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Full text of "Revue encyclopédique : liberté, égalité, association"

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REVUE 
ENCYCLOPÉDIQUE 


REVUE 

ENCYCLOPÉDIQUE, 


OU 


ANALYSE  1UISONNÉE 

DES  PRODUCTIONS  LES  PLUS  REMARQUABLES 

PVNS  LES  SCIENCES,  LES  ARTS  INDUSTRIELS  ,  LA  LITTERATURE 
ET   LES   BEAUX- ARTSJ 

PAR    UNE    RÉUNION 

DE   MEMBRES   DE   L'INSTITUT, 

ET  D'AUTRES  HOMMES  DE  LETTRES. 


TOME    XXXVI. 


PARIS. 

AU  BUREAU  CENTRAL  DE  LA  REVUE  ENCYCLOPÉDIQUE, 

BUE    D'ENFER-SAINT-  MICHEL  ,  N°    l8. 

OCTORRE    T827. 


v 

1      I 


«  Toutes  les  sciences  sont  les  rameaux  d'une  même  tige.  » 

Bacon. 

«  L'art  n'est  autre  chose  que  le  contrôle  et  le  registre  des  meilleures  produc- 
tions...  A  contrôler  les  productions  (et  les  actions)  d'un  chacun,  il  s'engendre 
envie  des  bonnes ,  et  mépris  des  mauvaises.  » 

Montaigne. 

««  Les  belles-lettres  et  les  sciences,  bien  étudiées  et  bien  comprises,  sont  des 
instrumens  universels  de  raison,  de  vertu,  de  bonheur.  » 

M.  A.  J. 


REVUE 

ENCYCLOPÉDIQUE, 

ou 

ANALYSES  ET  ANNONCES  RA1SONNÉES 

DES  PRODUCTIONS  LES  PLUS  REMARQUABLES 

DANS  LA  LITTÉRATURE,  LES   SCIENCES  ET   LES   ARTS. 


I.  MEMOIRES,  NOTICES, 

LETTRES  ET  MÉLANGES. 


EXPOSITION  PUBLIQUE 

DES  PRODUITS  DES  MANUFACTURES  FRANÇAISES  , 

EN  1827. 

La  solennité  de  l'exposition  est  terminée  :  les  flots  de 
curieux  qui ,  chaque  jour,  inondaient  le  Louvre  se  sont 
écoulés;  les  récompenses  sont  distribuées,  et  l'opinion 
publique  approuve  en  général  les  décisions  du  jury.  Nos 
lecteurs  trouveront  dans  ce  cahier  la  liste  des  fabricans 
et  des  hommes  industrieux  dont  les  ouvrages  ont  ob- 
tenu des  médailles  de  bronze,  d'argent  ou  d'or,  et  de 
ceux  qui  ont  été  jugés  dignes  d'un  prix  encore  plus 
élevé.  Les  curieux  ont  été  satisfaits  ;  les  hommes  instruits 
ont  trouvé  beaucoup  à  louer;  peu  de  critiques  se  sont 
fait  entendre  ;  ces  résultats  semblent  attester  les  services 
rendus  à  l'industrie  par  les  expositions  publiques  ,N  et 
par  conséquent,  l'utilité  de  cette  institution.  Presque 
tous  les  écrits  périodiques  se  sont  empressés  de  lui 
rendre   hommage  ;  son    éloge  a  retenti  partout  où  les 


6  IMPOSITION  PUBLIQUE 

journaux  français  peuvent  être  lus.  L'émulation  natu- 
relle entre  des  Etats  voisins  fera  probablement  adopter 
l'usage  des  expositions  industrielles  dans  tous  les  pays 
qui  rendent  aux  beaux  arts  cette  sorte  d'hommage  pu- 
blic :  déjà  ,  l'Espagne  elle-même  en  a  donné  l'exemple  , 
au  milieu  de  ses  embarras  ,  de  ses  souffrances  ,  de  sa 
misère.  Convient-il  donc  à  la  Revue  Encyclopédique  de 
se  séparer  de  cette  unanimité  si  imposante,  au  risque 
d'être  seule  de  son  avis  ?  Il  ne  faut  rien  moins  que  la 
plus  intime  ,  la  plus  impérieuse  conviction  ,  pour  que 
l'on  se  détermine  à  professer  une  doctrine  hors  de 
saison,  des  vérités  qui  ne  seront  point  reconnues  ,  bien 
loin  qu'elles  soient  préparées  pour  les  applications  qui , 
seules  ,  peuvent  leur  donner  quelque  valeur.  Nous  n'hé- 
siterons pourtant  pas  à  nous  mettre  dans  cette  désavan- 
tageuse position  ;  les  circonstances  nous  permettent  en- 
core de  rappeler  des  faits,  et  d'en  tirer  des  conséquences 
dont  quelques  esprits  seront  frappés ,  quand  même  ils 
ne  seraient  pas  convaincus.  Cette  opposition  paisible  efc 
résignée  conserve  à  la  vérité  ses  droits,  et  aux  opinions- 
une  sage  liberté  :  ses  fonctions  devraient  être  créée* 
d'office,  si  personne  ne  s'offrait  pour  les  remplir. 

En  rendant  compte  de  l'exposition  de  1823  (voy.  Rev.. 
Enc.}  t.  xx,  p.  1 5),  nous  avons  déjà  manifesté  quelques 
doutes  sur  l'utilité  réelle  des  expositions ,  telles  qu'on 
les  fait  :  ce  que  nous  avons  vu  en  1827  ne  résout 
point  la  question  pour  l'économie  politique  ,  et  semble 
même  transférer  à  la  politique  proprement  dite  cette 
partie  de  nos  institutions.  On  est  tenté  de  croire  que  les 
arts  industriels  ont  été  considérés  principalement  en 
raison  de  leur  influence  sur  l'esprit  public  ,  manière  de 
voir  qui  porte  quelquefois  à  préférer  l'éclat  à  une  pros- 
périté réelle.  L'industrie  était  peu  disposée  à  se  réjouir: 
sa  fête  quadriennale  est  venue  faire  diversion  à  plus  d'une 
sorte  de  soucis.  Ce  résultat  n'était  point  à  négliger 
quelle  que  fût  la  cause  de  la  détresse  commerciale  don 
il  était  peut-être  inévitable  que  la  France  ressentît  le 
atteintes.  Tout  s'est  passé  selon  les  vœux  des  amis  de  1; 
pairie;  la  fête  a  été  belle,  universellement  goûtée,  asse 


F.N  1817.  7 

joyeuse;  mais  n'oublions  point  que  ce  n'est  qu'une  fête. 
L'ancien  local  destiné  aux  expositions  ne  suffit  plus  à 

l'immensité  des  produits  qu'on  y  envoie;  et  rependant, 
plus  du  cinquième  de  la  France  n'a  pas  encore  fourni  son 
contingent.  Si  aucun  département  ne  veut  rester  en  ar- 
rière, aucune  fabrique  ne  consentira  non  plus  à  ne  point 
paraître  au  grand  jour;  des  refus  seraient  bien  durs, 
quand  même  ils  pourraient  être  équitables.  Mais,  com- 
ment pourvoir  au  placement  des  futures  expositions, 
triples  ou  quadruples  peut-être  de  celle  que  nous  avons 
vue  cette  année?  On  a  proposé  la  construction  duii 
palais  de  V  industrie  ;  c'est  aller  un  peu  trop  vite,  car, 
après  tout,  la  France  a  d'autres  besoins  qui  ne  sont  pas 
moins  urgens  que  celui-là.  D'ailleurs ,  avant  de  bâtir 
pour  des  siècles  de  durée  ,  ne  faudrait-il  pas  constater, 
par  une  enquête  très-attentive,  la  bonté  actuelle  et  per- 
manente de  l'institution  pour  laquelle  on  fait  une  de- 
mande aussi  exorbitante  ?  Cette  institution  sera-t-elle 
encore  utile ,  au  moment  où  l'on  sera  prêt  à  l'installer 
dans  son  palais  ?  Et  comme  elle  serait  sur  le  point  de 
devenir  nuisible  ,  si  elle  avait  cessé  d'être  bienfaisante  , 
on  prolongerait  peut-être  son  existence,  afin  de  dissi- 
muler la  faute  que  l'on  aurait  commise  en  ordonnant 
des  travaux  dispendieux  et  superflus.  Quelques  motifs 
particuliers  devraient  engager  les  Français  à  ne  pas  sVx- 
poser  à  un  pareil  désappointement,  mais  à  délibérer 
long  -  tems  avant  d'adopter  des  projets  dont  l'exécution 
est  toujours  lente  :  ils  n'ignorent  pas  que  partout  ailleurs 
que  sur  les  champs  de  bataille ,  on  leur  reproche  un 
défaut  de  persévérance  qui  les  rend  incapables  d'achever 
ce  qu'ils  ont  résolu  avec  enthousiasme,  et  commence 
avec  ardeur.  Si  l'on  veut  que  le  palais  de  l'industrie  con- 
vienne à  sa  destination  ,  quand  même  on  profiterait  de 
constructions  déjà  existantes  ,  la  génération  actuelle  ne 
jouira  point  du  fruit  des  sacrifices  qu'elle  aura  faits  en 
faveur  de  ses  fabricans  ;  c'est  un  second  Louvre  qu'il 
a  agit  de  bâtir,  si  toutefois  le  nouvel  édifice  pouvait  être 
borné  aux  dimensions  de  celui  que  nous  possédons.  Il 
tie  faut  point  perdre   de  vue  la  marche   croissante  des 


8  EXPOSITION  PUBLIQUE 

expositions,  ni  les  causes  diverses  qui  maintiendront 
cet  accroissement,  et  le  porteront  jusqu'à  sa  limite,  si 
l'institution  conserve  son  influence.  On  s'exposerait  à  un 
fâcheux  mécompte  ,  si  le  futur  palais  ne  pouvait  rece- 
voir et  loger  convenablement  l'énorme  quantité  de  pro- 
duits qui  se  presseront  à  l'entrée  ,  lorsque  les  portes 
en  seront  ouvertes.  L'emplacement  que  1  on  a  indiqué 
ne  suffirait  point  aux  besoins  de  i83r  ,  ni  à  plus  forte 
raison  à  ceux  de  1 835  9  il  paraît  que  l'on  attache  peu 
d'importance  à  cette  indication,  et  que  les  partisans  du 
nouveau  projet  s'accommoderaient  encore  mieux  d'un 
local  moins  éloigné  du  centre  des  affaires  commer- 
ciales  

Indépendamment  des  expositions  publiques  et  de  leur 
influence,  tout  est  prêt  en  France,  ou  lésera  bientôt, 
pour  que  les  arts  industriels  y  marchent  à  grands  pas 
vers  leur  perfection.  La  source  première  de  toutes  les 
améliorations  est  l'instruction  de  la  classe  laborieuse; 
on  y  pourvoit.  Quelques  préjugés  combattent  encore  en 
faveur  de  l'ignorance  ;  mais  leurs  armes  sont  bien  af- 
faiblies, et  blessent  rarement.  Lorsque  les  lumières  au- 
ront pénétré  partout ,  l'art  de  diriger  l'industrie  pour 
son  plus  grand  avantage  et  pour  celui  de  la  société  sera 
réduit  à  ce  conseil  du  bon  sens  :  Laissez  faire.  En  quel- 
ques années  la  France  peut  atteindre  ce  degré  d'ins- 
truction :  alors,  le  génie  inventif,  non  moins  fécond 
qu'il  ne  lest  aujourd'hui,  ne  sera  plus  exposé  à  suivre 
de  fausses  routes  et  à  s'égarer  :  les  ateliers,  remplis 
d'observateurs  éclairés  ,  seront  autant  d  écoles  des  arts 
où  des  procédés  raisonnes  seront  substitués  aux  rou- 
tines ,  où  tous  les  faits  nouveaux  seront  aperçus,  com- 
pris ,  mis  à  leur  place.  Les  bienfaiteurs  des  arts  sont  les 
savans  qui  ont  rendu  les  sciences  usuelles,  les  écoles 
consacrées  à  l'enseignement  des  ouvriers  ou  des  chefs 
de  grands  travaux,  et  avant  tout,  l'Ecole  polytechnique 
d'où  sont  sortis  en  si  grand  nombre  d  habiles  et  zélés 
professeurs  qui  tous  se  plaisent  à  reconnaître  pour  leur 
guide  un  de  leurs  anciens  condisciples  qu'il  est  désor- 
mais inutile  de  nommer.  Les  précieux  effets  de  l'en- 


EN  18*7.  9 

saignement  Industriel  auront  bientôt  changé  la  face  àè 
notre  Industrie  ci  <l<-  nos  manufactures  :  plus  d'une  ré- 
volution comparable  à  celles  qu'ont  opérées  quelques 
connaissances  de  physique  et  de  chimie  répandues  dans 
les  ateliers,  est  déjà  commencée,  et  sera  bientôt  com- 
plète. Le  génie  se  plaît  clans  L'exercice  de  ses  forces; 
plus  il  acquiert  de  ressources  et  de  vigueur,  plus  son 
activité  redouble.  L'instruction  lui  fournit  des  idées  , 
des  faits  qu'il  a  besoin  de  connaître,  des  matériaux  dont 
il  peut  faire  usage  :  les  médailles  et  les  récompenses  ne 
peuvent  tout  au  plus  qu'entretenir  son  ardeur,  sans  rien 
ajouter  à  sa  puissance  créatrice,  sans  étendre  ses  fa- 
cultés, ni  leur  prêter  aucun  secours. 

On  ne  peut  cependant  méconnaître  que  les  exposi- 
tions publiques  des  produits  de  l'industrie  répandent 
quelque  instruction  ,  non  parmi  ceux  qui  exercent  ou 
étudient  spécialement  les  arts  industriels ,  mais  parmi 
les  gens  du  monde  ;  et  c'est  précisément  ce  qui  leur 
donne  tant  de  charmes  ,  ce  qui  les  rend  si  décevantes, 
ce  qui  leur  assure  un  si  grand  nombre  de  partisans.  En 
parcourant  ces  galeries  où  les  arts  ont  étalé  ce  que  leur 
luxe  a  de  plus  attrayant,  on  acquiert  sans  peine  et  pres- 
que sans  attention  des  connaissances  que  l'on  n'avait 
point ,  et  que  l'on  conserve  ,  lorsque  les  objets  qui  les 
ont  transmises  ne  sont  plus  sous  les  yeux.  En  sortant 
de  ces  lieux  de  prestige  ,  on  est  satisfait  de  soi-même  , 
aussi  bien  que  de  ce  que  l'on  a  vu;  on  conçoit  une  meil- 
leure opinion  de  son  jugement ,  et  fort  souvent  ce  mou- 
vement d'amour-propre  n'est  point  trompeur.  Comment 
résisterait-on  à  d'aussi  fortes  séductions  ?  On  est  en- 
traîné, l'enthousiasme  se  communique,  et  c'est  ainsi 
que  le  goût  des  expositions  publiques  va  toujours  crois- 
sant. Elles  sont,  à.  coup  sûr,  les  fêtes  les  plus  belles, 
les  plus  raisonnables  que  l'on  ait  jamais  instituées  en 
l'honneur  de  1  industrie  ;  mais  elles  n'atteignent  point 
leur  but ,  si  elles  sont  destinées  à  répandre  dans  la  classe 
industrieuse  une  instruction  qui  lui  soit  profitable.  On 
ne  communique  par  ce  moyen  que  des  notions  super- 
ficielles, insuffisantes  pour  les  applications,  mais  dont 


io  EXPOSITION  PUBLIQUE 

la  curiosité  se  contente  :  ce  sont  les  simples  spectateurs 
qui  profitent  de  ces  solennités  dont  l'industrie  est  l'objet. 
On  ne  sera  donc  point  surpris  que  le  département  de 
L'Aube,  l'un  des  plus  éclairés  et  des  plus  industrieux 
de  la  France,  richement  pourvu  des  moyens  de  propager 
renseignement  industriel ,  n'ait  presque  rien  envoyé  a  la 
dernière  exposition.  On  peut  augurer,  dès  à  présent  , 
que  cet  exemple  entraînera  d'autres  désertions ,  que  les 
fabricans  éloignés  de  Paris  se  lasseront  de  plus  en  plus 
des  déplacemens  onéreux  que  les  expositions  exigent 
deux  ,  et  que  l'industrie  de  la  capitale  occupera  presque 
seule  toutes  les  salles  du  Louvre.  En  1823  ,  elle  n'avait 
fourni  que  le  tiers  des  objets  exposés  ,  et  c'était  déjà 
beaucoup ,  en  raison  du  nombre  et  de  l'importance  de 
ses  fabriques  :  cette  année  ,  sur  i63i  numéros,  971  lui 
appartiennent,  en  sorte  quelle  forme  presque  les  deux 
tiers  ,  ou  plus  exactement ,  les  trois  cinquièmes  de  l'expo- 
sition. Cette  observation  serait  alarmante  pour  l'industrie 
départementale ,  si  l'on  perdait  de  vue  les  divers  motifs 
qui  invitent  les  fabricans  de  Paris  à  se  produire  au 
Louvre,  et  qui  en  éloignent  ceux  des  provinces.  D'ail- 
leurs, quelques  grandes  villes  ont  aussi  l'ambition  de 
devenir  un  centre  d'industrie  ,  et  font  un  appel  aux 
fabricans  qui  se  trouvent  à  leur  portée  ;  c'est  encore  un 
exemple  qui  se  propagera.  Ainsi,  l'exposition  générale 
est  menacée  de  pertes  successives ,  et  tend  à  n'être  plus 
que  départementale  :  il  est  même  essentiel  pour  le  bien- 
être  général  que  ce  changement  soit  opéré  par  degrés, 
mais  promptement.  C'est  la  France ,  et  non  la  capitale 
seulement  qu'il  faut  rendre  industrieuse;  la  Grande-Bre- 
tagne nous  offre  le  modèle  de  la  plus  utile  distribution 
des  travaux  manufacturiers  :  Londres  n'absorbe  rien  , 
aucune  partie  du  territoire  n'est  privée  de  l'industrie 
qu'elle  peut  faire  prospérer  ;  c'est  ainsi  que  toutes  les 
ressources  sont  mises  à  profit ,  et  concourent  le  plus 
efficacement  au  bien-être  des  citoyens  et  à  la  prospérité 
de  l'état. 

Si  l'on  veut  absolument  des  expositions  publiques  , 
s'il  nous  est  impossible  de  renoncer  à  ce  régime  auquel 


I.\     i.S  II 

nous  lommefl  accoutumés  et  qui  nous  plaît ,  on  doit  au 

moins  s  attacher  à  le  rendre  pins  avantageux  ,  el  a  dimi- 
nuer  quelques-uns   de  ses   ineonvéuicns.    Il  semble  que 

Ton  v  parviendrait  en  renonçani  a  réunir  a  la  fois  les 
produits  de  tomes  les  sortes  «le  travaux  ,  en  établissant 
des  divisions  <jui  paraîtraient  successivement,  sans  qu'il 

rut    nécessaire    de    chercher    un  local    plus  vaste   ou    les 

exposans  fussent  à  l'aise,  au  milieu  des  objets  de  leurs 

fabriques.  Ces  divisions  fixées  par  une  analyse  exacte  des 
procédés  de  chaque  art,  et  par  le  rapprochement  de 
ce;ix  cpii  présenteraient  les  plus  nombreuses  analogies, 
offriraient  les  élémens  d'une  étude  facile  et  fructueuse  : 
tout  serait  prévu  et  préparé  pour  que  les  arts  pussent 
s  éclairer  mutuellement,  etmareber  de  concert  au  devant 
des  faits  ou  ils  n'ont  pas  encore  découverts ,  des  per- 
fe<  tionnemens  qu'ils  ne  pourraient  atteindre  aussitôt, 
ni  aussi  sûrement,  si  leurs  efforts  étaient  isolés.  Des 
jurys  plus  homogènes  porteraient  sur  les  ouvrages  exposés 
des  jugemens  encore  plus  dignes  de  confiance;  des  rap- 
ports plus  détaillés  seraient  plus  instructifs.  On  pourrait 
espérer  que  les  arts  en  recueilleraient  quelques  fruits  , 
et  la  curiosité  même  y  trouverait  l'avantage  d'une  jouis- 
sance moins  interrompue.  On  supporte  péniblement 
quatre  années  d'attente  ;  l'espoir  d'en  être  dédommagé 
par  des  plaisirs  plus  variés  n'est  pas  une  compensation 
qui  satisfasse  tout  le  monde.  Aux  expositions  partielles, 
l'attention  moins  distraite  saisit  beaucoup  mieux  ce  qui 
frappe  les  regards;  le  public  s'instruit  plus,  et  mieux, 
et  les  progrès  de  son  intelligence  sont  encore  au  profit 
des  arts  :  l'œil  d'un  iu^e  clairvovant  les  rend  circons- 
pects  ,  ils  sont  moins  exposés  à  sortir  de  la  bonne  voie. 
Si  1  on  adoptait  cette  manière  de  constater  et  de  récom- 
penser les  progrès  de  l'industrie,  on  aurait  à  résoudre 
une  multitude  de  questions  qu'elle  ferait  naître  :  l'orga- 
nisation des  jurys,  la  nomination  des  jurés,  l'époque  et 
le  lieu  de  ebaque  exposition  ,  etc.  Quelques  arts  auraient 
besoin  de  paraître  plus  souvent  sous  les  yeux  du  public; 
d  autres,  dont  la  marche  est  plus  simple  et  plus  lente, 
laisseraient  entre  leurs  apparitions  périodiques  un  assez 


ii  EXPOSITION  PUBLIQUE. 

long  intervalle.  Les  fabriques  d'étoffes  seraient  au 
nombre  des  plus  pressées;  les  arts  chimiques  et  métal- 
lurgiques rallcntiraient  leurs  pas  .  etc. 

Les  expositions  départementales  ont  un  intérêt  parti- 
culier, et  presque  de  famille  ,  qui  devrait  les  faire  établir 
dans  tous  les  chefs-lieux  de  département.  C'est  là  que 
les  manufactures  placent  leurs  échantillons  sous  les  yeux 
des  consommateurs,  et  contractent  l'engagement  de  ne 
rien  fournir  qui  n'égale  ces  pièces  de  choix. 

Faut-il  que  nous  ayons  à  recommander  une  exposi- 
tion permanente  ,  la  plus  instructive  de  toutes ,  et  dont 
aucune  autre  ne  peut  tenir  lieu,  en  un  mot,  le  travail 
des  ateliers?  Nos  plus  célèbres  manufacturiers  donnent 
le  noble  exemple  d'ouvrir  cette  source  d'instruction  à 
tous  ceux  qui  veulent  y  puiser  ;  mais  il  en  est  encore 
plusieurs  qui  se  renferment  dans  un  profond  secret, 
comme  certain  lamineur  de  plomb  qui  fermait  ses  ate- 
liers au  maître  de  forge  qui  lui  avait  fait  ses  laminoirs. 
Cet  homme  eût  été  un  digne  émule  d'Omar  :  «  Si  vous 
savez,  disait-il,  vous  n'apprendrez  rien  de  plus  chez 
moi  ;  et  si  vous  ne  savez  pas  ,  vous  n'êtes  pas  en  état  d'y 
rien  apprendre.  » 

Il  nous  serait  impossible  de  ne  pas  faire  un  volume , 
si  nous  entreprenions  de  parler  avec  quelque  détail 
de  tout  ce  que  le  Louvre  a  rassemblé,  cette  année,  dans 
ses  immenses  galeries ,  même  en  nous  bornant  aux  objets 
les  plus  remarquables.  Les  journaux  quotidiens  se  sont 
acquittés  de  cette  tâche  avec  succès  ;  on  peut  consulter 
principalement  le  Moniteur,  où  M.  Ch.  Dupin  a  consi- 
déré l'exposition  dans  l'intérêt  des  arts  et  de  l'instruc- 
tion industrielle,  le  Journal  du  Commerce ,  où  M.  Blan- 
qui  fait  des  observations  très -justes  sur  l'état  et  les 
ressources  des  manufactures  françaises:  et  le  Constitu- 
tionneL  Leurs  opinions  sur  les  choses  ,  les  personnes  et 
les  talens  ont  été  généralement  d  accord  avec  nos  propres 
remarques  :  nous  ne  pourrions  que  reproduire  avec  une 
brièveté  trop  voisine  de  la  sécheresse  ce  qu'ils  ont  écrit 
avec  des  développemens  qui  nous  sont  interdits. 

Ferry. 


EN   (8*7.  i3 

A'.  A'.  Parmi  les  écrits  1 1< >nt  l'exposition  dei  produits  de  l'industi  ii-  .1 
été  \ê  IUJet|  il  en  Ml   BU  qui  mci  Ile  il'-  sm  vivre  .1  cette  solennité  ;  il  -     t 

intitule  :  forage  dans  ta  cour  du  touvrt  ,  ou  Gnide  de  Tobsorvateur  a 
r  a  position  ,  par  une  Société  d'artistes  ot  d'anciens  fabricant  (1).  On  y 

trouve  <les  indications  utiles  dont  les  marchands  et  les  simples  par- 
ticuliers ne  manqueront  pas  de  profiter  ,  et  des  Notices  bien  faites 

sur  quelques-uns  des  objets  exposes.  (  )n  ne  peut  reprocher  aux  ré- 
dacteurs qu'une  propension  à  l'indulgence  dont  ils  ne  se  défient  pas 
assez,  et  très-rarement  quelques  critiques  peu  méritées.  Ainsi,  par 
exemple,  au  sujet  des  ouvrages  d'orfèvrerie  de  M.  Odiot,  on  lit  dans 
le  petit  ouvrage  dont  nous  parlons  :  «  Nous  regrettons  que  nos  or- 
fèvres ne  veuillent  pas  s'en  tenir  à  la  reproduction  de  vases,  candé- 
labres, surtouts  de  table,  etc.,  et  qu'ils  s'efforcent,  comme  M.  Odiot, 
à  modeler  les  saints  de  notre  calendrier.  »  Un  fabricant  exécute  les 
formes  qu'on  lui  demande  ou  qu'on  demandera  :  et  quand  le  tems  de 
l'exposition  est  arrivé,  il  met  sous  les  yeux  du  public  et  du  jury  les 
plus  grands  et  les  plus  difficiles  des  ouvrages  qu'il  a  faits.  On  pour- 
rait faire  aussi  aux  peintres  les  plus  célèbres  le  reproche  de  multiplier 
à  l'excès  les  représentations  de  martyrs,  objets  pénibles  à  contem- 
pler :  mais  ces  grands  artistes  n'avaient  pas  toujours  le  choix  du 
sujet  de  leurs  tableaux. 

L'étendue  de  la  liste  suivante,  réduite  à  une  simple  nomenclature, 
fera  voir  qu'il  ne  nous  était  nullement  possible  de  faire  connaître, 
même  par  la  plus  courte  notice,  les  titres  des  fabricans  et  des  artistes 
qui  ont  obtenu  des  médailles.  Quant  aux  décorations  de  la  Légion- 
d'Honneur  ,  c'est  à  une  longue  continuité  de  succès  qu'elles  ont  été 
décernées.  On  remarquera  aussi  que  le  jury  rappelle  les  médailles  déjà 
obtenues,  lorsqu'il  juge  que  les  exposans  n'ont  pas  cessé  de  les  mé- 
riter. Cet  usage  entretiendrait  la  confiance  des  consommateurs,  s'ils 
avaient  la  certitude  que  tout  ce  qui  sort  d'une  fabrique  est  conforme 
à  l'échantillon  mis  sous  les  yeux  du  jury. 

RÉcompejîses  accordées  en  exécution  de  V article  3  de  l'ordonnance 
royale  du  4  octobre  1826  ,  aux  artistes  et  aux  manufacturiers  dont  les 
produits  n'étaient  point  susceptibles  d'être  exposés  séparément. 

M.  Burdin  ,  ingénieur  au  corps  royal  des  mines  ,  en  station  dans 
le  département  du  Puy-de-Dôme.  —  Médaille  d'argent. 

M.  Leblanc  ,  professeur  de  dessin  au  Conservatoire  des  arts  et 
métiers  ,  à  Paris.  —  Médaille  d'argent. 

(1^  Paris  ,  1827;  Dauvin,  rue  du  Carrousel ,  n°  4-  In-18  de  38a  pages;  prix,  a  fr.  £0  cent 


i  |  EXPOSITION  PUBLIQUE 

MM,  Casalis  et  Cordier,  mécaniciens  à  Saint-Quentin  ,  Aisne. — 
Médaille  d'argent. 

M.  Ronffel  (Jean-Baptiste),  menuisier  mécanicien,  à  Paris.  — 
Mt  d ai  lie  de  bronze. 

Distribution  des  récompenses  décernées  aux  fabricans  qui  ont 
concouru  a  /'exposition  des  produits  de  l'industiue  française 
pour   1827.   (Fin.) 

RAPPELS  des  médailles  de   bronze  (i). 

Division  des  tissus.  —  MM.  Laurent  (Henri) ,  à  Amiens ,  Somme. 
Schlumbcrger  père  et  fils  ,  à  Nogent-les-Vierges  ,  Oise.  Mestivier  et 
Hamoir,  à  Valenciennes,  Nord.  Hazard  (Jean-Baptiste),  à  Yalen- 
ciennes  ,  Nord.  Mme  veuve  Saint-Marc,  MM.  Porteu  et  Teliot ,  à 
Rennes ,  I!le-et-Vilaine.  Assy  Guérin  fils  et  Givelet ,  à  Reims  ,  Marne. 
Morin  et  comp.  ,  à  Dieu-le-Fit  ,  Drôme.  Grand  frères  et  Prades  ,  à 
Bédarieux ,  Hérault.  Couchonnat  ,  à  Lyon,  Rhône.  Martin  frères, 
à  Nîmes  ,  Gard.  Puget ,  à  Nîmes  ,  Gard.  Veaute  et  comp.  ,  à  Nîmes  , 
Gard.  Farel  fils  ,  à  Montpellier,  Hérault.  Hullot-Larminat  et  Prat ,  à 
Paris.  Galon  frères  ,  à  Paris.  Douinet  et  comp.  ,  à  Paris.  Bardel ,  à 
Paris.  Sambuc  et  Nover,  à  Dieu-le-Fit,  Drôme.  Gobert,  à  Paris. 
Valat  (Philippe),  à  Montpellier,  Hérault. 

Division  des  minéraux  et  des  métaux.  —  Lenoble  ,  à  Paris.  Partar- 
rieu,  à  Paris.  Hildebrand  ,  à  Paris.  Waddington  frères,  à  Saint- 
Remy-sur-Avre  ,  Eure-et-Loir.  Mentzer,  à  Paris.  Dumas  et  fils  ,  à 
Paris.  Les  forges  de  Moncey,  Doubs.  Bouffon  ,  à  Sauxillanges,  Puy- 
de-Dôme.  Billod  ,  à  Laferrière-sous-Jougue  ,  Doubs.  Nicod  ,  à  Fin- 
des-Gras  ,  Doubs.  Thirion  (J.-Nicolas) ,  à  Saint-Sauveur,  Meurthe. 
Porlier,  à  Paris.  Toussaint,  à  Paris.  Leiris ,  à  Paris.  Sénéchal,  à 
T'aris.  MIIQe  veuve  Charles,  à  Paris.  Bergougnan  ,  à  Paris.  Treppoz,  à 
Paris.  Prélat ,  à  Paris.  Lamotte  ,  à  Saint-Etienne. 

Division  des  machines.  —  Beugé ,  à  Paris.  Cartier,  à  Paris.  Didiée, 
à  Paris.  Fossey,  à  Paris.  Tissot  ,  à  Paris. 

Division  des  instrumens  de  précision  et  des  instrumens  de  musique.  — 
Clément ,  à  Paris.  Perron,  à  Besançon  ,  Doubs.  Henriot  ,  à  Paris. 

Division  de  chimie.  —  Delpech  ,  au  Mas-d'Asile  ,  Ariége.  La  Com- 
pagnie des  salines  de  l'Est,  à  Dieuze  ,  Meurthe.  Demarson  ,  à  Paris. 
Vincent  et  comp.,  à  Vaugirard  ,  Seine.  Herbin,  à  Paris.  Mareschal , 
à  Paris.  Gotten  ,  à  Paris.  De  Gouvenain,  à  Dijon  ,  Côte-d'Or. 

Division  des  beaux-arts.  —  Orbelin  ,  à  Paris.  Malbeste  ,  à  Paris. 
Quenedey,  à  Paris. 

Division  des  poteries.  —  Gilbert  (Laurent) ,  à  Orléans ,  Loiret. 
Fouque  et  Arnoux ,  à  Toulouse  ,  Haute-Garonne.  Keller,  à  Luné- 


(1)  Les  rappels  des  médailles  d'or,  d'argent  et  de  bronze  ont  lieu  pour  les  fabricans  et 
manufacturiers  qui ,  dans  l'intervalle  d'une  exposition  à  l'autre  ,  ont  continué  à  se  mou- 
Mrar  dignes  de*  médailles  qu'ils  avaient  déjà  obtenues. 


EN    «Hv;.  ,5 

ville,  Mt-iii  tlio.  F'iI'.iviin  f ,  a  Foëcy,  (Hier.  Mm<"  \  rtive  Desviyncs  ,  a 
Paris.  I.nton  ,  it  Pai  is. 

Division   dt-<    uns   divers*    —    Prailly   prre  ,    à    Provins  ,    Scinr-rt- 

Marne.  Mmc  $imonueau  ,  A  Êtamues,  Seinr-et-()ise.  Saileron  (Jean- 

('liarlcs)  ,  à  I  ,ongjmiM\iu  ,  Seiue-et-<  )isc.  Yaslin  et  Piedor,  .1  C.hatcan- 

renaud  ,  Indre-et-Loire.  Largaèse  cadet,  à  Montpellier,  Hérault. 
Guerineau  fils  aine,  à  Poitiers,  Vienne*  Vallet-Dartoif ,  à  Paris. 
Laloge  ,  à  Belle  tille  ,  Seine.  Dufort  fils,  à  Paris.  Lacourade  (Henri) 

et  eonij).  ,  an  moulin  de  Lacourade .,  Charente.  Angrand,  à  Paris. 
Gourlier,  à  Paris.  Savarcsse,  à  Paris.  Savaresse  (Martin),  à  Nevers  , 
Nièvre. 

HiDA.IXJ.Bf    DE    BRONZE. 

Division  des  tissus.  —  MM.  Bellanger-Pagé  ,  à  Tours  ,  Indre-el- 
I.oire.  Brunet  frères,  à  Autun  ,  Saône-et-Loire.  Maurel  ,  à  Laroque, 
Ariége.  John-Détruissard  ,  à  Caen  ,  Calvados.  Tur(Jean)  et  comp.  , 
à  Nimes  ,  Gard.  Dobrée  (Thomas),  à  Nantes  ,  Loire-Inférieure.  La 
Société  anonyme  pour  le  lin  filé  à  la  mécanique.  Delecroix  (Edouard), 
à  Lille,  Nord.  Crespel-Destombes,  h  Lille,  Nord.  Lemeneur,  à  Vi- 
moutiers,  Orne.  Bruneel  et  Callemieu  ,  à  Lille,  Nord.  Eaucomprez , 
à  la  Bassée,  Nord.  Casiez  Dehollain  ,  à  Cambrai  ,  Nord.  La  Société 
d'Ourscamp  ,  sous  la  raison  Rougemond  ei  comp.  ,  Oise.  Vallée 
(Severin)  ,  à  Paris.  Dulud  frères,  à  Carlepont  ,  Oise.  Rafine  (Noël) 
et  comp. ,  à  Meaux  ,  Seine-et-Marne.  Mieg  (Charles),  à  Mulbausen  , 
Haut-Rhin.  Reber  (Georges)  et  comp.  ,  à  Sainte-Marie-aux-Mines , 
Haut-Rhin.  Cuvru  de  Surmont,  à  Roubaix  ,  Nord.  Delobel  de  Sur- 
mont, à  Turcoing  ,  Nord.  De  Buchy  (J.-B.),  à  Turcoing ,  Nord. 
Bardel  et  comp.,  à  Versailles,  Seine-et-Oise.  Claisse  et  comp.,  à 
Sedan ,  Ardennes.  Beuvai  t  Lenoble  ,  à  Sedan  ,  Ardennes.  Paret 
jeune  ,  Castel  et  comp.  ,  à  Sedan  ,  Ardennes.  Gastine  fils,  à  Loi> 
viers  ,  Eure.  Viollet  et  Jeuffrain  ,  à  Louviers  ,  Eure.  Gaultier  (Henri) 
et  Lenoble,  à  Elbeuf,  Seine-Inférieure.  Descoings  fils,  à  Mouy, 
Oise.  Laperine  (Dominique),  à  Carcassone,  Aude.  Sompeyrac  aîné, 
à  Cenne-Monesties  ,  Aude.  Richard  (Jean-Baptiste)  et  comp. ,  à 
Paris.  Broyon  ,  à  Paris.  Legrand  Rigaut  et  comp.  ,  à  Reims  ,  Marne. 
Gillard  et  comp.  ,  à  Reims  ,  Marne.  Le  marquis  de  Potérat ,  à  Mar- 
dereau  ,  Loiret.  Le  vicomte  de  Turenne  ,  au  ministère  de  la  guerre. 
Hennet ,  à  Paris.  Faciot  (Robert-Cbarles)  ,  «à  Montmartre,  Seine. 
David  et  Danghein  ,  à  Lyon  ,  Rhône.  Burel  et  Beroujon  ,  à  Lyon  , 
Rhône.  Turbé  (Charles) ,  à  Lyon  ,  Rhône.  Joyard  et  Dambuant,  à 
Lyon  ,  Rhône.  Walter  et  Joyeux  ,  à  Metz  ,  Moselle.  Monteux  et 
Aidai,  à  Nîmes  ,  Gard.  Bousquet  Dupont,  à  Nîmes,  Gard.  Miné, 
à  Paris.  Laruaz-Tribout,  Cardin-Meauzé,  à  Paris.  Paysant  (Paul),  à 
Caen  ,  Calvados.  MUesBeauguillot,  à  Caen,  Calvados.  Mme  Armand,  à 
Paris.  Videcoq-Tessier,  à  Paris.  Fabien-Pillet  et  comp. ,  à  Paris. 
MlI»e  Vaslin-Bimont  ,  à  Paris.  L'institution  des  jeunes  aveugles  ,  à 
Paris.  Laisney,  à  Paris.  Collignon  fils,  à  Paris.  Piedanna  ,  à  Paris. 
Viallet,  à  Lyon,  Rhône.  Durand  frères  ,  à  Lyon  ,  Rhône.  Prévost  , 
à  Paris.  Joliet ,  à  Paris.  Martin  père  ,  à  Moulin  ,  Allier.  Champoiseau 


16  1  \POSiTiON  PUBLIQUE 

Noël)  ,  à  Tours  ,  Indre  et-l.oire.  Biais  aîné  ,  à  Paris.  L'atelier  de 
chai  i"tc  de  Valognes,  Manche.  Les  ateliers  de  charité  de  Monte- 
bonrg  ,  Manche.  IVeherand.  Dubois  et  comp. ,  à  Muizans,  Isère. 

Division  des  minéraux  et  des  métaux.  Marbre  et  marbrerie  ,  autres  mi- 
néraux. —  Manrel-Courrent  et  comp.,  à  Bélesta  ,  Ariége  ;  et  à 
Merial  ,  Aude.  Grimes,  à  Garnies  ,  Aude.  Giraud  ,  à  Paris.  Société 
anonyme  de  Montev-Notre-Dame ,  Ardennes.  Dubuc  ,  à  Paris.  Berge 
(Victor),  à  la  Bastide-sur-1'Hers,  Ariége.  Escot  ,  à  la  Bastide-sur- 
l'Hers  ,  Ariége.  Pillot  et  Eyquem  ,  à  Paris. 

Métaux.  —  La  Société  anonyme  pour  la  manutention  du  plomb  , 
à  Clichv •la-Garenne  ,  Seine.  Mazarin,  à  Toulouse  ,  Haute-Garonne. 
Thiébault  aîné  ,  à  Paris.  Cartier  fils  et  Guérin  ,  à  Paris.  Averty,  à 
Paris.  Clancau  ,  à  Paris.  Mme  veuve  Dietrich  et  fils  ,  à  Niederbronn  , 
Bas-Riiin.  Ratcliff  ,  à  Paris.  Benoit ,  à  Paris.  Richard  ,  à  Paris.  Muel 
Doublât  ,  à  Abainville ,  Meuse.  La  Compagnie  des  forges  de  la 
Basse-Indre.  Michel  jeune,  aux  forges  de  Corbançon  ,  Indre.  Gi- 
gnoux  et  comp.  ,  à  Grèze  ,  commune  de  Saint-Iront  et  commune 
de  Cuzorn  ,  Lot-et-Garonne.  Falatieu  (Joseph-Louis)  ,  à  Pont-du- 
Bois ,  Haute-Saône.  Société  anonyme  sous  la  raison  Fabrique  d'acier 
an  Bas-Rhin.  Valond  (Victor),  à  Saint-Clair-sur-Galaure,  Isère. 
]\]me  veuve  Baverel  et  fils,  à  Laferrière-sous-Jougue  ,  Doubs.  Bobi- 
lier  (Célestin),  à  Lagrand-Combe ,  Doubs.  Pupil  ,  à  Paris.  Rousset , 
à  Paris.  Marchand  et  Vanhoutem  ,  à  Laigle  ,  Orne.  Vuilquin  ,  à 
Paris.  Chatelard  et  Perrin  ,  à  Lyon  ,  Rhône.  Denimal  et  Miniscloux, 
à  Valenciennes  ,  Nord.  Va  Hier,  à  Saint-Denis  ,  Seine.  Sirot  fils  ,  à 
Valenciennes  ,  Nord.  Lemire  (Noël),  à  Clairvaux ,  Jura.  Poly,  à 
Paris.  Thiry,  à  Metz  ,  Moselle.  Bécasse  ,  à  Paris.  Lepaul  ,  à  Paris. 
Roussin ,  à  Paris.  Vallon  ,  à  Paris.  Touron  ,  à  Paris.  Frestel ,  à 
Saint-Lô  ,  Manche.  Douris-Fumaux  ,  à  Thiers  ,  Puy-de-Dôme. 
Soûlot  ,  à  Paris.  Greiling  (Henri),  à  Paris.  Villenave  ,  à  Paris.  Des- 
champs (Paul)  et  comp. ,  à  la  Charité-sur-Loire  ,  Nièvre.  Delarue  , 
à  Paris.  Lacompar  et  comp.  ,  à  Plancher-les-Mines  ,  Haute-Saône. 
Zanoîe  aîné  ,  à  Orléans  ,  Loiret.  Antiq  ,  à  Paris.  Guaita  (A.)  et  comp. , 
à  Zornhoff ,  Bas-Rhin.  Blanchard  ,  à  Paris.  Cessier,  à  Paris.  Dele- 
bourse  ,  à  Paris.  Lelyon,  à  Paris.  Laporte,  à  Paris. 

Division  des  machines.  —  Middendorp  et  Gaultier-Laguionie ,  à 
Paris.  Bernard-Gilet  et  fils  ,  à  Sedan  ,  Ardennes.  Chardron  (Maxime- 
Anne)  ,  à  Sedan  ,  Ardennes.  Davenport ,  à  Rouen  ,  Seine-Inférieure. 
Thonnelier,  à  Paris.  Avit  aîné  ,  à  Paris.  Delavelye  (Auguste)  ,  à 
Clichy-la-Garenne  ,  Seine.  Dioudonnat  ,  à  Paris.  Farcot ,  à  Paris. 
Odohel  ,  à  Paris.  Clerc  (Armand)  ,  à  Paris. 

Division  des  instrumens  de  précision  et  des  instrumens  de  musique .  — 
Klepffer,  à  Paris.  Endres,  à  Paris.  Bernhardt  ,  à  Paris.  Wetzel  ,  à 
Paris.  Challiot ,  à  Paris.  Beckers,  à  Paris.  Laprevotte  ,  à  Paris.  Halary 
(Antoine)  ,  à  Paris.  Lefebvre  ,  à  Paris.  Godefroy,  à  Paris.  Triebert, 
à  Paris.  Gravan  ,  a  Paris.  Brocot  ,  à  Paris.  Niot  et  Chaponnel  ,  à 
Paris.  La  Compagnie  Cahier,  à  Paris.  Chevallier,  à  Paris,  tour  de 
l'horloge  du  Palais.  Tabouret  ,  à  Paris.  Brocchi  ,  à  l'Ecole  polytech- 
nique. Bunten,  à  Paris.  Devrines ,  à  Paris. 


!.\    |8»?.  17 

Division  </e  chimie.  -■-  Levaillant,  a  Paru.  Julien  cl  comp.  ,  a 
Vaugirard  ,  Seine.  Cm  lier  ii!s  et  (  rrieu  ,  à  Pai  ia.  Aelor  <  i  Bonnaii  e  , 
.1  Paria.  Camus ,  à  Paria.  Lefebure  et  Bértheletny,  à  Rouen,  Seine* 
Inférieure,  Gannal ,  au  Grand-Gentilly ,  Seine.  Grenet ,  à  Rouen, 
Seine-Inférieure.  Pauze  ,  à  Wazemtnea  ,  Mord.  Dupré  'ils  er  comp.  , 
.1  Paria.  Roux  el  comp»,  à  Paria.  Simonin  ,  .1  Paris.  Dedreux,  à 
Paria.  Lebel  (Josepb-Acbijle)t  I  Lampertaloch ,  Bas»Rbini  Thilorier 
(  Adrien  ) ,  à  Paris*  (inmluci  i  es  ,  .'i  Paria.  Degrand  ,  à  Marseille, 
Boucbea-du-Rbôue.  Lignjèreu ,  à  Toulouse»,  Hante  Gai  on  ne.  Crespel- 
Pinta.à  Air.is ,  Pas-de-Calais.  MasaoB.i  Pont-à-Mousson.Meurthe. 

André,  i  Pont-à  Mousson  ,  iMeuitlie.  Duvergier,  à  Paris.  Bonrget 
aîné  ,  à  P. iris.  Dournav,  à  Lohsann  ,  Bas-Rhin. 

Division  des  beaux-arts.  —  Youf ,  à  Paris.  Baudry,  à  Paris.  Hénon 
filfl  aîné  ,  à  Paris.  Jeanest  ,  ;i  Paris.  Bertholon  ,  à  Paris.  P». daine,  à 
Paris.  Veyrat  ,  à  Paris.  Isnard  de  Sainte-Loi  elte  ,  à  Paris.  Panc- 
koucke  ,  à  Paris.  Godard  £ils,  à  Alençon  ,  Orne.  Langlumé  ,  à  Paris. 
Mllc  Fromentin  ,  à  Paris. 

Division  des  poteries.  —  De  Saint-Amand,  à  Passv,  Seine.  Lan- 
glois  ,  à  Bayeux ,  Calvados.  Légua  y,  à  Cornmentry,  Allier.  De  Vio- 
laine ,  à  Prémontré,  Aisne.  Bourguignon  ,  à  Paris.  Lançon  père  et 
fils  ,  à  Paris. 

Division  des  arts  divers.  —  Jacquiet  (Louis)  ,  à  Paris.  Bélier  Mieg  et 
comp.,  à  Mulhausen  ,  Haut-Rhin.  Basyle  (E.)  et  comp.  ,  à  Ver- 
sailles, Seine-et-Oise.  Pimont  (Prosper),  à  Darnetal  ,  Seine-Infé- 
rieure. Soucin  el  Lavocat  frères  ,  à  Troyes  ,  Aube.  Leglàtre  ,  à  Saint- 
Brieuc ,  C6tes-du-Nord.  Delacre  Snaude  ,  à  Dunkcrque  ,  Nord. 
Trempé  aîné  ,  à  la  Villettc  ,  Seine.  Nathan  et  Béer,  à  Lunéville  , 
Meurthe.  Atramblé  ,  Briot  et  comp. ,  à  Paris.  Vernet  frères  et  comp., 
à  Paris.  Le  comte  de  Ligneville  et  Ferry-Milon  ,  à  Souche-d'Anould, 
Vosges.  Roulhac  aîné  ,  à  Limoges ,  Haute-Vienne.  Baudoin  ,  à  Paris. 
Afme  Breton  ,  à  Paris.  Tavernier,  à  Paris.  Pimont  aîné  ,  à  Rouen  , 
Seine-Inférieure. 

RAPPELS    DES    MEDAILLES    d'aRGEKT. 

Division  des  tissas.  —  MM.  Sallandrouze-Lamornaix,  à  Aubusson , 
Creuse.  Rogier  (Théodore  )  ,  à  Aubusson,  Creuse.  Reine,  à  Paris. 
Benoist,  Mérat  et  Desfrancs,  à  Orléans,  Loiret.  Deloynes ,  Benoist , 
Hallier,  Dnjoncquoi  et  comp.,  à  Orléans,  Loiret.  Forster-Slair,  à 
Paris.  Leboucher-Villegaudiu ,  à  Rennes  ,  Ille-et-Vilaine.  Joubert, 
Bonnaire  et  Giraud  ,  à  Angers,  Maine-et-Loire.  Vaultrin  et  comp. ,  à 
Senons,  Vosges.  Leblanc  (  Julien  -  Tiniothée  ),  à  Lille,  Nord.  Des- 
fresches  et  fils,  à  Elbeuf,  Seine-Inférieure.  Fonsés  (Guillaume),  à 
Carcassonne,  Aude.  Martin  This  et  comp.,  à  Buhl ,  Haut-Rhin. 
Aynard  et  fils,  à  Montluel,  Ain.  Kose  Abraham  frères,  à  Tours,  Indre- 
et-Loire.  Muret  de  Bort,  à  Châteauroux  ,  Indre.  Badin  aîné  et  Lam- 
bert, à  Vienne,  Isère.  Faulquier  (  Fulcrand  ) ,  à  Lodève,  Hérault. 
Bacot  et  comp. ,  à  Paris.  Jacquet ,  Demay  et  comp. ,  à  Orléans  ,  Loiret. 
M,,p  Armfield,  à  Loche  et  à  Château-Renault,  lndie-et-Loire.  Devillc- 

t.  xxxvi.  —  Octobre  1827.  1 


iS  EXPOSITION  PUBLIQUE 

in'ini'  tt  Mathieu  ,  à  Lyon,  Rhône.  Reverchon  (  Paul  )  et  frères,  à 
I  )  on ,  R  balte.  Carcassonne  frères,  à  Nîmes,  Gard.  David  Verdier, 
à  Montpellier,  Hérault.  L)'Ocagne,à  Paris.  Mllc  Gard  Letertre,  à 
Paris.  Bavk'  et  comp.,  à  Paris.  M<»e  veuve  Legrand-Leiuor  et  comp., 
à  Paris.  IfotM  Maueeaux,  à  Paris. 

Divisio/i  des  •nincrattx  et  des  nu-taux. —  Cuoq ,  Couturier  et  comp., 
à  Paris.  Aubertot  père  et  fils,  à  Vierzon  ,  Cher.  Thué,  à  Crozon  , 
Indre.  Sirodot  et  comp.  ,  à  Bèze ,  Côte-d'Or.  Rivals-Gincla  (Auguste), 
à  Gincla,  Aude.  Abat  père  et  fils  et  comp,,  à  Pamiers,  Ariège.  Peu- 
geot frères,  Calamc  et  Salin  ,  à  Hérimoncourt ,  Donbs.  Fouques  fils, 
à  Pont-Saint  Ours,  Nièvre.  Mouret  de  Barterans  et  de  Velioreille,  à 
Chenecey,  Doubs.  Boilvin  frères,  à  Badonvillers,  Meurthe.  Saint- 
Paul,  «à  Paris.  Gaillard,  à  Paris.  Provent,  à  Paris.  Huret ,  à  Paris. 
Pradier,  à  Paris,  Dumas  et  Girard  ,  à  Thiers,  Puy-de-Dôme.  Bost- 
Membrun  ,  à  Thiers  ,  Puy-de-Dôme. 

Division  des  machines.  —  Sargeant  (Isaac),  à  Paris.  Sennefelder  et 
comp.,  à  Paris.  Laborde  et  comp.,  à  Paris. 

Division  des  instrumens  de  précision  et  des  inslriimens  de  musique.  — 
Roller  et  Blanchet,  à  Paris.  Pappe,  à  Paris.  Pfeiffer,  à  Paris.  Nader- 
mann,  à  Paris.  Duchemin,  à  Paris.  Jecker,  à  Paris.  Soleil  père,  à 
Paris.  Bordier-Marcet ,  à  Paris. 

Division  de  chimie.  —  Berard  et  fils,  à  Montpellier,  Hérault.  Oger, 
à  Paris.  La  Société  de  lTle-des-Cygnes,  à  Paris.  Estivant-Debraux  , 
à  Givet ,  Ardennes.  Estivant  fils  aîné,  à  Givet,  Ardennes.  Harel ,  à 
Paris.  Lemare,  à  Paris. 

Division  des  beaux-arts.  —  Jacob  Demalter,  à  Paris.  Werner,  à 
Paris.  Aucoc  ,  à  Paris.  Ravrio,  à  Paris.  Lebrun,  à  Paris.  Legrand 
(Marcelin),  à  Paris.  Thompson,  à  Paris.  Engelmann,  à  Paris.  Motte, 
à  Paris.  Simier,  à  Paris. 

Division  des  poteries.  —  De  Saint-Cricq,  à  Creil ,  Oise.  La  manu- 
facture de  glaces  de  Saint-Guirin  ,  Meurthe. 

Division  des  arts  divers. —  Beauvisage  et  comp.,  à  Paris.  Caron 
Motel,  à  Beauvais,  Oise.  Lefèvre-Jaquet  aîné,  à  Beauvais,  Oise. 
Ziegler-Greuter  et  comp.  ,  à  Guebwiller,  Haut-Rhin.  Barbet  (Henri) 
et  comp.,  à  Déville-lès-Rouen  :  Seine-Inférieure.  Grégoire,  à  Paris. 
Vauchelet  fils  et  sœur,  à  Paris.  Pelletereau  frères  ,  à  Châteaurenaud  , 
Indre-et-Loire.  Walker  (John),  à  Paris.  Noirot  et  Ferret,  à  Niort  , 
Deux-Sèvres.  Schmuck,  à  Paris.  Georger,  à  Strasbourg,  Bas-Rhin. 
Jacquemart,  à  Paris. 

MÉDAILLES    d'aRGENT. 

Division  des  tissus.  — MM.  Henry  aîné,  à  Soissons,  Aisne.  Trotry- 
Latouche  ,  à  Paris.  Polino  frères ,  à  Paris.  Bietry  (Laurent),  à  Mont- 
martre, Seine.  Veuve  Delloye  et  fils,  à  Cambray,  Nord.  Heilmann 
frères  et  comp.,  à  Ribeauvillé,  Haut-Rhin.  Gombert  père  et  fils,  à 
Paris.  Gombert  fils  aîné,  à  Paris.  Vincent  et  Michelez  père  et  fils,  à 
Paris.  Baum  Gartner  (Daniel)  et  comp.,  à  Mulhausen,  Haut-Rhin. 
Schlumberger  Steiner  et  comp. ,  à  Mulhausen  ,  Haut-Rhin.  Ziegler 


I  \  i  8  •  i<) 

(iiciiti'i  n  eomp.,  .1  ('. uiliu illn  ,  Haut- R  h  h.  Lemetft} 01  (Victor),  à 
Fécaniu ,  Sciiic-1  nféi  ieui  e.  Cordier  cl  comp.j  à  l'.ms.  Scbmid  et 
S.il/ni.iiiii ,  à  Ribeau  ville,  Haut  EUiin.  Kaiser  (Xavier),  A  Sainte- 
iM.i!i<-.Hix-M iiw.s ,  Haut-Rhin.  Sénéchal  et  comp.,  au  Grand-Cou- 
ronne,  Seine-Inférieure.  Deblaing  Batabel  père  et  eomp.,  à  Douai  , 
Nord,  l'.ilnc  ChibouaJ  et  comp.  f  A  Paris.  Béchet  (  Etienne)  et  comp.. 
à  Sedan,  Anlennes.  Rautin  (Nteolaa)  pèra  el  fils ,  à  Sedan  ,  Ai dennee. 
Bertèche  Lambqutn  et  /ils ,  à  Sedan ,  Ardennea.  Brincourl  prie  «:t  /ils, 
à  Sedan ,  Ardennea.  Janaaen,a  Sedan,  Ardennea.  Clerc  neveu,  à 
Louviere,  Eure.  Preatat  /ils,  a  Louvierà,  Enre.  Deafrèchea  el  Chen- 
nevjère,  à  Lonviera,  Eure.  Chefdrae  et  Chauvrecdx,  à  Elbenf, 
Seine- Inférieure.  Tourangin  frèrea,  à  Bourgea,  Cher.  Rogné  et 
Levard ,  à  Enfernel,  Calvados.  Guirault-Fournil,  à  Limoux,  Aude. 

Eggly   Roux   et    eomp.,   à   I\>ris.  Jobei  t  I.uc.'is   et    Louis  Ternaux  ,   à 

Reims,  Maine.  Veuve  Henrtol  el  fils, à  Reims  ,  Marne.  Gharbonnaux 

Deni/ez  ,  à   Reims,  Marne.   Deboullenois  ,  à    Paris.  Ganneron  fils,  à 

Paria.  Bourgeois,  à  Rambouillet, Seine-et-Oise.  Polonceau,  ingénieur 

en  chef  des  ponts-et-chaussées  ,  à  Versailles ,  Seine-et-Oise.  Mathevon 
et  Bouvard  ,  à  Lyon.  Rhône.  Didier-Petit ,  à  Lyon  ,  Rhône,  urosset , 
Tanaros  et  Ripert,  à  Lyon,  Rhône.  Maille  Pierronet  comp.,  à  Lyon, 
Rhône.  Brnnier  frères,  à  Lyon,  Rhône.  Morfonillet  et  comp.  ,  à 
Lyon,  Rhône.  Boulet  et  Rochon,  à  Lyon,  Rhône.  Arquillière  et 
Mourron  ,  à  Lyon,  Rhône.  Kurtz,  à  Rouen,  Seine-Inférieure.  Dognin 
et  comp.,  à  Lyon,  Rhône.  Lombard  jeune  et  Grégoire  aîné,  à  Nîmes, 
Gard.  Roux  cadet,  à  Nîmes,  Gard.  Delbarre,  à  Paris.  Chedeaux  et 
Comp.,  à  Metz,  Moselle.  Chenu  jeune,  à  Nancy,  Meurthe.  Balbàtre, 
à  Nancy,  Meurthe.  Vignon,  «à  Chantilly,  Oise.  L'hospice  de  Pontor- 
son,  Manche.  Girard,  à  Sèvres,  Seine-et-Oise.  Lainné  (Etienne)  et 
comp.,  à  Paris.  Hennequin  et  comp.  ,  à  Paris.  Maupetit  et  comp.  , 
à  Paris.  Hébert  (  Frédéric  )  et  comp.  ,  à  Paris.  Juillerat  et  L)e- 
solme,  à  Paris.  Griolet  (Eugène),  à  Paris.  La  Société  anonyme  de 
Marc-en-Barœul ,  Nord.  Dilelot  frères,  à  Paris.  Dobler  (Henri)  et 
Ronchaud  (Emile),  à  Tenav,  Ain.  Lardin  frères  et  comp.,  à  Saint- 
Rambert,  Ain.  Teissier-Dueros  ,  à  Vallerongue,  Gard.  Chartron  père 
et  fils ,  à  Saint-Vallier,  Drôme.  Dez-Mauiel ,  à  Dôle,  Jura.  Dupré,  à 
Lagnieux  ,  Ain. 

Division  des  minéraux  et  des  métaux.  Marbre  et  marbrerie  ;  autres 
minéraux. — Layerle-Capel  ,  à  Toulouse,  Haute-Garonne.  Thomas 
Dequesne  et  de  Couchy,  à  Paris.  Gaudy  (Théodore),  à  Brequenecque, 
Pas-de-Calais.  Boudon  (  Félix  )  ,  à  Chassai ,  Jura.  Vallin  père  et  fils  , 
à  Paris. 

Métaux.  —  Martin  (Emile)  et  comp.,  à  Fourchambault ,  Nièvre. 
Gauthier  de  Claubry  et  comp.,  à  Bercy,  Seine.  Hue,  à  Laigle,  Orne. 
Schmidt,  à  Paris.  Dessoye  et  Paintendre,  à  Breuvannes,  Haute- 
Marne.  Mon  gin  aîné,  à  Paris.  Colliau  (Valentin)  et  comp.,  à  Toute- 
voie,  Oise.  Mignnrd-Billinge,  à  Belleville,  Seine.  Saulnier,  à  Paris. 
Metcalfe(S.D.),  à Meulan, Seine-et-Oise.  Scrive frères,  à  Lille,  Nord. 
Fouquet  (Paul) ,  à  Rugles,  Eure.  Sir-Henry,  à  Paris.  Gavet,  à  Paris. 
Gillet ,  à  Paris.  Taillandier-Aimard  ,  à  Thicrs,  Puy-de-Dôme.   Car- 


ao  EXPOSITION  PUBLIQUE 

cleilhac,  à  Paris.  Fourmand  (Louis-Bertrand),  à  Nantes,  Loire-Infé- 
i  ieure.  De  Raffin  jeune  et  comp.,  à  Nevers,  Nièvre.  Lepage,  à  Paris. 
Henette  ,  à  Paris.  Pottct-Delcusse,  à  Paris. 

Division  des  machines.  — Debergue  et  comp.,  à  Paris.  Dietz  fils,  à 
Pu  ris.  Monl  farine,  à  Paris.  Pihet  frères,  à  Paris.  Révillon  (Thomas), 
à  Màcon,  S;iùne-er-Loirc.  Rollé  (Frédéric)  etSchwilgué,  à  Strasbourg, 
Bas-Rhin.  Favreau,  à  Paris.  Kermarec,  à  Brest,  Finistère. 

Division  des  instrumens  de  précision  et  des  instrmnens  de  musique.  — 
Dietz  (Chi  i*tian)  ,  à  Paris.  Domeny,  à  Paris.  Thibout ,  à  Paris.  Wil- 
luinie,  à  Paris.  Delabbaye,  à  Paris.  Motel,  à  Paris.  Berthoud  ,  à 
Paris,  Deshays  »  à  Paris.  Garnier,  à  Paris.  Laresche,  à  Paris.  Wagner 
à  Paris.  Vincent  Chevallier  et  fils,  à  Paris.  Domeî-de-Mont  à  Dole, 
Juin. 

Division  de  chimie.  —  La  Société  des  mines  de  Bouxwillers,  Bas- 
Rhin.  Payen,  à  Paris.  Moutou-la-Billardière ,  à  Rouen  ,  Seine-Infé- 
rieure. Lelebvre  et  comp.  ,  à  Wazemmes  ,  Nord.  Dihl ,  à  Paris. Gense, 
et  Lajonkaire,  au  Petit-Mont-Rouge,  Seine.  Bonnemain,  à  Paris. 
Ledru,  à  Franvilliers,  Somme.  Jullien,  à  Paris.  Souchon,  à  Lyon, 
Rhône.  Bourget ,  à  Lyon  ,  Rhône. 

Division  des  beaux-arts.  —  Bellangé,  à  Paris.  Christofle,  à  Paris. 
Romagnési,  à  Paris.  Vallet  et  Hubeit,  à  Paris.  Feuchère  et  Fossey, 
à  Paris.  Choiselat  Gallien ,  à  Paris.  PilLioud ,  à  Paris.  Parquin,  à 
Paris.  Pinard  ,  à  Paris.  Mortelèque,  à  Paris.  Crapelet,  à  Paris. 

Division  des  poteries. — Bontems,à  Choisy-le-Roi ,  Seine.  Douault 
Wieland,  à  Paris. 

Division  des  arts  divers.  —  Caron  Langlois  fils,  à  Beauvais,  Oise. 
Thierry-Mieg,  à  Mulhausen,  Haut-Rhin.  Bertbe  et  Grevenicb ,  à 
Sorel ,  Eure-et-Loir.  Clavaud  (Jean-Nicolas)  et  Georgeon  ,  au  moulin 
de  Bourrisson  ,  Charente. 

RAPPELS    DE    MEDAILLES    d'oR. 

