un demi-dollar par jour ( 2 fr. 7>5 c. ).
1 >° Toutes les saisons sont lionnes pour arriver comme co-
lons dans la Floride centrale, à l'exception des mois pluvieux
d'août et de septembre.
1-4° La population de la Floride est d'environ vingt mille
individus, dont dix mille blancs, cinq mille noirs, et cinq raille
Indiens. Ces derniers sont établis dans la partie méridionale de
la péninsule de l'est, à deux cent milles de Talahassee, et ils
ne se permettent point de passer les frontières. L'intention du
gouvernement général des États-Unis est de les renvoyer au-
delà du Mississipi aussitôt que la chose sera praticable. C'est
d'ailleurs une race paisible et très-peu portée à des hostilités
contre les blancs; mais, pour plus grande sûreté, et pour pré-
venir toute incursion dans ce beau pays, ils sont surveillés pat-
un cordon militaire.
Je m'engage volontiers à donner toutes les informations ul-
térieures que pourraient me demander sur les lieux les per-
sonnes qui voudraient visiter cette contrée avant d'y prendre
des arrangemens de colonisation définitifs.
David B. Macomb.
AFRIQUE.
Tripoli de Barbarie. — Publication d'un journal. — Expé-
dition projetée par le pacha contre les Arabes révoltés du Djebel.
— Renseigne mens sur ces Arabes. — Extrait d'une lettre adressée
a M. Barbie nu Bocage par M. Rousseau, consul général
de France, à Tripoli . en date du 1 août 1827. — Il y a quel-
que tems que plusieurs de mes collègues et moi , nous
avions formé le projet d'établir ici un journal mensuel de poli.
tique et de littérature. Ce projet vient d'être mis à exécution.
Le premier N° de Y Investigateur africains, paru, le 3i juillet
1827, et je regrette vivement de ne pouvoir vous en envoyer
un exemplaire , attendu que jusqu'à présent il nous a été im-
4<S8 AFRIQUE.,
possible de le publier par la voie de l'impression. Je me borne;
donc à vous soumettre aujourd'hui les principaux articles que
j'y ai fait insérer pour ma part , espérant pouvoir vous en-
voyer par la prochaine occasion une copie du cahier même
dont ils ont été extraits.
Un camp dont le personnel sera , dit-on , porté ultérieu-
rement à 25,ooo hommes, s'organise^ en ce moment dans la
plaine qui s'étend le long de la côte, à l'est du château. Ce
corps d'armée, que Sidi-Ali, troisième fils du pacha, doit
commander, est destiné à attaquer les Arabes révoltés du
Djebel, qui infestent depuis deux ou trois mois les dehors de
la ville de leurs bandes pillardes. Ces Arabes appartiennent
à trois tribus distinctes, nommées Ssattou , Assabè et Nouair,
lesquelles ont pour chef principal Muhammed-il Marmouri,
homme astucieux et méfiant , qui n'a jamais pu se résoudre à
venir en personne rendre hommage au prince , quoiqu'à dif-
férentes époques il se soit scrupuleusement acquitté de ses
devoirs de vassal envers lui. On dit que plusieurs vénérables
marabouts travaillent à le faire rentrer en grâce auprès de
S. A. qui , mécontente des nombreuses trahisons dont il s'est
rendu coupable , persiste à vouloir le réduire par la force
des armes. Cette opération n'est pas sans danger ; car les lieux
élevés qu'habite ce chef, sont d'un accès si difficile qu'il faut
nécessairement y transporter l'artillerie à dos de chameau, et
que l'infanterie ne saurait les gravir qu'avec beaucoup de
peine.
Nous ferons remarquer que, par le mot Djebel , les Arabes
désignent en général les montagnes , et que celle dont il est
ici question a reçu l'épithète d'il Ssattou du nom de la peuplade
qui l'habite; ainsi, par Djebel-il Ssattou, il faut entendre la
montagne des Ssattous. Toutefois, dans l'usage ordinaire, on
se b<>rne à l'appeler simplement Djebel. Cette montagne com-
mence à deux journées de marche de celle de Ghérian , et
elle s'étend de l'est à l'ouest , jusqu'au territoire de Tunis. Elle
est très-boisée, et se divise en io3 districts où l'on récolte
abondamment de l'huile , des raisins et. des figues , que l'on
transporte sur les divers points de la côte de Barbarie.
Indépendamment des trois tribus dont nous avons parlé ,
on en compte plus de vingt autres, toutes soumises au pacha,
et en état d'hostilité avec les premières. Leurs richesses terri-
toriales consistent , en arbres fruitiers et en bétail , dont la
laine et le laitage leur offrent les moyens de faire un com-
merce lucratif avec les habitans des villes et des bourgades
maritimes qui les avoisinent.
r*" AFRIQUE. /,8<j
Voici la liste de ces peuplades1 dont L'humeur e.-,t belii«
gueuse, qui se servent d'armes à feu , et qui montent d'excel
[eus chevaux habitués à la fatigua et aux Longues courses.
tfous commençons par celles qui habitent des villages murés
et des hameaux : Zéntan~Redjeban , Kabaoœ, Azaz-Zouatin ,
Dek'hakenê , MutUn, Sadàm-Ebliidli , Hhemadié. Les suivantes
sont en partie nomades et vivent sous des tentes : Ghczaz-
Sebiè, // oiil(i<l bou-Zaif , Sonéiat , Rhcihhebat> Semlousy Guda-
défé , Messadédé*
— Origine de Tinbuktou , d'après les auteurs arabes. — Dé-
tails sur les tribus qui habitent cette ville. — Tombouctou , ou
plutôt Tinbuktou , est pour nous ce qu'était pour les anciens
Arabes la ville enchantée à'Ircm Zat il Emad (i) , ou la fon-
taine de Jomrnce des mythologues orientaux (2); cette capi-
tale du Soudan a échappé jusqu'ici aux investigations les plus
suivies. Tout le monde en parle , et personne ne l'a encore vue.
Mais en attendant que, dans le nombre des voyageurs intré-
pides qui , animés d'une généreuse émulation , ont entrepris de
la visiter, il se trouve un homme assez heureux pour soulever
le voile qui la dérobe aux regards de l'Europe savante , nous
croyons devoir publier le peu de renseignemens que nous
avons recueillis.
Il paraît qu'il existe une histoire détaillée de cette ville,
dont l'auteur se nomme Sidi-Ahhmed-Baba , natif d'Arawan ,
bourgade du pays des K eûtes ; histoire qui fait remonter sa
fondation à l'an 5 10 de l'hégire (11 16 de J.-C).
(ï) Lieu de délices, chef-d'œuvre d'art et de magnificence, bâti
dans le Hhadramaûtli , pur Vimp'ie Scheddad qui, prétendant partager avec
la Divinité l'encens des mortels, croyait s'être pratiqué un séjour sem-
blable aux palais du ciel. Ce lieu, nommé d'abord Irem, fut sur-
nommé Zat il Emad, à cause du grand nombre de colonnes d'or mas-
sif, incrustées de pierres précieuses, qui décoraient son enceinte. Il
disparut tout à coup, lorsque Scheddad subit, avec son peuple, le
châtiment que le ciel avait réservé à ses crimes. Plusieurs siècles
après, sous le règne de Moawia , un Arabe, nommé Kolaba , qui
cherchait dans le disert sa chamelle égarée, découvrit ce mer-
veilleux palais ; mais on ne le retrouva plus depuis , malgré les per-
quisitions que fit faire le kalife , frappé des choses étonnantes qu'il en
avait entendu raconter.
(2) Cette fontaine, nommée en arabe DJà-ll-lihaiat , et en persan
Abzcndigani (source de vie) , est située , disent-ils , dans le Zlioulemdt,
région ténébreuse, voisine du pôle, et vers laquelle plusieurs mo-
narques puissaus ont tour à tour tenté des expéditions hardies, sans
pouvoir y parvenir.
i^o AFRIQUE.
Voici comment cet ouvrage raconte la circonstance qui
donna lieu à la fondation de Tinbuktou : « Une femme de la,
horde des Touariks , nommée Bidtou , s'était établie sur les
bords du TSTil des nègres , dans une cabane ombragée par un
arbre touffu : elle possédait quelques brebis, et elle exerçoit
l'hospitalité envers les voyageurs de sa nation qui passaient
près de sa demeure. Son humble habitation ne tarda pas à
devenir un asile sacré , et un lieu de repos et de délices pour
les tribus voisines qui l'appelèrent Tin-BuAtou , c'est-à-dire ,
propriété de Biihlou (tin étant dans leur idiome un pronom
possessif à la troisième personne). Par la suite ces tribus vin-
rent s'établir autour d'elle et y tracèrent un vaste camp re-
tranché, qui fut plus tard transformé en une cité populeuse.»
Telles sont , suivant Sidi-Aklimct-Baba , l'étymologie du nom
et l'origine de la fondation de Tin-Buktou, qui perdra proba-
blement beaucoup de sa célébrité , dès que Ton aura sur-
monté les obstacles qui en interdisent l'accès.
Diverses races ont concouru à former la population de
Tinbuktou : celle des Kohhlaas (elle est païenne) qui d'abord
s'y est trouvée dominante ; puis, celle des Fellaas, sectateurs
du prophète arabe , qui y exerce aujourd'hui une grande supé-
riorité. Ces derniers, dont le sultan actuel, nommé Beilo > de-
meure à Sahatou, sont parvenus depuis près d'un an , par leur
bravoure et leur force militaire, à établir leur domination
dans la totalité du Soudan, en subjuguant la plupart des na-
tions qui l'habitent. Les Touariks forment une troisième race.
On retrouve cette tribu depuis les frontières méridionales de
l'état de Maroc jusqu'au Bournou : elle obéit à un prince qui
porte le titre de maïné (commandant) , et qui réside à Ghad ,
ville située à douze journées ouest de Murzouk , capitale du
Fezzan. Une quatrième race , celle des Keutès , que l'on sup-
pose originaire du Bambara , et qui est réputée étrangère , ne
jouit par cela môme , d'aucune considération dans le pays.
Les Touariks; sont , après les Fellaas , les plus puissans parmi
les peuples de l'Afrique centrale. Ils sont en grande partie no-
mades , vivent sous des tentes et dans des cabanes, ne se nour-
rissent que de laitage, et se servent au combat de lances et de
flèches empoisonnées; ce qui donne aux Fellaas, qui possèdent
des armes à feu , une supériorité incontestable. Les dialectes
les plus usités à Tinbuktou sont ceux des Fellaas, des Touariks
et des peuples du Bambara; ils diffèrent essentiellement entre
eux.
El ROPE. 4y«
EUROPE.
îles britanniques.
Lomiiiks. — Pont sous ld Tamise. — Ce pont d'un nouveau
genre, monument déjà célèbre, ouvrage d'un ingénieur fran-
çais, M. BhunBL, dont la réputation est depuis long-tems ho-
norablement établie en France et en Angleterre) est destiné à
subvenir aux besoins de l'immense population qui habite les
i\v\\\ rives de la Tamise, au -dessous du pont de Londres,
dont il sera éloigné de trois quarts de lieue. Il établira une
communication facile entre la rive gauche du fleuve, où se
trouvent les faubourgs de ffapping et de JVhitc-Cliapcl , le.
dock de Londres (i), ainsi que celui de Sainte- Catherine , et la
rive droite où sont placés le dock du commerce, le grand canal
de Surrev, la grande route de Kent, et une innombrable quan-
tité d'usines et de manufactures de toute espèce.
Déjà en 1799, on avait tenté d'exécuter à Gravesend, grand
village situés à vingt-un milles de Londres, des travaux qui au-
raient eu pour objet d'établir une communication souterraine
entre les deux rives de la Tamise. Ce premier essai fut infruc-
tueux ; on le renouvela en 1 809 , à Rothcrhitiie , près du lieu où
l'on pratique aujourd'hui le nouveau passage; mais on échoua
encore, faute de moyens suffisahs et de mesures bien concertées.
L'entreprise actuelle, conçue par M. Brunel, s'exécute sous
les yeux et par les soins de l'auteur. Le souterrain aura i3oo
pieds anglais de longueur (ou noo pieds de France environ).
La largeur de la Tamise, au point où il est placé, est de 1000
pieds anglais ( g3o pieds français environ).
Ce fut sans doute une grande idée que celle de construire
un passage sous la Tamise , au Heu même où de nombreux vais-
seaux la sillonnent dans tous les sens; mais ce qui la complète
et lui donne toute sa valeur, c'est l'invention des moyens et des
machines propres à conduire au but que l'on se propose, et
surtout la création de ce célèbre bouclier, qui non-seulement a
rendu l'entreprise facile, mais qui permettra dorénavant d'en
exécuter de même nature avec plus de sûreté et de facilité.
Les travaux actuels furent commencés en 1825, par l'affais-
(i)Les docks renferment de vastes bassins intérieurs où sont reçus
les vaisseaux, et des magasins pour leur*- cargaisons.
4q* EUROPE.
sèment progressif d'un mur circulaire, ou espèce de tour rondo
en briques. La hauteur de cette tour est de 4o pieds anglais;
son diamètre, de 5o ; son épaisseur, de 3. (Le pied anglais est
au pied français comme 100,000 esta 106,575 ; rapport exact).
Cette tour fut construite au moyen d'une immense charpente ou
tambour, dont les pièces furent fortement attachées par d'énor-
mes boulons en fer et par des crampons. On enleva peu à peu la
terre sur laquelle reposait cette maçonnerie, et la tour s'enfonça
graduellement par son propre poids. Lorsqu'elle fut arrivée à la
profondeur déterminée, on commença les travaux de l'ouvrage
en briques. C'est un massif qui a la forme d'un parallélo-
gramme de 37 pieds de large sur 22 de hauteur, percé dans sa
longueur par deux voûtes qui doivent former le passage, l'une
pour aller et l'autre pour revenir, et qui communiquent entre
elles par des arcades pratiquées de distance en distance. Ces
voûtes ont 16 pieds 10 pouces dans leur plus grande hauteur;
i3 pieds 9 pouces dans leur largeur, et 1 1 pieds 9 pouces dans
la partie inférieure, au point où le plancher est établi. L'épais-
seur de la voûte au point le plus élevé est de 2 pieds 7 pouces.
Le mur qui sépare les deux voûtes a 3 pieds 6 ponces d'épais-
seur vers la partie moyenne , et 4 pieds 6 pouces à sa base.
Il entre 55oo briques dans chaque pied courant du pourtour
de la maçonnerie. Le bouclier, qui est du poids de 120 ton-
neaux ( le tonneau pèse 2 milliers ou mille kilogrammes) , con-
siste en un cadre de fer de même hauteur et de même largeur
que le massif; il est composé de 12 divisions mohiles qu'on fait
avancer alternativement et indépendamment l'une de l'autre;
chaque division est subdivisée à son tour en trois celiuies ou
cases placées l'une au-dessus de l'autre , et qui servent d'éclia-
faud aux mineurs et aux maçons; elle est supportée par des es-
pèces de semelles en fonte, sur lesquelles reposent tout le poids
de la division. Ces semelles sont armées de vis horizontales
posées en arcs-boutans contre la maçonnerie à mesure qu'elle
est faite, et sont destinées, lorsqu'on les met en jeu, à pousser
et à maintenir en avant chacune des divisions à laquelle ell<js
appartiennent. Le fond des divisions est formé par des plan-
ches épaisses, mobiles, connues en Angleterre sous la déno-
mination de poHltig-boardsy maintenues dans leurs positions par
des vis mobiles logées dans le cadre de fer, et qui, enlevées
successivement pour l'excavation des terres du front de l'ou-
vrage, et immédiatement replacées, deviennent des supports
fermes etoonstans. On a de plus adapté au service du bouclier
deux plates-formes mouvantes à deux étages, qu'on introduit
dans chacune des voûtes, et qui sont destinées à recevoir 1rs
ILES ItRITANiQl i.S /,,,',
terres provenant de l'excavation . et les briques, le ciment et
le sable dont les maçons ont besoin pour l«') construction.
Malgré les accident inséparables «l'une telle entreprise, l'ex-
cavatioo el la maçopnerie du passage s'étendaient déjà à 4^o
pieds sous la rivière, lorsque, le iS mai dernier, une irruption
soudaine des eaux de la Tamise \\\\l tout à coup suspendre les
travaux. Cette irruption eut lieu par la eluite dans le souter-
rain d'une terre molle et délire , qj|i avait rempli un creux pré-
cédemment fait dans le lit du fleuve par des dragueurs de lest
pour les vaisseaux. On évalua à mille tonneaux les terres tom-
bées dans le souterrain, qu'elles comblèrent en partie, mais
sans attaquer la maçonnerie.
Cet accident (it suspendre les travaux. Le trou , dont l'ouver-
ture était de 5 pieds sur -i pieds G pouces, fut complètement
bouché, et lo creux qui existait dans la rivière comblé au
moyen de sacs d'argile entremêlée de gravier, que l'on y coula
avec une extrême adresse, qui reposèrent sur la tète du bou-
clier, et formèrent bientôt un nouveau lit à la rivière. Après
avoir donné un tems suffisant à la consolidation de ce nouveau
fonds, on s'occupa de vider les deux passages, et l'on parvint
en quelques jours, au moyen d'une pompe à vapeur, à les dé-
barrasser de toute l'eau qu'ils contenaient. Mais un nouvel ac-
cident succéda bientôt au premier. Près du trou dont nous ve-
nons de parler, le sol, que depuis quelques jours on trouvait
mou et sans consistance, céda tout à coup, et laissa de nou-
veau un passage aux eaux du fleuve. On s'aperçut que la pres-
que totalité des terres qui, sur une étendue de 10 pieds, étaient
restées appuvées sur le bouclier, après la première irruption,
avaient été entraînées par le flux et le reflux de la marée. Le
couronnement du bouclier, dans la même étendue, se trouvait
couvert de sacs d'argile qui formaient une masse compacte; ,
impénétrable à l'eau. Celte cavité, ou les trous par lesquels
l'eau pénétrait dans le souterrain, formait une sorte de carré de
5o pieds de ct>té qui diminuait de largeur en descendant, et
constituait, depuis le lit de la rivière jusqu'à la partie supé-
rii ure du bouclier, une excavation très-irréguiière , mais fort
considérable d'environ 20 pieds de long sur 12 de large.
Le souterrain a été débarrassé par les moyens dont on avait
fait usage lors de la première irruption, et les travaux ont re-
pris leur activité. Depuis ce dernier événement, aucun nouvel
obstacle n'est venu arrêter les travailleurs. 11 convient d'ajouter
que les sacs d'argile jetés en grand nombre dans le fleuve pour
remplir l'excavation ont été recouverts de gravier, et ensuite
garantis par un épais prélat goudronné, maintenu par un tra-
(!), EUROPE.
Vèrsin de fonte sur lequel on a étendu une nouvelle couche de
gravier, pour tenir l'ensemble aussi comprimé qu'il était pos-
sible durant le tems nécessaire pour que l'argile se tassât com-
blétement sur le couronnement du bouclier. On doit encore
observer que, jusqu'à présent, les travaux du souterrain n'ont
nullement attaqué le lit primitif de la rivière , et qu'il n'est même
pas possible que la chose arrive, puisque la terre du plafond
est constamment et fortement soutenue par la maçonnerie ou
les portions du bouclier qui servent à la poser, ce qui prévient
tout affaissement des terres continues. H.
RUSSIE.
Saint-Pétersbourg. — • Société d'économie. — Propagation
de la vaccine. — Cette société s'est beaucoup occupée, dans
ces derniers tems, de la propagation de la vaccine. Un grand
nombre de ses membres ont souscrit pour des dons tempo-
raires ou annuels, afin d'établir un capital pour la propa-
gation de cette méthode bienfaisante dans toute la Russie.
Voici le résumé du rapport présenté à la société sur les succès
de l'inoculation : i° à dater du mois d'août 1824 jusqu'au mois
de janvier 1825 , c'est-à-dire, dans l'espace de cinq mois, on a
préparé et envoyé à tous les comités de vaccine, établis dans les
gouvernemens de la Russie, jusqu'à mille lancettes; de plus,
sept mille tubes, avec ou sans' le virus de la petite-vérole, et
onze mille exemplaires d'un traité sur l'utilité de l'inoculation ;
20 les quatre élèves de l'hospice impérial des Enfans-Trouvés ,
envoyés à la société par ordre de l'impératrice Marie , ont ino-
culé, dans l'espace de quatre mois, 1879 enfai>s > et ont ensei-
gné ce procédé à 72 personnes. M. Vsévolojsry, membre de
la société , a offert , à cette occasion , de faire préparer à
ses frais 2,5oo étuis, chacun avec deux lancettes.
Plusieurs exemplaires d'un ouvrage de M. Stoïkovitch,
intitulé : Sur la sauterelle, et les moyens de l'exterminer, ont
été envoyés par la société dans les gouvernemens méridionaux,
qui sont le plus exposés aux ravages de cet insecte. P. R. E.
Odessa. — Bateau à vapeur. — Une communication par
bateau à vapeur vient d'être établie entre Odessa et Kherson.
A dater du 16 juillet 1827, le pyroscaphe V Espérance sert au
transport des passagers et des marchandises; en revenant, il
remorque les radeaux et les barques qui se rendent de Kherson
à Odessa. Il fait ce trajet, qui est de 70 lieues marines, en -i~
heures, en remontant le Dnieper. Dorénavant, le pyroscaphe
Kl. SSII..
{'Espérance partira d'Odessa pour Khersou, tous les mardis,
a <S heures du mal in.
> — Etablissemens publics pour ? éducation de la jeunesse. —
Lé journal d'Odessa contient des détails intcres&ans sur les mai-
sons d'éducation qui existent dans cette ville. I! résulte de ces
détails qu'Odessa possède des établissemens pour l'éducation
des jeunes gens, savoir : le lycée Hic/ielicu, fondé eu 1818; IV-
enle grecque pour les en/ans des négocions ; l'école des orphelins ;
/'< cote établie par l'église grecque ; Cécole allemande évangéliqué;
l'école juive, et quatre pensionnats particuliers. Les élèves de ces
écoles sont au nombre de 1018. Les établissemens pour l'é-
ducation des jeunes personnes sont au nombre de six, savoir :
X institut des demoiselles nobles, fondé en 1806; l'école nor-
male , l'école grecque s l'école juive , et deux pensionnats particu-
liers pour les demoiselles! Ces établissemens contiennent /,-22
jeunes personnes. Nombre total d'élèves des deux sexes, il\l\0.
En comparant le nombre d'élèves à la population de la ville,
population qui, d'après le recensement de cette année, monte
à 32,740 âmes, il résulte, que le premier nombre est à l'autre
comme 1 à 22 , ou, en d'autres termes, on compte un élève
sur 22 habitans. En considérant le nombre des élèves de l'un
et de l'autre sexe à part, il se trouve un élève du sexe masculin
sur 32 , et un du sexe féminin sur 77 de la totalité de la popu-
lation. Dans ce calcul ne sont pas compris les enfans élevés
dans la maison paternelle.
Crimée. — Symphkropol. — Découverte d'antiquités. — M. de
Blaramberg, directeur des musées d'antiquités établis à Odessa
et à Kerlch) vient de découvrir à une werste an sud de la ville
de Sjmphéropol les restes d'un château ancien. On a tiré , des
décombres qui y sont entassés, des bas-reliefs et des inscrip-
tions grecques, dont une porte cette dédicace : à Jupiter Ataby-
rius;suT l'autre, on distingue parfaitement le nom du roi Scilu-
rus. C'est probablement ce fameux Scilurus qui lit la guerre aux
généraux de Mi th rida té Eupator,el qui , au rapport de Strabon,
possédait, dans l'intérieur de la Tauride, les châteaux de Chavum,
de Néapolis et de Palacium. Les vestiges nouvellement décou-
verts peuvent appartenir à une de ces trois places. Parmi les
bas-reliefs qu'on a déterrés, il s'en trouve un qui représente
la ligure d'un vieillard ayant une barbe épaisse, et coiffé d'un
bonnet singulier. Celte même figure , parfaitement ressem-
blante, se voit sur une médaille inédite du cabinet de M. de
Blarainberg, au revers de laquelle on lit le nom du roi Scilurus.
Le bas-relief offre donc indubitablement les traits de ce roi des
Tawro-Sevtiies. Cette découverte est très-importante pour l'i-
conographie ancienne.
bgS EUROPE.
Kertch. — Découverte d'antiquités. — M. de Blaramberg,
dans sou dernier voyage pour la recherche d'antiquités sur les
bords de l'ancien Bosphore Cimméricn , a reconnu, à 4 werstes
de Kertch , près de la batterie Pawlowshy, les vestiges de l'an-
cienne ville de Nymphée , colonie grecque, qui dans l'anti-
quité avait appartenu quelque tems aux Athéniens, et ensuite
aux rois du Bosphore. M. de Blaramberg y a retrouvé les
traces des murs, et de grosses dalles de pierre dure, dispersées
sur le rivage du détroit, lui ont indiqué l'emplacement de
l'ancien port de Nymphée, mentionné par Strabon. S.
POLOGNE.
Cracovie. — Société philo mat ique de ? Université. — Nomi-
nation académique. (26 janvier 1827.) — Le recteur de l'Uni-
versité des Jagellons et président de la Société littéraire de
Cracovie, et le président de cette Société, MM. Girtléu et
P. Czayrowski, viennent d'adresser à M. Marc- Antoine Jue-
eien, de Paris, le diplôme de membre correspondant de la
Société philomatique de V Université de Cracovie , avec un exem-
plaire de ses statuts. Ils lui 'annoncent que la Société a voulu
l'appeler dans son sein, non-seulement à cause des ouvrages
utiles et importans sur t Education > sur V Emploi du tems et sur
la Philosophie des sciences , qu'il a publiés, mais aussi en mé-
moire de l'estime et de l'amitié que lui avait accordées leur il-
lustre compatriote et héros immortel dans les deux hémi-
sphères, le générai Kosciuzsko, auquel M. Jullien a consacré
une Notice biographique et historique , qui a été traduite et pu-
bliée en langue polonaise, et surtout pour reconnaître les ser-
vices rendus aux sciences, aux lettres et aux arts par la fonda-
tion de la Revue Encyclopédique , qui rapproche et unit toutes les
nations.
Plusieurs membres de la Société littéraire de Cracovie, que
nous prions d'agréer ici l'hommage de notre reconnaissance,
expriment l'intention de communiquer, par la voie de notre
Revue, les faits nouveaux et importans, et les annonces des pro-
ductions scientifiques et littéraires, dignes d'attention, qui pour-
ront signaler la marche de l'esprit humain en Pologne. La
nation polonaise, toujours animée de ces nobles sentimens pa-
triotiques qui ont survécu, dans l'âme de ses meilleurs citoyens,
même à l'indépendance de leur patrie, ne reste point en arrière
des autres peuples dans la carrière des travaux intellectuels, et
la république de Cracovie, en particulier, se plaît à encourager
dans son sein et au dehors tous les hommes qui servent et ho-
POLOGNE.- ALLEMAGNE.
borenl l'humanité par leurs connaissances et leurs vertus, on
par leur Bêle pour la propagation oes lumières et pour l<* bien
public. 7. — l-
ALLEMAGNE.
Bavikrk. — Wuin7,iioi;r,(;. — Institut orilh>j><:di(jii<', dit Cato-
iuu — m. j(. D'Hbiwe, fondateur et directeur de cet institut
justemenl célèbre, et qui a obtenu dos personnes 1rs plus distin-
guées en Allemagne, et particulièrement de S. M. la reine douai-
rière, des témoignages d'intérêt ctdesencouragemcns, a présenté
à S. M. et au grand-duc de Saxc-Wcimar trois écrits relatifs aux
bons et utiles résultats qu'a déjà produits son institut. La reine
lui a fait remettre une épingle richement garnie de brillans. Le
grand-duc de "Wcimar lui a envoyé la médaille du mérite , avec
une lettre autographe très-flatteuse. M. Heine passe pour être
le premier qui ait traité l'orthopédie comme une science qui a
des rapports nécessaires avec l'anatomie , la physiologie et la
mécanique, et qui l'ait appliquée, en triomphant de beaucoup
d'obstacles , à la guérison d'un grand nombre de difformités ou
d'infirmités différentes.
— Munich. — Fondation d'une école polytechnique. — Une
ordonnance royale, du 27 septembre dernier, établit à Munich
une école polytechnique, destinée à former des chefs et sons-
chefs d'atelier, et même des ouvriers pour les manufactures.
Indépendamment des scienebs naturelles et manufacturières ,
on y enseignera les sciences commerciales et l'architecture
civile. N.
État de l'industrie dans le Harz , en 1826. — L'éten-
due de pays, appelée Harz (résine) par les Allemands, est
déterminée par celle d'un groupe de montagnes peu '«levées ,
qui est situé entre la vallée de l'Elbe et celle du Veser. Elle a
reçu son nom du grand nombre d'arbres résineux qui y croissent.
Depuis plusieurs siècles, l'exploitation de riches filons d'ar-
gent, de plomb , de cuivre et de fer, produisant même un
peu d'or et de zinc , a rendu le Harz célèbre. Cette industrie
seule à peu près , jointe à la coupe des forêts, fait vivre les
habitans de cette contrée. C'est une source d'observations nou-
velles pour le voyageur que la vue de cette population presque
entièrement composée d'employés ou d'officiers ds mines et
des usines. Les mines du Harz offrent à l'ingénieur un vaste
champ d'étude ; et s'il y trouve quelquefois matière à critique,
ce n'est que sur d'anciennes constructions, sur d'anciens pro-
cédés auxquels il n'a pas encore été possible de rien changer.
ï . xxxv 1 . — Norcm bre 1827. 3 2
498 EUROPE.
On admire surtout les magnifiques travaux qui ont été exécutés
dans le but de rassembler les eaux qui font marcher les ma-
chines d'extraction ci d'épuisement. M. Hkrondk Vjllefossp. ,
ci-devant commissaire de la France auprès des fpays conquis,
aujourd'hui maître des requêtes au conseil d'étal , et inspec-
leur divisionnaire des mines, a réuni , dans son bel ouvrage
sur la Richesse minérale y tous les détails techniques relatifs à
cet objet. Nous en avons reconnu sur les lieux la parfaite exac-
titude; car, depuis la publication de cet ouvrage, l'art de l'ex-
ploitation n'a point subi au Harz de notables changemens.
L'emploi de la première machine à colonne d'eau qu'on y ait vue
est le seul fait nouveau qui mérite d'être mentionné. Cette machine
vient d'être placée sur une mine près de Clausthal, M. de Ville-
fosse a également exposé avec soin tout ce qui se rapportait aux
usines. Les minerais d'argent, de plomb et de cuivre sont tou-
jours traités de la même manière, avec cette seule différence qu'on
► e sert de coke, au lieu de charbon de bois, da ns la fonte des mat tes.
Encore cette substitution a t-el.ïe. été rendue nécessaire par la
rareté momentanée des bois , et il n'est pas démontré qu'elle
soit avantageuse. Plusieurs perfectionnemens ont été apportés
dans le travail du fer. Le Harz présente une grande va-
riété de minerais de fer; ceux qui dominent sont les fers
oxidés , rouges et bruns en roche, et le fer spatliiqne. On y em-
ploie presque uniquement comme combustible des charbons de
sapin; mais on brûle aussi dans le Bas-Harz quelques charbons
de vieux chêne et de hêtre. Les hauts fourneaux y diffèrent,
par la forme et les dimensions, de ceux de la plupart des
autres pays. Les procédés d'affinage de la fonte, d'étirage
en barres, etc., nous ont paru assez arriérés; on s'occupe de
les perfectionner.
Non seulement on remplace dans toutes les usines du Harz
les anciens appareils et les anciennes machines par de nouveaux
appareils et par de nouvelles machines mieux disposés; mais,
dans quelques localités, on rebâtit les établissemens en entier.
Lorsque nous passâmes à Rothehiitte, on venait d'achever,
d'après des modèles anglais , la construction de superbes bà-
timens qui ne sont pas moins remarquables par la convenance
des parties que parla beauté de l'ensemble; et, dans quelques
années, l'usine de Konigshiitte (Bas-Harz) nous offrira ,
comme celle du même nom en Silésie , l'aspect de grands édi-
fices dans le style gothique.
L'administration des mines et des usines du Harz est aussi
bien digne d'éloge. Les différentes branchés en sont confiées
a des hommes qui n'obtiennent leurs places qu'en fournissant
VLLEMAGNE. 495
les preuves de longue études pratiques el d'une expérience
proportionnée à l'importance des opérations qu'ils doivent <lin
ger. Le division du travail surtout est parfaite. Chacun a sou
occupation bien distincte, et s'y voue exclusivement. Ainsi,
l'on a des ingénieurs spéciaux pour les machines, (les ingé-
nieurs spéciaux pour les usines à fer, des ingénieurs spéciaux
pour les usines à plomb , etc. La partie commerciale et la partie
technique forment deux département tout-à fait séparés, sur
L'ensemble desquels e.n seul homme a l'inspection; et il n'existe
pas , dans ce pays comme dans beaucoup d'endroits en France,
une prééminence injuste de ('agent débitant sur l'agent fabri-
cant. On voit au Harz peu de personnes qui parlent de tout
sans rien savoir; mais on n'y rencontre pas un employé, pas
un ouvrier qui ne réponde avec exactitude et précision sur tout
ce qui le concerne. Peut-être pourrait-on seulement reprocher
aux officiers de manquer quelquefois de certaines connais-
sauces scientifiques et de notions sur l'état de l'industrie des
autres pays , qui leur seraient nécessaires. Quant à la complai-
sance, à l'extrême affabilité des mineurs du Harz, on ne peut
s'en faire une idée qu'après en avoir éprouvé les elfets.
Enfin , ce (pie nos lecteurs n'apprendront pas avec moins
d'intérêt, c est la reconnaissance que conservent au commis-
saire de la France auprès des pays conquis ieshabitans du Harz.
Jamais concert de louang* s ne fut plus général , et ce n'est pas
seulement pour les immenses services qu'il a rendus au pavs,
en plaidant sa cause auprès du gouvernement républicain, que
31. de Villefosse l'a mérité; pendant un assez long séjour que
nous avons fait au Harz, nous n'avons vu presque aucun indi-
vidu dont la famille ne lui eût quelque obligation particulière,
pas un qui ne voulût aussi acquitter une portion de la dette
nationale envers des compatriotes de son bienfaiteur. Puisse
un tel exemple trouver des imitateurs! Des administrateurs
aussi éclairés nous eussent conservé les pays conquis beaucoup
mieux que nos armées, et le nom français serait aujourd'hui
aussi aimé qu'il a été redouté.
Aug. Perdonnet, anc. élève de X École Polytechnique.
Nécrologie. — IJebel [Jean-Pierre). — Il y a déjà une année
que l'Allemagne a perdu l'un de ses poètes les plus remar-
quables par la profondeur de ses vues et l'originalité de son
style, Hebel , né le 11 mai 1760, dans le grand duché de
Bade , mort le 1% septembre 1826. Le petit pays renfermé dans
cet angle formé par le Rhin, dont le sommet se trouve à Baie, fut
. le théâtre des jeux de son enfance , comme il est celui des per-
sonnages et des moeurs chantés dans ses poèmes. Il eut. le double
32.
5oo EUROPE.
bonheur, de naître dans une de ces conditions humbles qui,
[approchant l'homme de la nature, le rerident pins accessible
à tons les senlimens humains; et d'avoir une mère tendre,
ferme et pieuse, qui s'appliquait avec amour à former l'âme de
son fils. Hebel avait perdu son père de fort bonne heure ; encore
enfant, la pauvreté le contraignit à travailler dans les mines
de fers, principale ressource de la population au milieu de la-
quelle il vivait. Envoyé an collège de Bâle , par les soins de sa
mère qu'il eut le malheur de perdre bientôt après, il trouva
dans cette ville, et particulièrement dans la maison du briga-
dier Iselix, asile et protection. Ses progrès répondirent à tant
de bienveillance. Un prélat Badois, ayant fait la connaissance
dn jeune Hebel, sut le deviner, l'adopta, et lui fit faire d'excel-
lentes études de collège et d'université. A l'âge de vingt ans, il
subit d'une manière brillante des examens qui le firent recevoir
dans le clergé badois. Il remplit d'abord les fonctions de vicaire
d'un pasteur et de précepteur de ses enfans. Mais ses connais-
sances philologiques lui procurèrent au bout de trois ans une
place d'instituteur au collège deLœrrach,à deux lieues de Baie,
où le rappelaient souvent des relations d'amitié. Depuis 1791 ,
Hebel fut attaché à l'instruction publique et au service de
l'église , dans la ville de Carlsruhe, qu'il habita jusqu'à la fin
de ses jours. Si ses fonctions et ses titres relevèrent successive-
ment en dignité, dans cette double carrière, il grandit encore
plus moralement. C'était avec un dévoûment de cœur qu'il se
livrait au travail que lui imposait sa situation. Telle était sa
carrière publique, lorsqu'une maladie d'entrailles, dont le
principe existait depuis long-tems , le conduisit au tombeau ,
six jours après s'être déclarée d'une manière menaçante. Les
honneurs touchans rendus à sa mémoire dans la cérémonie de
ses funérailles , ont prouvé l'amour et le respect qu'avaient
voués à cet excellent homme les citoyens de toutes les classes
et de tous les âges.
Hebel avait mérité ces hommages, non seulement comme
fonctionnaire public, mais par son caractère, par ses vertus
privées, par la tendance de ses écrits et par son génie poé-
tique. Chrétien plein d'une foi vive, il porta dans toutes les
relations de la vie la noblesse et la pureté de ses sentimens ,
l'aménité et môme l'enjoûment d'une âme naïve et sereine. Ses
amis ont retenu une foule de traits qui attestent la bonté de
son cœur et sa gaîté habituelle. Ajoutez à tant de qualités pré-
cieuses, le plus aimable caractère, la plus heureuse organisation
intellectuelle, un coup-d'oeil pénétrant, une mémoire fidèle,
des saillies originales , le talent de la parole, et vous concevrez
ALLEMAGNE. Soi
l'ascendant qu'il exerçait sur ses alentours f le charme irrésis
lible qui faisait faire cercle autour de lui , dès qu'il raeootaii
une histoire populaire ou piquante , pu lorsqu'il parlait sur un
sujel instructif* Sa manière d'être et ses discours portaieni le
cachet d'une simplicité d'enfant, d'une naïveté «le sentiment
qui lui gagnait tous les cœurs.
Comme savant, comme écrivain , Eiebel aurait laissé le sou
venir de son passage sur la terre» lors même que ses poésies
ne lui donneraient pas un droit assuré à l'admiration. Passionné
pour les diverses brandies des sciences naturelles, il l'était sur
tout pour la minéralogie et la botanique; i\cux plantes. rap-
pellent son nom • Ucbclia allemunnica t ffeàelia Col lira. Il culti
vait avec un égal succès les mathématiques, les littératures
hébraïque, grecque, latine, italienne cl allemande.
Les écrits de cet homme remarquable appartiennent à di-
verses classes. Il composa j pour l'éducation religieuse de la
jeunesse , une Histoire de la Bible ( Biblische Geschichlen : fur
die Jugend bearbeitet. Stuttgart et Tubingue, 1822 ; Seconde
édition, 1824. In-8°. ) Écrit avec affectation, et destiné prin-
cipalement aux écoles de la campagne , ce livre a déjà porté de
bons fruits et il en portera encore.
Hebel avait également en vue l'éducation du peuple, lors-
qu'il prit part à la publication de V Almanach populaire badois
[Der rheinlàndische Eausfreund. Cdi\\sv\\\\c , 1808-1811 ; in-4°.
Kkeinischer Hau.sf reund. lbiâ. , i8i4-i8i5). Il en rédigeait la
partie qui devait servir de lecture et d'amusement. Là, sous
des formes tour à tour plaisantes et sérieuses, toujours
agréables , il répandit un trésor d'instructions utiles du do-
maine des sciences naturelles et de l'économie , de la morale
et de la religion. Ceux qui ne l'ont pas lu se feraient diffici-
lement une idée de l'attrait tout particulier de ses anecdotes
et de ses histoires : sa manière de raconter ne ressemble à
celle d'aucun autre écrivain. Ses articles, insérés dans les
quatre premières années de l'almanach, ont été rassemblés
en 1811, et réimprimés en 1818 , sous ce titre : Schatzkàsdein
des rheinischen Hausfreundes. Tubingue. In-8° (Trésor extrait
de X Ami des Jamilles pour les bords du Rhin).
Les siècles futurs pourront ignorer qu'Hebel fut prélat ,
docteur en théologie ,. conseiller ecclésiastique , etc. ; ils n'en-
tendront peut-être point parler de son savoir ; peut-être même
auront-ils oublié ses conte;; , qui cependant les intéresseraient ;
mais, à coup sûr, si beaucoup de noms aujourd'hui célèbres
étaient engloutis par les flots du tems , celui d'Hebel , poète ,
survivrait à ce grand naufrage. On n'a de lui qu'un petit
5o* EUROPE.
volume de poésies, sous ce titre : Allcmannische Gerfichte,
iiir Frcimde iàndlicher Nciîur urul SUlcn. ( Poésies allema-
niques , pour les amis de la nature et des mœurs champêtres).
Six éditions originales, publiées de i8o3 à 1821 , n'ont pas
suffi à l'avidité du public; les pirates de la librairie allemande
ont encore trouvé à faire leur profit de la réputation soli-
dement établie de l'ouvrage et de l'auteur. Le titre Ciallema-
niques désigne le dialecte dans lequel sont écrits 'es poèmes
d'Hebel ; c'est le dialecte de la partie du grand-duché de
Bade qu'il habita dans sa jeunesse, branche de l'idiome parlé
dans la Suisse allemande et dans les provinces d'Allemagne
limitrophes, où dominèrent les Allemanni ;. , après la grande
migration des peuples. Cet idiome , qui doit paraître barbare,
lorsqu'il n'a pour juge que l'oreille , est ravissant de grâce,
d'énergie et de naïveté. Il abonde en mots et en tournures
empreints de l'originalité du peuple qui le parle.
Ces mots, ces tournures , comme tout ce qui est parfai-
tement national, sont intraduisibles. L'idiome allemanique
seconde à merveille le poëte qui se plaît dans la peinture des
mœurs champêtres et qu'émeuvent les scènes de la nature. C'est
dans ce cercle d'objets et dans ce dialecte qu'Hebel s'est placé
au niveau des plus grands poëtes lyriques , anciens et mo-
dernes. La nature qu'il peint et les personnages qu'il met en
scène appartiennent, comme son langage, à la contrée où fut
placé son berceau. Mœurs, croyances, industrie, tournure
d'esprit, localités, tout est pris dans le monde réel qui l'en-
tourait , et a cependant un charme idéal et un sens poétique
très - profond. Sous les formes de la vie simple et vulgaire,
dont la fidèle reproduction est déjà une source de plaisir, le
poëte place les grands intérêts de l'humanité, les sentimens les
plus touchans que puisse inspirer le christianisme. Sous l'en-
veloppe du pâtre et du petit marchand, Hebel voit l'homme et
devine ses plus secrètes émotions. A ses yeux , la nature ina-
nimée elle-même est. remplie de sublimes symboles de la des-
tinée humaine. De là l'étonnante puissance que ces petits
poëmes exercent sur l'âme.
Voss, dans le nord de l'Allemagne, avait déjà porté atteinte
au crédit des Philis, des Daphné , des pastorales de salon;
Hebel , dans le midi, acheva de les discréditer. Le retour de la
poésie bucolique allemande vers la nature est en grande partie
son ouvrage. Heureux le poëte qui, comme Hébel , sait aimer
et comprendre la nature , et qui n'a besoin , pour trouver
le beau idéal, que de descendre dans son propre cœur!
C. MOSNARP.
siiissr.. 5o3
SllSSI..
Ptwhenade à lloiw y i. , ou Situation <u tucllc des établissement
de M. Emmanuel de Fsllshbsro. — L'établissement d'Iîofwyl
<-st à un peu plus de trois lieues de Berne. On s'y rend en
voiture, en une heure et demie, par un chemin très-beau et
très-agréable. On sort de la ville par la porte du nord, et l'on
monte assez long-tcms à mi -rôle, sur une colline de verdure,
dont l'aspect est délicieux. La construction de cette belle
chaussée fait le sujet d'une inscription monumentale, placée
sur la gauche. La route est plantée alternativement de frênes
et de platanes; elle est plus large que les routes ordinaires
de la Suisse : de là, on voit au loin sur la droite, vers le
sud-est, la fungfrau et sa sommité éclatante. Après avoir
traversé une belle campagne et le bois de Grauhbltz, on at-
teint, en s'élevant toujours, au territoire qui dépend de
Hofwyl, et l'on se trouve insensiblement arrivé à l'établis-
sement, sans avoir eu à franchir ni porte, ni enceinte. Les
abords sont suffisamment annoncés par l'aspect riant des cul-
tures, et par les bestiaux superbes qui paissent aux environs.
31. de Fellenberg a pris soin de réunir les vaches les plus
belles de l'Emmenthal et les bœufs de l'Oberland. Il est im-
possible de voir de plus belles espèces que celles qui servent
à l'exploitation de son domaine.
Un premier bâtiment est placé à gauche, en arrivant, au
bout d'une grande esplanade semi -circulaire. A l'autre extré-
mité du diamètre est un bâtiment semblable qui fait face au
premier; à droite est le bâtiment principal, composé de deux
étages, et dont la façade a plus de i5o pieds. C'est là que
j'ai été reçu et introduit par le fils de 31. de Fellenberg. L'in-
térieur est divisé par un vaste corridor; les salles sont très-
éîevées et aérées. C'est la partie qu'occupent les jeunes élèves
de la classe aisée, et où ils reçoivent leurs leçons. Les bâtimens
qui sont de l'autre côté de l'esplanade leur sont aussi desti-
nés; mais c'est pour y prendre les leçons plus bruyantes de
la gymnastique, de l'escrime et de la danse, qui incommode-
raient les professeurs des sciences et des lettres et distrai-
raient les étudians.
Y cinq minutes de chemin, dans l'intérieur du parc, est le
bâtiment de X Ecole d'industrie, appelée aussi V Ecole des enfans
pauvres. Vins loin est un bâtiment nouvellement élevé pour l'école
des jeunes filles, que Mme de Fellenberg a voulu prendre sous
sa direction. Auprès de là est un bâtiment pour l'école proje-
5o4 I EUROPE.
tée en faveur des classes moyennes de la société. Dans. diffé-
rons endroits du pare sont plusieurs constructions utiles à
l'exploitation de l'établissement, les ateliers de mécanique, les
laiteries, les vacheries, etc.
A la droite, c'est-à-dire derrière le grand bâtiment, est un
petit lac, avec un emplacement pour l'exercice de la natation.
Comme on reçoit dans l'institut des en fans extrêmement jeunes ,
» et même de cinq ans, M. de Fellenberg a fait construire ail-
leurs un bassin revêtu en pierre, où ils peuvent descendre
graduellement, par des marches très-peu élevées, et où l'on
soutient l'eau à la hauteur que l'on veut.
i° Institut pour les classes élevées de la société. -*- Le nombre
des élèves va toujours en augmentant. Aujourd'hui ce nombre
est de cent. En 1816 il n'était que de soixante. Des Anglais,
des Russes, des Polonais, des Italiens, des Espagnols et des
Français occupent une grande partie des places; le reste est
composé d'Allemands et de Suisses: Toutes les heures sont
remplies alternativement par l'étude des langues mortes et
vivantes, des mathématiques et de leurs applications, de la
chimie, de la physique, de l'histoire naturelle, de la musique,
des beaux-arts, de l'histoire, de la philosophie et de la mo-
rale, alternativement. Les professeurs et les maîtres ne sont
pas épargnés, et sont en général des hommes d'élite. On divise
les élèves par fractions relatives à leur degré de force, mais la
classification n'est pas absolue, ou rigoureuse, comme dans la
méthode des écoles élémentaires; le grand nombre des maîtres
n'exige peut-être pas qu'on y ait recours. Mais les élèves étudient
et s'exercent simultanément, et presque toujours devant le ta-
bleau. Le travail est de huit heures par jour. Le chant inter-
rompt les études abstraites, de la manière la plus heureuse;
dans le cours de ses promenades, et au moment où il s'y attend
le moins, le visiteur a l'oreille frappée d'un concert de voix
harmonieuses, qui se font entendre au loin dans la campagne.
On exerce les jeunes gens à l'équitation , à la natation, à la
danse et à l'escrime, et aux diverses parties de ta gymnastique.
On leur apprend même diverses professions mécaniques. Enfin
ils s'amusent à cultiver de petits espaces de terre qui leur
sont abandonnés.
J'ai remarqué sur tous les visages di>s enfans de cette nom-
breuse école, l'air du contentement et du bien-êîre, et les si-
gnes de la santé la plus prospère, fruit d'une nourriture aussi
saine que le climat, et surtout d'une régularité admirable dans
l'emploi des heures de la journée. M étant informé de la morta-
lité qui existe parmi les jeunes gens, j'ai été surpris d'apprendre,
SUISSE. Mi
par M. le comte de Ville vieille, ami et collaborateur (Je M. Fel-
lenberg, que, depuis dix ans qu'il est dans l'institut, aucun
élève n'y est mort (1).
JVmlant les leçons, les étrangers ne pénètrent point dans les
salles, à moins d'y être autorisés par M. de Fellenberg.
On peut demander si les progrès sont bien étendus dans
une institution où le ressort de l'émulation n'est presque pas
employé. On sait (pie c'était un des principes de la méthode
de Pestalozzi. On est encore divisé sur la question de 1 émula-
tion envisagée sous le rapport moral; mais il semblerait que
l'expérience est en faveur de l'émulation, employée avec les
ménagemens convenables, comme moyen de développer l'ima-
gination et le talent. Si elle ne contribue pas toujours au bon-
heur des individus, elle est au moins, pour la société, d'un
avantage incontestable. Selon moi , c'est là que la question se
réduit. Si l'on accorde que l'état a le droit de diriger l'éducation,
il faut reconnaître que son intérêt commande l'emploi de la dis-
cipline et de l'émulation dans les écoles publiques. Mais une
question si grave ne doit pas être traitée dans un si court
aperçu.
Autant que j'ai pu le savoir, l'enseignement se fait en langue
allemande, tellement que les premières leçons données à un
élève étranger, consisteraient dans l'élude de cette langue. Ce-
pendant, tout le monde entend le français. On fait en sorte de
conserver les élèves le plus long-lems qu'il est possible à l'éta-
blissement, pour leur donner une éducation complète.
2° Ecole des en/ans pauvres, ou école d'industrie. — C'est
l'école des pauvres que je désirais principalement connaître,
'et M. le comte de Villevieille, en l'absence de M. de Fellenberg,
a bien voulu m'exposer d'abord le plan qu'on suit à leur
égard dans la maison. Le principe fondamental de M. de Fel-
lenberg est que le bonheur des différentes classes de la société
repose sur le travail en général, mais surtout sur l'agriculture.
Cette vérité n'est pas neuve; le grand mérite est d'avoir mis le
principe en expérience et en application journalière, et d'avoir
fondu, pour ainsi dire, l'éducation intellectuelle avec l'éduca-
tion agricole. Il faut connaître ce motif du fondateur pour
comprendre l'école des pauvres de Rofwyl : car on se trompe-
rait si l'on croyait pouvoir la visiter à toute heure de la jour-
née, comme on visite nos écoles gratuites. J'avais moi-même
commis cette méprise, et l'examen des lieux m'a détrompé.
(i) Chaque élève paie 2,800 fr. de pension annuelle.
5o6 EUROPE.
Les élèves travaillent neuf heures par jour en été; huit
heures et demie en hiver. Il n'y a que deux heures consacrées
à l'étude en été, et une heure et demie seulement en hiver;
tout le reste du tems, c'est à-dire sept heures, sont occupées
au dehors, à la culture des terres, ou au travail manuel.
Comme les jeunes gens doivent séjourner seize ans à l'école,
depuis l'Age de cinq ans jusqu'à vingt et un ans, on a calculé
que le quart du tems consacré chaque jour à l'instruction mo-
rale et intellectuelle était suffisant. Pendant ce tems, ils pren-
nent des habitudes laborieuses et ils profitent alors, même au
moral, en appliquant leur intelligence à des combinaisons tou-
jours nouvelles. Je lésai vus labourer, piocher, traîner des
fardeaux, etc.; et les mêmes enfans, le lendemain matin, ont
écrit, dessiné, calculé ou étudié une leçon de géographie.
Malgré la fatigue qu'ils ont à supporter, le mouvement, l'ac-
tivité, la gaieté sont les mêmes que dans l'autre institut.
Cette école est composée aujourd'hui de cent huit élèves
qui ne paient absolument rien. Le fondateur en élève trente à
ses frais ; le reste est soutenu par dilférens bienfaiteurs et sous-
cripteurs. Jusqu'à l'âge de quinze ans, le travail d'un élève n'est
point productif; mais après cette époque, le produit de son in-
dustrie couvre les frais de son éducation et de son entretien.
Dans les classes, outre la lecture, l'écriture, les leçons mo-
rales et religieuses, et les élémens du calcul, ils apprennent
un peu de géométrie, le chant , la botanique, et toujours une
profession mécanique. On leur fait dessiner d'après nature,
non-seulement les .plantes, mais les outils, les meubles, les
instrumens et les machines. J'ai été très-satisfait de leurs des-
sins. Ils exécutent aussi des reliefs des montagnes de la Suisse,
et ils font des herbiers. /
On a remarqué qu'il y avait très-peu ou point du tout de
voix fausses parmi ces jeunes gens; ce qui n'arrive pas dans
l'autre institut. Peut-être la cause en est qu'ils sont presque
tous Suisses ou Allemands.
Rentrés chez leurs parens,les élèves de l'école des pauvres
ont une conduite exemplaire; ils contribuent à répandre les meil-
leursinstrumens aratoires, les méthodes perfectionnées pour la
culture, et les arts mécaniques. Malheureusement, les familles
les retirent souvent avant le tems. J'ai vu dans la classe le
directeur immédiat de l'école des pauvres, si connu sous le
nom de Wchrli que ce nom est devenu générique. On demande
souvent à M, Fellenberg de procurer un JVehrli, c'est-à-dire
un sujet capable de conduire une école semblable; dans le
nombre des élèves, il en est en effet que l'on forme pour cette
SUISSE. »<■-:
honorable destination. .iVn ;ii vu deux destinés pour la Franoe
ri demandes par S. A. Et. le duc d'( )rl< ans ; six autres ont
été demandés pour le même paya. Nous dévoua voir avec
joie se réaliser l<- vœu que forma i t , i ! y a <1 i x ans, un généreux
philantrope , lorsqu'il rendait compte de la situation des insti-
tuts d'Hofwyl , en 1H1G (i), dans un exposé plein d'intérêt et
de vues otites.
Le nombre des personnes qui dépendent de l'institut d'édu-
eation est de trois cents
Sous le rapport de I -agtf ieulture , l'établissement d'Hofwyl
donne de très-beaux résultats, et il est en état de grande pros-
périté. Mais je n'ai point à m'en occuper ici. Le domaine a
ui/| arpens. lia jadis appartenu à M. d'Erlach. C'est en 1799
que M. de Fcllenberg a jeté les fondemens de l'institution.
I.e respectable fondateur est le premier à faire l'éloge de
notre ferme expérimentale de Roville et de M. Mathieu de
Dombasle , et il conseille même d'y envoyer des élèves, quand
ou n'a pas le double but de donner en même Jems de 1 édu-
cation et des leçons d'agriculture.
L'école intermédiaire, pour les classes moyennes de la société,
sera bientôt ouverte à Hofwyl;le bâiiment qu'elle doit occuper
est Uni. Jïeaucoup d'élèves sont déjà inscrits. Le nombre des
places sera de cinquante, et le prix total de la pension de
1200 fr. M. de Fellenberg empruntera aux deux autres éta-,
blissemens tout ce qui peut convenir aux individus que leurs
familles destinent au cemmerce, aux manufactures, et aux
professions libérales. Cette institution nouvelle ne peut manJ
quer d'avoir le même succès que les deux autres. Jomard.
Genève. — Nécrologie. — Henri Boissier. — Cet homme
vertueux, l'un des meilleurs citoyens de Genève, qui est l'objet
des regrets universels dans sa patrie, a consacré, par son tes-
tament, une grande partie de sa fortune à des œuvres de
bienfaisance et d'utilité publique. Il a laissé une somme de
11,800 fr. pour être répartie entre diverses classes de pauvres
par les bureaux de bienfaisance du canton; 2,5oo fr. au canton
vi) Voyez le Précis sur les Instituts d'éducation et d'agriculture de
M. de Ff.lleivberg , par M. M. -A. Jijllien, dans le tournai d'édu-
cation , t. m, page 7 i. En comparant les deux relations , on voit quel
accrois.sen.ent a pris cet établissement , qui semble avoir presque triplé
en dix années. Consultée aussi les tomes v , ix , xi, xvm , xxn ,
xv\it wvir, xxxrn ci xvxrv de la Iicvuc I .tu tclo/xdiam\
5o8 EUROPE.
de Vaud, moitié pour les écoles- d'enseignement mutuel,
moitié pour les incurables; 12,000 fr. à la Confédération suisse
pour des travaux d'utilité publique ; 5,ooo fr. pour le quai du
Rhône, et 245,000 fr. à un comité d'utilité cantonnait* fondé
par des dispositions jointes à son testament. N.
ITALIE.
FIorence. — État de t 'instruction publique. (Extrait d'une lettre
écrite de Londres, en date du 2 novembre 1827, par un
Italien.) — M. Charles Dupin, dans son ouvrage sur les forces
productives et commerciales de la France, cite la Toscane
comme un des pays dans lesquels l'instruction populaire est le
plus répandue. Les faits que je réunis ici et qui concernent la
ville de Florence, pourront servir à confirmer cette assertion.
La population deFlorence s'est accrue, pendant les dix dernières
années, de 10 mille habitans à peu près; elle s'élève aujour-
d'hui à 92 milie et au delà. On compte dans cette ville 4 écoles
d'enseignement mutuel soutenues par la munificence des par-
ticuliers; 3 écoles élémentaires ( où l'on suit encore l'ancienne
méthode) qui sont à la charge de la commune, et un nombre
bien plus grand d'institutions primaires dirigées par des maîtres
particuliers qui en font un moyen d'existence. L'instruction
classique est confiée à deux écoles publiques régies par des
moines, et à plusieurs instituteurs particuliers. Mais le coins
d'études qu'on suit dans ces deux écoles paraît encore bien
défectueux. Un Conservatoire d'arts et métiers avec des cours
de mécanique et de chimie appliquées aux manufactures et aux
métiers, fait partie de l'Académie des Beaux- Arts ; mais, soit
défaut d'organisation ou de méthode, il n'a pas atteint jusqu'ici
son but, c'est-à-dire, l'instruction de la classe ouvrière. Il est
inutile de vous dire que, dans cet établissement, l'enseigne-
ment est gratuit.
Plusieurs établissemens offrent aux femmes le bienfait d'une
instruction appropriée aux diverses classes de la société. Le
grand duc LéopoldIer, dont la mémoire est encore chère à la
Toscane, fonda des écoles normales pour l'instruction élémen-
taire des femmes. On compte à Florence 4 écoles de cette espèce
où l'on enseigne à lire, à écrire, à chiffrer, et les travaux de
main. On n'y suit pas encore malheureusement la méthode de
l'enseignement mutuel. Des revenus affectés à leur entretien
garantissent l'existence de ces écoles et permettent que l'ins-
truction y soit donnée gratuitement. Six maisons d'éducation
sont ouvertes aux besoins des classes aisées. Un de ces établis-
[TALIB. Sog
semens vient d'être fondé dernièrement. Il est organisé d'après
les meilleurs principes, et sons la protection de S. A. K. la
grande-duchesse régnante qui lui porte un Intérêt pressant et dos
soins éclairés. Une des conséquences immédiates de la bonne
organisation de ce nouvel établissement a été l'amélioration des
maisons d'éducation qui existaient déjà.
Quatre bibliothèques publiques fournissent de larges moyens
d'instruction aux individus de toutes les liasses; des cabinets
de lecture permettent au public d'acquérir la connaissance
immédiate de tout ce qui se passe d'intéressant dans le monde
politique et littéraire. Une société d'agriculture mérite bien du
pays pour la propagation de bonnes méthodes parmi les pro-
priétaires.
Deux journaux se publient à Florence. L'Anthologie, journal
littéraire et scientifique, est peut-être le meilleur qui paraisse
dans la péninsule italienne. Une sage liberté domine dans toutes
ses discussions. — Un journal d'agriculture vient de paraître,
celte année; lors de la publication du second cahier, il
comptait déjà plus de 600 abonnés en Toscane; circonstance
qui fait à la fois l'éloge de ses rédacteurs, et qui dépose en
mêms tems en faveur d'un pays où l'esprit de lecture se répand
chaque année de plus en plus. À ce sujet il est bon de remarquer
que le nombre des imprimeries a doublé à Florence depuis
six ans.
Je pourrais citer encore d'autres établissemens littéraires ,
comme Y Académie de la Crusca , chargée de la rédaction
du nouveau dictionnaire; de la Société de Statistique qui vient
dernièrement de se former, et de plusieurs sociétés analogues;
mais, comme toutes ces institutions n'ont pas pour but direct
l'instruction de la jeunesse des i\cux sexes, je me dispenserai
d'en parier. — Si j'avais été sur les lieux, lorsque je traçai ces
lignes, j'aurais peut-être pu les faire suivre de résultats
numériques, qui sont toujours très-concluans dans ces sortes
de matières; mais, à une si grande distance, cette tâche est
impossible à remplir. Il serait à souhaiter que quelque homme
de lettres se livrât en Italie à des recherches de ce genre :
la statistique est l'état civil des nations; mundus stat in numéro ,
pondère et mensurâ. J'ai 1 honneur d'être. S***.
Venise. — Monument en l'honneur de Canova. — Le monu-
ment consacré à Canova est presque achevé. On sait que toutes
les contrées civilisées de l'Europe ont, à cette occasion, pavé
leur tribut d'admiration au génie d'un grand artiste dont les
chefs-d'œuvre honorent notre siècle. D'après la relation publiée
à Venise [ // monumento a Canova cretto in Venczia. Alvisopoli ,
5 m EUROPE.
i 8 ia 7 . Irt-$0.), le montant des souscriptions s'élevait à la somme
♦le 8ooo seqnins, dont pins d' (in quart provient de l'Angleterre;
un autre quart, ou à peu près, est dû à d'autres pays étrangers,
et principalement à la France et à l'Allemagne; l'Italie, et sur-
tout les villes vénitiennes, ont fourni ie surplus de cette somme.
L'Amérique méridionale y a aussi contribué par un don de
4o sequins. Le monument exécuté, dans l'espace de quatre ans,
et d'après les dessins de Canova lui-même destinés à un mo-
nument en l'honneur du Titien, par des artistes presque tous
vénitiens et regardés comme les élèves favoris de Canova , est
en marbre de Carrare. On doit surtout des éloges au zèle de
M. le comte Cicognara, l'auteur de X Histoire de la Sculpture ,
l'un des amateurs les plus éclairés des arts en Italie, et l'ami le
plus intime du grand artiste auquel il vient de rendre un der-
nier hommage. Ce monument, élevé dans l'ancienne église des
Frari , présente une pyramide devant Laquelle est une porte en
bronze ouverte; au-dessus, deux renommées soutiennent l'ef-
figie de Canova , entourée d'un serpent ; à droite , la Sculpture,
en montant les degrés de la pyramide, porte le cœur de Ca-
nova pour le déposer dans une urne cinéraire; elle est suivie
de la Peinture et de l'Architecture, accompagnées par leurs
divers génies. A gauche, sur le seuil de la tombe, repose le lion
vénitien, interprète de la douleur de la patrie de Canova; il
soutient sur son dos le génie du grand artiste qui montre, en
versant des pleurs, son flambeau éteint. Le socle delà pyra-
mide offre l'épigraphe suivante : Antonio Canovœ — Principi
sculptorum œtatis suce — Collegium venetum bonis artibus exco-
lend. — Sodali maximo — Ex conlatione Europœ universœ —
A. MDCCCXXVII. Quelques accessoires seulement ne sont
point encore terminés. On frappera une médaille qui repré-
sentera le monument et le portrait de Canova. F. S.
PAYS BAS.
Académies de Louvain et de Groningue. — Nous avons
sous les yeux les programmes des cours de ces deux célèbres
Académies pour l'année scolaire de 1827 à 1828. En parcou-
rant ces feuilles, nous avons remarqué, avec une satisfaction
qui sera partagée par tous les amis des lettres et de la philo-
sophie, un sage enchaînement d'études successives, et l'insti-
tution de plusieurs cours que l'on s'étonne de ne pas trouver
dans toutes les contrées qui se font gloire du perfectionnement
de leur instruction. Us manquent, même en France. Nous
voulons parler d'une chaire pour l'histoire nationale et la sta-
PAYS-BAS. f.n
(isfique spéciale àtfs Pays Bas, el d*uhc seconde chaire où Foh
professe la théorie générale « 1 < • la statistique développée paf
des exemples er l'histoire de celle scieiuv. D'autres chaires
encore sont Consacrées a renseignement de I histoire des gon
vcriii'inciis de l'Europe, à lVjiposition des doctrines politiques
et à la comparaison raisO^riéc des constitutions du rovanme
des Pays-Ras, de la France, de l' Allemagne el de l'Angleterre.
Ces institutions appartiennent spécialement à l'Académie ds
Louvaiti, et font partie de sa faculté de philosophie el belles*
Icitres; les professent s sont MM. I)t mkkc.k, pour l'histoire
politique de l'Kurope ; (YTove, pour la théorie générale de la
statistique et le parallèle des constitutions, et Wissernui , pour
I histoire et la statistique nationale. \ï Académie de Gf&rdngue
se distingue par renseignement de l'histoire diplomatique des
peuples de l'Europe, et par celui des antiquités hébraïques el
de la littérature orientale.
Bruxeii.es. — Sorlrtr pour l* Utilité publique. — La section de
la Société pour l'utilité publique ( Tôt mit vant algcrneen )
établie à Bruxelles, a tenu, le 12 de ce mois, à la Maison-de-
Ville,unc séance solennelle pour la distribution de médailles
et d'autres récompenses. M. Orts, conseiller à la cour supérieure
de justice, président, a ouvert la séance et en a fait connaître
l'objet et le but, dans un excellent discours en langue natio-
nale. On a procédé ensuite à la distribution des récompenses
accordées par la Société pour des actes de courage et de dé-
rouillent. Deux jeunes gens, MM. WiUcr et Van Erkclens , ont
été jugés digne.) de cette distinction , pour avoir retiré de l'eau
un enfant au péril de leur vie : et c'est le père même de cet
enfant, M. Tctar Van Elvcn , membre de la Société, qui a
remis la médaille aux sauveurs de son fils. Les discours de
MM. Verbruggen, avocat, et Gachard, secrétaire archiviste
adjoint du royaume, prononcés, le premier en langue natio-
nale, le second en français, ont obtenu l'approbation générale.
M. Verbruggen a pris pour texte l'amour de la patrie, l'obli-
gation où sont les citoyens de se familiariser avec tous les
devoirs qu'elle impose. M. Gachard a offert le tableau de la
prospérité dont jouissent les Pays-Bas sous le gouvernement
sage et paternel d'un roi citoyen et ami de sou peuple. L'ora-
teur, après avoir parlé en général de l'état prospère de la
Belgique, comparativement à ce qu'elle a été sous plusieurs
règnes précédées, même sous celui de Marie-Thérèse, le plus
riche en souvenirs, a démontré tous les avantages de l'instruc-
tion publique et ses heureux résultats, attestés par les DdticeS
5ia HA EUROPE.
statistiques récemment publiées sous les auspices du gouver-
nement.
A ces discours a succédé la distribution du prix proposé
pour la meilleure topographie de cette ville, à l'usage des
écoles primaires. M. le président a fait connaître que ce sujet
intéressant ayant été traité d'une manière satisfaisante, dans
un style et avec des formes qui doivent le rendre agréable
et utile , non-seulement à la jeunesse , mais à toutes les classes
de lecteurs, par M. Somerhausen, docteur en philosophie et
membre de la section , le jury lui avait décerné le prix : il a
remis, en conséquence, à M. Somerhausen une médaille d'or
due au talent de M. Braemt. M. B«
Amsterdam. — La Société pour l'amélioration morale des
condamnés a tenu sa troisième séance annuelle, le 26 du mois
d'avril passé, sous la présidence de MM. C. Van Hall. Les
rapports des travaux des différentes commissions provinciales
ou locales ont présenté plusieurs détails intéressans. La Société
forme les vœux les plus ardens pour l'érection d'une prison
séparée, destinée aux jeunes condamnés , afin de pouvoir tra-
vailler avec un espoir fondé de succès à leur réforme. Pendant
cette année, la Société a reçu les preuves les plus convaincantes
de la bienveillance de S. M. et de son gouvernement : mais
elle n'a point trouvé une participation aussi active, ni aussi
générale qu'on avait lieu de l'espérer. Peut-être faut-il attri-
buer ce fait au peu de publicité qu'ont obtenu ses travaux. Le
procès-verbal de la séance, publié et distribué aux membres,
contient des preuves irréfragables de la sincérité et de la
véracité des rapports communiqués, puisque les différentes
sections font mention, tant des cas où leurs efforts n'ont pas
réussi , que de ceux où ils ont été couronnés par des succès
satisfaisans. La Hollande, où le célèbre Howard déclara qu'il
avait trouvé les prisons les mieux organisées, prouvera aussi
bientôt que, quoiqu'il existe des condamnés assez pervertis
pour que tout essai de réforme devienne infructueux , il y en
a beaucoup aussi qui ne désirent que de rentrer dans la bonne
voie, aussitôt qu'on leur tendra la main pour les relever. X.
FRANCE.
Sociétés savantes et Etablissemens d'utilité publique.
Arras [Pas-de-Calais). — Société pour V encouragement des
sciences , des lettres et des arts. — Prix proposés. — La Société
propose, pour les prix à décerner en 1828, les sujets suivans :
DÉPARTEMENT- -PARIS. r,i ',
t° Utilité publique. ■ Quels seraient Les moyens de procurer
à la ville d'Àrras des eaux salubres, smi par des pompes, des
fontaines faillissantes, ou t<>ui autre procédé, afin de faire
disparaître les nombreux înconvéniens des puits actuels?»
/'//.;• .- Médaille d'or de 9oo lianes. Les Fonds de ce pria
vont fournis par l'administration municipale.
2° Economie rurale, i" Mémoire dans lequel on combattra
les erreurs, les habitudes routinières et les préjugés qui
entravent les progrès de l'agriculture. Prix : Médaille d'or
de la valeur de den\ cents francs. 2° Instruction élémentaire
sur la multiplication et le bon emploi des engrais, ainsi que
sur les avantages du nouveau système de culture; : les asso-
Icmens raisonnes. Prix : Médaille d'or de cent francs. Les
fonds de ce second prix d'économie rurale sont faits par un
agronome qui a voulu garder l'anonyme*
3° Morale, rt Serait-il avantageux de commencer l'enseigne*
nient des sciences, pour les enfans , à leur sortie des écoles
primaires, par l'étude de la langue française, du dessin, de
la géographie et de l'histoire, et de renfermer dans celte
dernière un cours de morale et de religion, en renvoyant à
une époque plus éloignée, c'est-à-dire , quand les enfans au-
raient atteint au moins l'âge de douze ans , l'étude des langues
latine et grecque ? Quels seraient les avantages ou les incon-
xéniens de cette nouvelle méthode ? » Prix : Médaille d'or de
deux cents francs.
4° Discours en prose. « Examiner, d'après l'histoire des peu-
ples anciens et modernes , jusqu'à quel point est vraie cette
proposition : Les siècles les plus ignorans et les plus grossiers
ont toujours été les plus vicieux et les plus corrompus; en
écartant avec soin toute idée qui tiendrait aux paradoxes sur
l'inutilité , ou le danger des sciences. » Prix : Médaille d'or de
deux cents francs.
t.es ouvrages envoyés au concours pour 1828, devront
être adressés , francs de port , à M. le Secrétaire perpétuel . et
être parvenus avant le ier juillet, terme de rigueur.
PARIS.
Institut. — académie des sciences. — Séance du 11 oc-
tobre 1827. — MM. Legendre , Lacroix, Fourier et Damoiseau,
font un rapport sur le mémoire de M. Binet, relatif à la dé-
termination de l'orbite des planètes et des comètes.
Du 29. — MM. Desfontaines et MirbeliouX. un rapport sur le tra-
vail botanique présenté par M. Despréaux, et qui a pour titre :
t. xxxvi. — Novembre 1827. 33
5i4 FRANCE.
Essai sur les luminaires des eôtes de. la Normandie. Le genre lu
mineure y qui appartient à la grande classe des hydrophytes,
et qui a donné son nom à la famille des laminaires, a été établi
par Roussel et perfectionné par MM. Lamouroux , Agardt et
Bory- de-Saint-Vincent. Mais il importait d'étudier les espèces
avec soin et de les définir avec précision; c'est ce que M. Des-
préaux a fait pour les laminaires des côtes de la Normandie.
Il résulte de ses recherches qu'il n'existe sur les côtes que cinq
espèces de laminaires, tandis que les auteurs en indiquaient
plus de quinze. Il eût été bien facile à M. Despréaux d'al-
longer encore la liste des espèces dont on a si mal à propos
gratifié le genre laminaire ; il lui suffisait pour cela de donner
des noms spécifiques à une foule de variétés qui s'offraient à
lui; mais il a été mieux inspiré. Il n'a pas fait d'espèces, parce
qu'il n'y avait pas lieu d'en faire, et il a rejeté, au moyen
d'une critique judicieuse, toutes celles dont les titres étaient
illégitimes. C'est particulièrement sous ce point de vue que son
travail, auquel il a joint douze excellentes figures coloriées,
nous paraît mériter l'approbation de l'Académie. (Approuvé.)
— MM. Cordicr et Brochant de Filliers font un rapport sur un
travail envoyé par M. Marcel de Serres : Note sur les volcans
éteints du midi de la France, dont les éruptions ont été posté-
rieures au dépôt du deuxième terrain d'eau douce de MM. Cu-
vier etlBrongniart. «L'auteur s'occupe principalement du terrain
d'eau douce des départemens des Bouches-du-Rhône, du Rhône»
du Gard et de l'Hérault, qu'il regarde comme ayant élé formé
immédiatement avant les produits volcaniques de cette partie
de la France, quoique ces produits en soient réellement re-
couverts. Des détails qu'il donne sur la composition du terrain
d'eau douce, M. de Serres conclut (et c'est là ce qu'il regarde
comme le point essentiel de sa Notice) , que tantôt les matières
volcaniques arrivaient de l'intérieur de la terre avec assez de
force pour se répandre à la surface après avoir saisi des masses
de calcaire d'eau douce, et que tantôt elles n'ont pu que soulever
la grande assise de calcaire et s'étendre par dessous. » L'auteur
promet d'appuyer ces conclusions par des détails convenables
dans l'édition nouvelle qu'il donnera bientôt. Cette promesse
nous dispense de manifester aucune opinion sur les explica-
tions de M. de Serres. Nous remarquerons seulement qu'elles
rentrent dans l'hypothèse qui a été présentée par Hutton, il y
a quarante ans. Nous pensons que les renseignemens donnés par
M. de Serres sur les produits volcaniques et le calcaire d'eau
douce dont il s'agit, offrent un véritable intérêt, et qu'il est a
désirer que ce géologue fasse bientôt connaître au public les
paiws. r>.^
observations nouvelles qu'il annonce avoir recueillies sur les
volcans éteints du midi de la France. » (Adopté.)
— Du 5 novembre* — L'Académie va an scrutin pour l'élec-
tion d'un membre dans la section de physique générale. Sur
/i9 votans, IM. Savart réunit ag voix ; M. Cagniûrt-Latour <)\
M. Potiïllet 6; !M. Desprett 5, Bn conséquence, M. Savart est
élu par l'Académie. — MM. Bouvard et Mathieu font; uri
rapport sur l'utilité de la conservation de la demi-lune cons-
truite en 1801 autour de la pyramide qui marque le terme
boréal de la base de Melun. «La détermination de la longueur
de l'arc du méridien qui part de Dunkerque et qui traverse la
France repose sur la mesure effectuée sur le terrain des hases
de Melun et de Perpignan. Il était donc d'une grande impor-
tance de bien fixer et de bien conserver les extrémités de ces
bases. Les points extrêmes de la base de Melun sont enfermés
dans des massifs de pierre de taille recouverts d'une pyramide
très-éciasée. Des bornes plantées autour, sur une circonférence
de plus de deux .mètres de rayon, empêchent les voitures d'en
approcher. Le terme boréal de cette base se trouve à l'entrée
de la commune de Lieursaint, et la pyramide élevée sur l'acco-
tement de la route royale n° 5 est entourée d'une demi-lune.
M. le comte de Nanteuil ayant demandé dernièrement la res-
titution du terrain occupé par cette demi-lune, le préfet de
Seine-et-Marne, avant de statuer sur cette réclamation, a
consulté l'Académie pour savoir si la demi-lune peut-être sup-
primée sans inconvéniens, ou du moins son emplacement très-
réduit. » L'Académie décide que cette pyramide , construite
en 1801 par les Ponts-et-Chaussées, doit rester dans toute sa
grandeur. — MM. Gay-Lussac et Cordicr font un rapport sur
le Mémoire de M. Gendrin, médecin, qui a pour titre :
Quelques expériences sur la chaleur des eaux thermales. « L'au-
teur rapporte plusieurs expériences fort simples qu'il a faites
à Plombières, dans la vue de déterminer les effets thermomé-
triques des eaux chaudes de cette localité, comparativement à
ceux de l'eau ordinaire élevée aux mêmes températures; il a
trouvé que ces effets sont à très-peu de chose près les mêmes.
Ces résultats, connus depuis long- tems , n'apprennent rien au
chimiste et au physicien ; maison peut les envisager comme
offrant une application utile des principes de la science, comme
une démonstration directe propre à dissiper beaucoup de pré-
juges populaires. Dès lors, le travail de l'auteur n'est pas dé-
pourvu d'intérêt. Les membres de l'Académie qui ont récem-
ment visité des établissemens thermaux doivent avoir remarqué
qu'en effet, malgré les progrès des connaissances exactes j 1«
33;
5i6 FRANCE.
vulgaire est loin d'être désabusé d'une foule de notions fausses
que les siècles d'ignorance,amisdu merveilleux, luiont transmises
i elativement aux eaux minérales. En attendant que ces erreurs
soient dissipées, on doit louer les tentatives qui seront faites
pour éclairer les personnes étrangères aux sciences par des expé-
riences à leur portée. Accessoirement à son travail, M. Gen-
drin fait connaître que la source du grand bain à Plombières
lui a offert une température de 5o°Réaumur, c'est-à-dire, la
même que celle que Nicolas Martinet, Saussure et M. Jacquet
lui ont trouvée depuis 1778; que cette constance de tempéra-
ture a lieu pour toutes les autres sources de Plombières, excepté
deux qui varient de i°, tantôt en plus, tantôt en moins ; enfin,
qu'ayant jaugé la source du grand bain, il en a trouvé le pro-
duit semblable à celui quia été constaté en 1778, à un peu
plus de 63 mètres cubes en vingt-quatre heures. » L'Académie
approuve le Mémoire de M. Gendrin. — M. Cauchï présente un
Mémoire sur quelques propositions fondamentales du calcul
des résidus.
Du ±1 novembre. — M. Girard lit un Mémoire sur quelques
étalons de l'ancienne coudée égyptienne , récemment découverts.
— MM. Chaussier, Duméril et Bayer font un rapport sur deux
Mémoires relatifs à '.'iris et aux pupilles a rtifitielles, présentés par
M. le docteur Faure. « Ces mémoires renferment des vues
neuves, desobservations intéressantes, des expériences curieuses
et des préceptes utiles. Vos commissaires estiment qu'ils méritent
l'approbation de l'académie. Us estiment aussi qu'il est à
souhaiter que M. Faure , qui promet un travail complet sur
l'iris et les pupilles artificielles, accomplisse sa promesse, » —
MM. Pellctan et Boycr font un rapport sur deux observations
qui ont été adressées par M. Barny, médecin à Limoges, et
qui ont pour titre : Deux cas de luxation des vertèbres cervi-
cales avec compression de la moelle épinicre. — M. Frey-
cinet donne lecture dune lettre de M. Gaymard, datée de la
Nouvelle Zélande, le 4 mars 1827 , et qui fait connaître divers
détails de l'expédition de la corvette 1 Astrolabe. — MM. Des-
fontaines et Coquebert- Mo ntbr et font un rapport verbal sur le
premier cahier des Annales des Sciences de la Havane , publiées
par M. Ramon de la Sacra, professeur de botanique dans
cette ville (Voy. ci-dessus, p. 375). A. Michelot.
. — Académie française. — Séance du i3 novembre 1827, pour
la réception de M. Royer - Collard. — L'Académie française
avait à remplacer dans son sein l'un des mathématiciens les plus
distingués du siècle dernier, M. de Laplace , dont les titres à
la célébrité reposaient principalement sur son Exposition du
PARIS. 5i 7
syslcme du monde , ouvrage où l'asti 'OBOmic se trouve réduite
à un problème de mécanique, et qui iii admirer la simplicité <1 c r
la cause dans la complication infinie de* effets. Mlle avait choisi
à L'unanimité M. Royk&-Colla&d que les départemens aujour-
d'hui se sont dispute l'honneur d'avoir pour représentant , et la
séance était consacrée à la réception de cet orateur.
La salle était remplie des hommes les plus recommandablcs
de la capitale, et lorsque M. Iloycr-dollard s'est présenté, il a
été accueilli par des acclamations et des applaudisscineiis re-
doublés ; on s'était levé pour lui rendre hommage; et, si l'émo-
tion delà reconnaissance a, pour un moment, troublé ses pre -
miers accens, il a bientôt retrouvé cette dignité calme , cette;
élégante gravité, ce caractère dominateur d'un orateur noble-
ment conliant dans ses forces, qui donnent a ses paroles tant
d'autorité et qui remuent si profondément le.-> âmes.
Le discours de M. l\oyer-Collard a été souvent interrompu
par des applaudissemens ; et le récipiendaire en a été couvert
encore, long-tems après avoir cessé de parler. Nous avons retenu
les passages suivans de son discours : «■ Messieurs, appelé par
vos suffrages à m'asseoir au milieu de vous à la place d'un de
vos membres les plus illustres , je ne dois pas me défendre de
l'émotion respectueuse où me jette d'abord un honneur si impo-
sant et si imprévu. Qu'y a-t-il , en effet , entre l'Académie fran-
çaise et moi ?... Jusqu'à ces derniers tems, ma vie , étrangère à
vos travaux, s'est écoulée loin de votre commerce, stérilement
commencée dans les agitations de nos troubles ou cachée dans la
retraite... Il est donc manifeste, Messieurs, qu'une pensée nou-
velle vous a dirigés dans un choix qui ne vous était pas indiqué
par vos traditions et que leur autorité ne semble point con-
firmer. — Du sein de la littérature, de ce monde intellectuel où
l'Académie réside, elle ajeté les yeux autour d'elle, et elle a vu
qu'à travers une profonde révolution sociale, la délibération pu-
blique étant devenue la loi de notre gouvernement, la tribune
s'est élevée au milieu de la France attentive, et la parole a pré-
sidé aux affaires. Dans ce noble champ ouvert à la parole, nous
voyons, nous, les triomphes de la justice et de la liberté, lents
peut-être et laborieux, mais assurés; il vous appartient à vous,
Messieurs, d'y voir aussi les travaux de l'éloquence. Tandis que
nous célébrons dans notre Charte immortelle la restauration de
la dignité nationale, le gage inviolable de la concorde et de là
félicite publique, vous, Messieurs, il vous appartient d'v décou-
vrir un progrès de la raison, un exercice viril de nos plus
hautes facultés et , par conséquent , un accroissement de la lit-
térature. ( Mouvement marque y Quelque imparfaits fjue soient
5iS FRANGE.
mes titres, il vous a plu d'y voir, par une indulgente fiction ,
ceux de la tribune française; et en m'adoptant, c'est avec elle
que vous contractez , au nom des lettres, une solennelle al-
liance. »
Apres quelques observations fort spirituelles et fort applau-
dies sur la nature du beau qui se sent, mais ne se définit point ,
M. Rover -Collard ajoute : a Entre les circonstances qui sont
les plus favorables à la littérature , la liberté politique doit être
sans doute comptée au premier rang... Il y a dans la liberté un
beau et profond sentiment d'où jaillissent , comme de leur
source naturelle, les grandes pensées aussi bien que les grandes
actions... Si la liberté n'est pas dans les lois, elle vit néanmoins
dans les âmes, elle est présente aux esprits qui la regrettent ou
qui l'appellent... Les saints droits de l'humanité étaient- ils igno-
rés de Racine , ou parlaient-ils faiblement à son àme généreuse,
quand, par la bouche sacrée d'un pontife, il dictait à un en-
fant roi ces sublimes leçons que les meilleures institutions ne
surpasseront pas?.,. L'exemple le plus frappant de la force pro-
digieuse de cette sympathie entre la liberté et les lettres, c'est
qu'elle a triomphé de votre fondateur. Cet esprit superbe, mais
qui comprenait tout, a vu qu'en vain il destinait l'Académie à
l'immortalité, s'il ne lui donnait la liberté. De la main de Ri-
chelieu vous avez reçu, comme les privilèges nécessaires des
lettres, l'élection et l'égalité. La nation, en jouit aujourd'hui;
mais, par la seule nature des choses, vous en avez joui avant
elle. » ( Applaudissemens et acclamations prolongés. )
M. Royer- Collard ayant ajouté que la liberté a enfin passé
des esprits dans les lois , commence l'éloge de M. de Laplace
son prédécesseur. On ne peut louer avec plus de mesure, de
grâce et de profondeur ce célèbre géomètre. Son Exposition du
système du monde n'est point considérée comme une œuvre litté-
raire où l'on admire une belle ordonnance etun excellent style; ici,
le talent de l'écrivain ne fait que réfléchir le génie du philosophe.
« Le système du monde que M. de Laplace donne en spectacle ,
il ne l'a pas trouvé, il est vrai, puisqu'il était trouvé avant lui;
et cependant il lui appartient en quelque manière; c'est lui qui
d'imparfait l'a élevé à la perfection, à la certitude, à la sta-
bilité, w
Après avoir considéré M. de Laplace comme géomètre, l'o-
rateur le considère comme homme d'état : « il voyait, a-t-il dit,
dans les sciences le progrès des lumières et dans les lumières
l,a garantie du bonheur public, garantie, hélas ! insuffisante,
et qui a trop souvent besoin qu'un peu de vertu vienne à son
aide contre les passions ennemies de l'ordre et de la liberté.
PARIS. 5ig
i Mouvement) La vive préoccupation de iM. de Laplace cm
faveur de ses hautes études , sera son excuse, s'il eu a besoin ,
d'avoir traversé silencieusement n<»s bonsel dos mauvais jours ,
sans enthousiasme el sans colère, et comme supérieur à nos es*
pérances et à n<>^ craintes... u
En terminant l'éloge de RE. de LaplaceM. R.oyer-<Cbllarda
été accueilli par de nouveaux applaudissemens < 1 1 1 ï se sont ré-
pétés à plusieurs reprises. M. Daru, président de l'Académie,
lui a répondu :
» Monsieur , en parlant de votre admission parmi nous, vous
avez oublié de dire que vous y avez été appelé d'un suffrage
unanime. Ce concours de toutes les voix n'atteste pas seule-
ment votre mérite; il prouve que, parmi ceux qui cultivent les
lettres, il v a, quelle que puisse être (Tailleurs la diversité de
leurs opinions, de nobles sentimens qui leur sont communs.
Telle est, je ne dirai pas l'élévation de vos talens , mais la
noblesse de votre caractère , cpie tous nous avons mis quelque
vanité à montrer que nous étions faits pour l'apprécier.
M. Daru est alors entré dans un très - grand éloge de M. de
Laplaee, et a cité plusieurs de faits intéressant qui concer-
nent ce grand géomètre. Il a ensuite rappelé la noble desti-
tution de M. Royer-Collard. « Vous avez su , Monsieur , a - t- il
dit, quitter cette place importante aussi noblement que vous
l'aviez occupée ; mais vous êtes du petit nombre de ceux à qui
la perte d'une place ne fait qu'ouvrir une nouvelle carrière de
gloire. » ( Applaudissemens.) Vainement les circonstances ont
été diverses et les tems difficiles ; ni votre raison, ni par consé-
quent votre fermeté, n'ont été ébranlées. Les périls , la faveur,
les disgrâces, l'inconstance des systèmes, les prévenances des
partis rivaux, les acclamations de la multitude, rien n'a
pu obtenir de vous la moindre concession Une na-
tion policée accueille par ses acclamations ceux dont elle ad-
mire les talens et dont elle embrasse la cause ! Eh! qui pourrait
en rendre témoignage mieux que vous , Monsieur, qui, en des-
cendant de la tribune, avez si souvent entendu ce murmure
flatteur dû à l'orateur éloquent et surtout à l'homme de bien ? »
! Applaudissemens . )
Cette séance mémorable a été terminée par la lecture de quel-
ques scènes d'une tragédie de M. Lava, intitulée : Athènes
sauvée.
Société d'horticulture. — Nous avons annoncé la fondation et la
fête d'inauguration de cette nouvelle Société. (Voy. Rev. Eue. ,
t. xxxv, p. 509 et 799.) — L'horticulture est une science,
tandis que le jardinage n'est qu'une routine, un métier. C'est
520 FRANCE.
une idée sage et utile que de comparer les observations , Je
combiner les vues, de mettre les expériences et les méditations
en communauté, et de les livrer à des discussions paisibles et
profitables pour cette partie des sciences, comme on le fait
pour beaucoup d'autres.
Le premier cahier des Annales de cette Société vient d'être
adressé à MM. les préfets des départcmens, aux agens diplo-
matiques et commerciaux de la France dans les pays étrangers,
et aux présidens des Sociétés agricoles, nationales et étran-
gères. Ces personnes recommandablcs, et dont la voix est puis-
sante sur l'opinion générale , contribueront sans doute à étendre
l'influence que les travaux de la Société d'horticulture peuvent
exercer sur l'exploitation générale des terres, en la mettant en
relation avec les Sociétés analogues , avec les grands établisse-
mens de culture , avec les naturalistes et les voyageurs. Tous
ceux qui s'intéressent à l'embellissement et à l'amélioration de
la terre se hâteront de faire avec la Société l'échange de leurs
vues, de leurs découvertes et de leurs expériences.
A cet envoi se trouve joint un petit ouvrage sur la régéné-
ration des forets 3 par M. Soulangc Bodin , qui renferme d'excel-
lentes vues. (Voy. ci-dessus , p. l^io. )
Muséum d'histoire naturelle au Jardin du Roi (1). — La mé-
nagerie royale vient de s'enrichir de deux jeunes lions, mâle
et femelle, qui ont été élevés à bord du bâtiment monté par
M. de Rigny, et qu'elle doit;» la générosité de cet officier, qui
vient d'acquérir une gloire si brillante et si pure. Ils ont la fa-
miliarité et la douceur d'animaux domestiques, et ils la doivent
autant à la liberté dont ils jouissaient à bord et aux bons
traitemens qu'ils ont éprouvés, qu'à leur naturel.
Llle a également reçu en don une macaque bonnet chinois,
une petite mangouste, et plusieurs tortues de M. Dussumieb ,
qui les a ramenées de la côte du Malabar, d'où ces animaux
sont originaires. Ce n'est pas, au reste, la première fois que la
ménagerie du roi s'enrichit des dons de M. Dussumier. Il vient
de terminer le cinquième de ses voyages aux Indes orientales
ou à la Chine, et il n'en est aucun qui n'ait procuré de nou
veaux objets aux diverses collections de cet établissement. Dans
le premier il rapporta, outre un grand nombre d'oiseaux rares
et de fort belles coquilles, une espèce nouvelle de singe, dau-
(1) Noos espérons pouvoir continuer à faire connaître dans des bul-
letins périodiques les acquisitions progressives, importantes pour les
sciences , qui viendront enrichir ce bel établissement.
PARIS. 52i
tant plus eùriotiàe, qu'appartenant au genre cynocéphale et
('tant originaire des îles Solo, elle modifiait une loi géogra-
phique qui jusqu'alors avoit paru constante : c'est que tous les
cynocéphales étaient originaires de l'Afrique* ou des contrées
voisines.
Dans un second vovage, il ramena vivante une espèce de ci-
vette, nommée /ibeth, peu connue, et qu'on ne distinguait
qu'imparfaitement de ses congénères, et une nouvelle espère
de cerf des Philippines, non moins remarquable par sa grande
taille que par ses couleurs.
Dans le troisième voyage il envoya, au Muséum, avec un
grand nombre d'oiseaux et de poissons du Gange, plusieurs
pieds vivans d'une nouvelle espèce de minier, qui a sur tous
les autres l'avantage de se reproduire facilement de bouture,
et de donner des feuilles plus tendres et plus larges, de sorte
qu'on peut facilement renouveler les individus qui périssent,
et qu'il fournit aux vers à soie une nourriture plus abondante
et plus substantielle que le mûrier commun.
Des poissons des Séchelles, tout-à-fait nouveaux, et plu-
sieurs oiseaux, furent les fruits du quatrième.
Mais c'est surtout ie cinquième, que M. Dussumier vient de
terminer tout récemment , qui a procuré au Muséum une des
plus belles collections que depuis long-tems il ait reçues : elle
consiste en plus de deux cents espèces de poissons de la côte
de Malabar et du royaume de Mysore. Celles-ci sont surtout
précieuses en ce qu'elles aideront à rendre intelligibles les
descriptions de Buchanan, travail qui, au reste, avait déjà été
commencé par Alfred Duvaucel, enlevé malheureusement à
l'histoire naturelle par une mort trop prématurée. Plusieurs
plantes rares accompagnaient ces poissons; et M. Dussumier,
profitant de ses longues navigations pour étudier les cétacées,
a recueilli six espèces de dauphin dans ce dernier vovage, les-
quelles ajoutées à deux autres de ses voyages précédens, con-
tribueront à éclaircir l'histoire de ces singuliers animaux, si
peu connus et cependant si intéressans à connaître par leur
organisation et par leurs mœurs. Ces objets nombreux sont
toujours accompagnés, de la part de M. Dussumier, de notes
très- détaillées et très-propres à en faire connaître la nature; et
il faut ajouter que l'amour seul de la science soutient le zèle
et l'activité de ce savant voyageur, et que tout autre intérêt
lui est étranger : c'est à ses frais que ces collections ont été
faites, entretenues et expédiées, même jusqu'au lieu de leur
destination. F. C.
)>i FRANCE.
Réclamation. — Nous n'avons jamais refusé d'insérer une3
réclamation, même quand elle ne nous était pas portée par
huissier. Voici celle qui nous est adressée par M. Creuzé de
Lesser, préfet du département de l'Hérault.
Montpellier, le 2 novembre 1827. — Monsieur, M. J.-B. Say
a inséré et signé, dans votre cahier de septembre, un Mémoire
sur les statistiques où je trouve, page 543, le passage suivant :
<x Les dénombremens sont le seul bon moyen de savoir quel
est le nombre des habitans d'un pays. Mais ce moyen, en
même tems qu'il est le plus sûr, est le plus difficile de tous-
Pour un dénombrement, il faut avant tout le concours de
l'autorité.... Les magistrats eux-mêmes déguisent quelquefois
la vérité, soit dans leur intérêt, soit dans celui de leurs
administrés. On m'a assuré qu'un préfet d'un département
de France ( de l'Hérault), à une certaine époque, avait eu le
talent, quoique le chef-lieu ne comptât que 29,000 habitans,
de lui en donner 35,ooo, en comprenant dans la ville une
commune qui en est à une petite distance. Ceux qui cher-
chaient la cause de cette anomalie remarquaient que le trai-
tement que reçoivent les préfets est d'autant plus élevé que
la ville de leur résidence est plus considérable. »
Comme ce n'est que sous mon administration que la popu-
lation de Montpellier a été officiellement reconnue et portée
à 35,ooo habitans, l'allégation rapportée par M. Say ne peut
regarder que moi. Voici ma réponse : i° La population de
Montpellier était déjà , en 1796, de 32,897 habitans; en i8i5,
de 33,692, et en 1821, de 35,123. 20 Quand elle fut portée
à ce dernier nombre qu'elle dépasse aujourd'hui, ce fut, non
par le préfet, mais par le maire, d'après un dénombrement
authentique dont il répond. 3° Le faubourg de Montpellier,
qui en est. à une petite distance, et qui d'ailleurs n'est que de
679 habitans , en fait partie depuis un tems immémorial. On
en a une preuve écrite, à la date de i544- 4° Le préfet de
l'Hérault n'avait aucun intérêt à exagérer la population de
Montpellier, puisque cette ville a, depuis plus de trente ans,
3o,ooo âmes et au-delà, et qu'aujourd'hui encore plusieurs
villes de 25, 000 habitans et moins, suffisent pour constituer
des préfectures de pareille classe et de pareil traitement.
5° Enfin, le traitement actuel du préfet de l'Hérault est abso-
ment le même qu'en 18 10.
On n'a donc rapporté à M. Say que des faussetés, et, par
l'induction qu'on a voulu en tirer, des calomnies, dont M. Say
a eu le talent de se rendre l'interprète. Je me réserve tous mes
droits à cet égard; et, quanta présent, je vous prie, Mon-
PARIS,
sieur , si au besoin je vous requiers, conformément à l'article i «
«le la loi du •/!"> mars i8aa, d'insérer la présente réponse dans
votre plus prochain cahier. J'ai l'honneur détre, Monsieur,
votre très-humble et très-obéissant serviteur,
Le préfet de VHéràult, maître des requêtes,
Baron Crevzf de Lessi b
Nous avons communiqué à M. Sxxla lettre ci-dessus, et
nous en avons reçu la réponse suivante.
A Mr M. le Directeur de la Revue Encyclopédique.
Monsieur,
Je n'ai rien à répondre à M. Creuzé de Lesser, préfet actuel
du département de l'Hérault, car ce n'est pas de lui que j'ai
entendu parler dans l'article dont il se plaint. Je tiens le lait
qui m'a servi d'exemple d'un savant respectable, connu de
toute l'Europe , et qui m'inspire une entière confiance. Si
M. Creuzé me fournit des preuves que les nombres que j'ai
rapportés ne sont pas exacts, je les rectifierai volontiers; car,
dans mes recherches scientifiques, je n'ai à cœur (pie la vérité.
Il ne s'agit pas seulement de savoir quelle est la quantité d'ha-
bitans déclarée par l'administration, mais de prouver que le
dénombrement a été bien fait.
Au reste, un auteur de statistique serait excusable de croire
à une légère diminution dans la population de Montpellier,
par suite de la désertion des étudians (je cette école célèbre, à
l'époque où des gendarmes chargèrent , an théâtre de cette
ville , les spectateurs qui avaient eu le malheur de ne pas
trouver de leur goût une comédie de M. le préfet.
J'ai l'honneur, Monsieur, etc.
J. B. Sat.
Théâtres. — OnÉoxr. — Première représentation de X Homme
du monde , drame en cinq actes et en prose, par MM. Ancelot
et Saintine ( jeudi 2 5 octobre ). — Le comte de Selmar est un
homme d'un grand nom, et auquel les malheurs publics ont
enlevé une grande fortune. Parvenu à l'âge de 4 2 ans , il a passé
sa vie à séduire et abandonner des maîtresses. Un jeune homme,
fruit adultérin d'une de ses premières séductions, a été élevé
parle baron de Bléville, sous le nom d'Arthur. Au moment où
la pièce commence, Selmar, toujours homme à bonnes fortunes,
commence cependant à comprendre qu'il a besoin d'un autre
rang dans le monde; il devient ambitieux, sans cesser d'être li-
bertin; il songea faire adopter un vaste plan de commerce, et
524 FRANCE.
il postule un emploi diplomatique, en même tems qu'il met en
jeu tous les artifices du séducteur pour se faire aimer de la jeune
et aaïve Emma , fille adoptive de Mme de Terny. Cette femme ,
déjà sur le retour, unit à de bonnes qualités les goûts du monde
et delà dissipation; elle est engouée du comte de Sclmar, qui
est installé dans son château, et qui trouve ainsi le moyen de
s'insinuer dans le cœur d'Emma qui l'aime sans le savoir, et à
laquelle il n'a encore parlé que d'amitié. Cependant, au moment
où cette jeune fdle commence à deviner et son propre amour et
les sentimens du comte, arrive au château de Terny la vicom-^
tesse d'Orbigny, femme bonne, mais légère, et qui aime encore
Selmar , dont elle a été abandonnée. Elle ne tarde pas à s'aper-
cevoir de l'amour d'Emma; son innocence la touche, et elle lui
dévoile l'abîme où veut l'entraîner Selmar. Mais bientôt celui-ci
use de tous ses moyens de tromper pour vaincre les scrupules
d'Emma; cette scène de séduction se passe pendant un violent
orage; Emma effrayée par un coup de tonnerre s'arrache des
bras de Selmar et se réfugie dans un pavillon où l'on devine que
Selmar va la suivre, et la toile tombe. Au troisième acte, nous
sommes à Plombières ; Selmar a repris ( comme on disait sous
le règne de Louis XV) la vicomtesse d'Orbigny, qu'il n'aime
plus, mais dont l'oncle, devenu ministre , a fait adopter ses pro-
jets , et promet de lui ouvrir la carrière des honneurs. Cepen-
dant, Emma, plongée dans une mélancolie profonde, arrive à
Plombières, conduite par Mmede Terny, qui vient y chercher
pour sa fille adoptive le secours des eaux. Après une explica-
tion entre Emma et Selmar, dans laquelle celui-ci refuse for-
mellement de l'épouser, parce que ce lien pourrait nuire à ses
vues d'ambition , la pauvre jeune fdle perd la tête, et fait l'aveu
de son déshonneur devant la vicomtesse d'Orbigny , et devant
le jeune Arthur. Arthur, dont les sentimens vertueux forment
un contraste assez dramatique avec l'immoralité de son père ,
est éperdûment amoureux d'Emma ; mais, sa naissance équi-
voque lui ôtant tout espoir d'obtenir sa main, il s'était éloigné
du château de Terny où nous l'avons vu pendant les premiers
actes, et c'est par hasard qu'il retrouve Emma à Plombières.
Instruit de ce fatal secret, Arthur ne songeplus qu'a contraindre
le comte de Selmar à rendre l'honneur à la victime de ses sé-
ductions. Mais, après avoir employé vainement le langage de
l'honneur et de la vertu , il le provoque publiquement au milieu
d'un bal , et devant une députation des magistrats de Plom-
bières qui sont venus le remercier d'un important service qu'il
a rendu à leur ville. Selmar se voit réduit à accepter cet affreux
combat, et le rendez -vous est pris pour le lendemain malin.
PARIS. ',/-,
Pendant que foui le monde j'est rendu à la fête que donne le
comte de Selmar* Emma seule, abandonnée à son désespoir,
forme l«- projet de se dérobera tous Les regards. Elle s'échappe
à demi vriiie de chez M"": de Temy , et après avoir erré
toute la nuit au milieu des champs, elle s'arrête épuisée de dou-
leur et de fatigue à la porte d'une fermer Le hasard l'a conduite
chez Su/elle, sa SOSUf de lait ., mariée depuis p<*u, et. que l'auteur
nous a déjà l'ait connaître. Nu/etfeell rayée de son état appelle un
médecin, et tandis qu'on lui donne les premiers soins, arrivent
Arthur et Selmar, avec leurs témoins. Le lieu du rendez-vous
lest voisin de la terme, et une pluie Oui tombe par torrens les
oblige à se réfugier sous l'espèce de hangar que représente la
scène. Au moment où ils mettent l'épée à la main, Bléville,cet
ami commun qui a servi de père à Arthur , accourt et lui révèle
le secret de sa naissance; Emma S€ précipite hors de l'appar-
tement et tombe aux pieds d'Arthur, en le conjurant d'épargner
Selmar. dette dernière épreuve achève d'épuiser les forces de
l'infortunée, et elle expire, en disant : Entendez-vous lu foudre?
Le tonnerre gronde en effet, comme pour lui rappeler la scène
fatale du pavillon.
Les trois premiers actes de cette pièce sont communs, sous
le rapport de l'action et des caractères; le 4e et le 5e sont
touchans; la scène de la provocation au 4e est fort belle; niais
on regrette qu'il faille l'acheter par l'inconvenance de cette
députation municipale, qui tombe comme des nues au milieu
(l'un bal et des tables de jeu, pour faire un discours officiel.
L'homme du monde est un égoïste qui sacrifie tout à son
plaisir, à son ambition et aux préjugés de la société; il y a
sans doute des hommes dont le cœur est aussi sec que celui de
Selmar , il y en a qui raisonnent aussi froidement leur immora-
lité et les malheurs qu'elle cause; ces caractères-là sont de tous
les temsj mais il n'y en a plus qui affichent le métier d'homme
à bonnes fortunes et pour qui ce soit un moyen de réussir dans
le monde. Ce sont-là des mœurs qui datent de cinquante ou
soixante ans. Avec la réputation dont jouit Selmar dans cette
pièce, un homme du monde aujourd'hui pourrait encore faire
son chemin dans les places; mais il serait bien sûr de n'obtenir
aucune estime dans la société. A la vérité , les personnes qui
l'entourent ont l'air de se méprendre sur son compte, mais on
ne conçoit pas cette méprise, et les spectateurs sont tous de
lavis d'un certain Saint-Paulin, personnage épisodique, fron-
deur, parasite, joueur , espèce d'homme du monde subalterne,
et qui ne se gène pas pour faire les honneurs de la réputation
du comte de Selmar. Nous ajouterons que, si l'on considère le
ostf FRANCE.
héros de cotte comédie comme une copie des moeurs d'autrefois,
on trouvera encore qu'il manque de charme dans les manières,
et de profondeur dans la séduction. Les autres personnages
sont en général bien tracés; Emma est fort touchante, et le vif
intérêt qu'inspirent plusieurs situations de ce roman en action
lui procurera sans doute un assez grand nombre de représen-
tations. La pièce est jouée d'ailleurs avec beaucoup d'ensemble.
— Première représentation de La Sœur ou Les deux Riches ,
comédie en cinq actes et en vers, par M. *** (jeudi i5 no-
vembre ). — Nous n'essaierons point de faire l'analyse d'une
pièce dont l'intrigue est si embarrassée que nous ne nous flatte-
rions pas de la débrouiller ici mieux que l'auteur ne l'a dé-
brouillée à la scène; elle a paru si pénible aux spectateurs,
qu'ils ont fini par ne plus chercher à la comprendre > et la
dernière moitié de la pièce a été assez mal écoutée. Il y avait
pourtant dans cet ouvrage quelques situations qui méritaient
plus d'indulgence; mais, outre l'obscurité du roman, des ca-
ractères communs ou faux et un style dépourvu d'élégance ont
trop bien justifié les rigueurs du parterre. Cette sœur , qui
donne le titre à la pièce, n'y joue qu'un rôle fort insignifiant ;
son frère est un artiste comme on en a peint bien souvent ,
depuis qu'on a pris l'habitude d'en faire des modèles de con-
duite et de vertu. Jadis on les peignait de préférence un peu
mauvais sujets et assez originaux, comme Lantara , ou le Fou-
gères de l'Intrigue épistolaire ; je ne dirai pas si cela était plus
vrai ; mais je puis affirmer que cela était plus amusant. Des deux
riches, l'un est un homme très-vertueux, mais qui ne parle que
par tirades et par sentences; l'autre est un vil coquin, qui no
prend aucune peine pour déguiser ses inclinations de fripon ;
son cynisme à cet égard n'a pas de modèle dans la société.
L'auteur s'est fait justice en retirant sa pièce; c'est un homme
d'un esprit distingué, et qui entend bien le théâtre; mais cotte1
fois il s'est complètement trompé ; naguère encore il avait été
plus heureux, et la scène de l'Odéon a souvent retenti dos
applaudisscmens mérités par quelques-unes de ses produc-
tions. M. A..
Beaux-Arts. — Exposition des tableaux en 1827. — Pre-
mier article (1). — Les arts, comme les lettres, consacrent louis
(1) Cet article nous arrive trop tard pour être inséré dans notre
première section , Mémoires et Notices, où son étendue et l'importance
du sujet lui assignaient une place ; mais, notre quatrième et dernière
PARI& ->:
productions à rappeler les tems passés , ou à présenter le
tableau «les mœurs actuelles. La tragédie, l'épopée, la peinture
historique, en retraçant des faits connus! doivent s'appliquer
à peindre fidèlement des événemens, des caractères, des cos-
tumes, même , auxquels il n'est plus permis de rien changer.
I.a comédie, celle qui s'applique à La peinture des caractères,
a cela de commuu avec la tragédie, L'épopée el la peinture
historique, qu'elle ne peut varier que dans la manière de les
présenter, et non dans le fonds même du sujet; mais la pein-
ture de genre, comme la comédie de mirurs, peuvent, sans
eesseï- d'être vraies,oiïrir des tableaux toujours nouveaux, parce
qu'elles suivent la marche de leur siècle.
Tant que les peintres et les poètes conservent aux mœurs
anciennes et nouvelles le caractère qui leur est propre, les
lettres et les arts sont dans la bonne voie; mais il y a perver-
tissement, du moment où les peintres et les poètes s'écartent,
dans leurs créations, de la vérité historique, soit comme ca-
ractère moral , soit comme usages reconnus, soit, même, comme
forme matérielle.
C'est ainsi que l'on a reproché à Racine d'avoir sacrifié au
goût de son tems, en faisant d'Achille un amoureux de la cour
de Louis XIV, au lieu de le représenter tel qu'il est connu par
l'histoire, et de lui donner une physionomie conforme aux
mœurs grecques ; c'est ainsi que M. Guérin , à une époque ré-
cente, s'est également écarté delà vérité historique, en mettant
sous nos yeux un Hippolyte qui ne fut jamais le fils de Thésée et
d'une amazone, mais un jeune homme élevé mollement et auquel
on avait donné un costume héroïque. C'est ainsi, enfin , que l'on
a vu à l'Opéra, il y a moins de cinquante ans, les dieux, les
déesses et les héros venir, sur la scène, sous des costumes où le
ridicule des modes de cette époque était encore exagéré.
Dans le siècle dernier, l'école française avait cédé à l'in-
fluence du mauvais goût , tous les caractères étaient méconnus,
et, livrant leurs pinceaux aux caprices de la mode, les artistes
section ^Nouvelles relatives aux sciences , aux lettres et aux arts, étant des-
tinée à servir de complément à la première, comme notre troisième
section , Bulletin bibliographique , ou annonces d'ouvrages nouveaux et
choisis , est elle-même le complément de la seconde section , Analyses
d'ouvrages importons , nous comprendrons dans notre Bulletin mensuel
des Beaux - Arts les articles sur l' Exposition des tableaux , afin de ne
point différer de mettre sous les yeux de nos lecteurs les divers juge-
mens que portera noire collaborateur chargé des beaux-arts sur les
productions que nos artistes auront exposées celte année. N. du B,
5ȣ FRANCE.
lui avaient prostitue' leur talent. David lui-même , ainsi que
je l'ai lait remarquer, dans l'Essai que je lui ai consacré (i), se
montra long -teins attaché au système alors suivi; il fallut,
pour le ramener, la vue des chefs-d'œuvre de l'Italie, et l'étude
dos admirables créations de l'antiquité. Son retour fut complet,
et il eut la gloire d'entraîner toute l'école à sa suite; mais, avant
qu'il eut fermé les yeux, déjà l'on avait quitté ses traces. Une
génération nouvelle prétendit que l'école de David man-
quait d'originalité; que tous ses tableaux se ressemblaient;
que c'étaient toujours des Grecs et des Romains; enfirij que
toutes les productions de cette école étaient d'une froideur
désespérante. Il n'a pas manqué d'écrivains qui ont soutenu
ce système , sans doute de bonne foi , et sans s'apercevoir
qu'ils étaient à côté de la question.
Il est digne de remarque, au contraire, que les élèves de
David, doués d'un génie qui leur est propre, diffèrent autant
entre eux qu'avec leur maître lui-même. Certainement, Drouais,
Girodet, MM. Fabre, Gérard, Gros et Ingres, ont suivi les
préceptes de David, en cela qu'ils ont consacré à la peinture
historique le caractère qui lui appartient; mais, leurs produc-
tions offrent une individualité très-marquée. Drouais est le
seul qui chercha à reproduire jusqu'à la manière, jusqu'au
faire, pour me servir de l'expression technique, de son maître;
et l'on se rappelle que , consulté par son élève chéri sur
l'agencement d'une composition, David lui répondit : « Le tems
est venu, mon cher ami, où vous devez essayer de voler de
vos propres ailes. »
Ainsi, le reproche fait à l'école de David manque de vérité;
mais, ce qui est vrai, c'est que les peintres qui avaient étudié dans
cette école, et qui n'étaient pas en état de voler de leurs propres
ailes, ont voulu , pour rappeler leur maître et s'en rapprocher,
autant que cela dépendait d'eux, traiter les mêmes sujets, pui-
ser aux mêmes sources , et les Grecs et les Romains ont eu
bientôt à souffrir de la faiblesse des moyens d'artistes impuis-
sans qui, voulant représenter des géans, ne pouvaient faire
que des pygmées.
Les novateurs ont pensé qu'ils cueilleraient des palmes
nouvelles, en s'écartant du sentier suivi par des talens qui
n'avaient pu se frayer une route. Qu'ont-ils fait? Ils ont puisé
leurs sujets dans des événemens récens, ou dans des écrits où
(i) Paris, 1827; llenouard. In-8° Prix , ï fr. 5o c. —Voyez au.<«i
Rev. Eric , Notice sur David , t. xxxiv, p. 34,
l'Ail!'
l'on invoque l'histoire pour abuser de son autorité. On a vu
les Grecs de nouveau; mais ce sont les Cires modernes: la
foule s'\ esl arrêtée, étonnée que les personnages que Ton
mettait sous ses yeux fussenl si loin de ses souvenirs et de ce
que lui représentai.1 son imagination.
Si celle école nouvelle a\ail essayé de mettre dans ses ta-
bleaux ee qui l'ail la hase de tout ait : l'étude qui produit la
virile d'imitation, et. la beauté qui fait le charme de toutes les
créations de l'esprit, il n'y aurait en que des éloges à lui
donner; mais il n'en a pas été ainsi : elle a méconnu les prin-
cipes qui seuls peuvent produire des succès durables. C'est en
vain que l'on chercherait dans les productions de cette école
la pureté du dessin , l'élégance des formes, l'heureuse disposi-
tion des figures; elle a tout sacrifié à un éclat de couleur qui
n'est qu'un des moyens matériels de l'art, et. à la force et à
l'énergie de l'expression qu'elle a quelquefois rencontrées, mais
à la place* desquelles on a trop souvent trouvé le laid et le
bizarre.
Des princes ont eu, par leur caractère personnel, une in-
lluence directe sur les productions de l'esprit: Périclès, Au-
guste, Léon X, Louis XIV, ont vu se grouper autour d'eux des
hommes qui ont immortalisé leur règne. Ces chefs de nations
avaient une grandeur, un amour du beau, qu'ils ont imprimés
à toutes les créations de leur époque. Les grands événemens
éveillent aussi le génie. Certes, notre révolution, d'ans plusieurs
de ses phases, avait bien de quoi émouvoir les esprits, et les
lettres et les arts ont brillé d'un vif éclat; cependant Bonaparte,
mal secondé, a plutôt nui qu'il n'a été utile aux lettres et aux
arts. Dans les dernières années de son règne, il fallait qu'il fut
l'objet de tous les travaux; or, l'adulation est presque toujours
in!»1 mauvaise source d'inspirations.
C'est en cet état que la restauration a eu lieu. Louis XVIII a
compris qu'il était nécessaire d'accorder une protection spéciale
aux artistes; il l'a fait, autant par inclination que par position,
car, non seulement c'était un homme d'esprit, mais encore il
avait senti qu'il était d'une politique sage de se faire des amis
d'une classe d'hommes qui ', par l'indépendance de ses idées,
n'est pas sans influence. On répondit à un Directeur général des
musées qui demandait comment il devait employer la somme
que l'on mettait à sa disposition: «Comme vous voudrez, pourvu
que vous nous fassiez des amis. >>
En suivant cette marche, on n'a pas tardé à fonder une na-
tion d'artistes, et le public a été surpris du nombre toujours
croissant de tableaux et de statues qui parai5 aient à ehaque
t. xxwi. — Novembre 1827. 34
53o FRANCE.
exposition. Il est fâcheux que, dès le principe, on n'ait pa»
songé à employer tous ces artistes à décorer quelque grand
édifice, par exemple, le Louvre; à orner de peintures les prin-
cipales églises de Paris qui sont, en général, d'un aspect inté-
rieur si pauvre, si froid; on n'aurait pas éprouvé cette espèce
de fatigue, de satiété même, que chaque salon a fait naître, et
l'on aurait abandonné l'usage des tableaux, sans destination ,
pour acquérir celui de la peinture monumentale, si peu cultivée
en France, et dont on sent, enfin, la nécessité et l'importance.
Je dirai plus : peut-être eût-il été bien vu de confier le dé-
cor d'un grand monument à un seul artiste, en lui donnant les
moyens d'employer , pour le seconder, des talens qui ne sont
véritablement que secondaires, mais qui , dirigés par une main
habile, auraient concouru à donner à l'ensemble une unité que
l'on chercherait en vain dans une collection de tableaux distri-
bués et composés au hasard.
On s'est aperçu , enfin , que, bien loin d'encourager les arts,
on hâtait leur décadence, en continuant de confier des travaux
à des hommes qui se croient peintres par cela seul qu'ils savent
manier un pinceau, comme si l'exécution manuelle suffisait
pour faire un peintre d'histoire. Pour arrêter cette espèce de
débordement, on s'est donc montré sévère au jury d'admission
pour l'exposition; et, cependant, combien de tableauxauraient
pu être justement refusés! On s'est décidé, aussi, à confier aux
artistes les plus habiles le soin d'orner de peintures une partie
du Louvre.
Au moment où j'écris, cette partie de l'exposition n'est pas
encore ouverte, et, comme ce doit être la plus intéressante, je
ne commencerai l'examen particulier du salon que lorsqu'elle
aura été livrée aux regards du public, afin de pouvoir suivre
l'ordre que j'ai adopté jusqu'ici. Je puis dire, cependant , que
le livret contient io58 numéros pour la peinture; i44 pour la
sculpture; i38 pour la gravure; 73 pour la lithographie, et i3
pour des dessins d'architecture; en tout, 1426 numéros, dans
lesquels il en est plusieurs qui désignent une collection d'objets.
Il faut y ajouter les peintures des salles du Louvre, et l'on aura
une idée juste de l'ensemble des productions des arts qui font
l'objet de cette exposition. P. A.
53 1
ERRATA
Exigés par les suppressions partielles <lc la Censure, dans
quelques articles des Cahiers de Juillet, r/'Aoùt, de Septembre et
<f Octobre (i).
T. xxxv, cahier de Juillet.
P. 18, 1. 5, après ces mots : Qui avait usurpé le pouvoir
(ou parle de Bonaparte), rétablissez ceux-ci : et détruit la liberté
en France.
P. 19, 1. 5, où il est question du collège philosophique de
Louvain, qui fait espérer les plus heureux résultats, rétablissez
ces mots : et doit procurer à notre pays un clergé catholique ,
élevé dans l'esprit d'une tolérance véritablement chrétienne.
P. 34) 1,6, après ces mots : Il (M. Laujuinais ) n'a cessé de
défendre les libertés publiques, lisez: souvent compromises ou
menacées.
P. 6i,l. 17, après ces mots : mérinos qui dévorent tout sur
leur passage , lisez : Et cjui jouissent du privilège de brouter tout
champ qui ri appartient pas à l'église.
P. 1 19, 1. 9, rétablissez ce passage entier : Les seigneurs de
la cour prirent le nom ridicule de Mississipiens , pour mieux
faire des dupes, et ils amoncelèrent des richesses illégitimes
qui, reprises par notre révolution, valent à leurs descendans
les plus riches parts dans le milliard de l'indemnité. Le régime
colonial, digne émanation du despotisme, continua de para-
lyser la production sur une terre vierge encore; et la Loui-
siane devint la cause et le gage de guerres ruineuses. Que ne
peut une sage liberté! et comme elle sème rapidement ses
bienfaits!
P. 120, 1. 12, rétablissez ainsi la phrase où Ton avait re-
tranché les mots que nous soulignons ici : La liberté, si con-
(1) Les articles entiers que la Censure avait supprimés , et que nous
avons enfin la liberté de reproduire, sont déjà rétablis en partie , à
la fin de notre précédent cahier, en partie dans celui-ci ; avec la marque
suivante X- La publication de ces articles et des passages retranchés
suffira pour faire connaître dans quel esprit et sous quelle influence
était exercée l'inquisition littéraire , chargée d'opprimer , d'étouffer f
de mutiler la pensée. Il est donc inutile de prévenir les réflexions de
nos lecteurs. N. du /?.
34.
\\-2 ERRATA PROVENANT DES
(milite sur les (tords de la Seine, règne en souveraine sur les bord»
du Vîississi pi .
P. ia8, 1. 36, après ces mots : Il fut tué à côté de Riégor
ajoute/. : au moment même où ce martyr de la liberté tombait
entre les mains des royalistes espagnols.
P. i3i, 1. 9, rétablissez, à la suite de l'alinéa, le passage sui-
vant : Mais, forts de l'autorité des évangélistes Marc, Luc et
Mathieu, et de l'exemple des chrétiens des- deux premiers
siècles de l'église, dont la grande majorité croyait à l'huma-
nité de Jésus-Christ, des unitaires repoussent par des articles
insérés dans The Monthlej repositoiy, The Christian reformer,
The Christian refeetnr, les attaques théologiques de leurs
adversaires et voient augmenter sans cesse le nombre déjà très-
considérable de leurs prosélytes.
P. i85, 1. 9, rétablissez le passage suivant qui terminait le
compte rendu d'un ouvrage de M. Madrolle : Après cet
humble aveu, nous aurions mauvaise grâce à entrer dans une
iulte d'ailleurs inégale, et nous pensons qu'il n'y a lieu ni à
réfuter, ni même à brûler le livre de M. Madrolle. Nous
crovons cependant devoir lui faire remarquer une erreur im-
portante et fondamentale. Il raisonne toujours sous l'empire
de la crainte de la révolution, même de 1789. M. Madrolle et
ses partisans ne devraient point oublier que cette révolution,
qu'ils regardent encore comme si menaçante, n'est point à
faire, elle est faite. M. Madrolle, au reste, n'est nullement
i'amiliarisé, comme on le voit, avec les idées actuelles; mais
il est, quant à la durée de leur triomphe et de leur résultat,
un juge que M. Madrolle invoque (en y joignant la censure ,
et que nous-mêmes ne craignons pas d'invoquer seul , et mal-
gré la censure; c'est le tems.
P. 190, rétablissez les lignes suivantes qui terminaient un
article sur un Recueil des lettres de Jean Sobieski : Le recueil
qui les renferme est précieux pour l'histoire; et dans ce moment
surtout, on ne le lira point sans y puiser d'utiles réflexions.
P. 191,1. 17, après ces mots : A la victoire; rétablissez le
passage suivant : Le retour de Ferdinand ne réalisa point les
espérances de Van-Halen et de ses compagnons d'armes. A la
fin de 181 5 , se forma une association patriotique dont le but
ét<ait d'éclairer le monarque égaré par les intrigues de quelques
courtisans, et d'obtenir les institutions et les libertés réclamées
par les amis sincères de la patrie. Don Juan Van-Halen, comme
la plupart des militaires éclairés de son pays, adopta avec en-
ihousiasme les projets et les espérances que les progrès tou-
jours crofesans de cette association avaient fait concevoir à ses
M TKAN(.in;\n.\s DE LÀCKNSi RE.
im-mlu •<•>. Train par nu confident infidèle, il fut arrêté a IVIurcie
où il commandait un corps de cavalerie, et conduit à Vladrid
dans les prisons de l'inquisition.