Division  des  tissus.  —  MM.  Hindenlang  fils  aîné  ,  à  Paris.  Pelletier 
(Henri) ,  à  Saint-Quentin  ,  Aisne.  Mme  veuve  Defrenne  et  fils  ,  à 
Roubaix  ,  Nord.  Chatoney,  Leutner  et  comp.  ,  à  Tarare  ,  Rhône. 
Matagrin  père  et  fils  ,  à  Tarare  ,  Rhône.  Ribouleau  et  Jourdain  (Fré- 
déric), à  Louviers  ,  Eure.  Bacot  père  et  fils,  à  Sedan,  Ardennes 
Gerdret  l'aîné,  à  Louviers,  Eure.  Chayaux  frères  ,  à  Sedan  ,  Ar- 
dennes. Poupart  de  Neuflize  et  fils,  à  Sedan,  Ardennes.  Cunin- 
Gridaine  et  Bernard  (JeanBapt.)  ,  à  Sedan,  Ardennes.  Guibal(Anne- 
Veaute)  ,  à  Castres  ,  Tarn.  Aube  frères  et  comp.  ,  à  Beaumont-le- 
Pioger,  Enre.  Quesné  (Mathieu) ,  à  Elbenf ,  Seine-Inférieure.  Doyen 
oncle  et  neveu  ,  à  Foulonval  ,  Eure-et-Loir.  Perrault  de  Joteinps  , 
Mon  ta  nier  et  comp.,  propriétaires  du  troupeau  de  Naz  ,  arrond.  de 
Gex,  Ain.  Le  comte  de  Polignac,  à  Outrelaise  ,  près  Caen  ,  Cal- 
vados. Guérin  Philippon  ,  à  Lyon  ,  Rhône.  Chuard  et  Delore  ,  à 
Lyon.  Rhône.  Ajac  et  comp. ,  à  Lyon  ,  Rhône.  Séguin  et  Yéménite  , 
à  Lyon  ,  Rhône.  Saint-Olive  fils  ,  à  Lyon  ,  Rhône.  Moreau  frères  ,  à 
Chantilly,  Oise.   Bosquillon  ,   à   Paris.  Poidebard,  à  Lyon  ,  Rhône. 


I.\    18*7.  si 

Hocheblavc  cl  coinn   ,  à  Allais,  Gard.  Pillet  alaé'  »'i  fiti  ,  ■>  Toan  , 

lll'll  (Wt-I.OII  1    . 

Division    U0S    iiiinéinii.i    et    </cs    tnrtiii.r.    —    Rréant   ,   ;'i    Paris.     Iiislii 

frères  et  Dixon,à  Cerna}  ,  Haut  Rhin.  Garrigou ,  Mattenel  et  conip., 
.1  Touloute  ,  Haute-Garonne.  Uni  lie  ûla  ,  '1  Foix  ,  Ariège.  Saint-Bru  , 
à  Amboiie ,  1  ikIi c-ct-I .on c  Monmouceau  père  et  fils  et  comp.,  à 
Orléans,  Loiret.  Leclerc et Deqnenue ,  à  Ra  veau ,  Nièvre.  Mouche! 
fils,  à  Laigte ,  Orne.  Roswag  (Augustin),  à  Schlestadl  ,  Bas-Rhin. 
Frichot ,  à  Paria.  J«»py  frères,  à  Beaucourt  ,  Haut-Rhin. 

Division  des  mac/tines.  —  P()Upart  (Abraham),  à  Sedan  ,  Ardennes. 

Division  des  instrumens  de  précision  et  des  instrument  de  musique.  — 
Lerebours  ,  à  Paris.  Cauchoix  ,  à  Paris. 

Division  des  beaux-arts.  —  Thomire  et  comp.  ,  ù  Paris.  Galle  ,  à 
Paris.  Cahier,  à  Paris.  Odiot  fils  ,  à  Paris.  Fabre  ,  a  Paris.  Henri 
Didot,  à  Paris.  Fauconnier,  à  Paris. 

Division  des  poteries.  —  Ulzschneïder,  à  Sarguemines  ,  Moselle. 
Nast  frères  ,  à  Paris.  La  manufacture  royale  des  glaces  de  Saint- 
Gobin  ,  Aisne.  Godarl,  à  Baccarat,  Meurthe.  Cbagot  et  comp.,  à 
Paris. 

Division  des  arts  divers.  —  Haussmann  frères  ,  à  Logelbacb  ,  Haut- 
Rhin.  Hofer(Jean)  et  comp.,  à  Mulhausen ,  Haut-Rhin.  Fauler 
père  et  fils,  à  Choisy-le-Roi ,  Seine.  Home  fils  ,  à  Hallines  ,  Pas-de- 
Calais. 

MÉDAILLES    I)'OK. 

Division  des  tissus.  —  MM.  Dollé  (Alexandre)  ,  à  Saint-Quentin  , 
Aisne.  Schlumberger  (  Nicolas  ) ,  à  Guebwiller,  Haut-Rhin.  Arnaud 
et  Fournier,  à  Paris.  Clérembault  et  Lecoq  Guibé  ,  à  Alencon  ,  Orne. 
Mercier  père  et  fils,  à  Alencon  ,  Orne.  Gréau  aîné  ,  à  Troyes  ,  Aube. 
Lelong  oncle  et  neveu  ,  à  Rouen  ,  Seine-Inférieuie.  Ternaux  et  fils  , 
à  Sedan,  Ardennes.  Flaviguy  (Louis-Robert)  et  fils,  à  Elbeuf, 
Seine-Inférieure.  Turgis  (Pierre)  ,  à  Elbeuf,  Seine-Inférieure.  Fages 
(Jean-Louis)  ,  à  Carcassonne,  Aude.  Henriot  frères,  sœur  et  comp. , 
a  Reims,  Marne.  Le  vicomte  de  Jessaint ,  préfet  de  la  Marne  ,  à  Beau- 
lieu  ,  Marne.  Mme  la  comtesse  du  Cayla  ,  à  Saint-Ouen.  Maisiat 
(Etienne) ,  professeur  de  fabrique  à  l'Ecole  spéciale  de  commerce  de 
Lyon  ,  Rhône.  Ollat  et  Devernay,  à  Lyon  ,  Rhône.  Corderier  et 
Lemire  ,  à  Lyon  ,  Rhône.  Sa  bran  père  et  fils  et  comp.,  à  Lyon  , 
Rhône.  Bahne  ,  Dautencourl  ,  Garnier  et  comp.,  à  Lyon  ,  Rhône. 
Roux  Carbonnel,  à  Nîmes ,  Gard.  M'»e  Carpentier,  à  Bayeux  ,  Cal- 
vados. Deneyrouse  et  Gossen  ,  à  Paris. 

Division  des  minéraux  et  des  métaux.  Marbre  cl  marbrerie  ,  autres  mi- 
néraux. —  Pugeus  et  comp.  ,  à  Toulouse  ,  Haute-Garonne. 

HJétaux.  —  Debladis  ,  Auriacombe  ,  Guérin  jeune  et  Bronzac  ,  à 
Impby,  Nièvre.  Frèrejean  (Georges)  et  fils,  à  Pont-l'Évèque  ,  Isère. 
Manby  et  Wilson  ,  à  Carrières -sous-Charenton  ,  Seine.  Boigues  et 
fils,  à  Fourcbambault ,  Nièvre.  Musseau  ,  à  Paris.  Debuver,  oncle 
et  neveu  ,  à  La  Cbaudeau,  Haute-Saône.  Le  baron  Falatieu  (Joseph), 
à  Fontenay-le-Chàteau  ,  Vosges.  Laverrière  et  Gentelet ,  à  Lyon  , 
Rhône.  Coulaux  aîné  et  comp. ,  à  Molsbeim  ,  Bas-Rbin. 


22  EXPOSITION  PUBLIQUE  EN  1827. 

Division  des  machines.  —  Calla  ,  à  Paris.  Collier  (John)  ,  à  Paris. 

Division  des  instrumens  de  précision  et  des  instrumens  de  musique.  — 
l 'T.u  d  ,  à  Paris.  Pleycl ,  à  Paris.  Breguet ,  à  Paris.  Perrelet  ,  à  Paris. 
Pons,  à  Suint-Nicolas-d'Haliermont,  Seine  -Inférieure.  Gambey,  à 
Paris. 

Division  de  chimie.  —  Vicat  et  comp.  ,  à  Paris.  Crespel  Dellisse, 
à  An.i<,  Pas-de-Calais.  Appert ,  à  Paris.  Derosnes  (Charles) ,  à  Paris. 

Division  des  beaux-arts.  —  Déni  ère ,  à  Paris.  Firmin  Didot  père  et 
fils  ,  à  Paris. 

Division  des  arts  divers.  —  Léger  Didot ,  à  Jendheure  ,  Meuse.  Javal 
frères  et  comp.  ,  à  Saint-Denis,  Seine. 

Par  ordonnance  en  date  du  3  octobre ,  S.  M.  a  nommé  chevaliers  de 
la  Légion-d'Honneur  les  fabiicans  dontles  noms  suivent  :  MM.  Chayaux 
(Pierre)  ,  manufacturier  de  draps  à  Sedan  ;  Aubertot  père  ,  maître  de 
forges  à  Vierzon  (Cher);  Roux-Carbonnel ,  manufacturier  d'étoffes 
de  soie,  à  Nîmes;  Roze  Cartier  (Ilaimond),  manufacturier  de  tapis 
et  de  draps,  à  Tours;  Poyedebard,  filateur  de  soie,  à  Lyon;Gambey, 
fabricant  d'instrumens  de  mathématiques  ,  à  Paris;  Turgis  (Pierre), 
manufacturier  de  draps,  à  Elbœuf  ;  Guibal  (David),  manufacturier  de 
draps  ,  à  Castres  ;  De  Saint  Cricq-Cazeaux  (Edouard) ,  manufacturier 
de  favence  ,  à  Creil;  Bellangé  (Pierre-Louis),  conseiller  du  Roi  au 
conseil  les  manufactures;  Denière ,  fabricant  de  bronzes,  à  Paris  ; 
Cauthion  (Jacques),  directeur  des  travaux  de  la  manufacture  des 
glaces  ,  à  Paris. 


Des  Sagas,  ou   de  l'ancienne  littérature  du   nord. 

Les  pays  dû  nord  de  l'Europe  possèdent  des  sources  histo- 
riques abondantes  qui  intéressent  non -seulement  ces  pays 
mêmes,  mais  encore  les  autres  régions  de  cette  partie  du 
monde  (et  aussi  l'Amérique),  par  suite  des  relations  qui  ont 
successivement  existé  entre  la  Scandinavie  et  le  reste  de  l'u- 
nivers. 

Les  savans  du  Danemark  et  de  la  Suède  et  tous  les  ama- 
teurs éclairés  de  la  science  historique,  ont  contemplé  avec 
satisfaction  ces  mines  fécondes  qui  ne  demandent  qu'à  être 
exploitées  pour  produire  de  véritables  richesses.  Mais,  par  une 
réflexion  un  peu  tardive,  on  a  senti  que,  pour  ne  rien  perdre, 
il  faut  veiller  avec  soin  sur  des  biens  si  dignes  d'être  conservés; 
car  rien  ne  demeure  stationnaire  :  avancer  ou  rétrograder  est 
l'alternative  à  laquelle  tout  ce  qui  existe  est  soumis. 


DES  SAGA/S,  OU  DE  L'ANC.  LITTÉRAT.  DU  NORD.    kS 

Plusieurs  sav.uis  avaient  tiré  de  grandi  avantagea  de  I an- 
cienne littérature  du  Nord;  ils  avaient  été  soutenus  dans  leurs 

i  i;iv;ui\  par  II  protection  des  monarques  danois,  dont  la  muni li- 
aedeeen  faveur  des  sciences  et  dealctti  ei  né  s'est  jamais  démentie. 
Mais  il  était  réservé  à  noire  époque  de  voir  accorder  an  intérêt 
général  à  ses  trésors  littéraires  quelquefois  négliges,  et  de  voir 
prendre  et  appliquer  îles  mesures  efficaces  pour  les  conser\<i  , 
les  mettre  dans  un  meilleur  ordre  et  en  faire  jaillir  de  vives 
lumières. 

Nous  avons  cru  qu'un  rapide  aperçu  de  l'ancienne  littérature 
dont  il  s'agit,  de  son  histoire  et  des  moyens  adoptés  pour  la 
rendre  plus  généralement  utile,  méritait  de  fixer  l'attention  de 
nos  lecteurs. 

Pour  apprécier  toute  la  valeur  de  ces  documens,  même  hors 
de  la  Scandinavie,  il  faut  se  rappeler  que  les  nations  du  Nord, 
par  leurs  excursions  fréquentes,  et  surtout  par  leurs  grandes 
migrations,  ont  exercé  une  influence  notable  sur  les  institu- 
tions, les  mœurs  et  les  relations  sociales  des  peuples  méridio- 
naux. La  littérature  dont  nous  allons  nous  occuper  renferme 
donc,  indépendamment  de  ce  qui  intéresse  le  Nord  ,  quelques 
renseignemens  précieux  sur  l'histoire  des  autres  peuples. 

Vers  la  fin  du  ixe  siècle,  les  royaumes  de  Danemark,  de 
Norvège  et  de  Suède  se  formèrent  presque  en  même  tems  d'un 
grand  nombre  de  petits  royaumes.  Beaucoup  de  petits  rois  ou 
seigneurs,  ne  pouvant  supporter  la  suprématie  ni  la  domina- 
tion d'un  souverain ,  et  ne  voulant  pas  subir  l'humiliation  d'une 
situation  inférieure  et  subordonnée,  quittèrent  leur  patrie  pour 
chercher  des  pays  où  il  leur  fût  permis  de  vivre  indépendans. 

Ce  fut  surtout  de  la  Norvège,  où,  dans  un  assez  court  espace 
de  tems,  le  roi  HARAxn  Haarfager  (Harald  aux  beaux  che- 
veux) se  rendit  maître  absolu,  qu'émigrèrent  un  grand 
nombre  de  familles,  distinguées  par  leur  puissance  et  par  une 
civilisation  relative  assez  avancée.  La  plupart  de  ces  émigrans 
allèrent  s'établir  dans  l'île  d'Islande.  Là,  chaque  seigneur,  ou 
plutôt  chaque  paysan,  fut  le  maître  sur  son  territoire,  et  put 
gouverner,  en  chef  indépendant,  sa  famille  et  ses  domestiques. 


2't  J)KS  SAGA'S, 

Cette  confédération  républicaine  aristocratique  dura  pen- 
dant quatre  siècles. 

Même  avant  cette  époque  de  l'émigration,  les  traditions 
étaient  en  grand  nombre  et  assez  généralement  répandues.  Les 
nouveaux  habitans  de  l'Islande  y  naturalisèrent  les  chants  his- 
toriques qui  forment  la  première  Edda  (i),  ouvrage  d'une 
très-haute  antiquité,  et  une  grande  quantité  d'autres  tradi- 
tions, soit  mythes,  soit  relations  historiques.  Ils  avaient  avec 
eux  les  poèmes  de  Braga ,  de  Stœrkodd  et  de  plusieurs  autres 
poètes  célèbres  dans  des  écrits  postérieurs  :  malheureusement, 
il  ne  nous  reste  que  peu  de  fragmens  de  ces  ouvrages. 

La  liberté  entière  dont  on  jouissait  en  Islande,  l'isolement  de 
cette  île,  éloignée  des  pays  théâtre  ordinaire  des  guerres  que 
ces  tems  de  discorde  voyaient  renaître  sans  cesse,  beaucoup  de 
loisirs ,  la  longueur  des  soirées  pendant  des  hivers  de  huit 
mois  :  toutes  ces  circonstances  contribuaient  à  conserver  dans 
l'île  le  goût  de  la  poésie,  de  l'histoire  et  de  la  littérature  en 
général,  germes  féconds,  apportés  par  les  réfugiés.  On  était 
forcé  d'aller  en  Norvège  et  en  Danemark,  pour  se  procurer 
plusieurs  objets  nécessaires  que  l'île  ne  produit  pas  ;  on  na- 
vigua pour  des  entreprises  de  commerce  ;  d'un  autre  coté,  les 
jeunes  gens  voyagèrent  par  curiosité  ;  ils  firent  des  relations  de 
ce  qu'ils  avaient  vu  et  appris.  Tous  leurs  compatriotes  se 
plurent  à  les  entendre;  l'amour-propre  national  excita,  dé- 
veloppa le  génie,  et  les  poètes  d'Islande  furent  illustres  pen- 
dant plusieurs  siècles.  Les  langues  du  Nord  différaient  alors 
très-peu  les  unes  des  autres  :  un  poète  islandais  parcourait  les 
trois  royaumes  de  la  Scandinavie,  et  tous  les  pays  qui  bordent 
la  mer  Baltique;  il  allait  même  en  Hollande,  en  Angleterre,  en 


(i)  L'un  de  nos  collaborateurs ,  qui  jouit  d'une  réputation  euro- 
péenne bien  méritée  ,  avait  témoigné  le  désir  de  faire  connaître  Y  Edda, 
dans  la  Revue  Encyclopédique ,  et  nous  nous  sommes  empressés  de  lui 
procurer  ce  recueil.  Nous  espérons  qu'il  pourra  bientôt  en  présenter 
à  nos  lecteurs  une  rapide  Analyse,  qui  sera  comme  le  complément 
de  la  Notice  que  nous  leur  offrons  aujourd'hui.  N  do  R. 


OU  DE  L'ANCIENNE  UTïï.KATI  RE  DU  NORD,     rf 

Ecosse:  partout  il  «tait  compris,  accueilli,  récompensé;  ei  il 

rapportait  encore,  de  ces  différentes  contrées,  des  traditions 

et  des  récits  qui  fournissaient  les  sujets  de  nouveaux  ouvrages. 

La  propagation  du  christianisme  établit  des  rapports  et  des 

communications  d'un  autre  ordre;  les  poètes  islandais  durent 
prendre  connaissance  des  littératures  étrangères  :  ces  conjonc- 
tures inattendues  les  rendirent  auteurs  historiques;  et.  ainsi 
naquirent  les  saga'S.  Le  mot  saga  (ce  qui  est  dit)  est  d'une 
signification  très-étendue.  Ce  nom  est  donné  à  des  relations 
historiques,  à  des  fictions  écrites,  à  tout  produit  de  l'ancienne 
littérature  dont  nous  parlons;  on  ajoute  à  cette  désignation 
presque  générale  le  nom  du  personnage  le  plus  remarquable 
parmi  ceux  dont  l'écrit  présente  l'histoire  véritable  ou  embellie 
de  fictions.  Non-seulement  on  écrivit  dans  les  saga's  les  annales 
du  tems  présent,  mais  on  y  inséra  les  principales  traditions 
relatives  à  des  tems  antérieurs  .et  même  à  la  plus  haute  antiquité 
et  aux  mythes  de  la  religion  abandonnée.  C'est  dans  ces  écrits 
que  de  nos  jours  les  savans  historiographes,  MM.  de  Suhm  et 
ScuÔnning,  ont  puisé  leurs  meilleurs  matériaux  pour  leurs  his- 
toires anciennes  du  Danemark  et  de  la  Norvège. 

Ces  saga's ,  productions  favorites  du  génie  islandais,  devin- 
rent bientôt  un  trésor  national,  On  en  faisait  des  lectures  dans 
toutes  les  réunions,  dans  toutes  les  familles;  ce  fut  pendant 
dix  siècles,  et  c'est  encore  aujourd'hui  le  passe-tems  le  plus 
agréable.  Nous  devons  à  cette  constance  la  conservation  de  ces 
ouvrages  qui  se  trouvent  encore  en  plus  grand  nombre  que  les 
livres  historiques  de  la  Grèce  et  de  Rome.  En  fait  d'antiquité , 
aucune  nation  ne  possède  une  bibliothèque  aussi  considérable 
que  celle  des  Islandais;  chez  ce  peuple,  il  n'est  guère  de  famille 
qui  n'ait  une  collection  de  saga's  :  plusieurs  en  ont  jusqu'à 
trois  ou  quatre  cents. 

Un  fait  surprenant,  mais  prouvé,  et  que  l'on  peut  vérifier 
facilement,  c'est  que  la  langue  primitive  de  tous  les  pays  du 
Nord,  et  que  l'on  n'y  comprend  plus  à  présent,  s'est  parfaite- 
ment conservée  en  Islande,  où  chaque  paysan  parle  encore  le 
langage  des  saga's,  et  où  ceux  dont  l'esprit  est  plus  cultivé 


a6  DE  SAGA'S, 

expliquent  aisément   des   poésies  antiques  qui   embarrassent 

beaucoup  nos  savans. 

On  peut  classer  les  saga's  ainsi  qu'il  suit,  savoir  : 

ire  di\  ision.  —  Saga  s  historiques ,  qui  traitent  des  événemens 
des  'eins  historiques. 

ire  section.  —  Histoire  de  l'Islande  et  des  autres  îles  de  la 
mer  du  Nord.  , 

2e  section.  —  Histoire  des  peuples  de  la  Scandinavie. 

ne  division.  —  Saga's  romantiques  et  mythologiques,  qui 
contiennent  des  traditions  concernant  les  siècles  antérieurs  à 
l'ère  historique.  Des  événemens  véritables  forment  sans  doute 
la  base  de  ces  ouvrages;  mais  le  long  espace  de  tems  écoulé 
entre  les  faits  et  les  narrations  ne  permet  pas  de  les  admettre, 
sans  une  grande  circonspection  et  une  critique  sévère,  comme 
monumens  authentiques. 

111e  division.  —  Saga's  sur  l'histoire  grecque  et  sur  l'histoire 
romaine. — Ce  sont,  pour  la  plupart,  de  simples  traductions. 

ive  division.  '—Saga's  de  chevalerie.  —  Ces  ouvrages  sont, 
en  grande  partie,  tirés  ou  imités  des  auteurs  français,  anglais 
ou  allemands;  la  plupart  ont  été  faits  par  ordre  du  roi  norvé- 
gien Hakon  Hakonson. 

Un  très-grand  nombre  de  saga's  ont  été  composés  par  des 
moines  ;  une  autre  partie  est  due  à  des  savans  islandais.  Nous 
ignorons  actuellement  les  noms  de  presque  tous  ces  auteurs. 

Les  saga's  ont  été  écrites  sur  des  peaux  de  veau  très-peu 
préparées;  le  tems  et  le  grand  usage  qu'on  a  fait  de  ces  écrits 
les  ont  rendus  extrêmement  difficiles  à  lire;  c'est  seulement 
depuis  le  xvie  siècle  qu'on  a  substitué  le  papier  à  la  peau  de 
veau. 

Beaucoup  d'écrits  originaux  ont  été  perdus.  Des  copies,  et 
des  copies  de  copies  se  sont  succédées;  ainsi  plusieurs  textes 
ont  été  de  plus  en  plus  altérés. 

Au  commencement  du  siècle  dernier,  le  savant  antiquaire 
islandais  Ame  Maonusson,  voyant  ces  pertes  avec  un  profond 
regret,  et  animé  du  plus  vif  désir  de  sauver  ces  ouvrages  pré- 
cieux, sacrifia  son  tems  et  une  grande  partie  de  sa  fortune  pour 


<>l   DK  i:\NCll.\M.  LITTÉRATURE  \)V  NORD.     17 

voyager  dans  toutes  lc>  parties  <lr  I  Islande,  afin  (!:•  réunir 
le  plus  (le  s;ig;i's  originales  qu'il  lui  fût  possible.  Il  mourut 
BU   17^0,  léguant    a    l'Étal    «cite   collection,   ainsi   qu'un    petit 

capital  applicable  aux  dépenses  nécessaires  pour  la  publier. 
Cet  ensemble,  composa  de  1 55/#  manuscrits,  prou\c  te  que 

lient  faire  un  seul  homme  rempli  d'amour  et  de  /«le  pour  les 
sciences. 

Mais  à  cette  époque  on  ne  prenait  pas  généralement  un 
grand  intérêt  à  ce  qui  regarde  l'antiquité,  et  l'on  ne  lit  presque 
rien  pour  seconder  et  accomplir  les  vœux  du  fondateur.  Ce  ne 
fut  qu'en  1772  que ,  pour  publier  les  principaux  ouvrages  de  la 
collection,  le  gouvernement  danois  institua  une  commission 
dite  :  Ainœ-Magna  t  nue. 

Cette  commission  commença  son  travail,  qui  n'a  pas  donné 
un  prompt  résultat  ;  de  nos  jours  enfin,  on  a  vu  paraître  plu- 
sieurs ouvrages  publiés  par  elle.  Ces  ouvrages  portent  l'em- 
preinte de  l'érudition  et  de  tous  les  soins  que  l'on  pouvait 
attendre  d'une  réunion  de  savans  ,  tels  que  Thorlaclus ,  Ver- 
laux  y  Magnusson ,  Mullcr;  mais  leur  zèle  était  nécessairement 
entravé  par  d'autres  occupations  et  par  la  médiocrité  des 
moyens  matériels  dont  ils  pouvaient  disposer;  dans  cet  état 
de  choses,  on  ne  devait  espérer  que  de  loin  en  loin  un  seul 
volume  de  ces  écrits ,  si  ardemment  désirés  de  tous  les  amateurs 
des  monumens  historiques. 

Il  en  est  de  même  de  la  publication  de  l'ouvrage  fameux  de 
Snorro  Sturleson.  La  publication  de  cet  ancien  chef-d'œuvre 
historique  fut  commencée  par  ordre  du  roi,  en  1768.  On  n'en 
a  vu  paraître  que  depuis  peu  le  sixième  volume  (in-fol.,  dans 
les  trois  langues,  islandaise,  danoise  et  latine),  quoique  la 
munificence  de  Christian  VII  et  de  Frédéric  VI  ait  fourni  tout 
ce  qui  était  nécessaire  pour  indemniser  les  savans  éditeurs,  et 
pour  payer  les  frais  de  la  publication. 

En  1824,  le  savant  professeur  Dr  Rafn,  voulant  contribuer 
à  l'accomplissement  du  vœu,  devenu  presque  général ,  de  voir 
les  saga's  publiées,  s'associa  aux  Islandais  Dr  Btynjulfsnn  > 
Egiison  el  Gudmundsnn.  On  annonça  le  plan  de  travail  adopté 


•2$  DES  SAGA/S, 

par  ces  messieurs,  et  l'on  invita  les  gens  de  lettres  et  les  ama- 
teurs de  l'histoire  ancienne  à  seconder  leurs  efforts.  Cet  appel 
fut  entendu:  il  s'adressait  à  toutes  les  personnes  qui  aimaient 
l'antiquité,  et  qui  voulaient  connaître  dans  ses  sources  l'histoire 
de  la  patrie.  Peu  de  mois  après ,  le  jour  anniversaire  de  la  nais- 
sance du  roi,  zélé  protecteur  de  tout  ce  qui  présente  un  but 
utile  ,  on  fonda  la  Société  des  anciens  manuscrits  du  Nord 
( Nordiskc  Oldskrift sehkab). 

Cette  société  se  propose  de  s'assurer,  par  un  examen  critique 
très-sévère,  du  véritable  texte  original  des  saga's;  de  le  con- 
server sans  altération,  et  d'en  répandre  la  connaissance  :  elle 
s'occupe,  d'ailleurs,  de  tout  ce  qui  peut  fournir  des  lumières 
sur  l'histoire  ancienne  du  Nord  ,  sur  la  langue  et  les  antiquités 
de  ces  pays  ;  et  par  ces  moyens  ,  elle  veut  exciter  de  plus  en 
plus  l'amour  de  la  patrie  dans  tous  les  cœurs. 

Il  s'est  à  peine  écoulé  trois  ans  depuis  l'établissement  de 
cette  société ,  et  déjà  elle  a  pris  un  caractère  qui  inspire  une 
entière  confiance  :  ses  travaux  marchent  avec  activité.  Elle  se 
compose  actuellement  de  cent  quarante-cinq  membres ,  auxquels 
sont  associés  trente-sept  étrangers  et  quarante-cinq  correspon- 
dais. Le  président  est  le  professeur  Rask;  le  vice-président,  le 
chevalier  d'ÀBRAHAMSON ,  aide-de-camp  du  roi;  le  secrétaire, 
le  professeur  Rafn.  Ce  savant,  et  MM.  Egilson  et  Gudmundson 
forment  le  comité  spécialement  chargé  de  la  rédaction  et  de  la 
publication.  Ce  comité  a  perdu  M.  le  Dr  Brynjulfson  ,  que  la 
mort  lui  a  enlevé  tout  récemment. 

Pour  s'assurer  du  vrai  texte  original ,  on  se  sert  de  la  collec- 
tion d'Ame  Magnusson  ,  mentionné  ci-dessus,  et  des  collec- 
tions qui  se  trouvent  dans  les  grandes  bibliothèques  de  Copen- 
hague ;  on  a  aussi  recours  à  la  bibliothèque  de  Stockholm  ;  enfin , 
on  fait  venir  des  manuscrits  de  l'Islande  même.  Il  y  a  trois  séries 
de  publications,  savoir  :  une  série  en  langue  islandaise ,  inti- 
tulée :  Fornmanna  Sogur;  une  en  langue  danoise  :  Oednordiske 
Sagaer ;  et  une  troisième,  en  langue  latine  :  Scripta  historica 
Islandorum  de  rébus  gestis  veterum  borealium  latine  reddita  et 
apparatu  critico  instructa,  curante  societatc  antiquariorum  sep- 


OIT  DEL'ANCIENNE  LITTÉRATURE  DU  NORD,  ij 
tentrionali.  Les  deux  dernières  sont  des  traductions  de  la  pre- 
mière* 

On  doit  faire  paraître  chaque  année  nu  volume  (de  'a5  à 
3o  feuilles  d'impression  )  de  chacune  des  trois  séries.  La  Société 
n'est  en  activité  que  depuis  trois  ans,  et  déjà  elle  a  publié  trois 
Volumes  de  la  première,  et  trois  de  la  seconde.  Quanta  la  troi- 
sième série,  le  prenne!'  volume  a  paru;  le  second  est  sous 
presse  ,  et  le  troisième  est  presque  terminé.  —  Chaque  volume 
est  tiré  à  -2,000  exemplaires. 

Pour  répandre  la  connaissance  de  cette  collection  ,  la  Société 
veille  à  ce  que  les  volumes  de  la  série  danoise  soient  vendus  à 
un  prix  inférieur  à  la  valeur  des  impressions  ordinaires  :  la 
série  islandaise  est  réduite  au  quart  de  ce  prix. 

Les  trois  premiers  volumes  (  ou  les  neuf,  si  l'on  veut)  con- 
tiennent la  saga  du  roi  norvégien  Olaf  Trygveson  ,  et  plu- 
sieurs petites  saga's,  concernant  des  personnages  qui  ont  vécu 
dans  le  même  tems. 

La  saga  d'Olaf  Trygveson  est  une  des  plus  précieuses.  Ce 
prince  éprouva  les  plus  bizarres  vicissitudes;  sa  vie  et  son 
règne  présentent  une  continuité  d'événemens  surprenans ,  qui 
sont  racontés  dans  un  style  pittoresque  et  animé.  Cet  écrit  est 
l'une  des  meilleures  sources  que  l'on  puisse  consulter  pour  ce 
qui  a  rapport  à  l'établissement  de  la  religion  chrétienne,  et  à 
la  lutte  que  cette  religion  eut  à  soutenir  contre  celle  d'Odin  et 
Thor;  il  présente  des  documens  curieux  sur  l'Angleterre,  l'Al- 
lemagne et  la  Russie ,  pays  que  le  roi  avoit  habités  et  parcourus, 
lorsqu'il  avoit  été  obligé  de  vivre  hors  de  sa  patrie.  Cette 
saga  a  donc  toujours  été  une  de  celles  que  les  Islandais  ont  le 
plus  chéries  ;  elle  a  également  fixé  l'attention  des  savans  étran- 
gers. 

On  voit  que  la  Société  a  commencé  par  la  publication  des 
ouvrages  de  la  2e  section  de  la  indivision,  suivant  le  classe- 
ment qu'on  a  indiqué.  Elle  fera  suivie  cette  collection  jusqu'à 
la  fin,  et  s'occupera  ensuite  de  la  ire  section  de  la  même  divi- 
sion. X. 


i?  NOTICE 

NOTICE  SUR  UGO  FOSCOLO. 

La  littérature  italienne  vient  de  perdre  un  de  ses  principaux 
ornemens.  M..  Ugo  Foscolo  est  mort  à  Londres,  le  n  sep- 
tembre dernier,  d'une  hydropisie  qui  le  tourmentait  depuis 
près  de  deux  ans,  et  que  paraissent  avoir  augmentée  sa  manière 
de  vivre  et  ses  travaux  littéraires.  Foscolo  était  né  à  Zante  , 
vers  l'année  1773.  Doué  d'une  imagination  ardente  et  d'un 
esprit  indépendant,  il  ne  put  se  contenter  de  la  sphère  étroite 
et  obscure  de  sa  patrie  et  des  îles  Ioniennes  dont  elle  dépend. 
Impatient  d'étendre  ses  connaissances,  il  se  rendit  à  Venise. 
Après  avoir  quelque  tems  erré,  sans  dessein  et  sans  but.,  sur 
les  bords  de  l'Adriatique  et  dans  quelques  villes  d'Italie,  il 
s'arrêta  à  Padoue  et  suivit  un  cours  de  Cesarotti.  Ce  professeur 
célèbre  avait  le  talent  de  communiquer  à  ses  élèves  une  véri- 
table passion  pour  une  littérature,  à  la  fois  fondée  sur  le  goût 
des  anciens,  affranchie  de  préjugés  et  d'entraves,  et  propre  à 
satisfaire  aux  besoins  des  modernes.  Le  jeune  Foscolo  profita 
de  ses  leçons;  et,  devenu  admirateur  enthousiaste  des  écrivains 
classiques ,  grecs,  latins  et  italiens,  il  se  lança  dans  la  carrière. 

En  179,5,  la  plupart  des  jeunes  Italiens,  d'après  les  conseils 
de  Genovesi,  de  Filangieri ,  de  Parmi ,  de  Ferré,  etc.,  affligés 
de  l'état  d'avilissement  oïl  l'Italie  était  depuis  si  long- tems 
plongée,  conçurent,  sous  les  auspices  des  Français,  l'espé- 
rance de  s'élever  à  de  plus  nobles  destinées.  Ugo  Foscolo  fut 
de  ce  nombre.  Ii  se  fit  d'abord  remarquer  par  quelques  discours 
improvisés  que  les  circonstances  lui  inspirèrent;  et  sa  muse, 
qui  avait  commencé  à  chanter  l'amour,  consacra  ses  vers  à  la 
liberté.  Depuis  cette  époque,  ces  deux  passions  s'allièrent 
tellement  dans  son  imagination  ,  qu'elles  formèrent  le  trait 
dominant  de  son  caractère  jusqu'à  la  fin  de  ses  jours.  Une 
troisième  passion,  l'amour  de  la  gloire,  fut  si  vive  en  lui,  qu'il 
chercha  et  saisit  avec  avidité  toutes  les  occasions  de  briller  ; 
ce  fut  pour  y  parvenir  qu'il  se  montra  tour  à  tour  poète, 
orateur,  professeur,  et  qu'il  affecta  quelquefois  le  ton  du  plus 
sévère  stoïcisme,  après  avoir  sacrifié  au  plaisir  et  à  la  mode, 


SI  R   l  CO  FOSCOLO.  3i 

»  l  avoir  vécu  ni  véritable  épicurien.    IMais  ,  dans  ces  situations 

diverses,  il  sut  toujours  se  Faire  distinguer  par  son  esprit  et  par 
l'originalité  de  ses  idées,  Qnelques  personnes,  peu  bienreît- 

lanics  pour  lui,  ont  attribué  à  cette  extrême  mobilité  I  absence 
dé  caractère  littéraire  que  l'on  reproche  à  ses  diverses  pro- 
dueiions  :  plus  justes  ou  plus  indulgens,  nous  préférons  l'attri- 

l)iier  aux  élans  d'une  brillante  Imagination,  et  nous  nous  bor- 
nerons à  faire  reniai  quel'  eetle  chaleur  do  sentiment  et  de  style 
qui  anime  sa  prose  et  ses  vers,  et  qui  lui  assigne  un  rang 
distingué,  parmi  les  littérateurs  dont  s'honore  l'Italie. 

Foscolo  avait  débuté  à  Venise,  comme  auteur  dramatique. 
bar  sa  tragédie  de  Thyeste.  Elle  reçut  de  grands  éloges  des 
comédiens  italiens  qui ,  à  dire  vrai,  ne  sont  pas  des  juges  très- 
compéfens  en  ce  genre.  Mais  il  eut  le  mérite  de  se  déclarer 
admirateur  des  Grecs  ,  et  d'imiter  Alfieri ,  dans  un  tems  où  la 
plupart  des  littérateurs  italiens  dépréciaient  encore  la  manière 
et  le  stvle  de  ce  poète.  Foscolo  montra  un  jugement  plus  sûr 
(pic  ses  panégyristes  enthousiastes  :  il  reconnut  lui-même  les 
imperfections  de  sa  tragédie;  et,  sans  rejeter  le  système  qu'il 
avait  adopté,  il  se  proposa  de  tirer  un  parti  plus  convenable 
de  ses  études,  dans  ses  autres  ouvrages. 

L'impression  que  fit  sur  lui  la  lecture  de  Werther,  lui  ins- 
pira l'idée  d'écrire  les  Lettres,  aujourd'hui  si  connues,  de 
Jacopo  Ortis.  Il  s'est  peint,  sous  ce  nom,  tel  qu'il  était,  ou  tel 
qu'il  voulait  s'offrir,  dans  la  position  d'un  amant  désespéré. 
Bien  qu'on  reconnaisse,  dans  le  fond  du  sujet,  une  imitation 
peut-être  servile  de  Gœthe,  les  traits  de  feu  par  lesquels  il 
caractérise  son  héros,  et  plus  encore  ses  allusions  aux  événe- 
mens  dont  sa  patrie  était  le  théâtre,  et  les  souvenirs  et  les 
opinions  de  quelques-uns  de  ses  contemporains,  dignes  de 
•\  ivre  dans  la  postérité ,  font  lire  son  roman  avec  un  vif  intérêt. 
Ce  genre  de  littérature  était  peu  goûté  chez  les  Italiens.  Ugo 
Foscolo  a  été  l'un  des  premiers  qui  aient  songé  à  l'introduire. 
Les  littérateurs  routiniers  voulurent  en  vain  décrier  cet  ouvrage, 
qui  fit  bientôt  les  délices  de  toutes  les  classes  de  la  société,  et 
particulièrement   des  femmes.  Ainsi,   Foscolo  a  contribué   à 


3a  NOTICE 

répandre  les  sentimens  les  plus  patriotiques ,  en  les  accompa- 
gnant des  images  les  plus  attrayantes.  La  plus  remarquée  de 
ses  productions  fut  le  Discours  qu'il  prononça  au  congrès  de 
Lyon,  en  1801.  Soit  qu'il  fût  frappé  de  l'importance  de  l'évé- 
nement qui  donnait  lieu  à  cette  solennité,  soit  qu'il  éprouvât  le 
besoin  de  satisfaire  sa  passion  dominante,  le  jeune  orateur 
déploya  une  éloquence  dont  on  n'avait  pas  d'exemple  depuis 
long-tems.  Elle  parut  aux  Italiens  aussi  extraordinaire  que 
l'était  chez  eux  la  fondation  d'une  république,  aux  louanges  de 
laquelle  ce  discours  était  consacré.  Enflammé  d'ardeur,  comme 
tant  d'autres,  à  l'aspect  de  cette  république  naissante,  Foscolo 
choisit  le  rôle  de  Phocion;  et  traçant  un  tableau  admirable 
des  événcmens  qui  avaient  précédé ,  des  vues  qui  s'y  ratta- 
chaient et  qui  en  avaient  changé  la  direction ,  et  dont  l'influence 
le  faisait  désespérer  du  salut  de  sa  patrie,  il  osa  proposer  les 
seuls  remèdes  qui,  suivant  lui,  pouvaient  assurer  sa  prospérité. 
11  n'épargna  pas  même  Bonaparte,  qui  feignit,  ainsi  que  se3 
courtisans,  d'applaudir  à  la  hardiesse  de  cet  élan  patriotique. 

Déjà  célèbre  comme  poète,  comme  romancier  et  comme 
orateur,  Foscolo  voulut  acquérir  encore  la  réputation  d'érudit. 
Il  traduisit  en  italien  le  petit  poëme  de  Callimaquc ,  sur  la  che- 
velure de  Bérénice  ,  que  Catulle  avait  mis  en  latin.  Il  y  ajouta 
un  long  commentaire;  et  il  plaisantait  avec  ses  amis  de  ses 
citations  nombreuses  d'auteurs  anciens  et  modernes  qu'il  n'avait 
pas  eu  le  tems  de  lire  ni  de  consulter.  On  blâma  cette  mystifi- 
cation, qui  ne  trompa  personne,  et  qui  n'eût  pas  été  honorable 
pour  lui ,  s'il  eût  prétendu  se  faire  un  titre  véritable  d'un 
savoir  qui  n'était  pas  le  sien. 

TSTommé  professeur  de  belles-lettres  à  l'Université  de  Pavie, 
il  succéda  au  célèbre  Monte  dont  il  s'était  déclaré  l'apologiste 
et  l'ami,  à  l'époque  où  l'on  poursuivait  l'auteur  de  Basvllle.  Il 
débuta  par  un  Discours  sur  l'origine  et  les  règles  fondamentales 
de  la  littérature.  Il  s'empara  des  théories  de  Locke  et  de  Condil- 
lac,  et  traita  des  sciences  littéraires,  en  philosophe.  Le  sujet  ne 
comportait  pas  le  genre  d'éloquence  dont  il  avait  donné  des 
preuves  aux  comices  de  Lyon. 


S!  R   UGO  FOSCOLO. 

Les  "Muscs  continuaient  à  l'inspirer;  et  dans  ses  loisirs,  il 
chantait  ses  amours  ou  les  malheurs  de  sa  pairie.  Il  entreprit 
alors  un  ouvrage  plus  important  ,  une  traduction  de  V Iliade 
en  fers  sciolti.  M.  Etfouti  s'occupait  en  même  tems  d'un  sem- 
blable travail  :  Poscoio ,  qui  était  l'ami  de  ce  poète  ,  voulut  se 
montrerson  émnle.  Ils  publièrent  ensemble  leur  preimerehant, 

comme  un  essai  de  leurs  foi  ces.  Le  public  applaudi t  aux  deux 
athlètes;  on  admira,  dans  l'un,  cette  noblesse  de  style  cf  cette 
harmonie  de  rhythme,  qui  sont  propres  à  l'épopée;  on  distin- 
gua, dans  l'autre,  une  force  et  une  concision  qui  le  rappro- 
chaient peut-être  plus  de  son  modèle. 

Au  milieu  rie  sa  carrière  littéraire,  Foscolo  nourrissait  la 
pensée  de  suivie  celle  des  armes.  Il  s'attacha  ,  pendant  quelque 
teins  ,  au  général  7'/w////cr,  dont  il  partageait  les  sentimens  pa- 
triotiques, et  il  se  rendit  à  Calais,  en  i.SoS,  pour  prendre  part 
à  l'expédition  que  Bonaparte  préparait  contre  l'Angleterre.  La 
tète  remplie  d'idées  militaires,  il  revint  en  Italie,  et  publia  à 
Milan,  en  1808,  la  belle  édition  des  ouvrages  classiques  du 
prince  Raimond  Montecucalli ,  remarquable  par  les  corrections 
qu'il  y  lit,  et  par  les  considérations  importantes  sur  l'adminis- 
tration militaire  dont  il  l'enrichit.  On  trouva  surprenant  que 
l'orateur  des  comices  de  Lyon  eût  dédié  son  ouvrage  au  géné- 
ral Caffarclli,  alors  ministre  de  la  guerre  dans  le  royaume  d'I- 
talie. M.  Grassi a  donné,  depuis,  en  1821,  à  Turin,  une  nou- 
velle édition  plus  complète  et  plus  soignée  des  œuvres  de  Mon- 
tecuculli. 

Foscolo  travailla  encore  pour  le  théâtre  ,  et  fit  jouer  à  Milan 
sa  nouvelle  tragédie  d' ' Ajax.  Il  s'était  brouillé  avec  Monti  :  des 
écrivains  qu'il  n'avait  pas  ménagés  saisirent  une  occasion  de  se 
venger.  Us  ne  se  contentèrent  pas  de  dire  que  les  caractères  de 
cette  tragédie,  Jgamemnon ,  Ajax ,  Calchas ,  etc.  étaient  tous 
calqués  sur  le  même  modèle,  et  que  ce  modèle  était  Foscolo 
lui-même;  ils  allèrent  jusqu'à  dénoncer  ses  opinions,  comme 
directement  hostiles  contre  le  gouvernement.  Us  signalèrent , 
avec  une  servilité  scandaleuse ,  quelques  traits  qui  faisaient  al- 
lusion à  Bonaparte ,  au  pape  et  à  d'autres  personnages  éminens. 
t.  xxxvi.  —  Octobre  1827.  3 


34  NOTICE 

Ce  qui  faisait  le  mérite  de  la  pièce  causa  la  disgrâce  de  l'au- 
teur, qui  chercha  un  refuge  dans  la  patrie  du  Dante  et  de 
Machiavel.  Il  m1  Lança,  une  troisième  fois,  dans  la  carrière  tra- 
fique, et  donna  sa  Ricciarda ,  qu'on  représenta  sur  quelques 
théâtres  d'Italie,  et  qu'on  a  imprimée  à  Londres.  Il  prit  ce  sujet 
dans  l'histoire  des  Lombards,  et  resta  fidèle  au  système  qu'il 
avait  adopté  ;  son  style  et  quelques  scènes  ne  manquent  pas  de 
chaleur;  mais  la  conduite  et  l'ensemble  sont  évidemment  dé- 
fectueux. 

Foscolo  redevint  militaire,  à  l'époque  du  mouvement  éphé- 
mère que  produisirent  à  Milan  la  chute  de  Napoléon  et  les 
principes  proclamés  par  la  Sainte-Alliance.  Le  royaume  d'Italie 
osa  se  flatter ,  un  moment,  de  l'espoir  que  son  indépendance 
serait  reconnue  et  garantie.  Foscoio,  devenu  l'un  des  aides-de- 
camp  du  général  Pino  ,  harangua  la  garde  nationale  de  Milan  ; 
ses  opinions  et  ses  espérances,  hautement  manifestées,  com- 
promirent sa  sûreté  ,  et  il  fut  obligé  de  quitter  sa  patrie  et  d'al- 
ler s'établir  en  Angleterre;  c'est  à  Londres  qu'il  a  passé  les 
dernières  années  de  sa  vie. 

Il  avait  déjà  traduit  en  italien  le  Foyage  sentimental  de  Sterne, 
qu'il  publia,  sous  le  nom  de  Didimo  Chinexico.  Cette  belle  tra- 
duction fit  connaître  plus  généralement  l'ouvrage  de  Sterne  aux 
Italiens,  et  inspira  aux  littérateurs  anglais  des  sentimens  de 
reconnaissance  et  d'affection  pour  l'illustre  exilé,  qui  fut  dé- 
sormais plus  honoré  sur  les  bords  de  la  Tamise ,  qu'il  ne  l'a- 
vait été  dans  son  propre  pays.  Son  talent  encouragé  brilla  d'un 
plus  vif  éclat.  Il  mit  au  jour  plusieurs  productions  nouvelles  , 
et  donna  un  certain  nombre  d'articles  remarquables  aux  jour- 
naux d'Angleterre  où  il  s'éleva  spécialement  contre  cet  esprit 
de  servilité  et  de  superstition  qui  domine  dans  les  feuilles  pu- 
bliques de  l'Italie; il  fit  aussi  quelques  cours  de  littérature  ita- 
lienne, que  la  pureté  oV^on  goulet  les  théories  les  plus  saines 
firent  suivre  par  beaucoup  d'hommes  distingués.  Il  condam- 
nait également  la  stérile  impuissance  des  imitateurs ser viles  et 
la  licence  audacieuse  des  novateurs.  Lui-même,  en  imitant  les 
grands  modèles  classiques,  a  su  intéresser  ses  contemporains 


SI  B    :  GO   !  OSCOLOL 
par  la  profondeur  <!<•  ses  pensées  et  par  la  vérité  <!<•  sei  sentv 
meos.  Parmi  les  écrits  qu'il  .1  publias  a  Londres  ,  ei  qui  sont 
dignes  d'être  remarqués,  on  compte  les  Essais  sur  Pétrarque  , 
où  il  cherche  à  relever  cette  délicatesse  de  sentiment  et  de  style 

que  des  barbares  seuls  refusent  dapt  écier  ;  une  savante  In 
traduction  aux  Nouvelles  de  Boccacc ,  dont  il  montre  l'esprit  et. 
le  mérite,  et  un  travail  encore  plus  important  sur  la  Divine 
Comédie  du  Dante,  dont  il  n'a  publié  que  le  premier  volume. 
C'est  dans  ee  nouveau  commentaire  qu'il  a  entrepris  de  pré- 
senter le  Dante,  plutôt  comme  apôtre  d'une  religion  nouvelle 
ou  réformée,  que  comme  poëte.  Nous  n'osons  décider  si  l'in- 
tention de  l'auteur  était  de  se  moquer  de  ses  lecteurs,  ou  de  la 
folie  des  commentateurs.  Quelle  qu'ait  été  sa  véritable  opi- 
nion, il  a  répandu  dans  son  ouvrage  assez  de  lumières  et  l'a 
semé  de  traits  assez  piquans  pour  le  rendre  agréable  et  inté- 
ressant. 

On  possède  diverses  poésies  de  Foscolo ,  telles  que  YAlcéc, 
les  Grâces,  quelques  odes  et  plusieurs  sonnets.  On  estime  sur- 
tout sa  pièce  intitulée  Scpolcri ,  dans  laquelle  il  lutte  de  talent 
avec  Hippolj  te  Pindcmonte  qui  a  traité  à  peu  près  le  même 
sujet.  On  trouve  dans  les  vers  de  Foscolo  du  pathétique  et  de 
l'élévation.  Cet  homme  célèbre  eut  à  se  reprocher  quelques 
désordres  dans  sa  vie  privée;  mais  ses  talens  et  ses  malheurs 
sont  des  titres  suflisans  pour  qu'on  les  pardonne  à  sa  mémoire. 
La  postérité  le  classera  parmi  les  hommes  les  plus  distingués 
de  l'Italie. 

F».  Salfi. 


3. 


H.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 


SCIENCES  PHYSIQUES. 

EsSA.1  SUR  LA   CONSTRUCTION  DES  ROUTES   ET   DES  VOITURES, 

traduit  de  l'anglais  de  R.  L.  Edgeworth,  augmenté 
d'une  Notice  sur  le  système  de  Mac  Adam,  et  suivi 
de  Considérations  sur  les  voies  publiques  de  la  France, 
ainsi  que  sur  les  moyens  les  plus  économiques  et  les 
plus  prompts  d'en  compléter  le  développement  et  d'en 
perfectionner  le  système  (1). 

«  On  se  plaint,  et  avec  raison,  de  l'énormité  des  chargcmens 
qui  pèsent  sur  nos  routes.  Il  est  difficile,  en  effet,  que  les 
chaussées  les  plus  solides  ne  soient  pas  fortement  détériorées 
par  ces  masses  en  mouvement,  animées  d'une  vitesse  plus  eu 
moins  grande.  Quand  on  n'envisage  que  l'intérêt  des  communi- 
cations ,  on  se  demande  pourquoi  le  gouvernement  ne  s'em- 
presse pas  d'établir  de  nouveaux  tarifs  de  chargemens  moins 
ruineux  pour  les  routes  ,  et  par  conséquent  moins  onéreux  au 
trésor,  qui  acquitte  les  frais  de  leur  entretien.  Mais  la  conser- 
vation des  chaussées  n'est  ici  qu'une  des  faces  de  la  question  : 
on  doit  aussi  considérer  les  rapports  du  roulage  avec  le  com- 
merce ,  et  ceux  du  roulage  avec  les  besoins  de  la  société.  En 
abaissant  le  tarif  des  chargemens,  on  augmente  les  frais  du 
transport,  et  par  conséquent  le  prix  des  denrées.  Il  faudrait 
examiner  si ,  pour  économiser  quelques  millions  sur  les  frais 
annuels  de  l'entretien  des  routes,  on  n'impose  pas  à  la  société 
un  sacrifice  bien  plus  considérable,  si  l'on  ne  porte  pas  une 


(i)  Paris,  1827;  Anselin  et  Pochard ,  libraires,  rue  Dauphine  y 
1  vol.  in-8°  de  476  pag.  ;  prix ,  8  fr. 


SCIENCES  PHYSIQUES  V 

atteinte  (iiiMstc  .ni  travail  el  à  l'industrie  du  producteur,  si  l'on 

ne    réduit    |>.ts    la   masse   des   consommations,    et    par   siiilc  les 

jouissances  du  public }  et  même  les  revenus  de  l'état  (i).  » 

Ces  paroles  SOUt  Le  résumé  officiel  des  opin ions  qu'où  pro- 
fesse à  la  direction  «les  ponts-et-chaussées  sur  le  sujet  du  livre 

q ii*  nous  annonçons.  Si  l<'  travail,  d'ailleurs  plein  de  faits  cu- 
rieux d'où  elles  sonl  extraites,  est  tombé  entre  les  mains  de 
31.  Edgeworth,  il  a  i\\\  être  également  surpris  et  des  doutes  et 
des  assertions  que  nous  venons  de  citer;  son  amour-propre 
national  a  dû  surtout  être  flatté  de  la  supériorité  que  les  en- 
quêtes, et  la  connaissance  exacte  des  faits  qu'on  ne  peut  puiser 
autre  part,  donnent  jusqu'ici  à  l'administration  de  son  pays  sur 
celle  du  nôtre. 

L'état  de  nos  routes  est  l'objet  de  plaintes  universelles;  l'ad- 
ministration contre  laquelle  elles  sont  dirigées,  partie  à  tort, 
partie  à  raison,  indique  avec  une  honorable  franchise  toute 
letendue  du  mal;  mais  à  peine  ose-t-elle  en  rechercher  le  re- 
mède, et  nous  dire  qu'il  ne  reste  plus  d'autre  ressource  que  de 
répartir  sur  un  plus  grand  nombre  de  roues  des  fardeaux  qui , 
réunis,  bioyent  tous  les  matériaux  :  dans  sa  persuasion  que 
L'application  en  est  au-dessus  des  forces  humaines  ,  elle  laisse 
échapper  l'aveu  de  son  impuissance ,  comme  d'une  chose  si 
naturelle  et  si  notoire,  que  personne  n'a  droit  de  s'en  étonner. 

Les  règlemens  sur  les  routes  et  les  voitures  doivent  tendre  , 
comme  l'indique  très-bien  la  statistique  des  routes ,  à  ce  que  la 
somme  de  l'entretien  de  la  route  et  de  celui  du  véhicule  et  de 
l'animal  attelé,  soit  un  minimum.  Ainsi  la  part  à  faire  à  l'amé- 
lioration de  chacun  de  ces  élémens  des  frais  de  transport  est 
renfermée  dans  de  certaines  limites  ,  et  il  faut  s'arrêter  au 
point  où,  obtenue  aux  dépens  des  autres,  elle  constituerait  une 
augmentation  réelle  du  prix  total.  La  question  étant  si  nettement 
posée,  on  a  droit  de  s'étonner  qu'au  lieu  de  cherchera  la  ré- 

(i)  Statistique  des  routes  royales  de  France ,  par  M.  Becquey,  di- 
recteur général  des  ponts-et-chaussées  (pag.  a3).  Paris,  1827;  im- 
primerie royale.  In-4°. 


3S  SCIENCES  PHYSIQUES. 

souche,  une  administration,  qui  paraît  ne  pas  craindre  les  lu- 
inities  du  dehors  ,  et  qui  en  possède  d'immenses  dans  son 
propre  sein,  s'arrête  à  en  contempler  les  difficultés,  et  se 
demande  avec  tant  de  naïveté  si  les  économies  obtenues  sur 
l'entretien  des  routes  ne  seraient  pas  compensées  par  des  sacri- 
fices plus  considérables,  si  elles  n'attaqueraient  pas  l'industrie 
du  producteur?  Puisque  vous  sentez  si  bien  ce  qu'il  faut  exa- 
miner, que  n'examinez-vous  ?  Cherchez  quelle  diminution  de 
charge  exige  le  mauvais  ou  le  médiocre  état  de  la  route  ; 
quelle  amélioration  de  la  route  résulterait  de  la  division  des 
fardeaux;  et  si,  au  bout  du  compte,  la  route  étant  plus  rou- 
lante, tout  ne  serait  pas  compensé,  môme  dans  votre  sys- 
tème ,  de  manière  à  ce  que  l'économie  obtenue  fut  en  pur  bé- 
néfice? Si  vous  savez  tout  cela,  il  faut  agir  en  conséquence; 
si  vous  ne  le  savez  pas ,  il  faut  vous  en  enquérir;  les  hommes, 
le  tems  ni  les  fonds  ne  vous  manquent. 

Les  méthodes  analytiques  sont  applicables  au  roulage, 
comme  à  toute  autre  opération  mécanique;  mais  il  se  com- 
plique de  tant  de  données  minutieuses ,  impossibles  à  soumettre 
au  calcul,  que  l'analyse,  séparée  de  la  pratique,  ne  donnera 
jamais  sur  cette  question  que  des  lumières  trompeuses;  son  rôle 
doit  être  de  coordonner  et  d'expliquer  des  expériences  di- 
rectes ,  répétées  à  diverses  reprises  par  des  personnes  et  sur 
des  localités  différentes,  telles  enfin  que  l'artillerie  en  fait  dans 
ses  écoles  avant  d'adopter  les  améliorations  les  plus  sûres  en 
apparence  :  il  faut  mettre  l'ingénieur  et  le  savant  en  ccmtacfc 
avec  le  simple  roulier,  avec  le  postillon;  et,  si  l'on  prend  ja- 
mais ce  parti,  on  sera  surpris  de  trouver  dans  ces  classes 
d'hommes  grossiers  les  observations  les  plus  sensées ,  et  sou- 
vent les  plus  délicates,  sur  des  choses  qui  sont  l'objet  perpé- 
tuel de  ses  observations,  et  l'on  pourrait  même  dire  de  ses 
sensations ,  en  tenant  compte  de  l'espèce  de  rapport  magné- 
tique qui  existe  entre  le  cheval  et  l'homme  habitué  à  le  con- 
duire. 

Cette  sorte  d'effroi  qu'inspire  à  l'administration  l'examen 
des   règlemens   sur  la   police  du   roulage,   paraît   tenir  sur- 


SI  H  M.I.s  PHYSIQ1  ES.  ftg 

tout    ;i    celle    CODVictiOB,   OHl'l/I  abaissant,    le  taux    it€$  charge* 

/aras  on  augmente  les  frais  du  transport t  et  par  conséquent  le 
prix  <lrs  denrées.  Pour  peu  qu'on  eùl  observé  ce  qui  se  passe 
sur  les  routes,  on  ne  se  sérail  pas  laissé  décourager  par  cette 
assertion*  si  contraire  à  l'économie  «le-;  travaux  d'entretien  : 
«m  se  serait  demandé  comment  ces  longues  files  de  chariots 
comtois  à  «m  cheval  qu'on  rencontre  dans  toute  la  France, 

soutiennent    la  concurrence  des   autres    rouliers;    comment   le 

roulage  accéléré  emploie  presque  uniquement  les  voitures  à 
un  cheval;  comment  enfin,  sur  plusieurs  rouies,  les  équi- 
pages à  chevaux  isolés  font  tomber  les  lourds  équipages  à  cinq 
chevaux  et  au-delà?  Et  si,  par  extraordinaire,  on  venait  à 
constater  que  l'effet  utile  des  chevaux  attelés  séparément  est 
plus  considérable  que  celui  des  chevaux  attelés  ensemble  (i), 
l'administration,  sans  prétexte,  pour  rester  dans  son  affli- 
geante inertie,  s'occuperait,  avec  le  courage  que  donne  la  c<  i- 

(i)  Voici  quelques-unes  des  raisons  principales  qu'en  donnent  les 
rouliers,  juges  compétens  de  cette  matière  :  i°  Il  est  impossible  de 
faire  tirer  ensemble,  hors  le  moment  du  coup  de  fouet,  plusieurs 
chevaux  attelés  à  la  même  voiture;  dans  l'attelage  multiple,  la  charge 
du  cheval  indolent  se  répartit  sur  les  autres,  tandis  que  le  cheval  de 
cœur  se  consume  en  excédant  ses  forces;  dans  l'attelage  isolé  ces  deux 
graves  inconvéniens  disparaissent  entièrement;  c'est  pour  cela  que 
cinq  chevaux  qui  porteront  4,5oo  kilogrammes  sur  une  seule  charrette, 
en  porteront  5,ooo  sur  cinq  maringottes.  'x°  Le  maillet  d'un  grand  at- 
telage est  un  animal  fort  cher  et  promptement  usé,  puisqu'il  supporte 
tous  les  chocs  d'une  charge  de  4  à  5,ooo  kilogrammes  ;  les  chocs  d'une 
charge  de  1,000  kilogrammes  sont  sans  inconvénient  sensible  pour  un 
animal  beaucoup  plus  faible.  3°  Si  cinq  petites  voitures  coûtent  plus 
qu'une  grande  à  cinq  chevaux  ,  elles  s'usent  beaucoup  moins,  par  la 
même  raison  qui  fait  que  la  charge  divisée  broyé  les  matériaux  des 
routes  beaucoup  moins  que  la  charge  réunie.  4°  Un  gros  équipage  ne 
saurait,  dans  un  mauvais  pas  ,  se  passer  de  secours  étranger  ;  les  petits 
équipages  le  franchissent  en  peu  d'instans  en  se  doublant.  5°  Les  char- 
gemens  et  déchargemens  sont  beaucoup  plus  faciles  pour  les  attelages 
isolés,  surtout  s'ils  doivent  se  faire  en  route  ,  et  dans  un  long  voyage 
on  trouve  à  se  défaire  avantageusement  des  équipages  devenus  inutiles. 


,o  SCIENCES  PHYSIQUES. 

titude  du  succès,  des  améliorations  dont  l'ajournement  est  une 

véritable  accusation  contre  elle.  Ce  principe ,  que  la  division 
des  poids  renfermes  dans  de  certaines  limites,  est  un  moyen 
d'économie  dans  les  transports,  a  déjà  été  plusieurs  fois  mis 
en  avant  dans  la  Revue  encyclopédique  ;  la  conviction  que  s'est 
formée  à  cet  égard  celui  qui  écrit  ces  lignes  repose  sur  quel- 
ques expériences  personnelles,  mais  surtout  sur  les  rensei- 
gnemens  qu'il  a  négligé  peu  d'occasions  de  recueillir  auprès 
des  gens  de  peine  dont  l'existence  se  passe  au  milieu  des  di- 
verses opérations  des  transports.  Nos  lecteurs  se  souviennent 
peut-être  que  l'ingénieur  le  plus  estimé  de  l'Autriche ,  M.  de 
Genstner  (i),  est  arrivé  à  la  même  conclusion  par  une  route 
tout-à-fait  différente,  en  appliquant  le  calcul  à  d'ingénieuses 
expériences  dont  il  est  auteur.  C'est  aussi  la  conséquence  des 
faits  nombreux  recueillis  par  M.  Edgeworth,  et  des  expériences 
qu'il  a  combinées  avec  une  rare  sagacité ,  pour  en  faire  jaillir 
la  vérité  sous  différentes  formes.  Nous  nous  bornerons,  pour 
ne  pas  rompre  l'unité  des  vues  que  le  traducteur  a  dévelop- 
pées dans  ses  Considérations  sur  les  voies  publiques  de  France, 
à  insister  sur  ce  résultat  si  fécond  en  conséquences,  et  nous 
négligerons  une  foule  de  documens  curieux  qui,  grâce  aux  ad- 
ditions de  notre  compatriote,  peuvent  faire  considérer  sa  tra- 
duction comme  ce  qui  a  paru  de  plus  complet  sur  le  point  où 
les  recherches  des  Anglais  ont  conduit  depuis  quelques-années 
la  grande  question  économique  du  roulage. 

Les  comparaisons  établies  entre  les  voitures  à  deux  et  à 
quatre  roues  ,  les  épreuves  faites  sur  les  ressorts  viennent 
confirmer  la  doctrine  de  la  division  des  poids  :  M.  Storrs'  Fry 
trouve  que,  sur  la  même  route,  deux  forts  chevaux  qui  lui 
appartiennent  conduisent  plus  facilement  six  milliers  et  demi 
avec  un  chariot  à  quatre  roues,  que  cinq  milliers  avec  une 
charrette  très-bien  construite,  et  qu'en  général ,  le  premier  de 


(i)  Mémoire  sur  les  grandes  routes,  les  chemins  de  fer  et  les  canaux, 
traduit  de  l'allemand;  de  M.  F.  de  Gerstner.  Paris  1827  ;  Bache- 
lier. (Bcvue  Encyclopédique,  t.  xxxiv,p.  34o,  cahier  de  mai  1827.) 


SCIENCES  PHYSIQUES.  4' 

cea  véhicules  permel  d'augmenter  \â  charge  d'un  bon  cheval  d<- 

plus  de    '.no  kilogrammes  sur  une  rouir   raboteuse,  comme  ou 

eu  \iiit  beaucoup  en  France;  reflet  utile  d'an  Moteur  animé 
d'une  vitesse  de  6000  mettes  par  heure,  est  augmenté  d'un 
tiers  par  les  ressorts. 

ainsi  ,  l'expérience* el  le  raisonnement  autorisent  a  penser 
que  la  division  des  poids  augmente  l'effet  utile  de  l'action  des 
bétes  de  trait;  (BUS  la  répartition  d'une  même  charge  sut 
quatre  roues,  nu  lieu  de  deux,  en  diminue  la  résistance,  et  que 
l'addition  de  ressorts  procure  un  nouvel  allégement;  ainsi,  de 
quelque  côté  que  l'on  présente  la  question  ,  on  arrive  à  ce  ré- 
sultat encourageant,  que  les  formes  de  véhicules  y  et  les  distri- 
butions  d'attelage* -qui proeurent  dans  les  transports ,  l'économie 
absolue  la  phts  considérable ,  sont  aussi  celles  qui  ménagent  le 
plus  les  routes;  il  est  présumablc  que  si,  dans  l'opération  du 
roulage,  la  roule  et  la  voiture  sont  en  quelque  sorte  deux 
pièces  d'une  même  machine  dont  toutes  les  réactions  sont  ré- 
ciproques, l'effet  d'aucune  amélioration  ne  saurait  se  concen- 
trer dans  Tune  d'elles;  il  s'étend  nécessairement  à  l'autre. 

Notre  compatriote  se  plaint  du  peu  de  concordance  qui 
existe  entre  ces  vues  et  nos  règlemens  sur  le  roulage  ;  il  pou- 
vait ajouter  que  si  l'on  jugeait  l'administration  par  ses  actes, 
au  lieu  de  la  juger  par  ses  intentions,  on  serait  forcé  de  penser 
qu'elle  a  posé  en  principe  ,  que  les  taxes  sur  la  circulation 
doivent  être  aggravées  en  raison  de  la  bonne  forme  des  voi- 
lures ,  et  qu'il  faut  encourager  celles-ci  en  raison  des  dé- 
gradations qu'elles  commettent  sur  les  routes.  L'assertion 
vaut  la  peine  d'être  appuyée  par  un  exemple  :  sur  les  bacs  du 
Rhône,  dans  le  département  de  la  Drôme,  une  charrette  à  un 
cheval  pave  1  fr.  20  c;  à  deux  chevaux  1  fr.  5o  c. ,  ou  75  c. 
par  cheval;  et  à  cinq  chevaux  2  fr.  20  c. ,  ou  44  c.  par  cheval, 
ce  qui  équivaut  à  une  réduction  des  deux  tiers  à  peu  près; 
si  la  charge  est  répartie  sur  quatre  roues  on  paye  1  fr.  5o  c. 
pour  un  cheval ,  2  fr.  pour  deux  ,  et  2  fr.  65  c.  pour  cinq.  Ce 
fait  isolé  ne  prouverait  rien  ,  mais  il  paraît  n'être  qu'une  ap- 
plication d'un  système  général  :  en  1822,  on  a  concédé  le  pont 


/,a  SCIENCES  PHYSIQUES. 

de  Montrond  sur  la  Loire  ;  la  charrette  à  un  cheval  y  paye  5o  c, 
celle  à  six  chevaux  1  fr.  75  c. ,  ou  26  c.  par  tête  d'animal  ;  sur 
le  pont  de  Bercy  mis  au  concours  à  Paris,  en  1826  ,  la  char- 
rette à  un  cheval  payera  i5  c.  ,  celle  à  cinq  chevaux  /jo  c.  ,  ou 
8  c.  par  cheval  chargé  :  on  ne  trouverait  probablement  pas  en 
France  un  seul  tarif,  dans  lequel  le  péage  ne  décroisse  pas  à 
mesure  que  le  nombre  des  chevaux  augmente  ,  et  presque  par- 
tout les  voitures  à  quatre  roues  sont  l'objet  d'une  surtaxe.  Cette 
combinaison  est-elle  le  résultat  d'un  système  de  primes  à  la  dé- 
térioration des  routes  ?  S'il  n'en  est  pas  ainsi  ,  on  répondra 
sans  doute  que  la  progression  a  été  fixée  dans  un  esprit  de 
justice,  en  raison  des  poids  que  peuvent  porter  chaque  espèce 
de  voiture  ou  d'attelage  :  cela  prouverait  que  l'administration 
a  présents,  quand  elle  règle  un  tarif  de  pont,  des  faits  diamé- 
tralement opposés  à  ceux  qui  la  frappent  quand  elle  s'occupe 
de  l'entretien  des  routes;  il  faut  espérer  qu'elle  ne  s'interdira 
pas  long  -  tems  le  plaisir  de  mettre  les  uns  et  les  autres  en 
balance. 

Les  voitures  suspendues  ,  qui  ménagent  les  routes  infini- 
ment plus  que  celles  qui  ne  le  sont  pas ,  payent  aussi  généra- 
lement davantage  ;  elles  sont  en  outre  soumises  toutes  les  fois 
qu'elles  voyagent  par  relais  à  une  taxe  de  25  c.  par  poste  et 
par  cheval  en  faveur  des  maîtres  de  poste  :  dans  la  première 
taxe  on  a  voulu  évidemment  atteindre  l'aisance  du  proprié- 
taire ,  la  seconde  est  motivée  sur  des  considérations  étran- 
gères à  cet  article  :  mais  on  devrait  au  moins  faire  une  excep- 
tion pour  les  voitures  à  ressort  qui  portent  des  marchandises  , 
et  qui,  dans  l'intérêt  des  routes  ,  comme  dans  celui  de  l'industrie 
des  producteurs  ,  méritent  toutes  sortes  d'encouragemens.  On 
verrait  bientôt  alors  nos  énormes  diligences  se  convertir  en 
voitures  sûres  et  commodes,  qui  seraient  suivies  par  des  four- 
gons. 

Si  les  avantages  des  attelages  par  chevaux,  isolés ,  des  cha- 
riots à  quatre  roues  ,  et  des  voitures  à  ressorts  étaient  constatés 
par  des  enquêtes  faites  sur  les  principaux  centres  de  circula- 
tion de  la  France  ,  les  débats  lumineux  qui  s'établiraient  sur 


SCIENCES  PHYSJQ1  ES.  43 

ces  questions}  l<*s  expériences  auxquelles  nos  savant  les  plus 
distingués  ne  dédaigoeraieni  pas  de  B'associer  ,  donneraient 
tout  L'ascendant  de  l'opinion  publique  à  l'autorité  chargée  de 
L'exécution  des  règlemens  que  la  France  solliciterai!  en  faveur 
de  ces  utiles  innovations.  Mais  ou  ce  saurait  irop  le  redire, 
l'administration  n'a  d'autres  moyens  de  force  el  (!<•  lumières 
que  les  enquêtes  ;  ce  n'est  que  par  ce  moyen  si  si  in  |  >li- ,  et  si 
utilement  employé  près  de  nous,  qu'elle  peut  se  former  une 
conviction  dont  on  a  vu  qu'elle  est  fort  éloignée  ;  et  sans  con- 
viction il  n'y  a  point  d'énergie  :  cette  diffusion  de  vérités 
utiles  serait  le  moyen  le  plus  efficace  de  neutraliser  les  nom- 
breuses résistances  que  provoque  toute  innovation  de  ce 
genre;  les  vues  d'amélioration  de  l'autorité  ne  font  efficaces 
qu'au  milieu  d'une  population  éclairée.  Nos  routes  ,  cessant 
d'être  sillonnées  par  des  fardeaux  énormes ,  s'améliore- 
raient promptement  ,  les  frais  d'entretien  diminueraient; 
et  la  perfection  des  communications  permettant  de  charger 
davantage  ,  donnerait  bientôt  lieu  à  une  nouvelle  économie 
dans  les  frais  de  transport.  Les  avantages  qu'on  obtiendrait 
sur  les  frais  d'entretien  seraient  encore  plus  sensibles  dans 
les  constructions  neuves;  la  largeur  et  l'épaisseur,  si  dispen-  . 
dieuses  de  nos  chaussées,  sont  exigées  par  les  dimensions  des 
voitures  qui  les  parcourent;  dans  un  meilleur  système  de 
roulage  ,  l'une  et  l'autre  pourraient  être  considérablement  ré- 
duites, et  une  multitude  de  contrées,  aujourd'hui  privées  de 
communications  par  l'énormité  des  frais  qu'en  exigerait  l'ou- 
verture ,  cesseraient  de  rappeler  au  sein  de  la  France,  l'aspect 
de  l'Espagne  ou  de  la  Pologne. 

Cet  aperçu  des  résultats  qu'il  est  permis  d'attendre  des  me- 
sures que  nous  n'avons  fait  qu'entrevoir,  est  développé  avec 
talent,  el  appuyé  de  nombreux  calculs  dans  les  considérations 
sur  les  voies  publiques  de  la  France  :  on  pourrait  discuter  non 
la  réalité  ,  mais  la  quotité  de  quelques  résultats  ;  ce  n'est  point 
ici  le  lieu  de  le  faire ,  mais  à  la  droiture  des  vues  de  l'au- 
teur, à  la  lucidité  qu'il  porte  dans  des  questions  ,  auxquelles 
on  ne  le  croirait  pas  étranger  par  état ,  s'il  ne  le  disait  lui- 


44  SCIENCES  PHYSIQUES. 

même  ,  on  peut-être  assuré  que  toute  discussion  avec  lui  se- 
rait instructive  et  agréable. 

Des  faits  nombreux  et  bien  observés  ,  des  rapprochemens 
pleins  de  sagacité,  un  style  élégant  et  correct ,  voilà  ce  qu'on 
trouve  dans  cet  ouvrage  qui  est  certainement  celui  d'un  homme 
de  beaucoup  d'esprit,  et  d'un  bon  citoyen;  nous  remplissons  un 
devoir  en  le  recommandant  aux  ingénieurs  ,  aux  propriétaires 
tle  voitures  de  transport ,  et  aux  personnes  qui  voyent  avec 
raison  dans  l'état  des  routes  une  des  plus  hautes  questions  de 
l'économie  publique  et  de  la  civilisation. 

J.  J.  Baude. 


SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES. 


Minitel  nir  .iitiié,  ou  Exposition  des  principes  de  législa- 
tion criminelle ,  dans  ses  rapports  avec  les  fonctions 
de  juré  ,  et  commentaire  de  la  loi  du  i  mai  1827  SUT 
V organisation  du  jury  ,  et  des  articles  du  Code  d'in- 
struction criminelle  qui  traitent  de  V examen  et  du 
jugement  par  jurés;  par  Victor  Guichard  et  J.-J.  Du- 
BociiET,  avocats  à  la  Cour  royale  de  Paris  (1). 

Cet  ouvrage  se  compose  de  deux  parties  très-distinctes  :  l'une 
traite  des  principes  qui  doivent  diriger  la  conscience  du  juré, 
quand  il  examine  les  questions  qui  lui  sont  soumises;  l'autre 
traite  des  règles  qui  président  à  la  formation  ou  à  la  compo- 
sition du  jury.  Cette  division  de  l'ouvrage  en  deux  parties, 
qui  sont  eu  quelque  sorte  indépendantes  Tune  de  l'autre,  et 
qui  auraient  pu  former  deux  ouvrages  distincts,  explique  com- 
ment deux  écrivains  ont  pu  s'associer  pour  composer  un  livre, 
sans  s'exposer  à  se  nuire  ou  à  s'entraver  mutuellement.  Les 
deux  auteurs  ayant  d'ailleurs  une  méthode  commune  ,  et  ne 
prenant  pour  guide  que  l'expérience,  c'est-à-dire  l'observa- 
tion des  faits,  seraient  arrivés  à  des  résultats  identiques,  en 
restant  fidèles  à  leur  méthode,  quand  même  les  sujets  qu'ils 
ont  traités  auraient  été  moins  séparés  qu'ils  ne  le  sont  réelle- 
ment. Nous  avons  cru  devoir  faire  ces  observations  prélimi- 
naires pour  prévenir  le  préjugé  que  fait  naître  souvent  l'as- 
sociation de  plusieurs  noms  contre  tout  ouvrage  littéraire  ou 
scientifique  dont  l'unité  de  vues  ou  de  pensées  doit  être  l'un 
des  principaux  mérites. 

Dans  celui-ci,  là  partie  qui  renferme  les  principes  propres 
à  diriger  la  conscience  des  jurés  dans  leurs  jugemens,  appar- 

(1)  Paris,  1827  ;  Sautelet.  1  vol.  in-8°  de  xiv  pages;  prix,  7  fr. 


',6  SCIENCES  MORALES. 

tient  à  31.  Victor  Guichard;  celle  qui  renferme  l'exposition  des 
règles  relatives  à  la  composition  du  jury  et  à  la  procédure 
appartient  à  31.  J.-J.  Dubochet. 

Depuis  l'année  1800,  époque  à  laquelle  Bonaparte  enleva 
aux  communes  et  aux  départeinens  la  nomination  de  leurs 
administrateurs,  jusqu'à  la  loi  qui  a  été  rendue  le  i  mai  der- 
nier, nous  n'avons  eu  du  jury  que  le  nom.  En  s'emparant  du 
pouvoir,  et  en  donnant  à  la  France  un  simulacre  de  constitu- 
tion, Bonaparte  ne  prononça  point  cependant  l'abrogation,  de 
cette  institution;  il  s'abstint  même  d'en  parler.  Mais  il  s'attri- 
bua la  nomination  des  officiers  qui  devaient  former  la  liste 
des  jurés;  et,  dès  ce  moment ,  chaque  jury  ne  fut  qu'une  vé- 
ritable commission.  A  peine  le  gouvernement  impérial  eut  été 
renversé,  que  les  dangers  que  présentait  un  tel  état  de  choses 
furent  exposés  par  divers  écrits  (i).  Peu  à  peu  les  esprits  se 
sont  éclairés,  les  magistrats  et  les  administrateurs  ont  eux- 
mêmes  compris  que  les  jugemens  perdaient  la  plus  grande 
partie  de  leur  force,  par  cela  seul  que  l'impartialité  n'en  était 
pas  évidente.  Le  gouvernement  a  donc  renoncé  à  la  faculté 
de  composer  arbitrairement  les  listes  des  jurés,  et,  dès  ce 
moment,  on  a  pu  croire  à  l'existence  de  l'institution  du  jury. 
Sans  doute,  la  loi  du  i  mai  n'a  pas  corrigé  tous  les  vices  de  la 
législation  antérieure  sur  cette  matière;  mais  elle  a  incontesta- 
blement détruit  les  plus  graves.  Pour  que  les  autres  dispa- 
raissent également,  il  ne  faut  que  des  lumières,  du  tems  et  de 
la  persévérance. 

Tant  que  les  hommes  auxquels  on  donnait  le  nom  de  jurés 
n'étaient  que  des  commissaires  choisis  par  les  préfets,  il  était 
assez  inutile  de  faire  des  livres  sur  leurs  devoirs  ou  sur  leurs 
droits;  mais  aujourd'hui  que  la  qualité  de  juré  est  à  peu  près 
indépendante ,  et  que  les  accusés  n'auront  plus  à  craindre  de 
voir  dans  les  hommes  appelés  à  les  juger  des  adversaires  ou 

(i)  Voyez  le  Discours  préliminaire  de  la  traduction  française  de  l'ou- 
vrage de  sir  Richard  Philips,  intitulé  Des  pouvoirs  cl  des  obligations 
des  jurys.  Paris,  1819.  La  seconde  édition  vient  de  paraître. 


NCII.M  I  s    MOB  M  I 

des  euoemis ,  il  n'est  personne  qui  ne  -  <>it  intéressé  à  s'instruire 
des  devoirs  qu'il  peut  avoir  à  remplir  comme  membre  d'un 
jurv.  En  renonçant  à  former  lui  même  les  listes  des  jurés f  le 
gouvernement  a  rendu  la  justice  indépendante)  dans  toutes 
les  affaires  du  moins  sur  lesquelles  un  jucj  esl  appelé  à  pro- 
noncer.  Cela  ne  suffirait  pas  cependant  pour  qu'elle  fut  bien 
administrée,  si  les  citoyens  ignoraient  quels  sont  les  devoirs 
qu'ils  ont  à  remplir.  C'est  doue  à  eux  qu'il  faut  s'adresser  main- 
tenant, si  Ion  veut  profiter  des  avantages  que  nous  offre  la  loi 
du  i  niai.  Croire  qu'on  jouira  des  bienfaits  d'une  justice  impar- 
tiale, sans  se  donner  la  peine  de  s'éclairer  pour  concourir  à 
l'administrer,  serait  une  grave  erreur.  Si  chacun  veut  jouir  de 
toutes  les  garanties  judiciaires,  comme  citoyen  ou  comme; 
accusé,  il  faut  que  chacun  s'instruise  des  devoirs  qu'il  a  à  rem- 
plir comme  juré.  Lorsque  les  principaux  citoyens  sont  appelés 
à  concourir  à  l'administration  de  la  justice,  les  garanties  que 
Chacun  d'eux  reçoit  ne  sont  jamais  qu'en  raison  de  celles  qu'il 
offre  lui-même  aux  autres. 

Lorsqu'un  homme  est  appelé  comme  juré,  un  de  ses  pre- 
miers devoirs  est  de  porter  l'attention  la  plus  scrupuleuse  à 
tous  les  moyens  d'attaque  et  de  défense  employés  dans  le  cours 
de  la  procédure,  et  déjuger  ensuite  selon  l'impression  qu'ont 
laissée  dans  sa  conscience  les  preuves  produites  pendant  les 
débats.  S'il  se  trompe  dans  sa  décision,  son  erreur  est  un  mal- 
heur pour  lui,  pour  l'accusé  s'il  le  condamne,  et  pour  la 
société  ;  mais  ii  ne  peut  en  être  responsable,  ni  moralement, 
ni  suivant  la  loi.  Le  cas  est  différent  si  l'erreur  dans  laquelle 
il  est  tombé  n'a  eu  lieu  que  parce  qu'avant  que  de  remplir  les 
fonctions  de  juré,  il  a  négligé  d'acquérir  les  lumières  que 
l'exercice  de  ses  fonctions  exigeait.  En  pareil  cas,  l'erreur  est 
imputable,  au  moins  moralement,  à  celui  qui  la  commet:  on 
peut  comparer  celui  qui  y  tombe,  au  soldat  qui,  chargé  çîe  la 
défense  d'un  poste  ,  ne  pourrait  pas  le  défendre,  par  la  raison 
qu'il  se  sciait  sciemment  et  volontairement  abstenu  de  prendre 
les  munitions  dont  il  devait  se  pourvoir.  La  loi  ayant  en  effet 
déterminé  d'avance  quels  sont  les  hommes  qui  seront  appelés 


SCIENCES  MORALES 
a  être  jurés,  il  est  du  devoir  de  ceux  cjui  se  trouvent  dans  ce 
cas  de  s'instruire  de  ce  qu'ils  doivent  savoir  pour  rendre  des 
décisions  conformes  à  la  justice.  Ne  pas  remplir  ce  devoir,  ce 
n'est  pas  seulement  rendre  vaines  les  garanties  que  la  loi  pré- 
sente aux  citoyens;  c'est,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  assumer 
sur  soi  la  responsabilité  morale  de  toutes  les  erreurs  dans  les- 
quelles on  pourra  être  entraîné  dans  le  cours  de  la  vie  en  qua- 
lité de  juré. 

Les  devoirs  des  citoyens,  en  leur  qualité  de  jurés,  sont  sus- 
ceptibles de  la  même  division  que  l'ouvrage  de  MM.  Guichard 
et  Dubochet  :  les  uns  sont  relatifs  aux  conditions  qu'il  faut 
remplir  pour  exercer  les  fonctions  de  juré,  ou  aux  moyens  à 
l'aide  desquels  on  peut  arriver  à  la  découverte  de  la  vérité; 
les  autres,  aux  règles  qu'il  faut  suivre  pour  apprécier  juste- 
ment les  faits  sur  lesquels  on  est  chargé  de  prononcer.  Ces 
devoirs  ne  dépendent  pas  nécessairement  les  uns  des  autres: 
on  conçoit  très-bien  qu'un  homme  ignore  les  conditions  à  rem- 
plir pour  être  juré,  ou  les  devoirs  qu'il  a  à  remplir  pendant  la 
procédure  pour  faire  éclater  la  vérité,  et  qu'il  possède  cepen- 
dant la  capacité  nécessaire  pour  bien  prononcer  sur  les  ques- 
tions qui  lui  sont  soumises;  la  supposition  contraire  peut  égale- 
ment se  concevoir,  quoiqu'il  soit  plus  rare  de  la  voir  se  réaliser. 

Il  y  a  aujourd'hui  quelque  analogie  entre  la  manière  dont  les 
listes  des  jurés  se  forment  en  France,  et  la  manière  dont  elles 
se  forment  en  Angleterre;  mais  il  y  a  aussi  des  différences  très- 
remarquables.  Suivant  les  lois  anglaises,  ce  sont  les  officiers 
des  paroisses,  marguilliers  ou  inspecteurs  des  pauvres,  qui 
forment  les  premières  listes.  Ils  sont  tenus  d'y  porter  tous  les 
hommes  qui  remplissent  les  conditions  requises,  suivant  les 
divers  rôles  de  contributions  qui  doivent  leur  être  soumis.  Ces 
listes  faites,  ils  sont  tenus  de  les  afficher,  pendant  trois  se- 
maines, sur  les  portes  de  toutes  les  églises  de  la  paroisse.  Pen- 
dant la  même  durée  de  tems,  chacun  a  le  droit  de  vérifier,  sans 
payer  aucuns  frais  ,  la  liste  originale.  Au  bas  de  la  liste  affichée 
se  trouve  un  avertissement  par  lequel  tous  les  habitans  de 
la   paroisse  sont  prévenus  que  tel  jour  les  juges  de  paix  se 


S(  ll'.M.I  S    M   >  1  ;  \  1 . 1  s  A9 

\  «-uniront  dans  tel  lieu  et  à  telle  heure,  pour  juger  les  rérla- 
mations    auxquelles)    les    listes   pourront    donner  lieu.    Là   tout 

individu  peui  réclamer  publiquement  contre  les  insertions  ou 
les  omissions  illégales;  les  officiers  des  paroisses,  obligés  d'être 
prosens,  s»""  lenus  de  répondre,  sous  la  foi  du  serment,  à 

foules  les  questions  qu'il  plaît  aux  juges  de  leur  adresser,  et  les 

difficultés  qui  se  présentent  sont  débattues  et  jugées  publi- 
quement. 

En  France,  ce  ne  sont  pas  les  officiers  des  paroisses  ou  des 

communes  qui  font  les  listes  :  ce  sont  les  préfets.  Comme  ils 
n'ont  pas  eux-mêmes  dans  les  mains  tous  les  actes  qui  prouvent 
quels  sont  les  hommes  qui  remplissent  ou  ne  remplissent  point 
les  conditions  requises,  ils  ne  portent  sur  la  liste  qu'un  certain 
nombre  des  hommes  dont  les  noms  doivent  s'y  trouver.  La 
faculté  de  réclamer  contre  les  fausses  omissions  n'appartient 
qu'à  celui  ou  à  ceux  dont  les  noms  ont  été  omis.  Il  peut  ainsi 
arriver  que  les  préfets,  par  négligence  ou  par  d'autres  motifs, 
n'y  portent  pas  tous  les  noms  qui  devraient  s'y  trouver,  et 
que  des  citoyens,  par  mauvaise  volonté,  s'abstiennent  de  se 
faire  inscrire,  et  accroissent  les  charges  des  hommes  dont  les 
noms  ont  été  inscrits.  Enfin,  les  réclamations  contre  la  liste 
sont  portées  devant  le  magistrat  même  qui  l'a  formée,  ou  de- 
vant ses  conseillers.  Ces  réclamations  sont  jugées  à  huis-clos, 
et  sans  contradictoires  défenses.  On  ne  voit  pas  que  les  per- 
sonnes dont  l'inscription  ou  l'omission  donne  lieu  à  des  diffi- 
cultés doivent  être  appelées,  comme  cela  se  pratique  suivant 
les  lois  anglaises. 

Il  résulte  de  ces  différences  que  le  devoir  de  se  faire  ins- 
crire en  France  est  bien  plus  impérieux  qu'il  ne  l'est  suivant 
les  lois  d'Angleterre.  L'institution  du  jury  n'est  pas  établie 
seulement  en  faveur  de  ceux  qui  remplissent  les  conditions 
requises  pour  être  jurés;  elle  est  établie  en  faveur  de  tous 
les  individus  qui  peuvent  être  accusés  d'un  crime ,  ou  qui 
peuvent  en  être  les  victimes.  Chaque  individu,  même  quand 
il  ne  peut  pas  être  juré  ,  se  trouve  donc  intéressé,  dans  les 
deux  pays,  à  ce  que  la  liste  soit  composée  de  la  manière 
t.  xxxvi. —  Octobre  1827.  4 


SCIENCES  MORALES. 
prescrite  par  Us  lois,  et  c'est  sans  doute  pour  cette  raison 
que  les  lois  anglaises  ont  reconnu  à  chacun  le  droit  de  ré- 
clamer contre  les  vices  de  sa  composition.  En  France,  la 
loi  a  disposé  autrement;  ce  n'est  qu'à  ceux  à  qui  elle  impose 
le  devoir  d'être  jurés  qu'elle  accorde  le  droit  de  faire  rectifier 
les  listes.  Ceux  auxquels  ce  devoir  n'est  pas  imposé  se  trouvent 
aussi  privés  de  l'exercice  de  ce  droit;  il  faut  donc  que  d'autres 
soient  obligés  de  l'exercer  pour  eux.  Mais  sur  qui  pourrait  repo- 
ser cette  obligation,  si  ce  n'est  sur  les  hommes  dont  les  récla- 
mations sont  seules  écoutées?  Si  une  fraction  nombreuse  de  la 
société  est  frappée  d'incapacité  politique ,  et  si  par  conséquent 
elle  ne  peut  pas  se  protéger  elle-même,  il  faut  bien  que  le 
devoir  de  la  protéger  et  d'exercer  les  droits  dont  elle  est  pri- 
vée  réside  dans  d'autres;  s'il  n'en  était  pas  ainsi,  elle  ne  serait 
qu'une  propriété. 

Les  hommes  qui  sont  exclusivement  appelés  à  être  jurés  ne 
jugeraient  donc  leur  position  que  d'une  manière  partielle,  s'ils 
croyaient  qu'en  s'abslenant  de  faire  inscrire  leurs  noms  sur 
la  liste,  ils  se  bornent  à  renoncer  à  l'usage  d'un  droit.  Ils 
doivent  considérer  les  fonctions  de  juré  sous  deux  points  de 
vue  :  relativement  à  eux,  et  relativement  aux  autres  membres  de 
la  société.  S'ils  les  considèrent  relativement  à  eux,  ils  peuvent, 
jusqu'à  un  certain  point ,  s'imaginer  qu'il  leur  est  permis  d'y 
renoncer.  S'ils  les  considèrent  relativement  aux  autres,  ils  ne 
peuvent  s'y  soustraire  sans  manquer  à  un  de  leurs  premiers 
devoirs ,  et  sans  se  rendre  coupables  envers  leurs  concitoyens 
d'une  espèce  de  trahison.  La  loi  considère  si  bien  les  fonctions 
de  juré  comme  un  devoir  envers  la  société  ,  qu'elle  condamne 
à  une  forte  amende  celui  qui  ne  se  présente  pas,  quand  il  est 
appelé.  La  peine  serait  injuste,  et  même  absurde,  si  les  fonc- 
tions de  juré  n'étaient  données  que  comme  des  droits;  car  re- 
noncer à  l'exercice  d'un  droit  ne  fut  jamais  considéré  comme 
un  délit. 

Nous  avons  insisté  sur  le  devoir  de  se  faire  inscrire  sur  la 
liste  des  jurés,  quand  on  remplit  les  conditions  nécessaires 
pour  y  être  porté;  parce  que  celui-là  est  le  fondement  de  tous 


Sa  i  MORALES.  ;>i 

Us  autres,  et  qu'on  oc  peut  le  négliger  sans  les  trahir  tous; 
mais  il  en  esl  beaucoup  d'autres  <I< m t  l'accomplissement  n'est 
ui  moin  >  importhni ,  quoiqu'ils  ne  se  rapportent  généralement 
<jn  .m  \  i  ormes  vie  la  procédure ,  ou  bus  moyens  de  rechercbei , 
<!<•  découvrir  ou  de  faire  connaître  la  vérité.  M.  Dobochet,  en 

expliquant,  article  par  article,  les  dispositions  de  la  loi  du  9.  mai, 
et  celles  du  (iode  d'instruction  criminelle  qui  s'y  rapportent, 

les  ■  rendues  assez  claires  pour  les  mettre1  à  la  portée  de  tout  le 

monde.  Sa  méthode  de  commenter  les  articles  de  la  loi,  dans 
l'ordre  même  où  le  législateur  les  a  placés,  peut  en  rendre  l'in- 
telligence plus  facile;  mais  cela  même  rend  difficile  l'analyse 
de  son  ouvrage.  Pour  la  bien  faire,  il  faudrait  suivre  l'ordre 
qu'il  a  lui-même  adopté,  et  cela  nous  mènerait  plus  loin  qu'il 
ne  nous  est  permis  d'aller. 

M.  Victor  (iuichard  n'a  pas  été  ainsi  enchaîné  par  l'ordre  des 
dispositions  de  la  loi  ;  il  n'a  eu  à  consulter  que  les  principes 
généraux  de  la  science,  et  il  est,  par  conséquent,  plus  aisé  de 
donner  une  idée  générale  de  la  partie  de  l'ouvrage  qui  lui  ap- 
partient. 

Cette  partie  du  Manuel  ries  jures  se  divise  en  six  titres  :  dans 
Je  premier,  l'auteur  traite  de  la  méthode;  il  observe  qu'en  lé- 
gislation il  en  existe  deux  :  l'une  indépendante  des  faits,  l'autre 
d'observation.  Celle-ci  est,  à  proprement  parler,  celle  de  l'u- 
tilité ;  c'est  celle  que  M.  Guichard  adopte. 

Dans  le  titre  second,  l'auteur  traite  de  la  législation  crimi- 
nelle et  du  droit  de  punir.  jVous  ne  ferons  aucune  observation 
sur  le  fond  des  pensées  qui  composent  ce  titre,  parce  qu'elles 
sont  généralement  justes;  mais  il  nous  semble  que,  dans  quel- 
ques parties,  le  langage  pourrait  en  être  plus  exact,  et  que  la 
confusion  des  termes  jette  sur  les  pensées  une  certaine  obscurité. 

L'auteur,  avons-nous  dit,  traite  du  droit  de  punir  cl  des 
règles  qui  le  gouvernent;  et  il  n'entend  parler  de  ce  droit  que 
comme  d'un  attribut  du  gouvernement.  On  est  aujourd'hui  gé- 
néralement convenu  de  chercher  le  droit  partout;  et,  comme 
c'est  une  chose  encore  assez  obscure  et  sur  laquelle  on  est  loin 
d'être  d'accord  ,  il  est  bien  rare  qu'on  ne  la  trouve  pis  partout 

4- 


5a  SCIENCES  MORAXES. 

où  on  la  cherche.  Ainsi,  par  exemple,  on  a  commencé  paf 
chercher,  dans  l'inflietion  des  peines  judiciaires,  l'exercice  d'un 
droit  :  on  l'y  a  trouvé.  La  découverte  étant  faite  ,  on  a  traité 
du  droit  de  punir  en  général,  puis  du  droit  d'envoyer  aux 
travaux  forcés;  puis,  du  droit  de  tuer.  Nous  avons  vu  naguère 
des  sociétés  philantropiques  et  savantes  mettre  en  question  si 
la  société  a  le  droit  d'infliger  la  peine  de  mort.  Là  dessus  d'é- 
Ioquens  mémoires  ont  été  composés ,  et  des  prix  ont  été  dis- 
tribués :  on  aurait  dit  que  la  question  avait  été  clairement  et 
irrévocablement  décidée.  Cependant,  elle  est  aujourd'hui  aussi 
obscure  qu'elle  l'était  avant  d'avoir  été  posée.  Ceux  qui  parais- 
sent convaincus  du  défaut  de  droit  dans  l'inflietion  de  la  peine 
ne  peuvent  cacher  leur  étonnement  de  voir  que,  chez  toutes  les 
nations,  on  tue  journellement  des  hommes  en  conscience.  Cela 
leur  paraît  d'autant  plus  inconcevable ,  que  suivant  eux  le  droit 
brille  clairement  aux  yeux  de  tous  les  hommes  par  sa  propre 
lumière,  et  que  toute  la  science  du  monde  ne  saurait  en  ac- 
croître la  clarté. 

N'y  aurait- il  point  ici,  comme  dans  la  plupart  des  disputes, 
quelque  expression  ambiguë  qui  rendrait  la  question  insoluble? 
Pour  nous  en  assurer,  voyons  comment  se  passent  les  faits,  et 
tâchons  de  ne  donner  à  chaque  chose  que  le  nom  qui  lui  con- 
vient. Un  individu  que  le  besoin  tourmente  rencontre  un 
homme,  le  tue,  prend  sa  bourse  et  s'enfuit.  Là-dessus  un  ma- 
gistrat décerne  contre  lui  un  mandat,  des  gendarmes  l'arrêtent 
et  le  mettent  en  prison,  des  juges  lui  font  son  procès  et  le 
condamnent  à  mort  :  un  magistrat  le  fait  alors  livrer  à  d'autres 
gendarmes,  lesquels  le  mènent  en  grande  pompe  sur  une  place 
publique;  là,  ils  le  livrent  à  d'autres  hommes  qui  l'attachent, 
et  puis  lui  coupent  la  tête. 

Ici,  il  est  un  fait  général  et  constant  :  c'estla  manifestation  de 
l'autorité  etde  la  puissance;  nous  voyons  des  hommes  qui  com- 
mandent, d'autres  qui  obéissent ,  et  un  tiers  sur  lequel  s'exerce 
l'action  de  tous  les  autres.  Il  n'y  a  rien  là  d'équivoque,  rien  de 
sujet  à  contestation  :  nulle  question  pour  les  académies.  Mais,  ces 
hommes  que  nous  voyons  commander,  ceux  que  nous  voyons 


SCIENCES  MORALES.  5^ 

obéir,  exercent- ils  ou  n'exercent*ils  point  un  droit?  C'est  ici 
que  commencent  les  disputes,  il  ne  faut  pas  demander  cepen 
dam  ce  que  c'est  qu'un  droit;  car,  de  pari  el  d'autre,  on  est 
convenu  que  le  mol  est  suffisamment  clair,  el  qu'il  n'y  a  que 
les  consciences  obscures  ou  fausses  qui  osent  en  demandei 
l'explication. 

Ou  ne  doute  pas  que  punir  ne  soit  un  droit;  la  seule  chose 
qu'on  met  en  question  est  de  savoir  si  ce  droit  s'étend  jusqu'à 
tuer  l'individu  auquel  on  inflige  une  peine.  Si  punir  est  un 
droit,  ce  droit  se  trouve  sans  doute  dans  ceux  qui  l'exercent, 
ou  dans  ceux  qui  le  délèguent  :  voyons  donc  comment  il  naît , 
et  où  il  se  trouve.  Un  homme,  avons -nous  dit,  commet  un 
assassinat;  aussitôt  un  officier  public,  qu'on  nomme  vu  juge 
d'instruction  f  lance  contre  lui  un  mandat  d'arrêt.  Que  fait  ce 
juge?  il  remplit  un  devoir  que  la  loi  lui  impose,  pour  l'ac- 
complissement duquel  l'état  lui  accorde  un  salaire,  et  qu'il  ne 
peut  éluder  sans  se  rendre  coupable  de  prévarication.  Un 
agent  de  la  force  publique  exécute  l'ordre  du  magistrat;  c'est 
encore  un  devoir  qu'il  remplit,  une  obligation  qu'il  a  con- 
tractée. L'accusé  est  conduit  en  prison  :  le  concierge  qui  l'y 
retient  remplit  encore  un  devoir  envers  la  société;  il  ne  peut 
l'enfreindre  sans  s'exposer  à  des  peines  graves.  Des  témoins 
et  des  jurés  sont  appelés:  les  devoirs  des  premiers  sont  de  se 
présenter  et  de  déposer  suivant  la  vérité;  ceux  des  seconds 
sont  d'être  présens  aux  débats,  et  de  déclarer  quelle  est  la 
conviction  produite  sur  leur  conscience  ;  le  devoir  des  juges 
est  d'appliquer  la  loi  conformément  à  la  déclaration  qui  a  été 
faite-  Enfin,  le  devoir  des  agens  de  la  force  publique  est 
d'exécuter  le  jugement  de  la  manière  que  la  loi  prescrit. 

Ainsi,  depuis  le  moment  où  le  délit  est  commis  jusqu'à  ce- 
lui où  le  coupable  subit  sa  peine,  nous  ne  trouvons  que  des 
devoirs,  des  obligations,  dans  chacun  des  organes  ou  des  agens 
institués  par  la  loi.  Ces  devoirs,  ces  obligations  sont  si  rigou- 
reux que  nul  ne  peut  manquer  aux  siens  sans  se  rendre  cou- 
pable de  prévarication ,  et  dans  un  grand  nombre  de  cas  sans 
s'exposer  à  de  fortes  peines.  Si  les  autorités  diverses  qui  con- 


&f  SU  tERCES  MORALES. 

courent  à  L'application   d'une   peine  n'ont  que  des  devoirs  a 

remplir,  et  dis  devoirs  toujours  pénibles,  où  se  trouve  donc 
le  droit?  Serait -il  dans  les  hommes  par  qui  les  peines  sont 
établies?  Mais  ces  hommes  sont  à  leur  tour  soumis  à  de  uom- 
bnu\  devoirs:  ils  ont  de  l'autorité,  de  la  puissance;  quand 
ils  établissent  une  peine,  ils  se  soumettent  à  une  nécessité,  ils 
obéissent  à  un  devoir  envers  la  société;  ils  n'exercent  pas  plus 
:m  droit  que  le  magistrat  qui  applique  une  peine  légale  à  un 
individu  que  le  jury  a  déclaré  coupable. 

Il  est  bizarre  que  toutes  nos  recherches  philosophiques  sur 
le  devoir  et  sur  le  droit  nous  aient  conduits  à  ne  plus  savoir 
distinguer  un  droit  d'un  devoir,  et  que  tous  nosprogrès  en  mo- 
rale nous  aient  amenés  à  mettre  en  théorie  les  pratiques  d'Alger 
ou  de  Constantinople.  Là,  en  effet,  il  n'est  point  de  devoirs 
pour  la  puissance;  pour  elle,  il  n'y  a  que  des  droits.  Punir  est 
donc  un  droit ,  comme  disposer  de  sa  propriété  en  est  un 
autre. Et,  comme  nul  n'est  tenu  de  rendre  compte  de  l'exercice 
de  ses  droits,  les  magistrats  peuvent  punir  ou  ne  point  punir, 
selon  qu'ils  le  jugent  convenable.  Tout  cela  peut  ^paraître  bien 
étrange,  mais  c'est  à  quoi  nous  avons  dû  nous  attendre  le 
jour  où  nous  avons  vu  des  esprits  distingués  et  des  imagina- 
tions ardentes  repousser  les  sages  écrits  de  Locke,  de  Con- 
dillac,  de  Tracy,  pour  répandre  sur  notre  pays  le  mysticisme 
de  l'Allemagne. 

Nous  devons  nous  hâter  de  dire  que  ce  reproche  ne  peut  être 
adressé  à  l'ouvrage  dont  nous  donnons  ici  l'analyse.  Si  l'on  fait 
exception  de  l'expression  que  nous  avons  relevée,  et  qui  nous 
paraît  vicieuse,  tout  est  écrit  avec  justesse.  Les  observations  de 
M.  Victor  Guichard  sur  le  principe,  la  nature  et  les  effets  des 
peines  judiciaires,  sont  toutes  fondées  sur  la  nature  même  des 
choses;  toutes  reposent  sur  les  intérêts  de  l'humanité,  et  ten- 
dent à  faire  entendre  les  lois  dans  le  sens  le  plus  juste.  On  peut 
en  juger  par  les  deux  règles  que  l'auteur  donne  au  pouvoir  et 
au  devoir  de  punir  :  l'une  est  de  ne  jamais  punir  que  lorsque  la 
punition  produit  plus  de  bien  que  de  mal;  l'autre,  d'arriver  au 
plus  grand  bien  de  la  société  et  de  l'offensé,  en  faisant  au  dé- 


M.li.M  l.s   Moi;  \l  KS. 

Unquaai  le  moindre  mal  possible,  Cet  règles  sont  développées 

de  lu.'iniri  r  a  ce  que  les  jurés  puissent  en  suivre  l'application 
dans  If  plus  grand  nombre  de  <-.is. 

Dans  le  titre  iv,  l\l.  yictor  Guichard  traite  de  la  gravité  des 

peines |  ce  qui  le  conduit  à  parler  de  la  peine  de  mort.  L'abo- 
lition de  cette  peine  est  aujourd'hui  sollicitée  par  un  grand 

nombre  de  ltons  esprits.  Tous  les  écrivains  philosophes  ne  s'ac- 
cordent pas  sur  les  motifs  qui  leur  font  désirer  (pie  cette  peine 
soit  abolie;  niais  tous  sont  généralement  d'accord  pour  la  sol- 
liciter, et  sut  tout  pour  demander  que  l'application  en  soit  res- 
treinte au  plus  petit  nombre  de  cas  possibles.  M.  Guichard 
fait  à  ce  sujet  des  réflexions  fort  justes  :  il  observe  que,  pour 
résoudre  la  question,  il  faut  comparer  les  effets  de  la  peine  de 
mort  avec  ceux  d'une  autre  peine.  Il  compare  ensuite  lui- 
même  les  résultats  que  celte  peine  produit  avec  ceux  de  l'em- 
prisonnement perpétuel  et  laborieux.  Il  prouve  que  l'empri- 
sonnement perpétuel  est  plus  avantageux  pour  la  réparation 
du  mal  causé  par  le  délit,  et  qu'il  peut,  ne  pas  l'être  moins 
pour  prévenir  de  nouveaux  délits.  11  fait  voir  ensuite  que, 
pour  juger  de  l'effet  général  d'une  peine  relativement  à  la  pré- 
vention de  nouveaux  délits,  il  faut  considérer  non  l'effroi 
qu'elle  inspire  au  coupable  au  moment  où  il  va  la  subir,  mais 
la  crainte  qu'elle  inspire  à  un  individu  au  moment  où  il  éprouve 
ja  tentation  de  commettre  un  crime.  Or,  l'emprisonnement 
perpétuel  est  plus  efficace,  sous  ce  rapport,  que  ne  peut  l'être 
la  peine  de  mort  :  il  est  des  passions  pour  lesquelles  on  con- 
sent à  s'exposer  à  périr,  mais  pour  lesquelles  on  ne  s'exposerait 
pas  à  être  détenu  à  perpétuité.  La  raison  de  cette  différence 
est  sensible  :  dans  le  premier  cas,  si  l'on  ne  réussit  point,  le 
châtiment  qu'on  subit  met  un  terme  à  la  passion  qu'on  éprouve  ; 
dans  le  second,  au  contraire,  on  éprouve  tous  les  tourmens 
d'une  passion  non  satisfaite,  en  même  tems  qu'on  subit  la  peine 
du  crime  qu'on  a  commis. 

L'abolition  de  la  peine  de  mort  fait  disparaître  une  difficulté 
rès-grave  que  Us  jurés  ont  quelquefois  à  résoudre.  Dans  les 
jerimes  de  meurtre,  il  n'est  pas  rare  de  voir  les  défenseurs  de 


SCIENCES  MORALES. 

accuses  présenter  pour  excuse  leur  état  de  monomanie.  Le  jury 
se  trouve  alors  dans  la  nécessité  de  courir  le  risque  d'envoyer 
un  insensé  à  l'échafaud,  ou  d'acquitter  un  grand  coupable.  S'il 
ne  s'agissait  que  d'un  emprisonnement  perpétuel,  H  y  aurait 
peu  de  danger  à  courir;  car,  dans  aucune  des  deux  suppositions, 
personne  ne  peut  prétendre  que  l'accusé  convaincu  du  fait, 
réputé  crime  ou  délit,  doive  être  rendu  à  la  liberté.  Mais  il 
n'en  est  pas  de  même  lorsqu'il  s'agit  de  la  peine  de  mort; 
outre  l'atrocité  qu'il  y  a  à  livrer  un  fou  au  dernier  supplice,  on 
accroît  les  dangers  de  la  société.  La  monomanie,  en  effet,  est 
contagieuse  ,  et  rien  n'est  plus  propre  à  la  propager  que  de 
donner  en  spectacle  les  individus  qui  en  sont  atteints.  La  peine 
de  mort  appliquée  à  une  telle  infirmité  produit  donc  un  effet 
contraire  à  celui  qu'elle  est  destinée  à  produire  :  au  lieu  de 
détourner  les  individus  dangereux  des  faits  qu'on  veut  prévenir 
en  les  réprimant,  elle  les  excite  à  les  commettre. 

M.Victor  Guichard,  ayant  exposé  les  funestes  effets  de  la 
peine  de  mort,  et  ayant  fait  voir  comment  on  en  obtiendrait  de 
différens  par  une  autre  peine,  s'occupe  du  rapport  entre  les 
deux  règles  que  nous  avons  précédemment  rapportées  avec  la 
procédure  criminelle  et  le  jury;  c'est  l'objet  de  son  cinquième 
titre.  L'auteur  est  ainsi  conduit  à  faire  voir  quel  est  le  but  de 
la  procédure  criminelle ,  à  rechercher  quelle  est  la  source  prin- 
cipale des  délits  qui  se  commettent  dans  un  état  un  peu  avancé  ; 
a  développer  les  avantages  qui  résultent  de  l'institution  du 
jury;  enfin,  à  démontrer  comment  les  devoirs  des  jurés  ré- 
sultent des  motifs  de  leur  institution. 

Dans  le  titre  vi,  notre  auteur  traite  des  questions  d'une 
haute  importance,  mais  qui  fort  heureusement  se  présentent 
rarement  dans  la  pratique.  Dans  les  tems  de  trouble,  l'autorité 
publique  est  quelquefois  emportée  par  la  violence  des  factions 
au-delà  des  limites  que  la  raison  lui  prescrit.  Des  lois  violentes 
peuvent  alors  être  rendues,  et  il  s'agit  de  savoir  quelle  doit 
être,  en  pareille  circonstance,  la  conduite  des  jurés.  Nous 
avons  vu,  par  exemple  ,  dans  les  troubles  de  la  révolution,  des 
pères  traduits  en  justice  et  être  exposés  à  être   condamnés  à. 


SCIENCES  MORALES.  57 

mort  pour  avoir  Ciii  passer  quelques  secours  pécuniaires  .1  leurs 
enfans  émigrés.  D'autres  lois,  nous  avons  \n  mettre  la  pitié 
et  d'autres  Tertus  ru  rang  des  crimes.  Dans  ces  cas,  et  dans 

d'autres  Semblables»  les  jurés  sont  ils  tenus  en  conscience  de 
déclarer  coupable  celui  qui,  à  leurs  yeux,  n'a  commis  aucun 
fait  répréhensible  par  lui-même,  quoiqu'il  ait  exécuté  l'acte 
prohibé  par  la  loi  ? 

dette  question  est  grave  lorsqu'elle  se  présente;  mais  il 
arrive  bien  rarement  qu'on  ait  à  s'en  occuper,  et  voici  quelle 
en  est  la  raison.  Lorsque  des  circonstances  malheureuses  déter- 
minent un  gouvernement  à  établir  des  peines  qui  ne  sont  point 
en  harmonie  avec  la  conscience  publique,  le  même  pouvoir 
qui  établit  la  peine  établit  presque  toujours  un  tribunal  par- 
ticulier pour  en  faire  l'application.  C'est  ainsi  que,  pendant  le 
teins  le  plus  orageux  de  la  révolution,  après  avoir  établi  des 
lois  sanguinaires,  on  fut  amené  à  créer  un  tribunal  révolu- 
tionnaire pour  les  appliquer.  C'est  encore  ainsi  que  le  pouvoir 
militaire  qui  succéda  au  gouvernement  directorial  fut  conduit 
à  créer  des  cours  spéciales,  des  tribunaux  militaires,  ou  des 
conseils  de  guerre,  pour  punir  des  faits  que  la  conscience  des 
citoyens  ne  condamnait  pas,  ou  qu'elle  n'aurait  punis  que  de 
peines  moins  graves.  Ces  observations  n'ôtent  rien,  du  reste, 
au  mérite  des  réflexions  de  M.  Guichard  :  quoiqu'on  puisse 
être  rarement  appelé  à  les  mettre  en  pratique,  on  les  lira  avec 
utilité.  En  les  lisant  avec  attention,  on  concevra  plus  facile- 
ment en  quoi  consistent  les  devoirs  des  jurés. 

En  Angleterre,  le  jugement  parjurés  s'applique  à  toutes  les 
causescivilesetcriminelles.Là,nul  individu  ne  peut  ètreatteint, 
ni  dans  sa  personne,  ni  dans  ses  biens,  ni  dans  son  industrie, 
à  moins  d'un  jugement  rendu  par  un  jury.  Pour  juger  toutes 
les  causes  qui  se  présentent,  il  faut  un  nombre  de  jurés  con- 
sidérable; aussi,  tout  homme  qui  jouit  de  quelque  indépen- 
dance est-il  sujet  à  être  appelé  comme  juré.  Mais  il  ne  faut  pas 
croire  que  l'institution  du  jury  soit  arrivée  du  premier  coup  au 
point  de  perfection  où  nous  la  voyons  aujourd'hui.  Depuis  les 
tems  les  plus  reculés  jusqu'à  nos  jours,  il  ne  s'est  point  passé 


!>8  SCIENCES  MORALES 

de  règne  sous  lequel  on  n'y  ait  corrigé  quelque  vice ,  ou  fait 
quelque  utile  addition.  L'origine  des  jurés  se  perd  dans  la 
nuit  des  teins;  et  cependant  ce  n'est  que  depuis  1825  que  les 
Anglais  ont  une  loi  générale  qui  règle  l'organisation  des  jurys. 
Cette  loi  n'a  même  commencé  à  être  exécutée  qu'en  1826. 

En  France,  le  jugement  par  jurés  ne  s'applique  jamais  en 
matière  civile,  et  il  n'a  lieu  en  matière  criminelle  que  pour  les 
cas  les  plus  graves.  Aussi ,  le  nombre  des  hommes  qui  rem- 
plissent les  conditions  nécessaires  pour  être  jurés  est-il  fort 
restreint,  comparativement  à  la  masse  de  la  population.  Mais, 
en  France,  cette  institution  est  toute  nouvelle;  il  a  fallu,  pour 
l'établir,  réformer  tout  à  la  fois  la  législation,  les  habitudes 
et  les  intelligences.  Ne  soyons  donc  pas  surpris  si  elle  n'est 
encore  ni  aussi  générale  ,  ni  aussi  universellement  désirée  que 
pourraient  le  demander  les  hommes  éclairés.  Si  nous  voulons 
qu'elle  fasse  des  progrès,  tâchons  que  les  idées  et  les  mœurs 
ne  restent  pas  en  arrière  des  institutions.  Cette  année,  la  légis- 
lation a  fait  un  grand  pas  :  pourrions-nous  nous  plaindre  qu'elle 
n'est  pas  assez  avancée,  si  les  hommes  qui  appartiennent  à  la 
classe  la  plus  éclairée  de  la  société  ne  savaient  pas  se  mettre  à 
son  niveau?  Seraient-ils  dignes  de  jouir  des  garanties  qui  leur 
sont  offertes,  s'ils  se  dérobaient  aux  faciles  conditions  au 
moyen  desquelles  ils  peuvent  les  posséder  ?  Les  devoirs  qui 
leur  sont  imposés,  et  sur  l'accomplissement  desquels  leur  sécu- 
rité doit  être  fondée,  ne  sont  ni  nombreux ,  ni  difficiles  à  rem- 
plir. Les  auteurs  du  Manuel  des  jurés  ont  fait  ce  qu'il  fallait 
pour  leur  en  rendre  l'intelligence  facile;  c'est  à  eux-mêmes  à 
faire  le  reste.  •  Charles  Comte. 

Histoire  de  Bretagne,  par  M.  Daru  ,  de  l'Académie 

française  (1). 

Le  savant  et  laborieux  auteur  qui  nous  avait  donné  Y  His- 
toire de    Venise  a  publié ,    depuis,   l'histoire    d'une  province 

(i)  Virxs  ,  1826  ;  Firmin  Didot.  3  vol.  in-8°  prix  ,  18  fr. 


SCIENCES  lM()Il\lj;.s.  5<j 

française  qui  n'a  tien  de  commun  avec  l'ancienne  répu- 
blique df  la  mer  Adriatique)  si  ce  n'oit  le  goût  des  habitant 

pour  la  navigation  cl  les  entreprises  maritimes.  Dans  tout 
le  cours    de  l'histoire   de    France,  le   peuple  breton   conserve 

une  physionomie  particulière  qui  <loii  séduire  un  historien 

habile.  On  voit  ces  Bretons*  fiers  de  leurs  rochers  et  de 
leurs  fables,  se  tenir,  pour  ainsi  dire,  à  l'écart,  faiic  des 
efforts  répétés  pour  défendre  leur  indépendance,  et  déjouer 
a\ec  rudesse  des  intrigues  ourdies  pour  les  subjuguer;  on  les 
voit  enfin  conserver  L'empreinte  originale  de  leur  caractère , 
leur  idiome,  leurs  superstitions ,  leurs  usages,  long- -teins  après 
qu'ils  ont  été  réunis  à  la  nation  française. 

On  ne  peut  toutefois  se  dissimuler  qu'à  l'exception  de  quel- 
ques épisodes,  l'histoire  de  la  Bretagne  est  celle  de  toutes  les 
provinces  du  royaume,  et  que  l'historien  se  donne  une  tache 
bien  pénible  quand  il  veut  rassembler  en  un  seul  tableau  la 
multitude  de  faits,  souvent  peu  importants,  qui  composent 
une  histoire  provinciale,  cette  suite  fatigante  de  guerres,  de 
querelles,  de  dévastations,  de  meurtres,  d'injustices  de  toute 
espèce,  dont  la  réunion  constitue  ce  que  l'on  appelle  l'âge  de 
la  féodalité.  Quelque  talent  que  possède  l'écrivain,  il  aura  bien 
de  la  peine  à  intéresser  un  lecteur  éclairé  à  tous  ces  petits 
événement  où  l'esprit  ne  trouve  ni  repos  ,  ni  satisfaction. 
M.  Daru  a  certainement  fait  preuve  d'un  talent  très-remar- 
quable dans  son  histoire  de  Bretagne;  cependant,  je  doute 
que  ce  nouvel  ouvrage  obtienne  le  même  succès  que  son  histoire 
de  Venise,  dont  le  fond  est  plein  d'intérêt,  tandis  que  l'histoire 
de  Bretagne  ne  présente  qu'un  sujet  stérile,  et  en  quelque  sorte 
rebelle  aux  efforts  du  peintre. 

Quelquefois,  il  faut  le  dire,  l'auteur  me  paraît  avoir  négligé 
de  jeter  des  fleurs  sur  ce  terrain  aride  :  il  aurait  pu  varier  son 
récit,  en  tirant  un  meilleur  parti  qu'il  ne  l'a  fait  des  traditions 
locales,  de  l'étude  des  monumens  singuliers  des  âges  antiques, 
élevés  dans  quelques  lieux  solitaires  de  la  Bretagne.  L'expo- 
sition du  génie  de  la  langue  bretonne,  que  parlent  encore  les 
habitaus  des  campagnes  et  des  petites  villes  de  trois  départe- 


Oo  SCIENCES  MORALES. 

mens  qui  comptent  près  de  5oo,ooo  âmes  chacun,  la  compa- 
raison des  mœurs  et  des  usages  des  Bretons  avec  ceux  des 
habitons  de  la  Cornouaille  anglaise  et  du  pays  de  Galles,  la 
vie  des  premiers  chrétiens  et  la  propagation  de  la  morale  de 
l'Evangile  dans  cette  province,  au  milieu  de  toutes  les  résis- 
tances druidiques,  les  événemens  des  communautés  monastiques, 
et  beaucoup  d'autres  matières  intéressantes  ne  devaient  pas  res- 
ter étrangères  au  plan  de  l'auteur,  et  lui  auraient  fourni  des 
détails  attachant  et  instructifs.  L'histoire  de  la  Suisse,  par 
.lean  de  Muller,  qui  a  su  embellir  les  commencemens  des  an- 
nales d'un  peuple  dont  l'origine  n'est  pas  moins  obscure  que 
celle  du  peuple  breton,  aurait  pu  lui  servir  de  modèle. 

L'abbé  de  La  Rue  (i)  a  soulevé  une  grande  question,  que 
j'aurais  voulu  voir  traitée  par  M.  Daru  :  si  les  Bretons  ont  eu 
une  littérature.  L'abbé  de  La  Rue  soutient  qu'ils  ont  eu  des 
historiens,  et  principalement  des  poètes,  et  que  les  romanciers 
du  moyen  âge  ont  puisé  chez  les  Bretons  les  fables  les  plus 
intéressantes  de  leurs  poèmes  romanesques  et  de  leur  cheva- 
lerie. Il  est  certain  que  le  pays  de  Galles  et  la  Cornouaille  an- 
glaise ont  produit  des  poètes  qui  ont  chanté  la  table  ronde  , 
les  guerres  du  peuple  gallois  contre  les  Saxons,  les  exploits 
des  petits  rois  du  pays,  etc.  Comment  les  Bretons,  si  sembla- 
bles aux  Gallois  dont  ils  sont  comme  les  frères,  seraient-ils 
restés  muets ,  tandis  qu'au  delà  de  la  Manche  les  rochers  re- 
tentissaient du  chant  des  bardes?  Certes,  les  Bretons  ont 
chanté  comme  eux;  plusieurs  témoignages  le  prouvent.  Com- 
ment se  fait-il  donc  que  cette  littérature  bretonne,  qu'il  serait 
si  intéressant  de  connaître,  ait  été  anéantie  au  point  de  ne 
laisser  aucune  trace  (2)?  Pas  un  poème,  pas  une  chronique, 

(t)  Recherches  sur  les  ouvrages  des  bardes  de  la  Bretagne  armoricaine 
dans  le  moyen  âge.  Caen  ,  181 5  ;  in-8°. 

(2)  Il  ne  serait  pas  impossible  de  prouver  que  le  roman  à'Jmadis 
de  Gaule ,  et  celui  des  Amours  de  la  belle  Iseult  et  de  Tristan  de  Léonais 
ont  été  composés  par  des  poètes  bas-bretons.  Le  brave  grenadier 
La  Tour-d'Auvergne  ,    né  en  Basse-Bretagne ,   avait  recueilli  à  cet 


SCIENCES  MORALES.  6] 

pas  même  une  romance   en  has-hretou  n'a  échappé  à  la  <1< 
(i  notion.    M.    de   La    Une    explique    celte    dispar  ution    totale 

par  l'indifférence  qu'inspirait  aux  gêna  lettres  du  moyen  agi 
la   langue  vulgaire  ou    rustique  du  pays.   Dans  le  pays  de 
(•ailes  ,  le  peuple  était  lui-même  conservateur  vies  poésies  na- 
tionales; pourquoi  n'en   a-t-il  pas  été  de   même  en  Bretagne? 

Comment  les  générations  ne  se  sont-elles  pas  transmis  le  dépôt 
du  génie  poétique  de  leurs  pères,  ainsi  qu'on  l'a  pratiqué  dan*: 
beaucoup  d'autres  pays  qui  ont  aussi  peu  de  communica- 
tion avec  les  nations  étrangères?  La  poésie  populaire  de  ces 
contrées  constitue,  pour  ainsi  dire,  toute  leur  littérature.  La 
Bretagne  seule  ferait  elle  exception  à  cette  règle  générale? 

J'aurais  préféré,  je  l'avoue,  l'examen  de  cette  matière  inté- 
ressante à  la  discussion  à  laquelle  M.  Daru  s'est  livré  dans  le 
premier  volume  de  son  histoire,  pour  savoir  si  la  Bretagne  a 
été  conquise  par  Clovis.  Ce  n'est  pas  que  ce  point  ne  soit  très- 
savamment  traité,  et  qu'il  n'ait  une  certaine  importance,  puis- 
qu'on l'a  souvent  remis  en  question  dans  la  recherche  du  droit 
des  rois  de  France  à  la  possession  de  la  Bretagne;  mais  on 
peut  résumer  la  difficulté  en  peu  de  mots,  en  démontrant  qu'il 
n'existe  aucune  preuve  suffisante  pour  établir  que  Clovis  a 
subjugué  les  Bretons.  Quant  à  la  prétention  de  la  couronne, 
c'est  une  question  tout-à-fait  oiseuse,  puisque  la  Bretagne  fait 
depuis  long-tems  partie  du  royaume  de  France,  et  que  les  Bre- 
tons ne  réclament  plus  ni  privilèges,  ni  droits  particuliers. 

égard  des  documens  très-curieux  qui ,  probablement ,  sont  à  jamais 
perdus.  La  partie  géographique  de  ces  charmans  ouvrages  n'a  pu 
appartenir  qu'à  des  auteurs  qui  avaient  une  connaissance  pratique  des 
lieux  où  ils  ont  placé  leur  héros.  Les  plages  de  débarquement ,  les 
petits  ports ,  les  hameaux  que  les  chevaliers  parcouraient,  existent 
encore  sous  les  mêmes  noms  ;  et  cependant  ils  ne  sont  cités  dans  au- 
cun livre  géographique ,  ni  portés  sur  aucune  carte.  Ce  n'est  donc 
qu'en  habitant  cette  contrée  que  les  auteurs  à'Amadisel  de  Tristan  ont 
pu  les  connaître  et  les  décrire. 

Il  existe  des  vers,  des  romances,  des  contes  en  bas-breton.  Plusieurs 
ont  étépubliés.  (N.  du  fi.) 


5*  SCIENCES  MORALES. 

A  la  conquête  de  U  Bretagne  par  Clovis  se  rattache  une 
autre  question  du  même  genre,  qui  consiste  à  savoir  si  la 
Bretagne  fut  donnée  par  Charlcs-le-Simple  aux  Normands,  et 
si  le  roi  de  France  avait  le  droit  de  faire  cette  concession.  J'ai 
eu  l'occasion  de  discuter  moi-même  ces  faits  historiques  (i), 
et  je  m'estime  heureux  de  me  rencontrer  sur  plusieurs  points 
avec  le  nouvel  historien  de  la  Bretagne.  M.  Daru  ne  paraît  pas 
douter  que  le  traité  de  Saint-C!air-sur-Epte ,  par  lequel 
Charles-  le-Simple  céda,  en  912,  la  Normandie  aux  pirates 
du  nord  ,  n'ait  été  écrit,  comme  tous  les  actes  de  ce  genre.  J'ai 
élevé  des  doutes  à  cet  égard ,  et  je  n'ai  découvert  aucun  docu- 
ment qui  prouvât  l'existence  d'un  traité  écrit,  quelque  impor- 
tantes que  fussent  les  stipulations  convenues  entre  les  Français 
et  les  Normands.  L'auteur  a  discuté  avec  beaucoup  de  sagacité 
ce  fait  remarquable,  ainsi  que  les  prétentions  de  la  couronne 
et  celles  des  Bretons.  Il  n'est  pas  facile  d'arriver  à  une  conclu- 
sion dans  une  affaire  où  il  existe  si  peu  de  pièces  authentiques. 
M.  Daru  a  certainement  pesé  avec  une  extrême  attention  les 
raisons  contradictoires,  et  a  sainement  jugé  les  écrivains  fran- 
çais et  bretons  qui  avaient,  avant  lui,  examiné  la  question  du 
droit  public  de  la  Bretagne. 

C'est  une  justice  à  lui  rendre  que  de  déclarer  qu'il  a  presque 
toujours  puisé  aux  sources  originales,  c'est-à-dire  qu'il  a 
compulsé  les  chroniques  et  les  annales  des  historiens  du 
moyen  âge.  Pour  les  derniers  siècles,  il  s'est  servi  aussi  de 
matériaux  inédits  ,  empruntés  aux  archives  de  Nantes.  Les  bé- 
nédictins devaient  beaucoup  aux  cartulaires  des  couvens;  mais 
ils  avaient  peu  fouillé  dans  les  archives  municipales  des  pro- 
vinces, et  il  y  a  lieu  de  croire  qu'elles  recèlent  une  foule  de 
pièces  intéressantes  pour  l'histoire  civile  et  commerciale.  Au 
lieu  de  se  copier  successivement,  les  personnes  qui  écrivent 
l'histoire  d'une  partie  de  la  France  devraient  consulter  de 
pareils  dépôts  :  ce  sont  des  mines  vierges  dont  l'exploitation 

(1)  Histoire  des  expéditions  maritimes  des  Normands  et  de  leur  établisse- 
ment en  France  au  dixième  siècle.  Paris,  1826  ;  t.  11. 


SCIENCES  MORALES.  r,  \ 

lom  donnerai!  un  produit  Abondant,  A  la  fin  de  son  troisième 
volome,  M»  Deru  a  donné  la  note  des  actes  qui  existent  dans  les 
arohives  de  Nantes,  relativement  aux  démêlés  <1<  s  durs  dé 
Bretagne  et  du  clergé,  durant  le  xnr'et  le  aV  siècles,  il  aurait 
rié  utile  d'étendre  cette  noie  à  tons  les  autres  actes  qui  ont 
quelque  rapport  à  l'histoire,  de  publier  textuellement,  comme 
pièces  justificatives,  1rs  documens  inédits  les  plus  importans. 
Je  dois  encore  louer  le  soin  qu'a  eu  l'historien  de  citer  les 
paroles  et  les  discours  des  rois  et  des  hommes  d'état  dans 
le  langage  du  tems  ;  c'est  un  gage  de  fidélité  historique;  et  un 
moyen  efficace  de  reporter  l'imagination  du  lecteur  vers  les 
tems  passés. 