'li'inc page , l. * 'i , ajoutes, piour terminer l'article sur les
Mémoires de />../. i un Halen, <•<• passage: Don Juan Van
If. ilcn, forcé de s'éloigner de ['Espagne où ses persécuteurs
continuaient à dominer, vint lui consacrer de nouveau son
liras et ses sert i<-es, lorsque la révolution de i H/o cul ren\ ci si
le système contre lequel il avait conspiré. Un nduveau vol mue
non- promet le récit irs événement dont il lut alors le témoin,
surtout pendant Les années 1822 et 18VJ.
Cahier d\ -huit.
P. ')()(,:, 1. a à Ç; Ijsez : < néanmoins je lui a Talma connue
une réelle constance sur quatre objets. . . son regret sincère et
profond des vertus républicaines; sa reconnaissance personnelle
envers 1 homme dont le pouvoir extraordinaire les avait oppri
mecs, mais qu'il regardait comme étant son généreux bienfai-
teur.» . . . (Les mots imprimés en caractères italiques avaient été
supprimés parla censure , protectrice de la mémoire de Bona-
parte;
P. /}38, I. 3/i , après ces mots: On trouve dans les Lettres
jM'/sanes une fine critique des mœurs françaises à cette époque;
ajoutes; ceux-ci : Des esquisses d'hommes vils et superbes, le
tableau d'un clergé ambitieux, celui de la multiplicité des cou-
vensqui ne se peuplent qu'au détriment de l'État, sans donner
à Dieu « des adorateurs, » comme le dit Condorcct, (ont encore
pour nous un livre de circonstance de cette composition ingé-
nieuse et originale, où l'on reconnaîtra plusieurs vices cou
temporaii.s dans ceux que sa plume nous retrace, et que nous
avions du croire à jamais relégués dans les vieux souvenirs de
noSçiinnales.
.Même page, I. .'|0, ajoutez à l'alinéa ce passage : Sa Disser-
tation sur la politique de ce peuple, dont la puissance dominait.
Mir une partie de ce monde, a pour objet de prouver celle
vérité dont les gouvernemens ne sauraient trop se pénétrer ,
< que la religion doit être employée au profit et au service de
I État, et non l'État être sacrifié à la religion et à l'esprit d'en
vahissement des prêtres. »
P. 43c), 1. 35; -placez ici l'alinéa suivant, retranche en cnt:< t
Parmi ses Pensées diverses [de Montesquieu), il en est plusieurs
qui sont très- remarquâmes- Il dit, en parlant de la dévotion,
qu'elle trouve, pour faire <ie mauvaise? action*, des raison
534 ERRATA PROVENANT DES
qu'un simple honnête homme ne saurait trouver; » en parlant
des ecclésiastiques, « qu'ils sont trop souvent les flatteurs des
princes , lorsqu'ils ne peuvent être leurs tyrans; » en parlant des
princes et des peuples : « Je ne puis comprendre comment
les princes croient si aisément qu'ils sont tout, et comment les
peuples sont si prêts à croire qu'ils ne sont rien. »
P, /j/ii, I. 17; rétablissez l'alinéa suivant, retranché tout en-
tier : Si l'auteur se plaît à proclamer les droits de la royauté , il
est trop ami de la vérité et de la justice pour ne pas reconnaître
en même tems les droits des peuples. « Les peuples doivent être
bien légitimes, puisque c'est d'eux que Dieu fait naître les rois. »
(Page 67».)
P. 444 , 1- 3 , dans rénumération des titres de chapitres d'un
ouvrage de M. Henrion de Penset, intitulé : De Vautoritè ju-
diciaire en France , rétablissez les titres snivans: Du parlement
et de sa participation à l'exercice de la puissance législative. Du
droit de faire des remontrances sur les lois qui étaient adressées
et des lits de justice.
Cahier de Septembre.
P. 576, 1. 20, dans la Notice sur Madame Guizot , rétablissez
l'alinéa, retranché tout entier : Si le christianisme n'était que la
foi dans la Providence et dans le céleste avenir; s'il n'admettait
d'autre mystère que la divine origine, la divine règle, la divine
fin de notre nature; s'il ne voulait d'autre culte quela prière et
d'autre tradition que la révélation sur la terre de l'éternelle
vérité; si, enfin, l'Evangile interprété par la raison était le
christianisme, on pourrait dire que madame Guizot était chré-
tienne. Quelle qu'elle fut, sa foi n'était point une simple for-
mule ; elle dominait ses pensées, ses sentimens, sa vie, et sa
mort vient encore de l'attester. Elle a désiré être ensevelie
selon le rit de l'église réformée. C'était la religion de son mari,
à qui elle voulait en tout être unie; c'était de plus le seul culte
dont les cérémonies funèbres n'eussent rien de contraire à sa
croyance. Il lui importait de n'être pas confondue avec l'in-
crédule; elle voulait qu'on sût qu'elle était religieuse : peut-être
est-il singulier que les hommes aient eu besoin d'être quelque
chose de plus.
P. 59 1 , 1. 1 4 , après ces mots : La vieille routine d'étude, ori-
ginaire des tems de barbarie scolastique, lisez : et de la super-
stition de l'Eglise romaine.
Même page, 1. 20, après ces mots : les méthodes de la roit-
tine et de l'autorité dirigent encore l'enseignement logique,, lr-
RETRANCHE MENS DE LA CENS I RE. 515
ses: ainsi qtt'à Salamanqne où h l<i Sàpiencc des jésuites lo-
in, tins.
P. 6ia, I. 18, rétablisses l'alinéa suivant, retranché tout en-
tier : Les [ndiens ont tons été convertis au catholicisme es-
pagnol : c'est-à-dire, qu'Us sont soumis à l'autorité des moines,
et qu'ils prennent part bus cérémonies du culte; mais leur
nouvelle religion les laisse aussi ignorans, aussi vicieux , aussi
superstitieux que l'ancienne. Cependant , elle forme un lien
entre eux et les peuples civilisés; la connaissance universelle-
ment répandue de la langue espagnole en forme »m autre, et
l'on sent que les Indiens peuvent désormais s'élever, qu'ils
peuvent se fondre en un seul corps avec leurs conqnérans , et
que leur condition n'est pas plus mauvaise que celle des classes
inférieures de la société en Europe. L'influence (\\\ gouverne-
ment et de la religion était mauvaise, au Mexique comme en
Espagne : les laboureurs, les artisans, cpii sont lotis Indiens,
sont indôlens, adonnés à l'ivrognerie, dépourvus d'émulation;
mais, avec un changement dans les lois, ils peuvent se relever;
car ce n'est pas comme caste opprimée qu'ils sont abrutis, c'est
comme bas peuple.
P. 617 , rétablissez le passage suivant qui commençait l'ana-
lyse de la Vie de N(i])o/eon,pav Waltcr Scott.
Après le grand événement de la réformation, la révolution
française a été l'événement le plus considérable (les tems
modernes; moins sans doute par ses résultats directs et rela-
tifs à la France, que par sa prodigieuse influence sur les des-
tinées générales de l'humanité. Les remparts de l'Océan, et plus
encore l'ignorance et l'inertie politique des esprits avaient
tenu les principes de la révolution anglaise renfermés dans une
île; les principes de la révolution américaine (autre grande
époque pour le genre humain ) ne semblaient applicables qu'aux
colonies qui repoussaient le joug récent de la conquête, et le
droit mal justifié des métropoles; ces (\ifux révolutions, d'ail-
leurs, n'étaient, pour ainsi dire, qu'un retour à un état plus
ancien, et il ne s'agissait, à la rigueur, que de revendiquer des
titres jadis possédés par des hommes qui en avaient été dé-
pouillés; on invoquait le passé pour restaurer l'avenir.
Rien de pareil ne s'est vu dans la révolution française ; elle
a attesté des titres plus anciens, plus universels, plus inbérens
à la nature humaine : les droits de l'homme. Elle s'est proposé
un but plus absolu, plus décisif, plus propre surtout à servir
d'exemple : une complète réorganisation sociale, fondée, non
sur de vieilles chartes exhumées de quelques archives, mais
536 ERRATA PilOY ENA1NT DES
sur le droit imprescriptible qu'elle reconnaissait aux hommes
réunis en société de fixer les règles de leur association.
Et ici, ce n'est point une doctrine que nous établissons,
c'est un (ait que nous voulons simplement expliquer. Nous
n'examinons point s'il eût été plus avantageux \ our la France
d'a\oir des droits perdus à recouvrer, d'antiques libertés à
faire revivre, au lieu de se créer des droits nouveaux, et de
fonder une liberté sans titres antérieurs, et dépouillée du respect
que se concilient d'ordinaire les vieilles origines. Londres nous
a prouvé qu'une réforme où il ne s'agit que de revendication
peut encore être terrible, et s'abreuver aussi du sang des rois.
Il est probable cependant que , si nous n'eussions eu qu'à
réparer, si notre état ancien eût pu nous fournir des bases
assez solides encore pour soutenir des constructions nouvelles y
notre réforme eût été plus facile, plus calme et plus parfaite
peut-être. Mais telle n'était point notre position; il a fallu
qu'une complète dissolution de notre ancien ordre politique
s'opérât, pour qu'un ordre nouveau prît naissance ; et dans ce
prodigieux travail d'une société qui se régénère, la France
restera comme un grand et fatal exemple, capable d'effrayer,
mais aussi d'instruire les nations. Comme de la réformation
date le principe d'examen dans l'ordre religieux, de la révo-
lution française datera le principe d'examen dans l'ordre poli-
tique ; c'est là un fait dont quelques opinious pourront se
plaindre, mais qu'aucune ne peut nier, et qui d'ailleurs fut
solennellement proclamé par l'homme qui a dit que de la
révolution de 1789 commençait, pour le monde, l'ère ôcù
gouvernemens représentatifs; parole mémorable, et qu'un quart
de siècle a déjà revêtue d'une grande consécration.
C'est cette révolution , c'est cet homme dont Walter Scott a
entrepris d'écrire l'histoire. Nous laisserons à d'autres le soin
d'examiner les titres de cet écrivain à entreprendre cette
grande tâche; que Walîer Scott soit Anglais, qu'il soit tory,
peu nous importe; ses opinions ne sauraient être une autorité
contre nous, si elles ne sont pas conformes à l'opinion la plus
générale; sa sentence ne saurait être définitive, si elle n'est
ratifiée par la voix des contemporains et parcelle delà posté-
rité. Ce n'est pas d'ailleurs à un étranger accoutumé dès son
enfance à envisager sous un certain point de vue les faits qu'il
raconte, connu par les témoignages publics d'une grande mal-
veillance contre le pays dont il écrit l'histoire, qu'on ira de-
mander cette rigide et majestueuse impartialité qui d'ordinaire
n'est le partage que d'une âme grande et forte, dégagée de
HI/niAiNCliK.Ui-YS DE l.\ C.KYSUIW;. V',:
loues les préoccupations nationales, do toutes 1rs déceptions
contcmpoi aines.
p. 6aa, I. •/> , rétablisses le passage suivant qui terminait
L'alinéa, après ce) mc^it i sur leurs privilèges} il oublie que la
courue voulait point la réfoime, et qu'on ne pouvait réelle-
ment l'accomplir qu'avec et par le peuple. C'est et) Continuant
la môme cireur que Walter Scott prétend qu'il fallait, à l'ap-
proche des Ltats de 1780,, consolider habilement l'influence de
la noblesse et du clergé, tandis qu'il est bien évident que ce fut
la résistance de ces d.-ux corps qui de\inl l'origine de tout lo
mal , en faisant comprendre aux partisans de la révolution la
nécessite d'une attaque violente, en inspirant l'inimitié bien
plus que la conciliation, en excitant de fatales défiances contre
Le g mvernemeut que Ton voyait pencher vers les ordres privi-
légiés. À la vérité, Walter .Scott prétend qu'il fallait en même
tems « prendre des mesures pour s'assurer dans le tiers-état, lui-
même quelques partisans de la monarchie, » conseil de tory,
(pie Walter Scott répète plusieurs fois, sans songer que ces
pratiques de cori uption, faciles dans un tems d'égoïsme , ne
Le sont pas à une époque d'enthousiasme, où tous les intérêts
di paraissent devant le triomphe d'une opinion. Je ne crois pas
qu'après la séance du jeu de paume tous les trésors de ia France
eussent suffi à gagner une majorité dans le tiers-état; et même
auparavant , toute tentative de ce genre n'aurait obtenu aucun
succès. Walter Scott ne s'est point pénétré de l'esprit du tems
qu'il raconte; à tout moment, on le surprend à indiquer, comme
d'infaillibles moyensde maîtriser la tourmente révolutionnaire,
les moyens qui avaient servi à diriger avec succès la marche du
gouvernement solidement constitué dans son pays; il ne voit
pas que des argumens, justes dans un certain ordre d'idées, de-
viennent tout-à-fait faux dans un ordre d'idées opposé. Il
pousse la préoccupation à cet égard jusqu'à comparer la révo-
lution française à l'émeute qui agita Londres pendant une se-
maine, en 1780, et il a l'air de croire sérieusement que, pour
en finir, Louis XVI n'avait qu'à faire alors ce qu'avait fait.
Georges III, huit ans auparavant. C'est avec la même légèreté
que Walter Scott affirme qu'au 10 août, « si la sortie des Suisses
eût été appuyée par un corps suffisant de cavalerie, la révolu-
tion eût pu être terminée ce jour-là. » C'est avec une légèreté
plus incroyable encore qu'il dit, quelques chapitres après:
«L'attaque de Nantes offrait aux Vendéens une très- belle
perspective; le succès pouvait peut-être décider du sort de la
révolution. »
1». 668,'1. ii} après ces mots t. xxv, p. 245-i5o), rétablisse/
!)3S ERRATA PROVENANT DES
le passage suivant : Nous avons regretté de ne pas trouver dans
Y indication des événemens remarquables t le voyage de La Fayette
aux Etats- Unis d' Amérique. Il faut être de bien mauvaise foi
pour ne pas reconnaître la grandeur et la majesté du spectacle
d'un peuple entier rendant un hommage public, spontané et
solennel, à l'homme qui a contribué à fonder la liberté, et par
conséquent le bonheur de ce peuple. C'est un grand événement
dont les annales du monde n'ont offert jusqu'ici aucun exemple,
et qui mérite d'être enregistré, non-seulement dans la série
des événemens les plus remarquables d'une année, ou d'un
siècle, mais parmi les faits dignes de servir de leçon aux siècles
à venir.
P. 674,1. 37, après ces mots : Il souscrivit (le roi de Saxe) àl'af-
faiblissementdeson pouvoir, lisez : Et vitun membre de la Sainte
Alliance s'enrichir de ses dépouilles. Cette faiblesse de sa part
prouve au moins combien ce prince aimait la paix et la tranquil-
lité. Du reste, son gouvernement ne fut point remarquable par
de grandes vues; il laissa la constitution de son royaume dans
l'état imparfait et suranné où il l'avait trouvée, à son avènement.
La seule concession faite à l'esprit du siècle, ce fut le droit
qu'il accorda aux propriétaires roturiers de biens ci- devant
nobles, de siéger à la diète du royaume. Les journaux poli-
tiques de Saxe sont insignifians, parce qu'ils ne jouissent d'au-
cune liberté, et les journaux littéraires de ce pays portent
souvent des traces cle mutilations. Ces restrictions de la liberté
de la presse n'existent, il est vrai, que depuis le fameux congrès
de Carlsbad, qui imposa à toute l'Allemagne l'esclavage de la
pensée.
Cahier à' Octobre.
P. 8, 1. 1 3, dans \& Notice sur V Exposition publique des pro-
duits des manufactures françaises , rétablissez le passage sui-
vant, supprimé tout entier :
Il faut avouer que l'on ne pouvait choisir plus mal-
heureusement les circonstances et l'occasion pour sou-
mettre un tel projet au jugement du public éclairé.
Vous qui rêvez le palais de ï industrie , pensez vous donc
qu'elle ne court aucun danger ? La crise commerciale
que l'Angleterre vient d'éprouver, n'est-elle donc pas
un avertissement salutaire? L'horizon politique n'est pas
sans nuages; la plus vaste partie du Nouveau-Monde
est encore loin de l'état de repos et de prospérité dont
ftETRANCHEMBNS DE LA CENSURE. 53«j
le commerce européen profiterait; L'Amérique du nord
discute la grandi; question du choix des manufactures
qui lui conviennent; et, en attendant, plusieurs des Etats
Confédérés se comportent, comme SI leur pays avait le
projet de s'affranchir de: toutes les industries étrangères.
Des Sociétés d'encouragement s'établissent ; elles répan-
dent 1 instruction , favorisent les étahlisscmens indus-
triels , impriment aux capitaux une direction vers les
manufactures. Cette tendance ne pouvant être consi-
dérée comme passagère, le teins approche où le nord
de l'Amérique n'aura presque plus rien à demander à
l'Europe, sans que cette sorte d indépendance soit réci-
proque. Le commerce extérieur de la France est donc
menacé de pertes dont rien ne le dédommagera. Quant
au commerce intérieur, la consommation est sa mesure,
et pour consommer beaucoup , il faut au moins de l'ai-
sance. Si les millions que doit coûter un palais de l'in-
dustrie sont ajoutés aux contributions actuelles , ils
seront pris sur les consommations , et en plus grande
partie sur celles des produits des fabriques : ce sera
donc en dernière analyse l'industrie elle-même qui sup-
portera presque seule la dépense du monument élevé
en son bonneur. Ce ne sera pas un don qu'on lui aura
fait ; elle pourra se croire dispensée de reconnaissance-
Ajoutons encore que les expositions publiques , de quel-
que manière qu'on les fasse , sont complètement inutiles
à quelques fabriques très-dignes d'estime : les directeurs
de ces précieux établissemens ont soin de se tenir cons-
tamment au niveau des connaissances relatives à leur
art : leurs produits passent dans les boutiques des mar-
chands sans faire un long séjour dans les magasins de
la fabrique, et le consommateur, dont la confiance n'a
jamais été trompée , les achète de préférence a tout ce
qui est recommandé par des annonces fastueuses. A me-
sure que l'instruction se répandra , cette disposition des
esprits deviendra plus commune; de jour en jour, on
sera moins curieux d'apprendre quel fabricant a obtenu
des médailles ou d'autres récompenses; on se conten-
tera de savoir que celui dont on consomme les produits
;> 4o ERRAT.Y PROVENAIT DES
fait aussi bien qu'aucun autre, et ne vend pas plus cher.
Est-ce déjà pour cette raison que des cités manufactu-
rières, des départemens renommés par leur industrie
se sont abstenus de paraître à la dernière exposition ? Et
cependant, cette industrie modeste, consciencieuse,
juste appréciatrice de la renommée, est celle qui élève
par degrés la prospérité i\u commerce , au- dehors comme
au -dedans : c'est elle qui garantit le pins sûrement la
portion du revenu public dont le commerce est la
source. Les services qu'elle rend méritent une haute
estime et la protection spéciale du gouvernement; mais
ce ne serait pas pour elle que l'on construirait le palais
de l'industrie.
Nous l'avouons sans peine ; ce projet de palais nous
tient à cœur. Jamais peut-être l'extravagance et i'ina-
propos d'une proposition ne fut plus remarquable. On
peut comparer ce monument gigantesque à celui dont
Bonaparte ordonna l'érection , lorsqu'il sentit les pre-
mières atteintes des secousses qui devaient bientôt le
renverser. Le colosse aux pieds d'argile, chancelant sur
sa base, essaya de la raffermir par des conceptions im-
posantes ; il n'imagina rien de mieux qu'une pyramide
de granit, élevée au sommet des Alpes, dont une face
tournée vers la Baltique, et l'autre vers Rome et le
Vésuve, recevraient, en lettres inaltérables, les noms
de toutes les parties de son vaste empire. Certainement,
aucune catastrophe imminente ne menace le commerce
français : mais on ne peut dissimuler que sa position ac-
tuelle exige tout autre chose que ce que d imprudens
amis demandent en son nom. Des canaux et des routes
lui seront plus utiles que des palais. Au reste, si le faste
des expositions publiques ne peut se passer de nouvelles
. constructions , la voie des souscriptions peut y pourvoir :
ceux qui seront intimement convaincus des bons effets
dont cette institution est regardée comme la cause, ne
se borneront pas à lui offrir 1 hommage de leurs idées
et de leurs vues ; ils seront jaloux de réaliser le bien
qu'ils entrevoient, et d'en faire jouir leur patrie, même
au prix d assez grands sacrifices et de pénibles efforts.
lll'.TU \\< III Ml \S DE LA CENSURE. '>/, i
Il ne serait point équitable d'obliger les incrédules à
venir ;m secours «le ceux qui ont neçn la foi , à partager
des travaux dont ils n'attendent aucun boit résultai. Les
souscriptions sont une pierre de touche avec, laquelle
ou peut reconnaître l'utilité réelle d'une entreprise •' ('elle
dont le succès est assuré supportera toutes les épreuves ;
pense-t-on que l'entreprise d un palais de l'industrie
put y résister ?
I\ 80, I. 'i , après ces mots : Qui se disputent la Grèce, réta-
blissez la (in de l'alinéa qui avait été poupée par Ja cen-
sure : F.u voyant ce qu'est aujourd'hui !a nation ottomane,
les personnes qui n'avaient eueore qu'une idée confu-,c de la
Turquie pourront mieux s'expliquer les projets et les voeux
secrets d'un cabinet chrétien-, si constant défenseur de la
sublime Porte, si actif à la secourir, si fertile en ressources
pour t ntraver la pitié, la conscience ou la raison des autres
gouvernciuens. Ce bou régime turc est un modèle si accompli
<ie l'art d'abrutir les hommes! Il serait si doux de voir tous les
peuples, aussi impassibles que les musulmans, regarder comme
un don du ciel tous les fléaux de l'espèce humaine, depuis la
peste jusqu'aux visirs; et, toujours ivres de tabac, d'opium et
de fanatisme, livrerai! bon plaisir leurs biens, leurs tètes, leurs
familles, en répétant d'un air stupide : Dieu le veut! On sent
combien il en coûterait de permettre qu'une résignation de si
bon exemple fût rejetée dans l'Asie, et soustraite à rectifica-
tion des Autrichiens et des Lombards !
P. 118, 1. 6, après ces mots: Comme le Washington de
l'Amérique du sud, lisez : Un recueil de principes sur la liberté
des peuples pouvait- il être mieux présenté qu'au libérateur
d'une des plus belles parties du Nouveau -Mo n de?
P. a 1 8, 1. a3, après ees mots : Année 1826, rétablissez le
passage suivant, supprimé tout entier : C'est dans ce même
numéro que le prince Viazkmsky a inséré (p. 89-93) un article
nécrologique sur le grand orateur ravi en i8a5 à la France, et
regretté par les hommes de bien de tous les pays. Nous re-
produisons ici quelques lignes de cette Notice, qui feront juger
favorablement et de celui qui l'a écrite, et du rédacteur qui
l'a admise dans son journal : « La plus douce récompense que
le gémral Foy put espérer pour ses services et pour son sang
dans le.-, combats, était la confiance de ses concitoyens,
man 1 lestée par sa nomination à la Chambre des députés 11
déploya dans cette nouvelle carrière des talens extraordinaires,
et se distingua par une éloquence mâle, vive et brillante, par
542 ERRATA PROVENANT etc.
de vastes connaissances dans les objets relatifs à l'administra-
tion civile et militaire, et à l'économie politique. Combien de
fois ce représentant de la gloire des armées françaises n'a-t-il
pas entraîné ses auditeurs par l'impétuosité d'une âme ardente
et d'une noble indignation, en défendant la cause de ses com-
mettans! Il ne lui arrivait pas, il est vrai, d'avoir toujours la
victoire de son côté ; mais ses paroles retentissaient dans toute
la France, et sa gloire personnelle fermait, par le respect in-
volontaire qu'il avait inspiré, la bouche de ses adversaires qui
devenaient victorieux à leur tour par la majorité des voix. »
Ensuite , après avoir parlé des funérailles de ce grand citoyen ,
du deuil général de toute la France, spectacle imposant et
nouveau dans les annales contemporaines , l'écrivain russe
termine son article par ces paroles : « C'est ainsi que la France
et ses poètes savent honorer la mémoire de leurs héros. »
TABLE DES ARTICLES
CONTENUS
DANS LE CEÇfT SEPTIÈME CAHIER.
NOVEMBRE 1827.
I. MÉMOIRES, NOTICES ET MÉLANGES.
i. Notice sur le chlore et les chlorures, et sur leurs divers
emplois D. IV. Pag. 2j3
2. Voyage de Naple9 à Amalfi(avec 4 pi. lithogr.). E.-G. D'A. 278
3. Notice biographique sur Pestalozzi C. Monnard. 295
II. ANALYSES D'OUVRAGES.
4. Dictionnaire d'agriculture pratique N. 3o6
5. Voyage métallurgique en Angleterre , par MM, Dufrénoy
et Eiie de Beaumont Ferry. 3 14
6. OEuvres de Servan Parent-Réal. 320
7. Tableau chronologique des événemens rapportés par Ta-
cite; par M. de Fortia Charles du Rozoir. 3iy
8. Espagne poétique ; choix de poésies castillanes , mises en
vers français , par Don J.-M. Maury. Second et dernier
article Muriel. 33o,
9. OEuvres complètes de J. Fenimore Cooper B. J. 346
10. L'enseignement du dessin linéaire; par L.-B. Francœur.
de Silvestre , de l'Institut. 36 1
III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Annonces de 108 ouvrages , français et étrangers.
Amérique septentrionale. — États-Unis, 1 3^2
Antilles. — La Havane , 1 ouvrage périodique 375
Europe. — Grande-Bretagne, 12, dont 1 ouvrage périodique, ibid.
— Russie, 3, dont 1 ouvrage périodique 386
— Danemark , 2. . 3go
— Allemagne, 9 , dont 1 ouvrage périodique 392
— Suisse, 6 4oi
— Italie, 9 4o5
— Espagne, 1 4i3
— Pays-Bas, 9 4i4
France, 54, savoir : Sciences physiques et naturelles, i5. . . . 419
— Sciences religieuses , morales , politiques et historiques, 17. . . 433
— Littérature, i5 452
— Beaux-Arts , 3 467
54 /i TABLE UF.s articles.
— Mémoires et Rapports de sociétés savantes, l 47 x
— Ouvrages périodiques , a 477
Livres en langues étrangères , imprimés en France , i . 479
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES.
A mÉkiquk septentrionale. — Etats-Unis. Floride occidentale:
Climat, sol, productions ; avantages que peuvent se promettre
les colonseuropéens qui voudraient s'établir clans cette contrée. 48 1
Afrique. — Tripoli de Barbarie : Publication d'un journal ;
Expédition projetée par le pacha contre les Arabes révoltés
du Djebel ; Renseigneraens sur ces Arabes ; Origine de Tin-
buktuu , d'après Us auteurs arabes; Détails sur les tribus qui
habitent cette ville. . - 4 >7
EUROPE.
Iles Britanniques. — Londres ; Pont sous la Tamise 49 r
Russie. — Saint-Pétersbourg : Société d'économie ; Propagation
de la vaccine. — Odessa : Bateau à vapeur ; Etablissemens
publics pour L'éducation de la jeunesse. — Crimée. Symphé-
ropol : Découverte d'antiquités. — Kench : Découverte d'an-
tiquités 494
Pologne. — Ci acovie : Société philomatique de l'Université;
Nomination académique 49^
Allemagne. — Bavièie. Wnrtzbourg : Institut orthopédique —
Munich : Fondation d'une école polytechnique. — Etat de
l'industrie dans le Harz , en 1826. — Nécrologie : Hebel. . . . 497
Suisse. — Promenade à Hofwyl , ou situation actuelle des eta-
blissemens de M. de Fellenberg. — Nécrologie : Hen:i Boissier. 5o5
Italie. — Florence: Etat de l'instruction publique. — Venise:
Monument en l'honneur de Canova 5o8
Pays-Bas. — Académies de Couvain et de Groningue. — Bruxelles :
Société pour l'utilité publique. — Amsterdam : Société pour
l'amélioration morale des condamnés 5 10
France. — Sociétés sayaûtës : Ârras ( Pas-de-C lais): Société
pour l'encouragement des sciences, des lettres et des arts :
Prix proposés 5 12
Paris. — Institut. Académie des Sciences : Séances du 22 octobre
au r2 novembre. Académie française : Séance publique au i3
novembre pour la réception de M. Bover Collai d. — Société
d'horticulture. — Muséum d'histoire naturelle au Jardin du
Roi. — Réclamation. — Théâtres. Odéon : Premières représen-
tations de l'Homme du monde, drame, et de la Sœur, ou les
Deux riches, comédie. — Beaux-Arts .-Exposition des tableaux
en 1827 5f3
Ekrata provenant des retranchtmens de la Censure 53 1
REVUE
ENCYCLOPÉDIQUE,
ou
ANALYSES ET ANNONCES RA1SONNÉES
DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES
DANS LA LITTÉRATURE, LUS SCIENCES ET LES ARTS.
I. MÉMOIRES, NOTICES,
LETTRES ET MELANGES.
PRECIS HISTORIQUE SUR LA SITUATION ACTUELLE DE LA
RÉPUBLIQUE ARGENTINE (BUENOS-AYREs).
TROISIÈME ET DERNIER ARTICLE.
(Voy. Rev. Enc, tom. xxxv, p. 5- 17 et p. 553-567.)
Il nous reste, pour compléter les renseignemens que nous
avons promis sur la République Argentine, à faire connaître
ses relations avec les pays voisins et la constitution que le
congrès actuel lui a donnée. Nous terminerons par quelques
détails sur les motifs de la continuation de la guerre avec le
Brésil et sur les changemens que cette circonstance paraît
devoir amener.
Le Chili est toujours resté en bonne intelligence avec
Buenos -Ayres, et il a montré autant de sympathie que de
reconnaissance pour le peuple auquel il est, en partie, rede-
vable de sa libération du joug espagnol. Car, à l'époque où
t. xxxvi. — Décembre 189.7. 35
546 PRÉèlS HISTORIQUE
la République Argentine, à peine libre elle-même, avait à
lutter contre une feule de difficultés intérieures et contre plus
d'un ennemi, elle créait une armée qui, sous la conduite de
San-Martin, traversait audacieusement les Andes, affranchis-
sait le Chili après de glorieux combats, pénétrait dans le
Pérou, et faisait la conquête de Lima. Cette armée aurait dès
lors achevé la délivrance du continent américain, si le général
eut mis à profit l'ardeur et le courage des soldats que l'intrépide
Français Branzcn avait déclarés , avant de mourir, au milieu de
la victoire d'Ituzaingo, dignes d'être comparés aux plus braves
de l'ancien monde. Un traité de commerce et d'alliance offen-
sive et défensive devait resserrer les relations amicales entre
ces deux pays; on doit regretter qu'il n'ait pas été ratifié, mais
peut-être n'est-il qu'ajourné : l'intérêt commun le réclame.
Quand la guerre éclata entre le Brésil et la république Ar-
gentine, le général Freire , alors président du Chili, offrit
ses services personnels au gouvernement de Buenos-Ayres, et
le peuple chilien manifesta les dispositions les plus favorables
pour le seconder.
Le président Rivadavia eut l'heureuse idée, en entrant en
fonctions, de demander au Chili ses navires disponibles, en
paiement de la dette contractée envers Buenos-Ayres, lors
de son émancipation. Cette petite escadre aurait suffi pour
repousser les Brésiliens; mais elle ne put doubler le cap Horn,
à l'exception d'une corvette. Malheureusement, une frégate,
le principal navire de cette escadre, périt avec près de 700
hommes d'élile, parmi lesquels on comptait un grand nombre
d'officiers volontaires et Ventura Vasqucz, militaire distingué,
qui avait négocié avec bonheur l'acquisition de l'escadre. Cette
perte fut d'autant plus désastreuse pour la République Argen-
tine, que, ne possédant pas un seul gros bâtiment, elle se
trouvait dans l'impossibilité, malgré les efforts prodigieux de
l'amiral Brown, de faire lever le blocus de la Plata.
Ce qui a empêché le Chili d'aider plus efficacement Buenos-
Ayres, c'est l'état de désordre qui, depuis quelques années,
se perpétuedanscepays.Ilest travaillé d'une fièvredémocratique
SUR LA aÉPl 'BLIOLK A KC.KNTLNE (Buenos -Ayres). r>47
qui le prive de tout moy< n d'aeîion, et fjnl expose sans cesse
le gouvernement à la rivalité du peuple et du congrès; aussi,
la première place de l'et;it n'y lente personne, cl tout restera
nécessairement slaiionnairc jusqu'à ce que les différens pou-
voirs soient en harmonie entre eux et avec la nation. Si un
pareil Ordre de choses devait se prolonger, le défaut d'ordre
et de stabilité rendrait toute espèce de progrès impossible au
Chili. Ce sentiment de rivalité entre des pouvoirs nouvelle-
ment établis, et dont les limites ne sont pus exactement fixées,
n'est malheureusement que trop commun dans les Etats affran-
chis depuis peu, et qui n'ont pas une organisation définitive.
Dans le Chili , néanmoins, ce conflit de prétentions n'établit
pas une lutte de principes, et appartient moins au peuple
qu'aux partis qui se disputent la prépondérance. Il n'existe
peut-être pas, en Amérique, de nation dont le caractère soit plus
facile à diriger vers le Lien que celui des Chiliens.
Aucune contrée américaine n'avait plus de motifs de s'allier
avec Bucnos-Ayres que celle qui porte le nom de Bolivïa , jadis
le Haut-Pérou. D'abord comprise dans la vice- royauté du Pé-
rou , elle avait été incorporée à celle de Buenos - Ayres, long-
lems avant la révolution. A cette dernière époque , elle fut aidée
et secourue par les autres provinces; elle fut même totalement
délivrée des Espagnols par les troupes de Buenos-Ayres; mais,
plus tard, celles ci essuyèrent des revers, et, après une lutte
opiniâtre et des sacrifices considérables, elles ne purent empê-
cher le Haut-Pérou de retomber sous le joug de ses anciens
maîtres, qui s'y rassasièrent de vengeance et en conservèrent la
possession jusqu'à la bataille d'Ayacucho, qui mit fin à la domi-
nation espagnole sur le continent américain. Le général Sucre
envoya demander des ordres au Congrès réuni à Bucnos-Ayres.
Par un désintéressement qui fait honneur ci la République Ar-
gentine, puisque le général Arcnalcs avait énergiquement con-
couru à sa délivrance, elle voulut que les provinces nouvelle-
ment affranchies disposassent librement de leur sort, soit qu'il
leur convînt de faire partie des provinces unies , ou de se
rattacher au Pérou, ou de se constituer État indépendant. Elles
35,
548 PRÉCIS HISTORIQUE
choisirent ce dernier parti, et le général Sucre, lieutenant de
Bolivar, fut chargé par lui de les administrer, avec le titre de
grand maréchal d'Ayacueho. Bientôt la nouvelle république dé-
créta l'érection de statues pour Bolivar et pour Sucre, prit ou
accepta le nom de Bolivia , en l'honneur du premier , et adopta
îe Code Bolivien qui , dans un pays libre, établit un président à
vie, inviolable, ayant la faculté de nommer son successeur, et
des censeurs, dont on a généralement blâmé la création et sur-
tout les attributions. Après avoir adopté la constitution boli-
vienne , le Congrès du Haut-Pérou réclama du gouvernement
de Buenos-Ayres la reconnaissance de son indépendance. Celui-
ci , fidèle à ses principes , répondit qu'il ne pouvait adhérer à
ce désir , avant que les troupes colombiennes eussent quitté
Bolivia ; jusque-là, cette contrée semblerait toujours sou-
mise à une influence étrangère. Celte réponse fut mal reçue par
le congrès; il rompit sans ménagement toutes ses relations avec
la République Argentine, prit vis-à-vis d'elle une attitude hos-
tile, et préluda aux attaques qu'il préparait en décrétant la
réunion au territoire du Haut -Pérou du district de Tarija,
qui avait toujours appartenu à la province de Salta. Cette con-
duite était d'autant plus contraire aux grands intérêts publics,
qu'elle avait lieu à l'époque où la guerre avec le Brésil aurait com-
promis plus ou moins la sûreté des autres républiques améri-
caines, si D. Pedro avait pu réussir dans ses projets de conquête.
Buenos-Ayres ne répondit pas à ce procédé insul-tant. Les Brési-
liens envahirent la province de C/iirjuitos, qui appai tenait à la
République Argentine. L'honneur national devait s'en trouver
offensé; mais les Boliviens n'envoyèrent aucun secours à Buenos-
Ayres, quoique les soldats colombiens eussent témoigné le désir
de ratifier par de nouveaux exploits l'alliance conclue en 182*3
entre Buenos-Ayres et leur patrie. Bolivar, à son tour, refusa
d'écouter les sollicitations du général Alvcar, chargé près de lui
d'une mission extraordinaire par le gouvernement de Buenos-
Ayres. On a même prétendu qu'il ne s'était point contenté de
refuser sa coopération contre le Brésil , et qu'il u'avaitpas été
étranger aux troubles de quelques provinces du Rio de la Plata,
SUB LA RÉPUBLIQUE ÀRGENTINE\Buenos A.tees V,.>
soulevées contre 1<' gouvernement central. Les données nous
manquent pour apprécier une accusation aussi grave, et non-,
désirons sincèrement qu'elle ne M>it point fondée (i).
A peine Bolivar eut-il quitté le Pérou pour retourner en Co-
lombie, qu'une révolution pacifique rapprocha dans un même
but les habitansdu pays elles militaires colombiens eux-mêmes,
qui, dans cette circonstance, se montrèrent véritablement sol-
dats citoyens. Inquiéta sur le sort de leur propre constitution ,
ils concoururent à l'abolition du Code Bolivien, imposé au Pé-
rou, et après avoir assisté au rétablissement d'un gouverne-
ment national, ils quittèrent cette contrée dont ils avaient mérité-
la reconnaissance , et se hâtèrent d'aller défendre leurs institu-
tions menacées.
Le peuple péruvien s'est montré digue de ses destinées, en
choisissant pour chef le général Lama?-, l'un des hommes les
plus modestes et les plus distingués de l'Amérique méridio-
nale; le Congrès s'honora également par l'élection à la prési-
(i) On ne peut se dissimuler que le général Bolivar s'est trompé , et
qu'il a éveillé contre I«ui la juste défiance des amis sincères de la liherté,
en voulant faire attribuer, par le Code Bolivien , une trop grande pré-
pondérance , une autorité presque monarchique et absolue , et une
sorte de stabilité héréditaire au pouvoir exécutif. Mais cette erreur ne
doit faire méconnaître ni les immenses services qu'il a rendus à la
cause de l'indépendance nationale, ni les droits qu'il s'est acquis à
l'estime des peuples, et auxquels sans doute il ne voudrait point re-
noncer, en trahissant sa réputation et sa gloire, et en démentant la
hante confiance que ses compatriotes lui ont accordée avec un entier
abandon et le jugement favorable qu'une sorte de postérité anticipée ,
en Europe, a déjà porté sur lui. Pourrait-il balancer entre le rôle de
Washington et celui de Bonaparte? On remarque , d'ailleurs, avec une
vive satisfaction, que, depuis son retour en Colombie, le général
Bolivar s'est empressé de renouveler le serment solennel de respecter
et de faire observer la Constitution , et de maintenir l'état actuel des
choses jusqu'à la décision souveraine de l'assemblée générale, convo-
quée au mois de mars 1828 pour examiner s'il convient que la Cons
titution soit modifiée.
N. du R.
55o PRÉCIS HISTORIQUE
dence du vertueux et savant ecclésiastique Luna Pizarro. Le
nouveau gouvernement , à peine installé, donna l'ordre au
chargé d'affaires du Pérou à Rio- Janeiro de quitter cette capi-
tale, pour aller féliciter le gouvernement de Buenos-Ayres sur
les résultats de la bataille d'Ituzai/?go ; et c'est ainsi que le
Pérou satisfit à la dette de la reconnaissance.
Les institutions adoptées par Buenos-Ayres et la confiance
qu'inspira l'administration de D. BernardinoRivadavia valurent
à cette contrée d'être reconnue la première par les États-Unis
de l'Amérique du nord et par l'Angleterre. Dès 1822, la Prusse
ouvrit officiellement des relations commerciales avec Buenos-
Ayres, et s'engagea à une réciprocité complète qui ne s'est
jamais démentie. Ce fut vers Buenos-Ayres que se dirigèrent,
sous le gouvernement constitutionnel de l'Espagne, les députés
chargés de négocier, entre la métropole et ses anciennes co-
lonies, un traité qui unirait aujourd'hui les deux nations, si
le rétablissement de l'autorité absolue n'avait pas eu lieu.
L'exemple des États-Unis a été suivi de fait par d'autres
puissances, les Pays-Bas, la Suède, la Bavière et le Wurtem-
berg. La France même a reconnu implicitement l'indépendance
des nouveaux États , puisqu'elle admet leurs pavillons dans ses
ports, puisqu'elle accorde à leurs envoyés le droit de délivrer
des passeports aux Américains du sud , et puisqu'elle a nommé
des consuls près de tontes les républiques et reçoit les leurs.
Il est affligeant, toutefois, que le gouvernement français n'ait
point consenti à une reconnaissance franche et formelle qui eût
assuré au commerce français une grande et salutaire influence
dans l'Amérique méridionale , qui eût délivré les Américains
du sud de toute inquiétude sur leur avenir, qui leur eût permis
de licencier des armées qui absorbent leurs ressources, et
dont la présence aux drapeaux nuit à une bonne organisation
sociale, et prive l'agriculture, le commerce, l'industrie d'un
grand nombre de bras nécessaires. Quels que soient les désor-
dres intérieurs et l'agitation qui régnent dans les nouveaux
États, leur séparation de la métropole espagnole n'en est pas
moins consommée, et aucun effort ne saurait rétablir l'ancien
SUIW \ i;i.Pl BLlOli: AIU'.KIN IINK IJuinos Ayrls;. 55 i
ordre de choses. Pourquoi doue balancer encore à les recon-
naître définitivement ei légalement ?
r.u annonçant que nous examinerions la constitution dé-
crétée par le congrès actuel de la République Argentine, notre
intention n'était pas de la présenter dans tous ses détails.
Nous dirons seulement que , sous le rapport des garanties
publiques et individuelles, elle ne laisse lien à désirer. Puis,
nous indiquerons les points par lesquels elle se distingue des
autres codes fondamentaux adoptés par dircri pays, et com-
ment elle concilie, autant que le permettent les localités, les
avantages du gouvernement fédératif et ceux du gouverne-
ment unitaire ou central, sous le titre de gouvernement repré-
sentatif républicain , consolide par l'unité.
La religion de l'état est la religion catholique, apostolique
et romaine; niais elle ne jouit d'aucun privilège particulier et
exclusif : tous les citoyens sont seulement obligés de la respecter,
quel que soit le culte qu'ils professent. Le président exerce , con-
formément aux lois, une surveillance et un patronage général
sur tout ce qui se rapporte au culte et sur les membres du
clergé ; il nomme les archevêques et les évoques , sur une liste
de trois candidats présentés par le sénat; la haute cour de
justice examine les brefs et les bulles du pape, et donne son
opinion au pouvoir exécutif sur leur admission ou leur rejet.
Le pouvoir exécutif n'est point limité dans le droit de con-
férerle titre de citoyen aux étrangers, et quiconque a combattu
pour la république devient, par cela même, citoyen. TJnecause
qui suspend l'exercice du droit de citoyen, c'est de ne point
savoir lire ou écrire; mais cette disposition ne sera en vigueur
que la dixième année après la promulgation de la constitution.
Le pouvoir législatif appartient à un congrès composé de deux
chambres, l'une de représentans, l'autre de sénateurs. Les rc-
présentans sont élus directement par tous ceux qui jouissent des
droits de citoyen, à la simple majorité fies suffrages, dans la
proportion d'un député pour i5,ooo habitans , ou une fraction
au-dessus de huit mille. Les conditions nécessaires pour être
représentant sont d'être citoyen depuis 7 ans, d'avoir a5 ans.
55a PRÉCIS HISTORIQUE
accomplis, de posséder un capital de 4,000 piastres (20,000 fr.),
une profession indépendante ethors de toutemploî concédé par
le gouvernement. Cette condition ne sera de rigueur que dans
dix ans. Les représentais sont pendant quatre années en fonc-
tions , et renouvelés par moitié tous les deux ans; ils ont l'ini-
tiative de toutes les lois financières , et ne peuvent accepter
d'emploi sans le consentement de la chambre; autrement, ils
seraient censés avoir donné leur démission.
Les sénateurs sont nommés, dans chaque province, par une
junte d'électeurs qui réunissent les conditions exigées pour être
représentans , et qui sont choisis par le peuple. Les élections
demeurent secrètes et les procès - verbaux , bien régularisés ,
sont envoyés au sénat, et pour la première fois, au congrès. Si
l'un des candidats a obtenu la majorité absolue, il est proclamé;
sinon , le sénat procède au ballottage entre tous ceux qui ont
réuni le plus de voix. Pour être sénateur, il faut avoir 36 ans
accomplis, être citoyen depuis o, ans , et posséder un capital de
10,000 piastres ( 5 0,000 fr. ). Les sénateurs sont pendant neuf
années en fonctions, et on les renouvelle par tiers tous les
trois ans. Ils jugent en séance publique les fonctionnaires ac-
cusés parles représentans; leur jugement ne peut ordonner que
la perte de l'emploi ; l'accusé est ensuite renvoyé devant les
tribunaux ordinaires. Les sénateurs et les représentans reçoi-
vent un traitement fixe. Le congrès a seul le droit de déclarer
la guerre, après avoir entendu le rapport du pouvoir exécutif.
Celui - ci peut proposer des amendemens aux lois faites par le
congrès , et les deux tiers au moins des voix dans les deux
chambres sont nécessaires pour rejeter ces amendemens. La
loi est exécutoire dix jours après avoir été promulguée. Les
votes ont lieu par oui et non , et la presse publie immédiatem enl
les noms et les motifs des votans, ainsi que les amendemens ou
les objections du pouvoir exécutif.
Le pouvoir exécutif est confié à un président dont les fonc-
tions durent cinq ans, et qui ne peut être immédiatement réélu;
il doit être né sur le territoire de la république et réunir les
conditions exigées pour être sénateur. Sa nomination est con-
SURI, A RÉPUBLIQUE ARGENTINE (Buenos- Aybes). 553
fiée à une junte de quinze ('lecteurs, nommés danschaqiie pro-
vince par les citoyens, dans les formes voulues pour les séna-
teurs. Les procès -verbaux sont envoyés au sénat , et la personne
qui réunit les deux tiers des suffrages au moins est proclamée.
Si les voix sont éparses, le congrès procède, dans la même
séance, au ballottage entre les citoyens qui ont obtenu le plus
grand nombre de voix. Dans les attributions du président se
trouve le droit de diriger en chef les forces de terre et de mer :
mais il ne peut commander en personne sans l'autorisation spé-
ciale du congrès, donnée par les deux tiers des suffrages dans
l'une et l'autre chambre. Il doit soumettre les nominations aux
emplois supérieurs à l'approbation du sénat, excepté celle des
ministres secrétaires d'état, qui ne peuvent être en même tems
représentais, ni sénateurs.
Le pouvoir judiciaire se compose d'une haute cour de justice,
formée de neuf juges et de deux membres du ministère public ,
de tribunaux supérieurs et de tribunaux inférieurs. Les membres
de la haute cour doivent avoir reçu leurs degrés en droit de-
puis huit ans, être âgés de [\0 ans et réunir les autres qualités
exigées pour les fonctions de sénateurs. Ils sont nommés par h;
président de la république, sauf l'approbation du sénat. Le
président delà haute cour reste en fonctions durant cinq ans;
mais les juges sont inamovibles et ne peuvent être destitués que
par un jugement. Ils ne peuvent non plus être sénateurs , ni
représentans, sans se démettre de leur emploi, ni accepter d'au-
tres fonctions, sans l'approbation de leur cour. Elle prononce
exclusivement sur les discussions de province à province, sur
les actions auxquelles peuvent donner lieu les actes du pouvoir
exécutif, sur les cas de forfaiture ou de malversation de la part
des fonctionnaires publics , et sur les affaires dans lesquelles les
agens étrangers sont partie intéressée. Elle se forme en deux
chambres : l'une, composée de trois membres, juge en pre-
mière instance; l'autre, composée des six membres restans ,
prononce en dernier ressort. La haute cour reçoit les appels
des tribunaux inférieurs.
Quant aux provinces, chacune est administrée par un gou-
55* PRÉCIS HISTORIQUE
verncur placé sous la direction immédiate du président de la
république et nommé par lui, sur une liste de trois membres,
fournie par les conseils d'administration. Ces conseils, compo-
sés de 7 membres au moins, et de i5 au plus, selon les loca-
lités, sont élus directement par le peuple, dans les mêmes formes
que les représentans de la nation, et chargés de tout cequi tend
à assurer la prospérité des provinces , de leur police intérieure,
de l'éducation primaire et des établissemens d'utilité publique.
Ils déterminent le nombre et la nature des emplois qu'ils ju-
gent nécessaires; ils établissent, sauf l'approbation du congrès,
le budget de la province, et des impôts particuliers pour les
dépenses du service intérieur. Ces impôts sont directs; toute
contribution indirecte appartenant au trésor national. Si les
revenus des provinces ne suffisaient pas à leurs dépenses , il y
serait pourvu parle trésor de la nation, d'après un compte
ouvert à chacune d'elles, sauf à rembourser les avances reçues.
L'excédant des recettes provinciales est employé par les con-
seils d'administration, sauf l'approbation delà législature. Les
membres des conseils sont élus pour deux ans et renouvelés
par moitié, chaque année. Ils ne sont pas responsables des avis
qu'ils" donnent , et ne reçoivent aucun traitement. Le président
de la république règle le régime intérieur de ces corps , l'é-
poque de leur réunion, et l'ordre de leurs débats et de leurs
résolutions. Les gouverneurs doivent avoir 3o ans et réunir les
conditions exigées pour être sénateurs. Leurs fonctions durent
trois années, et ils ne peuvent être réélus immédiatement dans
la même province. Ils sont chargés de l'exécution des lois, des
ordonnances du président et des règlemens particuliers faits
parles conseilsd'administration. Ils nomment, saufl'approbation
desconseils d'administration, aux emplois salariés de la province.
Les provinces possèdent des tribunaux inférieurs et un tri-
bunal supérieur qui reçoit les appel?. Le congrès fixe l'étendue
de la juridiction de ces tribunaux, dont les membres sont com-
posés déjuges gradués en droit, nommés par le président de la
république sur une liste de trois membres présentés par la
haute cour de justice.
SUR LA RÉPUBliQl Ê /UftGËNTÎNE (Buenos-àyres). 555
f.e jugement par jury sera successivement établi dans les
provinces, dès qu'on le pourra. Tout jugement par commission
est interdit. L'instruction de l'affaire doit avoir lieu dans les
trois jours (jiii suivent l'arrestation des individus. La vertu et
les i ilcns seuls obtiennent des distinctions et des privilèges. Il
est défendu d'accorder aucun titre de noblesse. L'esclavage est
aboli pour l'avenir, et les enfans des esclaves actuels seront
libres.
Un examen attentif de cette constitution fait apprécier la
sagesse, la bonne foi et les lumières de ses auteurs. Cependant,
ils ne se sont point dissimulé que leur ouvrage était susceptible
d'amélioration. En conséquence, par une disposition qui e.*it
évité bien des maux à d'autres contrées , la constitution de la
République Argentine peut être modifiée et changée dans un ou
plusieurs de ses articles; mais la demande de modification doit
être appuyée par le quart des membres présens au congrès; la
rectification est mise ensuite en délibération, dans la forme ordi-
naire, et la majorité des deux tiers des voix, dans Tune et
l'autre chambre , est nécessaire pour l'obtenir. La résolution
est communiquée au pouvoir exécutif. S'il ne consent pas à
la réforme, il faut que les trois quarts des voix du congrès dé-
clarent sa nécessité ; et, dans tons les cas, on délibère de nou-
veau : si elle réunit une seconde fois une majorité de deux tiers
des suffrages , et que le pouvoir exécutif la rejette encore, les
trois quarts des voix deviennent nécessaires , dans chaque
chambre , pour son adoption définitive. Par ces précautions
excessives on s'est mis en garde contre la précipitation, sans
priver l'Etat des moyens de perfectionner le pacte social, quand
l'utilité des changemens proposés est généralement reconnue et
devient évidente.
L'acceptation des deux tiers des provinces devait donner
force de loi à cette constitution; on entretenait des relations de
bonne intelligence avec celles qui avaient différé de l'accepter.
Malheureusement, l'opposition égoïste et les vues intéressées de
quelques gouverneurs ont comprimé ou égaré l'opinion pu-
blique, et empêché d'adopter un code auquel il faudra pour-
556 PRÉCIS HISTORIQUE
tant revenir. Legouvernenementn'avaitvouîu employer d'autres
moyens que ceux de la persuasion ; la guerre une fois terminée,
les passions auraient fini par céder à l'évidence et à la raison ;
mais le résultat si triste et si imprévu de la négociation de
D. Garcia auprès de l'Empereur D. Pedro a remis indéfiniment
en question ce qui tient à l'organisation du pays, et forcé de
tout sacrifier à la pénible nécessité de continuer la guerre ac-
tuelle.
D. Garcia, nommé ministre plénipotentiaire en Angleterre ,
devait s'arrêter à Rio -Janeiro , et s'informer, par l'intermé-
diaire de l'ambassadeur anglais, M. Gordon, delà possibilité
de négocier la paix. Il était autorisé à conclure un traité prélimi-
naire, pourvu que l'on reconnût l'indépendance absolue de la pro-
vince de Monte video, et la forme degouvernementqu'elle voudrait
se donner, si D.Pedro persistait, à refuser qu'elle fit partie de la
République Argentine. Aucun de ces États n'eût alors payé d'in-
demnité à l'autre pour les frais de la guerre. Rien n'était plus
clair et plus précis que les instructions données à D. Garcia.
Lorsqu'il arriva à Rio-Janeiro, les deux chambres venaient de
témoigner avec énergie le désir de la paix , objet de tous les
vœux; et cette unanimité, jointe à l'influence des événemens
arrivés en Portugal, ne pouvait manquer de frapper l'empereur.
Mais le négociateur, qui paraît avoir été le jouet d'intrigues an-
glaises, souscrivit , au mépris de ses instructions, le plus scan-
daleux et le plus déshonorant des traités , puisque, s'il eût été
ratifié, la république de Buenos- Ayres n'abandonnait pas seu-
lement le Banda oriental, mais était forcée de démolir les for-
tifications élevées pour sa propre sûreté dans l'île de Martin-
Garcia qui lui appartient, demeurait responsable des pirateries
commises sous son pavillon, et n'avait plus qu'une liberté pré-
caire de navigation dans le Rio de la Plata. Le président Riva-
davia rejeta ces conditions avec une noble indignation , et
adressa aussitôt au congres, le 25 juin 1827, la résolution
suivante , signée par tout le ministère.
«La convention préliminaire, souscrite par l'envoyé de la
république auprès de la cour du Brésil, ayant été soumise au
SUR LA &ÉPUBLIQ1 E ARGENTIN E(Bueh os- Atres). 557
conseil des ministres , et otteodu que cet envoyé n'a pas seule-
ment outrepassé ses pouvoirs , mais qu'il a mémo agi d'une ma-
nière contraire à la lettre et à l'esprit de ses instructions, et
que les stipulations de la convention qu'il a signée blessent
l'honneur national et attaquent l'indépendance et tous les inté-
rêts essentiels de la république, le gouvernement a arrêté
et arrête de la rejeter. — Cette résolution sera communi-
qua' au souverain congrès Constituant, dans la forme accou-
tumée. »
Le congrès approuva, à l'unanimité, la conduite du gouver-
nement, et le peuple manifesta la résolution la plus énergique
de s'exposer à tout, plutôt que de ratifier l'indigne traité
rapporté par D. Garcia. Il est beau de voir une population
entière, appauvrie et épuisée par la guerre, préférer les sacri-
fices les plus pénibles à une paix qui devait ramener l'abon-
dance, mais qui blessait l'honneur de la nation. l'ourla pre-
mière fois, peut-être, tous les partis se réunirent et rivalisèrent
de zèle pour le bien général.
Le président Rivadavia ne balança pas à ôter tout prétexte
aux gouverneurs qui pourraient encore hésiter à seconder
Buenos-Ayres dans la guerre que cette ville soutenait presque
seule, avec la province de Montevideo, contre l'empire du
Brésil. Après avoir tout fait pour introduire dans son pays
l'ordre, le bonheur et le sentiment de la dignité nationale, il
prit le parti de se démettre sur-le-champ de ses fonctions, afin
d'opérer plus promptement l'union des provinces avec la ca-
pitale, malgré l'injustice de l'opposition dont sa présidence
était devenue l'objet. Il annonça cette résolution par un "mes-
sage au congrès, le 27 juin 1827.
« Lorsque je fus appelé à la première magistrature de la
nation par le vote libre de ses représentans , je me résignai à
un sacrifice très-pénible pour un homme qui connaissait trop
bien les obstacles qui, dans des momens si difficiles , ôtaient
toute illusion au pouvoir et engageaient à fuir la direction des
affaires. J'entrai avec résolution dans la nouvelle carrière que
me désignait le vœu public; et, s'il ne m'a pas été possible de
:>ï$ PRÉCIS HISTORIQUE
vaincre les difficultés immenses qui se sont présentées à chaque
pas, j'ai du moins la satisfaction de m'ètre efforcé de remplir
mon devoir avec dignité. Entouré sans cesse d'obstacles et
d'oppositions de tout genre, j'ai procuré à la patrie des jours
de gloire qu'elle pourra se rappeler avec orgueil, et j'ai sou-
tenu jusqu'au dernier moment l'honneur et la dignité de la
nation. Mon zèle pour me consacrer sans réserve à^ son ser-
vice est aujourd'hui le même qu'au premier jour où j'ai été
chargé de la présider. Mais malheureusement des difficultés
d'un nouvel ordre , qu'il ne m'avait pas été donné de prévoir ,
sont venues me convaincre que mes .services ne peuvent plus
lui être utiles. Tout sacrifice de ma part serait désormais
sans résultat. Dans cette conviction, je dois résigner !e pou-
voir, comme je le fais dès ce moment, en le remeltant au
corps national, dont j'en ai reçu le dépôt. Il m'est pénible de
ne pouvoir exposer à la face du monde les motifs qui justi-
fient mon irrévocable résolution ; j'ai du moins la certitude
qu'ils sont bien connus de la représentation nationale. Peut-
être ue rendra-t-ou pas aujourd'hui justice à la noblesse et à la
sincérité de mes sentimens; mais je l'attends quelque jour de la
postérité, je l'obtiendrai de l'histoire.
« En descendant du poste élevé où m'avaient placé les
suffrages des représentans, je dois leur offrir ma profonde
reconnaissance, moins pour la haute confiance dont ils oijt
bien voulu m'honorer, que pour le zèle constant et patriotique
avec lequel ils ont soutenu mes faibles efforts pour conserver
jusqu'à présent sans tache l'honneur et la gloire de notre
république. J'ose maintenant leur recommander de pourvoir
promplernent à la nomination de la personne à qui je dois
remettre une autorité qui ne peut rester plus îong-tems entre
mes mains. L'état des affaires l'exige impérieusement; et ce
sera pour moi un nouveau motif de gratitude envers les dignes
représentans, auxquels j'ai l'honneur d'offrir les sentimens de
ma haute considération et de mon respect. »
Signé Bernardino Rivadavia.
Le Congrès savait bien que la résolution du président serait
StJR LA aÉPUBLIQl E A r.r, E\TlNE(n< bnos Uei i r> 5g
immuable, el qu'elle n'avait pas lieu, comme d'autres actes
semblables, pour euttaver la marche du gouvernement <•! pour
faire sentir davantage le besoin qu'où avait de ses services.
I! accepta donc I.» démission du président»
h Lis motifs, lui dit-il dans sa réponse, par lesquels vous
justifiez voire démission ^ présentent un changement dans le
pouvoir exécutif comme un fait qui peul. être avantageux à la
patrie; (lès lors, le considérer sous le même point de vue et
s'en rapporter à votie témoignage, ce n'est pas seulement
rendre justice à vos sentimens et à votre patriotisme, mais
c'est encore, pour le corps national, se montrer conséquent à
cette confiance qu'il vous a montrée, lorsque, croyant Votre
Excellence nécessaire à la direction des affaires publiques, il
l'a placée à la tète de l'Etat.
«■ La force d'événemer.s imprévus et une combinaison extra-
ordinaire de circonstances pouvaient seules engager Votre
Excellence à quitter le commandement, et le Congrès national
à recevoir votre démission. C'est maintenant que le Congrès
devrait justifier son choix, en rappelant dignement les services
distingués que Votre Excellence a rendus à la république durant
l'exercice de son pouvoir; mais il est dispensé de cette juste et
noble tâche par l'évidence des faits, et par l'existence même de
la patrie , par ses triomphes et par sa gloire. »
Don liernardino Rivadavia se retira donc, après avoir
adressé au peuple une proclamation que nous croyons devoir
également rapporter ici, pour mieux faire apprécier l'éiat du
pays et la marche des événemens.
« Du moment où l'Empereur du Brésil eut annoncé, à l'ou-
verture de la session actuelle des chambres, que la paix entre
son Empire et la République Argentine dépendait d'une condi-
tion aussi contraire à l'honneur qu'aux intérêts de notre patrie,
je fus convaincu de la nécessité où nous étions de faire les der-
niers efforts, plutôt que de subir cette condition. Cependant,
nos armes victorieuses dans tous les combats, sur terre et sur
mer, nous plaçaient dans une altitude qui nous permettait de
proposer la p,tix, sans compromettre notre honneur, et de la
5oo PRÉCIS HISTORIQUE
signer sans faire de sacrifices. La médiation d'une puissance
respectable, fondée sur une base honorable, m'assurait, d'un
autre côté , que le Brésil n'entamerait point une négociation
contraire au même principe , et ces circonstances ont déter-
miiié la mission extraordinaire, envoyée au Brésil avec'les
instructions dont le public a été instruit.
« Le citoyen auquel cette commission a été confiée, outre-
passant les pouvoirs qu'il avait reçus, nous a rapporté, au
lieu d\sn traité de paix, la sentence de notre ignominie et le
signal de notre dégradation.
«L'honneur de la république, identifié avec le mien; les
triomphes obtenus par notre armée et par notre escadre, du-
rant ma présidence; les relations diplomatiques de cette répu-
blique avec une des premières puissances de l'Europe; ma vie
entière consacrée à la cause de notre indépendance et de notre
consolidation , ne me permettent point d'autoriser de mon nom
l'infamie et le vasselage de mes concitoyens.
« D'un autre côté, reconnaître la légitimité de la domination
du Brésil dans la province qui est devenue le sujet de la guerre,
ce serait sanctionner le droit de conquête, droit opposé à la
seule politique qui convienne à l'Amérique ; cette politique
veut que chaque peuple s'appartienne à lui-même sur le terri-
toire qu'il occupe. Dans ces circonstances, et au milieu des
difficultés dans lesquelles m'a placé le résultat funeste et im-
prévu d'une négociation suivie long-tems avec tant de constance
et de bonne foi de notre part, la démission du poste que j'ai dû
à la confiance des représentans de la nation est le seul sacri-
fice que je puisse offrir à ma patrie. Je me crois capable de lui
faire celui de ma vie avec le même dévo uement ; et que ne puis-
je lui éviter ainsi les maux dont ne pourra peut-être la préser-
ver mon retour à la vie privée! — Citoyens , ne répandez point
d'amertume sur ma vie , en me faisant l'injustice de me suppo-
ser arrêté par les périls, ou découragé par les obstacles qui en-
vironnent la magistrature que vous m'avez confiée. J'aurais
bravé tranquillement de plus grands dangers encore, si j'avais
vu pour prix de cette abnégation la sûreté et le bonheur de
noire pays.
SI R Là RÉPUBUQ1 V. \i;c.K\Tl\ Lybes .
Consacrez lui entièrement vos efforts, si vous voulet d
Q( i à mOIl /fie et à mes travaux la plus douce des récompenses.
Étouffes la voix des înu i'"is de localité, celle «1rs partis, et
sur tout celle des passions ci des haines personnelles, aussi con-
traires au bien des Ê&ajts qu'à l'affermissement de la moraJ.<
publique, Réunissez - \ous pour faire ("are à un ennemi exté-
rieur, dont la domination vous préparerait des maux infiniment
plus amers el plus honteux que ces privations passagères ,
exagérées par l'égoïsme, accrues par l'avarice de L'agiotage.
Fmbrassez- vous comme des frères, et accourez, comme des
membres d'une même famille, à la défense de vos foyers, de
VOS droits j et du monument que vous avez élevé à la gloire de
la nation !
« Tels sont les vœux que je formerai, dans la solitude à la-
quelle je vais consacrer ma vie ; ils me consoleront de l'injus-
tice des hommes, et me mériteront peut-être un souvenir ho-
norable de la postérité. Bcrncirdino Rivadavia.»
Maintenant que M. Rivadavia est rentré dans l'obscurité de
la vie privée, nous ne craindrons pas d'être accusés de flatterie ,
en reconnaissant avec la plupart des feuilles anglaises , que
la révolution de l'Amérique du Sud n'a peut-être pas produit
d'hommes plus désintéressés, plus énergiques, et doués d'une
plus haute capacité, réunie aux intentions les plus patriotiques
et les plus pures. Nous citerons aussi le témoignage que lui a
rendu l'un des publicistes dont les États - Unis d'Amérique
s'honorent le plus aujourd'hui. « On trouve dans tous les actes
du président Rivadavia , écrivait dernièrement M. Evcrctt ,
une vigueur et une fermeté de pensée, un bon sens plein de
force et un profond sentiment moral qui rappellent les plu:;
nobles auteurs de la révolution de l'Amérique du Nord.»
De grands éloges ont été donnés publiquement à cet illustre
citoyen; mais ils ne sont point suspects, quand ils s'adressent
à l'homme qui a cessé d'être puissant, et ils font également
honneur aux hommes qui se sont rendus les organes delà re-
connaissance publique.
D. Viccntc Lopez, en faveur duquel tous les partisse sont
t. xx xvi. — Décembre 1897. Vi
562 NOT. SUR BUENOS- AYIVES.— FORCES PROD.
réunis, parce qu'il est resté toujours étranger à chacun d'eux ,
remplace provisoirement M. Rivadavia. Les excellentes inten-
tions dont il est animé font espérer qu'il continuera l'œuvre de
son prédécesseur. Le nouveau gouvernement concentre toute
son attention sur la guerre, qu'il veut pousser avec vigueur.
Quant à l'organisation intérieure, tout est malheureusement
remis en question. Buenos-Ayres a cessé d'être la capitale; on
a rétabli l'ancienne province qui portait ce nom, et le congrès
est remplacé par une Convention formée du nombre trop res-
treint de quinze membres, qui doit décider quelle sera la forme
définitive du gouvernement (i).
Varaigne.
Forces productives et commerciales du midi de
la france.
( second article. Voy. Rev. Enc, t. xxxv, p. 27^-289.)
Exposition des produits de V industrie du Languedoc,
a Toulouse.
Un lien nouveau m'attache aux prospérités du midi de la
France. Je ne doia plus simplement les chérir et les étudier,
comme un bon Français doit étudier et chérir les prospérités
de toutes les parties du territoire appartenant au royaume.
Choisi par un département de là France méridionale, pour dé-
fendre ses libertés, ses droits et ses intérêts, dans la Chambre
des députés, c'est un devoir sacré pour moi d'étudier tous les
(r) Nous avons retranché, dans cet article , plusieurs inculpations
dirigées contre Bolivak , parce qu'il nous répugne beaucoup de les
croire aussi fondées que le prétend l'auteur de la Notice sur Buenos-
Ayres. Nous avons également supprimé ce qu'il affirme sur le rôle peu
honorable que les Anglais ont joué , suivant lui, dans la négociation
avec le Brésil. La Revue Encyclopédique tâche de ne point adopter lé-
gèrement des asso dons qui pourraient être téméraires ou inexactes.
.V. du /?.
Dl MIDI DE LA FRANCE. j 563
élémens de bien-être dont on peut découvrir le germe dans
cette importante pirtie du territoire national. Je poursuivrai
donc avec une ardeur nouvelle l'examen que j'ai commencé des
forces productives el commerciales du midi de la France. Puis-
sé-je,par la constance de mes travaux , acquitter ma dette
envers les généreux habitans du Languedoc (i), qui m'ont élevé
au rang de leurs mandataires!
Depuis quelques années, plusieurs villes du nord de la
France ont adopté L'excellente coutume de faire des exposi-
tions périodiques des produits d'industrie fabriqués dans les
contrées dont elles sont les chefs - lieux. Jusqu'à présent, au-
cune ville du midi n'avait suivi cet exemple. Mais, cette an-
née, nous voyons deux des cités les plus illustres de cette partie
de la France, Toulouse et Bordeaux, adopter celte coutume et
fonder une exposition des produits de l'industrie. Nous allons
commencer par rendre compte de l'exposition faite à Toulouse;
nous passerons ensuite à celle de Bordeaux.
Avant la révolution, Toulouse avait des expositions pério-
diques des produits des beaux-arts; elle aura maintenant des
expositions périodiques, où l'on réunira non- seulement les
chefs-d'œuvre des beaux-arts, mais ceux des principaux arts
utiles.
Toulouse est dans une admirable position pour devenir le
centre de l'industrie etde l'activité d'une vaste contrée : bâtie sur
les bords d'un grand fleuve, à l'endroit même où ce fleuve com-
munique avec le célèbre canal qui joint l'Océan à la Méditer-
ranée, et qui traverse des contrées fertiles, Toulouse a tous
les avantages qu'on peut désirer dans une situation commer-
ciale. On doit donc voir, avec un extrême intérêt, toutes les
institutions nouvelles établies dans cette ville, et susceptibles
de donner une grande impulsion aux contrées circon voisines.
L'exposition de Toulouse, commencée le i5 mai dernier, a
duré jusqu'au 1 5 juin. Un jury d'examen, choisi parle maire
et composé d'hommes habiles dans les sciences et dans les arts,
(r) Département du Tarn, arrondissement de Castres e! déLavaur
36.
fifi ', FORCES PRODUCTIVES ET COMMERCIALES
a soigneusement étudié les divers objets exposés , afin de les
classer suivant leur mérite et de proposer des récompenses
justement méritées.
Il y a eu 108 exposons dans la section des beaux-arts, et 102
dans la section de l'industrie. Les objets relatifs aux beaux-
arts appartenaient à la peinture, à la sculpture et à l'architec-
ture. On sera certainement frappé de voir que les produits des
beaux-arts soient aussi nombreux , comparativement aux pro
duits de l'industrie. Mais il faut remarquer que, depuis long-
tems, les arts qui prospèrent surtout par l'imagination sont
cultivés avec soin dans la ville de Toulouse, et qu'elle a beau-
coup à faire encore pour arriver à la perfection dans les arts
utiles qui se fondent sur les méthodes de calcul et de précision.
Dans le midi de la France , il existe des monumens, des ins-
titutions et de simples noms qui rappellent la puissance romaine
si long-tems florissante dans celte partie de la Gaule. Ainsi, les
objets d'art présentés par les exposans ont été réunis pour être
offerts aux regards du public dans la salle du Capitule, édifice
connu depuis long- tems pour la distribution qui s'y fait des
prix décernés dans les jeux floraux. C'est aussi dans le Capi-
tole, au sein de la salle dite des Illustres , qu'on a fait la dis-
tribution des prix, le 19 juillet 1827 , en unissant cette céré-
monie à l'inauguration du buste du chevalier Deville, célèbre
ingénieur militaire.
La salle des Illustres est ainsi nommée , parce qu'elle contient
les statues ou les bustes des hommes les plus célèbres de la
ville de Toulouse. Un public nombreux et brillant s'est réuni
pourla cérémoniedeîa distribution desprixet de l'inauguration
du buste du chevalier De ville, qui naquit à Toulouse en 1696, et
qui fut le précurseur de Vauban dans l'art de fortifier les places.
M. le maire de Toulouse a fait l'ouverture de la séance par un
discours auquel je rendrai d'autant plus de justice que l'orateur
a cru devoir m'attaquer dans cette production , à cause de ma
figuration de la France, par teintes généralement plus foncées
dans le midi que dans le nord du royaume.
Même après avoir lu le discours que je vais citer, je n'en
hi ^iidi DB LA FRANCE.
;u pas iiii)iiisc(iiicl(i, quel que soit l'éclat des litres de Toulouse,
(jn<-, si l'on prend la population totale du vaste département
dont ell*- est le cluT-licu, l'on doit être aussi surpris qu'affligé de
voir le petit nombre d'enfant instruits dans 1rs éeoles primaires ,
puisque ce nombre est simplement: égal au soixante-sixième de
la population totale. Je suis charmé de voir cette susceptibilité
généreuse des liabitans de Toulouse, et je désire qu'elle porte
\\n fruit salutaire, en faisant établir dans le déparlement de la
Haute-Garonne un nombre d'écoles primaires suffisant pour
la complète instruction des enfans du peuple.
Depuis plusieurs siècles, l'administration municipale de
Toulouse encourage avec générosité la culture des beaux-arts ,
pour lesquels elle a fondé depuis long-tcms une école d'où
sont sortis des artistes très-distingués. Après Paris, il n'y a
peut-être aucune autre ville du royaume qui pût présenter
un ensemble d'ou\ ragé* aussi remarquable que celui des œuvres
«K' peinture, de sculpture et d'architecture exposés au Capi-
tole de Toulouse en 1827 ; mais il n'entre pas dans l'objet de
nos recherches de présenter des détails à cet égard. Je me
hâte de passer à l'exposition des produits d'industrie.
Nous allons suivre l'ordre adopté par le jury de Toulouse.
Le premier objet qui se présente est l'amélioration des laines.
Les propriétaires du célèbre troupeau de Naz, MM. Girod ,
de l'Ain, et Perrault de Jotemps ont présenté des tissus dont
la beauté est reconnue dans toute la France. MM. Picot de
Lapeyrouse, dont la famille est célèbre par le nom d'un im-
mortel navigateur, possèdent un des troupeaux qui ont con-
tribué îe plus puissamment à l'amélioration des laines du Midi.
Ils ont prouvé, par leurs succès, que les mérinos peuvent être
avantageusement élevés dans les pays de petite culture. Il
serait à désirer que MM. Picot de Lapeyrouse fissent part au
public des moyens qu'ils ont employés pour obtenir ce résultat
important, afin que les nombreux départemens où la petite
culture prédomine pussent jouir du même avantage. Trois pro-
priétaires du département de l'Arriège ont mérité des distinc-
tions. M. Clauski. , de Mirepoix, a mémo obtenu une médaille
d'argent. Il est remarquable que la plupart des propriétaires
566 FORCES PRODUCTIVES ET COxMMERCIALES
du Midi , qui veulent atteindre le plus grand degré de perfec-
tion pour les toisons de mérinos, régénèrent leurs races avec
des béliers et des brebis de race pure de Naz.
Un manufacturier célèbre, M. Guibal, de Castres, dépar-
tement du Tarn, a reçu la médaille d'or de Toulouse, comme
il l'avait reçue à Paris, lors de l'exposition générale de 1823.
Ce manufacturier a des droits particuliers à la reconnaissance
de tout Je Midi, qui lui doit d'avoir donné aux laines de cette
partie de la France une valeur nouvelle qui excite le cultiva-
teur à soigner et à perfectionner leurs troupeaux de mérinos.
Les ateliers de M. Guibal, établis dans la ville de Castres,
exécutent toutes les opérations, depuis la laine en suint jus-
qu'aux derniers apprêts de l'étoffe. Plus de huit cents ouvriers
sont employés à cet ensemble d'opérations.
Le jury de Toulouse décerne une médaille d'argent à MM. Ar-
mingaud et Mingaud, de Riols , département de l'Hérault,
pour les draps communs qu'ils fabriquent aux prix les plus
modérés, quoiqu'ils aient considérablement amélioré la qualité
de leurs tissus.
Depuis long-tems , Montpellier fabrique avec une supériorité
remarquable les couvertures de laine : on commence à prati-
quer de genre d'industrie à Toulouse, Plusieurs produits ont
été présentés à l'exposition ; ils ont mérité une mention hono-
rable. On a vu figurer à l'exposition de Toulouse le duvet
d'ijh troupeau de chèvres du Thibet possédé par M. de Gasc,
maire de Canals, département de Tarn-et-Garonne.
Le midi du département de Tarn-et-Garonne possède un
çrand nombre de chèvres communes. La plupart ont un duvet
analogue à celui des chèvres du Thibet, mais en petite quan-
tité. On pense que ces chèvres communes , croisées avec les
boucs du Thibet, donneraient une race nouvelle précieuse
pour la beauté et la quantité de son duvet.
L'éducation du ver à soie prend une extension particulière
dans les départemens de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales.
Il esta désirer que les départemens de Tarn-et-Garonne et de
la Haute -Garonne se livrent à cette éducation.
Remarquons avec plaisir des étoffes mixtes fabriquées par
1)1! MIDI DE LA FRANCE. 567
M. COMBIX E09SEL avec de l.i soie pour chaîne et du coton
pour trame. Ces étoffes ont l'avantage d'avoir l'aspect des
beaux tissus «le Lyon et d'être beaucoup plus économiques
par l'heureux mélange des matières premières* M. Combie
Bosse! a reçu une médaille d'argent. On voit, par le rapport
du jury d'examen, que les linges ouvrés et damassés qui se
consomment à Toulouse, proviennent en presque totalité des
fabriques du Nord. C'est un objet digne de l'émulation des
habitans du Midi.
La fabrication des cordages à Toulouse a mérité quelques
mentions honorables en faveur des artisans qui s'en occu-
pent.
A.u sujet de la filature, voici comment s'exprime le jury de
Toulouse: « Ce ne fut guère qu'en 1800, sous le ministère de
M. le comte Chaptal, que la France s'enrichit du véritable sys-
tème de filature; à cette époque , de grandes manufactures de
coton s'élevèrent à Toulouse; mais, pendant que cette indus-
trie a f; it des progrès immenses dans toute la France, elle s'est
presque entièrement éteinte parmi nous , et il n'existe plus
dans notre ville que deux filatures. »
Le seul produit de filature que le jury de Toulouse ait cru
devoir encourager, est du coton filé en gros au n° 16, par
M. Simon Dalas, qui a reçu pour ce travail une médaille de
bronze.
La teinture des cotons, d'après les procédés d'Andrinople ,
fut importée à Toulouse par un Grec, M. Manuel, dont les fils
exercent encore la même industrie dans cette ville; ils ont ob-
tenu pour récompense une médaille d'argent.
M. Dkstrem, qui possède à Toulouse une fabrique de papiers
peints, a mérité la médaille d'argent pour de grands décors de
salon , avec décorations d'architecture, d'arabesques et de
peinture.
Le jury de Toulouse observe qu'on ne fait point encore dans
cette ville usage de l'impression par le cylindre pour les pa-
piers de tenture. C'est un perfectionnement moderne qu'il im-
porte de propager dans le Midi.
FORGES PRODUCTIVES ET COMMERCIALES
[,o\ uni , chapelier à Toulouse, a perfectionné la fabri-
cation des chapeau* qu'il donne à des prix très-modérés. Le
jurv décerne à M. Lourde une médaille de bronze , pour avoir
amélioré à Toulouse une branche d'industrie qui , jusqu'à ce
jour , telles sont les expressions du jury , n'était répandue que
dans le nord de la France.
Le département de la Haute-Garonne comprend une portion
considérable de la chaîne des Pyrénées, si riche en matières
minérales précieuses , et particulièrement en marbres. Les Ro-
mains, dont il reste encore de si beaux monumens dans le midi
de la France, employèrent avec succès les marbres tirés des
Pyrénées. On en retrouve des fragmens plus ou moins consi-
dérables dans les ruines des anciennes villes de l'Aquitaine.
Plusieurs de nos rois ont décoré leurs palais avec des marbres
tirés des Pyrénées; mais, depuis Louis XIV, l'exploitation de
ces majores a cessé presque totalement, et nous n'avons plus
employé pour nos monumens d'architecture et de sculpture que
des marbres étrangers. Depuis la paix, nous avons tourné nos
regards vers nos richesses minérales avec un soin nouveau , et
nous avons obtenu les plus heureux résultats dans la recherche
des marbres.
Un marbrier de Toulouse, M. Layerle-Capel^ fait, avec
une activité et une persévérance infatigables, des recherches
dans les monts Pyrénées; il a découvert des marbres superbes
qui d'abord ont été présentés à l'exposition de Toulouse, et
peu de tems après, à l'exposition générale des produits de la
France, à Paris. On doit remarquer particulièrement les su-
perbes marbres statuaires qu'il présente: ils sont d'un blanc
parfait et susceptibles d'un b,eau poli. Le jury de Toulouse a
décerné la médaille d'or à M. Layerle-Capel.
Une compagnie, dans laquelle se trouvent MM. Pugens , a
présenté de beaux échantillons de marbres, parmi lesquels on
a remarqué surtout le marbre d'Antin et le vert moucheté de
Signac.
Le travail des métaux , et spécialement du bronze, s'exécute
avec une perfection remarquable dans la fonderie royale de
IX M 1 1 > 1 DE LA FUAi\< I
Toulouse, où lèi travaux sont dirigea pàt un jeune entrepre
iiciir plein de talent. M. !M\tiiik a établi une superbe forer ie,
d'après les plan-, de M. Ahadik, excellent mécanicien de 'l'un
louse. De itta/, à 18/7, M. Mather a livré au gouvernemcnl
,So pièces de siège et: de place : ces travaux lui ont mérité la
médaille d'or.
Il existe à Toulouse un laminoir qui réduit en feuilles en-
viron 1 5o,ooo kilogrammes de cuivre par année. Cependant ,
"us machines de cet établissement laissent encore beaucoup à
désirer, disent les membres du jury, sous le rapport de leur
ensemble et de leur construction. Néanmoins, cet établissement
soutient la concurrence avec ceux de Vienne, de Vaucluse ,
d'Iinpliv et de Romilly , les seuls que la France possède.
MM. Mazaiun, père et fils, qui dirigent ce laminoir, ont reçu
la médaille d'argent.
Un établissement déjà célèbre, et très-digne de l'être, est la
fabrique d'étoffe d'acier, de faulx et de limes , de MM. Garri-
gou, Massenet et Cie- Cet établissement, formé en 181 5, dans
l'ile du Bazacle, attenante aux murs de la ville, est le plus con-
sidérable de ce genre qui existe en France. Il n'y a pas trente
années, la France demandait à l'étranger la presque totalité
des limes, des faulx, des outils, des aciers dont elle faisait
usage. Plusieurs aciéries ont été successivement établies de •
puis 1800. Néanmoins, dans l'année qui suivit 181 5, on im-
portait encore en France plus de 1,200,000 kilogr. d'acier.
Aujourd'hui, la seule fabrique de MM. Garrigou, Massenet
et Cie- en produit 800,000. En 1817, la France tirait de l'é-
tranger rz5o,ooo kilogrammes de limes; aujourd'hui la seule
fabrique de Toulouse en produit 8o,ooo. L'établissement de
Toulouse est encore plus remarquable pour la fabrication des
faulx. L'agriculture en consomme 600,000 chaque année; il
y a doilze années, nous n'en fabriquions pas 3o,ooo; et main-
tenant la fabrique de Toulouse peut en exécuter 120,000; et,
quand les constructions entreprises maintenant à Toulouse et
sur le Tarn seront aehe\ées,la compagnie que nous citons
sulïira pour exécuter 3oo, 000 faulx, comparables pour leurs ex-
570 FORCES PRODUCTIVES ET COMMERCIALES
eellentes qualités à celles que nous tirons de Styrie. Ajoutons
que lesfaulx françaises, par la concurrence qu'elles ont élevée,
ont fait baisser les prix des faulx autrichiennes, et les feront
baisser davantage, quand elles seront fabriquées en plus grande
quantité. On évalue à plus d'un million de francs la vente an-
nuelle des produits de la fabrique de MM. Garrigou, Massenet
et Cic- Cet établissement fait un grand honneur aux lumières , à
l'activité, à la persévérance de. son directeur , M. Garrigou.
On cite une construction extrêmement remarquable que l'on
exécute , pour ainsi dire , au milieu du lit du Tarn , appelé le
Saut du sabot. Les talens de MM. D'Aubuisson, ingénieur en
chef des mines, et Abauie, mécanicien, ont été très-utilement
employés dans cette entreprise difficile. La fabrique dont nous
parlons a mérité la médaille d'or, aux expositions générales de
1819 , 1823 et 1827.
Des travaux de serrurerie, remarquables pour leur préci-
sion et leur fini, ont mérité la médaille de bronze à M. Billon.
On a donné la même récompense à M. Poisson pour sa fabri-
cation de vis à grandes dimensions et d'étaux remarquables
pour leur excellente exécution. Des mentions honorables ont
été méritées par deux couteliers et par un orfèvre.
Le jury de Toulouse a décerné la médaille d'or à M. Abadie
que nous avons déjà cité. Il a dû particulièrement cette récom-
pense à la conception et à l'exécution de la machine hydrau-
lique qu'il a faite pour élever les eaux destinées aux fontaines
publiques de Toulouse. Depuis plus de deux années, cette
machine est en activité, sans qu'elle ait éprouvé aucun accident
qui ait forcé d'en interrompre le mouvement. On doit au même
artiste une grande horloge, destinée pour le Capitole, et un
ingénieux tourne- broche à vapeur; c'est une application du
phénomène de l'éolipile. Une boîte métallique creuse est rem-
plie (Venu , qui s'échappe en vapeur lorsque cette boîte est
chauffée ; cette vapeur sort par un étroit orifice avec une vitesse
considérable, et fait mouvoir une roue dont le mouvement,
par le moyen d'un engrenage à vis sans fiu, fait tourner la
broche. lie midi de la France doit encore à M. Abadie des
Dl MIDI DE LA FRANCE. î>7t
machines considérables pour des établissemens de toute espèce*
«les forges i des filatures, * 1 * * s foreries de canons. Un établisse'
inenl de ne genre esl d'autant plus remarquable, qu'il est,
pour ainsi <liic, unique dans cette partie de la France.
1. Boi ssakd, horloger de Toulouse, a reçu la médaille d'ar-
genl et mérité, dit le jury, la médaille d'or, pour un système
de suspension des horloges tjm les met d'elles-mêmes dans une
position verticale, et dispense des soins minutieux par lesquels
on s'assure d'ordinaire que les quatre points d'appui sont dans
un même plan horizontal.
Un atelier important pour la construction d instrumens ara-
toires a été formé dans Toulouse par M. Lacroix (ils. Cet ate-
lier peut avoir la plus heureuse influence sur les progrès de
l'agriculture c\u Midi, agriculture qui n'emploie jusqu'à ce
moment que des instrumens très-imparfaits,
M. Lignières avait fondé un prix de 3oo fr. pour la machine
la plus propre à égraper et à fouler la vendange, prix que
devait décerner la Société d'agriculture de Toulouse. Nul con-
current ne s'étant offert , M. Lignières présenta lui-même une
machine propre à remplir cet objet, et la Société d'agriculture
lui décerna le prix que lui-même avait fondé.
Au commencement de ce siècle, le commerce des blés à
Toulouse se faisait entièrement, en grains; la mouture à la
grosse, de l'aveu même du jury, était peu perfectionnée. Toutes
les opérations du nétoyage des grains et du blutage des farines
s'exécutaient avec des instrumens à la main.
M. Lignières, que nous venons de citer, a le premier fait
réussir, dans Toulouse, le commerce des farines. Aujourd'hui,
Toulouse possède six minoteries qui convertissent 140,000 hec-
tolitres de grains en minots. Cette nouvelle branche d'industrie
a fait introduire dans l'agriculture du Midi plusieurs variétés
de blés; elle a fait apporter plus de choix dans les semences; on
a demandé des instrumens plus propres à nétoyer les blés; on
a perfectionné le blutage des farines ; en même tems , le son ré-
sidu de la mouture restant dans le pays permet au cultivateur
de nourrir des bestiaux avec plus d'économie qu'on ne faisait
auparavant.
57a FORCES PUOIH CLIVES ET COMMERCIALES
M. Lanières a trouvé !ë moyen de conserver la farine de
maïs, qu'il envoie dans nos colonies des Antilles. Jusqu'à ce
jour, nous ne pouvions obtenir un pareil résultat, et les culti-
vateurs des États-Unis pouvaient seuls envoyer dans nos colo-
nies des farines qui supportassent les chaleurs du climat sans
s'altérer. Cette heureuse invention commerciale a mérité la
médaille d'argent à M. Lignières.
C'est depuis 1816 et 18 17 que la France a commencé de
fabriquer avec succès le vermicelle et les pâtes imitées d'Italie.
On compte maintenant onze fabriques de pâtes et de vermi-
celle dans la ville de Toulouse. C'est une conquête pour notre
agriculture.
Parmi les objets utiles à l'économie domestique, il faut
placer dans un rang très-distingué ceux qui se rapportent à
l'éclairage. Le jury de Toulouse a décerné la médaille de
bronze à M.Bernady pour ses bougies de table et ses bougies
filées , ainsi que pour la cire en plaques qu'il purifie et blanchit
par un appareil à vapeur. Des mentions honorables sont ac-
cordées à divers fabricans de lampes et de chandelles.
On doit à M. Lignières , déjà plusieurs fois cité, l'établissement
à Toulouse de la première fabrique de cuirs à \a. garouille,
appelés dans le commerce cuirs noisettes. Les cuirs de cette
fabrique ont été mentionnés honorablement, à l'exposition
générale de 1823, à Paris. Le jury signaleun moyen particulier
de tannage dont on fait usage à Narbonne et à Pezenas, en
employant pour tan la plante qu'on nomme oreille de lièvre, et
que l'on connaît sous le nom plus scientifique de staticé. Il est
à désirer qu'on étudie cette fabrication pour voir s'il est pos-
sible de se passer de l'écorce de chêne, et de la remplacer
par une simple plante herbacée.
MM. Sabatïer et Boinneau, de Toulouse, ont mérité la
médaille d'argent pour des maroquins aussi remarquables par
leur bonne préparation que par le brillant et la variété des
couleurs. Le jury fait observer avec équité que la fabrique
de MM. Sabatier et Boinneau a été fondée par M. Roussille.
Le jurv décerne une médaille d'or à MM. Fouqce et Ai;
Dl AUDI DE \.\ FRANCE.
koi \ pour les produits variés de leur manufacture <!«• faïence,
lerre de pipe en blanc <>u peinte , également remarquable pour
la bonne exécution el pour la modicité des prix* JLes m£me*
fabricans font des vases en grès rouge el noir, à limitation des
vases étrusques , aussi recommaudables pour leur légèreté que
pour leur extrême dureté. Ils font aussi des creusets et des
briques réfractaires pour la construction des fourneaux; en-
fin, ils confectionnent des poêles eu laïenee de ti ès-grandes
dimensions, et si bien ajustes qu'on les dirait moulés d'une
seule pièce. Ces fabricans ont mérité la médaille de bronze,
à l'exposition générale des produits de la France, en 182^.
On a donné la médaille de bronze à M. Delestaing fils,
pour sa fabrique de vases, de fontaines, de tuyaux, de car-
reaux, de briques et de jarres en terre cuite, et généralement
de toute espèce de poteries communes, qu'il possède à Castel-
naudary. Tous ces objets sont dune bonne fabrication et d'un
prix modéré.
Des ébénistes de Toulouse ont mérité des mentions hono-
rables pour des meubles élégans et très-bien exécutés en beaux
bois du pays, tels que le peuplier, le frêne, le noyer noir et
le jujubier. Le jury se plaint , avec raison, que ces meubles
soient plus coûteux que s'ils étaient faits en acajou.
Le jury décerne une médaille de bronze à M. Bonnet,
tourneur sur métaux, pour des produits de tournage parfai-
tement exécutés, et pour l'exécution particulière d'un tour
en l'air.
Toulouse possède une fonderie de caractères dont les pro-
duits estimables ont mérité la médaille de bronze à M. Fenot.
M. Vieusseux, imprimeur- libraire de Toulouse, a mérité la
mention honorable pour avoir enrichi ses ateliers d'une col-
lection de caractères hébraïques; ce qui permettra de publier
à Toulouse des ouvrages qu'on n'y a jamais imprimés.
La ville de Toulouse jouit , depuis peu , d'une école de chant,
succursale du Conservatoire de musique de Paris. Il s'est formé
à Toulouse un atelier de gravure pour la musique; il est dirigé
par M. Mescadier aîné, qui a reçu la médaille de bronze pour
les produits de son industrie.
574 FORCES PRODUCT. DU MIDI DE LA FRANCE.
La reliure de luxe a mérité la même récompense à M. Ba-
diéjoi rx. La même distinction est accordée à M. Bâche, pour
des registres très-solides parfaitement confectionnés, à dos élas-
tiques et à papier réglé par des procédés mécaniques. Autre-
fois, il fallait faire venir de Paris de semblables registres pour
les grandes maisons de commerce de Toulouse, qui maintenant
en prennent dans les ateliers de M. Bâche.
Toulouse est un centre d'industrie pour la confection des
voitures ; elle eu fournit presque toutes les villes du Midi.
Parmi les nombreux objets qui entrent dans la construction
d'une voiture, il en est encore que nous sommes obligés de
faire venir de Paris , disent les membres du jury; ainsi, les
cuirs, dits vaches de capote, ne sont généralement pas assez
bien fabriqués à Toulouse pour être employés à cet usage;
en revanche, les aciers pour ressorts faits par M. Garrigou
sont recherchés , même dans la capitale. Peu de carrossiers ont
concouru, et M. CALMETTsyVw/^aseul mérité une médaille de
bronze. On mentionne honorablement des travaux de sellerie
exécutés par quatre chefs d'ateliers.
On a donné la médaille de bronze à M. Lagrange, pour les
taffetas et les toiles gommées, qu'il rend imperméables en leur
donnant une grande solidité , qualités dont semblent privés les
autres taffetas et les toiles gommées qu'on fabrique en d'autres
localités.
La partie du rapport sur l'exposition de Toulouse, qui se
rapporte aux produits d'industrie, est l'œuvre de M. Urbain
Vitry, professeur de géométrie et de mécanique appliquées
aux arts dans cette ville. Ce jeune professeur est en même tcms
un architecte distingué, connu par un ouvrage utile, publié
sous le titre du Propriétaire- Architecte. (Paris, 1827 ; Audot.
Voy. ci-dessus p. 469. ) M. Vitry a tracé les plans et les devis
d'un abattoir général qui tiendra lieu de tous les abattoirs
dispersés dans les divers quartiers de Toulouse. Ce projet ,
approuvé par le gouvernement , est maintenant en exécution.
La Section des beaux-arts , indépendante de la Section d'in-
dustrie, a décerné la médaille d'argent à M. Vitry , qui se
ftOTICE|BIOGRA.PHIQl ESI II MALTE-BRI NT.
recommande aussi pur le zèle digne d'éldges avec lequel il \e
consacre à l'instruction de la classe industrielle.
applaudissons aux efforts delà ville de Toulouse pour réu
nirdansson enceinte tons les genres de gloire el d'utilité. Elle
drarche maintenant à grands pas dans la voie récente encore de
la vraie civilisation. La paii intérieure, le bonheur domes-
tique', la douceur des mœurs privées el publiques , le bien-être
clans les humbles familles , cl l'opulence et la richesse , auno-
blies par l'élégance de la vie dans les classes supérieures, seront
les fruits des nouveaux efforts tentés par les habitans de celte
ville.
Charles Du pin, membre de V Institut.
Notice biographique suit Malte- 13 rux.
En annonçant, vers la fin de l'année dernière ( voy. Rev.
Enc.y t. xxxii, p. 857), la mort de M. Malte-Brun, nous
avons pris l'engagement de consacrer à la mémoire de cet
écrivain une Notice destinée à faire apprécier la nature et
l'étendue des services dont les sciences géographiques lui sont re-
devables. « Quelle que fût, disions-nous, la célébrité de l'homme
dont le Danemark et la France ont également à déplorer la
perte , nous croyons que la profondeur et la variété de ses
connaissances lui méritaient plus de renommée. C'est un fait
que nous démontrerons, en essayant d'exposer les causes qui
empêchèrent de lui rendre une justice entière. »
L'anniversaire de la mort de M. Malte-Brun nous paraît une
époque favorable pour reporter l'attention publique sur sa
mémoire. Les haines violentes dont il fut l'objet se sont calmées;
les personnes qui eurent à se plaindre de l'amertume de
plusieurs de ses écrits, ne s'inscriront plus en faux contre les
éloges dus à son rare mérite; et la bienséance, qui prescrit
toute autre forme que celle du panégyrique en présence d'un
cercueil, ne nous interdit plus de signaler les égaremens dans
lesquels M. Malte-Brun se laissa p!us d'une fois entraîner.
5:r» NOTICE BIOGRAPHIQUE
Conrad Maltk-Buun naquit, en 1775, en Danemark, dans
la province de Jutland. Il appartenait à une famille honorable,
dont tous les membres professaient la religion reformée de la
confession d'Augsbourg , et ses parens le destinèrent aux fonc-
tions de ministre. Envoyé à l'Université de Copenhague pour
y prendre ses degrés, les arguties théologiques firent éprouver
lia invincible dégoût à son esprit solide et positif ; ce fut donc
a l'étude des langues qu'il s'adonna avec une véritable passion,
et c'est à l'heureuse disposition qui l'y porta, qu'il dut plus
tard la facilité d'écrire le français beaucoup mieux que ne l'ont
fait en général les étrangers qui ont le mieux possédé cette
langue. La poésie était un délassement pour le jeune Conrad
et lui procurait déjà des jouissances d'amour-propre, lorsque
l'influence de la révolution française, qui venait d'éclater, fit.
péné'rer les doctrines philosophiques dont elle était comme
l'explosion jusque dans un royaume où le despotisme avait
été le résultat des volontés d'un peuple fatigué de la tyrannie
des nobles.
Le despotisme peut ne pas être le plus mauvais des gouver-
nemens , quand celui qui l'exerce ne délègue pas la puissance à
d'insatiables courtisans, à des ministres pervers, à des agen*
corrupteurs qui l'isolent et le retiennent captif dans ses propres
palais, en l'occupant à dessein de frivoles délassemens, de pe-
tites intrigues et de futilités.
En Danemark, comme chez tous les peuples où un mode
quelconque de protestantisme forme la religion du pays, il
existe pour les rois, qui n'ont pas de confesseurs habiles à
susciter des scrupules, un élément de communication avec le
reste des hommes qu'on ne retrouve point dans les Etats où
des religions exclusives poussent nécessairement le prince
aveuglé à regarder comme des rebelles aux lois de son dieu
les hommes qui ne servent pas ce dieu de la même manière
que lui. Les fers de l'étiquette n'y sont point rivés par la crédu-
lité d'un maître, qui peut échapper quelquefois aux flatteurs
pour interroger par lui-même les inférieurs que leurs titres et
eurs fonctions n'appellent pas dans ses antichambres ou dans
SUIl M Al II. BRUN.
*es conseils» Le roi, dont les courtisans el les prêtres ne peu»-
vent faire une soi ir de grand l.un.i, cm est plus homme; < i
voilà pourquoi, sous des monarques absolus , mais <jn i peuvent
connaître leurs sujets autrement que par les idées que leur en
donnent des valets-, le Danemark fut paisible el heureux. Des
ministres dont la conduite émit sans cesse éclairée, et qui
n'eussent pu tromper facilement le prince, devaient rarement
opprimer les contribuables ; car c'est a la condition de contri-
buables que sont réduits les habitans du sol, sous un mode de
gouvernement où il n'existe pas, à proprement parler, de
citoyens. L'un de ces ministres, M. de Bernstorff, eut le bon
esprit de ne pas se prononcer contre les idées nouvelles. Il
seconda les vues sages d'un roi qui sentait la nécessité d'en
tolérer les infiltrations; on essaya même quelques réformes;
malheureusement, des écrivains exaltés par la perspective
d'une émancipation qu'on laissait entrevoir dans l'avenir, gâ-
tèrent la situation présente par leurs prétentions exagérées.
Malte-Brun, s'élançant dans la carrière de la politique, fut
de ce nombre. Quelques hommes puissans et qui vivaient
d'abus le signalèrent comme un révolutionnaire; ses idées libé-
rales, qui ne trouvèrent d'abord de contradicteurs que dans
l'aristocratie, firent quelques progrès; mais , trop ardent dans
le succès et menacé de la sévérité des tribunaux, le jeune pu-
bliciste crut devoir s'exiler en Suède; il fut bien accueilli chez
cette nation indépendante; et, rendu au culte des Muses, il
y chanta encore la liberté et l'égalité, en vers qui furent cou-
ronnés par l'Académie de Stockholm.
Les motifs de prudence qui avaient éloigné Malte-Brun do-
sa patrie ayant perdu une partie de leur force, il revint en
Danemark; mais il y renouvela ses premières indiscrétions.
Son séjour en Suède, et la comparaison qu'il avait faite des
belles institutions de ce pays avec les formes du pouvoir
absolu qui régissaient le sien, n'avaient pas affaibli son en-
thousiasme pour la liberté. Menacé une seconde fois de perdre
la sienne, il repassa chez les Suédois, vint ensuite à Hambourg,
et, pressé par le besoin de se choisir une patrie où l'on put
t. xwvi. — Décembre 1827. 37
5:S NOTICE BIOGRAPHIQUE
pensrr tout haut, il se décida pour la France. Nous le vîmes
arriver à Paris, vers l'époque où le coup d'état du 18 brumaire
venait de tuer ce que cherchait le patriote hyperborêen. Malte
Brun se donna lui-même ce titre, en nous racontant un jour,
peu après son arrivée , les vicissitudes politiques qui l'avaient
jeté sur les bords de la Seine. Il professait alors une grande
admiration pour l'homme que l'on regardait généralement
comme le régulateur de la révolution, destiné à consoler
l'Europe et des abus de l'ancien ordre de choses et des fautes
qu'avait provoquées une résistance maladroite et opiniâtre à
la destruction de ces abus; mais le Consulat à vie dessilla bien-
tôt les yeux de Malte- Brun, qui, toujours occupé de poli-
tique, fit insérer des articles hostiles dans plusieurs journaux.
Ces articles, aussi vigoureux de style que dépensée, attirèrent
l'attention d'une puissance usurpatrice et ombrageuse, et l'au-
teur fut condamné au silence. De cette époque date le ressen-
timent de l'écrivain danois contre Napoléon. Ce ressentiment
se déversa de tems en tems jusque sur la France elle-même, qui
l'avait pourtant assez dédommagé par son accueil des actes
oppressifs d'un gouvernement qui commençait à peser aussi
sur elle. De celte époque date également l'assiduité de Malte-
Brun ù l'étude de la branche des connaissances physiques qui
fonda sa réputation, et il prit un rang distingué parmi les
géographes, aussitôt qu'il lui fut interdit de s'occuper d'intérêts
auxquels, après tout, on pouvait le considérer comme étranger.
Cependant, les premiers écrits publiés par Malte-Brun dans
une langue qui n'était pas la sienne, et qu'il avait même rare-
ment parlée, firent sensation, non - seulement par la force
des pensées, mais encore par une facilité d'expression, un
coloris de style, une variété de formes, qui n'appartiennent
guère qu'aux écrivains nationaux. Il s'y trouvait, à la vé-
rité, de graves incorrections; mais, comme une révision soi-
gnée des épreuves faisait aisément disparaître ces taches, les
propriétaires d'une feuille publique fort accréditée jetèrent
les yeux sur le jeune étranger, et se l'attachèrent. Il devint
dès lors l'un des rédacteurs essentiels du journal , qui , de-
SI R M LLTE &RJ
puis sou origioe, et quels qu'aient éèé les titres et les nuances
d'opinions sons lesquels on l'a \n paraître, a âté sans con-
tredit l'un des pins habilement diriges et le mieux écrit.
pe fui vers 1806 que Mette- Brun se vil définitivement attaché
au Journal des Jh/xits. La plupart des articles qu'il composa
portaient sa signature, ou du moins les initiales de son nom;
ils eonsisîcnt en analyses d'ouvrages , en considération 9 scien-
tifiques, en fragmeus géographiques, que l'on peut considérer
comme des matériaux précieux, en notices sur les contrées peu
connues qu'un événement quelconque Venait signaler à l'atten-
tion de l'Europe , en traductions de fragments curieux des livres
étrangers nouvellement publiés, et qui Seraient, sans lui, de-
meurés inconnus à la France, où l'étude des langues n'est pas
aussi généralement cultivée que dans d'autres pays. « Outre les
articles que nous venons d'indiquer, Malte-Brun en rédigea
beaucoup d'autres qui furent publiés sous le voile de l'ano-
nyme, et dont il y aurait de l'ingratitude, dit le Journal des
Débats , à ne pas lui rapporter la gloire. La plupart des disser-
tations relatives à la politique étrangère sont sorties de sa
plume. La préférence qu'il réclamait pour ce genre de travaux
lui était facilement accordée. A l'avantage de posséder presque
toutes les langues de l'Europe, Malte - Brun ajoutait celui
de connaître également bien le personnel des cabinets, les
ac es de la diplomatie, les rapports de famille et d'intérêts des
différentes cours. L'étendue de sa mémoire, la rectitude de
son jugement et l'ordre qu'il savait mettre dans l'ensemble de
ses connaissances , lui rendaient facile l'analyse des faits les plus
compliqués. Il résumait en peu de mots et en peu de tems les
matériaux dispersés dans les immenses colonnes des nombreux
journaux étrangers. Dans la chaleur de la composition, il lui
échappait encore des idiotismes germaniques; mais ces fautes
légères, qui tenaient aux souvenirs ineffaçables des premières
habitudes, disparaissaient à la seconde lecture. »
i .es occupations du journaliste contribuèrent à développer
le talent du géographe. A force de consulter des ouvrage*.
pour l'intelligence desquels la connaissance de la surface an
58o NOTICE BIOGRAPHIQUE
globe riait nécessaire, Malte- Brun devint bientôt l'homme
le plus au fait «les livres modernes publiés, soit en France,
soit dans les pays étrangers : ayant eu le soin d'en extraire
avec sagacité les faits les plus intéressans , il signala son début
dans la carrière, en s'associant à M. Mentelle pour la publica-
tion d'un Traité de géographie universelle , en 16 volumes in-8°.
A cette époque, Mentelle s'était fait une sorte de réputation
dans la science, parce que son nom était reproduit dans beau-
coup d'entreprises de librairie; et il était assez d'usage que
les jeunes savans qui voulaient se faire connaître essayassent
leurs premiers pas sous l'égide d'un personnage honorable.
Malte-Brun, qui sentait ses forces, eut soin d'en choisir un
dont le talent ne brillât pas d'un éclat capable de l'éclipser. Il
se réserva, dans le Traité de géographie universelle, en y appe-
lant la collaboration de quelques écrivains moins habiles que
lui, les généralités et les introductions avec la description des
pays sur lesquels il avait des connaissances particulières.
Ainsi, la presque totalité du premier volume lui appartient;
et, quoique l'on n'y trouve pas toujours l'ordre désirable dans
la disposition des matières, et que la forme rappelle un peu
trop les méthodes abrégées des compilateurs, il n'en doit pas
moins être considéré , en géographie , comme un modèle de
traité général : il est d'ailleurs fort agréable à lire, l'auteur
ayant su par un style convenable tempérer l'aridité du sujet.
Les différentes parties de la science s'y trouvent indiquées
d'une manière claire et précise; celles que nous appelons as-
tronomiques et physiques y sont supérieurement traitées, rela-
tivement à l'époque. On peut même dire que, pour la seconde,
Malte- Brun, qui ne passait pourtant pas pour avoir les
connaissances d'un naluraliste, sut choisir avec discernement
lés bases de ses théories en géologie et enliistoire naturelle.
C'est après avoir lu et médité cette partie des écrits du savant
Danois que nous sentîmes bientôt, pour régulariser nos pro-
pres études, la nécessité de diviser la géographie en quatre
sections. On n'en avait guère indiqué que trois, entre les-
quelles nous avons depuis reconnu des limites si tranchées que
SUB MALTE-BRUN. 58i
chacune pourrait) à la rigueur, «'tic considérée comme une
science aussi indépendante des antres que lé SOnt entre elles
la minéralogie el la métallurgie, la zoologie et l'économie; ru-
rale, la botanique et l'agriculture.
Les grands traités généraux do géographie, antérieurs à
celui qui lit connaître Malte-Brun, étaient des espèces d'en-
cyclopédies OÙ la véritable science disparaissait sons un amas
de détails étrangers, dépendant des branches latérales des
connaissances humaines. On eut dit que leurs auteurs avaient
voulu tout embrasser, à la manière de Pline ; mais, ce qui eût
été possible, à la rigueur, vers le tems où vivait le célèbre
compilateur romain, parce que les sciences étaient peu avan-
cées, ne l'est plus aujourd'hui, où le nombre des faits est
hors de proportion avec les instans qu'il est possible de con-
sacrer «à leur recherche. Il faut désormais, pour parvenir à
posséder les sciences géographiques, et à écrire convenable-
ment sur elles, y procéder, comme pour les sciences naturelles,
qui n'auront plus de Linné; c'est-à-dire, qu'on doit première-
ment en bien distinguer les grandes parties, el s'attacher à la
division pour laquelle on se sent le plus de prédilection.
Malheureusement pour Malte-Brun , il crut possible, après
avoir judicieusement classé l'immensité des faits , d'embrasser
l'ensemble et les détails de la science, et il se laissa entraîner
à une prétention d'universalité, véritable labyrinthe où il s'é-
gara , bien qu'il eût tracé la route à suivre pour ne pas s'éga-
rer. Il dut bientôt à la réputation qu'il venait de s'acquérir,
d'honorables moyens d'existence; il associa fructueusement son
nom à plusieurs spéculations de librairie. Quelques entrepre-
neurs en ce genre lui demandèrent, en 1816, une géographie
universelle , et il reproduisit, avec quelques additions insuffi-
santes pour élever cet ouvrage à la hauteur des connaissances
de l'époque , le travail auquel jadis Mentelle avait aussi mis son
nom. Des parties entières de cette grande composition, qui sans
doute étaient restées invendues dans le fond de quelque maga-
sin, portent encore, après les changemens politiques opérés
en France, le cachet des tems glorieux où elles ont été écrites,
;>8a NOTICE BIOGRAPHIQUE
taudis que d'autres semblent avoir pour but de flatter des opi-
nions remises en favenr.
Malte-Brun , dans ses articles de journaux , était rigoureux et
même dur envers les auteurs que ne pouvait défendre leur po-
sition sociale. Ayant fait preuve d'une judicieuse sévérité à l'é-
gard de quelques ouvrages indignes de la réputation qu'on
voulait leur faire; ayant su réduire, entre autres, l'anglais
Pinkerïon à sa mince valeur, sa manière spirituelle, mais acerbe,
prit faveur, et sa plume devint une sorte de sceptre qui pesa
de tems en tems sur les productions géographiques, sur les re-
lations de voyages, sur les statistiques, en un mot, sur toute
publication qui rentrait dans le domaine de la science où il
n'avait plus de rivaux. C'est du faîte de cette sorte de dictature
qu'on le vit (comme si tous les genres de domination poussaient
au vertige) entacher ses écrits d'une partialité injuste envers des
hommes que leur conscience eût portés à se déclarer les admi-
rateurs de son talent, autant que de ses vastes connaissances.
Le moment vint où, après avoir versé des flots d'encens sur le
gouvernement impérial, le Danois libéral se lit, sans la moindre
transition, le champion bruyant d'un autre système. Les injures
qu'il prodigua lui suscitèrent une sorte de persécution de la
part d'un grand nombre de gens de lettres; et cependant, les
personnes qui ont connu particulièrement Malte - Brun lui
doivent cette justice , qu'il ne fut jamais partisan des réactions
ou d'aucun genre de despotisme. Les idées les plus libérales
étaient au fond de son cœur; elles perçaient à travers ses bou-
tades de royalisme , comme elles avaient percé sous le régime
militaire du héros tombé. Indépendant par nature, n'ayant
sollicité, ni obtenu aucune place, ni aucune pension , il conti-
nua de se faire remarquer dans le Journal des Débats , par la
prodigieuse variété de ses connaissances et par l'originalité
de son style , toutes les fois qu'il n'écrivait point ab irato.
Indépendamment du grand ouvrage où son nom se trouvait
à côté de celui de Mentellc, Malle-Brun avait fondé, en 1808,
an recueil qui paraissait chaque mois chez le libraire Buisson ,
saus le titre & Annales générales de voyages , et qui, ayant ob-
SUB MAI-TK BRI If, S63
tenu un succès mérité, lut repris, eu 1H19, par le libraire
(iule. Plusieurs cahiers en sonl de\cuus rares ; le choix des
articles est excellent, et ceux du rédacteur principal s'y font
remarquer. On y trouve des preuves nombreuses, non-seule-
ment de ses connaissances en géographie, mais encore de l'é-
tendue de son savoir en histoire et en philologie, lin Tableau
de la Pologne ancienne et moderne, composé sous le règne de
!N apoléon, et un Traité de la légitimité., publié sous celui de
Louis XVIII, attestent encore la souplesse du style de Malte-
Brun, malgré son apparente inflexibilité Cette inflexibilité, du
reste, n'était un défaut chez cet écrivain que sur le champ de
bataille, c'est-à-dire, la plume à la main; car nous avons con-
nu peu d'hommes qui dans leur intérieur eussent des mœurs
plus douces, et qui fussent d'un caractère moins offensif dans
la conversation. Il mettait autant de douceur dans ses relations
sociales, de complaisance à écouter, de patience dans la discus-
sion , de désintéressement même, quand le besoin , fruit d'une
insouciance trop commune parmi les savans, ne le tourmentait
pas outre mesure, qu'il était incisif, hautain, avide de louanges
pour lui-même, avare d'éloges pour les autres dans ses écrits;
et l'on ne saurait douter que, si Malte-Brun n'eût pas été forcé
de se servir de ses talens pour subvenir à son existence, s'il eût
vécu dans une position indépendante, il n'eût été chéri de
ceux même qui se sont déclarés ses ennemis, et qui ont souffert
qu'une sorte de clameur publique étouffât la voix de l'impar-
tialité, quand elle voulut faire valoir les droits qu'avait à faire
partie de l'Académie des sciences le premier géographe de l'é-
poque. L'ouvrage qui devait lui ouvrir les portes de l'Institut»
où il ne fut pas même présenté comme candidat* est son Précis
de géographie universelle. Il restait un seul volume à publier pour
compléter ce grand travail, lorsqu'à pareille époque de l'an-
née dernière, Malte-Brun, dans la force de son talent, entière-
ment guéri de son goût pour la polémique, uniquement voué à
l'étude de la science dont il fut un des principaux réforma-
teurs, descendit tout à coup dans la tombe. Les six volumes du
Précis de géographie universelle , déjà publiés, peuvent être con-
58/, NOTICE BIOGRAPHIQUE
sidérés comme une encyclopédie pour laquelle toutes les rela-
tions de voyages, les statistiques locales, les recueils de Sociétés
savantes, les traités anciens et modernes, et les moindres jour-
naux ont été mis à contribution. Le plan de l'ouvrage est sans
doute beaucoup trop vaste pour qu'un seul hommele pût exécuter
sans qu'il s'y trouvât des parties faibles; mais nulle part on n'a
fait mieux jusqu'à ce jour. Pour élever un monument impéris-
sable à la géographie, et fixer l'état où elle se trouvait vers le
premier quart du xixe siècle, Malte-Brun aurait dû appeler à
son aide des collaborateurs à chacun desquels il eût confié un
rameau de la science, en se réservant le soin de traiter les gé-
néralités et de décrire les contrées qu'il connaissait le mieux;
mais il a voulu se charger seul du poids de l'univers sous le-
quel l'antiquité nous apprend que pliait le puissant. Atlas. Nous
le répétons, personne aujourd'hui ne saurait prétendre à trai-
ter l'universalité des sciences géographiques, qui sont réellement
les bases et le résumé de toutes les autres; il faut opter entre
l'une des quatre divisions principales qui toutes se prêtent un
mutuel appui, mais qui sont telles aujourd'hui que l'étude d'une
seule, comme nous l'avons avancé, dans Y Encyclopédie par ordre
de matières , suffit pour occuper exclusivement l'écrivain labo-
rieux qui veut l'approfondir et qui se propose de l'enseigner.
Ces divisions, parfaitement indiquées par Malte-Brun, et dont
la distinction doit être désormais considérée comme la classifi-
cation indispensable des matières dans les traités généraux de
géographie, sont les suivantes:
1° La GÉOGRAPHIE ASTRONOMIQUE et MATHEMATIQUE , point
de contact de l'histoire des cieux et de l'histoire de la terre ;
elle s'occupe âes rapports qui existent entre les astres et notre
globe, dont elle apprend à figurer la croûte superficielle ; elle
donne encore les moyens de voyager sur la monotone éten-
due des mers. L'observation des corps célestes et la géodésie
en sont les flambeaux.
i° La géographie historique, qui se lie à l'astronomie par la
chronologie, science dont l'évaluation des tems durant lesquels
se fondèrent et s'écroulèrent les dominations humaines est le
SUR MALTE-BRUN. î>85
grave, niais fugitif objet. Elle peut se partager en deux S0U9 di-
visions, la géographie ancienne, et la géographie Moderne. Ué-
poqUeOÙ la boussole révéla un nouveau monde au vieux conti-
nent nous paraît être beaucoup plus propre à distinguer ces
deux sous-divisions, que leur concordance avec nos ères, avant
et après Jésus-Christ.
3° La géographie politique s'occupe de la terre , dans ses
rapports avec les hommes, soit qu'ils commandent, soit qu'ils
obéissent, à sa surface. La statistique en est la véritable base ;
non cette statistique qui serait la science universelle, si on la
comprenait, comme le font certaines personnes, lorsqu'elles en-
tassent, dans la description d'une province administrativement
circonscrite, le catalogue des établissemens industriels, celui
des plantes qui croissent dans les champs, la nature des ex-
ploitations et des eaux minérales , etc. Les corps naturels n'ont
de rapport avec la statistique véritable que parles applications
que l'homme en fait à ses besoins ; sous tout autre point de vue,
c'est dans la quatrième division des sciences géographiques que
leur examen doit rentrer. La véritable statistique, supposant le
sol d'une contrée quelconque géodésiquement et physiquement
connu , se renferme dans le dénombrement de ses habitans ,
dans ce qui touche à l'industrie, aux ressources de tout genre
que fournit le sol, ainsi qu'aux revenus des établissemens pu-
blics; en un mot, elle se borne à ce qui peut être du ressort de
administration; elle est , à proprement parler, la géographie
sociale. Quelques mots sur les lois et leur origine, les coutumes,
le langage, lesantiquités, seraient même déplacés dans un traité
de géographie de ce genre; c'est à la deuxième section que ces
détails doivent trouver place, à ce qu'il nous semble.
4° La géographie physique enfin ; cette partie de la science,
telle que nous la concevons, se dégage de ces délimitations
factices d'empires et de royaumes, qui , périssables résultats
d'une antique barbarie ou de la violence des conquêtes, s'ef-
facent souvent dans la durée d'une révolution de ce globe où
rien ne saurait être Stable , car l'imposante marche de l'uni-
vers a aussi ses révolutions: la constitution géologique des con-
58Ô notice biographique
tinens et des iles, la circonscription des mers, les fleuves , les
rivières, les torrens qui fertilisent ou dépouillent le sol; 'les
montagnes, les roches et les volcans, qui sont comme la char-
pente île la terre ou qui en déchirent le seiu ; la distribution
des plantes que nourrissent les divers terrains et les eaux, à des
profondeurs et à des hauteurs diverses, et selon des lois si
variées; celle des animaux qui, vivant de plantes ou de chair,
ne peuvent avoir de patrie que la patrie même des corps orga-
nisés nécessaires à leur subsistance; en un mot, l'histoire entière
des corps bruts ou doués d'organisation dont se compose la
planète que nous habitons, avec tout ce qui peut donner une
idée de sa physionomie, est du ressort de cette partie de la
géographie physique dont il n'existe pas un seul traité véri-
table , dans le sens que l'on doit donner au mot traité. On n'en
trouve même les matériaux épars dans les écrits de divers na-
turalistes, que depuis le commencement de ce siècle; car on ne
peut regarder comme des élémens de cette branche delà science
les contes populaires sur des échos prodigieux, des fontaines
ardentes, des lacs sans fond, des tours sans venin et autres cu-
riosités naturelles du même genre qu'on décrivait autrefois, à
la suite de chaque contrée comme leurs merveilles.
Les premiers écrits de Malte-Brun furent les sources où nous
puisâmes l'idée des divisions fondamentales que nous venons
de caractériser, et d'après lesquelles nous avons construit nos
ouvrages sur la géographie de l'Espagne et du Portugal. Ce serait
donc une prétention mal fondée que de vouloir présenter au -
jourd'hui, comme une découverte nouvelle, une route tracée
et pratiquée par autrui. Sans nous étendre à cet égard, il nous
suffira d'avoir réclamé en faveur de Malte-Brun la priorité
d'une idée mère et. féconde, et pour nous l'exécution de son
plan perfectionné.
Au nombre des services éminens rendus par Malte- Brun à
la science géographique , on doit compter encore sa *oopéra-
tion à l'établissement de la Société de géographie qui fut créée ,
en i8ai , par ses soins et ceux de MM. Langlès , Barbie du Bo-
cage, fomqrd, JValchenaer , etc. , premiers fondateurs de cette
M I MALTB~BRUN. f»87
belle et importante institution, devenue le centre de réunion
de huis les faits, <le tontes les observations qui se' rattachent
à cette branche essentielle des connaissances humainees, et dont
\& Revue Encyclopédique fal la première à signaler L'Apparition
et les immenses avantages ( voy. Ilci'. Enc, , t. xn. — Année
j8ai, pages 2'i5, 4 Go et 682). Nous terminerons cette No-
tice par un trait qui fera connaître comment Malte - Brun
concevait la conscience littéraire; ce trait peint également l'é-
poque où plus d'un rédacteur de journal, en agissant comme
lui, n'a pas le genre de candeur qui caractérisait le savant
Danois.
L'auteur du présent article et le savant à la mémoire duquel
il est consacré avaient, malgré l'opposition apparente de
leurs opinions , conservé des relations assez intimes, quoique
fréquemment interrompues. Le premier avait donné des preuves
d'une active et officieuse sollicitude à Malte-Brun, en adoucis-
sant ou en écartant un grand nombre de traits satiriques aux-
quels celui-ci était en butte, dans un recueil de spirituelles
notices. Par une exception qui honore le caractère de Malte-
Brun, il en montra sa reconnaissance en détournant," au tems
des proscriptions, les attaques qui auraient pu être dirigées
contre son ami, dans le journal où son talent lui valait quel-
que crédit. Il eut même le courage de donner des éloges, dans
plusieurs de ses colonnes , à cet ami que des misérables pour-
suivaient jusque dans son exil; et, lorsque celui-ci publia vers
i8a3 son Guide du voyageur en Espagne , quelques pages
flatteuses des Débats recommandèrent ce livre au pnblic.
En 1826, l'auteur ayant retouché son premier essai, corrigé
les fautes que l'habile critique y avait signalées avec autant
d'égards que de raison , et composé, pour ainsi dire , un traité
tout nouveau destiné à servir d'introduction à une Collection
de résumés géographiques, Malte -Brun, dans un dîner où
régnait la gaîté, prié d'annoncer l'entreprise, répondit avec
naïveté : « Je le voudrais bien, je suis enchanté de votre pé-
ninsule ibérique; mais votre Collection de résumés peut nuire
considérablement à mon Précis; vous ne pouvez exiger que je
S 88 NOTICE BIOGRAPHIQUE SUR MALTE-BRUN.
casse le cou à mon libraire : je vous promets conséquemment ,
dans l'impossibilité où ma position me met d'en dire du bien,
de ne pas en dire de mal. » Malte -Brun tint parole, et son
silence fut considéré comme une preuve de loyauté.