C'est  au  second  volume  surtout  que  l'histoire  de  Bretagne 
par  M.   Darn  acquiert  un  véritable  intérêt  :  alors  s'engage  la 
lutte  sanglante  et  dramatique  des  comtes  de  Blois  et  de  Mont- 
forl;  les  guerres  des  Anglais  donnent  du  mouvement  au  récit; 
(\vy>  caractères  comme   celui  de  Clisson  viennent  surprendre 
le  lecteur.  Les  ducs  de  Bretagne,  tantôt  ennemis,  tantôt  amis, 
et  alliés  de  la  France  ou  de  l'Angleterre,  ont  besoin  des  bras 
et  de  l'argent  de  leurs  vassaux  pour  soutenir  leurs  guerres;  ils 
sont  forcés  de  solliciter  l'amitié  des  seigneurs  et  l'appui  des 
villes,  de  les  consulter  et  d'agir  par  eux  sur  l'esprit  du  peuple. 
De  là  l'origine  du  parlement  de  Bretagne,  qui  a  joué  un  rôle 
important  pendant  les  derniers  siècles.  Au  treizième,  déjà  les 
ducs  de  Bretagne  se  servaient  de  la  formule  :  Nous  accordons, 
nous  et  nos  gentilshommes  de  commune  volonté.  Au  quatorzième, 
on  employait  cette  autre  formule  :  Jprès  mûre  délibération  et 
aris  de  nos  prélats,  barons  et  autres  gens  notables  de  notre  grand 
conseil,  et  du  consentement  exprès  desdits  prélats  et  barons.  Mais, 
ce  n'était  guère  que  lorsqu'il  s'agissait  d'impôt  ou  de  don  gra- 
tuit  qu'on    avouait    aussi    solennellement     l'intervention    de 
l'aristocratie.  Tontes  les  fois  qu'on  pouvait  s'en  passer,  on  se 
gardait  bien  de  la  consulter.  Au  xvc  siècle,   le  conseil  avait 
pris  de  l'extension.  Ce  n'étaient  plus  seulement  des  prélats  et 
des  barons  qui  y  siégeaient,   mais  encore  des  bannerets ,  des 
bacheliers,  des  chevaliers  et  écuyers ,  des  gens  de  chapitre  et 


(>♦  SCIENCES  MORALES. 

des  bonnes  villes.  L'auteur  a  inséré,  à  la  fin  du  second  volume, 
de  courtes  dissertations  sur  l'admission  des  députés  des  ville» 
aux  états,  sur  la  levée  des  impôts  en  Bretagne,  et  sur  les 
règlemens  des  états,  dissertations  extraites  du  droit  public  de 
la  province.  On  y  cite  une  charte'de  Guy  de  Thoars,  comte 
de  Bretagne,  de  l'an  i2o5,  où  l'on  fait  valoir  l'avis  et  l'assen- 
timent des  évéques,  barons,  vavasseurs  et  nos  autres  hommes  de 
Bretagne  ;  ce  qui  semble  indiquer  les  trois  états.  Il  en  résulte- 
rait que  ,  dès  le  commencement  du  xme  siècle,  les  communes 
avaient  siégé  dans  le  conseil  provincial.  Les  trois  états  sont 
désignés  expressément  dans  un  acte  du  parlement  assemblé  à 
Rennes  en  i3i5;  mais  ce  n'est  qu'au  siècle  suivant  que  l'on 
voit  les  trois  ordres  constituer  régulièrement  le  parlement. 

Je  placerai  ici  quelques  remarques  sur  les  observations  de 
l'auteur,  relativement  au  fameux  combat  des  trente  qui,  selon 
Froissartet  les  chroniques  bretonnes,  fut  livré,  en  jl35i,  près 
d'un  chêne,  entre  les  petites  villes  de  Josselin  et  Ploermel. 
Trente  champions  bretons  combattirent  autant  de  champions 
anglais,  et  l'on  ignore  pourquoi.  Ce  combat  est  pour  les  Bre- 
tons ce  que  celui  des  Horaces  et  des  Curiaces  était  pour  les 
Romains.  On  conserve  les  noms  des  chevaliers  des  deux  partis; 
on  connaît  tous  les  détails  du  combat;  on  a  élevé  sur  les  lieux 
un  monument  aux  Bretons  vainqueurs;  et  tout  récemment  en- 
core, une  académie  bretonne  a  proposé  un  prix  pour  le  meil- 
leur poème  en  leur  honneur.  Il  s'est  pourtant  trouvé  des  éru- 
dits  qui  ont  traité  de  fable  l'histoire  de  ce  combat,  dont  aucun 
auteur  anglais  n'a  parlé.  M.  paru  convient  que  les  parti- 
cularités du  combat  ont  pu  être  inventées;  mais  il  pense  que 
le  fait  lui-même  est  incontestable ,  appuyé,  comme  il  l'est,  sur 
une  tradition  ancienne  et  universelle,  qui  selon  lui,  peut  sup- 
pléer à  des  témoignages  écrits;  et  il  ajoute  cette  réflexion  :  «Ce 
serait  un  triste  emploi  de  l'érudition,  de  ne  la  faire  servir  qu'à 
répandre  des  doutes  sur  l'histoire,  et  à  détruire  ces  tradi- 
tions nationales  qui  entretiennent  chez  les  peuples  l'amour  de 
la  gloire  et  de  la  patrie.  La  vérité  avant  tout,  sans  doute; 
mais,  si  l'on  aime  la  vérité,  le  pyrrhonisme,  qui  a  aussi  ses 


SCIENCES  MORALE»  M 

affirmations  négatives  ,  détruit  la  science  elle-même  i  el  que 
peut-il  v  avoir  d'utile,  par  exemple  ,  dans  l<'s  efTorti  de  je  ne 
sais  quel  érudit  qui  a  entrepris  de  prouver  aux  Suisses  que 
Guillaume  Tell  n'a  jamais  existé?*  Je  conviens^  avec  l'auteur, 
que  ce  serait  tuer  l'histoire  que  d'élever  des  doutes  sur  des 
faits,  sans  motifs  suffisaus;  niais  M.  Daru  conviendra  que  la 
critique  historique  a  précisément  pour  but  d'examiner  et  d'éta- 
blir la  vérité,  et  qu'elle  ue  peut  ni  ne  doit  s'embarrasser  du 
plus  ou  du  moins  d'intérêt  que  peuvent  prendre  à  un  fait  les 
peuples  ou  les  provinces,  ni  s'en  rapporter  exclusivement  aux 
traditions  nationales,  ni  rechercher  s'il  est  utile  d'admettre  ou 
de  rejeter  une  croyance  devenue  populaire.  Je  doute  que  Ton 
ait  entrepris  de  prouver  que  Guillaume  Tell  n'a  point  existé; 
mais  on  a  démontré  que  l'histoire  de  la  pomme  abattue  à  coups 
de  flèche  sur  la  tète  de  son  (ils    est  renouvelée  des  traditions 
Scandinaves;  et  en  cela,  la  critique  historique  a  fait  son  de- 
voir. L'espèce  de  colère  que  cette  dissertation  a  fait  naître  chez 
les  Suisses  n'a  pu  détruire  la  force  des  argumens.  L'action  du 
fameux  bourgeois  de  Calais,  Eustachede  St.-Pierre,  telle  qu'elle 
est  racontée  par  Froissait,  est  sans  doute  un  bel  exemple  de 
dévouaient  patriotique  et  un  beau  modèle  à  présenter  aux 
citoyens;  ce  qui  n'empêche  pas  que  l'académicien  Bréquigny 
n'ait  bien  mérité  de  l'histoire,  en  tirant  de  la  poussière  des  ar- 
chives de  Londres  des  pièces   qui  prouvent  que  le  héros  de 
Calais  était  d'intelligence  avec  les  Anglais,  et  qu'il  accepta  une 
pension  d'Edouard  (i). 

Le  troisième  volume  commence  par  le  règne  du  duc  Fran- 
çois II,  contemporain  de  Louis  XI,  et  qui  obtint  du  pape  le 

(r)  Il  est  peut-être  prouvé  qu'Edouard  III  fit  une  pension  à  Eustache 
de  Saint-Pierre ,  en  l'honneur  de  sa  noble  action,  mais  nullement  pour 
cause  de  trahison.  Il  ne  faut  pas  oublier  qu'à  l'époque  de  la  reddition 
de  Calais,  le  siège  durait  depuis  une  année  ,  qu'Edouard  avait  laissé 
périr  contre  les  lignes  les  malheureux  h;ibitans  chassés  de  la  ville  à 
'défaut  de  vivres;  que  Jean  de  Vienne  était  le  commandant  de  Calais, 
et  qu'il  marcha  la  hartau  col  à  la  tête  ries  six  bourgeois.  Eût-il  consenti 
à  partager  leur  sort  s'il  les  eût  connus  pour  des  traîtres?  (Ar.  du  /?.) 
t.  xxxvi. —  Octobre  1827.  5 


66  SCIENCES  MORALES. 

privilège  île  ne  pouvoir  être  excommunié  à  l'avenir.  Le  mi- 
nistre Landois  joua  sous  ce  duc  un  rôle  brillant  :  on  le  trouve 
mêlé  à  toutes  les  affaires  importantes  de  la  Bretagne;  et, 
après  avoir  long-tems  abusé  de  la  confiance  illimitée  de  son 
maître,  il  finît  par  tomber  victime  de  la  fureur  populaire. 

A  François  II  succéda  la  célèbre  Anne  de  Bretagne  ,  dont  le 
règne  occupe  avec  raison  une  grande  place  dans  l'ouvrage 
de  M.  Daru.  Ce  fut  par  le  mariage  de  cette  princesse  avec 
Charles  VIII  que   la   Bretagne  fut  réunie  à  la   couronne  de 
France,  et  qu'elle  perdit  son  antique  indépendance.  L'histo- 
rien contredit  à  ce  sujet  diverses  assertions  de  ses  prédéces- 
seurs. Gaillard  a   représenté  le  mariage  d'Anne  de  Bretagne 
avec  le  roi  de  France  comme  un  sacrifice  fait  au  salut  des  Bre- 
tons, et  il  croit  que,  par  ce  mariage,  elle  obtint  la  liberté  du 
duc  d'Orléans,  qui  l'aimait,  dit-on,  éperdument,  et  qui  finit 
par  l'épouser,  lorsqu'à  son  tour  il  monta  sur  le  trône,  sous  le 
nom  de  Louis  XII.  M.  Daru  représente  la  princesse  assiégée 
dans  Rennes,  voyant  tout  le  territoire  de  Bretagne  envahi  par 
les  troupes  françaises,  et  n'ayant  d'autre  ressource  que  l'ac- 
ceptation du  trône  que  le  roi  de  France  lui  offrait  à  la  tête  de 
son  armée.  Quant  au  duc  d'Orléans,  il  était  sorti  de  la  tour 
de  Bourges  un  an  avant  le  mariage  de  la  princesse.  M.  Daru  a 
consulté  l'acte   original  du  mariage  conservé  au    Trésor  des 
chartres,  et  n'y  a  point  trouvé  la  clause  relative  à  la  succes- 
sion de  ses  enfans  au  duché  de  Bretagne,  que  J'on  a  intercalée 
dans  les  copies.  «  Aucune  clause  de  ce  contrat,  dit  l'auteur,  ne 
règle  les  droits  des  enfans  qui  doivent  naître  de  ce  mariage.  On 
ne  peut  supposer  que  ce  soit  un  oubli,  et  on  est  autorisé  à  con- 
jecturer que  ce  fut  une  omission  volontaire  de  la  part  des  mi- 
nistres de  Charles  VIII...  Si  Anne  n'eût  laissé  que  des  filles , 
la  couronne  de  Bretagne  eût  incontestablement  appartenu  à 
l'aînée;  mais  c'est  probablement  parce  qu'il  n'y  avait  pas  moyen 
d'éluder  cet  aveu  que  les  ministres  de  Charles  VIII  évitèrent 
de  parler  des  droits  des  enfans  dans  le  contrat  de  mariage,  s'en 
remettant  à  la  supériorité  des  forces  du  roi  futur  pour  retenir 
une  si  importante  possession...  Il  fallait  qu'Anne  de  Bretagne 


SCIENCES  MORALES.  67 

lui  dans  une  situation  bien  critique  lorscjn Clic  donna  sa  main 
à  Charles  \  III  ,  pour  n'avoir  pas  lait  stipuler  les  intérêts  de  ses 
enfuis  et   le  sort  de  son   duché,  u   C'est  de  l'époque  OÙ  la  jeune 

reine,  âgée  de  quinze  ans,  belle,  instruite,  spirituelle  et  de 
nuïuirs  très  pitres,  vint  briller  à  la  cour  de  France,  que 
I\ï.  Daiu  date  la  passion  du  duc  d'Orléans  pour  elle.  Sept  ans 
«après  ,  cette  princesse,  devenue  veuve,  donna  sa  main  à  celui 
qui  l'avait  aimée  avec  tant  de  constance,  et  elle  supplanta  sur 
le  trône  l'épouse  légitime  de  Louis  XII,  qu'on  abreuva  de 
dégoûts  et  de  cbagridS  pour  la  contraindre  au  divorce,  après 
une  union  de  vingt-deux  ans. 

Montée  pour  la  seconde  fois  sur  le  trône  de  France,  Anne 
développa  son  caractère  impérieux.  Elle  partit  pour  la  Bre- 
tagne pendant  une  maladie  du  roi,  afin  de  s'assurer  la  posses- 
sion de  cette  province;  et  comme  le  maréchal  de  Gié  osa  faire 
arrêter  sur  la  Loire  les  bateaux  qui  portaient  ses  bagages,  elle 
voua  à  ce  maréchal,  fidèle  à  son  maître  et  à  la  France,  une 
haine  implacable,  et  lui  suscita  un  procès  criminel.  Elle  voulut 
marier  sa  fille  Claude  à  Charles  d'Autriche,  et  lui  donna  en 
dot  la  Bretagne.  Mais  les  députés  aux  états  généraux  de  la 
Bfovince  présentèrent  requête  au  roi,  pour  le  supplier  de  ne 
point  souffrir  que  la  Bretagne  passât  sous  la  domination  d'un 
prince  étranger.  Le  mariage  projeté  fut  rompu,  en  dépit  de  la 
reine,  et  sa  fdle  fut  unie  au  jeune  duc  d'Angoulème,  que 
Madame  Anne  ne  pouvait  souffrir. 

Après  le  règne  de  Louis  XII  et  d'Anne  de  Bretagne,  la  reine 
Claude  céda  son  duché  à  François  Ier,  son  époux  ;  et  ce  prince 
opéra  la  réunion  définitive  de  la  Bretagne  à  la  couronne  de 
France  ;  réunion  que  le  roi  fit  solliciter  par  les  états  même 
de  la  province,  mais  sur  laquelle  la  ligue  ne  tarda  pas  à  revenir 
après  l'extinction  de  la  race  des  Valois. 

Les  guerres  de  la  ligue  firent  de  grands  ravages  en  Bretagne. 
La  ville  de  Saint-Malo,  profitant  des  troubles,  se  sépara  de 
l'autorité  royale  ,  et  se  gouverna  quelque  tems  en  république. 
Cet  épisode  est  un  des  faits  curieux  sur  lesquels  M.  Daru  a  eu 
tort,  ce  me  semble,  de  passer  aussi  légèrement;  il  est  raconté 

5. 


tâ  SCIENCES  MORALES. 

avec  plus  de  détails  et  d'intérêt  dans  d'autres  ouvrages,  entre 
autres  dans  Y  Histoire  des  ducs  de  Bretagne  ;  Paris,  1739.  N'est-ce 
pas  un  événement,  en  effet,  remarquable  que  cette  petite  révo- 
lution dînant  laquelle  les  bourgeois  d'une  ville  dominée  par  un 
château  royal  méditent  et  exécutent  l'assaut  de  la  forteresse, 
tuent  le  gouverneur  qui  les  avait  traités  avec  inhumanité,  orga- 
nisent un  gouvernement  démocratique,  se  ménagent  des  intel- 
ligences au  dehors,  et  réussissent  à  maintenir  leur  indépendance 
jusqu'à  ce  que  Henri  IV  eût  pris  les  rênes  de  l'état  ? 

Sous  les  règnes  suivans,  la  Bretagne  n'est  plus  une  province 
indépendante;  elle  n'a  plus  d'histoire  particulière  :  à  peine 
quelques  insurrections  rappellent-elles  le  caractère  prononcé 
des  anciens  Bretons.  M.  Daru  passe  rapidement  sur  les  deux 
derniers  siècles.  L'époque  de  la  révolution  française  n'y  oc- 
cupe même  aucune  place.  Peut-être  néanmoins  la  manière  dont 
cette  révolution  se  manifesta  en  Bretagne  devait  mériter  l'at- 
tention de  l'historien;  la  fédération  bretonne  surtout  est  un 
événement  trop  remarquable  pour  être  oublié  dans  une  his- 
toire complète  de  la  Bretagne  ;  j'ignore  le  motif  qui  a  décidé 
M,  Daru  à  tant  de  brièveté  au  sujet  des  événemens  modernes, 
ou  plutôt  ce  qui  l'a  déterminé  à  ne  point  s'en  occuper.  C'est 
un  défaut  ou  une  lacune  dans  son  ouvrage. 

L'auteur  termine  par  quelques  réflexions  sur  la  situation 
morale  de  la  population  bretonne  ;  je  crois  devoir  en  citer 
une  partie  :  «  Francs ,  braves  ,  laborieux  ,  économes  ,  mais 
méfians  et  obstinés  dans  leurs  préjugés,  les  Bretons  ont  résisté 
au  frottement,  et  ne  se  sont  point  polis  par  le  contact  des 
autres  peuples.  Les  routes,  les  canaux,  les  établissemens  pu- 
blics, sont  encore  chez  eux  fort  loin  de  l'état  de  perfection 
où  ils  sont  portés  dans  les  autres  provinces  du  même  empire; 
il  ne  serait  pas  juste  d'en  rejeter  entièrement  la  faute  sur  la 
négligence  ou  le  machiavélisme  de  l'administration.  Il  est  pos- 
sible sans  doute  qu'un  ministre  se  soit  cru  un  habile  homme 
d'état,  parce  qu'il  laissait  ce  peuple  dans  l'ignorance;  mais  il 
faut  convenir  que  les  Bretons  s'y  prêtaient  merveilleusement. 
Peut-être  faut-il  aussi  attribuer  une  part  dans  ces  déplora- 


SCIENCES  MORALES.  69 

Mes  résultats  à  une  nuire  cause  qu'on  n'a  pas  assez  observée. 
Apres  avoir  passé  plusieurs  siècles  sous  le  régime  féodal  , 
pins  dur  chei  eux  que  dans  les  provinces  voisines,  ces  peu 
pies  étaient  tombés  sous  le  joug  aristocratique.  Les  seigneurs 
avaient  affaibli  le  pouvoir  du  souverain.  Ils  lui  faisaient  la 
guerre  ,  ils  dominaient  dans  les  états  ;  et  S  près  la  réunion  , 
s'ils  avaient  perdu  leur  influencé  dans  le  gouvernement,  ils 
avaient  conservé  de  grands  privilèges  et  la  prépondérance 
dans  l'administration.  1 /assiette  des  impôts,  la  distribution 
des  deniers  publics,  toute  l'économie  intérieure  était  dan",  la 
main  des  nobles  et  des  évêques;  or,  il  n'est  pas  de  la  na- 
ture de  l'aristocratie  de  favoriser  le  développement  de  l'in- 
telligence dans  la  classe  inférieure.  » 

Il  est  inutile  de  faire  remarquer  le  mérite  du  style  de  cet 
ouvrage;  On  y  retrouve  la  force  et  le  naturel  delà  diction  de 
l'histoire  de  A  cuise  ,  depuis  long-tcms  appréciée.  Quant  à  l'es- 
prit qui  domine  dans  cette  histoire,  c'est  le  sentiment  d'un 
homme  éclairé  et  profondément  instruit,  qui  discute  savam- 
ment, qui  expose  les  faits  sous  un  jour  lumineux,  et  qui 
n'apporte  dans  ses  opinions  sur  les  événemens  passés  aucun 
des  préjugés  qui  défigurent  la  plupart  des  histoires  de  pro- 
vinces ;  un  auteur  pénétré  des  lumières  du  siècle,  comme 
M.  Daru  ,  sait  s'affranchir  de  cette  rouille  des  vieux  tems. 

Deppitjg. 


Histoire  du  soulèvement  des  Pays-Bas  sous  Philippe  ii  , 
roi  d'Espagne,  traduite  de  V allemand  de  F.  Schiller  , 
par  le  marquis  de  Chateaugiron,  membre  du  conseil 
général  du  département  de  la  Seine  (1). 

Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  cet  ouvrage  de  Schiller  pa- 
raît dans  notre  langue.  Déjà,  en  1821  ,  M.  de  Cloet  en  avait 
publié,  à  Bruxelles,  une  version  française;  mais  le  traducteur, 

(1)  Paris,  18-27  ;  Sautelet  et  compagnie,  a  vol.  in- 8°  ;  prix  ,  12  fr. 


;o  SCIENCES  MORALES. 

ici  vent  catholique,  s'était  prescrit  d'avance  d'omettre  toutes 
les  pages,  les  phrases,  les  membres  de  phrases  où  l'auteur 
allemand  adresse  des  reproches  à  l'église  romaine  et  des  éloges 
au  protestantisme.  Il  ne  nous  appartient  pas  d'apprécier  ici  les 
scrupules  de  M.  de  Cloet;  mais  tant  de  circonspection  nous 
étonne  sous  l'empire  d'un  roi  protestant,  et  à  une  époque  où 
les  gouvernemens  raisonnables  tolèrent  l'expression  de  toutes 
les  opinions  religieuses,  et  laissent  même  aux  Juifs  la  permis- 
sion de  nier  la  divinité  de  Jésus-Christ.  Toutefois,  pour  mettre 
nos  lecteurs  en  état  de  juger  jusqu'à  quel  point  la  conscience 
du  traducteur  flamand  est  timorée,  nous  citerons  l'un  des  pas- 
sages qu'il  a  cru  devoir  supprimer  :  «.  Malgré  les  formes  ri- 
dicules que  les  réformés  donnaient  à  ces  violentes  attaques 
contre  l'église  dominante,  quelques  éclairs  de  raison  y  bril- 
laient parfois,  et  plus  d'un  auditeur,  qui  était  bien  éloigné 
d'être  venu  à  ces  réunions  dans  l'intention  d'y  chercher  la 
vérité,  en  emportait  peut-être  une  parcelle  à  son  insu.» 
{Livre  ni,  chap.  3.  )  M.  de  Chateaugiron  n'a  rien  \u  d'offen- 
sant pour  la  religion  catholique  dans  une  apologie  si  modérée 
de  la  réformation;  et  d'ailleurs  il  a  compris  avec  raison  que 
la  première  obligation  d'un  traducteur  est  de  reproduire  avec 
fidélité  des  sentimens  et  des  opinions  dont  l'auteur  seul  de- 
meure responsable.  La  nouvelle  version ,  plus  correcte  et  plus 
élégante  que  celle  de  1821  ,  est  donc  aussi  plus  complète;  elle 
reproduit  tout  Schiller,  et  les  pages  qu'elle  lui  restitue  ne 
Compromettent  aucunement  sa  réputation  d'impartialité.  Si,  en 
traduisant  quelqu'un  des  historiens  catholiques  qui  ont  raconté 
les  troubles  des  Pays-Bas,  un  protestant  s'avisait  de  retrancher 
tout  ce  qui  blesserait  ses  affections  politiques  ou.  religieuses, 
il  est  probable  qu'il  réduirait  les  quatre  tomes  du  jésuite  Strada 
à  quelques  feuilles,  et  l'ouvrage  du  cardinal  Bentivoglio  à  un 
volume. 

C'est  surtout  en  étudiant  l'histoire  d'une  révolution  qu'on  a 
besoin  de  lire  tour  à  tour  les  écrivains  de  l'un  et  l'autre  parti, 
de  comparer  leurs  récits,  d'en  examiner  les  sources,  d'en  re- 
chercher les  preuves.  On  est  assez  averti  de  la  partialité  d'un 


sciences  MORALES.  71 

jésuite  ou  de  celle  d'un  gueux  dans  cette  grande  lutte  du  pa 
triotisme  hollandais  contre  la  tyrannie  de  Philippe  il,  pour 

se  tenir  en  garde  contre  les  insinuations  ,  les  déclamations,  les 
mensonges  de  l'un  et  de  l'autre;  mais  il  D'en  Tant  pas  moins 
louer  Schiller  de  son  attention  à  éviter  tous  les  pièges  tendus  à 
sa  bonne  foi.  Telle  est  sa  réserve,  nous  dirions  presque  sa  timi- 
dité, qu'il  se  délie  plus  de  ses  propres  affections  que  de  celles 
de  Strada,  et  qu'il  lui  arrive  souvent  de  juger  avec  plus  d'in- 
dulgence les  inquisiteurs  que  leurs  victimes.  En  parlant  de  cer- 
tains hommes  publics  qui  ont  sacrifié  sans  cesse  à  leur  cupidité 
ou  à  leur  orgueil  les  intérêts  de  la  patrie,  il  use  à  leur  égard  de 
tant  de  niénagemens  ou  de  complaisance  qu'ils  prennent  sous 
ses  pinceaux  une  attitude  noble  ou  lière ,  des  formes  presque 
honorables  que  les  historiens  catholiques  même  ne  leur  ont 
pas  toujours  prêtées.  L'auteur  allemand  leur  accorde  du  génie, 
sans  dire  assez  que  c'est  un  génie  malfaisant  au  service  de  la 
tyrannie.  Peut-être  Granvelle,  si  on  ne  l'eût  pas  fait  cardi- 
nal, Viglius,  s'il  n'eût  pas  été  président,  auraient-ils  conservé 
assez  d'indépendance  et  de  lumières  pour  contribuer  à  l'af- 
franchissement des  Pays-Bas,  ou  pour  les  préserver  de  quel- 
ques infortunes;  mais,  décidés  tous  deux  à  s'avancer  dans  la 
carrière  des  honneurs,  ils  renoncèrent  à  tout  scrupule  qui  leur 
en  aurait  fermé  l'entrée;  et,  serviles  instrumens  du  roi  d'Es- 
pagne, ils  firent  le  mal  par  obéissance,  proscrivirent  sans 
colère,  et  massacrèrent  sans  plaisir.  Schiller  nous  semble  se 
tromper  encore  quand  il  prête  à  Berlaimont  un  aveugle  en- 
thousiasme pour  ce  pouvoir  absolu  qui  sans  doute  dégrade  les 
caractères  et  flétrit  les  talens  des  serviteurs  qu'il  soudoie,  mais 
qui  n'a  jamais  de  partisans  fanatiques.  Le  zèle  du  comte  de 
Berlaimont  n'était  que  l'envie  de  conserver  des  dignités  lucra- 
tives, et  d'en  procurer  à  chacun  de  ses  enfans  ;  il  en  avait 
beaucoup,  et  son  dévouement  grandissait  avec  eux.  De  tout 
tems,  et  même  en  ce  seizième  siècle,  où  l'énergie  des  vertus  et 
des  vices  ne  laissait  presque  aucune  place  à  l'hypocrisie,  on  a 
vu  trop  d'hommes  publics  se  croire  obligés  d'être  mauvais 
citoyens,  parce  qu'ils  étaient  pères  de  famille. 


72  SCIENCES  MORALES. 

L'histoire  ne  fournit  pas  d'elle-même  tous  les  détails  dont 
Schiller  compose  ses  portraits;  mais  accoutumé,  dans  des  pro- 
ductions dramatiques,  à  ne  point  présenter  de  personnages  et 
à  ne  point  laisser  de  caractères  indécis,  il  cède  volontiers  à 
cette  habitude  en  écrivant  des  annales,  et  consent  ainsi  à  res- 
ter moins  vrai  pour  devenir  plus  pittoresque  :  il  sacrifie  la 
fidélité  qu'on  attend  de  lui  aux  effets  qu'il  veut  obtenir.  De  là  , 
des  physionomies  nouvelles  prêtées  à  des  personnages  aupa- 
ravant mieux  connus,  et  de  fausses  couleurs  appliquées  parfois 
aux  événemens  qui  ouvrent  l'histoire  de  la  révolution  flamande. 
Souvent  même  le  poëie  efface  tout-à-fait  l'historien.  Quand ,  à 
propos  d'une  multitude  qui  court  à   la  rencontre  du  prince 
d'Orange  arrivant  à  Anvers,  Schiller- nous  dit  que  «  des  figures 
humaines  semblaient  sortir  tout  à  coup  des  haies,  des  murs, 
des  cimetières,  et  même  du  fond  des  tombeaux,  »  (liv.  m,  c.  3), 
n'est-ce  pas  le  style  et  la  licence  de  la  scène  romantique?  Loin 
de  nous  pourtant  la  pensée  de  reprocher  à  cet  écrivain  les 
figures,  quoique  si  hardies,  dont  il  parsème  sa  diction  histo- 
rique :  mais  cette  imagination  si  riche  qui  colore  ses  récits,  qui 
en  varie  les  teintes,  devait-il  la  prendre  pour  une  source  de 
l'histoire  elle -même,  et  y  puiser  avec  tant  de  liberté  les  détails 
qui  lui  convenaient  pour  achever  ses  portraits  et  compléter  ses 
narrations? 

Il  s'en  faut  que  Schiller  eût  étudié,  ou  même  connu  tous  les 
historiens  qui  avant  lui  avaient  raconté  le  soulèvement  des 
Pays-Bas  ;  c'est  ce  qu'attestent  les  notes  souvent  importantes 
et  toujours  judicieuses  deM.de  Châteaugiron;  cependant  ,^ce 
traducteur  ne  fait  pas  lui-même  mention  de  quelques  relations 
originales  qui  lui  auraient  fourni  les  moyens  soit  de  confirmer, 
soit  de  rectifier  les  récits  de  son  auteur.  Nous  signalerons  par- 
ticulièrement l'Histoire  des  Pays-Bas  depuis  i56o  jusqu'à  la  fin 
de  1602  (par  Jean-François  le  Petit)  à  Saint-Gervais,  1604,  par 
Jean  Vignon ,  2  volumes  in-8°,  ouvrage  devenu  rare,  et  qui 
néanmoins  mérite,  autant  que  les  livres  de  Meteren  et  du  pré- 
sident de  Thou,  l'attention  de  ceux  qui  étudient  sérieusement 
cette  époque.  Us  y  rencontreront  des  détails  que  ces  deux  écri- 


SCIENCES  MORAL]  7I 

Vains  ont  omis,  et  des  pièces  que  le  conseiller  VanderVynekl 
n'a  pas  reproduites,  S'il  tant  louer  Schiller,  ce  n'est  point  assu- 
rément d'avoir  transcrit  les  discours  qu'il  a  plu  à  Strada  el  S 
Bentivoglio  de  mettre  dans  la  bouebe  dé  certains  personnages, 

mais  du  soin  qu'il  a  pris  d'encadrer  dans  ses  récits  les  doeiimeus 
Originaux  qui  expliquent  les  faits,  OU  qui  sont  des  faits  eux- 
mêmes.  Parmi  les  pièces  qu'il  cite  eu  entier  se  trouve  le  com- 
promis dont  les  signataires  s'engageaient  à  exposer  leur  fortune 
et  leur  vie  pour  expulser  des  Pays-Bas  l'inquisition  et  la  tyrannie 
espagnole  (1).  Ce  manifeste  de  la  révolution  flamande  est  dû  à 
Philippe  de  Marnix  ,  seigneur  de  Sainte- Aldcgondc,  qui ,  au 
mois  de  février  t566,  le  rédigea,  ouïe  dicta  du  moins,  en  pré- 
sence de  dix  gentilshommes  qu'il  avait  pour  convives  dans  sa 
maison  de  Bréda.  L'omission  de  ces  détails  et  de  plusieurs 
autres  autorise  à  supposer  que  Schiller  se  proposait  de  revenir 
sur  les  premiers  livres  de  son  histoire,  après  avoir  achevé  les 
derniers  :  il  mourut  sans  avoir  rempli  sa  tâche.  Il  n'a  tracé  en 
quelque  sorte  que  l'avant-scène  de  la  révolution  des  Pays-Bas, 
puisqu'il  s'arrête  en  i56*7,  au  moment  où  commence  l'adminis- 
tration du  duc  d'Albe,  si  ce  nom  d'administration  convient  à  tant 
de  proscriptions  et  de  massacres.  D'Albe  n'a  gouverné  lesPays- 
Bas  que  pendant  huit  années;  mais  ce  tems  lui  a  suffi  pour  livrer 
aux  bourreaux  dix-huit  mille  hérétiques,  sans  compter  les  milliers 
de  citoyens  exterminés  dans  les  batailles,  après  les  victoires,  à 
la  suite  des  trahisons  ou  des  capitulations.  Voilà  de  ces  tableaux 
que  le  pinceau  tragique  de  Schiller  eût  retracés  sans  efforts,  et 
avec  une  effrayante  vérité.  Ce  qu'il  a  fait  donne  à  regretter 
qu'il  n'ait  pu  achever  ce  travail.  I!  avait  senti  l'intérêt,  deviné 
la  beauté,  compris  l'importance  de  son  sujet,  et  son  enthou- 


(1)  M. de  Châteaugiron  dit  que,  malgré  toutes  ses  recherches,  il  n'a 
pu  trouver  cette  pièce  importante,  en  français  et  en  entier,  que  dans 
Y  Histoire  générale  de  la  guerre  de  Flandre,  par  G.  Chappuys.  On  la  lit 
aussi  dans  Y  Histoire  des  Pays-Bas ,  par  J.  F.  Le  Petit  ,  t.  i,  pag.  n3 
à  116  ,  et  dans  Y  Histoire  des  Provinces-Unies ,  t.  xliii,  pag.  5 19  et  5ao 
de  la  collection  in-4Q  intitulée  :  Histoire  universelle  d'après  l'anglais. 


7i  SCIENCES  MORALES. 

Masme  impartial  eût  peut-être  servi  d'autant  mieux  la  liberté 
civile  et  religieuse,  qu'il  combattait  le  despotisme  avec  respect 
et  le  fanatisme  avec  mesure.  Sans  trop  suivre  ces  derniers 
exemples  de  Schiller,  ceux  qui  essaieront,  après  lui,  d'écrire 
les  glorieuses  annales  de  la  révolution  des  .Pays-Bas  pourront 
encore  le  prendre  quelquefois  pour  guide  et  souvent  pour 
modèle.  Crussolle-Lami. 


Voyage  de  la  Grèce  ,  par  F.  C.  H.  L.  Pouqueville  , 

consul-général  de  France  auprès  a"  Ali  ,  Pacha  de 
Janina  ;  membre  de  V Académie  des  inscriptions  et 
belles -lettres  de  V  Institut  de  France.  Deuxième  édi- 
tion (i). 
Histoire  de  la  régénération  de  la  Grèce  ,  compre- 
nant le  Précis  des  événement  depuis  iy4°  jusqu'en 
1824  ;  par  le  même  ;  avec  cartes  et  portraits.  Deuxième 
édition  (2). 

Le  voyage  de  M.  Pouqueville  parut  pour  la  première  fois 
dans  le  moment  le  plus  favorable.  La  Grèce,  jadis  consacrée 
par  les  miracles  du  patriotisme,  mais  souillée  depuis  par  l'es- 
clavage, venait  alors  de  briser  ses  chaînes,  et,  comme  les  lieux 
saints  profanés,  attendait  du  sang  des  martyrs  une  nouvelle 
consécration.  Tous  les  regards  étaient  fixés  sur  les  exploits  des 
Hellènes  ;  le  livre  qui  faisait  connaître  le  théâtre  de  leurs 
combats  devait  se  répandre  rapidement.  Toutefois,  on  aurait 
tort  d'attribuer  aux  circonstances  le  succès  qu'il  a  obtenu.  A 
toute  autre  époque,  ce  succès,  moins  général  peut-être,  et 
surtout  moins  prompt,  eût  été  tout  aussi  grand.  Il  serait  diffi- 


(1)  Paris,  1826  et  1827;  Firmin  Didot  père  et  fils,  rue  Jacob, 
n°  a4-  6  vol.  in-8°,  avec  deux  cartes  de  la  Grèce,  collées  sur  toile,  et 
renfermées  dans  un  étui;  prix,  60  fr. 

(2) Paris,  i8a5  ;  Firmin  Didot.  4  vol.  iû-8Qj  prix,  35  fr. 


SCIENCES  MORALES.  fi 

elle  de  citai  un  aune  outrage  du  mène  genre  <>"  I  <>"  trouvât 
jilus  d'érudition  el  <!<•  science ,  une  étude  plus  approfondie  des 

li»Mi\,  icK  (|i i'i ls  mm  maintenant  ai  tels  (pi'ils  paraissent  avoir 
été  jadis,  enfin  des  notions  plus  étendues  sur  tout  ce  qui  peut 
intéresser  l'observateur. 

Après  avoir  public  un  Vqyoge  <n  JHorée,  à  Constantinople 
H  en  Ailxinic  ,  fruit  d'uu  premier  séjour  daiis  l'Orient,  M.  Pou- 
queville,  nommé  en  t8o5  consul-général  à  Janine ,  fut  chargé 
par  If  gouvernement  français  de  parcourir  la  terre  classique, 
de  l'étudier  avec  une  attention  scrupuleuse,  et  de  rédiger  une 
description  exacte  des  lieux,  un  exposé  complet  des  institutions 
politiques  et  des  mœurs  de  la  population.  L'habitude  de  parler 
le  grec  moderne  et  de  lire  le  grec  ancien,  des  connaissances  en 
physique  et  en  histoire  naturelle,  devaient  l'aider  beaucoup  à 
remplir  les  vues  du  ministère.  Il  a  résidé  dix  ans  auprès  du 
satrape  de  Janina,  et  l'investigation  de  la  Grèce  l'a  constam- 
ment occupé.  Voilà  bien  des  moyens  de  parvenir  à  l'exacti- 
tude. 

Ces  moyens  cependant  n'auraient  pas  suffi,  sans  une  bonne 
méthode.  An  bout  de  trois  ans  passés  en  Albanie,  l'auteur  se 
crut  assez  riche  en  matériaux  pour  essayer  de  faire  connaître 
l'Epire  et  l'illyrlc  macédonienne.  Il  avait  commencé  par  recher- 
cher ce  que  furent  ces  deux  pays  aux  tems  les  plus  reculés, 
pour  redescendre  par  degrés  jusqu'à  leur  état  actuel.  Mais 
bientôt  il  s'aperçut  que  son  édifice,  élevé  sur  des  ruines  ,  man- 
quait d'une  base  solide;  il  recommença  ce  qu'il  croyait  ter- 
miné; et  procédant  en  sens  inverse  de  ses  premières  opérations  , 
il  partit  de  l'état  moderne  pour  arriver  aux  siècles  héroïques.  Les 
traditions  les  plus  vulgaires,  les  plus  ridicules  même,  le  mirent 
quelquefois  sur  la  voie  de  découvertes  utiles.  Il  consulta  sans 
relâche  les  cartulaires  des  couvens,  les  archives  des  métro- 
poles, les  chroniques  de  la  conquête  du  Péloponèse  par  les 
croisés,  les  histoires  des  Byzantins,  et  tous  les  livres  modernes 
qui  pouvaient  lui  fournir  quelques  lumières.  Passant  ensuite 
aux  historiens  de  l'antiquité,  il  sut  en  tirer  de  plus  imporians 
secours.  Comme  tous  les  vrais  observateurs,  il  a  reconnu  que 


76  SCIENCES  MORALES. 

ces  grands  hommes  n'étaient  pas  moins  des  modèles  de  fidélité 

que  d'éloquence. 

Une  marche  si  laborieuse  et  si  sage  a  produit  les  plus  heu- 
reux résultats,  surtout  pour  la  description  de  l'Épire.  Plusieurs 
indices  et  de  judicieuses  réflexions  ayant  porté  M.  Pouqueville 
à  reconnaître  dans  le  vallon  de  Janina  l'ancienne  Héllopie,  et 
dans  les  ruines  de  Gardiki  l'Iéron  de  Dodone,  il  s'appuie  sur 
cette  découverte  pour  fixer  la  position  de  la  plupart  des  villes 
de  l'Épire  qui  furent  détruites,  soit  par  les  Romains,  soit,  plus 
tard,  par  les  barbares.  Si  l'on  ne  voyait  dans  ces  recherches 
que  l'aliment  d'une  vaine  curiosité,  on  se  tromperait  étrange- 
ment. Les  investigations  de  ce  genre  peuvent  être,  sous  plusieurs 
rapports,  aussi  utiles  que  curieuses.  D'abord,  elles  jettent  un 
plus  grand  jour  sur  l'histoire  des  guerres  dont  la  Grèce  an- 
tique fut  le  théâtre.  M.  Pouqueville  l'a  bien  senti.  11  suit, 
d'après  ses  nouvelles  données,  la  description  que  Tite-Live 
nous  a  laissée  des  marches  de  Flaminius  et  de  Philippe ,  et  il 
montre  combien  les  récits  de  cet  historien  acquièrent  ainsi  de 
clarté.  En  second  lieu,  connaître  exactement  la  position  des 
principales  cités  détruites  est  un  préliminaire  indispensable,  si 
l'on  veut  diriger  avec  fruit  les  fouilles  que  les  Grecs  modernes 
ne  manqueront  sans  doute  pas  d'entreprendre  lorsque  la 
victoire  leur  permettra  d'employer  la  bêche  h  un  autre  usage 
qu'à  creuser  des  fossés  et  à  élever  des  retranchemens.  Enfin  ,  et 
je  m'étonne  que  le  savant  auteur  n'ait  pas  fait  cette  re- 
marque ,  les  sites  choisis  par  les  anciens  pour  les  fondemens 
de  leurs  villes,  et  ce  que  leurs  écrivains  nous  ont  transmis  sur 
la  salubrité  plus  ou  moins  grande  de  chacune  de  ces  habita- 
tions, seront  les  guides  les  plus  sûrs  que  les  Hellènes  puissent 
choisir  dans  la  reconstruction  de  la  Grèce  ;  l'état  où  se  trouvait 
leur  pays,  lorsqu'il  était  vivifié  par  l'indépendance,  pouvant 
seul  leur  faire  présumer  ce  qu'il  sera,  quand  les  ruines,  les 
marais,  les  fanges  fétides  et  les  exhalaisons  meurtrières  qu'y 
répandit  le  despotisme  en  auront  disparu  avec  lui. 

Mais  ces  découvertes  dont  on  ne  saurait  nier  l'utilité,  du 
moment  qu'on  les  aurait  constatées,  sont  elles  mêmes  sujettes 

H 


SCIENCES  MOR  W.F.s.  77 

à  contestation  :  elles  se  fondent  toujours  nécessairement  mu 
quelque  chose  d'hypothétique.  Bfalgré  toute  L'érudition  que 

l'auteur  emploie  à  les  prouver,  et  encore  bien  qu'il  parvienne  à 

les  Caire  paraître  vraisemblables,  quelques  lecteurs  n'y  verront 
peut-être  que  d'ingénieuses  et  savantes  conjectures,  et  je  n'ose- 
rais moi-même  affirmer  qu'elles  soient  toutes  exactes.  Le  voile 
de  l'antiquité  peut,  même  en  se  déchirant,  tromper  encore  les 
yeu\  de  l'observateur  le  plus  éclaire.  Un  pareil  inconvénient 
n'est  point  à  craindre  dans  le  tableau  de  l'Kpire  moderne.  Il 
ne  s'agit  plus  ici  de  conjectures,  mais  d'observations  positives. 
Aussi  l'auteur  nous  fait-il  parfaitement  connaître  cette  belle  et 
malheureuse  contrée.  Il  décrit  avec  netteté  les  chaînes  de 
montagnes  qui  la  bornent  ou  la  divisent,  le  partage  des  eaux 
qii  coulent  de  ces  hauteurs  pour  la  fertiliser,  les  différens 
climats  qu'on  y  rencontre,  et  tout  le  littoral  de  la  mer  qui  la 
baigne.  A  ces  recherches  sur  la  géographie  physique,  il  réunit 
tous  les  élémens  d'une  statistique  complète,  c'est-à-dire  les 
notions  les  plus  certaines  sur  les  divisions  territoriales  établies 
par  le  gouvernement  civil,  sur  les  circonscriptions  ecclésiasti- 
ques ,  la  population ,  la  situation  et  l'état  des  villes ,  des  villages, 
des  routes;  sur  les  revenus,  sur  les  impôts,  sur  l'industrie,  sur 
l'agriculture.  Souvent  ses  relations  sont  si  précises,  qu'en  le 
suivant  dans  ses  doctes  excursions,  on  se  rend  compte  de  la 
forme  même  des  objets;  on  croit  apercevoir  les  moindres 
accidens  du  terrain.  Toutefois ,  son  livre  n'offre  point  cette 
sorte  d'aridité  que  présentent  d'ordinaire  les  ouvrages  du 
même  genre.  Il  mêle  fréquemment  aux  descriptions  scientifiqu  e 
des  souvenirs  pleins  d'intérêt,  des  rapprochemens  heureux.  Is 
marche  sans  cesse  entre  des  tableaux  de  deuil  et  des  vestigesl 
de  gloire.  Les  fureurs  des  despotes  ont  jalonné  sa  roule  de 
monumens  si  hideux,  que,  pour  rester  observateur  fidèle,  ii 
doit  devenir  écrivain  passionné.  J'en  citerai  un  exemple. 
M.  Pouqueville  est  conduit  par  ses  recherches  dans  la  ville  de 
Cardiki,  dont  on  sait  que  le  visir  de  Janina  fit  massacrer  tous 
les  habitans. 

«J'avais  visité,  dit-il,  cette  ville  florissante;  j'avais  connu 


-S  SCIENCES  vMORALES. 

ses  familles  patriciennes  unies  par  les  liens  du  sang  aux  pre- 
mières maisons  de  l'Epire;  j'avais  été  témoin  de  ses  malheurs 
récens,  quand  j'en  approchai  pour  la  seconde  fois;  et  malgré 
la  résolution  que  j'affectais,  je  fus  frappé  de  terreur  en  y 
entrant.  Je  frissonnai  en  voyant  les  mosquées  abandonnées,  les 
rues  désertes  et  silencieuses,  et  le  deuil  d'une  ville  entière 
privée  de  ses  habitans.  Les  pas  de  nos  chevaux  étaient  les 
seuls  bruits,  nos  voix  les  seules  intonations  auxquelles  l'écho 
endormi  répondît  en  se  réveillant  du  fond  des  tombeaux.  Par- 
tout se  présentait  l'image  de  la  désolation,  ouvrage  du  satrape 
de  l'Épire.  Les  bains  publics  ouverts,  les  portes  des  maisons 
brisées,  des  pans  de  mur  écroulés,  des  rues  incendiées,  et 
pour  êtres  vivans  quelques  sinistres  jacals,  ou  des  chiens  deve- 
nus presque  sauvages,  qui,  par  leurs  hurlemens,  paraissaient 
nous  demander  leur  maître  et  invoquer  la  pitié  :  voilà  ce  qui 
restait  de  Cardiki.  Nous  nous  assîmes,  comme  dans  le  désert, 
auprès  d'un  puits,  d'où  mes  regards  se  portèrent  tristement 
sur  l'horizon,  dont  je  comparai  l'aspect  au  relevé  que  j'en 
avais  fait  dans  des  tems  plus  heureux.  »  (T.  n,  p.  24.) 

Après  nous  avoir  fait  parcourir  les  diverses  contrées  de 
l'Épire,  M.  Pouqueville  consacre  deux  chapitres  à  des  aperçus 
généraux  sur  cette  province.  11  ne  donne  que  comme  un  essai 
ses  observations  sur  la  minéralogie;  cependant  elles  peuvent 
être  utiles.  Mais,  Ce  qu'on  verra  certainement  avec  plaisir, 
c'est  la  peinture  des  tremblemens  de  terre  si  fréquens  dans  la 
vallée  de  Janina,  le  tableau  du  changement  des  saisons  et  de 
l'état  de  la  campagne  aux  différens  mois  de  l'année.  On  ne 
pourra  surtout  lire  sans  émotion  tout  ce  que  l'auteur  raconte 
de  la  misère  des  paysans  épirotes,  et  de  l'oppression  qui  pèse 
sur  euXï 

En  passant  de  l'Épire  dans  les  autres  provinces  grecques , 
INI.  Pouqueville  nous  avertit  qu'il  n'a  eu  pour  les  étudier  ni 
le  même  loisir  ,  ni  les  mêmes  facilités.  Une  politique  soupçon- 
neuse lui  a  refusé  l'accès  de  certains  pays;  et  pour  compléter 
son  travail,  il  a  été  forcé  de  joindre  à  ses  observations  per- 
sonnelles celles  des  voyageurs  qui  avaient  le  mieux  connu  ce 


SCIENCES  MORALES.  7g 

qu'on  l'empêchait  de  voir.  Ainsi,  dans  la  Macédoine,  ses 
reconnaissances  particulières  s'arrêtent  à  !a  vallée  de  la  Dévol  : 
mais  un  observateur  éclairé  lui  a  fourni  les  matériaux  néces- 
saires pour  achever  la  description  de  rillyric  macédonienne  et 
de  là  Dassarettte;  le  dis  aîné  de  M.  Barbier- Dubocaoe  lui  a 
remis  un  itinéraire  de  Thcssaloniquc  à  Pella  ;  et  son  frère, 
M.  Hugues  Pouqueville,  le  récit  d'un  voyage  à  travers  la  Bosnie 
et  la  partie  septentrionale  de  la  Macédoine.  Ailleurs,  il  s'est 
servi  de  document  empruntés  à  MM.  Holland,Gell,Dodwell 
et  Smart  Hugues.  Enfin,  dans  la  description  de  l'Argolide,  de 
l'.Yrcadie  et  de  la  Laconie,  il  cite  des  fragmens  pleins  d'intérêt 
qui  doivent  faire  partie  de  la  relation  d'un  Voyage  dons  le 
Levant ,  dont  M.  Ambroise-Firmin  Didot  a  publié,  il  y  a  deux 
ans,  un  premier  volume  remarquable  par  des  réflexions  im- 
portantes sur  les  lieux,  les  hommes,  les  institutions,  par  des 
vues  généralement  sages,  quelquefois  étendues  ,  et  par  le  talent 
de  décrire  réuni  à  celui  d'observer. 

Tous  ces  précieux  secours  ont  permis  à  M.  Pouqueville  de 
nous  offrir  le  tableau  de  la  Grèce  entière.  Mais  il  n'est  pas  une 
seule  province  du  continent  dans  laquelle  ce  laborieux  voya- 
geur n'ait  fait  lui-même  de  savantes  recherches,  et  dont  il  ne 
décrive  certaines  parties  avec  autant  de  soin,  de  précision  et 
de  détails  qu'il  en  a  mis  dans  la  peinture  des  contrées  de  l'Épire 
qu'il  avait  le  plus  fréquentées.  Je  citerai,  par  exemple ,  ses  des- 
criptions du  fameux  vallon  de  Tempe,  de  la  ville  de  Nauplie , 
et  des  ruines  de  Corinthe. 

A  ces  itinéraires  si  variés  succèdent  des  morceaux  d'un  in- 
térêt plus  général  et  plus  puissant  encore,  où.  il  examine  et 
juge  les  diverses  nations  qui  habitent  les  lieux  dont  il  vient  de 
tracer  la  statistique.  Après  avoir  étudié  l'Épire  et  la  Macédoine, 
il  s'arrête  pour  rechercher  l'origine  des  Albanais  ou  Schype- 
tars  qu'on  rencontre  principalement  dans  ces  deux  provinces, 
et  pour  nous  faire  connaître  leurs  usages,  leurs  mœurs,  ainsi 
que  le  caractère  physique  de  leurs  différentes  peuplades.  Rien 
de  plus  curieux  que  tout  ce  qu'il  raconte  de  ces  barbares  qui 
tiennent  à  la  fois  de  nos  aïeux  du  moyen  âge  et  des  sauvages 
de  l'Amérique. 


8o  SCIENCES  MORALES. 

Le  denier  volume  est  rempli  presque  en  entier  par  le  ta- 
bleau de  la  législation,  des  croyances  religieuses,  des  moeurs 
et  de  l'éducation  chez  les  deux  peuples  qui  se  disputent  la 
Grèce... 

Au  moment  où  les  Grecs  se  préparaient  à  prendre  place 
parmi  les  nations,  toutes  les  nations  devaient  désirer  de  voir 
paraître  un  ouvrage  capable  de  fixer  leurs  idées  sur  le  carac- 
tère du  peuple  nouveau  qui ,  naissant  à  la  liberté ,  sous  les 
auspices  de  la  victoire,  venait  augmenter  la  grande  famille 
européenne.  M.  Pouqueville  retrace  la  vie  morale  et  intellec- 
tuelle des  Grecs  jusque  dans  les  moindres  détails.  Adminis- 
tration civile  et  religieuse ,  croyances,  préjugés  populaires, 
habitudes  ,  inclinations  ,  travaux  de  l'agriculture  et  de  l'in- 
dustrie ,  il  fait  tout  passer  sous  nos  yeux.  Aucun  livre  sur  ce 
sujet  n'offre  autant  d'instruction  ,  ne  rassemble  autant  de  faits. 
Mais  il  est  certains  points  sur  lesquels  je  ne  puis  être  d'accord 
avec  l'auteur;  et  je  crois  devoir  discuter  ceux  de  ses  récits  ou 
de  ses  jugemens  qui  me  paraissent  exagérés  ou  inexacts.  J'ai 
vu  souvent  des  hommes  impartiaux  s'appuyer  sur  son  témoi- 
gnage dans  les  reproches  qu'ils  adressaient  aux  Hellènes  ,  et 
se  prévaloir  d'autant  plus  de  son  opinion  que  personne  ne 
pouvait  mettre  en  doute  ses  intentions  généreuses.  On  me  par- 
donnera, j'espère,  de  donner  quelque  étendue  à  cette  partie 
de  mon  analyse. 

Pour  commencer  par  l'objet  le  moins  important ,  il  me 
semble  que  M.  Pouqueville  s'exprime  d'une  manière  beau- 
coup trop  générale,  en  assurant  qu'on  refuse  aux  jeunes 
Grecques  les  premiers  êlémens  de  la  lecture  et  de  V écriture.  Je 
ne  citerai ,  pour  le  combattre ,  que  des  autorités  bien  connues. 
M.  Edward  Blaquière  a  rencontré  en  Grèce  plusieurs  jeunes 
filles  qui  possédaient  au  moins  ces  faibles  commencemens  d'ins- 
truction. M.  Ambroise-Firmin  Didot  a  vu  ,  dans  Cydonie ,  une 
jeune  Grecque  qui  parlait  le  français  ,  l'italien,  et  le  grec 
ancien  le  plus  pur,  qui  savait  parfaitement  les  mathématiques  , 
et  s'occupait...  de  l'étude  des  sections  coniques  de  Newton  (i). 

(i)  Notes  d'un  Voyage  dans  le  Levant ,  page  3j5. 


SCIENCES  MORALES.  Ri 

Enfin,  le  vénérable  M.  Corel,  dans  son  Mémoire  sur  l'état  de. 
ta  civilisation  en  Grèce,  publié  il  y  a  vingt-quatre  ans,  dit 
expressément  :  Les  riches...  donnent  une  éducation  plus  soignée 
à  leurs  en/ans  ,  sans  en  excepter  ceux  du  sexe  ,  exclu  jusqu'ici  de 
toute  espèce  d 'instruction  ,  comme  il  était  exclu  du  commerce 

même  le  plus  innocent  avec  les  hommes.  M.  Po  11  que  ville  a  donc 
rapporté  comme  encore  existant  un  usage  dont  on  s'est  écarté 
depuis  bien  des  années.  Ne  montre- t-il  pas  aussi  une  exces- 
sive sévérité  lorsqu'il  nous  dit  que  la  conscience  nationale  des 
Grecs  leur  fait  regarder  l'usure  et  la  fraude  comme  des  moyens 
licites  de  gain  (tome  vi  ,  page  i85)  ?  Quant  à  l'usure ,  on  doit 
remarquer  que  le  même  taux  d'intérêt,  qui  parmi  nous  serait 
monstrueux,  pouvait  n'avoir  rien  de  révoltant  dans  un  pays 
où  le  caprice  d'un  despote  menaçant  toujours  toutes  les  for- 
tunes, rendait  immenses  les  risques  du  prêteur.  Mais  aucune 
circonstance  ne  peut  excuser  la  fraude,  et  il  me  semble  bien 
difiieile  que  la  conscience  dune  nation  n'y  voie  qu'un  moyen 
licite  de  s'enrichir.  M.  Pouquevillc  n'aurait  il  pas  été  induit 
en  erreur  par  des  rapports  qu'ont  multipliés,  de  toutes  parts  et 
depuis  long-tems,  des  rivalités  commerciales?  Dans  tous  les 
cas  ,  je  me  plais  à  reproduire  ici  un  témoignage  à  décharge 
que  je  n'ai  jamais  entendu  démentir.  «  Les  capitaines  hydriotes, 
dit  M.  Coraï  (ouvrage  déjà  cité,  page  28),  ne  connaissent 
guère  ,  dans  leur  cabotage  de  l'Archipel,  ce  qu'on  appelle  dans 
le  commerce  les  connaissemens.  On  leur  confie  des  sommes 
considérables  d'argent  monnoyé  dans  des  sacs  notés  de  la 
marque  des  propriétaires,  et  accompagnés  d'une  simple  lettre 
d'avis.  Arrivés  au  lieu  de  leur  destination  ,  ils  distribuent  les 
lettres  et  les  sacs;  et  loin  qu'on  cite  aucun  exemple  de  mal- 
versation, il  est  arrivé  que  des  sacs  d'argent  restés,  faute  de 
réclamation,  pendant  deux  et  trois  ans  dans  la  caisse  du  capi- 
taine, ont  été  rendus  ,  au  bout  de  ce  tems  ,  aux  propriétaires 
daus  le  même  état  qu'ils  avaient  été  consignés.  » 

Du  reste,  M.  Pouqueville  rend  fréquemment  hommage  à  la 
valeur,  à  la  constance  dans  la  foi  nationale,  à  l'intelligence  na- 
turelle qui  distinguent  les  Hellènes.  Mais  il  me  semble  qu'on 
r.  xxxvi.  —  Octobre  1827.  6 


SCÏEjSCES  morales. 

ne  peut  donner  une  idée  bien  exacte  de  ia  physionomie  mo- 
rale des  Crées,  m  ob  les  considère  comme  une  seule  nation. 
Qu'on  juge  en  masse  les  Français,  les  Anglais  ,  ou  tout  antre 
peuple  dont  un*'  administration  unique  ,  des  positions  uni- 
formes ont  lait  un  ensemble  en  quelque  sorte  homogène  .  à 
la  bonne  heure  :  on  peut  arriver  à  des  résultats  qui  ne  s'é- 
loâgnent  pas  trop  de  la  vérité.  11  n'en  est  pas  ainsi  de  la  Grèce. 
Je  persiste  du  moins  à  croire,  comme  je  l'ai  dit  ailleurs  (0, 
que  ,  pour  bienjngep  les  Grecs,  il  faut  les  diviser  en  trois  classes  : 
ceux  qui  ont  été  souvent  mis  en  contact  avec  l'étranger  par  les 
lui  ni  l/ations  et  te  pouvoir  qu'ils  en  recevaient;  ceux  qui  ne  l'ont 
approché  que  dans  les  combats  qu'ils  soutenaient  contre  lu:  ; 
enfin  ,  ceux  qui  ne  l'ont  connu  que  par  les  malheurs  qu'ils  sup- 
portaient en  silence.  Ces  trois  classes  forment  comme  trois  na- 
tions distinctes  que  des  positions  sociales  entièrement  diffé- 
rentes ont  singulièrement  modifiées  ,  et  qu'on  ne  peut  réunir 
sons  un  même  point  de  vue.  Il  n'y  a  presque  rien  de  commun 
entre  le  pavsan  des  plaines  qui  ne  se  relevait  de  sa  patience 
timide  que  par  sa  résignation  au  martyre,  et  ces  peuplades 
belliqueuses  qui,  ne  pouvant  plus  défendre  les  lieux  d'un 
facile  accès  ,  se  réfugièrent  dans  les  montagnes,  comme  l'élite 
d'une  garnison  ,  forcée  de  quitter  une  ville  en  ruines  ,  se  retire 
dans  la  forteresse  avec  sa  gloire  et  son  drapeau. 

C'est  surtout  à  l'égard  de  ces  braves  ,  que  le  savant  auteur 
me  paraît  tout  au  moins  sévère.  Il  me  saura  gré  lui-même,  j'en 
suis  sûr,  de  combattre  qui  Iqnes-unes  de  ses  assertions,  et  de 
chercher  à  dissiper  l'obscurité  que  des  expressions  contradic- 
toires pourraient  jeter  sur  quelques  autres.  La  plus  fameuse 
dès  peuplades  indépendantes  est,  sans  contredit,  celle  des 
Souiiotes.  n<J-  Pouqueville  a  célébré  avec  enthousiasme  les  Bot- 
zaris  t4  1rs  Tsavellas  dont  ses  récits  ont  répandu  la  gloire. 
ï.'cpi -îîdant  ,  je  ne  puis  souscrire  au  jugement  qu'il  porte  de 
leurs  compatriotes.  Il  semblerait  n'accorder  aux  anciens  habi- 
K*na  de   Souli    d'autre  mérite   que  la    valeur.  La  barbarie  des 


(i)  Ûiscours  ,  lire  de  l'Histoire  du  siège  de  Missola>ighî,  page  \j. 


SCIENCES  MORAL] 

Sotriiôtet  ,  'lil-il,  leur  reuelasie  ,  lettr\  nuenrs  d<  v<i  ^tat  / ,,  -,  -s  ,  //,/. 
firent  ,  au  Uetl  de  libérateurs  ,  qu'un  corps-  arme  (le  hriyjinds.  /.,, 
hnivoiiii-  était  lettlc  honor,  e paMli'CUX  ,  <  I  eefte  fjmiliit-  Dul^tuii  , 
nui  (tppaitit  r/t  au  pâtre  eunkWie  au  lieras  ,  tenait  lien  de  toutes  le:, 
vertus  qu'Us  ne  connaissaient  pas  \  lonic  m  ,  j>.  ftfaof).  Leur  ré- 
publique ,  \  oyons- nous  plus  loin,  n'était  (jii'iinc  anarchie.  Dès 
Cannée  1790,  nno  différence  éitorftlti  s'eiant  établie  entre  lés 
fortunes,  les  plus  riches  coudoyèrent  des  partis,  et...  la  porte 
fut  ouverte  à  In  corruption  et  au.r  crimes  (jui  eu  sont  insépa- 
rables, d 

\c  croirait-on  pas,  d'aprèS  Ce  passade,  que  les  Souliofr.  , 
en  1790,  ressemblaient  à  ees  peuples  'le  nos  jours  où  toutes 
les  idées  nobles  et  patriotiques  ont  fait  place  au  seul  amour  de 
l'or?  L'auteur  ne  paraît-il  même  pas  les  placer  au-dessous  de 
ces  nations  dégradées,  si  honteusement  semblables  aux  Romains 
du  Bas-Empire?  En  bien,  c'est  surtout  de  1790  a  i8o3,  que 
les  annales  de  Souli  rappellent  l'histoire  des  plus  beaux  siècles 
des  grands  peuples  de  l'antiquité.  Il  s'est  trouvé  des  traîtres 
dans  Souli  ,  je  le  sais  :  mais  là  c\i\  moins  on  les  compte;  y 
a-t-il  beaucoup  de  nations  modernes  où  l'on  puisse  les  compter? 
Rien  loin  que  la  valeur  fût  la  seule  vertu  des  Souliotes  ,  où 
trouver  ailleurs  tant  d'exemples  de  désintéressement,  de  fidé- 
lité à  sa  parole  ,  de  dévoûment  ,  de  constance  et  de  grandeur 
d'âme?  Enfin  ,  une  peuplade  anarchique  aurait-elle  pu  ,  quelle 
que  lut  sa  position  ,  résister  si  long-tems  aux  forces  et  à  l'astuce 
du  visir  de  .bmina  ? 

Après  les  vingt  années  de  cette  i tiLI <ï  terrible,  après  ies  mas- 
sacres qui  suivirent  la  trahison  ,  après  dix-sept  ans  d'exil  , 
les  débris  de  la  population  de  Souli  ont  repai  u  dans  la  -Grèce, 
au  premier  cri  de  liberté.  Getto  population  est  maintenant 
presque  éteinte.  Mais,  avant  de  descendre  au  tombeau,  elie 
a  imprimé  une  trace  immortelle  sur  tous  les.  monumens  de  i.i 
nouvelle  gloire  des  Grecs,  Elle1  a  consacré  par  son  sang  tous 
leurs  triomphes;  par  sa  constance ,  tous  leurs  malheurs. 
Hommes  ,  femmes  ,  enfans,  ont  :  ou  jours  été  au  premier  rang  , 
•■■mire    l'ennemi  ,  eonlru   la   faim',    contre    les   dissensions    in- 

6. 


- 


ft|  SCIENCES  MORALES. 

leslines.  Quel  est  le  Grec  moderne  que  l'Europe  entière  a  salué 
du  nom  de  Léonidas?  un  Souliote.  Quels  sont,  avec  Nikitas, 
les  chefs  que  l'accusation  ,  vraie  ou  fausse,  de  rapacité,  n'a 
jamais  atteints  ?  des  Souliotes.  Qui  balança  ,  sous  les  murs  de 
Néocastron  la  baïonnette  et  l'artillerie  légère  des  Égyptiens  ? 
des  Souliotes.  Qui  couvrit  de  plus  de  lauriers  les  brèches  de 
Missolonghi  ?  des  Souliotes.  Qui  commandait  à  Clissova?  un 
Souliote.  A  qui  le  gouvernement  s'adrcssa-t-il  pour  réprimer 
la  turbulente  ambition  de  Colocotroni?  aux  Souliotes.  Certes, 
il  fallait  qu'il  y  eût  quelque  chose  de  bien  grand  et  de  bien 
noble  dans  les  institutions  qui  ont  formé  cette  héroïque  peu- 
plade, regardée,  en  Grèce  même,  comme  la  fleur  de  la  popu- 
lation hellénique. 

Quant  aux  Klephtes,  qui  ne  fondèrent  point,  comme  les 
Souliotes,  un  état  libre  au  milieu  de  la  Grèce  asservie,  mais 
qui  firent  de  ses  montagnes  des  camps  de  refuge  pour  son 
honneur  et  son  avenir,  M.  Pouqueville  les  apprécie  beaucoup 
mieux.  Je  n'ai  point  ici  à  le  combattre  ,  mais  seulement  a,  fixer 
l'attention  sur  les  passages  où  il  leur  rend  une  complète  jus- 
tice. Cette  précaution  me  paraît  nécessaire  pour  empêcher  le 
mauvais  effet  que  pourraient  produire  d'autres  endroits  de  son 
livre  dont  les  expressions  risqueraient  sans  cela  d'être  inter- 
prétées d'une  manière  trop  défavorable  aux  guerriers  de  l'O- 
lympe et  d'Agrapha. 

Dans  la  première  édition  de  son  Voyage,  il  avait  négligé 
leur  histoire.  Une  énumération  honorable,  mais  rapide,  des 
exploits  de  leurs  chefs  les  plus  fameux  se  perdait  au  milieu  des 
détails  sur  la  nation  soumise.  Continuellement  occupé  de  la 
Grèce  esclave,  le  lecteur  apercevait  h  peine  la  Grèce  indé- 
pendante qui  n'a  jamais  oublié  ces  nobles  paroles  de  Thucy- 
dide :  Le  bonheur  est  dans  la  liberté  ,  la  liberté  dans  le  courage. 
Des  expressions  peu  mesurées  achevaient  de  donner  une  idée 
peu  juste  de  ces  guérillas  de  l'Olympe ,  aussi  dignes  des  re- 
gards de  l'histoire  que  celles  dont  se  couvrirent  les  rochers  des 
Asturies ,  au  moment  où  le  croissant  dominait  sur  les  plaines 
espagnoles.  De  nouvelles  réflexions,  produites  peut-être  par 


SCIENCES  MORALES.  H 

la  lecture  (!<•  l'excellent  discours  de  M.  Pauriel  (i),  ont  engagé 
l'auteur  à  remplir  cette  lacune  dans  l'édition  qu'il  vient  de 

publier.   Il  consacre  aux  Klephtes  un   chapitre  tout  entier,   le 

quatrième  du  livre  onze.  Là  ,  il  remonte  jusqu'aux  tema  les 

plus  reculés j  OÙ  les  roeliers  de  la  Grèce  devinrent  le  refuge 
d'une  partie  des  esclaves  qui,  n'ayant  plus,  après  leur  fuite, 
d'autre  inoven  de  subsister  que  le  brigandage  ,  fuient  contraints 
de  s'y  livrer.  Il  établit  une  grande  différence  entre  ces  esclaves 
fugitifs  et  les  Grecs  qui  se  retranchèrent  dans  les  montagnes 
pour  échapper  au  joug  de  Rome  victorieuse;  il  demande  avec 
toute  raison  quels  étaient  les  vrais  brigands ,  des  Romains  ou  des 
montagnards  du  Parnasse ,  de  l'OKta  et  du  Cytliéron.  Lorsque 
Sylla  ,  dit -il  plus  loin  ,  eut  réprimé  l'insurrection  de  la  Grèce 
fomentée  par  Mithridate  ,  les  Klephtes  ,  repoussés  de  la  terre  , 
s'élancèrent  sur  les  mers.  Delà,  cette  multitude  de  pirates  que 
Pompée  fut  obligé  de  combattre.  Après  l'établissement  du  chris- 
tianisme dans  la  Hellade ,  les  persécutions  de  Licinius  refou- 
lèrent les  chrétiens  dans  les  cavernes.  Leur  secours  fit  triompher 
Constantin  et  le  Labarum.  L'invasion  des  croisés  français 
doubla  le  nombre  des  Klephtes.  Ce  fut  bien  pis  encore  sous  les 
Turcs.  Les  chrétiens  restés  dans  les  plaines  furent  forcés  de 
subir  le  joug.  Ils  se  trouvèrent  dans  une  attitude  fausse  que 
des  voyageurs  sans  discernement  prirent  pour  de  l'abjection. 

«  Les  Grecs,  poursuit  l'auteur,  étaient,  à  entendre  ces  dé- 
tracteurs de  l'infortune  ,  un  accident  disparate  et  profane  jeté 
mal  à  propos  au  milieu  des  ruines  de  la  Hellade.  Mais  ,  s'ils 
avaient  osé  porter  leurs  regards  vers  les  montagnes  de  la  Sel- 
léïde  ,  du  Pinde  ,  du  Parnasse ,  de  l'Othrys  et  de  l'OEta  ,  quelle 
eût  été  leur  surprise?  Ils  y  auraient  appris  que  l'autorité  même 
de  l'église  a  échoué  contre  ces  superbes  courages  ,  chaque 
fois  qu'elle  a  voulu  s'interposer  pour  les  rappeler  au  joug  de 
l'obéissance  des  sultans...  Quand  les  caloyers  ou  les  prêtres  , 


(i)  Voyez  le  Discours  préliminaire  du  Recueil  des  chants  populaires  de 
la  Grèce  moderne,  avec  la  traduction  française  en  rçgard  ;  Paris,  i8a,4 
et  i8-i5.  a  vol.  in-8°. 


SCiKNCivS   MORALES. 

qui  les  gnidaien;  aux  combats  contre  les  Turcs  ,  étaient,  ainsi 
qu'eux  ,  frappes  d  anathèmes,  et  menacés  de  l'enfer  et  d'appa- 
ritions sinistres,  leurs  rapsodes  répondaient  aux  excommuni- 
cations en  disant  comme  Polydamas  :  «  Je  ne  suis  pas  arrêté 
par  des  craintes  vulgaires ,  et  je  m'inquiète  peu  si  les  oiseaux 
volent  à  droite  vers  l'aurore  ,  du  coté  du  soleil  ,  ou  à  gauche 
\  ers  le  couchant ,  séjour  des  ténèbres...  le  meilleur  des  augures 
est  de  combattre  pour  la  patrie.  »  Ce  fut  de  ces  bandes  que 
m'  composèrent  les  Armatoles  dont  les.  soldats  conservèrent 
cependant  le  nom  de  Klephtes  ou  voleurs...  Ce  fut  à  tort  que 
Lascaris  ,  témoin  des  désastres  de  sa  patrie  ,  ordonna  de  trans- 
crire sur  son  tombeau  élevé  en  Sicile ,  qu'il  n'y  avait  pas  dans 
la  Grèce  un  coin  de  terre  qui  fût  digne  de  donner  la  sépul- 
ture à  un  homme  libre  ;  il  y  eut  toujours  des  citoyens  armés 
et  des  cantons  indépendans...  Ces  braves,  ou  Palicares,  can- 
tonnés dans  les  rochers  de  la  Selléide ,  de  l'Acrocéraune  ,  du 
Pinde  j  du  Parnasse  ,  du  Taygète  ,  sans  se  rallier  aux  drapeaux 
de  Venise,  avaient  conservé  des  cantons  libres  où  ils  s'organi- 
sèrent sous  des  chefs  militaires  qui  furent  appelés  capitaines 
dans  l'Acrocéraune,  polémarques  chez  les  Souliotes  qui  étaient 
partagés  en  phares;  Képhaladès  parmi  les  bandes  du  Pinde  ; 
chefstains  dans  le  Péloponèse.  Leurs  soldats,  connus  d'abord 
sous  la  dénomination  de  Stratiotes  et  de  Palicares  ,  ne  s'enor- 
gueillirent que  plus  tard  de  celle  de  Klephtes  ou  brigands  , 
qui  leur  fut  donnée  par  le  gouvernement  turc  :  c'est  vers 
l'année  i56o  qu'on  les  trouve  ainsi  désignés  dans  quelques 
correspondances  diplomatiques.  Les  Eleuthérolacons  ,  appelés 
ïzacons  par  les  Byzantins,  acceptèrent  à  cette  époque  la  qua- 
Jiîication  de  Maniâtes  ou  Furieux;  les  Cretois  des  Monts- 
i>4l!ùcs,  celle  de  Sphaciotes  ou  E gorge urs  ;  et  les  pirates  de 
1  Archipel  se  glorifièrent  de  l'épithète  de  Levcntis  que  leur  au- 
dace ennoblit ,  aux  yeux  mêmes  des  Turcs.  » 

Ces  fragmens ,  tirés  textuellement  des  pages  232,  233,  234 
et  236  du  tome  iv,  suffisent  pour  contenter  les  plus  chauds 
partisans  des  premiers  insurgés  grecs,  dignes  ancêtres  des 
héros  dont  nous  voyons  les  nobles  efforts.  Ils  montrent  avec 


SCIl,\CKS    MORALES.  8; 

évidence    qu.     s!    (c,    insurges    are.  plerenl    des    denouinr  I  ion -, 

par  elles-mêmes  injurieuses,  ce  fui   uniquement   paire  qu'ils 

.iMiircul  ijiic,  (l;iiis  un   pays  <  ouquis  ,   1rs  injure.-,  do  l'étranger 

siuii  des  litres  d'honneur i  comme  ses  éloges  «les  flétrissures. 
Un  y  yoil  quelle  est  la  véritable  acception  <lu  rtjpl  kèephte  tp-< 
pliqué  aux  montagnards, de  la  iielladr.  (>  n'était  plus  qu'une 
simple  désignation  de  parti  qui  ne  cotiserait  rien  du  sa  pre- 
mière signification^  Pourquoi  donc  M.  Pouqueville  la  traduit -44 

souvent  par  tin   terme  qui,  dans  noire  langue,  ne  rappelle  que 

rcite  signification  ancienne,  et  ne  réveille  que  des  idées  de 
bassesse  et  d'infamie;  idées  bien  différentes  de  celles  que  doit 
apporter  |e  nom  de  cl">  hommes  qui,  pour  nie  servi»'  des 
expressions  de  l'auteur  lui-même  ,  furent  toujours  animes  par 
l'amour  de  la  patrie  ?  Comment  ,  après  avoir  expliqué  si  bien 
ce  qu'étaient  ces  défenseurs  de  la  Grèce,  a-t-il  laissé  ,  dans  sa 
seconde  édition  ,  les  lignes  suivantes  :  Les  Armatotis  s'élauceut 
<!a /i  s  la  cairicre  du  brigandage  avec  une  audace  digne  d'une  plut 
belle  cause?  Ici,  le  mot  brigandage  n'est  plus  emplové  dans 
une  acception  détournée;  les  dernières  paroles  sembleraient 
indiquer  que  l'auteur  veut  parler  de  véritables  brigands. 
Pourquoi  retrouvons-nous  ailleurs  le  repilire  des  bandes  de 
KleplUes  de  l'Etoile?  Pourquoi  plusieurs  comparaisons  des 
Armatolis  avec  les  flibustiers,  et  d'autres  passades  plus  signi- 
ficatifs encore  ,  tendent-ils  à  représenter  les  bandes  des  Grecs 
insoumis  connues  des  hordes  de  brigands  ,  ou  à  jeter  du  moins 
une  confusion  fâcheuse  dans  les  idées  du  lecteur  à  ce  sujet  ? 
Sans  doute,  un  pays  administré  comme  l'était  la  Grèce,  a  dû 
receler  en  assez  grand  nombre  de  véritables  voleurs  de  grand 
chemin.  Bien  des  Turcs,  et  peut-être  aussi  des  Grecs,  ont  dû 
s'arroger  le  droit  d'assassiner  et  de  piller  à  volonté  ,  sans  avoir 
acheté  du  sultan  un  diplôme  de  visir  ou  de  cadi.  Sans  doute 
aussi  quelques-uns  de  ces  misérables  ont  pu  se  joindre  parfois 
aux  montagnards  indépendans  que  leurs  périls  l'orraient  à  ne 
pas  scruter  trop  sévèrement  la  conduite  antérieure  de  ces 
recrues.  Mais  il  aurait  fallu  ,  ce  me  semble,  tracer  une  ligne 
de  démarcation  bien  tranchante  entre  deux  espèces  d'associa 


88  SCIENCES  MORALES. 

lions  si  opposées  ,  appeler  toujours  les  uns  voleurs  ou  bandits, 

les  autres  uniquement  Klephtes. 

Au  surplus,  ces  remarques  ne  peuvent  diminuer  en  rien 
l'estime  que  mérite,  à  tant  de  titres  ,  le  Voyage  de  la  Grèce.  Il 
doit  trouver  place  dans  la  bibliothèque  de  tous  les  admirateurs 
des  Grecs  antiques  et  de  tous  les  partisans  de  la  Hellade  mo- 
derne. Après  l'avoir  lu,  on  sentira  plus  vivement  combien  il 
importe  à  toutes  les  nations  civilisées  que  le  plus  beau  pays 
de  l'Europe  échappe  à  l'influence  pernicieuse  qui  frappe  de 
stérilité  le  sol  le  plus  fécond  et  les  esprits  les  plus  ingénieux, 
qui  infecte  les  plaines,  les  fleuves,  les  villes,  et  ne  permet  pas 
même  aux  malheureux  habitans  de  tirer  du  sein  de  la  terre 
d'innombrables  chefs-d'œuvre,  monumens  encore  inconnus  du 
génie  de  leurs  ancêtres.  On  sentira  mieux  aussi  toute  la  gran- 
deur de  ce  peuple  prodigieux  à  qui  l'espèce  humaine  doit  ses 
premiers  et  ses  plus  beaux  titres  de  gloire;  de  ce  peuple  qui, 
même  dans  la  tombe,  influe  tellement  sur  toutes  les  autres 
nations  que  le  retour  à  ses  exemples  annonce  partout  les 
époques  d'honneur  et  de  génie,  comme  le  mépris  de  ses  leçons 
précède  partout  les  âges  de  honte  et  d'abrutissement.  Les 
hommes  qui  parlent  tant  de  la  Grèce  antique  sans  la  connaître, 
et  qui  attachent  tant  de  prix  à  de  petits  détails  inaperçus  aux 
yeux  du  véritable  politique,  n'apprendront  peut-être  pas  sans 
quelque  élonnement,  je  dirais  presque  sans  quelque  regret, 
que  la  méthode  de  l'enseignement  mutuel,  tant  prônée  comme 
une  découverte  récente,  est  pratiquée,  depuis  un  tems  immé- 
morial,  dans  l'Attique,  dans  le  Péloponèse,  dans  l'Épire,  et 
date,  selon  toute  apparence,  du  siècle  de  Périclès,  si  ce  n'est 
même  du  siècle  d'Harmodius. 

Il  est  des  objets  que  les  yeux  peuvent  seuls  saisir  avec  pré- 
cision. Aussi,  les  ouvrages  où  l'on  se  propose  de  faire  bien 
connaître  un  pays  et  un  peuple  ont-ils  besoin,  pour  atteindre 
complètement  ce  but,  d'être  accompagnés  de  cartes,  de  vues 
perspectives  et  de  figures.  C'est  ce  que  M.  Pouqueville  n'a  point 
oublié.  Il  nous  donne  des  cartes  qui  paraissent  tracées  avec 
beaucoup  de  soin,  des  figures  dont  plusieurs  sont  excellentes; 


SCIENCES  MORALES.  89 

enfin,  des  vues  assez  nombreuses.  Si  Ces  paysagefe  SOnf  en  gé- 
néral d'une  exécution  très-faible,  quelques-uns,  signés  du 
nom  de  M.  Fauvel,  doiven'  avoir  au  moins  le  mérite  de  l'exac- 
titude. 

Le  stvle  offre  assez  souvent  des  expressions  heureuses;  sou- 
vent aussi  on  y  rencontre  des  taches.  Mais  les  défauts  de  Vélo— 
eut  ion  choquent  beaucoup  moins  dans  les  écrits  de  ce  genre 
que  dans  les  ouvrages  purement  littéraires.  Il  en  est  pourtant, 
dans  le  Forage  de  la  Grèce,  qui  peuvent  quelquefois  nuire  à 
la  clarté  du  récit.  Tels  sont  des  équivoques  produites  par  la 
construction  des  phrases,  et  l'emploi  de  certains  mots  tirés 
du  grec  qui,  n'étant  pas  encore  passés  dans  notre  langue, 
doivent  embarrasser  les  lecteurs  étrangers  à  l'idiome  hellé- 
nique; comme,  par  exemple,  ecnêphles  employé  pour  nuages, 
et  hydragogue  mis  à  la  place  à'aquédu.c.  Quelques  personnes 
blâment  aussi  la  chaleur  et  le  coloris  que  l'auteur  a  déployés 
dans  plusieurs  passages  de  son  livre.  Je  ne  puis  partager  leur 
opinion.  Elles  auraient  raison  sans  doute  s'il  s'agissait  d'un 
ouvrage  purement  géographique  ou  statistique;  mais  le  genre 
du  voyage  permet  tous  les  tons,  et  les  lieux  où  voyageait 
M.  Pouquevillc  exigeaient  qu'il  mît  parfois  dans  ses  récits  de 
l'élévation  et  du  mouvement.  Quel  est  l'homme  doué  d'un 
cœur  généreux  et  d'un  esprit  juste,  qui  pourrait  parcourir 
sans  émotion  les  champs  de  Platée  et  les  rivages  de  Salamine? 
Je  sais  bien  qu'égarés  par  de  singuliers  systèmes ,  quelques 
Français  traitent  de  préjugés  de  collège  l'intérêt  qui  s'attache 
à  ces  noms  éternellement  célèbres,  et  s'étonnent  qu'on  n'é- 
prouve point  le  même  attrait  pour  les  plaines  de  Ravenne  et  de 
Tolbiac.  D'où  vient,  disent-ils,  de  cette  espèce  de  culte  pour 
des  lieux  reculés,  entièrement  étrangers  à  notre  histoire,  à  nos 
souvenirs?  Ce  culte,  fondé  sur  les  motifs  les  plus  raisonnables 
comme  les  plus  nobles,  vient  de  ce  que  les  victoires  de  l'an- 
cienne Grèce  furent  remportées  par  la  liberté  sur  le  despotisme, 
par  l'amour  de  la  patrie  sur  la  passion  des  conquêtes.  Pour- 
rions-nous éprouver  les  mêmes  impressions  au  souvenir  des  ba- 
tailles où  les  peuples  ne  faisaient  tout  au  plus  que  changer  de 


90  SCIENCES   MORALES. 

chaînes?  La  [neuve  que  ce  culte  ne  tient,  point  au  prestige  deq 
noms,  c'est  que  nous  l'offrons  aussi  aux  plaines  de  I.cmIc,  au\ 
champs  de  Moi  al.  Si  Marathon  et  Salamine  nous  frappent  en 
i  ore  de  plus  de  respect .  c  est  parce  que  ,  dans  ces  journées  im- 
mortelles, la  civilisation  du  monde  dépendait  du  triomphe  de 
la  liberté.  Supposez  que  Darius  ou  Xerxès  eût  vaincu  Miltiade 
ou  Thémistoele;  alors,  selon  toute  apparence,  nous  ignore 
rions  encore  la  grandeur  que  peut  déployer  l'esprit  humain. 
Le  siècle  de  Périclès  n'eût  point  existé,  ni  par  conséquent  le 
siècle  d'Auguste,  le  siècle  de  Léon  X  et  celui  de  Louis  XIA  . 
Une  fois  les  modèles  créés  par  les  Grecs,  d'autres  nations  ont 
pu  les  égaler;  mais,  pour  que  le  génie  s'élevât  d'abord  à  une 
telle  hauteur,  il  avait  besoin  des  suffrages  d'un  peuple  libre 
et  du  sourire  de  la  victoire.  En  voilà,  certes,  plus  qu'il  ne 
faut  pour  justifier  l'auteur  qui,  après  avoir  Récrit  en  savant 
les  lieux  tels  que  les  a  faits  l'esclavage,  change  de  ton  pour 
rappeler  ce  qu'ils  furent  autrefois. 

Rien  de  plus  instructif,  d'ailleurs,  que  ces  rapprochemens 
entre  l'état  d'une  ville  de  la  Turquie  d'Europe  et  l'état  de  cette 
même  cité  lorsqu'elle  faisait  partie  de  la  Grèce.  Ainsi,  on 
voit,  par  exemple,  l'Attique  soumise  à  des  rois  barbares  ne 
compter  que  vingt  mille  habitans;  on  la  voit  s'élever  par  la 
liberté  au  degré  de  prospérité,  de  richesse  et  de  force  qui  a 
fait  l'étonnement  du  monde,  et  redescendre,  sous  la  t\  rannie 
ottomane,  au  même  point  de  dépopulation  et  de  misère  que 
dans  les  teins  antérieurs  à  rétablissement  de  ses  lois.  Lasse  le 
ciel  que  l'indépendance  la  repeuple  bientôt  de  grands  hommes 
et  de  grands  monumens!  Assez  de  sang  héroïque  a  coulé  de  nos 
jours  sur  le  sol  de  la  Grèce  pour  y  produire  une  nouvelle 
moisson  de  gloire  et  de  talent. 

Ceci  me  conduit  à  parler  de  la  relation  que  M.  Pouqueviile 
nous  a  donnée  des  trois  premières  années  d'une  guerre  si  mé- 
morable. L'espace  me  manque  pour  apprécier  un  ouvrage  si 
vaste.  Heureusement,  ce  serait  un  soin  superflu.  i.'Histoijr  «.V 
:\i  régénération  fie  la  Grèce  est  dans  les  mains  de  tous  mes 
lecteurs.  La  seconde  édition  offre  des  corrections  nombreuses, 


SCIENCES  MORALES.  91 

l'importantes  améliorations  qui  tendent  principalement  à 
endre  le  style  plus  simple  «i  plus  naturel.  On  y  sent  encore 
;uis  doute  h  précipitation  da  premier  travail.  On  désirerait 
urtout  que  I  auteur  eût  soumis  à  une  critique  plus  sévère 
uelqucs-uns  des  documens  sur  lesquels  il  a  écrit.  Mais  peut- 
irc  l'espèce  d'exagération  ptoétique  âû'bhlui  rfeprbcïic  à'-t-èîle 

on'nbne  à  redoubler  l'admiration  des  Français  pmu  les  défen 
eurs  de  la  croix.  D'ailleurs,  tout  le  récit  du  gouvernement 

l'Ali  est  d'un  intérêt  dévorant;  plusieurs  autres  parties  sont 
•eintes  à  effet  et  produisent  une  vive  impression.  Enfin  ,  quoi 
n'on  en  puisse  dire  ,  il  est  certain  que  eette  histoire  a  beau- 
oup  servi  les  Grecs  en  mettant  le  public  a  portée  d'attacher 
es  Pdéés  moins  values  au  théâtre  des  opérations  militaires 
t  aux  principaux  acteurs.  Or,  quelle  plus  douce  récompense 
fôùr  un  écrivain  que  le  bonheur  d'être  utile  à  la  cause  du 
nalheur,  de  l'héroïsme  et  de  la  liberté? 

Auguste  Fâbre. 


LITTERATURE. 

1 

t 

Bibliothèque  des  classiques  latins,  avec  la  Traduction 
eu  regard;  publiée  par  M.  Jules  Pierrot  (i). 

Chaque  siècle  a  son  esprit;  et  celui-ci  procède  inévitable- 
ment de  l'état  réel  des  lumières.  Les  traductions  des  écrits  de 
l'antiquité  dans  nos  idiomes  modernes  subissent  aussi  l'in- 
fluence de  cet  état;  nous  comprenons  mieux  les  anciens,  selon 
que  nous  nous  comprenons  mieux  nous-mêmes.  Plus  notre  ; 
civilisation  ressemblera,  sous  quelques  rapports,  à  celle  des 
Grecs  et  des  Romains,  plus  nous  trouverons  de  choses  qui  nous 
sont  connues  dans  leurs  ouvrages;  enfin,  plus  nous  avance- 
rons dans  leurs  idées  ,  et  plus  nous  nous  approprierons  leurs 
pensées,  leurs  sentimens,  plus  aussi  nous  en  découvrirons  de 
nouveaux  dans  des  productions  déjà  vingt  fois  élaborées.  Le 
perfectionnement  des  traductions  du  grec  ou  du  latin  dépend 
donc,  on  pourrait  le  dire,  de  celui  même  de  la  civilisation.  On 
les  refera  donc,  d'époque  en  époque,  pour  les  rendre  meil- 
leures ;  un  petit  retour  de  barbarie  suffirait  aussi  pour  les  faire 
défaire,  afin  de  les  rendre  plus  mauvaises;  mais  cette  autre  pé- 
riode de  l'histoire  des  traductions  ne  paraît  pas  jusqu'ici  très- 
menaçante;  c'est  donc  vers  le  mieux  que  tous  les  efforts  tendent 
actuellement  à  les  diriger.  Les  travaux  innombrables  des  criti- 
ques de  profession  ont,  en  général,  amélioré  les  textes;  la  dé- 
couverte et  l'interprétation  d'une  foule  de  monumens  authen- 
tiques ont  aussi  jeté  des  lumières  précieuses  sur  un  grand 
nombre  d'obscurités  reconnues,  mais  non  dissipées  jusqu'à  ce 

(i)  Paris,  1826-1827;  Panckoucke,  libraire-éditeur,  rue  des  Poi- 
tevios,  n°  18. — (La  collection  formera  120  à  i3o  vol.  in-8°;  prix  de 
souscription  à  la  collection  entière,  7  fr.  le  volume;  on  ne  paie 
rien  d'avance.  Chaque  ouvrage  se  vend  séparément  7  fr.  5o  cent.  le. 
volume). 


LITTÉRATURE.  g3 

>ur  ;  l'examen,  qui  guide  partout  les  vrais  Ravan&j  et  surtout 
e  doute  véritablenaeni  philosophique  dont  ils  commencent  a 
'honorer,  ont  discrédité  cette  habitude  de  corrections  et  de 
(institutions,  trop  commune  dans  les  premiers  siècles  de  l'érudi- 

ion  moderne.  J,c  niomeul  actuel  est  donc  réellement  favorable 
une  révision  générale  des  traductions  que  la  littérature 
r.un  aise  a  produites  jusqu'ici.  On  avancera  peut-être  assez 
lans  la  connaissance  entière  de  l'antiquité  pour  qu'un  jour 
ussi  on  qualifie  de  belles  infidèles  les  versions  françaises  que 
îotrc  époque  aura  déclarées  parfaites  :  mais  il  en  est  ainsi  de 
ou  tes  les  œuvres  humaines  ,  et  il  y  aura  trop  à  gagner  pour  la 
Ociété  dans  un  tel  état  de  choses,  pour  que  les  renommées  qui 
pourront  en  pâtir,  ne  consentent  de  bon  coeur  à  être  surpassées 
i  ce  prix.  Il  n'y  a  pas  là  pour  les  écrivains  de  motifs  de  décou- 
ragement: la  science  actuelle,  qui  travaille  réellement  pour  le 
jonheur  commun  ,  acceptera  ce  pacte,  et,  placée  pour  ainsi  dire 
ffltre  deux  feux  ,  elle  combattra  honorablement  les  deux  masses 
le  compétiteurs  à  la  fois;  ceux  qui  l'ont  devancée,  afin  de  faire 
ïiieux  qu'eux  ,  et  ceux  qui  doivent  la  suivre  ,  afin  de  leur  laisser 
noins  ou  même  rien  à  faire,  s'il  est  possible.  Il  n'y  a  que  de 
'honneur  et  de  la  générosité  dans  une  pareille  lutte. 

C'est  ce  qu'ont  très-bien  compris  les  savans  distingués  qui 
Dut  associé  le  concours  de  leurs  lumières  au  zèle  éclairé  de 
M..  Panckoucke  pour  le  succès  de  la  nouvelle  et  vaste  entre- 
prise que  nous  annonçons.  Habitués  par  leur  goût  ou  par  leurs 
devoirs  à  vivre  avec  l'antiquité  latine,  à  s'instruire  à  ses  leçons, 
à  s'émouvoir  à  ses  récits,  à  se  former  aux  éternels  modèles  du 
bon  esprit  et  du  bon  goût  qu'elle  nous  a  laissés,  ils  ont  voulu 
faire  participer  à  tant  d'avantages,  à  tant  de  pures  jouissances, 
tous  ceux  qui  ne  connaissent  pas  assez  son  admirable  langage 
pour  l'écouter  et  le  comprendre  sans  les  ecours  d'un  interprète. 
Fidèles  à  la  mission  qu'ils  se  sont  donnée,  c'est  pour  le  lecteur 
français  qu'ils  la  rempliront  en  toute  conscience  :  c'est  à  lui 
qu'ils  vouent  les  fruits  de  leurs  longues  veilles,  et  sans  qu'il 
soupçonne  même  quels  pénibles  labeurs  les  auront  ainsi  portés 
à  leur  maturité. 


I XI TKRATlillK. 
I  n  douMë  ïVàntâgié  nous  semble  résulter  du  plan  môirtè 
adopte  pour  la  nouvelle  collection  :  le  texte  latin  de  chaque 
auteur  précède,  page  à  page ,  sa  traduction  française.  Le  lati- 
nise qui,  sans  s'être  voué  à  une  étude  approfondie  de  l'idiome 
du  monde  romain,  en  conserve  cependant  une  certaine  con- 
naissance, assez  générale  depuis  la  restauration  des  études,  ne 
retrouvera  pas  ce  texte  original  sans  quelque  plaisir;  il  aura 
sous  sa  main  un  moyen  de  juger  des  efforts  et  des  succès  du 
traducteur;  et  cette  occupation  momentanée,  à  laquelle  pré- 
sideront plus  d'une  fois  sans  doute  un  goût  cultivé  et  une 
érudition  suffisante ,  n'a  rien  que  d'attrayant  pour  l'esprit,  et 
d'utile  pour  une  instruction  même  incomplète. 

Une  autre  considération,  d'un  intérêt  plus  général  encore, 
recommandera  également  la  nouvelle  collection.  On  a  cru  trop 
lonç-tcms  que,  pour  bien  traduire  un  auteur  latin,  il  suffisait 
de  bien  savoir  la  langue  latine.  Nous  prétendons  que  cette 
connaissance,  à  quelque  degré  qu'on  la  porte,  n'est  cependant 
pas  suffisante  à  elle  seule.  Il  y  a  deux  objets  dans  une  phrase, 
les  mots,  et  les  choses  dont  ces  mots  sont  les  signes  écrits.  Si, 
comme  les  modernes,  les  anciens  avaient  rédigé  des  diction- 
naires de  leurs  langues,  dictionnaires  où  l'acception  véritable 
de  chaque  mot,  en  chaque  circonstance  déterminée,  serait 
rigoureusement  fixée,  l'embarras  serait  moins  grand,  moins 
ordinaire,  puisqu'il  suffirait  de  bien  comprendre  la  phrase  qui 
décrirait  cette  acception,  et  qu'en  ce  cas  les  analogies,  les  oppo- 
sitions et  le  rapprochement  d'une  description  conduiraient  le 
plus  souvent  à  une  connaissance  certaine,  ou  très-approchante 
au  moins  de  l'idée  exprimée  par  ce  mot.  Si  encore  ces  anciens 
avaient  fait  chacun  dans  leur  langue  quelque  traduction  d'un 
texte  écrit  dans  un  autre  idiome,  et  que  l'un  et  Vautre  nous 
fussent  parvenus,  nous  aurions  encore  un  autre  moyen  authen- 
tioue  d'arriver  à  la  parfaite  connaissance  du  sens  véritable  de 
chacun  de  ces  mots.  Mais  il  n'en  est  pas  ainsi  :  les  anciens  ont 
fait  quelques  Vocabulaires  contenant  une  courte  série  de  mots 
de  deux  langues,  simplement  rapprochés  sur  deux  colonnes; 
on  a  recueilli  récemment  à  Paris  les  fragmens  d'un  vocabulaire 


ÙTTÉB  \n  RE.  ./. 

de  cette  sorte,  en  gprtc  ei  en  l.iiin,  ci   il  ne  pcul  cire  d'une 
tirs  grande  utilité  pour  la  critique  l.\iinc.  Ommi  aux  traduc 
lions  proprement  dites ,  la  longue  domination  du  latin',  comme 
tangue  des  gouvernemens  en  Europe  depuis  les  conquêtes  dès 
Romains  «i  chot  des  peuples  qui  fofrg-tems  riè  connurent  que 

relie    langue    el    sa    littérature,    ne    pouvait    1 1 1 1  i  1  <  - 1  ri  (  '  ri  !    rendn 

nécessaires  des  compositions  qui  seraient  aujourd'hui  dfûW  i\ 

grand  secours  pour  nous;  il  ne  nous  en  reste  (loin;  que  In-, 
peu  de  ee  genre  qui  viennent  de  la  belle  antiquité  même.  Dans 
eel  rlnl  de  choses,  lin  traducteur  seni|)iiieu  \ ,  après  î'êfrC  Oc- 
cupe attentivement  des  mois,  n'est  pas  encore  quitté  de  tontes 
ses  obligations  e&VefS  le  lecteur-,  il  faut  qu'il  s'occupe  des 
choses  exprimées  par  ces  mois,  et.  c'est  ici  (pie  commence 
pour  Ini  une  autre  série  de  recherches  non  moins  difficiles, 
non  moins  pénibles,  si  du  moins  il  veut  dire  en  fiançais  ni 
plus  ni  moins  que  ee  qu'a  dit  [écrivain  latin.  Ici  il  doit  ouvrir 
l'encyclopédie  de  ton  les  les  connaissances  possédées  par  les  Ro- 
mains, et  ce  ne  serait  pas  trop  que  de  la  posséder  toute  entière 
pour  bien  traduire,  par  exemple,  Cicéron.  Voilà  ce  que  nous 
entendons  par  les  choses  qui  sont  dans  les  ouvrages  des  Latins; 
mais  ils  ne  firent  pas  non  plus  d'encyclopédie  ;  il  nous  faut  donc 
la  faire  pour  eux  et  selon  eux,  c'est-à-dire,  chercher  ce  qu'ils 
ont  voulu  dire  afin  de  savoir  ce  qu'ils  ont  dit.  C'est  cette  con- 
naissance des  choses  qui  a  manqué  généralement,  à  la  plupart 
(Jes  anciens  traducteurs,  et  qui  les  a  induits  à  faire  parler 
Cicéron  comme  un  avocat  au  barreau,  Énée  comme  un  élé- 
gant sentimental  de  la  cour  de  Louis  XV,  Horace  comme  un 
bel  esprit  de  salon,  et  César  comme  s'il  avait  écrit  la  conquête 
des  ireiite-deu\  généralités  du  royaume  de  France.  Il  y  a  dans 
la  langue  latine  une  foule  de  mots  que  j'appellerais  techniques, 
en  tant  qu'ils  se  rapportent  aux  institutions  publiques,  et  dont 
le  sens  varie  néanmoins  selon  les  tems  et  selon  les  lieux  :  ce- 
mots  exprimaient  donc  des  choses  différentes,  analogues  pein- 
dre, mais  non  pas  identiques  ;  ils  se  trouvent  dans  tout  ce  qm 
se  rapporte  aussi  aux  usages  généraux,  à  l'administration,  à  h 
ion,  aux  coutumes  uationales  ,  enfin  à   tout    ce  qui    cous- 


yG  LITTÉRATURE. 

titue  les  (.Unions  de  l'histoire  entière  de  la  nation  romaine,  et 
surtout  des  peuples  qu'elle  domina.  Je  ne  crois  pas  qu'on  tra- 
duise complètement  les  narrations  des  écrivains  latins,  si  l'on 
ne  s'occupe  très-sévèrement  à  trouver  la  chose  réellement 
exprimée  par  chacun  de  ces  mots ,  en  ayant  égard  à  la  fois  et 
aux  tems  et  surtout  aux  lieux  ;  on  s'est  donné  très-rarement 
cette  peine  dans  les  anciennes  versions  françaises,  où  ces  mots 
sont  pour  la  plupart  travestis  en  des  équivalens  français  selon 
une  sorte  de  convention  qui ,  pour  être  consacrée  par  l'usage , 
n'en  est  pas  moins  un  vice  que  la  science  seule  des  mots  ne 
suffirait  pas  pour  extirper.  Les  traducteurs  de  la  nouvelle  col- 
lection latine,  connus  d'ailleurs  par  d'honorables  succès  dans 
l'enseignement  public,  ou  par  des  travaux  littéraires  qui  sont  le 
gage  de  leur  connaissance  positive  de  l'antiquité  classique,  ont 
senti  ce  que  la  solide  instruction,  aujourd'hui  plus  générale- 
ment répandue,  exigeait  à  cet  égard  de  leur  zèle,  de  leur 
propre  réputation,  et  ils  s'appliqueront  à  donner,  sous  ce 
rapport,  à  leurs  versions  françaises  ce  caractère  de  supériorité 
incontestable  sur  celles  qui  les  auront  précédées.  Ils  savent  ce 
qu'exige  d'eux  l'amour  du  vrai,  qui  est  le  type  de  l'époque 
actuelle,  et  l'accomplissement  de  ce  nouveau  devoir  ne  sera 
pour  eux  qu'une  nouvelle  chance  de  succès.  Les  ressources 
d'ailleurs  ne  leur  manqueront  pas  pour  cette  autre  partie  de 
leur  tâche;  les  commentateurs,  dans  leurs  prolixes  élucubra- 
tions ,  ont  souvent  éclairci  bien  des  difficultés  ;  les  archéologues, 
depuis  surtout  que  l'interprétation  des  auteurs  et  celle  des  mo- 
numens  sont  regardées  comme  essentiellement  dépendantes 
l'une  de  l'autre  et  se  donnant  des  lumières  mutuelles,  ont  aussi 
expliqué  bien  des  passages  obscurs  dans  les  auteurs  en  expli- 
quant les  monumens  ;  les  érudits  ,  enfin  ,  en  scrutant  l'antiquité 
pièce  à  pièce,  ont  aussi  dissipé  un  grand  nombre  de  ses  incer- 
titudes pour  nous  ,  et  leurs  travaux  sanctionnés  par  une  opinion 
éclairée,  ont  établi,  sur  bien  des  points  essentiels,  ce  que 
j'appellerai  une  jurisprudence  d'interprétation,  résultant  de 
rapprochemens  nombreux,  rationnels  et  concluans,  sur  des 
mots  ou  sur  des  phrases  entières  d'auteurs  latins  qui  ne  parais- 


LITTERATURE.  :, 

saienl  pas,  de  prime  abord,  comporter  nue  telle  expresssion; 

et  c'est  encore    ici    l;i    seienee    des    choses    (jili  M   fondé   celle   (l<  s 

mots.  Ces  documens  sont  connus  des  ni  n\<  in\  traducteurs;  ils 
seferoni  im  devoir  d'y  prendre  des  direct  ions  utiles,  capables  de 
prévenir  de  trop  fâcheuses  erreurs,  et  les  plus  propres  à  pér- 
rectioriner  leur  ou\  rage. 

Les  trente-six  auteurs  latins  les  plus  estimés,  soit  en  prose, 
soit  en  vers,  formeront  la  collection  entière  dé  120  volumes, 
environ,  textes  et  traductions.  Le  format  in-8°,  généralement 
préféré  de  nos  juins,  l'a  élé  aussi  pour  cotte  bibliothèque  la- 
tine; sa  belle  et  soigneuse  exécution  typographique  répond  à 
son  intérêt  ;  l'éditeur  reproduit  donc  encore  une  de  ces  grandes 
entreprises  que  son  dévoùment  à  l'honneur  et  à  l'intérêt  des 
lettres  françaises  a  déjà  si  heureusement  terminées. 

Nous  avons  sous  les  yeux  les  huit  volumes  qui  sont  déjà 
publiés,  et  ils  justifient  pleinement  l'estime  qu'une  collection 
de  ce  genre  doit  naturellement  inspirer,  lorsqu'elle  est  l'ouvrage 
de  professeurs  distingués,  et  que  l'un  d'eux,  M.  Jules  Pierrot 
lui  promet  tous  ses  soins,  et  la  place  sous  sa  responsabilité 
littéraire.  Les  deux  premiers  volumes  de  Juvénal  sont  accom- 
pagnés de  la  traduction  française  de  Dusaulx;  la  réputation 
méritée  dont  elle  jouissait  faisait  une  loi  de  ne  pas  en  entre- 
prendre une  nouvelle:  quelques  taches  la  déparaient;  M.  .T. 
Pierrot  les  a  fait  disparaître  par  une  soigneuse  révision.  Cor- 
nélius Népos  a  été  mis  en  français  par  MM.  de  Calonne  et 
Pommier;  Velleins  Parterculus,  par  M.  Després,  ancien  con- 
seiller de  l'Université;  Florus,  par  M.  Taigon,  et  les  lettres  de 
Pline  le  jeune,  par  de  Sacy,  traduction  déjà  connue,  mais 
revue  aussi  par  M.  Pierrot.  D'autres  secours  sont  également 
assurés  à  cette  belle  entreprise;  MM.  Villeinain,  Leclerc,  Bur- 
nouf  et  Naudet,  concourent  à  son  succès  par  des  traductions 
de  morceaux  importans,  ou  par  des  notices  critiques  ou  litté- 
raires sur  les  principaux  auteurs. 

D'honorables  suffrages  l'ont  déjà  recommandée  à  l'estime 
lies  littérateurs  et  du  corps  enseignant,  comme  des  gens  du 
monde.  Un  Prince  protecteur  de  toutes  les  vues  d'une  utilité 
T.  XXXVI. —   Octobre  1827.  7 


98  LITTÉRATURE. 

générale,  M.  le  Dauphin  honore  de  sa  protection  spéciale  la 
Bibliothèque  classique ,  et  a  permis  qu'elle  fût  publiée  sous  ses 
auspices.  La  France  lettrée  l'accueillera  avec  un  égal  empres- 
sement; elle  favorise  tout  ce  qui  peut  l'honorer,  et  rien  ne  le 
peut  davantage  que  le  concours  d'hommes  instruits  vers  un 
grand  but,  celui  de  rendre  vulgaires  les  exemples  et  les  pré- 
ceptes écrits  dans  la  littérature  d'un  grand  peuple  vers  lequel 
remonte,  comme  à  sa  source  la  plus  prochaine,  toute  la  civili- 
sation de  l'Europe  moderne. 

Nous  rendrons  compte,  clans  des  articles  spéciaux,  de  chacune 
des  traductions,  à  mesure  qu'elle  sera  rendue  publique. 

J.-J.  Champollion-Figeac. 


Espagne  poétique.  Choix  de  poésies  castillanes,  de- 
puis Charles- Quint  jusqu'à  nos  jours ,  mi&*6  en  vers 
français  avec  des  articles  biographiques,  etc.;  par  Don 
Juan  Maria  Maury(i). 

PREMIER    ARTICLE. 

En  annonçant  sommairement  le  premier  volume  de  cet 
ouvrage  (voy.  Rev.  Eric,  t.  xxxi,  p.  5oo-5o2. — -Août  1826), 
nous  félicitions  la  littérature  française  des  nouvelles  richesses 
qu'elle  venait  d'acquérir;  et  nous  rappelant  que  le  pinceau  des 
Murillo  et  des  Ribéra  est  demeuré  long-tems  inconnu  hors  de 
la  Péninsule,  nous  nous  réjouissions  de  ce  que  les  premiers 
maîtres  de  l'école  poétique  espagnole  allaient  être  appréciés  en 
deçà  des  Pyrénées. Un  second  volume,  qui  vient  de  paraître,  est 
consacré  à  l'école  moderne  et  aux  écrivains  vivans, 

«  Mais,  nous  dira -t- on  peut-être,  les  tems  poétiques  sont 
passés.  La  génération  qui  s'éteint  a  vécu  sous  l'empire  de  la 
philosophie  :  les  hommes  parvenus  à  l'âge  viril  se  sont  formés 

(1)  Paris,  1826  et  1829  ;  Mongie ,  boulevard  des  Italiens ,  n°  10. 
a  vol.  in-8°  ;  prix,  ï5  fr.,  et  r8  fr.  par  la  poste. 


UTTÉRÀTOHE. 
au  milieu  des  orages  de  la  révolution.  La  jeunesse  semble 
uniquement  occupée  des  hautes  questions  débattues  aux  épo- 
ques précédentes  :  tous  les  esprits  sont  tendus  vers  d'autres 
objets  que  ceux  dont  le  siècle  de  Louis  \l\  fit  ses  délices.  Les 
écrivains  sont  membres  de  ce  public  auquel  ils  s'adressent,  et 
partagent  sou  opinion,  on  du  moins  doivent  la  Consulter. 
Aujourd'hui,  l'homme  doue  d'un  génie  créateur,  de  cette  or- 
ganisation  privilégiée  qui  le  dispose  à  revêtir  sans  efforts  la 
pensée  des  formes  séduisantes  de  la  versification,  trahit  sa  des- 
tination s'il  n'emploie  pas  ses  facultés  à  préparer  le  succès  des 
vérités  pratiques  d'où  peut  dépendre  le  bonheur  de  l'espèce 
humaine.  » 

Oui,  sans  doute,  l'esprit  des  nations  est  changé;  et  nous 
sommes  loin  de  nous  élever  contre  les  inclinations  sérieuses  de 
la  génération  actuelle.  Chaque  époque  donne  à  sa  littérature 
un  caractère  dominant.  Plusieurs  poèmes  philosophiques  ont 
suivi  Y  Essai  sur  l'homme;  les  mâles  accens  tfAlficri  et  les  fictions 
malignes  de  Casti  ont  associé  la  muse  de  l'Italie  aux  grandes 
luttes  du  siècle.  Grâce  à  Byron,  les  chants  du  Barde  ont  préparé 
la  déclaration  de  principes  faite  par  le  dernier  chef  du  ministère 
britannique(Canning).  L'auteur  des  Vêpres  siciliennes  et  de  V École 
des  Vieillards  devient,  dans  ses  nombreuses  Messéniennes , l'or- 
gane de  la  pensée  publique.  La  lyre  française  semble  s'unir  à 
la  tribune  pour  faire  entendre  des  accens  prophétiques. 

La  collection  des  poésies  castillanes  publiées  par  M.  Maurv, 
presque  étrangère  au  mouvement  européen,  n'offre  guère  au 
lecteur  français  qu'un  petit  nombre  de  compositions  conformes 
à  l'esprit  du  siècle  ;  mais  il  n'est  pas  indigne  du  philosophe  de 
rechercher ,  dans  celles  qui  s'en  rapprochent  comme  dans  celles 
qui  s'en  écartent,  le  sceau  des  tems  qui  les  ont  vues  naître.  Et  si, 
en  dépit  des  institutions  qui  depuis  trop  long-tems  contrarient 
l'essor  de  l'intelligence  dans  la  Péninsule  ibérique;  si,  du  sein 
des  ténèbres  qu'elles  y  entretiennent,  on  voit  jaillir,  comme 
des  éclairs  au  sein  des  nuages,  quelques  grandes  pensées  et 
quelques  sentimens  généreux;  si  la  littérature  des  Espagnols  se 
maintient  encore  avec  gloire  parmi  celles  des  nations  dégagées 


ioo  LITTÉRATURE. 

des  entraves  de  l'ignorance  et  du  despotisme,  on  clou  ajouter 
quelque  admiration  à  tout  l'intérêt  qu'inspire  un  peuple  aussi 
favorisé  par  la  nature  que  maltraité  par  le  sort. 

L'ouvrage  dont  nous  nous  occupons  se  compose  de  trois 
divisions  principales  :  i°  la  Poésie ,  où  l'auteur  a  inséré  deux 
compositions  originales  parmi  les  traductions  en  vers;  i°  la 
Critùpte ,  à  laquelle  il  rattache  de  nombreux  aperçus  sur  les 
langues  et  la  versification  en  général;  3°  l'Histoire ,  qui  com- 
prend des  notices  et  des  articles  biographiques.  11  procède  par 
époques,  dans  l'examen  des  auteurs,  et  fait  remarquer  à  la  fois 
leur  rang  d'ancienneté  et  leur  supériorité  individuelle. 

Le  corps  de  l'ouvrage,  divisé  en  quatre  grandes  sections, 
commence  au  xvie  siècle;  mais  l'auteur  le  fait  précéder  d'une 
Introduction,  consacrée  aux  tems  anciens,  écrite  en  vers,  et 
accompagnée  de  Notes  remplies  d'intérêt. 

A  la  tète  de  la  première  partie,  figure  un  savant  couronné, 
très-supérieur  à   son  siècle,  Alphonse,  qui  se  flattait  que  la 
machine  universelle  n'aurait  pas  été  si   compliquée,   s'il   eût 
assisté  au  conseil  de  la  création.  Cet  Alphonse ,  dit  le  Sage ,  fit 
des  vers  :  réformateur  en  tout,  il  modifia  même  Y  alexandrin  , 
dont  on  se  servait  avant  lui,  et  il  inventa  une  strophe   com- 
pliquée, dite  couplet  d'art  majeur.  M.  Maury  publie  en  fran- 
çais des  vers  imités  d' Alphonse ,  avec  le  même  rhythme  et  la 
même   forme    de  strophe.  Il  présente  aussi   dans  ses   Notes 
quelques  morceaux  de  poésie  comme  exemples  de  la  versifi- 
cation de  Berceo  et  Lorenzo,  devanciers  dû  prince,  et  des  frag- 
mens  d'un  poëme  en  l'honneur  du  Cid ,  la  plus  ancienne  des 
compositions  en  prose  ou  en  vers  qui  soit  connue  en  Espagne. 
Cette  partie  de  l'Introduction  offre  encore  au  lecteur  des 
imitations  élégantes  de  quelques  ouvrages  poétiques  attribués 
à  des  princes  de  la  race  des  Ommiades  qui  régna   long-tems 
à  Cordoue. 

La  seconde  partie  fait  connaître  :  Yarchiprétre  d'Hita  , 

«  Méchant  aimable  : 
Enclin  à  marier  la  légende  à  la  fable  ;  >• 

Puis,  Juan  de   Mena ,  auteur  du  poëme  intitulé  :  le  Labyrinthe. 


LITTÉRATURE.  101 

/',  //  Henri  de  V  Mena  paraît  ensuite.  IM.  .Maury  n'en  'ire,  et  pour 
cause,  aucun  morceau;  mais  rien  n'est  plus  curieux  que  sa 

<  ourle  nul  ice  sur  le  SOPl  bi/.arre  de  ce  petit  lils  des  lois,   / 'illcrui 

est  accompagné  du  marquis  de  Santillane,  précepteur  trop  peu 
écouté  du  Ris  aine  de  Jean  second.  Le  table. m  que  l'auteur  a 

tracé,  dans  uni'  note  sur  ce  prince  devenu  roi ,  SOUS  le  nom  de 
Henri  I\  ,  est  très  remarquable,  et.  c'est  ainsi  que  par  d'ingé- 
nieux emprunts  laits  à  l'histoire,  ii  sait,  donner  de  la  vie  et  de 
l'intérêt  à  la  partie  la  moins  importante  de  son  sujet. 

>  ers  l'époque  des  anciens  tems  ,  qui  touche  à  celle  où  don 
Juan  Maury  a  rencontré  une  série  non  interrompue  d'auteurs 
à  citer,  ou  trouve  encore  Boscan ,  fameux  par  la  révolution 
qu'il  opéra  dans  la  versification  castillane,  lorsque  le  vers 
d'Alphonse  X  lit  place  à  Mendècasyllabe  italien,  et  un  grand 
seigneur,  éminemment  distingué  dans  les  lettres  : 

«  Meudoze,  chef  terrible  ,  adroit  ambassadeur,  » 

qui  fut  envoyé  à  Rome,  à  Venise,  à  Londres  et  au  concile  de 
Trente;  il  était  lieutenant- général  des  armées  de  Charles- 
Quint,  gouverneur  de  la  province  toscane  de  Sienne;  docteur 
en  théologie,  en  philosophie  et  en  droit;  bachelier  pour  les 
langues  hébraïque,  grecque,  arabe  et  latine,  et  historien  estimé 
delà  guerre  contre  les  Mauresques,  dirigée  par  son  neveu  le 
marquis  de  Mondejar.  Il  a  composé  d'autres  ouvrages  histo- 
riques et  traité  en  vers  avec  succès  les  questions  les  plus  élevées 
de  l'ordre  social. 

Nous  eussions  voulu  passer  sous  silence  les  poètes  qui  ne 
sont  nommés  que  dans  les  notes  ;  mais  deux  auteurs  au  moins 
nous  paraissent  dignes  d'attention  :  l'un  par  sa  naissance  ,  l'in- 
fant don  Manuel,  neveu  à* Alphonse  X,  et  qui  composa  un 
livre,  moitié  en  prose  ,  moitié  en  vers  ,  intitulé  :  Le  comte  Lu- 
canor;  l'autre  par  ses  infortunes  amoureuses,  Marias  ,  gentil- 
homme de  don  Henri  de  Villena ,  qui,  assassiné  par  un  mari 
jaloux  ,  expira   en  prononçant  le  nom  de  celle  qu'il  adorait. 

I.e  xvie  siècle  s'ouvre  par  un  poète  resté    sans  rivaux,  le 
crlcbre    GarcjUaso  ,   doué  d'autant    de  beauté  que  de  génie  et 


loa  LITTERATURE. 

d'une  exquise  sensibilité  ;  il  unissait  aux  formes  élégantes  de 
l'homme  de  cour  l'impétuosité  courageuse  d'un  guerrier.  Né 
du  sang  royal  des  Guzmans ,  il  mourut  avant  le  tems,  mais 
avec  gloire  ,  sous  les  yeux  de  l'empereur  Charles  V,  qui  vengea 
sa  mort  en  passant  au  fil  de  l'épée  la  garnison  du  fort  sous 
lequel  il  avait  perdu  la  vie. 

Toute  la  chaleur  qui  animait  le  jeune  preux  ne  parut  qu'une 
roide  insensibilité  auprès  de  l'exaltation  passionnée  que  rap- 
pelle le  nom  seul  de  sainte  Thérèse,  qui  fit  aussi  des  vers.  L'âme 
ardente  et  pieuse  qui  plaignit  l'ange  tombé  d'avoir  perdu  la 
faculté  d'aimer,  s'est  montrée  tout  entière  dans  un  sonnet  au 
Christ ,  la  pièce  la  plus  remarquable  ,  peut-être  ,  de  la  collec- 
tion que  nous  annonçons. 

Tous  les  écrivains  admis  dans  cette  galerie  intéressent  aussi 
vivement  par  leurs  qualités  personnelles  que  par  leurs  talens. 
Comment  n'aimerait-on  pas  ce  bon  Louis  de  Léon ,  religieux 
de  Tordre  de  Saint-Augustin,  professeur  de  théologie,  qui, 
jeté  dans  les  cachots  de  l'inquisition  pour  avoir  traduit  le  Can- 
tique des  Cantiques ,  ne  fut  rendu  à  sa  chaire  qu'après  cinq 
années  de  persécutions  et  de  douleurs?  Il  ne  voulut  pas  même 
conserver  le  souvenir  de  ce  tems  affreux;  et  le  regardant 
comme  retranché  de  sa  vie,  il  reprit  ses  leçons  où  il  les  avait 
laissées,  par  ces  mots  :  Dicebamus  hesternâ  die  ! ...  «JNous  disions 
hier!...»  Louis  de  Léon  s'est  classé  parmi  les  poètes  lyriques  du 
premier  ordre  par  l'élévation  et  la  chaleur  de  ses  idées  ,  et 
s'est  mis  au  rang  des  hommes  les  plus  courageux  par  l'énergie 
avec  laquelle  il  écrivit  en  faveur  de  l'infortuné  don  Carlos.  Il 
lui  composa  une  épitaphe  dont  M.  Maury  donne  la  traduction 
suivante  : 

«  La  dépouille  de  Charle  honoie  cette  pierre  ; 

La  substance  immortelle  est  remontée  aux  cieux  , 

La  vertu  l'y  suivit.  Il  resta  sur  la  terre 

L'effroi  dans  tous  les  cœurs,  des  pleurs  dans  tous  les  yeux.» 

Herrera  ,  poète  lyrique,  cité  après  Louis  de  Léon  ,  est  encore 
plus  estimé  des  Espagnols;  il  reçut  le  titre  de  divin.  Ce  divin 
personnage  ne  nous  paraît  pas  aussi  bien  traité  par  son  nou- 


LITTÉRATURE.  io3 

\  eau  biographe,  mais  il  peut  en  appeler  au  traducteur.  L'hymne 
que  I).  J.  Maury  a  imitée  d<-  ce  poëte  brille  de  foutes  les  qua- 
lités qu'il  semble  lui  refuser  dans  le  jugement  qu'il  porte  sur 
son  talent.  Ne  trou\  <    I   on  pas  ,  en  effet ,  quelque  peu  de  cette 

grâce  qui  distingue Garcilaso  dans  cette  apostrophe  d'Herrera 

à  la  Grèce,  alors  esclave: 

«  Et  tu  restes  encore  aux  pieds  de  ces  barbares 

Qui  déshonorent  l'Orient  ! 
Tu  leur  livres  tes  fruits  !  C'est  pour  eux  que  tu  pares 

Tes  vierges,  au  front  souriant!...» 

Il  faut  se  rappeler  que  ce  poëme  date  de  près  de  trois  siècles  ; 
il  avait  été  composé  pour  célébrer  la  victoire  de  Lépante ,  rem- 
portée le  7  octobre  1571. 

L'épithète  de  mauvais  poëte,  donnée  à  l'immortel  auteur  de 
don  Quichole ,  par  le  présomptueux  Villêgas ,  n'a  pas  empêché 
M.  Maury  de  placer  Cervantes  dans  son  recueil.  Nous  pensons 
que,  loin  d'être  blâmé  ,  il  obtiendra  l'approbation  de  tous  ceux 
qui  liront  la  charmante  biographie  dont  il  a  enrichi  son  ou- 
vrage. 

«  Nous  voici  maintenant  en  face  du  grand  coupable  qui , 
semblable  à  l'ange  rebelle ,  au  lieu  de  se  réunir  avec  les  bons 
esprits  ,  voulut  être  le  prince  des  ténèbres.  »  C'est  ainsi  que 
M.  Maury  annonce  le  poëte  andalou  Gongora ,  après  l'avoir 
signalé  dès  l'avant-propos  comme  le  chef  de  la  révolution  qui 
corrompit  le  siècle  de  Lopé  de  Vega.  Transpositions  forcées, 
dislocation  de  phrases,  hyperboles  extravagantes,  figures  in- 
cohérentes ,  métaphores  redoublées,  affectation  dans  les  idées 
comme  dans  le  langage,  et  partout  obscurité  apocalyptique: 
voilà  ce  qu'il  parvint  à  mettre  en  crédit  au  Parnasse  et  dans  la 
chaire,  à  la  ville  comme  à  la  cour.  On  ne  peut  cependant  lui 
contester  un  talent  réel  ;  mais  il  ne  sut  qu'en  abuser. 

A  la  tète  d'une  seconde  division  qui  comprend  la  fin  du 
xvie  siècle  ,  on  voit  figurer  le  célèbre  Lopé  de  Vega,  poëte 
universel ,  dout  la  facilité  et  la  fécondité  tiennent  du  prodige  , 
qui  composait  en  vers  aussi  rapidement  que  l'on  peut  écrire  en 
prose,  et  à  qui  l'on  doit  dix-huit  cents  comédies  remarquables 


io4  LIÏTÈRA,TURE; 

par  leurs  nombreuses  beautés,  et  par  leurs  défauts  plus  nom- 
bi  eux  encore.  Nous  recommandons  au  lecteur  la  notice  biogra- 
phique sur  cet  étonnant  écrivain  ,  ainsi  que  l'article  relatif  à 
Cervantes.  L'auteur  fait  ressortir  habilement  la  distance  qu'éta- 
blit la  fortune  entre  deux  hommes  si  rapprochés  d'ailleurs 
par  leur  intelligence  supérieure.  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir 
donner  une  idée  de  la  manière  large  et  de  la  douceur  élégante 
du  evgne  du  Manzanarès ,  reproduites  avec  bonheur  dans  les 
traductions  de  M.  J.  Maury. 

Près  de  ces  deux  auteurs  ,  on  peut  placer  un  autre  écrivain 
d'un  talent  extraordinaire  ,  le  docte  et  fougueux  Qicévédo.  Il 
lutta  de  fécondité  avec  Lopc  de  Vega,  et  d'infortune  avec 
Cervantes.  Écrivain  très-inégal  ;  prodigue  de  trivialités  et  de 
plaisanteries  spirituelles  ;  tour  à  tour  austère  ou  licencieux  ; 
sophiste  bizarre  ou  philosophe  attachant;  modèle  d'exactitude, 
et  quelquefois  portant  jusqu'au  délire  le  mépris  des  règles  les 
plus  simples,  Quëvédo  renchérit  sur  les  extravagances  de  Gon- 
gora  ,  après  s'en  être  fait  le  censeur  le  plus  amer  ;  il  seconda 
Lopé  de  Vega  dans  la  guerre  que  celui-ci  déclara  au  système 
nouveau,  et  il  finit  comme  lui,  par  céder  au  torrent. 

Non  loin  de  l'un  et  de  l'autre  ,  se  groupent  trois  poètes  y 
demeurés  purs  au  milieu  de  la  corruption  de  l'époque  :  les 
deux  frères  aragonais  Lupercio  et  Barthélémy  d 'drgensota;\\\n 
homme  d'église ,  l'autre  homme  d'état  ;  et  l'inquisiteur  de 
Séville  Rioja  :  ce  dernier ,  armé  de  la  sévérité  des  stoïciens , 
les  deux  autres  doués  de  l'urbanité  attique,  ont  relevé  par  les 
sentimens  les  plus  honorables  le  mérite  d'un  talent  du  premier 
ordre.  Leurs  vers ,  autant  que  leur  conduite ,  respirent  le  dé- 
sintéressement ,  la  haine  de  l'injustice  et  de  l'arbitraire  ;  ils 
combattent  avec  énergie  Fhypocrisie  et  l'ambition  ,  et  lancent 
les  foudres  de  leur  éloquence  contre  l'avidité  des  courtisans , 
et  la  vénalité  des  bénéfices. 

Fillvgas ,  le  présomptueux  poète  castillan  que  nous  avons 
cité  à  propos  de  Cervantes,  termine  la  seconde  division  et  le 
premier  volume  de  Y  Espagne  poétique.  Traducteur  agréable  de 
Théocrite  et  d'Anacréon,  auteur  de  quelques  heureuses  imita- 


UT1T.IUTI  RE.  mf> 

lions  des  anciens  ,  Villègas  donna  tête  baissée  dans  les  ridicules 
écarts  <!<•  la  nouvelle  école.  Son  arrogance  n'a  été  égalée  par 
aucun  autre  poëtc  dans  aucun  paj rs.  Nous  ne  connaissons  qu'un 
grand  roi,  ébloui  par  l'éclat  de  sa  propre  puissance,  dont  la 
vie  au  offert  un  irait  semblable  à  celui  qui  dévoila  le  caractère 
de  cel  écrivain.  \  la  tête  de  l'édition  de  ses  premières  œuvres, 
Villêsas  se  lit  représenter  sous  l'emblème  du  soleil,  avec  l'épi- 
graphe :  Sicut  sol  matutinus y  me  surgente,  quid  isi<t-  ? 

«  Or,  dil  M.  Maurv,  les  clartés  subalternes  qui  devaient 
l'éclipser  à  son  apparition  étaient  Lopé  de  Vega,  Quévédo, 
j&ongora,  Rioja,  Argensola,  tous  existans  et  dans  tout  l'éclat 
de  leur  renonunée.  » 

Notre  historien  n'a  ouvert"  sa  galerie  qu'aux  poètes  lyriques , 
bucoliques  et  élégiaques,  et  sa  préface  explique  les  motifs  qui 
l'ont  porté  à  ne  s'occuper  ni  de  l'épopée,  ni  de  la  scène  espa- 
gnole. On  pourrait  contester  à  V Espagne  poétique  Y exactitude 
et  la  convenance  d'un  titre  qui  semble  devoir  embrasser  tous 
nres  de  poésie.  Et,  si  le  peu  de  succès  des  poètes  épiques 
castillans  est  allé:,  ué  comme  un  motif  suffisant  pour  les  exclure 
d'une  collection  raisonnée,  la  même  défaveur  ne  devait  pas 
atteindre  les  auteurs  dramatiques  qui  ne  sont  pas  sans  célébrité, 

MURILL. 