Malte - Brun était devenu très- instruit , parce qu'il était
ce qu'on nomme un grand travailleur , dans la force du terme.
Il n'entreprenait rien dans une science quelconque qu'il ne
Unît par y réussir; il se raidissait contre les difficultés; mais,
dit l'auteur d'une fort bonne Notice nécrologique, les forces
humaines ont des bornes : Malte -Brun ne s'apercevait point
que les siennes s'épuisaient; ses amis furent les premiers à en
faire la triste observation. Un repos absolu de quelques se-
maines aurait probablement suffi pour rétablir sa santé, dont le
dépérissement devenait de jour en jour plus sensible. Ce repos
lui fut conseillé, il négligea l'avis. Bientôt, le mal fit des progrès
effrayans. Il était le seul qui ne parût pas s'en apercevoir. La
crise se déclara : depuis trois jours seulement, il s'était résigné
à garder la chambre; mais, dans un état presque désespéré, il
éprouvait encore le besoin de se rendre utile, et une mort heu-
reusement sans agonie a pu seule faire tomber la plume de sa
main glacée. C'est le 17 décembre 1826 que mouru! ce célèbre
géographe, qui, n'ayant guère songé à l'avenir qu'à raison de
la gloire que lui promettaient ses ouvrages, n'a laissé à ses en-
fans d'autre héritage que sa renommée. Son nom retentira dans
l'Europe éclairée. Le Danemark, qui le méconnut, enviera celte
illustration à la France. Les jeunes rejetons qui doivent porter
ce nom célèbre seront, nous n'eu doutons pas, l'objet de la
sollicitude d'un gouvernement protecteur des sciences et des
hommes qui travaillent à leur avancement.
Bory de Saint- Vincbnt.
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II. ANALYSES D'OUVRAGES.
SCIENCES PHYSIQUES.
Rapport lu a l académie royale de médecine, dans
les séances des i5 mal et 19 juin 1827, au nom de la
Commission chargée d'examiner les documens de
M. Ghervin, concernant la fièvre jaune.
ËCLAIRCISSEMENS COMMUNIQUES A LACADÉMIE ROYALE
de médecine, dans sa séance du 5 juin 1827, par
M. Pariset , en réponse aux allégations consignées
dans le Rapport précédent, contre la commission mé-
dicale envoyée à Barcelone en 1821 (1).
La question traitée dans ces deux Mémoires est importante;
il ne s'agit de rien moins que de décider si la fièvre jaune est
ou non contagieuse. Dans le premier cas, celui de la conta-
gion , tous les efforts d'une administration prudente et pater-
nelle doivent tendre à cii'conscrire l'horrible maladie, à la
fixer, à l'arrêter dans la ville, dans le canton assez malheureux
pour en être attaqué. Les seules mesures que l'on puisse em-
ployer alors avec succès sont de nature à faire frémir l'huma-
nité. On cesse toute communication avec la province ou la
ville infectée; on prononce la peine de mort contre tout habi-
tant qui tenterait de fuir le péril et d'aller au loin respirer un
air plus pur; on établit un cordon de troupes chargées de
surveiller jour et nuit tous les passages, et de tirer, sans misé-
ricorde, sur les infortunés que l'esprit d'obéissance aux lois
n'aurait pu retenir dans leurs foyers, au milieu d'un danger
(1) Paris, 1827; Gabon ; Béchet jeune. In-4°.
5go SCIENCES PHYSIQUES.
toujours croissant. C'est ainsi que, dans un grave incendie, on
fait la part des flammes pour les concentrer, c* que l'on
sacrifie des maisons encore intactes, en les isolant des autres
au moyen de vastes tranchées. Mais le domaine que l'on aban-
donne à la contagion est habité par des hommes; en les sé-
questrant de la société générale, on les livre, sans pitié, au
désespoir et à la mort! Ils l'auraient peut-être évitée, s'ils
avaient été libres de choisir le lieu de leur résidence; et, dans
l'affreuse alternative de les condamner à l'attendre au sein de
leurs demeures, ou de courir le risque de sacrifier d'autres
populations, en permettant à ces malheureux de porter au
loin le germe pestilentiel qui peut les suivre, il faut au moins
que la nécessité des mesures terribles auxquelles on les soumet
soit parfaitement démontrée.
Dans le second cas, celui de X infection , la tâche de l'autorité
administrative est moins cruelle. Si quelques restrictions sont
encore prescrites, elles n'atteignent point les individus pleins
de santé; ils sont libres de fuir la mort qui les frapperait
inévitablement dans leur patrie; leur présence funeste ne
l'apporte pas aux peuples hospitaliers qui les reçoivent; et les
nobles caractères qui se consacrent à de généreux dévoûmens
ne sont pas inhumainement repoussés au fond du cloaque où
les ont appelés leurs vertus, quand ils éprouvent le besoin de
retremper leur courage dans une autre atmosphère.
L'erreur, dans ce grave conflit, est presque un crime; et
les gouvernemens pénétrés de cette vérité ont soin, sans doute,
en instruisant une cause que l'on peut appeler celle de l'hu-
manité, de s'entourer de toutes les lumières, et de recueillir
tous les faits. La commission médicale qui fut envoyée à Bar-
celone par la France, en 182 1, se prononça pour la contagion,
et par une conséquence nécessaire, pour les mesures de
rigueur. Malheureusement, la politique s'empara de cette
opinion, et s'en servit comme d'un prétexte, lorsqu'il lui con-
vint de réunir des troupes, dont la destination n'était pas celle
<l'un cordon sanitaire. On ne peut se dissimuler que la guerre
^'Espagne n'ait beaucoup nui à la confiance que devait inspirer
SCIENCES PHYSIQUE». 5g I
le rapport Je la commission de liarcelone; m is, a ver- le témS,
on a séparé ce qui riait du domaine de la politique, de te que
l'on devait au savoir, au caractère et au courage des médecins
qui composaient celle commission, et on leur a rendu la
justice qu'ils avaient droit d'obtenir.
Toutefois , la question n'était pas décidée ; et dès ce moment,
des hommes intrépides conçurent le projet de se rendre dans
tous les foyers d'infection de la fièvre jaune , afin de constater,
par leur expérience et par des faits nombreux, la réalité ou
la nullité de l'aclion contagieuse. L'un des plus infatigables
est M. le Dr Chervin. Il a visité les colonies anglaises, fran-
çaises, hollandaises, danoises, suédoises et espagnoles; il s'est
rendu à la Guyane, aux Antilles, sur presque tous les points
de l'immense littoral des États-Unis de l'Amérique du nord ,
dans un espace de plus de 37 degrés en latitude, depuis
Caycnne jusqu'à Portland, ville de l'État du Maine. Il a con-
sulté les médecins les plus estimes et ceux qui jouissaient de la
confiance de leur gouvernement; il s'est adressé aux autorités
locales, à toutes les personnes capables, par leurs connais-
sances ou leur position, de lui fournir des renseignemens
dignes de foi ; il a consigné dans ses notes les documens con-
traires à son opinion , comme ceux qui lui étaient favorables ;
les uns et les autres portent une ou plusieurs signatures, et il
a eu le soin de les faire légaliser, afin de les rendre authen-
tiques. Ce grand travail, mis en ordre et accompagné de ses
observations sur l'origine et la nature de l'effroyable maladie
que l'on nomme la lièvre jaune, a été communiqué par lui à
l'Académie royale de médecine, qui a jugé convenable d'en
publier l'analyse.
Il résulte des pièces présentées par M. Chervin à la com-
mission chargée d'examiner si ses documens sont de nature à
modifier les idées que l'on s'est faites jusqu'à ce jour sur la
contagion ou la non-contagion de la fièvre jaune, que, de
54i pièces signées par 53i médecins, /»8 seulement admet-
tent la contagion, mais à des degrés très-variés/ et avec des
restrictions plus ou moins marquées. C'est là le point capital
592 SCIENCES PHYSIQUES,
de la question ; car il ne S'agit pas de savoir s'il existe des faits
qui repoussent le caractère contagieux de la maladie; mais s'il
v en a, au contraire , qui démontrent clairement son existence.
Pénétrée de cette vérité, la commission s'est donc attachée à
étudier spécialement les 48 documens contagionistes. Neuf des
médecins qui les ont fournis n'apportent aucun fait à l'appui de
leur opinion, et aucun des 3o, autres ne regarde la fièvre jaune
comme essentiellement contagieuse. Quelques-uns seulement
pensent qu'elle peut le devenir dans des circonstances parti-
culières ; et d'autres, qu'elle n'est point transmissible entre
les tropiques, mais que la divergence d'opinion parmi les
médecins leur fait croire qu'il n'en est pas de même aux États-
Unis d'Amérique et en Europe.
Parmi les non-contagionistes , qui sont au nombre de 4$3,
les uns ont exposé les faits sur lesquels leur opinion s'est
formée; les autres ont déclaré qu'ils n'ont jamais rien vu qui
les autorisât à penser que la fièvre jaune est une maladie con-
tagieuse ; et la plupart de ces médecins l'observent depuis 20,
3o et même 5o ans, entre les tropiques, aux États-Unis et
dans la péninsule espagnole. La commission fait remarquer
qu'il n'est pas de point litigieux en médecine en faveur duquel
il fût possible de réunir une aussi grande majorité de suffrages
que ne l'a fait M. Chervin , sur la question dont il s'agit; et,
ce qui est vraiment étonnant, c'est qu'il ait obtenu des témoi-
gnages si semblables entre eux de médecins de tant d'écoles
et de tant de nations différentes, qui ont observé sous des lati-
tudes si variées et des climats si opposés.
L'examen de ces documens , qui forme la première partie du
rapport delà Commission, fait le plus grand honneur aux mé-
decins qui» les ont fournis. Ils ont poussé le dévoûment jusqu'à
se vêtir des habits portés par des individus morts de la fièvre
jaune; ils ont couché dans des lits imprégnés de sang et de la
matière du vomissement noir, trempé leurs mains dans cet hor-
rible fluide, respiré les exhalaisons fétides qui s'échappaient de
l'estomac des cadavres disséqués; ils se sont inoculé le sang ,
la sérosité, la matière même du vomito tiegiv ; ils en ont mis
SCIENCES PHYSIQUES. 5g3
sur leur tangue; ils enonl goûté et même bu souvent t sans avoir,
('piouvc la plus légère indisposition, par suite de ces dégoû-
tantes mais courageuses expériences. L'ampur de la science et
celui tic l'humanité ne sauraient aller plus loin.
La seconde partie du rapport «Je la Commission contient l'a-
nalyse des docununs relatifs à l'Espagne. Les rcclierches de
M. Cliervin ont été faites, d'une part, depuis Cordoue jusqu'à
Caduc, et, de l'autre, depuis È$ amonte sur la Goadiana jusqu'à
Canel-de-Mar en deçà de Barcelone. Elles embrassent, par con-
séquent, les provinces de Cordoue, Scvillc, Cadix, Malaga ,
Grenade, Murcie, Valence, Aragon et Catalogne.. M. Chervin
passe en revue les diverses épidémies de fièvre jaune dont
l'Espagne a été affligée à diverses époques, et il arrive enfin à
celle de Barcelone, en 1821. Là, il interroge les faits; il s'a-
dresse aux magistrats, aux militaires, aux médecins, aux ec-
clésiastiques, aux gens, instruits de, toutes les classes; et il réunit
228 doçumens d'un intérêt plus ou moins marqué. Il met en
lumière des faits opposés à d'autres faits, publiés par la Com-
mission envoyée en Catalogne, et il combat ses adversaires
corps à corps. La Commission de l'Académie de médecine n'a-
vait pas qualité pour se rendre juge en dernier ressort de ces
importans débats ; elle applaudit au zèle infatigablede M. Cher-
vin, à sa persévérance opiniâtre dans sa noble entreprise; et
sans se prononcer définitivement sur le fond de la question, elle
déclare que la lecture d'un si grand nombre de pièces authen-
tiques a laissé dans l'opinion unanime de ses membres nue im-
pression favorable au système de M. Chervin ; que ses documens
méritent l'attention la plus sérieuse, et qu'ils peuvent influer
puissamment sur la solution négative de la question de la con-
tagion de la fièvre jaune. Cette déclaration , si honorable d'ail-
leurs pour M. Chervin, n'a pas amené la même conviction
dans l'esprit des membres de l'ancienne Commission, dite de
Barcelone; et M. Patuset, l'un d'eux , a communiqué à l'Aca-
démie de médecine des éclaircissemens en réponse aux alléga-
tions consignées dans le rapport dont nous venons de donner
un aperçu. L'Académie, dominée par un grand sentiment de
t. xxxvi. — Décembre 1827. 35
r>94 SCIENCES PHYSIQUES.
justice, a jugé convenable de faire imprimer, avec le rapport,
les réponses de M. Pariset, et de soumettre ainsi au public les
deux côtés de la question.
M. Pariset , à ce qu'il nous semble, a cru voir delà person-
nalité dans toute cette affaire : il l'a considérée comme une
attaque; et il donne à entendre qu'il faut éviter de nuire à des
hommes qui ne cherchent point à nuire. Il se propose de s'ex-
pliquer sans amertume , parle de sa résignation , et supplie
l'Académie de l'écouter sans prévention. Nous eussions désiré
que M. Pariset, dont nous admirons le talent, dont nous esti-
mons les belles qualités, eût écarté tout ce qui est étranger à la
question en général; il lui appartenait de la poser nettement ,
sans acception d'individus. Le public oublie promptement les
petites haines et les jugemens de coteries. La palme, en dernier
lieu, revient de droit à celui qui fait connaître la vérité.
Quoi qu'il en soit, M. Pariset conteste les faits recueillis par
M. Chcrvin, ou du moins il combat les conséquences que) son
adversaire en a déduites. Nous n'avons point cité les faits; nous
ne pourrions discuter convenablement les objections; et dans
cette série d'assertions d'un côté, de dénégations de l'antre,
nous aurions trop à gémir, si nous étions forcés d'avouer que
la lumière disparaît sous le triple fardeau des contradictions ,
de l'ironie et même de l'aigreur. Ce n'est pas sur M. Chervin
seul que tombent les reproches de M. Pariset, ils s'adressent
également à la Commission qui a fait le rapport. Suivant lui ,
«M. Chervin ne s'arme que de démentis pour détruire des preu-
ves: Puis , vient la commission qui sanctionne le tout, sans plus
d'examen. Cela posé , ajoute-t-il , à quoi bon discuter ? »
Selon M. Pariset, la situation de M. Chervin à Barcelone
était bien différente de la sienne. La catastrophe était achevée
depuis trois ans; les souvenirs ont pu s'effacer ; mais les inté-
rêts d'amour-propre, de dépendance, de considération, d'es-
prit de parti subsistent comme au premier jour. M. Chervin
recueille des faits, non pas au profit de la vérité, mais à celui
d'une idée préconçue; il reproduit comme non jugées des ques-
tions qui l'ont été cent fois. Ce n'est point à la lièvre jaune qu'il
SCIENCES PHYSIQUES. î>o5
en veut, c'est au travail de M. Pariset et île ses honoraires COU
frères; et, s'il les a trouvés en faute sur quelque fait de détail .
il prétend en tirer une gloire éclatante, et il se hâte d'obtenir
les signatures du capitaine général, du secrétaire général, i]u
gouverneur, de l'intendant militaire, du vicaire général , du
consul de France, du président de l'ordre de Saint-Jean-de-Jé-
rusalein. IMnisà quoi bon ce faste de signatures? Les légalisations
n'ajoutent rien à la valeur des certificats; et il n'est pas témé-
raire dépenser que les paroles des médecins de la Commission
de Barcelone, qui sont des certificats en action, ont, au moins,
autant de valeur que les pièces de M. Chervin. Ce docteur était
au Nouveau-Monde, à l'époque du désastre. Comment peut -il
contester à ses adversaires ce qu'ils ont vu de leurs yeux ?
Après avoir combattu M. Chervin , M. Parisct s'occupe du
rapport de la Commission qu'il déclare fait sans critique et sans
justice. C'est, dit-il, un acte d'accusation dtessé; c'est un pro-
cès à soutenir, et rien de moins académique. Un simple com-
mis aux écritures en eût fait autant. Du reste, l'impression de
ce rapport ne le gène nullement ; il demande seulement que sa
réponse soit publiée en même tems et dans le même nombre
d'exemplaires.
L'Académie, comme nous l'avons dit, a noblement fait droit
à la demande de M. Pariset ; elle a fait imprimer la réponse de
Cet honorable médecin à la suite du rapport de sa Commission,
lequel est signé de M. Dubois , Orfila , Rcnauldin , Double ,
Husson , Laubert, Thillaye , Vauquelin et Coutanceau.
Nous nous sommes gardés d'émettre une opinion sur ce
grand procès, dont nous avons essayé de rendre un compte
fidèle et impartial. Nous devons ajouter qu'il se poursuit et se
discute devant l'Académie , qui n'a pas cru qu'il fût au-dessous
de sa dignité d'entendre les partisans du système de M. Cher-
vin, comme ceux de M. Pariset. Nous espérons que la vérité
sortira de ce conflit d'opinions et peut-être, malheureusement ,
de passions humaines. R.
38.
5;)f) SCIENCES PHYSIQUES.
Mouvement de la. population dans le royaume des
Pays-Bas , pendant les années i8i5 a 1821 inclus ;
recueil de tableaux publiés par la Commission de
statistique, etc. (1).
Développement des trente- un tableaux publies par la
Commission de statistique , par M. E. Smits (2).
Recherches sur la population , les naissances , les
décès , les prisons , les dépôts de mendicité , etc. , dans
le royaume des Pays-Bas , par A. Quetelet (3).
Rapport sur les écoles du royaume des pays-bas (4).
Carte figurative de l'instruction populaire des
Pays-Bas (5).
Comme l'objet des différens ouvrages dont on vient de lire
les titres est de faire connaître l'état de la population et de
l'enseignement dans les Pays-Bas, nous avons cru devoir les
réunir dans un même article. Le premier de ces ouvrages est
le recueil de tous les documens fournis par les gouverneurs
des provinces sur les nombres des naissances, des décès et des
mariages. Ces nombres , comparés entre eux et à la popula-
tion de chaque province en particulier, sont exposés dans
trente et un tableaux numériques. La commission a pensé,
avec raison , que ces publications ne devaient embrasser que
des chiffres, ou desfaits authentiques, abandonnant à la science
le soin de tirer les conséquences des documens officiels qu'elle
livre à l'investigation du public et de faire des comparaisons
entre les résultats positifs qu'elle présente.
M. Smits, dans le développement qu'il donne des tableaux
précédens, a cherché à mettre les documens officiels à la portée
de la partie du public moins habituée à saisir des résultats an
(i)La Haye , I827; imprimerie de l'État. In-4°.
(a) Bruxelles , 1827; Tarlier. In-8°.
(3) Bruxelles, 1827; Tarlier. In-8*.
(4) Bruxelles, 1827; Weissenbruch. In-8°.
(5) Bruxelles, 1827; Jobard, directeur d'un établissement litho-
graphique.
SCIKNCI.S PHYSIQUES. 5<j7
milieu d'une série de nombres. Peut être est-il descendu dans
îles détails trop minutieux; et, dans l'examen des maxima et
îles unimnui qu'offraient annuellement les provinces, a-t il
perdu de vue les résultats généraux , en considérant des cas
trop particuliers , et en déduisant des conséquences de nombres
trop faibles. Nous pensons aussi qu'il aurait pu omettre, dans
un ouvrage tel que le sien, l'analyse des travaux statistiques
<!e 31. Ch. Dupin, puisqu'elle ne donne lieu à aucun rappro-
chement avec les nombres qu'il discute.
Nous nous abstiendrons de parler du troisième ouvrage qui,
pour le fond, est une nouvelle édition d'un mémoire analysé
dans notre Revue (août 1827, t. XXXV pag 4o5. ), mais aug-
menté de plusieurs nouvelles recherches et de deux tables de
mortalité. Il contient aussi des recherches sur les prisons, les
dépôts de mendicité et lesétablissemens de bienfaisance. L'au-
teur ne se dissimule pas que les nombres qu'il donne, dans
cette seconde partie, sont généralement faibles. Il s'est surtout
proposé d'attirer l'attention de ses compatriotes sur des résul-
tats dont ils se sont peut-être trop peu occupés jusqu'à présent.
Le Rapport sur l'état de l'instruction publique a fait l'objet
d'un article inséré dans un de nos cahiers (août 1827). Nous
ne pensons pas, comme le dit fort bien l'auteur de cet article,
que l'on puisse se servir de ces données pour établir des
ntpprochcmens avec les nombres trouvés pour la France par
M. Ch. Dupin. Les résultats, en effet, ne sont pas compa-
rables et n'ont pas été réunis dans les mômes vues; en Bel-
gique, d'ailleurs, le rapport officiel comprend à la fois dans
ses résultats les enfans des deux sexes. La carte figurative de
l'instruction populaire des pays, que M. Some^hausen a des-
sinée, à l'instar de celle de M. Ch. Dupin pour la France, est
donc défectueuse sous ce rapport. On doit cependant savoir
gré à l'auteur de l'avoir produite; elle ramène l'attention du
public sur un point des plus importans et signale les provinces
qui méritent l'estime ou le blâme par l'empressement plus ou
moins grand qu'on y apporte à propager l'enseignement po-
pulaire. Mais il faut, à cet effet, que les teintes plus ou moins
noires soient distribuées avec justice; et malheureusement,.
59S SCIENCES PHYSIQUES.
nous avons à regretter ici qu'une erreur de nombres ait eu
un fâcheux résultat pour la Flandre occidentale qui a totale-
ment disparu sous une couche noire dont elle est couverte.
Une méprise de cent mille Ames sur l'estimation de la popula-
tion l'a fait descendre au dernier rang des provinces dans le
classement par degré d'instruction. Nous relevons cette erreur
(jui ressort des documens officiels mêmes, et qui pourrait
donner lieu à de grandes méprises. Il est juste de dire, du
reste, qu'elle n'est point due à M. Somerhausen.
Nous allons essayer maintenant de donner un extrait de ce
que les ouvrages précédens renferment de plus important,
mais en nous appuyant toujours sur les documens officiels.
Nous espérons qu'on voudra bien nous permettre de donner
quelque extension à cet article qui tend à faire connaître les
mouvemens de la population en Belgique , mouvemens dont
on s'est peu occupé jusqu'ici. Nous croyons nécessaire de faire
précéder cet extrait d'un état comparatif entre la population
de chaque province et son étendue , évaluée d'après le tableau
officiel présenté aux états-généraux le 20 décembre 1826.
POPULATION FAR CENT HECTARES. NOMBRE
Provinces. population Etend, delà prov. par
au ierjanv.i824. en hectares. *°° hectares.
Flandre orientale .... 681,489 298,370 228,40
Flandre occidentale . . . 557,871 317,42a i^Srfb
Hollande septentrionale. 388,425 229,200 159,48
Btabant méridional . . . 489,602 307,733 i5g,io
Hollande mér-idionale . . 432, o54 277,830 i55,5o
Hainaut 538,o5o 377,390 142,57
Liège 327,161 282,593 1J5,77
Anvers 318,893 282,293 112,96
Utreeht 115,042 127,617 90,63
Zélande 127,659 i58,o36 80, 8x
Frise 199,335 260,732 76,45
Groningue 1 53, 860 2o5,o59 7^,o4
Limbcurg 317,387 455,3i6 69,70
Brabant septentrional. . . 321,917 484,896 66,39
X;imur 187,411 345,6io 54,23
Overyssel . . i58,399 329,960 48,00
Luxembourg 287,786 626,343 45,90
Dienthe 52,383 223,852 23.40
Totat 5,934,55o 6, 1 07,35 r moy. 97,17
SCIENCES PHYSIQUES. 59g
Ce tableau, BSSCl curieux, nous montre que la population
moyenne de la Belgique, au ifr janvier [8a4> était telle qu'il
fallait compter à peu pi «-s exactement un individu par hectare
ou bonnier. Or, si l'on considère que notre royaume est un
des plus peuplés du globe , on sera moins porté à partager
les craintes des personnes qui se laissent effrayer par l'ac-
croissement de la population. La Flandre orientale, qui était
considérée ci-devant comme l'un des départemens les plus
populeux de l'empire français, est aussi la province la plus
peuplée du royaume, relativement à son étendue; cependant
on n'y compte que deux individus par hectare. On voit, d'une
autre part, que la province de Drenthe est, relativement à
son étendue, neuf fois moins peuplée que la Flandre orientale.
Nous n'insisterons pas sur les valeurs de ces rapports; le ta-
bleau que nous présentons les mettra suffisamment en évi-
dence : nous avons eu, d'ailleurs , la précaution de classer les
provinces d'après leur grandeur relative.
Nous nous occuperons maintenant de l'accroissement que la
population a subi dans l'espace de dix ans, d'après les docu-
mens officiels. L'estimation de la population pour chaque an-
née a été faite, depuis 181 5 jusqu'à 1819 inclus, en ajoutant à
la population de l'année précédente l'excès des naissances
sur les décès; mais, à dater du ier janvier 1820, tout en
opérant comme précédemment, on a fait entrer en ligne de
compte les accroissemens ou les diminutions qui proviennent
deschangemens de domicile. Nous donnerons aussi les nombres
des naissances et des décès.
ANNÉES. POPULATION NAISSANCES. DECES.
au Ier janvier.
i8i5 5,424,5o2 195,360 137,599
1816 5,482,263 196,602 i36,i23
1817 5,542,742 177,555 i52,6o8
1818 5,567,689 183,706 140,416
1819 5,610,979 205,292 148,397
1820 5,665,576 194,948 145,177
1821 5,715,347 210,359 138,120
1822 5,790,062 219,541 i47,553
1823 5,861,147 213,617 140,692
1824 5,934,55o 218,666 i34,9i5
< ^™" - — mmm — ■
2,oi3,646 1,421,600
6oo SCIENCES PHYSIQUES.
Ainsi, pendant l'espace de neuf ans, la population a aug-
menté de 5 1 0,048 âmes, c'est-à-dire des y-f-g de sa valeur ou bien
de 7^-g par an; si l'on ne tenait compte que des années depuis
1820, l'accroissement serait plus considérable, comme uous
l'avons fait voir ailleurs (Recherches sur la population). On
trouve, du reste, que le nombre moyen des naissances a été an-
nuellement de 201,365 âmes, et le nombre de décès de 142,160.
Le rapport de ces nombres est à peu près de 10 à 7: ainsi,
pour 10 naissances, on comptait 7 décès. Il est à remarquer
que l'année 1817 présente le minimutn des naissances et le
maximum des décès; c'est l'année qui a suivi la disette que le
peuple a éprouvée : on trouve des résultats semblables dans
les relevés des hospices et des dépôts de mendicité, que l'on a
donnés ailleurs. Il est remarquable encore que les mariages
ont été moins nombreux vers celte époque. C'est un nouvel
exemple qire l'on peut trouver dans des tableaux statistiques,
dont les nombres sont recueillis avec soin, les traces des
grands événemens : il ne s'agit que de savoir les mettre en
évidence. L'accroissement ou la diminution de | opulation ,
selon l'état d'aisance et la quantité de choses produites, se font
remarquer partout et devraient donner de nouveaux motifs de
moins redouter une population trop disproportionnée pour
le sol qui doit la nourrir; avant d'en venir à ces extrémités,
on verrait sans doute un ralentissement dans la fécondité,
amené par la force même des choses.
UNE
ANNÉES. NAISSANCE
pour
i8i5 ,"* 27,855
1816 27,88
1817 3l,2I
1818 30,37
1819 27,33
1820 29,06
1821 27,12
1822 . a6,37
1823 27,44
1824 27, i3
Moyennes. . . 28,17 39,86 132,17 »,66
UN
UN
ENFANS
DÉCÈS
MARIAGE
PAR MARIAGE.
pour
pour
Fécondité.
39,42
1 1 r,oo
4,00
40,27
i34,38
4,42
36,32
109,09
5,24
39,58
142,00
4,68
37,8i
i32,3o
4,84
39,02
i3i,io
4,49
41, 38
127,07
4,7°.
39,24
123, o3
4,68
4i,66
129,00
4,70
43,98
132,90
4,90
SCIENCES PHYSIQUES. 6ot
(I est remarquable <(ùc les naissances iôrtl |>his nombreuses
dallS 1rs villes que dans les communes rurales; peut être, parce
que la facilité de se pi oenrrr des secours délei mine à choisir
les villes pour lieu des couches. Ou compte, d'uue part, une
naissance sur a(î,07 individus, et de l'autre, une sur 29,1/1;
er celle différence ne s'est pas démentie une seule fois pen-
dant dix années. La disproportion pour les décès est plus pro-
noncée encore; car on compte annuellement dans les villes
il un décès par 32,6i habitans, et un seulement par /( 3,83, dans
les communes rurales. Ainsi les générations se succèdent plus
îapidement dans les villes que dans les campagnes. Quant à
la différence entre les naissances masculines et féminines, le
rapport est de 1 à 0,9480 dans les villes, et de 1 à 0,9375
dans les communes rurales.
Nous examinerons maintenant les provinces en particulier,
en prenant les résultats pour la durée de dix ans; car les
résultats isolés pour chaque année, par leurs écarts de la
moyenne générale, ne pourraient nous fournir que des ob-
servations moins intéressantes.
PROVINTES.
Zélande
Hollande septentrionale
Hollande méridionale. .
Utrocbt
Flandre occidentale . .
Brabant méridional . .
Overyssel
Flandre orieutale . . .
Liège
Limbourg
H;iinaut
Luxembourg
Anvers
Brabant septentrional. .
Gueldre
Groningue
Frise
Drentbe
Namur
UNE NAISSANCE
UN DECES
pour
pour
21,87
28,53
25,73
3i,6o
25,23
33,o6
27,78
37,53
28, r3
38,84
27,45
38,99
29,43
3o>59
29,60
39,7i
3o,io
42,41
29>73
42,87
27,85
43, T7
27*09
43, 3o
3o,i3
43,35
3o,o8
44,5i
3o,io
45,53
28,10
49,23
28,59
49, 3o
3o,52
5o,4o
30,07
51,78
Moyenne 38,17 39,86
6oa SCIENCES PHYSIQUES.
Ce tableau montre encore ce singulier résultat, que les nais-
sances sont plus nombreuses là où la mortalité est plus forte,
et que les générations s'y succèdent plus rapidement. On
reconnaîtra aussi que le voisinage de la mer , l'abaissement du
terrain et la grandeur de la population ont une influence mar-
quée. Quant à la fécondité , on pourra la déduire du tableau
suivant , dans lequel les provinces sont classées d'après la
grandeur des nombres, comme elles le sont dans le précé-
dent , par rapport aux décès.
PROVINCES. ENFA.NS PAR UN MARIAGE
mariage. sur
Zélande 5,23 ii3,i6
Flandre orientale 5,n 1 5 1,20
Flandre occidentale $,09 i43,5i
Brabant septentrional 5,o3 124,66
Luxembourg 4,99 135,98
Hollande méridionale » . . . . 4,78 118,29
Gueldre 4,72 141,61
Liège 4,69 141, 14
Namur 4,68 141, 33
Hainaut 4,67 1 3 1,46
Brabant méridional 4,66 127,94
Utrecbt 4,57 124,45
Groningue 4,55 127,33
Anvers 4,54 *37,4i
Limbourg 4,53 i35,4o
Overyssel 4,49 I29,I9
Hollande septentrionale . 4,33 uo,38
Frise 4,29 122,77
Drentbe 4,25 i25524
Moyennes 4,66 132,17
Nous remarquerons que les mariages sont moins nombreux
dans les provinces catboliques, et surtout dans les plus popu-
leuses, que dans les provinces protestantes. Quant à ce qui
concerne la fécondité, il paraît qu'elle est plus grande géné-
ralement dans les provinces méridionales. Il est assez remar-
quable qu'elle semble être en raison inverse du nombre des
mariages.
Le mois de janviera présenté, dans l'espace de dix ans, cinq
fois le maximum des naissances; mars trois fois, et avril et
SCIENCES PHYSIQUES. 6o3
décembre chacun une lois. Il eût été à désirer que, dans les
tableaux officiels , 00 eût indiqué les naissances pour chaque
bois de Tannée, puisqu'on avait les élémens , et qu'on eût
rendu les termes comparables en faisant tous les mois d'une
Egale durée de trente jours. Par exemple, il est très-probable
(pie le maximum des naissances serait retombé alors sur le mois
de février, qui se trouve entre les deux mois les plus chargés.
Juin a présenté six fois le minimum des naissances; juillet trois
fois, et avril une fois. Ces résultats s'accordent fort bien avec
ceux que j'avais indiqués précédemment.
Janvier a présenté dix fois le maximum dc3 décès, décembre
deux fois, et mars également deux fois; août a présenté quatre
fois le minimum des décès, juin et juillet chacun deux fois,
octobre et novembre une fois. Il paraît, d'après cela, très-
probable que, si l'on avait eu égard à l'inégale longueur des
mois, les maximum et minimum auraient eu lieu en janvier
et vers la fin de juin, comme on l'a généralement trouvé par
toutes les recherches qui ont été faites depuis quelque tems.
Le gouvernement, par la publication des documens pré-
cieux qu'il possède , rend un véritable service aux sciences, et
il donne en même tems une nouvelle preuve de sa constante
sollicitude pour le bien-être général, en soumettant aux médi-
tations du savant et de l'homme d'état ce qui peut convenir à
ses observations utiles pour l'avenir. C'est dans cette vue que
le grand Colbcrt voulut aussi qu'on fit les premières recherches
sur le mouvement de la population de Paris.
A. QUETELET.
SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.
De la religion , considérée dans sa source , se
formes et ses développemens , par M. B. Constant
— Troisième volume (1).
Cet ouvrage, que doit compléter incessamment le quatrièm
volume, a déjà été l'objet de deux articles dans noire Receui
(voy. Rev. Enc. , t. xxiv, p. 3a i , et t. xxix, p. 63. ) L'impor
tance du sujet, le nom de l'auteur et l'étendue de ses re-
cherches répandent sur chaque partie un intérêt nouveau
Des trois livres dont se compose ce volume consacré à l'exa-
men du polythéisme , deux sont relatifs à la théogonie ho
mérique dont les souvenirs, rappelés sans cesse dans les écoles
sont encore en possession d'occuper les esprits.
En observant sous des rapports aussi neufs que curieux le
progrès de cette doctrine, ou plutôt de ces croyances popu
laires des anciens Grecs, fauteur y trouve une confirmatioi
de son hypothèse sur les formes successives des religions. I
distingue deux époques pour les poèmes attribués à Homère
L 'Iliade et X Odyssée n'appartenant plus à la même génération
nous aurons, par une sorte de nécessité mythologique, deu:
Homère, comme on admet deux Thot, deux Zerdust, plu-
sieurs Buddha et plusieurs Vyasa. Ces détails relatifs au:
Grecs, à ces peuples anciennement illustres qui se monlren
jeunes encore, trouveront un grand nombre de lecteurs. Le:
hommes instruits, et surtout ceux que des gens occupés d«
soins plus lucratifs appellent des chercheurs de vérités, b<
parcourront pas avec moins d'empressement les chapitres rela
tifs aux traditions hindoues.
(i) Paris, 1827; Béchet aîné, quai des Augustius, na 47. In-S° d<
475 pages ; prix , 7 fr. 5o c.
SCIENCES MORALES. ffoâ
Ces doctes commentaires du polythéisme homérique pu
paissent propres à confirmer l'idée que l'auteur se Parme du
vrai sentiment religieux. Il le voit partout comprimé durant de
longs siècles, et il le suppose très-imparfait aujourd'hui même,
neepte dans une partie des deUX anglefl que (orme l'Atlan-
tique, soit avec la Méditerranée, soit a\ee les grands lies.
"l'Est il certain pourtant que le polythéisme on l'idolâtrie ait été
le culte des nations? Aprè^ avoir examine l'inepte; fétichisme,
le sabeisme dégénéré, le panthéisme peu populaire, des allé-
TJgories moins raisonnables qu'ingénieuses, enfin la mythologie
si vainc et si rebattue, n'y a-t-il pins rien d'important à con-
naîtie, particulièrement dans l'Orient si fécond en symboles
religieux?
('/est dans les idées fondamentales des livres sacrés d'nn
peuple qu'on apprend ce que sa religion était, et ce qu'elle
doit être encore chez les esprits les moins subjugués par les
'"Coutumes populaires. Lorsque la multitude est asservie, sou-
vent elle ignore en quelque sorte sa religion. Livrée aux en-
scignemens intéressés de bonzes ignorans eux-mêmes ou pré-
varicateurs , le vulgaire s'accommode des moyens d'adoration
ïlrs plus ridicules, et , négligeant de siècle en siècle le principe
'de toute sublimité, il parvient à se prosterner avec amour
devant des déités immondes. Mais, lorsqu'un voyageur aper-
1 çoit, dans quelque village des Alpes ou du Caucase, de pauvres
ferétins étendus parmi les porcs au milieu des immondices, en
ï conclut-il que la nation tout entière se plaît dans la boue, et
^que dès l'origine elle ne s'était pas choisi d'autres demeures?
Dans des questions si compliquées, pour mieux démêler ce
qui est, formons-nous d'abord une idée de ce qui doit être.
Sans produire en nous une prévention systématique, cette
donnée nous guidera au milieu de tant de récits confus ou
d'interprétations inconciliables. Il est à craindre que les Eu-
ropéens n'aient appris quelquefois avec moins de succès que
"de patience, de vieux idiomes devenus presque inintelligibles,
usons le rapport métaphysique, peur la caste même qui croit
en garder le dépôt. Ce n'est pas en observant les derniers ca-
- p
6o6 SCIENCES MORALES.
priées d'une dévotion insatiable qu'on apprécie l'œuvre dea
législateurs (fui, dans la haute antiquité, se sont dits inspirés
du ciel. Ils n'eussent pas osé conseiller ce que bientôt on a
fait avec enthousiasme en les invoquant. Le vulgaire ne hail
pas la démence, mais il veut y être conduit par degrés. Inter-
rogeons dans cet esprit l'antiquité, qui en général n'a su se
délivrer ni de l'esclavage, ni de la superstition, mais que les
modernes ont encore trouvé le moyen de calomnier.
Il ne serait plus permis aujourd'hui de s'arrêter aux pre-
mières apparences. Les livres zend, les vedah, les king,sont
à peu près connus, et il n'est pas toujours très-difficile d'en
saisir l'esprit. M. B. Constant les cite dans l'occasion ; mais
quelque habile qu'il soit à tirer des faits de justes conséquences^
nous différerons de lui dans le résultat général. Nous verrons,
dans le polythéisme une dégénération, un abus, dont on no
savait ou même dont on ne voulait pas préserver le vulgaire,)
et non une forme qui, dans aucun âge du monde, ait été adoptée
expressément par une grande partie du genre humain. -[
Lorsque le théisme reste à peu près inconnu de la foule ,[
lorsqu'il ne règne guère que chez les adeptes, parce que, dans
une contrée où les peuples ne lisent pas, on n'ose lutter contre!
l'effet de l'ignorance , lorsque cet aveu se trouve dans les livresf
sacrés, M. B. Constant fait du polythéisme la religion de cesj
peuples : il considère surtout le nombre des hommes, et cette
manière de voir est plausible. Pour nous, au contraire, né-
gligeant dans l'histoire raisonnée des cultes la multitude qui a
des terreurs et des manies , mais non une doctrine, nous
regardons comme la religion d'un pays celle de la classe où
Ton se rend compte de sa foi. La croyance des Chinois, par
exemple, est à nos yeux celle du corps perpétuel des lettrés,
et non celle de la foule courant au hasard sur les pas des
ho-changs, et préférant toujours les plus insensés d'entre eux,
ou les plus cupides. Ainsi le polythéisme nous paraît avoir
prévalu dans peu de contrées comme religion générale, bieni
qu'il se soit extrêmement étendu comme superstition populaire.
Ce n'est pas le teins, mais l'usage plus répandu de l'écriture;
SCIENCES MORALES.
ii substitue visiblement le théisme au polythéisme, ou l'an
frpomorphisme ru fétichisme, Insensiblement la doctrine
et»' devient la doctrine vulgaire. Sons un peu d'instruction dans
utes les classes, le polythéisme se perpétuerait constamment,
jadis, au contraire, malgré l'ignorance de la multitude', le
léisme se conserva toujours avec plus ou moins de pureté.
Le réformateur hindou Râm-Mohén-Roey accuse de poly-
léisme ses contemporains; il ajoute que les idoles ne sont pas
leurs yeux de simples emblèmes, et qu'ils croient à l'exis-
nce positive des dieux ou des déesses. Mais que faut-il en
melure contre le théisme antique et même constant d'une
irtie des Hindous? Râm-Mohén-Roey n'observe- t-il pas 1 ni -
éme que plusieurs brahmes voient encore avec indignation
*s conceptions erronées, étrangères à la vraie doctrine des
eux livrés sacrés. Il s'efforce de ramener la multitude à l'idée
îmitive de la divinité invisible. Mohammed ne faisait pas
itre chose, lorsque, renversant les statues dont on avait en-
uré la sainte Kabah , il disait à ses fidèles : « La parole de
ieu est antique, c'est l'idolâtrie qui est nouvelle; l'islam a
é la croyance d'Abrahm et des prophètes. » C'est en rappe-
nt aux Hindous le vieux texte de leurs livres sacrés, que
âm-Mohén-Roey convertit au monothéisme des familles Inn-
oues de Calcutta, comme on peut le voir dans le 14e volume
'Asiatic -Rcsearchcs^
Dans le Bhagavat-Ghita, le grand -dieu est seul et distinct de
fûtes choses périssables. Dans POupanishadah , l'âme émanée
u Dieu éternel, qui est le commencement, le milieu et la fin
es choses, se rapproche de son principe par la retenue,
humilité, la tempérance, et en prononçant silencieusement le
îot ineffable ôm, c'est-à-dire , en s'unissant par la pensée au
ivin formatcur-ennservatcur-mutateur. Selon l'Yadjour-Vedah,
être existant par lui-même a réglé la destination de chaque
réature, et tout ce qui existe est enveloppé, pour ainsi dire,
ar cet esprit suprême. Après la mort, l'âme qui aura désiré
onnaître cette âme éternelle lui sera unie pour jamais. Voilà
i inorale rattachée à la religion, dès les premiers tems semi-
6o8 SCIENCES MORALES.
historiques. Sans affirmer, avec un savant de l'Allemagne, que
la religion primitive des Hindous ait été éminemment intellec-
tuelle et abstraite, nous y reconnaissons du moins le senti-
ment religieux. Nous le retrouvons chez les Perses, ainsi que
les conséquences morales que la plupart des législateurs en
faisaient dériver. Selon Zeradocht, rétablissant l'Hoùchcnk ou
l'ancienne loi , Ahriman et Ormuzd sont soumis à Dieu appelé
le Tems sans bornes, et Ormuzd triomphera: il protège les
cœurs bienfaisans. Le Ciel, dit le Chu-king, un des trois livres
les plus vénérés dans le grand-empire, le ciel, le pouvoir cé-
leste , punit ou récompense, et il est souverainement intelli-
gent: l'homme juste s'efforcera de l'imiter. On ne saurait déter-
miner le moment où prévalut chez les Chinois le sentiment
religieux , où le théisme commença au fond de l'Orient. Pour
reconnaître qu'il est très-ancien, il suffit de parcourir ce qu'on
possède du Chu-king, et des vagues commentaires de l'Y-
king, ou bien l'histoire la plus authentique qu'il y ait sur la
terre profane, le Tong-kien-kang-mou traduit par les mission-
naires européens.
Si les Hindous sont allégués avec plus de confiance en faveur
de l'hypothèse de la succession des formes, leur histoire reli-
gieuse n'est-eile pas encore un chaos, selon l'expression même
de M. B. Constant? D'ailleurs, les hypothèses métaphysiques les
plus profondes ou les plus hardies remontent chez eux à une
époque très-reculée. Fétichisme, antropomorphisme, culte des
astres et astronomie révélée, théisme tenant de la théosophie,
tout y paraît contemporain. Retrouver aujourd'hui les premières
traces de chaque nuance, serait au-dessus des forces mêmes delà
savante société de Calcutta. Chez des peuples long-tems divises
en castes , et très -irrégulièrement éclairés, des opinions ou des
erreurs contradictoires peuvent régner eu même tems. Le po-
Iv théisme subsiste encore vers le Gange, malgré le nombre
i\e.^ siècles écoulés depuis qu'un illustre novateur y accrédita
fortement, avant de mourir, cette pensée de plusieurs vieux
sages de l'Hindoustan, que le monde est illusoire. C'est peut-
être la seule supposition qui, suivant les simples lumières de
SCIENCES MORALES. ùo$
la raison, permette d'échapper facilement au matérialisme <>w
au panthéisme, entre lesquels nous croyons voir plus du dif-
férence que l'auteur n'en indique.
Nous admettrons volontiers connue assez récente la belle
inscription de Sais, d'une ville qui n'a été construite vrai-
semblablement qu'à l'époque où l'on bâtit IVIemphis. Riais que
prouveraient contre l'ancienneté de la doctrine la date de l'ins-
cription, et surtout le silence du bon Hérodote? Sans doute; ce
n'est qu'en perdant une partie de sou pouvoir que la théocratie
abandonna le secret qui avait fait sa grandeur; il n'était pas
dans ses principes de divulguer volontairement, d'exposer à
tous les yeux le mot si long- tems ineffable de ses profonds
mystères. « Rien n'est plus compatible, a dit l'auteur même,
que l'affectation exclusive d'une science mystérieuse, concen-
trée dans une corporation, et le dernier degré de l'abrutisse-
.ment dans tout ce qui est repoussé de cette enceinte. » Quand
on construisit des villes dans la Basse-Egvpte, et qu'on y
transféra même le siège de l'empire, l'autorité civile ou mili-
taire avait remplacé l'autorité sacerdotale, comme cela est
arrivé depuis au Japon, et elle l'avait remplacée précisément
parce que le nombre des adeptes s'était accru. Les anciens
mystagogues ont régné par l'étonnement, et en cherchant à
rendre inviolables les détours du sanctuaire. Aussitôt que la
loi divine cesse d'être cachée humainement parlant, le pouvoir
temporel du sacerdoce paraît déraisonnable; pour en retenir
quelques restes , les anciens maîtres des rois n'ont plus d'autre
ressource que l'intrigue, c'est-à-dire qu'il leur échappe sans
retour. Ainsi Thèbes, la capitale des prêtres, fut remplacée par
Memphis, la capitale des monarques : ils voulurent que le sort
des peuples changeât. Les doctrines élevées du théisme n'ont
jamais été inconnues dans les pays civilisés; elles restent voi-
lées durant les siècles de servitude, mais ensuite elles se pro-
pagent dans toutes les classes. Aujourd'hui les tribus indépen-
dantes des Syk'hs célèbrent publiquement dans leurs hymnes
l'unité du pouvoir suprême.
Nous nous arrêtons à ces remarques, non pas précisément
T. XXXVI. — Décembre 1827. 3o
6io SCIENCES MORA&E&
pour les opposer à l'auteur, niais pour rappeler les difficultés
qu'il lui appartient de résoudre. Son système , si l'on peut
qualifier ainsi l'idée dominante dont cet ouvrage contient les
riches développemens , cette manière de voir paraît justifiée à
l'égard de plusieurs régions. Toujours ingénieuse, elle répandra
en général beaucoup de lumière sur diverses parties del'histoire;
mais comment étudier aujourd'hui la haute antiquité? Malgré
une soi te de constance (pie l'on attribue avec raison aux peuples
de l'Orient, cette partie du monde a subi des changeincns
nombreux, et l'on ne saurait la connaître comme on connaît la
Grèce qui commença pendant la décadence de l'Egypte. Les
vallées occidentales du Nil , et tout le midi de l'Asie jusqu'aux
bouches du Hoang , voilà l'ancien monde; mais il est en partie
fermé à nos recherches. Même depuis les tems historiques, nos
notions sur la vieille Asie resteront conjecturales à beaucoup
d'égards; elles seront cependant très-utiles quand elles seront
examinées avec la sagacité ou la rectitude dont M. B. Constant
donne l'exemple. Toutes les fois que l'esprit s'exercera sur des-
objets sérieux, et dans l'intérêt de la vérité, n'arrivât -il
qu'au doute, il s'éloignera de l'erreur.
De tant de faits qui souvent nous, sont transmis avec peu de fidé-
lité résulteront pour le génie quelques aperçus presque indubi-
tables. On a dû redouter la précipitation du faux savoir; mais
la morale même aura pour soutien la vraie science , la science
attentive et circonspecte, dont l'érudition n'est que l'instru-
ment. En vain on désirerait écarter le doute; il revient sans
cesse, quand on aspire à l'exactitude. C'est avec raison , ce
semble, que l'auteur remarque dans les Vedah en particulier
un mélange de théisme et de panthéisme, rapprochement dont
l'apparence du moins doit être fréquente. Un étranger ne
regarderait-il pas comme une forte trace de panthéisme ce prin-
cipe deMallebranchc, que nous voyons tout en Dieu? Le senti-
ment religieux peut toujours être dans sa force là où se trouve
le dogme de l'unité divine. Dès que la Divinité gouverne, les
conséquences morales sont à peu près les mêmes, soit que nous
la déclarions indépendante des choses périssables, soit que
SCIENCES MOKAXES. Si .
nous réunissions en elle Unit CC qui riait, tout cm; qui m'i.i,
tout ce qui peut exister ou apparaître.
si le sentiment religieuse est naturel, il a dû se manifester
toujours, niais diversement, et selon retendue de nos idées.
Ces différences dans les facultés de l'esprit ne sont pas moins
mandes d'homme à homme, que de peuple à peuple. Les
croyances les plus nobles, et en même tems les plus morales,
pourraient donc être aussi anciennes que le genre humain
dans les contrées où commença la civilisation. Sous la forme
homérique, l'homme abandonné à lui-même, dit l'auteur, tirait
de sa propre pensée; les motifs des actions qui regardaient les
autres hommes. Tels devaient être en Grèce les esclaves, et
même beaucoup de citoyens; mais, outre que dans cette
grande question , s'occuper avec prédilection d'une presqu'île
étroite, et qui d'ailleurs n'a pas eu de religion proprement
dite, ce serait laisser la règle pour l'exception, les adeptes
du moins ont admis, dès les tems orphiques, la protection
divine méritée par la justice envers les hommes. Quant à
l'Orient , il y a lieu de croire que vers le Nil , comme vers le
Gange, on a connu ces livres religieux plus anciens qu'Abrahm,
qui sont cités dans le Sepher. L'écriture étant peu usitée chez
les anciens, il était très-difficile d'empêcher que la religion
populaire ne fût puérile ou inepte, tandis que d'autres tradi-
tions restaient déposées dans le sanctuaire. Avant Lucrèce
plusieurs poètes avaient blâmé le polythéisme qui n'en parut
pas ébranlé. Dix siècles avant qu'il cessât chez les Hellènes, les
époptes s'habituaient à le mépriser. Des idoles, dont le culte
ne peut que nuire à la morale, ont encore à la Chine de nom-
breux adorateurs, et néanmoins cent générations successives
ont lu, dans le Chu-king, appelé la Voix de V Antiquité : «Le
ciel punit l'injustice;... le bien qu'il envoie aux hommes dé-
pend de leurs vertus. »
En rappelant les opinions hardies et même irréligieuses
attribuées à des castes , ou plus vraisemblablement à des sectes
sacerdotales de l'ancienne Asie, l'auteur observe que le senti-
ment religieux, si puissant sur les esprits restés libres, pou-
3*
Gi2 SCIENCES MORALES.
vait ôlie étouffe chez les corporations sacerdotales, par le
projet impie de faire de la religion un instrument. Cette
observation est pleine de justesse : toute vue mondaine dégrade
lame qui aurait pu ne s'attacher qu'à l'étude des choses divines.
Biais ajoutons que le premier effet de l'indépendance de l'es-
prit doit être de jeter dans le doute sur toute chose invisible,
au risque d incliner vers le matérialisme. On sort ensuite de
cet aveuglement; on sent qu'il est possible d'expliquer le monde
sans la matière, mais non sans l'intelligence. Si alors on n'ad-
met pas une croyance révélée, on peut rester incertain entre
le théisme et une sorte de panthéisme. C'est ainsi qu'avec
moins de légèreté, selon l'observation d'un célèbre Anglais,
on redevient religieux : le sentiment des choses célestes n'était
pas éteint, mais combattu. Les castes sacerdotales, comme les
particuliers, ont pu suivre cette marche. Sans pérjugés, mais
sans profondeur, on sera incrédule. Avec une pénétration plus
vaste et des considérations d'un ordre plus élevé, on découvre
au-delà de toute chose la secrète action de la puissance divine.
Elle se sera manifestée dans tous les siècles à la force de la
raison, à la jeunesse de l'âme; mais dans tous les siècles une
raison débile ou inculte aura été superstitieuse, et les cœurs
affaiblis auront été dévots.
Ainsi nous n'admettons pas, avec M. B. Constant, une oppo-
sition naturelle entre la logique et le sentiment religieux. L'abus
du raisonnement a frappé des hommes d'un grand mérite;
mais n'y a-t-il pas eu quelque précipitation dans les consé-
quences qu'ils en ont tirées? Il vaut mieux s'efforcer de rendre
le raisonnement exact, que de lui substituer un mobile qui
pourrait être plus aveugle, et qu'on n'aurait aucun moyen de
rectifier. Ce n'est qu'à l'auteur des Etudes de la nature qu'on
pardonnait de récuser le raisonnement, parce que chez lui
le raisonnement se trouvait très-faible. Il voulait que le cœur
fût notre guide, comme s'il ne fallait pas au cœur le plus pur un
tems considérable pour persuader des cœurs passionnés ou des
cœurs flétris. Un nouveau trait de lumière, un raisonnement
plus juste prouve aussitôt à l'homme impartial que des rai-
SCIENCES MORALES. fui
BOnnemehs trompeurs l'avaient égaré; nuis quand le sentiment
est seul opposé tu sentiment, le désordre est sans terme. La
règle se trouvant dans ce qu'on éprouve, le cœur altéré de
vengeance aura raison comme le cœur compatissant, et le cœur
aride comme le cœur religieux : selon le mot vulgaire, chacun
suivra son goût. Xe sentiment est l'instinct qui doit nous guider
hors de la civilisation; mais quand la raison plus instruite
obtient enfin les données sans lesquelles elle ne pouvait
s'exercer, elle juge les sentimens, afin de les autoriser, ou de
les réprimer. Elle parvient à relever le front de l'ignorant qui
se prosternait avec le zèle du cœur devant des idoles, et elle
abaissera devant le Dieu de justice le regard superbe du
prince illettré qui prétendait sentir que les hommes étaient nés
pour l'accomplissement de ses fantaisies.
Même avant l'art d'écrire , les effets de la parole, faculté si
puissante, éclairèrent quelques personnages dont les disciples
devinrent les législateurs des tribus. Peut-être n'est -il, par
cette raison, aucune opinion religieuse ou morale dont on ne
doive rencontrer quelque trace antique. Dans une contrée
orientale où l'esclavage n'est pas encore aboli, depuis trente
siècles on blâme l'esclavage. L'art d'imprimer a propagé, mais
n'a pas fait naître le principe d'une juste fraternité entre les
enfans d'une même patrie, ou celui d'une égalité primordiale
entre les hommes. Une religieuse horreur de l'esclavage, et le
sentiment d'une équité conforme à la loi première, caractéri-
saient, dit-on , les Shammanées, dont les Esséniens de Jérusa-
lem furent , en quelque sorte, les continuateurs. Les pays ont
différé plus que les âges : l'intelligence des hommes, ainsi que
leur physionomie, est variée sans cesse, et non pas nouvelle.
Seulement une proportion différente commence à s'établir, au
moyen des livres, entre la classe instruite et la classe igno-
rante. De tous les mouvemens humains ce sera le plus rapide;
mais en condamnant des abus intolérables, on n'affaiblira pas
la vraie religion. C'est sur une base indestructible qu'on avait
élevé opiniâtrement de fragiles édifices : ce qui est pur subsis-
tera, ce qui vient de l'homme périra. Heureux l'écrivain qui
M
'> » SCIENCES MORALES.
aimant surtout dans la célébrité les avantages qu'elle offre
pour soutenir de nobles causes , veut contribuer à ce perfec-
tionnement dont un jour la religion, les moeurs, ou même hi
politique retireront les fruits les plus durables! S.
De l'éducation des sourds-muets de naissance, par
M. Degérando , membre de l'Institut, administra-
teur de llnstitut royal des sourds-muets , etc. (i).
Rapport fait a l'Académie des Sciences , par M. Frédéric
Cuvier (2).
Messieurs,
Je vais avoir l'honneur de vous rendre compte, ainsi que
vous m'en avez chargé , de l'ouvrage en deux volumes que
M. Degérando nous a adressé.
Au premier abord , et en ne considérant l'Académie des
sciences que dans les limites de son institution , on pourrait
ne pas apercevoir de rapports entre un traité d'éducation de
sourds - muets et les sections de sciences physiques et mathé-
matiques dont elle se compose, et se demander par quel
motif et sous quel point de vue je suis appelé à lui rendre
compte d'un ouvrage qui n'a pas , en apparence du moins ,
d'analogie directe avec ses travaux.
J'ai donc pensé que ma tâche ne devait pas moins consister
à exposer sommairement quelques-uns de ces motifs, que les
principes sur lesquels repose l'enseignement des sourds-muets,
et que les procédés qui conduisent à rendre ces malheureux à
la société.
(i) Paris , T827 ; Méquignon l'aîné , rue de l'École de Médecine ,
no g. 2 vol. in-8° de xv-Sgi et 688 pages ; prix , 16 fr.
(a) Nous n'avons pas cru pouvoir présenter à nos lecteurs une
meilleure analyse de cet ouvrage que le Rapport dont il a été l'objet
dans l'Académie des sciences , et que son auteur a bien voulu nous
communiquer.
SCIENCES MORALES. Ci5
Je pourrais d'abord m'appuycr sur des antceédens dont per-
sonne sans dont»' ici ne voudrait méconnaître l'autori'é. C'est
au jugement de l'Académie des seienees que furent soumis les
premiers essais faits publiquement on lia née sur l'éducation
des sourds-muets, ceux de Pereira (i) et d'Fanaud {•>.) ; et les
commissaires qu'elle nomma pour les examiner furent de Mai-
ran, de Iiuffon et de Ferrain. Cependant, ce qui pouvait paraître
simple à une époque où la philosophie n'était point séparée de
la physique) pourrait ne pas le paraître également aujourd'hui
que ces deux branches des connaissances humaines ont pris des
directions si opposées, sans avantage probablement ni pour
l'une, ni surtout pour l'autre.
Eli effet, si l'homme et les animaux font l'objet du zoologiste,
de l'anatomiste, du médecin , ce n'est sans doute pas nécessai-
rement hors de cet état d'intégrité , de cet état normal, où
tous les organes peuvent jouer en liberté, toutes les fonctions
s'exercer pleinement, où, en un mot , les êtres animés peuvent
accomplir, sans réserve, l'influence qui leur est marquée par leur
situation sur la terre :car le médecin lui-même, et à plus forte
raison le zoologiste et l'anatomiste, n'aurait que des notions bien
imparfaites des altérations de la vie animale, s'il ne la connais-
sait pas, du moins hypothétiquement , dégagée de tout ce qui
peut mettre obstacle à son libre exercice : or a-t-on une con-
naissance de la vie de l'homme et des animaux, si l'on n'a pas
aussi bien étudié les causes des actions que les actions elles-
mêmes, les lois des fonctions que les formes des organes , les
phénomènes de toute nature qui se manifestent dans les modi-
fications cérébrales que les phénomènes qui résultent des mo-
difications de l'estomac ou des intestins ? Non sans doute ,
l'animal n'est pas seulement un composé de parties matérielles
soumises aux lois du monde physique; d'autres lois, plus
puissantes, dominent en lui, et c'est de l'intime union des
unes et des autres et de leur harmonie mutuelle qu'il se com-
(i) xi juin '74»J> '3 janvier r ?5 1
'x i7«8.
616 SCIENCES MORALES.
pose à titre d'être animé. Hors de là il n'appartient plus
qu'imparfaitement à son espèce, et par conséquent à l'histoire
naturelle; et si son étude alors peut être encore utile à la
science , c'est comme les exceptions sont utiles aux règles ; elles
les confirment et ne les établissent pas.
Long-tems la zoologie n'a considéré les animaux ques par
rapport à la structure de leurs organes , et c'était peut-être
une nécessité : il était dans l'ordre naturel d'étudier la machine
avant d'en chercher les ressorts , de s'attacher à ce qui était
perceptible aux sens avant de songer à ce qui n'est accessible
qu'à l'intelligence. Aujourd'hui que cette science veut s'élever
à de plus hautes considérations, elle a besoin , pour ne point
s'égarer, d'embrasser son sujet dans toute son étendue; et c'est
l\inlropologie qui fait le plus vivement sentir cette nécessité.
On ne peut guère attribuer qu'à la direction particulière de
la zoologie l'état cù se trouve encore chez nous la science de
l'homme. Je ne parlerai pas des tristes résultats auxquels con-
duisent dans plusieurs ouvrages les principes de cette science;
mais c'est sûrement en ne voyant l'homme que dans l'ensemble
de ses organes et de leurs fonctions, que de Mairan disait à
l'Académie des sciences de Pereira , que « par une heureuse
métamorphose il tirait les sourds muets de l'état de simples
animaux pour en faire des hommes;» que Condillac refusait
aux sourds-muets une intelligence qu'il accordait à la brute;
que Sicard les désignait sous le nom d'automates vivans ; et
qu'aujourd'hui encore, ainsi que M. Degérando nous l'apprend ,
des hommes qui s'occupent de l'éducation des sourds-muets
les considèrent comme dépourvus de tout bon sentiment , et
comme inférieurs même aux animaux qui nous servent et
nous obéissent.
Les motifs généraux que nous venons d'exposer ne sont pas
les seuls qui rendent nécessaire l'étude complète des êtres
animés; un motif particulier très-puissant vient encore ajouter
à leur autorité. En effet, les actions, chez les animaux , nous
sont offertes plus simplement , plus libres d'associations qui
pourraient déguiser leur caractère et faire méconnaître leur
SCIENCES MORALES. 617
essence qu'elles ne le sont ehei l'homme; elles présentent donc
Une sorte d'analyse naturelle des nôtres, d'autant pins pré-
cieuse, qu'il n'est aucune branche de nos connaissances dont
il soit plus difficile de démêler les causes.
El qu'on n'objecte pas que ce qui n'est point soumis à l'obser-
vation ne peut être du domaine de l'histoire naturelle. S'il fut
un teniS OÙ une philosophie dogmatique n'admettait que les
conséquences des principes qu'elle imposait , ce tems n'est
plus : l'observation , dans le point qui nous occupe, a repris
son autorité naturelle; les lois de la pensée lui sont aussi en-
tièrement soumises que celles de nos fonctions les plus méca-
niques; et si ce champ d'observations est en nous au lieu d'être
hors de nous , s'il est dans notre conscience au lieu d'être dans
notre sensibilité , c'est une raison de plus d'y avoir confiance,
et de regarder comme certaines les connaissances qui en ré-
sultent.
Les observations qui peuvent nous être offertes par le sourd-
muet ne sont, au reste, point dans ce cas; elles frappent en
grande partie nos sens , et elles ont l'avantage de nous pré-
senter une de ces simplifications de phénomène que nous trou-
vons dans l'observation des animaux , et qu'on aurait dû si
vivement désirer si la nature elle-même ne nous l'avait offert.
Qui ne sait à quelles erreurs ont été conduits ceux qui , ayant
senti tout ce qu'on obtiendrait de lumière en appréciant celles
que nous devons spécialement à chacun de nos sens, ont voulu
suppléer la nature par des conjectures et des hypothèses ? Au
surplus, si l'on, conçoit la possibilité de séparer absolument,
dans l'étude des animaux , les phénomènes physiques des phé-
nomènes psychiques, je ne vois pas comment dans le langage on
ferait la part des uns et des autres; car, par exemple, soit qu'on
isole les articulations de la voix de la pensée, ou la pensée des
articulations de la voix , le langage n'existe plus, et qui oserait
affirmer que la nature des signes est indifférente aux pensées,
et réciproquement, et surtout que le langage des animaux n'est
pas du domaine de l'histoire naturelle?
Ce n*est donc point sans des raisons puisées dans les prin-
Gi8 SGIEN.GB8 MORALES,
cipes mêmes de la zoologie que je suis appelé à rendre compte
du nouvel ouvrage de M. Degérando; mais quand même il
serait entièrement étranger à nos travaux, vous en écouteriez
encore l'analyse avec intérêt.
C'est la première fois qu'on fonde sur une psychologie lumi-
neuse, qu'on débarrasse de toute obscurité l'art d'instruire les
sourds-muets. C'est la première fois qu'on établit les principes
d'après lesquels on peut apprécier les procédés si divers qui
ont été suivis dans cet art, et choisir dans chacun d'eux ce
qui doit contribuer à sa perfection. Dès aujourd'hui le juriste
ne flottera plus incertain entre la punition ou l'absolution du
sourd muet auteur d'une action criminelle, parce qu'il igno-
rera s'il entre du discernement dans les déterminations d'un in-
dividu privé de la faculté d'entendre et de parler. Enfin avec
des idées plus justes sur l'instruction des sourds-muets , des
méthodes plus simples et plus faciles, une marche plus di-
recte et plus assurée, on doit penser que le bienfait de cette
instruction s'étendra dans la proportion des besoins, et que
la société verra rentier dans son sein , pour la servir, une foule
d'infortunés (i) qui lui étaient à charge, et dont elle ne sup-
portait qu'avec peine le malheur et l'inutilité.
Ce traité de l'éducation des sourds-muets de naissance est
divisé en trois parties. Dans la première, les recherches de
l'auteur ont pour objet les principes sur lesquels doit reposer
l'art d'instruire ces infortunés ; l'histoire de cet art fait l'objet
de la seconde; et la troisième consiste dans des considérations
sur le mérite respectif des divers systèmes proposés , et sur les
perfectionnemens dont ils sont susceptibles.
Une des premières choses dont on est frappé à sa lecture
est la force des préjugés sous le poids desquels vécurent les
malheureux sourds-muets jusqu'au milieu du xvie siècle : car
ce ne fut qu'alors que l'idée vint de cultiver leur intelligence ,
et de fonder sur quelques principes l'art nouveau qui devait
(i)On prut estimer à l5,ooo le nombre des sourds-imieis de la
France.
m IENOES MOR M.r.s 6i,g
lis instruire. Ces préjugés, consacrés en quelque sorte par le
tern^, par les lois, cl même par la icligiou, cédèrent au\ lu
mières qui jaillirent vers < clic époque , cl ce fut un de 1cm, ,
premiers bienfaits.
Cependant es Rrancc ces préventions subsistèrent long teins
encore. Outre qu'on né s'y occupa que beaucoup plus tard
qu'ailleurs des sourds-muets, l'abbé de l'Epée nous apprend
que des théologiens de son tems, fort respectables d'ailleuis,
condamnaient ouvertement son entreprise. 1/liabitudc de voir
la communication des pensées ne s'établir qu'il l'aide d'un lan-
gage articulé contribua sûrement à maintenir un préjugé aussi
funeste; il faut cependant reconnaître qu'il avait pu s'établir
sur des faits propres à le justifier, car il n'est pas rare de
voir l'idiotisme accompagner la surdité de naissance, et par con-
séquent le mutisme ; mais il est beaucoup plus commun de
rencontrer des sourds-muets pleins d'intelligence, qui se sont
créé un langage par lequel ils communiquent avec les autres
hommes, les entendent et se font entendre d'eux. Or l'étude
de ce phénomène conduisait directement aux principes sur
lesquels repose l'art d'instruire les sourds-muets. Ce sont ces
principes, comme nous venons de le dire, que M. Degérando
établit dans les treize chapitres qui composent sa première
partie.
Dans l'impossibilité où je suis, faute d'un tems que je ne
puis raisonnablement vous demander, de suivre pas à pas
M. Degérando dans les trois parties de son ouvrage, je me
bornerai à extraire d'abord la substance de la première et de
la troisième en réunissant les principes de l'art à leur appli-
cation; de la sorte j'indiquerai à la fois les différens procédés
qui ont été mis en usage, et l'influence que chacun d'eux est
propre à exercer. Je terminerai par quelques considérations sur
la partie historique.
Ce qui importe avant tout dans l'instruction du sourd-
muet, c'est d'adopter des signes qu'il puisse percevoir, de lui
en enseigner qu'il puisse transmettre, et enfin d'attacher à ces
signes, dans son esprit, les idées que nous y attachons nous
6io SCIENCES MORALES,.
mêmes; car il doit entendre ceux qui lui parlent, être entendu
de ceux à qui il parle, et parler pour exprimer des pensées.
Ce sont ces trois points qui vont successivement nous arrêter.
Les signes de nos langues articulées étant faits pour le sens
de rouie, ne peuvent être perçus à ce titre par le sourd-muet.
C'est donc à d'autres signes que nous devons avoir recours pour
lui parler, et à un autre de ses sens que nous devons nous
adresser; et c'est sans contredit la vue qui, pour cela, nous
offre le plus de ressources par son étendue et par les modifica-
tions variées dont elle est susceptible. En effet, on a fait usage
de plusieurs signes visuels : les plus riches et les plus expres-
sifs, ceux de la mimique ou de la pantomime, ont reçu de
grands développemens; mais, malgré l'avantage qu'ils ont d'être
le langage naturel des sourds-muets, et d'offrir jusqu'à un cer-
tain point une représentation des idées, ils n'ont pu suffire parce
qu'un des premiers besoins du sourd-muet est de comprendre
la langue de son pays qui n'est point représentée par la mimique,
et que tous ceux avec qui il peut être en relation ne sont point
exercés au langage des gestes. Cependant on a essayé de le
soumettre à un système de simplification , d'en faire une sorte
de tachygraphie qui , pour en rendre l'usage plus prompt , ne
j'a rendue ni plus praticable ni. plus claire.
Le dessin est aussi très-propre à devenir une sorte de langue
pour le sourd-muet; mais plus embarrassant encore que la mi-
mique, il n'a pu être employé que dans des cas particuliers,
quoiqu'il ait comme elle l'avantage de rendre les idées sen-
sibles.
Pour représenter aux yeux nos langues articulées, l'écriture
venait naturellement s'offrir; elle en est une représentation à
peu près rigoureuse; aussi a-t-elle été associée à tous les
systèmes d'enseignement des sourds-muets , et pour tous elle
est devenue fondamentale. Afin d'en faciliter l'usage, elle a
éprouvé une modification ingénieuse : on s'est exercé à re-
présenter les lettres par les mouvemens des doigts, ce qui a
donné naissance à la dactylologie, laquelle a été elle-même
modifiée pour la rendre plus simple, et par là elle est aussi
SCIENCES MORALES. 6a i
devenue une sorte de tachygraphie* On o même eu l'idée d'é-
crire ilatis l'air li"-; mois avec le doigl , et On ne l'a pas fait
sans quelque succès* An moyen de ces espèces d'écritures on
peut eu tout lieu parler an sourd-muet, ce qui est impossible
par l'écriture proprement dite, laquelle nécessite an moins des
tablettes et des crayons.
Ces diverses espèces de signes n'ont cependant pas encore
suffi; la rapidité de la pensée en demandait d'antres, et l'on a
imaginé, pour satisfaire ce besoin, d'employer les monvemeus
des lèvres dans l'exercice de la parole. Les mots différant les
uns des antres par les articulations dont ils sont formés, diffè-
rent conséqnemment aussi par les monvemens des parties de
la bouche, et ce sont ces monvemens que le sourd-muet doit
percevoir, ce qu'il parvient facilement à faire s'il est suscep-
tible d'une forte attention; dès lors il possède des signes qui
ont tons les avantages de ceux de la parole proprement dite.
Ces signes, de nature à être perçus par le sourd-muet, de
ceux qui lui parlent, devaient être accompagnés de signes
analogues propres à être transmis par lui à ceux qui l'écoutent.
Or le sourd-muet, pour parler aux autres hommes, avait la
liberté de s'adresser à un sens dont il était privé; mais de lui-
même il ne pouvait être conduit qu'à parler aux yeux. Aussi
employa-t-il le plus souvent pour transmettre des idées les
signes qui étaient employés pour lui en communiquer. C'est
ainsi que Ja mimique, le dessin, l'écriture, la dactylologie,
furent les systèmes de signes dont il fit le pins ordinairement
usage; et il put les employer avec les autres sourds-muets
comme avec ceux qui n'élaient pas affligés de son infirmité.
Néanmoins ces moyens, comme nous venons de le voir, pré-
sentent des difficultés, des lenteurs qu'il était important de
surmonter pour certains cas; et, comme c'est avec des hommes
doués de la faculté d'entendre que le sourd-muet vit habituelle-
ment, on a cherché à le faire parler, à lui faire articuler des
sons, et cette tentative a été couronnée de succès; car l'on a vu
des sourds-muets , lisant sur les lèvres les paroles qu'on leur
adressait, répondre à haute et intelligible voix, comme auraient
SCIENCES MORALES.
pu le faire les personnes douées de l'ouïe kl plus délicate et
les plus exercées à parler. Cependant, comme le sourd-muet
n'entend point parler, son langage articulé s'altère, ce qui
oblige de rectifier de lems en tems les divers mouvemens au
moyen desquels il le forme.
Jusqu'à présent nous avons supposé que le sourd-muet avait
l'intelligence du langage qu'on emploie avec lui et de celui
qu'il emploie avec les autres, qu'il attachait aux signes de ces
différentes langues les idées que nous y attachons nous-mêmes.
Cela cependant n'est vrai que pour le langage naturel, c'est-
à-dire pour une très-petite partie du langage mimique; mais
non pas pour les signes dont se composent ou qui représentent
nos langues articulées, lesquels peuvent tous être considérés
comme arbitraires. Il importe donc de donner au sourd-muet
l'intelligence de ces signes; autrement l'écriture, la dactylo-
logie, l'alphabet labial, etc., ne seraient pour lui que ce que
sont pour le perroquet les mots qu'on lui apprend. Ainsi c'est
en ce point que con-iste véritablement l'art d'instruire le sourd-
muet.
Pour cet effet plusieurs choses sont à considérer : toute
langue se compose de la signification et de l'association des
mots ; on n'a pas l'usage d'une langue parce qu'on en possède
le vocabulaire, il faut encore en posséder les formes; et elle
peut être enseignée empiriquement et scientifiquement.
Les procédés convenables pour attacher des idées sensibles
à un système de signes quelconques sont simples. Supposons
que l'écriture constitue les signes auxquels ces idées doivent
être liées, de telle sorte que les unes soient réveillées dans l'esprit,
à l'apparition des autres. On conçoit sans peine que cette associa-
tion s'établira en traçant le nom de l'objet sous l'objet lui même
0:1 sous sa peinture , et que par là le sourd-muet apprendra que
le mot cheval, par exemple, signifie l'animal qui nous est connu
sous ce nom; et comme la mimique est une sorte de dessin,
elle pourra dans une foule de cas remplacer les objets et leur
peinture; il est en effet un grand nombre d'objets et d'actions
qu'elle peut représenter avec une fidélité parfaite. Or ce que
SCIENCES MORALES. r,y;
nous disons do l'écriture est Vrai DOUr toute antre espèce (je
ngnes.
Tant que les noms s'appliquent a des objets sensibles, ee pro
cedi'- n'est, ;'i bien dire, accompagné d'aucune difficulté; il n'en
est plus de métire pour les idées de di\< rs genres (jui n'ont
point d'objets matériels; aussi ces idées seraient-elles inacecs-
s blés à un être qui se bornerait à répéter ce qui lui serait en-
seigné. Le sourd-muet, n'est heureusement point dans ce cas;
il apprend avec son intelligence comme nous le faisons nous-
mêmes, et il suffit de favoriser OU d'exciter en lui l'exercice de
cette faculté pour qu'elle vienne aider le maître et faire ce qui
ne peut être fait que par elle. Ainsi le sourd-muet qui com-
prend bien ces mots ciel bleu, fleur bleue, ruban bleu, habit
bleu, se fera, sans peine l'idée générale de bleu , dès que vous
fixerez particulièrement , ou dès qu'il fixera lui-même -son
attention sur la couleur commune à ces différens objets, et il
attachera ensuite une forme ou un signe à cette idée.
Je ne puis vouloir exposer comment le sourd muet parvient
à acquérir toutes les natures d'idées et à les lier à des signes
qu'on lui impose: on sait à quel point le sujet de l'origine des idées
a divisé les philosophes. Qu'il suffise de savoir que les sourds-
muets acquièrent ces idées comme nous , et que la mimique elle-
même est par venue à leur enseigner toutes les difficultés de la
grammaire.
Connaître la signification des mots ou des signes d'une langue,
et les prononcer ou les rendre sensibles, n'est, comme nous
l'avons dit, point encore parler. Pour atteindre ee but il faut
rassembler ces mots suivant un ordre déterminé et en former
des propositions. Deux voies pour cela étaient ouvertes : l'usage
ci la science; l'une est celle de la nature, l'autre celle de l'art.
Sur ce point les instituteurs des sourds-muets ont été partagés :
les partisans de l'alphabet labial , ceux de la dactylologie, ceux
de l'écriture, etc., ont donné la préférence à l'enseignement
par l'usage; ceux au contraire qui ont mis en première ligne la
mimique l'ont donnée à l'enseignement scientifique. Pour ceux,
ci | leur direction était inévitable : les signes mimiques ne repré-
6*4 SCIENCES MORALES.
sentant pas immédiatement ceux de la langue, soit articulée,
soit écrite, qu'il importe au sourd-muet d'apprendre, ni les
formes de la première de ces langues, celles de la seconde:
l'une ne pouvait enseigner l'usage de l'autre que par la gram-
maire. Quant aux seconds , l'usage immédiat leur était facile;
les signes, dans leur méthode, sont les signes même de la
langue représentés par l'écriture, qu'ils ont pour but d'ensei-
gner, de sorte que leur usage donne sans intermédiaire
l'usage de celle-ci; et les règles d'une langue s'acquièrent avec
d'autant moins de peine que son usage est plus familier. Il
résulte donc de ce qui précède que, par l'une de ces méthodes ,
on ne peut apprendre une langue sans en apprendre la science ;
et que , par l'autre, on peut apprendre la langue et la science
séparément. Or, comme un grand nombre de sourds-muets
appartient aux classes les plus pauvres, on comprendra de
quel prix serait pour ces malheureux une méthode qui n'aurait
pas besoin de leur enseigner ce qui leur est inutile, pour leur
faire acquérir ce qui leur est nécessaire.
Toutefois ne croyons pas que l'application de ces idées géné-
rales, qui s'expriment ici en quelques mots, se fasse aisément.
L'expérience n'est point encore suffisante, comme l'observe
fort. bien M. Degérando , pour prononcer en définitive entre
les opinions qui ont été émises sur ce sujet , et la prudence
veut que l'instituteur, tout en adoptant la méthode qui aura
obtenu l'assentiment de la raison , s'aide toujours de ce que
chacune des autres lui présentera de facile et de commode daus
l'application. D'ailleurs si la méthode naturelle, celle de l'usage,
est applicable sans inconvénient aux enfans qui entendent et
qui sont frappés du son des paroles dès les premiers instans de
leur vie, il n'en est pas de même pour le sourd-muet, qui ne
peut commencer son instruction méthodique qu'à sept ou huit
ans. Si alors la langue lui était présentée sans ordre, comme
celle que l'enfant apprend de sa mère, il serait obligé de
consacrer, pour se familiariser avec elle, un tems aussi consi-
dérable peut-être que celui qu'exige la mimique. Il lui faut
donc des classifications qui abrègent le tems en le conduisant
SCIENCES MORALES. (>*r>
graduellement des signes <i des propositions simples aux signes"
et aux propositions composées, tellement qu'il ai rive par une
synthèse rigoureuse a la connaissance usuelle de la langue tout.
entière. Mais ces nomenclatures, ces collections de phrases
graduées, ces ouvrages mêmes propres à l'exercera la lecture,
tout en l'instruisant, n'existent point encore pour nous, et sans
elles cependant rien de sage ne peut être fait. L'enseignement
scientifique a mieux été traité; plusieurs ouvrages spéciaux ont
été composés pour lui; tels sont en grande partie ceux des
abbés de l'Epée et Sicard ; mais l'on doit surtout distinguer
le Manuel d'enseignement pratique composé par M. Bébian sur
l'invitation du conseil d'administration de l'Institut royal des
sourds-muets de Paris.
Il me resterait a parler de l'influence de chaque système de
signes sur l'exercice de la pensée, car c'est une considération
importante dans le choix de ces signes; mais comme ce sujet
m'entraînerait à de longs développemens auxquels le tems qui
m'est donné ne me permet pas de me livrer, je suis forcé de
me borner à cette simple indication.
C'est donc bien à regret que je me vois obligé de renfermer
en quelques pages la substance entière des deux parties dont
le sujet vient de nous occuper. J'aurais voulu , par des détails
suffisans, porter dans les esprits la conviction et le sentiment
debienveillanceetde charité pour les malheureux, qui naissent à
la lecture de l'ouvrage. J'aurais voulu montrer quelle ressource
on peut tirer d'une bonne méthode pour achever l'éducation
d'un sourd-muet, pour lui communiquer des notions de tout
genre, de géographie , d'histoire, de géométrie, et surtout ces
notions de morale et de religion sans lesquelles l'instituteur,
en l'instruisant, n'aurait rempli que la moindre partie de sa
tâche. Heureusement ces avantages se conçoivent sans efforts :
une fois la communication des idées rendue facile, l'instituteur
peut transmettre son instruction à son élève intelligent, et il en
est des sourds-muets comme des autres hommes : ce sont en
général les plus instruits qui apprennent et qui remplissent le
plus facilement leurs devoirs. En terminant, je me bornerai,
t. xxxvi. — Déeembre 1827. 40
626 SCIENCES MORALES.
comme je l'ai dit, à quelques considérations sur la seconde
partie de cet ouvrage, sa partie historique.
On est à la fois surpris et affligé en voyant que c'est à
l'Espagne que nous devons les premiers essais dans l'art d'ins-
truire les sourds-muets, et que le seul établissement que ces mal-
heureux aient obtenu dans ce pays est à la veille d'être dissous.
L'idée de rendre les sourds-muets à la société naquit à peu
près en même tems en Angleterre, en Hollande, en Allemagne,
en France; mais dans ces contrées, comme en Espagne, ce3
premières tentatives restèrent sans effets , et plus d'un siècle
s'écoula avant qu'elles fructifiassent.
Cependant l'Allemagne éprouva m uns long-tems l'influence
des causes qui retardèrent le développement de ce's précieux
germes : aussi c'est la partie de l'Europe où l'art d'instruire les
sourds-muets a été cultivé avec le plus de zèle et de succès, où
tous les procédés ont été essayés et perfectionnés , et où les
méthodes qui réunissent le plus de suffrages ont reçu le plus
d'applications.
La France, comme le dit M. Degérando, fut la dernière à
voir l'attention publique se diriger sur l'art d'instruire les
sourds-muets. Quelques hommes d'un esprit étendu avaient
bien entrevu la possibilité de cette instruction, mais aucun
ouvrage didactique n'avait été publié sur cette matière. Le
premier fut celui de l'abbé de TÉpée, qui parut en 1776. A. la
vérité, comme dans tous les cas où les bons sentimens peuvent
servir de véhicule à l'esprit, la pratique a toujours devancé la
science, on a la preuve que, chez nous, dès les premières années
du xvne siècle, des sourds-muets avaient appris à lire et à
écrire par les soins de personnes bienfaisantes qui n'ont fait
connaître ni leurs noms ni leurs procédés. D'autres vinrent
ensuite qui firent un mystère de leur science , et c'est où l'on
en était au moment où le vénérable abbé de l'Épée, guidé
par une charité digne de son beau caractère, et voulant que
tous les malheureux sourds-muets participassent à ses décou-
vertes, publia son premier ouvrage intitulé : Institution ries
Sourds- Muets,
SCIENCES MORALES,
L)aiM cette | >;« i-t i< * tri s toi ique, iM. Degérando expose en dé
tail ce que les divers prorédés que nous avons indiques pré*
cédera ment doivent à chaque ann-iir et à chaque nation; et
une chose bien digne de remarque est le peu de progrès que
le teins a l'ait faire à l'ail qui nous occupe, à en juger d\i moins
par les résultats. DePooœet Bonnet, qui les premiers s'occu-
pèrent en Espagne d'instruire les sourds-muets , paraissent
avoir déjà mis en usage tous les movens dont nous nous ser-
vons aujourd'hui, la mimique, l'écriture, la dactylologie,
l'alphabet labial et L'alphabet guttural, etc.; et les élèves du
premier raisonnaient, dit-on, fort bien siu1 la physique, l'as-
tronomie, l'histoire, etc.
IVreira, par qui nous commençons à apercevoir en France
les procédés de l'art, employait de préférence la dactylologie
combinée avec la lecture et récriture, et en exerçant ses élèves
à la prononciation des mois; il paraît que c'est sur l'usage
seul qu'il fondait l'enseignement des formes du langage, ainsi
qu'Ernaud qui vint après Pereira, et qui mettait à la tète de
tous les procédés l'alphabet labial et l'alphabet guttural, con-
damnant sans réserve l'alphabet manuel L'abbé de l'Epée
s'attacha principalement à la mimique, et même lui donna une
existence nouvelle par l'usage étendu qu'il en fit pour l'ensei-
gnement de la grammaire , sans exclure toutefois les procédés
qui avaient été employés avant lui. Cependant l'abbé Des-
champs rejetait les signes mimiques et revenait aux procédés
d'Ernaud. Jusque-là les instituteurs n'avaient été occupés que
d'éducations particulières; ils ne se formaient point de succes-
seurs, et la tradition de leur méthode finissait, ou à peu près,
par se perdre. C'est sans doute ce qui a empêché ces méthodes
d'obtenir du crédit et de l'autorité, comme c'est le cas contraire
qui a donné à la mimique la prépondérance qu'elle a obtenue
pendant long-tems, et qu'elle conserve encore aujourd'hui
dans nos institutions. En effet, l'abbé de l'Épée se forma de
nombreux disciples qui portèrent sa méthode dans toute l'Eu-
rope, et l'y défendirent avec assez de succès poiv qu'elle pût
résislcr aux justes critiques qui en furent faites. L'abbé Sicard
4cs
628 SCIENCES MORALES,
enrichit encore cotte méthode, et, la rectifiant en plusieurs
points, soutint l'autorité qu'elle avait obtenue; mais en s'y
livrant exclusivement, en ne considérant les procédés des
autres méthodes que comme des moyens dont il pouvait être
simplement curieux de connaître les effets, l'institution qu'il
dirigeait, jugée par l'instruction de l'ensemble des élèves, ne
put bientôt plus soutenir la comparaison avec celles que diri-
geaient des vues plus élevées, des principes plus généjraux et
une science plus vraie.
L'art d'instruire les sourds-muets n'est cependant pas resté
stationnaire en France, quoiqu'il n'ait pas encore pu se sous-
traire à l'influence exclusive de la mimique et de la dactylolo-
gie. M. l'abbé Jamet a proposé un système de signes mimiques
simplifiés; mais, en diminuant la complication de ce langage,
il augmentait ce qu'il avait d'arbitraire, sans faciliter l'ensei-
gnement de la langue, qui fait le premier objet de l'instruction
d'un sourd-muet. D'un autre côté, M. Bébian cherchait à fixer
le langage mimique par une sorte d'écriture, et à le soustraire
par-là à l'arbitraire des instituteurs; mais cette écriture , arbi-
traire elle-même en grande partie, ne pourrait être imposée
que par l'autorité du tems, et elle date d'hier. C'est en sim-
plifiant la dactylologie, que M. Recoing a essayé de perfec-
tionner l'art qui nous occupe; il a transformé ce langage des
doigts en une sorte de tachygraphie dont il a obtenu , dans
l'éducation de son fils, les effets les plus heureux. C'est à ces
trois points que se bornent les essais d'amélioration qu'on a
tentés chez nous. Par là on voit combien d'efforts il nous res-
terait encore à faire pour porter à sa perfection l'art d'instruire
les sourds-muets; pour introduire dans nos institutions les
procédés qui ont reçu le sceau de l'expérience, et qui peuvent
concourir si utilement, avec ceux que nous employons, à
étendre le bienfait de l'instruction de ces malheureux, et à
abréger le tems qu'ils sont encore obligés d'y consacrer chez
nous. Espérons que l'ouvrage de TM. Degérando encouragera
ces efforts ; il en montre la nature, la direction et le buté; et si
les améliorations dont il fait si bien sentir la nécessité ne
SCIENCES MORALES, 6-xg
s'obtiennent point, ce ne sera désormais pas la science que
nous devrons en accuser. Si au contraire ils s'obtiennent, nous
saurons du moins à qui la gloire et la reconnaissance en sont
dues.
Frédéric Cuvikr , de l'Institut.
Tue life of Napoléon Buonaparte. — Vie de Wa-
poléon -Buonaparte , Empereur des Français, pré-
cédée d'un tableau préliminaire de la révolution fran-
çaise ; par sir Walter Scott (i).
SECOND ET DERNIER ARTICLE.
( Voy. Rev. Enc.y t. xxxv, pag. 6 17-63 i- )
L'homme qui a consacré quelques jours à lire de suite, et
sans aucune distraction, l'histoire de Bonaparte, éprouve une
impression singulière et vraiment indéfinissable; il lui semble
qu'un siècle tout entier a passé sous ses yeux, que les histoires
de vingt héros, qui se succèdent dans l'exécution d'un immense
dessein, ont été ajoutées l'une à l'autre pour composer la vie
d'un seul homme. Ce long et terrible combat de tant d'empires
qui luttent de force et de perfidie; ces fêtes de la victoire qui
illuminent tant de cités; ces fleuves de sang qui baignent tant
de champs de bataille; ces peuples que l'on divise, que Ton
agglomère, que l'on vend comme des troupeaux; ces grands
codes de lois qui jadis étaient le travail des siècles, et qui sont
devenus l'ouvrage de quelques années; tant d'actions sublimes
ou criminelles, tant d'héroïsme et de bassesse, tant de gi-
gantesques projets exécutés aussitôt que conçus , des cata-
strophes simerveilleuses et si profondes, cette vieenfin qui, dans
(1) Paris , 1827 ; Treuttel et Wurtz, Sautelet, Ch. Gosselin. 9 vol.
in-8Q ; prix , 67 fr. 5o c. Les mêmes libraires ont publié une traduc-
tion française de cet ouvrage, en 9 vol. in-8°, coûtant 63 fr. , et en
x8 vol. in- ia , dont le prix est fixé à 54 h .
6$o SCIENCES MORALES.
sa durée de vingt ans, a vu des républiques, des royaumes,
des empires commencer et finir leurs destinées, tout cela vous
enlève à vous-même et vous transporte pour un tems hors de
la sphère des événemens naturels et possibles. Il semble que.
vous ayez été soumis à l'empire d'une longue vision, tantôt
magnifique et glorieuse, tantôt triste et poignante.
Mais, lorsqu'après cette étourdissante et magique lecture,
!e calme de la réflexion vous ramène à la réalité, vous compre-
nez que ce qu'on n'a sans doute jamais dit d'aucun homme,
on peut le dire de Napoléon. C'est lui qui seul fait toute
l'histoire de son tems, en ce sens qu'aucun grand événement
ne s'est accompli, durant sa carrière politique, qu'il n'ait été
suscité par lui ou à son occasion; il en est le but, s'il n'en est le
principe. Supposez Napoléon emporté par un boulet, au siège
de Toulon; et les destinées de l'Europe tout entière, aussi
bien que celle d'une partie du reste du monde, vont prendre
une autre face \ il n'y a qu'un homme de moins, et l'univers
est changé.
On ne saur ait se défendre, en étudiant ce livre, d'une autre im-
pression qui, bien que tout-à-fait secondaire, vous domine assez
cependant pour vous rendre cette étude constamment pénible
et, désagréable; c'est celle que l'on éprouve à la triste contempla-
tion d'un écrivain qui se dépouille lui-même de toute dignité
morale; d'un homme qui, doué du sentiment du juste et de l'in-
juste lorsqu'il apprécie les nations étrangères, fait une abdi-
cation constante et volontaire de ce sentiment dès qu'il s'agit
de sa propre nation. Cet oubli de toute probité historique
parmi les démonstrations d'une fastueuse impartialité, cette
scandaleuse prévarication commise par l'homme qui s'est assis
sur le tribunal où l'on juge les peuples, attriste profondément
le lecteur; et plus il se sent porté de cœur à applaudir à la
sentence sévère qui frappe l'homme extraordinaire qu'égara
l'ambition , plus il s'indigne de voir justifier tous les excès d'un
cabinet non moins ambitieux et plus perfide peut-être.
Auprès de ce défaut capital (l'absence de toute probité ; ,
défaut qui suffirait à nos yeux pour flétrir la plus admirable
SCIKNCI S MORALES. 69ê
composition, ce sont des taches Légère! que des assertions
fuisses ou hasardées, des jugeincns mal fondés, des opinions
s. mis jiisicssc, et quelquefois une ignorance assez visible du
sujet duut on parle; nous n'entrerons donc point dans fout
ce détail, fastidieux dans une analyse, et qui d'ailleurs nous
mènerait loin , si nous voulions faire une justice un peu exacte
de tout ce qui est écrit dans ces neuf gros volumes. Nous nous
contenterons de tacher d'en saisir l'esprit et de l'exposer au
grand jour.
La vie de Napoléon fut une lutte perpétuelle contre l'An-
gleterre; il l'avait en vue dans toutes ses combinaisons poli-
tiques, il la cherchait sur tous les champs de bataille, il la
frappait dans tous ses partisans, il la ruinait chez tous les
associés de son commerce; c'était encore à elle qu'il faisait la
guerre lorsqu'il allait planter ses aigles sur le Kremlin; et
il semblait vouloir donner aux expéditions continentales qu'il
dirigeait contre cet implacable ennemi, quelque chose des pro-
portions gigantesques des expéditions maritimes dont la France
était frappée sur toutes les mers. Napoléon a péri dans cette lutte,
et c'est un général anglais qui a consommé sa ruine. Or, Walter
Scott se présente dans l'arène, bien moins en juge du combat
qu'en champion de l'Angleterre; il fait une histoire de Napo-
léon , bien moins qu'un plaidoyer pour le cabinet de Londres :
le système du ministère anglais est, à ses yeux, une espèce
d'évangile qu'il faut toujours adorer, parce qu'il sanctifie tout
ce qui est utile à sa politique. On comprend ce que peut être
une histoire de Bonaparte écrite dans un tel esprit.
"Walter Scott, en avocat subtil, commence par beaucoup
vanter l'homme qu'il veut offrir plus tard en holocauste à
l'habileté de son gouvernement, au talent de son général, à
la valeur de ses soldats. Je ne crois pas que jamais le génie de
Napoléon ait reçu plus d'éloges, ait été plus exalté que dans
cette histoire. Walter Scott le proclame le plu s grand person-
nage militaire dont l'histoire ait jamais fait mention. Remar-
quables par un rare génie, les manoeuvres de Bonaparte ne
Tétaient pas moins par la nouveauté <n l'originalité des vues;
63i SCIENCES MORALES.
il gagne les batailles par la supériorité de ses talens militaires,
et non par ce système de la force du nombre auquel on a
souvent attribué ses succès. Personne, plus que Napoléon, n'a
possédé le génie de calcul et de combinaison nécessaire pour
diriger, ave*: un nombre inférieur de troupes, des manœuvres
décisives. C'est là, en effet, qu'était son secret (comme on l'a
appelé pendant quelque tems) et ce secret consistait dans une
imagination fertile en expédiens qui ne seraient jamais venus
à l'idée d'un autre. Sa valeur était incon»parable, et cependant,
dit l'historien, il s'est trouvé des gens qui ont accusé de lâcheté
ce vainqueur de cent batailles dont la réputation était si bien
établie parmi ses soldats, les plus compétens de tous les juges,
que la promesse de ne pas exposer sa personne était réclaméepar
eux, et accordée par lui, comme une faveur précieuse à l'armée.
Walter Scott montre Napoléon aussi grand dans les revers
que dans les triomphes; il dit qu'au passage de la Bérésina,
toutes ses résolutions étaient prises avec calme, avec fermeté,
avec le sentiment intime de ce qu'il se devait a lui-même, et
de ce qu'il devait à ceux qui l'accompagnaient. A Leipzig, dit-il
encore, dans le cours de cette journée fertile en événemens ,
où l'on peut dire que Napoléon combattit moins pour la vic-
toire que pour sa sûreté, cet homme extraordinaire resta
calme, déterminé, recueilli, et soutint la glorieuse défense de
ses escadrons rompus et diminués, par sa présence d'esprit,
et un courage aussi ferme que celui qu'il avait souvent montré
en dirigeant la victoire. Peut-être doit -on plus admirer ses
talens militaires, en le voyant combattre à la fois contre la
fortune et la supériorité du nombre, que dans la plus glo-
rieuse de ses victoires, lorsque la déesse inconstante combat-
tait à ses côtés.
Si du champ de bataille, l'historien nous conduit dans le cabi-
net de Napoléon, il nous dira: Sa conduite fut dans bien des
circonstances prudente et politique au plus haut degré , tandis
qu'en même tems elle était conforme aux règles de la justice
et de la modération. Cette modération , ainsi que la générosité
de Napoléon, est plusieurs fois célébrée par Walter Scott. Il
SCIENCES MORALES. 633
absout aussi Bonaparte de cruauté, lorsqu'on condamnant la
sanglante exécution des prisonniers de .la fia, il ajoute : Tou-
tefois, nous ne la considérons pas comme l'effet d'un instinct
ne cruauté; rien, dans l'histoire de Bonaparte i ne montre
qu'un tel vice existât en lui : plusieurs traits prouvent, au con-
traire, qu'il était né naturellement humain; mais il était am-
bitieux, visait a d'immenses et gigantesques entreprises, et il
apprit sans peine à ne compter pour rien la vie des hommes,
quand l'exécution de ses projets en exigeait le sacrifice. Un
jour, passant sur un champ de bataille d'où l'on n'avait pas
encore relevé les blessés, il exprima une vive sensibilité; ce
qui n'était pas chez lui une chose extraordinaire, car il ne
pouvait jamais voir souffrir sans montrer de la compassion.
Walter Scott vante aussi le désintéressement de Bonaparte, à
l'occasion des premières campagnes d'Italie (i). Les sentimens
du jeune vainqueur, dit-il, étaient d'une nature trop élevée pour
qu'il s'abaissât à acquérir des richesses; sa carrière, à cette
époque, ni dans aucune autre période de sa vie , ne fut souillée
par ce genre d'égoïsme, le plus dégradant de tous.
Voici comment l'historien apprécie la part que prit Napoléon
aux discussions dans lesquelles s'élaborait le Code civil. Mal-
gré ses nombreux travaux, il suivit assidûment les séances du
comité, ainsi que celles du conseil d'état, qui fut chargé de la
révision des lois; et, quoiqu'on doive croire qu'il ignorait
complètement la science compliquée du droit, telle était la
vivacité de son esprit calculateur, et sa facilité d'argumenta-
tion; tel était son talent pour généraliser et embrasser un sujet
dans son ensemble par l'inspiration du génie et du bon sens,
qu'il fut à même de trancher plus d'une subtilité dont les ju-
risconsultes de profession sont souvent embarrassés, et de
briser, comme des toiles d'araignée, des difficultés techniques
(i) On voit bien que le jomancier anglais ne s'est donné la peine de
consulter aucun des militaires qui ont fait les premières campagnes
d'Italie sous Bonaparte. ^ «a R>
634 SCIENCES MORALES.
ou métaphysiques, qui, pour les hommes de loi , avaient une
apparence de sérieuses entraves.
Walter Scott signale aussi le goût de Bonaparte pour ces
momimens publies qui rendent un monarque populaire. Selon
l'historien, son esprit était trop étendu pour chercher quelque
jouissance dans des objets purement personnels, et celui qui
avait fait assez pour s'élever pendant sa vie au-dessus des
autres hommes, devait naturellement désirer que des monu-
mens publics servissent à perpétuer son nom d'âge en âge. En
conséquence , il entreprit et fit exécuter quelques-uns des plus
beaux travaux des siècles modernes : la route duSimplon et les
bassins d'Anvers sont de gigantesques monumens de son esprit
public.
A la connaissance des choses, Napoléon joignait au plus
haut degré celle des hommes; est-ce donc parce qu'il les a
mieux connus qu'il les estimait moins? Walter Scott vante , à
cet égard, son étonnante pénétration ; il revient plus d'une fois
sur cet éloge, et il cite plusieurs circonstances où Napoléon
« montra sa profonde connaissance des hommes par la sagacité
avec laquelle il savait découvrir et s'attacher ceux dont les
talens méritaient d'être distingués, et qui étaient les plus ca-
pables de lui être utiles. »
La conduite privée de Napoléon est ici l'objet d'éloges pres-
que sans restriction; il était bon époux, bon parent, et , toutes
les fois que la raison d'état n'intervenait pas, excellent frère.
C'était le meilleur des maîtres; il avait de la douceur et même
quelque chose de plus tendre encore dans le caractère.
Aussi a-t-il exercé sur tous ceux qui l'Giit approché, depuis
les l'ois jusqu'à ses derniers domestiques, une influence presque
magique. Non-seulement il avait le don d'inspirer à ses soldats
un enthousiasme qui les rendait capables d'exécuter les choses
les plus incroyables, mais ses ennemis mêmes n'échappaient
pas à cette espèce de fascination qui était une des puissances
dont la nature l'avait doué. L'officier anglais qui le reçut pri-
sonnier sur son bord a déclaré qu'il possédait au plus haut
degré ces qualités qui séduisent même ceux qui sont le plus en
SCIENCES MORALES. £35
nrckc coi tir li séduction, il lai possédait non-seulement lors
qu'il i; lait comblé des faveurs 4c la fortune, mais cncoie quand
il fut abattu sous le |>oi(K des plus (erriblei revers; et , connue le
remarque Wal ter Seoit, la puissance de son génie et; L'influence
qu'il pouvait exercer sur les esprits <les autres ne parurent
jamais avee autant d'éclat qu'à la fatale époque de son retour
de Russie.
Toutes ces causes réunies avaient fait de Napoléon un homme
tel qu'on ne peut le comparer à nul autre; il n'exista jamais
sur la terre, dit l'historien, et l'on doit vivement espérer que
la Providence ne permettra pas qu'il existe jamais un pouvoir
aussi étendu et aussi formidable que celui de Napoléon, pou
voir qui était l'œuvre de son propre génie. 11 ne faut donc
pas s'étonner que d'autres l'aient regardé, que lui-même se
soit considéré comme un instrument que la Providence a
choisi, qui ne saurait être arrêté dans sa marche, et dont les
armes sont invincibles.
Cet instrument de la Providence, Walter Scott examine s'il
était légitime. Il n'a pas de peine à prouver que ce prétendu
vote du peuple français, recueilli sur des registres, était de
toute nullité, soit pour les citoyens qui renonçaient à leur
liberté, soit pour l'empereur qui acceptait la concession. Pour
les uns, il était illégal de se dépouiller de leurs droits com-
muns; pour l'autre, de faire usage de la délégation.
Assurément, cela est incontestable : Napoléon était usurpa-
teur et des libertés publiques et du trône ; mais, quant à cette
dernière usurpation, s'il fallait aller rechercher le titre de
légitimité des princes dans le vote individuellement exprimé
de chacun des sujets, où seraient les princes légitimes? Il en était
Ici de Napoléon, comme il en a été de presque tous les autres
souverains, fondateurs de dynastie; le consentement tacite,
voilà le plus souvent leur véritable titre; celui de Napoléon
en valait bien d'antres, sauf qu'il était plus récent. Toute la
discussion de Walter Scott sur le titre originaire de Napoléon
est bieu rebattue, bien inutile et bien ennuyeuse; il se donne
beaucoup de peine pour prouver ce qui est vulgaire.
636 SCIENCES MORALES.
Quant aux droits de l'ancienne dynastie, Walter Scott les
défend faiblement : « Un général victorieux, d'un caractère
plus timide (i), d'une conscience plus scrupuleuse que Napo-
léon, aurait pu, dit-il, essayer la restauration des Bourbons;
mais Napoléon prévit les difficultés qui naîtraient d'une ten-
tative pour concilier le rappel des émigrés avec la garantie
des ventes nationales, et il conclut, avec beaucoup de justesse,
que les partis qui déchiraient la France seraient plus aisé-
ment réunis sous l'autorité d'un homme qui était presque
entièrement étranger à chacun d'eux. »
« Arrivé au pouvoir suprême, à cette hauteur où tant
<Vautres sont éblouis et saisis de vertige, Napoléon semblait
occuper la place pour laquelle il était né, et à laquelle ses
éminentes qualités, aussi bien que des succès inouïs, lui don-
naient, dans tous les cas, un droit incontestable. » Et plus bas :
« Si Napoléon se fût arrêté là (le rétablissement et le maintien
de l'ordre, au moyen de son élévation a l'empire), sa conduite
eût été inattaquable et inattaquée (unblamable and unblamed) ,
excepté par les plus dévoués serviteurs de la maison de Bour-
bon... Il était naturel que celui qui avait relevé le trône l'oc-
cupât lui-même; en le cédant aux Bourbons, il aurait trahi
ceux des mains desquels il avait accepté le pouvoir; mais
dépouiller les citoyens^des privilèges auxquels ils avaient droit
en qualité d'hommes libres , c'était l'acte d'un parricide. »
Tout ce jugement sur Napoléon est extrait presque mot à
mot de l'historien; on voit qu'il couronne à plaisir de toutes
ses gloires la victime qu'il va immoler à l'Angleterre, le héros
(t) Of a character more tlmid. Tom. ix , pag. 343. Dans un autre
passage où Walter Scott allègue toutes les raisons qui peuvent justifier
le parti que prit Bonaparte , et s'efforce de prouver que sa conduite
ne pouvait être censurée par personne, il se sert d'une expression à peu
près opposée; il prétend qu'à la place de Bonaparte , pour agir autre-
ment qu'il ne l'a fait et rétablir les Bourbons , il fallait être of a heroic
pltch of character, doué d'un caractère héroïque à un très haut degré.
T. iv, p. 234- Les contradictions de ce genre r.e sont pas rares dans
l'ouvrage de Walter Scott.
SCIENCES MORALES,
qu'en itiaintc occasion il compare à Wellington avec quelque
désavantage. Il va jusqu'à invoquer, sur ce point, l'aveu de Napo-
léon lui même, qui doit avoir dil au général Bertrand ces pro-
pres paroles : « Le duc de Wellington me vaut bien pour la con-
duite d'une arir.ee, et il a sur moi l'avantage de la prudence. »
Nous ne savons si en effet Napoléon a jamais rien dit do pareil;
mais, dans tous les cas, lui seul pouvait faire à Wellington un
semblable compliment ; e! l'univers, Walter Scott excepté , n'y
verra (prune politesse qu'il serait par trop ridicule de prendre
u sérieux. C'est cependant au sérieux que le prend Walter
Scott; il appelle cela, tic la part de Napoléon, de la droiture
"t de la franchise ; de sorte que, dans cette histoire, voilà
M. Wellington, de l'aveu même de Bonaparte, supérieur au
'dus grand personnage militaire dont les annales de tous les
peuples aient jamais fait mention !
Mais, en montrant dans tout son éclat le rival malheureux
le Wellington, Walter Scott n'avait rempli que la moitié de sa
àche. La part du général anglais était faite, il fallait encore
aire celle du cabinet de Londres. Il fallait justifier son ambi-
ion , son avidité, son obstination à souffler partout la guerre,
.es crimes politiques, enfin le traitement odieux qu'il a fait
Ilibir au captif détrôné. Pour cela, il fallait peindre sous les
)lns sombres couleurs les excès coupables où la politique a
ntraîné Napoléon; il fallait mettre toutes les guerres qu'il a
ouîcnues sur le compte de son ambition , et déguiser quelque-
ois le motif réel de ses conquêtes; il fallait méconnaître ce
ru'il pouvait y avoir de sagesse et de longue prévoyance dans
[uclques-unes de ses entreprises; montrer comme une attaque
toupable ce qui n'était peut-être qu'une légitime résistance, et
iissimuler les avantages qui pouvaient résulter pour l'Europe
t pour la Fiance de systèmes dont les rigoureuses conséquences
e sont pas toutes imputables à Napoléon. Il fallait enfin avoir
ecours aux faits controuvés et au ton de l'hypocrisie , jusqu'à
iivoquer la conduite chrétienne de l'Angleterre, pour justifier
es vexations parfaitement inutiles, en ne s'en rapportant
îèn.e qu'au témoignage de l'historien.
G3S SCIENCES MORALES.
Certes , ce n'est pas nous qui, plus que les habitans d'aucune
autre contrée, avons souffert de la tyrannie de Napoléon, qui
l'en justifierons; ce n'est pas nous, à qui sa gloire a coûté si cher,
qui voulons l'en absoudre; nous sommes amis de la liberté et
de la patrie : c'est dire assez qu'on peut nous compter parmi
le.» adversaires de Napoléon; mais nous sommes aussi amis de
la justice, et nous n'avons pas appris à la séparer des intérêts
du patriotisme et des doctrines de la liberté. S'il nous était
possible de recueillir et de rassembler ici toutes les accusations,
tous les reproches disséminés avec profusion dans les neuf
volumes de cette histoire, nous n'aurions pas de peine à
montrer combien, sur une esquisse quelquefois assez fidèle, le
peintre a passé de teintes forcées et de fausses couleurs.
Parmi les traits les plus exacts du portrait tracé par Walter
Scott„ nous avons remarqué ce qu'il dit de l'égoïsme qui faisait
le fond du caractère de Napoléon. « C'est à ce principe d'égoïsme •
eu politique, dit avec raison Walter Scott, qu'il faut rapporte*
une grande partie de ses succès, aussi bien que de ses infor-
tunes, et presque tous ses crimes politiques... Toutefois, l'é-1
goïsme n'avait pas chez Napoléon ce caractère odieux et mém
prisable qu'il a d'ordinaire dans la vie privée; il était dune
nature beaucoup plus noble et plus élevée, quoique fondé sur
des motifs semblables. » Walter Scott a consacré quelques
pages de la conclusion de son histoire au développement de
cette idée, et il a mis dans cette minutieuse analyse d'uu des]
traits caractéristiques de son héros autant de justice que dej
sagacité (i).
(i) L'historien avait déjà dit, à l'occasion de l'élévation de Napo-
léon à l'empire : « L'égoïsme qui embrasse tout un royaume est
d'une nature si libérale, si vaste , si épurée , qu'il ressemble beaucoup
au patriotisme. » ( Tom. v, ch. 7. ) Et ici , il faut avouer que s'il v a
quelque vérité , il y a aussi beaucoup d'indulgence dans la pensée de
Walter Scott; assurément, il songeait , en écrivant cette phrase , à
l'égoïsme du gouvernement anglais ; c'est une finesse d'avocat , il dé-
fend d'une manière indirecte ce qu'il évite d'accuser ouvertement.
SCIENCES MORALES. 63g
Al. us, pour quelques pages marquées au coin (l'une sincm
Impartialité, combien «laudes 011 pointait eiter dont l'impar-
tialité affectée porte le caractère «le la Contrainte , combien dans
1 im|i tel ic-% l'a ul eur semble prendre plaisir à se dédommager, par
les accusations injustes, les insinuations calomnieuse. s, les repro-
ches adressés avec d'eu tant plan de \ iolence qu'on a Inconscience
de les mériter soi-même!
Pins Napoléon était un homme extraordinaire, et plus l'his-
toire doit lui demander un compte rigide de ces merveilleuses
qualités dont la nature l'avait doué. Aussi, l'on saurait gré à
Walter Scott d'avoir été sévère à son égard, d'avoir stigmatisé
sans pitié l'ambition, le manque de foi, la cruauté, qui ont
terni quelquefois un des plus grands génies qui aient paru
parmi les hommes, si l'on pouvait supposer que ces reproches
partissent d'une âme profondément juste, et enflammée d'une
sainte colère contre la tyrannie. Biais, lorsqu'on voit ce même
historien justifier l'ambition quand elle est anglaise, vanter les
oppresseurs quand ils oppriment au profit de l'Angleterre,
applaudir à la perfidie quand elle détruit ceux que les Anglais
peuvent redouter, alors, au lieu du respect qu'inspire toujours
un juge consciencieux et impartial , on n'éprouve plus que cette
indignation due au prévaricateur.
Un patriotisme étroit et une conscience large, voilà le carac-
tère distinctif de l'historien; il a des principes particuliers, une
:aisonet une morale particulières pour apprécier les hommes
:t les choses de son pays. Non-seulement il justifie le cabinet
Anglais dans tout ce qu'il a fait de plus odieux, de plus im-
jïioral; non-seulement il ose vanter Castlereagh comme un grand
îomme et son système comme une vertueuse politique ; mais
îoeore il cherche constamment, excepté dans de rares cir-
jonstances, à établir en faveur de l'Angleterre la supériorité
le justice, de raison, de génie, de puissance. A cet égard, la
naïveté de son obstination, l'intrépidité de son amour-propre r
ont vraiment curieuses. Et l'on conçoit bien que ce n'est pas
eulemcnt un homme qu'il sacrifie à l'Angleterre; ce sont encore
es autres nations, c'est en particulier la France.
64o SCIENCES MORALES.
Il faudrait un livre pour montrer combien le profond égoïsme
national de l'historien anglais est fécond et varié dans ses
développemens ; nous allons lâcher d'en donner une idée en
quelques pages. C'est, nous le croyons, le meilleur moyen de
faire apprécier cette composition historique; car c'est là que
se trouve le principe de la plupart des défauts qu'on y a re-
marqués, et dont Walter Scott aurait été garanti, par son ta-
lent, s'il ne se fût pas fait l'esclave de ce patriotisme aveugle et
mesquin.
Nous ne nous arrêterons pas à relever tout ce qu'il y a de
faux ou d'exagéré dans les rapprochemens que fait l'historien
entre les mœurs des deux nations, leur législation, leurs ar-
mées, etc. Les préjugés nationaux peuvent excuser bien des
choses; mais, lorsqu'ils s'égarent jusqu'à outrager la morale
publique, il n'est plus permis de les tolérer; et laissant de
moindres considérations, nous devons signaler ce vice capital
de l'ouvrage que nous examinons.
On se souvient de Copenhague; le cri d'une indignation
unanime s'éleva chez tous les peuples de l'Europe à la nouvelle
de ce grand attentat. En pleine paix , l'Angleterre fait pénétrer
dans les Belts un armement considérable ; elle déclare au prince
de Danemark qu'il faut qu'il lui remette sur-le-champ sa flotte
avec toutes ses munitions maritimes, et sans même attendre le
refus formel du prince, Copenhague est attaquée et bombardée
pendant trois jours: une grande partie de la ville devient la
proie d'un incendie que Walter Scott nomme épouvantable
( dreadful ) ; beaucoup de familles sont ruinées, plusieurs
milliers d'habitans sont massacrés; et les Anglais emmènent
pour trophées de cette sanglante et facile victoire les vaisseaux
danois , et un grand nombre de transports chargés d'un maté-
riel considérable. C'est là que Wellington, connu alors dans
l'Inde sous le nom de sir Arthur Wellesley, fil en Europe ses
premières armes.
Eh bien! cette infâme trahison, cette violation criante du
droit des gens et des lois de l'humanité, Walter Scott la jus-
tifie ; il la célèbre comme un grand exemple d'habileté, comme
m li \cks MORALES. 641
le signal du réveil de la politique anglaise. -'Tes premien
s\ Diplômes de ce changement d.uis la conduite du cabinet an-
glais, dit-il, éclatèrent dans la fameuse expédition de Copen-
hague, laquelle manifesta une énergie et une détermination que
l'on ne voyait plus depuis quelque teins dans les opérations
militaires de la Grande-Bretagne sur le continent... En ne con-
sidérant que les relations ordinaires entre les nalions, la pré-
tention de la Grande-Bretagne à l'égard du Danemark aurait
été s(:cric et impossible à justifier. Mais la justification sortait
des , circonstances f particulières de l'époque. La situation de l'An-
gleterre était celle d'un individu qui, menacé de l'approche
des forces supérieures d'un ennemi mortef-, voit tout près de
lui un homme armé dont il a droit de se métier, parce qu'il le
croit engagé contre lui dans une alliance à laquelle il a déjà
accédé deux. fois. Dans ce cas, l'individu menacé aurait droit
de contraindre l'homme dont il se méfie à s'expliquer, et même
de le désarmer, s'il a la force de le faire, et de retenir ses
armes comme un gage de sa neutralité. * Walter Scott devait
ajouter, pour rendre la comparaison complète :« De s'approcher
de lui en traître et de le tuer, s'il refuse de se laisser désarmer. »
Si le principe que pose ici Walter Sott est admis, l'agression
de Bonaparte contre l'Espagne, cette agression qui sera à
jamais, en France, une tache à sa mémoire, est pleinement
justifiée aux yeux de la politique anglaise. Napoléon avait les
plus fortes raisons de se délier de l'Espagne ; tandis qu'il était
occupé contre la Prusse, des troupes espagnoles avaient été
- rassemblées sous les armes, une proclamation avait déclaré la
patrie en danger, et fait un appel manifestement dirigé contre
la France. Celle-ci avait donc le droit de désarmer cette puis-
sance, dont elle se méfiait ajuste titre, et de retenir ses armes
comme un gage de sa neutralité. Voilà la politique de Walter
Scott, voilà la conséquence rigoureuse de ses odieux principes,
mais il ne permet qu'aux Anglais d'en faire usage; et en même
tems qu'il révèle les griefs de la France contre l'Espagne, il
nomme l'entreprise de Napoléon « une trahison sans exemple
dans les annales de l'Europe. « Nous avons le droit de la flétrir
t. xxxvi. — Décembre 1 827. /, 1
6*a SCIENCES MORALES.
ainsi; Waller Scott ne l'a plus; il faut qu'il se taise, ainsi
que le cabinet dont il s'est fait l'apologiste; ceux qui, en
pleine paix, ont coulé bas les gallions espagnols, ceux qu1
ont biùlé Copenhague et les vaisseaux danois, ceux-là se
seraient emparés de l'Espagne et du Danemark, s'ils en eussent
eu le pouvoir.
Cet exemple , qui met dans tout leur jour les principes de
"Waller Scott, montre en même tems assez bien quelle est sa
manière habituelle de raisonner ; dès que les raisons lui man-
quent, il a recours aux comparaisons, et l'on voit avec quelle
admirable justesse il les applique. Il résulte de cette incroyable
argumentation que la morale des cabinets doit être souple et
variable comme les circonstances , et que la règle de leur con-
duite, dictée par le seul intérêt, est tout-à-fait indépen-
dante du droit. Si cette argumentation est exactef il n'y a
presque pas de crimes politiques qui ne puissent être commis
le front levé, et avec la justification en main; il faut franche-
ment mettre de côté tout sentiment du juste et de l'injuste,
discuter seulement l'utile, et l'on verra alors où l'on ira. Le
raisonnement de "Walter Scott est l'excuse universelle de tous
les crimes politiques commis on à commettre; car il n'en est
aucun, excepté ceux des tyrans imbécilles, qui n'ait pour prin-
cipe quelque raison d'utilité. Walter Scott le sait bien, mais
ici il l'oublie à dessein; il s'en souviendra tout à l'heure, lors-
qu'à l'occasion de Bonaparte qui justifiait Son despotisme par
la nécessité des circonstances, il dira: «Ces nécessités d'état
sont l'excuse ordinaire des tyrans qui cherchent aiusi à en
imposer à eux-mêmes et aux autres (i). »
Walter Scott a la bonté de pardonner au prince de Dane-
mark sa résistance contre les Anglais: « Cependant, dit-il, il
est impossible de blâmer un homme d'honneur et doué de sen-
tîmes élevés, pour avoir fait, dans ce cas, la meilleure défense
(i) Tom. vi, cluip. i\ ce chapitre suit immédiatement celui où
Walter Scotl justifie l'incendie de Copenhague,
SCIENCES MORALES. 64I
qui lui était possible - Il pousse k'oilbH de tOUte pudeur
jusque vanter V humanité de l'Angleterre dans l'immensité dei
préparatifs fnits pour cette expédition) lotit en avouant: qu'il y
aurait eu quelque chose d'ignominieux de la part dix prince
danois à livrer sa flotte sur la menace des Anglais.
Il v a dans tout cela un cynisme de mauvaise foi , une effron-
terie d'immoralité qui contriste le; lecteur. Et pour achever,
Walter Scott s'étonne que Bonaparte se soit plaint, dans le
Moniteur, d'une chose si naturelle, d'un événement si simple!
« La violation de la paix et du droit des gens, dit-il, fut sé-
rieusement Imputée à la Grande-Bretagne) comme un crime
irrémissible, par celui qui ne souffrit jamais que sa propre
parole ou la bonne foi ordinairement observée parmi les na-
tions fût un obstacle a ses désirs ou à ses intérêts. »
Voilà donc votre véritable pensée; vous êtes obligé, pour
vous justifier, d'invoquer l'exemple d'un homme qui a man-
qué à la foi des traités; mais comment osez-vous légitimer chez
vous ce que vous inculpez chez lui? D'ailleurs, qui ne com-
prend que, si de pareils principes n'ont rien d'étonnant de la part
d'un politique qui, sétant montré peu scrupuleux, ne prêche
visiblement que la morale qui lui est utile, ils sont odieux
dans un historien qui doit se tenir au-dessus de la morale des
intérêts, et se dépouiller du bandeau des passions? Dans de
telles questions, Napoléon était avocat de sa propre causé;
Walter Scott est juge du droit, et il se déclare scandaleuse-
ment prévaricateur, quand il les résout comme il fait ici. C'est
déshonorer la plume indépendante d'historien, et la ravaler au
niveau de celle des écrivains aux gages des cabinets.
Une autre violation du droit des gens, non moins odieuse
que l'incendie de Copenhague, fut commise envers l'Espagne;
c'est l'affaire des gallions que nous avons mentionnée tout à
l'heure. Ces vaisseaux chargés d'or venaient d'Amérique à
Cadix, avec la sécurité qu'inspire une paix profonde; tout à
coup ils sont attaques par une escadre anglaise, et après un
combat inégal, trois furent pris, le quatrième saula; «c'est un
accident qui doit causer beaucoup de regrets », dit froidement
6U SCIENCES MORALES.
Walter Scott, et la soûle raison qu'il donne de ce guet-apens
politique, c'est que l'Angleterre voulait faire cesser la neutra-
lité équivoque de l'Espagne. Deux lignes suffisent à l'historien
pour déclarer le motif d'un tel attentat; il parle avec le laco-
nisme de l'autorité, il semble qu'il n'y a rien à répondre, et
il ne daigne pas seulement examiner si le moyen le plus légal
et le plus juste de s'éclaircir des véritables intentions d'un
prince est de massacrer ses sujets, de piller ses trésors, et de
tomber en pleine paix sur un armement couvert par la foi des
traités, sans aucune démonstration hostile préalable, et comme
auraient pu le faire des brigands de Maroc ou d'Alger.
« Cependant, user de violence sans avoir auparavant énoncé
ses °riefs , cela est contraire à toutes les idées de la loi qui
régit les nations, laquelle décide que nulle agression ne peut
constituer une cause légitime de guerre, jusqu'à ce que la
réparation ait été refusée. » Et cette autoiité il faut espérer
que WaJter Scott ne la récusera point; c'est lui-même qui a
prononcé cet arrêt (t. vin, p. l\'$'±). Il est vrai que là c'est
contre Napoléon que le principe est invoqué.
Après de tels exemples de mauvaise foi politique, on ne
sera pas surpris de voir l'historien qui s'est constitué l'avocat
de tous les excès, de toutes les passions au cabinet de son
pays, justifier pleinement l'ambition anglaise, en même tems
qu'il charge celle de la France des plus violentes accusations,.