(  La  fin  au  prochain  cahier.  ) 


III.  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 

LIVRES  ÉTRANGERS  (i). 


AMÉRIQUE  SEPTENTRIONALE. 
ÉTATS-UNIS. 

i .  —  *  Proceedings  of  sundry  cilizens  of  Baltimore  conve- 
ned  for  the  purpose,  êtes.  —  Délibérations  de  plusieurs  citoyens 
de  Baltimore,  assemblés  pour  discuter  les  meilleurs  moyens 
d'établir  une  communication  entre  cette  ville  et  les  états  de 
l'ouest.  Baltimore,  1827;  William  Woody.  In-8°  de  38  pages. 

Les  États-Unis ,  qui  offrent  les  exemples  les  plus  remar- 
quables du  prompt  accroissement  des  villes,  commencent  à 
montrer  aussi  comment  une  nombreuse  population  concentrée 
peut  se  disperser,  et  chercher  fortune  ailleurs.  Baltimore,  qui 
en  1752  n'était  qu'un  hameau,  .s'est  élevée,  dans  l'espace  d'un 
demi-siècle,  à  une  population  de  63,ooo  habitans,  et  réunis- 
sait les  embellissemens,  les  avantages  et  le  luxe  des  villes  du 
second  ordre;  cette  prospérité  ne  s'est  pas  soutenue,  et  î'émi- 
çration  commençait  :  le  rétablissement  de  plusieurs  branches 
de  commerce  a  changé  cet  état  des  choses;  et,  selon  toutes  les 
probabilités,  cette  ville  doit  renfermer  aujourd'hui  72,000  âmes. 
Mais,  pour  prévenir  le  retour  des  tems  de  décadence  dont  la 
génération  actuelle  a  vu  les  désastreux  effets,  il  est  indispen- 
sable d'ouvrir  de  nouvelles  voies  commerciales  :  il  faut  fran- 
chir les  monts  Alleghanys,  établir  avec  les  états  de  l'ouest  des 
relations  intimes,  fréquentes,  et  jamais  interrompues.  Une  voie 
navigable  serait  fermée  .pendant  l'hiver  :  il  faut  donc  s'oc- 
cuper d'une  route  par  terre,  et  l'invention  des  chemins  en  fer 
vient  ici  fort  à  propos.  Fréquenté  en  tous  tems ,  parcouru 
avec  célérité,  un  tel  chemin  est  précisément  ce  qu'il  faut  poul- 
ie succès  de  l'entreprise.  Il  traversera  des  contrées  acluelîe- 


(1)  Nous  indiquons  par  un  astérisque  (*)  ,  placé  à  côté  du  titre  de  chaque 
ouvrage,  ceux  des  livres  étrangers  ou  français  qui  paraissent  digues  d'une  atten- 
tion particulière  ,  et  nous  eu  rendrons  quelquefois  compte  dans  la  sectiou  des 
Analyses. 


I   I  \TS  IMS.  107 

m. mii  (li'sciios  où  d'heureux  colons  seront  bientôt  envirouués 
(l'une  joyeuse  famille  ei  de  nombreux  troupeaux;  le  combus- 
tible v  .ihondc,  les  pâturages  sont  excelleus.  On  espère  que  les 
transports  seront  accélérés  pour  que  le  poisson  de  nier  et  les 
huîtres  puissent  être  transportés  très-loin  dans  l'intérieur,  et 
pendant  une  partie  de  Tannée  franchir  les  nronlagncs.  On  n'a 
donc  pas  eu  de  peine  à  former  une  compagnie  pour  exécuter 
une  entreprise  aussi  profitable.  Tout  est  prêt  pour  mettre  la 
main  à  l'œuvre,  et  l'activité  des  entrepreneurs  est  un  garant 
du  bon  emploi  qu'ils  vont  faire  de  leur  tems  et  de  leurs  res- 
sources. La  compagnie  compte  au  nombre  de  ses  directeurs 
1  les  plus  notables  citoyens  de  Baltimore.  Après  avoir  observé 
dans  la  Grande-Bretagne  les  chemins  en  fer,  leur  construction 
et  leur  influence  sur  le  commerce,  il  ne  sera  pas  saus  profit 
!  d'aller  voir  aussi  ce  que  ces  nouveaux  moyens  de  communica- 
tion auront  produit  en  Amérique. 

2.  —  *  A  nav  System  of  modem  geography  ,  etc.  — Système 
nouveau  de  géographie  moderne,  ou  Notions  générales  de  toute 
I  la  terre,  avec  un  appendix  contenant  des  tables  statistiques  de 
i  la  population,  du  commerce,  des  finances,  et  des  diverses  ins- 
titutions des  États  Unis,  et  des  vues  générales  de  l'Europe  et 
de  tout  l'Univers  :  par  Sidney  E.  Morse.  Boston,  1822  ;  George 
Clark.  In-8°  de  676  pages,  avec  un  atlas. 

L'auteur  de  cet  ouvrage  en  a  offert  un  exemplaire  à  la  So- 
1  ciété de géograpliie de  Paris  :  cet  hommage ,  rendu  par  un  savant 
i  étranger  à  l'une  des  plus  utiles  réunions  d'hommes  qui  se  con- 
sacrent aux  progrès  des  sciences,  nous  oblige  à  décerner  aussi 
!   à  son  livre  l'hommage  d'un  examen  très-attentif.   Entre  une 
attention  scrupuleuse  et  la  sévérité,  la  nuance  est  difficile  à 
i  saisir;  nous  tomberons  peut-être  dans  l'excès  que  nous  avions 
à  cœur  d'éviter  :  telle  est  la  position  désagréable  d\m  critique, 
la  dure  nécessité  qui  pèse  sur  lui,  dans  les  sciences  aussi  bien 
que  dans  la  littérature. 

Le  système  de  description  suivi  par  M.  Morse  n'est  pas  nou- 
veau :  depuis  long-tems  les  géographes  français  ne  s'en  écartent 
I  point.  En  effet,  quand  on  parle  d'un  pays,  il  est  très-conforme 
à  l'ordre  naturel  de  commencer  par  le  circonscrire  dans  ses 
I  limites;  et  ensuite,  de  considérer  le  sol  avant  de  parler  des 
habitans,  de  leurs  cités,  de  leurs  travaux,  élémens  variables 
de  la  géographie,  au  lieu  que  la  nature  du  sol  est  constante. 

M.  Morse  a  réuni,  dans  une  Introduction,  les  notions  astro- 
nomiques et  les  définitions  mathématiques  dont  la  géographie 
ne  peut  se  passer.  Nous  aurions  désiré  qu'il  choisît  une  autre 
définition  du  mot  angle  que  celle-ci  :  <  Un  angle  est  l'espace 


io8  LIVRES  ETRANGERS. 

compris  entre  deux  lignes  qui  se  coupent.  »  Plusieurs  élément 
ilv-  géométrie  st>ni  une  autorité  sur  laquelle  M.  Morse  a  pu  sd 
fonder;  mais  la  définition  n'en  est  pas  plus  exacte.  Un  angle 
i  ■:  la  situation  respective  de  doux  ligues;  c'est  cm  rapport,  et 
non  pas  un  espace  :  il  ne  faut  pas  confondre  le  moyen  de  mesure 
avec  l'expression  de  la  mesure  effectuée.  Au  reste,  c'est  aux 
géomètres,  et  non  pas  aux  géographes ,  que  ces  observations 
doivent  être  adressées. 

11  nous  a  paru  que  l'auteur  a  passé  trop  rapidement  sur  la 
construction  des  cartes,  cl  qu'il  fallait  en  donner  une  connais- 
sance qui  ne  peut  être  renfermée  dans  quelques  lignes.  Le  mot 
projeetwn  a  besoin  d'être  non-seulement  défini,  mais  expliqué. 
De  plus,  il  y  a  des  cartes  construites  suivant  des  méthodes  qui 
ne  sont  pas  des  projections. 

En  n'admettant  que  quatre  religions  principales,  le  christia- 
nisme, le  mahométisme,  le  judaïsme,  et  le  paganisme,  on  est  in- 
juste envers  les  religions  de  l'Inde,  de  la  Chine,  du  Japon  et 
duThibet,  qui  ne  sont  pas  moins  philosophiques,  ni  plus  sur- 
chargées d'extravagances  que  le  mahométisme. 

Dans  le  tableau  général  de  la  population  de  la  terre,  l'Eu- 
rope est  comptée  pour  180  millions;  et  la  somme  des  popula- 
tions des  étals  de  l'Europe,  dans  le  même  ouvrage,  s'élève  à 
plus  de  a3o  millions.  Il  faut  que  l'ensemble  soit  une  récapitu- 
lation des  détails. 

Nous  ne  pousserons  pas  plus  loin  ces  observations  critiques; 
le  meilleur  ouvrage  supporterait  difficilement  l'épreuve  à  la- 
quelle nous  avons  soumis  le  livre  de  M.  Morse.  Loin  d'eu 
penser  mal,  en  raison  de  quelques  reproches  qu'on  peut  lut 
l'aire,  nous  nous  plaisons  à  le  mettre  au  nombre  des  bons  traités 
de  géographie  élémentaire. 

3.  —  *  New  England's  Mémorial,  byNathanielM(y&TOT$,vlc. 
—  Mémorial  de  la  Nouvelle-Angleterre,  par  Natlianiel  Mor- 
tûn,  secrétaire  de  la  juridiction  de  Ncw-Plymouîh.  5e  édition, 
dans  laquelle  on  trouve  le  Supplément  ajouté  à  la  seconde  édi- 
tion ,  des  Notes  marginales  et  un  Âppendix ,  avec  une  copie 
lithographique  d'une  ancienne  carte  de  ce  pays;  par  John  Davis, 
membre  de  la  Société  américaine  des  arts  et  sciences,  etc.  Boston, 
1  826  ;  Crocker  et  Brewster. 

Le  livre  de  Morton  est  précieux  pour  l'histoire  des  établisse-* 
mens  anglais  dans  l'Amérique  du  nord  :  il  devait  donc  attirer 
specia  lement  l'attention  delà  Société  historiquede  Massachusetts  , 
dont  M.  Davis  est  membre.  La  première  édition  du  Mémorial 
parut  en  16G9,  et  la  seconde  en  1721 ,  avec  un  supplément  que 
fpsiah  Cotton,  de  New-Plymouth,  crut  devoir  y  ajouter.  Deux 


ÉTATS  l  MS.  -  IMÉR.  M* 

lu  1res  éditions,  dont  la  dernière  fui  publiée  en  1 7 7  > ,  prouvent 
rintérdl  que  l'on  prenait  ;i  la  conservation  de  ce  monumcnl 
historique.  Ku  effet,  le  Mémorial  de  M  or  ton  esl  une  histoire 
nutbentique,  complète,  cl  l'auteur  v  déploie  uih  érudition 
1res  variée.  En  fait  d'histoire,  les  écrivains  originaux  et  con- 
temporains devraient  être  seuls  consultés,  et  les  seuls  change" 
mens  qu'il  soit  permis  de  faire  à  leurs  ouvrages  se  réduisent  à 
ce  qui  esl  rigoureusement  nécessaire  pour  les  rendre  intelli- 
gibles. On  saura  gré  à  M.  Davis  de  n'avoir  point  rédigé ,  d'après 
Horton  el  ses' continuateurs,  une  histoire  qui  porte  son  propre 
nom,  el  qui  tende  à  faire  oublier  celui  des  \ éritables  historiens. 
(/Europe  abonde  en  écrivains  beaucoup  moins  scrupuleux  ,  et 
qui  regardent  lés  faits  historiques  comme  des  matériaux  qu'il 
es!  permis  de  manipuler,  de  façonner  et  d'assembler  pour  en 
former  un  édilice  dans  le  goûl  et  le  style  modernes.         F. 

AMÉRIQUE  MÉRIDIONALE. 

/j.  —  Manifesta  que  elpoder  ejecutivo  de  Colombia présenta  à 
la  republica  y  al  m/tn.lo ,  etc.  —  Manifeste  adressé  à  la  répu- 
blique et  au  monde  par  le  pouvoir  exécutif  de  la  Colombie, 
relativement  à  ce  qui  s'est  passé  à  Venezuela  ,  depuis  le  3o  avril 
t8a6.  Bogota,  18-26. 

La  téméraire  et  inutile  insurrection  du  général  PaeJz,  dont  les 
journaux  quotidiens  nous  ont  souvent  entretenus,  n'a  pas  été 
bien  connue  en  Europe,  où  les  écrits  dont  elle  a  été  le  sujet 
n'étaient  pas  encore  parvenus.  Ces  écrits  fourniront  à  l'histoire 
des  documens  et  des  preuves  ;  il  est  donc  important  de  leur  as- 
ligner  une  place  dans  les  bibliothèques.  An  manifeste  du  pou- 
voir exécutif  de  la  Colombie  on  joindra  la  brochure  intitulée  : 
Document  curieux  sur  les  événemens  de    Venezuela ,  etc.  ,   lettre 
confidentielle  du  vice-président  de  la  république  au  général  en  chef 
José-  Antonio  Puez,  ainsi  que  la  réponse  de  ce  géuéi  al.  Ce-,  deuv 
pièces  ont  été  imprimées  à  Bogota.  On  a  publié  à  Valencia  nue 
quatrième  brochure  sons  ce  titre  :  Exécution  du  décret  du  pouvoir 
exécutif  concernant  la  formation  des  listes  de  la  milice  ;  motifs  qui 
ont  décide  à  soumettre  au  sénat  l'acte  (Taccusation  du  général  Paez. 
11  faut  l'avouer  :  en  lisant  ces  écrits,  les  hommes  accoutumés 
à  vivre  sons  un  gouvernement  régulier  concevront  une  opinion 
peu  favorable  de  l'accusé  et  des  accusateurs,  ft  des  partis  qui 
déchirent  la  Colombie.   On  sent  avec  peine  qu'il  manque  une 
nation  à  celte  république,  qu'il  faudra  beaucoup  de  teins  pour 
en  créer  une,  et  qu'il  n'est  pas  encore  certain  que  l'on  puisse  de 
Kong-tems  y  parvenir.  F. 


HO  LIVRES  ETRANGERS. 

ASIE. 

5. —  Translation  of  the  Moonduk-  Opunishnd ,  etc.  —  Tra- 
duction du  Môonduck-Opunishud,  d'après  la  version  du  célèbre 
Shunkura-Charyu  ;  par  Ram-Mohum-Roy.  Calcutta,  1819;  im- 
primerie de  Lankcet.  In-8°  de  25  p. 

G.  —  Translation  qft/ie  Kuth-Opunishud ,  etc.  —  Traduction 
du  Kulh-Opunishud,  d'après  la  version  du  célèbre  Shunkura- 
Charyu;  par  le  même.  Calcutta,  18 19.  In-8°  de  40  p. 

7, —  A  Defence  of  Hindoo-  T/ieism  ,  etc.  —  Défense  du 
déisme  deslndous,  ou  Réponse  aux  attaques  d'un  avocat  de 
l'idolâtrie;  par  le  même.  Calcutta,  181 7.  In-8°  de  29  p. 

8. —  An  Apology  for  the  purs  ait  of  final  béatitude,  etc. — 
Apologie  des  moyens  propres  à  faire  obtenir  la  béatitude  finale, 
indépendamment  des.  observances  brahmaniques;  par  le  même. 
Calcutta,  1820.  In-8°  de  16  p. 

9. —  Translation  of  the  Cena-Opunishud ,  etc.  — Traduction 
du  Cena-Opunishud,  l'un  des  chapitres  du  Sama-Veda,  d'après 
la  version  du  célèbre  Shunkura-Charyu,  établissant  l'unité  et 
la  toute-puissance  de  l'Être  suprême,  et  ses  droits  à  être  seul 
l'objet  de  noire  adoration;  par  le  même.  Seconde  édition.  Cal- 
cutta, 1823  ;  imprimerie  unitaire.  In-8°  de  8  p. 

10. —  Translation  of  a  Conférence,  etc.  —  Traduction  d'une 
Conférence  entre  un  défenseur  et  un  adversaire  de  l'usage  qui 
fait  brûler  vivantes  les  veuves  indiennes,  d'après  l'original  en 
bengali.  Calcutta.  In-8°  de  16  p. 

11.  —  A  second  Conférence,  etc.  — Seconde  Conférence 
entre,  etc.,  traduite  de  l'original  bengali.  Calcutta,  1820;  im- 
primerie de  la  mission  des  anabaptistes.  In- 8°  de  5o  p. 

12. — Bricf  Remarks ,  etc.  —  Remarques  succinctes  concer- 
nant les  modernes  empiétemer.s  sur  les  anciens  droits  des 
femmes  d'après  la  loi  hindoue  des  héritages,  par  Ram-Mohum- 
Roy.  Calcutta,  1822;  imprimerie  unitaire.  In-8°  de  16  p. 

i3. —  Thc  Precepts  of  Jésus ,  etc.  —  Les  Préceptes  de  Jésus 
pour  conduire  à  la  paix  et  au  bonheur,  extraits  des  livres  ou 
Nouveau-Testament,  attribués  aux  quatre  évangélistes ,  avec 
des  traductions  en  sanscrit  et  en  bengali.  Calcutta,  1820;  im- 
primerie de  la  mission  anabaptiste.  In-8°  de  82  p. 

1 4.  — An  appeal  to  the  cliristian  public,  etc. — Appel  au  public, 
chrétien,  ou  Défense  des  Préceptes  de  Jésus ,  par  un  ami  de  la 
vérité.  Calcutta,  1820.  In-8°  de  32  p. 

i5.  —  Final  appeal  to  thc  Christian  public,  etc.  —  Dernier 
app>'l  au  public  chrétien,  en   défense  des  Préceptes  de  Jésus  : 


\.sir.    EUROPE.  tu 

par  !i\M   Muni  m  Roy.  Calcutta,  i8a3j  imprimerie  unitaire. 

1.1  8°  de  '.7.,  p. 

Les  onze  écrits  don l  on  vient  de  lire  les  titres  ont  pourvu 
t*'in-  Ram  -  M0111  m  -  Rot  1   bramine  devenu  chrétien,  autour 
duquel  se  sont  groupés  un  certain  nombre  dindons  détrompés 

comme  lui  des  absurdités  du  polythéisme. 

Ram  Vïohnm-Roy,  très-versé  dans  les  langues  anciennes  ei 
modernes  da  son  pays,  a  extrait  d<-  celles-là  et  publié  dans  les 
dernières  les  textes  primitifs  qui  prouvent  l'unité  de  Dieu ,  seul 
Être  tout-puissant f  seul  qu'on  doive  adorer;.  11  se  félicite  d'avoir 
éveillé  la  curiosité  de  ses  compatriotes  sur  cette  question  fon- 
damentale ;  ses  écrits  ont  fait  sensation  ,  puisque  des  bramines, 
st-s  ci-devant  confrères,  ont  tenté  de  le  réfuter  par  des  articles 
insérés  dans  les  journaux  de  Madras.  Ces  adressions  ont 
amené  des  répliques  accablantes  qui  mettent  dans  un  plus 
grand  jour  ses  démonstrations  de  l'unité  divine. 

Ram  Moh  11  m -Roy  ridiculise  les  trois  cent  trente  mille  divi- 
nités des  Indous,  et  dévoile  les  motifs  qui  portent  les  bramines 
à  défendre  le  polythéisme.  11  est  pour  eux  une  mine  finan- 
cière, comme  l'était  à  Éphèse  la  grande  Diane  pour  les  ouvriers 
qui  faisaient  des  statues  de  cette  déesse  et  pour  les  marchands 
qui  les  vendaient.  La  religion  des  Indous  est  d'ailleurs  très- 
favorable  à  la  volupté,  à  l'obscénité.  Elle  admet  la  polygamie; 
et,  parmi  les  bramines,  il  en  est  qui  ont  dix,  quinze  et  vingt 
femmes. 

Ces  discussions  théologiques  ont  ensuite  conduit  l'auteur  à 
publier  des  extraits  de  la  morale  évangélique,  surtout  dans  les 
trois  derniers  ouvrages  que  nous  venons  d'annoncer.  Il  paraît 
avoir  une  tendance  vers  la  secte  des  unitaires. 

Dans  les  trois  écrits  concernant  les  femmes,  il  établit,  par 
les  textes  des  anciens  livres,  qu'on  les  a  opprimées.  C'est  la 
tyrannie  exercée  contre  elles  qui  introduisit  la  concrêmatùm , 
ou  l'usage  de  brûler  les  veuves  sur  le  bûcher  de  leurs  maris,  et 
la  postcrématiori ,  qui  les  assujétit  au  même  supplice  avec  cer- 
taines formalités,  lorsque  le  mari  est  décédé  hors  de  sa  rési- 
dence habituelle.  Dans  ce  dernier  cas,  elles  peuvent  cependant 
opîer  entre  la  mort  et  la  vie  purement  ascétique.  G. 

EUROPE.  . 
GRANDE  BRETAGNE. 

16.  —  *  Icônes filicum ,  etc.  —  Figures  des  fougères,  destinées 
à  faire  connaître  les  espèces  qui  manquaient  jusqu'ici  dans  les 


lia  LIVRES  ETRANGERS. 

herbiers,  on  qui  d 'avaient  j>oint  encore  été  représentées  par 
les  botanistes;  par  MM.  Uookkii  et  Grkville.  Londres,  1827. 
lu-fol.  avec  figures.  Il  a  paru  deux  fascicules,  cie  20  planches 
chacun. 

Les  fougères  deviennent  à  la  mode  en  botanique.  Linné  n'en 
connaissait  guère  que  deux  cents  espèces  réparties  dans   une. 
quinzaine  de  genres.  YVildenow  en   mentionna,  dans  son  Sjrs- 
tema plantarum  s  environ  un  millier,  distribuées  dans  cinquante- 
trois  groupes.  Après  avoir  consulté  un   grand  nombre  d'her- 
biers,  et   réuni,   durant  nos  voyages,  une  riche  collection  de 
ces  plantes,  nous  en  évaluâmes,  dans  le  Dictionnaire  classique 
d histoire  naturelle  ,  le  nombre  à  quinze  cents.  Depuis  ce  tems  , 
les  recherches  des  botanistes  l'ont  encore  grossi  de  nouvelles 
découvertes  ,  et  il  n'est  pas  téméraire  de  présumer  que  deux 
mille  fougères   au   moins   végètent  à  la  surface  du  "lobe.   On 
possédait  déjà  beaucoup  d'ouvrages  sur  une  classe  de  plantes 
où  la  nature  semble  s'être  plue   à   porter  la  variété  avec  les 
élémens  les  moins  nombreux  de  complication»;  mais  il  n'existe, 
rien  de  complet  sur  ce  sujet.  Aussi  avions  nous  formé  dès  Iong- 
îems  le  projet  de  fondre  en   un  seul  corps  d'ouvrage  tout  ce 
qui  le  concerne,  avec  une  iconographie  économique,  mais  suf- 
fisante des  espèces;  malgré  vingt-cinq  ans  de  recherches  et  la 
réunion  d'immenses  matériaux,  trop  d'élémens  nous  manquent 
pour  compléter  ce  travail,  tel  que  nous  l'avons  conçu.  Nous  en 
ajournons  la  publication,  avec  l'espoir  que  les  fascicules  que 
nous  annonçons    nous   seront  d'une  grande    utilité;    nous   ne 
leur  trouvons  d'antre  défaut  que  de  coûter  trop  cher.  Quatre 
ou  cinq  cents  francs  pour  la  représentation  au  trait  de  deux 
cent  quarante  espèces,  réparties  en  douze  cahiers,  nous  pa- 
raissentunebien  forte  somme.  Nous  engageons  les  savans  auteurs 
des  figures  de  fougères  à  mieux  spécifier  Y  habitat  de  chacune  , 
ou  leur  bel  ouvrage  ne  sera  d'aucune  utilité  pour  les  progrès 
de   la   géographie    botanique.   Indiquer  le   pays  où  croît  une 
plante  ne  saurait  suffire  ;  il  faut  soigneusement  noter  le  site, 
son  élévation  au-dessns  du  niveau  de  la  mer,  la  nature  du  sol  , 
et  beaucoup  d'autres  circonstances  de  localité,  dont  la  connais- 
sance est  nécessaire  pour  juger  des  conditions  dans  lesquelles 
unr  plante  peut  croître.  Nous  engagerons  encore  MM.  Hooker 
et  (rieville  à  compléter  leur  synonymie,  et  à  ne  point  décrire 
comme  absolument  nouvelles  des  choses  déjà  fort  bien  connues. 
Au  nombre  des  fougères  qui  furent  décrites  ,  et  nous  osons  le 
croire,  au  moins  aussi  bien  figurées  par  d'autres  que  par-  eus, 
est   le  ceter.ach  peduncidata 3   où  nous  n'avons   rien   découvert 
qui  fût  plus  pédoncule  que  dans  cinq  cents  autres  espèces,  et 


OB  \M)i:  BRETAGNE.  it,3 

qui   n'est   pas  llD   celerach  ,  niai-,   bien   le  telliguea  srci  de  notre 

Dictionnaire  classique  d'histoire  naturelle.  \>.  de  Sr.-V« 

i  •'.  -  -  *  Library oj useful  knowledse ,  rtc.  — Bibliothèque  des 
connaissait  es  usuelles  publiée  par  les  soins  et  sons  la  direction 
de  la  Société  formée  pour  répandre  ces  connaissances,  Lon- 
dres, 18917;  Btldwin,  Cradock  el  Joy;  Edimbourg,  Olever 
cl  liovd  ;  GlaagOW,  Uobei  tson  et  Alkins.ni;  Dublin,  W.  F.  Wa- 
kcniaii;  New-York,  Carwill;  Philadelphie,  Wardle.  I11-80. 

La  Société  qui  entreprend  de  rédiger  et  de  répandre  cette 
Bibliothèque  des  connaissances  usuelles ,  a  nommé  un  comité 
très  nombreux,  où  se  trouvent  des  membre,  du  parlement  et 

de  la  Société  royale  de  Londres  1  et  des  hommes  instruits  qui 
résident  dans  les  principales  vil  les  manufacturières  de  la  Grande- 
Bretagne,  et  qui  sont  à  portée  de  Lien  connaître  les  besoins  de 
l'industrie.  Chacun  des  cahiers  qu'elle  publie  contient  au  moins 
t\eox  feuilles  d'impression,  et  coûte  six  pences  (  12  sous  de 
France  ):  de  foi  tes  remises  sont  faites  aux  écoles,  aux  institu- 
tions en  faveur  de  l'industrie,  à  tous  ceux  qui  peuvent  aider 
la  Société,  et  concourir  avec  elle  à  la  propagation  des  connais- 
sances qu'elle  veut  rendre  de  plus  en  plus  populaires,  et  par 
conséquent  utiles.  Le  premier  cahier  contient  un  Discours  sur 
les  objets  et  les  avantages  des  sciences ,  et  sur  les  plaisirs  qu'elles 
procurent  :  c'est  une  exposition  claire  et  instructive  du  but  de 
la  Société,  et  un  très  -bon  modèle  pour  ses  coopéraleurs.  Au 
lieu  d'un  prospectus  ordinaire,  adressé  seulement  à  ceux  qui 
peuvent  devenir  membres  de  l'association,  cet  écrit  est  un  pre- 
mier pas  dans  la  carrière  que  l'on  veut  parcourir,  une  recon- 
naissance générale  de  son  étendue  et  des  directions  qu'il  faut  y 
suivre  pour  arriver  au  but  qu'on  s'est  assigné.  Cette  carrière 
est  immense;  presque  tout  le  savoir  humain  y  est  compris.  A 
l'exception  des  vérités  révélées,  dont  l'accès  est  interdit  au  rai- 
sonnement, et  de  celles  qui  ne  se  manifestent  qu'après  de  lon- 
gues et  profondes  études,  il  n'en  est  aucune  qui  soit  exclue  de 
cette  Bibliothèque.  Ainsi,  \a  philosophie  naturelle,  comme  di- 
sent les  Anglais,  ou  la  connaissance  des  corps ,  comprendra 
plus  de  cinquante  traités,  outre  ceux  que  Ton  pourra  y  joindre, 
en  faveur  de  quelques  arts,  ou  de  quelques  études  spéciales. 
L'arithmétique  et  l'algèbre  se  trouvent  renfermées  dans  cette 
division;  il  serait  peut-être  convenable  de  les  transporter  à  ia 
philosophie  intellectuelle ,  que  nous  nommons  idéologie,  et  qui 
comprend  la  science  des  méthodes.  Mais  la  géométrie  et  la  mé- 
canique appartiennent  essentiellement  à  la  science  des  corps  ; 
on  ne  peut  les  en  séparer,  et  elles  réclament  le  secours  du  cal- 
cul et  de  ses  méthodes  :  on  laissera  donc  les  choses  telles  qu'elles 
t.  xxxvi. —  Octobre  1827.  S 


ii»  LIVRES  ÉTRANGERS. 

sont  depuis  long-tems,  sans  qu'on  ait  remarque  le  moindre  re- 
tard dans  les  progrès  des  sciences,  causé  par  quelque  erreur 
dans  leur  classification. 

Comme  nous  savons  beaucoup  moins  de  choses  véritable- 
ment utiles  sur  l'esprit  humain  et  ses  facultés  que  sur  les  pro- 
priétés des  corps,  la  philosophie  intellectuelle  ne  comprendra 
que  sept  traités,  tous  extrêmement  difficiles  à  faire.  Comment 
exprimer  dignement  notre  reconnaissance  envers  ceux  qui  nous 
auront  donné  un  bon  traité  des  principes  fondamentaux  des  con- 
naissances humaines  ,  qui  auront  tracé  à  l'intelligence  une  route 
qui  ne  l'égaré  jamais  ?  Quand  même  cette  partie  de  l'ins- 
truction serait  inférieure  aux  autres,  il  serait  injuste  d'en  sa- 
voir mauvais  gré  aux  écrivains  qui  n'auront  pas  réussi  aussi 
bien  qu'on  l'aurait  voulu  ;  peut  -  être  ne  sommes- nous  pas  en- 
core en  état  de  populariser  cette  division  des  connaissances  hu- 
maines. Lorsque  les  sciences  approchent  de  leur  perfection  , 
l'ordre  des  idées  est  bien  connu  ;  il  n'est  point  interrompu  par 
des  lacunes  de  quelque  importance,  et  par  conséquent,  il  est 
possible  de  l'exposer  clairement,  en  peu  de  mots;  mais  la 
philosophie  intellectuelle  est  encore  livrée  à  l'incertitude  des 
discussions,  et  n"a  pas  le  caractère  des  sciences  exactes.  On 
n'est  pas  d'accord  sur  plusieurs  points  essentiels,  tels  que  l'in- 
fluence des  signes  sur  les  idées,  les  effets  réels  de  l'habitude  , 
les  inconvéniens  du  langage  figuré,  etc. 

La  morale  et  la  politique  sont  deux  autres  divisions  de  nos 
connaissances  sur  lesquelles  il  est  très  -  difficile  de  rédiger  de 
bons  traités  populaires.  Jusqu'à  présent,  la  science  sociale ,  dont 
la  politique  et  la  morale  ne  sont  que  des  divisions,  n'a  pas  en- 
core été  considérée  dans  son  ensemble;  on  n'a  fait  qu'entrevoir 
ses  principes  généraux,  sans  les  développer;  on  n'a  point  su 
les  débarrasser  de  toute  obscurité,  les  montrer  comme  des  lois 
générales,  dérivées  immédiatement  de  la  nature  des  choses. 
Si  les  traités  que  la  Société  des  connaissances  usuelles  nous  pro- 
met satisfont  au  besoin  d'une  instruction  réelle  sur  ces  impor- 
tais objets,  ils  devront  être  traduits  dans  toutes  les  langues, 
et  répandus  partout  où  les  vérités  de  cette  nature  peuvent  se 
montrer  sans  être  proscrites. 

L! histoire  des  sciences  et  des  arts  est  mise  avec  raison  au  nom- 
bre des  connaissances  qu'il  est  très  -  utile  de  propager.  On  a 
déjà  celle  des  mathématiques,  de  l'astronomie,  de  la  physique: 
le  nombre  des  divisions  que  la  Société  indique  à  ses  coopéra- 
teurs  ne  paraît  pas  suffisant.  La  philosophie  naturelle,  par 
exemple,  comprenant  la  physique  et  l'histoire  naturelle,  outre 
la  chimie  et  l'anatomie,  on  reconnaîtra  sans  doute  que  cha- 


GRANDE-BRETAGNE.  n5 

eu  ne  de  ces  grandes  divisions  doit  avoir  son  historien  :  on  fera 
la  même  observation  sur  les  sciences  morales- et  politiques, 
suc  la  jurisprudence,  sur  les  croyances  religieuses.  Quant  à 
l'histoire  des  arts,  on  s'en  tiendra  probablement  aux  sis  dis- 
sions indiquées  :  les  arts  mécaniques  <  t.  chimiques,  les  beaux  - 
arts,  les  manufactures,  le  commerce,  la  navigation,  la  guerre. 

Dans  les  histoires  des  peuples  indiquées  dans  le  prospectus 
de  la  Société,  il  n'est  pas  question  des  Turcs,  ni  de  plusieurs 
peuples  anciens,  célèbres  dans  I  histoire,  et  qui  ont  accompli 
leurs  destinées.  On  voit  avec  satisfaction  que  l'histoire  de  quel- 
ques hommes  n'a  p;is  paru  moins  importante  que  celle  des  peu- 
ples :  on  applaudit  à  la  plupart  «.les  choix  indiqués  dans  le  pros- 
pectus; mais  on  y  remarque  des  omissions.  Parmi  les  hommes 
remarquables  par  leur  dévouaient  patriotique,  on  peut  trou- 
ver, hors  de  l'Angleterre,  quelques  noms  à  joindre  a  ceux  de 
De  il  itt ,  de  Guillaume  Tell  y  dePaolietde  Washington?.  Parmi 
les  généraux,  Turcnne  est  le  seul  Français  que  Ton  cite;  on 
peut  aussi  lui  trouver  des  émules.  Au  nombre  des  hommes  fa- 
meux par  d'importantes  découvertes,  le  nom  de  BcrtlioUct  de- 
vait au  moins  être  associé  à  ceux  de  Lavoisier ,  de  Black  ,  de 
Cavendish  et  de  Pricstley.  Une  classe  très  -  utile,  dans  ces  bio- 
graphies, est  celle  des  hommes  qui  se  sont  élevés  par  la  seule 
force  de  leur  génie  à  un  très -haut  degré  d'influence  et  de  re- 
nommée;  mais  Franldin  devait  peut-être  appartenir  plutôt  à 
la  classe  des  philosophes,  ou  à  celle  des  hommes  d'Etat.  Parmi 
ces  derniers,  n'aurait-on  pas  du  placer  quelques-uns  des  pré- 
sidons des  Etats-Unis,  Jcffcrson,  John  Adains  3  etc.?  Au  reste, 
la  liste  insérée  dans  le  prospectus  n'est  pas  regardée  comme 
complète,  et  recevra  successivement  des  additions  dont  l'uti- 
lité sera  reconnue. 

Nous  n'avons  encore  entre  les  mains  que  dix  cahiers  de  cette 
Bibliothèque,  y  compris  celui  que  l'on  peut  considérer  comme 
un  prospectus,  et  qui  contient  les  statuts  de  la  Société.  L'ordre 
des  publications  n'est  pas  celui  des  matières;  chaque  cahier  pa- 
raît  le  plus  tôt  qu'il  est  possible,  afin  que  la  Société  accomplisse 
sa  tâche  sans  aucune  perte  de  tems.  Si  le  prix  de  6  pences 
pour  chaque  livraison  de  deux  feuilles  d'impression  semblait  un 
peu  haut,  même  en  Angleterre,  on  devrait  remarquer  les  li- 
gures qui  sont  jointes  au  texte,  le  soin  que  l'on  a  eu  de  les  mul- 
tiplier, afin  de  rendre  les  explications  tout- à -fait  claires,  et 
d  épargner  aux  lecteurs  une  fatigue  qui  n'aurait  pas  été  au 
profit  de  l'instruction. 

Nous  reviendrons  sur  cette  publication  intéressante,  qui  nous 
offrira  fréquemment  des  termes  de  comparaison  pour  les  ou- 

3. 


m*  LIVRES  ETRANGERS. 

V ragea  analogues  publiés  dans  d'autres  pays.   Il  nous  a  paru 
jusqu'à  présent  que  quelques-uns  des  rédacteurs  n'avaient  pas 
toujours  cherché  à  se   tenir  au  niveau  des  connaissances  ac- 
tuelles, et  qu'ils  auraient  pu  renfermer  encore  plus  d'instruc-  ■ 
tion  dans  le  cadre  étroit  qui  leur  était  tracé.  F. 

18.  — *  Golden  Raies  qf  social phihsopJiy ',  etc.  —  Règles  d'or 
de  la  philosophie  sociale,  ou  Nouveau  Système  de  morale  pra- 
tique, par  sir  Richard  Phillips.  Londres,  1826;  chez  l'auteur. 
In-o°  de  xxiv  et  3 1 7  pages. 

La  morale  ne  change  point  avec  les  siècles;  elle  est  la  même, 
elle  doit  être  la  même  ,  à  toutes  les  époques,  dans  tous  les  états, 
en  paix  comme  en  guerre,  en  révolution  comme  sons  un  gou- 
vernement régulier  et  consolidé  Biais  les  mœurs  varient  ;  et  si 
les  principes  qui  les  dirigent  et  les  modifient  semblent  subir 
des  altérations  selon  les  tems ,  les  esprits  exercés  ne  se  trom- 
pent point  au  costume  nouveau  qu'ils  empruntent,  et  les  re- 
trouvent dans  toute  leur  pureté,  malgré  la  métamorphose  qu'ils 
ont  subie.  Ces  principes,  toutefois,  sont  plus  ou  moins  nette- 
ment exprimés  par  les  hommes  qui  se  consacrent  à  les  ensei- 
gner ,  tantôt  voiles  sous  d'ingénieux  apologues,  ou  livrés  à  la 
sagacité  du  lecteur  après  un  simple  rapprochement  de  faits 
sans  réflexion,  tantôt  déduits  par  de  longs  raisonnen.ens  de 
l'histoire  générale  des  peuples  et  de  l'étude  de  l'homme  en  par- 
ticulier, ou  présentés  en  courts  apophtegmes,  dont  le  trait  pi- 
quant ou  profond  se  grave  facilement  dans  la  mémoire. 

La  possibilité  de  dire  tout  ce  qui  est  utile,  tout  ce  qui  e^t 
vrai  sur  toute  chose,  est  un  des  plus  beaux  privilèges  des  ci- 
toyens d'un  pays  libre;  c'est  celui  des  écrivains  anglais  La 
sentence,  nécessairement  plus  énergique  parmi  des  hommes 
qui  n'ont  rien  à  redouter,  est  aussi  plus  souvent  employée, 
parce  qu'un  long  usage  des  principes  ne  permet  pas  de  se 
tromper  sur  leur  justesse  et  leur  application.  Ce  que  l'on  sait 
bien  ,  ce  qui  est  adopté  par  tous,  peut  aisément  se  renfermer  en 
peu  de  paroles;  et  l'exactitude  ou  la  force  de  l'expression  le 
rappellent  rapidement  à  la  pensée  que  frappe  une  phrase  courte, 
sonore  et  vivante  de  sens.  Telle  est  la  manière  de  sir  Richard 
Phillips.  Sous  le  titre  de  Règles  d'or ,  et  sous  la  forme  de  pré- 
ceptes, il  a  réuni  tous  les  principes  et  les  vérités  pratiques  dont 
une  longue  expérience  lui  a  fait  connaître  l'utilité,  en  descen- 
dant aux  situations  les  plus  ordinaires  de  la  vie,  comme  en  s'é- 
levant  aux considé rations  les  plus  graves  sur  les  sociétés  et  sur 
1  humanité  en  général. 

Un  de  ses  chapitres  se  compose  de  conseils  aux  princes  sou- 
verains. Ils  sont  simples,  parce  qu'ils  sont  déduits  des  droits 


GRANDE  BB    I  LG  >F.  n7 

des  citoyens,  assurés  par  1rs  constitutions  ;  ils  sont  sages,  parce 

qu'ils  sont  fondes  sur  les  règles  les  [)ius  ordinaires  de  la  justice, 
sur  le  désir  du  bien,  sur  un  respect  aussi  grand  pour  les  pri 
vili «ges  du  trône  que  pour  les  libertés  des  peuples;  ils  s<-i  cietot 
utiles  ;tn\  souverains,  si  jamais  Ie>  souverains  s'a\  isaîenl  de  les 
lire ,  parce  qu'ils  leur  présent!  ut,  dans  un  tableau  précis ,  tout 
ce  (|ni  peut  ajouter  à  leur  pouvoir  et  à  leur  splendeur,  en  se 
considérant  eux-mêmes  comme  les  instrumens  du  bonheur 
public. 

Les  préceptes  que  sir  Richard  Phillips  offre  aux  électeurs 
et  aux  législateurs  rappellent  aux  uns  et  aux  autres,  d'une 
manière  ingénieuse  et  profonde,  leurs  devoirs  les  plus  sacrés. 
G'est  un  cours  complet  d'élection  et  de  conduite  parlementaire. 
La  propriété,  la  liberté,  le  bonheur  ,  la  vie  de  chaque  Cltoj  . n, 
tiennent  essentiellement  à  l'incorruptibilité*  à  l'indépendance, 
à  l'esprit  public  des  représentans 5  et  ce  n'est  pas  une  préroga- 
tive sans  importance  que  celle  d'être  chargé  de  scruter  le  ca- 
ractère des  hommes  appelés  à  défendre  les  intérêts  de  la  nation 
dans  la  Chambre  élective,  soit  comme  tuteurs  du  trésor  pu- 
blic, soit  comme  conservateurs  des  libertés  du  peuple  contre 
les  prérogatives  de  la  couronne  et  les  privilèges  de  la  noblesse, 
soit  comme  censeurs  politiques.  Sir  Phillips  voudrait  même 
que,  pour  assurer  l'intégrité  des  choix,  chaque  électeur  pro- 
nonçât le  serment  que  voici ,  à  l'ouverture  de  l'assemblée  :  «  Je 
jure  (pie  je  n'ai  reçu  par  moi-même,  ni  par  aucune  autre  per- 
sonne, pour  moi  ou  pour  mon  usage  ou  profit,  directement  ou 
indirectement,  aucune  somme  d'argent,  charge,  place  ou  em- 
ploi,  présent  ou  récompense,  ni  aucune  promesse  ou  assu- 
rance de  charge,  d'emploi  ou  de  présent,  à  l'effet  de  donner 
ma  voix  à  cette  élection.  »  Reste  à  savoir  si  les  paroles  so- 
lennelles d'un  serment  arrêteraient  les  personnes  qui  ne  sont 
pas  convaincues  qu'un  vote  corrompu  est  un  acte  de  trahison 
envers  son  pavs,  un  crime  que  chaque  citoyen  doit  dénoncer , 
poursuivre,  et  faire  punir. 

La  publication  en  France  de  l'ouvrage  de  sir  Phillips  aurait, 
pour  l'instruction  des  hommes  qui  se  destinent  à  la  tribune  na- 
tionale, des  résultats  plus  avantageux  encore  qu'en  Angleterre, 
où  cependant  les  chapitres,  dont  nous  venons  de  citer  les  titres, 
oui  été  distribués  au  nombre  de  plus  d'un  demi-million  d'exem- 
plaires. Ceux  qui  concernent  les  journalistes,  la  liberté  reli- 
gieuse,  l'économie  politique,  ne  sont  pas  moins  piquans,  bien 
qu'Us  soient  d'une  application  moins  générale;  on  lira  égale- 
ment avec  un  vif  intérêt  les  préceptes  adressés  aux  instruc- 
teurs delà  jeunesse,  aux  prêtres  de  paroisse,  et -aux  banquiers. 


^ 


n8  LIVRES  ETR/VNGERS. 

Cest  un  miroir  qui  réfléchit  à  la  fois  les  faiblesses,  les  vices  , 
les  difformités  de  l'espèce  humaine' en  société ,  et  les  remèdes 
qu'il  convient  d'y  appliquer.  C'est  le  code  du  bon  citoyen  et  de 
1  honnête  homme. 

L'ouvrage  est  dédié  à  Simon  Bolivar,  que  l'auteur  aime  à 
considérer  comme  le  Washington  de  l'Amérique  du  Sud.     R. 

io,.  —  *  The  establishment  of  tlie  Turks  in  Europe,  etc.  — 
De  l'établissement  des  Turcs  en  Europe;  dissertation  histo- 
rique. Londres,  1828  (1827);  Murray.  In-8°  de  128  pages; 
prix,  5  sh.  6  d. 

Depuis  Baumgarten  et  Busbecquius  jusqu'à  Volney  et  à 
M.  Buckingham,  les  voyageurs  en  Orient  ont  sans  cesse  ajouté 
aux  innombrables  documens  que  possèdent  sur  les  mœurs  des 
Turcs  toutes  les  littératures  de  l'Europe.  Gibbon  a  consacré  une 
grande  partie  de  son  bel  ouvrage  à  cet  objet;  et  De  Guignes, 
avec  moins  de  goût  et  de  talent,  mais  avec  une  connaissance 
plus  approfondie  de  l'Orient,  a  réuni  sur  le  même  sujet  une 
immense  quantité  de  faits  dans  son  indigeste  compilation.  Au- 
cun écrivain  jusqu'ici  n'a  su  extraire  de  ces  matériaux  un 
choix  de  faits  propres  à  caractériser  les  institutions  et  les 
mœurs  turques,  à  faire  apprécier  en  quoi  elles  se  rapprochent 
ou  diffèrent  de  celles  des  autres  nations.  A  bien  dire  ,  il  n'existe 
guère  que  trois  ouvrages  où  l'on  puisse  en  prendre  une  idée: 
\  Histoire  de  la  Turquie,  par  Rycant,  le  Tableau  de  l'Empire 
ottoman,  par  d'Ohsson  et  l'ouvrage  de  Castellan  sur  les 
Mœurs  des  Ottomans.  Mais  le  premier  est  suranné;  le  second 
a  le  défaut  d'être  beaucoup  trop  volumineux;  quant  au  troi- 
sième, assez  riche  en  détails  sur  les  mœurs,  il  est  nul,  quant 
aux  notions  politiques. 

Pour  bien  faire  connaître  la  race  ottomane,  il  serait  néces- 
saire de  diviser  son  histoire  en  trois  époques.  La  première  la 
représenterait,  avant  que  la  soif  des  conquêtes  et  du  pillage 
l'eût  portée  sur  l'occident;  la  seconde  montrerait  les  qualités 
dont  l'islamisme  lui  donna  le  germe,  et  que  développa  une 
longue  suite  de  victoires;  dans  la  troisième,  enfin,  on  la  pein- 
drait, telle  qu'elle  est  aujourd'hui,  cédant  lentement,  et  malgré 
elle,  à  l'influence  de  la  civilisation  européenne,  et  s'avançant 
à  grands  pas  vers  sa  dissolution  politique. 

L'ouvrage  que  nous  annonçons  n'est  qu'une  légère  esquisse 
d'un  côté  de  ce  grand  tableau.  A  peine  l'auteur  entre-t-il  dans 
les  détails  de  son  sujet;  il  est  même  certaines  parties,  telles 
que  les  mœurs  domestiques  des  Turcs,  et  leur  littérature  qu'il 
a  tout  au  plus  indiquées.  Cependant,  rien  dans  l'histoire  de 
ce   singulier    peuple,    n'est   plus   intéressant  pour    nous     que 


GRANDE-BRETAGNE.  ne, 

l'observation   de    ses    qualités    sociales   et    intellectuelles.    S.uis 

doute,  on  a  beaucoup  écril  sur  les  rapports  des  sexes  el  sur 
la  condition  des  femmes  ches  les  Turcs;  mais  il  dc  paraît  pas 
(]ue  l(\s  Européens  aient  jamais  recueilli  < ï « •  s  renseignement 

exacts  sur   ce  point.  On  n  e>t  pas  plus  avancé,  quant    à   leni  s 

poètes,  à  leurs  historiens ,  et  aux   différentes  parties  <'<   leur 

littérature.     Des    institutions    politiques,    aussi    informes    que 

celles  des  Turcs,  sont  facilement  décrites  el  offrent  peu  d'at- 
trait;   mais    la    difficulté    consiste   à    saisir   et    à   expliquer  les 

nuances  de  leurs  qualités  morales  et  intellectuelles,  et  les  cir- 
constances particulières  qui  ont  produit  ou  développé  leur 
caractère  national.  C'est  nue  étrange  erreur,  dc  chercher  dans 
le  Koran  seulement  la  cause  des  singularités  qui  sont  propres 
au  caractère  des  Turcs.  Le  Persan,  l'Arabe,  le  Mongol  lisent 
et  révèrent  le  Koran;  mais  le  caractère  de  chacun  de  ces  der- 
niers diffère  autant  de  celui  du  Turc  que  le  génie  du  peuple 
espagnol  diffère  de  celui  de^  Anglais.  Les  doctrines  de  l'isla- 
misme, loin  d'avoir  entièrement  formé  le  caractère  ottoman, 
ont  été  sensiblement  modifiées  par  lui;  de  telle  sorte  que  le 
Koran,  interprété  à  Constantinople,  ne  ressemble  pas  plus  au 
Koran  commenté  à  La  Mecque  ou  sous  les  palmiers  du  dé- 
sert, que  la  Bible  de  l'inquisiteur  espagnol  ne  ressemble  à 
celle  du  ministre  protestant. 

L'auteur  de  Y  Etablissement  des  Turcs  en  Europe  n'a  jamais 
parcouru  l'empire  ottoman;  il  a  donc  dû  se  borner  au  rôle  dc 
compilateur.  Avouons  qu'il  l'a  rempli  avec  soin  et  habileté, 
quoi  qu'on  puisse  lui  reprocher  de  s'être  renfermé  dans  des 
limites  trop  étroites. 

En  comparant  entre  eux  les  récits  des  voyageurs  et  les 
relations  des  historiens,  il  est  parvenu  à  se  former  une  idée 
fort  exacte  du  peuple  qu'il  décrit.  Cette  méthode  est  souvent 
suffisante;  c'est  même  la  seule  qu'il  soit  possible  de  suivre, 
lorsqu'il  s'agit  de  nations  éteintes,  pour  ainsi  dire,  comme  les 
Grecs  et  les  Romains  qui  disparurent  avec  leurs  institutions 
politiques.  Mais,  pour  parvenir  à  cette  exactitude  et  à  cette 
précision  que  demande  une  critique  judicieuse  et  sévère,  l'écri- 
vain doit  éclairer  par  sa  propre  expérience  les  notions  qu'il 
puise  dans  les  livres  et  étudier  sur  les  lieux  ,  et  d'après  nature, 
les  peuples  vivans  dont  il  veut  retracer  la  physionomie.  Notre 
auteur  n'a  point  assez  examiné  la  vie  privée  des  Turcs;  il  n'a 
point  découvert  comment  ils  emploient  leur  teins,  de  quelle 
manière  ils  vivent  en  famille;  comment  ils  élèvent  leurs  fils  ou 
leurs  tilles.  Comme  tant  d'autres,  il  attribue  au  caractère  otto- 
man une  trop  forte  disposition  à  la  sensualité,  dont  il  trouve 


120  LIVRES  rVf  RANGERS. 

la  preuve  clans  la  coutume  de  la  polygamie.  Dos  recherches 
plus  exactes  lui  auraient  appris  qu'il  y  a  plus  de  délicatesse  et 
d'affection  dans  la  conduite  d'un  mari  turc,  qui  fait  de  sa 
femme  son  amie,  sa  compagne  et  non  son  esclave,  qu'on  n'en 
trouve  souvent  chez  certains  maris,  dans  des  pays  plus  civi- 
lisés. Mais  ce  sujet  exigerai!  de  grands  développemens,  et  nous 
aurions  tort  d'insister  davantage  sur  des  imperfections  et  des 
erreurs  presque  inévitables  dans  un  semblable  travail. 

À.  St.-Johw. 

20.  —  *  Memoirs  of  the  rival  houses  of  York  and  Lancastery 
historié  al  and  biographical ,  etc. — Mémoires  historiques  et  bio- 
graphiques ,  relatifs  à  la  rivalité  des  maisons  d'York  et  de 
Lancastre  ,  et  embrassant  la  période  de  l'histoire  d'Angleterre 
qui  s'étemi  depuis  l'avènement  de  Richard  II,  jusqu'à  la  mort 
de  Henri  VII;  par  Emma  Roberts.  Londres,  1827;  Har- 
rung  etLepard,  2  vol.  in-8°;  prix,  26  sh. 

En  parcourant  l'histoire  des  guerres  civiles  qui,  pendant 
une  si  longue  période,  déchirèrent  l'Angleterre  et  l'inondèrent 
de  sang;  en  y  observant  les  efforts  continuels  d'une  noblesse 
turbulente  pour  s'arroger  le  pouvoir,  les  combats  acharnés 
que  se  livraient  des  prétendans  rivaux  pour  obtenir  une  cou- 
ronne sans  cesse  disputée,  et  les  courageuses  tentatives  des 
communes  pour  arracher  la  liberté  civile  et  religieuse  des 
mains  puissantes  qui  leur  en  refusaient  les  bienfaits  ,  on  n'y 
trouve  aucune  époque  plus  fertile  en  grands  événemens  ,  et  en 
incidens  romanesques  ,  que  celle  qui  fut  signalée  par  la  longue 
et  violente  contestation  élevée  entre  les  deux  partis,  désignés 
sous  les  emblèmes  de  la  rose  rouge  et  de  la  rose  blanclie. 

L'origine  de  la  maison  de  Lancastre  remonte  au  règne  de 
Henri  III,  et  les  immenses  richesses  accumulées  par  ce  prince 
sur  Edmond  ,  son  second  fds  (surnommé  Crouchback),  jetèrent 
les  fondemens  de  cette  grandeur  qui  devint  si  fatale  à  la  puis- 
sance de  Richard  II.  Outre  les  dov.s  accordés  par  Henri  III 
à  ce  fils  préféré,  et  parmi  lesquels  figurent  le  comté,  le 
château  et  la  ville  de  Lancastre,  Edmond  fut  investi  par  le 
pape  Innocent ,  des  rovaumes  de  Sicile  et  de  Pouille.  Quoi 
qu'il  en  soit ,  M.  Astle  ,  savant  archéologue  anglais,  attribue 
la  source  de  cette  fortune  démesurée,  et  celle  de  l'ambition 
non  moins  démesurée  de  la  maison  de  Lancastre,  à  ce  don 
fatal  du  pontife  romain.  Ne  pouvant  conquérir  le  royaume  de 
Sicile  par  ses  propres  ressources,  Innocent  engagea  adroite- 
ment Henri  111  dans  cette  dispendieuse  entreprise.  Le  cré- 
dule monarque  pleura  de  joie  à  l'investiture  de  son  fils,  célé- 
brée à    Londres  en    1225    par  l'évèque   de  Bologne;   mais. 


GRANDE-BRETAGNE.  ish 

comme  ii  dut  demander  à  ses  barons  <1  immenses  subsides 
pour  fournir  aux.  frais  de  cciic  guerre  ,  ceux  ci  refusèrent  de 
concourir  a  l'exécution  de  ce  chimérique  projet  ;  et,  ne  pouvant 
convaincre  le  roi  par  leurs  raisonnemens ,  de  la  folie  de  pro- 
diguer ses  trésors  dans  une  tenl:ili\e  hasardeuse  sur  lin  pavs 
éloigné,  ils  prirent  le  parti  de  recourir  aux  armes  après  avoir 
toutefois  souffert  à  plusieurs  reprises  les  plus  injustes  exac- 
tions. I  ne  lutte  sanglante  s'élant  engagée  entre  Henri  et  ses 
barons,  elle  se  termina  par  la  ruine  totale  de  ces  derniers. 
Edmond,  amplement  dédommagé,  de  la  perte  de  son  royaume 
par  les  riches  dépouilles  de  ceux  que  l'on  appelait  rebelles, 
transmit  à  sa  postérité  un  héritage  trop  vaste  pour  de  simples 
sujets.  Henri  de  Lancastre  s'en  prévalut  pour  se  rendre  redou- 
table à  son  souverain  ;  et  Richard  II  ne  tarda  point  à  être  ren- 
versé par  l'influence  supérieure  de  ce  descendant  d'Edmond. 

Quoique  l'usurpation  de  ]>olingbroke  se  fût  accomplie  sans 
résistance,  elle  fut  suivie  d'une  effusion  de  sang  qui  n'eut 
presque  point  d'interruption  pendant  l'espace  de  i5o  ans.  Elle 
commença  immédiatement  après  l'accession  de  Henri  IV  au 
tréme,  et  continua  pendant  le  règne  de  son  fils.  Le  torrent  se 
grossit,  durant  les  guerres  civiles  qui  éclatèrent  entre  les  deux 
roses  rivales,  ne  s'arrêta  point  sous  la  domination  des  Tu- 
dors  ,  et  ne  se  tarit  enfin  que  lorsqu'il  ne  resta  plus  d'objet  à 
cette  jalousie  fatale,  si  cruellement  excitée  par  les  ambitieux 
projets  des  maisons  d'York  et  de  Lancastre. 

L'auteur  de  ces  Mémoires  a  retracé  avec  un  véritable  talent 
le  tableau  de  cette  brillante  période  de  l'histoire  de  son  pays. 
La  marche  de  son  récit  est  rapide;  ses  réflexions,  peu  multi- 
pliées, sont  remarquables  par  leur  justesse;  et  son  style,  simple, 
naturel  et  clair,  est  parfaitement  adapté  au  genre  de  son  tra- 
vail. Il  est  honorable  pour  notre  siècle  de  voir  que  les  femmes  , 
sortant  du  cercle  des  fictions,  dans  lequel  l'opinion  semblait 
les  avoir  reléguées,  aient  osé  se  saisir  du  burin  de  l'histoire 
et  se  soient  montrées  capables  de  s'en  servir  habilement.  C'est 
une  preuve  de  plus  que  les  lumières  s'étendent  dans  une  pro- 
gression toujours  croissante,  en  dépit  des  tristes  sophismes  de 
ceux  dont  les  vœux  ne  tendent  qu'à  les  voir  rétrograder. 
Miss  Emma  Roberts  a  eu  le  courage  de  s'élancer  dans  une 
vaste  et  noble  carrière,  et  nous  aimons  à  applaudir  à  ses  pre- 
miers succès.  Jrmande  Dieudé. 

21.  — Le  Narrateur  français ,  or  Sélection  of  anecdotes  , 
reportées  and  characters  in  jrencli  tongue,  etc.  —  Le  Narrateur 
français,  ou  Choix,  en  langue  française,  d'anecdotes,  de  re- 
parties et  de  caractères;  ouvrage  imprimé  avec  deux  nouveaux 


112  LIVRES  ÉTRANGERS. 

signes  orthographiques  pour  arriver  facilement  à  une  pronon- 
ciation élégante  et  correcte;  par  A.  Roy.  Londres,  1827; 
\\ .   Pickering.  In- 12. 

Ce  recueil  de  Narrations  est  destine  aux  Anglais  qui  veulent 
apprendre  la  langue  française.  On  y  trouve  des  remarques  sur 
les  traductions,  et  des  principes  de  grammaire  nécessaires  à 
l'intelligence  du  texte;  une  table  alphabétique  des  mots  qui 
s'y  rencontrent  le  plus  souvent,  et  un  catalogue  de  tous  les 
autres  avec  la  traduction  anglaise  en  regard.  Cette  dernière 
partie  n'est,  à  proprement  parler,  qu'un  petit  dictionnaire 
français  anglais;  la  première  contient  les  mêmes  principes  de 
grammaire  que  la  plupart  des  ouvrages  de  ce  genre;  il  est  juste 
cependant  de  remarquer  chez  M.  Roy  une  louable  tendance  à 
simplifier  les  principes  de  la  science  qu'il  professe.  Enfin,  les 
deux  cents  anecdotes  ou  narrations  qui  composent  son  ou- 
vrage, sont  en  général  très-amusantes  et  fort  variées  :  les  deux 
signes  orthographiques  qu'il  emploie  servent,  l'un,  à  indiquer 
quand  il  faut  faire  sentir  sur  la  voyelle  initiale  d'un  mot  la 
consonne  finale  du  mot  précédent;  le  second,  à  distinguer  la 
prononciation  de  Ye  muet  des  monosyllabes  où  il  a  le  son  eu 
très-faible,  du  scheva  ou  de  la  simple  expiration  de  l'air  à  la 
fin  des  mots,  où  l'on  ne  doit  pas  du  tout  l'entendre.  Cette  dis- 
tinction, que  M.  Roy  me  semble  avoir  établie  le  premier  par 
un  signe  employé  constamment,  est  en  effet  d'une  grande  uti- 
lité pour  tous  ceux  qui  voudront  parler  le  français  comme  on 
le  fait  en  France,  et  s'habituer  aux  différences  que  l'oreille 
nous  fait  si  bien  sentir.  B.  J. 

22. — Hamel  t  the  Obeali-Man.  —  Hamel.  Londres,  1827. 
2  vol.  in- 8°;  prix,  16  sh. 

Quoique  présenté  sous  la  forme  d'un  roman,  cet  ouvrage 
reçoit  du  sujet  qu'il  traite  une  certaine  importance.  L'escla- 
vage aux  Indes  occidentales  est  peut-être  le  thème  sur  lequel 
les  défenseurs  de  la  liberté  se  sont  le  plus  exercés  depuis 
quelques  années;  c'est  le  point  contre  lequel  ils  ont  dirigé 
leurs  plus  terribles  attaques;  et,  par  une  singulière  coïnci- 
dence, c'est  ce  même  esclavage  que  les  fanatiques  ont  exploité 
comme  pouvant  leur  fournir  la  meilleure  occasion  de  déployer 
leur  zèle  pour  les  conversions  religieuses.  Aussi  est-il  permis 
de  douter  que  la  question  ait  jamais  été  examinée  avec  impar- 
tialité. Les  défenseurs  de  la  liberté  s'appuyant  sur  cette  pro- 
position générale  :  que  la  liberté  est  un  bien  dont  l'homme  ne 
peut  priver  l'homme,  affirment  que  tous  les  Africains,  op- 
primés aujourd'hui  par  les  Européens,  ont  droit  à  l'émanci- 
pation, et  doivent  l'obtenir  immédiatement.  Les  méthodistes, 


GRANDE  BRETAGNE.—  RI  SSIE.  i»3 

de  leur  côté,  recueillent  des  Tonds  considérables  pour  l'entre 
tii-ii  de  ce  qu'ils  Rppelleni  11  banque  africaine  (  ajrican  fund  ; 
ces  fonds  fournissent  les  riches  émolument  de  leurs  mission- 
naires, la  plupart  jeunes-gens  très  exaltés  (hot-headed)  >  qui 
prêchent  la  foi  parmi  les  nous  avec  pins  de  zèle  nue  de  dis- 
civiion;  In  foi,  selon  leursdogmes incompréhensibles,  donne- 
rait aux    llOÎrS  le  droit   de  chasser   à    COUpS   de    loue!  tons   les 

blancs  des  iles  qu'ils  habitent.  Les  deux  partis  ont  soutenu 
jusqu'ici  leurs  opinions  avec  tant  de  chaleur  et  de  ténacité, 
que  l'homme  exempt  de  préjugés,  raisonnable  et  modéré  peut 

a  peine  élever  la  voix  pour  les  combattre.  Ilamel  a  évidemment 
pour  but  d'indiquer  les  torts  et  les  exagérations  des  partisans 
de  ces  deux  opinions.  On  reconnoît  que  l'auteur  a  vécu  dans 
les  lieux  qu'il  décrit  :  il  a  été  le  témoin  attentif  des  scènes  qu'il 
retrace.  Si  l'on  peut  s'en  rapportera  son  témoignage,  l'in- 
fluence des  méthodistes  sur  les  malheureux  esclaves  doit  pro- 
duire de  grands  malheurs;  et  il  est  à  regretter  que  ces  faits 
n'aient  pas  encore  été  publiés  et  soumis  à  l'examen.  On  ne 
peut  se  flatter  d'améliorer  la  condition  des  Africains  qu'en 
s  occupant  avec  soin  d'élever  et  d'instruire  leurs  cnfans;et  non 
en  lâchant  (letting  loose)  sur  ses  maîtres  cette  population  dé- 
nuée d'instruction  et  de  ressources,  ou  bien  en  l'introduisant, 
un  bandeau  sur  les  yeux  ,  dans  une  communion  dont  les  doc- 
trines sont  tout-à-fait  inintelligibles  pour  elle.  Il  faut  lire 
Ilamel  pour  apprendre  combien  l'état  des  Indes  Occidentales 
est  mal  connu  dans  les  autres  pays,  et  pour  apprécier  avec 
justesse  le  mérite  et  l'utilité  des  missionnaires  qne  l'on  y  envoie. 
Cet  ouvrage  renferme  quelques  passages  d'une  grande  force; 
mais  en  général  il  n'est  pas  bien  écrit;  le  récit  manque  d'intérêt  : 
il  mérite  néanmoins  de  fixer  l'attention  par  l'importance  du 
sujet  que  l'auteur  paraît  avoir  examiné  en  juge  éolairé  et  im- 
partial. Fanny  Skymour. 