A l'occasion de la bataille navale d'Aboukir, Walter Scott
dit en propres termes : « Nous approchons de l'une des vic-
toires les plus brillantes de la marine anglaise, victoire rem-
portée par l'amiral dont les exploits garantirent si incontesta-
blement le droit de la Grande-Bretagne à la souveraineté de
l'Océan » ( the riglit of Biitain to the dominion of tlic Océan ,
t. iv, p. 81.) Ainsi, voilà bien la prétention la plus insolente
qu'on puisse imaginer, déclarée sans aucun détour; l'avidité
de conquêtes tant reprochée à Napoléon n'avait rien de plus
insultant pour les peuples; la lutte de Napoléon et de l'Angle-
terre pour l'empire du continent, d'une part, et de la mer, de
l'autre, était donc également coupable, également hostile contre
SCIENCES MORALES G/,5
les droits des nations et les intérêts ite l'humanité; In seule
différence qui existail entre les deux cabinets bolligérans ne
pouvait donc résulter que de, l'agression; et souvent il faut
l'imputer à r Angleterre.
Walter Scott explique en détail ailleurs, et à l'occasion du
système continental , tout le système maritime. "De son côté,
dit-il, le matin saisit les vaisseaux marchands et leur can/ai-
son par ce même dirait du plus foi t, en vertu duquel le vainqueur
sur le continent a pris des châteaux, des provinces, et peut-
être même le port auquel ces vaisseaux appartiennent. Si le
conquérant maritime n'avait pas le droit d'agir ainsi , il ne ga-
gnerait à sa supériorité que des coups, lorsqu'il rencontrerait
des forces imposantes , et serait entièrement privé du butin,
récompense delà victoire. Les citoyens innocens et désarmés,
peut-être même les neutres, étrangers à la lutte, souffrent
dan s les deux cas ; mais l'état de guerre est ordinairement un
état de violence, et malheureusement ses désastres ne peuvent
se borner à ceux qui sont actuellement en hostilité... Par ce
système, l'Angleterre n'obtint pas sur mer des avantages plus
considérables que Bonaparte n'en obtenait sur le conti-
nent. »
Ainsi les conséquences de la conquête sont légitimes, quand
c'est une puissance maritime qui en profite; ainsi ces avan-
tages immenses, si amèrement reprochés par vous à Bona-
parte, vous confessez que vous en avez obtenu de pareils, et
vous en faites gloire; ainsi vous osez invoquer le droit du plus
fort , et vous l'invoquez même contre les neutres, vous qui
avez si souvent , et avec raison , dans le cours de votre his-
toire, jeté des cris d'indignation contre la violation des neu-
tralités! Cessez donc de vous ériger en champion des droits de
l'humanité et des libertés du monde; quittez ce rang élevé du
publiciste qui tient la balance entre les ambitions des princes et
les passions des peuples; vous n'êtes que l'avocat "d'un cabinet
qui fut long-toms sans foi comme sans modération; vous ne
tromperez personne, tous les lecteurs vous ont apprécié ; et, si
Quelque chose pouvait justifier le système envahisseur de INa-
646 SCIENCES MORALES.
poléon, c'est la manière dont vous défende* celai de son plus
redoutable ennemi.
Mais il arrive quelquefois que Walter Scott n'a pas même
ane apparence de raison à invoquer les excès de Napoléon
pour justifier ceux du cabinet anglais. Ainsi, lorsqu'après la
bataille de Marengo , le vainqueur eut donné de grandes
marques de modération, en accordant à l'Autriche « des con-
ditions beaucoup plus favorables qu'elle n'était en droit de
l'espérer», il fit proposera l'Angleterre de suspendre par un
armistice sur mer les avantages que lui donnait sa supériorité
maritime, de même que le premier consul interrompit, sur
terre, le cours de ses conquêtes, L'Angleterre refusa, et Walter
Scott trouve de très-bonnes raisons pour applaudir à ce refus.
Au reste, cette ambition de régner en despote sur la mer et
de n'y laisser de liberté à personne , l'Angleterre ne s'en est
jamais départie durant sa lutte avec [Napoléon; et lorsque ce-
lui-ci fut abattu, lorsque le conquérant consentait à perdre
toutes ses conquêtes, et stipulait seulement que la France serait
admise à la liberté du commerce et de la navigation, cette clause
lit évanouir tout espoir de paix. « Car, dit Walter Scott , elle
impliquait opposition au droit maritime, tel que l'Angleterre
l'exerçait. » (t. vin, p. io3.) Preuve, entre mille, que ce droit
prétendu que s'arrogeait la Grande-Bretagne était exclusif de
tout droit et de toute liberté pour les autres peuples.
Voilà plusieurs points historiques d'une grande importance
sur lesquels l'auteur manque visiblement de conscience aussi
bien que de logique. Signalons encore, en feuilletant rapide-
ment son livre, quelques-unes des innombrables preuves de
l'injustice avec laquelle il impute à la France les excès dont
l'Angleterre s'est rendue coupable; de son obstination à excu-
ser dans son propre pays ce qu'il blâme chez les autres; de son
penchant à ridiculiser ce qui n'est pas conforme aux idées an-
glaises; enfin de sa partialité pour tout ce qui touche à l'An-
gleterre, partialité qui se manifeste jusque dans les moindres
choses.
On sait que la paix d'Amiens fut rompue par les Anglais;
SCIENCES MORALES. r,.r
vile eût continue, dit Walter SCOtt, ■ bi Jinuapuilc «ut voulu
la maintenir. » (T. v, ch. i,p.)
Notre historien a la mémoire courte; il oublie que, dans lo
dernier chapitre du volume précédent, il avait, avoué que la
poiX n'avait été laite pair les Anglais quV> contre CCBttt {umviUin-
,;'/>'', par manière; à* expérience t et qu'elle devait être considérée
comme aussi précaire qu'une trévè armée. Son argumentation à
06 sujet trahit l'embarras où il est de justifier cette rupture;
elle prouve que la paix avait été- faite dans l'intention de
la violer en tems opportun , et (pie l'Angleterre s'était pré-
parée de longue main à cette violation. Sans refuser formelle-
ment d'accomplir les conditions, elle ne montrait aucune
promptitude à les exécuter, et elle s'obstinait à garder 1rs prin-
cipales possessions qui n'étaient lestées dans ses mains que
sous la condition expresse dé les restituer. «Devant un tribunal
ordinaire, dit Walter Scott, l'Angleterre eût été obligée de
remplir ses engagemens; devant une cour d'équité, elle
avait de bonnes raisons pour s'y soustraire , dans son intérêt
comme dans ce/aide l'Europe.» (T. v, ch. a.) Dans son intérêt,
cela est vrai; car l'une des conditions était la restitution aux
Hollandais du cap de Bonne-Espérance, et Walter Scott dit
ailleurs (t. vi , ch. ier) : « Cette possession est d'une si grande
importance pour notre commerce dans l'Inde, que nous espé-
rons bien ne jamais la rendre à X ennemi (1). » Mais l'intérêt
de l'Europe n'est pas plus facile à apercevoir ici que cette
équité qui autorise les Anglais à manquer aux conditions for-
melles d'un traité. Malte est une autre possession qu'ils ont
gardée au même titre. Qu'un cabinet se souille de pareils man-
quemens de foi, cela s'est vu trop souvent pour qu'on s'en
étonne; mais qu'un historien s'en déclare ouvertement le pa-
négyriste, c'est une honte dans laquelle notre auteur a peu de
rivaux.
(r) L'expression est remarquable; il ne s'agit pas (11- la France dans
celte phrase, m-ais tout ce qui n'est pas Anglais est ennemi, au* yeux de
Walter Scott.
648 SCIENCES MORALES.
Colle époque de la lutte entre Napoléon et le cabinet an-
glais est digne d'une grande attention; car In politique anglaise
s'y montre plus qu'ailleurs peut-être sous son véritable jour,
et le récit de l'historien y dévoile aussi plus ouvertement son
peu de bonne foi. Aussi est-ce un chnpiîre bien important,
sous ce double rapport, que celui où Waltcr Scott expose les
conférences de Napoléon et de lord Withworth, et les cir-
constances de la rupture de la paix d'Amiens. Nous devons nous
y arrêter encore un instant.
« Le résultat de ces conférences, dit l'auteur (t. v, ch. i).
décida du destin de Bonaparte et de celui du monde. « Quoi-
qu'on général Walter Scott ait en politique une vue bien courte
et sans aucune portée, il est impossible qu'il n'ait pas compris
que ces conférences n'ont réellement rien décidé, et que,
long-tems avant, la guerre était résolue de la part de l'Angle-
terre. C'est là un fait si notoire, que la discussion à laquelle il
a l'air de se livrer sérieusement devient tout-à-fait ridicule; il
»e peut espérer de faire prendre le change à personne. C'est
seulement une occasion pour lui de déclarer que, dans sa lutte
avec la France, l'Angleterre n'a jamais voulu que le bonheur et
Y indépendance dos peuples ; Walter Scott sons entend et le mo-
nopole du commerce. Les griefs contre la France étaient si frivoles
que les, ministres anglais n'osèrent les articuler; ils mirenten
avant des prétextes, et des prétextes faux (simulaled grounds);
l'historien est forcé ^de l'avouer. Nous avons dit que l'une des
raisons véritables du refus que faisaient les Anglais d'exécuter
le traité, c'est qu'ils voulaient garder Malte qu'ils s'étaient
formellement engagés à restituer. « La conservation de cette
forteresse par les Anglais, dit Walter Scott, n'avait rien qui
dût alarmer la France... tandis que dans les mains d'une puis-
sance neutre elle était un sujet d'inquiétude réelle pour l'An-
gleterre, qui regardait Malte comme un premier pas vers une
nouvelle conquête d'Egypte.» Mais cette raison existait, lors-
que l'Angleterre s'était obligée à restituer Malte; elle s'enga-
geait donc uniquement pour gagner du tems, et avec la ré-
solution tacite de violer son engagement L'Angleterre ne
SCIENCES MOilALKN. 640
craignait plus, en 18 1 '», une nouvelle conquête d'Egypte par
la France 5 ci cependant elle a gardé Malte. C'est qu'en 181/, ,
comme en 1 8o3, l'Angleterre était avide , ambitieuse, et voulait,
à tout prix étendre mu- la Méditerranée l'empire qu'elle atfcc-
tait sur l'Océan. Dire que la possession de Malte par les An-
glais était une garantie nécessaire contre une nouvelle conquête
de l'Egypte, lorsque la France n'avait pas un vaisseau, et que
l'armée anglaise possédait Alexandrie , ce sont là de ces choses
qu'on mal dans des notes diplomatiques, mais qu'un historien
n'écrit pas quand il se respecte ci quand il espère cire lu par
des hommes de sens. Dans toute celte discussion, la mauvaise
foi de l'historien est insigne, comme était celle du cabinet qu'il
défend. Les raisons de la rupture de la paix étaient la perfidie
du cabinet qui l'avait souscrite , et le projet médité de s'empa-
rer, sans déclaration préalable et sans coup férir, de nos expé-
ditions maritimes et de nos établissement coloniaux mal prépa-
rés à une attaque. Waltcr Scott, qui ne peut prouver que la
France eût des raisons pour rompre la paix, et qui n'ose articu-
ler hautement celles de l'Angleterre, dit qu'il n'y avait pas de
cause de guerre bien déterminée ( no spécial or determinale
cause of quarrel) , et il est ici en contradiction» avec les faits et
avec son propre récit; mais je ne sais par quelle distraction
il avoue le coup-de-main sur les établissemens qu'on venait de
rendre à la France, ainsi que sur ceux qu'on ne lui avait pas
encore pris ; et de peur que nous ne nous trompions sur le sens
de la pensée et de l'acte de la politique anglaise, il écrit en
français le mot coup-dc-main. ( T. v , chap. t\ ).
Tout acte de mauvaise foi qui peut profiter à l'Angleterre
est sûr de trouver dans cette histoire une mention favorable.
Ainsi , la Russie prend- elle ses mesures pour éluder les eoga-
gemens qu'elle a contractés, et pour trahir sous main la foi des
traités, Walter Scott admire l'adresse remarquable avec laquelle
était rédigé l'ukase du 3i décembre 1810, qui favorisait réelle-
ment l'importation des marchandises anglaises, tandis que les
termes scmblaie/tt en confirmer l'exclusion.
On sail que, pendant la campagne de Russie» le corps au
65o SCIENCES MORALES.
trichien commandé par Schwarzenberg ne donna point à l'ar-
mée française l'assistance qu'il lui devait, aux termes des
conventions; mais la conduite qu'il tint, après les desastres de
Moscou, fut une véritable trahison, puisque l'alliance offen-
sive et défensive entre l'Autriche et la France existait encore.
Walter Scott n'y voit qu'une preuve de l'humanité du général
autrichien qui se hâta de conclure avec la Russie un armistice
dont les conditions portaient qu'ils feraient toujours mine de
se battre, mais qu'ils ne se bâtiraient pas en effet, et se con-
tenteraient de manœuvrer comme à une partie d'échecs. Malgré
l'approbation que donne l'historien à cette violation d'un acte
entre souverains, le mot de défection lui échappe un peu plus
loin à lui-même.
Une autre défection plus éclatante, mais qui du moins ne fut
pas souillée d'hypocrisie, ce fut celle du général prussien York;
malgré les traités qui unissaient encore la Prusse à la France,
Walter Scoit décide que cette violation d'alliance fut hono-
rable, quoique ce général se fût écarté de la lettre des ordres
de son roi (t. vu, p. /|38); et nous notons cette expression
comme un des nombreux exemples de cette supercherie de
mots par laquelle Walter Scott veut nous faire prendre le
change sur les choses; il appelle s' écarter de la lettre d'un ordre
agir d'une manière diamétralement opposée à cet ordre.
Mais l'immoralité politique de Walter Scott est telle qu'il se
montre encore tout disposé à faire bon marché des principes ,
même quand l'Angleterre n'a rien à y gagner; ainsi il excuse
de son mieux l'empereur Alexandre d'avoir reçu, en 1807, la
province de Bialystock des mains de Napoléon, et de s'être
enrichi des dépouilles de son allié malheureux (t. v, p. /}3o).
Il est vrai que Walter Scott voit le moment où Alexandre va
devenir l'ami de l'Angleterre; long-tems auparavant , il n'avait
pas montré la même indulgence pour l'empereur d'Autriche ,
lorsqu'au sujet de Venise et à l'occasion du traité de Campo-
Formio il disait : «Telle est la reconnaissance des nations,
telle est la bonne foi des politiques, que l'Autriche parait n'avoir
conçu aucun scrupule de profiler des dépouilles d'un allié qui
SCIENCES MORALES. 65i
avait reçu, pour la défense de sa cause, une mortelle bles-
sure. » (T. m , p. 37/1. )
\\ aller Scott traite avec beaucoup de mépris Paul , empereur
de Russie, parce qu'il s'était déclaré ami chaud de la France,
et était entré dans la ligue dont le but était de garantir la
liberté des mers, et de refuser à l'Angleterre le droit de visite
qu'elle s'arrogeait, droit de brigand, qui consiste, selon la
propre définition de Walter Scott, « à arrêter les vaisseaux
neutres ou amis, et à leur enlever toute propriété appartenant à
l'ennemi, y Les publicistes dignes de quelque estime ont tou-
jours borné ce droit à la saisie de la contrebande de guerre.
Ils comprenaient bien que le système soutenu aujourd'hui
par Walter Scott est une véritable piraterie. Une fois que ce
principe serait reconnu, toute puissance aurait droit d'aller
chez son voisin , en pleine paix, prendre ce qui appartiendrait
aux sujets d'une tierce puissance avec laquelle la première
serait en guerre; car il tombe sous le sens qu'un pareil droit
ne peut pas être un privilège maritime ; un vaisseau neutre est
1111 pays neutre. C'est ce qu'avait bien compris Napoléon ,
lorsqu'il enlevait et détruisait 1-es marchandises anglaises par-
tout où il avait accès. C'était un attentat politique contre lequel
Walter Scott se déchaîne violemment, ce qui n'empêche pas
que la conduite de Napoléon ne fût qu'une imitation rigoureu-
sement exacte de celle du cabinet britannique.
Si un traité pour le retour de l'armée française d'Egypte est
conclu et violé parles Anglais, l'historien donne cette explica-
tion sans le moindre signe de reproche. «■ Le prétexte fut que le
plénipotentiaire anglais avait dépassé ses pouvoirs; les vrais
motifs étaient les succès récens de Suwarow et la crainte des
soldats de Kléber. » 11 est difficile de fournir une preuve plus
naïve de duplicité.
L'occupation du Hanovre par les troupes françaises est un
grand sujet de colère pour Walter Scott; cet opiniâtre adver-
saire du droit des neutres, quand l'Angleterre trouve commode
de le violer, invoque hautement la neutralité en faveur d'une
possession du roi d'Angleterre, au moment où ce roi fait à la
Franoe une guerre à mort ! Il invoque le vieux droit germa-
65l SCIENCES MORALES.
nique qui présentait une fiction favorable à la Grande-Bretagne ,
en ne considérant le roi d'Angleterre, électeur de Hanovre,
que comme un prince allemand. Notre auteur se serait bien
moqué d'une telle fiction, si l'on se fut avisé d'en faire un argu-
ment contre le cabinet britannique.
Walter Scott reproche à Napoléon d'avoir manqué de respect
pour les droits des gouvernemens et pour l'ordre social établi?
en cherchant à tirer avantage des dissensions civiles qui agi-
taient les nations avec lesquelles il était en guerre, et en ap-
puyant ou excitant chez elles des insurrections (T. vi , p. 364
et 366. ) C'est là un crime pour Bonaparte; pour l'Angle-
terre, ce n'est plus que de la politique naturelle [ncitural policj;
t. v, p. io5). «La paix d'Amiens étant rompue, dit Walter
Scott, le gouvernement britannique, se conformant aux prin-
cipes d'une politique naturelle, résolut de se prévaloir de la
situation de l'esprit public en France , pour exciter les parti-
sans de la royauté à une nouvelle attaque contre le gouverne-
ment consulaire. » Et un peu plus bas, p. 2/j3 , à l'occasion des
intrigues fie Drake, ce résident anglais à Stuttgart, impliqué
dans la conspiration de Georges, Walter Scott écrit : « Il faisait
tous ses efforts pour tramer une insurrection de royalistes ou
d'antres ennemis de Bonaparte, et en cela il agissait confor-
mément à ce qui se pratique entre puissances belligérantes, qui
cherchent toujours à se ménager des intelligences avec les
mécontens du pays ennemi. » On voit que, dans le livre de
Walter Scott, les choses ont toujours un nom différent et une
double appréciation, selon qu'elles se rapportent à U nation
anglaise , ou aux nations ennemies. Malheureusement, il s'a-
gissait ici d'assassinat, et Walter Scott défend assez mal l'en-
voyé à Stuttgart, aussi bien que l'envoyé à Munich (Spencer
Smith) qui se trouvait mêlé dans ces odieuses intrigues; lhisto -
rien anglais n'y voit de leur part que de l'imprudence. « Le tort
de M. Drake, dit-il, fut de se confier trop légèrement à son
correspondant;» c'est-à-dire que, si ce correspondant qui
était un espion, eût été véritablement un agent de la conspiration
ourdie pour assassiner Bonaparte, M. l'envoyé anglais eût été en
règle. Le chancelier de l'échiquier nia, comme ou le pense bien,
m 1; yCES MORALES,
la u te participation aux projeta d'assassinat, et dit, à cette occasion,
(l.uis une séauce (!<■ la chambre des < ommun^s : « J'affirme que
nous n'avons autorisé personne à tenir nue conduite contraire
à l'honneur de ce pays cl anx principes de l'humanité. »
Walter, Scott donne sérieusement cette déclaration officielle
d'un ministre en parlement pour une preuve sans réplique!
Comme si, es supposant le fait véritable , le ministre an-
glais pouvait faire autre chose que de le nier. On voit avec
quelle sévérité Walter Scott choisit ses preuves historiques.
(l'historien est ici bien maladroit | car, en avouant que
Drake pouvait légitimement se mêler de ces complots, il ne met
pas en doute le résultat sanglant qu'ils devaient avoir. « Georges
était résolu, dit-il, à commencer l'entreprise par l'assassinat
de; Bonaparte; et, l'on ne peut douter que Pichegru n'eût con-
naissance de ce dessein, plus digne cependant d'un féroce
chef de chouans que du conquérant de la Hollande. »
Certainement, le projet de Georges ne pouvait élre un mys-
tère pour ceux qui participaient à l'exécution; aussi, Walter
Scott blesse des intérêts bien autrement respectables que ceux
de M. Drake, lorsqu'il dit, à six ligues de distance de la phrase
que nous venons de citer: «Les princes français attendaient
sur la frontière l'effet de ces bouleversemens intérieurs, »p. 107;
et, p. 114 : «Nous avons remarqué que la résidence du duc
d'Enghien sur la frontière de France était, jusqu'à un certain
point, liée avec l'entreprise de Pichegru. » Walter Scott ajoute
cependant que le prince n'a participé en rien à ce qui pouvait
avoir trait à l'assassinat de Bonaparte.
La violation de la neutralité suisse par le Directoire de la
république est justement reprochée à la France dans cette his-
toire, quoiqu'il fût de notoriété publique que les ennemis du
I gouvernement français, et les trames qu'ils voulaient ourdir,
1 étaient protégés dans quelques-uns des cantons (t. iv, ch. 5);
1 mais Walter .Scott a perdu toute sa morale et toute sa sévérité,
lorsque, en i8i3, ce sont les ennemis de la France qui violent
cette même neutralité, et il n'est occupé qu'à chercher des rai*
sons de justifier celle violation. La plus spécieuse qu'il apporte,
654 SCIENCES MORALES.
c'est que Napoléon aussi avait viole des neutralités; pitoyable
raisonnement qui peut servir à légitimer l'injustice jusqu'à la fin
du monde; car, depuis qu'il existe, quelque action injuste a pu
fournir des autorités pareilles. Une autre raison, beaucoup plus
commode encore, sans contredit, c'est V extrême facilité d'entrer
en France par cette frontière ; cela suffit, dit l'historien, pour
engager les Autrichiens et les Prussiens à mettre de côté leurs
scrupules. (T. vin, p. 40.)
Après tout ce que nous venons de dire, on ne doit pas s'é-
tonner que Castîereagh reçoive de grands éloges dans celte his-
toire; ce ministre dont les doctrines et la conduite sont dou-
ble ment inculpées et par sa propre administration , et par
l'administration de son successeur; ce ministre dont la fin
tragique n'annonce d'ailleurs ni une tête bien sensée , ni une
conscience bien tranquille, est un grand homme d'état aux yeux
de Walter Scott , qui ne manque jamais une occasion de faire
l'éloge de son caractère et de ses principes.
Castîereagh était l'âme de la coalition qui a renversé Bona-
parte , parce qu'il tenait la clef du trésor où elle puisait ses
ressources. Dirigée par le ministre anglais, cette coalition s'est
montrée aussi ambitieuse, aussi avide qu'elle l'a osé; et elle n'a
rien à reprocher à Napoléon. Comparons les deux ennemis :
on voit d'abord Napoléon victorieux offrir constamment la paix
à des conditions assez dures pour les autres et fort belles pour
lui; mais, après les grands désastres de la France, les rôles
changent; ce sont les alliés qui offrent la paix et à des conditions
plus dures encore; et, chose singulière, dans l'un et l'autre cas,
ceux qui faisaient des offres ne se souciaient guère qu'on les
acceptât; et les alliés, non moins que Napoléon, devenaient
exi,Teans et déraisonnables par la victoire. L'intérêt de Bona-
parte était sa politique , sa morale et sa loi, on ne saurait trop
le répéter; mais il ne faut pas taire non plus le profond égoïsme
que montra alors le cabinet anglais. Cet égoïsme n'était-il pas
depuis long-tems passé en proverbe parmi les nations? C'était
un axiome dont la vérité n'était plus contestée qu'à Londres;
et les membres de l'alliance prirent l'exemple du chef. Cepen-
SCIENCES MORALES 558
dant toutes les déclamations <le W'alter Scott sont dirigeai
CODtrti nous seuls. Oui, nous avons été terribles: oui, nous
vous avons humiliés ; oui, nous avons tenu l'Europe à nos pieds;
niais, quand l'Europe relevée nous envahit à son tour, quand
elle rançonne la France, avouez donc que vous vous êtes ven-
des, et ne vantez pis votre magnanimité , quand vous nous
avez accablés. Lorsqu'on lit de pareils ouvrages , on se sent
s;iisi de tristesse en contemplant le sort des peuples, misérables
jouets dans des mains égoïstes et ambitieuses, victimes con-
sentes de l'avidité et de l'orgueil des cabinets.
Nous avons trop d'expérience des hommes pour nous éton-
ner que l'Angleterre ait largement profité des triomphes delà
coalition, et qu'elle ait gardé tout ce qui était à sa convenance
dans les dépouilles des nations, le cap de Bonne-Espérance et
l'Ile de Fiance sur la route des Indes, Malte et les sept îles
dans la Méditerranée, etc. Mais, de qui nous étonne, c'est un
historien qui, en racontant ce partage du lion , vante la géné-
rosité de la puissance qui garde pour elle la plus belle part; un
historien qui dit sèchement: Tout fut rendu à la France, ex-
cepté Tabago et Vile Maurice', c'est-à-dire, excepté ce qui va-
lait quelque chose; et notez bien que les Anglais n'ont gardé
Maurice que pour nous nuire, car c'est pour eux une posses-
sion sans utilité directe. «Il n'était pas au pouvoir de l'Europe
unie, dit "YValter Scott, d'ôter à l'Angleterre une seule des
conquêtes qu'elle avait faites; toute la question se réduisait
donc à savoir ce que l'Angleterre consentirait à céder volontai-
rement. » (T. vin, p. 322 ). Ainsi, pour l'Angleterre, le droit
de conquête est légitime ; il dépend d'elle de rendre ou de gar-
der les fruits de l'occupation militaire. Vingt pages plus loin ,
lorsqu'il s'agit de la France, l'historien parle une autre langue;
les fruits de la conquête, c'est de V usurpation militaire. « Le
moindre goujat de l'armée, dit- il à l'occasion des malheurs
éprouvés par la France en 181 4 , affectait de ressentir sa part
du désastre national , pour la perte de provinces sur lesquelles
la France n'avait d'autre droit que l'usurpation militaire. »
( p. 344 )• Et quel autre droit avez-vous sur Malte , sur le Cap,
6j(» sciences morales.
sur l'Ile de France et sur tant d'autres produits de la conquête?
Toujours deux poids et deux mesures ! toujours deux con-
sciences !
Si, au lieu d'un article, nous faisions un livre, nous aurions
à développer bien d'autres considérations qui achèveraient de
prouver que notre historien a, lorsqu'il est nécessaire, une mo-
rale fort commode; elles ne nous manqueraient pas non plus
pour établir qu'il a souvent la vue très courte. Ainsi, comme
nous l'avons déjà dit, la vie de Napoléon n'a été qu'une lutte
contre l'Angleterre, lutte reproduite sous mille formes, et qui,
commencée à Toulon, n'a fini que sur le rocher de Sainte-Hélène.
Le génie de cet homme extraordinaire s'était proposé l'abaisse-
ment de l'Angleterre non moins que l'élévation de la France; et
le système continental était l'un des principaux moyens qu'il met-
tait en usage pour arriver à ce but ; c'est un fait notoire dont per-
sonne ne conteste la certitude. Eh bien ! Walter Scott a quelque
peine à le deviner; il n'en parle que sous la forme du doute, et
quelquefois il ne le soupçonne même pas. Ainsi, à l'occasion de
la paix de Tilsilt, Walter Scott dit : « Il semble que le principal
objet de Bonaparte fût de donner de nouvelles forces à ce qu'il
appelait son système continental , pour parvenir à détruire en-
fin le reste des communications précaires que l'Angleterre en-
tretenait encore avec les nations du continent , par son com-
merce extérieur. » Il semble ! lorsqu'il s'agit d'un fait si positif,
si avéré, et d'une importance telle qu'on peut le considérer
comme le fondement de toute la politique de Napoléon , comme
le mobile principal de toutes ses conquêtes! Cette clarté dou-
teuse qui éclaire encore l'historien va même s'éteindre tout-à-
fait, lorsqu'à l'occasion de la guerre de Russie il s'étonne que
Napoléon n'ait pas simpliQé ses opérations en cédant à l'Au-
triche les provinces illyriennes en échange de la Galicie. Il at-
tribue cette obstination, qu'il blâme, à la ténacité qui empêchait
Bonaparte de jamais rien abandonner de ce qu'il avait une fois
possédé. Mais les provinces illyriennes avaient des côtes ; et par
cette cession, Napoléon se mettait directement en contradic-
tion avec lui-même; il ouvrait des ports à l'Angleterre, tandis
SCIENCES MORALES. Bfy
qu'il n'entreprenait In guerre de Russie que pour lui en fermer.
Walter Scott n'a p:»s I air de s'en douter» et c'est avec la même
ignorance <>u la même distraction , qn il prétend que , dans les
négociations préliminaires qui curent lieu entre la France et
la Russie «. les causes originaires de la querelle étaient uYjà ar-
rangées » ( T. vu', p. ao'5). Ces causes, que 1 historien ne veut
pas voir, c'était la violation des conventions précédentes au
sujet tlu commercé anglais; et les deux puissances étaient loin
de s'entendre sur ce point. Or, cette erreur de Walter. Scott est
d'autant plus étrange que tout à l'heure il va rapporter un en-
tretien de Napoléon et de "abbé de Pradt où il transcrit ces
propres paroles de l'empereur : « Si la Russie n'y était comprise,
le système continental ne serait qu'une pure extravagance. »
( p. a» i )'.
C'est faute d'avoir compris cette grande affaire de la vie de
Napoléon , que Walter Scott lui reproche l'instabilité de sa po-
litique ; f< fondée sur les circonstances du moment, dit - il , et
non sur un principe. » ( T. vi , p. 378 ). Ce principe constant,
invariable, qui a toujours guidé Napoléon et que Walter Scott
ne voit pas , nous l'avons dit, tout le monde l'a connu.
L'erreur de Walter Scott sur ce fait capital explique bien
d'an 1res erreurs de moindre importance. Nous l'avions déjà
remarqué dans !e précis sur la révolution , et l'histoire de Na-
poléon nous en fournit une preuve nouvelle : la rectitude de
jugement manque à l'historien aussi bien que la droiture de
conscience.
Nous aurions pu faire de nos articles sur ce livre un plai-
doyer pour la nation française, et pour quelques particuliers
assez cruellement blessés dans le plaidoyer de Walter Scott
pour le cabinet anglais; nous avons dédaigné toute récrimina-
tion contre une partialité nationale qui nous a paru souvent
aveugle; c'est seulement en faveur des principes que nous
avons pris la plume; et malheureusement pour Walter Scott
il n'a fourni qu'une tache trop laborieuse à ceux qui voudront
entreprendre de les venger.
M. AvrvF.r.
t. nxxvt. — Drccmbrc 189.7. f%l
LITTERATURE.
Les Amours mythologiques , traduits des Métamor-
phoses d'Ovide , par de Pongerville. Troisième
édition y revue, corrigée et considérablement aug-
mentée (i).
La mythologie est usée, nous dit-on chaque jour. Je le crois.
Mais d'où vient que, lorsqu'un homme de talent reproduit dans
une version lieureuse les beautés poétiques dont elle fut si
féconde sous la plume des anciens, son ouvrage obtient aussitôt
un succès populaire? D'où vient qu'il efface à l'instant, non-
seulement dans l'opinion des gens de goût, mais dans celle du
public pris en masse, la plupart des compositions fondées sur
les croyances contemporaines? N'en faut-il pas conclure qu'il y
a dans le merveilleux mythologique un charme auprès duquel
tout autre merveilleux semble triste et monotone? .Sans doute,
celui qui voudrait aujourd'hui, dans ses propres inspirations,
adopter les croyances du paganisme, ne pourrait se promettre
aucun succès. Il faut que le poëte ait foi aux divinités qu'il
invoque. Il faut que ces divinités puissent raisonnablement
prendre part aux faits qu'il raconte; et la déesse d'Idalie,
cherchant à subjuguer un héros protestant qui se fait catho-
lique au dénoûment du poëme, est la plus froide de toutes le$
fictions. Mais ces moîifs, qui semblent devoir exclure à jamais
les divinités de la fable de nos compositions originales, n'exis-
tent pas pour le traducteur. Tel est le bonheur de sa position
que les riantes superstitions de l'antiquité sont pour lui encore
(i)Paris, 1828; Dondey-Dupré. 1 vol. in-18, papier vélin , de
vij et 2 3o pages ; prix, 4 fr« 5o c. , avec vignettes et gravure. — Voy.
le compte que nous avons rendu des deux premières éditions , liée.
Enc. , t. xxxii , p. 778 et t. xxxiii , p. 248.
LITTÉAATURft
vivantes; et, taudis que roi autres portes, luttant péniblement
(•outre les ineon\ éniens «l'une croyance rigide et tout empreinte
<le spiritualisme, n'ont pour animer leilfi paysages (pie la \ [erge
du rocher et l'ange (le la solitude, il voit la nature encore
peuplée des dieux, passionnés de l'Olympe et du Ménale;il a
encore pour patron. Apollon et les Muses.
Telles sont, en partie, les causes du succès éclatant qu'ob-
tinrent dès leur apparition les Amours mythologique? % et M. de
PoUgerville le reconnaît lui-même dans sa préface, qu'il ter-
mine par cette remarque : « Les siècles ont changé ou modifié
toutes les croyances; la mythologie est encore la religion des
arts. » Reconnaissons, à notre tour, qu'une mine si épuisée ne
peut plus être exploitée avec succès que par un grand talent;
et pour réussir en traduisant Ovide, il ne fallait pas seulement
reproduire avec élégance les beautés de cet ingénieux écrivain,
il fallait encore laisser loin derrière soi la version estimable
qu'en a faite Desaintange. A la vérité, Desaintange n'était pas
un grand poète. Les tableaux les plus animés ont peine à
échauffer sa verve; les pins brillantes descriptions l'excitent
rarement à donner de l'éclat à son coloris; aucun mot, aucun
tour ne paraît trop prosaïque à sa perfide fidélité. Mais, à
force de travail et d'exactitude, il réussit assez bien dans les
passages qui exigent moins de luxe poétique, tels que les ré-
flexions de l'auteur et les discours des personnages. Or, dans
ces passages même, il est bien rare que M. de Pongerville ne
lui soit pas très-supérieur.
Nos lecteurs voudraient sans doute voir comparer ici les
deux traductions. Limités par l'espace, nous ne pouvons leur
en offrir que quelques morceaux fort courts. Ils suffiront,
j'espère, pour confirmer le jugement que nous venons de
porter. Voici la course d'Atalante et d'Hippomène, d'après
Desaintange ; c'est Vénus qui en fait le récit :
Mais la trompette sonne : ils partent , et leurs pas
Effleurent la carrière, et ne la touchent pas.
Leurs pieds sans se mouiller auraient couru sur l'onde.
Ils auraient, sans courher leur chevelure hlonde,
kl.
66o LITTÉRATURE.
Glissé sur les épis, ou sur la gerbe en fleur.
Hippomène a pour lui la publique faveur.
On lui crie : Avancez, qu'un beau feu vous enflamme.
Courage! vous vaincrez. Dans le fond de son âme
Peut-être autant que lui désirant son succès ,
Atalante du peuple approuve les souhaits.
Que de fois trop légère elle hésite et s'arrête !
Que de fois pour le voir elle tourne la tête !
Hippomène, déjà de fatigue accablé,
Commence à perdre haleine et, de crainte troublé,
Se voit bien loin encor du terme de la lice.
En ce pressant danger, il use d'artifice ,
Et lance dans l'arène une des pommes d'or.
Atalante s'étonne, admire ce trésor,
S'arrête , se détourne, et saisit l'or qui roule.
Il la laisse en arrière, et tout le cirque en foule,
En poussant mille cris, l'anime et l'applaudit.
Mais, regagnant bientôt le tems qu'elle perdit ,
La nymphe aux pieds légers prend sa course et le passe.
Il jette un second fruit; elle y court, le ramasse,
Revole et le devance. On approchait du but.
Toi qui m'as fait ces dons , Vénus , sois mon salut ,
Dit-il, et bien loin d'elle, à travers la carrière ,
11 roule obliquement une pomme dernière.
Atalante incertaine hésite à la saisir.
Je vois son embarras; j'excite son désir;
Et je rends dans ses mains la pomme plus pesante.
Le poids et le détour, tout refarde Atalante ,
Et, couronné par moi du myrte le plus doux ,
Hippomène triomphe et devient son époux.
Écoutons maintenant M. de Pongerville:
Mais déjà dans les airs sonne l'airain fatal.
Atalante, Hippomène, attentifs au signal ,
Volent... D'un pas léger ils effleurent l'arène.
Ils pourraient d'un pied sec des mers franchir la plaine
Ou, des jeunes moissons rasant les verts tapis ,
Courir sans les courber sur leurs mouvans épis.
La foule émerveillée encourage Hippomène :
• Poursuis; presse tes pas; ta victoire est certaine. »
LITTÉRATURE. 66 i
Du public intérêt peut-être CU 06 moment
Atalante est flattée , autant que son amant
Que de lois, redoutant un triomphe perfide,
Elle vont modeler son essor trop rapide!
Que de fois , pour le voir se tournant en sceret.
Timide , elle reprend sa course avec regret 1
Ilippomène lassé n'exhalait plus qu'à peine
De son sein haletant une hrùlante haleine.
Cependant il est loin du terme souhaité;
Mais U!i des fruits hrillans sur le sable est jeté;
11 retentit et roule... Atalante s'élance,
L'admire , le saisit... son amant la devance.
Tout le peuple applaudit} et de ces cris joyeux
Le murmure confus s'élève vers les cieux.
Atalante aussitôt dans la lice est rentrée.
La perte d'un moment est déjà réparée.
Hippomène vaiucu lance un second fruit d'or.
Elle y court, s'en empare, et le devance encor.
« Vénus , protége-raoi ! • crie alors Hippomène ,
Et son dernier fruit roule en traversant l'arène.
Atalante incertaine hésite à le saisir.
( On approchait du but. ) J'excite son désir.
Elle cède , poursuit la pomme bondissante.
La pomme est dans sa main ; je la rends plus pesante.
Poursuivre leur vitesse enfin dans mes récits,
DTIippomène vainqueur Atalante est le prix.
Quelle différence entre ces deux morceaux! Combien celui
de M. de Pongerville l'emporte par le mouvement, la grâce
et la légèreté! Qui oserait comparer ces vers pleins d'élé-
gance ,
Ils pourraient d'un pied sec des mers franchir la plaine, etc.
à des vers tels que ceux-ci :
Leurs pieds sans se mouiller auraient couru sur l'onde, etc.
Autant il y a de vivacité dans ces acclamations,
Poursuis , presse tes pas , ta victoire est certaine!
66* LITTÉRATURE.
autant il y a de pesanteur et de gaucherie dans celles-ci :
Avancez ! qu'un beau feu vous enflamme.
Courage! vous vaincrez.
M. de Pongerville n'est pas moins supérieur à son devancier
dans ces passages :
Il retentit et roule... Atalante s'élance ,
L'admire, le saisit...
Et plus loin :
Elle y court, s'en empare et le devance encor.
Il y a loin de cette rapidité imitative à l'allure de l'ancien tra-
ducteur! Un seul trait me semble regrettable dans sa version :
l'or qui roule , qui rend assez heureusement Vaarum volubilc
d'Ovide.
La description qui va suivre a une couleur bien différente.
C'est Térée mutilant Philomèle. Desaintange s'exprime ainsi :
Le coupable , agité des horreurs de son crime ,
Saisit par les cheveux l'innocente victime ,
Lui tord les bras , l'enchaîne et tire un coutelas.
Elle lui tend la gorge et ne résiste pas ;
Elle espère la mort ; mais ce tigre farouche ,
Pour étouffer les cris qu'exhale encor sa bouche,
Dans un transport de rage et de crainte à la fois ,
Saisit dans son gosier l'organe de sa voix :
Sa langue est arrachée. Elle tombe et palpite
Mutilé par le fer, tel un serpent s'agite.
Il fit plus , il osa , bourreau dans ses plaisirs ,
Sur sa victime encore assouvir ses désirs.
Desaintange, dans ce morceau, semble avoir été. entraîné par
l'énergie et la vigueur de son modèle. Il y a dans sa version
de la chaleur et du mouvement. Mais combien ici encore M. de
Pongerville lui est supérieur:
De Térée à ces mots la rage se ranime.
Par les cheveux épars il saisit sa victime ,
LITTÉRATURE. 661
Tire un glaive , m fureur lui tord tel faibles bras.
Elle lui tend la gorge, etpère le trépas.
Aux reproches sanglans que sa douleur profère,
Sa langue libre encorjeini le doux nom de père.
F.e barbare la tranche , et de gang dégouttant*
Le tronçon vivant crie et tombe en palpitant.
Tel le corps d'un serpent mutilé sur l'arène,
Vers sa tête en mourant se replie et se traîne.
Le monstre... Ah ! qui croira tant de perversités?
Le monstre goûte encor d'horribles voluptés.
(''est ici que l'on reconnaît toute la distance qui sépare le
versificateur du poète : l'un satisfait l'esprit par l'énergie de la
description; l'autre fait frémir tous les sens de l'atrocité du
crime. Je m'abstiens de comparer les détails des deux traduc-
tions ; le lecteur jugera sans peine combien la dernière est à la
fois plus claire el plus poétique; et il me saura gré de consacrer
l'espace qui me reste à la citation d'un troisième fragment des
Amours mythologiques. Je l'emprunterai à cette même fable de
Philomèle. Le poète vient de peindre cette infortunée délivrée
par sa sœur et conduite au palais de Térée sous le costume
d'une bacchante.
La douleur est captive en sa bouche muette;
Mais un geste éloquent est son vif interprète.
De courroux transportée et d'un front menaçant :
« Des pleurs ! lui dit Progné. Des pleurs ! il faut du sang.
Prenons le fer, la flamme. Au crime je suis prête.
Vengeance! dût la foudre éclater sur ma tête!
Embrasé par mes mains, ce palais croulera.
Sous ses brûlans débris le tyran périra.
Mais plutôt, je voudrais le massacrer moi-même ,
De ses yeux arrachés souiller son diadème,
Éteindre dans son sang un exécrable amour,
Sur ses membres brisés m'acharner tour à tour,
Et par mille tourmens déchirant le parjure,
De son corps en lambeaux chasser son ame impure.
Je médite un grand crime et j'ignore , ô ma sœur,
Quel crime assouvira mon immense fureur. »
&$4 LITTÉRATURE.
Ilys , le jeune Itys accourait vers sa mère.
Cet aspect lui sul/if. « Qu'il ressemble îi sou père ! «
Elle se tait, sur lui jette un regard cruel...
Le forfait est conçu dans son coeur criminel j
Je m'arrête ici avec regret. Tant de beautés de genres si
divers prouvent la flexibilité du talent de M. de Ppngerville.
Conduit par l'analogie des sujets, il a réuni dans les Amours
mythologiques 9 la partie la plus dramatique des Métamorphoses.
Il dépend maintenant de lui de reproduire en entier ce beau
poème d'une manière digne des grands maîtres dont il suit les
traces. Qu'il continue avec courage une entreprise si heureuse-
ment commencée, et la France, dont ïes suffrages unanimes
ont été le prix de sa belle traduction de Lucrèce , placera avec
joie parmi les talens dont elle s'honore le plus celui qui lui
aura élevé ce nouveau monument littéraire.
Chauvet.
Commldie, elc. — Comédies de M. Albcn Nota. Dixième
édition (1).
Les Italiens, fiches dans tous les genres de littérature, vou-
lurent aussi se distinguer dans le genre comique. Quoique la
plupart de leurs poètes du xvie siècle se fussent contentés
d'imiter Plaute et Térence , comme ceux-ci avaient jadis
imité Diphylus , Apollodore et Ménandre; parmi ces nom-
breuses imitatious, on retrouve, dès cette époque, un grand
nombre de comédies qui présentent un intérêt assez neuf pour
être regardées comme originales. Il en est qui unissent le
comique de caractère et de situation au comique d'intrigue,
et dans lesquelles on peut louer la vivacité du dialogue et l'à-
propos des saillies. On a même quelquefois applaudi sur la
scène italienne des traits piquans, dirigés contre les personnes
et les classes les plus considérées de la société, et dont la har-
(i) Milan, i8aj6j G. Siivestri. i vol. m-12, avec le portrait de l'au-
teur.
LPTTÉB VVl Kl.. 66 »
diesse, malgré lu différence des temsetdeS manu-,, rappelait
la manière el presque la licence d'Aristophane. Enfin, toui en
adoptanl les formes sous lesquelles la comédie s'était déjà
montrée dans ses j>4us beaux jours parmi les anciens , plusieurs
des poètes comiques italiens- eurenl le talent de les approprier
AUX gOÙtS 61 ailX opinions de leur siècle el de l<in imiioti. Ils
prenaient souvent dans la chronique scandaleuse du jour les
caractères, les anecdotes et les ridicules dont la peinture amu-
sait et intéressait leurs compatriotes. IN ous rappellerons, à l'appui
de ce que nous venons d'avancer, diverses comédies du xvie
siècle, celles de Cccchi, du Lasca , de Bcntivoglio, de François
d'Ambra, de l'Arétin, etc. Toutes ces pièces avaient déjà été
devancées par les comédies de l'Arioste, par la Calandria du
cardinal de Bibbicna et la Mandragora de Machiavel, qui, un
siècle avant Molière, donnèrent à l'Europe l'exemple de la
véritable force comique, et présentèrent sur la scène, bien avant
le Tartufe, un frère dominicain et ce frère Timothce, si empressé
à tirer parti de sa profession pour le bien de son couvent.
Vers le commencement du xvne siècle, on trouve à peu
près le même caractère dans diverses pièces de J.-B. de la
Porta, napolitain, qui, occupé des recherches les plus im-
portantes de la philosophie , et tout en contribuant au perfec-
tionnement du télescope avec Galilée, ne cessa de se montrer
aussi original dans le genre comique que dans ses recherches
et ses découvertes physiques. Le défaut qu'on a souvent re-
proché à ces poètes est d'avoir donné plus d'importance à
l'intrigue qu'au développement des caractères; tandis qu'au-
jourd'hui, d'après l'exemple de Molière, on sacrifie ordinai-
rement l'intrigue à ce développement. Mais, sans prononcer
sur la supériorité de l'un ou de l'autre genre, pourquoi se pri-
ver de ces moyens de plaire et d'instruire? Ne vaudrait-il pas
mieux les combiner, et faire en sorte que l'intrigue se prêtât
davantage à développer les caractères? Sans approuver l'abus
que l'on a fait de la complication de l'intrigue, nous rendons
volontiers justice à ces comédies italiennes dont l'auteur pré-
pare et amène des situations comiques et inattendues qui, au
G66 LITTÉRATURE.
Lieu d'étouffer les caractères, les font encore mieux ressortir.
Maigre ces nombreuses productions dont les défauts étaient
rachetés par des beautés du premier ordre , des étrangers
n'ont jugé le théâtre italien que d'après des pièces monstrueuses
et des bouffonneries semblables à celles dont les mimes de
tous les pays amusent la populace. Ce qui est plus étonnant,
c'est que de telles erreurs, répandues sur la parole de Saint-
Évremont et de l'abbé d'Aubignac, par Marmontel et La
Harpe, soient adoptées de nos jours, même après les ana-
lyses et les recherches critiques de Ginguené. Avouons néan-
moins que la comédie italienne, qui avait tant brillé, avant
Molière, commença à dégénérer à l'apparition de cepoëte,
qui donna à son art une perfection qu'on n'avait pas encore
atteinte et que l'on n'a point surpassée. Depuis cette époque,
loin de profiter de ce grand modèle , et de suivre son exemple,
les Italiens se laissèrent entraîner par l'autorité et le goût deb
Espagnols. Les règles de leur théâtre prévalurent comme les
lois de leur inquisition; et l'on vit les ouvrages les plus absurdes
servir de distraction et d'auxiliaire au despotisme le plus hu-
miliant. La seule consolation que Ton éprouve en parcourant
cette époque littéraire, c'est de voir quelques bons esprits faire
des efforts pour repousser ce nouveau genre de conceptions, ou
pleurer sur la servilité de leurs contemporains.
Lorsqu'on s'est engagé dans une fausse route, et qu'on s'est
long-tems égaré, il en coûte beaucoup, et il est nécessaire de
tenter de nombreux essais , pour rentrer dans le bon chemin. Ce
fut Charles Goldoni qui, après un siècle d'écarts et même d'ex-
travagances, rouvrit la carrière en luttant contre les obstacles
que lui opposaient la routine et le préjugé. Il fit reparaître et
triompher la bonne comédie. En vain les plaintes et les cris des
mimes qui improvisaient la comédie de l'art , en vain les efforts
et même les talens de Charles Gozzi et de ses partisans cher-
chèrent à détourner le public delà réforme goldonienne, au
moyen des fables (fiabe) tirées des régions de la féerie et de la
magie. Le peuple , incertain quelque tems à la vue de ces spec-
tacles qui tendaient à corrompre la raison et à maintenir de
LITTÉRATURE. ^67
yieux préjugés ,6ml par les mépriser. Il lesméprise encore , en
dépit des assertions contraires de quelques critiques étrangers.
Les comédies (le Coldoni ont été généralement applaudies; la
France elle-même reconnu! leur mérite, ei la fécondité et le natu
ici de leur auteur lui assignent un rang distingué après Molière.
La comédie italienne éprouva ensuite une crise semblable à
celle qui s'était déjà manifestée sur la scène française. Pur-
gée de toutes ces bouffonneries et de ces monstruosités gro-
tesques qui convenaient tout au plus à la farce, elle crut s'en-
noblir en se rapprochant de la tragédie. On vit des personnages
comiques prendre le ton des Atrée et des Thyestc, et ce
qui n'était qu'une parodie de la véritable tragédie, reçut le
nom spécieux et bizarre de comédie larmoyante et de tragédie
bourgeoise. Je ne prétends pas restreindre les bornes du genre
comique. Que les auteurs profitent de tout ce que leur pré-
sentent de plus convenable les diverses classes de la société;
qu'ils choisissent dans tous les rangs les personnes et les ca-
ractères sur lesquels ils peuvent et doivent exercer leur juri-
diction : j'improuve seulement l'abus ridicule que l'on fait des
couleurs tragiques dans des pièces où elles sont déplacées. Je
l'improuve d'autant plus que des écrivains, d'ailleurs estimables,
s'efforcent de l'autoriser. Les Italiens ont été entraînés vers ce
nouveau genre dramatique : leur scène n'offrit bientôt plus que
la représentation des drames de La Chaussée , de Diderot, de
Mercier, de Beaumarchais, d1 Arnaud , etc. ; on se faisait une loi
de suivre leur exemple. C'est alors qu'une foule de poètes, sans
avoir le talent de leurs modèles , s'emparèrent de leurs défauts,
qu'ils exagérèrent. Tels ont été JVilli, Gamerra, Avellnni ,
Gualzetti, Grcppi , et beaucoup d'autres qui ont fatigué du
poids de leurs drames lamentables les théâtres de l'Italie.
Au milieu de cette décadence du goût , l'école de Goldoni
a produit, de tems à autre, des élèves qui ont essayé de con-
server sa manière par leurs préceptes et leurs exemples. IVous
signalerons entre autres le marquis A ' Ibcrgaù-Capacelli , de
Bologne , M. Gherardo de Rossi, de Rome, et l'avocat Sograji,
.le Venise. S'ils n'égalèrent pas leur modèle, ils surent du moins
668 LITTÉRATURE;
se faire estimer. Quelques-unes de leurs pièces sont encore
applaudies sur la scène. On a vu successivement paraître dans
la même carrière M. Marclùslo, de Turin, et le comte Giraud ,
Romain. Bien qu'on ait reproché au premier un genre d'esprit
trop grave et trop mordant qui nuit au ton de la plaisanterie,
il se fait pardonner par l'intérêt des situations. M. Giraud
semble doué plus que les autres de cette imagination féconde
et gaie, si nécessaire pour le choix et l'intelligence des sujets,
la création des plans et l'art de faire naître des incidens co-
miques. La plaisanterie ne manque jamais à son dialogue; et
il provoque encore plus le rire par ses situations et ses ta-
bleaux. Son Précepteur dans l'embarras suffirait seul pour jus-
tifier ce que je viens de dire; mais d'autres pièces plus inté-
ressantes font regretter que l'auteur ait abandonné trop tôt le
genre de littérature qui lui avait valu tant de succès.
Nous avons cru nécessaire de donner cette rapide esquisse
des progrès de l'état de la comédie en Italie, avant d'entrete-
nir nos lecteurs du talent comique de M. Nota. Il fallait signa-
ler les défauts et les qualités de ceux qui l'ont devancé dans sa
carrière , pour faire apprécier son mérite. Malgré les fréquentes
vicissitudes de l'art, et les caprices de la mode, la bonne
comédie, connue long-tems avant Goldoni, a conservé tous ses
droits jusqu'à nos jours , et M. Nota , fidèle à l'école de ce poëte ,
paraît devoir surpasser tous ses contemporains que nous avons
nommés, et qui, bien loin de lui disputer sa gloire littéraire,
semblent s'y associer en lui rendant hommage. On a publié
plusieurs notices biographiques sur cet écrivain; et comme il
mérite cet honneur , nous en donnerons un résumé d'après celle
qui précède l'édition de ses Comédies, que nous annonçons.
Albert Nota est né à Turin en 177$; il a donc atteint sa
cinquante-deuxième année , et peut encore prolonger sa car-
rière. Sa famille, déchue de la fortune dont elle jouissaitautre-
fois, conserva néanmoins assez de moyens pour lui procurer
une bonne éducation : elle voulait en faire un docteur en droit;
mais la nature, qui ne se plie pas si facilement aux desseins
des hommes, en avait déjà fait un poëte comique. Ses pre-
UTTl.lWTl Ul.. 66g
mières lectures furent les pièces de Molière et de Goldoni;et,
dans les jeux de son enfonce, ii essaya «le les adapter a nn
petil théâtre de marionnettes*. A dix ans, il composait déjà
(les canevas de comédies qu'il faisait ensuite improviser à ses
compagnons d'école. Ses études dans l'art dramatique ne l'em-
pêchèrent pas d'exercer «les emplois, soit à la cour criminelle
de Tmin, soi t dans quelques parties de l'administration pu-
blique. Kn i8ii,il fut nommé substitut du procureur impérial
de Yereeil. Nous rappelons ces circonstances pour l'aire re-
marquer que M. Nota les a mises à profit et qu'il s'est servi de
sa situation dans le monde pour approfondir certains carac-
tères qu'il a retracés avec naturel et vérité dans ses comédies.
Quel que fût cependant son mérite, il se vit oublié pendant
deux années, et obligé de recourir à sa profession d'avocat.
Enfin , après qu'il eut éprouvé beaucoup d'injustices et de
revers de fortune , on lui confia successivement l'adminis-
tration de plusieurs districts ; il dirige aujourd'hui celle de San*
Remo, qui faisait autrefois partie de la république de Gènes.
L'accomplissement de ses devoirs ne lui a pas fait négliger se s
études dramatiques. Depuis 1802, il n'a cessé d'enrichir la
scène italienne. Ses premiers essais lui avaient mérité les en-
couragemens de deux célèbres littérateurs , Paradai et Monti.
M. Nota a justifié la bonne opinion qu'ils avaient de lui, par
les diverses comédies qu'il a successivement publiées*. De 1816a
1826, on a fait jusqu'à dix éditions de ses ouvrages, dont la
meilleure est celle de Turin , 18 18. Mais la dernière, que nous
tenons sous les yeux, a sur toutes les autres l'avantage de com-
prendre trois pièces nouvelles, composées depuis cette époque.
Elles sont intitulées : La Pace domestica, la Paix domestique,
en trois actes; / Dilcttanti comici , les Amateurs comiques ; et
Y A m or timidà, l'Amour timide, tous les deux en un acte.
Sans nous appesantir sur chacune de ses pièces, nous pou-
vons assurer que les plans en sont tracés avec régularité, que
l'action se noue et se développe avec vraisemblance, que les
situations principales' et les incidens dérivent de la nature des
caractères et des circonstances où ils sont placés , et que
r,:o LITTÉRATURE.
tout marche rapidement vers le but. Le style n'a pas cette
élégance que pourraient réclamer quelques puristes; mais
peut-être eût-elle nui à la chaleur et au naturel qui brillent
dansle dialogue. Écrivant pour toutes les provinces de l'Italie,
M. Nota n'a dû rechercher que cette correction qui pouvait le
rendre facilement intelligible pour tous. Il ne puise pas sa verve
comique dans quelques expressions proverbiales, ou dans une
triviale gaîté, mais dans la souplesse de son talent, dans le
choix habile des caractères, et dans les situations neuves, où il
place ses personnages. Ses portraits et ses tableaux de mœurs
ne sont jamais sacrifiés aux complications d'une intrigue pé-
nible , et l'on voit qu'il a étudié les classes de la société où il
choisit ses originaux. Il attaque avec énergie les préjugés et
les vices du tems, et réveille dans tous les cœurs le sentiment
des vertus sociales et domestiques. Telle est, du moins, l'im-
pression que nous avons reçue de la lecture des comédies dont
nous rendons compte.
Il ne serait pas difficile de signaler dans ces pièces quel-
ques situations, quelques caractères déjà ébauchés par d'autres;
mais il nous semble qu'imiter ainsi , c'est créer. Un reproche
plus grave serait de n'avoir choisi que des caractères parti-
culiers à une seule ville, au lieu de s'adresser aux ridicules
de toute la nation. Mais Molière a-t-il jugé indigne de son
talent la peinture des Femmes savantes et des Précieuses ridi-
cules , dont le travers se bornait à une certaine classe de la so-
ciété des dames de Paris? Les caractères nationaux, ceux qui
sont de tous les tems, comportent sans doute un intérêt plus
général; mais ce n'est pas une raison pour renoncer à corriger
des défauts particuliers à une province ou même à une ville.
Il convient maintenant de donner à nos lecteurs une idée
de l'ensemble de quelques-unes des pièces de M. Nota. / Primi
passi al mal costume, les Premiers pas dans la corruption des
mœurs, est une de ses premières comédies. Dona Camilla, jeune
épouse deD. Fulgenzio, vient de paraître dans ce qu'on nomme
le grand monde. Son mari qui l'aime, est instruit des dangers
qu'elle peut courir; mais, en la surveillant avec discrétion, il
LITTÉRATURE. 671
attend une circonstance favorable pour L'éclairer sur ses de-*
voirs et la détromper par sa propre expérience. Entourée de
ces femmes et de ces chevaliers qui oe cherchent quà se
tendre des pièges cl à se décrier mutuellement, pressée sur-
tout par un jeune officierj nommé Guglielmi, habile dans l'art
de faire des conquêtes, Camilla s'est trouvée flattée de la
galanterie de ses expressions. 11 parvient a obtenir d'elle, on
plutôt à lui arracher son portrait, et elle lui permet de l'ac-
compagner Le même soir à eu bal. l'ulgen/io, qui apprend ou
qui soupçonne le projet de sa femme, ne la quitte point et se
rend à cette fête avec elle. Tous les dvu\ sont masqués. C'est
là que, gardant Y incognito, la jeune épouse rencontre son
nouvel amant, et l'entend se vanter de ses diverses conquêtes
et surtout de la plus récente. Guglielmi nese fait aucun scrupule
de montrer le portrait de Camille. Elle parvient à le lui arracher,
mais son mari est présent) et tout ajoute à sa confusion. Ful-
genzio feint de vouloir se séparer d'elle à jamais; résignée à
son destin, elle déplore sa faute, congédie l'officier, et se
dispose à subir la peine qu'elle croit avoir méritée; mais
D. Fulgcnzio l'embrasse et lui pardonne.
Ce sujet n'est pas neuf. On l'avait déjà adapté à la scène
avant 1808, époque où parut la comédie de M. Nota; il a
même été reproduit sur le théâtre de Paris. Il nous semble ,
toutefois, que la pièce de M. Nota est plus véritablement
comique que l'imitation. Si les caractères de Camilla et de
Fulgenzio sont sérieux, on se déride avec le bon colonel
Odoardo, qui s'apaise aussi facilement qu'il s'emporte; avec
une belle -sœur de Camilla bigote , tracassière et médisante;
avec une belle dame qui brille aux dépens de ses adorateurs;
et, ce qui mérite d'être remarqué, c'est que jamais l'auteur
ne sacrifie la vérité au désir d'intéresser ou d'amuser.
// Progettista , l'Homme à projets, est une comédie amu-
sante. Son principal personnage est un de ces hommes qui,
sans cesse occupés de réformes, ruinent toutes les affaires dont
ils se mêlent. Il ne faut pas confondre son Malade imaginaire ,
X Ammalalo pcv immaginazionc, avec la comédie française qui
porte le même titre. Le Malade de M. Nota est un homme in-
G 72 LTTTÉRATUPlE.
téressant et mélancolique, qui, se croyant trop languissant
pour se marier , se trouve livré aux ruses intéressées d'une
méchante sœur. Celle-ci a l'espoir de s'emparer de sa for-
tune, dont, par un incident singulier, il ne peut plus jouir,
s'il ne se marie dans la journée. Les projets hypocrites de cette
femme qui semble consacrer tous ses soins à la santé de son
frère, amènent le développement du charlatanisme de plusieurs
médecins qui se prêtent à seconder ses vues. Un médecin res-
pectable démasque ces imposteurs , guérit à tems son malade
et l'arrache au piège qui lui est tendu.
Dans toutes ses autres pièces, plus ou moins originales, et
malgré les légères imperfections qui s'y font remarquer, l'au-
teur fait preuve d'un assez beau talent pour racheter ses défauts
et désarmer la critique.
Il fera bien de publier les autres comédies qu'il a compo-
sées, et dont plusieurs ont été jouées sur des théâtres de
l'Italie , telles que la Vedova in solitudine ; la Costanza rare/ ;
la Fiera; le Rcvolazioni in amore, etc. Cet auteur, dans une de
ses pièces inédites [Torquato 7Yw.ro), a traité le sujet que
M. A. Duval a depuis transporté sur la scène de Paris avec tant
de succès. M. Nota avait déjà fait lecture de sa pièce à Florence,
dans un cercle d'hommes choisis, rassemblés chez le comte Jé-
rôme de Bardi, et l'on s'accorde à en faire un grand éloge : c'est
la pièce, dit-on, de prédilection de l'auteur. On assure qu'il a été
fidèle à la vérité historique dans les incidens et dans le choix
de ses personnages; qu'il a bien saisi et retracé les momens
les plus intéressans de la passion et de la folie du grand poëte ,
et que la pièce se termine lorsque l'infortuné Torquato, surpris
par un perfide courtisan , et dénoncé au duc de Ferrarc, comme
amoureux de la princesse Éléonore, sa sœur, est forcé de quitter
la cour et la femme qu'il aime. Nous ne pouvons qu'inviter
l'auteur à soumettre ce drame au jugement du public, qui l'ac-
cueillera sans doute favorablement, si nous en jugeons par le
succès dont le recueil que nous annonçons a déjà été honoré.
Fr. Saïti.
III BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
LIVHKS ÉTRANGERS ù\
AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
ÉTATS-UNIS.
217. — Shetches of a tour to thc lakes, etc. — Esquisses d'un
voyage aux lacs, notes sur le caractère et les usages des Irt'-
riiens chipewas, particularités relatives au traité du fond du
lac; par Thomas L. M'Kenney, du département des Indiens,
commissaire adjoint à S. Exe. le gouverneur Coss, pour la né-
gociation du traité. Baltimore, 1827 ; TV. Lucas. In- 8°.
Quoique les lieux visités par M MKenney aient déjà été
décrits plusieurs fois, sa relation sera lue avec intérêt, non-
seulement à cause des événeniens rapportés par l'auteur, mais
parce qu'il ajoute aux connaissances géographiques. La lec-
ture Je cet ouvrage peut être utile sous un autre aspect; on y
trouvera des faits pour établir une comparaison exacte entre
la vie sauvage et celle de l'homme civilisé; les hommes tour-
mentés du besoin de sortir des sociétés actuelles seront aver-
tis; ils sauront cjnel'les sont les misères de cette sorte de liberté
dont ils se font une si belle image. Dans un établissement in-
dien, sur le bord de la rivière Ontonagon , le voyageur vit
I habitation dim Français qui avait épousé une femme sau-
vage. Le mari était mort, et la cabane, d'une douzaine de pieds
de diamètre, était occupée par la femme, cinq enfans , que!
ques servantes ou patentes, un vieux chef, six chiens, une cor-
neille. Depuis dix jours , lui dit le vieillard, je. n'ai pour toute
nourriture que du jus d'herbes.
(1) Nous indiquons par un astérisque (*) , placé à côté du titre de chaque
ouvrage, ceux, dus livres étrangers ou français qui paraissent dignes d'une atten-
tion particulière , et nous en rendrons quelquefois compte dans la seetîon df s
Analyses.
t. \xwi. — Décembre 1827, ;x\
67/» LIVRES ETRANGERS.
218. — * Constitution and Uuws qf Rensselaer-Scliool, etc. —
Constitution et règleuiens de l'école de Rensselaer établie à
Troy, dans l'état de New-York, adoptés le 3 avril 1826 par
le bureau des curateurs. Albany, 1826 ; Imprimerie de Pac-
kard et Vanbenthuysen. In-8° de 28 pages.
Le but spécial de l'école de Rensselaer est Y application des
sciences naturelles aux arts. Il est donc nécessaire que les élèves
V arrivent munis des autres connaissances dont l'industrie ne
peut se passer. On sentira peut-être un jour le besoin d'étendre
le premier plan , de réunir d'autres enseignemens à ceux de
la physique, de la chimie et de l'histoire naturelle. Un gou-
vernement fédératif, tel que celui des États-Unis , tend naturel-
lement à fortifier et à concentrer chacun des États particu-
liers, à lui créer des ressources dont on croit pouvoir se
contenter : si on laissait trop d'ascendant à cette impulsion
naturelle, les États finiraient par devenir étrangers les uns aux
autres , et une grande nation se trouverait presque réduite aux
ressources d'un petit peuple. Ne serait-il pas utile aux États
d'avoir une grande école où la jeunesse pût acquérir toutes les
connaissances industrielles? Dans l'état actuel de la popula-
tion, un seul établissement de cette espèce suffirait, et l'école
de Rensselaer pourrait en être le noyau. L'influence morale de
ces établissemens centraux n'est pas moins précieuse que l'in-
struction dont ils sont la source; les amitiés durables que les
élèves y contractent fortifient le lien fédéral, entretiennent
l'esprit républicain, font aimer la patrie et ses institutions.
L'école de Rensselaer est en bonnes mains, dirigée avec sagesse,
confiée à deux hommes distingués, MM. les professeurs Amos
Eaton et Lewis Beck; mais son plan aurait besoin de plus
d'étendue, et ne peut suffire à l'enseignement de toutes les
applications des sciences aux arts.
219. — Eulogium in commémoration of the honorable Wil-
liam Tilghman, etc. — Éloge de l'honorable William Tilghman,
chef de la cour suprême de justice de Pensylvanie, et président
de la Société philosophique américaine établie à Philadelphie
pour la propagation et le perfectionnement des connaissances
usuelles, prononcé dans la séance de cette société, le 11 oc-
tobre 1827, par Pierre -Etienne Duponceau (correspondant de
l'Institut de France), l'un de ses vice présidens. Philadelphie,
1827; R.H. Small, n° i65, Chesnnt street. In-8° de 46 pages.
Avant de parler de l'homme vertueux, du magistrat et du
savant jurisconsulte auquel 41 rendait un hommage acadé-
mique, M. Duponceau a rappelé en peu de mois la mémoire de
MM. Wistar et Patterson, les deux premiers présidens de la
i in. s i:\is. 075
Société philosophique de Philadelphie. Quoique M. Tilghmai»,
né en 1 756 » ail traversé tonte la révolution qui assura l'indé-
pendance «le >;i patrie, il ne put y prendre part comme fonc-
tionnaire public; sa carrière avait été fixée par son propre
choix,, il la suivit avec persévérance el à la satisfaction «le ses
concitoyens : il a laisse l'exemple d'une vie pleine, dont tous
les mnmens furent employés utilement : il vivra dans la mé-
moire de ses contemporains et de la postérité, et méritait
d'avoir un biographe tel que M. Dujtonocao. Y.
Ouvrages périodiques.
110. — * The Nortli- American Reviav. — Revue nord amé-
ricaine. Boston 1827; F. T. Gray, 74, Washington street.
Le cahier d'octobre de cette importante publication pério-
dique ( 57e de la collection, 3ie de la nouvelle série) est un
des mieux remplis que nous ayons eus sous les yeux, et nous
donne à nous-mêmes d'utiles avertissemens. Peu d'articles,
discussions instructives sur chacun des sujets traités, choix
scrupuleux et difficile des matières : voilà ce que demandent
les lecteurs pour lesquels il est honorable d'écrire, dont l'opi-
nion forme l'opinion publique, et qui peuvent seuls contribuer
à la propagation des connaissances utiles. Ce n'est pas que
nous soyons constamment du même avis que les rédacteurs de
cette Revue : nous n'inclinerons pas aussi fortement qu'eux en
faveur des tardives réclamations contre l'auteur présumé de
Gil Blas ; nous ne dirons point qu'il y a cent à parier contre un
que ce chef-d'œuvre n'appartient pas à Le Sage. Mais nous
avons pensé du Voyage d' Orembourg à Bouhhara par M. de
Mayendorf tout le bien que les reviseurs américains en
disent. — Le voyage de M. MKenney au lac Supérieur méri-
tait la place qui lui est assignée dans ce recueil; l'observateur
a bien vu et bien décrit les beaux sites de cette partie de l'Amét
rique, ses habitans et leurs mœurs. Pour nous autres Français,
il n'est point sans intérêt de reconnaître les vestiges presque
effacés de nos compatriotes dans le Canada , et d'apprendre
que Charlevoix fut uu voyageur exact et véridique, consulté
encore avec confiance par les possesseurs actuels de ces con-
trées. Nous profiterons de cette occasion pour exprimer le
désir que les voyageurs américains, généralement munis de
diverses sortes d'instruction, aient toujours avec eux des baro-
mètres et des thermomètres, et qu'ils les observent chemin
faisant. Il est aussi à désirer que les hauteurs des montagnes et
4^.
G76 LIVRES ÉTRANCxKRS.
des rochers soient évaluées avec plus de précision que par une
simple estime. — Les poésies serviennes peuvent-elles être bien
jugées par un Anglais? et le jugement de cet Anglais, analysé
par un Américain, se rapporte - t- il ou s'éloigne -t- il de la
vérité? Ces questions, très-difficiles à résoudre, font sentir de
plus en plus le besoin d'une correspondance centrale et immé-
diate entre tous ceux qui cultivent les lettres et les diverses
branches des connaissances humaines. On regrette, par exemple,
qu'un poëte polonais ou hongrois ne se soit pas chargé de nous
faire connaître les poésies serviennes. — Ce qu'on lit ici de la
fie et correspondance du major Cartwrïght , publiée par sa
nièce miss F.-D. Cartwright , fait sentir le mérite et l'utilité
de ces biographies consciencieuses où l'on trouve les meilleurs
matériaux pour l'histoire de l'esprit et du cœur de l'homme. —
L'analyse des leçons de M. Cooper sur l'économie politique, au
collège de la Caroline du Sud, fait voir que les doctrines de
M. Malt h us ont traversé l'Océan, et s'établissent dans le Nou-
veau-Monde, comme en Europe : ne faudrait-il pas renverser
un jour cet immense édifice, sans avoir ni plan, ni matériaux
pour lien construire à sa place? — Deux ouvrages relatifs à
l'histoire des États - Unis devaient trouver place dans ce
recueil. — L'ouvrage de M. William Fowle sur les vrais prin-
cipes d«: la grammaire anglaise, dont on lit ici une analyse,
peut avoir pour résultat de préparer dans l'avenir la séparation
de l'idiome américain, de le rendre aussi différent de la langue
de la Grande-Bretagne que le portugais l'est aujourd'hui de
l'espagnol. Mais le grammairien obtiendra bien difficilement les
réformes qu'il propose, quoique la bonne logique les sollicite
depuis long-tems.
On voit que ce cahier n'est pas moins instructif pour les
Européens que pour les habitans des États-Unis; on doit rendre
la même justice à toute la collection.
221. — * The Philadelphia monthly Magazine , etc. — Magasin
mensuel de Philadelphie, consacré à la littérature et aux beaux-
arts. Prix de l'abonnement , 5 dollars ( îj fr.) par an. Grand
in-8°; chaque cahier de 5op.au moins, imprimées sur deux
colonnes.
Nous n'avons encore entre les mains que le premier cahier
de ce nouveau journal, où l'on trouve une satisfaisante va-
riété, un bon choix de matériaux. Nous ferons cependant
quelques observations sur le premier article, qui est Un paral-
lèle entre l'Angleterre et les États-Unis : c'est à des étrangers
totalement désintéressés et bien instruits qu'il faut laisser le
soin de discuter ces questions; les peuples n'ont pas plus que
ÉTATS UNIS.- ■EURQPE.^GIL-BftETAGNE. r,:i
1rs individus le droil de se juger eux-mêmes, et il leur sied
aussi bien qu'aux individus de ne parler d'eux ni en bien, ni
cm mal. — Lue analyse très-bien faite de l'ouvrage de M. le
docteur EluSB sur la voix btunaine inspirera sans doute le désir
de lire cet auteur, et d'étudier ses doctrines.
On trouve, dans le même cahier, une Notice sur les schtvcnch-
feldiv.ns , secte chrétienne bannie autrefois de la Silésie par
l'intolérance, et qui se réfugia dans le nouveau monde. Fré-
déric essaya de réparer cette injustice : par un édit dont, la
traduction est publiée pour la première fois, il rappela les
exilés, leur promit protection, secours, emplois; ils ne revin-
rent point. Telle est la malheureuse condition du pouvoir
absolu, que l'on ne croit point à ses promesses : on sent qu'il
est soumis, plus que la nature de l'homme ne le comporte, à
toutes les causes d'instabilité; qu'aucune confiance raisonnable
ne peut, lui être accordée. La secte dont il s'agit est du nombre
de celles qui se sont formées en grand nombre dans l'Alle-
magne, dirigées par l'esprit et les habitudes de la nation alle-
mande, et par conséquent par l'amour de l'ordre et la simplicité
des mœurs. Ces croyances ou ces pratiques religieuses ne
contribuent pas toujours à rendre les hommes plus utiles à la
société ; mais elles tendent évidemment à les empêcher d'être
nuisibles. F.
EUROPE.
GRANDE BRETAGNE.
111. — * 77/6' Eléments of gymnastics, etc. — Elémeiis de
gymnastique pour les garçons, et de càlisthénique pour les
jeunes filles, par Gustave Hamii.ton. Londres, 1827; Richard
Phillips et compagnie. In- 12 de m et 72 p. avec 43 gravures;
prix, 5 sh.
La gymnastique, qui fut en honneur chez les Grecs et chez
les Romains, qui constituait presque seide l'éducation des
nobles chevaliers du moyen âge, était depuis long-tems bannie
de nos collèges, où l'on accordait à peine aux écoliers le triste
plaisir de se promener et de s'ébattre entre quatre murs. Dans
le dernier siècle, les jeunes gentilshommes qui avaient suivi,
sous la direction d'un précepteur, les cours d'humanités et de
rhétorique à Louis-le-Grand où à Mazarin , préludaient à
leur entrée dans le monde et dans l'armée par ies exercices du
manège, des salles d'armes et de danse. Mais, à cela près,
678 LIVRES ÉTRANGERS.
l'éducation physique , «qui devrait prendre l'enfant au sortir
des bras des femmes pour développer ses facultés corporelles,
tandis que l'éducation morale et intellectuelle tend à déve-
lopper les forces de 1 àmc et de l'esprit, était presque entière-
ment négligée. C'est en Allemagne qu'est née la gymnastique
moderne. Le pédagogue Salzmann l'établit le premier dans les
instituts d'éducation, et lui consacra, il y a quarante ans environ,
un ouvrage encore estimé; après lui, le célèbre Jahn l'adopta
pour base d'une association politique, dont le but était la
régénération morale et physique de l'Allemagne ; mais ses pro-
jets déplurent au gouvernement prussien, qui fit suspendre les
exercices salutaires dont il avait su inspirer le goût à la jeu-
nesse de Berlin. Moins ambitieux et peut-être plus sages ,
M. Clias, de Berne, et M. Amoros, se sont bornés h demander
et à propager une heureuse réforme dans l'éducation. Le der-
nier continue à s'occuper d'introduire la gymnastique dans les
écoles civiles et militaires de la France, avec une courageuse
persévérance que ne rebutent point les obstacles de tout
genre , suscités par l'indifférence ou par les préjugés. Quant à
M. Clias, après avoir établi dans la Suisse, sa patrie, plusieurs
gymnases où d'habiles maîtres, autrefois ses élèves, continuent
avec succès l'enseignement dont il a donné les premières
leçons, il a réussi complètement à naturaliser la gymnastique
en Angleterre, où elle est déjà considérée comme une partie
essentielle de l'éducation. Nous avons fait connaître, il y a peu
d'années, un traité de gymnastique dû a sa longue expérience
et à ses utiles recherches, et qui a paru successivement en
allemand , en français et en anglais (voy. Rev. Enc, t. XXVIII,
p. 79^). Le petit ouvrage que nous annonçons aujourd'hui paraît
être la répétition abrégée, et sous un format plus commode
et plus portatif, du livre de M. Clias. Il pourra être fort utile
aux maîtres et aux élèves; il se fait surtout remarquer par une
addition importante, intitulée: Cahsthc nique (kccXoç, beau, et
rfovoç, fort), et consacrée à la gymnastique des dames, qui
pourront obtenir, au moyen des exercices de M. Clias, des
grâces nouvelles et de nouvelles forcés pour supporter les maux
et les fatigues auxquels leur sexe est souvent exposé. *.
ii'S. — * Tlie past and présent statistical state of Jrcland.
— Statistique de l'Irlande, considérée dans sa situation passée
et clans sou état actuel, en une série de tableaux formés d'après
des documens officiels, par M. César More au. Londres, 1827 j
Tr«'uttrl et Wùrtz. In-fol. de 56 pages; prix , 3u sh.
Ainsi que les précé<?ens ouvrages publiés par M. Moreau,
celui ci contient une foule de faits et de renseignemens impor-
eu an ni. BRETAGNE. 679
tans, dans une brochure de 56 bag. in Pol. , <\u plus lin carac-
tère. I.cs travaux <!»• cei écrivain laborieux, quoiqu'ils soient
en général miles aux personnes qui s'oècupent de statistique,
mériteraient plus d'éloges si l'ou y trouvait moins de confusion
et une classification plus méthodique.
dette brochure sur l'Irlande abonde en doen mens précieux
sur ce pays intéressant et peu connu, même en Angleterre.
On y apprend que son étendue territoriale , en milles carrés
anglais , est dé 32,202, et le nombre d'acres de terres c 1 1 1 1 i \ ées,
de i 1,0,43*000. L'Irlande est divisée en 4 provinces , subdi-
visées en 3-2 comtés. On y trouve 294 baronnics, 2,278 pâ>
roisscs, 1,142,602 maisons; en 1 791 , on n'en comptait que
702,00/). La population de 1 Irlande, qui en i652 n'était que
de K5o,00o habitans, s'élevait, suivant le recensement de 1821,
à 6,8o 1,8/7; ct 1 en 182", suivant les calculs de M. Moreau ,
a 9,o5o,ooo , dont 3,341,926 hommes et 3,459,901 femmes.
Dans ce nombre sont compris 1,138,069 agriculteurs, 1,1 70,044
commerçans et manufacturiers, 628,702 improducteurs, et
environ 16,000 domestiques. Cette population forme i,3i2,o3a
familles; 6,145 familles ayant chacune 1 domestique; 1,200, 2;
600, 3 ; i5o de 5 à 8; 32 de 8 à 10; et 20, 10 et au-dessus.
Les taxes seules sur les domestiques maies montaient, en 1817,
à la somme énorme de 55, 200 livres st. (i,38o,ooo francs). Le
nombre des criminels condamnés, pendant l'année 1826, a
été de 5,377.
L'Irlande est représentée au parlement par 100 individus
nommés par 2io,43i électeurs. Toute la noblesse consiste
seulement en 212 personnes, dont 1 duc, 14 marquis, 76
comtes, 48 vicomtes, et 4 pairesses. Les importations, pendant,
l'année 1 826, se sontélevéesà 8, 032,700 liv. st. (200,817,500 fr.),
dont 6,385,534 pour marchandises importées d'Angleterre ou
d'Ecosse. Les exportations , pendant la même année, se sont
élevées à 7, 992, 485 liv. slcrl (199,812,125 fr.) dont 7,359,55g
pour marchandises exportées en Angleterre et en Ecosse. Le
revenu n'a jamais couvert les dépenses. La totalité de la valeur
des propriétés particulières et du gouvernement s'élève à
563, 660, 000 iiv. sterl. ( 14,091,500,000 fr. ) ; savoir : pro-
priétés productives des particuliers, 467,660,000 liv. sterl.
(1 1,691,500,000 fr. ) ; propriétés non productives 87,000,000
liv. Sièrl. (2,175,000,000 fr. ), et propriétés publiques 9,000,000
liv. sterl. (225, 000, 000 fr.). L'argent monnayé en circulation dans
toute la province de l'Irlande ne s'élève pas au-delà de 4,000,000
liv. sterl. (100,000,000 fr.) L'émission des billets par la banquedç
Dublin est de la valeur de 5, 000, 000 liv. ster. ( i2 5,ooo,ooofr. )
GSo LIVRES ÉTRANGERS.
L'ouvrage de M. Moreau contient encore de nombreux dé-
tails sur l'état de l'éducation, i\\\ commerce et des manufactures
en Irlande; mais nous avons déjà présenté ces faiî:> dans la/tew/e
Ençrrb/Jédiqtie , et quelques autres qui remplissent encore son
volume sont trop peu impôt tans pour que nous nous y arrêtions.
22/t> — * Rambling notes and réfections suggested du ring a
vîsit to Paris f etc. — Notes et réflexions écrites pendant une
visite à Paris, dans l'hiver de 1826 à i8'27, par sir Arthur
Broohe Faulkner, Londres, 1 827 ; Longman. In-8°.
L'auteur de cet ouvrage est un liomtne instruit, amateur
éclairé des beaux arts, ami de l'humanité, et qui certainement
n'a point débarqué à Calais, comme la plupart des voyageurs
anglais qui viennent visiter la France, avec des opinions toutes
formées et des jugemens préparés à l'avance et renfermés dans
son portefeuille de voyage. M. Faulkner a vu de ses propres
yeux, et son livre, s'il était traduit en fiançais, obtiendrait à
Paris le même succès qu'il a eu à Londres.
Dans cet ouvrage, les objets importans, ceux qui font le
bonheur et la vraie gloire d'une nation, obtiennent une atten-
tion marquée et des éloges sincères. L'auteur a abandonné la
sotte t.ictique adoptée par quelques écrivains de son pays qui
se plaisent à dénigrer, à rapetisser les grands établissemens
d'utilité publique qui existent en France, et à censurer les
mœurs et le caractère de leurs voisins. Ainsi, b'il critique nos
écoles de beaux-arts, s'il accuse nos prêtres d'intolérance, il
loue sans restriction nos bibliothèques et nos musées , où chacun
est admis gratuitement , tandis qu'il déplore la sordide cupidité
et l'insolence communes aux gardiens des établissemens ana-
logues que possède l'Angleterre. « Lorsque nous réfléchissons ,
dit- il, à l'extrême facilité avec laquelle toutes les classes
obtiennent en France un libre accès dans les bibliothèques,
dans les cours publics, dans les musées, etc., nous pouvons ,
je pense, nous rendre raison de la cause qui fait que la nation
française, en général, surpasse en civilisation, en lumières et
en urbanité toutes les autres nations du monde. » Parmi
nos hôpitaux, dont la grandeur l'étonné, et dans lesquels il
admire la propreté, l'ordre, les soins prodigués aux malades,
il cite la Salpêtrière, « ce gigantesque établissement, sans rival
dans le inonde. » En parlant de nos sœurs de charité : « On ne
saurait trop louer, dit-ii, l'humanité désintéressée de,, ces
excellentes (illes, qui sont le plus glorieux ornement de l'espèce
humaine. Le respect quelles inspirent généralement est tel ,
que leur seule présence, comme autrefois celle des vestales à
Rojne, calmerait les monvemens populaires les plus violens. »
GRANDS KKI'TAdNE. 68l
M. Faulkner loue nos établissement d<- charité et de secours
a domicile; nos dispensaires, qui, sans être aussi vantés que
peux de l'Angleterre , spnl plus apprçpi >rs à leur véritable bul ,
et dans lesquels surtout les égards «lus au malheur sont plus re-
ligieusement observés. Aussi ajoute ; il : « Lorsqu'un Français
voudra louer sa cation, qu'il n'oublie pas ses établisçemens
de charité publique, car ils sont admirables. » L'organisation
de nos académies scientifiques lui semble bien propre à assurer
les progrès dos lumières, L/Aca démis de médecine a surtout
fixé son attention. Sir Arthur Faulkner est médecin, et déplore ,
avec tous ses confrères éclairés, la fausse marche suivie encore
de nos jours par la Faculté de médecine de Londres. Il aime
nos écoles et nos cours publics, dans lesquels « laideur des
disciples, dit-il, est si bien secondée par le zèle et la noble
activité des professeurs. » Enfin, après avoir approuvé l'orga-
nisation judiciaire, « Le Code criminel français, dit sir Arthur,
est de beaucoup supérieur au notre; » et l'auteur nous paraît
avoir tort de comprendre dans ses éloges noire procédure
criminelle, organisée par le despotisme pour tuer la liberté.
On trouve dans cet ou\ rage beaucoup d'éloges de la France,
mêlés à de justes critiques. « J'ai quitté Paris, dit-il, très-satisfait
de ma promenade de quelques semaines, ayant eu beaucoup à
admirer et beaucoup à blâmer. » Quand ce blâme n'atteint que
les travers de notre caractère national, lorsqu'il ne s'attache
qu'aux abus que certains hommes font des idées et des choses
saintes, quand il attaque seulement nos prétentions à une supé-
riorité , au moins contestable, dans les beaux-arts , nous sommes
de l'avis de sir Arthur ; mais notre gravité nous abandonne à
la lecture d'une accusation semblable à la suivante : « On doit
reprocher, dit notre auteur, à la révolution française une
faute énorme, celle d'avoir proscrit les perruques. Pour moi,
je n'aurais jamais pu concevoir, avant de visiter la cour d'as-
sises de Paris, à quel point une perruque est nécessaire à la
majesté d'une tète humaine. «
2 25. — Lettres su?- la cour de la chancellerie et sur quelques points
de la jurisprudence anglaise , écrites et adressées par M àson
frère , avocat à la Cour royale de Paris , publiées par un avocat
deLincoln's Inn. Londres, 1827, Longman. In-8° de 294 pages.
Ces lettres, attribuées à un avocat français, traitent de la
cour de la chancellerie d'Angle tei rc , de la chambre des pairs,
comme tribunal d'appel, et de plusieurs points importans de
la jurisprudence des trois royaumes. Si les détails nombreux
et vraiment instructifs que ces lettres renferment sur la légis-
lation, et sur l'organisation et le personnel du baireau anglais,
GSi LIVRES ETRANGERS.
peuvent faire croire qu'elles ne sont point l'œuvre d'une per-
sonne étrangère à la Grande-Bretagne ; d'un autre côté, l'idiome
dans lequel elles sont écrites et leur genre de style laissent peu
de doutes sur leur origine française. On y trouve , en effet, ce
ton tant soit peu frondeur, inhérent aux habitans de notre
pays , et un franc-parler sur les hommes et sur les choses, peu
d'accord avec la circonspection habituelle des avocats anglais.
Nous recommandons la lecture de ces lettres aux membres du
barreau français; elles leur fourniront des détails très peu
connus sur les chefs de la magistrature anglaise, et de précieux
éclaircissemens sur les usages abusifs introduits dans leurs
tribunaux. Si quelques erreurs ont été commises par l'auteur
fiançais, on les trouve relevées dans des notes savantes qu'un
avocat à la Cour de chancellerie a jointes à cet utile ouvrage.
F. D.
116. — * Wibor Poezyi Polshiey. — Spécimens- ofthe Polish
Poets. — Choix de poésies polonaises, avec des Notes et des
Observations sur la littérature polonaise; par John Bowring.
Londres, 1827. In- 19..
Au milieu des événemens mémorables dont l'Europe est de-
venue le théâtre, à la fin du xvme et au commencement du
xixe siècle, la Pologne se fit connaître comme une puissance
guerrière. Le bruit de ses malheurs et de ses vertus retentit
dans toutes les parties du monde; mais la Pologne littéraire n'é-
taiteonnue que très-imparfaitement. Aujourd'hui, plusieurs écri-
vains profitent delà tranquillité générale pourappeler l'attention
publique sur les principales productions d'une littérature qui
a droit aussi à quelque intérêt. M. Bowring, après avoir repro-
duit dans sa langue maternelle les poésies de plusieurs autres
peuples du Nord, vient de consacrer sa plume à la propagation
de la gloire littéraire de la nation généreuse qui peut citer un
Niemccwicz et un Kosciuszko. L'asservissement de la presse en
Pologne, et la difficulté des communications entre cette con-
trée et les pays étrangers, sont les obstacles qui ont dû entra-
ver l'exécution complète de l'entreprise de M. Bowring. Il s'est,
par conséquent, borné à la traduction des poésies populaires et
originales.
Après avoir tracé, dans l'introduction , le tableau politique
de la Pologne avec une énergie toute patriotique, l'auteur pré-
sente un essai historiqueet critique sur la littérature et la langue
de ce pays. Il passe en revue toutes les époques mémorables
du perfectionnement, de la décadence, et enfin delà renais-
sance des arts et des sciences; il fait rénumération des auteurs
les plus distingués dans toutes les parties des connaissances
GRANDE-BRETAGNE. — RUSSIE. 883
humaines, et donueune critiqué i aisontrée de leurs productions.
Apres 1rs biographies des poêles KocflCMOWski , Szymonowicz^
y.imonmucz , Sarhicwsfii , ÙOtvinski , Krùiicki , IVciigicsi l,i ,
Ifiemcetvicz, Brodtinski et Lac/, Szyrnta s M. Bowring offre Ja
traduction en vers anglais de plusieurs morceaux choisis parmi
leurs meilleures compositions , el SCS essais nous ont paru re
produire la poésie originale aussi e\;ieieiuent que Ifi Comportait
le génie d'une langue tout -à -fait différente ne l'idiome polo-
nais. C — o.
227. — * Gcrtnafi Storics > etc. — Nouvelles allemandes, re-
cueillies dans les ouvrages de Mmr Pichler, de Hoffmann, de
La Motte Fouqué, de Kruse , etc. ; par R.-P. Gillies. Edim-
bourg, i8a6. !\ vol. in-8°; prix, \ liv. st. 16 sh.
Si personne n'a fait encore, en France, ce que M. Gillies
vient d'exécuter pour l'Angleterre, son recueil de Nouvelles
allemandes engagera sans doute quelques hommes de lettres à
transporter aussi dans ta langue d'Hamilton et de Marmontel
ces aimables et légères productions, qui n'ont peut-être d'autre
mérite littéraire que la facilité de la composition. La traduction
anglaise est toujours aisée, souvent élégante; et cependant, on
sent que ce n'est point là un livre anglais. Aucun écrivain an-
glais n'oserait entreprendre de remplir trois volumes de ces
aventures extravagantes, de ces événemens improbables el de
ces caractères contraires à la nature, qui, sous la plume des
romanciers allemands , séduisent le lecteur et l'entraînent, sans
lui permettre de remarquer les fautes. Le bon sens est outragé
à chaque instant, le bon goût est presque totalement oublié;
mais l'imagination , abandonnée sans frein à sa course vaga-
bonde, se montre pleine de vigueur et de verve; et, lors même
qu'elle s'écarte du droit chemin, elle ne fait jamais de faux pas.
On trouve pointant dans ce recueil une nouvelle d'un genre
différent. Mademoiselle de Scudéri, dont les romans furent
jadis célèbres, en est l'héroïne; la scène est à Paris, et tous les
détails sont présentés sous ces formes simples et exemptes
d'exagération qui semblent être les garans de la vérité histo-
rique. Ce récit est arrangé avec un art infini, et pourrait
fournir le sujet d'un drame fort intéressant.
Fanny Seymour.
RUSSIE.
228. — * Trouai obschestva istoru i drevnostcï. — Travaux
de la Société d'histoire et d'antiquités russes. T. II. Moscou ,
6fi , LIVRES ÉTRANGERS.
182/4 ; imprimerie de l'Université. In- 8° de 1 12 et 238 pages ;
Celte Société, fondée à Moscou , il y a plus de vingt ans, et
dont le but est d'éclaircir l'histoire ancienne de la Russie, avait,
depuis i8ir>, époque où elle mit au jour le Ier volume de ses
mémoires, suspendu cette utile publication. Elle vient de la re-
prendre, en faisant imprimer le volume que nous annonçons.
Après quelques mémoires sur les travaux de la Société, depuis
le mois de février 181 5 jusqu'en février 1820, ce 2e volume
contient des articles dont rémunération intéressera sans doute
nos lecteurs, en leur faisant connaître les objets dont la Société
s'est spécialement occupée: i° Notices bibliographiques sur la
vie , les travaux scientifiques et la collection cl' antiquités russes
du comte Alexis Moussine-Pouchkïne, par Constantin Ralaï-
l>ovitch. L'auteur s'attache à décrire les morceaux d'antiquités
quise trouvaient danslabibliothèquedu comte Moussi ne-Pouch-
kine , réduite en cendres dans l'incendie de 1812, et il rend
ensuite un compte détaillé des ouvrages et des manuscrits de
cette précieuse bibliothèque. — 20 Remarque sur les anciens ca-
lendriers slavon s. L'auteur de cet article, dont le but est de
prémunir les personnes qui s'occupent de l'histoire russe contre
les erreurs de la chronologie ancienne , établit que jusqu'en
1347 on comptait, en Russie, l'année à partir du mois de mars ;
qu'à dater de i347 , on la compta du mois de septembre et de
la création du monde, selon la Genèse; et qu'enfin, depuis
1700, on la compte du mois de janvier et de la naissance de
Jésus-Christ. — 3° Conjecture sur les motifs qui déterminèrent
V invasion des Normands chez les Slavons , par Eroussilof. L'au-
teur suppose, sans aucun fondement, que l'objet principal de
la conquête de la Russie par les Varègues ou Normands était
d'arriver à la ville de Bysance. Les Varègues ne cherchaient que
le pillage dans leurs excursious : ils ne formaient pas un corps
de nation ; mais ils habitaient en familles séparées et souvent
fort éloignées les unes des autres, sous l'administration de leurs
chefs. Par conséquent, si quelques - uns d'entre eux connais-
saient l'existence de Constantinople, d'autres pouvaient n'en
avoir aucune idée. Leurs invasions, sans combinaisons, sans
système et sans ordre, étaient inspirées par la nécessité d'aller
chercher au loin les alimens qui leur manquaient. L'auteur,
pour appuyer son assertion, prétend que Rurik, après
avoir conquis Novgorod, envoya Askold et Dira Kief; mais
les annales russes assurent le contraire. Askold entreprit l'ex-
pédition de Bysance contre la volonté de Rurik, beaucoup
plus disposé à s'affermir dans les possessions qu'il avait ac-
RUSSIE.
quises-, qu'à tenter de nouvelles conquêtes.- - 4° i)('s anciennes
relations commerciales des Stavons russes avec les autres peuples t
et de la route qui conduit en Grèceparla Russie. L'auteur de c<
ticle a voulu prouver que le commerce des Slavons avec les Grecs
n'est pas d'une date aussi aùdienue qu'on le croit, el n'a pas été
aussi florissant <|iir le supposent StOecb el Kischib dans leurs
ouvrages : il changera sans doute d'opinion en lisant les re-
cherchée de Fraeha sur les monnaies arabes. ">° d perçu des
anciens Usages russes, par Alhtzïbachef ; article forl curieux.
mais qui ne renferme pas tous les documens que l'on pourrait
désirer. — 6° Des anciennes monnaies russes , bar le même; no-
tieequi contient des recherches importantes sur les monnaies
dont On se servait jadis en Puisse. — 70 Des monnaies d'argeni
de Tarostaf, par Bkkktof; l'auteur essaie de prouver que les
pièces frappées sous le règne de larostafj ne constituaient
point une monnaie courante, à cette époque. — 8° Description
des monnaies russes présentées à la Société; article de Baous-
silof. — 90 Fragment sur les anciens monumens de Kief et les
palais des princes ( kniaze), détruits ou tombés en ruines, par
Pissarf.f, président de la Société. — io° Du drapeau de Vla-
dimir, duc de Kief, conservé à Gfouzino, maison de campagne
du comte Araktcheef. — n° Des portes korsonniques à Novgo-
rod, par Sanglin. L'auteur combat l'opinion de M. Adelung,
dont nous avons annoncé un ouvrage sur ce sujet, publié en
allemand: Die korsunnischen Thùren (voy. Rcv. Eue , avril 1 82/,,
t. xxii , p. 1 46-1 /|7). — 1 20 Mémoire sur une croix de SviatoslaJ\
à lourief- Polsky, ville du gouvernement de Vladimir, par Snî-
guiref. — i3° Sur la Horde d'Or , extrait de Schildberher , par
Dmitri Yazikof, avec des remarques. Ce morceau est d'autant
plus curieux qu'il explique l'ordre de succession des Khans ,
qui, pendant le séjour de l'auteur parmi les Tatars, se chassè-
rent mutuellement du trône. — i/,° enfin, Dissertation sur les
monnaies ou médailles du tems de Pierre I , dans laquelle il ne
s'agit, en effet, que d'une seule médaille de cette époque : les
autres appartenant toutes au règne de sa fiile, l'impératrice
Elisabeth.
Nous ne pouvons qu'engager la Société à continuer ses re-
cherches, si utiles à l'histoire de la Russie; et en lui donnant
les éloges qu'elle mérite, nous l'inviterons aussi à soigner un
peu plus la partie typographique, assez négligée dans ce second
volume de ses mémoires.
229. — " Prostonàrodnia Pcsni, etc. — Chants populaires des
Grecs modernes, traduits envers russes , accompagnés du texte
grec , d'une Introduction , d'un Parallèle avec les chants natio-
686 LIVRES ÉTRANGERS.
naux des Russes, et de Notes; par Nicolas Gnéditch. Saint-
Pétersbourg, 1825 ; Imprimerie de Gretch. In -8° de xl et
52 pages, avec une gravure représentant un Klcphte ; prix ,
6 roubles.
Les exploits militaires des Grecs, en excitant l'intérêt des
amis des lumières, de l'humanité et de la liberté, ont engagé
beaucoup d'écrivains à s'occuper de la recherche de tout ce
qui a composé l'existence politique de ce peuple, pendant les
trois derniers siècles, c'est-à-dire, depuis l'époque de la chute
de l'empire d'Orient. L'histoire de ces tems offre des tableaux
affligeans d'asàervissement et d'avilissement , quelquefois aui
mes par les tentatives des Grecs pour reconquérir leur an-
cienne indépendance. Mais, tandis que les Grecs de Constan-
tinople, et en général, les habitans des villes maritimes et des
vallées, gémissaient sous le joug despotique des Turcs, plu-
sieurs peuplades des montagnes de Souii, de l'Olympe, de la
Thrace , remplies de courage et soutenues par un esprit de
vengeance, se réunissaient, formaient des détachemens sous
le nom d'Armatoles et de Klephtes, et défendaient ainsi leur
sauvage indépendance dans des montagnes inaccessibles , au
milieu des marais et des bois. Il serait impossible de recueillir
une histoire complète de celte lutte continuelle de trois siècles,
comme il serait très -difficile de fixer l'époque des événe-
mens les plus remarquables et de tracer un tableau fidèle de
tant d'exploits isolés. Les Grecs livraient des batailles, et n'é-
crivaient pas leurs victoires. Les Turcs dérobaieut leurs pertes
à la connaissance du Divan , en exagérant les avantages qu'ils
avaient remportés. Le souvenir des exploits des Grecs et de
leurs héros n'a donc pu être conservé que par les traditions
nationales, dans les chants populaires, qui , en retraçant leurs
exploits et leurs succès, portent en même tems l'empreinte fi-
dèle des mœurs. Ces chants, pleins de véritables beautés et
précieux par le motif que nous venons d'énoncer, ont été re-
cueillis et traduits en français par M. Fauriel (voy. Rev. Eue.,
juin 1824, t. xxii, p. 699). M. Lemercier en a donné depuis
une traduction en vers français , qui a été le sujet d'une ana-
lyse dans deux articles fournis à notre Recueil par M. P. F.
Tissot ( voy. Rev. Enc. , décembre 1824, t. xxiv, p. 680-694 ,
et octobre 1825, t. xxvm, p. 120-1 34 ). « Grâce à MM. Le-
mercier et Fauriel ( dit noire collaborateur) nous savons que
les Hellènes combattent et chantent, comme leurs pères, et
qu'il est chez eux plus d'un Achille qui se console avec la lyre,
quand il ne peut combattre. » Grâce à M. Gnéditch, connu
par des traductions d'Homère et de Virgile, la littérature russe
RUSSIE,— POLOGNE. 68)
• esl aussi enrichie de ces chants, dans une tradttction en vas ,
expressive, élégante et fidèle, précédée d1 une introduction , qui
offre une courte histoire des krmatoles ei des KJephtes , <t des
notices sur leur poésie Cl s">r leurs chant S nationaux, En cm
[nuniani à JM. Faune] plusieurs détails relatifs, à ce sujet, le
traducteur russe a rectifié diverses iin xaetitiides, et il y a joint
ses propres remai qw s.
Dans la seconde partie de l'int I oduction, M. Gnéditeh com-
pile ces chants aux chants nationaux des liesses; et, après
avoir démontré qu'il existe quelques ressemblances, dans les
régies générales de la composition chez ces peuples, i! trouve l'ori-
gine dans les relations que les Slaves ont eues av< c les Grecs de-
puis le vie siècle. M. Gnéditeh a traduit \1 chants qu'il a pu-
bliés en regard de l'original grec, et qu'il a accompagnés
d'un exposé sommaire et de notes explicatives. D'après le
jugement des personnes qui possèdent le mieux la langue
grecque moderne, nous pouvons assurer que la traduction
russe est faite avec une grande exactitude. En triomphant des
difficultés de la langue, M. Gnéditch a transporté ces chants
sur le sol de la Russie, dans leur séduisante simplicité , avec la
vivacité d'une riche et brillante imagination, et il a eonservé
toute l'énergie des pensées et la force des expressions origi-
nales. Ces poésies, qui auraient mérité une place distinguée
dans les archives de la littérature, lors même qu'elles auraient
été privées de leur importance historique, acquièrent un double
prix à nos yeux. Nous aimons à faire remarquer que la France
et la Russie se sont empressées, les premières parmi les nations
européennes, de faire passer dans leurs langues ce Recueil des
chants populaires de la Grèce, contrée chère à nos souvenirs,
et sur laquelle se dirigent aujourd'hui tous les regards.
P. R. E.
POLOGNE.
2^0. — * H (s tory a Phnstcea RossyisAicgo. — Histoire de Russie
de Nicolas Karamzine, traduite du russe en polonais, par G. Buc-
zynski. T. I et II. Varsovie, 182/i; Zawadzki et YVecki. 2 vol.
in-8°, le ierde xxxiv, 234 Paoes de texte et 174 pages de notes;
le 2e, de 289 pages de texte et 210 pages de notes avec un
portrait lithographie de Karamzine, et une carte de l'ancienne
Russie.
Que nos lecteurs ne s'en prenuent point à nous, si la litté-
rature polonaise semble être négligée dans la Revue Encyclopé-
dique, et si elle n'y est point représentée , comme elle mérite de
688 LIVRES ETRANGERS.
l'être. Nous déplorons nous - mêmes la lacune qui existe (tans
nos Tablettes bibliographiques el dans nos Nouvelles littéraires,
relativement à la Pologne, et nous regrettons vivement de no
pouvoir obtenir des renseignemens exacts sur l'état et les pro-
grès des sciences dans ce pays, où nous voudrions trouver un
correspondant disposé à nous communiquer sans interruption
et avec fidélité des notions sur tout ce que les sciences et la ,
littérature offrent d'intéressant en Pologne. Les journaux même
de la Russie, qui , à cause de son voisinage et de ses relations
avec la Pologne, devraient offrir des données à peu près com-
plètes sur la littérature polonaise, n'en font mention que rare-
ment, et avec trop peu de détails. La littérature polonaise
s'est enrichie, depuis quelques années, comme les littératures
française, allemande et italienne , de l'ouvrage historique de
Karamzine, dont le traducteur polonais a publié, en 1824, les
deux premiers volumes. P. R. E.
DANEMARK.
23 1. — * Vnionshrigene og Borgcrhrigcnc, etc. — Guerres de
l'union des trois états Scandinaves et guerres civiles de cette
époque; ouvrage appartenant à l'histoire des guerres du Da-
nemark, par H. J . Blom, premier lieutenant au régiment du
roi. Copenhague, 1826; Gyldendatl. In-8° de 5i2 pages, avec
une introduction de xxvi pages et une carte.
L'histoire de la guerre peut être d'une grande utilité aux
militaires. Elle leur fournit les movens de mieux connaître,
de mieux juger des exploits de leurs ancêtres; elle leur montre
quels ont été les progrès de l'art de la guerre, aux différentes
époques de l'histoire, et comment l'état actuel du soldat a été
préparé par les tems précédens; elle leur offre dans les détails
particuliers des récits historiques, un commentaire instructif
sur la géographie de leur pays voisin (1). Pour composer une
pareille histoire, il ne suffit pas de posséder le savoir ordi-
naire de l'historien: celui-ci se trouve souvent embarrassé,
lorsqu'il est question de plans de campagne, d'opérations mi-
litaires et de dispositions stratégiques. S'il n'a pas des connais-
sances spéciales, il commettra nécessairement de grandes er-
reurs; d'une autre part, l'homme de guerre, privé des études
(1) L'ouvrage géographique intitule: Krigcns Skueplads , le Théâtre
de la guene, par //. O. V. Scheei. , a depuis long -temps offert d'u-
tiles renseignemens aux militaires du Danemaïk.
DANEMARK. C>S0
premières sur les lois, les retations politiques des peuples, les
mœurs, lesusages, etc., se trouvera également incapable d'écrire
une bonne histoire militaire. Il est indispensable à l'historien
de réunir les connaissances el les talens de l'homme d'état à
la science des camps et des batailles. Nous ne pouvons douter
que M. Blom ne possède ces deux qualités, malgré la mo-
destie avec laquelle il s'annonce lui-même; Il déclare dans sa
préface qu'il n'a songé qu'à ses compagnons d'aunes; mais
nous pensons que les savans trouveront, aussi dans son ou-
vrage des vues neuves et intéressantes.
L'ouvrage est précédé d'une introduction qui contient des
observations historiques sur le premier usage qu'on a fait à la
guerre de la poudre à canon et des armes à feu. Il se divise en
deux parties principales, La première^ qui traite des guerres
occasionnées par l'union des trois contrées Scandinaves, se
partage en deux périodes , l'une de i3o8 à 1488;' l'autre, de
1488 à i53'2. La période de i3o8 à 1488 se subdivise en trois
sections : la première contient le récit des guerres soutenues
par la reine Marguerite de Danemark contre Albrcct, roi de
Suède, l'histoire de la captivité de ce prince et celle de la
réduction de la Suède; on trouve dans la seconde section le dé-
tail des démêlés longs et peu honorables du roi Érick et des
comtes de Holstein, qui demandèrent l'investiture du duché de
Sleswig, propriété de leur père ; la troisième donne l'histoire de
l'insurrection des Suédois qui amena la chute du roi Érick,
en 1439. Son successeur, le roi Christophe, s'occupa d'apaiser
une révolte excitée en Jutland par les partisans d'Érick. Son
règne fut tranquille et prospère. La période de 1488 a i53-2 se
divise en cinq sections. La première décrit les guerres de
Christian Ier contrôles Suédois révoltés qui se refusaient à le
reconnaître; la seconde contient le récit des efforts du roi Jean
pour soumettre le duché, efforts qui furent couronnés de succès
en 1497 ; mais, après une guerre malheureuse contre les Dit-
marchois en i5oo, le duché fut perdu de nouveau pour le
Danemark. Les guerres du roi Jean entreprises pour le recon-
quérir, font le sujet de la quatrième section, et l'on en retrouve
les suites dans le dernier chapitre, sous son fils et successeur
le roi Christian II, qui fut chassé de Suède à cause de sa
cruauté, et détrôné parla noblesse de Danemark et de Nor-
vège. Il se réfugia en Hollande. Une branche cadette de la
maison royale d'Oldenbourg monta sur le trône de Danemark
et de Norvège, et les Suédois choisirent leur roi Gustave Vasa.
Mais le parti de Christian était encore nombreux. Ce roi
détrôné n'épargna rien pour reconquérir les royaumes qu'il
t. xxxvi. — Décembre 1827. 44
G90 LIVRES ÉTRANGERS.
avait perdus. Le récit des guerres civiles qui en résultèrent
remplit la seconde partie de l'ouvrage. La première finit avec
l'année i53>, époque où Christian II fut lait prisonnier par
le roi Frédéric. La seconde décrit les guerres que le parli de
Christian II, composé des basses classes du peuple et soutenu
par les Lubeckois, soutint contre le parti de la noblesse et du
roi Christian IV. L'auteur a ajouté aux deux parties de son
ouvrage un aperçu de l'état militaire à l'époque dont il est
question. Le style est généralement pur et correct; la narra-
tion est vive et rapide, intéressanteet animée. Y. R.
1 3 2. — * Krakas Maal t ellcr Kvadom Kong Ragnar J.nd-
broks Krigsbedrifler og Eeltedœd. — Krakumael , ou Chant sur
les exploits et la mort héroïque du roi Regnar Lodbrok; pu-
blié d'après plusieurs manuscrits, avec des traductions en da-
nois, latin et français, des variantes et des notes philologiques,
par C. C. Rafn. Copenhague, 1826; Schulzc. I11-80.
On regarde le chant de Regnar Lodbrok comme une des
plus anciennes productions de la littérature islandaise; en
France, on ne le connaît guère que par la traduction ou plutôt
par l'imitation de Mallet, qui s'est borné à rapprocher les
principales idées de cette antique pièce de vers, et à leur
donner une forme moderne. Ceux qui jugeraient de la poésie
islandaise d'après Mallet n'en auraient qu'une idée très-im-
parfaite, ou plutôt en prendraient une trop haute opinion. La
poésie d'un peuple qui sort à peine de la barbarie, et qui ne
connaît point de bons modèles, peut être énergique et pleine
d'imagination; mais elleesl peu châtiée, elle est diffuse, elle ac-
cumule les images, elle affecte des formes bizarres, qui choquent
un goût épuré; enfin, elle ne ressemble nullement à la poésie
moderne. C'est ce dont on peut se convaincre en lisant le
texte et les traductions du Krakumael, ou du chant de Regnar
Lodbrok, que vient de nous donner M. Rafn. Suivant la tra-
dition, le roi danois Regnar Lodbrok, en guerre contre un
roi d'Angleterre, fut fait prisonnier et jeté dans une tour rem-
plie de serpens et d'animaux venimeux qui lui rongèrent les
entrailles, et Regnar Lodbrok périt l'an 817, dans les douleurs
les plus horribles, et en proférant le chant funèbre et sauvage
qui nous occupe , et que Thomas, dans son Essai sur les éloges,
cite en preuve de l'enthousiasme poétique des Scandinaves.
Thomas ne connaissait probablement cette pièce que par l'imi-
tation de Mallet. Mais en lisant le texte on reconnaît à l'ins-
tant que le héros Scandinave n'a pu composer ce dithyrambe.
Il comprend vingt-neuf strophes qui toutes, à l'exception de
la vingt-neuvième , rappellent les exploits du héros et ses
DANEMARK— ALLEMAGNE. 69k
cinquante combats. La dernière seule se rapporte aux tour*
mens du roi expirant. En voici la traduction littérale: - Il me
tarde à présent de finir. Les déesses que m'a envoyées Odin
m'invitent à entrer dans son palais. Plein de joie, je vais boire
de la bière, assis avec les ases aux premières places. Les heures
de la vie touchent à leur fin : je meurs a\ ëc joie. Si la tradi-
tion de la mort de ilejotar Lodbrok peut être vraie, il n'est.
pas vraisemblable aue pe roi ait, en mourant, composé une
pièce i\r vers en vin:;! -neuf strophes, dont, la dernière seule
fasse mention de son supplice. vl. Kaf'u regarde le Krakumael
comme un chant belliqueux, que ftegtyar Lodbrok, au tems
de sa prospérité, composa pour ses guerriers, et il pense que
la dernière strophe a été ajoutée, après sa mort, soit par sa
femme Kru/,a, soit par un scalde ou guerrier de sa suite. Dans
tous les cas, ce morceau est fort curieux, et M. Rafn pense que
c'est le plus ancien chant islandais qui soit parvenu tout entier
jusqu'à nous. Il fonde cette opinion sur des arguroeas très-
plausiblcs, en réfutant ceux qui ont cru reconnaître la trace
d'une main moderne dans le texte. M. Rafn passe en revue
toutes les éditions du KrùkXWtaéi et ses principales traductions
ou imitations. Il y joint, un commentaire grammatical, ainsi
que \v far sinule d'une page du manuscrit islandais dont l'au-
teur s'est servi pour rectifier le texte; enfin, M. Rafn donne,
d'après Y Estai sur la musique de Larorde, l'air sur lequel,
dans le dernier siècle, se chantait encore en Islande l'une des
strophes du Kra/autiael> et que Laborde a heureusement re-
cueilli. Ainsi il ne manque rien à celte édition, et les amateurs
de la poésie du nord trouveront dans le volume publié par
M. Rafn le texte môme de son plus vieux monument littéraire,
enrichi par l'éditeur de tout ce qui peut, contribuer à la clarté
du texte ]et à l'agrément de l'ouvrage. Deppiîïg.
ALLEMAGNE-
233. •— * Ucbcr den gege/ifvàrtigen Zustand des Acherbaus ,
des Handcls und der Gaverbe im Kœnigreieh Hannover. — De
l'état actuel de l'agriculture, du commerce et de l'industrie dans
le royaume de Hanovre; par Gustave de Gùlich. Hanovre, 1827;
Hahn. In-8° de 122 pages*
Le commerce et l'industrie du Hanovre ne sont pas d'une
haute importance. On fabrique dans ce royaume beaucoup de
toiles. On y brasse de la bière ; on fait do papier, de l'eau-de-
vie, tic. ; et les produits agricoles sont plus que suffisans pour
44.
692 LIVRES ÉTRANGERS.
la consommation. Le Hanovre a un tarif de douanes si modéré,
que l'importation des marchandises étrangères éprouve peu
d'obstacles ; mais les douanes prussiennes sont là pour empê-
cher que les marchandises qui arrivent en Hanovre n'en dé-
passent les frontières; et c'est ce qui paralyse le commerce de
transit. M. de Giïlich indique bien quelques moyens pour rele-
ver l'industrie nationale, et faire refleurir le commerce; mais,
comme il a dédié son livre au comte de Munster , ministre di-
rigeant, entièrement dévoué aux intérêts de l'Angleterre , l'au-
teur n'a pas eu le courage de dire que le Hanovre a reçu du
roi d'Angleterre, par la faute de ce ministre, une constitution
très-défectueuse, qui comprime l'esprit national, met la popu-
lation des campagnes dans la dépendance absolue de la no-
blesse, et n'accorde pas aux citoyens les droits auxquels ils
pouvaient prétendre.
Ce que l'on remarque de plus intéressant dans cet ouvrage,
c'est une introduction qui contient un aperçu historique sur
le commerce et l'industrie de l'Allemagne septentrionale pen-
dant les cinquante dernières années ; j'en présenterai les prin-
cipales données. Pendant la guerre de l'indépendance des
colonies anglaises en Amérique, le commerce du nord de
l'Allemagne prit un essor extraordinaire : les nouveaux dé-
bouchés qui lui furent ouverts firent promptement écouler
les toiles, les lins , les grains, et les autres productions du
pays, dont l'expédition enrichit les villes anséatiques. Après
le rétablissement de la paix, ces débouchés restèrent ouverts ;
mais la concurrence fut plus grande, et les bénéfices devinrent
beaucoup moindres. Une nouvelle époque d'activité et de pros-
périté pour le commerce allemand commença avec la guerre
de la révolution française; grâce à leur neutralité, les villes
anséatiques firent des expéditions immenses, surtout depuis
que la Hollande , subjuguée par les troupes républicaines, vit
son commerce anéanti; les toiles, les fils, les grains , et en gé-
néral tout ce que peut fournir le nord de l'Allemagne, était
embarqué en masses énormes à Hambourg pour l'Angleterre ;
en échange , les Anglais inondaient l'Allemagne par la même
voie de leurs productions coloniales. Ce teins de calamités et de
guerres désastreuses fut un âge d'or pour l'Allemagne septen-
trionale. Le séjour des émigrés, les subsides de l'Angleterre , les
dépenses faites par les grandes armées qui occupaient les pays
voisins, répandaientplus d'argent dans ces contrées naturellement
pauvres , qu'elles n'en avaient vu depuis des siècles. La classe
moyenne surtout se ressentit de cette nouvelle aisance ; les pay-
sans en eurentVissi leur part, et l'agriculture y gagna ; mais l'in-
ALLEN V.GNE- (></»
dufttrie, iclonla i (.'m ii que de l'auteur, resta a peu près station-
n.iiir. Au lieu d'employer dos capitaux à L'établissement des
manufactures , beaucoup d<- personnes les prêtèrent aux gou-
vernemens qui de tous côtés faisaient des emprunts, et dont
plusieurs ont Uni par des banqueroutes. Ce dernier fait ne se
trouve pas rappelé dans l'ouvrage de M. de Gûlich ; mais il n'en
est pas moins certain* L'auteur convient que, tandis qu'en
France et en Angleterre l'industrie faisait les progrès les plus
rapides, l'Allemagne septentrionale semblait prendre à tache
de ae point avancer, et qu'elle se trouva par conséquent bien-
tôt fort arriérée. Dans les \illcs anséatiques, le goût des Spé-
culations hasardeuses causa la ruine de beaucoup de maisons
de commercet Les avantages que les ports allemands avaient
tirés de leur neutralité pendant les guerres de la révolution
cessèrent avec ces guerres , et les événemens des premières an-
nées de ce siècle les placèrent dans une position toute diffé-
rente. Les Français, en occupant le Hanovre et quelque lerns
après les villes ansénntiques, mirent fin au commerce maritime,
.surtout avec l'Angleterre; mais l'industrie, réduite à ses propres
ressources, et délivrée de la concurrence étrangère, se déve-
loppa librement et les manufactures se multiplièrent , principa-
lement en Saxe et dans le pays de Berg. L'auteur prétend que
le paysan était accablé d'impôts, de fournitures, de logemens
militaires, et que le pays fut singulièrement appauvri par les
dotations que Napoléon accordait aux généraux fiançais dans
les pays conquis; ce qui faisait passer les revenus des terres en
France, sans indemnité pour l'Allemagne, Cette réflexion a
quelque chose de spécieux; mais, pour être impartial , il aurait
fallu mettre aussi dans la balance les avantages que le régime
français, introduit dans le Hanovre et ailleurs, procurait à
toutes les classes de la société, comme l'aboi issement des cor-
vées , l'égalité des droits, la liberté des cultes, etc. On voit que
l'auteur ose à peine parler de cette époque, tant il paraît craindre
de se compromettre. Lorsqu'enfin l'Allemagne fut affranchie
du joug étranger, le commerce maritime reprit son cours; les
toiles allemandes pénétrèrent dans l'Amérique du sud ; les grains
furent attirés en Angleterre, ainsi que les fils et les laines; les
années 1817 et 1818 furent, selon l'auteur, les plus heureuses
pour l'agriculture allemande. Les fermiers firent des bénéfices
considérables; on se pressait pour avoir des fermes; les baux
haussèrent rapidement de prix, tous les biens fonciers augmen-
tèrent de valeur. Mais, dès Tannée 18 19 , cet état prospère
changea; l'Angleterre cessa de tirer ses blés de l'Allemagne »
les prix des grains et des laines baissèrent; les banqueroutes
6*9 4 LIVRES ÉTRANGERS.
se multiplièrent , et la Prusse, par son tarif de douanes, porta
un coup mortel au commerce de transit qui avait été si profi-
table pour le Bord de l'Allemagne. Ce n'est pas que, depuis
cette époque, l'exportation de quelques articles, notamment
celle des laines , n'ait été avantageuse ; la Grande-Bretagne %
qui, en 1800 , avait tiré de l'Allemagne seulement 4,120 quin-
taux de laine; en 181 4, 34,3^4, ct cn 1818, 84,322 , en a tiré ,
en 1824? la masse énorme de 154,122 quintaux, et il paraît
qu'en 1825 l'exportation a été plus forte encore; mais les laines
sont à trop bas prix , et les gens de la campagne se sont accou-
tumés aux aisances de la vie, ce qui les force à tirer ôa dehors
des quantités considérables de denrées coloniales , d'objets ma-
nufacturés, d'étoffes, etc. On avait conçu l'espoir de faire
écouler beaucoup de toiles dans les nouveaux États d'Amé-
rique; mais les marchés de cette partie du monde ont été bien-
tôt encombrés d'objets arrivés de toutes parts , et la gène qui
en est résultée pour le commerce anglais lui-même, s'est com-
muniquée à celui de l'Allemagne. Les réflexions par lesquelles
l'auteur termine son aperçu ne sont rien moins qu'encoura-
geantes pour l'agriculture et le commerce de ses compatriotes;
de quelque côté qu'il porte ses regards, il n'aperçoit que le
système prohibitif; partout on veut exporter des marchandises,
nulle part on ne veut en recevoir; et les contrées où il serait
possible d'en envoyer sont justement celles qui ne peuvent les
payer. M. de Gùlich, dans un tableau ajouté à son ouvrage, met
en parallèle les tarifs de quelques grands états de l'Europe et
de l'Amérique, où l'on voit que certaines marchandises paient
un droit d'entrée plus élevé que leur propre valeur, et que
d'autres sont totalement prohibées. L'auteur se borne à con-
stater cet état de choses, sans indiquer les moyens de le changer.
234. • — Ueber den Obscurantismus der das deutsehe Vater-
land bedrokt. — De l'obscurantisme qui menace la patrie alle-
mande, par J.-G. Pahl. Tubingue , 1826; Osiander. In-8°.
En Allemagne comme en Fiance, la lutte est engagée entre
les lumières et les ténèbres, entre les partisans de la liberté
légale et les amis de la servitude en tout genre; et comme les
Allemands sont plus flegmatiques que les Français, la discus-
sion entre les deux partir, est anssi plus calme, et les brochures
plus méthodiques. M. Pahl range les obscurans en diverses
classes; dans la première, il passe en revue les obscurans
politiques, qui prêchent le régime absolu, sous le prétexte
d'éviter les révolutions; il nomme MM. de I aller , Dabeloiv ,
Sluhr , Gœnner, Frédéric Schlegel , Stourdza , et quelques autres.
Il s'adresse ensuite aux obscurans ultramontains, partisans
ALLEMAGNE. <'></>
aveugles de l'autorité papale illimitée* ; il fait voir quels sont
les efforts lentes par ce parti redoutable en France et eu
Bavière, afin vie s'emparer <ln pouvoir; de l'éducation de la
jeunesse et de l'esprit du peuple. Après lui, viennent les
obscurs ns protestans, qui prêchent l'intolérance et s enveloppent
de mysticisme. Dans un de sos derniers chapitres, il fait voir
qu'on n'a tant déclamé contre 1rs Universités allemandes, qu'afin
d'avoir occasion de détruire ces foyers de linnière et de
science, contre lesquels ont échoué jusqu'à présenties sourdes
menées des obscurans de la Germanie*.
a'35. — Erstcr Steg des LichtS uhrr die Finsterniss in der
• *
katliolisehen Kirclic Se hic siens. — Première victoire de la lu-
mière sur les ténèbres dans l'église catholique de la Silésie.