RUSSIE. 

2,3.  —  De  l'influence  des  lumières  sur  In  condition  des  peuples  ; 
discours  lu,  le  20  mai,  dans  l'assemblée  solennelle  de  l'Uni- 
versité impériale  de  Saint-Pétersbourg,  par  M.  de  Gouroff, 
conseiller  d'étal,  recteur  de  l'Université,  professeur  ordinaire 
d'histoire  et  de  littérature,  etc.  Saint-Pétersbourg,  18,26  ;  im- 
primerie de  l'Académie  des  sciences.  In-8°  de  58  p. 

La  langue  française  e>t  presque  cosmopolite.  Ses  conquêtes 
se  sont  étendues  spécialement  dans  le  nord  de  l'Europe.  Un 
grand  nombre  de  Mémoires  des  Académies  de  Berlin  et  de 


1*4  LIVRES  ÉTRANGERS, 

Petersbourgsont  écrits  en  français;  et  voilà  que ,  dans  une  séance 
solennelle  de  11  Diversité  de  cette  dernière  ville,  le  recteur 
prononce  dois  la  même  langue  un  discours  intéressant.  L'au- 
teur a  BU  rajeunir  le  sujet  qu'il  avait  choisi  par  des  idées 
neuves  et  par  des  applications  honorables,  et  spéciales  à  Ja 
Russie.  G. 

a4«  —  *  Zapiski  Volkovnika  Voutier.  — ■  Mémoires  du  colo- 
nel Voutier  sur  la  guerre  actuelle  des  Grecs,  traduits  en  russe 
par  Orcste  Somof.  Saint-Pétersbourg ,  182/4-1825.  Imprime- 
rie du  département  médical  du  ministère  de  l'intérieur,  2  vol. 
in-8°,  en  tout  xvi  et  345  pages;  avec  cinq  portraits  gravés  au 
trait ,  et  une  carte  de  la  Grèce,  tirée  de  l'Atlas  de  Lapie.  Prix  , 
10  roubles,  et  i5  sur  papier  vélin. 

Le  sort  de  la  Gièce  excite  un  vif  intérêt,  dans  tous  les  cœurs 
généreux.  «En  effet  (dit  un  de  nos  plus  estimables  collabora- 
teurs, M.  de  Sismondi  ,  voy.  Re\>.  Enc,  t.  xxvi,  mai  182$, 
p.  383)  si  nous  sommes  hommes,  si  nous  sommes  chrétiens, 
si  nous  sommes  civilisés,  jamais  spectacle  fait  pour  émouvoir 
plus  profondément  les  âmes  ne  fut  présenté  à  nos  regards; 
jamais  nos  ancêtres  n'en  virent  un  pareil  à  celui  que  nous 
donne  aujourd'hui  la  Grèce.  Jamais  des  souffrances  plus  ef- 
frayables  n'atteignirent  une  des  grandes  familles  du  genre 
humain;  jamais  des  dangers  plus  terribles  ne  menacèrent  un 
plus  grand  nombre  de  tètes;  jamais  des  efforts  plus  héroïques 
ne  furent  tentés  pour  sauver  tout  ce  qui  est  cher  aux  âmes 
élevées,  la  religion,  la  liberté,  la  pudeur  des  femmes  et  des 
filles,  le  souvenir  des  ancêtres,  le  nom  d'une  patrie  autrefois 
glorieuse,  le  langage  enfin  qu'on  prétendait  que  les  dieux 
avaient  enseigné  aux  hommes.  »  Il  est  donc  facile  de  concevoir 
l'intérêt  qui  s'attache  aux  mémoires  relatifs  aux  événemens 
actuels  de  la  Grèce.  Nous  avons  recommandé,  il  y  a  quatre 
ans,  à  l'attention  de  nos  lecteurs  les  Mémoires  du  colonel 
Voutier.  (Voy.  Rev.  Enc,  t.  xx.  Décembre  1823,  p.  633-63/|.) 
Quelque  tems  après,  M.  de  Sismondi,  en  consacrant,  dans 
notre  Recueil,  trois  analyses  a  six  ouvrages  sur  l'histoire  de 
la  régénération  de  la  Grèce,  publiés  par  MM.  Pouqueville, 
Raffenel,  Voutier  et  RAYBAun,en  France  ;  par  MM.  Stanhope 
etBLAQuiÈRES,en  Angleterre,  i voy.  Rev.  Enc,  t.  xxvi,  mai  1823, 
p.  38i-3q8;  t.  xxvi,  juin  1825,  p.  703-716;  et  t.  xxvu, juil- 
let 1825,  p.  69-80),  a  exprimé,  sur  les  Mémoires  de  Voutier, 
un  jugement  que  nous  aimons  à  reproduire  ici.  «  A  la  fin  de 
l'année  1823,  des  mémoires  sur  la  guerre  des  Grecs  furent 
publiés  à  Paris,  sous  le  nom  du  colonel  Voutier.  Ecrits  avec 
sensibilité,   avec  chaleur,  par  quelqu'un  qui  se  donnait,  non 


RUSSIE.  r*5 

tenlemenl  comme  témoin  oculaire,  mais  comme  acteur  prin- 
cipal dans  les  deux  campagnes  de  i$si  et  dé  iflaa ,  ils  fu reot 
reçus  par  le  public  a\cc  empressemenl  :  les  Grecs  eux-mêmes 
rendaient  témoignage  de  la  vérité  des  peintures  de  mœurs  qui 
s'v  irons  .lient  présentées  avec  talent;  I  oppression  de  la  Grèce 
avant  l'insurrection  y  était  exposée  de  manière  à  faite  une 
impression  profonde  :  la  part  que  l'auteur  s'attribuait  dans 
les  opérations  militaires,  quoique  considérable)  était  racontée 
sans  orgueil  et  sans  prétention;  il  semblait  dire  ce  qu'il  avait 
fait,  ce  qu'il  avait  vu,  et  ne  vouloir  parler  que  de  ses  impres- 
sions personnelles»  La  critique  d'ailleurs  était  désarmée  par 
le  respect  pour  le  caractère  d'un  de  ces  généreux  Phiihcllènes 
qui  avaient  offert  leurs  talcns  et  leur  vie  à  une  nation  presque 
réduite  aux  abois,  au  moment  où  elle  combattait  sans  argent, 
sans  armes,  sans  vivres,  sans  discipline,  sans  connaissance  de 
la  guerre,  lorsque  des  terreurs  paniques  assiégeaient  ses  sol- 
dats, lorsqu'on  risquait  jusqu'à  son  honneur  par  la  pusillani- 
mité ou  la  férocité  de  ceux  sous  les  étendards  desquels  on 
venait  exposer  sa  vie.  Les  Mémoires  du  colonel  Voutier  sont 
au  nombre  des  autorités  auxquelles  MM.  Pouqucville  et  Raf- 
feael  ont  eu  recours  pour  composer  l'histoire  des  sièges  de 
Tripolitzn,  d'Athènes  et  de  Missolonghi.  Cependant ,  quelques 
personnes  annonçaient  déjà  que  cet  officier  n'avait  jamais  pu 
écrire  le  livre  qui  lui  était  attribué,  qu'un  témoin  oculaire 
n'aurait  pu  tomber  dans  les  erreurs  grossières,  dans  les  con- 
tradictions qu'on  préteudait  pouvoir  relever  dans  sa  narration; 
déjà  le  bruit  se  répandait  qu'il  ne  fallait  voir  dans  ces  mé- 
moires sur  la  Grèce  qu'une  spéculation  de  librairie;  que  le 
colonel  Voutier,  à  son  retour,  avait  raconté  à  ses  amis  ce  qu'il 
avait  fait  avec  ses  compagnons  d'armes,  et  que  quelque  écri- 
vain obscur,  mais  non  dépourvu  de  talent,  avait  mis  de  l'en- 
semble dans  ces  récits,  et  en  avait  lait  un  ouvrage  plus  agréable 
que  vé  ri  clique.  La  publication  toute  récente  des  Mémoires  de 
M.  Maxime  Raybaud  semble  confirmer  cette  supposition.  Cet 
autre  officier  des  Philhcllènes  est,  comme  M.  Voutier,  arrivé 
en  Grèce,  au  milieu  de  l'été  de  1821,  et  il  y  est  resté  comme 
lui  jusqu'à  la  fin  de  l'année  1822.  Tous  deux  ont  été  en  même 
tems  membres  de  l'état-major  général,  et  aides-de-camp  du 
président.  Il  semble  qu'ils  ont  eu  à  se  plaindre  l'un  de  l'autre, 
et  M.  Raybaud  s'attache  à  relever  de  graves  inexactitudes 
dans  l'ouvrage  de  son  prédécesseur.  Il  ne  nous  appartient  pas 
déjuger  cette  querelle  entre  deux  hommes  qui  out  montré  un 
beau  dévouement  à  une  noble  cause,  qui  ont  rendu  de  grands 
services  à  la  Grèce,  comme  militaires,  et  qui  en  ont  rendu  de 


i.xi  LIVRES  ÉTRANGERS. 

nouveaux,  comme  écrivains,  si  leurs  Mémoires  sont  bien  en- 
tièrement d'eux.  La  lecture  de  l'un  et  de  l'autre  est  agréable; 
mais  le  livre  cle  M.  Raybaud  l'emporte  sur  celui  de  son  de- 
vancier, par  la  clarté,  par  la  suite,  par  l'abondance  des  dé- 
tails...» Depuis  que  cette  analyse  a  été  publiée  dans  notre 
liane,  on  ne  nous  a  point  donné,  jusqu'à  ce  moment,  l'oc- 
casion d'annoncer  une  traduction  dans  quelque  langue  étran- 
gère des  Mémoires  de  Foutier.  La  littérature  russe  s'est  enri- 
chie, la  première,  de  cet  ouvrage,  par  une  traduction  due 
aux  soins  de  M.  Somof.  Le  traducteur,  qui  a  d'abord  fait 
connaître  son  travail  par  .un  grand  nombre  de  fraginens  insérés 
dans  les  publications  mensuelles  du  journal  russe,  le  Fils  de 
la  patrie  (année  1824),  l'a  publié  en  entier  dans  les  deux  vo- 
lumes que  nous  annonçons.  Ils  contiennent  en  outre,  une 
Notice  sur  la  vie  du  gênerai  Voutier,  des  notions  très-intéres- 
santes sur  V état  actuel  de  la  civilisation  en  Grèce,  les  portraits 
de  Démétrius  Jpsilanti,  de  Mavrocordato ,  de  Canaris  et  d'un 
soldat  grec  ou  hlephte,  et  ils  sont  terminés  par  une  table  alpha- 
bétique du  contenu  des  Mémoires,  pour  faciliter  les  recherches. 
La  critique,  tout  en  rendant  justice  au  traducteur  russe,  dont 
la  version  est  élégante  et  pure,  et  en  général  exacte, lui  repro- 
chera quelquesomissions  et  quelques  suppressions  de  tournures 
de  phrases  et  d'expressions  vives  et  énergiques  de  l'ouvrage 
original  qu'il  aurait  dû  ne  point  négliger  et  reproduire  avec 
fidélité.  P.  R.  E. 

DANEMARK. 

Ouvrages  périodiques. 

2  5.  —  *  Magazin  for  Kunstnere ,  etc.  — Magasin  des  arts  et 
des  métiers,  par  M.  G.-Fr.  Ursin,  docteur  en  philosophie  , 
professeur  et  membre  de  Y  Académie  des  beaux-arts  ,  à  Copen- 
hague. Ouvrage  périodique.  Copenhague,  1826-1827;  Gvlden- 
dahl.    In-8°;  prix,  8  fr. 

S'il  est  vrai  que  le  succès  des  ouvrages  utiles  et  instructifs 
fournit  une  des  meilleures  preuves  de  l'instruction  du  peuple, 
celui  qu'ont  obtenu  en  Danemark  les  ouvrages  phvsico- 
techniques  de  M.  Ursin  nous  donne  l'idée  la  plus  avantageuse 
des  progrès  de  l'instruction  et  de  la  littérature  dans  ce  pays. 
11  y  a  deux  ans  qu'il  ouvrit  une  souscription  pour  la  traduction 
de  l'ouvrage  de  Millixgton  ,  intitulé  :  Epitome  of  natural  and 
expérimental  philosophy.  Son  projet  de  traduire  cet  ouvrage  fut 
accueilli  très-favorablement ,  et  le  nombre  de  ses  abonnés  fut 


Danemark.  ,,-■ 

si  grand ,  qu'il  se  vit  en  étal  <l<-  diminuer  du  beaucoup  le  prix 
quil  avait  fixé  lors  de  la  publication  du  prospectus,  «le  sorte 
qu*il  cul  la  grande  satisfaction  de  pouvoir  laisser  sa  traduction 
à  ses  abonnés  à  un  prix  non  seulement  inférieur  à  celui  de 
l'ouvrage  original,  mais  même  au  dessous  de  celui  de  toutes 
les  traductions  qui  enavaienl  paru  dans  les  pays  étrangers.  Le 
grand  succès  nu  avait  obtenu  cet  ouvrage  l'engagea  à  publier  un 
journal  périodique  sous  ce  titre  :  Magasin  des  arts  et  des  métiers. 
!.<•  Recueil  analogue  que  M.  Robkrtson  publie  en  Angleterre 
lui  en  fournit  l'idée.  Il  se  propose  d'offrir  à  ses  lecteurs,  i°  un 
aperçu  des  parties  de  la  science  mécanique  qui  peuvent  être 
mises  à  profit  en  Danemark  ;  a0  les  inventions,  les  découvertes 
et  les  perfectionnemens  dans  lesarts  dus  au  Danemark,  et  qui 
méritent  de  fixer  l'attention  publique;  3°  la  solution  des  pro- 
blèmes ou  des  questions  proposées  par  des  artistes  ou  des  ou- 
vriers sur  des  objets  imporians  ,  relatifs  à  leur  profession; 
V'  des  notices  d'un  intérêt  particulier,  comme  des  calculs  relatifs 
au\  arts  mécaniques  et  industriels,  ou  des  observations  histo- 
riques sur  des  machines  remarquables ,  employées  dans  d'autres 
pays  OU  dans  l'antiquité.  Ce  journal  publie  un  numéro  d'une 
feuille  d'impression  chaque  semaine,  et  les  numéros  publiés 
depuis  le  mois  de  septembre  1826  jusqu'au  18  juin  de  cette 
année  forment  le  premier  volume.  On  trouve  à  la  tète  de  ce 
volume  une  biographie  de  M.  H.  C.  Oersted,  avec  son  portrait 
gravé  en  taille-douce. 

L'intérêt  des  articles  originaux  et  le  choix  judicieux  des 
morceaux  traduits  que  le  journal  a  offerts  jusqu'à  présent  à 
ses  lecteurs,  justifient  le  grand  succès  dont  il  jouit.  Nous  cite- 
rons ici  quelques-uns  des  articles. 

Parmi  les  descriptions  des  instrumens  mécaniques,  on  trouve 
la  description  delà  balance  inventée  par  M.  Quintens  ,  ingé- 
nieur de  Strasbourg,  avec  un  exposé  des  modifications  ou  des 
changemens  nécessaires  pour  en  faire  usage  en  Danemark;  la 
description  dune  montre  d'une  nouvelle  espèce,  inventée  par 
Henri  Kyhl  ,  horloger  à  Copenhague  :  on  monte  celle  montre 
moyennant  une  poulie  (en  latin  trocklea)  que  l'on  fait  agir 
sans  ouvrir  la  boite,  ce  qui  préserve  le  mouvement  de  la  pous- 
sière; l'annonce  et  la  description  de  la  serrure  de  Chubb  ,  des 
plaques  de  métal  perforées  de  La  Rivière,  etc.  etc. 

On  remarque  aussi  un  traité  sur  l'éclairage  par  le  gaz,  et 
sur  les  appareils  qu'on  y  emploie;  on  voit  dans  ce  traité  le 
dessin  et  la  description  d'un  appareil  inventé  par. AI.  Irgehs, 
ferblantier  de  Copenhague  ,  pour  extraire  le  gaz  de  l'huile. 
D'autres   articles  traitent  de  la  préparation  des  vernis  et  de 


l*8  LIVRES  ETRANGERS. 

l'encre  ,  de  l'usage  des  briques  creuses,  de  l'art  de  graver  ,  et 
de  la  confection  des  billets  de  banque,  etc.  M.  N.-R.  Kiiossing  , 
lieutenant  de  l'artillerie,  a  donné  un  aperçu  des  progrès  de  la 
lithographie,  avec  des  épreuves  lithographiées  d'après  différons 
procédés  ,  pour  montrer  l'état  actuel  de  la  lithographie  royale 
de  Danemark.  Cet  aperçu  de  l'état  de  la  lithographie  en 
Danemark  mérite  de  fixer  l'attention ,  comme  le  premier  qui 
a  été  publié. 

Ce  qui  ajoute  à  l'intérêt  de  ce  journal ,  c'est  qu'il  renferme 
tous  les  mois  un  résumé  des  leçons  publiques  que  M.  Oersted 
donne  gratuitement,  le  premier  mardi  de  chaque  mois,  pour 
faire  connaître  les  inventions  et  les  découvertes  faites  par  lui 
ou  par  d'autres  dans  les  sciences  physiques  et  les  arts  indus- 
triels. M.  Schoner,  professeur  d'histoire  naturelle,  donne  des 
notices  sur  les  variations  de  la  température  dans  le  courant 
de  chaque  mois.  Les  autres  articles  du  journal  sont  en  général 
des  annonces  des  ouvrages  nouveaux,  des  rapports  faits  sur 
de  grandes  entreprises,  comme  le  chemin  creusé  sous  la  Ta- 
mise,  une  traduction  du  discours  de  M.  Ch.  Dupin,  où  il  ex- 
pose les  effets  et  l'utilité  de  l'instruction  publique.        V.  B. 

ALLEMAGNE. 

26.  —  Deutschland ,  oder  Briefe  cines  in  Deutschland  relsen- 
den  Deutschen.  —L'Allemagne,  ou  Lettres  d'un  voyageur  alle- 
mand. T.  I.  Stuttgart,  1826;  Franck. 

Un  Allemand,  d'un  esprit  éclairé  et  d'un  caractère  indé- 
pendant, pourrait,  faire  bien  des  remarques  intéressantes  sur 
ce  singulier  amalgame  de  grands  et  de  petits  États  qu'on  nomme 
Allemagne;  mais  il  faudrait  qu'il  pût  trouver  un  endroit  où.  il 
lui  fût  permis  de  publier  son  ouvrage.  A  Stuttgart,  on  ne  tour- 
mente point  les  auteurs;  cependant,  le  gouvernement  vurtem- 
bergeois  n'est  pas  assez  fort  pour  garantir  à  un  écrivain  franc 
et  intrépide  toute  la  liberté  dont  il  aurait  besoin.  Les  Lettres 
de  l'auteur  anonyme  ne  lui  attireront  aucune  persécution;  elles 
sont  fort  innocentes,  et  le  voyageur  aurait  pu  se  nommer  sans 
aucun  danger.  Il  aime  beaucoup  son  pays ,  et  il  en  pense  mieux 
que  des  pays  voisins,  quelque  beaux  qu'ils  soient;  peut-être 
connaît-il  aussi  mieux  sa  patrie  que  les  contrées  adjacentes.  Il 
a  soin  de  glisser  légèrement  sur  la  partie  politique,  de  ne  point 
•critiquer  les  gouvernemens ,  et  de  dire  un  peu  de  bien  de  cha- 
cune des  trente-huit  souverainetés, grandes  et  petites,  qui  com- 
posent la  confédération.  Dans  les  dix  premières  lettres,  il  jette 
un    coup-d'œil   général  sur  l'Allemagne;  le  reste  du  volume 


ALLEMAGNE. 

*  si  employé  à  décrire  l'Allemagne  méridionale,  c'est-à  dire  !<• 
grand  duché  «!<•  Bade  el  les  petits  royaumes  de  Wurtemberg  et 
de  Bavière.  L'auteur  a  nu  style  agréable ,  et  ses  descriptions 
ont  de  l'intérêt ,  quoiqu'elles  concernent  des  contrées  bien  con 

nues.  I)  o. 

7.7.  —  *  De professoribus  et  mcdlcis.  — Des  professeurs  et 
des  médecins,  el  des  privilèges  que  leur  accordait  le  droit  ro- 
maiu;  dissertation  par  Théodore  G  ad  pp.  Breslau,  1827.  In-8°. 

On  sail  que  les  lettres  de  Pliue  Le  jeune  renferment  beaucoup 
de  choses  qui  ne  peuvent  être  éclaircies  que  par  l'étude  du 
droit  romain.  La  lecture  de  la  68e  lettre  du  livre  i'T  inspira  à 
M.  Gaupp  la  pensée  de  rechercher  quelles  étaient  les  immunités 
accordées  aux  philosophes  en  général;  puis,  il  voulut  savoir 
quelles  étaient  les  prérogatives  spécialement  accordées  à  ceux 
qui  enseignaient  la  grammaire  et  la  rhétorique,  et  aux  méde- 
cins, prérogatives  indiquées  dans  les  auteurs  contemporains 
des  premiers  empereurs.  En  conséquence,  il  a  traite  d'abord 
la  question  relative  à  l'origine  et  aux  progrès  des  rrts  libéraux 
et  des  sciences  chez  les  Romains;  puis,  il  a  examiné  les  diffé- 
rentes classifications  et  les  dénominations  établies  pour  les 
savans.  Dans  un  paragraphe  spécial,  il  rappelle  les  mauvais 
procédés  et  les  persécutions  que  des  empereurs,  des  villes,  ou 
même  de  simples  particuliers  ont  fait  supporter,  à  diverses 
époques,  aux  maîtres  des  sciences;  il  arrive  enfin  à  la  que  tion 
des  privilèges  accordés  aux  médecins  et  aux  professeurs,  qu'il 
énumère  et  examine  séparément  avec  assez  de  soin  et  de  détails. 
Avant  d'entrer  dans  toutes  ces  discussions,  l'auteur  a  indiqué 
les  sources  auxquelles  il  a  puisé  :  ce  sont,  outre  les  lois  des  divers 
titres  des  Pandcctes ,  les  Fragmenta  vaticana ,  le  titre  du  Code 
Théodosien  :  De  medicis  et  professoribus  ,  e'c.  Ce  n'est  I:ï 
qu'un  premier  essai,  qu'un  spécimen  d'un  travail  plus  étendu, 
dont  nous  espérons  voir  bientôt  la  suite;  car  la  rédaction  de 
cet  écrit  prouve  de  vastes  connaissances  en  philologie,  en  juris- 
prudence et  en  archéologie.  Il  est  permis  de  se  promettre  des 
résultats  essentiels  de  recherches  aussi  éclairées. 

28.  —  *  Thucydides  de  bcllo  Pcloponncsiaco  ,  Ub.  vili.  — 
Histoire  de  la  guerre  du  Péloponnèse  ,  par  Thucydide  , 
en  huit  livres.  Nouvelle  édition,  par  Ernest -Frédéric  Poppo. 
T.  Il,  contenant  les  livres  11  et  m.  Leipzig,  1826.  In-8°. 

Le  plus  grand  historien  de  la  Grèce  est  aussi  le  plus  difficile 
à  expliquer,  et  les  philologues  auront  encore  à  s'exercer  beau- 
coup sur  son  texte,  et  à  discuter  sur  son  interprétation.  On  a 
publié,  en  Allemagne,  un  grand  nombre  d'éditions  delà  guerre 
du  Péloponnèse;  M.  Poppo  a  compris  toute  la  gravité  de  sou 
t.  xxxvj.  —  Octobre  1827.  o, 


i3o  LIVRES  ÉTRANGERS. 

sujet  ;  il  If  traite  avec  circonspection  et  savoir,  ne  négligeant 
rien  de  ce  qui  peut  compléter  son  travail.  C'est  ainsi  qu'on 
trouve  dans  le  second  volume  des  supplément  qui  se  rap- 
portent au  premier.  Ils  ont  été  fournis  par  l'édition  portative 
de  Gœllcr,  et  par  les  s  ;holies  sur  Austida,  qui  ont  paru  depuis 
la  publication  de  ce  premier  volume.  Les  scholies  sont  placées 
sous  le  texte,  et  plus  bas  les  variantes,  avec  les  conjectures. 
Cette  édition  ,  dont  les  épreuves  ont  été  revues  avec  un  grand 
soin  ,  a  le  mérite  d'être  fort  correcte. 

29.  —  Dionis  Cassii  Coccciani  historiarum  romanarum  quœ 
super sunt.  —  Restes  de  l'Histoire  romaine  de  Dion  Cassius  ; 
édition  de  Sturz.  Leipzig ,  1825.  8  vol.  in-8°. 

On  connaît  la  vie  de  Dion  ;  on  sait  qu'élevé  au  rang  de  séna- 
teur par  Pertinax,  promu  au  consulat  par  Sévère,  il  gouverna 
sous  leurs  successeurs  plusieurs  provinces,  et  qu'enfin  il  alla 
finir  ses  jours  dans  sa  patrie,  la  Bithynie.  Profitant  des  avan- 
tages de  sa  position,  il  rassembla  force  matériaux,  pendant 
qu'il  était  à  la  tète  des  affaires;  puis  il  en  fit  usage  et  rédigea 
une  histoire  en  quatre-vingts  livres,  depuis  l'arrivée  d'Énée  en 
Italie  jusqu'au  règne  d'Alexandre  Sévère.  Le  tems  a  détruit  le 
monument  que  Dion  voulait  léguer  à  la  postérité  ;  il  n'a  épargné 
que  vingt  livres;  les  trente-quatre  premiers  sont  entièrement 
perdus;  ceux  qui  suivent  le  cinquante-quatrième  sont  mutilés; 
enfin,  les  vingt  derniers  sont  réduits  à  quelques  faibles  frag- 
mens; chose  d'autant  plus  fâcheuse  que  c'est  dans  cette  por- 
tion de  l'ouvrage  que  nous  aurions  eu  le  plus  grand  besoin  de 
puiser  ce  qui  nous  manque  d'ailleurs.  Dion  voulut  imiter  la 
manière  de  Thucydide,  surtout  dans  ses  harangues;  mais  il 
est  resté  fort  inférieur  à  son  modèle.  Les  philologues  qui  se 
sont  occupés  de  cet  auteur  avec  le  plus  de  succès  sont  Raimar , 
dont  l'édition  parut  en  1760,  et  Lcunclace,  qui  déjà,  en  1606, 
avait    donné  la  sienne.  Xiphilinus  a   rédigé   des   epitome  ou 
abrégés  des  livres  de  Dion,  que  M.  Sturz  reproduit  dans  cette 
nouvelle  édition.  Le  premier  volume  est  composé  des  fragmens 
des  trente-quatre  premiers  livres,  et  les  livres  complets  rem- 
plissent les  tomes  11  et  ni.  Viennent  ensuite  les  excerpta  de 
Xiphilinus.  Les  tomes  v  et  vi  sont  consacrés  aux  remarques  ; 
le  vne  renferme  Y apparatus  ;  enfin,  le  vin"  et  dernier  est  un 
recueil  de  tables  et  d'index.  On   voit  qu'il  ne  manque  rien  à 
cette  édition.  Le  plan  a  été  conçu  et  exécuté  avec  sagacité  et 
érudition.  Les  fragmens   publiés  par  Marelli s   d'après  un  ma- 
nuscrit  du  xie   siècle,   ont  été   recueillis;   la    traduction   de 
Leùhclave,  souvent  inexacte,  a  été  soigneusement  revue;  enfin, 
M.   de   Furia  ,   bibliothécaire   à  Florence ,    a   communique    à 


iLLEM  IGNE.  i3i 

r.liifui  <\rs  variantes  importantes  recueillies  dans  trois  ma 
nuscrits  de  la  bibliothèque  de  Médicîs.  M.  le  professeur  Pe)  ro/t, 
de  Turin,  a  <!«•  son  côté  secondé  M.  Sturz,  en  lui  envoyant 
beaucoup  «le  matériaux  utiles.  L'exécution  typographique  i 
fort  belle  ;  on  a  pris  soin  de  noter  on  marge  la  pagination  des 

éditions  de  Kcinnr  et  de  Leunclave,  pour  la  commodité  des  <  i 

taiions.  1  *apparatus  renferme  d  excellens  morceaux  de  critique  : 

il  <n  est  même  qui  paraissent  aujourd'hui  pour  la  première 
fois.  Les  index  sont  plus  complets  et  mieux  disposés  que  ceux 
d'aucune  autre  édition. 

3b.  —  Lneiani  Snmostitensis  opera.  —  OEuvres  de  Lucien 
de  Samosaïc ,  en  grec  et  en  latin.  Nouvelle  édition,  revue  et 
enrichie  de  notes  et  de  variantes,  par  Théophile  Lehm.vkn. 
T.  VI.  Leiprig,  1826.111-8°. 

Sans  s'arrêter  aux  observations  malveillantes  et  peut-être 
inévitables  de  quelques  critiques  ,  M.  Lchmann  publie  son 
sixième  volume,  et  poursuit  avec  zèle  son  utile  entreprise.  Eu 
ce  qui  concerne  le  célèbre  conte  de  Lueius,  ou  XAne ,  si  bien 
traduit,  par  M.  Courrier,  l'éditeur  a  partout  mis  à  profit  les 
remarques  de  ce  savant. 

3k.  —  *  Theognidis  reliquiœ.  —  Ce  qui  nous  reste  de  Théo- 
gnis; édition  faite  sur  un  nouveau  plan,  et  enrichie  de  notes 
par  Welker.  Francfort-sur-le-Mein  ,  18*26.  In-8°. 

Le  tems  a  dispersé  tous  les  fragmens  des  élégies  de  Théognis 
de  Mégare;  tels  qu'on  nous  les  a  présentés,  ils  ne  sont  plus 
qu'une  suite  d'énigmes  à  résoudre.  Pour  les  arranger  dans  un 
ordre  plus  naturel  et  plus  lucide,  il  fallait  à  des  connaissances 
fort  étendues,  à  une  lecture  assidue  de  l'antiquité,  réunir 
l'avantage  de  ces  heureuses  inspirations  qui  sont  pour  le  savant 
un  coup  de  la  fortune.  M.  Welker  est  parvenu  à  recomposer 
un  ensemble  satisfaisant,  là  où  il  n'y  avait  que  des  vers  muti- 
lés par  les  corrections  mêmes,  que  l'on  avait  opérées  sans 
choix  et  sans  intelligence.  Parmi  les  points  de  critique  traités 
dans  \cs prolégomènes,  nous  citerons  la  dissertation  sur  Théognis 
lui-même;  une  autre  sur  la  forme  première  de  ses  ouvrages  ; 
enfin,  celle  qui  concerne  les  éditions  antérieures.  L'histoire  con- 
temporaine de  Mégare  est  traitée  avec  celle  du  poète.  Il  s'agit 
d'une  lutte  entre  l'oligarchie  et  le  tyran  Théàgènes,  qui  fut 
enfin  chassé  à  la  suite  d'une  bataille  gagnée  par  les  nobles  exilés 
Plus  tard  ,  il  y  eut  encore  une  révolution  dans  cette  ville,  mais 
en  faveur  de  la  démocratie;  car,  pendant  la  guerre  du  Pélo- 
ponnèse ,  Brasidas  ramena  la  noblesse  exilée  de  nouveau.  On 
ne  sait  que  par  conjecture  quelle  part  eut  à  ces  mouvemens 
Théognis,  qui  (tarissait  vers  l'Olympiade  5;.  S'il  en  faut  croire 

9- 


LIVRES  ÉTRANGERS. 

ésultats  obtenus  par  M  Welker,  il  écrivis  après  la  seconde 
expulsion  des  nobles,  et  sous  cette  démocratie  qui  dura  jusqu'à' 

L'Olympiade  89,  année  1™.  On  voit  assez  par  ses  poésies, 
qu'il  avait  été  exilé  Lui-même  ,  et  qu'il  avait  perdu  ses  biens. 
L'indignation  lui  dicta  des  vers  contre  la  spoliation  des 
richesses  et  des  honneurs,  contre  les  mésalliances,  eîe. 
M.  Wcîfcer  s'occupe  ensuite  du  séjour  de  Théognis  en  Sicile, 
et  il  réfute  l'opinion  de  quelques  anciens  philologues  qui  lui 
donnent  pour  patrie  la  Mégare  de  cette  île.  Nous  voudrions 
pouvoir  entrer  dans  la  discussion  d'une  difficulté  que  fait  naître 
Suidas,  en  parlant  d'une  élégie  qu'il  attribue  à  Théognis  :  mais 
le  défaut  d'espace  nous  interdit  ce  genre  de  digression  ;  nous 
nous  bornerons  à  indiquer  cette  difficulté  ,  qui  tend  à  concilier 
la  chronologie  et  l'âge  du  poète  avec  quelques  actions  de 
Gélon,  et  avec  quelques  faits  de  la  guerre  des  Perses.  Nous 
ferons  aussi  remarquer  les  doctes  explications  sur  les  mots 
âyctPoi  et  KUKot ,  le  premier  appliqué  aux  nobles  ,  le  second 
aux  plébéiens.  Nous  ne  pouvons  ici  qu'annoncer  cette  impor- 
tante production,  sans  entrer  dans  le  détail  que  M.  Welker 
donne  des  œuvres  du  poète.  A  plus  forte  raison  devons-nous 
omettre  la  partie  philologique  de  son  travail;  son  nom  est  une 
garantie  suffisante  de  son  mérite.  Ph.  de  Golbéry. 

32.  —   Die  Araber  bey    Tours.  —  Les  Arabes    auprès   de 
Tours  ;  roman  par  A.  Ugewild.  Wolfenbuttel,  1826.111-8°. 

Les  romans  de  Mlle  Scudéry  ne  sont  pas  tout -à- fait  passés 
de  mode.  Il  y  a  encore  des  romanciers  qui  font  soupirer  amou- 
reusement les  héros  de  l'histoire,  et  qui  inventent  des  aven- 
tures tendres  pour  tous  les  hommes  qui  ont  joué  un  grand  rôle 
sur  la  scène  du  monde.  Il  est  vrai  que  le  théâtre  leur  donne 
sans  cesse  l'exemple  de  ce  contre  sens.  L'auteur  du  roman 
que  nous  annonçons  est  du  nombre  de  ces  écrivains.  ïl  sup- 
pose que  Charles  Martel,  tout  en  repoussant  les  Sarrasins  du 
centre  de  la  France  ,  est  éperdument  amoureux  de  la  fille 
d'Abdérame ,  chef  de  cette  armée  d'invasion.  Le  roi  franc 
demande  presque  pardon  à  la  fille  de  battre  le  père ,  et  se  com- 
porte avec  toute  la  tendresse  d'un  Céladon.  Si  ce  roman  était 
plus  gros,  il  pourrait  faire  suite  auCrrus  et  à  V Alexandre.  D-g. 
33.  —  *  Systematische  Bilder-Gcillerie ,  etc.  —  Galerie  systé- 
matique de  dessins  lithographies  pour  servira  l'Encyclopédie 
publiée  sous  le  titre  de  Dictionnaire  de  conversation.  Fiïbourg 
en  Brisgau,  1827;  Herder.  In-/t°. 

L'Encyclopédie  portative,  à  l'usage  des  gens  du  monde,  pu- 
bliée par  le  libraire  Brockhaus  >  de  Leipzig,  sous  ce  titre  :  Con- 
versations Lexicon ,  jouit  d'une  vogue  qui  se  soutient  sans  in- 


LLLEM  IGNE.—  SI  ISSE.  i  '. ' 

ter  motion  depuis  près  de  quinze  ans.  Plusieurs  éditions,  les 
unes  légitimes,  iPautres  Frauduleuses,  attestent  que  ce  livre 
répond  à  un  besoin  général.  En  effet,  il  offre  sur  les  différente.*: 
parties  des  connaissances  humaines  «les  notions  suffisantes  h 
cette  classe  nombreuse  de  personnes  que  leur  curiosité  natu- 
relle OU  leur  position  dans  le  inonde  engage  à  savoir  un  peu  de 
tont,  sans  que  pour-  cela  elles  soient   disposées   a  faire  des 
études  scientifiques  spéciales  et  approfondies.  Tout  homme  , 
savant  ou  ignorant ,  éprouve  quelque  difficulté  à  suivre  une 
description  verbale  d'objets  pour  lesquels  Y  intuition  intellec- 
tuelle ne  parvient  jamais  à  égaler  l'intuition  physique,  à  inouïs 
quelle  n'en  soit  préeédée  ou  accompagnée.  Souvent  une  repré- 
sentation au  simple  trait  nous  instruit  mieux,  en  cinq  minutes, 
qu'une   éloquente    description  ,    méditée    pendant  plus  d'une 
heure.  Les   personnes  chargées  de  l'enseignement  de  l'enfance 
devraient  ne  jamais  perdre  de  vue  cette  vérité  d'une  évidence, 
pour  ainsi  dire,  matérielle.  —  Il  manquait  donc  à   une  partie 
de  X Encyclopédie  portative  le  plus  clair  des  commentaires,  des 
planches.  L'entreprise  que  nous  annonçons  remplira  cette  la- 
cune. Mais,  comme  l'ordre  des  objets  est  systématique,  nette 
Galerie  de  dessins  ne  sera  pas  seulement  utile  aux  possesseurs 
de  l'Encyclopédie ,  mais  encore  à  tout  lecteur  de  journaux,    à 
toute  personne  qui  s'instruit  par  des  lectures,  ou  par  des  con- 
versations; aux  erifans,  dont  l'éducation  intellectuelle  ne  doit 
pas  consister  à  se  faire   une  science  de  mots.  Qu'on  entende 
parler  pour  la  première   fois  d'un  crabe  ou  de  la  cloche  du 
plongeur,  du  Panthéon  ou  d'une  pagode,  d'une  naumachie  ro- 
maine ou  d'une  chlamyde  grecque;  qu'on  lise  une  longue  des- 
cription (\u  télescope  d'Herschel  ou  d'un  vaisseau  de  ligne,  un 
sent  h'  besoin  de  voir,  puisqu'on  ne  peut  guère  se  contenter 
de  lire  ou  d'entendre.  La  Galerie  systématique  se  recommande 
donc  par  son  objet  même;  elle  ne  se  recommande  pas  moins 
par  l'exécution.  Quatre  divisions  sont  déjà  publiées  en  partie  : 
i   Histoire  naturelle  ;  i  Statistique  ;  3  Architecture  (  civile,  mili- 
taire, navale,  ancienne  et  moderne  );  4  Mythologie  et  Culte. — 
Il  ne  s'agissait   pas    ici  de  viser  à  l'invention;   bien  choisir  et 
bien  exécuter,  telle  est  la  double  tâche  des  éditeurs.  Ils  l'ont 
parfaitement  remplie  dans  les  cahiers  que  nous  avons  sous  les 
yeux.  La  collection  complète  aura  126  feuilles. 

C.  Mon ï* ai 

SUISSE. 
34*  —  *  Histoire  naturelle  des  lavandes,  par  le  baron  Fred.  de 


i  \ j  LIVRES  ÉTRArNGEKS. 

r.iM.iNs  I  vss.vra/.  Genève,  1827  ;  Bapbeaat  et  Delarue.  In  S" 
de  200  pag.  environ,  avec  onze  belles  planches  grand  in-40. 

C'est  par  le  secours  des  bonnes  monographies  qu'on  par- 
viendra à  faire  une  histoire  aussi  complète  que  possible  des 
productions  de  la  nature.  Linné  donna  le  modèle  de  ce  genre  . 
de  travail,  qui  s'est  multiplié  depuis  sous  tant  de  formes  diffé- 
rentes ,  sans  que  les  sciences  y  aient  beaucoup  gagné.  L'his- 
torien des  lavandes  ne  doit  pas  être  confondu  avec  la  foule 
si  nombreuse  des  faiseurs  de  monographies  :  son  ouvrage 
est  un  modèle,  il  ne  laisse  rien  à  désirer;  dix  espèces  sont 
parfaitement  et  peut-être  même  trop  minutieusement  décrites 
dans  son  travail ,  et  non  moins  bien  représentées.  On  peut,  après 
l'avoir  lu,  regarder  l'un  des  genres  les  plus  intéressans  de  la 
vaste  et  odorante  famille  des  labiées  comme  définitivement 
connu.  Avec  la  monographie  des  lavandes,  le  jardinier  saura 
comment  on  doit  cultiver  dans  toutes  les  circonstances  de  jolis 
végétaux  presque  tous  naturels  aux  climats  méditerranéens  ;  le 
médecin  saura  les  cas  où  il  doit  les  employer  pour  soulager 
l'humanité  souffrante;  le  distillateur  en  pourra  extraire  ce  par- 
fum si  recherché  pour  la  toilette;  le  chimiste  en  connaîtra  les 
principes  ;  l'érudit  y  trouvera  ce  qu'en  rapportèrent  les  anciens; 
(  t  les  botanistes  qui  voudront  à  l'avenir  composer  des  species , 
n'auront  rien  de  mieux  à  faire  que  de  copier  la  synonymie  el 
les  descriptions  de  M.  Gingins-Lassaraz.  Les  dix  espèces  de 
lavandes  décrites  dans  la  monographie  qui  nous  occupe  sont 
le  stécas,  la  lavande  verte,  la  pédunculée,  la  dentée,  l'hé- 
térophylle  des  Pyrénées,  la  lavande  ordinaire,  le  spie ,  la 
lavande  pinnée,  la  lavande  à  feuilles  d'aurone,  la  multifide 
et  la  corne  de  cerf.  Toutes  peuvent  résister  aux  hivers  en 
pleine  terre  dans  le  midi  de  la  France;  quelques-unes  récla- 
ment déjà  l'abri  des  orangeries  sous  le  climat  de  Paris. 

B.  DE  St.-V. 

35.  —  *  Voyage  pittoresque  dans  le  canton  des  Grisons  en 
Suisse,  vers  le  lac  Majeur  et  le  lac  de  Côinc,  sur  les  grandes 
routes  nouvellement  construites  à  travers  les  cols  de  Splugen  et  de 
Bcrnhardin;  par  J.  J.  Meyer  :  accompagné  d'une  Introduction 
par  M.  le  docteur  Ebel;  avec  une  carte  routière  de  H.  Keller. 
Zurich,  1827;  J.  J.  Meyer.  In-40  de  169  pages. 

Au  nombre  des  améliorations  de  tout  genre  que  font  entre- 
prendre en  Suisse  la  naissance  d'un  esprit  public  fédéral  et  le 
besoin  d'imprimer  un  mouvement  plus  rapide  à  l'industrie  et 
au  commerce,  il  faut  compter  les  routes  nouvelles  qui  la  tra- 
versent, ou  ia  traverseront  dans  tous  les  sens.  Le  seul  canton 
du  Tessin  a   contracté,  pour  cet  objet,  une  dette  de  quatre 


SUISSE.  <  . . 

millions;  encore  sis  rouler  n'atieindr  ont -elles  loin   but  que  |>ai 

l'achèvement  de  celle  qui  passera  par  le  Saint  Çothardel  donl 
la  construction  vienl  d'être  commencée.  Les  routes  du  Berohar 
din  <i  du  Splugen,  montagnes  de  la  partie  méridionale  des 
Grisons,  ne  lonl  pas  d'une  moindre  importance  commerciale.  La 
première,  destinée  à  établir  une  communication  entre  les  (iri- 
sons el  les  Etats  du  roi  de  Sardaigne,  en  et  itanl  la  Lombardie,  a 
été  l'objet  d'une  convention  entre  les  deux  gouvernemens.  La 
nature  opposait  à  l'entreprise  des  obstacles  <j i ■  î  semblaient  in- 
surmontables dans  un  petit  pavs  dont  les  ressources  sont  fort 
bornées:  la  persévérance  du  gouvernement,  les  sacrifices  ïû 
lontaires  des  particuliers  et  l'habileté  qui  a  présidé  aux  travaux 
ont  surmonté  toutes  les  difficultés.  '«On  a  fait  sauter  92,287 
mètres  cubes  déroches,  qui  ont  exigé  i35o  quintaux  de  poudre 
à  canon.  La  longueur  de  tous  les  murs  de  soutènement  est  de 
G750  mètres  (42,900  mètres  cubes),  et  celle  des  murs  de  re- 
vêtement de  6665  mètres  (le  livre  indique  fautivement  7998 
mètres  cubes).  11  y  a  4^2  canaux  formés  par  1  2  960  mètres 
cubes  de  maçonnerie.  Des  garde-fous,  tantôt  doubles,  tantôt 
simples,  garnissent  la  route  sur  une  étendue  totale  de  32,453 
mètres,  et  des  parapets  en  maçonnerie  sur  une  longueur  de 
871  mètres.  Tous  ces  garde-fous  sont  de  bois.  Sans  compter 
les  deux  grands  ponts  de  Reichenau,  on  en  rencontre  cin- 
quante-deux sur  toute  la  route  ;  parmi  ceux-ci,  il  y  en  a  six 
anciens,  qui  ont  été  élargis;  tous  les  autres  sont  nouvellement 
construits  en  pierre,  excepté  trois  qui  sont  en  bois;  ces  ponts 
ont  de  3  à  21  mètres  d'ouverture,  et  il  y  en  a  un  seul  de  trois 
arches.  La  largeur  de  la  route  est  presque  partout  de  18  pieds, 
et  sa  pente  est  (\e  6  sur  100,  ce  qui  produit  environ  4  £  pouces 
par  toise.  Depuis  la  ville  de  Co're,  qui  se  trouve  à  1 836  pieds 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  elle  s'élève,  sur  une  étendue 
de  quinze  lieues,  de  4?4^  pieds,  jusque  sur  le  mont  Bcrnhardin, 
dont  la  hauteur  est  de  6584  pieds,  suivant  un  relèvement  tri- 
gonométriqne.  »  La  dépense  totale,  y  compris  l'achat  de  terrain 
et  les  indemnités  payées  pour  des  propriétés  particulières,  s'est 
élevée  à  1,1 32, 1  36  fr.  de  Suisse  (le  fr.  à  3o  s.  de  France). 

La  route  duSplugen,  dont  le  point  culminant  est  de  71  pieds 
au  dosons  du  passage  du  Bernhardin,  construite  par  l'Autriche 
pour  établir  une  communication  entre  la  grande  roule  des 
Grisous  et  la  Lombardie,  n'est  pas  moins  remarquable  par  la 
hardiesse  de  l'eut  reprise. 

A  l'importance  commerciale  de  ces  deux  nouveaux  moyens 
de  communication  ,  à  cette  jouissance  d'admiration  que  prô 
curent  toujours   la  grandeur  et  l'audace  dans  les  travaux  de 


i'36'  LIVRES   ÉTRANGERS. 

l'homme  vient  se  joindre  l'attrait  d'une  nature  extraordina 
renient  pittoresque  et  variée,  de  mœurs  originales,  de  souve- 
nirs historiques  et  de  momtmens  dont,  les  ruines  attestent, 
comme  toutes  les  annales  des  peuples,  les  progrès  lents  mais 
coostans  de  la  liberté,  qu'un  œil  attentif  voit  s'étendre,  s'agran- 
dir, se  consolider,  en  dépit  d'apparences  souvent  contraires. 
Le  pinceau  de  M.  J.  J.  Mf.yer,  la  plume  habile  de  M.  le  doc  • 
tcurEp.KL  ont  reproduit  les  charmes  de  la  nature  avec  un  sin- 
gulier bonheur.  L'auteur  célèbre  du  Manuel  du  voyageur  en 
Suisse  a  donné  une  nouvelle  preuve  de  ce  savoir  profond,  de 
cette  exactitude  dans  les  recherches,  de  ce  talent  de  grouper 
les  faits  dune  manière  instructive  et  attrayante  qui  ont  fait  h* 
succès  de  ses  précédons  ouvrages.  Les  Grisons,  bien  que  l'une 
des  parties  les  plus  curieuses  de  la  Suisse,  ont  été  moins  visités 
que  les  autres  cantons.  Cet  année  ,  cependant ,  les  voyageurs 
ont  commencé  à  s'y  porter  en  plus  grand  nombre.  Lelivre  que 
nous  annonçons  sera  désormais  un  manuel  indispensable  pour 
les  personnes  qui  parcourront  cette  confiée ,  en  curieux,  en 
artistes,  ou  en  savans. 

36.  —  *  Voyage  dans  les  petits  cantons  et  dans  les  Alpes 
rhétiennes ,  par  M.  Kasthofer,  grand  forestier  du  canton  de 
Berne,  membre  de  plusieurs  Sociétés  savantes;  traduit  de  l'al- 
lemand, par  E-J.  Fazy-Cazal.  Genève  et  Paris,  1827  ;  Bar- 
bezat  et  Delarue.  In~8°  de  vin  et  390  p. 

M.  Kasthofer  ,  l'un  des  écrivains  dont  les  ouvrages  honorent 
le  plus  la  Suisse  actuelle,  n'est  pas  de  ces  auteurs  qui  voyagent 
dans  le  seul  but  de  se  voir  imprimés  sur  beau  papier  et  reliés 
en  maroquin.  Ses  livres  sont  le  résultat  de  voyages  entrepris 
pour  observer  des  faits  qui  se  rapportent  au  principal  objet  do 
son  activité,  à  la  science  forestière.  Homme  d'une  culture  intel- 
lectuelle qui  dépasse  de  beaucoup  les  limites  de  cette  science , 
il  étudie,  chemin  faisant,  les  mœurs  et  les  usages  des  peuplades 
qu'il  visite,  les  diverses  branches  de  leur  industrie,  en  un 
mot,  une  foule  d'objets  qui  se  rattachent  à  leur  existence  phy 
sique,  intellectuelle,  morale  et  civile.  La  botanique  et  la  mi- 
néralogie, l'étude  des  langues  et  la  littérature,  l'économie  pu- 
blique et  la  législation  trouvent  également  à  faire  leur  profit 
dans  les  écrits  de  M.  Kasthofer,  observateur  calme  et  conscien- 
cieux. L'ouvrage  dont  nous  rendons  compte,  plus  susceptible 
d'un  extrait  que  d'une  analyse,  renferme  une  multitude  de  faits 
curieux  ou  importans;  nous  en  citerons  un  de  cette  dernière 
catégorie. 

L'Engadine,  grande  et  belle  vallée  du  canton  des  Grisons, 
présente,  sous  le  rapport  de  sa  population,   un  aspect  peut- 


M  [SSE. 

rire  unique  ii'ins  Mm  espèce,  i  ne  manie  héréditaire  d'émij 
tiou  tourmente  les  pâtres  de  l'Engadine,  qui  pourrai!  être 
heureuse  si  ses  enfans  aimaienl  le  sol  qui  les  vil  naître.  Les 
êmigrans  vont  chercher  fortune  en  exerçant   un  genre  d'in 
rlustrie  «  qui,  peu  digne  d'un  peuple  de  pâtres  libres,  les  assu 
j «'■  t i t  aune  occupation  sédentaire  et  servile.  FI  n'est  guère  eu 
Europe  de  %  *  1 1  «  *  considérable  qui  ii"  compte  des  fi  i  ismis  dans 
le  nombre  de  ses  limonadiers,  confiseurs,  pâtissiers  et  fabricanj 
(!■•  liqueurs.  Après  avoir  passé  une  partie  de  leur  *  i<-  dans  l'exer- 
cice de   quelqu'une  de  ces  professions,  et  dès  qu'il  se  croient 
suffisamment  riches,  ces  émigrés  retournent  dans  leur  pays 
i.  >ur  y  étaler  aux  yeux  de  leurs  concitoyens  les  avantages  de 
leur  nouvel  état  :  du  reste,  leur  patrie  les  revoit  avec  un  esprit 

toui  aussi  peu  cultivé  que  lorsqu'ils  en  sortirent;  mais  ils  y 
rapp<  rtenten  revanche  le  vernis  extérieur  des  villes,  des  mœurs 
plus  ou  moins  corrompues,  le  dégoût  de  la  simplicité,  et  tcus 
les  genres  de  prétentions  qui  découlent  du  ridicule  orgueil  des 
riches  parvenus  (p.  184).  »  D'autres  êmigrans  rentrent  dans 
leur  ]>ays  plus  pauvres  qu'à  leur  départ  et  moins  capables  de  se 
livrer  aux  travaux  de  la  campagne.  «  C'est  un  fait  notoire  et 
.i\  ère  ,  ajoute  l'auteur,  que  la  population  décroît  sans  cesse  par 
suite  de  l'émigration.  Vers  la  fin  du  xvie  siècle,  la  T5as<<--Enga- 
dine  possédait  une  population  de  7,5oo  habitans,  qui,  dans 
l'espace  de  deux  siècles,  a  subi  une  diminution  de  près  de 
9,000  âmes  (p.  i85\  »  Dans  ce  pays,  l'économie  rurale  est 
très-imparfaite  et  stationnaire;  les  autres  genres  d'industrie 
sont  abandonnés  à  des  étrangers,  qui  travaillent  négligemment, 
parce  qu'ils  n'ont  point  de  concurrence  à  craindre.  Les  bestiaux 
y  abondent,  et  l'on  exporte  les  peaux  crues,  parce  qu'il  n'y  a 
pas  un  seul  tanneur  dans  cette  contrée  favorisée  par  la  nature. 

Nous  avons  rapporté  ces  faits  pour  répondre  aux  personnes 
qui  se  plaignent  sans  cesse  de  la  surabondance  de  population 
en  Suisse  et  de  l'insuffisance  des  ressources  que  ce  pays  offre  à 
ses  habitans.Ce  qui  manque  à  une  partie  d'entre  eux,  ce  n'est 
ni  le  sol,  ni  l'occasion  d'exercer  une  profession  utile,  mais 
l'esprit  d'industrie  et  une  activité  dirigée  par  une  volonté  forte. 
Les  cantons  des  Grisons  et  du  Valais,  ainsi  que  d'autrts  en- 
core, même  certaines  contrées  du  riche  canton  de  Berne, 
offriraient  aux  êmigrans  ce  qu'ils  vont  chercher  dans  les  terres 
incultes  des  Étais-Unis  ou  du  Brésil;  i)  n'y  aurait  de  diffé- 
rence que  dans  les  illusions,  qui  sont  toujours  en  raison  directe 
des  distances. 

T. a  citation  tronquée  que  nous  venons  de  faire  donnera  un< 
idée  dis  vues  philantropiques  de  M.  Kaslhofer;  11  saisit  toutes 


LIVRES  ÉTRANGERS. 

les  occasions  de  populariser  le  résultat  (le  ses  expériences  rt 
d'éclairer  &es  concitoyens  sur  1rs  vraies  sources  de  la  prospé- 
rité publique.  Une  chaleur  de  sentimeus.  e,t  de  patriotisme 
pénètre  jusque  dans  ses  doctrines  économiques,  et  semble  devoir 

féconder  ses  idées. 

La  grande  variété  répandue  dans  son  ouvrage  en  rend  la 
lecture  fort  attrayante.  Il  se  rattache  par  les  chapitres  consacrés 
aux  routes  du  Splugen  et  du  Bernhardin,  à  l'ouvrage  récent  du 
Dr  Ebel  dont  nous  venons  de  rendre  compte. 

Il  eût  été  à  désirer  que  le  traducteur  de  M.  Kasthofer  se  fût 
aussi  bien  familiarisé  avec  la  connaissance  des  choses  qu'avec  la 
langue  qu'il  traduit.  Les  noms  propres  sont  souvent  rendus 
d'une  manière  fautive,  ainsi  que  certains  détails  qui  tiennent 
aux  mœurs,  à  des  traits  d'histoire  ou  à  des  sciences  spéciales; 
mais  nous  n'en  recommanderons  pas  moins  à  ses  soins  d'au- 
tres ouvrages  du  même  genre,  entre  autres  ceux  du  même 
auteur. 

Nous  terminerons  cet  article  par  l'indication  des  principaux 
écrits  publiés  par  M.  Kasthofer: 

i°  Bemerkungert  ùbrr  die  W aider  t  etc.  —  Observations  sur 
les  forêts  et  les  pâturages  des  Alpes  du  canton  de  Berne; 
Mémoire  où  Ton  cherche  à  fixer  les  limites  de  la  végétation 
des  diverses  sortes  d'arbres  et  d'arbrisseaux  de  la  Suisse,  ainsi 
qu'à  déterminer  les  rapports  des  forêts  avec  les  cultures  des 
Hautes-Alpes,  les  rapports  de  la  science  forestière  avec  l'éco- 
nomie rurale,  enfin  les  conditions  d'une  meilleure  culture  des 
contrées  alpestres.  Deuxième  édition.  Aarau,  1818;  Sauerlander. 
In-8°  de  xvi  et  200  p. 

20  Bemcrliungen  auf  einer  Alpcn  -  Reise ,  etc.  —  Observations 
faites  pendant  un  voyage  par  le  Soucten ,  le  Saint-Golhard,  le 
Bernhardin  ,  l'Oberalp,  la  Fourca  et  le  Grimsd  ;  avec  une  com- 
paraison du  produit  des  Alpes  grisonnes  et  bernoises.  Aarau, 
1822;  Sauerlander.  In- 8°  de  356  p. 

Dans  ces  divers  ouvrages,  marqués  au  même  coin  que  celui 
dont  nous  avons  rendu  compte,  l'auteur  a  rapporté  isolément 
bon  nombre  de  faits  et  d'expériences  qui  prouvent  la  possibi- 
lité de  cultiver  et  d'habiter  les  Alpes  jusqu'à  la  hauteur  de  5  à 
6,000  pieds  au-dessus  de  la  mer.  Or,  à  cette  hauteur,  et  même 
sur  les  lignes  inférieures,  la  Suisse  possède,  pour  ainsi  dire, 
un  second  pays  en  majeure  partie  inculte  et  inhabité.  De  là, 
une  idée  favorite  de  M.  Kasthofer,  développée  dans  un  ouvrage 
récent,  et  exposée  complètement  par  le  titre  même  : 

j°  Beytiage  zui  Beurthcilung  der  Vortkeile  ,  etc.  —  Essais  sur 
la  possibilité   d'établir  de-  colonies  dans  une  partie  des  j.Alu- 


M  issiv— ITALIE. 

5  des  viji.  s,  paropposilion  bux  hospices  île  panures  el  au* 
m  usons  de  détention  établis  dans  les  \  Ries  <i  les  bourgs  ,  ainsi 
qu'à  l'incorporation  des  heimathhse  (i)  dans  des  communes 
déjà  existantes.  Leipzig,  18*7  ;  ( '..  l 'leischer.  ln-8° de  \  et  Vx  p. 
outre  i3  mbleaux  in-4°  contenant  les  noms  des  plantes  qui 
prospèrent  sut  les  Alpes,  l'indication  des  dernières  limites  «'< 
leur  végétation,  comparées  avec  les  dernières  limites  de  leui 
végétation  d'après  la  latitude  septentrionale  géographique, 
ainsi  que  dos  remarques  particulières  sur  chaque  espèce. 

M.  KLasthofef  s'élève  avec  force,  dans  cet  ouvrage,  comme 
dans  les  précédens,  contre  ces  hospices  de  pauvres,  dans 
h  squels  il  ne  voit  guère  qu'un  asile  ouvert  à  la  paresse  et  à 
finconduite ;  et  l'on  ne  petit  se  dissimuler,  en  effet,  que,  dans 
plusieurs  des  anciens  cantons,  des  établissements  de  ce  genre., 
bien  richement  dotés,  n'aient  en  partie  mérité  Ce  reproche  sévère. 
1. 'auteur  pense  même  que  les  Iravaux  qui  s'y  font  ne  sauraient 
entrer  en  comparai  SOU  avec  l'industrie  agricole  à  laquelle  la 
colonisation  habituerait  les  pauvres.  Former  au  bien  les  indi 
gens ,  v  ramener  les  malfaiteurs,  tel  est  le  double  bienfait  que 
M.  Kastbofer  attend  de  l'éducation  agricole,  conséquence  de  la 
colonisation  qu'il  propose.  Il  n'a  pas  de  peine  à  prouver  que  cette 
voie,  qui  lui  parait  plus  sûre,  serait  en  même  tems  bien  plus 
économique  que  l'établissement  et  la  dotation  d'hospices  de 
pauvres,  que  la  construction  et  l'entretien  de  palais  de  déten- 
tion, comme  ceux  que  des  cantons  riches  montrent  avec  or- 
gueil. Enfui,  M.  Kasthoffer  fait  observerqu'en  Suisse  l'économie 
publique  est  toute  cantonnale,  et  que  sa  proposition  tend  à 
donner  à  sa  patrie,  sur  un  point  du  moins,  une  économie  pu- 
blique fédérale.  Les  difficultés  d'exécution  ne  sont  point  éludées 
par  l'écrivain  philantrope  ;  sa  brochure  indique  le  moyen  de 
les  lever.  Il  faut  en  convenir,  s'il  propose  un  grand  problème, 
il  le  résout  en  même  teins  dune  manière  aussi  complète  qu'on 
peut  le  faire  dans  une  théorie  basée  sur  le  rapprochement  de 
laits  nombreux.  C.  Monnard. 

ITALIE. 

^7. — *S<igglj)iiiurLcii gcagrqficij  etc. — Esquisses  pittoresques, 
géographiques,  statistiques  ,  hydrographiques  et  cadastrales  de 
l'Egypte;  dessinées  et  décrites  par  MM.  Segato  et  M\si,  de  Li- 


(1  )  Population  pauvre  ,  sans  droit  de  bourgeoisie  ,  et  sans  asile  légal . 
réduite  à  être  une  p<  Minière  de  vagabonds  et  de  malfaiteurs. 


i.'.o  LIVRES   ÉTRANGERS. 

vourne.  Première  livraison.  Florence,  1827.  Les  auteurs: Paris, 
Cli.  Béchet,  quai  des  Augustins ,  n°  57.  Grand  iîi-folio. 

Le  grand  ouvrage  publié  par  la  commission  française  en 
Egypte  contient,  dans  son  état  moderne,  la  description  de 
cette  contrée  ,  telle  qu'elle  était  à  la  fin  cin  dernier  siècle.  De- 
puis ce  tenus,  l'Egypte  a  subi  diverses  fortunes,  et  aujourd'hui 
le  chef  qui  la  gouverne  semble  avoir  deviné  d'abord  et  s'être 
convaincu  ensuite  par  l'expérience,  que  la  prospérité  de  ce  pays 
dépend  de  l'introduction  des  arts  de  l'Europe.  On  sait  tous  les 
soins  que  Mohammed  Ali  donne  à  cette  partie  de  l'administra- 
tion de  l'Egypte  :  des  succès  incontestables  en  ont  déjà  été 
l'heureux  fruit ,  et  ces  succès  même  sont  d'un  intérêt  majeur 
pour  la  France  surtout.  Pour  elle  en  effet ,  toute  nouvelle  voie 
adoptée  par  l'industrie  étrangère  est  d'un  effet  inévitable  pour 
son  commerce,  et  la  côte  méditerranée  de  la  France  doit  in- 
failliblement perdre  ou  gagner  selon  ce  qui  se  passera  en 
Egypte.  Des  canaux  importans  y  sont  creusés,  des  manufac- 
tures considérables  s'y  élèvent  avec  rapidité;  des  plantations 
très-prospères  couvrent  les  bords  du  Nil  de  productions  de 
première  nécessité  pour  la  France  :  il  est  donc  de  l'intérêt  de 
son  commerce,  desapolitique  d'être  exactement  informée  sur 
ces  innovations,  sur  ces  créations  inattendues,  et  c'est  sons  ce 
rapport  que  l'ouvrage  que  nous  annonçons  est  d'une  grande 
utilité  dans  les  circonstances  actuelles.  MM.  Segato  et  Masi 
ont  habité  l'Egypte  durant  plusieurs  années  ;  ils  ont  dirigé 
quelques  -  uns  des  travaux  publics  ordonnés  par  le  Pacha,  et 
vu  tout  ce  qu'ils  décrivent  :  on  ne  saurait  donc  obtenir  des 
renseignemens  plus  authentiques,  et  le  caractère  bien  connu 
des  auteurs  garantit  aussi  leur  fidélité. 