Hanovre, i8>.G; Ilahn. In-8" de !\> pai:.
Si l'on ne savait ce qui se passe dans la Silésie, on ne devi-
nerait jamais l'énigme renfermée' dans ce titre.
La Silésie est, comme on sait, un pays en grande partie
catholique qui obéit à un prince protestant, le roi de Prusse.
Le rapprochement des deux cultes a fortement influé sur les ca-
tholiques qui sentent le besoin d'opérer quelques réformes dans
leurs usages religieux, et de rejeter ce qui ne s'accorde plus
avec les mœurs et les lumières du siècle. Tout récemment, un
prêtre anonyme a demandé, dans une brochure, l'abolition du
célibat, des messes commandées et payées, etc. Dans la bro-
chure qui fait le sujet de cet article, on publie la pétition que
onze prêtres ont adressée à leur évèque, pour le supplier de
réformer les abus du culte, de substituer la langue allemande
au latin, incompréhensible pour le peuple, de faire rédiger
un missel moins absurde que celui dont on se sert dans les
églises de la Silésie, etc. «Nous autres Allemands, disent ils, nous
voulons non seulement prêcher en allemand à notre nation,
mais nous voulons aussi prier, pour elle et avec elle , dans la
langue nationale. Tant que le latin ne sera pas banni de la
liturgie, il n'y aura pas de culte vraiment religieux et édi-
fiant. » On apprend que lcveque a répondu, avec un peu d'hu-
meur, qu'il n'avait pas le pouvoir de changer les rits de l'église ,
et qu'il infligerait des peines ecclésiastiques à ceux de ses su-
bordonnés qui se permettraient des innovations non autorisées.
On n'insiste pas moins, dans d'autres brochures et dans quel-
ques journaux allemands , sur la nécessité d'une réforme du
culte romain. On veut que, dans les églises catholiques, le tems
du service divin soit consacré en grande partie à chanter des
cantiques en langue nationale, comme cela àe pratique chez
les protestans, au lieu de réciter de vieilles formules latines,
dont plusieurs n'ont guère de sens. D — g.
696 LIVRES ETRANGERS.
236. — * Thaddàus Kosciuszko , dargcstellt , etc. — Thaddée
Kosciuszko, ou histoire de sa vie, par Charles Falkenstein,
secrétaire attaché à la Bibliothèque royale de Dresde , etc.
Leipzig, 1827 ; Brockhaus. In-8° de 294 p.
On connaît déjà plusieurs notices biographiques sur Kos-
ciuszko, parmi lesquelles les Polonais ont distingué celle de
BI. Jullien, traduite dans leur langue (voy. Rev. Enc. , t. 1,
p. 32.5. Février 18 19), et remarquable par le sentiment qui l'a
dictée et par la véracité des faits que l'auteur avait recueillis,
concernant le héros polonais. M. Falkenstein a su profiter du
travail de ses devanciers; mais sa biographie est conçue sur un
plan plus vaste que les précédera, et s'est enrichie des matériaux
nombreux qu'il a dus à ses relations avec Kosciuszko lui-même
et avec d'autres Polonais, Désirant éclaircir les moindres cir-
constances de la vie privée et publique du grand homme dont
il veut transmettre à la postérité une fidèle ressemblance, il
cite près de quarante ouvrages qui ont servi à ses recherches ,
mais dont la plupart contiennent fort peu de détails sur Kos-
ciuszko. Toutefois il est à regretter que M. Falkenstein ne men-
tionne point ceux où il a puisé le récit des circonstances qui se
rattachent tant au voyage du jeune Kosciuszko à l'Ecole mili-
taire de Paris, qu'à ses premières amours avec la belle et inté-
ressante SosnowsAa. Quant au premier fait, on ne trouve dans
biographie de Kosciuszko, par le comte Alexandre C/iod-
hiewiez, citée par l'auteur , que la date de l'année 1 769 , époque
du départ du jeune Polonais pour voyager dans les pays
étrangers, et le récit de l'aventure amoureuse dont nous avons
parlé diffère beaucoup, dans la nouvelle histoire, de la manière
dont elle est rapportée dans les Mémoires du contemporain
Zenowicz. Quoi qu'il en soit, c'est au tems à dévoiler les secrets
de la première jeunesse de Kosciuszko.,
Le talent et les soins consciencieux que M. Falkenstein a con-
sacrés à son ouvrage lui donnent des droits assurés à la recon-
naissance des Polonais et de tous ceux qui voudront connaître
l'homme généreux dont le dévoûment patriotique, les mal-
heurs et la gloire appartiennent déjà à l'histoire.
Notre auteur se montre observateur judicieux, éclairé et nar-
rateur impartial : ses affections n'altèrent point l'équité de ses
jugemens. Après avoir indiqué avec précision les causes de la
décadence de la Pologne, de cette noble contrée où le sentiment
national et patriotique a survécu dans les cœurs de ses habitans
à l'indépendance même de la nation et à l'existence politique
de la patrie, il arrive à la mémorable époque de l'année 179/1 »
dans laquelle Kosciuszko, trahi par beaucoup d'événemens
ALLEMAGNE. fi|>7
funestes , 10 montra supérieur à la fortune el digne de la grande
mission (jn'il fut appelé à remplir. Cette époque est traitée
avec; tous les développement convenables, par Rf. Falkenstein ,
(jni a piis soin de recueillit' et de consacrer par d'honorables
éloges tons les noms des généreux Polonais, compagnons de
fCosciuszko, en même tems qu'il voue au mépris et à l'indigna-
tion dos gens de bien les noms de quelques nommes dénaturés
<|ni furent traîtres à leur pays.
Dos pièces justificatives , réunies à la fin du volume, donnent
a la narration un nouveau degré d'authentieité qui augmente
encore l'intérêt, C — o.
237. — Solder' s nachgclasscnc Schrlften und Bfiefwechsel. —
OEuvres posthumes et correspondance de Solgf.r; publiées
par L. Tif.ck. et Frid. dï Raumer. Leipzig, iSiG ; Brockhaus,
I vol. in- 8° de 780 et 784 pag.
On demandera quel est ce Solger dont on publie les œu-
vres posthumes en deux forts volumes. Le nom de ce professeur
de philosophie est tout- à- fait inconnu en France; mais il a
quelque célébrité en Allemagne. Solger était né en 1780; il
mourut en 1819, après avoir professé la philosophie, d'abord
à l'Université de Francfort-sur-l'Oder , puis à celle de Berlin.
II étoit ami intime du poëte Ticck et de l'historien Raumer; ces
deux littérateurs ont recueilli ses œuvres posthumes et sa
correspondance avec eux; ils ont même ajouté leurs propres
lettres, ce qui grossit un peu le bagage. Cette correspondance
occupe presque tout le premier volume. Le second est rempli
de morceaux de métaphysique et de philosophie, d'articles
critiques sur Sophocle, sur l'art dramatique, sur la mythologie
des anciens, etc. La correspondance entre les trois amis roule
en grande partie sur leurs travaux littéraires; ils se consultent,
se font des complimens, ajoutent timidement quelques remar-
ques critiques, et parlent d'eux-mêmes comme si l'immortalité
leur était déjà assurée. Cette correspondance, quoique froide-
ment écrite, a néanmoins de l'intérêt; elle nous met dans la
confidence des travaux et des projets de quelques littérateurs
allemands qui, au moins dans leur tems, ont passé pour des
esprits distingués. Leur correspondance est précédée d'un
journal ou recueil de notes que Solger a tenu pendant son
voyage en Allemagne et à Paris, dans l'année 1800. On trouve
dans ce journal des remarques piquantes, et des critiques plus
ou moins justes, telles que les fait un voyageur qui ne voit les
choses qu'en passant. L'auteur refuse le goût de la musique
aux Français , parce qu'on a mutilé à Paris la wFldtc cricJiantte
de Mozart, et qu'on applaudit à l'Opéra les tris effroyables des
69S LIVRES ÉTRANGERS.
chanteurs. 11 blâme M. Alex. Lcuoir d'avoir restauré et réuni
les anciens nïonumens qui étaient au Musée des Petits-Augus-
tins : «Un Allemand, dit-il , aurait eu trop de respect -pour
toucher à ces antiquités , et pour prétendre les remettre à
neuf. » M. Solger appelle cela un délit commis envers les arts.
Du reste, il rend justice au zèle de notre compatriote; et nous
saisirons ici l'occasion d'exprimer à M. Lenoir la reconnaissance
des amis des arts, et le sentiment commun d'affliction que leur a
fait éprouver l'acte de vandalisme qui a supprimé le M usée qu'il
avait fondé , et qui a dispersé les monumens que ses laborieuses
recherches lui avaient permis de recueillir. L'auteur fut intro-
duit aux soirées de Millin; il en parle avec une sorte d'humeur:
« Le maître de la maison, dit-il, se croyait en droit de ne s'em-
barrasser de personne, et chacun se tourmentait à sa manière
pour arracher une parole à son voisin : c'était une espèce de
cour que Millin se faisait faire : il tournait dans la salle, et de
tems en tems il commençait une conversation en faveur de toute
la compagnie, en avançant quelque chose de paradoxal, afin
de fournir une matière à la discussion : aussi le combattait-on
bravement; mais il finissait par rester vainqueur. Millin parle
beaucoup, et aussi superficiellement qu'on peut le désirer. L'en-
nui d'une telle société vient, je crois , de ce que chacun s'ima-
gine qu'il faut y étaler de l'esprit et du savoir: par malheur,
la plupart des personnes réunies étaient des étrangers qui ne
savaient que faire l'un de l'autre. » Il y a, selon moi, une sorte
d'ingratitude à parler avec cette malveillance devant le public,
des réunions d'un savant estimable qui n'avait d'autre but que
d'être agréable aux étrangers, et de leur fournir un point de
réunion; mais peut-être Solger ne destinait-il pas ces notes à
la publicité : c'est ce que les éditeurs auraient dû faire savoir.
Le second volume a moins d'intérêt que le premier. Les
morceaux philosophiques et métaphysiques peuvent être pro-
fonds; mais quand on les a lus, il en reste dans l'esprit très-
peu de chose. Ces morceaux sont écrits. d'ailleurs avec séche-
resse, et. dépourvus de tout agrément de style, quoique Solger
écrive du reste très-purement. Il y a plus de mérite et d'intérêt
dans les articles sur Sophocle, sur l'art dramatique , sur la mv-
thologie des anciens ; l'auteur y fonde au moins ses remarques
sur quelque chose de réel, et on voit qu'il a fait une étude pro-
fonde des auteurs de l'antiquité. On trouve aussi dans ce second
volume des réflexions sur l'enthousiasme patriotique, réflexions
inspirées par les grands événemens qui , en 1 8 1 3 et 1 8 1 .'i , tirent
reconquérir l'indépendance nationale aux Prussiens. On voit
sque l'auteur n'était pas entraîné par le mouvement général de
ALLEMAGNE* $99
5.1 nation; toutefois il l'ait de lionnes remarques sur cet élan
patriotique que les nations ne manifestent que dans les grandes
circonstances 1 et qu'après une Longue et humiliante oppression.
D-o.
•>'kS. — * Quettioaes Hewdotrce. — Questions twv Hérodote
par Charles - Louis lh\sr. I"' partie: delà \ ie et des voyages
d'Hérodote. Berlin, 1827. In- 8°.
La préfaœ de cet intéressant travail annonce beaucoup de ju-
gement et de modestie : il a semble à l 'auteur que l'on tranchait
souvent trop facilement les questions les plus délicates ; que trop
souvent on se constituait juge en dernier ressort sur des sujets
peu OU mal explores: et il déclare qu'il a mieux aimé avouer
quelquefois ses doutes, que de présenter comme certaines des
opinions qui ne pouvaient être tout au plus que des conjec-
tures. M. lleyse indique pour la date de la naissance d'Héro-
dote la première année de la 74e olympiade, la /|8/|e avant
Jésus-Christ : six ans s'étaient écoulés depuis la bataillede Mara-
thon. Né à Halycarnassc, Hérodote eut pour père Lyxès , pour
mère Rhœo ou Dryo; il comptait parmi ses païens le poëtc
épique Panyasis. En examinant ce qui concerne ce poète et ses
écrits, M. Heyse combat les opinions émises à ce sujet par
M. le professeur ]\Tiaeke. La question qu'il discute ensuite a pour
but de déterminer si Hérodote a lu son histoire aux jeux
olympiques : ce fait se rapporterait à l'olympiade 8i. L'autorité
la plus ancienne pour l'affirmation est celle de Lucien. On est
allé plus loin après lui , car on a dit que Thucydide avait en-
tendu la lecture de l'ouvrage d'Hérodote. D'abord , M. Heyse
restreint avec raison ces assertions; puis, il se déclare pour
elles, après avoir cherché à démoulier que celte lecture
n'avait embrassé que des fragmens; et il combat d'une manière
ingénieuse les objections de Dahlmann sur les invi aissemblanccs
qui résultent de la nature même de la chose et du peu de poids
de l'autorité de Lucien, qui parait même s'en être rapporté à
une simple tradition. La. seclio/i suivante est consacrée à la \ ie
d'Hérodote jusqu'en l'olympiade 8/», douze ans après cette
lecture, époque à laquelle il passa àThusium avec une colonie.
Hérodote avait alors quarante ans; et il termina dans celte
ville son histoire par le soulèvement des Modes comprimé par
le second Darius, la première année de l'olvmpiade r)3. Il fyut
donc qu'Hérodote soit mort plus tard, âgé de plus de quatre-
vingts ans; il mourut à Thusium. M. lleyse pense qu'il ne se
maria point. Quant à ses voyages, il visita l'Asie, la Crète,
Cypre, la Phénicie. la Syrie, l'Arabie, la Mésopotamie, l'As-
syrie et la Médie. On ne sait s'il vint à Suze ; mais il ne vit point
7oo LIVRES ÉTRANGERS.
l'Arcane, la Bactriane, ni l'Inde. En Afrique, il parcou-
rut l'Egypte et ne pénétra point dans la Lybie intérieure. Sa
présence à Cyrène est affirmée par l'auteur, qui doute qu'il
soit allé à Carlhage. Enfin, en Europe, Hérodote a voyagé
en T h race, en Macédoine, en Italie et probablement en
Sicile , sans que l'on puisse préciser l'époque d'aucun de ses
voyages.
23g. — ' * Àlcœi Mitylenœi reliquiœ. — Les Fragmens d'Alcée
réunis et enrichis de notes, par Aug. Mathijs. Leipzig, 1827.
In-8°.
L'un des plus grands poètes lyriques a disparu du Parnasse
grec. Nous ne connaissons d'Alcée que des fragmens épars
dans les œuvres des divers auteurs qui nous ont parlé de lui.
Alcée de Mitylène montrait de grandes dispositions pour les
armes et les combats; mais il prit la fuite à la première occa-
sion, et les Athéniens vainqueurs suspendirent ses armes au
temple de Minerve à Sigée. Ce poëte ne fut pas plus heureux
dans sa carrière politique : il se joignit avec ses frères à Pittacus
pour chasser le tyran de Mitylène; puis il se mita la tête de
ceux que l'administration de Pittacus mécontentait, et composa
contre lui des vers où régnait le ton le plus injurieux. Alcée
fut banni; puis, il tenta de rentrer dans sa patrie avec les
exilés, et tomba entre les mains de Pittacus, qui usa de clé-
mence envers lui. On veut qu'ii ait été l'amant malheureux de
Sapho, et l'on rapporte à ce sujet beaucoup de détails qui ne
peuvent trouver ici leur place. La collection de M. Mathiae est
accompagnée d'une dissertation sur la vie et les ouvrages d'Alcée.
Ce n'est pas la première fois qu'on recueille ses poésies ;
même dans les derniers tcms, elles ont été publiées, d'abord,
par Juni et Stange; puis, par Blomfield. L'édition actuelle était
destinée aux Analecles de Wolf , auquel le manuscrit fut en-
voyé en 18 19; mais ce savant étant mort sans en faire usage,
M. Mathiae lepublie aujourd'hui séparément, et y ajoute quatre
fragmens puisés dans un écrit d'Hérodien , conuu depuis peu.
Il y en a en tout cent cinquante-neuf, qui sont divisés ainsi
qu'il suit: i° chants guerriers ou politiques ; i° hymnes (à
Apollon , à Mercure, à Vulcain ); 3° chansons de table; 4° chants
héroïques. Il y a encore deux sections; l'une intitulée : Inccrtœ
sedis fragmenta , ce qui signifie qu'on ne sait à quelle classe
les assigner ; l'autre ne contient que des mots isolés. Il n'est
pas besoin de dire que, sobre de paroles, M. Mathiae a été
prodigue de choses. Il réunit en 78 pages, des variantes, des
remarques grammatica les, historiques et critiques. Nous indi-
querons deux additions fort importantes; la première est une
ALLEMAGNE. —SUISSE. 701
discussion où l'on réfute ceux qui veulent enlever à Théocrito
y idylle pour l'attribuer à Ucée ; la seconde comprend les
imitations d'Horace , soigneusement rapportées chaque fois que
l'occasion s'en présente. Cet ouvrage doit naturellement faire
partie de toutes les bibliothèques philologiques.
]\ DE Goi.ut;ny.
SUISSE.
2 4o. — * Notice sur Pestalozzi, par M'»e Adèle Duthon* , au-
teur de Y Histoire <le la série des ami*. Genève, 1827; A. Cher
bu liez; Taris, Paschoud. [n-8° de 'M) pages. {Voy. ci-dessus,
pag. *2()5, la Notice sur Pestalozzi , par M. Monnard, de Lau-
sanne.
L'un des moyens les plus efficaces de réformer un peuple,
le seul peut-être dont le succès soit certain, c'est l'éducation.
Cette vérité n'est plus contestée; et cependant, la plupart des
hommes qui se vouent à la noble fonction d'instruire leurs
semblables n'y voient absolument qu'un moyen de gagner de
l'argent, une simple spéculation mercantile.
'Dans cette situation des choses, un philosophe qui, comme
Pestalozzi, a consacré toute sa vie, avec un désintéressement
sans exemple, à l'éducation publique, est un phénomène d'au-
tant plus extraordinaire que cet homme généreux était porté
an bien par un instinct naturel, bien plutôt que par une raison
éclairée et par des études approfondies. Tout ce qui tend à
honorer la mémoire de ce bienfaiteur de l'humanité et à le
faire mieux connaître doit donc être rendu public, afin d'of-
frir d'utiles exemples et d'encourager ses imitateurs. C'est par
ce motif que nous annonçons la Notice sur Pestalozzi, par
Mmc Duthon. Quelques phrases sur la philantropic et sur les
paysages de la Suisse, une critique un peu vive des voyages
en Helvétic, publiés par MM. Simond et Pvaoul-Rochette, des
réflexions sur le système de gène et d'oppression que plusieurs
puissances voisines de la Suisse font peser sur elle, des obser-
vations sur la honte qui devrait flétrir le service à l'étranger,
et sur les causes qui amènent l'expatriation en général, tel est
le contenu des premières pages de cet opuscule. Mmc Duthon
arrive enfin à Pestalozzi : elle jette d'abord un coup d'œil sur
la situation politique de l'Helvétie à l'époque où il com-
mença sa carrière philantropique.
Il était convenable, sans doute, de célébrer à cette occa-
sion l'héroïsme avec lequel les petits cantons défendirent leur
indépendance contre l'agression étrangère. Mais, à quel propos
7C2 LIVRES ÉTRANGERS.
la phrase suivante? « Les Français , pendant cette guerre, quoi-
qu'ils employassent tous les moyens de corruption, ne purent
trouver ni un espion , ni une maîtresse; entre la mort et l'igno-
minie, les Suisses n'hésitèrent pas » Et pourquoi y joindre
cette note ? «Le canton de Vaud ne peut être compris dans ce
qui vient d'être dit, les Français y furent reçus en amis. » Ne
semblerait -il pas quelesVaudois, alliés des Fiançais, leur firent
le sacrifice de leur honneur et de leurs vertus domestiques?
Nous aimons à croire que Mme Duthcn n'a pas voulu injurier
gratuitement sa patrie. Quoiqu'il soit pénible de revenir sui-
des questions depuis long-tems décidées, et qui peuvent ré-
veiller des haines assoupies, lorsque l'union est si nécessaire,
nous rappellerons ici, pour les personnes irréfléchies que de
fausses allégations pourraient séduire, que le canton de Vaud
n'était, en 1798, que le pays de Vaud, et les habitans du pays
de Vaud que les sujets des Suisses. Il importe peu que les Ber-
nois eussent octroyé aux Vaudois le faible avantage de se parer
du même nom qu'eux. Ce qui constitue en réalité la qualité
de citoyen, c'est la jouissance de tous les droits politiques du
citoyen. Jusqu'au moment de leur émancipation, les Vaudois ne
furent pas plus Suisses, que les Grecs ne sont Turcs. Placés
sous une honteuse tutelle par la force , ils n'ont pu s'en affran-
chir que par la force, et on ne saurait les blâmer d'avoir
accueilli les offres de secours des Français, à l'époque où,
inférieurs en nombre et en puissance à leurs maîtres, ils ne
pouvaient seuls secouer le joug. N'ont-ils pas, au contraire,
mérité des éloges pour la modération avec laquelle ils ont usé
de la victoire envers les oligarques , que , depuis plusieurs
siècles, ils étaient habitués à considérer comme leurs ennemis?
Pour revenir à Pestalozzi, l'auteur le suit dans les différentes
phases de sa vie. Toujours bon , toujours prodique de sa per-
sonne et de sa fortune pour obliger les indigens, Pestalozzi
s'occupe à Stanz de l'éducation de malheureux orphelins. A.
Burgdorf, riche de la réputation qu'il vient d'acquérir, il
s'entoure de collaborateurs , afin de répandre et de perfec-
tionner sa méthode qui compte déjà beaucoup de partisans;
mais bientôt, àYvcrdun, il cesse d'être secondé par les hommes
qu'il s'était associés, et qui, selon l'auteur, étaient aussi ambi-
tieux de fortune que Pestalozzi l'était de bonnes œuvres; la
chute de son institut en est la conséquence.
Les faits rapportés sur Pestalozzi ne sont pas tous exacts.
Une personne qui a vécu vingt ans près de lui nous assure
qu'il n'a jamais eu de cure dans le canton de Zurich, et que,
parmi les instituteurs d'Yverdun, un^seul avait été du nombre
SUISSE. —ITALIE. :<>'>
de» pauvres de Stanz. Les observations de !Wmo Duthon sur sa
méthode nous paraissenl assez justes, quoique sujettes à con-
testation*. Vous sommes d'autant mieux placés pour les appré-
cier que non-, axons nous mêmes eu le bonheur de passer
deifx années de notre enfance auprès du respectable vieillard.
M™* Duthon termine sa brochure en disant qu'elle ne veut se
permettre aucune observation sur In conduite des collabora-
teurs de IVstalo/./.i. Mais elle cite un passage d'une lettre de
celui-ci à M. et à AI"10 Nicderer qui semblerait rejeter sur eux
beaucoup de blâme. Quand on veut rester neutre dans un
procès, il ne faut en faire connaître aucune pièce détachée, ou
bien il faut les publier toutes. Auguste Pkrdonnet.
ITALIE.
'i\i. — * Brcvc cennn, etc. — Précis sur l'hospice de la Ma-
ternité de Florence, et compte rendu de la pratique dans cet
établissement, depuis sa fondation (en >8i5) jusqu'au mois de
mars 1824, par M. le Dr J. Biosschi, professeur d'accouche-
mens. Florence, 1824. In-8{\
Le but principal du grand-duc Ferdinand, en 'fondant cet
hospice, a été de former pour l'Etat, et spécialement pour les
provinces, des sages- femmes instruites dans l'art qu'elles sont
appelées à exercer. Pour l'instruction pratique des élèves sages-
femmes , cet établissement n'a que quatre lits destinés à recevoir,
dans les derniers jours de leur grossesse, des femmes pauvres
et mariées. Une telle disposition nous porterait à croire que les
malheureuses filles victimes de la séduction se trouveraient
exclues du bienfait de cet établissement; mais nous savons
qu'elles sont accueillies dans un local à part, et qu'elles y re-
çoivent les secours et les soins dus par l'humanité au malheur.
Parmi d'autres hospices du même genre, qui ont été fondés
sur divers points, en Europe, nous aimons à citer l'hospice de
Milan, dit de Sainte-Catherine, qui réunit depuis long-tems
tous les avantages désirables , soit sous le rapport de l'instruc-
tion , soit sous le rapport de la police médicale.
M. Bigcsehi expose, dans son livre, le mode adopté pour
l'admission des élèves, la méthode suivie pour leurs études, les
formalités à remplir avant de se livrer à la pratique, et enfin tout
ce qui concerne l'instruction des sages-femmes. 11 donne ensuite
la description et le dessin exact d'un lit mécanique pour les
accouchemens, à la fois très-commode pour la femme en travail
et pour l'opérateur, et dont la construction ingénieuse et
économique doit le faire préférer à tous ceux que l'on emploie
,
7o4 LIVRES ÉTRANGERS.
dans les hospices de France et d'Angleterre pour le même objet.
L'auteur rend compte du résultat des accouchemens de cinq
cents femmes , en ajoutant des détails et des notices d'un grand
intérêt pour les personnes de l'art. Ce livre, écrit avec clarté
et précision , est rempli d'observations curieuses et de faits
instructifs.
'il\i. — * Saggio dî sperimenti , etc. — Essais d'expériences
sur les propriétés chimiques et médicinales des eaux thermo-
minérales du temple de Sérapis à Pouzzole : ouvrage pério-
dique qui contient les observations de sept années, par le
Dr Cajetan Conte, directeur de cet établissement. Premier
volume pour l'année 1823. Naples, 1826. In- 8°.
Dans une dédicace au roi , l'auteur signale à S. M. la
nécessité d'appliquer à toutes les sources d'eaux minérales,
qui abondent dans le royaume de Naples, des dispositions
analogues à celles que son auguste père a fait prendre relati-
vement aux eaux de Sérapis. Certainement le gouvernement
ne pourrait employer les deniers publics d'une manière plus
honorable, ni plus utile pour le pays.
La préface contient un essai historique sur l'emploi des eaux
minérales par les anciens, semblable à ce que l'on trouve dans
la plupart des livres écrits sur le même sujet. Nous aimons à
reconnaître que l'auteur est animé des plus nobles sentimens
pour la gloire de sa patrie, et pour le bonheur de l'espèce
humaine. Après la préface , vient un hymne du professeur
Ciampi en l'honneur des eaux minérales de Sérapis, puis un
rapport de l'auteur à S. E. le prince de Ottajano , intendant de
la province de Naples. Dans cet intéressant rapport, présenté à
l'autorité un an avant la publication de l'ouvrage, M. le doc-
teur Conte expose l'état des bains de Sérapis, et indique les
améliorations dont ils sont susceptibles. Nous apprenons avec
plaisir que le prince de Ottajano a donné des ordres pour leur
exécution. Les essais sont divisés en deux parties : la première
contient les observations faites conjointement avec M. le pro-
fesseur Cassola sur les propriétés physiques et chimiques des
eaux de Sérapis , d'où il résulte que leur température est de
34 à 35 degrés deRéaumur, et qu'elles sont salines, analogues
à celles de Montpellier, du Mont-d'Or, etc. La seconde partie,
plus étendue, embrasse les observations de l'auteur sur leurs
effets médicinaux. Il s'occupe particulièrement des cas de ma-
ladies du système nerveux : nous ne pouvons pas être d'accord
avec lui dans ses divisions , lorsqu'il reconnaît deux espèces
de fonctions dans le système nerveux : la sensibilité et la con-
traetilitë. La sensibilité n'est pas une fonction , mais une qua-
ITAXîE.
/'
lité, une propriété de tous les nci ù ; la contractilité appaj tient
iu système fibreux , et aux muscles en particulier, ei les nerfs,
dans ce cas , ne font que leur communiquer un genre propre
d'irritation, <>u de stimulation. Ainsi, les divisions et les sub-
divisions des maladies de l<i tensibilité , h de la molilité, et de
Leurs complications ne sont point philosophiques. L'auteur, du
reste, a fait preuve de connaissances très-étendues en méde-
cine, ci surtout en nosologie. Fossati, D. M.
'i.l\'\. — * Relazione storica dello stato civile t etc. — Tableau
historique de l'étal politique! des sciences et des arts élu-/ les
Indiens avant L'époque d'Alexandre , par M. l'abbé N. Mav-
i ai m , ancien missionnaire apostolique au Malabar. Crémone.
i8a5; 31. mini. In-8° de 64 pages.
Cet ouvrage d'un savant qui, pendant quatorze ans, a prê-
ché l'Évangile aux Indiens dans leur langue, et qui maintenant
recueille avec autant de modestie que de bonne foi les souve-
nirs de son paisible apostolat, ne doit pas être confondu avec
les dissertations purement spéculatives d'un érndit qui ne
connaît les langues de l'Inde que par des vocabulaires, et le
pays, ses mœurs, ses monumens, que par des relations qu'il
n'a pu mettre en parallèle avec la réalité. M. Manfredi croit,
comme beaucoup d'autres, que l'Inde, un des plus anciens
berceaux de l'espèce humaine , a vu naître aussi dans son sein
les premières connaissances, les premiers arts; mais, s'il le
prouve par les nombreux témoignages de l'antiquité, et surtout
du siècle d'Alexandre, il semble qu'il le prouve encore mieux,
lorsqu'il parle ainsi d'après ses propres impressions: «Les pays
les plus facilement cultivés, et qui produisent en abondance
toutes les choses nécessaires à la vie sociale de l'homme, ont
été naturellement les premiers peuplés. L'Inde est une belle
et fertile contrée, où l'homme ne trouve rien de nuisible; la
chaleur y est tempérée par des vents continuels et divers, par
l'ombre épaisse des arbres, par les fleuves, les torrens, les
rosées périodiques ; dans les vallées et autres endroits propres
à recevoir la semence, il se fait deux, trois, et souvent quatre
récoltes annuelles; les pluies tiennent presque lieu des soins
de la culture; des fruits exquis se succèdent toute l'année; le
cocotier, arbre merveilleux, qui, dans le voisinage de Bom-
bav, se couvre de fruits mûrs quatre ou cinq fois l'an, devient
plus fécond, à mesure qu'il approche du midi, de sorte que
sur la côte de Travancore, où je suis resté dix ans, il donne
chaque mois de nouveaux fruits; là s'élève aussi l'arbre qui
produit un coton excellent pour toute espèce de travaux; en
un mot, ce pays égale et surpasse peut-être les plus belles
t. xxxvi. — Décembre 1827. 45
7o<5 LIVRES ÉTRANGERS
contrées du monde en richesse et en fécondité, etc. » Lorsqu'on
voit l'auteur appuyer ensuite ces réflexions générales par les
plus savantes citations , rapprocher ctes historiens d'Alexandre
les livres indiens sur l'art militaire, analyser le code de lois
recueillies sous les auspices de lord Hastings; nous faire con-
naître le livre malabar Kerulufpatti, et le vocabulaire brama-
nique [J nuiras in ha m), qu'il a lui-même rapporté en Europe;
apprécier avec tout le goût d'un Italien la sculpture et la
musique de ces peuples, pénétrer dans les secrets de leur
astronomie, décrire et interpréter le Nuli ou cordon mysté-
rieux des brames, s'empresser enfin de faire partager à toutes
les nations éclairées le fruit de ses longues recherches, il est
impossible de ne pas se montrer reconnaissant pour des con-
fidences si importantes et si neuves; il est juste surtout de re-
commander à tous ceux qui s'occupent de la littérature de
l'Indoustan un livre peu connu en France, et que distinguent
la certitude des renseignemens , la précision des détails , la
simplicité et la candeur du style. On voit que l'Italie est bien
loin de négliger les études orientales, et que le P. Paulin de
Saint-Barthélemi, un des plus célèbres indianistes du dernier
siècle , a parmi ses disciples des successeurs dignes de lui.
J. V. L.
2/j4- — Dell' origine de' selte e tredici comuni et di alire popo-
lazioni alcmanne , abitanti fia l'ddige e la Brcnta , etc. — De
l'origine des sept communes et des treize communes, et dès
autres populations de race allemande, qui se sont fixées entre
l'Adige et la Brenta, sur les territoires de Trente, de Vérone et
de Vicence : Mémoire du comte Benoit Giovanelli. Trente ,
1826; Monanni. In-8°.
On rencontre au pied des Alpes du côté de l'Allemagne, mais
sur le sol de l'Italie, certains villages dont les habitans con-
servent un langage particulier, et des mœurs étrangères aux
populations qui les entourent. Les savans et les géographes
cherchent en vain depuis long-tems quelle a pu être l'origine
de ces peuplades. Ou les fait descendre des races rhéliques, des
Cimbres,des Liguriens, ou des Allemands. L'auteur du mémoire
qui nous occupe voit en eux des colons venus de la Souabe. Il
appuie son opinion sur des observations ingénieuses et savantes
que les amateurs de ce genre de recherches pourront consulter
utilement. Fr. Salfi.
2/j5. — Cenni istorici , etc. — Observations historiques sur
la ville et la citadelle de Turin , depuis 14 18 jusque en 1826,
par M. An'.oine Milanesio, géomètre roval. Turin, 1826; J.
Favale. Iu-8°.
ITALIE. 707
M. Milanesio a divisé son ouvrage en deux parties. Après
«voir rappelé que Turin passa sous la domination des comtes
de Savoie pat- le mariage a Adélaïde, femme d'Othon, troisième
fils d'Humbert aux blanches mains , dont elle eut Amédée H
(jui succéda à l'héritage long-tems contesté des marquis de
Suse, il expose, dans sa première partie, les secroissemens et
les changemens que cette ville a subis, depuis Amédée VIII
jusqu'à l'année i8i/|. Il marque parmi ses plus anciens monu ■
mens 1rs tours dites d'Ovide, que le vulgaire croit avoir été
habitées par le porte romain, supposition dont on a fait
justice depuis long-tems. Il passe de ces tours au rempart
nommé le bastion de Saint-Laurent, dont il fait remonter l ori-
gine à l'année 1461, sous le règne de Louis, fils d'Amédée VIII j
mais il ne s'attache pas à fournir les preuves d'un fait qui, s'il
était constaté, établirait en faveur des Italiens la priorité de
l'introduction en Europe de ce genre d'architecture militaire.
Il cite ensuite la citadelle de Turin, construite sous Emmanuel
Philibert, ain^i que les canaux, les églises, les hôpitaux, les
théâtres et un grand nombre d'autres monumens qui ont placé
la capitale du Piémont au rang des plus belles villes du monde.
M. Milanesio n'oublie pas de mentionner le pont que les Français
y ont bâti sur le Pô pendant leur dernier séjour en Italie. La
seconde partie du livre est consacrée à l'analyse des embellis-
semens que Turin a reçus depuis i8i/j. Cette ville renferme
actuellement 1 10,000 liabitansdans une enceinte de 7, 3o,8 mètres
de tour. Sa position au centre d'une province riche et floris-
sante, l'accroissement rapide de sa population, et l'impulsion
donnée par le gouvernement, y ont favorisé la rapide multi-
plication des établissemens et des édifices de tous genres.
M. Milanesio fait rarement la part de la critique et ne recherche
* pas avec assez de soin si ces constructions nouvelles ont été
dirigées d'après les règles d'un goût sévère. On doit cependant
meltre au nombre des innovations utiles et dignes d'éloges
l'agrandissement du palais des sciences dans lequel on a placé
le Musée des antiquités égyptiennes formé par M. Drooetti, qui
l'a cédé récemment au gouvernement piémontais. M. Milanesio
a fait paraître séparément une carte de Turin gravée par
M. Bordiga , habile artiste de Milan ; elle contient des tableaux
chronologiques et statistiques qui sont un véritable résumé de
l'ouvrage. C. Rossettt.
i!\6. — * Mcmoric intorno alla vita cd aile opère di Werncr
ed Hauy , etc. — Mémoires sur la vie et les ouvrages de Werner
et de Haùy, par l'abbé Louis Configi.iacchi, professeur d'his-
toire naturelle à l'Université de Padoue. Padoue, 1827. In-8°,
45.
7oS LIVRES ÉTRANGERS.
M. Configliacchi a voulu montrer, dans cet ouvrage, combien
Werner et Haùy ont contribué aux progrès de la minéralogie.
Ils ont créé, en quelque sorte, deux sciences nouvelles, l'un
eu considérant les masses minérales dans leur ensemble ,
et l'autre en déterminant leurs moindres caractères physiques.
En écrivant la vie de ces deux illustres minéralogistes, l'auteur
suit avec exactitude l'ordre de leurs recherches et de leurs dé-
couvertes. Il a principalement signalé l'attachement extraor-
dinaire que Werner a toujours montré pour sa science favorite.
Étant professeur à Ereyberg, il lui sacrifia sa petite fortune, et
n'épargna aucun moyen pour communiquer à d'autres les
connaissances précieuses qu'il avait acquises. Tandis que Wer-
ner éclairait d'un côté l'Allemagne, Haùy, de l'autre, soumet-
tait en France à un calcul plus rigoureux les lois de la
cristallisation , et déterminait les caractères spécifiques des
minéraux. M. Configliacchi, en appréciant les connaissances
profondes de ces deux hommes célèbres, donne des preuves
nouvelles de son savoir, et son exemple atteste que les Italiens
savent rendre justice au mérite des étrangers.
2/J7. — * Frasologia itallana , ossia racctlta di 20,000 frasi, etc.
— Phraséologie italienne, ou Recueil de 20,000 phrases ran-
gées par ordre alphabétique, et suivie d'explications, etc.
Milan, 1826; Rusconi. In-8°.
Ces sortes de livres ont ordinairement je ne sais quoi de
spécieux aux yeux d'une certaine classe de lecteurs qui leur
trouvent beaucoup plus d'importance qu'ils n'en ont réellement.
Il ne faut pas chercher la véritable richesse d'une langue dans
cette abondance de phrases qui décèle souvent la pénurie des
idées. On doit s'attacher à la clarté, à la précision, fixer le
sens qui convient exclusivement à chaque mot, et surtout la
différence réelle que l'on reconnaît entre ceux que l'on regarde
comme synonymes. C'est en observant avec soin ces nuances
qu'un écrivain peut donner à son style toute la précision con-
venable, et ce genre de recherches n'a pas encore été l'objet
d'un travail complet pour la langue italienne. Elle paraît souvint
pauvre au milieu de ce luxe de phrases qui séduit beaucoup
d'écrivains italiens. On doit toutefois reprocher ce défaut
plutôt aux auteurs qu'à la langue elle-même : distinction essen-
tielle qui paraît avoir échappé à des critiques étrangers, d'ail-
leurs judicieux. L'ouvrage que nous annonçons peut cependant
être utile, si l'on ne perd point de vue les principes que nous
venons d'indiquer.
248. — * Prose inédite, etc. — Discours en prose inédits,
de Gabriel Chïabbeba. Gênes, 1826; Pagano. In-8°.
ITALIE. 7o«j
Si nous appelons l'attention sur n s discours d'un des plus
grands poètes italiens (lu \vne siècle, c'est qu'ils nous paraissent
devoir servir a détromper la plupart des étrangers qui répè-
tent trop souvent qui les Italiens, remarquables par le t.'ilent
d'écrire en vers, sont restés au •» dessous du médiocre dans l'art
décrire en prose. Chiabrera commande également l'admiration
comme poète et comme prosateur. Dans le premier doses dis-
cours, il fait l'histoire du marquis J.-J. de Médicis; il raconte
les efforts tentés par ce seigneur pour détruire la liberté de
Sienne, (pie défendit avec énergie, mais sans succès, le célèbre
Strozzi. Bien que Chiabrera, comme poète, ait souvent chanté
les Médicis de son tems, comme historiographe il n'a pas hé-
sité à retracer les crimes des oppresseurs de la Toscane, et les
vertus du dernier citoyen dont se soit honoré ce pays. Après la
vie du marquis de Médicis, on trouve un Eloge d'Alexandre
Farnèse ; puis, trois Dialogues sur l'espèce d'ode que les Ita-
liens nomment canzoni , et qu'il ne faut pas confondre avec les
chansons françaises. Chiabrera sut garder un juste milieu entre
limitation servile des petrarquis (es et la licence des metrinistes ;
il mit à profit les travaux de ses devanciers, anciens et mo-
dernes; en marchant sur les traces des poètes grecs, il. fonda
une nouvelle école; il imita surtout Pindare, ainsi que l'avait
fait Horace, et fit connaître aux Italiens des beautés dont on
n'avait pas encore songé à tirer parti. Aucun poète ue Va sur-
passé dans le genre anacréontique.
249. — Leonida , etc. — Léonidas, tragédie de G.-JB.-ll.
Moreno. Gènes, 1827; Ricci. In— 8°.
Un journal italien, en annonçant cette tragédie, a déclaré
qu'elle rappelle le génie de l'immortel Allleri. Malheur à ce poète,
si l'on se formait une idée de son génie par le Léonidas de
M. Moreno. Il n'existe aucun rapport entre les tragédies de
l'uu et les pièces de l'autre. Plan, méthode, caractères, versifi-
cation, style, tout est différent. Il n'y a même aucune appa-
rence que l'auteur de Léonidas ait voulu prendre Al fieri pour
modèle. Sa tragédie compte plus de dix personnages, des inci-
dens nombreux, compliqués, et peu vraisemblables; sa diction
est peu concise, et parfois peu correcte... Qu'y a-t-il de commun
entre ces fautes graves et les beautés d'Alfieri ? F. Salfi.
Ouvrages périodiques. s
»5o. — * Jntologia, ete. — Anthologie, ou Journal de sciences,
lettres et arts. ISTO 79. Florence , 1827. In-8°.
Le cahier que nous annonçons renferme, comme ceux qui
7io LIVRES ÉTRANGERS.
ont précédé, des articles d'un grand intérêt. On y trouve d'a-
bord un long et savant mémoire, signé Patrophile, qui forme la
première partie d'un ouvrage inédit sur la Publicité des jugcmcns
en matière criminelle. L'auteur examine avec une sage modéra-
tion tout ce qu'on a avancé ou hasardé jusqu'ici à cet égard ; il
ajoute même aux considérations des autres publicistes, et sur-
tout à celles de MM. /. Bcntham , Et. Dunwnt, et P. Rossi. L'au- *
teur prouve que le secret , dans la poursuite et le jugement des
affaires criminelles, peut favoriser la corruption des juges et
des témoins , etrendre difficile la découverte de la vérité; qu'il
nuit à li liberté civile, s'oppose au véritable but des lois pé-
nales , etc. — Un autre article, remarquable par l'esprit qui l'a
dicté, est une Lettre cVÉt. Mayer, adressée à M. Benci , sur l'é-
tude des anciens et sur les rapports de cette élude avec la lit-
térature italienne. Un troisième article, non moins curieux
qu'instructif, est la Relation d'un voyage qu'un citoyen de Li-
vourne a fait dans le Canada. On trouve aussi dans ce même
cahier une description fort détaillée et pleine de vie du mo-
nument élevé à la gloire de Canovaà Venise, et dont nous avons
déjà parlé ( voy. ci-dessus , page 509 ). F. Salfi.
PORTUGAL.
a$i. — *Memoria historien sobre as obras doreal mosterio de
Santa Maria da Victoria, etc. — Mémoire sur les ouvrages d'arts
renfermés dans le monastère royal de Sainte-Marie de la Vic-
toire , nommé vulgairement de la Bataille ; par don Fr.-Fran-
cisco de S. Luiz, évêque coadjuteur de Coimbre, comte d'Ar-
ganil , président de la Chambre des députés de la nation por-
tugaise, membre de l'Académie royale des sciences. Lisbonne,
1827 ; imprimerie de l'Académie royale des sciences. Petit in-(°
de 72 pages.
Ce mémoire est plein d'une érudition que le plus grand
nombre des lecteurs trouvera de son goût ; car plusieurs sortes
de curiosités y seront satisfaites. Le monastère dont l'auteur
donne , non-seulement la description, mais l'histoire, fut fondé
par le roi Jean Ier , en exécution du vœu qu'il avait fait à] la
sainte Vierge, le 14 août i 385 , au moment de livrer aux Es-
pagnols la bataille d'Aljubarrota , où les Portugais remportè-
rent une victoire complète. On s'attachera, principalement
ailleurs qu'en Portugal , au quatrième chapitre, 011 M. deSaint-
Liriz parle des monumens historiques déposés ou construits
dans le couvent de la Bataille , d'après la chronique de Fr. Luiz
de Souza. Parmi les documens historiques insérés à la fin de ce
PORTJJGA.L, -PAYvi;.\s. 7u
inéiooire, il y en 9 deugqyj font connaître le latin du xv* siècle >
en Portugal, el donnenl le moyen de le comparer à ce que la
même langue était en Allemagne, à la même époque. Ai: reste,
le latin n'était pas moins altéré el déformé à Pai Lsqu'à Lisbonne,
ainsi qu'on le voii par une citation très-curieuse intitulée : Au-
thentica dus reliquias, insérée à la lin de ees documens. Y.
PAYS-BAS.
2 5 2. — * Mémoire et observations sur la perforation de la
membrane du tympan, pour rétablir l'ouïe chez les sourds-
muets, par M. de Neuborg, D. M. Bruxelles, 1827 ; Tarlier.
In-8°,
L'auteur de cette brochure, ci-devant chirurgien-major à
l'armée des Pays-Bas, où il a donné des preuves de son talent
et île sa philanlropie , exerce depuis quelques années l'art de
guérir à Bruxelles. A l'exemple de M. le Dr Deleau , de Paris,
il s'applique avec zèle à rétablir l'ouïe chez les sourds-muets,
et la réputation qu'il s'est acquise en Belgique par ses succès
obtenus en perforant la membrane du tympan dans la surdi-
mutité , fera sans doute rechercher son Mémoire, dans lequel
il a déposé le fruit de son expérience et consigné plusieurs faits
qui parlent fortement en faveur d'une opération qui est encore
loin d'être investie de cette confiance qu'elle semble mériter.
Dans sa brochure , M. de Ncuborg cherche à prouver l'in-
nocuité de la perforation du tympan, explique les cas où elle
est indiquée, rapporte plusieurs observations que sa pratique
lui a fournies sur la réussite de l'opération, décrit la manière
de la pratiquer, et donne la description de l'instrument dont
il se sert, et qui est figuré à la fin de son écrit.
De Kirckhoff.
2 5 3. — C. J. C. Reuvens, Oratio de archœologiœ cum artibus
recentioribus conjunctionc. — Discours sur les rapports de l'ar-
chéologie avec les arts modernes. Leyde, 1827. In-4° de 25 p.
L'auteur, professeur ordinaire à la faculté des lettres de
l'Université de Leyde, s'efforce de démontrer, par des doeu-
mens historiques , combien l'étude de l'art des anciens a exercé
d'influence sur les arts modernes. Il lui attribue les progrès
qu'ont faits les beaux arts, surtout depuis le tems de François Ier.
.Mais M. Reuvens ne s'occupe pas de tous les arts, il se borne à
traiter de l'architecture; aussi, le titre de son discours aurait-il
peut-être dû l'annoncer-, il a été traduit en langue nationale par
M. P.-O. Vander Chts (Amsterdam, 1827. In 8° de 7/» p.) X.
.>. 5/(. — Les principaux tableaux du Musée à La Haye t
; 12 LIVRES ÉTRANGERS.
gravés au trait , avec leur description. La Haye, 1826; impri-
merie du gouvernement.
La première partie de ce! ouvrage contient s5 gravures au
trait, exécutées avec une grande perfection. On y trouve
l'expression des physionomies, les nuances des distances dans le
fond des tableaux, une correction de dessin et une finesse cîe
trait admirables. Cet ouvrage est publié par les soins du direc-
teur même du musée, M. /. Steengracht , van Oostkapellc ,
qui a donné, dans l'introduction, une courte histoire de la
galerie, et qui a ajouté, pour chaque tableau, une notice
biographique sur le peintre et une description du tableau des-
siné qui annonce de vastes et profondes connaissances dans les
beaux-arts. Nous espérons que cette publication sera conti-
nuée, et nous engageons l'auteur à livrer au public en même
tems et de ia même manière les tableaux de sa propre galerie ,
enrichie de plusieurs chefs-d'œuvre des peintres anciens et
modernes. Fossati, d.-m.
Ouvrages périodiques.
255. — * Correspondance mathématique et physique , publiée*
par A. Quetelet, membre de l'Académie royale des sciences
et arts de Bruxelles , etc. T. III. Bruxelles, 18*27 ; Hayez, im-
primeur de l'Académie, rue de la Montagne, n° 102 3.
Les recueils périodiques consacrés exelusivementaux sciences
mathématiques et physiques sont assez nombreux en Europe;
ce qui atteste plutôt le zèle des savans que celui des lecteurs.
Nous apprenous, par cette Correspondance , que le Tournai de
mathématiques , publié en Prusse par M. Crelle, aurait suc-
combé sans les eucouragemens queS. M. a donnés au rédacteur.
En France, les Annales mathématiques de M. Gergonne ont
aussi éprouvé le besoin dessecoursdu gouvernement, et les ont
obtenus. Plus heureux que MM. Crelle et Gergonne, M. Que-
telet n'a pas encore éprouvé celte nécessité que le savant ne
supporte point avec résignation, quand il s'agit des moyens de
propager la science. Mais, ajoute-t-il , « notre gouvernement
nous a témoigné la même bienveillance que MM. Gergonne et
Crelle ont trouvée près des gouvernemens français et prussien :
et, si nous étions dans le cas de devoir faire des sacrifices, il
ferait en sorte que nous n'en fussions du moins que pour nos
peines , sans compter les désagi émens que fait éprouver la né-
gligence des libraires, qui sont peut-être les plus puissans auxi-
liaires que puissent avoir ceux qui craignent lesjournaux scien-
tifiques. »
L'usage de proposer des problèmes et d'en publier les solu-
PAYS-BAS- 71 3
nous remonte, comme on sait, box plus beaux teins de l'histoire
des mathématiques. Newton lui- même « dans toui l'éclat de sa
renommée, ne dédaigna point de prendre part à ces exercices.
Les questions proposées el résolues dans cette Correspon-
dance se présentent sons «nie forme attrayante; cfeat In curio-
sité qu'elles excitent et satisfont. On ne manquera certainement
pas d'y entremêler quelques applications non moins dignes de
l'esprit de recherche que les difficultés des mathématiques
pures. Et pourquoi ne proposerait-on pas aussi des problèmes
de physique? Il en est dont la solution n'exige presque point
d'appareils et d'expérience ; de pins, la faculté qui découvre
les moyens d'expériences j les rouies les pinscourtes et les plus
faciles pour arriver à la connaissance des faits, cette faculté se
développe et se fortifie par l'exercice : il est donc 1res utile de
soutenir son activité, et de l'augmenter, s'il est possible.
L'analyse des ouvrages sur les Sciences mathématiques ctphy-
siques est une partie importante de cette Correspondance. On
ne sera pas surpris d'y trouver partout, desjligemetts équitables,
médités avec soin, exprimés avec modération : s'il est aujour-
d'hui, dans la république des lettres, une contrée paisible et
amie de l'ordre, c'est celle qui est assignée aux sa vans; et dans
cette contrée, le quartier des sciences exactes est le plus calme :
résultat nécessaire de la nature des choses. Nous ne louerons
donc pas M. Quetelet de tout ce qui est digne d'estime dans
cette partie de son travail ; il n'était pas en son pouvoir de s'en
acquitter autrement. Profitons de cette occasion pour placer ici
une remarque relative aux plaintes de quelques auteurs mé-
contens, car il y en a dans les sciences comme dans les lettres.
Il arrive de terns en tems qu'une critique bienveillante et miti-
gée avec précaution paraît très- dure à l'auteur qui l'éprouve,
et aux amis qui prennent sa défense. Mais comment faire? Ne
faut - il pas en venir à prononcer le mot fatal, et s'énoncer de
manière a être bien compris du lecteur? Si la critique devenait
hostile, elle changerait de nature et d'action; elle ne serait plus
une discussion raisonnée, de bonne foi, et par conséquent tou-
jours utile. Au reste, ces observations ne tendent point à faire
l'apologie de ce qui peut se présenter sous une apparence de
critique, dans la Correspondance de M. Quetelet : on n'appel-
lera point de ses jugerai ns. Il pousse la complaisance jusqu'à
démontrera un résoluteur de la quadrature du cercle que la
solution expérimentale qu'il propose est fort éloignée de la pré-
cision que peuvent atteindre les approximations indiquées par
le calcul.
La Statistique est mise aujourd'hui, et à bon droit, au rang
7» \ LIVRES ÉTRANGERS.
des principales applications (les mathématiques* Malheureuse-
ment, la science est nouvelle, ses méthodes n'ont pas encore
été discutées sous lous les aspects, ni peut-être complétées ; il
est a craindre que Ton ne veuille aller trop vite et trop loin. On
trouve dans cette Correspondance des essais sur l'influence
des saisons , des climats, des institutions et même des heures
sur les deux extrémités de la vie humaine, la naissance et la
mort. Les lecteurs un peu timides éprouvent quelque embar-
ras , en suivant les recherches de cette nature ; ils doutent qu'un
nombre quelconque de faits et d'années comprennent toutes
les données de ces sortes de questions, dans les rapports né-
cessaires pour que l'on puisse en déduire le fait général , la loi.
Si l'on fait le dénombrement exact des causes dont il s'agit de
combiner les effets, et les lois diverses de l'action de chacune,
on conservera peu d'espoir de parvenir à débrouiller ce chaos.
La météorologie trouve aussi sa place dans cette Correspon-
dance ; et en effet, cette division de la physique a , plus qu'au-
cune autre, besoin de communications rapides entre tous ceux
qui s'occupent de ses progrès. Dans le second cahier , page 9.5,
on lit la description d'une grêle extraordinaire tombée à Maes-
tricht, sur laquelle les sectateurs des paragrèîes regretteront
peut-être de n'avoir pas fait quelques expériences; cependant,
il est fort douteux que le résultat eût été favorable à leur doc-
trine; des appareils qui ne s'élèvent qu'à quelques mètres au-
dessus du sol n'auraient pu exercer aucune action sur des
nuages formés à une hauteur prodigieuse, d'où les masses con-
gelées se précipitaient sur la terre avec une vitesse d'autant
plus grande qu'elles étaient plus grosses.
Une Correspondance telle que celle-ci prend soin de faire
une ample provision de matériaux pour l'histoire des sciences
dont elle s'occupe. M. Quetelet a profité de la publication tïnn
Tableau historique et chronologique de V Ecole polytechnique par
M. de Mancy, pour donner un abrégé de l'histoire de cette pé-
pinière de savans, d'ingénieurs, de militaires les plus instruits
de toute l'Europe; de cette institution qui ne sera jamais éga-
lée que par l'école de JVcstpoint aux Étals-Unis et dont la vigou-
reuse constitution a soutenu le choc des passions politiques et
des ennemis de l'instruction.
Ii est consolant pGur les amis des sciences de penser que
l'excellent recueil de M. Quetelet est assuré d'une longue du-
rée. Comme le rédacteur a soin qu'il réponde constamment à
sa destination, il devient nécessaire à toutes les bibliothèques
qui ne sont pas étrangères aux sciences. Ferry.
2 56. — * Byclraegcn tôt Rcgtsgclccrdheid en JVctgeving, —
PAYS BAS. 7i5
Recueil périodique consacré à la science du droit el a la légis-
lation, par MM. C. ./. Deh Tei et/ Van Hall. Amsterdam,
1 8a(i 1 6 17 ; les héritiers 1 tartman.
A peu près à la même <' | » * > « 1 1 1 < * où MM. Birnbaum , afe Coster,
Destrivcaux , Ernst, lî<>lttit\ el ff'amkœnig , professeurs des
l niversités de Liège el de Louvain, commencèrent à publier,
sous le ti're tl<* Bibliothèque du Jurisconsulte et du publiciste ,
un recueil qui peut être considéré comme l'expression des
doctrines juridiques de la partie méridionale du royaume des
Pays-Bas(i), MM. Den Texel Van Hall firent paraître à Ara»
sterdam le premier cahier d'un autre recueil dont le cadre est
à peu près semblable, el qui doit nous faire connaître l'état de
la science du droit dans les provinces septentrionales du même
royaume. Si le nombre des abonnés correspond au mérite de
ces deux nouvelles publications, on n'aura qu'à se féliciter des
obstacles qui ont empêché l'union d'abord projetée entre les
savans auteurs de l'une et de l'autre; mais, lorsque d'un côté
nous réfléchissons à la concurrence (pie devra soutenir le recueil
publié à Liè^c, non seulement avec la Thémis française (2), mais
(r) Il faut cependant observer que la plupart des professeurs char-
gés d'enseigner le droit dans les provinces méridionales ayant été
appelés des pays étrangers , on ne peut rien conclure de leurs doc-
trines, qui seront sans doute celles de la nouvelle magistrature et du
nouveau barreau. Quant à la science des anciens jurisconsultes de la
Belgique, parmi les derniers, les uns sont élèves de l'ancienne uni-
versité de Louvain, où l'histoire du dro.it avait fini par être beaucoup
trop négligée; les autres appartiennent à l'école établie à Bruxelles
sous la domination française, école où l'enseignement du droit était
misérablement circonscrit dans les mêmes limites qui s'opposent en-
core aujourd'hui dans toute la France aux progrès des études jnri-
diques.
(a) Nous saisissons cette occasion pour recommander de nouveau
à nos lecteurs le seul recueil périodique qui soit véritablement con-
sacré en France à la science du droit. La Thémis , ou Bibliotlièque du
jurisconsulte ( qu'il ne faut pas confondre avec les compilations qui
ne renferment que des décisions judiciaires ), est par^nue à la fin de
son 8e volume; nous engageons les éditeurs à ne point se iaissci dé-
courager par la perte qu'ils ont faite de leursavantetzélé collaborateur,
M. Jourdab , et, si la périodicité proprement dite, en rendant leur
tâche plus pénible, devait les détourner de la continuation de leur
travail, nous les engagerions à suivre l'exemple de MM. Uugoy de
Savigny et C.rolman t dont les recueils paraissent par livraisons, mais
non a époques fixes. F.n sacrifiant cet avantage ils en obtiendraient un
autre qui a bien soi! importance, savoir, de n'être pas réduit fl à pu-
- : 0 LIVRES ETRANGERS.
avec une Thémis bâtarde vivant à Bruxelles aux dépens de la
Thémis légitime; et lorsque d'un autre côté nous considérons
combien est peu répandue la langue dans laquelle MM. Den
Tex et Yan Hall publient leurs Bydraegcn y nous ne sommes
pas sans crainte sur la durée de ces deux entreprises si utiles,
et nous voudrions bien n'avoir à redouter d'autre événement,
fâcheux que leur fusion; dût-elle s'opérer par le moyen devant
lequel on a reculé, de l'impression d'un double texte (hollan-
dais et français), à l'imitation du Journal officiel (ou Bulletin
des lois) des Pays-Bas.
Une comparaison établie entre les deux recueils, à l'effet de
déterminer tes caractères distinctifs de l'école hollandaise et
de l'école belgique, serait certainement un travail aussi inté-
ressant qu'utile. Mais, à raison de son étendue, ce travail ne
convient qu'à un ouvrage spécialement consacré à la science
du droit; nous le recommandons aux éditeurs de la Thémis.
Nous nous contenterons défaire ici, pour les Bydracgen , ce
que nous avons déjà fait depuis long-tems pour la Bibliothèque
du jurisconsulte, c'est-à-dire, d'indiquer les principaux articles
des livraisons qui nous sont parvenues.
Dans les cahiers ier et 4e de 1826, et 2e de 1827, nous
trouvons une dissertation de M. Bâcher, avocat à La Haye ,
sur l'importante matière des conflits, ou plutôt sur les limites
qui séparent la compétence des autorités judiciaires de la
compétence de l'administration. Dans le 2e cahier de 1826,
M. Huidecoper , avocat à Amsterdam , a essayé de poser de
nouveau les principes de ce qu'on appelle la rétroactivité des
lois. D'intéressantes questions relatives au Droit commercial
sont discutées par MM. Van Hall et Bondt dans les cahiers
iev de 1826 et 2e de 1827. Les fragmens nouvellement décou-
vert du Code Théodosien ont été l'objet de remarques critiques
présentées par MM. Fan Hall et Den Tex , dans les ier et 3e
cahiers de 1826. Plusieurs questions intéressantes de droit
privé, et notamment celle du privilège accordé au vendeur
d'immeubles, sont traitées par MM. Uitwerf Sterling et
Groen Van Prinsterer. Enlin, le droit des gens, le droit public ,
notamment le droit ecclésiastique , le droit pénal , la médecine
Irgale, ont offert à MM. Den Tex, Berg, Dejonghe, Schui.l,
blier quelquefois des morceaux faibles, ou incomplètement élaborée;
— Les 8 volumes qui forment la collection de la Thémis se vendent
56 fr. aux personnes qui souscrivent pour le 9e volume , au bureau de
rédaction , rue Soufflet , ou place Sainte -Genoièvc , D* 2.
rAYS-BAS. — LIVRES FRANÇAIS. 7i7
Mkyf.ïv et Tuyssk.v des sujets de dissertations plus ou moins
étendues.
Dans la partie du Recueil qui a pour objet l'examen des
ouvraj.es nmiviaiix, et qui appartient presque en tofalilé à
MM. ^ in Hall et Df.n Tix, nous avons remarque* les Notices
sur le projet de code pénal dû la Louisiane t sur les annotations
ad Caïum de M. Van Assen, sur deux Mémoires de M. de
Savigny, sur le dernier ouvrage de M. Locke, sur l'ouvrage
de Mn.ii.n intitulé : An i/njuiry into the présent state oj the ci.v-1
laiv of England , etc.
On remarque dans tous les jugemens que les éditeurs des
fljrdraegen ont porté sur les ouvrages, autant de sagacité que
d'indépendance; et les mêmes qualités se retrouvent dans le
compte rendu par M. Van Hall de la jurisprudence de la
cour supérieure de La Haye, et des travaux exécutés dans les
Pays-Bas à l'égard des sources récumment découvertes de
l'ancien Droit romain.
Il paraît chaque année, !\ livraisons des Bydraegcn , formant
ensemble au delà de 5oo pages in-8°; les livraisons de 1826
ont été publiées avec régularité; mais nous n'avons encore
reçu que 2 livraisons de 1827. D.
LIVRES FRANÇAIS.
Sciences physiques et naturelles.
25 7. — * Encyclopédie populaire , ou les sciences , les arts et
les métiers mis à la portée de toutes les classes. Paris, 1828;
Audot, éditeur. Cette collection sera composée de volumes
in- 18 , qui se vendront séparément au prix de 1 fr.
Cette nouvelle entreprise bibliographique est une traduction,
ou plutôt une imitation des cahiers publiées en Angleterre par
la société des connaissances usuelles , dont M. Brougham est pré-
sident. Pour approprier à notre usage cette œuvre des savans
anglais, on a senti qu'il fallait quelques modifications; que d'ail-
leurs, lorsqu'il s'agit de sciences ou d'arts, le devoir d'un
traducteur est d'améliorer ce qu'il veut mettre à la disposition
de ses compatriotes. Il vient plus tard que l'auteur qu'il traduit,
et par conséquent, il est tenu de faire mieux que l'original , de
rectifier ses inexactitudes, de compléter ses lacunes : on attend
de lui le travail que l'auteur lui-même se serait imposé , dans
une seconde édition de son ouvrage. Il n'en est pas ainsi , lors-
qu'il est question de transporter dans une autre langue un
;i3 LIVRES FRANÇAIS.
ouvrage d'imagination : la fidélité la plus scrupuleuse est alors
imposée au traducteur; ce qu'il retrancherait serait un vol, et
ce qu'il ajouterait une falsification. Il faut du savoir et beau-
coup de savoir pour bien traduire un ouvrage de sciences , et
un talent remarquable, pour être sans reproche, quand on
traduit un ouvrage de littérature. Presque toujours, les traduc-
tions sont confiées à l'ignorance et aux manœuvres littéraires :
Ja Bibliothèque des connaissances usuelles, transformée en
Encyclopédie populaire, n'a pas eu cette mauvaise fortune.
M. Boquillon, traducteur des volumes que nous avons sous
les yeux, a satisfait honorablement aux obligations qu'il avait
contractées, en se chargeant d'être l'interprète des rédacteurs
anglais. Le style est convenable, les idées sont Exposées avec
clarté : c'est tout ce qu'il était possible de faire, et par consé-
séquent, tout ce que l'on pouvait espérer. Quant à l'utilité
réelle de chacun des ouvrages qui formeront cette Encyclo-
pédie, c'est l'expérience qui choit nous l'apprendre; mais,
dans le résultat de cette expérience, quel qu'il soit, comment
séparer ce qui appartient à un livre et à la forme particulière
de sa rédaction, de ce que les circonstances et les influences
extérieures viennent y mêler? Comment fixer le point du dé-
part, le degré d'influence des causes favorables ou contraires,
évaluer les résistances ? Aucune étude n'est plus difficile que
celle de l'homme: et, si l'on avait eu le bonheur de surmonter
tous les obstacles, et d'arriver à une connaissance assez com-
plète de notre nature, il resterait encore à faire usage de cette
connaissance pour perfectionner l'art social, autre travail d'une
extrême difficulté. Les sociétés, dont l'instruction populaire est
l'objet, proposent des prix pour la rédaction d'ouvrages à la
portée du peuple ; elles rédigent avec soin les programmes de
ces compositions, jugent les concurrens avec une judicieuse
bienveillance, et trouvent de tems en tems l'occasion de dé-
cerner des couronnes. Cette première partie de leur tâche est
facile ; mais la seconde l'est beaucoup moins. Il s'agit de cons-
tater, par des observations très-attentives et philosophiques,
que les questions ont été bien posées et bien résolues ; et , si
l'on découvre que le but n'est pas atteint, il faut se remettre
sur la bonne voie, et recommencer. Ce zèle philantropique ne
préserve point de l'erreur : il mérite doublement notre recon-
naissance et nos éloges, lorsqu'il revient sur ses pas , et fait
le sacrifice de tout amour-propre aux grands et nobles intérêts
de l'humanité. Quelque bien que l'on ait à dire des ouvrages
populaires publiés jusqu'à présent par les sociétés les plus
éclairées, on ne peut les considérer que comme une première
SCIENCES PHYSIQUES. 719
('•prouve dont il s'agit de connoître le résultat , il Tant constater
ce résultai par «les moyens donl la recherche est un objet
digne des plus sérieuses méditations.
Ces réflexions préliminaires mou. <»m mené si loin, qu'il te-
nons reste pins assez d'espace pour rendre compte des trois
premières livraisons qui onl déjà pan1, el que l'empressement
du public n'a pas laissé séjourner long-tems dans les magasins
de l'éditeur. Nous les joindrons aux livraisons suivantes, qui
sans doute ne tarderont pas à paraître. F.
a58. — ■ * Annuaire du jardinier et de l'agronome pour 1828,
renfermant les descriptions et la culture de toutes les plantes
utiles OU d'agrément qui Ont été décrites pour la première
fois en 1 S • > - ; les nouvelles d horticulture de la même année;
des considérations sur l'acclimatation et la naturalisation des
plantes; les principes généraux de la greffe, et la description
de toutes les greffes herbacées ; enfin, un tableau des meilleures
espèces et des variétés d'arbres fruitiers entrant dans la com-
position d'un jardin ou d'un verger, etc.; suivi d'une table
alphabétique renvoyant à toutes les plantes décrites dans les
Annuaires du jardinier des années précédentes; par un jàrdi*
nier agronome. Paris, 1828; Roret. In- 18 de 2i/} pages; prix,
1 i\\ 5o c.
On regrette que M. Boitard, rédacteur de cet ouvrage,
comme l'avertissement nous l'apprend, entretienne ses lec-
teurs de contestations qui se sont élevées dans, le sein de la
Société d'horticulture , et dont le public raisonnable refusera
certainement de prendre connaissance. Un Annuaire, essen-
tiellement destiné à renfermer des annonces utiles, des don-
nées et des indications à l'usage de tous, peut-il être une lice
pour ces joutes oiseuses, auxquelles les assistans ne s'intéressent
guère que par une malicieuse curiosité ? Les lecteurs sensés
composent le public des écrivains jaloux de se faire une répu-
tation durable, et ce public exige qu'on le respecte.
Après cette boutade, venons à V Annuaire du jardinier. Il
parait que la censure n'étend point jusqu'à l'empire de Flore
sa malfaisante influence. L'année 1827 n'a pas été moins fé-
conde que les précédentes, plus heureuse que l'esprit, la ma-
tière a suivi paisiblement les lois générales qui la régissent, et
les directions que les arts de l'homme lui tracent, conformé-
iment à ces lois. L'imagination s'étonne à la vue des catalogues
de plantes nouvelles introduites dans les cultures, de variétés
obtenues et conservées par les soins du jardinier : il semble
que nous soyons menacés d'un débordement de richesses bo-
taniques auxquelles il sera difficile d'opposer des digues assez
:ao LIVRES FRANÇAIS.
fortes. Toutefois, que ce danger, encore éloigné, ne nous effraie
pas : d'autres soins beaucoup plus pressans sollicitent notre
attention; que les jardiniers poursuivent leurs agréables re-
cherches. Nous acceptons avec reconnaissances les fruits de
l'horticulture de 18-27, dont M. Boitard nous donne le cata-
logue et la description, et nous espérons que l'année 1828
s'enrichira de nouvelles conquêtes en ce genre , et que le même
écrivain prendra soin de nous les faire connaître.
259. — * De la culture du mûrier, par Mathieu Bonafous,
directeur du jardin royal d'agriculture de Turin, etc. Troisième
édition. Paris, 1827. Mme Huzard. Barret, à Lyon. In-8° de
62 pages avec une planche. Prix, 1 f. 25 cet 1 fr. 5oc. par la poste.
On ne peut trop multiplier les éditions d'un ouvrage tel que
celui-ci, car l'intérêt des cultivateurs de la plus grande partie
du sol français est de savoir tout ce que M. Bonafous leur
apprend en quelques pages, et surtout de le pratiquer. Le dé-
partement du Rhône a bien senti la grande utilité de cette
instruction, et une médaille d'or, décernée à l'auteur, prouve
que les administrateurs de ce département savent apprécier et
récompenser les services rendus à leur pays. En joignant à ce
petit écrit ceux du même auteur sur l'éducation des vers à
soie, on a tous les documens nécessaires pour tirer le meil-
leur parti de la culture du mûrier; espérons que la culture
de cet arbre précieuxs e propagera dans tous les lieux qui lui
conviennent. Des écrits tels que celui-ci sont très -propres à
hâter cette grande amélioration de notre agriculture. Y.
260. — * Manipulations chimiques , par Faraday, professeur
de chimie à X 1 nstitut royal de Londres ; traduit par M. Maisf.au,
traducteur de V Enquête du parlement anglais sur l'industrie ;
revu, pour la partie technique par M. Bussy, professeur de
chimie à f Ecole de pharmacie de Paris, etc. Paris, 1827;
Sautelet. 2 vol. in-8° de l^oo p.; prix, 14 fr.
Cette traduction est l'œuvre de deux associés dont l'un a
fourni la connaissance de la langue, et l'autre celie de la
science. Notre époque est celle des associations pour faire le
bien; le plus grand nombre de celles dont l'histoire fait men-
tion n'avaient d'autre but que l'intérêt des associés, aux dépens
des intérêts généraux.
L'ouvrage le plus complet que l'on ait publié sur les mani-
pulations chimiques est , à coup sûr, celui de M. Faraday, et
un professeur aussi habile ne pouvait composer un ouvrage
médiocrement bon. Remercions donc les deux écrivains qui
l'ont fait passer dans notre langue. Si désormais les chimistes
fie sont pas en état de tout faire dans un laboratoire, de se
SCIENCES PHYSIQUES. ;-,r
passer au besoin d'aides, d'ouvriers, de secours de toute | 01 te,
de suppléer an\ instrumens qui leur nwinqucnt ou de les 00
truire eux-mêmes, ce ne sera pas la faute de M. Faraday. Si
cet ouvrage avait étécooiposé par des chimistes français, on y
trouverait quelques procédés qui paraissent inconnus en An-
gleterre ; réciproquement, nos chimistes les plus instruits
acquerront la connaissance de quelques manipulations pro-
pres aux chimistes Bnglais : heureux résultats des communica-
tions scientifiques. Des gravures en bois achèvent d'éclaircir
ce (pie les explications n'auraient pas fait assez bien Comprendre:
l'auteur et ses interprètes n'ont rien négligé pour que l'ouvrage
fut en état d'exercer une influence remarquable sur la science
et ses applications; espérons qu'il obtiendra le succès qu'il
mérite à tant d'égards. H. Dussard.
261. — * Traité des membranes en général et des diverses
membranes en particulier, par Xav. Nichât. Nouvelle édition ,
re\ ue et augmentée de Notes par M. Magendie, de l'Académie
des sciences, médecin de l'hôpital de la Salpètrière, etc.
Paris, 1827; Gabon; Méquignon Marvis. I11-80 de xxxiv et
3/,() pages ; prix 5 fr. 5o c
Bichat lut, en 1798, à la Société médicale d'émulation de
Paris, deux Mémoires sur la structure et la distinction des
membranes : ils furent publiés, en 1799, dans le 2e volume du
recueil de celte Société. A cette première ébauche déjà remar-
quable succéda, en 1800, le Traité des membranes, production
pleine de vues nouvelles et de brillantes inspirations. Mais
bientôt, fécondant les germes qu'il avait déposés dans cet
ouvrage, riche de plus d'expérience , d'observations plus nom-
breuses, embrassant l'ensemble de l'économie, la totalité de
nos organes, Bichat donna au monde savant, en 1801, son
A natomie générale , œuvre impérissable d'un des plus beaux
génies qui aient éclairé la médecine, et en 1802, le 22 juillet,
il mourut à l'âge de trente-un ans!
Le Traité des membranes, dont nous annonçons la réimpres-
sion, ayant été refondu dans X Anatomie générale 3 doit être
surtout considéré, ainsi que le dit avec raison M. Magendie,
son éditeur , comme un monument biographique propre à faire
bien juger le talent dont était doué Bichat. Pour cire mis au
niveau de l'état actuel de la médecine, il eût fallu en quelque
sorte le refaire; mais ce travail n'était pas ce que devait se
proposer M. Magendie. Il s'est contenté d'indiquer çà et là, par
quelques notes, ce qui eût pu induire en erreur, et celles des
prévisions de Bichat que le tems n'a pas confirmées. Peut-être,
cependant, au lieu de ce borner à des remarques destinées
t. xxxvi. — Décembre 1827. 46
72* LIVRES FRANÇAIS.
seulement a rectifier le texte, eût- on dû aussi, pour rendre à
Bichat on hommage mérité, montrer quels développemens il
avait lui-même donnés à ses premières idées , et comment il les
avait perfectionnées, soit dans son Anatomie , soit dans ses
Recherches sur la vie et la mort, qui succédèrent à son Traité
des membranes. Ce qui, dans ce dernier ouvrage, est de-
meuré original, c'est la description de l'arachnoïde; mais,
dans ce sujet difficile, il était resté bien des points encore
controversés. Il était nécessaire qu'ils fussent éclaircis, et per-
sonne n'était plus capable de le faire que M. Magendie qui ,
s'étant occupé spécialement des fonctions de cette membrane,
pouvait donner sur sa structure le résultat de ses propres re-
cherches. RlGOLLOT fils , D.-M.
262. — * Traité sur les gastralgies et les entéralgies , ou
Maladies nerveuses de l'estomac et des intestins; par le docteur
Barras. 2e édition, revue, corrigée et augmentée. Paris, 1827;
Béchet jeune. In- 8°; prix, 5 fr. 5o c.
Un médecin, long-tems malade, vient de publier l'histoire
de ses longues souffrances. Il nous apprend quelles erreurs
ont été commises à son sujet, quels résultats ont eus les con-
seils de la plupart des médecins dont il a réclamé les secours;
enfin , il nous montre, en dernière analyse, ce que chacun peut
concevoir, que l'air pur des champs, un régime doux et sub-
stantiel sont les seuls moyens qui aient apporté quelque adou-
cissement à ses maux. Voilà pour les gens du monde une belle
leçon, sans contredit. En profiteront-ils? Cet exemple devrait
les frapper; car la maladie dont il s'agit est de celles qui atta-
quent particulièrement les citadins, les riches, ou les hommes
livrés aux travaux du cabinet. A Paris, surtout, ces maladies
sont communes. Nulle part, on n'abuse autant de toutes ses
facultés; nulle part, f estomac , dont il est ici question, n'est mis
à de plus rudes épreuves : les uns, uniquement occupés de
satisfaire un appétit qu'excitent à chaque instant la gourman-
dise ou l'occasion, semblent ne vivre que pour manger; d'au-
tres ne considèrent, pour ainsi dire , l'alimentation que comme
un moyen de soutenir des forces qu'incessamment les excès de
tout genre épuisent; d'autres, enfin, et ceux-là sont les seuls
auxquels le médecin philantrope puisse porter un véritable in-
térêt, emportés par l'émulation la plus noble, voulant se dis-
tinguer dans la carrière qu'ils parcourent, pensent à peine qu'ils
ont un corps. Ils oublient que le corps éprouve des pertes pro-
portionnées à leurs travaux, et qu'il faut, pour les réparer,
non-seulement user d'alimens sains, mais encore les prendre
en tems opportun et laisser à l'estomac le tems de les digérer.
SCIENCES PHYSIQUES. 7*1
Cet organe, que, dans une des fables de La Fontaine, 1rs
membres accusent de paresse et d'inactivité , est presque BOSSI
injustement traité par la plupart des homme-,. Lui seul doit
|nr toujours; il doit constamment eiciter l'alimentation et sa
voir s'arranger de celle qu'on lui donne, pour lui, jamais <lo
pepos ; et , si quelque excès ou , ce qui est encore plus fréquent)
quelque modification atmosphérique | ou quelque peine morale,
trouble ou suspend ses fonctions, après avoir, pendant plu-
sieurs siècles, crié à la dyspepsie , nous crions maintenant à la
gastralgie , et l)ien plus généralement à la gastrite.
Le docteur Barras, toutefois, homme sage et plein de pro-
bité , en cherchant à prouver que la plupart des affections de
l'estomac ne sont nullement inflammatoires et tiennent seule-
ment à l'exaltation ou bien à la dépravation de la sensibilité de
cet organe, ne prétend pas que la gastralgie doive faire entière-
ment oublier la gastrite. Il n'a point la prétention de faire secte.
Praticien modeste, il se borne à combattre, par les faits qu'il
a été à même d'observer, les abus d'une doctrine exclusive
dans ses dogmes et séduisante par sa simplicité. Pour le dite,
en un mot, ce médecin écrit sous la dictée de la raison et de
l'expérience. Le succès de cet ouvrage annonce que le public
commence à ne plus se payer de mots. Il prouve, ce que tant
d'autres faits prouvent également, que la raison publique s'é-
claire en s'exerçant. Qui aurait pensé , en France , il y a qua-
rante ans, à demander compte à son médecin de l'état de
la médecine et des motifs qui le portaient à agir? Quel-
ques mots échangés sur la pituite ou sur la bile eussent satis-
fait les plus curieux. Nous vivons aujourd'hui sous l'empire des
faits ; chacun réclame le pourquoi ', en toute chose. Le tems est
à jamais passé où l'on croyait sur parole , où l'on jurait sur la
foi d'autrui ; et, si d'habiles jongleurs occupent quelquefois en-
core la scène du monde, leur règne est de courte durée.
La dernière doctrine médicale qui a pri-s vogue dans nos
écoles rapportait toutes les maladies à une série de phénomènes
à peu près identiques, quels que fussent ses rapports, les fonc-
tions ou la structure des organes qui en étaient le siège; quels
que fussent l'âge, le sexe et, les dispositions particulières de
l'individu qui en était le sujet. Rien n'était plus facile à conce-
Ivoir, ni plus commode à établir. Une génération naissante, im-
bue de ces principes, croyait avoir tout appris; mais l'expé-
rience a bientôt prononcé.
La pratique , en montrant chaque jour de nouveaux faits :?a
signalé des rapports différons, a prouvé ce qu'un médecin ne
devrait jamais perdre de vue, que tout est varié dans la na-
46".
7i/, LIVRES FRANÇAIS.
tare. Partout il n'existe, en effet, que des individus; et quant
aux modifications que le corps humain éprouve , elles sont tel-
lement diversifiées , que, pour un observateur attentif, il est
impossible d'en trouver deux qui présentent une véritable parité.
Les modifications dont le système nerveux est susceptible
sont incontestablement les plus nombreuses et les plus difficiles
à classer. De tout tems elles ont exercé la patience et la saga-
cité des médecins les plus habiles De tout tems aussi, les tra-
vaux de ces observateurs n'ont eu pour résultat que de pré-
parer des matériaux; pas une main, que je sache, n'a été assez
hardie pour oser prétendre a les coordonner. La direction des
esprits et l'état de la science veulent impérieusement que cha-
cun paie son tribut, en indiquant les résultats de son expé-
rience; mais sans imposer aux autres une opinion et surtout
sans torturer les faits. Or, le travail du docteur Barras réunit ces
deux conditions importantes; l'estime de ses confrères 'et celle
du public ont déjà récompensé ce médecin de la réserve judi-
cieuse qu'il a su garder et des efforts qu'il ne cesse de faire
pour détruire une opinion trop accréditée. J. B. F., d. m.
2Ô3. — * Lettre a M. le chevalier Vincent de Kern , premier
chirurgien de S. M. l'empereur d'Autriche, en réponse à un
écrit ayant pour titre : Réflexions sur la nouvelle méthode de
MM. Civiale et Leroy , pour broyer et extraire les calculs vési-
caux ; par le Dr Civiale. Paris, 1827 ; Béchet jeune. In 8° de
76 pages avec une planche; prix, 1 fr.
Nous avons parlé plusieurs fois de la méthode du Dr Civiale
pour le broiement et l'extraction des calculs vésieaux par les
voies naturelles, et des résultats extraordinaires que ce chirur-
gien obtient chaque jour. Cette révolution chirurgicale s'est si-
gnalée par une polémique animée, et dans laquelle les antago-
nistes de M. Civiale n'ont pas toujours fait preuve de justice.
Comme les découvertes les plus utiles, la lithotritie fut d'abord
traitée de chimère. Lorsque les résultats eurent constaté son im-
portance, on voulut refusera son auteur le mérite de l'invention:
d'abord, en lui opposant des prétentions rivales, ensuite, en
attribuant à la chirurgie allemar.de une découverte qui est toute
française. Après être resté long-tems étranger à cette discussion
qui n'a point eu tout le succès auquel prétendaient ses adver-
saires, M. Civiale a consenti enfin à faire valoir ses droits de-
vant le public.
Nous avons fait connaître son premier ouvrage, publié il y
a plusieurs mois (1), dans lequel cet habile praticien a exposé
(1) De la Lithotritie , ou Ilroiement de la pierre dans la vessie. Paris ,
1827; Béchet jeune. In-8°; prix. 6 fr.(Voy. Rev.Enc, t. xxxiv, p. 187 )
SCIENCES PHYSIQUES.
la nature de ses travaux dool le but était de substitue! .1 I ;.n.-
des opérations les plus graves et les plus terribles de la chirur-
gie, une opération peu douloureuse el exempte <1<' dangers.
|f, Civiale indique les tentatives infructueuses une l'on avail
('.nies pour soustraire 1rs calculeux à l'opération de la taille , et
il fait connaître, par «les relevés de statistique, les chances de
succès que la cystotomie peut offrir. Il fait ensuite rhistoire
de ses propres recherches | trace la marche qu'il a suivie pour
parvenir à broyer la pierre dans la vessie, et publie les résul-
tats qu'il a obtenus par une opération que Y Académie des
Sciences a désignée par le nom de méthode Civiale , et que ce
corps savant a déclarée glorieuse pour la chirurgie française ,
ftonorable pour son auteur et consolante pour l'humanité 9 en dé-
cernant à son inventeur le grand prix de chirurgie de dix mille
francs, fondé par M. de Mtantyon.
La brochure que nous annonçons aujourd'hui est une ré-
ponseanx attaquesd'un nouvel adversaire, le premier chirurgien
de S. M. l'empereur d' Autriche. M. Civiale fait connaître les an-
técédens de la lithotritie, discute le mérite desdiverses tentatives
qui ont été faites , et combat, par des faits et par des argumens
sans réplique, les suppositions et les assertions inexactes aux-
quelles avaient eu recours les détracteurs de cette belle décou-
verte. Il termine cette partie de sa réponse à M. de Kern par un
parallèle de l'ancienne opération et de celle qu'il a inventée ,
prouve par des faits nombreux la grande supériorité de celle-
ci. Après avoir démontré combien sont imaginaires les incon-
véniens que l'on a cru trouver dans l'emploi de sa méthode,
M. Civiale aborde la question de la priorité d'invention, et ses
recherches établissent que l'idée première de la possibilité de
broyer la pierre dans la vessie se trouve exprimée dans quel-
ques auteurs arabes, qu'elle a été souvent reproduite, que
l'on a même présenté des projets, mais qu'ils w'ont pas été
exécutés, et que cette idée était restée stérile pour la science
et pour l'humanité.
Quant à ia discussion des prétentions rivales que l'auteur
présente avec autant de clarté que de franchise, l'ouvrage
renferme tous les éclaircjssemens nécessaires*. Z.
264. — Astronomie des Demoiselles , ou Entretiens entre un
frère et sa sœur, sur h: mécanique céleste, démontrée et rendue
sensible sans le secours des mathématiques, augmentés d'idées
puisées dans les découvertes les plus nouvelles, et d'après les
meilleurs astronomes; suivis de problèmes dont la solution est
aisée, et enrichis de plusieurs ligures ingénieuses, servant à
rendre les démonstrations plus claires; par James Fkuguson,
7i6 LIVRES FRANÇAIS.
professeur d'astronomie, et membre de la Société royale de
Londres : ouvrage traduit de l'anglais», revu et augmenté par
M. Quétrin, professeur et auteur de divers ouvrages sur l'as-
tronomie et la géographie. Paris 1827; Raynal, rue Pavée-
Saint - Amlré-des-Arcs, n° i3. In-12 de 232 pages, avec six plan-
ches gravées et coloriées ; prix, 3 fr. 5o c.
Le livre anglais que M. Quétrin a traduit ne m'est pas connu;
mais le nom de Ferguson me semblait devoir promettre quel-
que chose de mieux que la traduction qu'on publie : c'est tout
simplement un exposé de la sphère, à peu près comme on en
met en tète des géographies élémentaires à l'usage des pension-
nats de demoiselles. Il est vrai que l'on y trouve les données
numériques exactes qui servent de base au système planétaire;
mais comme ces nombres ne sont amenés par aucun raisonne-
ment qui puisse permettre {{'entrevoir comment la science les
obtient, ce sont des hors-d'œuvre tout- à- fait hors de la portée
des personnes auxquelles le livre est destiné, et ces tableaux
délémens astronomiques ne seront certainement pas lus par
elles. Je doute encore que les vieilleries proposées par Pluche
pour exprimer la signification des constellations zodiacales
soient données dans le livre anglais de Ferguson : ce savant est
trop instruit pour ignorer que ces signes, imaginés par les
Égyptiens, dans des tems très-reculés , ne s'accordent qu'avec
des phénomènes physiques propres à cette contrée, et qui sont
tout-à-fait différens de ceux qu'on expose dans l'ouvrage. Pour-
quoi remplir la tête des jeunes gens d'idées fausses et générale-
ment reconnues pour telles? Mais il y a bien d'autres erreurs :
par exemple, page 226, le nombre d'or est 6, et l'épacte 25,
en 182c), au lieu des nombres cités : page 190, on voit Sirius
au ciel vers la gauche d'Orion, et plus ha s , et non pas à droite;
page 161 , l'auteur veut prédire l'heure de la haute mer, jus-
qu'à tenir compte de deux minutes, et oublie de dire que les
distances de la lune à la terre influent jusqu'à retarder d'une
heure ou avancer de 40 minutes l'instant de la marée ; page i63,
l'action solaire sur l'heure et la grandeur du phénomène est
mal désignée; page 178, l'année civile n'est pas égale à l'année
tropique : page 108, ce n'est pas à l'aide des circumpolaires
qu'on obtient l'heure , pas même en mer, etc. Quant à la forme
du dialogue que l'auteur a préférée peur rendre(ses explications
plus claires, il est permis de croire qu'il s'est abusé à cet égard.
Lorsqu'on veut, en un petit nombre de pages in-j 2 , démontrer
la multitude des faits d'une science aussi vaste que l'astronomie,
on n'a pas de pages à perdre; et l'on ne voit pas ce que peuvent
apprendre au lecteur des phrases comme celles ci : « Que fîtes-
SCIENCES PHYSIQUES. 7i7
sous hier, Jenny, après le déjeuner ? Je vous si attendue dao »
ma chambre, mail vous n êtes point venue. Je, suis enchanté de
voit- le lèli que vous nielle/, à étudier, ele. <■ , et initie-, propos
«le lueine utilité. Il faut pourtant dire qu'en général le peu
d'explications que ce livre contient est fait avec clarté; que les
figures sonl très-ingénieusement ajustées, et que la jeunesse
pourrait eu tirer quelque fruit , m l'on en supprimait les choses
oiseuses et les erreurs : ce serait alors un fort bon traité de la
sphère, pour servir de préliminaire à l'étude de la géogra-
phie. JKUANC.OEUR.
265. — Note sur les diverses etpècei de frottement qui peu-
vent erister entre den.v coitrbt ts et r/ei/.r sulfures, par Théodore
OiiviKK, ancien élève de l'Ecole polytechnique , ancien offi-
cier d'artillerie, membre de l'Académie royale des sciences
militaires de Stockholm, etc. Paris, 1827; Imprimerie de Plas-
san. In-8° de i3 pages; prix , 1 h\
Quand même on ne saurait point en quel lieu M. Olivier a
reçu son éducation mathématique, on l'apprendrait en lisant
cet écrit. Aucune école philosophique n'obtint jamais l'in-
tluence que l'École polytechnique a exercée sur les élèves
qu'elle a formés : elle seule a possédé le secret d'imprimer aux
esprits une direction qui ne change plus, une forme et un
caractère toujours reconnaissables. D'où lui vint un ascendant
aussi remarquable, et comment pourra-t-elle le conserver? On
ne peut traiter ces questions sans desdéveloppemens qui seraient.
hors de place, au sujet d'une courte brochure; nous y revien-
drons lorsqu'il nous sera possible de donner à nos lecteurs
l'analyse de l'ouvrage de M. le capitaine Madelaine, intitulé :
Introduction à l'étude de l 'artillerie ', etc.
M. Olivier donne au mot frotte m ent un sens plus étendu que
l'acception ordinaire. Ce qu'il nomme frottement de roulement
direct pourrait être regardé comme nul; car il serait inutile de
le faire entrer dans le calcul. Cependant la théorie devient
plus complète, en le plaçant au nombre des effets dont il est
une limite. L'auteur détermine quelles sont les conditions aux-
quelles les surfaces développables doivent satisfaire pour rou-
ler l'une sur l'autre sans autre frottement que celui de roule-
ment direct. Quoique cette théorie ne soit pas nouvelle , elle
est inédite, et doit eesser de l'être. Quant aux engrenages co-
niques et cylindriques présentés par White au concours décen-
nal de 18 10, il est étonnant que cette invention ait pu passer
pour nouvelle; on avait démontré rigoureusement, plusieurs
années avant cette époque, que les surfaces cylindriques et
coniques sont les seules qui jouissent des propriétés que ce
728 LIVRES FRANÇAIS.
mécanicien leur attribue. En ce qui concerne les engrenages,
cette partie si importante de l'art des machines, les géomètres
ont achevé ce qui est de leur compétence; la tâche du physi-
cien et celle du machiniste praticien n'est pas terminée: il reste
à tenir compte de toutes les propriétés des corps que l'on em-
ploie, soit pour en tirer parti, soit pour empêcher qu'elles ne
diminuent Ja durée des machines, ou l'effet dont elles sont
capables. Nous profitons de cette occasion pour rappeler aux
amis des arts et de l'industrie que l'enseignement de la phy-
sique est un besoin presque aussi pressant que l'instruction sur
les mathématiques, qu'il est indispensable de bien connaître la
rçature des matériaux que l'on emploie, et par conséquent d'en
faire une étude spéciale. Ferry.
266. — Mémoire sur la puissance mécanique de la vapeur
d'eau, par A. Fourier, ancien élève de l'École polytechnique ,
ingénieur des Ponts-et-Chaussces. Paris, 1827; Bachelier.
In-8° de 29 p. ; prix, 1 fr. 5o c.
Cet opuscule est divisé en deux sections : dans la première,
l'auteur mesure la force élastique de la vapeur, son poids
spécifique, sa chaleur spécifique, enfin la vitesse de la vapeur
qui se dégage d'une chaudière, sous différentes circonstances
physiques données, et en ayant égard aux contractions des
veines fluides qui s'échappent par des orifices. Les formules et
les résultats numériques cités sont connus de tous les physi-
ciens ; mais ils sont ici rapprochés et comparés dans ïe but que
le Mémoire veut atteindre. Dans la deuxième seeîion, M. Fou-
rier analyse la puissance mécanique de la vapeur dans les
machines les plus usitées, et particulièrement dans celles de
Woolf et Edwards, où la vapeur se développe avec expansion.
Le Mémoire est terminé par une table des forces élastiques
sous différentes températures de 100 à 173 degrés. Cet opus-
cule m'a paru rédigé dans de très-bons principes, sans pourtant
offrir d'idée neuve. Il est fâcheux que l'impression ait été
confiée à un atelier où l'on n'est pas exercé à ce genre de texte.
Les formules y sont estropiées, et les parangonnages mal faits;
ce qui rend le Mémoire difficile à lire. Francoeur.
267. — * L'Art du maître de forges , ou Traité théorique de
l'exploitation du fer, et de sou application aux différents agens
de la mécanique et des arts; par M. Pelouze , employé dans
les forges et fonderies. Paris, 1827; librairie scientifique de
Malher. 2 vol. in - 12 de 370 4^5 pages, avec 10 planches et
leur explication , en un volume séparé ; prix, cartonné , 9 fr.
Nous serons très-courts sur cet ouvrage, parce que, pour en
donner à nos lecteurs une idée assefc juste, il faudrait en faire
SCIENCES PHYSIQUES.
une analyse beaucoup plus étendue que ne le permet le peu
(l'espace qui nous est accorde. Noua v reviendrons quelque
jour, lorsqu'il s'agira de nouveaux progrès de l'art de travail
1er le fer, ail qui ne peul manquer de faire d'importantes ac-
quisitions, à mesure qu'il embrasse plus d'objets, qu'il occupe
])!us de bras et <!e tét< s. Tout ce que nous pouvons dire en ce
moment du travail de iM. Pelouze, c'esl qu'après l'avoir examiné
avec beaucoup d'attention, il nous a paru méthodique , instruc-
tif, complet, et que nous n'y avons remarqué qu'un très - petit
nombre d'erreurs purement historiques, et. qui n'ont aucun
rapport avec les notions dont l'art peut profiter. Nous ne crai-
gnons donc point de recommander cet ouvrage comme le fruit
précieux d'un tems bien employé. Il est à désirer que la librai-
rie scientifique et industrielle de M. Malheren publie beaucoup
de ce mérite. F.
268. — * Manuel du fondeur sur (nus métaux , ou Traité de
toutes les opérations de la fonderie > contenant tout ce qui a rap-
port à la foute et au moulage du cuivre, à la fabrication des
pompes à incendies et des machines hydrauliques; la manière
de construire toutes sortes d'établissemens, pour fondre le
cuivre et le fer ; la fabrication des bouches à feu et des pro-
jectiles pour l'artillerie de terre et de mer, la fonte des cloches,
des statues, des ponts, etc., etc. , avec des exemples de grands
travaux, propres à aplanir les difficultés du moulage et de la
fonte ; par M. Launay, fondeur de la colonne de la place Ven-
dôme, directeur de la fonte des Ponts de Paris, etc., etc.
Paris, 1827; Roret. 1 vol. in-8°, ornés de planches; prix, 7 fr.
Pendant que de nombreuses éditions des premiers ouvrages,
qui ont assuré le succès delà collection des manuels de M. Roret,
se succèdent rapidement, et que chacune d'elles atteste le soin
qui préside à leur révision, de nouveaux ouvrages viennent
chaque jour compléter cette Encyclopédie des sciences et des
arts.
Le manuel du fondeur sur tous métaux, que nous annonçons
aujourd'hui , nous a semblé remarquable par le grand nombre
de faits et d'observations que M. Launay y a consignés : c'est
désormais un complément indispensable de l'ouvrage du célèbre
Monge sur la fonte des canons, et. de la Sidéroteciinic de Hasen-
fratz. Les détails donnés par l'auteur du manuel, sur le mou-
lage en sable et sur son application à la fonte des pièces de
gros calibre en ivv et en bronze, ses notes sur la construction
des fourneaux et la conduite des bains de fonte, sont d'un
intérêt d'autant plus réel pour les officiers d'artillerie, qu'ils
(trouveront dans les expériences faites par M. Launay, une
73o LIVRES FRANÇAIS.
discussion toujours raisonnée et souvent la solution des ques-
tions que l'on a de tout tems agitées sur les fontes.
Les ouvriers fondeurs profiteront à peu de frais, par l'ac-
quisition de ce manuel , de l'expérience que l'auteur avait chè-
rement acquise par ses travaux dans les grandes entreprises
des ponts en fer sur la Seine et des bronzes de la colonne de
la place Vendôme.
Les planches sont bien gravées; et, quoique l'auteur n'ait
pu lui-même mettre la dernière main à son ouvrage, ces deux
volumes font vivement désirer la continuation, qui doit traiter
de la fonte des statues et des grands monumens.
A Vergnaud.
269. — * L'Art de fabriquer la faïence recouverte d'un émail
blanc et coloré , suivi de quelques notions sur la peinture au grand
feu et à réverbère , et d'un Vocabulaire des mots techniques ; par
F. BASTENAiRE-DAunENART , ex-propriétaire de la manufacture
de Saint-Amant- les- Eaux , etc. Paris, 1827 ; librairie scienti-
fique et industrielle de Malher. In- 12 de 480 pages , avec deux
planches ; prix , k fr. 5o c. cartonné.
Cet ouvrage doit être associé à celui que M. Daudenart a
consacré à X Art de fabriquer la porcelaine , art plus simple , à
quelques égards , que celui du faïencier, quoique l'auteur l'ait
décrit en deux volumes , tandis que les procédés de l'art plus
vulgaire ou plus modeste n'obtiennent que la moitié de cette
étendue. Les simples amateurs, car les arts industriels n'en
manquent pas, ne seront pas moins satisfaits de ce nouvel ou-
vrage qu'ils ne l'ont été du précédent ; et , ce qui est plus es-
sentiel , la pratique y trouvera de l'instruction. Suivant son
habitude, l'auteur est sévère dans ses jugemens, et n'épargne
pas plus les modernes que les anciens, les vivans que les morts.
Dès les premières pages , il reproche aux fabricans actuels de
s'occuper beaucoup plus d'embellir leurs produits que de les
rendre solides et durables. Il se présente ici une question d'é-
conomie publique et domestique , et même de morale , dont les
données et les moyens de solution ne sont point faciles à trou-
ver : Jusqu'à quel point est- il utile de prolonger la durée de nos
vêtemens, de nos meubles , de nos habitations ? Si cette durée
ne peut être obtenue que par une considérable augmentation
de prix , l'économie réelle et le maximum de bien-être ne sont-
ils pas du côté de la consommation plus rapide ? Nous nous
garderons bien d'entamer ici cette discussion qui exige de longs
préparatifs, du tems et de l'espace ; mais , à coup sûr , elle ne
peut être jugée par un simple coup d'œil , ni tranchée par un
seul mot. Du reste, l'extrême sévérité de M. Daudenart n«
SCIENCES PHYSIQUES. 73i
I'empéch6 pas de rendre justice à Bernard de Polissy : on lira
avec intérêt ce qu'il dit de C6 célèbre artiste.
9,70. — TYaité des falsifications $ ou Expoèé des diverses ma-
nières de constater la pureté des substances premières employées
en médecine , dans les arts et dans V économie domestique ; par
M. Dismarbst, pharmacien , ancien élève de ['École polytech-
nique* Paris, 1827 ; Malher. In-12 de 36-/j22 pages ; prix , car-
tonné , l\ fr. 5o c.
Cet ouvrage est fait avec soin et avec une méthode que le
lecteur saisit facilement. On peut reprocher à l'auteur de sortir
quelquefois de son sujet, de s'élever jusqu'au* hauteurs de la
philosophie spéculative, pour redescendre ensuite à des objets
purement matériels; mais, quand il est sur la bonne voie, il
s'y tient, et c'est alors que l'on peut et que l'on doit juger son
livre. M. Desmarest commence par une Introduction qui est plu-
tôt un résumé , et dont la lecture pourrait être recommandée
après celle du Dictionnaire qui la suit ; car les matières suscep-
tibles d'être falsifiées y sont rangées par ordre alphabétique.
Mais l'introduction est véritablement à sa place : l'ouvrage est
tel qu'on doit l'employer plus facilement, et en faire un meil-
leur usage, lorsqu'on a pris d'avance une idée de son ensemble.
Le Dictionnaire ne peut être lu de suite; sa destination , la seule
fonction qui lui convienne, est de répondre quand on l'inter-
roge; il faut donc se mettre d'abord au fait de son langage,
afin de n'être pas exposé à se méprendre sur le sens de ses pa-
roles.
La tache que M. Desmarest s'était imposée est réellement
immense : le savoir chimique n'était que la moindre partie des
connaissances dont il fallait s'aider; l'histoire naturelle, les
arts , le commerce et ses habitudes devaient fournir les autres.
Cet ouvrage pourra tenir lieu de plusieurs volumes où les no-
tions qu'il renferme sont disséminées, souvent incomplètes,
présentées sous une forme qui a vieilli, dans une langue qui
n'est plus celle de la science. Le travail de M. Desmarest mérite
donc, à tous égards, le bon accueil qu'il ne peut manquer de
recevoir. F.
271. — * Nouvelles séances nautiques , ou Traité élémentaire
du vaisseau dans le port ; par P-M.-G. de Bonnefoux, capi-
taine de frégate , sous-gouverneur du collège royal de marine.
Paris, 1827; Bachelier. In-8° de 367 pages avec une planche;
prix, 5 fr. et 6 fr. 5o c. par la poste.
L'analyse de cet ouvrage, telle qu'il nous serait possible de
la placer ici , est toute dans Y avant-propos f où le modeste au-
teur expose les circonstances qui ont interverti l'ordre de corn-
:3a LIVRES FRANÇAIS.
position des deux ouvrages dont les marins lui sont redevables.
« 11 est remarquable , dit-il, que le Traité élémentaire du vais-
seau dans le port, qui aurait paru devoir précéder le Traité élé-
mentaire du vaisseau à la mer, l'ait au contraire suivi; on en
voit la cause dans les positions diverses où le service m'a
placé, pendant l'intervalle de mes campagnes Dans ce nou-
veau traité, il ne m'a pas été possible de supposer, comme
dans le précédent, que les termes et le langage de marine fus-
sent connus; il m'a fallu tout expliquer, afin que tout pût être
compris. Pour en faciliter encore davantage l'intelligence , et
quoique j'aie la preuve que, tel qu'il est, il ne s'y trouve rien
d'incompréhensible pourqui n'ajamaisvu d'arsenal, ni de vais-
seau, des planches auraient peut-être paru convenables; mais
j'ai cru que c'eût été compliquer l'ouvrage, en entraver la lec-
ture et accroître les frais sans un but bien fondé. » L'auteur
indique ensuite par quels moyens on peut suppléer à ces
planches, soit pour une première étude de son livre, soit pour
les recherches que l'on peut y faire par la suite. Mais citons
encore quelques extraits , pour mieux faire connaître le but
de l'auteur, ses espérances pour notre patrie.
« Nous sommes arrivés au moment, où la mai'ine acquiert,
dans l'enceinte des chambres législatives, comme dans toutes
les classes de la société, une faveur chaque jour plus marquée.
Ce serait donc se proposer un but noble et utile, afin d'éclai-
rer, et par conséquent d'accroître cette protection, que de tra-
cer avec assez de clarté pour être compris des hommes étran-
gers à notre état le tableau des opérations du vaisseau , que
de dérouler sous leurs yeux les détails de cette imposante con-
struction. J'ai senti mon insuffisance; mais il n'a pas dépendu
de moi de ne pas être dominé par le désir d'essayer d'v par-
venir : car tel est l'empire d'une pensée généreuse, que je n'ai
peut-être pas tracé une ligne de ce tableau, je n'ai pas fait une
seule de ces arides recherches qui m'étaient indiquées par le
sujet, sans entendre une voix intérieure me dire : Il est plus
que tems de propager parmi nos compatriotes les connaissances
nautiques ; il faut faire comprendre la marine ; il faut la mettre
à la portée de tous; chacun doit apporter son tribut, et par
elle bientôt la France atteindra tous les genres de gloire et de
prospérité. »
Un ouvrage écrit dans des vues aussi louables vient fort à
propos, tandis que le bruit du canon de Navarin retentit encore
dans les cœurs véritablement français. L'auteur y a joint un
appendice contenant : i° un Vocabulaire français-anglais de
ternies de marine ; 2° un choix de commandemens employés à
SCIENCES PHYSIQUES. 733
bord| avec la traduction anglaise; 3° un recueil français an-
glais tle phrases nautiques, il est, eu effet, très-convenable et
très-utile -que les deux nations les plus puissantes par leur ma
rine puissent s'entendre sur L'élémenl OÙ «'Iles exercent leur
pouvoir, de même que, dans les armées de terre, les officiers
instruits ont soin de se mettre en état de Comprendre la langue
des ennemis qu'ils auront le plus souvent à combattre.
27a. — Observations sur l'expédition de 1827 pour le paie
Nord; par M. Cadet, de Metz, membre de plusieurs sociétés
savantes, etc. Paris , 1827; l'auteur, rue de JJerry (au Ma-
rais), n° 10; Victor Thiercelin , libraire. In - 8° de 27 pages;
prix, 1 IV.
Quoique le sujet traité par M. Cadet ne me soit pas tout-à-
fait étranger, je doute que j'aie bien compris ce qu'on lit dans
cette brochure sur les mouvemens des mers polaires (1).
D'autres lecteurs éprouveront, sans doute, le môme embarras,
et craindront que la lumière ne soit point arrivée jusqu'à leur
intelligence : ainsi, rien ne peut me dispenser de réclamer, au
nom du public dont je fais partie, plus de lucidité dans une
discussion qui lui est soumise. Je réclamerai, de plus, au nom
des sciences physiques et géographiques , des notions précises
sur ce qui est susceptible de précision, et, puisqu'il s'agit d'une
cause mécanique bien connue, le calcul de l'effet qu'on lui
attribue. Au point où les sciences sont arrivées, on ne peut
plus leur être utile que par des découvertes de faits inconnus,
ou en appliquant la mesure à tout ce qui est mesurable. Si les
questions de physique et de mécanique céleste n'avaient jamais
été traitées autrement qu'elles ne le sont dans cette brochure,
nous n'aurions rien de certain sur le système du monde ; la
loi générale de la gravitation ne serait tout au plus qu'une
hypothèse dénuée de preuves. La Revus Encyclopédique a eu
malheureusement plus d'une occasion de signaler ce défaut de
méthode : on abandonne trop souvent la voie courte et sûre
des calculs , parce qu'elle est aride et pénible; on se jette dans
celle des dissertations et des raisonnemens vagues , parce qu'on
y est à l'aise , et que l'imagination peut être du voyage ; mais ,
en cheminant ainsi , ce n'est pas au but que l'on arrive.
M. Cadet va quelquefois trop vite. De la position de quel-
ques iles et de quelques hauts fonds , il déduit l'étendue et la
(1) L'auteur aurait-il voulu donner à entendre que les eaux , les
glaçons, l'atmosphère et les substances aériformes , etc. , ne suivent
qu'avec une lenteur variable les mouvemens de notre globe? .V. du R.
754 LIVRES FRANÇAIS.
direction des vallées sous-marines; c'est à peu près comme si
l'on imaginait une carte de l'Europe, d'après la position de
quatre ou cinq montagnes. S'il était question de déterminer le
mouvement de l'Océan sur un fond bien connu, et dont toutes
les inégalités seraient indiquées sur une carte exacte , le pro-
blème ne serait point facile : comment donc le problème inverse
peut-il être résolu d'un coup d'œil , avec des données incom-
plètes et que l'on ne vérifie point ? Encore une fois, ce n'est
pas ainsi que l'on peut contribuer aux progrès des sciences
physiques et géographiques. Ferry.
273. — * Itinéraire descriptif de t 'Espagne , par M. le comte
Alexandre de Laborde. Paris, 1827; Firmin Didot; 4e édition
in 8°, devant former 5 vol. au moins, 6 vol. au plus. Prix de
chaque livraison, 5 fr. pour Paris; et franco, 5 fr. 75 c. pour les
déparlemens. h' atlas in— 4° sera délivré gratis aux souscripteurs ;
toute livraison, excédant le nombre douze, sera aussi délivrée
gratis.
Ce bel ouvrage ne pouvait reparaître plus à propos qu'à
cette époque, où l'Europe entière a les yeux fixés sur la mal-
heureuse contrée dont il présente la description. Les deux pre-
mières livraisons, que nous avons sous les yeux, donnent une
idée très-avantageuse de l'ouvrage.
La première livraison comprend : 1 ° une introduction ; i° une
notice de M. de Htjmboldt; 3° un aperçu sur la géographie
physique de l'Espagne, par M. Bory de Saint - Vincent;
4° un abrégé historique de l'Espagne depuis son origine jus-
qu'à nos jours; 5° une notice sur les voyages. Dans son intro-
duction, M. de Laborde témoigne sa reconnaissance aux savans
qui l'ont aidé dans son travail, qui , grâce à leur concours,
offre les sciences de la géographie et de la statistique, unies à
celles de l'histoire et de la politique. L'auteur a su embel-
lir un résumé de faits statistiques, et une nomenclature de
routes, qui ne paraissaient comporter que des détails secs et
arides, de tous les charmes d'un style pur et élégant, et de
descriptions intéressantes et animées.
La notice de M. de Humboldt, courte, mais digne de ce*
illustre savant, donne la configuration de l'Espagne et sa tem-
pérature.
Dans son aperçu , M. Bory de Saint- Vincent nous expose la
géographie physique de cette contrée, qu'il connaît si bien
jous tous les rapports, et sur laquelle ses écrits sont devenus
classiques, parce qu'il a enrichi son travail de faits importans ,
recueillis avec soin , et de considérations nouvelles d'un ordre
très-élevé. Il divise, pour l'intelligence de l'histoire et de la
SCIENCES PHYSIQUES. 7V,
politique, la Péninsule m versans généraux et en systèmes
très* distincts de montagnes qu'il décrit avec autant oY clarté
que d'élégance. Passant ensuite aux considérations zoologiques
et botaniques , il établit quels son! les clim'ats naturels d'un
pays qu'il pense avoir été uni à l'Afrique. La démonstration do
cette conjecture est d'un grand intérêt
L'abrégé historique de la monarchie espagnole, qui suit.
êSt écrit d'un style clair et rapide: c'est un récit animé, pres-
que dramatique.
La Notice sur les voyages fournit des renseignemens précieux
à ceux qui veulent visiter l'Espagne. On y trouve le tarif des
postes et celui des voilures publiques; on y indique les bonnes
auberges, qui sont très-rares; les lieux où il ne faut point s'ar-
rêter, dans la crainte des mauvais repas et des mauvais gîtes;
la manière de voyager avec économie; les monnaies qui ont
cours dans le pays; en un mot, tout ce qui peut apprendre au
voyageur ses droits, lui procurer ses commodités, et le pré-
server de l'avidité des muletiers et des aubergistes.
La seconde livraison contient la description des provinces
Vascongades du royaume de Navarre, de la Vieille-Castille et
du royaume d'Arragon. L'auteur a divisé ainsi son travail :
i° observations générales; 2° routes diverses; 3° la capitale et
ses environs, considérés sous les rapports suivans : situation,
étendue, population, clergé, édifices publics, promenades,
fabriques, manufactures, hommes célèbres, 4° un abrégé de
la statistique de chaque province.
Il faut remarquer que , depuis les premières éditions de cet
ouvrage, 'l'Espagne, parcourue dans tous les sens par les
Français, beaucoup plus qu'elle ne l'avait jamais été, était si
connue, que les moindres erreurs, échappées dans la rapidité
de la première composition, frappaient les yeux* de tout le
monde, et nuisaient aux excellentes choses auxquelles elles
étaient mêlées. Les écrits d'Antillon et de M. Bory de Saint-
Vincent surtout avaient fait vieillir le premier itinéraire.
M. de Laborde , profitant des nouvelles lumières jetées sur son
sujet, a tellement rajeuni son livre, qu'il ne ressemble presque
plus à ce qu'il fut d'abord. L'ordre géographique en a même été
totalement changé , ainsi qu'il est facile de s'en convaincre au
premier coup-d'œil.
Ce bel ouvrage, comme on le voit, n'a, d'un itinéraire , que
la forme. Le papirr et l'exécution typographique répondent à
l'importance de l'entreprise et à la célébrité de son auteur.
Nous croyons donc pouvoir prédire à cette quatrième édi-
tion un succès au moins égal à celui de ses aînées, auxquelles
elle est très-supérieure. Z.
:36 LIVRES FRANÇAIS.
Sciences religieuses , morales , politiques et historiques.
i~k> — * Bibliothèque choisie des Pères de l'Eglise grecque
et latine, ou Cours d'Éloquence sacrée , par M. N.-S. Guillon,
professeur d'éloquence sacrée dans la faculté de théologie de
Paris, etc.; troisième partie , suite des Pères dogmatiques:
t. XVII, XVIII, XX, XXI. Paris, 1827; Méquignon-Havard.
4 vol. in-8°; prix du vol., 6 fr. (Voy. Rcv. £nc, tom. xxx,
pag. 761 ).
Nous devons à nos lecteurs un compte succinct des dernières
livraisons de cet important ouvrage.
Les tomes xvn et xviii renferment la morale de saint Jean
Chrysostome. Aucun père n'en a prêché une plus sublime et
plus pure. Il commence par établir que la charité est la plus
excellente de toutes les vertus, la source de tous les biens, la
plénitude de la loi. Il se demande ensuite en quoi consiste la
charité. N'est - elle qu'un commerce de politesse? Non, ré-
pond-il, « elle exige des services réels, une affection qui se
manifeste par les œuvres. Par exemple, venir au secours du
pauvre, soulager la souffrance, courir au-devant des dangers
qui menacent le prochain , l'assister dans ses tribulations,
s'associer à ce qui lui arrive de fâcheux ou de favorable; car
ce sont, là les fruits de la charité. » On l'entend s'écrier dans
un autre endroit : « Si la charité régnait sur la terre , quelle
source féconde de bienfaits s'y répandrait, avec elle ! plus de
tribunaux, plus de jugemens ni d'arrêts, puisque, tous étant
unis par un mutuel amour, il n'y aurait plus personne qui
fît tort à un autre; plus de meurtres, ni de guerres, ni de
séditions; plus de rapines ni d'avarice; plus de calamités
parmi les hommes , puisque le nom même du crime y devien-
drait étranger. »
Personne ne s'avisera, sans doute, d'aller chercher des no-
tions exactes sur la liberté et sur les droits de l'homme, dans
les ouvrages d'un citoyen d'Antioche, devenu patriarche de la
ville impériale de Constantinople , sous les successeurs de
Théodose-le- Grand. Je pense néanmoins qu'on ne sera pas
fâché de connaître les sentimens de l'illustre docteur sur ces
matières importantes. « On me demandera, dit il, si la servi-
tude est dans la nature, et comment elle s'est introduite
dans la société : question en effet curieuse, et qui se produit
fréquemment dans les conversations. Je réponds , sans hésiter,
qu'elle a pris naissance dans l'avarice, dans l'amour du gain,
passion abjecte qui ne dit jamais : C'est assez. On ne nous dit
SCIENCES MORALES. 7V
pas que îNoé, qu'Abel, Loih et les mitres patriarches nient pu
des esclaves. L'origine de la servitude, c'est dans le péché
qu'il faut la chercher , dans la révolte des (ils contre leurs
ncres.
a La société humaine n'est tout entière (jn'nn échange de
services; elle est tonte fondée sur la communauté' de besoins
et de secours. Voua êtes riche : c'est pour soulager le pauvre,
pour assister le riche. Vous ne pourriez rien l'un sans l'antre.
Membres du même corps, il est impossible que vous vous
isoliez sans que tout le système de l'harmonie sociale ne soit
en souffrance. Que le ventre, ou l'œil, Oll le pied vînt à
dire : Je reçois les alimens, la lumière, le mouvement, je les
garde pour moi : que deviendrait le reste ? Ils ne les reçoivent
(pie pour les distribuer. Les professions utiles, c'est la classe
pauvre et laborieuse qui les donne à la société ; elles n'existent
que par les riches , qui alimentent leurs travaux et leurs
ressources; les riches enx-mèines n'existent que par les pau-
vres, qui fournissent à leurs besoins on à leurs plaisirs
« Ne dites pas : tel homme est de la lie du peuple. Tout faible
qu'il est, il est membre du corps social, et membre tellement
nécessaire, que, s'il n'y était pas, il n'y aurait point de corps.
Ce qui le constitue tel , ce n'est point parce qu'il s'y trouve des
membres pins ou moins nobles, c'est parce qu'il y en a pin-
sieurs et de différens. Vous, pour être plus grand, vous ne
formez pas le corps, pas plus que moi pour être moindre.
Dans un édifice qui se compose de parties diverses, les pins
petites n'entrent pas moins que les pins grandes dans l'ensemble
de la construction, et ne peuvent s'en détacher impunément.
Qu'il faille diversité, la chose est incontestable; si, dans le
corps humain, tout était œil ou tète, il n'y aurait plus qu'un
monstre. ... *
J'ignore pourquoi le xix« volume n'a point encore paru et
ce qu'il contiendra. Le xxc est réservé à saint Epijdiane, arche-
vêque de Salamine; à Ruffin y prêtre d'Aquilée; à saint Jérôme,
un des plus savans docteurs de l'église; à saint Paulin , évèque
de Noie; à l'historien Sulpicc- Sévère. M. Guillon a consacré à
chacun de ces écrivains ecclésiastiques une notice particulière,
dans laquelle on n'a rien à désirer qu'un peu plus de déve-
loppement. Ce volume est terminé par quelques documens sur
les poètes Ausnnne , Prudence , Scdulius y Juvcntus , Fovtunat
Sidoine- Apollinaire , Mamcrt Claudien et Damase ; sur l'ictorin
d'Afrique et sur le pape Célestin Ier.
Le xxie volume, divisé en six conférences, roule tout entier
sur la personne et les éciits de saint Augustin^ évêque d'Hip-
•r. xx\ vi. — Décembre 18-17. /,-
738 LIVRES FRANÇAIS.
pone. L'éloquent professeur se montre appréciateur éclairé t!o
ce père , que les conciles et les écrivains ont surnommé le doc-
teur des docteurs et le père des pères. Il commence par une
Notice sur la vie du saint prélat; il examine ensuite successi-
vement ses Traités de Philosophie , ses Livres de Littérature , de
Critique chrétienne , d' Erudition , etc. ; ses Traités contre les
Païens ; ses Livres sur l'ancien et le nouveau Testament , dont il
donne une analyse suivie de fragmens très-intéressans. J. L.
275. — - * Concordat de V Amérique avec Rome , par M. de
Pradt, ancien archevêque de Malines. Paris, 1827; Béchet
aîné. In-8° de 3 10 pages; prix, 5 fr. 60c, et 6 {v. parla poste (1).
Tout ce qui sort de la plume de M. de Pradt appelle l'at-
tention; et, quoiqu'une grande partie de ses écrits soient des
ouvrages de circonstance, ils seront consultés avec fruit par
les historiens qui retraceront les événemens dont nous sommes
contemporains.
l'auteur débute par une dédicace au congrès mexicain ,
suivie d'un avertissement et d'un avant-propos ; puis il ouvre
une discussion sur les schismes en général, sur celui des
Grecs, sur le grand schisme d'Occident, et il commence,
page 86, à traiter l'objet de son ouvrage par un aperçu de
l'état réel de la question entre Rome et l'Amérique. Tout ce
qui précède nous paraît, sinon en totalité, du moins en partie,
un hors d'œuvre.
L'assembjée constituante de France supprima les dîmes,
les moines, les bénéfices sans office, les résignations, permu-
tations, préventions, dévolus, courses à Rome : M. de Pradt
approuve cet abatis d'un échafaudage d'abus invétérés; il
approuve également les circonscriptions diocésaines adaptées
aux démarcations administratives; mais il censure le serment
exigé des ecclésiastiques, et cela n'est point surprenant: sur
cet article, M. de Pradt est juge et partie. Ce n'est point ici le
cas d'examiner cette question, qui a été si longuement débat-
tue. Nous remarquerons seulement qu'à travers les orages de
la révolution, et lorsque les églises étaient fermées, les fidèles,
comme ceux des premiers siècles, étaient réduits à se réunir
dans les cryptes, les souterrains. Le culte était exercé par le
clergé assermenté. L'église gallicane , affligée par les divisions
(1) Cet ouvrage a paru , dans les premiers mois de cette année ; mais
rétablissement de la Censure nous a empêché de l'annoncer à une
époque plus rapprochée de sa publication r ainsi que nous Paurion»
désiré.
SCIENCES MORALES ;3o
sur le serment, ravagée en >7;/> par la persécution la plus
cruelle, était dans une sorte d'anarchie; quelques évèques
assermentés, réunis à Paris eu 179/1, arrachèrent, pour ainsi
dire, à la convention la liberté du culte, consolèrent leurs
collègues épars sur le territoire français; tinrent des syuodes,
des conciles ; réorganisèrent les diocèses j tellement que, d'à -
près un relevé fait à l'administration des domaines, en ven-
démiaire an v (170,0), avant l'arrivée deBonaparle au consu-
lat, quatre ans avant son concordat, trente-deux mille deux
cent quatorze paroisses, presque toutes desservies par des
préires assermentés , avaient repris l'exercice du culte, et
quatre mille cinq cent soixante -onze étaient en réclamation
pour obtenir le même avantage. D'après cela, on peut appré-
cier l'imposture adulatrice d'évéques, de préfets, d'académi-
ciens, et de tant de gens qui ont préconisé Bonaparte, comme
ayant relevé les autels, tandis que plus de trente-deux mille
églises étaient ouvertes avant son règne. Les. hommes de
bonne foi avouent que si, au lieu d'immoler ce clergé asser-
menté (épuré et trié par la persécution) aux ressenlimens de
la cour de Rome et des émigrés rentrés, on l'avait maintenu,
comme l'exigeaient la justice et la reconnaissance, aujourd'hui
la France ne serait pas inondée par le jésuitisme et l'ultra-
tnonlanisme.
Dans les mesures proposées par le sénat mexicain, un article
porte que le métropolitain confirmera Xclection des évèqucs
snffragans. M. de Pradt voit dans cet article : i° le rétablisse-
ment de l'ancienne discipline par le retour aux élections des
évèques; i° l'abandon de la nomination aux évèchés par le
souverain. Voilà une contradiction évidente; car, si c'était le
rétablissement de la discipline antique, les évèques seraient
nommés de concert par le clergé et le peuple, et non par le
gouvernement. Choisir les pasteurs auxquels on confiera la
direction des consciences, c'est un droit naturel. Le célèbre
Genebrand, dans son Traité sur les élections, ayant établi, en
1596, que le concordat n'avait pu les abroger, parce qu'elles
sont d'institution divine et de tradition apostolique, le parle-
ment d'Aix fit brûler son livre, ce qui était plus facile que de
le réfuter. Or, le parlement de Paris, dans une remontrance
au roi François Ier, avait prévenu Genebrand, en soutenant
avec toute l'antiquité chrétienne que l'élection est de droit
divin. Supposons (et l'hypothèse peut devenir un fait) qu'un
diocèse étant vacant, le chef de l'état, en vertu d'un concor-
dat, nomme un évèque, et que le pape lui donne l'institution
canonique, tandis que, d'un autre côté, le clergé et les fidèles
47.
7/,o LIVRES FRANÇAIS.
(lisent un évêque, que le métropolitain institue, quel sera le
légitime, ou celui qui, pour garant de ses titres, ne peut
citer qu'une transaction illégale des parties contractantes, ou
celui qui, en remontant au droit naturel, au droit divin , à
la tradition apostolique, produit en sa faveur les aveux et la
décision unanime des conciles et des papes de l'antiquité chré-
tienne?
On trouve, page 262, une assertion qui , dans sa généralité,
n'offre pas un sens exact. Il est de principe, dit M. de Pradt,
dans l'église (parce qu'elle ne doit pas périr ) que tous ses
pouvoirs se trouveraient concentrés sur la tète du dernier
catholique vivant, fût-ce une femme. Remarquons : i° que
l'hypothèse est un être de raison; i° dans cette supposition,
quels seraient les pouvoirs concentrés sur la tête d'une femme?
tout au plus celui d'administrer le baptême, et à qui?
L'auteur démontre très-bien , p. 1Z1 et suiv. , que le recours
d'Amérique à Rome pour l'institution canonique est une chose
d if ficul tueuse, quelquefois même impraticable; mais, si Rome
s'obstine à retenir un droit qu'elle a envahi sur les métropo-
litains, que faire? L'auteur répond sans détour et avec justesse,
qu'il faut passer outre. Ceci résout la difficulté, si l'on trouve
quelque évêque assez éclairé et zélé pour sentir que l'épis-
copat est solidaire et que les obstacles opposés par Rome
sont une injustice évidente; il faudra bien recourir à ce moyen
extrême , car tenez pour certain que Rome ne relâchera rien.
A-t-elle jamais rétracté une seule des prétentions de Boni-
face VIÏI , de Grégoire VII? W'a-t-elle pas, jusque dans le
siècle actuel, envoyé au cardinal Cambacérès, archevêque
de Rouen , des pouvoirs pour absoudre de prétendues cen-
sures encourues pour infraction à la bulle In cœna Domini ', la
plus attentatoire aux droits de l'autorité civile? Voyez sa
conduite envers l'église épiscopale de Hollande; voyez la con-
duite de l'émissaire romain, actuellement à Paris, que Rome
avait expédié au Chili, et les prétentions de cet agent à s'im-
miscer dans le gouvernement politique de ce pays. Elle vient
d'instituer des évoques pour la Colombie; et cependant elle
a, dit-on, repoussé l'agent que lui avait adressé Guatimala
pour le même objet, et traité celte république comme pays
révolte contre Ferdinand VII.
La conduite de Rome envers l'Amérique est absolument
celle qu'elle tint au xviic siècle, quand le Portugal, affranchi
du joug castillan, éleva au pouvoir suprême la maison de
Bragance. Rome, craignant de se brouiller avec l'Espagne
qui, pour elle, est le Pactole , repoussa toutes les instances
SCIENCES MORALES. 7', 1
faites pour instituer les évèques portugais, jusqu'au moment
où elle vit qu'où allait se passer d elle.
D'après les canons, UB siège ne doit pas cire vacant pins
de trois mois. Cette règle, établie dans la primitive église, est
dictée par le besoin des fidèles. Celte considération puissante
n'est rien pour Rome, quand il s'agit de maintenir ses usurpa-
tions, et surtout de ménager ses intérêts temporels. N'a-t-elle
pas laissé long-lems les diocèses napolitains gémir dans la
viduité, uniquement parce qu'on leur refusait de lui offrir une
haquenée? N'a-t-elle pas, de nos jours, laissé, pendant dix ans,
vingt ans, des diocèses sans évèques, surtout en Allemagne?
On assure que, dans les républiques américaines, on a
conçu une forte animadversion contre Rome. Cette assertion
vient d'être confirmée de nouveau, dans Y Essai historique sur
le Paraguay, par MM. Rkngger cILongchamps.
Que fera Rome? ce qu'elle a fait pour Haïti, où elle avait
expédié un M. de Glori, évêque de Maori, dont l'étourderie
obligea le gouvernement à l'expulser. Elle enverra dans le
Nouveau-Monde des vicaires apostoliques, des préfets apos-
toliques, des évèques in partions. Déjà il y en a un à Mexico.
Serait-il possible, comme on l'a dit, qu'un moine assassin , venu
d'outre-mer en Italie pour obtenir son absolution, ait trompé
l'autorité ecclésiastique, au point d'obtenir même une mitre
inparlibus? Le fait est tellement révoltant que nous nous refu-
sons à le croire.
Nous venons de signaler les daugcrs qui menacent les nou-
velles républiques. Conserver l'union avec le saint- siège et le
successeur de saint Pierre, est leur résolution prononcée;
mais qu'elles montrent la même unanimité pour repousser les
invasions uîtramontaines.
Ainsi agissait l'illustre église d'Afrique, dont les canons, qui
devinrent communs aux églises d'Espagne, prohibaient les ap-
pels transmarins. L'église d'Afrique n'envoyait pas de pléni-
potentiaire à Rome, et n'avait pas de nonce résidant chez elle.
Gouvernée par les antiques et précieuses règles de l'église, elle
créait des diocèses, élisait ses évèques et les sacrait, sans au-
cune intervention romaine.
Le retour à la discipline primitive sera encore un des
moyeiïs les plus efficaces pour rappeler à l'unité les sectes
dissidentes.
Ui\ article non moins essentiel est de ne pas faire de con-
cordat; car on peut appliquer à tous ce qu'on a dit de celui
de Louis X et de François Ier : ce sont des transactions où
les parties respectives se donnent ce qui ne leur appartient
74* LIVRES FRANÇAIS.
pas, et qui dès lors sont frappées de nullité légale; pendant
douze cents ans on n'a pas connu les concordais; pendant près
«le quinze-cents ans, on n'avait pas recours à Rome pour l'insti-
tution canonique.
Avant de finir cet article, nous recommandons aux lecteurs
de l'ouvrage de M. de Pradt la note sixième concernant le
sermon de Bossuet sur l'unité, qui déjà avait subi une critique
raisonnée par le canoniste Maultrot.
L'ouvrage de M. de Pradt contient d'excellentes réflexions
sur le inonachisme, sur l'avidité du fisc romain qui a étendu
le protestantisme. II prouve jusqu'à l'évidence les inconvéniens
qui résultent du mélange du spirituel avec les choses tempo-
relles et la politique astucieuse de la cour de Rome qui exis-
tera tant que le chef de l'église sera prince temporel. C'est un
amalgame qui n'est plus en harmonie avec l'état actuel de la
chrétienté.
Dans ce nouvel ouvrage de l'ancien archevêque de Malines ,
comme dans tous ceux qu'il publie, on remarque quelquefois
un style inégal , et, pour ainsi dire, haché; s'il avait autant
d'érudition que de brillant, ses raisonnemens auraient encore
plus de force; car, dans les matières de ce genre, la tradition
des faits puisés dans l'histoire ecclésiastique est précieuse; mais
de légers défauts sont abondamment compensés par les choses
utiles que renferme ce livre, qui assure à M. de Pradt de nou-
veaux titres à l'estime publique. G.
276. — Lettre à Sa Majesté Charles X } roi de France, contre
le couronnement de Buonapartc. Paris , 1 827 ; Ponthieu ; Lecau-
dey ; Lecointe etDurey. In-8° ; prix, 75 c.
Le Mémorial catholique , en rendant compte de l'éloge funèbre
de Pie VII, par le père Ventura, théatin de Rome , avait dit
dans son numéro du mois d'août dernier: «Le couronnement de
Buonaparte, ce second acte de Pie VII, que l'irréflexion a pu
lui reprocher, n'en fut pas moins un exercice admirable de la
puissance pontificale, et une haute et éclatante protestation
contre toutes les usurpations de l'impiété. » Ces expressions
sentent l'ultramontanisme le plus prononcé. M. l'abbé de La
INeufville en prend occasion de rappeler les doctrines gallicanes
qui n'accordent point au chef de l'église catholique le droit de
disposer des couronnes en faveur de qui bon lui semble. Si le
vénérable ecclésiastique se fût attaché à établir solidement cet
article, on n'a lirait que des éloges à lui donner; mais c'est là
ce qui l'occupe le moins. L'excès de ses affections l'entraîne dans
des divagations qu'il est impossible d'approuver, et qu'il con-
damnera sans doute lui-même, quand il y aura réfléchi.
SCIKNC1&3 MORALES. 74^
Le Mémorial avait dil aussi que « le couronnement de Buo*
■sparte fut la restauration des souverains légitimes, et que
Pie VII , éclairé d'une lumière supérieure, pressentit le résul-
tat de sa condescendance. » A merveille ! M. de La Neufville
avait beau jeu contre de pareilles assertions ; mais ceux qui li-
ront sa Lettre au roi auront à regretter qu'il ne se soit pas plus
fortement attaché à en faire ressortir le ridicule. J. L.
277. — * Du perfectionnement moral ou de l'éducation de soi-
même ; par M. Deo&lanoo, membre de l'Institut de France,
ouvrage auquel l'Académie; franeaise a décerné, en 1825, le
prix fondé par M. de Montyon , pour le livre le plus utile aux
mœurs; seconde édition, revue et corrigée. Paris, 1826; Jules
Renouard. 2 vol. in- 8° ensemble de 807» pages.; prix, 12 fr., et
14 fr. par la posle. (Voy. Rev. Eue. t. xxvi pag. 671 le compte
rendu de la Ier édition inséré dans notre section des analyses^
Quelles que soient les différentes manières d'envisager l'exis-
tence humaine, l'idée fondamentale de cetouvrage sera regardée
par tout le monde comme essentiellement morale et très-propre
à éclairer notre conduite dans la carrière terrestre que nous
devons parcourir. Selon M. Dcgérando, le but de l'homme est
de tendre sans cesse au perfectionnement. Cherchant les forces
dont nous pouvons disposer pour arriver à ce but, il voit dans
notre nature le germe de deux puissances dont l'emploi bien
dirigé suffit pour nous y conduire invariablement : i° V empire
de soi, qui donne l'énergie nécessaire pour réunir en un même
faisceau l'action de toutes nos facultés; i° C amour du bien, qui
nous indique à chaque instant la marche à suivre dans la voie
de notre amélioration morale.
Afin de rendre plus faciles les règles de conduite qu'il tire de
l'étude de ces deux principes et de leurs conséquences, il con-
çoit la vie humaine sous cinq aspects divers, ou vies différentes
présentant à ses yeux autant de modes spéciaux d'existence, et
il enseigne à fortifier, dans chacune d'elles, l'empire de soi
et l'amour du bien, en appelant à son secours les trois grands
mobiles, guides ordinaires de nos actions, savoir: la person-
nalité, l'autorité et l'amour. Ces cinq vies sont : i° la vie sen-
suelle , fondée sur la sensibilité physique, qui sert de prépa-
ration aux suivantes, et nous est commune avec les animaux;
i° la vie affective , à laquelle nous élève une sensibilité d'un
ordre supérieur, dont les effets, par les relations de bienveil-
lance ou de haine qu'elle établit entre les hommes , jouent un
si grand rôle dans la société humaine; 3° la vie intellectuelle,
qui prédomine chez les savans, les littérateurs, les artistes,
qui remplit presque exclusivement les heures d'étude , et pré-
:,♦ LIVRES FRANÇAIS.
aide à nos méditations; ^° la vie morale ou cou silencieuse 9
fondée sur la loi du devoir, tirée elle-même de la conscience
du ijciire humain; et 5° enfin la vie religieuse , qui, ralliant et
couronnant toutes les autres, forme le degré le plus élevé de
l'échelle du perfectionnement moral.
Cette décomposition , peut-être arbitraire, de l'action con-
tinue de notre activité, a du. exiger, dans le classement et
l'enchaînement des matières, des considérations psychologiques
dont l'effet est de rendre quelques pages un peu abstraites pour
les lecteurs étrangers à l'étude de la métaphysique. Cet incon-
vénient, si c'en est un, était inévitable, puisque M. Degérando
s était proposé de faire accorder les leçons de l'expérience avec
les principes donnés par l'observation des phénomènes de la
conscience, en un mot; la morale pratique avec la morale
théorique; et ce soin ne saurait paraître superflu. Combien de
fois, en effet, avec les plus beaux préceptes dans l'esprit,
n'appliquons - nous pas notre morale sublime au gré de nos
convenances! Une lecture faite dans un esprit de critique peut
fournir les moyens d'adresser à l'auteur quelques reproches ,
par exemple, de laisser apercevoir trop souvent du vague
dans sa pensée; mais, à très-peu d'exceptions près, cet ou-
vrage, semé de maximes ingénieuses et profondes , est écrit avec-
clarté, avec élégance, on peut même dire avec onction. Un
sentiment de calme et de bienveillance y règne d'un bout à
l'autre : il rend meilleur en faisant penser, privilège réservé
aux bons livres. Ad. G.
»78. — Almanach des bons conseils, pour l'an de grâce 1828;
publié par L. S. T. R. [ta Société des Traités religieux) de
Paris. IIIe année. Paris, 1827; H. Servier, rue de l'Oratoire,
n° 6. In- 18 de 72 pages; prix, 25 cent.
279. — Annuaire du peuple , pour l'année bissextile 1828, ou
Petite Bibliothèque populaire , contenant l'abrégé chronologique
des principaux événemens de l'histoire, des inventions, décou-
vertes et progrès de la civilisation; un calendrier indiquant ,
pour chaque jour de l'année, le nom d'un Français célèbre;
des observations détaillées sur les divers travaux de la campagne
à faire dans chaque mois; des pronostics indiquant les change-
mens de teins qu'i l importe aux agriculteurs de connaître d'avance;
une biographie des hommes vertueux et des bienfaiteurs du
peuple ; des élémens d'hygiène populaire; des observations sur
les habitations, sur la basse-cour et sur le soin que l'on doit
prendre des animaux domestiques, des préceptes d'économie
rurale; la description de divers instrument d'agriculture per-
fectionnés, leur prix et l'adresse où l'on peut se les procurer;
SCIENCES MORALES. :',">
des maximes, pensées morales, etc., dédié à IU. ( ha/les Dttpùt,
par Gihault, de Saint - Fargeau. Paris, 18-27; Renard, rue
Sainte- Anne, n" 71 ; prix, 1 IV. 5oc.
Trompés par le vif éclat des lumières qui éclairent autour
• le nous la population de notre brillante capitale, nous avons
peine à nous faire une idée juste de l'état d'ignorance et de
stupidité dans lequel languit le peuple des campagnes, où ies
prédictions de Mathieu Laensberg sont encore recueillies avec
avidité, et OÙ chaque jour les tribunaux ont à juger de pré-
tendus sorciers, escortés de dupes imbéciiies, ou de supersti-
tieux accusateurs.
Qll'a-t-on (ait, et que fait-on encore pour détruire, dans
la France du dix-neuvième siècle, ces restes déplorables de la
barbarie du moyen âge?
On détruit peu à peu les écoles d'enseignement mutuel que
l'honorable philantropie de quelques hommes de bien avait
réussi à propager dans beaucoup de petites villes et de villages;
on contrarie leur zèle éclairé par tous les moyens qu'a su se ré-
server un gouvernement jaloux d'exercer son autorité en toutes
choses; c'est peu d'avoir ainsi tari la source de l'instruction et
bonheur du public : on laisse publier et répandre un Almanach
catholique des villes et des campagnes pour l'an de grâce 1 828 ,
où l'on insulte les institutions établies par Louis XVIII, où
l'on prône l'ignorance comme agréable à Dieu, etc. (Voyez le
Constitutionnel du vendredi 3o novembre 1827.)
Les deux almanachs que nous annonçons ne doivent être
confondus ni avec celui de la faction ultramontaine, ni avec les
étrennes que nous offrent annuellement les successeurs de l'as-
trologue de Liège. Ils sont , au contraire , destinés à combattre
leur fâcheuse influence, à continuer auprès des hommes faits la
tache du perfectionnement moral et intellectuel que les écoles
commencent à préparer parmi lesenfans. Lepremier est, comme
la plupart des institutions utiles dont s'enrichit aujourd'hui
la France, le produit d'une association d'hommes de bien ; le
second est le résultat des travaux d'un écrivain isolé. Tous
deux, entrepris dans un but et avec des intentions louables,
nous paraissent devoir donner lieu à quelques observations.
— L' Almanach des bons conseils, publié par une société reli-
gieuse, se ressent de son origine; il est empreint de quelques
idées mystiques qui sont encore étrangères à bien des esprits.
Pourquoi affecter un langage que la masse ne peut comprendre?
Pourquoi entourer les préceptes de la raison de cet appareil
de mots, souvent vides de sens, qui peuvent tout au plus char-
mer les oreilles de quelques initiés? Ce n'est point ainsi que le
746 LIVRES FRANÇAIS.
sage Franklin rédigeait les conseils du bonhomme Richard,
dont l'éloquente simplicité et l'énergique bon sens devraient
être pris pour modèles par tous les écrivains qui s'adressent au
peuple. Mais, hàtons-nous de le reconnaître: le Tonds vaut ici
mieux que la forme, et les conseils de la société des Traités
religieux pourront porter d'heureux fruits. — L' Annuaire ,
publié par M. Girault, nous paraît#bien rempli, mais peut-être
a-t-il été rédigé avec trop de précipitation : je ne sais pour-
quoi il n'a placé que des Français parmi les nommes illustres
auxquels il consacre chaque jour de l'année, et je ne puis sur-
tout m'expliquer comment certains noms d'hommes vivans ,
fort estimables d'ailleurs, mais fort étonnés sans doute d'y
figurer à côté de saint Vincent de Paul , de /.-/. Rousseau, de
Catinat , ou de Bufjon , y occupent une foule déplaces que
l'on aurait pu consacrer à la mémoire d'un Luther , d'un New-
ton, d'un Howard ou d'un Franklin. Nous conseillerons donc
à l'auteur, s'il veut rendre son livre plus digne du but hono-
rable auquel il est destiné , de le revoir avec un soin scrupu-
leux , et surtout de résister à la tentation de flatter l'amour-
propre de quelques amis ou de quelques protecteurs. Mais
exprimons aujourd'hui le regret que personne n'ait encore
parfaitement rempli la tâche éminemment utile , qu'une société
( la Société d'éducation ) a déjà désignée plusieurs fois pour
sujet des prix qu'elle décerne. «.
a 80. — * Dictionnaire universel de droit français, par /. B. J.
Pailliet , avocat à la cour royale d'Orléans. Toni. IV. Paris,
1827; Tournachon-Molin. In-8°; prix, du vol., 10 fr.(Voy. ci-
dessus, p. 177. )
Ce nouveau volume du Dictionnaire de M. Pailliet com-
mence par le mot Alignement et se termine par Anlidicoma-
riantes. Beaucoup de nos lecteurs ne comprendront sans doute
pas la signification de ce dernier mot. L'ouvrage que nous
annonçons leur apprendra que l'on appelle ainsi des hérétiques
qui nient la virginité perpétuelle de Marie. L'article consacré
à ces hérétiques justifie, selon nous, le reproche que nous
avons déjà eu occasion d'adresser à M. Pailliet de faire entrer
dans son Dictionnaire des sujets qui n'ont aucun rapport, ou
seulement un rapport bien indirect avec la législation. Cette
légère critique ne doit pas cependant rendre injuste envers ce
grand travail, dont la plupart des articles sont fort soignés et
traitent des plus hautes questions du droit. A. T.
281. — * Atlas commercial , ou Exposition méthodique du
droit commercial , comprenant le Code de commerce rapproché
des lois, règlemens, ordonnances, arrêts et opinions des juris-
SCIENCES MORALES. 7/,7
consultes, qui le complètent, le modifient ou l'expliquent :
ouvrage compose- de douze ou quatorze tableaux synoptiques ,
sur feuille dejésUS déplovée, (lisjM)sés et coloriés de manière à
en rendre l'étude plus facile; dédie au Conseil de perfectionne"
ment de VEcole spéciale de commerce et d'industrie , par Poux-
I'iwnki.in, avocat à la Cour royale, inspecteur des études et
professeur de législation commerciale à l'Ecole spéciale de
commerce. I10 livraison. Paris, 18*28; l'auteur, rue .Saint-
Antoine, ii° i/,3. Renard, libraire.
Le coup-d'œil que nous avons jeté sur le tableau qui cons-
titue la première livraison de cet utile ouvrage, nous a dé-
montré que la méthode suivie par l'auteur est éminemment
claire, correcte et facile. Ses tableaux doivent obtenir un grand
succès près des commerçans , près des jeunes gens qui cherchent
à puiser aux Sources les principes de la profession qu'ils veulent
embrasser, et près de toutes les personnes qui désirent con-
naître, sans de longues études, les règles essentielles de la légis-
lation commerciale, et les opinions des auteurs quionteontribué
à fixer le sens de celles qui présentaient quelque obscurité.
L'usage des tableaux synoptiques de M. Poux-Franklin con-
vient spécialement aux négocians éloignés des grandes villes
qui ne peuvent consulter des jurisconsultes distingués sur les
difficultés qui s'élèvent dans leurs transactions. Les lois, les
arrêts, les ordonnances, les décisions dans les cas particuliers,
les interprétations importantes, se trouvent classés de manière
qu'une légère attention suffit pour en faire embrasser l'en-
semble et les applications. Cel ouvrage paraît devoir contri-
buer à rendre populaire la science du droit commercial. R.
282. — Manuel du créancier hypothécaire , par /. Zanole,
avocat. Paris, 1828; Malher et Cic. In- 18 de 3 12 pages; prix,
3 fr. 5o c.
C'était une idée heureuse que celle de chercher à rendre ,
en quelque sorte, populaire la connaissance de notre système
hypothécaire, qui, tout imparfait et tout ignoré qu'il est, a déjà
rendu de si éminens services. Mais on doit regretter que l'ou-
vrage de M. Zanole ne soit pas conçu sur une base assez large.
» J'ai voulu , dit-il , mettre tout créancier hypothécaire à même
de conserver ses droits...» Ce but est évidemment trop restreint.
Il fallait songer à faire, non pas seulement le manuel du créan-
cier inscrit, mais celui de l'emprunteur, du préteur, du capi-
taliste : un tel point de vue convenait , en effet , beaucoup
mieux à la collection dont le livre que nous annonçons fait
partie, et qui a pour objet de répandre le plus d'instruction
possiblen peu de frais et sous un très-petit volume. L'exiguité
J48 LIVRES FRANÇAIS.
du plan a d'ailleurs ici un double inconvénient. Elle nuil à la
lois à L'utilité du livre et au mérite de son exécution. L'ou-
vrage de M. Zanole renferme, à quelques omissions près, les
élémens d'un bon livre; mais cette suite de dispositions qu'il
présente ne sera bien comprise, et les notions qui en résultent
ne pourront être utilement appliquées que par des lecteurs et
des créanciers instruits. Cet ouvrage, en un mot, nous paraît
propre seulement à remplir pour cette partie l'office d'un bon ,
Code annoté. Ce n'est pas là le genre de mérite que devrait
offrir un livre véritablement élémentaire. M. Zanole entre en
matière par cette définition : L'hypothèque est un droit réel
sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation.»
C'est, en effet, la définition du Code; mais, pour les per-
sonnes auxquelles l'auteur s'adresse, ne valait-il pas mieux
en présenter une un peu moins abstraite, et dire, par exemple:
l'hypothèque est une sûreté, etc. ? Le législateur lui-même pro-
cède par des idées plus simples et plus générales. « Les biens
du débiteur sont, dit-il, le gage commun de ses créanciers...
Les causes légitimes de préférence sont les privilèges et hypo-
thèques. » Du reste, je n'ai insisté sur cette critique que parce
que l'auteur me paraît s'être égaré dans une bonne voie. Mais
c'est un mérite que d'avoir senti la nécessité et même la pos-
sibilité d'y entrer. Rien de mieux pensé et de mieux exprimé à
cet égard que ce qu'il dit dans sa préface. Tel qu'il est, son
livre est un excellent résumé des lois, des autorités et des déci-
sions de la jurisprudence sur cette matière; il est terminé par
des modèles de toute espèce de bordereaux d'inscription.
Bouchené Lefer, avocat.
'283. — * Défense de l'usure, ou Lettres sur les inconvéniens
des lois qui fixent le taux de î intérêt de l'argent; par Jérémie
Bentham , traduit de l'anglais sur la quatrième édition; suivi
d un Mémoire sur les prêts d argent, parïuRGOT, etc. Paris, 1828;
Malher et comp. In-8° de 29'i pages; prix, 4 fr.
Ce volume est destiné à répandre beaucoup de lumière sur
l'importante question de morale, de législation et d'économie
publique qui se rattache à l'intérêt de l'argent. Les plus habiles
économistes ont regardé l'argent comme une marchandise dont
l'intérêt ne peut être fixé par la loi , sans un grave préjudice
pour le commerce et sans une violation évidente des véritables
principes d'économie politique ; les théologiens et les juriscon-
sultes, au contraire, se sont élevés avec force, tantôt contre
toute espèce d'intérêt, quel qu'en soit d'ailleurs le taux; tantôt
contre celui qui dépasse une limite arbitrairement tracée par le lé-
gislateur. Nous sommes encore de fait sons l'empire de cetteder-
S( h v | s '<•:; ILES.
BÎère opinion; et , s'il est vrai qu'à 1106 certaine époqtlC on ;i,t
lente de faire déclarer par la loi le principe que l'argent '-si une
marchandise, 1rs désordres qui régnaient alors n'ont pas tardé
à rendre nécessaires des clfatigemens dans cet état de cho
lans qu'on puisse m rien induire aujourd'hui contre la légiti-
mité du principe. Lois donc nue nous voyons ions les [ours les
tribunaux applicpjcr avec rigueur 1rs lois contre I usure, il est
Utile que cette question soit examinée avec profondeur et bonne
foi. Les lettres du célèbre Bentham, publiées en 1787, et dont
un anonymes entrepris la traduction, serviront à éclaircir la
doctrine qui y est traitée, et qui est conforme à celle des éco-
nomistes les pins distingués de notre ép'oqne. M Dumowt, en
caractérisant, dansée recueil) les divers ouvrages de Bentham,
n'a pas hésité à dire que cette dissertation est un chef-d'œuvre,
par la force du raisonnement comme par la manière de f exposer.
( Voy. Hev. Eue. , t. xxxi, p. 3oo.) Nous adoptons entièrement
cet avis, et nous ne Saurions trop louer le traducteur d'avoir
hais les lecteurs français à même d'étudier cet intéressant ou-
vrage. I>e Mémoire de TurgOt, qui termine le volume, écrit
dans le même but, ne pouvait qu'être fort convenablement
placé à la suite des lettres de Bentham. Ces <\vu\ documens
viendront ajouter encore à l'autorité morale d'une théorie si
habilement développée par des écrivains tels que MM. J. B.
fie-y et de Tracy.
284. — * Causes célèbres étrangères , publiées en France pour
la première fois, et traduites de l'anglais, de l'espagnol, de
l'italien, de l'allemand, etc., par une société de jurisconsultes
et de gens de lettres. T. III. Paris, 1827; C.-L.-F. Panckoucke,
éditeur. In-8° de ij et 390 pages ; prix de chaque vol., 6 fr.
Trois volumes de cet important recueil ont été publiés en
moins d'une année ; c'était , sous ce rapport , tout ce qu'on pou-
vait demander à l'éditeur. Nous avons déjà donné deséloges aux
deux premiers (voy. Rcv. Enc. , t. xxxm, p. 787, et t. xxxv,
p. 444)i etnousne pouvons qu'en ajouter de nouveaux pourcelui
que nous annonçons aujourd'hui. Six procès criminels com-
posent ce troisième volume. Parmi eux, il y en a trois qui
concernent des affaires de haute trahison , jugées en Angle-
terre : ce sont les procès de lord William Russell, d' Alghcrnon-
Sidneyet de l'archevêque Laud. Les noms de ces personnages
suffisent pour démontrer combien cette partie de la collection
présente d'intérêt, sous le point de vue historique. Parmi les
autres affaires, deux ont occupé les tribunaux espagnols. On
remarquera le procès de dona Maria Vicenta de Mendicta et
de don Santiago San- Juan , accusés tous les deux d'assassinat.
:5o LIVRES FRANÇAIS.
I,o ministère de fiscal fut rempli, dans cette cause, par Melen-
c/i'z Yaldez, poëte célèbre , qui s'est aussi acquis une juste
réputation, comme orateur. Le volume est terminé par le pro-
cès, ou plutôt par le récit des aventures bizarres du capitaine
James Hind , l'un des plus fameux, voleurs de grands chemins
qu'ait produits l'Angleterre. Ce brigand, qui Jlorissait vers le
milieu du xvne siècle, dirigeait surtout ses exploits contre les
individus qui avaient marqué par leur républicanisme dans la
révolution anglaise. Ilavaitdes habitudeschevaleresques et ap-
portait une sorto de courtoisie dans la manière de dévaliser les
vovageurs. Aussi pouvons- nous assurer que les anecdotes qui
lui sont attribuées offrent tout à la fois un intérêt piquant et
dramatique, qui varie agréablement la teinte un peu sombre
des autres procès qui forment ce volume. A. T.
285. — * Observations sur les prisons , hospices , écoles des
départemens et des pays étrangers; par B. Appert. Paris, 1827;
chez les principaux libraires. Brochure In-8° de 44 pages.
M. Appert poursuit avec courage le cours de ses oeuvres de
charité. Aucun obstacle ne l'arrête; aucun dégoût n'a le pou-
voir de restreindre son zèle. Le Journal des prisons , dans le-
quel ce philantrope appelait l'attention de tous les hommes
vertueux et des administrateurs qui connaissent leurs devoirs ,
sur le régime intérieur des maisons de détention et sur les
grandes questions pénales, cessa de paraître sous le régime
odieux et ignoble de la censure. M. Appert ne tardera pas sans
doute, ainsi qu'il l'a promis, à nous rendre cet excellent re-
cueil; en attendant, il a publié des observations sur le sujet
habituel de ses investigations et de ses travaux. On lit avec
plaisir, dans cette courte mais intéressante brochure, que
depuis une année environ , le ministère , ou du moins les ordres
émanés de ses bureaux, ne s'opposent plus avec autant d'achar-
nement à l'amélioration des maisons de détention. Il est vrai
qu'on n'a obtenu cet avantage qu'à force de réclamations , que
par la publicité active des abus. On peut apprécier combien
le mal était grand, en songeant qu'on est forcé de trouver pas-
sable ce que nous allons rapporter.
A ^itryy la prison est d'une architecture convenable; mais
les salles du rez-de-chaussée sont humides et sans jour, les
cachots malsains, et les malheureux qu'ils contiennent couchés
pêle-mêle sur de la paille placée sur le sol. M. Apport y re-
marqua deux enfans, l'un de neuf et l'autre de dix-sept ans,
couchés sur la paille avec un homme fou, détenu depuis trente
ans, sans autre motif que sa folie! Ainsi, il est prouvé qu'à
Vitry , «w France, chez une nation qui se dit civilisée et qui
SCIENCES MORALES. 75i
fait la guerre aux barbares, oo jette un homme dans les j>n
sons, parce qu'il n'a pas sa laison , et on l'accouple a deux en-
fans auxquels , certes , il ne donne point des leçons «le moi aie !
K Saint- Diûert an Buisson , à /V/.v.v>-, les administrateurs ont
mérité des éloges; on en peui dire autant deeeux âeSrousval,
de Jninvillr. Les prisons de 7bil/ ont fait une perle irréparable
par la mort de AI11'. Drruo <jiii se livrait, depuis beaucoup
d'années, au soulagement des détenus, et qui B emporté les re-
grets universels des geilS de bien. L'hospice général du Havre
pontient 5oo lits, et pourrait en avoir davantage! Par une
cruelle exception, certaines maladies y sont mises hâsrs de la
tharilè humaine; c'est ainsi que le eagotisme parvient à gâter
les plus saintes institutions. On se plaint aussi de ce que la
conduite de la pharmacie est confiée à une religieuse seule;
il y a cependant des études qu'une religieuse ne peut faire, des
connaissances médicales qu'elle ne peut acquérir. Les fonctions
de ces femmes respectables devraient cesser, là où s'arrêtent
leurs forces et leurs moyens. L'hospice de Dieppe se fait re-
marquer par une propreté extrême, et par les vertus des
dames qui le dirigent. L'hospice de Fécamp est bien tenu , et
l'on y admet des vieillards et des infirmes; mais on se plaint
des difficultés que l'on oppose à ceux qui se présentent, et dont
plusieurs sont morts de faim et de douleur sur un fétide gra-
bat, pour n'avoir pu fournir la masse de certificats que l'on en
exigeait. L'hospice général de Rouen contient 2,000 lits; mais
les salles sont trop basses, l'air ne circule point, et l'ordre
n'est pas tout-à-fait ce qu'il pourrait être. On ne donne point
aux enfans qui y sont admis l'éducation qui leur serait si pré-
cieuse. Il existe aussi à Rouen une maison de fous; mais le di-
recteur n'a pu prendre sur lui d'y laisser pénétrer M. Appert
sans une permission du préfet.
Le vovage de M. Appert s'arrête à la ville d'Jrniens. Les
hospices et les prisons y sont assez bien tenus, et l'éducation
élémentaire a fixé l'attention des hommes estimables de cette
ville; il y existe des écoles d'enseignement mutuel fort bien
dirigées, ainsi que dans les petites villes voisines ; mais on gé-
mit quand on voit combien de préjugés les partisans de l'ob-
scurantisme ont cherché à répandre contre ces utiles institu-
tions Ils ont souvent trop bien réussi.
La brochure de M. Appert et terminée par le règlement de
la prison pénitentiaire de Genève. Il serait bien désirable que
l'on adoptât en France des mesures de cette nature, si bien
disposées pour punir à la fois et corriger les hommes les plus
pervers. R.
:r>2 LITRES FRANÇAIS.
•28 G. — * Recherches et considérations sur Venlèvemcnt et l'em-
ploi des chevaux morts, et sur la nécessite d'établir à Paris
un clos central d'équarrissage : ouvrage exécuté à la demande de
l'autorité, par une commission du Conseil de salubrité , ayant
pour rapporteur M. le Dr Parent-Duchatelet. Paris, 1827;
Bachelier. In -4° de 124 pages, avec fig. ; prix, 8 fr.
De graves et étranges infirmités, inconnues à nos ancêtres,
sont produites, il faut l'avouer, par l'immense accroissement,
des sociétés modernes , et môme par les progrès de la civilisation.
Certes, aucune ville de l'Europe n'était, il y a deux siècles,
infectée, comme Paris l'est aujourd'hui, par le voisinage d'un
lac d'éjections humaines, profond de Ho pieds , grand de /j
arpens, et alimenté annuellement, par 1,800,000 pieds cubes de
matières stercorales. Mais, alors , comme il en est encore à Lis-
bonne et à Madrid, les rues et les places publiques tenaient
lieu de ce lac, et lui donnaient en étendue ce qu'il a mainte-
nant en profondeur. Sans doute, il y a cent ans, aucune capi-
tale n'avait à ses portes, comme à présent la métropole de la
France, un charnier empesté, recevant, chaque année, les
cadavres de 1 2,700 chevaux , qui forment une masse de matière
animale du poids de 11,280,000 livres. Il est vrai que, si nos
aïeux n'étaient point encombrés par un pareil résidu, c'est
qu'ils n'avaient guère d'autres chevaux que ceux de leurs
hommes d'armes, qu'ils allaient en chaise à porteurs ou en
brouette, qu'ils cultivaient leurs terres à la houe, et qu'ils
étaient obligés de transporter chaque chose à dos ou à bras,
ce qui a bien aussi ses inconvéniens.
Toutefois, hàtons-nous de le dire, malgré leur horrible in-
fection et leur aspect hideux, ces cloaques, ces voiries ne sont
pas seulement des dépôts d'immondices; ce sont encore des
fabriques utiles, auxquelles se rattachent des branches d'in-
dustrie et de commerce qui ne sont pas sans importance ! Une
grande partie des légumes et des fruits, qui servent à la con-
sommation de Paris, croissent avec le secours du fumier animal
que fournit Montfaucon. La voirie de ce lieu donne annuelle-
ment aux tanneries de la capitale 10,000 peaux de chevaux ;
elle pourrait livrer annuellement un million de livres d'os.
broyés pour engraisser les terres, ou carbonisés, pour servir
aux raffineries. C'est de ce golgot/ia que sortent les matières
premières du bleu de Prusse de nos peintres , du sel ammoniac
de nos flacons, de la colle-forte, qui lie les parties des pianos
d'Erard ou du violon de Lafond. C'est de là que proviennent
les matériaux qui servent à faire les éventails de nos dames, cl
quelquefois même leurs peignes élégans. Enfin, plus d'un poisson
SCIENCES MORALES. 755
délicat ne parait, à la satisfaction des convives, sur In table
des grands, que parce qu'il sY^t laissé prendre à L'appâl qu'of
firent à s.» voracité les vers édos dans la putréfaction de la
voirie d<- Rfontfaucon.
Ou voit que ces réceptacles appartiennent , comme 1rs égoutd
et les abattoirs, aux objets éPéconomic publique, dont il im-
porte à la société de diminuer ou de faire disparaître les irteon-
vénieas, en mettant à profit toutes les1 ressources que possè-
dent la science et l'administration. Frappé de retteidée, tin
disciple? du savant et illustre docteur Halte, M. Parent-Ducha-
telc! s'est voué, depuis dix ans, à l'étude pénible des moyens
de faire participer cet ordre dr choses aux perfectionnemens
progressifs de l'état social. Il avait déjà publié, en 1824, un
fort bon ouvrage sur les égoùts de Paris. Il vient, comme rap-
porteur d'une commission spéciale , d'e\ami:ier, avec beaucoup
de soin et de sagacité, les mesures qu'il faudrait prendre pour
transformer le hideux charnier de Monlfaucon en un établis-
sement régulier, désinfecté, assaini, dont le voisinage serait
bien moins fâcheux et les produits beaucoup plus considérables.
Ge travail intéressant est précédé de recherches histoiiques fort
curieuses sur l'écarissage, ou écorcherie des chevaux, sur
I'usairede la chair de ces animaux et son innocuité, et sur l'état
actuel de ces branches d'industrie peu connues. Il est vivement
à désirer que le travail de M. Duchatelet ne soit pas seulement
Uri document important sur i<i situation de quelques parties
oubliées de l'économie publique, mais encore qu'il devienne,
comme on a lieu de l'espérer, le guide utile d'améliorations
que réclament, au nom de la civilisation, notre siècle et notre
pays. Moreau de Joisnès.
2.87. — * Dictionnaire historique , ou Histoire abrégée des
hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talens,
leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis le commen-
cement du monde jusqu'à nos jours; par l'abbé F. X. de Fel-
ler. Septième édition , enrichie el'un grand nombre d'articles
nouveaux , intercalés par ordre alphabétique; corrigée sur les
observations de nos meilleurs biograph.es, et ornée du portrait
de l'auteur. T. III et IV. Paris , 1827; IYléquignon- Havard. 2
vol in-8° de5i5 et 5o8 pages; prix élu vol., G fr.
A peine avons-nous annoncé les deux premiers volumes de
cet ouvrage (voy. Rev. Enc., t. xxxv, pag. 447), qu'avant la
fin de l'année, nous en avons encore deux sous les yeux , qui
viennent de paraître. On ne peut trop encourager les éditeurs ,
déjà si exacts, à ne pas faire attendre au public la suite d'uu
dictionnaire qui ne peut être consulté que lorsqu'il est complet.
t. xxxvi. — Décembre 1827. 48
754 LIVRES FRANÇAIS.
Ces deux volumes commencent par l'article du- jésuite Bettinelli,
qui est nouveau, et finissent par celui du vieillard Cimon , con-
damné à mourir de faim et nourri en prison par sa fille.
Un grand nombre de personnages figurent pour la première
fois dans ces deux volumes, où l'on corrige des auteurs, dis-
tingués du reste par leur exactitude. Ainsi, à l'article du cha-
noine régulier Jean Blampain , on fait voir que le Dictionnaire
des anonymes l'a confondu avec un religieux de la congrégation
de Sàint-Maur, qui portait le même nom. Celui de Ccrisantcs
avertit que l'auteur de l'ouvrage publié sous le nom du duc de
Guise a Commis une erreur grave qui, ainsi que plusieurs au-
tres, prouve que Sainctyon est l'auteur de ce roman , peu digne
d'avoir été réimprimé dans la collection de M. Pctitot. L'article
Bûonaparte est exact et sans passion. Il ne pouvait mieux finir
que par un portrait tracé de la main de M. de Chateaubriand.
Ceux du marquis de Bouille , de l'abbé Boulogne ,' évéque de
Troyes, au maréchal de Broglie , de l'évèque de Gand, du
même non), et des autres hommes distingués qui l'ont aussi
porté, celui de la duchesse d'Orléans, à l'article Bourbon , et
de deux' infans d'Espagne de ce nom; enfin, celui de Charles iv,
roi d'Espagne, sont entièrement neufs. Celui de Charles 111 ,
aussi roi d'Espagne, l'un des meilleurs princes de la maison de
Bourbon, aurait mérité des développement plus étendus : une
simple lecture de la continuation de fart de vérifier les dates au-
rait pu les fournir. Mais cet article aurait dû. ètte demandé à
don Arches Muriel, dont les mémoires sur l'histoire d'Espagne
nous font si bien connaître cette nation, fVby. Biev. Enc. , tome
xxxiv, p. 745.) En général, nous ne consultons pas assez les
étrangers sur les faits qui les concernent. Si les éditeurs du dic-
tionnaire qui nous occupe ici avaient montré à un Anglais un
peu instruit l'article Canning , placé en forme de supplément à
la fin du quatrième volume, ils auraient su que la fille de ce
ministre célèbre n'a pas épousé le duc de Portland, mais le
marquis de Clanricarde; peut-être aussi n'auraient-ils pas fait
un mérite à M. Canning de sa naissance, mais plutôt du talent
qui l'a fait parvenir «nu premier rang de la société avec si peu
d'avantages sur ce point, que sa mère était une blanchisseuse
et son père de l'origine la plus obscure.
L'article du nègre Christophe , entièrement neuf, et plusieurs
autres qu'il serait trop long de citer, rendent ce dictionnaire
nécessaire à consulter, surtout pour l'histoire moderne. F-a.
2S8. — Abrège d'histoire universelle ; première partie, com-
prenant l'histoire des Juifs, des Assyriens, des Perses, des
Egyptiens et des Grecs Jusqu'à la mort d Alexandre-le-Grand,
SCIENCES MORALES. 7V»
avec îles tableaux de syochronismes ; par M. Bounoon , pro-
fesseur d'histoire à l'Académie de Besançon. Paris, 1827;
Brunot-Labbe. In-ia de n <•' [9g pag.; prix, 3 fr.
Il est facile de reconnaître sous quelle inspiration a été fait
cet abrégé : l'auteur semble avoir évité avec le plus grand
soin toutes les questions morales et politiques auxquelles l'étude
de l'histoire doit nécessairement donner lieu; il reproduit,
sans discussion , les contes les [>!us insignifians ; il ne voit sou-
venl l'histoire des grands hommes que dans quelques mots plus
ou moins heureux que les historiens leur ont prêtés ; enfin ,
son livre est dépourvu de toute critique* Il admet à priori
des jugemens qu'il ne se donne point la peine de motiver. A
l'entendre, Alexandre (p. i<):V) n'était pas seulement un ambi-
tieux , c'était un extravagant : l'opinion de Plutarque , de Mon-
taigne, de Voltaire, de .Montesquieu, peut consoler le fils de
Philippe de l'anathcrae du professeur de Besançon. Mais , nous
ne saurions conseiller h nos lecteurs d'étudier l'histoire an-
cienne dans un livre si peu propre à en donner une idée juste
et fidèle. Nous aimons en même teins à reconnaître que les
tableaux de synchronisâtes dont l'auteur a enrichi son ouvrage,
peuvent être d'une grande utilité , et nous engageons ceux qui
veulent étudier cette science à user de ce moyen mnémonique
dont les avantages sont incontestables. B. .T.
289. — * Collection des Mémoires relatifs à la révolution fran-
çaise. Cinquième livraison : Mémoire du marquis de Bouille
[comte Louis) , lieutenant-général , sur le départ de Louis X FI \
au mois de juin 1791 , avec des Notes et des Observations en
réponse à la relation de M. le due deChoiscul, pair de France,
extraite de ses mémoiresmédits. Seconde édition. Paris, 182^;
Baudouin frères. In-8°. ; prix 2 fr. 5o c.
Le voyage de Louis XVI à Varennes a donné naissance à
plusieurs écrits. Comme il arrive presque toujours quand une
entreprise importante échoue, les personnes qui furent appe-
lées à servir les projets du roi ne s'accordent pas sur toutes
les circonstances, et diffèrent principalement sur les causes qui
empêchèrent le succès. Ce n'est pas ici le lieu de décider entre
ces diverses opinions. Nous nous bornerons à dire que le vo-
lume qui fait le sujet de cet article renferme des pièces d'une
grande importance pour l'éclaircissement de ce point d'histoire.
Outre le mémoire du marquis de Bouille (alors le comte Louis),
fils du général, outre les nombreuses notes et les pièces justi-
ficatives jointes à ce Mémoire y on y trouve un Exposé delà
conduite de M. le comte Charles de Raigccourt à l'affaire de Va-
rennes , le Rapport de M. le comte Charles de Damas, corn-
48.
7 56 LIVRES FRANÇAIS.
mandant du détachement posté à Clermont, et un Précis histo-
rique du voyage entrepris par S. M. Louis Xfl , le 21 juin 1791 ,
de l'arrestation de la famille royale à Varennes et de son retour,
par le comte de Falory. Ces écrits se fortifient réciproquement,
et racontent de même les principaux faits. Quant au mémoire
de M. de Rouillé , il n'est pas seulement intéressant comme
morceau de polémique; il offre, en outre, des notions pré-
cieuses sur les intentions du roi, sur le plein pouvoir donné par
Louis XVI au baron de Rreteuil pour traiter, en son nom ,
avec les puissances étrangères, sur les dispositions des diffé-
rentes cours, sur les divers plans de voyage qui furent succes-
sivement discutés. L'auteur, qui fut mis dans la confidence du
projet, dès l'instant où le roi en conçut l'idée, qui fut chargé
par son père de venir à Paris, pour s'entendre , sur tous les
points , d'abord avec l'évéque de Pamiers, et plus tard avec le
comte de Fersen, était parfaitement à portée de connaître tout
ce qui précéda le départ de la famille royale.
290. — * Collection des Mémoires relatifs à la révolution fran-
çaise. Sixième livraison : Mémoires de Charles Rarbaroux, dé-
puté à la Convention nationale; avec des éclaircissemens histo-
riques, par MM. Rerville et Rarrière. Paris, 1827 ; Raudouin
frères. In-8°; prix , 2 fr. 5o c.
Rarbaroux écrivit ses mémoires, tandis qu'il errait de re-
traite en retraite, moins pour dérober sa tète à l'échafaud que
pour susciter des ennemis à ses oppresseurs. Au moment où il
quitta la Rretagne, avec le projet de tenter de nouveaux efforts
contre la montagne dans les départemens du midi, il remit entre
les mains d'un ami dévoué son manuscrit encore incomplet ;
mais la proscription atteignit cet ami inutilement fidèle, et la
première partie des Mémoires est perdue. Heureusement, les
cinq chapitres qui nous restent renferment le morceau le plus
important, le récit de la journée du Dix - Août et des événe-
mens qui la préparèrent. Quelque jugement qu'on porte de la
part qu'y prit Rarbaroux, on doit être curieux de l'entendre
exposer lui-même ses actions et ses motifs, ses intentions et
son but. On trouvera dans son livre d'autres passages qui
présentent aussi de l'intérêt. La peinture de l'état de Marseille
pendant la seconde législature, et de l'expédition des Marseil-
lais contre la ville d'Arles, le tableau des assemblées où les
électeurs des Rouches-du-Rhône nommèrent leurs députés à la
Convention, peuvent fournir des lumières à l'histoire. L'au-
teur s'exprime toujours avec le ton de la sincérité, avec l'ac-
cent du courage et du patriotisme. On se croit sûr , en le lisant,
que si son esprit put accueillir des idées fausses, son cœur n'é-
SCIENCES MORALES. 7^7
coula jamais la voix de L'intérêt personnel. Son Style, en géné-
ral, rapide, clair, ei quelquefois énergique, nom parait, mal-
gré des défauts, bien préférable .1 relui de beaucoup d'ouvrages
du même genre ; et ses fragmens doivent être distingués au
milieu de (elle fo'.ile de documens qu'on «A publiés de nos jours
pour aider la postérité dans son arrêt sur notre révolution.
Les éditeurs ont joint aux Mémoires des nièces officielles
utiles aussi à conserver. La première est une proclamation pleine
d'indignation et d'énergie , par laquelle Barbaroux appelle les
Marseillais aux armes, non pour faire de la France une répu-
blique fédéra tive, mais pour venir à Pans sauver de la tyran-
nie de Robespierre la république u/ic et indivisible. Celte procla-
mation, datée de Caen le 18 juin 1 79^ , est infiniment remar-
quable, quand on songe que celui qui l'écrivit a été accusé de
fédéralisme. L. Z.
2c) 1 . — * Mémoires du lieutenant-général PuGET-BAURANTANr,
publiés par lui-même. Paris, 1827; Pichon -Béehet, quai des
Augustins, n° 47. In-8° de 36o pages. ; prix 5 fr. et 6 fr, 25 c. par
la poste.
Le général Puget - Barbantane est un des caractères hono-
rables qui appartiennent essentiellement à la révolution, et
dont elle est fière; né d'une famille très-ancienne et fort riche
du midi de la France, marquis et colonel, il se plaça , dès
1789, dans les rangs de cette fraction de l'aristocratie française
qui se dévoua tout entière aux intérêts nationaux et populaires.
Il est difficile de faire une plus complète abnégation de tout
intérêt et de tout orgueil de caste que M. Puget - Barbantane ;
on n'en retrouve pas la moindre trace dans tout le volume dont
se composent ses Mémoires; et partout, au contraire, on y
reconnaît un homme dont les vues simples et droites ne ten-
dent qu'au bonheur et à la gloire de son pays , et qui lui a fait
bien généreusement tous les sacrifices qu'il pouvait lui faire.
M. Puget-Barbantane ne dissimule point que le gouvernement
républicain est celui qui lui a toujours paru le plus conforme
à la véritable dignité comme à la raison avancée des peuples.
Toutefois, il avoue qu'une foule de motifs doivent faire préfé-
rer pour la France la monarchie représentative. Ses Mémoires
présentent d'abord des détails sur une affaire où s'essaya pour
la première fois cette influence marseillaise qui devint ensuite
si fatale à la France : c'est le désarmement du régiment suisse
d'Ernest à Aix, où commandait alors le général Puget-Barban-
tane. Vient ensuite l'organisation du comtat d'Avignon dont il
fut chargé, et celle de l'armée des Pyrénées orientales, dont
le commandement en chef lui fut quelque tems confié. Il y fut
très-utile, par ses connaissances théoriques, à des officiers qui
758 LIVRES FRANÇAIS.
n'avaient encore que du courage, et ce fut assez pour arrêter,
avec 8 à 10,000 hommes, une aimée espagnole de 36, 000. Il y
a peu de faits importans clans le reste-de la carrière de l'au-
teur, à qui la faiblesse de sa santé interdit souvent un service
trop actif; mais le règne' du Directoire est assez bien retracé
dans la seconde partie de ses Mémoires, quoiqu'on y désirât
un plus grand nombre de ces anecdotes et de ces particularités
que les relations du général avec Barras, Sieyes, Carnot , doi-
vent l'avoir mis à même de recueillir. M. Puget-Barbantane fit
quelque teins partie de cette armée d'Italie qui laissera un sou-
venir de gloire impérissable, et il vécut assez familièrement
avec son illustre chef. 11 était présent à l'audience fameuse que
Bonaparte accorda aux députés de Venise, et dans laquelle il
leur annonça qu'il allait renverser l'autique drapeau de Saint-
Marc. Entre autres circonstances, il raconte qu'il trouva un
jour le général victorieux dansant une allemande dans un bos-
quet avec sa femme, au sortir d'une conférence où il dictait
la paix de Léoben; action qui lui semble le calcul d'un homme
supérieur qui affecte de paraître se jouer au milieu des plus
grandes affaires. Le volume est terminé par des pièces justifi-
catives. P.-A. Dufau.
292. ■ — * Souvenirs d'un militaire des armées françaises dites
de Portugal ; par l'auteur de Y Essai sur l'état militaire en 1826.
Paris , 1827 ; Anselin; In-8° ; prix, 6 fr. 5o c.
Déjà plusieurs mémoires ont paru sur cette armée d'Espagne
dont les travaux pénibles , les dangers, et les fatigues sans
cesse renaissantes ont toujours été peu connus et surtout mal
appréciés d'une nation, dès long-tems accoutumée à voir toutes
ses entreprises guerrières couronnées par de brillans succès.
L'ouvrage que nous annonçons , écrit par un officier qui a pris
part aux opérations qu'il retrace, ajoute une nouvelle page
aux annales militaires de ce siècle. Non-seulement l'auteur s7v
montre juge éclairé des plans suivis par le maréchal duc de
Dalmatie, chargé du commandement du corps d'armée dont il
raconte spécialement les travaux ; mais il y ajoute encore des
considérations d'une haute importance , surtout en matière
d'administration militaire , et qui décèlent un esprit d'obser-
vation et de judicieuse critique.
Il jette d'abord un coup d'œil sur l'état général de la Pénin-
sule, en 1 809 , et nous place au milieu de cette guerre d'Espagne
que le grand capitaine qui présidait alors aux destinées de notre
patrie, ne pouvait envisager sans un profond sentiment de
dépit et d'irritation secrète , parce que les événemens y trahis-
saient ses espérances et ses calculs. Il nous montre les braves
SCIENCES MORALES. 75o
charges de la soutenir, au milieu de privations de toute nature ,
ci moins heureux que Leurs frères d'armes qui combattaieni
sous les veux du chefsuprôme , rie pou va ni obtenir pour prix
de leur sang el de tous les maux qu'ils enduraient, les mêmes
récompenses que d'autres recueillaienl dans tes plaines d'Alle-
magne. Puis, abordaul le sujel qu'il s'est proposé de traiter
d'une manière plus particulière, l'auteur des souvenirs rend
compte des opérations de l'armée en Galice el <!<• l'invasion du
royaume de Portugal. Non style généralement rapide et animé
nous représente les cruelles vengeances d'un peuple à demi.
barbare, qu'exaspéraient toutes les passions politiques et reli-
gieuses, et qui avait pour lui la justice de sa cause, puisqu'il
défendait l'indépendance nationale contre une agression injuste
et impie. Heureusement, l'horreur que font éprouver desserres
tle désolation et de carnage fait souvent place à l'admiration
qu'inspirent des actes d'un généreux dévoùment, à une tendre
pitié pour les victimes infortunées de cette guerre d'extermi-
nation. Un esprit de parfaite impartialité paraît avoir présidé
à la rédaction de cet ouvrage. Partout où l'auteur a reconnu
du talent , il l'a signalé ; partout où il a trouvé de belles
actions, il s'est plu à les retracer, soit dans nos rangs, soit
dans ceux des adversaires que nous opposaient l'Angleterre,
l'Espagne et le Portugal. Ainsi, à côté du dévoùment inlré-
pide du caporal Guérin à la prise d'Oporto, du soldat Baudry
au passage du Doùro, nous remarquons la charité toute chré-
tienne du curé de Carhallinos.
Une partie réellement pittoresque de cet ouvrage' est surtout
celle où l'auteur décrit à grands traits, et avec une énergie
remarquable, le dénuement absolu de nos troupes et les mer-
veilleuses ressources qu'elles puisent dans leur industrie et leur
intelligence naturelles, dans l'excès même de leurs misères et
dans leur inébranlable fermeté. Les généraux trouvent aussi
dans le simple récit des opérations leurs droits à la reconnais-
sance nationale ; plusieurs ont reçu depuis une illustration
méritée. Parmi les noms qu'on y lit, nous aimons à retrouver
celui de ce général Fot, dont l'éloquence, aux jours d'un
glorieux repos, défendait à la tribune les droits sacrés de ses
concitoyens, que son épée avait cessé de guider dans le chemin
de la victoire.
En un mot, les Souvenirs dont nous rendons compte méri-
tent de fixer l'attention, non-seulement des militaires, mais
encore dé ceux qui voudront recueillir des matériaux pour
l'histoire d'une époque si fertile en événemens. L. Du.
293. — * Esquisses des mœurs turques au XI A* siècle , par
7 Go LIVRES JFRANÇÀIS.
Grcgoirc Palaiologue, né à Constantinople. Paris, 1827 ; Mou-
tardier. In-8°; prix, 6 fr.
Les circonstances actuelles ajoutent beaucoup d'intérêt à cet
ouvrage dans lequel l'auteur, natif de Constantinople, a peint
d'une manière vive et animée les mœurs U.vques. Fils d'un
ancien chargé d'affaires de l'hospodar de Valachie auprès de
la Porte ottomane, la position et les relations de sa famille lui
ont permis d'étudier de bonne heure et à fond la nation qu'il
veut nous faire connaître (1). Il passe tour à tour en revue les
divers usages, les coutumes singulières, les préjugés grossiers
du peuple ottoman. Pour initier davantage son lecteur dans les
sujets qu'il a entrepris de traiter, M. Palaiologue a employé
la forme de dialogue. De cette manière, tantôt il nous fait
assister à une conférence de graves docteurs de l'islamisme sur
différens points théologiqnes de leur croyance, et nous voyons
:jue là aussi on a horreur des livres et de l'imprimerie; tantôt
il nous introduit dans une aimable société de jeunes femmes, qui
nous racontent leur genre de vie, la manière dont elles sont
traitées par leurs maris, comment elles s'en vengent, etc. Ces
conversations naïves et piquantes ont l'avantage de dérouler
à nos yeux le tableau exact des mœurs turques. Cependant,
on ne saurait nier que cette forme n'est pas toujours aussi
heureuse, et ce qui le prouve, c'est que l'auteur est obligé de
rejeter dans un grand nombre de notes les faits et les détails
qu'il ne pourrait faire entrer dans le dialogue. Il résulte de là
que, pour obtenir un renseignement indispensable à l'intelli-
gence du sujet, il est nécessaire d'abandonner momentanément
la conversation d'un personnage pour recourir à l'interpréta-
tion donnée par l'auteur dans une note placée à la fin du volume.
Ces notes sont cependant très- instructives et n'offrent pas
moins d'intérêt et d'agrément que les autres parties de l'ou-
(1) M. Palaiologue est venu en France pour étudier la théorie et la
pratique de l'agriculture. Après avoir passé deux ans à la ferme mo-
dèle de Roviîle , dirigée par M. Mathieu de Dombasle , où il a suivi
avec succès les leçons de ce célèbre agronome , il se propose de re-
tourner en Grèce pour y établir une ferme et une école semblables
a celles de Rovillc, et destinées à propager dans son pays la connais-
sance des procédés perfectionnés de l'agriculture. Un pareil établis-
sement, placé sous la direction d'un homme instruit, pourra rendre
d'importans services à la Grèce, où cet art de première nécessité est
aujourd'hui presque entièrement négligé, par un triste effet des lonj;-
malheurs qui ont étouffe momentanément dans ce pays l'essor de
toute industrie.
SCIENCES MORALES- UTTERATURE. 761
vrage. L'auteur, pour appuyer ce qu'il a avance dans les
dialogues, invoque 1<" témoignage des voyageurs les plus dignes
tic loi; il cite des fragmens histoi w|mcs, (les passades tires de-,
codes turcs et du Coran, cl «les anecdotes curieuses.
l'.n résumé, h* livre de M- Palaiologue nous parai! j)roj)r(> à
faire bien connaître cette nation orgueilleuse, fanatique et
ignorante que l'Europe civilisée aura peut-être bientôt à com-
battre , et nOUS en conseillons la lecture à tous ceux qui vou-
dront se faire une idée exacte des vexations auxquelles les
malheureux Crées ont été en butte pendant plusieurs siècles,
et bien comprendre la politique arrogante et barbare du ca-
binet de Constantinople. Y.
Littérature.
29 4- — * Dictionnaire classique de la langue française , avec
des exemples tirés des meilleurs auteurs, et des Notes puisées
dans les manuscrits de Rivarol. IVe livraison: gui-mon. Paris ,
1827; Brunot Labbc. In-8° de 160 p. ( 481-640 j; prix de la
livraison , 3 {v.
Nous avons annoncé les trois premières livraisons de cet
ouvrage ( voy. ci-dessus, p. 45i ) : la quatrième mérite les
mèmeséloges que les premières; elle conduitjusqu'au mot Mon-
ter inclusivement; et par conséquent, si l'on établit-la propor-
tion de ce Dictionnaire sur celle de l'Académie, les souscrip-
teurs ont déjà les quatre septièmes de l'ouvrage entier ,
à moins que les éditeurs n'ajoutent, comme Boiste a fait à la
fin de son Panlexicjue , les listes très-uliles des noms propres,
des noms géographiques, etc.
'j.(j 5 — Alphabet phonomctricjuc et découverte de huit lettres
nouvelles , par Yirakd. Grenoble, 1827 ; imprimerie de Viallel.
In-8° de 3a p.
L'auteur avait envie de réformer l'orthographe française et
de rendre l'écriture plus conforme à la prononciation, lorsqu'il
a rencontré les huit lettres qu'il livre aujourd'hui à l'étude des
savans Ce sont les suivantes : ar , er, ir , or , ur , eur , our, et
le t mouillé, c'est-à-dire, suivi d'un y.
Nous n'avons pas besoin de dire que l'expérience sur la-
quelle l'auteur se fonde pour trouver des voix simples dans le
son de ces voyelles suivies de I'r, est aussi fautive que celle
qui lui représente le ty comme un son élémentaire. Comme la
solution de cette difficulté dépend entièrement de la délicatesse
de l'ouïe, on ne peut pas faire que M. Virard entende autre-
ment qu'il n'entend. Mais, ce qui sans doute est plus impor-
76a LIVRES FRANÇAIS.
tant, el ce qui, je l'espère, pourra être d'autant plus utile à
M. Virard qu'il parait dans son ouvrage l'avoir totalement ou-
blié ou igroré, c'est que parmi les lettres , i° les eonsonnes ont
été classées par Duiuarsais, Court de Gébclin, et Beàuzée, et
je pense aussi par M. Dcstutt deTracy, selon l'organe qui les
forme : classification extrêmement importante pour qui voudra
réformer notre orthographe, puisque de là peuvent dépendre
toutes les étymologies; 2° les voyelles ont été rangées moins
souvent , et plus arbitrairement peut-être, entre autres par
M. Leterrier, dans sa grammaire française. Maisle travail à faire
sur les voyelles est bien autrement complexe que celui qui re-
garde les consonnes, puisque celles-ci, du moment que leur pro-
nonciation est fixée, n'en peuvent plus changer, à moins qu'elles
ne deviennent quiescentes dans le corps ou à la fin des mots. Les
voyelles, au contraire, reçoivent diverses inflexions de circon-
stance, de timbre, de durée, d'accent, de ton, de langage.
C'était en classant ces circonstances dans un ordre naturel , et
en les représentant par des signes simples et analogues, plutôt
qu'en formant un tableau long et incomplet de nos voix, qu'on
pouvait espérer un résultat tout-à-fait utile. Mais M. Virard
ou ne la pas voulu , ou ne Ta pas pu ; et, malgré le désir que
nous aurions de voir s'établir un système d'écriture en rapport
avec notre lângifé, nous sommes forcés de repousser de tous
nos vœux, et nous l'espérons, avec tout le monde, la nouvelle
orthographe de M. Virard. B. J.
296. — * Classiques français , ou Bibliothèque portative de
l'amateur. 32e et 33e livraisons, composées de Y Esprit des Lois,
par Montesquieu, en 6 vol ; 34e et dernière livraison formée
des OEuvres diverses du même auteur, en 2 vol. Paris, 1827 ;
L: Debure, éditeur. 8 vol. in - 32 ; prix des 6 premiers , 18 fr.
et des 2 derniers, 5 fr. ( voy. Rev. Enc. , t. xxxu, p. 484 )•
Cette jolie collection, qui avait d'abord été annoncée en
soixante volumes, et qui avait été portée depuis à cent , en
renferme aujourd'hui cent trois. L'éditeur a cru devoir s'arrê-
ter avec la trente-quatrième livraison; mais nous espérons que
le succès qu'il a mérité d'obtenir l'engagera plus tard à nous li-
vrer encore quelques auteurs qr,i manquent dans sa galerie et
que nous avons indiqués dans l'article rappelé en tète de celui-ci.
Les huit volumes qu'il publie aujourd'hui, réunis aux trois qu'il
avait déjà consacrés aux Lettres persanes et à La grandeur et la
décadence des Romains , par Montesquieu , complètent les
œuvres de cet auteur célèbre (1). Le tome icr de VEsprit des
(1) Le même éditeur a fait paraître les OEuvres complètes de Montes-
LITTÉRATURE. :'< I
/.. m contient m tète YÉloge de Montesquieu par d'Alembert ;
X Analyse de <<-t ouvrage immortel par le même académicien)
puis, l* Avertissement et la Préface de l'auteur; à la lin du t. v
se irouveut la Défense de l'Esprit des Lois, les Eclaircisscmem
et le Remcrctment sincère à un homme charitable , attribué à Vol-
taire; le tome vi esl entièrement consacré aune table analytique
très-bien laite de l'ouvrage. E. 11.
307. — * Œuvres posthumes <lc Boilcau : Satins de Perse et
deJuvénal, expliquées) traduites et commentées par ce poëte
français) avec le texte en regard; publiées d'après son ma-
nuscrit autographe; par L. Parki.le. Paris, 1827; Lcievre,
nie de l'Éperon, n. 6*. 2 vol. in-18, de xi , 280 et a33 pages;
prix, 7 fr.
I n heureux hasard a rendu M. Parelle possesseur de ce
travail inédit de Boileau sur Perse et Ju vénal, écrit entière-
ment de la main de l'auteur, et (pic l'éditeur offre de montrer
aux personnes qui désireraient s'assurer elles mêmes de l'au-
thenticité du manuscrit (1). Une pareille annonce eût suffi
jadis pour mettre tout le monde savant en campagne; à
peine a-t-clle éveillé l'attention de quelques anciens amateurs
des lettres qui sont restés fidèles au culte des Muses, au t^oût
et aux bonnes études. De graves intérêts politiques réclament
sans doute une grande partie de notre tems et nous arrachent
aux doux loisirs; mais on ne doit point se faire illusion sur
l'indifférence des gens de lettres. Pour beaucoup d'entre eux ,
le satirique français par excellence, le législateur du Parnasse
enfin, n'est plus aujourd'hui que le
Boileau , correct auteur de quelques bons écrits.
Toutefois, ils pourraient puiser d'utiles leçons dans la lec-
ture des deux volumes inédits que nous annonçons; ils y
verraient que le génie, que le talent, que la gloire littéraire
enfin, ne s'improvisent pas, et sont le fruit de longues études
et de profondes méditations, de la part même du poète livré
à la culture du genre le plus facile en apparence. Aujourd'hui,
où l'on semble si pressé d'accumuler ce que l'on nomme des
titres littéraires, il est douteux que beaucoup de nos poètes
voulussent se livrer au travail que Boileau avait entrepris,
(/tii< u en ivol. in-S°; prix, sur papier vélin, imprimé à deux colonnes,
3i francs. 11 a publié également, en r vol. grand in-8°, mit deux
colonnes, les Œuvres complètes de Voltaire , prix , 36' fr. , et celles de
Molière , prix , 3o fr. — Ces 3 volumes sont ornés chacun d'un beau
portrait de l'auteur sur papier de Chine.
(i) Il demeure à Passy, rue Basse, n° t. \
7r,4 LIVRES FRANÇAIS.
pour donner à qin-lques-unes de ses satires toute la perfection
dont elles étaient «susceptibles. Parmi le petit nombre d'excep-
tions que nous pourrions indiquer, nous nous faisons un devoir
et un plaisir de citer l'habile traducteur de Lucrèce, dont les
ouvrages resteront bien long- tems après que les œuvres éphé-
mères de la plus grande partie de nos poètes modernes auront-
été oubliées. C'est qu'il a long-tems essayé ses forces, c'est
qu'il a mûri son talent dans le silence de l'étude et de la ré-
flexion, avant de produire un ouvrage qui l'a placé tout-à-
coup au premier rang de nos littérateurs, dont il était à peine
connu quand il s'élança dans la carrière où il devait laisser
tant de rivaux derrière lui.
Pour revenir à Roileau, après avoir lu avec attention les
deux volumes de ses oeuvres posthumes, nous dirons avec l'é-
diteur : « qu'on peut conjecturer avec assez de vraisemblance
qu'entraîné par son penchant pour la satire, il s'était efforcé
d'éclaircir chaque ligne, chaque mot d'un texte dont il voulait
se rendre compte à toute heure, et qu'ayant déposé le résultat
de ses veilles dans un volume contenant les deux satiriques
latins, il s'en était fait un livre de poche, un vade meeiun,
qui lui tenait lieu de toutes les gloses et de toutes les interpré-
tations connues jusqu'à lui. » Ce travail mérite bien aussi d'être
le vade mecum de tous ceux qui voudront se livrer au genre
difficile et dangereux de la satire, dont peut-être, à certains
égards, aucun siècle ne réclama davantage l'emploi que celui
dans lequel nous vivons. En suivant les indications de M. Pa-
relle, ils retrouveront dans ces études àw maître les traces et
les germes heureux des principales beautés qu'il a semées de-
puis dans ses satires; mais il leur restera encore un beau
champ à exploiter et une mine inépuisable de richesses poé-
tiques qui n'attendent plus que la rime; et, sous ce rapport
surtout, la traduction de Boileau nous paraît préférable à celles
que nous connaissons, parce qu'elle est faite par un poète.
Perse et Juvénal seront désormais à la portée d'un plus grand
nombre de lecteurs, et les poètes français qui voudront les
imiter auront un bon guide de plus. Nous engageons donc nos
jeunes auteurs à se mettre à l'ouvrage, en ne perdant pas de
vue ce précepte de morale: dicere de vitiis ^parcerc personis.
Perse et Juvénal sont encore de bons modèles, dont nous pou-
vons mettre les richesses à profit, malgré l'éloignement des
tems où ils ont vécu et les nombreux changemens survenus dans
la forme extérieure des mœurs : les passions, les vices et les
folies des hommes sont de tous les tems et de tous les pays.
E. Hkrfai.
LITTÉRATURE. 7r>ri
9<^8 — * Olluvrcs Complète* de M. h vicomte de Cuatkaubbiani),
pan- do France, membre <lc l'Académie française, to* livrai-
son, tonus III el \\\ . Paris, 18275 Lad vocal. 2 vol. in-8° ;
prix, i5 fr. ( Voy. ci-dessus , p. <j\ .)
le tome 111 , faisant partie des mélanges historiques, con-
tient les mémoires sue le duc de Berry . accompagnés de pièces
justificatives, les écrits intitulés: Le toi est mort, vive le roi l
vide la l'endèe, et les Notices biographiques sur I ai Harpe y
Suitit-MarccUiii , Fontanes et le général Nansoaty.
Le tome XXV, qui appartient aux mélanges politiques-,
renferme le traite de la Monarchie selon la Charte et les écrits
intitulés : ihi Système politique suivi par le ministère, Remarques
sur les affaires du moment, Première < t Seconde Lettre à un pair
de France.
Nous consacrerons bientôt un 3mo article , dans notre section
des Analyses , à cette grande entreprise littéraire.
299. — * Examen des Œuvres complètes de M. le vicomte de
Chateaubriand, par A. - J. - ('. Saint Prosper, auteur d une
Fie de Louis XVI et de Y Observateur au xixe siècle , etc. ior et
2me numéros. Paris, 1826 et 1827; Pichard. Deux brochures
in-8° de 27 et 7'.} pages ; prix , 2 fr. et 2 fr. 25 par la poste.
La première de ces deux brochures est consacrée à l'examen
de X Essai sur les révolutions; la seconde, à celui du Génie du
Christianisme. L'auteur est un homme de beaucoup d'esprit et
de talent, déjà connu par des ouvrages remarquables. Ayant
entrepris moi-même de rendre compte des œuvres de M. de
Chateaubriand, je crois devoir m'abstenir d'entrer dans aucun
détail sur le jugement qu'en porte M. Saint - Prosper. Je me
bornerai à une observation générale : vivement frappé des
beautés de l'écrivain qu'il examine, M. SaintsProsper semble
vouloir lutter avec lui de chaleur et d'enthousiasme. Cette exal-
tation répand sur plus d'un passage de X Examen un vague et
une obscurité que l'on trouve bien plus rarement dans le mo-
dèle. C'est bien assez que l'exagération et la recherche du style
couvrent aujourd'hui de nuages la plupart des compositions
littéraires. Tachons au moins iVen préserver le langage de la
critique, et que l'emphase du plaidoyer ne s'introduise pas
dans le résumé du juge. 0.
300. — * Poésies diverses de M. Cliarles Nodier, recueillies
et publiées par N. Delangle. Paris, 1827; Delangle frères,
éditeurs-libraires, rue du Baîtoir-Saint-André-dcs-Arts, n° iq.
1 vol. in-18 tle 187 pages. Papier velin; prix, 4 fr.
Au milieu du fatras prétendu poétique qui surgit de toutes
parts, c'est une bonne fortune que d'avoir à rendre compte
766 LIVRES FRANÇAIS.
d'un recueil de vers de M. Charles Nodier. Le plaisir de les
lire, et la douce jouissance de dispenser des éloges mérités,
font alors du devoir de critique une tache facilectagreabie.il
admire de belles pensées; il puise de la chaleur à leur foyer,
son ame s'élève avec elles; il relit les vers qui l'ont frappé, il
les répète; puis il cite, et c'est encore un nouveau bonheur
qu'il ajoute au premier.
Le succès des poésies que nous annonçons n'est point à faire;
il ne nous reste réellement qu'à le constater, et rien n'est plus
aisé. Nous engageons à lire le morceau intitulé : C Aigle Céleste.
Contemporain du jour , créé pour la lumière,
Il se baigne à son gré dans les feux du soleil.
La romance charmante du Rendez-vous de la trépassée , dont le
rhythmeestsi élégant à la fois et si simple, et dans laquelle une
jeune coquette dit à l'infidèle Paulin qui regrette la pauvre
Claire :
La joie est si vite ravie
A nos désirs!
Faut-il consumer notre vie
En déplaisirs?
Viens à la fête qu'on dispose
Finir le jour,
Et tu recevras de ta Rose
Merci d'amour,
Et la Blonde J.saare , et la Violette , imitée de Goethe, et
que l'on prendrait pour une création; et V Hymne à la Vierge ,
d'où s'exhale un sentiment si pur, si poétique, si religieux , et
où l'auteur a mis quelque chose du charme ineffable de la Di-
vinité.
Ainsi , cette vierge ingénue,
Pleine de grâce et de beauté,
S'élance, et plonge dans la nue
Son front rayonnant de clarté.
Le chœur mystérieux des anges
Mêle le hruit de ses louanges
Aux concerts des mondes ravis ;
La terre frémit devant elle,
Et sous les pas de l'immortelle
Les cieux abaissent leurs parvis.
C'est à toi que la voix des sages
Promit ces destins éclatans ,
Que leur regard , vainqueur des âges ,
Lisait dans les fastes du tems.
LITTÉRATURE. 767
Tel le plongeur penche* rar l'onde,
D'une vue errante el profonde,
[nterroge le lein des nuis ,
I'.i , sous la vague blanchissante,
[Vlarque la perle éblouissante,
Secret trésor <\v* floti amers.
Les vers de AI. Nodier sont du nombre de ceux que l'on sait
après les avoir lu-., et qu'on désire ne point oublier. On sera
de noire avis quand on aura parcouru les morceaux intitulés:
V Epoux et l'Epouse, C Inscription , le Bengali, le Poète malheu-
reux :
Ce bruit qu'on entendait, c'est celui de mes fers !
et même la Napoléone, qui valut tant de persécutions à l'auteur,
et qui est si belle d'amour pour la liberté.
Nous ajouterons que, dans la préface, due à la plume de
M. Delangle , et dans les notes, on remarque, avee une douce
satisfaction, que le cœur de M. Nodier est ouvert à la recon-
naissance comme à l'amitié. Il y parle de M. Jean Debry, cet
exilé, toujours victime d'une incroyable fatalité , comme s'il
était encore au faîte des honneurs. C'est une bonne action :
cela va bien avec de beaux vers. R.
3oi. — * Mélodies helvétiques , par Charles Didier. Paris,
1828; Ambroise Dupont et Cie , rue Vivienne, n° 16; Genève;
Barbezat et Delarue. In- 18. Prix, 3 fr. 5o c.
Accueille/, à Français Y une muse étrangère
Qui se présente à vous sans f.iste et sans orgueil ;
File a pour tout trésor l'expérience amère
De vingt ans de vie et de deuil.
C'est ainsi que commence le volume. L'auteur, né dans un
pays où les poètes n'attirent guère l'attention du public ,
cherche an refuge parmi nous. C'est de vous, nous dit-il,
C'est de vous que j'implore un généreux appui.
Il est jeune, il exprime avec dignité son amour pour la
France et de nobles sentimens : il obtiendra facilement la
bienveillance qu'il demande. Mais les qualités précieuses qui
se font remarquer dans son style méritent quelque chose de
mieux qu'un bienveillant accueil; elles doivent lui concilier
cet intérêt véritable qui ne craint point de mêler aux éloges
d'utiles conseils. On trouve dans ses vers des impressions et
des images poétiques, le sentiment de l'harmonie, et l'en-
ente de la période. Il a reçu de la nature tout ce qui est né-
76S LIVRES FRANÇAIS.
cessaire pour s'avancer assez loin dans la carrière des arts.
Seulement, il a pris de mauvais guides; qu'il se hâte d'en
changer. Depuis dix ans, on a délayé, dans des volumes de
vers anglais et de rimes françaises une ou deux pensées sur
le néant et le malheur de la vie humaine; pensées aussi vieilles
que le monde, et que les poëtes de l'antiquité avaient rendues
avec tant d'énergie par un seul trait. Ces recueils d'innom-
brables variations sur un seul motif ont fait fortune. Déjeunes
écrivains pensent, en suivant la même route, parvenir au
même succès. Ils se trompent. Dans les succès de ce genre,
L'ouvrage est peu de chose, et le nom seul fait tout.
D'ailleurs, sont-ce les applaudissemens de la mode que doit
ambitionner l4e vrai talent? Non; il lui faut des triomphes du-
rables ; et pour mériter d'en obtenir, il doit chercher à parer
ses ouvrages de beautés qui soient de tous les tems et de tous
les lieux, c'est-à-dire, de sentimens vrais et de grandes pen-
sées. La poésie vit d'impressions , va-t-on me répondre.
Sans doute, mais d'impressions qui achèvent la pensée, qui
approfondissent le sentiment. Si elle n'avait exprimé que des
sensations vagues, des rêveries sans but et sans suite, au lieu
de l'appeler la langue des dieux, on lui eût donné un tout
autre nom. Pourquoi les vrais poëtes sont-ils placés si haut dans
l'opinion des peuples? Parce que les vrais poëtes., doués d'une
force extraordinaire de pensée, ont su donner une autorité
nouvelle à toutes les idées qui doivent guider la civilisation ,
imprimer une nouvelle énergie à tous les mouvemens de l'ame
qui constituent la dignité de l'espèce humaine. Il semblerait
que, dans un siècle qui se dit éminemment philosophe, on
devrait plus que jamais chercher de la raison dans les vers.
C'est le contraire qui arrive, j'en conviens : mais cela ne peut
durer. Que les hommes d'un véritable talent s'empressent donc
de mépriser des préjugés éphémères , qu'ils reviennent aux
modèles éternels dont le public n'a pu se détacher que pour
peu de tems. M. Didier nous paraît du petit nombre de ces
écrivains qu'on verrait avec peine rester dans une fausse route.
On sent qu'il a fait une étude approfondie de tous nos versifi-
cateurs mis à la mode par la contagion du spleen et la prédi-
cation de l'illuminisme , et qu'il n'a jamais, ou presque jamais ,
pendant son travail , jeté les yeux sur nos poëtes dont le tems.
a confirmé la gloire, ni sur ceux qui marchent aujourd'hui
sur leurs traces. De là, dans ses vers la même pénurie dïdées
et de sentimens, la même monotonie que dans les ouvrages,
qu'il imite. De là, trop souvent, le même défaul de goût; la
M! Il.UATLTUv
même incohérence d'images, le même déluge de mots non
peux qui m* nous (lisent rien. \oici, par <x<:m j>lc , quatre
strophes d'une ode sur la ohote du ReieimèeçA i
Renaissante agonie J ô masse intarissable 2
De ses rugissement étottrdissanl les bois.
Le gouffre haletant tressaille sont le poids
De la colonne in dvocable.
Caucase , quelle voix a jeté ces claincui s ?...
C'est la voix du lit nu tpii pour renaître expire;
Le vautour acharné fond sur- lui, le déchire ,
Et se nourrit de ses douleurs!...
D'une aveugle fureur l'onde ainsi transportée
Plonge au fond de l'abîme, et l'abîme écumant ,
Par les flots toi turc , souffre éternellement
Les angoisses de Prométhée !...
O désolation! ébranlement de l'air,
Vapeurs, brouillards mouvahs, froids lour/)i/lons , ténèbres ,
Lugubres profondeurs, ircmblcmcns , voix funèbres !...
C'est un chaos... non , c'est l'enfer!
Si c'était, en effet, le rôle d'un poète d'aller se placer de-
vant une cascade, pour réunir péniblement dans sa tète tant
d'idées bizarres et de figures plus bizarres encore, pour ac-
coupler tant de mots vides de sens, certes, la Suisse n'aurait
pas grand tort de rire des pactes , comme le dit notre auteur.
Il est vraiment déplorable de voir un jeune écrivain doué des
plus heureuses dispositions, mais séduit par de fausses doc-
trines et de dangereux exemples , perdre tout le talent de fac-
ture qui se montre dans l'avant-dernière strophe, à nous
peindre l'abîme où tombe une cascade, sous la figure de Pro-
mrlhée. Il est inconcevable que de funestes modèles aient pu
faire croire à un homme d'esprit que voir dans une chute
d'eau d'abord le chaos et puis l'enfer, c'était montrer du génie
poétique. On en est d'autant plus fâché que, dans d'autres
passages, il fait preuve de bien plus de talent encore, quoique
l'influence de l'école s'y fasse toujours sentir. Telles sont les
stances suivantes :
Cédant «à la mélancolie
Que le soir répand sur les eaux ,
Won Ame calme , recueillie , *
Et dans soi-même ensevelie,
Se livre à des désirs nouveaux.
Plaisir sans nom , joie ineffable ,
T. xxnvi. — Décembre 1827. 49
7 7o LIVRES FRANÇAIS.
O sentiment vague et profond !
Par un charme indéfinissable ,
Le flot, en mourant sur le sable ,
Semble m'entendre et me répond.
De ces accens la langue humaine
Peut-elle peindre les douceurs?
Comme un captif hors de sa chaîne r
O Léman ! quel pouvoir m'entraîne
Dans tes limpides profondeurs!
Sous tes abîmes qu'on ignore ,
Est-il un Eden réservé
Pour le poëte qui t'adore ,
Et son œil y voit-il éclore
Un bonheur qu'il n'a pas rêvé?
Jadis Glaucus , épris de l'onde *
A son appel mélodieux,
Disparut dans la mer profonde ,
Où l'attendaient l'oubli du monde
Et la félicité des Dieux.
Sans doute, les personnes qui aiment la poésie pourront
prendre de l'humeur, en voyant prêter au poëte de si singu-
lières fantaisies, un enfantillage si peu naturel. Mais c'est la
faute de cette école qui semble avoir pris à tâche de repré-
senter les poètes comme des espèces de fous. Ce qui appartient
à l'auteur, c'est la grâce exquise, l'harmonie, le charme de ces
élégantes strophes. La seconde est pleine d'expressions poé-
tiquement heureuses : la dernière relève un peu la pensée pre-
mière de la pièce et semble l'ennoblir. Quelque frivole que soit
cette peinture, nous ne la blâmons point; mais nous voudrions
en rencontrer moins souvent du même genre dans le recueil
de M. Didier. La seule pièce où il ait mis une action intéres-
sante est la Prédiction. Là, il ne s'agit plus seulement de cas-
cades, de crépuscules, de montagnes, ou de lacs; c'est Rigas,
livré par l'Autriche, léguant à ses compatriotes sa vengeance et
ses grands desseins. Voilà les sujets que doit traiter la poésie ,
si elle ne veut point descendre du haut rang qui lui appartient.
M. Didier a prouvé qu'il savait revêtir de couleurs poétiques
des idées justes et des sentimens élevés, soit lorsqu'il peint le
bonheur de l'enfance par ce vers exquis :
Un sourire toujours. brille à travers nos pleurs ;
soit lorsqu'il rappelle ces citoyens qui, gardiens des droils des
nations,
Proclament fièrement devant la tyrannie
L1ÏTI.U \!'IHK. 77 ï
La liberté des ans , de L'homme 01 <lu génie ,
Bt , inaiehmt avee ralnie aux sentiers du devoir,
Méprisent mm orgueil Ici chaînée du pouvoir «
Dans une pièce très-courte, et que, pour cette raison, je
puis citer toute entière, il a montré aussi qu'il savait, rajeunir
des idées vieillies par une imagé qui lin appartient. Ce morceau
est intitulé le Mois de mai.
Le mois de mai , paré de guirlandes nouvelles ,
Et bercé mollement au Souffle des zéphyrs ,
Couvrant les bois fleuris de ses Légère! ailes,
Au monde rajeuni promet de longfl plaisirs.
Mais, à peine des bois courbant la chevelure,
1 a brise doucement glisse dans le vallon ,
Que des arbres en fleurs l'éclatante parure
Blanchit , en s'cffeuillant , les tapis de gazon.
Au printems de nos jours, notre âme «à peine éclose
Voit ainsi l'avenir rayonnant de bonheur,
Et sur un doux espoir sans crainte se repose
Comme le papillon sur le sein d'une fleur.
D'un avide regard dévorant l'existence,
Elle y voit le plaisir, l'amour, la volupté;
Mais , hélas ! chaque jour , les fleurs de l'espérance
Tombent au souffle amer de la réalité.
On ne peut guère blâmer ici que les mots (^existence et de
réalité y qui, complètement anti - poétiques, nuisent à l'effet
de l'image. L'auteur doit encore cette tache légère à l'influence
de la nouvelle école qui remplit ses vers des expressions les
plus métaphysiques, comme Xétre, X espace, X infini, etc.
Nous le répétons, que M. Didier se sépare de cette école qui
ne peut donner que des succès d'un jour; qu'il étudie les
grands poètes, qu'il rassemble des idées dignes d'être expri-
mées en vers; qu'il ne regarde la peinture des scènes de la
nature et des impressions vagues qu'elles produisent que comme
un brillant accessoire; qu'il mette dans ses poèmes de l'action
et de la variété. S'il suit ce conseil, il ne tardera pas à nous en
remercier. Alors, l'harmonie de son style, l'éclat de ses images,
produiront tout leur effet : il satisfera l'esprit et le cœur en
charmant l'oreille. Les idées qu'il aura puisées dans ses propres
méditations donneront à ses écrits le caractère de L'originalité.
Il pourra laisser loin derrière lui les modèles qu'il imite et qu'il
égale quelquefois. Un jour peut-être la France, non contente
de l'accueillir, honorera son talent. L. Z.
A9-
-:* LIVRES FRANÇAIS.
3oi. — * Loisirs poétiques, ou Recueil de chants élégiaques ,
par Eugène L'Ebràlv. Paris , 1827; Bocquet et comp. In-18
de 212 pages; prix, 4 fr-
Dans notre cahier de janvier dernier (tom. xxxui, p. a$4')>
(Mi portant un jugement sévère sur trois Chants héroïques pu-
bliés par M. L'Ebraly , j'ai laissé entrevoir que ce jeune pàeïè
donnait quelques espérances. J'annonce aujourd'hui avec plai-
sir qu'elles sont en partie confirmées par les élégies qu'il vient
de mettre au jour. Le style de M. L'Ebraly, plus naturel, et
plus pur dans ces dernières compositions , n'a pas moins gagné
sous le rapport de l'élégance. Ce style , plein d'une douce sen-
sibilité, ne manque ni de grâce, ni d'harmonie. On en pourra
juger par ces vers, les premiers du recueil. C'est le commence-
ment d'une épître dédicatoire que l'auteur adresse à sa mère :
O toi! de qui je tiens le jour,
Toi dont l'ineffable tendresse
Des soins les plus touchans entoura ma jeunesse,
Et dont l'amour pour moi devança mon amour!
Ma mère, il te souvient que, dès mon premier âge,
Loin du bruit des cités , avec ma jeune sœur,
Des plus pures vertus pratiquant la douceur,
Je vis de mes beaux jours s'embellir ton veuvage.
Avec toi je versai des pleurs délicieux...
Que la nature alors était belle à mes yeux!
Oui, si le vrai bonheur n'est pas une chimère,
J'ai dû le rencontrer dans les bras de ma mère.
Toutefois, les deux derniers Vers rappellent un peu trop
deux vers bien connus du Mérite des Femmes. Ce penchant
aux réminiscences est bien plus remarquable dans d'autres pas-
sages du recueil de M. L'Ebraly. Lorsque son Adolescent ma-
lade s'écrie :
Je suis jeune et je prie , et voilà que je. meurs!
Je meurs, sans avoir vu dix-huit printems encore.
Qui ne retrouve aussitôt dans sa mémoire les admirables
adieux de Gilbert à la vie, et la jeune fille mourante d'André
Chénier? Comment, dans ces vers de la fille du Tage :
Ils répétaient en chœur leur chanson la plus belle;
Moi... je me suis prise à pleurer,
ne pas reconnaître un mouvement touchant de la Pauvre fille
de M. Soumet? Comment lire, dans X Enfant de l'Occitanie :
J'irai mourir loin de ma mère,
UIÏÏ il \Tl ItF..
El loin d'elle étr» ■ rut veli ,
Pour que le pâtre goUtaii t
Poule seul l'aride brui fcre
( )('i mu midi doit peter L'oubli.
Sans songer aussitôt à la Chute des Feuilles de Rfillevoye? L'élé-
gie, intitulée Y Orphelin , c^t idiii à fail semblable, pour le fond
au sujet » .1 I1 'Anniversaire du même auteur. Que M. L'I.braly
se persuada bien qu'il n'a rien à gagner à de pareils rappro-
chemens. Je ne m appesantirai poînl ici sur quelques fautes
contre la langue ou contre la mesure, sur quelques rimes in-
suffisantes ou mal croisées; je mets volontiers ces négligences
sur !<' compte de la distraction- Mais je ferai à l'auteur un re-
proche plus sérieux de cette affectation «le simplicité qui le
conduit quelquefois à un prosaïsme maussade. Qui pourrait
reconnaître le langage tics inuses dans ce début de la Jeune
Varice :
Si vous gagnez les lieux où N;irl)onne apparaît,
A peu près tout au bas des liantes Pyrénées ,
Vous devez voir surgir d'une antique forêt
Deux ou trois tours abandonnées.
Et dans ces vers de l'élégie intitulée Notre-Dame des Alpes :
Il se rend à Paris pour gagner de l'argent.
Malgré tous ces défauts, nous nous plaisons à le répéter, le
style de ce recueil prouve que M. L'Ebraly a souvent le senti-
ment de la poésie. Mais des qualités non moins essentielles
mauquent encore à ce jeune écrivain : dans presque toutes ses
élégies, |e sujet est faiblement conçu ; la composition , à la fois
diffuse et incomplète, flo'te dans un vague où l'esprit du lec-
teur a bien de la peine à suivre l'idée du poëte. Remarquons,
pour être justes, que ce défaut n'est point particulier à M. L'E-
braly, qu'il a été érigé en système par une école de jeunes lit-
térateurs qui supposent que ces traits iucertains et vaporeux,
ces contours nébuleux comme les premiers essais de la litho-
graphie, ont un certain charme pour le h'eteur dont l'imagina-
tion se plaît à achever le tableau. VTaiues espérances! quand
le dessin le plus vigoureux laisse rarement une empreinte du-
rable dans I esprit distrait et oublieux du public; que sera-ce
de ces images fugitives déjà presque effacées sous la main qui
les trace ? Telles sont malheureusement les peintures de M. L'E-
braly. Plusieurs de ses sujets : X Ermite de la vallée tyrolienne ,
la Fille du Tage , la Fiancée de Ih'narès , l'Odalisque , la Jeune
7:4 LIVRES FRANÇAIS
mariée, ne sont pas dénués d'intérêt. Et pourtant, le souvenir
de ees pièces est prompt à s'effacer. Qu'il s'applique à mettre à
l'avenir dans ses compositions plus de clarté, plus île précision,
de vigueur et d'effet dramatique. Qu'il se défende en même
teins de celte mélancolie banale qui va puiser des inspirations
dans les infortunes les plus vulgaires. Les mendians sont dignes
d'intérêt dans l'ordre moral; mais ils n'offrent point aux arts
d'imitation une nature assez choisie. Le cri du besoin est déchi-
rant; mais la poésie ne sait bien exprimer que les belles dou-
leurs.
M. L'Ebraly qui paraît fort mécontent des critiques, verra,
je l'espère , dans mes observations , l'intérêt que je prends aux
progrès de son talent. Ce talent s'annonce à plusieurs égards
d'une manière assez heureuse ; mais, pour briller d'un véritable
éclat , il faut qu'il s'élève , par de courageuses études , de l'imi-
tation des défauts à la mode à celle des beautés de tous les
tems. Ch.
3o3. — * Le Chansonnier des Grâces , pour 1828. Paris, 1827;
Fr, Louis, éditeur. In- 18 de 3oo pag. de texte, 40 pag. de mu-
sique, une jolie gravure et un frontispice, d'après Chasselat;
prix, 3 fr.; et par la poste, 3 fr. 5o.
Ce charmant recueil soutient son ancienne supériorité par le
nombre, la variété et le bon choix des pièces qu'il renferme;
et, s'il a dû sa réputation à quelques auteurs connus depuis
long-tems , chaque année, quelque nouvelle Muse lui doit à
son tour la sienne. On aime à voir concourir à sa rédaction les
mainterieurs de la gaie science et ses jeunes adeptes , à com-
parer les dernières lueurs d'une gloire parvenue à son apogée
avec les premiers rayons d'une gloire naissante. On compte,
dans le Chansonnier des Grâces de 1828, i85 pièces et plus de
cent auteurs; on doit penser que tous les goûts y trouveront à
se satisfaire, et l'on en est convaincu d'avance, quand on lit à
la table les noms de Mmes Desbordes- Valmore , Tastu et Céleste
Vicn y et de MM. Ândrieux , Arnault , Brazier , Creusé de Les-
sert, Casimir Delavigne , Désaugicrs , Justin Gensoul , Edmond
Gè'rauii , Hippolytc-Louis Guérin , Léon Halevy, Victor Hugo ,
Naudet , Eusèbe Salvertc , Scribe et Théauhn. Parmi les plus
jolies pièces , on remarque celles qui portent les titres suivans :
A mes amis , la Fille du Rosier, la Consigne, les Conseils du
Vieillard, Glissez, n'appuyez pas ; Si j'étais roi pour un Jour!
Voyez un peu la médisance ! Dagobert à la chasse , Mes châteaux
en Espagne y etc. Nous citerons comme 11 ri modèle de la vraie
chanson, de la chanson telle que l'entend notre poëte national
Jhérangcr, la Loi du Baron, par M. Hippolylc- Louis Guéri:»,
IJTTKKATLIŒ. 77λ
Ut) des plus aimables auteurs dont le Chansonnier de* Grâces ait
révélé le talent. E. II.
3o£. — * Cromweli, drame; par / ictor Hugo. Paris, 1828,
(18/7); Amb. Dupont el comp. En 8° de ucivet /t 7 G pages;
prix, 8 fr.
L'intérêt du sujet, la tiogiilarité de l'exécution, le talent
original de l'auteur, four dans cet ouvrage est fait pour piquer
la curiosité publique, Nous nous proposons d'eu rendre inces-
samment un compte détaillé dans notre section des Analysas.
Cir.
3o5. — Conradin, tragédie en cinq actes et en vers, par
M. le chevalier dk Cuzky , avec une gravure d'après une
statue d'Elisabeth , mère' de Conradin. Paris, 1827; Mmc' Vergne,
place del'Odéon, n° 1. In-8°; prix, 2 fr.
1J est peu de contrées, durant le moyen âge , qui offrent un
aussi grand nombre de sujets intéressons à la scène tragique
que le royaume de Naples et de Sicile. L'établissement de
Charles d'Anjou, à qui le pape donna ce beau pays, à l'exclu-
sion des successeurs de l'empereur d'Allemagne, ne se lit point
sans effusion de sang. L'usurpateur s'étant emparé du jeune
Conradin, héritier légitime de l'empereur Frédéric II, le fit
mettre à mort au milieu de la place publique, ainsi que plusieurs
jeunes seigneurs qui s'étaient associés à ses dangers : ce fut
en vain qu'Elisabeth, mère de ce malheureux prince, accourut
dans l'espoir de l'arracher à la mort. Voilà, sans doute, un
sujet propre au poème dramatique. Voici ce que l'abbé Vély
raconte des derniers raomens de Conradin : « On vit alors dans
Conradin ce mélange de force et de faiblesse que devaient na-
turellement produire dans un enfant les semences d'un grand
courage, à la vue d'une mort indigne et prématurée. Il ramasse
. la tête de son généreux ami, !a baise tendrement, lui demande
mille fois pardon, si, pour prix de son amitié, il n'a pu lui
procurer qu'une fin si tragique... Puis, jetant son gant au
milieu de l'assemblée, pour marque d'investiture, il déclare
qu'il cède tous ses droits au royaume de Sicile à qui le vengera
d'un vainqueur barbare, etc. »
Tel est le sujet de la tragédie de M. de Cuzey. Cette pièce
n'a pas été représentée , et nous ne pouvons prononcer sur
l'espèce de mérite que le jeu du théâtre peut seul faire appré-
cier. Toutefois, elle inspire à la lecture un véritable intérêt.
Auprès du faible et ambitieux Charles d'Anjou et des ministres
italiens qui l'excitent à la cruauté , on aime à voir le vertueux
Desporcelet, chevalier français, qui ne cesse d'employer son
éloquence pour empêcher l'usurpateur de commettre un crime
7:G LIVRES FRANÇAIS.
inutile; on aime à l'entendre dire à Frangipani, ministre dt*
Charles, qui rengage à concourir à la perte de Conradin, cl
le flatte de voir payer sa condescendance par de grandes
largesses :
Seigneur, qu'avez-vous dit?
Un chevalier français ne connaît de richesses
Que celles qu'il acquiert sans crime et sans bassesses.
Parmi les biens qu'il cherche avec avidité,
lia valeur, les vertus font sa félicité ;
La justice est sa loi; l'honneur est sa fortune;
Il maudit des flatteurs la parole importune;
Sert son roi , fait le bien , et n'attend que de Dieu
Le fruit dé ses bienfaits qu'il répand en tout lieu...
Plusieurs parties de Cet ouvrage prouvent du talent pour in
versification; toutefois, quelques vers faibles se font d'autant
plus remarquer qu'il semble facile de leur donner un tour
poétique. M. de Cuzey a fait des études profondes dans les
arts du dessin. Il se délasse de la peinture par la poésie, et de
la poésie par la peinture, et personne ne peut apprécier mieux
que lui le précepte d'Horace : Ut pictura pocsis erit... et celui
d'Alphonse Dufresnoy : Similisque poesisit pictura. (Voyez, à
l'article Beaux-arts , dans la section des Nouvelles de France. )
Les amateurs de tableaux ont remarqué, dans l'église de Saint-
Sulpice, à Paris, celui qui représente le martyre de sainte
Perpétue : la tête de la jeune vierge est d'une grande élévation
de style. Nous aimons à signaler cette réunion si rare du talent
du peintre et de celui du poëte. Brès.
3o6. — * Les Chroniques de la Cano/rgafe , par sir Walter
Scott; traduites de l'anglais par A.-J.-B. Defauconpret, avec
des Notes explicatives. Paris, 1828 (1827); Gh. Gosselin. 4 vol.
in-12; prix, 12 fr.
Voilà donc Walter Scott hors de l'histoire et rendu à fa
vérité par le roman. Plus de ces étroits préjugés de nation et de
parti qui loi ont fait défigurer les annales contemporaines, il
reparaît avec cette science profonde, cette expression impar-
tiale du passé qui donnaient à des compositions légères et re-
gardées généralement comme frivoles un caractère singulier
d'importance et de gravité. Cette nouvelle production , sans
égaler les chefs -d'oeuvre de l'auteur, se place toutefois parmi
ses meilleurs ouvrages dans un rang honorable; elle se dis-
tingue par des mérites absolument semblables, par l'heureuse
création des caractères, la fidélité du costume et du langage,
là verve spirituelle du style. Si la décadence s'y fait sentir,
cVst txMit au phïs dans la prolixité négligée de certains détails.
MTTKK vniw.. -::
Ce reproche s'adicsse particulièrement an premier volume du
livre, qui lui sert dé préface cl décadré. Leê aventures de
!\I. Ùpftà/ffpy, nouv.au membre de celle famille ée$ C entier*
/>{((•/>, des Clcisbotliam , des Car^ill , si connue des lecteurs de
\\ aller Scott, offre une peinture pleine de îiaîurel, et à laquelle
il ne manque qu'un dessin plu-, eorreel et plus soigné, pont
incritt fi l'honneur qu'on lui a fait, dans un de nos Meilleurs
journaux littéraires ( le Clobe ), en la rapprochant des tableaux
achevés de l.esage. La Fille du Chirurgien ne serait qu'un
icinan vulgaire, si l'on n'y trouvait, au début cl au denoù-
incnt, représentés avec inliniinent de naïveté Ou d'éclat, l'inté-
rieur d'un pauvre médecin de campagne, et la cour des mo-
narques de l'Inde. Mais ce qu'il y a de vraiment remarquable
dans Cfette espèce de recueil, ce sont les deux histoires qui com-
posent le second volume, la Veuve du montagnard et les Dee.e
Bouviers; je ne crains pas , malgré leur peu d'étendue , de les
comparer, pour la vérité de la peinture et l'intérêt pathétique
des situations, à ce que l'auteur a écrit de plus beau. On y
trouve surtout admirablement exprimé le contraste de la civili-
sation récente de l'Ecosse avec ses anciennes mœurs. Je m'éten-
drais davantage sur ces deux morceaux, si je n'avais eu souvent,
dans ce Recueil, l'occasion de rendre hommage au génie de
Waller Scott (voyez particulièrement Bec. Eric. , t. xviii, p. 33 1;
t. xix, p. /,/48 ; t. xxi, p. /,33). K. P.
307. — * Le Corsaire, rouge, roman américain, par James
Fenimore Coopeu; traduit de l'anglais, par A.-J.-B. Defaucon-
pret. Paris, 1828; tiosserin. \ vol. in- 12, formant ensemble
xi et 102 5 pages; prix, 12 fr.
Le pins redoutable des flibustiers, le Corsaire rouge, se
trouve commandé par un nomme que l'auteur ne nomme qu'une
seule fois du nom de Waller. Cet homme a été irrité de l'in-
solence qu'affectaient les Anglais à l'égard de l'Amérique, sa
patrie; et dès lors, il a juré de la venger. Devenu le chef d'un
vaisseau de pirates, il laisse à ses compagnons le sang et le
pillage : pour lui , il ne vent qu'arracher et fouler aux pieds le
pavillon anglais. Du reste , plein de talent , de fermeté , de cou-
rage et de générosité, il jouit sur son bord d'une; autorité
absolue, et paralyse, à force de grandeur d'àme, les désirs
d'un jeune marin qui ne s'était introduit sur son navire que
pour le livrer aux croiseurs royaux. Enfin , vainqueur dans un
dernier combat contre un vaisseau anglais, il reconnaît son
neveu dans ce jeune marin que son équipage veut faire périr,
sa sieur et sa nièce dans deu\ femmes qu'il a Vécues abord.
Alors, il abandonne ses trésors aux flibustiers , met en sûreté
::8 LIVRES FRANÇAIS.
tons les prisonniers, brûle son vaisseau, et ne reparaît ehez son
neveu , pour y rendre le dernier soupir, qu'après une vingtaine
d'années, c'est-à-dire lorsque la lutte entre l'Angleterre et
L'Amérique étant terminée, les États-Unis peuvent déployer
sur toutes les mers un pavillon indépendant.
Ce nouvel ouvrage est un de ceux où M. Cooper a porté au
plus haut degré l'intérêt qui rend si attachante la lecture de
tous ses romans. Une exposition peut-être un peu embarrassée ,
une imitation trop scrupuleuse des manières de parler de ceux
qui vivent habituellement sur mer, et dont l'éducation a été né-
gligée; enfin , quelques longueurs dans le dialogue: voilà les seuls
reproches que l'on puisse faire à cette composition , qui ne peut
d'ailleurs qu'ajouter à la réputation de l'auteur. Les lecteurs n'y
verront pas sans étonnement une multitude de scènes maritimes,
toutes différentes de celles qui les ont déjà frappés dans le Pilote,
et qui prouvent que M. Cooper a étudié la mer sous tous ses as-
pects, et comme pourrait le faire un peintre. On admire le talent
prodigieux avec lequel l'auteur sait concentrer, varier, sou-
tenir l'intérêt, sur une scène très-resserrée , dans l'étroite en-
ceinte de deux vaisseaux, et en n'y faisant apparaître que deux
principaux personnages, éminemment doués d'une grande no-
blesse de caractère dans des situations qui sembleraient exclure
ce mérite, et deux personnages accessoires, avec un petit
nombre de figures laissées dans l'ombre et qui complètent l'en-
semble de ce tableau historique et dramatique, tout-à-fait
digne de fixer l'attention. B. J.
3o8. — * Les O'Ericn et les O' Flaherty , ou l'Irlande en 1793,
histoire nationale, par Lady Morgan; traduit de l'anglais par
Jean Cohen, ancien censeur royal. Paris, 1827; Charles Gos-
selin , rue Saint - Germain - des - Prés, n° 9. 6 vol. in- 12; prix,
1 8 francs.
Ce n'est pas la première fois que Lady Morgan consacre sa
plume à l'Irlande , sa patrie. Déjà , dans deux romans que le
public anglais et français avait accueillis avec faveur [O'Don-
nelet Florence Maccarthy), le spirituel auteur des Lettres sur la
France et sur C Italie avait éloquemment plaidé la cause des li-
bertés et de l'indépendance irlandaises, retracé dans de pi-
quantes esquisses les traits principaux de la physionomie origi-
nale de ses compatriotes, ou dépeint, avec les couleurs brillantes
que leur prête une admiration vivement sentie, les sites variés
et pittoresques de Vile dEmeraude. Des critiques ont trouvé
mauvais qu'une femme osât se mêler de politique, et lui ont
conseillé de réduire désormais ses fictions romanesques aux
proportions moins ambitieuses des événemens de la vie privée.
LITTÉRATI IUv 77g
Lad? Morgan n'écoutera sans doute ces avis officieux que pour
les inscrire parmi 1rs nombreux témoignages de I influence en-
core toute - puissante des préjugés et de I esprit départi; (\\i
moins, nous désirons siccèi cmeui qu'ils ne parviennent point
à l'éloigner de la carrière où elle s est engagée, et on elle, a
certainement rendu des services réels à la noble cause dont elle
est un des plus habiles défenseurs.
Passons rapidement sur les premiers chapitres de ce nouveau
roman ; ils compromettent gravement les intérêts de l'auteur et
les plaisirs du public. NOUS ne serions pas étonnés qu'ils déci-
dassent plus d'un lecteur à mettre de côté les volumes suivons ;
et cependant , ceux ci sont, assez, abondamment pourvus d'épi-
sodes attnclians pour faire Complètement Oublier l'insipide cor-
respondance entre le comte O'Flaliertv et son cousin l'abbé,
qui leur sert d'introduction. L'époque choisie par Lady Mor-
gan pour y placer les événemens et les personnages, créés en
grande partie par son imagination , fut marquée; par cette fer-
mentation générale des esprits qui précéda l'insurrection de
1794. L'arrogance et la corruption du parti dominant étaient
portées à leur comble; du sein des fêtes et des orgies partaient
les décrets de la tyrannie pour frapper tous ceux qui ne subis-
saient pas son ignoble joug avec résignation et en silence; déjà
les hommes les plus éclairés et les plus vertueux s'étaient ral-
liés pour aviser aux moyens de régénérer l'Irlande, en la déli-
vrant de ses oppresseurs; Murrogh O'Brien, le héros du roman,
est conduit, dans un des quartiers les plus obscurs de Dublin,
à une assemblée des Irlandais-Unis , dont la description pourra
donner une idée de la manière brillanteet dramatique de l'auteur.
< En jetant les yeux sur ce petit sénat rassemblé à ses pieds,
il y vit un tableau pittoresque : car ses membres semblaient
déjà groupés pour une conspiration. Une seule lampe suspen-
due au sommet de la pièce , et qui ne faisait que dissiper
faiblement l'obscurité , concentrait ses jaunes rayons sur des
tètes et des bustes qui rappelaient le gran quaclro, l'orgueil et
la gloire de Salvator Rosa. Au haut bout de la table placée
au centre de l'appartement, et sur un fauteuil élevé sur des
gradins, était assis le président de la Société des Irlandais-
l nis. Lui seul était couvert ; et, quoique vêtu avec une grande
simplicité, il avait l'air fort distingué et fort bien élevé. Son
sourire gracieux montrait la physionomie aimable, ouverte et
douce qui est encore la marque distinctive des descendans des
grands seigneurs anglo-normands établis en Irlande... Ce pré-
sident était l'honorable Simon Butler. A côté de lui, sur un
siège plus bas, était le secrétaire. Sa tète découverte et son
780 LIVRES FRANÇAIS.
iront chauve recevaient en plein la lumière tic la lampe. Cette
tète bien taillée était une de celles qui fixent l'imagination et qui
semblent avoir été créées pour porter témoignage de la vérité
de lascirnccphysiognomonique. Son costume étudié contrastait
singulièrement avec sa tournure athlétique et le maintien an-
tique de sa personne. Car, quoique ses cheveux non poudrés et
son cou plein de muscles , couvert à moitié seulement par une
cravate de soie négligemment nouée, offrît un peu de simpli-
cité républicaine, cependant le beau diamant qui brillait à sa
chemise et l'éclat de deux chaînes de montre à breloques, ce
qui était alors la mode la plus recherchée, montraient dans sa
toilette une aristocratie qui contrastait un peu avec les grâces
de Backlane : le secrétaire des Irlandais-Unis s'appelait Archl-
bald Harnilton Rowan. De l'autre côté du président était assis
un homme petit, bien fait, d'une physionomie animée, qui
parlait dans ce moment, avec une singulière vivacité de regards
et de gestes, à une personne dont les manières étaient extraor-
dinairement douces et même cérémonieuses. Le premier était
le gai, vaillant et patriotique fondateur de la Société, Théobald
Wolfe Tone ; l'autre, l'habile et célèbre Dr Drennan , excel-
lent médecin et écrivain plein d'élégance, qui aurait pu passer,
à sa mine, pour le grave ministre presbytérien de quelque vil-
lage écarté de l'Ecosse. Un homme de haute taille , d'une tour-
nure élégante et sentimentale, était assis près d'eux , el semblait
porter une attention particulière à ce que disait la personne
qui avait la parole, et à qui il se préparait à répondre : c'était
Thomas Addas Emmet , fils du dernier médecin de la cour d'Ir-
lande. Il était alors avocat; jeune encore , il jouissait déjà d'une
grande réputation, et il est maintenant procureur général à
New- York. Le vifetbeaudocteur Mackenna, un des écrivains les
plus populaires de son tems, et Oliver Bond , représentant de la
classe la plus honorable des négoeians, avaient groupé en avant
leurs tètes intelligentes, tandis qu'un homme dont la figure
n'offrait aucun de ces agrémens physiques qui inspirent de l'in-
térêt dans toutes les causes, James Napper Tandy , tenait à la
main un paquet de lettres qu'il avait reçues, en sa précédente
qualité de secrétaire de la Société...»
L'ouvrage est riche en tableaux et en scènes de ce genre, pleins
de vie,éclatans de coloris. La revue des volontaires dans le parc du
Phénix, le tumulte nocturne de la taverne des Lutteurs , la fête
donnée dansle palais du vice-roi, la réunion du conseil de disci-
pline de l'Universitéde Dublin, la description de la tranquille re-
traite des pères jésuites de Cong, le jour du pot qui réunit dans
le manoir antique et délabré de Bog-Moy, tous les nobles rejetons
I.ITTKIU II KL. 781
de la rtoc miiéstenno, le tableau pittoresque de la vallée de Moy-
CtllleO el du saiul nion.istci c qui s'élève sur la rive de ses eaux
paisibles | nous initient Joui a tour AUX opinions et aux habi-
tudes des divers partis (jui composaient alors la population de
L'Irlande, Quelques figures originales se devinent ftvee, avan-
tage sur le Fond bnilant d. la partie pittoresque et descriptive ;
Tcrificc ()' llricii, it)rcl Ai ranninrc , qui des humbles fonction-,
d'enfant de cincur s'élève, en embrassant la religion toutc-j > uis -
saule, à l'opulence d'un riche procureur ; puis saenlie sa for-
tune et son repos au désir de recouvrer le titre de ses ancêtres,
de racheter par une rude pénitence le crime de sa conversion ;
Shaiu\ victime des persécU ! unis de l'Anglais, reste infortuné des
Rappmreea qui désoièrenl long- teins l'Irlande, et modèle de l'a t-
tachemeul grossier mais inaltérable d'un ignorant vassal pour
le chef de sou clan; les miss M<ic-'i(iafc ., gothiques représcu-
tans de l'hospitalité irlandaise, de L'orgueil nobiliaire et des
ridicules provinciaux. Biais les caractères principaux sont loin
d'être tracés avec cette profondeur et cette fidélité qui laissent
à jamais le souvenir des personnages d'imagination dans l'es-
prit du lecteur. LïJhicn est un jeune homme aux yeux pcre,:re ,
au front noble et élevé, à la iadle élégante, plein d'enthou-
siasme pour la liberté, mais qui agit d'après l'impulsion d'opi-
nions mal arrêtées et de sentimens presques inexplicables. Il
est aimé de deux femmes, dont lune appartient à l'oligarchie
par ses alliances et par ses passions désordonnées, dont l'autre
apparaît toujours enveloppée de mystère et sous vingt dégui-
semens plus fantasques les uns que les autre». Mais le récit, quoi-
que plein d'invraisemblance, quoique souvent ralenti par f}cs
longueurs fatigantes, bien que chargé d'une abondance de cita-
tions françaises, italiennes ou irlandaises qui prouvent l'éru-
dition de l'auteur et son désir d'en faire part au public, excite,
surtout dans les trois derniers volumes, un intérêt véritable ,
qui n'a pas seulement pour objet les opinions politiques dont
Lady Morgan et son héros O'Brieu sont les éioquens inter-
prètes.
Nous ne nous arrêterons pas à signaler quelques anachro-
nismes , quelques erreurs relatives au culte catholique, que le
traducteur a eu soin de noter, avec une sorte d'aigreur, et qui
semblent l'avoir assez mal disposé , contre l'usage des traduc-
teurs, à l'égard de l'ouvrage dont il devient en quelque sorte le
second père. M. Cohen parait ne poiut partager les opinions de
lady Morgan. Dans ce cas, nous le plaignonssiucèrement d'avoir
eu à lire et à reproduire si souvent l'éloge des principes de la
resolution française, et la satire, d'ailleurs fort modérée, des
7g* LIVRES FRANÇAIS.
abus du catholicisme, abus que l'auteur retrouve en partie et
blâme également dans l'église protestante établie, l'un des
fléaux les plus intolérables de sa patrie. Peut-être cette antipa-
thie du traducteur pour les idées libérales explique-t-elle aussi
la négligence qu'il a mise quelquefois à la rédaction d'un livre
destiné à les propager, négligence qui ne nous aurait point
aussi vivement frappés, si le nom de M. Cohen, déjà connu par de
bonnes traductions, nenous avait point rendus trop difficiles, a.
309. — Histoire des quatre fils d'Aymon, par M. Brès. Paris,
1827 ; Louis Janet. In-18 de îx et 276 pag. , avec un frontispice
et 4 grav.; prix, 5 fr.
Les romans de chevalerie, qui ne nous semblent aujourd'hui
qu'un jeu de l'imagination des auteurs, ont eu pour fonds la
peinture de mœurs réelles; il n'y a guère d'autres fictions dans
la plupart d'entre eux que les enchantemens et les géans, qui
sont les accessoires obligés de ces sortes de compositions. Du
reste, comme l'a fort bien observé un critique célèbre (La
Harpe), « au tems de l'anarchie féodale, les forteresses étaient
en effet le repaire du brigandage; tout noble qui avait pu bâtir
sur un rocher, ou s'entourer de fossés, était impunément op-
presseur ou ravisseur. L'avantage de la taille, la force du corps,
l'armure de fer, les tours à créneaux ne servaient trop souvent
qu'à écraser le faible , à dépouiller le pauvre , à violer l'inno-
cence. Celui qui, ayant les mêmes moyens de puissance, ne s'en
servait que pour défendre la faiblesse et repousser l'injustice,
était un digne chevalier, et les premiers sermens étaient tou-
jours faits au sexe le plus exposé à l'insulte. » De pareils tems ,
quoi qu'aient prétendu certains apologistes, ne sont guère re-
grettables , et nous devons nous féliciter de vivre à une épo-
que où la punition des méchans et la sûreté des bons ne repo-
sent pas dans le courage et la vertu de quelques hommes, mais
sont garanties par les lois. Aussi, les romans de chevalerie sont
décrédités de nos jours; on ne les lit plus que par simple curio-
sité, et il faut autant de prudence que de talent à l'écrivain
moderne qui cherche à cueillir encore quelques palmes dans ce
champ devenu désert.
De toutes les réputations chevaleresques que nous offre l'his-
toire du moyen âge, il en est peu qui soit aussi répandue que
celle des Quatre fils d'Aymon; et toutefois, leur origine et
leurs faits d'armes sont enveloppés d'assez d'obscurité pour se
prêter favorablement à la fiction. Huon de Villeneuve s'en est
emparé, et l'on connaît de lui l'ancien roman, intitulé : His-
toire des quatre fils d'Aymon. C'est cette histoire ou ce roman
que M. Brès a entrepris de rajeunir, en le mettaut en français
littérature: 78 1
plus modartie, en faisant disparaîtra les nombreux anachro-
nisme? <|'i'v avaient successivement introduits plusieurs éditeurs
ignorans , et surtout en effaçant du rôle de Charlcmagne tous
les traits que les lecteurs éclairés devaient regarder comme au-
tant d'outrages à sa gloire. Mais l'auteur n'a pas oublié qu'il
avait à peindre les mœurs du huitième siècle de l ère chrétienne,
et il a cru devoir, pour caractériser ces mœurs, conserver des
Bedons dont l'origine peut être reportée à ces teins. C'est ainsi
que, sans donner dans son ouvrage uu rôle actif à la fée Mé-
lusine, il a cru pouvoir admettre son influence, s'appUyant sur
les récits fabuleux qui sont parvenus jusqu'à nous et dont la
tradition se conserve encore dans le Poitou. Plusieurs traits de
bravoure, plusieurs faits d'armes des quatre frères auront be-
soin de cette influence pour être expliqués; et peut-être, en
jugeant l'ouvrage avec sévérité, lui reprochera t-on de n'être
ni assez vrai, ni assez rempli de fictions. Quoi qu'il en soit,
nous pouvons dire que la lecture en est agréable et répond à la
réputation que M. Brès s'est acquise dans un genre de littéra-
ture où il recherche surtout le plaisir de ses lecteurs, sans né-
gliger leur instruction.
De charmantes gravures, dont les dessins sont dus sans
doute aux crayons de l'auteur et qui ont été reproduites par
l'habile burin de M. Roucrgue , et une impression soignée , pla-
cent d'ailleurs ce livre sur le premier rang de ceux que l'on
peut offrir en étrennes, à l'époque de l'année à laquelle nous
sommes arrivés. , E. Rkreau.
3 10. — Une nouvelle par mois y ou Lecture pour la jeunesse ,
depuis l'âge de 10 à 16 ans, par Mmela comtesse de Bradi. Pa-
ris , 1828; Fr. Louis, i vol. in-18, formant environ 600 pages ;
prix 5 fr. et 6 fr.
jVjme de Bradi est auteur de plusieurs ouvrages, parmi les-
quels on a remarqué quelques poésies, et surtout de charmantes
stances, sous le titre de la Nymphe Egérie , insérées dans le
Chansonnier des Grâces pour 1826. On peut relire dans notre
recueil (tom. xxvn, pag. 55 1 et 871 ) le compte que nous avons
rendu de Y Héritière corse , de Colonna et de ses Nouvelles. Ces
dernières, au nombre de six, ont été signalées comme « remar-
quables par une finesse d'observation , une vérité de peinture ,
un naturel et une originalité dans les caractères qu'il est rare
de voir réuuis à un style toujours facile et correct. » Ces éloges,
auxquels quelques légères critiques donnaient encore plus de
poids, étaient d'un présage heureux pour l'ouvrage que nous
annonçons aujourd'hui , et que l'auteur a entrepris à la sollici-
tation d'une mère qui soigne elle-même l'éducation de ses en-
1.1YUKS FRANÇAIS.
fans, et qui se plaignait du peu délivres amusansque l'on a faits
pour l'âgq de 10 à i 5 ans. M1111' de Kradi a pris tous les tons dans
ces douze nouvelles, qu'elle a consacrées à chacun des mois de
Tannée : nous avons surtout distingué, dans deux genres op-
posés , le Bal masque et la FciUee du jour des morts , dont l'une
\eite le sourire et l'autre fait verser de douces larmes. Dans
toutes, la morale est mise en action avec une heureuse adresse;
dans toutes, elle est présentée à la jeunesse sous, des formes
attrayantes, et toutes enfin seront de charmantes étrennes ,
quoique la première porte exclusivement ce titre. E. H.
3 ii. — Samuel ou la Pauvre famille , nouvelle; par A. J.
Sanson. Troisième édition. Paris , j 827 ; Sanson , Palais - Royal.
In -12; prix, 1 fr. 5oc.
Cet opuscule, écrit dans un but tout-à-fait moral, se dis-
tingue par une simplicité convenable au sujet. Un honnête père
de famille, dont la probité est un instant combattue par le sen-
timent impérieux du besoin, retrouve l'qscendant que conserve
toujours la vertu sur un cœur pur. 11 perd accidentellement
une somme d'argent qui lui a été confiée, son honneur vient à
être suspecté, l'auteur nous le montre livré aux angoisses du
désespoir; mais bientôt il prend le parti courageux de pour-
voir, par le travail de ses mains, aux besoins de sa nombreuse
famille, et cet incident amène le dénoûment de ce petit drame,
dont la morale , facilement saisie, est mise ainsi en action d'une
manière intéressante. ~ L. Dh.
Beaux- Arts.
3i2. — * Notice descriptive des monumens égyptiens du, Mu-
sée Charles X; par M. Chamfollion, le jeune, conservateur des
antiques du Musée royal du Louvre. Seconde division. Paris ,
1827; imprimerie de Crapelet. Se vend dans l'intérieur du
Musée.
Une collection de monumens antiques doit avoir pour pre-
mier objet d'instruire, et non de flatter les regards. Fidèle à ce
principe, M. Champollion devait sacrifier toute convenance de
goût à la nécessité d'une classification rigoureusement métho-
dique; chaque monument devait prendre sa place , d'après le
sujet qu'il représentait et d'après sa destination spéciale, sans
égard aux proportions ni à la matière. Voici les divisions qu'il
a adoptées dans cette notice :
j° Salle des dieux. — A, Images de divinités égyptiennes;
B, Emblèmes de divinités, animaux symboliques et animaux
sacrés; C, Scarabées représentant des divinités ou des em-
blèmes de divinités.
BEAI \ 1RTS. 785
%* Salle civile, D , Statuettes , figurines et amulettes re-
présentant desfwj égyptiens} K, Scarabées portant des imagci
ondes légendes de rois de > ptienne; F, Contrats origi-
naux portant desdates «lu règne de rois gréa d'Egypte ; G, Fi-
gurines, statuettes el statues représentant des membres «les
diverses castet égyptiennes} II, Ustensiles et instrumens du
culte; I , Objets d'habillement ; .1 , Ustensiles de toilette; K,
Bijoux et objets de parure ; L, Ustensiles domestiques ; M, lus-
trumens et produits des arts et métiers.
3 ° Salles fanéraines, — N , Momies humaine-,; () , Cercueils
de momies ; P, Ornemens funéraires; Q, [mages funéraires;
11, Coffrets destinés à renfermer ces images; S, Vases funé-
raires; T, Manuscrits funéraires; I , Statuettes ayant servi
d'étuis aux manuscrits funréairesj V, Tableaux funéraires;
\ , Stèles, id. ; /, Tessères grecques, id.
Ainsi, chaque division porte une lettre de l'alphabet, et
chaque lettre contient une série particulière de numéros, à par-
tir du chiffre i ; les étiquettes qui accompagnent les monu-
mens se composent dune lettre et d'un nombre; il est facile
de trouver dans la Notice la description du monument que
l'on a sous les yeux. Nous croyons inutile de nous étendre sur
le mérite de ce catalogue, qui a dû exiger beaucoup de travail
et de patience; il servira de guide à tous ceux qui visiteront
le Musée Charles X, et fera voir en même tems que si les
recherches de M. Champollion ont déjà fait faire un si grand
pas à l'archéologie égyptienne, nous avons droit de tout espé-
rer des recherches ultérieures de cet infatigable savant (voyez
ci-après, à la section des Nouvelles , page 828, Y Ouverture du
Musée des antiquités égyptiennes ). N. Lu.
3i3. — * L'Inde française , ou Collection de dessins lithogra-
phies, représentant les divinités, temples, costumes, phy-
sionomies, meubles, armes, ustensiles, etc., des peuples hin-
dous qui habitent les possessions françaises de l'Inde, et en
général la côte de Coromandel et le Malabar, publiée par
MM. Géringer, Marlet et Chabrelie; avec un texte expli-
catif, par M. Eugène Burnouf. ire, 2 e et 3e livraisons. Paris,
1827 ; les éditeurs, rue du Roule , n° i5; rue de Seine, n° 1;
et rue du Bouloi , n° 19. 3 cahiers in-folio, sur très-beau pap.
vélin. Prix de la livraison , i5 fr. pour Paris, et 18 fr. pour les
départemens.
On n'a peut-être jamais étudié avec plus de soin que de nos
jours cette terre célèbre de l'Inde qui, depuis la plus haute
antiquité, n'a cessé d'attirer les regards de l'Europe. Depuis
vingt ans surtout, une louable curiosité a dirigé les efforts
t . xxxvi. -r- Dec cm bre 1 S 2 7 . 5 0
7$6 1.1 \ H ES FRANÇAIS.
des savans vers la connaissance de ce peuple dont la religion
et les longues offrent avec celles de l'ancien continent de si
nombreux rapports. En France, sa littérature commence à être
plus connue; et bientôt, grâce au zèle des personnes qui se
livrent à ces études, nous pourrons rivaliser en ce genre avec
l'Angleterre, à laquelle sa vaste puissance dans l'Inde a donné
jusqu'ici une incontestable supériorité. Mais on manquait jus-
qu'à présent d'un ouvrage qui présentât le tableau vivant de la
civilisation de ce pays , qui en lit connaître l'état actuel et.
donnât le moyen de le comparer à celui dont on retrouve la
description dans les ouvrages indiens parvenus jusqu'à nous.
On. n'avait que les collection de Daniel et de Solvyns, dont
l'une peu étendue ne donne des détails que sur l'architecture, et
dontl'autre, quoique très-volumineuse, n'offre souvent que la re-
pétition des mêmes sujets, et par là même est très-incomplète.
M. Géringer, qu'un long séjour à la côte de Cororpandel et
au Malabar à mis à même d'observer les Hindous, s'est oc-"
cupé. de rassembler des dessins reproduisant leurs coutumes,
leurs mœurs, leurs cérémonies, en assez grand nombre pour
présenter l'ensemble de leur civilisation. La collection, bornée à
ce qu'il y a de plus caractéristique, et cependant encore assez
étendue, puisqu'elle se composera de il\ livraisons, a été con-
fiée au crayon d'habiles artistes, et elle paraît aujourd'hui,
accompagnée de tout le luxe typographique qui est devenu un
besoin de nos jours, et qui ajoute un nouveau prix aux ou-
vrages de cette importance. Cette collection, la première qui
soit exécutée en France par des Français , et d'après des maté-
riaux entièrement originaux, nous paraît l'emporter de beau-
coup sur les Hindous de Solvyns, tant par la perfection avec
laquelle les sujets sont lithographies et coloriés, que par l'in-
térêt et la nouveauté des notices rédigées par M. Eugène Beu- '
nouf. Elles se distinguent par une élégance soutenue, et par le
soin très-visible qu'a pris l'auteur de n'y faire entrer que les
notions absolument nécessaires à l'intelligence de la planche.
Les trois livraisons qui ont paru font connaître les mœurs
des brahm^s , et donnent la représentation des trois personnes
de la trinité indienne, telles que les adorent les Hindous. On
y remarque aussi trois portraits hindous faits d'après nature,
l'un du chef des brahmes de Pondichéry , l'autre de sa femme,
et le troisième de l'intendant de la police de cette ville ; selon
nous, ces portraits ,. qui seront au nombre de vingt-quatre,
sont une des parties les plus importantes de cette belle col-
lection, û-
3 1 4. — * La Chine : mœurs , costumes , mis et métiers , peines
BEAI \ -AllTS.— IMÏ.M ET RÀPP. 7K7
• n'i/ea r/ militait es, cén montes religieuses, tnnnuMens et paysages;
lithographies coloriées, d'après l<-s dessins de MM. Aubry /,
Comte y /■crcna, Grévedon t Régnier. Schaal , Sehtnit , Thênot,
t /(/(//, < /, . ; a\ec une introduction el des notices; par M. /A />'.
de J\lAi.ni.ui:. i :, livraison, l'aiis, i8'J7; l'éditeur, rue Saint-
Dénis, u" 18S. l'iriniii Didot, PonthieU, etc. I n cahier grand
in-.'i"; prix de chaque livraison , i 5 IV. ; pour tel louaci ipteur* ,
\ > lr. [ t Oy. lia-. Enc.y I. \\\v, p. /17/J
Cette quatorzième livraison complète le ïm Volume de In
collection. Une entreprise aussi longue et aussi dispendieuse
est ainsi parvenue au tiers de sa mai (lu. Le /«Me des éditeurs,
loin de se ralentir, a paru prendre a chaque publication ait?»
forces nouvelles. La livraison que nous aVOnS sous les veu\
contient une planche de plus que les autres; et Cette plan
elic, représentant un enterrement chinois, doit servir à rem-
placer le dessin semblable, déjà donné dans la septième livrai-
son, mais dont l'exécution laissait quelque chose à désirer. I, a
publication de la deuxième série, annoncée en même tems que
la première livraison (\n second volume, qui paraîtra dans !e
courant de ce mois, est une nouvelle preuve (\u succès qu'Ob-
tiennent les travaux de M. Malpière. On doit au>si des éldgë9
aux artistes distingués qu'il s'est associés, peur les soins qu'ils
apportent à l'exécution de dessins, souvent d'une grande oii-
ginalité, mais qui exig< ut des rectifications difficiles et sévères.
Z.
Mémoires et Rapports de Sociétés savantes.
3i5. — * Bulletin delà Société d'encouragement pour V indus-
trie nationale. Paris, 1827; Mm0 ITuzard , rue de l'Eperon, tt° 7.
Recueil mensuel dont les cahiers in-4° sont presque tous ac-
compagnés de planches ou de figures.
aucune publication n'a été plus profitable à l'industrie que
pelle de ce Bulletin, où les connaissances sont présentées, telles
qu'il les faut pour l'application. Il est actuellement à sa 26''
année, et forme une collection précieuse dont toute biblio-
thèque industrielle devrait être pourvue. Nous avons déjà eu
pins d'une occasion de parler des services que la Société d:en-
i "uragement pour l'industrie nationale a rendus à nos arts, de
ia salutaire influence qu'elle exerce , de la direction quelle
Imprimé aux recherches, de l'activité qu'elle entretient dans
les esprits capables d'inventer et de perfectionner; mais, parmi
les moyens d'action dont elle fait un si heureux usage, son
iniHctin est un des plus efficaces. Dans les cahiers de c. il •
Sa.
-SS LIVRES FRANÇAIS.
année, nous devons citer la description des moulins à blé cons-
truits (Taures le système anglais, et employés dans l'établissement
de mouture de M. Benoist, à Saint- Denis, près Paris. Trois
planches annexées à cette description, et construites avec
soin sur une assez grande échelle, donnent une idée très-juste
du mécanisme de ces moulins, et suffisent pour que les artistes
puissent les faire exécuter.
Les arts et métiers ne sont pas les seuls objets dont la So-
ciété s'occupe; l'agriculture, que l'on continue à mettre à
part, attire aussi l'attention qu'elle mérite à tant de titres.
Dans le même cahier, où l'on trouve le mémoire sur les mou-
lins de M. Benoist, on a inséré les tableaux de M. Martinee ,
où les propriétés des diverses variétés de pommes de terre sout
mises sous les yeux des cultivateurs et distribuées dans l'ordre
le plus propre à déterminer le choix, soit pour l'abondance
et les bonnes qualités du produit, soit pour préparer les terres
destinées à produire des céréales. Les observations de M. Mar-
tinel ont été faites sur cent variétés de pommes de terre, aux
environs de Lyon, dans un sol très-léger. Les réflexions par
lesquelles il termine ce Mémoire sont de la plus haute impor-
tance. Il a constaté, ainsi que plusieurs autres agronomes.,
que les variétés de pommes de terre ne sont point constantes,
et ont besoin d'être fréquemment renouvelées; que les don-
nées recueillies en ce moment seront fautives après quelques
années, et que, par conséquent, aucune culture n'a plus besoin
d'être observée assidûment, afin de connaître ses variations et
de s'y conformer.
La Société d'encouragement est peut-être le meilleur modèle
des réunions d'hommes formées pour un but d'utilité nationale,
et nous ne craignons pas de dire que son Bulletin est le meil-
leur écrit périodique que l'on ait publié sur les arts. F.
3 1 6. — * Séance publique de la Société académique d'Aix, tenue
le 1 4 juillet 1827. Aix, 1827; imprimerie de Pontier fils aîné.
In-8° de 43 pages.
La Société académique d'Aix a tenu, le 14 juillet 1827, sa
dix-huitième séance annuelle, et le compte que M. de Mont-
meyas , son secrétaire perpétuel adjoint, a rendu de ses tra-
vaux, annonce que cette Société marche d'un pas ferme à son
but » qu'elle honore l'industrie, et qu'elle accueille tous les peiv
fectionnemens qu'amènent dans notre belle patrie les lumières
et les progiès de l'instruction publique. M. de Castellet a
présenté des leçons de statique qui peuvent servir d'introduc-
tion à un cours de physique. M. l'abbé Davin a communiqué
ses recherches sur les eaux thermales de la ville d'Aix. M. Icard
MÉMOIRES ET RAPPORTS.-— 0UVR. PÊR. :*<j
fait connaître les résultats de l'analyse chimique d'un calcul
nrinaire, résultats qui auraient, suivant lui, l'avantage do
fournir aux médecins des moyens cnratifs, indiqués par cette
analyse. M. l'abbé Castbllak el M. Poste se sonl occupés de
l'histoire des monumens de la Provence, et M. Rouchow < •<> n i —
pose un résumé de l'histoire <lr cette province* IM. d'Asteos a
unité en vers pro.i ençaux les fables de La Fontaine» M. le secré-
taire adjoint n'avait point voulu parler de lui-même; mais ses
collègues ont exigé <|u il rendit compte de deux lettres destinée
à combat ire une des idées fondamentales sur lesquelles reposent
fessai sur V indifférence en matière de religion ^ par RI. de La
M en nais, et la doctrine du même écrivain sur le pouvoir poli-
tique et religieux, doctrine dont les inconvéniens et les dangers
ont paru à la Société mériter qu'on les signalât.
l.a séance avait été ouverte par un discours de M. d'Arlatan
m LauRIS, président; discours bien écrit et sagement pensé, où
l'auteur a développé avec talent le principe que l'édifice social
s'appuie aujourd'hui sur le concours simultané des lumières et
l'industrie, et que la puissance des états se mesure sur la civili-
sation des peuples. R.
Ouvrages périodiques.
317. — * Journal de pharmacie et des sciences accessoires ,
rédigé par MM. Bouillon - Lagrange , J.-J. Virey, Planche,
Bouloy , Pelletier et Autres pharmaciens et chimistes ; et Bulletin
des travaux de la Société de pharmacie de Paris, rédigé par
M. Henry et par une commission spéciale. i3e année. Paris ,
1827; Louis Colas fils, rueDauphine, n° 32. Prix de l'abonne-
ment , i5 fr. par an.
Le dernier cahier de ce Recueil ( novembre ) est remarquable
par une analyse de l'eau minérale de Bourbonne, et par des
recherches sur les charançons du blé, qui prouvent que ces
insectes ne renferment aucun principe vésicant, et qui donnent
à penser qu'il serait possible de les détruire parla vapeur de
l'ammoniaque, en disposant, au milieu des tas de blé, des pots
de grès contenant un mélange de sel ammoniac et de chaux, et
recouverts d'un parchemin criblé de trous. Plusieurs analyses,
telles que celles de l'épidermc du bouleau, avec des réflexions
sur l'usage qu'on en pourrait faire dans les arts, de la tige du
pêcher, à\\ calcul biliaire, des thés les plus célèbres de la
Chine, sont suivies d'un extrait du procès-verbal de la dernière
séance de l'Académie royale de médecine, de quelques annonces
bibliographiques et du bulletin des travaux de la Société de
-<)o LIVRES FRANÇAIS. — LIV. EN LANG. ÉTK.
j)lun ■ ;uacie de Paris'. Ce recueil convient spécialement aux phar-
maciens des villes éloignées delà capitale, et aux chimistes qui,
appliquant la science au soulagement de l'humanité , éprou-
vent le besoin d'être constamment au niveau des découvertes
modernes. Les noms des sa vans collaborateurs de ce journal
sont les garans de la confiance qu'il doit inspirer. R.
Livres en langues étrangères , imprimes en France.
3i8. — * Historia de la revolucion de la republic.a de Colonr-
hia , etc. — Histoire de la révolution de la république de Co-
lombie, par José - Manuel Restrepo , ministre de l'intérieur.
Paris , 1827; librairie américaine, rue du Temple, n° 6\).
10 vol. in - 12, faisant en tout environ 2000 pages, avec un
Atlas, contenantla carte séparée de chaque département, et une
Carte générale de la Colombie.
M, Restrepo a divisé son ouvrage en trois grandes parties.
La première, qui vient de paraître, renferme l'histoire de la
Nouvelle- Grenade jusqu'en 1819. La seconde présentera l'his-
toire de Venezuela jusqu'en 1822 ; et la troisième, celle de ces
deux Etats réunis sous le nom de Colombie, jusqu'au moment
où cette république sera reconnue par l'Espagne. Cette pre-
mière partie que l'auteur publie aujourd'hui, fait augurer fa-
vorablement des deux qui doivent suivre. Elle est précédée
d'une Introduction contenant une esquisse rapide du climat, des
productions et de l'aspect de la Colombie; des mœurs et des
usages de ses habitans, avant la révolution; enfin, du système
d'après lequel elle était gouvernée , système si défectueux ,
qu'un simple exposé suffit pour faire juger de ses pernicieux
effets sur les contrées où il a trop long-tems régné. Ace ta-
bleau l'auteur oppose celui du môme pays sous le régime actuel .
Au lieu d'un despotisme cruel et avilissant, nous trouvons une
constitution qui reconnaît les droits de l'homme et qui eu con-
sacre et en garantit la jouissance; au lieu d'un troupeau d'es-
claves abrutis, prosternés devant l'inquisition et le système
colonial , nous voyons une nation indépendante agissant et se
gouvernant par elle-même. La nouvelle république n'a pas en-
core atteint, sans doute, le degré de prospérité que l'on pour-
rait souhaiter: la liberté n'a pu s'établir encore dans toute sa
force et dans tout son éclat au milieu de cette nation courbée
sous trois siècles de superstition et d'esclavage, et il a fallu lais-
ser subsister quelques abus auprès du monument qu'on lui a
élevé ; mais tout fait espérer qu'on pourra réformer peu à peu
wsabus, que les lumières pénétreront chaque jour davantage
IMPUIMKS KN FRANCE. :ui
dans les ddï'éi entes classes (lu peuple, et que les Colombiens
< I leurs frères (les BUtrea États de | Amérique du sud marehe-
ront à grands pas dans la carrière d uidependanee, rie Légista-
lion et d'administration perfectionnées et de civilisation qti*iîè
M sont OU Verte, ;i|>r .'• ; lant d'efforts héroïques. Cette belle in-
troduction el des docUflRCM statistiques 1res - curieux sur la
Colombie , considérée soit avant la révolution, soit dans son
état actuel, rempli seul tout le premier volume. Sur les neuf
autres, M. ftestrepn en a consacré six à la relation des événe-
iiicns qui OCttCOBdoit ses compatriotes (le l'esclavage a la liberté.
Nous y Voyons L'agitation Secrète qui commençait à se répandre
parmi eux, vers la lin i\\\ \vin': siècle; leur première révolte,
en 1781 , habilement calmée par l'archevêque de Ciongora ; le
soin avec lequel l'Espagne les préserva de la contagion des
principes républicains, lorsqu'ils prévalurent momentanément
en Franco. Bientôt, l'ambition d'un homme accomplit ce que la
révolution française elle-même n'avait pu faire; elle brise les
chaînes de PAmérique , en travaillant à l'asservissement de
l'Europe. Les habitons de la Nouvelle-Grenade, étonnés de leur
indépendance inattendue, préoccupés par de vaines théories,
égarés par des rivalités fatales , tournent d'abord contre eux-
mêmes les armes qui n'auraient dû être trempées que dans le
sang de leurs ennemis ; et ce tems précieux que la position cri-
tique de l'Espagne leur permettait d'employer utilement pour
leur liberté et pour leur nouvelle organisation sociale, est en-
tièrement perdu dans des guerres civiles entre la province de
Cundimarca et les autres provinces de la Nouvelle - Grenade ,
représentées l'une parle président Narino, les autres parle
congrès des provinces unies. À peine Cundimarca est-eile sou-
mise, Carthagcne se révolte à son tour contre le gouvernement,
et refuse de fournir a Bolivar les secours qu'il réclamait pour
défendre la patrie. Cependant, les événemens avaient marché
en Europe. Déjà Ferdinand VII était remonté sur son trône,
et Morillo arrivait en Amérique. Il obtint de faciles victoires
sur des peuples divisés en partis armés les uns contre les au-
tres, et il put , sans beaucoup d'efforts, leur imposer un nou-
veau joug ensanglanté chaque jour par de cruelles exécutions.
L'auteur s'arrête ici, en nous montrant de loin Bolivar s'ap-
prètant à opérer la délivrance de ce pays, pour lequel il avait
déjà combattu avec tant de constance et de dévoûment. Les
trois derniers volumes renferment des pièces historiques et jus-
tificatives, rassemblées sous le litre de Documcns. On y trouve
X Acte de fédération des provinces unies de la Nouvelle- Grenade ;
l'Acte d'union delà Nouvelle- Grenade et de Venezuela ; diverses
:[)i LIVRES EN LANGUES ÉTRANGÈRES.
proclamations dos généraux espagnols, et un grand nombre
d'antres pièces, également authentiques et intéressantes. Le
style de cet ouvrage ne nous a point paru au-dessous d'un des
plus beaux sujets que les révolutions po'itiques aient jamais
offerts à un historien; et c'est assez faire l'éloge de M. Reslrepo
que de dire qu'il a peint dignement ces premières époques de
l'affranchissement d'une grande nation , travaillée , il est vrai,
par des discordes intestines , mais où l'on voit cependant bril-
ler une ardeur généreuse, un enthousiasme patriotique, une
passion pour l'indépendance , présages glorieux et certains de
la réaction, favorable à la liberté, qui suivit de près le triom-
phe momentané des suppôts de la tyrannie. L. L. O.
N. B. Nous annonçons avec plaisir que l'un de nos collabo-
rateurs a commencé une traduction française de l'important
ouvrage dont nous venons d'exposer le plan ; cette traduction
sera publiée dans le second trimestre de l'année 1828, et nous
mettrons à la disposition de l'auteur tous les documens que
nous avons reçus depuis peu et ceux qui nous parviendront
encore, pour l'aider à compléter cette histoire et pour la con-
duire, par une relation supplémentaire abrégée , jusqu'au mo-
ment actuel où les destins de la Colombie vont sans doute être
fixés et sa liberté intérieure fortement garantie par le concours
du congrès national qui va être convoqué, et du général libé-
rateur Bolivar , qui sera fidèle à sa gloire et aux engagemens
solennels qu'il a contractés à la face du monde civilisé.
N. d. R.
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES
ET LIT IKK AIRES.
AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
État s-TJwis. — Vehmowt. — Mécanique. — Invention nou-
velle, — i\I. /. M. Coopf.r, de Gintdhall, vient d'inventer une
mécanique d'une force extraordinaire, et dont il a présenté le
modèle : c'est un cylindre de huit pouces de longueur sur huit
de diamètre, avec une manivelle dont les deux extrémités sont
attachées à un pivot. La force de quatre hommes est suffisante
pour lui faire jeter continuellement une colonne d'eau de trois
quarts de pouce d'épaisseur à 120 pieds de distance en ligne
horizontale, et à plus de 90 pieds en ligne perpendiculaire.
On dit que cette mécanique est construite sur un principe tout
nouveau. L'inventeur lui a donné le nom de piston à rotation;
mais elle n'a en réalité ni piston, ni valve ; elle a plutôt l'appa-
rence d'une roue qui forme un vide d'un côté, et produit une
forte compression de l'autre. Le volume d'eau qu'elle enlève
dans une seule révolution surpasse, à ce qu'on assure, celui de
toute la machine. On croit qu'elle va remplacer les pompe* or-
dinaires, aussi bien que les pompes à feu. On a déjà établi,
pour sa construction , une fabrique sur une échelle assez éten-
due, et des agens ont été envoyés en Europe pour préparer
son introduction en Angleterre et en France. Z.
— Philadelphie. — Atlas maritime d'Amérique. — M. Cortès,
ancien capitaine de vaisseau au service d'Espagne, fut chargé
par cette puissance de faire le relevé de toutes les côtes des
anciennes possessions et des îles espagnoles dans l'Amérique
et dans les Antilles. Cette opération a été faite avec tout le soin
et toute l'exactitude qu'on pouvait attendre de l'habileté du
capitaine Cortès, un des meilleurs officiers de la marine espa-
gnole. Aujourd'hui , cet important travail se publie sous la di-
rection même de M. Cortès , devenu contre-amiral du Mexique.
La gravure n'ayant pu en être faite au Mexique, le contre-
amiral a été envoyé à Philadelphie, en 1824, pour en diriger
lui-même la publication. Déjà la première partie de cet ouvrage,
794 AMKHIQli: SEPTENTR.— AMER. MÉRID.
1res important pour la marine et pour la géographie, a vu ic
jour. Bile se compose de 42 planches, format petit in-folio.
G. B. du B.
— A.lbany. — L1 Institut, créé en mai 182/,, sous la présidence
iln savant et philantrope Stcphen Van Rknsselaer , n'a point
tardé à prendre, par ses travaux , un rang distingué parmi les
académies du Nouveau-Monde. Il est divisé en trois classes : la
première embrasse les sciences mathématiques et physiques et
les arts; la seconde est consacrée aux sciences naturelles; et la
troisième à l'histoire et à la littérature en général.. D'après les
derniers rapports, le musée et la bibliothèque de cet Institut
ont (ait en peu de teins de grandes acquisitions. I! vient de
nommer parmi ses associés un de no collaborateurs, M. le
chevalier de Kirckhoff, membre de la plupart des Académies
et Sociétés savantes de l'Europe et de l'Amérique , et dont les
ouvrages , ainsi qu'où le voit dans les journaux américains, ne
sont pas moins bien traités aux États Unis que dans sa patrie.
G-— N.
— Boston. — Instruction publique. — Extrait d'une lettre datée
de Boston (3i octobre 1827 ). — Monsieur, je relis dans la Revue
Encyclopédique (cahier de février 1826, t. xxix,p. 566-569) quel-
ques notes sur l'état de l'instruction publique dans cette ville, que
j'avais écrites de mémoire , pendant mon séjour à Paris : j'y re-
marque aujourd'hui des erreurs que je m'empresse de vous signa-
ler. Ainsi, le nombre des écoles dites de grammaire n'est point
de sept, maisder//jc, dont l'une est exclusivement destinée aux
enfans noirs; et dans ces écoles, on enseigne, avec la lecture,
l'écriture et le calcul dont je parlais dans mes notes , la gram-
maire et la géographie. Outre la haute École anglaise ( English
high School) qui est ouverte aux garçons, il en existe une pour
les jeunes filles, établie d'après le système d'enseignement
mutuel (monitorial System). Les écoles destinées aux enfans de
quatre à sept ans sont au nombre de soixante, et le nombre
d écoliers, dont l'instruction est ainsi pavée par les deniers
publics, ex;ède 7,000. Boston compte une population de
liO à 5o,ooo âmes tout au plus. Il y a encore dans cette ville
environ i5o écoles ou pensions particulières, qui contiennent
ensemble, selon l'estimation la phib générale, 3,5oo jeunes gens ,
pour lesquels la dépense s'élève annuellement à 100,000 dollars
( 55o,ooo fr.). John G. Pat,frey.
AMÉRIQUE MÉRIDIONALE.
Bijknos-Ayres. — Instruction publique. — Ecole normale.—
WÉRIQUE MÉRipiONALE.
Etudes primaires. — Etudes préparatoires. — Université ; I >
partemens divers dont elle se compose* ■-— Ecoles de filles. — Biblio-
thèque nationale. - Les renseigneraens sur l'état de l'instruction
publique dan a ce pays, que noua .nous offerts à nos Lecteurs
\ aj.Rev. l'./ic, t. \\w, p. 5 > 3 £67)1 sciaient incomplets, et inex -
acts, si nous n'v ajoutions les détails suivans. Il existe, à Buenos
\vres, mu' Ecole normale aT enseignement mutuel t et quarante
.pitres écoles, établies dans la ville ei dans les rampagnes voi-
sines, placées sous la direction et la surveillance de l'université
et composant le département des études primaires : les études
préparatoires , qui forment un département séparé, comprennent
deux classes de latin et de grec; i\r\\\ autres classes, l'une de
français, l'autre d'anglais; un cours de dessin; âc\ix cours d'i-
déologie, un de mathématiques, un de chimie et un de phy-
sique expérimentale. Le département de la médecine est com-
posé d'une chaire d'anatomie et de physiologie, à laquelle on
a provisoirement attaché un professeur d'accouchemens ; d'une
de clinique chirurgicale; d'une de matière médicale et de phar-
macie, et d'une de clinique médicale. Le département des sciences
exactes se compose d'une chaire de sciences physiques et ma-
thématiques. Le département de jurisprudence } des chaires de
droit civil , de droit naturel et des gens, de droit public ecclé-
siastique, d'économie politique. Le département des sciences
sacrées est momentanément suspendu , faute d'élèves. lies deux
collèges de l'université sont fréquentés aujourd'hui par 36 jeu
nés gens des provinces de l'intérieur. Les cours de sciences
phvsiques et de médecine sont pourvus abondamment de tout
ce qui peut servir aux études. La Bibliothèque publique est la
plus riche, la meilleure et la plus ancienne des nouveaux États
américains. L'université prend chaque jour plus d'importance
sous la direction de D. Valentin Gomcz , ecclésiastique non
moins recommandable par son caractère que par son instruc-
tion. Buenos-Ayres possède déjà d'habiles professeurs de mé-
decine, qui se sont formés dans les écoles de leur patrie. Il ne
faut pas omettre de mentionner les services rendus par Y aca-
démie de jurisprudence , théorique et pratique , fondée en 182 5,
et qui a déjà produit des magistrats et des administrateurs dis-
tingué?. Ses succès sont dus en grande partie au zèle de son
fondateur D. Manuel Antonio cfe Castro, président actuel du
tribunal suprême de justice.
Les écoles des jeunes filles , placées sous la direction de la
Société de bienfaisance , et conduites , comme toutes les autres
écoles élémentaires, d'après la méthode d'enseignement mutuel,
renferment 5oo élèves dans la ville de Buenos Avres, et 3oo
-c)ii AMERIQUE MERIDIONALE.— AFRIQUE.
dans les campagnes environnantes. On y enseigne tout ee qui
constitue l'instruction la pins utile pour les femmes.
Dans les provinces de l'intérieur, suivant le rapport fait par
AI. /ornes Thomson à la Société des écoles britanniques et étran-
gères , à Londres , l'état de L'enseignement est très-arriéré, ex-
cepté dans les provinces de Mendoza , et de San Juan, grâces
au gouverneur de la première et à D. Salvador Carril qui,
avant d'être nommé au ministère des finances delà république,
avait administré la seconde avec une rare habileté, et qui a la
gloire d'avoir fait adopter pour cette province de San Juan la
tolérance religieuse, le ô juin 1825, avant tous les autres Etats
américains. Buenos-Ayres même ne prit une mesure semblable
que quelque tems après, en proclamant l'inviolabilité du droit
qu'a chaque individu, d' adorer la Divinité, selon les formes du
culte, qu' il professe.
« Je dois déclarer, dit M. James Thompson, dans son rap-
port ( fait à Londres le 25 mai 1826 ) , que c'est à D. Bernardin
Rivadavia que l'on doit l'état avancé de l'instruction élémen-
taire à Buenos - Ayres. C'est par ses leçons et ses exemples de
sagesse politique, par sa constance à répandre les connaissances
ntiles et, l'instruction populaire , qu'il a contribué puissamment
à élever sa patrie au premier rang parmi les États américains.
Son nom sera toujours associé à l'époque la plus glorieuse de
la révolution argentine, et on le regardera toujours comme le
premier de ses bienfaiteurs. » V.
AFRIQUE.
Egypte. — Alexandrie. — Publication prochaine d'un Jour-
nal français. — On vient de publier ici le prospectus d'un
journal qui aura pour titre VÈcho des Pyramides. L'éditeur
et principal rédacteur, M. Bousquet-Deschamps , se propose
d'y servir avec ardeur la cause de la civilisation dans un
pays où elle s'introduit peu à peu sous les auspices même
d'un prince élevé dans les habitudes du despotisme , mais ca-
pable de comprendre les besoins nouveaux du pays qu'il gou-
verne. Quelques passages de ce prospectus feront connaître
l'esprit qui paraît devoir présider à la rédaction de l'Echo des
Pyramides. En citant ces passages, nous sommes loin de nous
associer aux éloges obligés que l'auteur prodigue au pacha dont
la condescendance politique pour le sultan l'a rendu complice
du vaste plan d'extermination formé et en partie exécuté
contre la nation grecque.
« Une ère nouvelle a commencé pour l'Egypte; un chef ha-
Al RIQ1 l. 79g
bile, doué (l'une .une forte, dégagé de préjugés, imbu d'idées
grandes, consacre s.» vie à la régénération de ces contrées. Se
coodé par quelques hommes «!<• mérite, il avance sans relâche
vers le 1 > ■ 1 1 qu'il s'est proposé , «1 recueille déjà le fruit de ses
efforts. La civilisation étend ses conquêtes parmi ses peuple! .
et plusieurs des arts utiles qui (bnl la gloire de l'Europe sonl
Cultivés avec SUCCès sur les bords du "Nil.
0 l'ne armée instruite et disciplinée, nue marine nombreuse
formée comme par enchantement , un commerce étendu, l'in-
troduction de cultures savantes, l'industrie et les arts encou-
ragés , font présager de hautes destinées à cette intéressante
nation. T,a philosophie et l'humanité doivent applaudir à ce
triomphe de la raison sur l'ignorance, de la vérité sur l'erreur,
et les gens éclairés de tous les pays, quelles que soient d'ail-
leurs leurs opinions, encourageront par leurs vœux et par
leurs suffrages, quelques-uns même par une coopéra tion, di-
recte et active, l'achèvement de celte honorable entreprise.
« Nous avons pensé que, dans de semblables circonstance-.,
UU journal, en rendant plus faciles et plus intimes les commu-
nications de l'Egypte avec les peuples polices, pouvait accélérer
l'impulsion donnée à cette contrée. C'est principalement dans
ce but que nous publions l'Lcho des Pyramides , journal con-
sacré aux progrès de l'instruction, au développement de l'in-
dustrie, a l'examen des découvertes utiles, et à l'accroisse-
ment du commerce.
« Destiné à seconder l'élan donné à une population entière,
ce journal respectera toutes les opinions; il ne combattra que
l'ignorance et les préjugés qu'elle traîne après elle. Notre pro-
jet n'étant point d'établir une polémique inutile et de sortir des
bornes d'une sage modération, nous répondrons aux raison-
nemens erronés par des faits, aux mensonges par la vérité, aux
injures par le silence. »
Telles sont les intentions exprimées par l'éditeur de ce nou-
veau journal ; il semble qu'elles n'auraient dû trouver que des
approbateurs, et pourtant il n'en a pas été ainsi; on oppose
à son entreprise des obstacles qu'il n'a pas encore pu vaincre
entièrement. Il avait été question, il y a quelques mois, d'une
subvention de 3, 000 talaris qui devait lui être fournie par le
vice-roi; les correspondances d'Alexandrie avaient même an-
noncé que cette subvention avait été payée; nous apprenons
aujourd'hui qu'il n'en est rien, que l'éditeur n'a sollicité aucun
secours de ce genre, qu'il demande seulement l'autorisation de
paraître. Espérons qu'il obtiendra bientôt cette légère faveur,
7$8 AIRIQIE. — EUROPE.
et que le génie de l'obscurantisme ne l'emportera pas datas
celte circonstance sur celui de la civilisation. [ Extrait du
Spectateur orientai , journal commercial, politique et littéraire,
imprime à Smyrne,n° du '29 septembre 1827.)
EUROPE.
ILES BRITANNIQUES.
Liverpool. — Passage souterrain creusé dans cette ville. —
Dans un article inséré dans la 90e livraison delà Revue Encyclo-
pédique (juin 1826, t. xxx, p. 841), nous avons donné un
aperçu des avantages que les actionnaires et le commerce de-
vaient retirer du chemin de 1er que l'on établit entre Liverpool
et Manchester. La création de cette route d'un nouveau genre
venait à peine d'être autorisée, lorsque nous en avons entretenu
le public ; aujourd'hui que ses travaux offrent déjà une foule de
détails dignes d'attention, nous allons signaler ce qui nous
frappe le plus dans cette construction grandiose.
Afin de niveler l'étendue que doit traverser le chemin de fer,
on a coupé plusieurs collines et. rempli, sur d'autres points ,
les profondeurs du terrain ; le plus considérable des terrasse-
mens a été élevé près de Chat-Moss, à une hauteur de 10 pieds,
sur une ligne de près d'un mille. Biais de toutes les difficultés ,
celle d'obvier au passage du chemin par la ville même de Liver-
pool était certainement la plus grande. Afin de vaincre cet ob-
stacle, on a percé un passage souterrain, en ligne directe, sous
toute la longueur de la ville , d'orient en occident ; son entrée
se trouve près du port , à la jonction des bassins du roi et de la
reine, et sa sortie près du village à'Edge-Hill , situe sur une pe-
tite éminence, d'où, parune petite graduelle de trois quarts de
pouce par verge, le chemin gagnera le niveau de la mer.
En parlant du lit de la rivière de Mersey, nous avons eu déjà
l'occasion de citer un roc immense qui règne sur ce point de
l'Angletene. Cette masse solide s'est rencontrée sur presque
toute la ligne du passage souterrain que l'on a taillé en demi-
cercle , dans une largeur de '21 pieds et une hauteur de 16 sur
une longueur de 2,2uo verges. En plusieurs endroits, le grain
du roc s'est, trouvé trop tendre pour former la voûte saas ma-
çonnerie , et quelquefois aussi des couches sablonneuses de
nature rougeâtre ont exigé des soutènemens en briques.
Les travaux sont poussés nuit et jour avec une extrême ac-
tivité, et à mesure que la voûte s'achève, on construit le che-
min de fer. On calcule que les mineurs, partis des deux extré-
mités opposées, se rencontreront à peu près dans trois mois;
ILES BRITANNIQUES. 79g
ils ont déjà pénétré , dans un espace de plus de 600 verges de
longueur, 1800 pieds anglais ( 1 ).
La quantité immense de déblais, sortis de cette excavation,
reçoit une destination appliquée an x h a\ an\ extérieurs du ohe
min de fer,
La pierre solide , coupée en grands carrés, forme l'assiette
OQ sont livres les côtes en fer sur lesquelles poseront les roues;
les portions moins dures , on trop petites, ser\ eut à !a construc-
tion d'un mur qui borde le chemin des (\<i\x côtés ; les éclats et
le saMe sont employés à consolider les trois espaces compris
entre les quatre lignes de fer, qui représentent da\x voies pa-
rallèles avec de beaux trottoirs à droite et à gauche. Celte pieri e
servira également à la construction des maisons que l'administra-
tion placera de distance en distance pour le service de la route.
On estime que l'achèvement complet de cette belle entreprise
ne demandera pas plus de sept mois, à compter de novembre der-
nier. Dès que la première voiture aura parcouru la longueur
de cette route extraordinaire , noua nous empresserons de faire
part aux lecteurs de la Revue des résultats de cette belle cons-
truction. U. Alrert.
Suite delà 1Vevue sommaire des Sociétés savantes, litté-
raires et des beaux-arts dans la Grande-Bretagne. ( Voy.
t. xxxin, p. -280-284 , 606-607, 846-848; t.xxxiv, p. 249;
et t. xxxv, p. 488 489 et 773-776.)
Beaux-arts.
Jca demie royale de peinture. — Cette Société fut instituée
le ier décembre 1768 , sous la protection particulière de
S. M. George III; sir Joshua Reynolds , qui reçut l'ordre de la
chevalerie à cette occasion, en fut nommé président. L'Aca-
démie royale a été fondée dans l'intention de donner des en -
couragemens aux études du dessin , de la peinture et de la
sculpture. Elle est composée de quarante membres , élus
parmi les artistes les plus distingués de <:es trois branches, et
dont neuf sont choisis chaque année pour diriger les études
des nombreux élèves qui suivent les leçons des cinq profes-
seurs de peinture, d'architecture, d'anatomie , de perspective
et de sculpture attachés à l'Académie. La Société est admi-
nistrée par un conseil, dont sir Thomas Lawrence , peintre,
est aujourd'hui le président.
(1) Ces travaux souterrains sont placés sous la direction de M. Ste-
phknson, ingénieur civil d'un mérite distingué.
Soo EUROPE.
— Société des artistes anglais. — Cette Société formée le 21
mai i8'2'3 s'est élevée en opposition à l'Académie royale. Elle
est composée de soixante membres; savoir : trente-cinq pein-
tres , six sculpteurs , sept architectes et douze graveurs. Chaque
membre pave dix livres sterling pour droit d'admission. Cette
Société n'a point de cours publics comme l'Académie royale ;
mais elle a , comme elle , des salles d'exposition , ouvertes
ehaque année pendant les quatre mois; d'avril, mai, juin et
juillet, et où les artistes anglais et étrangers envoient leurs
tableaux pour y être vendus au public. La Société est admi-
nistrée par un comité choisi parmi ses membres.
— Société des dessins à l'aquarelle. — Les salles de l'Aca-
démie royale destinées à recevoir les dessins à l'aquarelle
n'étant pas assez grandes , les peintres de ce genre fondèrent
en 1804, the IVater-colour-drawings Society, et chaque année
font une exposition de leurs ouvrages , que le public peut se
procurer de la même manière que les tableaux de la Société
des artistes anglais , avec laquelle celle-ci a d'ailleurs beau-
coup de ressemblance , soit sous le rapport de son adminis-
tration, soit, sous le rapport de l'admission de ses membres.
— Académie royale de musique. ■ — Le but principal de cet (
établissement est d'encourager l'étude de la musique parmi
les habitans de la Grande-Bretagne , et de former des élèves
dans l'art musical. La Société a des professeurs habiles qui
donnent des leçons gratuites. L'École est soutenue par des
dons volontaires et par des souscriptions annuelles. Un co-
mité composé de vingt-einq directeurs est chargé de l'admi-
nistration et de l'emploi des fonds.
— Institution harmonique. — Cette Société diffère peu de la
précédente , si ce n'est qu'elle a moins pour but de former des '
élèves que de donner des encouragemens aux compositeurs.
Elle donne des cours de musique , possède une bibliothèque
assez considérable , et une riche collection de pianos , har-
pes , etc. , offerts au public sous la garantie des meilleurs
maîtres. L'institution est sous la direction d'un comité d'ar-
tistes et d'amateurs. F. D.
RUSSIE.
Saint-Pétersbourg. — Académie des Sciences. — Dans le
cours de l'année i8a5 , les membres de l'Académie dés Sciences
de Pétersbourg ont présenté vingt-huit mémoires, dont sept
en latin, de MM. Fess, Zagorsky, Fraehn, et Trixics; six en
allemand, de MM. Gréfe, Fuss , Collins, Krug, Koeler et
nussir. roi.or.NE. 8
Oï
Pahder; quatre enrusi MM. TarehaHO* et Sivkaoi im.
Les Mémoires en langue française <>nt été au nombre de onze,
savoir : i. Des sections coniques rapportées à L'angle au som-
met <iu cône, par li ^: a. Longitude du port Gonorouro dans
I île de Wagok, déterminée par l'observation <l<\s occultations
des étoiles B <lu Taureau el X de la Vierge, par Taejlsanof;
\. De L'accroissement des diamètres apparens du soleil et de
la Lune, causé par la réfraction, par Schi bert; \. i)es effets
d'un papier-monnaie déprécié, dont la valeur se relève, par
Sior.en; 5. Longitude de Jaroslav le, déterminée par L'obser-
vation des occultations des étoiles, u° 10a et Cdu Cancer, par
Vichnkvski ; (>. Mémoire sur les lies et les courses consacrées
h Achille dans le Pont-Euxin, avec des éelaireisseinens sur
les antiquités du littoral de la Sarmalie et des recherches sur
les honneurs que Les Grées ont accordés à Achille et aux autres
héros de la guerre de Troie, par Roelbb. «Ce Mémoire, dit
l'auteur, sous le rapport géographique, est ternriné : il ne l'est
pas dans ce qu'on y dit sur l'apothéose chez les Grecs. Il sera
donc suivi d'un second mémoire, qui embrassera les tems an-
térieurs à La guerre de Troie jusqu'à la destruction de la liberté
en Grèce. » 7. De l'état actuel de la population tatarc en Tau-
ride, par Hermakn; 8. Recherches sur les puissances frac-
tionnaires, par Collins; 9. Longitude du port de Petropa-
vlovsk (au Kamtchatka, en Asie) déterminée par l'observation
de l'occultation de l'étoile K des Gémeaux, par Tarkhanof ;
10. Extrait des observations météorologiques faites à Saint-
Pétersbourg, pendant l'année 1822, d'après le nouveau style,
par l'académicien Vichnevsry , rédigé par Tarkhanof; et
1 1. Nouvel examen de cette question : les services sont-ils pro-
ductifs de richesses? par Storch. Plusieurs de ces vingt-huit
Mémoires font partie du tome xe des Mémoires de ilAcadémie
(publié en 1826, in-4°), dans lequel se trouve aussi la Disser-
tation , en langue française, de M. Ouvarof, président de
l'Académie, sur les trou tragiques grees (Eschyle , Sophocle et
Euripide). Une traduction russe de cette dissertation a été in-
sérée dans le Fils de la patrie (1825, n°s 10 et 11.) P. R. E.
POLOGNE.
Varsovie. — Civilisation des Juifs. — Grammaire et diction-
naire en langue juive. — Gazette juive. — Les juifs disséminés
dans les provinces polonaises , commencent à cultiver les
sciences et les lettres, surtout dans le royaume de Pologne.
Une Gazette juive a été publiée, il y a quelque tems, à Vatso-
T. xx xvi. — Décembre 1827. 5i
802 EUROPE.
vie, où l'on a imprimé aussi une Grammaire polonaise en langue
juive populaire ; cette langue est un mélange de mois polonais.,
allemands et hébreux. — L'auteur de cette grammaire est
M. Lesselroth. Un autre écrivain Israélite, M. Tougendhold,
travaille à la composition d'un Dictionnaire polonais juif, qui
sera suivi de Principes de la langue polonaise.
— Littérature polonaise. — Traductions des Odes de Lomonossov
et ^Derjavine, poètes russes. — On s'occupe beaucoup, à Varso-
vie, à traduire en polonais les productions les plus remarquables
de la littérature russe. M. Krouchinsry, poëte distingué, a lu
dans une des séances de la Société des Sciences de Varsovie ,
tenue en t825, une traduction de l'Ode de Lomonossov, inti-
tulée : Réflexion du matin sur la grandeur de Dieu. Cette traduc-
tion, d'ailleurs pleine de poésie, se distingue surtout par l'usage
du mètre combiné avec celui des rimes. C'est une innovation
dans la littérature polonaise, tentée jusqu'alors plusieurs fois,
mais sans succès. L'Ode deDERJAViNE, intitulée: Dieu, a été
traduite en vers polonais avec beaucoup de talent par Kassia-
novitch, et publiée dans un journal de Varsovie. C'est déjà la
septième traduction polonaise de cette Ode. Les six premières
sont dues à Koublitzry, Trojanovsry, Litinsry, Zguérsry,
Kostrovitzry et Chidlovsky. Il existe une traduction latine
de cette Ode, faite par Schersry. La Revue encyclopédique
a successivement annoncé des traductions, en quatre langues
différentes, de cette Ode, que le poëte russe, mort en 1816,
a publiée, pour la première fois, en 1784. — Voyez l'annonce de
la traduction chinoise ( Rev. Enc. Avril. 1820. T. VI. p. 204,
et Mai 1821. T. X. p. 359 ); française due à M. Chopin, Auteur
du Coup d'œil sur Pétersbourg. ( Mars 1821. T. IX. p. 586-
587-etMai 1821, T. X. page 359); anglaise, due à M. Bowring.
( Mai 1821. T. X. p. 359. ) Enfin le recueil de M. Borg, dont
il a été fait mention dans le cahier de novembre 1 824, de la Revue
( T. XXIV. p. 391-394 ), contient une traduction allemande de
l'Ode de Derjavine. P. R. E.
SUÈDE.
Stocrholm. — Ecoles de navigation. — Le roi a ordonné l'éta-
blissement de plusieurs écoles de navigation dans différens
ports du royaume. Des maîtres habiles donneront aux élèves
les connaissances théoriques et pratiques nécessaires pour for-
merde bons capitaines marchands, et les élèves seront partagés
en deux classes : l'une comprendra ceux qui ne voudront navi-
guer que dans la mer Baltique et dans les mers voisines; on re-
SUÈDE.— ALLEMAGNE. 8o3
cevra,dans la seconde, les jeunes gens qui se destinent aux
v<>\ âges de long cours, a compter <lu i "janvier 1829 , le droit
de bourgeoisie ne sera accordé qu'aux capitaines marchanda
qui auront été examinés par les directeurs d'une des écoles, ou
par un officiel- de marine.
ALLEMAGNE:
Prusse. — Extrait du Journal d* un voyageur: Administration
des postes ; Observations sue Berlin ; Etal de (industrie dans cette
ville ci f dans la Basse- Silésie. — Dès qu'on a quitté les montagnes
du llarz, on trouve une excellente mute pour se rendre à lier-
lin, et on voyage vite et commodément par la sc/mell - post.
C'est une justice à rendre au gouvernement prussien, en faveur
duquel uous n'étions pas prévenus , que de dire que nous avons
souvent eu occasion de reconnaître son heureuse influence.
Nous avons traversé plusieurs fois les lignes de douanes et nous
avons toujours rencontré dans les employés beaucoup de po-
litesse , et jamais de sévérité déplacée. Pendant près de six mois
de séjour en Prusse , on ne nous a pas demande une seule fois
notre passe-port , même à l'entrée des places fortes. Partout
nous avons vu réparer les anciens chemins et en construire de
nouveaux. L'administration des postes paraît, surtout depuis
qu'elle a été confiée à M. de Naglo, avoir subi les changemens
les plus utiles. Le gouvernement , quoiqu'il ait le monopole du
transport des voyageurs, en use avec infiniment de discrétion;
car, pour la valeur d'environ 5o centimes par lieue, on par-
court, dans une très-bonne voiture , ne contenant pas au-delà
de six personnes et toujours peu chargée, un espace de deux
lieues par heure. Depuis une année , à chaque relai , une
chambre garnie de fauteuils et de canapés sert de lieu de repos
aux voyageurs. Ils peuvent s'y arrêter, même plusieurs heures,
sans rien consommer, ou, s'ils le désirent , y prendre des rafraî-
chissemens dont le prix est déterminé. On y trouve aussi un
livre dans lequel on peut déposer des plaintes contre les em-
ployés de la poste, et qui est envoyé toutes les vingt - quatre
heures à la direction générale. Le conducteur porte une montre
qui est placée dans une boite fermée de manière qu'il ne puisse
l'ouvrir pour changer les aiguilles. Cette montre, réglée par les
employés de l'administration au moment du départ de chaque
station, sert à fixer le tems qu'il lui est permis de rester en
route.
Nous avons fait un court séjour à Berlin. Lorsque nous y ar-
rivâmes , on venait d'y essayer avec succès l'éclairage par le
5i.
5o4 EUROPE.
gaz. On avait inauguré , peu de tenis avant , la statue de Biùcher
qui est fort belle. En la voyant, on partage l'ardeur militaire du
héros qui semble guider ses compatriotes au combat. J'ai dit
le héros, car ce n'est pas le général d'armée brûlant du désir
de venger ses défaites que le sculpteur av représenté ; c'est
l'homme généreux sur la figure duquel respire le noble enlhou-
siasme qu'inspire la haine de la domination étrangère. L'artiste,
le célèbre Rauch s'est déridé non sans peine à conserver au
général prussien le costume de l'époque; mais il a profité ha-
bilement de la permission qui lui a été accordée de le couvrir
d'un manteau.
Nous avons été affligés de trouver des journaux censurés
qu'on lit à peine, et c'est avec regret que nous avons cru remar-
quer généralement beaucoup d'insouciance pour les affaires
politiques. D'un autre côté , nous avons admiré la tenue des
troupes et nous avons aimé à penser que ce devait être un
sentiment de confiance dans l'amour de ses sujets qui avait
pu décider le gouvernement prussien à armer les citoyens en
les appelant tous sans distinction au service militaire , et à
mettre de cette manière le peuple dans la position la plus favo-
rable pour user de sa force , s'il lui en prenait fantaisie.
On ne rencontre pas demendians à Berlin; on en voit beau-
coup à Paris. La Prusse est pauvre; la France est riche : com-
ment concilier ces faits ?
Des découvertes et des travaux fort importans ont révélé à
l'Europe savante la présence à Berlin d'hommes d'un rare mé-
rite. Nous avons été étonnés de trouver dans plusieurs d'entre
eux les Mltscherllch y les Rose, les Vôkler, \esKarsten, des
jeunes gens qui promettent de reculer encore beaucoup les li-
mites de la science; et le gracieux accueil que nous en avons
reçu nous a permis de croire qu'ils ne dédaignaient pas de la
propager. Un savant que nous nous étions habitués à regarder
comme Français, quoiqu'il soit né en Prusse, M.. Alexandre de
Humboldt, vient aussi de fixer son séjour, du moins pour une
partie de l'année , dans la capitale de la Prusse. C'est d'un
heureux augure pour la prospérité de l'instruction dans cette
partie de l'Allemagne.
Nous avons visité la fonderie royale qui produit chaque jour
un grand nombre de bijoux en fer. On y a coulé en fonte plu-
sieurs grands monumens. Tout ce qui en sort est d'un fini par-
fait. Nous avons vu dans une fonderie particulière qui en est
voisine une machine à vapeur prêtée par le gouvernement. Nous
signalons ce fait comme une des preuves de la protection éclai-
rée qu'il accorde à l'industrie. Ce n'est pas la seule que nous
ALLEMAGNE. ft<>'->
& y on a eu lieu de remarquer, Enfin, nous ne quitterons pai
Berlin sans parler d'un établissement très utile de cette ville,
et qui, transporté à Paris, y obtiendrait peut-être le même suc-
cès : Les bains russes. Le baigneur passe à plusieurs reprises
d'une atmosphère «le vapeur très-chaude, sous un jet d'eau
froide, tin grand nombre de personnes en ontéprouvéun heu-
reux effet sanitaire; d'autres y trouvent leur agrément.
La fabrication de la chaux avec la tourbe brute, h Rûders-
dorf, à quatre milles de Berlin, est déjà connue en Fiance,
mais paraît susceptible d'être appliquée dans un grand nombre
de localités. Les fourneaux employés à Riidcrsdorf son t chauf-
fés au moven de foyers latéraux. Leur forme intérieure est
celle de deux troncs de cône à base commune, dont l'un est ren-
versée Les foyers sont placés au niveau de la base commune.
('es fourneaux sont en grand nombre. Leur hauteur va jusqu'à
35 pieds du Rhin. On en a fait de /|5 pieds; mais ils n'ont pas
paru avantageux. La quantité de chaux fabriquée annuellement
est considérable De magnifiques bassins et des canaux ont été
creusés pour la transporter jusqu'à l'Oder.
La Basse-Silésie, dans le voisinage des montagnes des Rie ■
sengebirge (montagnes dcsGéans) qui la séparent de la Bohème,
offre des sites très- pittoresques. On est étonné de l'état de ci-
vilisation auquel sont parvenus les habitans de ces pays recu-
lés; mais, si l'on pénètre plus avant dans la Bohème, le spec-
tacle change; l'état des routes et la superstition des habitans
annonceraient assez qu'on est dans les provinces autrichiennes,
si la visite des douanes et la soigneuse inspection des passe-
ports ne vous en eussent déjà averti. D'après M. Ch. Dupin,
l'instruction serait cependant assez répandue en Bohême. J'a-
voue que rien n'a pu nous le faire penser dans la partie que nous *
en avons visitée.
Au pied des Riesengebirge, du côté de la Silcsie, sont situées
un grand nombre de maisons de bains qui réunissent tout ce qui
peut contribuer à l'agrément des étrangers. Elles sont très-
fréquentées par les nobles russes et polonais. La contrée est
couverte de fort beaux châteaux, entourés de magnifiques jar-
dins anglais. La fabrication de la toile et la taille des cristaux
en font -vivre la population. Lors de notre passage en Basse-
Silésie ( septembre 1826), la première de cesindustries était
en état de souffrance , et il ne nous a pas été permis de visiter
les ateliers. L'exploitation de la houille à Waldenbourg est
aussi une source de richesse pour le pays.
Ang. Perdonxet.
SoG EUROPE.
SUISSE.
— Extrait dune lettre de Lausanne. ( ier décembre 1827.)
— Journaux ; Sociétés de bienfaisance et autres associations ;
Législation sur la presse ; Révision des lois civiles et pénales; Nou-
velle maison de forée établie à Lausanne ; Navigation par la va-
peur; Pajagrélcs. — Je puis vous assurer que tout ce qui pense
dans nos contrées rend à la Revue Encyclopédique la justice
qu'elle mérite. On la trouve dans presque toutes les sociétés
de lecture qu'on a fondées; et probablement, elle se répandrait
encore davantage dans la Suisse allemande, si elle accordait à
l'article Suisse un peu plus de place, et si ses correspondais,
pour cette partie, la tenaient avec plus d'exactitude et d'im-
partialité au courant. La Nouvelle Gazette de Zurich , la Chro-
nique helvétique , la Feuille du canton de Vaud de M. Cha-
vannes, et le Nouvelliste vaudois, pourraient lui être utiles à cet
égard. — Nous avons eu sur le cœur les éloges vraiment incon-
cevables, accordés dans le tems au libelle que M. R** R** a
publié , sous le nom d'Histoire de la révolution helvétique , pro-
duction qui n'a eu d'autre but que de flatter les absolutistes
aux dépens des gens de bien, et que nous avons méprisée,
malgré tout ce qu'avait dit l'un des membres de l'Institut,
confrère de l'auteur, pour la recommander. Nous pensons
ici que les mensonges et les calomnies doivent être traités avec
une juste sévérité, quelque sonore que soit le langage de celui
qui les débite. Au reste, il en sera fait justice, quand cette
partie de notre histoire deviendra l'objet des travaux d'un véri-
table historien. — Les gazettes et les journaux que je vous citais
rendent compte des travaux de nos associations : malheureuse-
ment, les rapports sont presque tous en langue allemande.
Voici l'énumération de quelques-uns : a. Pour la Société helvé-
tique des sciences naturelles : Verhandlungcn der allgemeinen
Schweizergcsellscliaft fur die gesammten Naturwissenschaftcn. b.
pour la Société helvétique d'utilité publique : Neue Verhandlungcn
der schweizerischen gemeinniitzigen Gesellschaft ûber Erzichungs-
ivesen y Gewerbflciss und Armcnpflegc. c. Société bâloise pour
l'avancement du bon et de l'utile , fondée par Isaac Iselin :
Geschichte der baslerischen Gesellschaft zur Befôrderung des
Guten und Gemeinniitzigen. La Société helvétique de Schinznach ,
la Société de médecine , dans le canton de Zurich, publient
aussi des rapports. La Société helvétique des sciences naturelles
va bientôt faire paraître un premier volume des Mémoires qui
ont eu son approbation ; mais ce recueil ne renfermera pas
SUISSE. So7
ceux qui se trouvent déjà dans les recueils de quelques Sociétés
cantonales, par exemple à Genève.- — Les associations qui ont
pour but les perfectionnemens de noire étal militaire reçoivent
et publient aussi des Mémoires. La Société de musique ne pro-
duit que des chansons ; celle ('rs Ciutnteuft des Alpes publie du
tems en tems des hymnes patriotiques qu'on chante dans les
réunions annuelles. Il en est de même pour la Relation des
étudions catholiques et protestant , < j u 1 a lieu chaque année à
Zolïinguc, sous les veux (le tous les pries de famille, heureux
i\\\ spectacle de l'union et de L'aimable g.iîté de leurs enfans.
Long-tcms on voulut confondre celle réunion avec celles que
la Sainte- Alliance poursuivait ailleurs, et il y eut des Suisses
assez éhontés pour solliciter contre eux la malveillance étran-
gère; mais on laissa dire, et les hymnes composés pour ces
réunions continuèrent à être chantes et publiés.
Le Nouvelliste vaudois renferme dans ses derniers numéros
un compte aussi fidèle qu'intéressant de la réunion de la Société
helvétique d'utilité publique , qui a eu lieu à Baie, les 12, j3
et 14 septembre. Il s'y trouvait 120 membres des divers can-
tons; j'eus beaucoup de plaisir à y assister. La réunion de la
Société helvétique des sciences naturelles aura lieu en juillet 1 828,
à Lausanne.
Sur la demande des grandes puissances, la diète a dû renou-
veler annuellement le décret qui soumet la presse à la censure.
Il y a des cantons où cette mesure serait rendue éternelle, si
l'on n'écoutait que les gouvernans; nous serons peut-être
du nombre; car le démon du pouvoir habile aussi la maison du
cultivateur. Depuis l'année 1822, nous avons une mauvaise loi
sur la presse, qui cependant n'a pas suffi; il a fallu accorder
au gouvernement des pouvoirs extraordinaires, qui se renou-
vellent chaque année, et nous avons été heureux de nous ré-
server le droit de publier, sans que la censure puisse l'empêcher,
tout ce qui tient à nos affaires intérieures, législatives, admi-
nistratives et judiciaires. Pour tout le reste, nous subissons le
joug de la censure ; ce qui nous empêche de toucher librement
à ce qui se passe dans les autres cantons, qui fourniraient ma-
tière à de nombreux et intéressans articles. — Vous comprenez ,
Monsieur, comment on ne peut vous tenir au courant de ce
qui se fait dans notre petite Suisse, où , depuis plusieurs siècles,
on est habitué à regarder les affaires publiques comme l'arche
du Seigneur. — C'est probablement ce qui a forcé le rédacteur
de la feuille argovienne, intitulée Vnterhaltungs Blàtter (Feuilles
pour la conversation), à la faire paraître hors de la Suisse, et le
jurisconsulte qui a critiqué sévèrement l'ordre judiciaire, dans la
M EUROPE.
brochure allemande, intitulée : Aphorisme* sur F ordre judiciaire
du canton d'Jrgovie { Aphorismcn ùber die Justiz- Einrichtungen
des K. Aarmi, i S2 1\ a dû aussi recourir aux presses étrangères.
— < Le canton du Tésin, menacé par le gouvernement lombard,
va probablement profiter de l'occasion pour entraver, par une
loi, la liberté delà presse. — On serait mal venu à médire des
jésuites dans le canton de Fribourg , sorte d'Espagne helvétique ,
dans le Valais, et même dans les petits cantons. Cependant la
vérité parvient de tems en teins à se faire jour, et l'on en profite.
On commence dans plusieurs cantons à s'occuper de la
révision des lois civiles et pénales. Les Bernois ont suivi les
premiers l'exemple du canton de Vaud, et dans un bon esprit ;
c'est le professeur Schnell qui a été chargé par eux des ré-
dactions. Le scandale donné par la procédure dirigée contre la
bande Wendcl fera sentir l'urgence de réformer la procédure
criminelle: vous ignorez peut-être qu'il existe des cantons,
où, lors de la restauration du fédéralisme, on s'empressa de re-
mettre en honneur la torture, pour mieux prouver l'excellence
des anciens tems. Le grand conseil du canton de Vaud exprima,
en 1826, son voeu en faveur du jury; cette année, il s'est pro-
noncé en sens inverse , et sernpre benc. La vérité est que les
membres ne savaient point ce qu'on voulait entendre par là.
Peut-être reviendra- t-on au premier vœu, en 1828? La ques-
tion a été présentée, dans le Nouvelliste vaudois , en 1826 et
1827, et Y sera encore traitée.
La Feuille du canton de Vaud contient un rapport exact et
très-bien fait sur l'organisation de la nouvelle maison de force
de Lausanne , établissement remarquable par l'ordre et la bonne
tenue, et vraiment digue d'être visité par les voyageurs qui
cherchent à bien voir.
L'établissement de M. Fellenberg continue à prospérer. — On
a établi, dans les cantons de Genève et de Zurich , deux écoles-
de pauvres; on va probablement aussi en fonder une à Lau-
sanne.
On compte quatre bateaux à vapeur employés sur le lac de
Genève. L'un d'eux, le Léman , est d'une grande beauté. La
circulation est devenue plus rapide entre Lausanne et Genève ,
sans cependant nuire à celle qui avait lieu par le roulage. Sur
le lac de Neufchâtel, il en existe un qui, lorsque les eaux ne
sont pas trop basses, ,v a par la Thielle et le lac de Bienne ,
jusqu'à Nidau. On en compte deux sur le lac de Constance, et
un sur le lac Majeur.
Les paragrêles ont perdu, depuis l'an dernier, leur crédit
dans ce pays. Comme on nous a transmis, néanmoins, des en-
SUISSE.- ITALIE. 809
Cirons de Montméltan des résultats contradictoires très singu-
lîers, nous croyons devoiT attendre des renseignemens ulté-
« uurs, avanl de prononcer définitivement. X — n.
Publication prochaine. ( Die gclchrte Schweit. J.a Suisse sa-
vante ou les écrivains du \\\r siècle: Prospectus in - 8° de H
pages.) — Ce que Hambergérei son continuateur Meusel ont fait
pour leur patrie, dans leur Allemagne savante, M. Mf.ykr de*
Trogen , canton d'Appenzel , médecin ci bibliothécaire, se pro-
pose de le faire pour ia Suisse, s'il trouve chez les littérateurs
des divers cantons une coopération assez active. Il désire plu-
blier successivement une sorte de registre des écrivains suisses
encore vivans et de ceux qui sont morts depuis 1801. Il y con-
signera Ie, leur nom , la date et le lieu de leur naissance; 2° les
fonctions qu'ils ont remplies OU qu'ils remplissent ; 3° les livres.
brochures, articles de journaux,- etc., qu'ils ont publiés, avec
des indications détaillées et précises; l\° leur notice biographi-
que et leur portrait, s'il existe. Le prospectus est terminé par
deux notices de cette espèce, qm doivent servir de modèle;
elles concernent un écrivain de la Suisse française et un écri-
vain de la Suisse allemande , M. Ch. Monnard , professeur à
l'académie de Lausanne et l'un de nos collaborateurs, et M.
Pierre Scheitlin, pasteur et professeur à Saint-Gall. M. Meyer
sera sans doute secondé, comme il le désire , pour le monument
qu'il projette d'élever à l'honneur national. * *
ITALIE.
Florence. — Académie des Géorgophiles. — Séance du idj'uin.
— Le professeur Antoine Targioni Tozzetti lit un rapport
sur un Mémoire de M. Joseph Rossi , de Pise, sur l'utilité que
la Toscane pourrait tirer de la culture du sésame. L'huile qui
provient de la graine de cette plante, coûterait beaucoup
moins que l'huile d'olives. — M. l'avocat Aldobrand Paolini
présente quelques observations sur le contrat colonique qui est
en usage dans toute la Toscane. Il y trouve quelques restes de
ce qui constituait, en d'autres tems , la servitude de la t'Ièbe,
et il indique les moyens de le rendre plus conforme aux prin-
cipes de la justice et de l'économie publique. — Le professeur
Taddei donne l'analyse de l'eau de ï'Arno quia paru troublée,
pendant quelques jours du mois de mai. Il en a extrait un dé-
pôt (argillo silico-ferugineux) , et il démontre de quelle utilité
cette eau pourrait être pour les terrains stériles ou maréca-
geux. — M. Jean Bettoni présente une table de réduction
des anciennes mesures de Florence et de celles qu'on emploie
8 io EUROPE.
aujourd'hui dans la Toscane. — M.. Joseph Locatelm propose
d'appliquer la trombe de Du puis à une eau stagnante qui, après.
le mouvement qu'elle lui communiquerait, continuerait dans la
suite à se mouvoir d'elle-même.
— Société pour la propagation de l'enseignement mutuel. —
Séance du i5juin. — De tous les Italiens, ce sont les Toscans
qui ont montré le plus de zèle pour les progrès de cette mé-
thode, que des barbares ou des hypocrites ne cessent pas ail-
leurs de persécuter ou de calomnier. Des étrangers avaient
fondé une école d'enseignement mutuel à Pise, où des citoyens
se sont chargés de la maintenir. On a introduit la même mé-
thode dans l'école communale de Saint-Gemignano. Une école
pareille a été organisée à Figline, pour les jeunes filles. Une
autre, établie à Sienne, a donné les preuves les plus satisfai-
santes de sa prospérité. M. le marquis Charles Pucci, surinten-
dant de ces écoles, en rendant un compte exact de leur état,
a fait voir que, tout en suivant l'esprit de la méthode, on n'a
pas manqué de profiter de l'expérience pour la réformer et l'a-
méliorer dans quelques parties. Le système d'Hamilton a été
adopté pour les exercices de lecture. M. Braccioliki, qui se
distingue par son activité et par ses connaissances , se propose
de donner un tableau statistique des progrès de ces écoles, de-
puis l'époque de leur fondation jusqu'à ce jour. On remarque
que, depuis le ier de mai 1819, c'est-à-dire, dans le court in-
tervalle de huit ans, 2,124 individus, la plupart appartenant
à la classe la plus indigente, ont reçu l'instruction élémentaire
dans la seule ville de Florence. Pourquoi les autres provinces
d'Italie n'imitent-elles pas un si bel exemple ?
Pistoja. — Académie des lettres et des arts. — Séance extraor-
dinaire du 20 mai 1827. — Cette académie naissante s'est pro-
posé de célébrer la mémoire des grands hommes qui honorent
le plus l'Italie. Elle a consacré sa dernière séance à Christophe
Colomb. On y a lu des discours en prose et en vers qu'on aurait
tort de confondre avec ceux dont la futilité rendait ridicules
la plupart des académies des siècles précédens. Les auteurs ont
considéré la découverte du Nouveau-Monde dans ses rapports
avec les progrès de la civilisation. Soit l'effet du hasard , ou
plutôt par suite d'un accord prémédité, tous les morceaux qui
ont été lus formaient un ensemble bien ordonné. 31. Nicolas
P ucc in i avait ouvert la séance par un discours, dans lequel il
rappelait les particularités les plus remarquables relatives au
voyageur italien , et liait à cette histoire des considérations sur
les événemens qui se passent aujourd'hui dans l'Amérique mé-
ridionale. Après lui, divers poètes commentèrent successive-
ITALIE.— PAYS-BAS. Bu
ment dans leurs \ers les traita les plus taillant tic ce tableau
historique : ainsi, 1M. $$rfa*i signale te hardiesse de ce navi-
gateur (jui cherche un inonde que Ini seul connaît; M. Trinçi
mêle ses applaudisseinens au\ hommages que lui rendent, à son
arrivée, les habitant étonnés de ce nouveau paya; M. Giuntt
célèbre son reloue en Europe; M. Odaldi évoque ie génie de In
mer Atlantique, qui prédit les maux que les Européens appor-
teront aux Américains , et Colomb , par ton tilenoe mystérieux,
semble annoncer les bienfaits que les siècles à venir devront a
sa découverte. M. Odaldi avait aussi composé une espèce de
mélodrame, représentant Colomb au moment où les matelot*
espagnols révoltés menacent de le jeter à la mer. M. Louis Ghe-
rardcsclii est l'auteur de la musique ajoutée à cette pièce, dans
laquelle M. Cccchcrini a chanté le rôle de Colomb avec l'ex-
pression la plus bouchante. M. Dinia ensuite tracé, dans un
discours , l'état actuel des sciences et des arts dans l'Amérique ;
puis, M. Conirttcci a décrit , en ottave rima , l'entrée triomphale
de Colomb à Barcelone; enfin, MM. L. Lconi et Cassicn Zur-
cagni/ii oui prétenté, l'un, Colomb en prison chargé de chaînes,
et l'autre, Colomb mourant mais consolé par la gloire.
Cette espèce de spectacle a été exécuté avec un grand succès.
Le jour suivant, M. Puccini offrit un repas hospitalier à tous
ceux qui avaient concouru à cette solennité ; il les reçut dans ses
jardins peu ioin de Pistoja , avec une aimable affabilité : c'était
une image des festins philosophiques des anciens. Au milieu
au repas, on n'oublia pas les Italiens vivans les plus distingués:
divers toasts leur furent consacrés.
Turin. — Théâtre. — M. l'avocat Nota, qui continue à enri-
chir de ses" pièces la scène italienne, a fait paraître, le il\ avril ,
sur le théâtre Carignano, sa nouvelle comédie, intitulée la No-
vella Sposa , l'Épouse nouvelle. Elle a obtenu un grand succès;
et, bien que l'auteur eût caché son nom , il fut généralement re-
connu à la régularité du plan, à la vérité des caractères et du
dialogue. Nous avons consacié, dans ce cahier, aux comédies
de cet écrivain , une analyse où nous avons essayé de faire ap-
précier les titres sur lesquels s'est établie sa réputation (voy. ci-
dessus, pag. 66/1-672.) Nous la compléterons par le compte
rendu de cette nouvelle comédie, aussitôt qu'elle nons sera par-
venue. F. Salfi.
PAYS-BAS.
Recherches sur l'histoire des Pays-Bas. — Une commission
présidée par le ministre de l'intérieur et l'administrateur de
8i» EUROPE.
rinstrtlClioD publique, et composée de MM. De Reiifenberg,
Raoul, "Willems , Van Hulthem, Van de Weyer et Ber-
nhardi , s'est assemblée deux fois pour délibérer sur les docu-
mens historiques inédits qu'il conviendrait de publier, ainsi
que sur le mode de publication. Il a été décidé qu'il serait im~
primé une collection de chroniques sous le titre de Scriptorcs
rerum bclgicarum. La première série se composera d'environ
trente volumes et contiendra : i° Nicolas De Clercq, auteur
d'une chronique rimée du Brabant (en flamand); i° Jean-
Van Heelu, qui a également écrit en vers flamands sur des
événemcns relatifs à la même province; 3° Pierre à Thymo,
auteur d'une histoire diplomatique du Brabant en latin, fla-
mand et français mêlés ; 4° Dinterus, autre historien du Bra-
bant; 5° Jean Molinet, déjà bien connu; 6° la relation des
troubles de Gand sous Charles-Quint, par un témoin oculaire;
7° le Journal des voyages du môme empereur par Vandenest ,
ouvrage que Leibnitz avait songé à mettre au jour; 8° le Voyage
de Philippe Lebeau en Espagne , écrit par Antoine de Lalain ;
9° la chronique de Mucidus; io° une partie de celle de Brandoj
ii° enfin, les Chroniques de Saint- Bavon... Chaque éditeur
parlera la langue de l'auteur original, et ajoutera an texte des
discours préliminaires, des notes, des appendices et des tables.
Le prospectus de cette vaste entreprise doit paraître inces-
samment. X.
Institut royal des Pays-Bas. — Nominations académiques. — Le
roi, par un arrêté du 3 novembre 1827 , n° o,5 , a approuvé
les choix faits par la première classe de l'Institut royal des
sciences, lettres et beaux-arts , de MM. Fan Reynsbergcn , pro-
fesseur à l'école royale, d'artillerie et de génie à Delft; A. Quc-
telet , professeur à Bruxelles; C. Sœtcrmeer , constructeur au
département de la marine à Flessingue; D. Mentz , ingénieur
en chef du Waterstaat, à Harlem; U. Huguenin , directeur de
la fonderie royale de canons à Liège; A. Numan , professeur à
l'école vétérinaire royale à Utrecht; et /. - G. -S. Fan Brcda ,
professeur à Gand, comme membres : et de MM. Hump/irey
Davy , à Londres ; G.-L.-C.-F.-D. Cuvier , à Paris ; J.-F. Blu-
menbach , à Gœttingue; G. Olbers , à Brème ; A. de Hum-
boldt, à Berlin ; et A. P. Decandolle, à Genève, comme associés.
La première classe a, en outre, nommé correspondans
MM. G. -M. Roentgen, à Rotterdam; C.-J. Glavimans , sous-
constructeur de la marine, à Rotterdam; C- L. Blume , à Leyde;
/. - C. Rick , capitaine de la marine, à Rotterdam; J.-P. Del-
praty capitaine du génie, à Delft; jR. Van Rees , professeur à
l'université de Liège; A. Lipkens , ingénieur vérificateur du
PATS-BAS.— FRANCE. Si 1
cadastre, a Luxembourg; f. tiragos à Paris; L.-J. Gajr-Lustac,
à Paris; F, Tiedemann , professeur à l'université d'Heidelberg ;
/*'.-//'. Bessel , à K.œDigsberg; Robert Browti , à Londres; 7%b-
■tas Young t Philip Astley Cooper , à Londres, et y. Berzelius,
à Stockholm.
ru anci;.
Sociétés sapantes et Êtahlissemens d'utilité publique,
Avignon ( Vaucluse). — Société des amis des arts. — « Le but
de cette Société est d'encourager les nouvelles entreprises,
d'exciter cette noble émulation sans laquelle chacun reste dans
la route qu'il a trouvée tracée, et voit avec indifférence les
progrès de nos voisins. » Dès que le projet de cette institution
a été conçu et proposé, les souscriptions sont arrivées en foule :
on a donc une certitude bien fondée qu'elle est à sa place, con-
venablement organisée, et qu'elle fera du bien. L'administra-
tion est formée, et le bureau nommé; M. le baron de Mont-
faucon est président, et M. Croze vice-président: le secré-
taire et le vice-secrétaire sont MM. Bon et Richard. Le conseil
d'administration est composé de trente membres. Comme la
Société limite son action au département de Vaucluse, on ne
peut la comparer à la Société pour l'encouragement de f indus-
trie nationale t dont l'influence est si bienfaisante; mais la car-
rière du bien est immense, et attend encore un grand nombre
d'explorateurs. Si une louable rivalité pouvait s'établir entre
les déparîemens français, si chacun ambitionnait l'éclat que
peuvent lui donner une industrie perfectionnée, une agriculture
complètement développée, l'instruction répandue dans toutes
les classes et sur tout le territoire, que notre belle France se-
rait encore embellie !
La Société des amis des arts d'Avignon a fait, dès cette an-
née , une exposition publique des produits des beaux-arts et de
l'industrie avignonnaise et vauclusienne , depuis le ier jusqu'au
ao octobre. Mais ce moyen d'émulation ne sera pas le seul dont
elle fera usage : les fonds provenant des souscriptions seront
employés, conformément aux statuts : i° à aider les jeunes
artistes qui annoncent des dispositions remarquables, afin
qu'ils puissent se perfectionner dans les arts auxquels ils se
destinent; 2° à des distributions de prix pour l'invention, le
perfectionnement ou l'exécution de tout ce qui peut concourir
à propager les arts, ou à influer sur les progrès de l'industrie
dans le département; 3° à introduire dans la ville d'Avignon
les procédés établis avec avantage dans les autres département
8r4 FRANCK.
ou dans les pays étrangers; ft° à répandre l'instruction relative
aux arts et à l'industrie, par l'établissement de nouveaux cours
publics et gratuits, par l'acquisition des meilleurs ouvrages
publiés sur les arts, des gravures, plâtres, machines, etc.;
5° à faire les expériences nécessaires pour apprécier les pro-
cédés utiles et les inventions; 6° enfin, à décerner des récom-
penses à ceux qui les auront méritées par des succès remar-
quables, et à donner une impulsion efficace qui se manifeste
par de nouveaux efforts du génie et de nouvelles productions
des arts. N.
Marseille (Bouches- du- Rhône). — Société de la morale
chrétienne. — Séance du 27 septembre 1827. — La Société de
la morale chrétienne , établie à Marseille, et auxiliaire de celle
de Paris, n'est fondée que depuis i5 mois; et dans un aussi
court espace de tems , son inépuisable charité a rendu d'im-
portans services à l'humanité souffrante. Étrangère à tout
esprit de parti, indifférente sur toutes les rivalités de nations,
ne s'enquérant point des opinions religieuses, elle marche
silencieusement à la découverte et à la pratique du bien,
uniquement occupé de ce qui peut procurer quelque améliora-
tion morale ou physique à l'espèce humaine. Cette Société
n'aspire qu'à un seul but, le bonheur des hommes; et ses
généreuses intentions, qui embrassent à la fois le guerrier
comme le littérateur, l'ouvrier comme le savant, le juif comme
le chrétien, sont tellement connues, tellement évidentes,
qu'aucune personne raisonnable n'a pu élever le moindre
doute à cet égard.
Cette déclaration des principes qui la dirigent, renouvelée
par M. Chasson, l'un de ses secrétaires, dans la séance du
27 septembre dernier, a été suivie d'un rapport sur la situation
de la Société et sur les résultats qu'elle a déjà produits. Affligée
de la fureur avec laquelle on se livre aux excès du jeu et des
malheurs causés par cette détestable passion, elle a fondé un
prix pour le meilleur ouvrage contre ce vice honteux. Le
nombre des concurrens a été considérable ; mais le prix n'a
pas été décerné, et la Société a doublé sa valeur pour l'année
prochaine. Ce prix sera de 3oo fr.
La Société avait conçu le projet de former, sur le sol de la
Provence, une colonie composée de Grecs expulsés de leur
patrie , et désormais sans ressource et sans asile. Toutes les
bases de l'établissement étaient posées, les conditions de son
existence prévues; mais des circonstances qu'il est impossible
de déduire , ont fait ajourner cet intéressant projet ; la Société
conserve l'espérance d'y revenir l'année prochaine. En atten-
DÉPARTEMENS.- PARIS. *iri
(lant, elle a pris soin de placer de jeunes Hellènes orphelins , et
elle évalue à i',',,<><>o lr. le capital nécessaire à cette œuvre
charitable dans l'année; mais cette somme est bien faible, si
on la compare au nombre «les infortunés qu'elle permettrait
«le soulager, et la Société de Marseille appelle les autres habi-
tans «le l.i France o concourir a cette «envie <le miséricorde. 1».
Smn r Qi i n i in. Aisne ). — Une Société deé sciences t arts,
belles lettres et d'agriculture s'est formée à Saint -Quentin,
l'une d<*< villes de France les pins distinguées par son esprit
public et par son industrie ; cette compagnie, qui s'étend dans
tout le département de l'Aisne, compte déjà beaucoup de
membres et de correspondans éclairés; ses premiers pas dans
la noble carrière où elle v>t ennée sont heureux, et nous fe-
rons connaître le résultat de ses travaux. L. /
PARIS.
Institut. — Académie des sciences. — Séances des irj et
26 novembre. — M. Legendre annonce une découverte de M. Ja-
fcOBï, de Krenigsberg , qui a perfectionné notablement l'impor-
tante théorie des fonctions elliptiques. Il remet une note dé-
taillée à ce sujet, dans laquelle il indique quelques résultats
principaux des théorèmes de M. Jacobi, et fait mention des
recherches de ce jeune géomètre sur la théorie des nombres. —
M. de Mirrel lit un mémoire sur l'origine, le développement et
l'organisation du liber et du bois. — M. Cagniart de Latour
donne lecture de nouvelles recherches expérimentales et théo-
riques sur les propriétés du son.
Du 3 décembre. — MM. Duméril , Girard et Frédéric Cuvier
font un rapport sur le mémoire de M. Chabrier, concernant
les mouvement progressifs de l'homme et des animaux. En voici
les conclusions : «Vos commissaires reconnaissent que le travail
de M. Chabrier renferme beaucoup d'idées justes sur la méca-
nique des principaux mouvemens qu'exécutent les animaux ;
qu'il a fait preuve de connaissances exactes sur beaucoup de
points d'anatomie comparée; mais que ce mémoire ne renferme
pas des observations nouvelles , ainsi que son titre semble l'an-
noncer; que l'auteur y a seulement développé une opinion
différente de celle qui est généralement admise dans le mode
d'action des muscles; mais que cette théorie, pour être dé-
montrée et adoptée, devrait être appuyée sur des observations
positives; tandis que l'aoatomie fait connaître que la fibre
charnue d'un muscle agit le plus ordinairement sur l'extrémité
à laquelle adhère son tendon qui est sa terminaison. Nous pro-
Si6 FRANCE.
posons cependant à l'académie d'engager l'auteur a publier
son mémoire qui présente quelques vues nouvelles. « ( Adopté.)
— M. Biot lit un mémoire sur la figure de la terre. Les obser-
vations de l'auteur, confirmant les résultats auxquels étaient
déjà arrivés plusieurs observateurs, l'ont conduit à reconnaître
que faction de la pesanteur n'est pas la même sur tous les *
points d'un même parallèle, et ne varie pas uniformément le
long d'un même méridien. Il a découvert qu'à Paris en parti-
culier la variation annuelle est assez forte pour déterminer une
différence de cinq secondes par jour sur la marche des hor-
loges. M. Biot pense qu'on peut trouver dans la variation de
l'action de la pesanteur sur un même parallèle la cause des dif-
férentes mesures données de l'aplatissement de la terre. Il in-
dique la manière dont il convient désormais de diriger les ob-
servations sur la longueur du pendule pour les rendre aussi
utiles que possible. Toute observation isolée serait désormais,
selon lui, peu importante, à moins que, par un hasard sur le-
quel on ne peut guère compter, elle ne se trouvât faite sur
un point où l'action de la pesanteur serait un maximum ou un
minimum. En général, on doit désormais s'attacher à répéter
les observations, soit le long des mêmes parallèles, soit sur un
même méridien, afin d'arriver à connaître les lois (en cas qu'il
en existe ) suivant lesquelles ont lieu les variations dont l'exis-
tence ne peut plus être contestée. L'auteur termine son mé-
moire en faisant remarquer que les Anglais ont eu tort de
prendre la longueur du pendule pour base de leur système
métrique, cette longueur pouvant varier suivant des causes qui
ne dépendent en aucune manière de la position topographique
et qui peuvent ne pas rester constantes pour un même point
dans le cours des siècles. Sous ce rapport, la base du système
métrique français n'offre pas le même inconvénient au même
degré.
Du 10 décembre. — MM. Gay-Lussac, Vauquclin et Chcvrcul
font un rapport sur le travail de MM. Dumas et Boulay fils,
ayant pour titre : Mémoire. iur la formation de téther sulfurique.
* Il résulte de ce rapport, i° que les auteurs ont déterminé la
composition élémentaire de l'huile douce du vin; i° qu'ils ont
fait voir que cette substance, unie à l'acide hyper-sulfurique,
constitue l'acide sulfurique; 3° que ces connaissances com-
plètent la théorie de 1 ethérification de l'alcool par l'acide sul-
furique; 4° que MM. Dumas et Boullay fds ont confirmé par
de nouvelles analyses la composition de l'alcool et de l'éther.
Le résumé de ce travail en fait sentir l'intérêt et justifie la pro- 1
position que les commissaires font à l'académie de l'approuver
PARIS, 8ij
ci d'en ordonner l'impression dans le recueil des savans étran
gers. ( Adopté. ) — MM. Dupuytrenei Diunéril (oui un rapport
sur le mémoire de M. le docteur Sktfir, de Genève, relatif à
une nouvelle application dé la lai yngo ■trachéotomie. Nous ri
grattons que ce rapport} plein de faits intéressans, soit trop
étendu pour en placer l'analyse dans cette notice. — M. Geoi -
mov Saint -HiiiAiai lit ira mémoire sur une petite espèce de
crocodile vivant dans le Nil, sur sot» organisation , ses habi-
tudes, et le-, motifs qui l'ont (ait adopter dans l'antiquité et
honorer sons les noms de crocodile sacre, de souk (suchus).
— M. Cai chv lit un mémoire sur le développement des fonc-
tions en fractions rationnelles, A ce sujet, M. Lacroix rappelle
Un mémoire d'Kuler inséré dans les steta académies petropoli-
t.iriir , avant pour titre: Nora mèthodus fonctiones... infractiotics
sin/plices resolcendt ; 1780, p. H2.
— Du 17 décembre. — D es fontaines ^ Mirbclcï Cassini font un
rapport sur le mémoire de M. Ad. Buongniaut, intitulé : Non-
cet h s Observations sur les granules spermatiqu.es des végétaux.
M. Brongniart considère les granules renfermés dans le pollen
comme analogues aux animalcules spermatiques des animaux ,
et il repousse l'opinion de Kœlrenter et de la plupart de ses
successeurs qui attribuent la fécondation à un fluide très-subtil
et invisible. En conséquence, il a pensé que les granules sper-
matiques des végétaux méritaient d'être étudiés avec soin, et il
a procédé à ses recherches de la manière suivante. M. Brong-
niart fait éclater dans une goutte d'eau, sur le porte-objet du
microscope, quelques grains de pollen ; il divise avec la pointe
d'une aiguille les traînées qui en sortent, et il les observe à
l'aide des deux plus forts grossissemens du microscope achro-
matique d'Amici, évalués, l'un à 63o, l'autre à io5o dia-
mètres; enfin, il dessine ces granules au moyen de la caméra
lucida adaptée à l'instrument; et ces dessins rendent sensibles
aux yeux les diverses formes et dimensions des granules de
seize espèces de plantes. Ces granules sont ou sphériques ou
ellipsoïdes, ou Cylind racés, ou presque lenticulaires. Les va-
riations de grandeur sont comprises entre des limites fort éten-
dues; car tandis que M. Brongniart évalue à ^ de millimètre
le grand diamètre des granules cylindriques de X hibiscus sy-
riacus, il ne donne que 7~-0 de millimètre aux granules sphé-
riques du cèdre du Liban; ainsi la grandeur des granules sper-
matiques n'est pas plus que celle des embryons en rapport avec
la grandeur des végétaux qu'ils produisent. Nous n'exposerons
pas les idées systématiques de M. Bronguiart sur l'analogie
qui existe entre la forme des granules des espèces du même
t. xxxvi. — Décembre 1827. 5a
818 FRANCE.
genre, idées qu'il ne présente qu'avec réserve et qui doivent
être fortifiées par de nouvelles observations ; mais son mémoire
renferme des faits exacts, intéressans, bien observés, bien dé-
crits, bien analysés, mais peu nombreux. M. Brongniart, qui
sait mieux que personne que ce sont là les seules solides ri-
chesses de la science, ne manquera pas de multiplier ses ob-
servations, et de mériter ainsi de plus en plus les suffragessde
l'Académie, qui lui ont été récemment accordés de la manière
la pins éclatante pour son premier travail, et que nous vous
proposons de lui continuer, pour celui-ci, en l'insérant dans le
recueil des savans étrangers. » (approuvé. ) A. Michelot.
Addition à la séance du lundi ier octobre (voy. ci-dessus , pag.
244.) — M. Julia-Fontenelle a présenté une tête parfaite-
ment conservée d'un sauvage de la Nouvelle-Zélande qu'il rap-
porte à la 2e espèce de la race neptunienne de M. Bory de Saint-
Vincent. Les dents sont toutes saines et complètes, les cheveux
très-noirs, rudes, longs et bouclés; la couleur delà peau est
d'un jaune fauve, et le tatouage est noir et très-régulier , sans
présenter aucune aspérité , comme en offre celui qu'on prati-
que après la mort des individus. Cette tête paraît être celle d'un
homme de trente-cinq à quarante ans. Malgré cela, les sutures
du crâne y sont parfaitement ossifiées en dedans, comme elles
le seraient dans le crâne d'un vieillard.
La région occipitale est énorme ; sa crête en saillie est fort
prononcée, tandis que la cavité frontale est étroite. Mais , une
remarque fort importante qu'on doit à M. Julia-Fonteneîle et
qu'aucun anatomiste n'avait encore faite avant lui , c'est qu'une
cloison osseuse verticale de plus de deux lignes de hauteur q?ie
les membres de l'académie ont vérifiée, se trouve dans l'inté-
rieur de ce crâne. « Cette particularité anatomique , poursuit
M. Julia Fontenelle, n'avait été jusqu'ici observée que chez les
animaux »; d'où il conclut que l'angle facial de cette tête et de
celle des autres habitans de la Nouvelle-Zélande, étant très-
étroit , de même que la cavité frontale, et leur intelligence étant
des plus bornées , cette race d'hommes peut être considérée
comme un anneau qui sert de passage entre le genre homme et
le genre orang.
La tête présentée par ce chimiste n'est point tannée, ainsi
qu'il s'en est convaincu; elle n'a été que trempée dans une solu-
tion de chlorure de sodium (sel marin) , et séchée ensuite gra-
duellement; c'est ce qui résulte tant du témoignage de M. Les-
son , qui a séjourné dans la Nouvelle-Zélande , que des expé-
riences de M. Julia- Fontenelle. Cette manière d'embaumer les
cadavres l'emporte beaucoup, suivant ce dernier, sur les em-
PARIS. 819
bauincuie fi» de* Kgvplii'iis. A l'appui de cette opinion , il pré-
sente à L'académie divers morceaux île chair A* bœuf qu'il garde
ainsi depuis six ans dans un état de conservation parfaite, et
qui n'ont subi d'autre préparation que le dessèchement graduel,
sans recourir même à la salaison, al. .1 nli.i-I 'ontenelle annonce
à ce sujet un travail qu'il prépaie sur les embaumemens.
Conservatoire des arts et métiers. — Ouverture du cours nor-
mal de géométrie et de mécanique appliquées aux arts ; par M. le
baron ('/utiles Dupin. ( Dimanche, 16 décembre 1827. ) — Le
savant professeur a présenté le tableau de l'industrie parisienne
et du sort de la classe ouvrière, envisage comparativement dans
les divers arrondisseincns de cette grande capitale. Il a fait
sortir de ses comparaisons des leçons d'une haute morale , écou-
lées avec un silence et un recueillement extraordinaires par un
immense auditoire. Malgré la vaste étendue de l'amphithéâtre,
environ six cents personnes sont restées dans les couloirs et les
vestibules, sans pouvoir trouver place parmi les auditeurs. Il y
avait une affluence encore plus considérable, dans la séance du
dimanche suivant 25, où le professeur expliquait l'industrie
comparée des divers départemens de la France, d'après sa carte
si connue et si digne de l'être , qui représente par des teintes
plus ou moins claires le degré plus ou moins grand d'instruc-
tion populaire des divers départemens de la France. M. Charles
Dupin a parcouru successivement les diverses branches d'indus-
trie qui ont mérité des récompenses de différens ordres, en
montrant partout la supériorité de l'industrie, de ses inventions
et de ses perfectionnemens, comme proportionnelle à l'étendue
de l'instruction populaire. Il nous suffira de citer le résumé nu-
mérique de ces considérations , si favorables à l'enseignement
des classes inférieures de la société. Pour faciliter les comparai-
sons que M. Dupin a présentées dans sa seconde leçon , il a mis
sous les yeux du public une très-grande copie de sa Carte figu-
rative de ï instruction populaire. Les teintes diverses appliquées
sur les départemens permettaient aux personnes les plus éloi-
gnées d'apprécier distinctement et complètement, avec la vue,
les divers degrés d'instruction des départemens de la France ,
et de vérifier par leurs propres yeux les faits expliqués par le
professeur sur nos différentes espèces d'industrie.
En adoptant la séparation tracée par l'auteur au moven
d'une ligne presque droite menée de Genève à Saint-Malo ;
puis , en appelant France septentrionale la partie qui se trouve
au nord de cette ligne et qui comprend Zi départemens, et
France méridionale celle qui se trouve au midi de la même
5a.
8ftfi FRANCE.
ligne et qui comprend 54 départemeus ; voici le résumé des
récompenses accordées par le Roi, d'après l'exposition de
1827.
Francb septentrion. France méridion.
32 départemens. 54 départemens.
Médailles d'or 3 9 10
Médailles d'argent ...127 25
Médailles de bronze . . 186 34
352 6g
Élèves des écoles primaires. 740,846 323,073
De pareils rapprochemens sont d'une haute importance; ils
répondent victorieusement à tous les sophismes : ils réduisent
au silence les ennemis les plus acharnés de l'enseignement po-
pulaire.
On a observé, dans le discours de M. Ch. Dupin, le soin
avec lequel il signale à la reconnaissance de ses concitoyens
les efforts des chefs de notre industrie pour propager l'ins-
truction dans la classe ouvrière. L'auditoire a surtout remar-
qué le tableau plein de charme que le professeur a présenté
de la bienfaisance éclairée des jeunes demoiselles de Mulhouse,
♦nu forment une association pour donner, durant le tems de
leurs récréations, des leçons aux jeunes personne^ indigentes.
Des applaudissemens ont souvent interrompu le professeur,
et des témoignages unanimes d'enthousiasme ont, à trois re-
prises, montré les sentimens de son auditoire, après chacune
des deux séances mémorables .dont nous rendons compte. Z.
Plan en relief de Saint-Pétersbourg , exposé à Paris , rue de
Rivoli , n° 1 8. La création de la ville de Saint Pétersbourg est un
des plus remarquables 'phénomènes du siècle dernier. Des eaux,
des marais, des plaines incultes, un climat rigoureux, un
peuple sauvage constituaient les élémens dont un homme à
volonté forte s'est servi pour élever, malgré la nature, une
des plus belles villes du monde et des plus civilisées. Deux
femmes, toutes deux étonnantes, en lui succédant au trône,
ont achevé ce que Pierre Ier avait si bien commencé; et le
xixe siècle, avec ses arts, son goût exquis, sa raison supé-
rieure, est venu polir tout ce qui se ressentait encore de la
barbarie ou de l'ignorance des fondateurs de la capitale des
Russies.
Nous avons eu sous les yeux des plans de cette ville, des
dessins particuliers, des vues de ses principaux monumens;
PARIS. 8*i
mais t'es détails, quelque nombreux, quelque exacts qu'ils
fussent, ne pouvaient nous donner l'idée (le l'ensemble et de
l'effet générah Le plan en relief, qui se trouve exposé rue < 1 « -
Rivoli, n" iH, conçu et préparé par M. de Kossi, noble des
états vénitiens , nui ;> obtenu pour cet objet un privilège de
S. M. l'empereur Alexandre, et exécuté par les meilleurs ar-
tistes de Russie, d'Allemagne, d'Italie et de France, sous la
direction du célèbre architecte et ingénieur vénitien Albert
< ; v\ os , représente cette grande el belle \ ille avec une extrême
vérité. Pour se former une idée du travail immense qui a pro-
duit cet ouvrage intéressant, il faut savoir que les parties les
plus délicates ont été copiées, connue les plus massives, sur
les monumens originaux; le cours de la Neva et les canaux
sont coulés en fonte, les toits couverts en métal, les statues
exécutées en albâtre ou en bronze, les vaisseaux soignés dans
tous leurs détails par des ingénieurs de la marine, les profils
même de l'architecture parfaitement imités et modulés. 11 n'esl
pas un Russe de la capitale qui ne puisse distinguer sa mai-
son, sa cour, ses jardins et leurs dépendances.
Les suffrages les plus honorables, et particulièrement ceux
des empereurs Alexandre et Nicolas, et du roi de Prusse qui
avait fait donner gratuitement un local à l'Académie des Beaux-
Arts de Berlin pour l'exposition du plan de Saint-Pétersbourg,
ont accueilli ce bel ouvrage, et l'auteur- a obtenu le même succès
dans tous les lieux où il l'a transporté. Il n'a pu trouver à Paris
un local assez étendu pour l'exposer d'un seul morceau, et il
s'est vu forcé de le diviser par quartiers qu'il a placés dans au-
tant de salles séparées : on en compte six, toutes remarquables
par le nombre, la régularité et l'élégance des monumens
qu'elles renferment.
Beaucoup de personnes distinguées , des savans, des artistes,
des gens du monde ont déjà visité celte curieuse exposition , qui
ne peut manquer d'attirer et d'intéresser vivement tout ce que
la société de Paris compte de plus recommandable. B.
Théâtres. — Théâtre Français. — Première représentation de
Blanche d'Afjiiitainc , ou le Dernier des Carlovingicns , tragédie
en cinq actes, par M. Hippofjfe Bis (lundi 29 octobre). — C'est
une des grandes époques de notre histoire que celle où cette
dynastie de Charlemagnc s'éteint, non faute de rois, mais faute
d'hommes dignes de porter la couronne; où les grands feuda-
taires, unis au clergé, donnent à la France une organisation
nouvelle , et font régner la féodalité jeune et forte sur les débris
$** FRANCE.
d'un régime qui tombe de vétusté. Cette grande révolution,
que l'histoire nous apprend plutôt par les résultats que par les
événemens qui l'accompagnèrent, et qui sont restés fort obs-
curs, aurait pu offrir à un pinceau énergique et profond une
vaste composition historique; le poète s'est borné à peindre
une scène d'intérieur. Ce n'est point ce peuple prêt à changer
de destinée ; c'est le roi de Laon ( car les Carlovingiens étaient
réduits à ce petit domaine), c'est celte famille de princes obscurs
qu'il a voulu ressusciter sur la scène; c'est donc à nous de ne
demander à son pinceau que ce qu'il nous a promis, tout en
regrettant qu'il n'ait pas osé davantage.
Jeune et faible héritier du nom de Charlemagne, Louis V
ne porte plus qu'un triste débris de la couronne de ses pères,
et jusque dans sa petite cour, Charles son oncle, duc de Lor-
raine, et Hugues Capet, comte de Paris, lui disputent encore
ce lambeau de bandeau royal. L'un veut régner à sa place, et
l'autre en son nom. A ces grands débats se joignent des intri-
gues domestiques ;- Blanche d'Aquitaine, épouse de Louis V,
déteste l'ombre de mari qu'on lui a donné, et confie à sa sœur
Isabelle l'amour adultère qui porte tous ses vœux vers le comte
de Paris. On voit qu'elle ne reculerait pas devant un crime qui
mettrait Hugues sur le trône et dans son lit. Mais le comte de
Paris n'est point amoureux de Blanche, et ne consentirait pas
à porter une couronne sanglante. Toutefois , les intrigues du
duc Charles et du ministre Gontran remplissent de soupçons et
de fermens de haine la cour du jeune Carlovingien ; Louis,
convaincu que Hugues Capet est l'amant de la reine, s'emporte
à des violences qui fte font qu'irriter le caractère de cette épouse
coupable en espérance. Outre la passion qui la dévore, Blanche
a, pour s'enhardir au crime , des exemples domestiques. Emine,
mère de Louis, a empoisonné Lothaire, son époux. La jeune
reine a surpris cet affreux secret dans une scène de somnam-
bulisme, dont elle a été témoin , un jour que les remords de la
reine-mère l'avaient arrachée de son lit pour la traîner sur le
tombeau de l'époux qu'elle a tué. Mais trop bien éclairée
par sa propre expérience, Emine pénètre les secrets desseins
de Blanche, et veille siïr les jours de son fils. C'est dans cette
situation que les deux reines ont une entrevue. Emine ne dis-
simule passes soupçons, et Blanche y répond par de terribles
allusions à la mort de Lothaire.
Emine, confondue, laisse échapper l'aveu de son crime; le
spectacle de sa profonde douleur et de ses remords déchirans
émeut le cœur de Blanche, qui abjure ses sinistres desseins et
va se réconcilier avec son époux. Le duc de Lorraine n'a pas
PARIS. Ha**
de peine à jeter «les nuages sur cette réconcdiation ; il réveille
les soupçons du nu, et lui conseille d'offrir la main d'Isabelle
au COmtê (le Paris. C'est III.iik In- (jue le roi charge de celle
pénible mission ; cl les relus (le Hugues Capet font naître une
joie secrète dans l'âme de Blanche, et <le nouveaux soupçons
dans celle de Louis. Ce prince, pour connaître enfin la vente ,
imagine un moyen pris dans les meanm du teins; il veut que,
le jour niriiic, sa femme apj)roclie avec lui de la table sainte;
si le tribunal de la pénitence lui interdit cette terrible «preuve ,
tous les doutes d\\ roi seront éclaircis, et le crime de Blanche
sera prouvé à ses yeux. Mais celle-ci triomphe de toutes les
craintes de l'enfer; elle ment au tribunal de la pénitence, elle
profane le plus saint des mystères de sa religion, et en com-
muniant avec le roi, elle mêle du poison au vin consacré,
dépendant, au moment ou Louis est convaincu de l'innocence
de Blanche et de celle de Hugues, qui vient de refuser la cou-
ronne que lui offraient les vassaux révoltés, il commence à
ressentir les atteintes du poison, et expire dans des douleurs
qui lui rappellent la mort de son père. Blanche, dédaignée par
le comte de Paris, se poignarde , et le poëte nous laisse entrevoir
que Hugues Capet va recueillir ce sanglant héritage.
Nous l'avons déjà dit, toutes les grandes questions politiques
sont négligées, et l'auteur n'a pas prétendu peindre la révolution
nationale de l'époque; c'est une intrigue de famille qu'il a re-
tracée, et sa pièce ressemble à beaucoup d'autres ouvrages du
même genre ; ce n'est pas avec cette timidité qu'on fera faire à
l'art des progrès que la génération actuelle réclame. L'ouvrage
a d'ailleurs le malheur de n'inspirer qu'un faible intérêt; il offre
cependant des parties qui annoncent un talent distingué : l'in-
cident de la communion est tragique et empreint des couleurs
du teins; il ne faut s'en prendre sans doute qu'aux entraves
dont notre système théâtral est embarrassé, si l'auteur n'en a
pas tiré un plus grand effet. La scène entre les deux reines est
fort belle; elle a paru aussi neuve que dramatique, et elle a
déterminé le succès de hi pièce que l'on verra quelque tems
avec plaisir ; elle ajoute aux espérances qu'avait déjà données
l'auteur & Attila , et que sans doute un troisième ouvrage
viendra bientôt réaliser entièrement.
— Première représentation <\u Mariage d'argent, comédie
en cinq actes et en prose ; par M. Scribe (Lundi, 3 décembre.)
— Il fallait tout l'esprit dont M. Scribe est doué, toutes les res-
sources ingénieuses et fécondes qu'une longue pratique du
théâtre a mises à sa disposition , pour ne pas échouer complè-
tement dans une grande comédie de mœurs dont la donnée
&<i/t FRANCE.
principal est entièrement fausse. Un homme qui aime passion-
nément depuis son enfance; qui retrouve, après une longue
séparation, la femme adorée qu'il croyait perdue pour lui; qui,
au moment de voir combler tous ses vœux, est un instant in-
quiété par des soupçons jaloux , et dans ce mouvement de dépit
se laisse engager dans un mariage impertinent, mais fort riche,
et dans une affaire de finance où la dot de sa future est com-
promise , cet homme peut se rencontrer sans doute; mais lors-
qu'il reconnaît à tems ses soupçons, lorsqu'on lui donne toutes
les preuves de la plus tendre indulgence et de l'amour le plus
vif, il ne signera point un contrat qui le désespère , il avouera
tout naturellement l'embarras de sa position à cette femme si
bonne, si franche dont il est aimé; ou, s'il persiste à subir son
mariage d'argent, il conviendra qu'il y est forcé par la néces-
sité de se tirer d'une mauvaise affaire où on l'a engagé plus
vitequ'il n'aurait voulu; mais, à coup sûr, il n'imaginera jamais
d'aller dire à cette femme, aux pieds de laquelle il jurait le
matin même un amour éternel : « Je me moquais de vous tan-
tôt, je ne vous aime pas du tout; celle que j'aime c'est cette
petite bégueule que vous avez vue ici, c'est elle seule que
j'adore, et je l'épouse ce soir : » Cette conduite, contraire au
bon sens, ne l'est pas moins à l'intérêt dramatique; car elle est
opposée à la marche ordinaire de la passion. Et notez bien que
l'amour de l'argent est pour peu de chose dans ce démenti
donné au cœur humain. Poligny ( l'homme dont il est ici ques-
tion ) n'a point la passion des richesses , il n'a que la manie de
briller; et ii fait un mariage d'argent, non par avarice ou par
l'amour de l'or, mais pour sauver son honneur qu'il croit en-
gagé par des spéculations embarrassées, qu'on a entreprises
sous son nom et presque malgré lui. Toute cette combinaison ,
nous le répétons, manque de vérité aussi bien que d'intérêt; on
voit que l'auteur n'a pas osé aborder franchement son sujet ,
c'est-à-dire l'idée de mettre un homme d'honneur, et doué de
qualités aimables, aux prises entre un amour profondément
senti et la tentation de faire un mariage riche, mais inconve-
nant, tentation à laquelle il succombe. M. Scribe s'est vu dans
l'impossibilité de concilier son but moral avec l'intérêt drama-
tique. Il a appelé au secours les petites précautions ; il a adouci,
défiguré son idée première, et il a composé un ouvrage, privé
à la fois de moralité et d'effet théâtral.
Mme de Brienne, cette femme qui aime Poligny et qui en est
aimée, est un caractère charmant, plein de grâce et de no-
blesse, de décence et d'abandon; elle peut faire avec dignité
certaines avances à l'homme qu'elle chérit depuis sa première
PARIS. Ô»5
jeunesse, et (jui doit bientôt être son époux. Ici brille ta finesse
du talent de M. Scribe; il a 1 > i < * r » senti qu'il fallait peindre
ainsi une femme qu'il incitait en présence d un amant auquel sa
fable ne permettait presque jamais que des démonstrations uo
peu froides. M11*. Marsest excellente dans ce rôle; elle l'a joué
comme il est écrit : c'est faire l'éloge du poëte et de l'actrice.
M"1" de Brienne est aimée d'un jeune peintre* camarade d'études
de Poligny, qui a de grandes obligations à l'époux que Mme de
Brienne a perdu, et dont l'amour esi reste, dans son cœur, un
profond secret, tant que celle qu'il aime n a pas été libre. Cet
amour si pur, si désintéressé, et qui est couronné au dénoue-
ment par une douée union, contraste avec la passion plus tiède
de Poligny, et Ton comprend que M""' de Brienne, qui a pour
son protégé une amitié fort tendre, finira par l'aimer, et par
être heureuse de ee mariage de raison. Toutefois, la nécessité
de fixer le sort des personnages à la fin du drame a engagé
l'auteur à lui faire prendre un parti dont s'étonne un peu le
spectateur qui sympathise difficilement avec ces unions impro-
visées. Le caractère du jeune peintre, tout entier aux idées de
gloire et de renommée, plein de franchise et de générosité,
n'est pas bien neuf; mais il se trouve heureusement jeté parmi
ces âmes intéressées dont l'orgueil est le dieu.
Le véritable homme à argent de la pièce, c'est un certain
banquier nommé Dorbeval, autre ami de collège de Poligny
et du peintre. C'est un millionnaire qui n'estime guère les
hommes que par les mérites de leur coffre-fort, et qui ne con-
çoit point qu'il y ait des gens qui ne possèdent pas cent mille
écus ; du reste, sot et ridicule, quoique parfaitement tranquille
sur les qualités de son esprit et le bon ton de ses manières.
L'auteur lui fait débiter mainte impertinence avec un aplomb
imperturbable, et lui fait dire, sur lui-même, des choses qui
seraient beaucoup plus comiques dans la bouche d'un autre,
parce qu'elles y seraient mieux à leur place. C'est chez Dorbe-
val que se passe l'action de la pièce ; c'est lui qui force presque
Poligny a faire un mariage d'argent, qui lui donne sa pupille ,
petite folle dont cinq cent mille francs de dot font tout le mé-
rite : c'est lui enfin qui l'engage dans cette affaire de finances
dont Poligny ne trouve d'autre moyen de se tirer que de rom-
pre avec Mmede Brienne. Dorbeval a une femme qu'il rend fort
malheureuse; comme il l'a prise sans fortune, il pense qu'il n'a
besoin de se donner aucun soin pour être aimé délie, et qu'elle
lui doit de l'amour pour son argent. Aimable et faite pour plaire,
M me Dorbeval a trouvé dans le monde des adorateurs disposés
à faire près d'elle plus de frais que son ridicule mari. Il en est
826 FRANCE.
un pour qui elle n'est pas insensible; M. de Nantis, auquel elle
n'a laissé paraître aucune tendresse, lui écrit cependant des
lettres bien tendres. Au moment où elle en confie une à Mme de
Brienne , avec qui elle est liée, Dorbeval les surprend, et se
dispose à lire la lettre, lorsque Mme de Brienne, effrayée du
danger que court son amie , déclare que la lettre est pour elle.
Cet incident du 3e acte est dramatique et noue la pièce , en
inspirant à Poligny les soupçons qui le brouillent avec Mme de
Brienne. Le public a vivement applaudi cette situation , et la
pièce n'a commencé à éprouver sa mauvaise humeur qu'au
moment où Poligny prend la résolution peu naturelle dont nous
avons parlé plus haut. L'amour de Mme Dorbeval pour M. de
Nangis , personnage qui ne paraît pas dans la pièce , et que les
froideurs apparentes de celle qu'il aime éloignent enfin de Pa-
ris, nous a paru traité avec toutes les bienséances qu'exige la
scène. Mais il laisse, aussi bien que le dénoûment, une impres-
sion assez triste , et peu d'accord avec celles que nous sommes
habitués à recevoir de la comédie. Sans doute, on voit dans le
monde beaucoup de passions qui blessent le devoir et rendent
malheureux ceux qui les éprouvent; il y a beaucoup de ma-
riages dictés par l'intérêt, d'autres où, en obéissant à certaines
convenances , le cœur n'en est pas moins contrarié. Il est bon
dépeindre toutes ces choses; il y a du mérite, et un mérite
assez rare à chercher, avant tout, la vérité, à rendre à la scène
plus de naturel, en échange du romanesque dont elle a vu si
long-temps farder les peintures de la vie réelle ; mais il faudrait
s'arranger de manière à allier la vérité et l'intérêt. La vérité
seule dans les arts ne suffit pas ; il faut une vérité qui nous
plaise et nous charme. Ce ne serait guère la peine de sortir de
ce monde où nous nous plaisons quelquefois si peu , pour aller
cherchera la scène des impressions parfaitement semblables à
celles qui nous fatiguent dans la société et nous font sentir le
besoin de nous en distraire.
On a remarqué avec raison qu'il y a d'assez fréquentes ré-
miniscences dans le Mariage d'argent; mais il faut dire aussi
que c'est souvent de lui-même que M. Scribe s'est souvenu , ce
qui atténue beaucoup le reproche.
La comédie de M. Scribe est pétillante d'esprit : ce n'est pas
toujours de l'esprit de bon aloi, ni bien neuf, ni bien à sa place;
mais une grande partie des spectateurs n'y regarde pas de si
près , et cette verve intarissable de pensées fines , délicates , spi-
rituelles, exerce sur le public assemblé une inévitable influence.
On sera plus sévère à la lecture , et M. Scribe fera bien aussi
d'être, à l'impression, plus sévère pour lui-même. Il a déjà fait
PARIS. 827
quelques coupures assez heureuses : aussi la pièce , dont le suc-
ers a\ait élé vivement contesté pendant les deux derniers actes,
le jour de la première représentation , est maintenant accueillie
avee faveur.
Cette première représentation a éié une leçon sévère pour
l'auteur; nous portons trop d'intérêt à son rare (filent pour ne
pas espérer qu'elle lui profitera. Il comprendra qu'une comédie
en OÎnq actes, une pieee de mœurs demande une conception
plus fortfi et plus raisonnable, des combinaisons plus judi-
cieuses et plus solides, .lusuu'ici, ce n'est pas l'esprit qui a man-
qué à M. Scribe; mais ( il faut avoir le courage,dcle lui dire)
c'est un peu la raison. Il compte trop sur son talent pour duper
son spectateur; la magie des détails a soutenu souvent chez lui
un fonds ruineux ;on ne s'arme point d'une grande sévérité con-
tre un vaudeville.
Dans un roman frivole aisément tont s'excuse;
mais il est fait pour aspirer à de plus durables succès, et la
première comédie qu'il composera pour la scène française, le
mettra sur cette scène au rang qu'il mérite d'y occuper. M. A.
— Odéon. — Le comité de VOdéon vient de recevoir une tra-
gédie ùefValstctn, imité de Schiller, par M. Villenave fils,déja
connu par une Epîtrc aux Grecs et par d'autres poésies. Suivant
l'opinion, depuis long-tems émise dans uu assez grand nombre
de journaux, cette pièce réunirait au mérite d'un style ferme
et brillant, l'intérêt dramatique et les conditions difficiles d'un
succès mérité.
Beaux-arts. — Ouverture du Musée dt antiquités égyptiennes
au Louvre. ( i5 décembre 1827. ) — Le palais du Louvre offre
à l'Europe un nouveau spectacle , digne de son admira-
tion. La riche collection d'antiquités égyptiennes, acquise de
MM. Drovetti , Salt et Durand, aux frais du roi, et réunie
dans les magnifiques salons du musée Charles X, est exposée
aux regards du public.
Le premier sentiment que l'on éprouve, à la vue de ces
antiques débris, c'est l'étormement qu'ils aient pu franchir,
presque dans leur intégrité , une si longue suite de siècles , et
que cet éîtat de conservation permette de juger aujourd'hui de
ce que furent les arts à une époque aussi reculée.
Ils attestent que le peuple qui nous les a légués avait atteint ,
av-ant même les tems qui sont pour nous les teins héroïques de
la Grèce , un deçré de civilisation très-avancé , et l'on est
S*S FRANCE.
forcé d'avouer que le seul avantage dont nous puissions nous
prévaloir, est celui d'avoir perfectionné par notre industrie ce
que l'industrie égyptienne avait ébauché, et d'avoir ajouté
quelques inventions nouvelles à toutes celles qu'elle nous avait
transmises. Quelle haute idée ne doivent-ils pas nous inspirer
des Egyptiens , ces débris , qui , après avoir résisté pendant
quarante siècles aux ravages du tems et de la barbarie , nous
prouvent que tout ce qui est nécessaire à la vie , et tout ce
qui peut la rendre agréable était depuis fort long-tems inventé
et mis en usage par eux ; qu'ils surent approprier à leurs besoins
toutes les productions du sol , et y borner leurs désirs , sans
les étendre au delà des limites de leur territoire. Certes , il y
avait de la sagesse chez ce peuple qui sut , tant que la bar-
barie n'eut pas porté sur ses rivages une main dévastatrice ,
conserver, pendant une longue succession d'années, la stabi-
lité dans son gouvernement , maintenir dans toute leur vigueur
ses vieilles institutions, et se consacrer à la pratique des arts
et des sciences, aune époque où, sur d'autres points du con-
tinent , des peuplades encore sauvages s'entr'égorgeaient et
disputaient aux bêtes féroces de grossiers alimens.
Recueillir et interroger les vieilles annales de ce peuple
primitif pour y puiser des notions propres à éclairer l'histoire
de ces tems obscurs qui semblent toucher à l'origine du monde,
c'était un soin digne des spéculations de la philosophie et des
recherches des savans. Au point où sont aujourd'hui portées
les études égyptiennes, il appartenait à un gouvernement ami
des arts de réunir et d'exposer aux yeux du public éclairé une
suite nombreuse de monumens écrits, et de charger du soin de
leur conservation le savant qui les avait traduits. Les sciences
et les lettres ont applaudi à cette grande idée dont les résultats
donnent les espérances les mieux fondées.
Avant d'examiner avec quelque détail les objets qui com-
posent cette riche collection , jetons un coup d'œil sur le local
qui lui est affecté et sur sa décoration intérieure.
Neuf grandes salles , enrichies d'énormes panneaux de mar-
bre et décorées de peintures , communiquent entre elles par
de larges ouvertures en pilastres ioniques et cintrées , qui
permettent de saisir d'un seul coup d'œil l'ensemble du musée
Charles X. Les quatre premières salles , en entrant par l'es-
calier de la colonnade , forment le musée d'antiquités égyp-
tiennes ; les autres renferment une riche collection de vases
grecs , des statuettes en bronze antiques , des peintures en
émail du xvie siècle, et d'autres objets précieux par leur ma-
tière, leur perfection oti leur rareté. Des peintures allégo-
PARIS. Ho.,)
iriciucâ du plus grand effet décorent tous 1rs plafonds; i< j
voussures , don' les couleurs sont bien choisies et les orne-
knens bien ajustés, représentent des emblèmes et «les sujets
relatifs à cëUX des plafonds ; des bas- reliefs peiutseii grisaille
ornent les panneaux. On a place devant les fenêtres de (lia
que salle , et le long des boiseries qui en forment le fond T des
montres et des armoires d'acajou, vitrée-, et garnies de bronze
doré; c'est dans ces meubles que sont renfermées les anti-
quités formant cette collection.
Le plafond de la première salle, peint par M. Gros, re-
présente le roi, donnant le musée (/unies X aux arts, qui,
personnifiés et portant leurs différens attributs, s'avancent pour
y pénétrer. La Justice. l'Abondance et la Paix entourent le
monarque. Ce tableau, qui n'est encore qu'ébauché, nous a
paru d'une belle composition; on ne pourra le juger défini-
tivement que lorsqu'il aura été achevé ; toutefois , on doit
tenir compte à M. Gros du noble sacrifice; qu'il a fait de ses
intérêts d'artiste, en permettant que le tableau fût placé tel
qu'il est , afin de ne pas causer de retard à l'ouverture du
Musée. Les voussures sont ornées de figurés, de festons et
d'attributs divers; six bas-reliefs, peints en grisaille par
M. Fraconard , représentent les Arts rendant hommage au
monarque qui les réunit dans son palais.
M. Horace Verivet a peint le plafond de la deuxième salle.
C'est Jules II ordonnant les travaux du Vatican et. de Saint-
Pierre au Bramante , h Michel'- /érige et à Raphaël. Ce tableau,
dans lequel on trouve de grandes beautés, affermit encore la
juste réputation de l'auteur ; on admirera surtout la vérité
touchante et la pose naturelle du pape. Les voussures sont
belles, et d'un goût qui rappelle plutôt les peintures élégantes
de Pompcïa, que la dignité et l'austérité qui caractérise si
éminemment le siècle de Jules II ; elles auraient dû , selon
nous , donner une idée plus satisfaisante "du génie des arts
qui dirigea les travaux des grands artistes de cette époque ;
des médaillons en grisaille , peints par M. Abel de Pujol ,
représentent plusieurs hommes célèbres du xve siècle.
Le plafond de la troisième salle est exécuté par M. de
Pujol ; le sujet est Y Egypte, sauvée par Joscjj/i. A l'angle gauche
du tableau , Syrius vomit ses feux dans le Nil , le dessèche ,
et de ses noires vapeurs naissent les sept années de famine qui ,
figurées par des mégères pâles et décharnées, se précipitent
sur l'Egypte pour la dévorer ; l'Egypte se réfugie dans les
bras de Joseph qui la protège. Dans le fond et sous le por-
tique de son palais, Pharaon , entouré de ses principaux sujets j
83o FRANCE.
semble admirer dans Joseph le génie libérateur de son royaume.
Ce tableau, peint largement et avec chaleur, produit de l'effet;
uous avons admiré le talent avec lequel l'artiste a rendu la
physionomie nationale de l'Egypte personnifiée , et l'abandon
mêlé d'espoir avec lequel elle se jette dans les bras de Joseph;
les traits de ce dernier et la fraîcheur de sa carnation le font
peut-être participer un peu trop du sexe féminin ; mais cette
légère observation n'ôte rien du mérite de cette production ,
bien digne , sous tous les rapports , de figurer au Louvre.
Quatre bas-reliefs , peints en bronze dans les voussures , re-
présentent les quatre principaux traits de la vie de Joseph;
on y a également peint les seize coudées du Nil , figurées par
autant d'enfans qui tiennent des guirlandes de fruits et de
fleurs ; le nilomètre en décore l'intervalle. Onze bas-reliefs ,
représentant des scènes de la vie civile des Égyptiens , déco-
rent les boiseries.
M. Picot a peint le plafond de la quatrième salle : l'Egypte
est assise, entourée de divers attributs ; des enfans soutiennent
le voile épais dont elle était couverte ; derrière elle , on voit
le Nil appuyé sur son urne ; le sommet des pyramides , des
nuages et la voûte des cieux dans laquelle on distingue les
signes du zodiaque, forment le fond du tableau. Vers Y Egypte
s'avance d'un pas timide une jeune femme , pleine de grâce et
de modestie; c'est la Grèce , conduite par l'Étude et le Génie ;
la curiosité , modérée par une douce retenue , ont été parfai-
tement exprimées par le peintre. Des guirlandes de fruits et de
fleurs, soutenues par des statues égyptiennes peintes en bronze;
le globe ailé , l'ibis , l'épervier et les autres oiseaux révérés
par les Égyptiens sont peints dans les voussures. Huit bas-reliefs
en grisaille ornent les panneaux; on y voit un sculpteur grec
copiant une statue égyptienne ; Apelles peignant d'après nature ;
Phidias sculptant; un poëte dramatique faisant répéter un rôle
à un acteur; la décadence des arts dans la Grèce ; l'origine du
dessin, et la prétendue origine du chapiteau corinthien ; Calli-
maque et sa corbeille.
La collection d'antiquités égyptiennes, réunie dans ces quatre
salles, ne consiste qu'en objets de petites proportions , à l'excep-
tion des momies et de leurs cercueils ; mais elle est riche par
la quantité et la variété des objets qu'elle renferme. L'histoire
civile et religieuse de l'Egypte doit en retirer des éclaircis-
semens inappréciables.
Des difficultés infinies devaient naturellement s'offrir pour
classer avec méthode des monumens aussi nombreux, su-
jets habituels de tant d'erreurs, et que l'on avait si long-Unis
PARIS. 83i
considéré comme inexplicables M. Cuampollion jeune pou-
vait seul être charge d'une telle entreprise! et ses nombreuse!
découvertes sur l'histoire des Égyptiens et sur le système gra-
phique lui fournissaient l<s moyens d'y parvenir; car presque
tous les monumens de l'art égyptien sont accompagnés d'ins-
criptions hiéroglyphiques qui en indiquent le ftujet et la desti-
nation, facilité qui ne se rencontré presque jamais sur les
monumens grecs ou romains. Jusqu'alors les Collections de
monumens égyptiens} formées dans le but d'éclairer l'histoire
de l'art, d'étudier les procédés delasculpture et d<: la peinture
chez les différons peuples el d'en suivre la direction, ne pou-
vaient être classées (pie d'après l'ordre des matières, et en quel-
que SOTlC arbitrairement Ici, puisqu'il s'agissait d'éclairer l'his-
toire entière de l'Egypte* M. Champollion devait avoir égard
à la fois an sujet de chaque monument et à sa destination spé-
ciale, et déterminer, d'après cette connaissance, la place qui lui
serait réservée; il fallait présenter, aussi complète que possible, la
série des divinités, celle des souverains, etclas eravec méthode
tous les objets relatifs à la vie publique et privée des Égyptiens;
de cette manière se trouvaient réunis systématiquement les
monumens civils et religieux.
La Collection a donc été divisée en trois parties : théologique ,
civile, funéraire. — i° Dans la salle, dite des Dieux ( qui est
la 4e du musée Charles X), on voit les images des divinités
égyptiennes, leursemblèmes, lesanimaux symboliques et sacrés
et les scarabées représentant des divinités ou leurs symboles.
2° la salle civile ( 2e du musée ) renferme tous les objets
appartenais à la classe civile et aux diverses castes égyptiennes ;
ce sont des statuettes et des figurines de rois, de prêtres et
de simples particuliers; des instrumens du culte, des bijoux,
des ustensiles domestiques et les produits des arts et métiers.
3° Dans les deux salles funéraires ( i re et 3e du musée), sont
les momies humaines, les cercueils des momies, des images
funéraires, des coffrets et statuettes en bois, des stèles, des
manuscrits funéraires, etc. Ces derniers ont été encadrés et pla-
cés contre les boiseries.
A l'admiration qu'excite la vue de ces précieux monumens se
joint un sentiment de reconnaissance pour le savant qui nous
les a rendus intelligibles. Celui qui, à force de recherches, a
dévoilé à la postérité les annales d'un peuple oublié pendant
vingt siècles a bien mérité du monde savant , et le nom de
M. Champollion sera désormais inséparable de celui d'une
nation dont il s'est rendu l'interprète. N. L'h.
— Deux têtes , d'après des fresques de Giovanni Antonio
83a FRANCE.
d'à Vercelli, représentant Alexandre et Roxanc , gravées ;(
la roulette sur les dessins de M. le chevalier de Cuzey, par
M. François Girard. (Paris , chez le graveur éditeur , rue Mi-
gnon , faubourgSaint-Germain. Prix, 5 fr. la pièce.) — Parmi
les peintres contemporains de Raphaël et de Michel -Ange,
Vercelli mérite d'être remarqué. C'est peut-être de tous les ar-
tistes de cette époque célèbre, le peintre dont le style approche
ie plus de celui de Raphaël. M. le chevalier de Cuzey, durant
son séjour en Italie, a copié plusieurs des plus belles tètes qu'of-
frent les fresques dont Vercelli avait orné le palais de la Far-
nesimij et on doit savoir gré à M. Girard, qui occupe un rang
distingué parmi nos graveurs, d'avoir reproduit les dessins de
M. de Cuzey. Il est peu de têtes , destinées à l'étude , qui offrent
un caractère plus noble et un modelé pins agréable; et nous
désirons, dans l'intérêt des arts, que ces deux artistes con-
tinuent d'associer leurs taîens pour reproduire les autres belles
figures de Vercelli que M. de Cuzey possède dans son porte-
feuille (voy. ci-dessus, pag. 775,) J. P.
Réclamation. — A M. le Directeur delà Revue Encyclopédique.
— Paris , 16' octobre 189,7. — Monsieur , comme la plupart des
articles de la Revue Encyclopédique portent la signature de leurs
auteurs, chacun des collaborateurs ne répond que de ses pro-
pres œuvres. Cependant, aucun d'eux ne peut voir avec indif-
férence qu'un article où certaines convenances sont beaucoup
trop méconnues ait pu trouver place à côté de tant d'autres qui
donnent l'exemple d'une sage réserve. Dans l'intérêt de votre
recueil, essentiellement ami de tout ce qui est honnête et vrai,
j'ai pensé que l'un de vos collaborateurs devait se charger
d'exprimer la désapprobation publique justement encourue par
l'article Beaux- Arts , Ponts de, Paris , inséré dans le cahier de
juin dernier, page 816. J'examinerai cette page singulière où les
décisions les plus étranges sont prononcées, comme les arrêts
d'un tribunal suprême; je ne pourrai me dispenser de discuter
la question de compétence, parce qu'elle tient au fond même,
et (pie c'est une des premières que le public ait faites : et comme,
après m'avoir lu, vous ne pourrez point vous tromper sur les
motifs de ma démarche; comme vous savez que j'évite soigneu-
sement, dans toutes les occasions, jusqu'aux plus légères ap-
parences de personnalités, j'entre en matière.
L'auteur de l'article parle d'une prétendue querelle entre
les architectes et les ingénieurs des ponts-et-chaussées : « Ceux-
ci , dit-il, à la faveur de leur titre, réclament le droit de cons-
truire les ponts ; les autres prétendent que , pour bâtir un pont
et lui donner le caractère convenable, il ne suffit pas de con-
PAULS. 833
naître la portée d'une voûte, Je me range sous la bannière des
architectes. Pour qu'us édil'n <• <!<■ cette nature remplis** toutes
le. conditions données, il ne .suffit pas, en effet, qu'il soil solide;
il r;mt encore que la disposition de la masse et les détails soient
«•aïeules de m uiiere à lui donner un aspect véritablement in<>
numeutal. » L'auteur expose ensuite quelques observations sur
l.i solidité des différentes formes de voûtes, et sur la durée,
qui est, à ses yeux , la première condition à i emplir.
Je ne suis ni ingénieur, ni architecte, non plus que lauteur
de l'article; niais les principes générai** qui doivent guider la
pensée de l'administrateur et de l'artiste dans la direction et
['exécution des travaux publics ne nie sont point absolument
inconnus. Est il bien vrai que le soin de notre dignité natio-
nale nous impose l'obligation de bâtir pour l'élo nilé ? Une
nation ne incia t point ; sans doute : mais SCS be ■; ■ .; , SCS goûts,
le centre de son action cl de sa grandeur changent avec le teins.
Sans chercher dans L'histoire des preuves de celle vérité, le
mouvement de Paris de l'est à l'ouest nVst-ii pas assez rapide
pour qu'une partie de la population actuelle en ait suivi le
progrès? Et qui pourrait affirmer que des considérations poli-
tiques ne déplaceront point la capitale de la France, que l'en-
ceinte de Parissera toujours aussi vaste et aussi remplie qu'elle
l'est aujourd'hui, que quelques uns de ses ponts ne devien-
dront pas inutiles ? « On oublie que ce qui nous donne une
grande idée des Égyptiens, des Romains, des Grecs, ce sont
les inonumens qui leur ont survécu. » Si l'auteur parle des mo-
numens d'architecture, il est dans l'erreur; les Carthaginois
dont il ne reste que la mémoire ne seront mis au-dessous des
Romains que parce qu'ils furent vaincus, et l'auréole de Sparte
sans industrie est plus brillante que celle de la ville de Mi-
nerve, ornée de tant de chefs-d'œuvre. Que notre nation s'oc-
cupe des moyens d'être grande et heureuse, florissante au
dedans et respectée au dehors, et non du soin puéril de laisser
un jour à ses vainqueurs des témoins durables de sa gloire éva-
nouie. Il faudrait une dissertation spéciale pour développer
cette vérité si féconde en applications importantes, et je ne
puis lui consacrer qu'un petit nombre de lignes... Mais nous
ne sommes plus au teins où les vérités de c< t ordre avaient
besoin d'être établies par un grand appareil de preuves; la
pensée de l'homme raisonnable y supplée. Accoutumons-nous,
s'il est possible, à trouver beau ce qui est d'une bonté réelle :
ou, si d'anciennes habitudes ne nous permettent point de con-
tracter celle-ci, renonçons à donner sur des constructions dont:
t. xxxvi. — Décembre 1827. 53
834 FRANCE.
les formes sont déterminées d'après les règles sévères du bon ,
des avis qu'on ne doit ni suivre, ni écouter.
« Les uns veulent que l'on emploie les arcs surbaissés , par-
ce qu'il en résulte une plus grande ouverture des arches, con-
séquemment une difficulté moindre, pour les bateaux , de
franchir le pont en remontant. » Cet avantage est - il donc le
seul, ou du moins le plus grand que procurent les voûtes sur-
baissées? — L'auteur compare la stabilité du plein cintre à la
grande poussée des anses de panier ; et, quoiqu'il n'en dise que
peu de mots, il fait voir clairement que les conditions de la
solidité des voûtes n'ont point fait partie de ses études : mieux
aurait valu n'en rien dire. A propos d'anses de panier, il ne sera
pas hors de propos de remarquer que le seul pont de Paris où
l'on voie des arches de cette forme ( le Pont-Royal ) est une
œuvre du célèbre Mansard. Ajoutons que ce grand architecte
eut besoin, pour fonder les piles du pont, du secours d'un
moine-ingénieur, le frère Pozzo, que l'on fit venir exprès d'I-
talie pour maîtriser les filtrations d'eau qui s'opposaient aux
travaux de fondation.
« Je condamne donc impitoyablement le pont d'Austei litz ,
d'un effet désagréable , et qui ne paraît pas parfaitement solide,
puisqu'on a été obligé de le dépaver. » C'est prononcer légère-
ment sur un genre de construction qui n'a pas même un demi-
siècle d'expérience en grand. La cause du défaut de solidité
que l'auteur soupçonne dans le pont d'Austerlitz affecterait tous
les ponts en fer, surtout dans les pays du nord où ce métal
devient cassant pendant l'hiver. Cependant, les ponts de cette
espèce qui traversent les canaux de Pétersbourg annoncent une
durée sans limites. Encore une fois, il faut , dans tout procès,
que l'instruction précède le jugement.
<' Je consens, au reste, que l'on construise des ponts en
chaînes ou en fils de fer, là où Ton ne pourrait pas, sans in-
convénient, établir un pont en pierre. * On usera probable-
ment de cette condescendance de l'auteur. On pourrait même
prédire dès aujourd'hui que les hideux ponts suspendus figu-
reront un jour dans les vues pittoresques, et n'y déplairont point.
L'auteur de l'article, si bon juge quand il prononce sur les
matières dont il s'est occupé spécialement , a mal servi ,
dans cette circonstance, la cause qu'il embrasse ; son zèle in-
fructueux sera peut-être blâmé par les architectes mêmes. En
effet, on connaît trop bien le danger des secours imprudens ,
pour ne pas redouter l'approche de ceux qui viennent prendre
part au combat, hors de tems et de place, et avec des armes
qui ne résisteront point au premier choc.
PARIS, 855
On devait s'attend' <• qu'aucun ingénieur des ponts et chaus-
sées ne réclamerait , ni pour Lui-même, ni pour le corps dont
il est membrej contre de pareilles attaques: le respect <!<■ soi-
même prescrit un silence raisonnable; mais la Repue Encyclo-
pédique n'a pas besoin qu'on lui demande d'être juste; il lui
convient d'aller au devant des réclamations , lorsqu'elle n'a pu
et iter d'y donner lieu.
In autre article relatif aux ponts et chaussées ( voy. ci-
jUessus , page 3o' ) m'a paru sortir aussi des bornes qu'une
critique raisonnable ne doit jamais franchir. Les ingénieurs
anglais, bons juges en ces matières, ont plus d'estime pour le
corps des ponts et chaussées de France, et la témoignent par
des égards mérités. Votre recueil a déjà donné tant de preuves
de la scrupuleuse équité , de l'esprit de modération qui le diri-
gent, qu'on est frappé d'étonnement, lorsqu'on y trouve des
formes hautaines, des décisions tranchantes auxquelles un lec-
teur raisonnable ne souscrit point. Si le critique veut bien ap-
précier l'auteur d'un ouvrage , qu'il le regarde de bas en haut,
et non du haut en bas; qu'il se fasse son disciple, au lieu de le
régenter. La justice est toujours pins près de l'indulgence que
des rigoureuses condamnations. L'auteur a médité long-tems
et à loisir; quelquefois, le critique s'occupe pour la première
fois de ces questions qu'il résout si lestement : cette observation
n'échappe point à un lecteur attentif, et suffit souvent pour qu'il
prenne le parti de l'auteur contre le critique. Enfin, n'oublions
pas qu'outre les intérêts de la vérité qui nous sont communs et
chers à tous, nous avons à soigner, en tout ce qui peut être à
notre portée , les intérêts de notre patrie et de la gloire de no-
tre nation , et que des dissentimens et des animosîtés apparentes
entre des hommes faits pour s'estimer les uns les autres pour-
raient donner aux étrangers une idée fausse de notre situation
morale , et de la tendance de l'esprit public dans la classe la plus
influente et la plus éclairée.
J'ai l'honneur d'être , etc. Ferry.
Nécrologie. — J.-B. Launay, fondeur de la colonne de la
place Vendôme, né à Avranches (Manche) le 20 mars 1768,
mort à Savigny-sur-Orgc, près Paris , le 23 août 1827. Des-
tiné de bonne heure par sa famille à l'état ecclésiastique , il fut
placé chez les jésuites, qui étaient seuls alors en possession de
l'instruction dans sa ville natale. Les événemens politiques de
1789 changèrent sa destination et ses projets. Son père le rap-
pela chez lui, et il y exerça pendant quelque tems les arts mé-
*v36 FRANCE.
caniques pour lesquels il avait toujours en un goût particulier.
Il lut bientôt obligé de partir pour Tannée comme simple sol-
dat. Honoré peu de temps après du grade de capitaine, il ren-
dit de grands services, non-seulement à son corps, mais encore
h une ville qui soutenait un siège, et qu'il sauva par ce génie
inventif qui ne l'abandonnait jamais. Attaché au matériel de
l'armée, il fut chargé , avec d'autres officiers, de diriger la fonte
des canons et des projectiles. Un accident affreux, dont il faillit
être victime, vint interrompre ses travaux. Une pièce de canon
devait être fondue; le sable du moule avait conservé une légère
humidité. Cette circonstance fit rejaillir la matière enflammée
qui couvrit les assis tan s d'une pluie de feu. Plusieurs périrent
sur la place ou furent gravement blessés. M. Launay, qu'au
premier moment on crut mort, ne put, malgré les soins les
plus assidus, être guéri qu'après une anuée des brûlures qu'il
avait reçues.
En Tan xi ( i8o5), il fut chargé delà direction de la fonderie
du pont d'Austerlitz, sous l'inspection de M. Béquey de Beau-
pré, ingénieur en chef du département de la Seine. Ce pont fut
terminé le ier juin 1806. Trois années auparavant il avait aussi
dirigé la fonte du pont des Arts , et celle des ponts à bascule.
Sur la fin de 1806, on lui confia la direction de la colonne qui
s'élève sur la place Vendôme. Occupé sans relâche de ce beau
monument, il donna tous ses soins à ce que l'exécution en fût
parfaite. La statue qui surmontait la colonne devait être fondue
en deux parties. Il proposa de la fondre d'un seul jet, et réussit
au-delà des espérances des savans et des artistes, au nombre
desquels on comptait M. Chaudet, l'auteur de la statue, qui en
témoigna sa satisfaction et sa reconnaissance à M. Launay. Ce
fut le i5 août 1809 que la colonne fut mise à découvert. Pour
se distraire de ses nombreux travaux et de beaucoup de tracas-
series dont il fut l'objet, M. Launay conçut et exécuta dans
ses ateliers le modèle de la coupole de la halle aux blés, que
plus tard un autre artiste fut chargé d'exécuter. Abreuvé d'in-
justices et de dégoûts, il cessa de concourir aux travaux du
gouvernement, et s'occupa d'un projet de fonderies ambulantes,
qui fut soumis au chef de l'état. Il fit ses essais sous les yeux de
plusieurs officiers d'artillerie, au nombre desquels étaient
MM. le général Neigre, le colonel Collet-Marion , et plusieurs
savans, qui tous lui prodiguèrent de justes éloges. Cette utile
conception ne put être réalisée; nous étions alors à la fin dei8i3.
En mars 181/4, les alliés, voulant faire disparaître la statue
qui surmontait la colonne de la place Vendôme, et ne pouvant
réussir à la descendre, envoyèrent chercher M. Launay, et
PARIS. S3?
avant lait conduire devant le monument * 1 1 1 'i l avait élevé, lui
lignifièrent que si, dans trois jours, la statue n'était pas cnle
■te, il sciait passé par les armes, ils lui donnèrent cependant
m ordre si:;n<' S(u/,e/i , pièce que sa famille conserve, et. qu'elle
a déjà montrée aux ennemis de cet artiste qui l'accusaient de
'avoir l'ait descendre de sa pleine volonté. D'antres personnes
plu-» équitables ont rendu hommage an talent et a L'adresse
qui! déploya dans cette conjoncture critique.
I ne maladie longue et douloureux- , OCCa.sionée par les nom-
breux et amers chagrins qui n'ont cessé de l'assiéger, a enlevé,
le a3 août dernier, cet habile artiste à sa famille et. à sa pat] te.
pVoy. ci-deSSUS, p. 729, l'annonce du Manuel dit fondeur sur
mus métaux , ouvrage laisse par M. Lauxay.) II. T.
— \iiii;; ni II vin r.oeiu . — La société a perdu , au moi->
le novembre dernier, dans la personne de M. de Hauteroche,
un de ces hommes (pie les sciences n'ont pas moins à regretter
que la vertu, et qui méritent que Ton revienne jeter quelques
fleurs sur leur tombe : triste et dernière prérogative de l'amitié
qui survit!
M. Louis Allies de Hauteuoche, chevalier des ordres de
Saint- Jean de Jérusalem et du Saint-Sépulcre, était issu d'une
famille noble de Lyon. La tourmente révolutionnaire le jeta ,
dès son jeune âge, à Constantinople, où il se trouvait à l'épo-
que de la célèbre ambassade du général Aubert du Bayet. Les
événemens dont sa famille et lui avaient souffert, avaient donné
plus de gravité à son caractère à la fois sérieux et doux. Il
fallait à cet esprit une occupation positive; et l'étude de la
chronologie lui sembla peut-être moins ingrate que celle du
cœur humain.
Ce fut à Constantinople même que M. de Hauterochc se
mit à former une collection de médailles grecques, qu'il aug-
menta beaucoup dans le cours de ses voyages dans l'Attique et
en Egypte. Il revint en France en 1800, mais le Levant n'avait
point cessé de l'intéresser; et il se trouva heureux d'être suc-
cessivement employé par le département des affaires étran-
gères, d'abord comme consul à Héraclée, dans la mer Noire,
et à Cos, dans l'Archipel ; ensuite comme attaché au consulat
général de Smyrne, et à l'inspection générale du Levant. C'est
en cette dernière qualité qu'il accompagna M. le baron Félix
de Beaujour, son ami, dans la tournée que cet inspecteur général
lit, en 1817, pour visiter tous les établissemens français en
(Turquie. M. de Hauterochc eut, pendant ce voyage, l'occasion
et le loisir d'augmenter sa collection , où l'on a vu figurer le
Prisée de Macédoine et le Démétrius Poliorcète, qui enrichis-
sent aujourd'hui le cabinet de la bibliothèque royale. De rc-
«S 38 FRANCE.
tour à Paris, il s'occupa de mettre de l'ordre dans ses trésors
d'archéologie; tl classa ses médailles, les décrivit, et il avait
commencé à les faire graver : la mort l'a surpris au milieu de
ce travail. Il a laissé la collection la plus complète de médailles
grecques qu'il y ait peut être en Europe, dans les cabinets par-
ticuliers, non-seulement par l'assortiment des pièces, fruit pré-
cieux % mais pénible, d'une infinité de recherches et d'échanges,
mais surtout par leur beauté et par leur conservation. Les
écrits qu'il méditait sur la science numismatique eussent bientôt
mis le dernier sceau à sa réputation ; mais, s'ils eussent achevé
de justifier l'estime que tous les savans lui portaient déjà, tant
en France que dans les pays étrangers, ils n'eussent pu rien
ajouter à la tendre affection qu'il savait inspirer à ceux qui le
fréquentaient. Il avait déjà préludé par quelques dissertations
intéressantes , composées pour les sociétés savantes dont il
était membre, telles qu'un Mémoire sur une médaille anecdote
dePolémon Ier, roi de Pont, imprimé à Cambrai en juillet 1826;
une Notice sur les deux Sapho, lue dans le mois d'août 1822 à
la Société asiatique ; et un Essai sur l'explication d'une Tessère
antique, portant deux dates, qu'il publia en 1820, et qui fixe
une époque importante dans l'histoire de Syrie.
M. A. de Hauteroche , en instituant sa légataire universelle
une nièce, digne à tous égards de sa tendresse, a mérité aussi
que sa mémoire restât éternellement chère à la science et à son
pays. Il a légué au Cabinet du roi deux morceaux extrêmement
précieux; savoir, la Tessère syrienne à double date, dont il
vient d'être parlé, et une médaille en or de Persée, roi de
Macédoine , pièce jusqu'à présent unique. Il a en outre fondé,
en faveur de l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres,
une rente perpétuelle de quatre cents francs, pour être annuel-
lement employée en un prix à décerner au meilleur ouvrage
de numismatique. C'est en 1825 qu'il avait fait ces actes de
dernière volonté. Depuis ce jour surtout il a pu se dire : Non
omnis moriar , et il a goûté en paix cette satisfaction intérieure
qui fait la première récompense de l'homme de bien.
Je fus aussi l'ami de M. de Hauteroche. Notre intimité, for-
mée à Constantinople, et qui n'a cessé d'être, jusqu'au dernier
jour, également vive et douce, m'a rendu plus d'une fois le
confident des vœux de cet excellent homme, pour que le fruit
de ses laborieuses recherches ne fût point, après lui, dispersé
et perdu pour la France. Soulange-Bojdix,
Secrétaire général de la Société dHorticulture de Paris,
l'un des exécuteurs testamentaires.
TABLE DES ARTICLES
CONTENUS
DANS LE CENT HUITIÈME CAHIER.
DÉCEMBRE 1827.
I. MÉMOIRES, NOTICES ET MÉLANGES.
i. Précis historique sur L'étal actuel de la République Ar-
gentine ( Buenos-Ayres ) ; troisième article. Varaigne. Pag. 546
a. Forces productives el commerciales du midi de la France;
second article : Exposition des produits de l'industrie du
Languedoc, à Toulouse. . . Charles Dupin, de l'Institut. 56a
3. Notice biographique sur Malte-Brun. Borj deSaint-Fincent. 5j5
IL ANALYSES D'OUVRAGES.
4- Rapport sur les documens île M. Chervin, concernant la
fièvre jaune , et éclaircissemens de M. Parisct, en réponse
aux allégations consignées dans ce rapport R. 590
| 5. Cinq ouvrages sur la statistique des Pays-Bas. A. Quételet. 596
6. De la religion, par M. B. Constant : IIIe volume. . . . S. 604
7. De l'éducation des sourds-muets de naissance, par M. De-
gérando Frédéric Cuvier, de l'Institut. 614
8. "Vie de Napoléon Euonapai te , par sir Walter Scott (ou-
vrage anglais); second article M. Avenel. 629
9. Les Amours mythologiques, par de Pongerville. Chauvet, 658
10. Comédies de M. Albert Nota (ouvrage italien ). . F. Sal/î. 664
III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Annonces de 102 ouvrages , français et étrangers .
Amérique septentkionale. — Etats-Unis, S, dont 2 ouvrages
périodiques 673
Eukope. — Grande-Bretagne, 6 677
— Russie, 2 683
— Pologne, 1. — Danemark, 2 687
— Allemagne, 7 691
— Suisse, 1 701
— Italie, 10, dont 1 ouvrage périodique 7o3
— Portugal , 1 710
— Pays-Bas , 5, dont 2 ouvrages périodiques 711
France, 62, savoir : Sciences physiques et naturelles , 17. . . . 717
— Sciences religieuses , mcrales , politiques et historiques, 20. . . 736
— Littérature, 18 761
— Beaux-Arts ,3 784
— Mémoires et Rapports de sociétés savantes , 2 787
. — Ouvrages périodiques , 1 789
— Livres en langues étrangères , imprimés en France , 1 790
8/|0 TABLE DES ARTICLES.
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES.
Amérique srptentkionalk. — Etats-Unis, l'ermont : Mécanique ;
Invention nouvelle. — Philadelphie: Atlas maritime d'Amérique.
— Jlba/iy : Institut. — Boston : Instruction publique yg3
Amérique méridionale. — Buenos- Ayres : Instruction publique:
Ecole normale; Études primaires; Etudes préparatoires;
Université et départemens di\ers dont elle se compose;
Écoles defîlles ; Bibliothèque nationale ç5
Afrique. — Egypte. Alexandrie : Publication prochaine d'un
journal français yp(
-EUROPE.
Iles Britanniques. — Liverpool : Passage souterrain creusé
dans cette ville. — Suite de la Revue sommaire des Sociétés
savantes , littéraires , etc. de la Grande-Bretagne : Académie
royale de peinture; Société des artistes anglais; Société des
dessins à l'aquarelle; Académie royale de musique; Institu-
tion harmonique 798
Russie. — Saint Pétersbourg : Académie des sciences 800
Pologne. — Varsovie: Civilisation des Juifs; Grammaire et
Dictionnaire en langue juive; Gazette juive. — Littérature
polonaise 803
Suède. — Stockholm : Écoles de navigation ibid.
Allemagne. — Prusse. Extrait du journal d'un voyageur:
Administration des postes ; Observations sur Berlin ; Etat de
l'industrie dans cette ville et dans la Basse-Silésie 8o3
Suisse. — Lausanne. Extrait d'une lettre: Journaux; Sociétés
de bienfaisance et autres associations; Législation sur la
presse; Révision des lois civiles et pénales ; Nouvelle maison
de force établie à Lausanne; Navigation à la vapeur ; Para-
grêles. — Publication prochaine 806
Italie. — Florence : Académie des Géorgophiles ; Société pour
la propagation de l'enseignement mutuel. — Pistoja: Aca-
démie des lettres et des arts. ■ — Turin : Théâtre 80g
Pays-B\s. — Recherches sur l'histoire des Pays-Bas. — Institut
royal des Pays-Bas 811
France. — Sociétés savantes : Avignon ( Vancluse) : Société des
amis des arts. — Marseille (Bnuches-du-Rhône) .'Société de la
morale chrétienne. — Saint - Quentin ( Aisne ) : Société des
sciences, arts, belles-lettres et agriculture 8 1 3
Paris. — Institut. Académie des Sciences: Séances dû 19 no-
vembre au 17 décembre. Addition a la séance du lundi Ier oc-
tobre.— Conservatoire des arts et métiers: Ouverture du
cours normal de géométrie et de mécanique appliquées aux
arts, par M. Charles Dupin. — Plan en relief de Saint-Pé-
tersbourg.— Théâtres. Théâtre-Français : Premières représen-
tations de Blanche d'Aquitaine, tragédie, et du Mariage
d'argent, comédie. — Beaux-Arts .-Ouverture du Musée d'anti-
quités égyptiennes au Louvre. Deux têtes , d'après des fresques
de G.-A. de Vercelli. — Réclamation.- — Nécrologie : J.-B. Lau-
nav; Allier de Hauteroche. . 8i5
TABLE
ANALYTIQUE ET ALPHABÉTIQUE
DES MATIÈRES
m TRENTE SIXIÈME VOLUME
DE LA REVUE ENCYCLOPÉDIQUE.
Octobre, Novembre, Décembre 1827 (*).
On a n'uni aux quatre motl indicatifs des quatri: cran DES divisions de
ce Reçu cil :
I. MÉMOIRES, NOTICES ET MÉLANGES;
IL ANALYSES ET EXTRAITS D'OUTRAGES CHOISIS;
III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE;
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES;
le détail et le renvoi des articles qui s'y rapportent; puis, on a caractérisé ces
articles, à la suite du nom de leurs auteurs, par l'une des quatre abréviations
ci-après: M. ( mémoires et notices) ; A. (analyses) ; B. (bulletin biblio-
graphique); N. (nouvelles scientifiques et littéraires). La désigna-
tion C, après les noms propres, indique les collaborateurs de la Revue, lorsqu'il
s'agit des articles qu'ils ont fournis.
Au lieu de comprendre sous la dénomination générale sciences et arts
(comme dans nos quatre tables des matières de l'année 1819), l'indication des
différentes sciences dont traite ce volume, on a cru devoir, pour rendre les re-
cherches plus faciles, et pour mieux caractériser le but philosophique de la
Revue Encyclopédique, ouvrir un compte particulier et spécial, en lettres ca-
pitales, non-seulement à chacune des branches des connaissances humaines,
agriculture, anatomie, etc.; à chacun des élémeus essentiels de la civili-
sation et des moyens principaux de communication entre les hommes : acadé-
mies et sociétés savantes; dictionnaires; enseignement mutuel;
instruction ruBLiQUE ; journaux; THEATRES , etc. ; mais encore à chacun
des Days dout il est fait mention dans ce Recueil : de manière qu'on puisse rap-
procher et comparer tour à tour, soit l'état des sciences et des élemens de la
civilisation dans chaque pays , soit les nations elles-mêmes, sous les différeus
rapports sous lesquels on a eu occasion de les considérer.
A
.bsalon. Voy. Estrup.
Académies. Voy. Sociétés sa-
vantes.
Acoustique. P'oy. Bleîn.
Adrien- Lafasge ( J.). Poy. Can-
tiques religieux.
(*) Ou souscrit, pour ce Recueil scientifique et littéraire, dont il
paraît uu cahier de quatorze feuilles d'impression, tous les mois, au Bureau
central d'abonnement, rue d'Enjer-Sainl-Michel , n° 18; chez Arthus
Bertrand, rue Hautefeuille, n° 28, et chez Renouard, rue deToumon, n° 6.
Prix delà souscription : à Paris, 46 fr. pour un an: dans les départemens,
53 fr. ; 60 fr. dans l'étranger.
T. XXXV I. 5.;
84a
TABT.K ANALYTIQUE
\i i; !j . B , 187, 796.
Agoub. La Lyre brisée , dithy-
rambe, traduit en vers arabes
par Réhafa , v>.o8.
Agriculture, 236, 23q, 3o6, 47 r,
(u) t.
All>ert (D.), C — N ., 799.
Albert - Montémont. Voyage aux
Alpes et en Italie, 194.
Alcée. Voy. Mathiïe.
ALLEMAGNE, 12$, 226, 392,497,
691, 8o3.
— (L'), ou Lettres d'un voyageur
allemand, 128.
Ajlma.xa.cii des Dames, 4^9-
■ — dédié aux Dames , ibid.
— des bons conseils, parL.S.T.R,
744.
Alphabet phonométrique et décou-
verte de huit lettres nouvelles ,
par Virai d, 761.
Amalfi ( ville d' ) , 291.
Amélioration de la population es-
clave dans les colonies anglai-
ses, 3.77.
Amérique méridionale , 109 ,
794-
SEPTENTRrONALE, 106, 210,372 ,
481,673,793.
Ami (L') de tout le monde , comé-
die en prose ,261.
Amours (Les) mythologiques, tra-
duits dès Métamorphoses d'O-
vide, par de Pongerville , A,
658.
Amulette ( L' ) , par S. C. Halle ,
384.
Analyses (II) d'ouvrages alle-
mands : Histoire du soulève-
ment des Pays-Bas sous Phi-
lippe II , par F. Schiller ,
traduite en français par Châ-
teaugiron {Crussolle-Luini) , 69.
— d'ouvrages anglais : Essai sur la
construction desrouteset des voi-
tures , par R. L. Edgeworth, tra-
duit en français (7. /. Baude).36.
— Vie de Napoléon Bonaparte,
par Walter Scott {Avenel), 629.
— d'ouvrages anciens classiques :
Bibliothèque des classiques la-
tins , avec la traduction, pu-
bliée par Jules Pierrot ( /. J.
ChampoUion -Figeac), 9 2 .
- d'ouvrages belgques - français :
Mouvement delà population des
Pays-Bas. — Développement des
tableaux publiés par la commis-
sion de statistique, par.Smits.
— Recherches sur la popula-
tion , etc. des Pays-Bas , par A.
Quetelet. — Rapport sur les
écoles des Pays -Bas. — Carte
figurative de l'instruction po-
pulaire des Pays-Bas ( A. Que-
telet), 596.
-d'ouvrages espagnols : Espagne
poétique, choix de poésies castil-
lanes, mises en vers français, par
J. M. Mauty ( Muriel), 98, 33g.
- d'ouvrages des Etats - Unis :
Œuvres complètes de J. Feni-
more Cooper ( B. J . ), 346.
-d'ouvrages/m/ica» : Manuel du
juré, par Victor Guichard et
J. J. Dubochet {Charles Comte),
45. — Histoire de Bretagne par
Daru (Drppitig), 58. — Voyage de
la Grèce, par F. C. H.L.Pcuque-
ville; Histoire delà régénéra-
tion de la Grèce , par le même
{Auguste Fabre), 74. — Diction-
naire d'agriculture pratique( A7),
3o6. — Voyage métallurgique
en Angleterre, par Dufrénoy et
Élie de Beaumont {Ferry), 3i4-
OEuvrcs de Servan ( Parent-
liéal), 320. — Tableau chrono-
logique des événemens rappor-
tés par Tacite, par de Fortia
{Charles du Rozoir), 327. — L'en-
seignement du dessin linéaire,
par L. B. Francœur ( de SU-
vestre ) , 36 1. — Rapport lu à
l'Académie royale de médecine,
sur les documens de M. Ctier-
vin concernant là fièvre jaune;
Éclaircissemens de M. Pariset
en réponse aux allégations con-
signées dans le rapport précé-
Dl S MATIERES.
843
vient (/f. ), 589, - lh- Lu reli-
gion» etc. , pa i' lî. CoustaptG?.),
(> 1 » . Del'éducation des Sourdi
muets de naîssau< e , par Degé-
îandi) (/'/<•</. Cihut), (>i\. — I itt
Amours ni\ tlmlogiques , par de
Pongei ville (( 'h.un-et), 658.
— d'ouvrages italiens « Comédies
d'Albert Nota (/''. .W//), 664.
Ajn v ruM 1 1' , 72 I , 81 5.
— de l'homme, etc., par .Iules
Cliquet, publiée parC. deLas-
teyrie, i6r.
Anceh.t. L'Homme du monde ,
4"'i , 5 a 3.
Anecdotes, lai.
Anévrysme. J'oy. Brescbet.
ANGLETERRE. Voy. Gil AN DE BltE-
TAGNE.
Annuaire du jardinier et de l'a-
gronome , pai'Boitardj 719.
— du peuple, etc., par Girault, de
Saint-Fargeau, 744-
Antilles, 1x1, 3j5.
Antiquités, 248, 827.
— découvertes par M. de Blareirt-
berg, d'Odessa, aux envirousde
Symphéropol, 49^.
— découvertes par le même sur les
bords del'ancien Bosphore Cim-
mérien, 496.
Apology [Ail) for the pursuit of final
béatitude, etc., by liam - Mohuin-
Roy, 110.
Appeal ( An ) to the Christian pu-
blic , etc. , by Ram-Mohuiri- Roy ,
1 10.
— (Final), etc., ibid.
Appert ( B. ). Observations sur les
prisons, hospices , écoles des
départemens et des pays étran-
gers, 750.
Apulée (Caecilius ). Fragmens du
Traité de l'orthographe ; édi-
tion publiée par Osann, 399.
Arabes (Les) auprès de Tours, ro-
man allemand, par A. Ugewild,
i3a.
Ara go. ^/.Nominations acadé-
miques.
AlW.lll OI.OOI J'., 171), jo j, j: 7,711,
7«.i-
( RappOl !s de V ) avec les Bit!
modernes , par Ç. J.C.Reuvens,
711.
Aki.ii 1 1 1 ( il 11 1-, , l45, 248, /\d[).
— moderne <!<• la Sicile, etc., paj
J. Jlittoif et L. Zanth, 200.
antique de la Sicile , par les
mêmes, 20 r .
Aretin (Von). StaCLtSrecht der cn/is-
tiluliiiK lieu Monarchie , 3o5.
Ahitiumi'iioi;! , i(i:7.
— (Application del') au commerce
et à la banque, par J. B. Ju-
vigny, 4 2 5.
ART Mf LITAIRE, I 5 r , l()5.
VKTÙ1IK AIRE, 3oo\
— (L') de fabriquer la porcelaine ,
par F. Baslenaiie - Daudenai t ,
4 3 1 .
— ( L' ) du maître de forges, par
Pelouze, 7 2 8.
— de fabriquer la faïence recou-
verte d'un émaii blanc et coloré,
par F. Bastenaire-Daudenart ,
73o.
AktS INDUSTRIELS , 1 26 , 167,
168, 43i, 73o, 819.
Ascétique. Voy. Sciences eeei-
gieuses.
Astronomie, 420".
— des Demoiselles , par James
Ferguson , traduite en français
par Quélrin, 725.
Asie, 810.
Athénée de Brescia, 142.
Atlas universel de la géographie
physique, etc. de toutes les par-
ties du monde, par Ph. Van-
der - Maelen, i52.
— géographique de l'Egypte et de
la Nubie, par Fréd. Caillaud,
174.
— et statistique des départemens
de la France, 174.
— commercial, ou Exposition mé-
thodique du droit commer-
cial, etc , par Poux - Franklin ,
747-
B44
— maritime d'Amérique, par Cor-
tès, 793.
— des oiseaux d'Europe, etc., par
J. C. Weruer, 420.
Austral asie, 212.
Avenel (M.). C— A. , 629.
Aveugles, 477-
B
Ba-
Art
Bacriade ( La ), ou la Guerre d'Al-
ger , poëme héroïque eu cinq
chants, par Barthélémy et Méry,
455.
Bains de mer (Les), poëme, par F.
Thueux, 455.
Banquet mensuel de la Société de
la Revue Encyclopédique, 255.
Barbarie, 487.
Barbaroux ( Charles ). Mémoires
756.
Barras. Voy. Gastralgies.
Barthe. Voy, Réfutation.
Barthélémy et Méry. Voy.
criade.
Voy. Corbiéréide.
Bastenaire - Daudenart. Voy
de fabriquer la faïence.
Bateau à vapeur établi entre Odes-
sa etKherson, 494-
Baude(J.J.), C. —A ,36.— B. ,
174.
Beaumont. Voy. Hernies.
Beauties ( The) ofthc court of Charles
the second, by D. B. Murphy ,
382.
Beaux-arts, 200, 247, 264, 36i ,
467, 526,710,711 ,784, 799.
Bébian. Journal de l'instruction
des Sourds-muets et des Aveu-
gles, 477.
Beccadelli ( Lodovico*). V'ua dcl car-
dinal Gasparo Contarini, 4 10.
Bégaiement ( Nouvelle méthode
pour guérir le ), 25o.
Belles -Lettres. Voy. Littéra-
ture.
Bentham (Jérémie). Voy. Défense
de l'usure.
TABLE ANALYTIQUE
Berlin ( Observations d'un voya-
geur sur ), 8o3.
Berzelius (J.). Voy. Nominations
ACADÉMIQUES.
Bessel (F. W.). Voy. ibid.
Bibliographie, 106, 37 2, 3 92, 67 3.
Bibliothèque nationale de Bue-
nos-Ayres, 704.
— des classiques latins, avec la
traduction en regard, par Jules
Pierrot, A., 92.
— des connaissances usuelles, etc.
ji3.
— choisie des Pères de l'Eglise
grecque et latine, par N. S.,
Guillon , 736.
Bichat(Xav). Traité des mem-
branes , etc. Nouvelle édition ,
revue par Magendie, 721.
Bigeschi (J.). Précis sur l'hospice
delà Maternité de Florence, etc.
703.
Bignan. Voy. Joseph Vernet.
Bijou (Le), par W. Fraser , 384.
Biographie , 3o, 120 , 1 65 , 290 ,
38i , 382 , 391 , 4o3, 410, 4n ,
417, 448, 575, 629, 674, 696,
701, 707, 753.
— universelle et portative des
contemporains, en un seul vo-
lume, 443-
Biot. Mémoire sur la figure de la
terre, 716.
Bis. Voy. l'ouvrage ci-après.
Blanche d'Aquitaine , ou le der-
nier des Carlovingiens, tragé-
die, par Hippolyte Bis, 821.
Blachette. V. l'ouvrage ci-après.
Blanchiment (Traité du) des toiles
de lin , etc. , par L. J. Bla-
chette, 167.
Rlaremberg. Voy. Antiquités.
Blein. Exposé de quelques prin-
cipes nouveaux sur l'acousti-
que , etc., 428.
Blom {H. J.). Unionskrigene og Bor-
geikrigene , etc. ,688.
Blume (CL.). Voy. Nominations
académiques.
Blumenbach (J. F.). Voy. ibid.
I»KS MATIERES
Boileau. ( lEuvres posthumes , pn-
bliées ptr L. Parelle, j(i3,
Bois-Duval. Essai d'une monogra-
phie de la tribu des sygén ides,
a \j.
Boissier ( Henri ). v<>y. Ni kobolo
G il'.
Boitard. f'oy. Annuaire du jardi-
nier.
Boivin (Mma veuve). Por, Molcvé-
siculaire.
Bonafous (Mathieu). Vor, Mûrier.
Bonnefoux ( P. M. G. de ). Nou-
velles séances nautiques, 73 1.
Borghers. Précis de l'histoire
de la constitution d'Angle-
terre, etc. d'après Ilallani, 4 ir-
Bory de Saint- Vincent, C. — M.
570. — B., 160, 44^-
— Essai monographique sur les
oscilla ires, ifïo.
Bossuet. Voy. Éloge.
Botanique, m, i59, 202, 247 ,
5i3.
— ( Nouveau Manuel de ) , par S.
Girardin et J. Juillet, i5o,.
■ — du droguiste, etc., ouvrage tra-
duit de l'anglais par E. Pelouse,
ifio.
Botta (Charles). Voy. Osservàzioni.
Boucliené-Lefer, C. — B., 748.
Bouille (M. de). Mémoires, 755.
Bourgon. Abrégé d'histoire uni-
verselle, 754-
Bowring (John). Voy. Poésies po-
lonaises.
Boyard. Des droits et des devoirs
de la magistrature française ,
i83.
Biadi ( Mme la comtesse de ). Une
nouvelle par mois, 783.
Brès, C. — B. , 776.
— Histoire des quatre fds d'Ay-
mon, 782.
Breschet. Mémoire concernant l'a-
névrysme faux consécutif du
cœur et l'anévrysme vrai des ar-
tères, 245.
Brismontier ( G. L. ). Voy. Phar-
macie élémentaire.
Brongniart ( Ad. ). Nouvelles
Observations sur les granules
ipermatiques des végétaux, 817.
Brown ( Robert ). Poy. Nokijia-
llovs \(. \DI. MIQUES.
Bnczynski (G.). Voy. Histoire d<
Russie.
Bus nos-Ayiîi.s , 5 j"), 7f)4-
Bullstih l'.iM.i'M. ■: \ pa en e (III )
Allemagne, 17.cS, '\\y> , 09 r. —
Antilles, >7>. — Colombie, 109.
— Danemark, 126,390, 687. —
Espagne, 4 f 3. — Etats- Unis ,
106, 372, 673. — France, i58,
419, 717. — Grande-Bretagne,
111,375,(177. — Indes orientales,
1 ro. — Italie, 1 3q, 4(>5 , 703. —
Pays - Bas , i5i , 4*4 » 7*T< —
Pologne, GSy. — Portugal, 148,
710. — Russie, 123, 389, 683.
— Suisse, i33, 4«i » 701.
Bnrnier (L.). Voy. Scott.
Burnouf ( E. ). Voy. Inde fran«
çaise.
Cadet, de Metz. Observations sur
l'expédition de 1827 pour le
pôle du Nord , 733.
Caillaud (F.). Voy. Atlas géogra-
phique.
Calculs vésicaux. Voy. Civiale.
Canal de New - York. Voy. Me-
moirs.
— pour joindre la Marne à la
Seine. Voy. Cordier.
Canova. Voy. Monument.
Cantiques religieux et moraux ,
mis en musique, par J. Adrien
Lafasge, 2o3.
Carre! ( Armand ). Histoire de la
contre - révolution en Angle-
terre, 44 r-
Carte figurative de l'instruction
populaire des Pays-Bas, A, 59(5.
Cartwright (Major). Hislife and cor-
respondance, 38 r.
Cassette ( La ) , comédie en prose ,
262.
S46 TAULE AN
Catilina , tragédie imitée de l'an-
glais de Ben Johnson, 1 g3.
(."anses célèbres étrangères , 749-
— premières (Résumé des opinions
des philosophes anciens et 1110
dernes sur les ) , etc. , par L. A.
Gruver, 1 53-
Caustiques. Voy. Qnelelet.
Cendrier (F. A.). L'Académie des
beanx-arts de Paris lui décerne
le second grand prix d'architec-
ture, 2 48.
Censure , 807. Voy. Errata.
Cervantes-Saavedra. El ingenioco hi-
dalgo don Quijote de la plan-
cha, etc. , 207.
Chabrier. Mémoires sur les mou-
vemens progressifs de l'homme
et des animaux, 8i5.
Champollion-Figeac ( J.J. ). C. —
^ A., 92.
Champollion le jeune. Voy. Mo-
numens égyptiens.
Chansonnier ( Le ) des Grâces ,
774-
Chants populaires des Grecs mo-
dernes , traduits en vers rus-
ses , etc. par Nicolas Gueditch,
685.
Charpentier. Voy. Valentin.
Charron ( Pierre ). De la Sagesse.
Nouvelle édition publiée par
Amaury Duval, 4^8.
Chateaubriand. OEuvres com-
plètes , 191, 765.
— Voy. Examen.
Châteaugiron (M. de), Voy. Schil-
ler.
Chauvet, G. — A., 658.
Chervin. Voy. Rapport.
Chiabrera. Prose inédite , etc. 708.
Chimie, 242,273,720,816.
Chine ( La ) : mœurs , costumes ,
arts et métiers, etc. Lithogra-
phies coloriées, avec des notices,
par D. B. de Malpière, 786.
Chirurgie. Voy. Sciences mé-
dicales.
Chlore (Notice sur le) et les chlo-
rures, M., 273.
\LYTJQUE
Chroniques (Les) delà Canongate,
par Walt or Scott , traduites en
français par A. J. B. Defaucon-
pret', 776.
Chronologje, 327.
Civiale. Lettre en réponse aux Ré-
flexions de M. Kern sur la nou-
velle méthode pour broyer les
calculs vésicaux, 724.
Classiques français , ou Biblio-
thèque portative de l'amateur ,
762.
Cloquet (Jules). Voy. Anatoinie de
l'homme.
Code pénal (Projet du) du royaume
des Pays-Bas, 1 54*
Cohen (J.). Voy. O'Brien.
Collection des Mémoires relatifs à
la révolution française, 755 ,
756.
Collin. Voy. Garance.
Colomb (Christophe). L'Académie
des lettres et des arts célèbre la
mémoire de ce grand homme ,
810.
Colombie, 109., 790.
Colonial reform (The further pro-
grès s of), etc., 377.
Comédies d'Albert Nota, A., 664.
Commentari dell' Ateneo di Drescia,
i42>
Commerce, 106, i34> 236, 25 1 ,
471,691.
Communication entre Baltimore
et les états de l'ouest, 106.
Comte (Charles), C. — A., 45.
Voy. Philipps.
Histoire de la garde natio-
nale de Paris, 44 *•
Concordat de l'Amérique avec
Rome, par de Pradt, 738.
Conférences , etc. by Ram - Mohum-
Roy, 1 10.
Coajigliacchi {L.). Memorie intorno
alla i>ita ed aile opère di JVerner
ed Ha/iy, 707.
Conradin , tragédie en vers , par
de Cuzey, 775.
Conservatoire des arts et métiers
de Paris, 819.
Iil s V\
Cou i si. f'"i . Rom v ■*. s.
Constant (B.). /'.»». Religion.
Constantin, ou le Muei luptJ
nouvelle imitée de l'allemand ,
de ELrnfce , par M «>• de ftfooto-
lieu, îo5.
Constitution andlav\ * <»/ ffenssèlàBr-
Schoolf etc. , (>~~ \.
Constructions des routes. /'">.
Edgeworth,
Contariui(Cardinal Gaspard) For.
Betccadélli.
Conte ( Cajetan). Essais d'expé-
riences sur les propi iétés <l ts
eaux thermo-minérales du tem-
ple de Sérapis a Ponxzotes ,
Com'ito di Dante Alighieri, etc. 1 4 2 .
Coopcr ( J. Fenhnbre ). OMuvres
complètes, traduites eu fran-
çais par A. J. B. Defaueonpret,
A., 346.
Voy. Corsaire rouge.
Cooper ( J. M. ). Voy. Mécanique.
Cooper (Philip Astley). Voy. No-
MIiVAT(0.\S VGA l)lbl IQU ES.
Corbiéréide (L.a), poème en quatre
chants, par Barthélémy et Mé-
ry, 455.
Cordier (F.) Mémoire sur les pro-
jets présentés pour la jonction
de la Marne à la Seine, 169.
Corsaire rètfgé ( Le ), roman amé-
ricain , par James Fenimore
Cooper, traduit en français par
A. J. B. Defaueonpret, 777.
Cortès. Voy. Atlas maritime.
Courtin. Voy. Encyclopédie mo-
derne.
Ckaniologie, 2 j 4, 8(8.
Creuzé de Lesser. Voy. Réclama-
lions.
Crivelli,C. — B., 206.
Cromwel , drame, par Victor Hu-
go» rA-
Crussolle-Latui, C. — A., 69.
Culte. V . Sciences religieuses.
Cunningham ( P. ). Deux années
dans la Nouvelle -Galles méri-
dionale, 375.
III Kl s. 8/, 7
Cuvier ( Prédéric Voj . Histoii
iiatui elle.
C. \., fii .;.
Voy. Nniiiwin^s \( vit* -
m moi as,
( iu/ry \ )c ;. Voy, Conradin
I)
Daily ( N\ ). Voy. Gtammaire gé
nera l< ».
D\m muik, ra6, a>6, 390, f>88.
Dante (Le Banquet du ), i4a.
D.nu. Histoire de Bretagne, A ,
58.
Daudenart ( F. Baateoeife ), Voy.
Porcelaine.
Dans (John }. New- En glana" s Mé-
morial, by Nothanivl Morton, 108.
Davy ( Hnmpbrey). Voy. NOMINA-
TIONS AC.VDI- m 101; ES.
Decandolle ( A. P. ). Voy. ibid.
Defaueonpret (A. J.B.). Foy. Coo-
per.
Défense de l'usure, etc., par Jëré-
niie Bentham , traduite en fran-
çais, 748.
Dcfense(À) of/ii/idoo-theisrn,clc., by
Ram- Mo h it m - Roy, 1 1 o.
Degeorge (Frédéric), C. — B., 379.
Degérando. De l'éducation des
sourds-muets de naissance, A.,
614.
— Du perfectionnement moral ,
ou de l'éducation de soi même,
743.
Déisme des Indous. Voy. Défense.
Delambre. Histnirede l'astronomie
au xvine siècle, publiée par
Mathieu, 426.
Delangle(N.). Voy. Nodier.
Delprat ( J. P. ). Voy. NOMINA-
TIONS ACADÉMIQUES.
Demi-lune construite autour de la
pyramyde qui marque le terme
boréal de la base de Melun ,
5(5.
Depping, C. — A., 58. — B. (Soi, et
les articles signés D — g.
S ,8
TABLE ANALYTIQUE
Discours. Voy
Descartes. Vo)
Méditations.
Desmarand (Jouvet). L'Industrie
française, poème, 193.
Desmarest. Voy. Falsifications.
Despréaux. Essai sur les laminai-
res des côtes de la Normandie ,
5 14.
Despréaux ( G. R. ). L'Académie
des beaux -arts de Paris lui dé-
cerne le second grand prix de
composition musicale, 248.
Df.ssin, 800.
— linéaire ( L'enseignement
du ) . etc., parL. B. Francœur,
A., 36i.
Deutschland , oder Briefe eines in
Den tsch land reisen den Deutschen ,
128.
Développement des trente-un ta-
bleaux publiés par la commis-
sion de statistique des Pays-
Bas , par E. Smits, A 596.
Dewez. Histoire générale de la
Belgique , 4*7-
Dictionnaire universel de droit
français, par J. B. J. Pailliet,
177, 746.
— d'agriculture pratique , par
François de Neufchâteau , A. ,
Poiteau et autres, A., 3o6.
— polonais- juif , par Tougend-
hold, 802.
— classique de la langue fran-
çaise, etc., publié par quatre
professeurs de l' Université ,
45 1, 760.
— ( Nouveau ) de la langue fra n-
çaise, par F. J. Mayeux, 190.
— géographique et statistique de
l'Espagne et du Portugal , par
Sébastien Mignano, 4*3-
— historique , etc. , par l'abbé
F. X. deFeller, 753.
— général des sciences philoso-
phiques , par W.T. Krug, 392.
Didier (Charles). Mélodies helvé-
tiques, 787.
Dieudé ( Armande ) , C. — B. 121.
Dinarque. Voy. Schmidt.
Dionis Cassii Cocceiani historiarum
romanarum quce supersunt. Ed.
Sturz, i3o.
Diorama de Paris, 264.
Discours de la Méthode pour bien
conduire sa raison , etc. , par
Descartes, 43y.
— prononcé à l'ouverture de l'A-
cadémie de Soroe, par O. Mai-
ling, 3oo.
— en prose inédits de Gabriel
Chiabrera, 708.
Distribution d'eau dans l'intérieur
de Paris. Voy. Genieys.
Doctrine médicale. Voy. Duringe.
Don Quichotte. Voy. Cervantes.
Droguiste. Voy. Guide-Manuel.
— Voy. Botanique.
Droit. Voy. Jurisprudence.
— commercial. Voy. Atlas com-
mercial.
FRANÇAIS, 177, l83, 746.
PÉNAL, 45^ l54, 182.
PUBLIC, 148.
de la monarchie constitu-
tionnelle , par le baron d'Are-
tin , 395.
Dubochet (J. J.). Voy. Manuel du
juré.
Dubrunfaut, C. — B., 168.
Dufau (P. A.),C— B. ,758.
Dufrénoy. Voy. A7oyage métallur-
gique.
Dulaure. Histoire des environs de
Paris , 44°-
Dumas et Pouley fils. Mémoire sur
la formation de l'éther sulfuri-
que, 816.
Dupin ( Charles ). Cours normal
de géométrie et de mécanique
appliquées aux arts, 819.
Forces productives et com-
merciales delà France, ï52.
C— M., 562.
Duponceau (Pierre Etienne). Voy.
Eulogium.
Du pré (L.). Voyage à Athènes et
à Constantinople, 4^7»
Dupré ( F. X. ). L'Académie des
r>ES mati/kks.
S
in
beaux-arti de Parla l>o dé< ei m
le premier grand i > i î x de pein-
ture, > \~-
Duringe. Exposition de la doc-
trine médicale allemande, iv».3.
Dossard (H.), C.—B., 711.
Duthon ( M|nc Adèle )• Notice wr
Pestalo/.zi, 701 .
Duval(Amaury). Voy. Montaigne.
Voy. Charron.
E
Eau* thermales. > <>>. Gendrin.
thermo-minérales du temple
de Sérapis à Pou/.zoles. / oj .
Conte.
Écîaircissemens de M. Pariset, en
réponse aux allégations contre
la commission médicale en-
voyée à Barcelone en i8ai. A.,
589.
École normale , et écoles de filles
à Buenos-Ayres, 794-
polytechnique fondée à Mu-
nich, 497-
— de Rensselaer établie à Troy,
dans l'état de New- York, 674.
Écoles de navigation dans diffé-
rons ports du royaume de Suède,
802.
— (Rapport sur les) du royaume
des Pays-Bas, A. , 5g6.
l.CONOMIE DOMESTIQUE, 3o6.
— politique , 56a.
— RURALE , 239 , 3o6 . 5o3.
Ecosse. Voy. Grode-Bretagjne.
Edgeworth (R. L. ). Essai sur la
constitution des routes et des
voitures, traduit de l'anglais,
A. ,36.
Édifices sépulcraux (Des) de l'E-
trurie moyenne, etc., par Fran-
çois Orioli, i45.
Éducation, i5j, 495,614.
Egypte, i3g , 174, 796-
Ehrenherg. Voyez Nominations
ACADÉMIQUES.
Élie de Beaumont. Voy. Voyage
métallurgique.
T. XS.X.V1.
Eloge de Boseuel , 1 90.
Ki. uni 1 \( 1 , 1 go, 4°o.
— pi i.v oh \ rai , 736.
1 \\k.\ « 1. or idii. , 1 1 ! , 1 3a,
]>;ii ordre des matières , 9H, li-
vraison , i58.
— moderne, par Courtin, 187.
— populaire 1 ou les sciences, les
art! et 1rs inétiris mis ;'i la por-
ter île toutes les classes , 717.
Enéide ( L' ) (\f> gens du monde,
poème en donze «hauts, 45a.
I'.NSI.I<;> UCIIZ INDUSTRIEL, ^5l ,
5o3 , 67/,.
Entomologie, 1 \ \.
Épicurien (L'),parThom as Moore,
traduit en français par A. A.
Renouard , i()5.
Épouse (L') nouvelle, comédie
italienne, par A. Nota, 811.
Errata exigés par les suppressions
partielles de la censure, dans
quelques articles de la Revue
Encyclopédique, 53 1.
Ers ter Sicg des Lichts ïiber die Fms-
terniss , etc. , 695.
Esclavage, 377.
Espagne , 4 »3 , 734-
— poétique. Choix de poésies cas-
tillanes, mises en vers français
par Juan Maria Maury, A. , 98 ,
33y.
Esprit et conférences des lois d'in-
térêt général, 206.
Esquisse politique sur l'action des
' forces sociales dans les diffé-
rentes espèces de gouverne-
ment, 41 5.
Esquisses pittoresques, géogra-
phiques, statistiques, par Segato
et Masi , 139.
Essais poétiques : trois Napoiéo-
nides, par J. J. Lesergent des
Vosges, 193.
Establishment {The) ofthe Turks in
Europe , 118.
Estrup (//. T.). Absalon sora Ilcll ,
391.
Établissèmens puhlics d'Odessa
r f
0 0
Etilogin,
S5o TABLE A?»
pour l'éducation delà jeunesse ,
, 495.
États-Unis, 106, 210, 372, 481,
, 673>793-.
Éther sulfurique. Voy. Dumas.
Ethnographie , 758 , 786.
Etrennes littéraires, 383, 384,
45o, 774-
in commémoration of
William Tilghman , etc. , by P.
E. Duponceau , f>74-
Examen des OEuvres complètes
du -vicomte de Chateaubriand,
par A. J. C. Saint - Prosper ,
765.
Expédition pour le pôle Nord.
Voy. Cadet.
— projetée par le pacha deTripoli i
contre les Arabes du Djebel ,
487.
Exposition publique, à Paris, des
produits des manufactures fran-
çaises, M. , 5.
— des produits de l'industrie du
Languedoc, à Toulouse, M.,
5fi2.
— des produits des beaux-arts et
de l'industrie, à Avignon, 8i3.
— des tableaux, à Paris, 5 26.
F
Fabre (Auguste) , C. A. , 74.
Faikenstein. Voy. Kosciuszko.
Falsifications (Traité des), etc.,
par Desmarets, 731.
Faraday. Voy. Manipulations chi-
miques.
Faulkner (Arthur Brooke.). Notes
et réflexions écrites pendant
une visite à Paris, 680.
Faure. Mémoires sur l'iris et sur
les pupilles artificielles , 5 16.
Fazy- Cazal ( E. J. ). Voy. Kast-
hofer.
Fellenber^ (Emmanuel de). Voy.
Hofwyl.
Feller ( F. X. de). Voy. Diction-
naire historique.
ALYTIQUE
Fergusson ( James ). Voy. Astro-
nomie des demoiselles.
Ferrv, C.-M. , 5. — A., 3i4.—
B.\ 714, 728, 734. — N., 255.
Voy. RÉCLAMATION.
Fiancés (Les), fragment d'une
histoire milanaise, etc., par
Alex. Manzoni, 4u-
Fièvre jaune, 58y.
Fièvres (sur les) de l'automne à
Amsterdam , etc. , par H. F.
Tychsen, 414.
Fléchère (De la). Vie, 4<>3.
Fleurs (Choix des plus belles), par
P. J. Redouté, 202.
Floride occidentale. Avantages
que peuvent se promettre les
colons européens qui voudraient
s'établir dans cette contrée ,
48i.
Folchi. Analyse d'une plante mé-
dicinale, a3i.
Forces productives et commer-
ciales du midi de la France,
M.:, 562.
Forces sociales. Voy. Esquisse po-
litique.
Forêts. Voy. Soulange-Bodin.
Forget me not (The) , 383.
Formulaire pour la préparation
et l'emploi de plusieurs nou-
veaux médicamens , par F. Ma-
gendie, i6"4-
Fortia ( M. de ). Voy. Tableau
chronologique.
Foscolo (Ugo). Voy. Notice."
Fossati, C. — B. , 146, 705, 71a.
— N., 23i.
Fougères. Voy. Icônes.
Fourier (A.). Mémoire sur la puis-
sance mécanique de la vapeur
d'eau , 728.
France, i58 , 239, 4]9> 5ia,
717, 8i3.
Francœur (L. B.). Voy. Dessin li-
néaire.
— C. B., 4 1 5 , 427, 43i, 727,
728.
François de Neufchàteau. J'or.
Dictionnaire d'agriculture.
DES MAiii.ur.s.
b'i usât 's Bijou , 38 \ .
Fmsologia iuUiana , oisia rttotolta
di 20,000 frasi , etc. 708.
Frédéric Styndhall, ou In Fatale
année, par Ivratry , .J62.
Fumer (L'art de) et de priser HD(
déplaire aux belles, 168.
Galerie systématique de dessins
lithographies pour servir à l'En-
cyclopédie de Brockhaus , 1 3a.
Garance ( substances colorantes
de la ), par Robiquet et Collin,
Garde nationale. Voy. Comte.
Voy. Souvenirs.
Garnier (Adolphe). Voy. Peine
de mort.
Gastralgies (Traité sur les) , etc.,
par Barras , 722.
Gauppe ( Theod.) De prnfessoribns et
medicis 120
Gay-Lussac (L. J.) Pop Nomi-
nations ACADÉMIQUES.
Gendriu. Quelques expériences
sur la chaleur des eaux ther-
males, 5i5.
Genieys. Note sur un projet de
distribution générale d'eau
dans l'intérieur de Paris, 172.
Géodésie , 816.
— (supplément au Traité de), etc.,
par L. Puissant , 426.
Geoffroy-Saint- Hilaire. Voy. His-
toire naturelle.
Géographie, 139, i5a, ij4i 227,
392 , 4*3.
— (Abrégé de la nouvelle) uni-
selle, par Hyacinthe Langlois ,
43i.
— (Nouvelle) méthodique desti-
née à l'enseignement , par A.
Meissas et A. Michelot , 432.
— moderne (système nouveau de),
parSidnev E. Morse, 107.
Géologie, 5i4-
Géométkib, 818.
Gervais. Perfectionnement des
85 1
méthode! asitéei pour la fabri-
cation du vin, .{83.
Giannone ( P. ). litoria civile del
rogno <li NapoKf 4°5.
Gilbei 1 ( A. ). L'Académie des
beaux -arts de Parii lui décei ne
le deuxième second grand prix
de composition musicale , 1^0.
Gillies ( R. P. ). German stoiies ,
683.
Gingina-1 «aasaras ( Fréd. de). His-
toire naturelle des lavandes ,
i33.
Giovanelli {IL). Dell' origine de' selle
e tredici cotnmuni , etc. , abitanti
fra V Adiçc e la H renia , 706.
Girard (François). Deux têtes,
d'après des fresques de Gio-
vanni Antonio d'Avercelli, gra-
vées à la roulette, 83 1.
Girardin (S.). Voy. Botanique.
Girault de Saint - Fargeau. Voy.
Annuaire du peuple.
Gîavimans (C. J.). Voy. Nomina-
tions ACADÉMIQUES.
Gneditch ( N. ). Prostonarodnïa
Pesni , etc. , 685.
Goblin (D. J.). Manuel du den-
tiste , 162.
Goethe. Voy. Hommage.
Golbéry (PlT.), C— B., i32, 3o8,
701, et les articles signés Ph. G.
Gouroff (De). Voy. Influence.
Grammaire, 399.
— générale (Essai de) , etc., par
N. Daily, i56,
— polonaise en langue juive po-
pulaire , par Nesselroth, 802.
Grande-Bretagne, ni, 214,
375, 44i, 49r> 677»798.
Granules spenna tiques des végé-
taux. Voy. Brongniart .
Gravure, 200, 201 , 202 , 382,
83i.
Grèce, 74, 124, 233, 417.
— ( situation morale de la) , 233.
Guerres de l'union des trois états
Scandinaves, par H. J. Bloin.,
688.
,V*5'2 TABLE ANALYTIQUE
Guillon (N. S.). Bibliothèque des
Pères de l'Kglise, 736.
Guiraud (J.B. ). L'Académie des
beaux-arts de Paris lui décerne
le premier grand prix de com-
position musicale, 248.
Greville. Voy. Icônes fdicum.
Gruyer ( L. A. ). Voy. Causes pre- j
mi ères.
Gueux (Le) de mer, ou la Belgique
sous le dtic d'Albe ,419.
Guichard (Victor). Voy. Manuel
du juré.
Guide des jurés , par Tougard ,
181.
— Manuel de l'épicier droguiste ,
166.
Guilloud (J. J. V.). Voy. Phy-
sique.
Guillaume Frédéric d'Orange-
Nassau , avant son avènement
au trône des Pays-Bas, 4*7'
Gïdich ( G. von ). Ueber den gegen-
wàrtigen Zustand des Aeker-
baus , etc. , irn Koenigreich Han-
noverf 691.
Guthrie. Voy. Langlois.
Gymnastique (Elémens de) pour
les garçons , et de calisthénique
les jeunes filles, par Gustave
Hamilton , 677.
H
Halevy (Léon). Poésies europé-
ennes , 192.
Hall' s A 'mulet , 384«
Hallam. Voy. Borghers.
Hamel , the Obeahman , 122.
Hamilton' s Eléments of gy'mnas-
tics , etc. , 677.
Hanovre (De l'état actuel de l'a-
griculture, etc. , dans le royau-
me de), par Gustave de Gù-
lich , 691.
Hauteroche (Louis Allier de). Voy.
NÉCROLOGIE.
Haiiy. Voy. Confïgliacchi.
Hebel(Jean Pierre). Voy. Nécro-
logie.
Hérenu (E.), C — B., i95, 389,
465 , 764 , 783 , et les articles
signés E. H.
Hernies (Notice sur les), et sur
une nouvelle manière de les
guérir, par Beaumont, 162.
Hérodote. Voy. l'ouvrage ci-après.
Heyse ( C. L. ) Questiones Herodo-
teœ , 699.
Histoire, 22, 108, 118, 120, 124,
r3o , 148 , 327 , 396 , 407 , 409 ,
4i6, 417, 442, 449, /f5o, 545,
629 , 688 , 705 , 706 , 755 , 756,
757, 758, 811.
— universelle (Abrégé d' ) , par
Bourgon , 754-
— de la révolution de Colombie,
par José Manuel Restrepo,
79°; .
— (Précis de 1') delà constitution
d'Angleterre , etc., d'après Hal-
lam , par Borghers, 44i-
— De la contre-révolution en An-
gleterre, sous Charles II , par
Armand Carre! , 441-
— de Bussie de Nicolas Karam-
.zin , traduite en polonais, par
G. Buczynski , 687.
"—d'Italie. Voy. Osservazioni.
— civile du royaume de Naples ,
par Pierre Giannone , 4°5.
— de la régénération de la Grèce ,
par F. C. H. L. Pouqueville,
A, 74.
— générale de la Belgique , par
Dewez, 417.
— du soulèvement des Bas-Bas
sous Philippe II , par Schiller,
traduite en français par Cha-
teaugiron , A. , 69.
— du château de Muiden, etc.,
J. Koning, 4X7-
— de Bretagne, parDaru, A., 58.
— de Louis IX , par Pigault-Le-
brun, 446-
— Charles VI, par le même,
ibid.
— de la révolution de France , par
Pierre Manzi, 4°9-
— militaire des Français par cam-
.1. I>. (.
DBS M \ l M r. ! s
\ leilliet
851
pagnes , poi
c65.
de Napoléon , par de Norvius
186.
— physique i oWileci moraledes
environs de l'ai is, par Dulauie.
il".
— de la garde nationale de Pa-
ris , etc. . pw ('liai les Comte,
44t.
— (Précis de V) générale des jé-
snites , iB \.
— (Résumé de 1') dos traditions
morales et religieuses chei Les
divers peuples, par de S...,
-, ;;.
— des quatre fit* d'Aytaon , par
15 lès ,783.
• — de l'astronomie au xvuic siècle,
par Detambre , i'.o.
ECCLESIASTIQUE , 379.
— naturelle, ib'o, a44f947>
520, 817.
des mammifères , par Geof-
froy-Saint-Hilaire et Frédéric
Cuvier , 4r9-
. des lavandes , par Fréd. de
Gingins-I.assaraz, i33.
Hittorff ( J. ). Architecture mo-
derne de la Sicile , 200. .
antique de la Sicile , 201.
Hofvvyl (Promenade à), ou situa-
tion actuelle des étahlissemens
de M. Emmanuel de Fellenherg,
5o3.
Hommage rendu par le roi de Ba-
vière à l'illustre Goethe, 228.
Homme (1') du monde, par An-
celot ,4^i.
drame en prose , par Ance-
lot et Saintine, 523.
Hooker. Voy. Icônes Jilicuin.
Horticulture, 5 19 , 719, 720.
Hospice de la Maternité de Flo-
rence. Voy. Bigeschi , 703.
Huerlado de Mendoza ( Diego). La
vida delLazarillo de Tonnes, etc.,
207.
Hugo (Victor). Voy. Cromwell.
Il 11;; n en 111 [\\.)Voy. NoMIHATfOm
\ < : \ 1 » 1 . M I Q 1 1
llnltmriiin Cari Dietrich] Stâi
tenez/ (foj Mittrhillcr . 3gfi.
Bumboldl (Alexandre de Comi
de géographie ouvert à Bei lin ,
227.
Voy. NoMl n v Ctoks KC4DB-
M \Q\ BS.
Ilnsson ( H. .1. ; I,' \e. .demie d<-
beaux-aï i^ de Par is lui décerne
le second grand prix de senlp
tare , * |8.
Un n n wu.ioi; 1 , 16g , 172.
Il i DROOl \ 1*111 Si , I '*>[)■
Ilvpatia, ou des sectes philoso-
phiques , poème italien , pai
M|nc Diodata Suluzzo Roero ,
i43.
I
Icônes filicnm , etc. , par Hooker et
Greville ,
Iconographie, 496-
Ile Melville. Situation de cette
colonie , ai3.
Inde (L') française, ou Collection
de dessins lithographies, avec-
un texte explicatif par Eugène
Burnouf, 785.
Indes orientales, 110,189, 705,
785.
Industrie , 5 , i3, 236, 25i, 4"*9,
562, 691 , 7H7.
— (État de 1') à Berlin et dans la
Basse-Silésie, 8o3.
— (État de l1) dans le Harz , en
Hanovre , 497-
— (L') française, poésie à l'occa-
sion de l'exposition de 1827 ,
par Jouvet Desmarand , 193.
Influence (De 1') des lumières sur
la condition des peuples, par
de Gouroff , 123.
— de l'air et du sol de l'Amérique
sur la taille des animaux , jio".
Inscriptions découvertes jusqu'ici
en Suisse , recueillis par J. G.
Orelli , 4°4-
Institut. Voy. Sociétés.
854
Institut orthopédique, dit Carolin,
à Wurtzbourg, 497-
Instruction des eu f au s , aïo.
— élémentaire , en Danemark,
226.
— populaike des Pays-Bas , A. ,
596.
PRIMAIRE , 238.
— publique, 157, 2lG, 236 ,
495.
à Boston , 794.
à Buenos-Ayres , 794.
(État de V) à Florence,
5o8.
Irlande. Voy. Grande - Bre-
tagne.
— ( Statistique de 1') , considérée
dans sa situation passée et dans
son état actuel , par César Mo-
reau, 678.
Isographie des hommes célèbres ,
ou Collection de fac simile de
lettres, etc. , 4^9-
lia lia ni (GP) in Russia , 4°9-
Italie , 139, a3 1 , 4°5 » 4°7 , 5o8 ,
703 , 809.
Itinéraire descriptif de l'Espagne,
par le comte Alex, de Laborde ,
734.
J
Jardinage. Voy Horticulture.
JÉSUITES, 184.
Jeux ( Nouvelle académie des ) ,
par Lebrun , 43o.
Jomard , C. — N. , 507.
Jonction de la Marne à la Seine.
Voy. Cordier.
Joseph Vernet , ode par Biguan ,
46o.
Journal fait en Grèce pendant les
années i8a5 et 1826, par Eu-
gène de Villeneuve, 4*7-
JoUKNAUX ET RECUEILS PERIO-
DIQUES :
— publiés en Allemagne : Natur-
wiisenchaftliche Abhandlungen ,
à Tubingue, 4oi.
— publiés en Angleterre : The
London weekly review , 385.
TABLE ANALYTJOUK
— publiés aux Antilles : Anales
de ciencias , agricultura , etc.,
à la Havane, 375.
— - publiés en Danemark : Maga-
zin for Kunstnere , à Copenha-
gue ,126.
— publiés en Egypte : l'Écho des,
Pyramides , journal français ,
à Alexandrie, 796.
— publiés aux Etats-Unis : The
North- American review, à Boston,
675. — The Philadelphia monthly
Magazine , 676.
— publiés en France : Esprit et
conférences des lois d'intérêt
général, à Toulouse, 206. —
Journal de l'instruction des
sourds-muets et des aveugles,
à Paris, 477- — Gazette des
Tribunaux, à Paris, 478 —
Journal de Pharmacie , 789.
— publiés en Italie : Biblioteca
italiana, à Milan, 146. — Gior-
nale biografco, à Vicence5 4ao.
4'io. — Antologia,k Florence,
7°9- \
— publiés dans la Nouvelle-Galles
méridionale : Sydney Gazette ;
How' s Express ; The Australien ,
2l3.
— publiés dans les Pays-Bas : Bi-
bliothèque des instituteurs , a
Mons , 157. — Correspondance
mathématique et physique , à
Bruxelles, 712. — Bydrogen tôt
RcgtsgeUerdheid en Wetgev'wg ,
à Amsterdam , 714.
— publiés en Pologne : Gazette
juive, à Varsovie, 801.
— publiés en Russie : OdessÂoi
Wcstnik , ou Journal d'Odessa,
en russe et en fiançais, 389.
— publiés en Suisse : Feuille reli-
gieuse du canton de Vaud ,
4°2-
— publiés à Tripoli de Barbarie :
L'Investigateur africain , 487.
Juifs ( Civilisation des ) dissémi-
nés dans les provinces polo-
naises ,801.
Juillet (J.) l'oy. Botanique.
Julia-Fontenelle présente à l'A-
cadémie dei sciences de Pariai
une tête parfaitement conservée
(l'un sauvage de la Nouvelle-
Zélande , ■' î i , «s iS.
Jullien ( 1M. A.) , fondateur-direc-
teur de la Revue Encyclopé
dique, C. — N., a36, et les ar-
ticles signés M. A. J.
Vùy. No MI NATION s \< :.\Di -
MIQU) S.
Jurés. i'o\. Manuel
— Voy. Phillips.
— Voy. Guide.
JuRISPBUDBSTCB . 129, 178, l8f,
183 , ao6, 478 ,681, 714 1 74^\
7 «7 . 7.49-
— anglaise , Voy. Lettres.
Juvigny ( J. B. ). Voy. Arithmé-
tique.
K
Karamzin ( Nicolas ). Voy. His-
toire de Russie.
Kasthofer. Voyage dans les petits
cantons , etc. , traduit de l'alle-
mand par Fazy-Cazal, i36*.
Kératry. Frédéric Styndhall, 462.
Kirckhoff(De),C.-B.,7ri.
Voy. NOMINATIONS ACADÉMI-
QUES.
Kou'tng (7.). Geschiedenis i>an het
Slot de Mitiden, 417-
Kosciuszko (Tliaddâus) dargestclU
von Karl Falkenstein , (Sufi.
Krakumael , ou Chant irlandais
sur les exploits du roi Regcar
Lodbrok, publié avec des tra-
ductions , par C. C. Rafn , 690.
Krug ( W. T ). Allegemeines liand-
fvorterbuch der philosophischcn
Wïssenschaften , 392.
Ki use. Voy. Constantin.
Laborde (C. Alex, de ). Voy. Iti-
DBS MvriïnKS. ,SV>
La brous té( Th. ). L'Académie des
beaux-ai ts de Paris lui décerne
le premier prix d'architecture.
248.
La bus ( Jean ). Divers ouvrages
italiens et fi ançais d'E. Q. Vis-
ci Mit i , ', I 'A.
LadoUCettfl (J. C. F. de). Voy. Rc-
beii et Léontinei
La m arque ( Nestor de )'• Voy. Li-
berté.
Laminaires. Voy. Despréaux.
LangloiSi (A.). Voy. Monumens
littéraires.
Langlois ( Hyacinthe). Abrégé de
la nouvelle géographie univer-
selle, d'après le plan de Wil-
liam Gnthrie, 43 1.
L vng uk italienne. Voy.Frasologia.
— polonaise juive. Voy, Diction-
naire et grammaire.
— française. Voy. Maycux.
voy. Dictionnaire classique.
Lanno (G. A.). L'Académie des
beaux-arts de Paris lui décerne
le premier grand prix de sculp-
ture , 247.
Lasteyrie ( C. de). Voy. Anatomie
de l'homme.
Launay (J. B.). Voy. Manuel du
fondeur,
— — Voy. NÉckologie.
Lavandes. Voy. Gingins-Lassaraz.
Lazarillo de Tonnes. Voy. Hur-
tado de Mendoza.
L'Ebraly (E.). Voy. Loisirs poé-
tiques.
Législation, 45, i54> 206, 714,
748, 806.
Lebrun (Isidore) C.-B. /\77-
Voy. Jeux.
Lehmann (Théophile). Voy. Lu-
cien.
Lemoine ( J. J. ) Voy. Loisirs.
Léonidas , tragédie italienne de
G. B. R. Moréno, 709.
Lesergent des Vosges. Voy. Es-
sais poétiques.
Lettre à S. M. Charles X, contre
856
TABLE ANALYTIQUE
de Buona
le couronnement
parte, 742.
— (Extrait d'une) de Lausanne,
806.
Lettres sur la cour de la chancel-
lerie et sur quelques points de
la jurisprudence anglaise, etc.,
681.
Liberté (la), poëme dithyrambi-
que, par Nestor de Lamarque,
454.
Library of useful knowledge , etc.,
1 1 3 .
Lipkens (A.). Voy. Nominations
ACADÉMIQUES.
Lulhers {Dr Martin Werher) , 398"
Sainmtliche Werke , ibid.
M
Mac Crie {Thomas). Historyof the
progress and suppression of the
rejormation in llalj , etc., 879.
Mac Kenny {Th. L.). Sketchcs of a
tour to thelakes, etc. 673.
Macomb (David B. ). Renseigne-
mens sur la Floride occidentale,
483.
j Magendie (F. ). Voy. Formulaire.
Lithographie, i3a, 161, 385,
467, 785, 786.
Littérature allemande , i32,
196, 9.28, 4^3, 683, 827. —
ancienne -classique, 92, 658,
699,700- — anglaise, 122, 193,
i95, 262,382, 383,384, 385, «
776, 778. — arabe, 208. —
belgique-françaisé, 419- — es-
pagnole, 98, 207, 339, 479-
— des États-Unis, 346, 675,
676, 777. — française, 190, 191,
192, 193, 194, T98, 261, 262,
452 , 454 > 455 , 457, 459 , 460,
461, 462, 463, 523,526,658,
761, 762, 763, 765, 767, 772,
774,775,782, 783, 784,821,
823 , 827. — grecque moderne,
685. — helvétique-allemande,
809. — islandaise, 22, 690.
— italienne, i42, i4^, 146,
23 1, 4 r ' » 664, 708, 709, 811.
— polonaise ,219, 682 , 802 ,
— portugaise, 148. — russe,
216, 386, 685. — sanscrite,
189.
Loisirs (les) de M. Villeneuve, ou
Voyagea l'est de la France, etc.,
par J. J. Lemoine, 460.
— poétiques , ou Recueil de
chants élégiaques , par Eugène
L'Éhraly, 772.
Lncia/ii Samosatensis Opéra. Ed. Th.
Lehmann , 1 3 1 .
Lucrèce. Voy. Ponger ville.
Voyez
Voy. Bichat.
Magistrature française.
Bayard.
Maiseau. Voy. Manipulations chi-
miques.
Mailing ( O.). Taie ved Soroe Aca-
démie , 390.
Malpière (D. B. de). Voy. Chine.
Malte-Brun. Voy. Notice biogra-
phique.
Manci (A. J. de). Voy. Tableau
historique.
Manfredi (N.). Tableau de l'état
politique, des sciences et des
arts chez les Indiens avant l'é-
poque d'Alexandre, 705.
Manifesto que el poder ejecutivo de
Colombia présenta d la republica
y al mundo, 109.
Manipulations chimiques, par
Faraday, traduites en français
par Maiseau , 720.
Manuel , ancien député. Voy. Né-
crologie.
Manuel de Botanique, par Gi-
rardin et Juillet , 159.
— du Charpentier, par Pli. Va-
lentin, 168.
— du Créancier hypothécaire,
par J. Zanole, 747.
— du Dentiste , par D. J. Goblin ,
162.
— du Fondeur sur tous métaux ,
par Launay , 729.
— des jeux de calcul et de ha-
*
sard, etc. , par I ,ebi un , \ !<>.
— du jure, ou exposition <ie lé-
gislation criminelle, etc.: par
\ ictor Guichard et '• J. Du
bochet, A., /p.
Ma MiiweruHKS , 5.
M vNusintirs ( Notice dei) relatifs
au droit public, à l'histoire et
à la littérature de Portugal, etc.,
par le vicomte de Santaretn ,
148.
Manzi ( P. ). llistoria délia rivo-
luzione di Francia , 4(,|)-
Manzoni (A.). I promessi sposi, etc.,
4ti.
Marcel de Serres. Note sur les
volcans éteints du midi de la
Fiance, etc. , 5 i/\.
Mariage ( Le ) d'argent , comédie
en prose, par Scribe , 8*3.
Masi. Voy. Segato.
Massias(B.). Voy. Principes de
littérature.
Mathiœ [A u g.). Alcœi Mitylenœi
reliquiœ , 700.
Mathématiques, 241 » »4?» 4l4 »
712, 727.
Mathieu. Voy. Delambre.
Maury (Juan Maria). Voy. Es-
pagne poétique.
Maximes de guerre de Napoléon»
i65.
Mayeux ( F. J. ). Nouveau diction-
naire de la langue française,
190.
MÉCANIQUE, 427, 8l8.
— d'une force extraordinaire ,
nouvellement inventée aux
Etats • Unis par J. M. Cooper,
Médaille de Mithridate III, roi
du Bosphore Cimmérien, etc. ,
par J. Stempkowsky , 389.
Médailles historiques destinées à
retracer les événemens les plus
remarquables des Pavs - Bas ,
238.
Médecine. Voy. Sciences médi-
cales.
T. XXXVI.
DBI M \TI MUS. fl 5 )
Médecina ( Education < lassiqne
(les ) , f\-X I.
— français ( Les) contemporains ,
parJ.L. II. P.
Méditations métaphysiques , par
Descartes , 4 3«j.
par K. liiléef, 386.
Edeitsai ( Achille ) et Auguste Mi-
chelot. Nouvelle géographie
méthodique , etc. , 43*<
Mélanges évangéliques , 4<>4-
Mélodies helvétiques, par Charles
Didier, 707.
Membranes (Traité des), par
Bichat , 721.
Mémoire sur l'éducation classique
des jeunes médecins, 4*f<
Mémoire sur l'ancienne ville des
Gaules qui a porté le nom de
Samarohriva, par Rigollot fils,
45o.
Mémoires, Notices et Mélan-
ges (I.) : Exposition publique
à Paris des manufactures fran-
çaises (Ferry), 5. — DesSaga's,
ou de l'ancienne littérature du
Nord ( X. ), 22. — Notice sur
Ugo Foscolo (Fr. Salfi), 3o.
— Notice sur le chlore et les
chlorures, et sur leurs divers
emplois (D. A7.), 273. — Voyage
de Naples à Amalfi (E. G. d'A.)y
278. — Notice biographique
sur Pestalozzi ( C. Monnard) ,
. 295. — Précis historique sur la
situation actuelle de la Répu-
blique Argentine. Troisième ar-
ticle ( Varaigne), 545. — Forces
productives et commerciales du
midi de la France ( Ch. Du phi),
56*2. — Notice biographique
sur Malte-Brun ( Bory de Saint-
Vincent), 5yS.
— et Rapports de sociétés sa-
vantes et d'utilité publique en
France, 204, 471, 787.
— relatifs à la rivalité des maisons
d'York et de Laneastre, par
miss Emma Roberts , lao.
— sur l'histoire et la théorie des
6G
858 TABLE AN
eortès générales de Portugal ,
par le vicomte de Santarem, 148.
— pour servir à L'histoire des
Pays-Bas, par J. P. Van Ca-
pelien , 410^
— du marquis de Bouille , sur le
départ de Louis XVI, etc., j55.
— de Charles Barbaroux, 756.
— du lieutenant- général Puget-
Barbantane, 76 7 .
Memoirs on the canal of New-York ,
373.
Memoria historica sobre as obras do
real mosterio da Santa Maria da
Victoria , etc. 710.
Mentz ( D. ) Voy. Nominations
ACADÉMIQUES.
Merkes ( J. G. W.). Mémoire sur
l'importance des places for-
tes , etc. , i5i.
Méry. Voy. Barthélémy.
MÉTALLURGIE, 3l4, 497» 72$ »
7a9-
MÉTAPHYSIQUE, l4^, l53, 4^9.
MÉTÉOROLOGIE, 2 11.
Meyer. Die gelehrte Schweiz , 809.
Meyer ( S. J.). Voy. Voyage pit-
toresque.
Michelot ( A. ) , G. - N. , 247 ,
5i6, 818.
— Voy. Meissas.
Mignano (Sébastien). Voy. Dic-
tionnaire géographique.
Milanesio ( Antoine ). Observa-
tions historiques sur la ville et
la citadelle de Turin , 706.
Miniaturgemalde ans der Lcinder
und Volherkunde , 392.
Miracle de Migné. Voy. Neufville.
Mœurs turques (Esquisses des)
au xtxc siècle, par Grégoire
Palaiologue , 759.
Mole vésiculaire (Rechercbes sur
l'origine, la nature et le traite-
ment de la ) , ou grossesse hyda-
tique, par Mme veuve Boivin,
i63.
Montaigne ( Essais de), nouvelle
édition , publiée par Amaury
Duval, 436.
AL Y TIQUE
Monnard (C. ), C. -M., 2g5.B.,
i33, r3o/, 4o5. — N. 5o2.
Montesquieu. Esprit des Lois, 762.
Moutolieu ( M™ Isabelle de),
Voy. Constantin.
Monumens égyptiens ( Notice
descriptive des ) du Musée de
Charles X, par Champollion
le jeune. 784.
— littéraires de l'Inde, ou Mé-
langes de littérature sanscri-
te, etc. , par A. Langlois , 189.
Monument, érigé à Venise, en
l'honneur de Canova, 409.
Moore (Thomas). Voy. Épicu-
rien.
Morale, 116, 175, 743.
Moreau de Jonnès ( A.), C.-B. ,
753. — N. 212 , 2r4-
Moreau (César). The past and
présent statistical state of lrelandj
678.
Moreno{0. B. R.). Leonida, 709.
Morse' s. New system of modem
geography , 107.
Morton (Nathaniel). Voy. Davis.
Muiden (Château de). Voy. Ko-
ning.
Mûrie!, C.-A., 98, 339.
Mûrier (De la culture du), par
Mathieu Bonafous , 720.
Murphy ( D. B. ). Portrait des
beautés célèbres de la cour de
Charles II d'Angleterre, 382.
Musée (Ouverture du) d'antiqui-
tés égyptiennes de Paris, 827.
Muséum d'histoire naturelle au
Jardin du Roi, à Paris, 520.
Musique, 2o3, 248, 800.
N
Naples , 4o5.
Napoléon. Voy.
guerre.
— Voy. Norvins.
— Voy. Vie politique.
— Réfutation.
— Scott (Walter).
— Voy. Lettre.
Maximes de
DES M l il ERES.
Niirrateur français (Le), <>u Choix
d'Anecdotes , etc* , par A. l'><>\.
lai.
N kl IG vtion, j3i, 733, 71) <, 80a.
— par la vapeur , j<) j.
N '1 UROX.OG ix. Ugo Fo .<>/<>, Imic-
r.ttcur italien, à Londres, '!<>.
Sir Thomas Stamforà Baffles ,
siiviint anglais, ai(>. — Manuel ,
ex-membre de la Chambre des
députes de France , 2(>y. —
Jean-Pierre Hebel , poëte alle-
mand , 4i)9- — Henri Boissiert à
Genève, 607, — ./. D. Latinajr ,
fondeur de la colonne de la
place Vendôme, à Savigny-sur-
Orge, près Paris, 835. — Allier
de /(anicroche, savant archéolo-
gue , a Paris, 837.
Nègres (Essai idéologique et phy-
siologique sur les), etc., par Ca-
jetan Pesce, 142.
Nborama de Paris, 2r>4-
Neuborg ( De ). Mémoire et Ob-
servations sur la perforation de
la membrane du tympan , etc. ,
711.
ISeufville ( L'abbé de la ). Le faux
miracle de Migné, près Poitiers,
17e».
No me olviclcs , 38.3.
Nodier ( Charles ). Poésies diver-
ses , publiées par N. Delangle,
765.
Nominations académiques : Le
ministre d'état, baron de Stein ,
membre honoraire de l'Aca-
démie des sciences de Berlin ;
les professeurs de Ruumer et
d'Ehrcnbcrg , membres résidans
de la même Académie , 227. —
M. A. Jnllien, de Paris, membre
correspondant de la Société
philomatiqué de l'Université de
Cracovie , 4y6. — Savart , mem-
bre de l'Académie des sciences
de Paris , 5 1 5. — Royer- Col lard,
membre de l'Académie fran-
çaise, 5 16. — De Kirchhoff ,
membre correspondant de l'In-
85g
stilul d'Albanv , r(j \. l'an-
Keyntbergen , <1<- Délit; ,7. Que*
telet , de i i 1 uxellea ; ('. 8ceter-
meer, de Flessingue; D, Menti ,
de Harlem j U, duguenin , <l<-
I iègej A. Nutnan , d'Utrecht;
J. G, S, fan Breda , de Gand ,
membres de L'institut royal des
Pays-lias ; Uumphrer Jhuy , de
Londres; G, /-. ('. F. D. Cavier ,
de Paris; J. F. Blumenbach , de
Goettingue; G. OlBers, de Brè-
mej A. de iltimboldt, de Berlin;
A. A. P. Deeandolfe , de Génère,
membres associés du même In-
stitut; G. M. Roentgen, de Rot-
terdam; C. J. Glavimans , de
Rotterdam; C. L. Ultime, de
Leyde ; /. C. Rick, de Rotter
dam ; /. P. Delprat, de Delft ; R.
Van Rees , de Liège; A.'Lopkens,
de Luxembourg ; Ara go, de Pa-
ris; Gaj-Lussac , de Paris; F.
Tiedemann , d'Heidelberg ; F.
IV. IJessel , de Kœnigsberg ; Rc-
beri Brown, Thomas Young, Phi-
lip A stley Cooper, de Londres,
et Berzeliui , de Stockholm ,
correspondais du même Insti-
tut , 812.
Norvins. Histoire de Napoléon ,
186.
Nota (Alberto). Commedie , A. 66*4-
La Novella Sposa ,811.
Notice sur Ugo Foscolo , M. 3o.
— sur le chlore et sur les chlo*-
rures , M. 273.
— biographique sur Pestalozzi
M. 295. — B. 701.
— biographique sur Malte-Brun,
M. 575.
Nouvelle ( Une ) par mois, ou
Lecture pour la jeunesse, par
la comtesse de Bradi , 783.
Nouvelle-Angleterre ( Mémo-
rial de la ) , par N. Moi ton ,
108.
Nouvejlle-Galle méridionale.
Situation de cette colonie, 21^.
— Voy. Cunningham.
86o
TABLE ANALYTIQUE
Nouvelles , Voy. Romans.
— allemandes , traduites en an-
glais par R. P. Gillies, 683.
Nouvelles scientifiques et
littéraires ( IV. ) : Afrique ,
487, 79(1. — Antilles, 211. —
Australasie , 212. — Buenos-
Ayres, 795. — Danemark, 226.
— Egypte, 796. États-Unis,
210 , 481 , 793. — France , 289,
5 12, 81 3. — Grande-Bretagne,
214, 491» 798. — Grèce, 233.
— Italie, 23i, 5o8, 809. — Pa-
ris , 241, 5i3, 8i5. — Pays-
Bas, 2 36, 5 10, 811. — Pologne,
219, 496, 802. — Russie, 216,
494» 800. — Suède, 802. —
Suisse, 229, 5o3, 806.
Numan ( A. ). Voy. Nominations
ACADÉMIQUES.
Numismatique , 38g.
o
Obscurantisme ( Sur 1- ) qui me-
nace la patrie allemande , par
J. G.Pahl, 694.
O'Brien (Les) et les O' Flaherty,
par lady Morgan , traduit de
l'anglais par Jean Cohen, 778.
Observations générales sur la lit-
térature italienne, 23 r.
Ode du roi de Bavière, 228.
Odes de Lomonossov et de Der-
javine, poètes russes , traduites
en polonais, 802.
OEnologie, 483.
OEuvres de Lucien de Samosate,
en grec et en latin. Nouvelle
édition , par Théophile Leh-
mann, i3i.
— de Servan. Nouvelle édition ,
par X. de P01 têts , A., 320.
— de J. P. G. Viennet. Épitres et
Dialogues des morts, 4^7-
— du Dr Martin Luther, 398.
— complètes du même, ibid.
de J. Fenimore Cooper, tra-
duites en français par A. «F. B.
Defauconpret, A., 346.
— — du vicomte de Chateau-
briand, 191, 765.
■ — posthumes de Boileau, 763.
de Solger, 697.
Olbers (G.). Voy. Nominations
ACADÉMIQUES.
Olivier (Théodore). Note sur les
frottemens qui peuvent sub-
sister entre deux courbes et
deux surfaces, 727.
Olmedo. La Victoria de Junin, etc.,
479-
Orelli (/. G.). Inscription es in Hel-
vetica adhuc reperças , etc., 4o4-
Origine (De 1 ) des populations de
race allemande qui se sont
fixées entrel'Adigeetla Brenta,
par le comte Benoît Giovanelli,
706.
Orioli ( F. ). Dei sepolcrali edifizj
dell' Et ru ria média , 1 4 5 .
Ornithologie, 42o.
Orthopédie, 497-
Osages (Notice sur les), 255.
Osann. Cœcilii Minutiani Apuleide
o rth ograp hiâ fragnt enta, 3 9 9 .
Oscillaires ( Essai monographi-
que sur les ), par Bory de Saint-
Vincent, 160.
Osservazioni e giudizj sulla storia
d'Italia di Carlo Botta, 407.
Pahl (J. G. ). Ueber den Obscuran-
tisrntis der das deutsche Vater-
land bedroht , 694.
Pailliet ( J. B. J. ). Voy. Diction-
naire de droit français.
Palaiologue ( Grégoire ). Voyez
Mœurs turques.
Palfrey( John G. ). Rectification
de quelques erreurs dans un ar-
ticle de la Revue Encyclopé-
dique, relatif à l'instruction
publique à Boston, 794-
Paragrèle, 806.
Parelle (L.). Voy. Boileau.
Parent - Duchatelet. Recherches
et considérations sur l'enlève-
nient et l'emploi des eliev.mx
morts, etc., y5a.
Parent-Réal, C. A., 320.
Paris, >4r, 440, 5i3, 68o, 8i5.
Pariset. / <>> . Eclaireissemens.
Passage souterrain creusé dans la
ville de Li ver pool, 798.
Pai b-Bas, 6g , i5i , a3o , \\\ ,
| tfi, ï 1 77, 5 10, 711, 811.
— ( Etat moral et social des ),
9 16.
— (Recherches sur l'histoire des),
Su.
Peine de mort (De la), par Adol-
phe Gai nier, 182.
Peinture, 247, 264, $26.
Pelouse ( E. ). Voy. Botanique du
droguiste.
Pelouze. L'Art du maître de for-
• ges, 728.
Perdonnet (Aug.)., C. — B. , 70J.
— N., 499» 8o$-
Perfectionnement moral ( Du ) ,
par Degérando, 743.
Perforation de la membrane du
tympan. Voy. Neuhorg.
Pesce (C.).Saggio ideologico ejisio-
logico su i.Aegri, etc., 142.
Pesîalozzi. Voy. Notice biogra-
phique.
Pétersbourg ( Plan en relief de ),
exposé à Paris, 820.
Pharmacie, 164, 789.
— élémentaire en 24 leçons , par
G. L. Brismontier, i63.
Phénomènes météorologiques ,
an.
Philips' ( Richard ) Golden Rides of
social philosophy, 116.
Des pouvoirs et des obliga-
tions des jurys , traduits de
l'anglais par Charles Comte ,
178.
Philologie, 92, T29, i3o, i3i ,
191, 827,399,400,699,700.
Philosophie, 123, 320, 392, 4 3 4 ,
436,438, 604, f>97-
— sociale. Voy. Phillips.
Physiologie, 142.
Physique, 226, 245 , 712, 728.
I>I„S MAI IÈ II ES. 86l
Physique (Traité de) appliquée
:in \ artS et métiers, etc., par ,J.
J. V. Gruillond, 4&9<
Pierrot ( Jules ). Bibliothèque des
classiques latins , A., 9a.
Pigaull - Lebrun. Histoire de
l >ouis IX , 44^-
— Histoire de Charles VI , ibid.
l'nio ( C. Dominique), V. Porro.
Places fortes. Pojr. M ehkiîs.
Pobsib, 98, 143, 193, 339, 383 ,
384, 38o,452, 454. 45*5, 457 ,
459, 460, 479 , 058 , 682, 685 ,
690, 767, 77a, 774.
DRAMATIQUE , ^3, 26 I , 262 ,
523, 526. 664, 709, 775 , 8l I ,
82 1 , 89.3, 827.
Poésies européennes , par Léon
Halevy, 102.
— diverses de Charles Nodier,
765.
— polonaises ( Choix de), par J.
Bowring , 682.
Poids et mesures, 2 38.
Police, 762.
Politique , 4 i5 , 694, 738, 742.
Pologne, 496, 687, Soc.
— (Etat de la littérature histo-
rique en ), 219.
Polygala nnrginiana. Analyse de
cette plante, 23 1.
Pompéïa, 285.
Poncelet. Mémoire sur les roues
hydrauliques à aubes courbes,
427.
Pongerville. Traduction en vers
du poëme de Lucrèce, 191.
— Les Amours mythologiques ,
A., 658.
Ponts et chaussées , 36, 106 ,
i34, 798.
Ponts sous la Tamise, 49 r-
Poppo ( Ernest Frédéric ). Voyez
Thucydide.
Population du canton de Zoug ,
229.
— ( Mouvement de la ) dans le
royaume des Pays -Bas, A. ,
596.
— ( Recherches sur la ), les nais-
86a
sauces , les décès , etc. dans le
royaume des Pays-Bas, par A.
Quetelet, ibid.
Porcelaine ( L'Art de fabriquer
la ) , etc. , par F. Bastenaire-
Daudenart, 4^i.
Porro (Ferdinand). Discours pro-
noncé aux funérailles du comte
Dominique Pino, /\\i.
Portets (X. de). Voy. OEuvres de
Servan.
Portugal, t/\$, 412, 710.
Pouqueville(F. C. H. L.). Voyage
de la Grèce, A., 74.
— Histoire de la régénération de
la Gi èce, ibid.
Poux - Franklin. Voy. Atlas com-
mercial.
Pradt ( De ). Etablissement agri-
cole, 239,
— Concordat de l'Amérique avec
Rome, 738.
Precepts ( 3'he) of Jésus , etc. by
Ram-Mohum-Roy, 110.
Presse ( Législation sur la ) en
Suisse, 806.
Principes de littérature , de phi-
losophie, de politiqueet de mo-
rale , par le baron Massias,
434.
Prisons, 376.
— (Observations sur les), etc., par
B. Appert, 750.
Prix décernés : par l'Académie
royale des beaux -arts de Pa-
ris, 247. — par la Société pour
l'utilité publique de Bruxelles,
611.
— proposes : par l'Académie des
sciences de Berlin, 326.- — par
la Société académique d'Aix ,
240. — par la Société pour l'en-
couragement des sciences , des
lettres et des arts d'Arras ,
5l2.
Procedings of s an dry citizen s of
Baltimore , etc., 106.
Professeurs ( Des ) et des méde-
cins, etc., par Théodore Gaupp,
129.
TABLE ANALYTIQUE
Propriétaire-Architecte (Le); ou-
vrage dessiné et rédigé par
Urbain Vitry, 469.
Puget - Barbantane. Mémoires ,
757-
Puissant (L). Voy. Géodésie.
Quetelet (A.). , C — A. , 596.
— Voy. Nominations académi-
ques.
— (A.). Résumé d'une nouvelle
théorie des caustiques, etc.,
4i4.
— Recherches sur la popula-
tion , etc. , du royaume des
Pays-Bas , A., 596.
— Correspondance mathématique
et physique, 712.
Quétrin. Voy. Astronomie des de-
moiselles.
R
Raffles (Thomas Stamford). Voy.
Nécrologie.
Rafn (C. C.) Voy. Krakumael.
Rambling notes and reflections sng-
gested duving a visit to Paris , by
Arthur Brooke Faulkner, 680.
Rambur. Notice sur un enfant
monstrueux, 245.
Ram-Mohum-Roy, auteur indien.
Onze divers écrits, 110.
Rapport (septième) du comité de
la société pour l'amélioration
des prisons de discipline , 376.
— lu à l'Académie royale de Mé-
decine, au nom de la commis-
sion chargée d'examiner les do-
cumens de M. Chervin , con-
cernant la fièvre jaune, A., 58u.
Ra urner (F. de). Voy. Solger.
— Voy. Nominations académi-
ques.
Réal(J. F.). Cours de religion
chrétienne, 4o3.
Réclamation au sujet d'un ar-
ticle de la Revue Eucyclopcdi-
DBS MATIERES.
863
que sur les poètes de la Russie ,
a 16.
— de INI. Creuzé de Lesser au su-
jet d'an article de La Revue En-
cyclopédique sur l'utilité des
statistiques, par M. .T. IJ. Say,
5ai.
— de M. Ferry! au sujet d'un ar-
ticle de la Revue Encyclopé-
dique sur les ponts de Paris,
83a.
Récompenses accordées à l'occa-
sion de L'exposition publique,
a Paris, des produits des ma-
nufactures françaises, i3.
Recueils périodiques. Voyez
JOUUNAUX.
Redouté ( P. J. ). Choix des plus
belles fleurs prises dans diffé-
rentes familles du régne végé-
tal , 202.
Réformation (Histoire des pro-
grès et de la suppression de la )
en Italie, par Thomas M' Crie,
379-
Réfutation de la relation du ca-
pitaine Maitland touchant rem-
barquement de Napoléon a
bord du Bellérophon, par Bar-
the, 44g.
Réhafa. Voy. Agoub.
Reiffenberg(Ue) , C— B. , 416,
4t7-
Religion. Voy. Sciences reli-
gieuses.
— (de la ), considérée dans sa
source, ses formes et ses déve-
loppemens , par B. Constant,
A. , 604.
— (Essais sur les sujets les plus
importans de la ) , par Thomas
Scott , 402.
— (Cours de) chrétienne, par
J. F. Real, 4o3.
Remarks ( Brief) etc., by Ram-Mo-
hum-Roy, 110.
Renouard (A. A.). Voy. Epicurien.
Renouard ( Charles) , C. — B. ,
184.
RÉPUBLIQUE ARGENTINE ( Précis
historique sur la situation ac-
tuelle de l.i ), troisième article,
M., 5jr>.
Bestrepo (<'/•). Hittoria de la revalu*
cion de l,i repubîioa'de Colombia,
79°- ,
lu m mis d'histoire. Voyez le mot
Histoire.
Reuvens ( C. J. C. ). Oratio de ar-
ckevologitê en m ai (1 bris recentiori-
bns eonjunctione ,711.
Révision des lois civiles et pénales,
dans plusieurs cantons de la
Suisse, 808.
RÉVOLUTION FR VNÇAISE, 409, "55,
<j56, 757.
Revue Encyclopédique. Voyez
Banquet mensuel.
Revue sommaire (suite de la) des
sociétés savantes dans la Gran-
de-Bretagne, 799.
Rick (J. C). Voy. Nominations
ACADÉMIQUES.
Rigollot fils, C. — B., 425,722.
Mémoire sur l'ancienne ville
des Gaules qui a porté le nom
de Samarobriva , 45o.
Robert et Léontine , histoire du
xviR siècle, par J. C. F. de La-
doucette , 198.
Roberts ( Miss Emma ). Memoirs of
the rival houses of York and Lan-
castery 120.
Robiquet. Voy. Garance.
Roentgen (G. M.). Voy. Nomina-
tions ACADÉMIQUES.
Romans, la», i32, 196 , 198,
207, 346, 41 1 ? 4*9 1 4^1 , 4°"3>
463,683,776, 777,778,782,
783,784.
— historiques de Van-der-Velde,
traduits en français, 196.
Rossetti (C). C. — B., 412, 707.
Roues hydrauliques. Voy. Pon-
celet.
Rousseau , consul général de
France à Tripoli. Extrait d'une
lettre adressée à M. Barbier du
Bocage, 4$7-
Roy (A.). Voy. Narrateur français.
864
lvover-Collard.A'oj. Nominations
ACADÉMIQUES.
Rozoir (Charles du), C. — A.,
3a7.
Russie, ia3, 216, 386, 494»
683, 8oo.
Ryleef{K.). Doumui, 386.
Saga's (Des), ou de l'ancienne
littérature du Nord , M. , 22.
Saint-John (A.)., C. — B. , 120.
Saint-Luiz. Mémoire sur les ou-
vrages d'art dans le monastère
de Sainte - Marie - de - la - Vic-
toire, etc. , 710.
Saint-Prosper ( A. J. C. ). Examen
des OEuvres complètes de M. le
vicomte de Chateaubriand ,
765.
Saintine. Voy. Homme (L') du
monde.
Salfi (Fr.). C— M., 3o.— A. , 66-4-
— B. . i43, 148, 4 n» 4*3,706,
709, 710. — N. , 233, 811.
SaUtzzo Roero ( s ignora Diodata ).
Ipazia, ovvero délie fûoso fie y etc.,
143.
Samarobriva. Voy. Rigollot.
Samuel ou la pauvre famille, nou-
velle , par A. J. Sauson, 784.
Sanson. Voy. l'ouvrage précédent.
Santarem. Memorias para a historia
e theoria das cortes geraes , etc. ,
i48.
— Noticia dos manuscriptos perten-
centes ao direito publico , etc. ,
148.
Santé publique, 752.
Savart. Voy. Nominations aca-
démiques.
Say ( J. B. ). Réponse à la récla-
mation de M. Creuzé de Lesser,
523.
Sciences médicales, 162, i63,
164» x65, 23 1 , 245 , 25o, 4M»
421 , 4*3, 589, 711 , 722 , 724,
789-
table analytique
MORALES ET POLITIQUES, f\rô ,
175, 320, 433, 6o4, 736.
— physiques, 36, i58, 3o(S, 401,
559,717.
RELIGIEUSES, 110,-176, 3y8 ,
402 , 4o3 , 404, 433 , 604 , 695,
7 36, 7 38, 742.
Schiller. Histoire du soulèvement
des Pays-Bas sous Philippe II,
traduite en français par Cha-
teaugiron , A. , 69.
— Voy. Walstein.
Schmidt (C. A.). Dinarchi orationes
très , 400.
Scott ( Thomas ). Essais sur les
sujets les plus importans de la
religion , traduits en français
par L. Burnier, 402.
Scott (JValter). The lifeof Napoléon
Bonaparte , A. , 629.
Voy. Chroniques.
Scribe. Le Mariage d'argent, 823.
Sculpture, 247.
Séances nautiques. Voy. Bonne-
foux.
Segato e Masi. Saggi pittorici, geo-
grafici , etc. , 139.
Servan. Voy. OEuvres.
Seymour (Me. Fanny ) , C. — B. ,
123, 683.
Silvestre (De), de l'Institut, C. —
A., 36i.
Smits(E. ). Voy. Développement.
Sociétés savantes et d'utilité
publique :
— aux États-Unis : Société philo-
sophique américaine, établie à
Philadelphie pour hâter les pro-
grès des connaissances usuelles,
372. — Institut nouvellement
fondé à Albany, 794.
— en Angleterre : Société formée
à Londres pour répandre des
connaissances usuelles, n3. —
Société pour l'amélioration des
prisons de discipline de Lon-
dres, 376. — Académie royale
de peinture de Londres, 799.
— Société des artistes anglais,
DES M vi i i r. ES.
800. — Société des dessins à
l'aquarelle, 800. — Académie
royale de musique , 800. — Ins-
titution harmonique, 800.
- eu Russie : Société d'économie
de Saint-Pétersbourg , [94* —
Société a histoire el a antiquité!
russes de Moscou , 683. — Aca-
démie des sciences de Saint-
Pétersbourg, 800.
— en Pologne : Société philoma
tique de l'Université de Craco-
vie, 49Û-
— en Allemagne : Académie des
sciences de Berlin , 226.
. ,. A , , • -, n, /Sourds-muets, 477, 711.
— en Italie: Académie des Geor- y ,■& 1 ,• , ?/\l 1
,..,-,. 0 — (éducation des) dans le tan
gophiles de Florence , 809. — ^ ^^ mM
Société établie à Florence pour
l'industrie
courngement pour
nationale; , 787.
Soetermeer (('-.). Voy. No,nr.\-
riojri \1.vn1 ekzqi ;
Soi W (lia) ou les deux RîcheSj
comédie en vers, par .M***,
5ao\
Solgcr s nachgelasscne Schriften, lie-
rausg»gebtn von L. Ticch und
Frit cl. von liaurncr, 607.
Somof (O.). Voy. Vautier.
Soulange-Bodin* Quelques idées
sur la régénération des forétl ,
4*o.
— C— N.,838.
la propagation de l'enseigne-
ment mutuel, 810. — Académie
des lettres et des arts de Pis-
toia, 810.
— dans les Pays-Bas .'Société pour
l'utilité publique, de Bruxelles,
5 11. — Société pour l'amélio-
ration morale des condamnés
d'Amsterdam, 5ia. — Institut
royal, 81 a.
— en France (dans les départe-
mens ) : Société académique
d'Aix , 240, 788. — Société de
lecture de Dijon , 240. — So-
ciété royale d'agriculture et de
commerce de Caen, 471. — So-
ciété pour l'encouragement des
sciences , des lettres et des arts
d'Arras , 5 12. Société des amis
des arts d'Avignon, 81 3. —
Société delà morale ebrétienne
de Marseille , 81 4-
(à Paris ) : Institut royal >
Académie des sciences, 241 :
5i3, 8i5. — Académie fran-
çaise, 5 16. — Académie des
beaux-arts, 247. — Société phi-
lantropique, 204. — Société
royale des antiquaires de
France , 248. — Société d'hor-
ticulture , 5 19. — Société d'en-
T. XXXVI.
Ion
de Berne, 229.
( De l'éducation des ) de
naissance, par Degérando , A. ,
614.
Souvenir littéraire, par Alaric
Watts, 383.
— de la garde nationale, etc.,
par un ex-capitaine, 442«
— d'un militaire des armées fran-
çaises dites de Portugal , 758.
Stassart, C. — B. , 418.
Statistique, i3g, 229, 4 '3, 596,
678.
— industrielle et commerciale de
la France , 25 1.
— judiciaire et morale des îles
britanniques ,214.
Stein (B. de). Voy. Nominations
ACADÉMIQUES.
Stempkovski (J.). Voy. Médaille.
Sturz. Reste de l'histoire romaine
de Dion Cassius , 1 3o.
Suéde, 802.
Suisse, i33, 229, 401, jo3 , 701 ,
3o6.
— (La) savante, ou les écrivains
du xixe siècle , par Meyer, 809.
Systematische Uilder-Gallerie , i32.
Table démultiplication, iGj.
Tableau chronologique des événo-
57 "
I : TTIQUI
ir Tacite, — enarabe : du français, 208.
le Fort il , A, — en danois : de L'islandais
! — en français : de Falleman
9.
1 3 - — de l'an-
glais, 36. 160. 178, 193, 1
-■ - ■■ " ■"■ :: • 1
- |, -- 777,778. - de l'es-
pagnol, 98, 3jq. — du la:
1: . 1, 65S. 7^3. — du sans-
crit. 189. — ce diverses langues,
— • en iatm : du grec, 1 3 1 .
— eu polonais : du russe, 6871
802.
— en russe : du français, 12 \- —
du srec moderne. 66 5.
Transactions cf the am encan philo-
sophical sosietr a etc., 3~z.
Translation c/ ndnk-Oç
hvd, c ii-Ay,
I2C.
— of the Kud-Opunishud, etc., by
s a me , îbid.
— of the Cena-Osunishtid, etc., Vf
: . c - . - - d.
— of a Conférence, etc.. \j the sa-
me , ib.d.
ineoor - Tremblement de terre a la Mar-
LOGIE. r,;v, 5CIE5CE5 KELI- . .
i Ht'ji-juic. __ -que, air.
ernnis- fiwufï ohsckcstgn istorii i en
: i Ses de kflo Prfaj ■■nnTo. . f€- e:t. ^ 683_
Ed.E.F.Poppo, 120. j^ De r^v^ement des ) en
Tbueux ( F. ). Les bains de mer, '
poème, 455 •
en [-*t F. ). tfcar oc H
koo's'.en, 4 r 4-
Tieck ( L. > roy. Solger.
Tioiemann F. \gmi>a-
Z\ >'S ACADÉMIQUES.
.tîû/2 ( William]. Toj. Eulo-
giunt.
Tinbuktou ( Origine de \ d'après
les auteurs arabes, 489.
Tou^ard. Guide des jurés, 181.
TsADvenon :
en alema-.d : an français, 39a.
en ar. "<nd, 683,
». de diverses langues indiennes,
iio,
— historique , chronologiqu
concot: _ Kl de i I
ve; nfté ce Paria . etc.. pat A. J.
de Mancv . 4-i:-
Tableaux " Les princâpaaa . du
de La Haye, giaves au
trait. 71 x.
j ■ chronologi-
que.
Taillandier ( A. ) C. — B.. 1 56.
Taltua Exhumation des restes
de), 3' '■
r'ECH^OLOGIE. r<JV. ARTS IïCUS-
n :els-
ituie ' Art de la \ d'api es la
méthode a:._". ise, etc., f : Bu-
los. i" 7.
Tei.ee de Vax DIE3IE5-. Situa-
tion de cette colonie, aia.
Théâtres : de Paris. »6i , 323 ,
Bai.
— armais, à Par;; . *6a.
— de Tarin, 81 x.
TteegmuKs reliquiœ. Ld. TÏ'eVie'. t 3 1 .
Europe, 11S.
Turin, f'c.y. Milan
TuEQUIE, Il8.
T^ojea - - B* ' • Jf ■*"■ etc- »
hr P. Cunningham, 3- 3.
To\ rs. i3i.
Universités de Russie, ai6. —
de Cracovie. 49^- — ^e *-on-
Tain et de Groningue, 5 10. —
de Buenos-Ayres, 79 \.
(Ji ûm G. Fr. . Magasin des arts
etdes métiers, 126.
\ lccivb ( Propagation de la ) en
Russie, 49 \-
Valcntin (Ph. )• Manuel du char-
pentier, ifi8.
Van Bieda (J. G. S.). Voy. Nomi-
nations V( U>l MIQUES.
I an Coppeïlen {J. P.). Bydragen
tôt de Geschiedenis der JSederlan-
den, i\i6r
Van-der-Maelen(Ph.). Voy. Atlas
universel.
Vart-der-Velde. Voy. Romans his-
toriques.
Van Rees (R.). Voy. Nominations
ACADÉMIQUES.
Van Reynsbergen. Voy.ibld.
Vapeu/d'eau (Puissance de la ).
Voy. Fourier.
Varaigne, C. — M., 545.
Vaucheley ( Th. ). L'Académie
des beaux-arts de Paris lui dé-
cerne le second grand prix de
peinture, a 47-
Vautier. Mémoires sur la guerre
actuelle des Grecs , traduits en
russe par Oreste Somof , 124.
Vergnaud (A.)., C.— B., 73o.
Veuves indiennes. Sur l'usage de
les brûler vivantes sur le bû-
cher de leurs maris, 110.
Vicat. Observations physico-ma-
thématiques sur quelques cas
de rspture des solides, 241.
Victoire ( La ) de Junin, chant à
Bolivar, par J. J. Olroedo, 479-
— ( Première ) de la lumière sur
les ténèbres dans l'église catho-
lique de la Silésie, 695.
Vie et correspondance du major
Cartwright, 38 1.
— de M. de la Fléchère, pasteur
de Madeley , en Angleterre ;
traduite en français, 4°3-
t— du cardinal Gaspard Conta-
rini, par L.Beccadelli, 410.
Dl-, M V 1 1I.UF.S. ft^T
— de Thoddée Kosciuizko pai
Charles Falkenstein, 696.
— politique et militaire <le Napo-
Iron, racontée par lui - même
au tribunal de César, Alexan-
dre et Frédéric, 448.
— de Napoléon Bonaparte, par
Waltci Scott, A., 629.
Vicnnet. Histoire des guerres de
la Révolution française, i85.
Viennet (J. P. G.). OEuvres, 45;
Villenave fils. Voy. Walstein.
Villeneuve (Eugène de ). Journal
fait en Grèce, etc., 4I7«
Virard. Alphabet phonométri-
que ,7^1.
Visconti (E. Q). Opère varie italianc
efrancesi, etc., ^îi.
Vitry (Urbain). Voy. Propriétaire-
Architecte.
Volcans. Voy Marcel de Serres.
Voltaire apologiste de la religion
chrétienne, 175.
Voyage ( Esquisses d'un ) aux
lacs , notes sur les Indiens
chipewas , etc., par Th. L.
M'Kenny, 673.
— métallurgique en Angle-
terre , etc. , par Dufrénoy et
Élie de Beaumont, A., 3r4-
— en Allemagne, 1-28.
— dans les petits cantons et dans
les Alpes rhétiennes , par Kas-
thofer , traduit de l'allemand
par E. J. Fazy-Cazal, i36.
pittoresque dans le canton des
Grisons, etc., par J. J. Meyer ,
i34-
— aux Alpes et en Italie, par Al-
bert-Montémont, 194*
— de Naples à Amalfi, par Cas-
tellaraare et Pompéïa , par E.
G. d'A.,M.,a78.
— de la Grèce, par F. C. H. L.
Pouqueville, A., 74-
— à Athènes et à Constantinopk,
ou Collection de portraits,
vues, etc., 4°*7-
868
TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES.
w
Walstein , tragédie de Schiller ,
imitée par Villenave fils, 827.
VVatts' Literary Souvenir , 383.
Welker. Ce qui nous reste de
Théognis, i3i.
Werner. Voy. Configliacchi.
Werner (J. C). Atlas des oiseaux
d'Europe, 420.
Wibor Poezyi Polskiey, 682.
Wilderspin ( S. ). Sur les avan-
tages de l'instruction que prend
l'homme entre les bras de sa
nourrice, 210.
Young( Thomas ). Voy. Nomiav-
TIOKS ACADÉMIQUES.
z
Zanole(J.). Manuel du créancier
hypothécaire, 747*
Zanth ( L..). Architecture mo-
derne de la Sicile , 200.
— *— antique de la Sicile, 20 1 .
Zapishi Polkovniha Vauùer , 124.
Zoologie , 210.
Zygénides. Voy. Bois-Duval.
FIJI DE LA TABLE DU TOME XXXVI.
ERRATA DU TOME XXXVI.
Cahier d'OcTOBRE. Page 3o, ligue 19, d'après les conseils, lisez : imbus des
principes; p. 32, 1. 3. le discours qu'il prononça au congrès de Lyon /lisez : le
discours qu 'il prononça à l'occasion du congrès etc. ; p. 32, 1. 34, les sciences
littéraires y lisez : la littérature ; p. 34, 1. 21, Chinexico, lisez : Cherico ; p. 142 ,
1. 36, Bucceloni» lisez : Bitcceleni ; p. 147, 1. 5, la plupart, lisez : quelques-
unes ; ibid. , 1. 12 , a Vérone, lisez : h Crémone ; p. i5l , I. i4> par des honv-
râbles , lisez : par ses honorables ; p. 184, ligne ayant-dernière , bfr., lisez :
8fr.
Cahier de Novembre. Page 274> ligne 20, jaunâtre, lisez : jaune -verddtre ,■
p. 2^5, I. 23 , des principes immédiats , lisez : les principes immédiats des corps
organisés dans la composition desquels l' hydrogène entre toujours comme élément;
p. 279 ,1.2, pèlerinage, lisez : pèlerinage ; p. 388, avant-dernière ligne , sup-
primez la virgule; p. 389, 1. 6, Stempkowsky, lisez : Stempkovsky ; ibid., 1. 23,
fVestnik, lisez: Vestnik ; ibid., 1. 37, cela, lisez : il; p. ^o5, on a oubliéle signe
de la censure en tête de l'article sur l'Histoire civile de Naples , par Giannone ,
article qui avait été retranché par le bureau de censure ; p. 4 r7 » h IO > de
Muiden , lisez : te Muiden ; p. 440 , 1. 3q , tome iv , lisez : tome vi ; p. 4S4 ,
1. 22 et 23 , 33 degrés Réaumur , etc. , lisez : 19,2 degrés de Réaumur à 23,9 le
jour, et x4>5 à 19,2 la nuit ; p. 495, 1. 28, werste, lisez : werste ; ibid., 1. 29, on
a tiré , des , supprimez la virgule; ibid., 1. 3o , supprimez la virgule ; p. 5oo ,
1. 19, ajfectation, lisez : affection.
Cahier de Décembre. Page 568 , 1. 2, mettez une virgule après le mot cha-
peaux s p« 587, 1.3, humainees, lisez : humaines ; p. 687, 1. II, il trouve, lisez:
il en trouve ; p. 737 ,1. 7, mettez un point-virgule , au lieu de la virgule après
le mot f.auvre; ibid., 1. 8 , pour assister le riche, lisez : vous êtes pauvre : c'est
pour assister le riche ; p. 793 , l'article des Nouvelles des Etats-Unis , intitulé :
Mécanique , a été inséré par erreur et avant la réception de renseiguemens
exacts sur la prétendue découverte qui s'y trouve annoncée.
1915 4
AP
20
R53
t. 36
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