La  première  livraison  de  leurs  Essais ,  que  nous  avons  sou.s 
les  yeux,  est  composée  de  dix  pages  de  texte  descriptif  et  de 
six  planches,  non  compris  le  titre  gravé  et  la  dédicace  au  roi 
de  France  ,  qui  a  bien  voulu  honorer  de  sa  protection  un  ou- 
vrage relatif  à  l'histoire  moderne  d'une  contrée  célèbre,  dont 
les  antiques  monumens  ont  reçu  à  Paris  ,  par  la  munificence 
royale,  une  si  honorable  hospitalité.  On  trouvera  dans  les 
planches  1  et  2  la  topographie  et  tous  les  détails  techniques 
du  canal  d'Alexandrie  au  Nil,  entrepris  à  la  turque  d'abord  , 
c'est-à-dire  ,  avec  toute  l'insuffisance  d'une  ignare  apathie; 
continué  ensuite  par  des  Européens,  et  achevé  en  1819  au 
moyen  d'une  dépense  de  17  millions  de  piastres.  Le  terrain  sur 
lequel  il  a  été  creusé,  dans  le  voisinage  d'Alexandrie,  est  de- 
venu un  lieu  riant  et  animé;  des  Européens  ont  construit  d< 
belles  habitations  sur  les  c\vu\   rives;  le  pacha  v  a  élevé  ni 


ULIE.  ./,i 

palais  i  i  tahli  des  jai  il u»s  agi  éables,  la  douane  ci  des  ma  ;asins. 
Ce  vice  roi  possède  aussi  une  habitation  semblable  aux  envi 
rous  du  (aire;  la  troisième  planche  en  donne  Je  plan  hydro- 
graphique et  cadastral.  La  quatrième  esl  une  vue  très-bien 
composée  de  la  citadelle  du  Caire,  prise  du  côté  des  maga- 
sins de  Joseph;  la  mosquéequi  est  située  hors  <!»■  la  porte  <!<■ 
la  Victoire  au  Caire,  est  figurée  sur  la  cinquième  planche;  et 
l.t  sixième  représente  divers  costumes  <lu  pays,  notamment  ce- 
lui des  troupes  du  parha  organisées  à  l'Européenne.  Ce  sont 
là  autant  de  faits  nouveaux  inconnus  jusqu'ici,  et  les  sujets  que 
le  prospectus  désigne  comme  devant  être  ceux  des  quatre^ au- 
tres livraisons  qui  doivent  compléter  l'ouvrage  de  MM.  Segato 
et  Masi,  ne  présenteront  ni  moins  d'intérêt,  ni  moins  de  vé- 
rité. On  aura  donc  par  l'ensemble  de  cet  ouvrage  un  tableau 
complet  <lc  l'Egypte  actuelle  à  laquelle  les  écrivains  contempo- 
rains pourront  peut-être  un  jour  rendre  son  ancienne  impor- 
tance. Du  moins  elle  se  mêle  assez  aujourd'hui  à  la  civilisation 
de  l'Europe,  aux  intérêts  surtout  du  commerce  français,  pour 
0,11»'  son  étude  et  la  connaissance  exclusive  de  son  état  succes- 
sif, progressif  ou  rétrograde,  devienne  l'objet  de  l'attention 
particulière  des  hommes  véritablement  attachés  à  nos  prospérités 
nationales.  Il  restedoncà  désirer  seulement  que  MM.  Segato  et 
Masi  terminent  le  plus  promptement  possible  leur  belle  et  ho- 
norable entreprise ,  et  que,  les  encouragement  dont  elle  a  besoin 
ne  lui  manquant  point,  elle  parvieune  heureusement  à  sa  fin. 
La  parfaite  exécution  du  texte  et  des  planches  se  recommande 
aux  hommes  de  goût  comme  l'importance  du  sujet  à  tous  les 
hommes  instruits,  dévoués  aux  intérêts  nationaux  ou  occupés 
de  l'observation  de  la  marche  des  arts  et  de  l'industrie  dans 
toutes  les  parties  du  monde  civilisé. 

L'ouvrage,  qui  aura  cinq  livraisons,  est  fourni  à  i\^s  prix 
divers  selon  la  nature  de  son  exécution  ;  avec  les  ligures  en 
noir,  le  prix  de  chaque  livraison  est  de  20  fr. ,  et  de  4ofr. 
quand  les  figures  sont  coloriées.  Quelques  exemplaires  sur  pa- 
pier de  Chine  sont  portés  à  i3o  fr.  la  livraison  coloriée,  et  60  f. 
en  noir;  et  à  110  ïi\  sur  papier  anglais  lissé.  Ceux  qui  ne 
veulent  que  les  cinq  livraisons  en  noir  et  le  texte  ,  peuvent 
ainsi  se  les  procurer  pour  100  fr.  ;  et  le  goût  pour  les  livres 
de  luxe  trouve  également  à  se  satisfaire.  On  voit  par  là  que 
MM.  Segato  et  Masi  ont  su  se  montrer  a  la  fois  bons  obser- 
vateurs et  habiles  artistes.  Ce  sont  deux  titres  à  l'estime 
publique,  pleinement  confirmés  par  le  savant  rapport  dans  le- 
quel M.  GiaARn  a  appelé  l'attention  de  l'Académie  des  sciences 
sur  la  production  que  cet  article  est  destiné  à  faire  connaître  et 
apprécier.  C.  F. 


LIVRES  ÉTRANGERS. 

fôt  —  Saggio  ideologico  efisiohgico  sui  Ncgri  c  sulla  natum 
immitiva  delt  uomo  ,  etc.  —  Essai  idéologique  et  physiologique 
sur  les  Nègres  et  sur  la  nature  primitive  de  l'homme;  par 
M,  Cafetan  Pesce.  Naples,  1826;  Manfrcdi.  In~8°. 

L'auteur  de  cet  Essai  s'est  proposé  de  réfuter  l'opinion  de 
H.  Virey,  qui  soutient ,  avec  beaucoup  d'autres  physiologistes , 
que  les  nègres  forment  une  espèce  différente  de  celle  des  blancs. 
Il  trouve  étrange  qu'on  ait  reconnu  presque  autant  de  rapports 
entre  un  Éthiopien  et  un  orang-outang,  qu'entre  un  blanc  et 
un  noir  ,  et  il  croit  pouvoir  établir  que  les  causes  de  la  dissem- 
blance des  deux  races  proviennent  plutôt  des  circonstances  ex- 
térieures, que  d'une  prétendue  différence^  dans  la  forme  de 
leurs  organes.  Ainsi,  à  l'entendre,  la  géographie  fournirait  plus 
de  ressources  que  l'anatomie  et  la  physiologie  pour  expliquer 
un  phénomène  qui  n'est  pour  JVL  Pesce  qu'une  dégénération  de 
l'espèce  humaine,  produite  et  maintenue  par  toutes  les  causes  qui 
arrêtent  la  civilisation  de  ces  peuples,  en  les  condamnant  à  vivre 
dans  un  état  de  servilité  habituelle  qui  paralyse  leurs  facultés. 
Il  range  au  nombre  de  ces  causes  la  funeste  influence  que,  de- 
puis trois  siècles,  les  Européens  ne  cessent  d'exercer  sur  les 
malheureux  enfans  de  l'Afrique. 

3q. — ■  Cornmentari  delC  Atcnco  di  Brescia  per  l'anno  aca- 
demico  i8a5  ,  etc.  —  Mémoires  de  Y  Athénée  de  Brescia  pour 
l'année  académique  î8a5,  Brescia,   1826.  In-8°. 

L'Athénée  de  Brescia  continue  à  donner  des  preuves  d'rai 
zèle  véritable  pour  les  progrès  des  sciences,  des  lettres  et  des 
arts.  Dans  le  but  d'exciter  encore  l'ardeur  de  ses  collègues  ,  le 
président  a  rendu  compte  des  travaux  et  des  découvertes  que 
la  commission  chargée  des  fouilles  a  faits  en  182 5  dans  la 
ville  et  dans  la  province  de  Brescia.  Le  cabinet  d'antiques  pos- 
sédait déjà  plus  de  3oo  monumens.  Il  a  cité,  parmi  les  divers 
ouvrages  littéraires,  produits  des  veilles  de  quelques  membres 
de  l'Athénée,  des  morceaux  de  poésie,  plus  ou  moins  remar- 
quables par  les  sujets  traités  on  par  l'exécution,  des  traductions 
de  quelques  fragmens  lyriques  de  lord  Byron  ,  et  de  plusieurs 
apologues  espagnols  d'Yriarte.  M.  Bucceloni  s'est  occupé  en- 
suite de  l'examen  du  deuxième  volume  de  Y  Histoire  des  littéra- 
tures du  midi,  par  M.  Sismondi  ,  et  il  a  signalé  quelques  juge- 
mens  de  cet  écrivain  comme  erronés  ou  entachés  de  partialité. 
M.  Sismondi  répondra  sans  doute  à  ses  observations.  L'Athé- 
née de  Brescia  n'a  pas  négligé  non  plus  les  sciences  exactes  et 
naturelles,  ni  les  arts  industriels. 

40  —  *  Convito  di  Dante  Alighieri ,  ridotto  a  lezione  mi- 
gliore.  —  Le  Banquet  du  Dante,  édition  mieux  corrigée  que 


Il  OIE. 

tes  précédentes  Milan,  i8a6j  Pogliani.  lu  8°  de  xlviu  cl 
'»',•  pages. 

Les  Italiens  qui  puisent  ou  s'imaginent  puiser  dans  les  divers 
ouvrages  «le  Dante  des  connaissances  d'un  ordre  supérieur, 
et  qu'on  chercherai!  vainement  ailleurs  ,  éprouvent  chaque 
jour  le  besoin  (rime  édition  exacte  des  œuvres  de  ce  |>o<;te 
célèbre.  Le  Convfoo  était  l'un  de  ses  écrits  que  l'ignorance  des 
copistes  el  les  prétentions  des  correcteurs  avaient  le  plus  al- 
térés; l'édition  qu'en  la  Biscioni,  en  1723,  et  qui  fut  adoptée 
par  V  Académie  delà  Crusca  ,  était  loin  d'avoir  fait  disparaître 
les  erreurs  el  les  altérations  qui  déparaient  les  éditions  anté- 
rieures. Les  fautes  dont  elle  est  elle-même  remplie  ont  été  re- 
levées et  indiquées  par  le  chevalier  Monti,  qui  a  apporté  dans 
ce  travail  un  soin  particulier.  D'autres  sa  vans  )  parmi  lesquels 
on  remarque  MM.  Mazzuchelli  et  G.  A.  Mnggi ,  se  sont  réunis 
à  M.  Monti  et  au  marquis  Trivulzio ,  l'un  des  plus  riches  pos- 
sesseurs de  manuscrits  de  Dante,  pour  publier  une  nouvelle 
édition  du  Convito  ,  aussi  exacte  que  possible  ;  c'e»>t  celte 
édition  que  nous  annonçons.  Elle  est  ornée  d'un  portrait  de 
Dante,  dessiné  par  M.  Cigola  et  gravé  par  M.  Fioroni ,  et  n'a 
ele  tuée  qu'à  soixante  exemplaires  ,  M.  Trivulzio  ne  l'ayant 
destinée  qu'à  ses  collaborateurs  et  à  leurs  amis.  On  la  réim- 
prime dans  ce  moment  à  Padoue  dans  un  autre  format ,  et  il 
en  sera  tiré  un  nombre  d'exemplaires  suffisant  pour  satisfaire 
à  l'empressement  de  toutes  les  classes  de  lecteurs.  Les  mêmes 
éditeurs  se  proposent  de  corriger  également  les  rime  de  Dante. 
Ils  auront  de  nouveaux  droits  à  notre  reconnaissance,  s'ils 
apportent  les  mêmes  soins  dans  la  réimpression  des  autres 
ouvrages  de  cet  écrivain  classique.  F.  Salfi. 

'\  1 .  —  *  Ipazia ,  ovvero  dclle  filosofic  ,  etc.  —  Hypatia  ,  ou  des 
sectes  philosophiques,  poëme  en  20  chants;  par  Mme  Diodata 
Saluzzo  R.oero.  Turin,  1827;  Chirio  et  Mina.  2  vol.  in-8°  de 
220  pages  environ. 

Les  anciens  suivaient  dans  les  arts  des  principes  admirables. 
Dans  la  peinture  et  la  sculpture,  ils  s'attachaient  surtout  à  re- 
produire le  nu,  n'employant  les  costumes  et  les  autres  acces- 
soires que  comme  un  cadre  destiné  à  faire  ressortir  le  corps 
humain.  Dans  la  poésie,  ils  représentaient  avant  tout  l'homme 
avec  ses  sentimens  et  ses  passions  de  tous  les  lems  ;  les  détails 
de  mœurs  venaient  ensuite,  comme  à  l'insu  du  poëte,  occuper 
dans  le  tableau  la  place  nécessaire  pour  donner  du  relief  au 
suj  t.  Tel  est  l'art  qui  a  fait  vivre  leurs  ouvrages,  qui  les  rend, 
après  plus  de  deux  mille  ans,  aussi  intelligibles ,  aussi  admi- 
rables pour  nous  qu'ils  l'étaient  pour  les  contemporains.  Au- 


\\\  LIVRES  ÉTRANGERS. 

jourd'hui  beaucoup  d'auteurs  put  adopté  d'antres  principes. 
Ils  prennent  pour  sujet  principal  la  peinture  des  opinions  et 
des  mœurs  particulières  à  une  époque,  et  ne  donnent  aux 
passions  et  aux  senlimens  naturels  qu'une  place  accessoire,  un 
développement  subordonné  aux  détails  qui  spécialisent  les 
lieux  et  les  tems,  Il  suit  de  là  que,  pour  comprendre  parfaite- 
ment leurs  ouvrages-,  il  faut  avoir  étudié  autant  qu'eux  l'époque 
qu'ils  ont  voulu  peindre.  Cet  inconvénient  grave  se  fait  sentir 
dans  le  poème  de  Mmc  Saluzzo  Rocro.  Son  principal  but  a  été 
de  tracer  le  tableau  des  opinions  philosophiques  qui  divisaient 
les  diverses  sectes  de  l'école  d'Alexandrie,  au  commencement 
du  ve  siècle,  en  plaçant  en  regard  les  dogmes  des  cultes  con- 
temporains. Ainsi,  épicuriens,  éléaliques,  cyniques,  platoni- 
ciens, gnostiques  ,  stoïciens,  éclectiques,  pyrrhoniens,  mages, 
prêtres  égyptiens  et  chrétiens,  viennent  tour  à  tour  ,  dans  ce 
poème,  faire  l'exposé  de  leurs  doctrines  dans  des  morceaux  de 
poésie  lyrique,  qui,  malgré  de  fort  beaux  détails  ,  honorent 
bien  plus  le  poète  par  le  mérite  de  la  difficulté  vaincue,  qu'ils 
n'intéressent  et  ne  charment  le  lecteur. 

L'action  que  l'auteur  a  imaginée  pour  servir  de  lien  à  ce 
faisceau  d'opinions  abstraites  et  contradictoires  est,  comme 
cela  devait  être,  compliquée,  obscure  ,  quelquefois  invrai- 
semblable. Je  me  bornerai  à  en  tracer  ici  les  principaux  évé- 
nemens.  Oreste,  préfet  romain*  gouverne  l'Egypte,  au  nom 
de  Théodose  le  jeune,  qui,  bien  que  chrétien,  a  pour  tuteur 
le  païen  Isdegcrde  ,  roi  de  Perse.  Isidore,  descendant  des 
Ptolémées,  veut  enlever  l'Egypte  aux  Romains  et  relever 
le  trône  de  ses  ancêtres.  Ce  jeune  héros  est  épris  de  la  jeune 
et  savante  Hypatia  ,  qui  est  sensible  à  son  amour,  mais  qui 
toutefois  refuse  d'y  répondre,  parce  qu'elle  a  été  comertie 
au  christianisme  par  saint  Cyrille,  et  qu'Isidore  est  païen  et 
philosophe.  Un  scélérat,  nommé  Altifon,  conspire  aussi  contre 
les  Romains,  mais  pour  un  but  différent.  Altifon,  grand 
prêtre  d'Egypte  ,  veut  livrer  le  pays  aux  fureurs  de  la  popu- 
lace et  arriver  par  l'anarchie  au  despotisme.  Une  double  ré- 
volte éclate.  Les  Égyptiens  se  battent  entre  eux  et  contre  les 
Romains.  Les  intérêts  se  croisent  ;  les  incidens  se  multiplient. 
Enfin,  Altifon,  qui  aime  aussi  Hypatia,  la  tue  par  jalousie  dans 
■'église  chrétienne;  il  périt  bientôt  lui-même  de  la  main  d'Isi- 
sidore;  celui  -  ci,  devenu  chrétien  et  vainqueur  des  Romains  , 
tombe  à  son  tour  sous  les  coups  d'un  fanatique,  et  le  lecteur 
ignore ,  à  la  fin  du  poème,  quel  sera  le  sort  futur  de  l'Egypte. 

On  dit  que  Minc  Saluzzo  Roero  a  voulu  ,  dans  celte  produc- 
tion, faire  allusion  aux  troubles  et  aux  malheurs  de  l'Italie.  J'ai 


ITALIE.  145 

quelque  peine  à  croire,  d après  le  peu  d  intérêt  qui  rogne  daoi 
I ouvrage,  que  le  sentiment  patriotique  l'ait  inspiré.  L'amour 
d  Isidore  pour  sa  patrie  ,1a  tendresse  réciproque  qui  L'unit  à 
Hypatia,et  en  général  les  passions,  les  sentimehsdc  tous  les 
personnages  sont  infinimeot  refroidis  par  les  opinions  philoso- 
phiques ou  religieuses  qui  les  dominent  et  dont  ils  semblent  n'être 
que  les  représentons.  1-e  style  participe  à,  ce;  défauts:  il  est 

souvent  tendu  ,  vague  ,  et  abstrait.  Cependant  des  pensées  pro- 
fondes, des  vers  énergiques,  de  belles  images,  des  descriptions 
pittoresques,  des  détails  brillans   OU  gracieux,  surtout  dans  les 

morceaux  lyriques,  fout  vivement  regretter  que  Mme  Saluzzo 

n'ait  pas  travaillé  sur  un  autre  fond.  Le  poëme  d'Ipaxia  atteste 
chez  son  auteur  une  érudition  prodigieuse  pour  une  femme,  et 
un  talent  très-remarquable.  Nous  sommes  persuadés  qu'un  su- 
jet plus  heureux  lui  offrira  bientôt  l'occasion  d'ajouter  un  nou- 
veau laurier  à  la  couronne  déjà  si  éclatante  de  sa  gloire  poé- 
tique. Cir. 

4a. — *  Deisepolcrali  edifizj  delV  Etrarla  média,  etc.  —  Des  édi- 
fices sépulcraux  de  l'Etrurie  moyenne,  et  en  général  de  l'archi- 
tecture toscaoique  :  Discours  de  François  Oiuoli  ,  professeur  de 
physique  à  l' Université  de  Bologne.  Bologne,  i8a6.In-4°j  avec 
gravures. 

L'auteur  de  cet  intéressant  discours,  déjà  connu  par  divers 
ouvrages  sur  les  sciences  physiques,  la  littérature  et  l'archéo- 
logie, s'est  occupé  des  trois  styles  d'architecture  adoptés  par 
les  peuples  étrusques.  Il  appelle  le  premier  anti-  tyrrliéniquc , 
le  second  tyrrhénique  ancien,  et  le  troisième  grcco-tyrrliénique , 
et  il  les  rapporte  à  trois  époques  différentes.  Le  premier  sys- 
tème fut  pratiqué  avant  l'invasion  des  Méoniens  ou  des  Ly- 
diens conduits  par  Tyrrhénius,  fondateur  de  l'empire  d'Étru- 
rie.  Le  second  date  de  l'arrivée  de  ces  étrangers,  et  il  domina 
jusqu'à  l'époque  où  la  troisième  méthode  fut  introduite,  à  la 
suite  du  commerce  que  les  Étrusques  entreprirent  avec  la 
Grèce,  et  plus  particulièrement,  depuis  le  moment  où  Déma- 
rate,  exilé  de  Corinthe  ,  trouva  dans  l'Etrurie  une  seconde 
patrie,  ety  attira  un  grand  nombre  d'artistes  grecs. 

Ces  recherches  curieuses  et  utiles  pour  l'histoire  sont  ap- 
puyées sur  des  raisonnemens  si  profonds  ,  sur  une  érudition  si 
solide  ,  et  développées  par  une  critique  si  judicieuse,  que  l'on 
peut  dire  qu'elles  laissent  dans  l'esprit  du  lecteur  la  conviction 
que  fait  naître  une  vérité  prouvée.  Il  serait  nécessaire,  pour 
les  sciences  de  ce  genre,  (pie  l'exemple  de  ce  savant  professeur 
fût  suivi  par  les  auteurs  et  que  l'amour  du  vrai  fût  leur  guide 
unique  dans  les  ténèbres  de  ces  siècles  reculés.  Les  monumens 
t.  xxxvi. —  Octobre  1827.  10 


,  j  LIVRES  ÉTRANGERS. 

des  anciens  peuples  servent  à  rectifier  leur  histoire,  quand  ils 
en  ont  une  ;  ou  ,  s'ils  n'en  ont  pas  ,  ils  la  remplacent,  en  quel- 
que sorte,  en  nous  faisant  connaître  les  arts,  les  croyances  , 
les  mœurs,  les  coutumes  de  ces  peuples,  et  en  nous  transmet- 
tant, par  ce  moyen,  une  idée  générais  de  la  situation  de  l'es- 
prit humain  chez  les  anciennes  nations.  Des  préceptes  géné- 
raux l'auteur  passe  à  l'examen  des  édifices  sépulcraux  qu'il  a 
découverts,  près  de  Noroia  et  Castcl  cPJsso  ,  autrefois  Orcla  et 
Castcllum  Axiœ ,  aux  environs  de  Viterbe  sa  patrie.  La  descrip- 
tion qu'il  en  donne,  la  lumière  qu'il  répand  sur  ces  précieux 
restes  de  tant  de  siècles,  et  la  comparaison  spirituelle  qu'il 
fait  de  son  opinion  avec  celles  des  antiquaires  qui  en  avaient 
déjà  parlé,  démontrent  suffisamment  la  profondeur  de  ses  con- 
naissances ;  le  talent  avec  lequel  il  est  parvenu  à  lire  des  ins- 
criptions sépulcrales  en  caractères  et  en  langue  étrusques  ,  et 
à  en  donner  aux  lecteurs  une  interprétation  plausible  ,  qui  n'a 
pas,  comme  tant  d'autres,  l'inconvénient  d'être  contredite  par 
les  monumens  eux-mêmes,  est  une  preuve  de  son  éminent  sa- 
voir dans  l'art  herméneutique.  Douze  planches,  dessinées  avec 
exactitude  et  parfaitement  gravées,  représentent  les  monumens 
que  le  professeur  a  si  habilement  mis  en  lumière.  Leur  inspec- 
tion nous  a  inspiré  une  réflexion  que  nous  nous  permettrons  de 
communiquer  à  nos  lecteurs.  Nous  avons  examiné ,  l'année  der- 
nière ,  les  différons  dessins  et  la  précieuse  collection  d'antiqui- 
tés mexicaines  de  M.  Latour-Allarïj  ,  de  la  Nouvelle-  Orléans 
(  voy.  Rcv.  Enc. ,  t.  xxxi,  p.  848),  et  nous  avons  trouvé  une  res- 
semblance étonnante  entre  les  constructions  des  anciens  Étrus- 
ques et  celles  des  anciens  habitans  du  Mexique.  Il  est  difficile, 
pour  ne  pas  dire  impossible,  de  croire  que  ces  peuples  se 
soient  visités.  Mais  comme  physiologiste,  et  non  comme  anti- 
quaire, je  suis  porté  à  penser  que  les  hommes,  agissant  tou- 
jours d'après  l'impulsion  primitive  de  leur  organisation  céré- 
brale, font  à  peu  près  les  mêmes  choses,  quand  ils  se  trouvent 
placés  dans  les  mêmes  circonstances.  D'où  résulte  une  grande 
vérité,  c'est  que  la  marche  du  perfectionnement  ou  de  la  de- 
gradation  morale  des  peuples  est  la  même  lorsque  les  événe- 
mens  qui  agissent  sur  les  masses  ont  des  points  nombreux  de 
ressemblance.  Fossati. 

Ouvrages  périodiques. 

43.  —  *  Biblioteca  Italiana  ,  etc.  —  Bibliothèque  italienne  , 
n°  CXIX.  Milan  ,  1827.  In-8°. 

Ce  cahier  contient  plusieurs  articles  dignes  d'être  remar- 
qués. On  y  rend  compte  ,  en  premier  lieu  ,  des  ouvrages  de 


PORTI  CAL. 

M.  Monti,  donl  uncoollection  en  «s  vol.  in  86  \mhi  d'être  pu 
bliée  à  Milan.  Elle  comprend  la  traduction  de  V Iliade,  quel- 
ques morceaux  de  poésie,  plusieurs  poèmes,  la  traduction 
des  satires  de  Perse,  1rs  tragédies  de  M.  Monti  ,  et  ses  dialo- 
gues ci»  prose.  La  plupart  de  ces  compositions  étaient  inédites, 
et  tontes  les  antres  oiif  été  revues  et  retouchées  par  l'auteur. 
H  est  affligeant  que  cette  édition  ne  soir  j >.» s  aussi  complète 
qu'elle  déviait  l'être,  et  pins  pénible  encore  de  se  rendre 
compte  des  motifs  qui  ont  empêché  qu'elle  le  fût. 

In  autro  article  présente  des  observations  fort  judicieuses 
lUr  \m  nouveau  poème  épique  de  M.  Bernard  Bellini,  intitulé 
La  CoiombiadCj  et  publié  a  Vérone  ,  en  îS-iG  ,  4  vol.  in-8°. 
Le  poète  n'a  pas  su  trouver  dans  ce  sujet  tout  ce  qui  pou- 
vait le  rendre  intéressant,  quoiqu'il  l'ait  conduit  jusqu'au  XXIVe 
chant  Alexandre  Tassoni  ,  qui  l'avait  devancé  dans  cette  car- 
rière, plus  prudent  que  bien  d'autres,  s'arrêta  au  premier 
chant,  quand  il  aperçut  les  difficultés  de  son  entreprise.  Le 
rédacteur  de  la  Bibliothèque  italienne  démontre,  avec  beau- 
coup de  sagacité,  que  le  protagoniste  de  cette  épopée,  bien 
différent  de  celui  de  l'Odyssée,  ne  peut  suffire  à  l'intérêt  qui 
doit  être  répandu  sur  toutes  les  parties  d'un  poème  héroïque. 
Peut-être  la  Coiombiade,  produirait-  elle  plus  d'effet  si  elle 
était  resserrée  dans  des  bornes  plus  convenables  à]  la  nature 
du  sujet. 

La  partie  de  la  Bibliothèque  de  Milan  qui  traite  des  sciences 
présente  des  remarques  instructives  sur  les  Élémens  de  logique 
pure  de  M.  Galuppi,  qui  font  partie  d'un  ouvrage  plus  étendu  , 
et  sur  les  Élémens  de  philosophie ,  dont  nous  aurons  plus  tard 
l'occasion  de  rendre  compte  dans  la  Reçue.  Un  autre  article  , 
plus  digne  d'attention  ,  est  celui  que  M.  Gioja  a  consacré  aux 
Nouveaux  principes  d'économie  politique  de  M.  de  Sismoxdi. 
On  connaît  les  travaux  de  cet  habile  écrivain,  et  leur  influence 
sur  les  progrès  de  la  science  qu'il  professe;  mais  M.  Gioja  se 
plaint  de  ce  qus  la  plupart  des  économistes  modernes,  mieux 
instruits  de  l'état  actuel  du  savoir  économique  que  des  travaux 
de  leurs  devanciers,  se  croient  trop  souvent  les  auteurs  de  doc- 
trines, exposées  long-tcms  avant  eux,  et  qui  n'ont  rien  de 
nouveau  que  les  formes  dont  on  les  revêt  de  nos  jours.  Pour 
en  fournir  des  exemples,  M.  Gioja  rapproche  de  certains  pas- 
sages du  livre  de  M.  de  Sismondi,  des  extraits  de  Bccearia  , 
de  Ferri,  de  Genovcsi ,  et  de  ses  propres  écrits,  où  l'on  trouve 
les  doctrines  reproduites  par  le  publicislc  genevois  (1). 

(  1)  Ces  recherches  peuvent  paraître  curieuses  aux  Italiens,  dont  elles 

10. 


148  LIVRES  ÉTRANGERS. 

On  remarque,  dans  la  section  intitulée  Variété,  une  lettre 
de  M.  Joseph  Taverna  ,  adressée  à  M.  Ange  Pezzana  ,  biblio- 
thécaire à  Parme,  sur  le  but  que  Dante  s'est  proposé  dans 
sa  alpine  Comédie.  L'auteur  se  déclare  contre  la  foule  de  ces 
commentateurs  modernes  qui  font  tous  leurs  efforts  pour  se 
singulariser  aux  dépens  de  ce  grand  poëte.  A  entendre  surtout 
M.Foscolo,  qui  certes  ne  mérite  point  d'être  confondu  dans  la 
foule  ,  Dante  était  un  apôtre  chargé  d'une  nouvelle  mission 
divine;  et  ce  n'est  plus  seulement  un  poëte,  c'est  un  chef  de 
secte  qui  devait  réformer  la  religion  en  Europe,  ou  du  moins 
en  Italie  ,  et  faire  ce  qu'exécuta  deux  siècles  après  Luther  en 
Allemagne.  M.  Taverna  trouve,  dans  ce  nouveau  commen- 
taire ,  pour  nous  servir  de  ses  expressions ,  un  mensonge  ef- 
fronté ,  un  langage  souvent  barbare,  un  style  qui  n'a  point  de 
forme ,  et  partout  le  défaut  d'ordre  et  de  méthode.  Quant  à 
nous  ,  nous  croyons  que  ,  si  M.  Foseolo  a  mis  de  l'exagération 
dans  ses  hypothèses,  son  critique  se  laisse  aller  également  à 
exagérer  beaucoup  le  sens  de  ses  observations  et  de  ses  re- 
marques. Mais  ,  comme  on  ne  peut  douter  du  savoir  de  l'un  et 
de  l'autre,  nous  attendrons ,  avant  de  décider  entre  eux,  que 
M.  Taverna  ait  appuyé  ses  assertions  de  preuves  plus  nom- 
breuses et  plus  concluantes.  F.  Salfi. 

PORTUGAL. 

44.  — -  *  Memorias  para  a  historia  e  theoria  das  Cortes  ge- 
raes ,  etc. —  Mémoires  sur  l'histoire  et  la  théorie  des  Cortès  gé- 
nérales des  trois  états  du  royaume  en  Portugal  ;  par  le  vicomte 
de  Santarf.m.  Lisbonne  ,  1827.  Petit  in-4°  de  49  pages  ; 

45.  —  Noticia  dos  manuscriptos  pertencentes  ao  direito publico 
externo  diplomatico  de  Portugal  à  historia  e  litteratura  do  mesmo 


flattent  l'amour-propre  national.  Mais  en  quoi  contribuent-elles  à 
l'avancement  delà  science?  Comment  nous  conduisent-elles  à  la  vérité? 
et  jusqu'à  quel  point  prouvent-elles  que  M.  de  Sismondi,  ou  tout  autre 
écrivain  qui  pourrait  être,  ou  qui  a  déjà  été  l'objet  d'une  pareille  cri- 
tique, ne  doit  pas  à  ses  propres  observations  la  découverte  de  doc- 
trines, qui,  avant  lui ,  avaient  pu  être  indiquées  ou  légèrement  aper- 
çues parquelque  philosophe  italien  ,  mais  qui  pour  la  plupart  n'avaient 
jamais  reçu  les  développemens  nécessaires,  ni  l'appui  des  preuves 
nombreuses  dont  les  circonstances  actuelles  ,  une  expérience  plus  lon- 
gue et  plus  mûre  ont  permis  aux  écrivains  modernes  de  Les  entourer. 

N,  du  R. 


PORTUGAL.  i/,.j 

jniiz,t'tc.  —  Notiee  des   manuscri  ts  relatifs  AU  droit  public,   à 

l'histoire  et  a  la  littérature  «lu  Portugal ,  qui  se  trouvent  \  la 
Bibliothèque  royale  de  Paris,  dans  les  autres  bibliothèques  de 
cette  capitale ,  ei  dans  les  archh  es  de  France;  par  le  vicomte  de 
Savta&i  u.  Lisbonne,  1827,  Petil  in  .',"  de  io5  pafces. 

Depuis  la  publication  de  ces  deux  Mémoires,  l'auteur,  M.  le 
vicomte  de  Santarem  a  été  élevé  au  ministère  de  l'intérieur. 

Quoique  rien  dans  sa  carrière  précédente  n'eût  donne  lieu  de 
croire  qu'il  posséderait  la  fermeté  de  caractère,  l'étendue  de 
vues  et  le  dévouaient  nécessaires  dans  un  poste  semblable,  à 
une  époque  de  lutte  et  de  factions,  on  pouvait  espérer  toute- 
fois qu'il  appuierait  de  tous  ses  efforts  dans  le  conseil  ,  la  poli- 
tique large,  patriotique  et  généreuse  du  général  Saldanha  ,  son 
oncle,  et  qu'il  justifierait  ainsi  le  choix  que  ce  dernier  avait  fait 
de  lui.  Les  événemens  n'ont  malheureusement  pas  réalisé  les 
espérances  de  son  parent  et  de  son  pays.  Cédant  trop  facile- 
ment à  des  influences  de  cour,  au  lieu  de  s'honorer  en  quittant 
volontairement  le  ministère  avec  le  général  Saldanha  ,  son  pre- 
mier acte  ministériel  a  été  de  contresigner  l'ordonnance  de 
destitution  du  ministre  même  qui  l'avait  appelé  auprès  de  lui. 
Le  second  a  été  de  porter  le  dernier  coup  à  la  liberté  de  la 
presse  périodique,  en  destituant  le  rédacteur  en  chef  de  la  Ga- 
zette officiel  le  pour  un  compte-rendu  parfaitement  exact  et  très- 
mesuré  dos  événemens  des  25,  26  ,  27  et  28  juillet. 

Si  M.  de  Santarem  ne  conserve  pas  son  portefeuille  (1),  nous 
espérons  qu'il  conservera  du  moins  l'emploi  de  Garda  do  real 
archivo  da  torre  do  tomba,  c'est-à-dire,  Garde  général  des  ar- 
chives du  royaume, emploi  oùil  a  déjà  rendu  des  services  réels, 
et  où,  placé  en  dehors  des  passions  politiques,  il  pourra  conti- 
nuera en  rendre  beaucoup  d'autres.  Ses  études  et  ses  goûts  sont 
ceux  qui  conviennent  surtout  à  cette  haute  charge  qu'ont  pos- 
sédée et  illustrée  des  hommes  tels  que  Ray  de  Pina  ,  Gomes 
Eaimcs  de  Zarara  ,  et  Fernam  Lopcs. 

Il  s'était  jusqu'ici  consacré  presque  exclusivement  à  la  science 
minutieuse  de  la  diplomatique. — Nommé  chargé  d'affaires  en 
Danemark  ,  à  son  retour  de  Rio- Janeiro  avec  le  roi  Jean  VI ,  il 
passa  l'année  1820  toute  entière  à  Paris.  Il  a  consigné  dans  une 
notice  publiée  cette  année  le  fruit  de  ses  recherches  dans  nos 
bibliothèques  sur  l'histoire  de  la  littérature  de  son  pays.  La  bi- 
bliothèque rovale  est  le  plus  riche  de  tous  nos  dépôts  en  ce 
genre,  et  déjà  M.  de  Santarem  eu  avait  publié  un  catalogue  fort 


(»)  Il  vient  en  effet  de  lui  être  ôté. 


LIVRES  ÉTRANGERS. 

bien  l'ait,  dans  les  Q°8  i3  et  i5  des  Annales  portugaises.  Le  ca- 
talogue qu'il  donne  aujourd'hui  est  plus  étendu  et  plus  complet, 
el  s  étend  à  tous  les  autres  dépôts  publics  de  Paris.  C'est  un  ex- 
cellent travail  préparatoire  pour  son  corps  diplomatique  portu- 
gais projeté. 

Les  événemens  de  1821  rappelèrent  M.  de  Santarem  à  Lis- 
bonne. Étranger  par  sa  naissance  à  la  classe  des  grands  oxxfi- 
dalgues ,  il  y  était  entré  par  les  faveurs  conférées  à  son  père  ,  et 
par  son  alliance  avec  la  nièce  du  général  Saldanha  ,  petit- fils  du 
célèbre  marquis  de  Pombaî.  Ses  amis  pouvaient  espérer  qu'au 
lieu  de  se  confondre  dans  la  foule  des  courtisans  obscurs,  il  sau- 
rait se  montrer  digne  de  l'illustre  patriote  Pombal  et  de  son  gé- 
néreux petit-fils ,  et  que  s'il  entrait  jamais  dans  les  affaires,  ce 
ne  serait  pas  pour  devenir  l'instrument  des  ennemis  de  la  gloire 
et  de  la  véritable  grandeur  de  sa  patrie  et  des  institutions  oc- 
troyées par  le  fils  de  son  bienfaiteur. 

Appelé,  en  1823,  à  la  place  d'archiviste  général  delà  cou- 
ronne, par  le  marquis  de  Palmella,  il  pouvait  lire  dans  les  titres 
confiés  à  sa  garde  et  dans  les  excellentes  chroniques  de  ses  de- 
vanciers Ruy  de  Pina,  Gomes  Eannes  de  Zuraca  et  surtout  du 
vénérable  Fernam  Lopez,  que  l'absolutisme  seul  était  une  in- 
novation et  une  véritable  révolution  en  Portugal ,  tandis  que  la 
liberté  était  le  droit  antique. 

Son  mémoire  sur  les  cortès,  annoncé  en  tète  de  cet  article  , 
prouve  que  ces  faits  lui  étaient  familiers.  Il  a  recherché  avec 
patience  ,  et  retrouvé  dans  les  monumens  anciens,  tout  ce  qui 
constituait  la  jurisprudence  des  antiques  cortès;  et  il  a  vu  dans 
l'histoire  l'état  prospère  du  Portugal  sous  un  régime  de  liberté, 
et  sa  décadence  après  la  perte  de  ses  institutions. 

Ces  deux  ouvrages  de  M.  de  Santarem  prouvent  une  con- 
naissance étendue  des  chartes  et  diplômes.  Il  examine  à  fond 
l'esprit  et  les  actes  des  anciennes  cortès,  depuis  leur  convoca- 
tion jusqu'à  leur  dissolution.  On  y  voit  d'après  des  documens 
authentiques,  quelles  étaient,  aux  diverses  époques  de  la  mo- 
narchie, les  qualités  exigées  des  électeurs  et  des  représentons 
de  la  noblesse,  du  peuple  et  du  clergé,  la  forme  de  l'acte  d'é- 
lection, le  cérémonial  des  séances  d'ouverture  et  de  clôture,  le 
serment  prêté  par  les  deux  ordres  ,  le  mode  de  discussion  et  de 
délibération,  etc.  Ce  travail  consciencieux  fait  honneur  à  l'éru- 
dition de  M.  de  Santarem;  sa  place  est  désormais  marquée 
parmi  les  investigateurs  scrupuleux  qui  préparent  à  l'historien 
et  au  législateur  les  matériaux  d'où  doivent  sortir  ces  concep- 
tions nobles  et  fécondes  qui  éclairent  et  réforment  les  nations. 

B. 


PAYS  I i  \  s .  i5i 

l'A  Y  S    BA  S. 

,o.  — -  Kerhandeling  ocer  hvt  belangt  etc.*  Mémoire  sur 
1  importance  des  places  fortes  pour  la  sûreté  de  l'État,  sur  la 
liaison  de  la  science  de  I  ingénieur  avec  la  stratégie,  et  sur  la 
isité  d'un  système  de  défense  mieux  d'accord  avec  les  pro- 
grès de  celui  d'attaque;  par  /.  -  G.  -  /A ".  Mebk.es,  premier 
lieu  tenant  ingénieur.  Bruxelles,  181,6-273  Brest  Van  Kempen. 

•>  VOl.  m  8".  ' 

l  11  jeune  officier,  plein  de  zèle  pour  sa  profession  en  même 
teins  que  de  patriotisme,  lit  avidement  tout  ce  qui  a  été  écrit 
sur  la  défense  des  places ,  devance  l'expérience,  toujours  lente, 
par  des  éludes  opiniâtres  et  rapides  se  rend  compte  de  ce 
qu'il  a  appris,  et  dans  un  moment  où  son  corps  avait  à  rougir 
d'un  petit  nombre  de  membres  indigues  (1),  il  le  venge,  pour 
ainsi  dire,  par  des  honorables  travaux,  de  quelques  bassesses 
individuelles.  Telle  est  L'origine  d'un  livre  où  se  manifestent  des 
eou  naissances  multipliées  et  bien  digét  ées,quoiquc  exposées  d'une 
manière  assez  confuse  et  dans  un  style  peu  correct.  11  n'appartient 
pas  à  tous  ceux  qui  portent  une  épée  décrire  comme  César  ou 
Foy.  M.  Tvlerkes  croit,  avec  le  grand  Frédéric,  que  la  guerre  en 
tout  teins  fut  le  premier  des  arts.  Celui  qui  écrit  cet  article  et  qui 
se  ressouvient,  non  sans  une  sorte  d'orgueil,  d'avoir  aussi 
porté  les  armes,  est  bien  loin  de  faire  un  crime  à  l'auteur  de 
professer  cette  opinion  ;  mais  il  y  voit  un  reste  de  cet  esprit 
de  suprématie  qui  régnait  naguère  avec  tant  d'arrogance  dans 
les  armées.  Peut-être  serait-il  plus  juste  de  la  regarder  comme 
une  simple  marque  d'enthousiasme,  d'autant  que  M.  Merkes 
appuie  partout  sur  l'obligation  de  défendre  la  liberté,  l'indé- 
pendance de  la  patrie,  et  subordonne  la  force  et  l'usage  du 
glaive  à  cette  cause  sacrée.  Etendant  son  système  de  défense, 
il  l'applique  à  plusieurs  places  dont  il  fait  sentir  l'importance 
par  des  raisons  tirées  de  l'art,  et  l'histoire  à  la  main.  Ce  qu'il 
avance  de  la  ville  cl'Yprcs  est  appuyé  ,  par  exemple ,  des 
instructions  données  par  Çarnot  à  Pichcgru.  L'ouvrage  est 
terminé  par  des  maximes  adressées  aux  ingénieurs  et  mises  en 
regard  des  principes  correspondans  de  lr.  stratégie,  ainsi  que 
par  des  remarques  sur  les  imperfections  ordinaires  de  la  cons- 
truction des  forteresses,  avec  les  movens  d'y  remédier. 


(1)  Plusieurs  officiers  supérieurs  du  génie  ont  été  mil  en  jugemens 
et  condamnés  pour  fraude  ,  malversation,  escroquerie  ,  dans  le  con- 
tentieux de  leurs  fonctions. 


i5a  LIVRES  ÉTRANGERS. 

47.  —  *  Atlas  universel  de  la  Géographie  physique,  politique, 
statistique  et  minera  logique  de  toutes  les  parties  du  monde,  sur 
l'échelle  de  mfsTTï  ou  d'une  ligne  pour  1900  toises;  dressé 
par  Ph.  Vander-Maelen,  membre  de  la  Société  de  géographie 
de  Paris,  d'après  les  meilleures  cartes,  observations  astrono- 
miques et  voyages  dans  les  divers  pays  de  la  terre;  lithogra- 
phie par  Ode,  membre  de  la  Société  de  géographie  de  Paris. 
Bruxelles,  1826-1827;  Ph.  Vander-Maelen,  rue  du  Boulet, 
n°  1 343.  Un  vol.  in-folio,  composé  de  4°o  cartes.  Prix  de  la 
livraison  ,  i5  fr.  Dix  livraisons  ont  déjà  paru;  on  les  publie  de 
cinq  en  cinq  semaines.  Chacune  d'elle  contient  dix  cartes. 

La  géographie  est  devenue  l'une  des  branches  les  plus  essen- 
tielles de  l'instruction  publique;  et,  indépendamment  des 
ouvrages  importans  récemment  publiés  qui  contribuent  à 
répandre  le  goût  de  cette  science,  on  a  fajt  également  paraître 
une  infinité  de  cartes  générales  ou  particulières,  d'atlas,  de 
mappemondes,  nécessaires  à  l'intelligence  des  livres  de  géo- 
graphie, et  qui  ont  obtenu  plus  ou  moins  de  succès. 

L'Atlas,  entrepris  par  MM.  Vander-Maelen  et  Ode,  sera, 
sans  contredit,  le  plus  complet  de  tous  ceux  qui  ont  paru 
jusqu'à  ce  jour.  Les  auteurs  ont  compulsé  les  ouvrages  les 
plus  exacts,  les  plus  savans,  et  ils  ont  consacré  plusieurs  an- 
nées de  travaux  assidus  à  réunir,  à  vérifier  leurs  matériaux, 
et  à  les  porter  à  un  haut  degré  de  perfection.  Aucun  obs- 
tacle n'a  pu  les  arrêter;  leur  marche  n'a  pas  été  retardée 
par  les  motifs  d'intérêt  qui,  trop  souvent,  viennent  entraver 
de  semblables  opérations;  leur  courage  et  leur  persévérance 
les  conduiront ,  sans  doute,  au  but  qu'ils  se  sont  promis  d'at- 
teindre. Ils  doivent  leurs  notes  physiques,  minéralogiques, 
statistiques,  politiques,  aux  hommes  les  plus  recommandables 
dans  chaque  science,  et  elles  sont  rédigées  avec  autant  de  pré- 
cision que  d'exactitude  et  de  clarté.  Ces  notes  sont  placées  sur 
chaque  feuille ,  dans  des  cadres  séparés,  lorsque  le  tracé  a 
laissé  assez  de  place  pour  cela;  ou  en  forme  de  légende,  sur 
une  portion  vague  de  mer  ou  de  pays  inhabité. 

M.  Vander-Maelen  s'est  servi  pour  son  travail  de  la  pro- 
jection par  développemens  coniques,  afin  de  procurer  aux  sous- 
cripteurs la  facilité  d'en  former,  par  la  réunion  des  cartes,  un 
globe  de  23  pieds  jo  pouces  6  lignes  de  diamètre;  et  il  offre 
même  de  fournir  aux  personnes  qui  voudraient  se  livrer  à 
cette  construction  les  feuilles  de  remplissage  nécessaires  pour 
couvrir  la  surface  de  leur  globe,  à  un  prix  très-modique.  Ces 
feuilles  ne  contiennent  que  des  parallèles  et  des  méridiens. 
L'exécution  de  cette  idée  produirait  les  plus  vastes  globes  que 
l'on  ait  encore  fabriqués. 


PATS-BAS.  i53 

Cent  cartes  de  l'atlas  de  INT.  Vander-Maelen  ont  déjà  paru; 

il  sera  divisé  en  cinq  parties  :  V  Europe ,  ï./m/',  V  Afrique,  l<-s 
deux  Amériquei  et  YOcéanie.  Chacune  des  livraisons  se  compose.' 
do  dix  caries,  prises  indifféremment  dans  toutes  les  parties  du 

inonde;   elles  portent,    en   tête,  la    désignation  de  la  contrée 

qu'elles  représentent,  et,  aux  deux  côtés  du  litre,   la  division 

à  laquelle  la  carte  appartient,  et  son  numéro  d'ordre;  par 

ce  moyen,  les  souscripteurs  pourront  les  classer  avec  facilité. 

S.  AI.  le  loi  des  l'ays-Iias,  qui  porte  un  vif  intérêt  à  la 
confeclion  de  cet  atlas,  et  en  protège  l'exécution ,  a  souscrit 
pour  tontes  ses  bibliothèques  particulières  et  pour  celles  des 
universités;  et  les  princes  de  la  famille  royale  ont  suivi  son 
exemple.  Cette  marque  de  faveur,  qui  s'attache  à  cet  ouvrage, 
dés  sa  naissance ,  est  un  grand  encouragement  pour  M.  Vander- 
Maelen,  et  un  gage  des  soins  qu'il  doit  mettre  à  l'exécution 
des  parties  qui  ne  sont  pas  encore  publiées.  Plus  son  travail 
sera  exempt  de  taches,  plus  sa  patrie  s'en  tiendra  honorée; 
plus  il  approchera  lui-même  de  la  récompense  a  laquelle  il 
doit  aspirer,  l'honorable  suffrage  de  ses  concitoyens  et  des 
savans  étrangers.  C'est  dans  ce  but  qu'il  voudra  bien  nous 
permettre  de  lui  dire  que  son  trait  lithographique  n'est  pas 
toujours  assez  pur,  quoiqu'il  ait  acquis  de  la  netteté  dans  les 
planches  les  plus  récentes;  et  que  la  lettre  surtout  ne  nous  paraît 
pas  avoir  été  confiée  à  un  artiste  assez  sûr  de  sa  main;  il  doit 
s'attacher,  à  l'avenir,  à  la  rendre  plus  égale,  plus  agréable  à 
l'œil,  et  à  mettre  plus  d'ordre  dans  la  disposition  des  mots, 
afin  d'éviter  la  confusion.  Nous  lui  recommandons  encore 
d'apporter  la  plus  grande  attention  à  l'orthographe  des  noms; 
on  ne  saurait  être  trop  scrupuleux  à  cet  égard.  Au  reste,  l'en- 
semble de  cet  immense  travail  est  digne  d'éloges,  et  doit  fixer 
l'attention  des  géographes  les  plus  instruits,  comme  celle  des 
gens  du  monde  qui  se  plaignent  de  ne  pas  trouver  assez  de 
détails  dans  les  atlas  ordinaires.  R. 

/,  8.  —  *  Résume  des  opinions  des  philosophes  anciens  et  mo- 
dernes sur  les  causes  premières ,  les  propriétés  générales  des  corps , 
et  l'ether  universel;  par  L.-A.  Gruyer.  Bruxelles,  i827;Hayez, 
imprimeur  de  l'Académie,  i  vol.  in-! 6  de  355-267  pages. 

Cet  ouvrage,  rempli  d'une  érudition  très-agréable,  et  sou- 
vent utile,  trouvera  beaucoup  de  lecteurs,  même  parmi  cuux 
qui  ne  croient  point  à  la  métaphysique  ,  refusent  ses  offres  trop 
officieuses,  et  lui  interdisent  formellement  l'entrée  des  sciences 
naturelles.  Sans  examiner  si  les  philosophes  dont  M.  Gruyer 
expose  les  opinions  ont  vu  des  vérités,  ou  s'ils  n'ont  fait  que 
rêver  des  hypothèses,  c'est  un  spectacle  plein   d'intérêt  que 


i  :,,  LIVRES  ÉTRANGERS. 

celui  dos  fluctuations  de  l'esprit  humain,  pendant  plus  de  trente 
siècles,  sans  que  les  efforts  des  plus  grands  génies  aient  rien 
produit  pour  la  véritable  instruction,  tandis  qu'à  peine  entrés 
dans  ta  voie  de  l'expérience,  les  esprits  ordinaires  ont  vu  à 
leur  portée  une  immensité  de  faits  qui  ne  semblaient,  attendre 
que  des  observateurs.  Ces  faits  coordonnés  ont  formé  les  scien- 
ces,  dont  l'édifice  s'est  élevé  rapidement,  et  ces  sciences  ont 
éclairé  les  arts  déjà  créés;  elles  en  ont  même  enseigné  de  nou- 
veaux. L'ouvrage  de  M.  Gruyer  met  en  évidence  la  stérilité 
des  discussions  dans  lesquelles  l'intelligence  humaine,  aban- 
donnée à  ses  propres  forces,  n'est  plus  aidée  ni  dirigée  par  la 
contemplation  d'objets  qui  la  ramènent  vers  la  nature  qu'elle 
cherche  à  connaître.  C'est  un  avertissement  des  plus  salutaires, 
et  qui,  sans  doute,  ne  sera  pas  toujours  donné  en  vain.  Notre 
siècle  devient  celui  des  sciences  utiles, c'est-à-dire,  applicables  : 
La  métaphysique  est  placée  dans  une  sphère  trop  élevée  pour 
qu'elle  daigne  descendre  jusqu'à  nous,  et  s'occuper  de  nos  be- 
soins :  qu'elle  reste  donc  à  sa  place;  ce  n'est  pas  à  elle  qu'il  est 
réservé  de  répandre  quelque  lumière  sur  les  causes  premières, 
ni  sur  les  propriétés  générales  des  corps,  ni  sur  l'éther  uni- 
versel. Y. 

49.  —  *  Projet  du  Code  pénal  du  royaume  des  Pays-Bas. 
Bruxelles,  1827;  Weissembruch ,  imprimeur  du  roi.  In-8°  de 
167  pages. 

Jusqu'ici  les  codes  français.,  sauf  quelques  modifications ,  ont 
été  conservés  en  vigueur  dans  le  royaume  des  Pays-Bas;  mais  le 
gouvernement  de  cet  Etat  s'occupe  à  les  remplacer  par  une  nou- 
velle législation  qui  sera  probablement  puisée  en  grar.de  partie, 
dans  la  nôtre.  Les  derniers  titres  du  Code  civil  et  le  Code  de  com- 
merce ont  été  adoptés,  pendant  la  session  des  États-généraux 
de  1825-1826;  un  Code  d'organisation  judiciaire  a  été  discuté 
et  adopté ,  pendant  la  session  de  1 826-1827  ;  et  enfin  un  projet 
de  Code  pénal  va  être  soumis  à  celle  qui  vient  de  s'ouvrir  le  16 
de  ce  mois  (octobre).  Les  divers  codes  deviendront  exécu- 
toires lorsqu'ils  seront  tous  achevés;  en  attendant,  comme 
nous  venons  de  le  dire  ,  quelques  lois  particulières  ont  seule- 
ment remplacé  certaines  dispositions  de  la  législation  française. 

Nous  ne  connaissons  pas  les  Codes  civil  et  de  commerce  des- 
tinés aux  Pays-Bas;  nous  en  avons  entendu  faire  l'éloge,  par- 
ticulièrement du  dernier,  par  des  jurisconsultes  recomman- 
dables.  Quant  au  projet  de  Code  pénal ,  il  est  parvenu  entre 
nos  mains,  et  nous  allons  nous  exprimer  franchement  sur  ce 
sujet. 

De  tous  les  Codes  qui  composent  l'ensemble  de  la  législation 


lS.  i55 

i        aise ,  celui  qui  a  suscité  les  .plus  universelles  cri tiqui     i 
iDiredii  le  Code  pénal.  Fait  à   une  <-|i< >< j 1 1<-  de  fle&po 
Usine  et  d'arbil  r  au  e,  les  diverses  dispositions  qu'il  renferme  con 
couraient  merveilleusement  à  seconder  ces  deux  mobiles  * I  »  » 
gouvernement  qui  pesait  alors  sur  nous.  Les  vices  principaux 
qu'on  y  remarque  ont  été  signalés  avec  force   et  éloquence 
par  de  nombreux  écrivains;  il  semblait  donc  que  des  législa- 
teurs appelés  à  donner  à  leur  paya  un  Code;  des  délits  el  des 
peines  ,  tout  en  consentant  à  adopter  quelques-unes  des  loi  mes 

extérieures  et  même  des  classifications  du  Code  pénal  français, 

auraient  pu  facilement  y  apporter  d'importantes  améliorations 
et  rendre  ainsi  leurs  travaux  dignes  en  tout  point  de  la  haute 
mission  qu'ils  avaient  à  remplir  et  du  siècle  éclairé  où  nous 
vi\  ons. 

Telle  n'a  pas  été,  nous  devons  le  déclarer,  la  marche  des 
hommes  d'Etat  qui  ont  prépaie  le  projet  de  Code  dont  nous 
entretenons  nos  lecteurs.  Ils  ont  fait,  il  est  vrai,  de  nombreux 
Changement  «tu  Code  français;  mais  ces  changemens,  loin 
d'avoir  été  conseillés  par  un  esprit  de  réforme  et  d'améliora- 
tion, rendent  leur  projet  encore  plus  indigne  de  régir  une 
nation  policée,  et  semblent  avoir  été  puisés,  du  moins  en  par- 
tie, dans  les  recueils  des  lois  barbares  du  moyen  âge. 

Ce  projet  de  Code  pénal  est  partagé  en  onze  parties  dis- 
tinctes, qui,  réunies,  formeront  l\()S  articles.  Les  peines  qu'il 
établit  sont  :  i°  la  mort;  i°  les  peines  d'échafaud;  3°  la  dé- 
claration d'infamie;  4°  l'emprisonnement;  5°  la  relégation  ; 
6°  le  bannissement;  70  la  déclaration,  soit  générale,  soit  mo- 
difiée, d'inhabileté  à  toute  charge,  fonction  ou  emploi;  8°  la 
déclaration  de  déchéance  de  quelque  charge  ,  fonction  ou 
emploi,  ainsi  que  la  défense  d'exercer  certaine  profession  ou 
métier,  pour  un  tems  ou  pour  toujours;  90  l'amende.  La 
peine  capitale  devra  être  exécutée  sur  l'échafaud,  en  suspen- 
dant le  criminel  à  une  corde.  Les  peines  dites  d'échafaud 
sont  au  nombre  de  quatre,  savoir  :  i°  le  fouet  et  la  marque; 
H°  le  fouet;  3°  le  glaive  passé  par-dessus  la  tète;  4°  l'exposi- 
tion sur  l'échafaud. 

Parmi  les  actions  réprimées  par  l'une  des  peines  énumérées 
plus  haut,  nous  avons  remarqué  le  duel,  que  l'art.  214  définit: 
Un  combat  régulier  entre  deux  personnes ,  en  présence  de  témoins 
ou  sans  témoins,  précédé  d'un  défi  fait  verbalement,  par  écrit  on 
par  geste ,  arec  détermination  d'un  tems  fixe  /jour  venger  on 
pour  réparer  une  injure,  réelle  ou  prétendue.  Le  duel  n'est  point 
punissable  lorsque  ni  l'un  ni  l'autre  des  adversaiees  n'a  reçu 
aucune  blessure.  La  tentative,   quelle  qu'en  soit  la   gravité, 


i56  LIVRES  ÉTRANGERS. 

n'est  point  punissable.  Dans  le  cas  où  c'est  l'offensé  qui  aura 
provoqué  son  adversaire  et  l'aura  privé  de  la  vie,  le  coupable 
devra  être  puni  d'emprisonnement  ou  de  relégation,  avec  ou 
sans  bannissement ,  qui,  ensemble  ou  séparément,  n'excéde- 
ront pas  huit  années.  Les  peines  varient  ensuite,  d'après  les 
diverses  circonstances  qui  peuvent  se  rencontrer  en  pareille 
occasion.  Si  l'offensant  a  été  aussi  le  provocateur,  et  qu'il  ait 
tué  son  adversaire,  il  est  puni  comme  meurtrier.  Nous  doutons 
que  ces  dispositions  pénales  deviennent  réellement  efficaces; 
et  néanmoins  nous  en  approuvons  l'insertion  dans  le  nouveau 
Code  des  Pays-Bas. 

Ce  qui  choque  le  plus  la  raison  dans  le  projet  du  Code 
pénal  dont  nous  nous  occupons,  c'est  la  résurrection  de  châti- 
mens  propres  à  dégrader  le  caractère  moral  de  l'homme  ,  et  à 
le  dépraver  plus  encore  qu'il  ne  l'était  avant  d'avoir  été  atteint 
par  le  glaive  de  la  loi.  N'a-t-on  pas  lieu  d'être  étonné  que  le 
gouvernement  des  Pays-Bas  qui,  dans  beaucoup  de  circons- 
tances, a  prouvé  qu'il  est  animé  d'un  esprit  véritablement  cons- 
titutionnel, semble,  dans  une  si  grave  occasion,  être  resté 
étranger  aux  progrès  que  la  législation  criminelle  a  faits  en 
Amérique  et  dans  quelques  États  de  l'Europe  ?  Espérons  que 
ce  gouvernement,  éclairé  par  les  nombreuses  critiques  que  son 
projet  de  Code  pénal  a  déjà  essuyées,  s'empressera  de  le  retirer; 
ou  du  moins  que  les  chambres  législatives  useront  du  droit 
qu'elles  possèdent  de  le  repousser  ou  de  !e  modifier  dans  les 
dispositions  qui  blessent  les  droits  de  l'humanité  et  les  intérêts 
véritables  de  la  société,  et  s'acquerront  ainsi  un  nouveau 
titre  à  la  reconnaissance  des  peuples  qu'elles  sont  appelées  à 
représenter.  A.  Taillandier,  Avocat. 

5o.  —  Essai  de  grammaire  générale,  basée  sur  les  procédés 
idéologiques  et  analytiques  de  Lemare,  par  N.  Dally,  direc- 
teur du  pensionnat  et  de  l'institution  de  Visé  Liège,  1826; 
Dessain.  In -8°  de  40  pages. 

Nous  ne  dirons  qu'un  mot  de  cet  ouvrage.  L'auteur,  suivant 
presque  en  tout  la  marche  tracée  par  les  grammairiens  philo- 
sophes, et  en  particulier  les  idées  de  M.  Lemare,  cherche  à  faire 
découler  toutes  les  règles  de  la  grammaire  générale  de  principes 
clairs  et  peu  nombreux,  et  tous  fondés  sur  la  nature  et  la  raison. 
L'extrême  concision  de  sa  grammaire  la  rendra  peut-être  diffi- 
cile pour  des  enfans;  mais,  expliquée  par  un  bon  maître,  elle 
deviendrait  extrêmement  utile  à  la  jeunesse,  et  surtout  lui  ren- 
drait l'étude  des  langues  plus  facile,  en  ne  lui  inculquant  que 
des  principes  vrais  et  rigoureux. 

Il  faut  cependant  excepter  de  ce  nombre  quelques-uns  do 


PATS-BAS.  1^7 

Ceux  qui  sont  admis  par  AI.  Daily,  et  entre  autres,  ceux-ci: 
On  appelle  cas  les  différentes  positions  où  un  substantif  est  placé 

dans  une  phrase  ^p.  l5)j  le  mot  «le  cas  emporte  ordinairement 
|*idce  d'une  variation  dans  le  matériel  du  mot.  La  racine  fies 
modifications  complexes  (des  verbes)  peut  être  varice  par  cinq 
fignes  d'idées  accessoires  :  savoir,  de  VOÙC,  de  mode,  de  tc/ns,  de 
nombre  et  de  personne  (p.  19)  :  les  langues  sémitiques  admet- 
tent en  outre  des  genres  à  quelque  teins  de  leurs  verbes.  On 
pourrait  démontrer  aussi  rigoureusement  <pie  tous  les  mots  dans 

toutes  les  langues  sont  constitués  de  la  même  manière  (p.  11). 
Celte  idée,  d'une  valeur  primordiale  attachée  par  la  nature  au 
son  de  chaque  lettre,  développée  par  Court  de  Gébeîin  jusqu'à 
la  consistance  de  trois  volumes  in-/t°,  adoptée  et  caressée  par 
un  grand  nombre  de  grammairiens,  et  beaucoup  trop  estimée 
par  M.  Daily  lui-même,  est  tombée  entièrement  devant  les 
lumières  de  la  philologie,  et  a  prouvé  seulement  que  les  hommes 
a  système  accommodent  presque  toujours  la  nature  à  leurs 
pensées,  au  lieu  d'accommoder  leurs  pensées  à  la  nature.  Je 
l'en  donnerai  qu'un  exemple  que  j'emprunterai  à  31.  Daliy.  Le 
mot  tonnerre ,  dit-il  (p.  3y) ,  est  imitatif  dans  toutes  les  langues  : 
t  désigne  le  contact  des  nues  ;  on,  le  son  qui  en  résulte;  et  rr  , 
le  roulement  produit  par  ce  son.  Certes,  en  fiançais,  ce  moi  ton- 
nerre est  un  mot  fort  doux,  et  je  n'y  ai  jamais  rien  vu  de  ce  qu'y 
trouve  M.  Daily  :  mais  en  supposant  que  cela  y  soit  ,  trou- 
vera-l-il  la  même  chose  dans  le  mot  volof  danou  ,  dans  le  mot 
sanskrit  résidant?  Enfin,  comment  expliquera-t  il  les  mots  qui, 
avec  des  sons  pareils,  ont  des  sens  si  différent  dans  les  diverses 
langues  ou  dans  le  môme  idiome?  I].  J. 

Ouvrages  périodiques. 

5l.  — * 'Bibliothèque  des  instituteurs  ;  journal  de  l'instruction 
Doyenne  et  primaire  dans  les  provinces  wallones.  Mons,  1827; 
H  J.  Hoyois.  In-8°. 

Ce  journal  paraît  tous  les  mois;  le  dernier  cahier  est  remar- 
quable par  un  entretien  entre  un  curé  et  un  paysan  que  le  mot  de 
science  remplit  d'effroi.  Le  curé  ,  dans  un  langage  approprié  à 
l'ignorance  entêtée  de  l'interlocuteur,  parvient  à  lui  faire  com- 
prendre combien  de  connaissances  utiles  (l'écriture,  le  calcul, 
le  dessin  linéaire,  quelques  notions  élémentaires  et  justes  d'his- 
toire et  de  géographie)  on  peut  donner  à  un  enfant  en  moins 
de  teins  qu'on  n'en  mettait  autrefois  à  lui  apprendre  à  lire.  Le 
paysan  ne  se  rend  pas  au  premier  mot;  il  voudrait  que  les 
jeunes  gens   n'apprissent  que  l'arithmétique.  Le  curé,   après 


inS     LIVRES  ÉTRANGERS.  —  MVRES  FRANÇAIS. 

Vavoir  combattu,  lui  promet  un  nouvel  entretien,  où  il  le  con- 
vaincra  par  des  raisons  irréfragables.  Nous  nous  ferons  un 
plaisir  d'en  rendre  compte.  Ce  premier  dialogue  est  suivi  des 
discours  de  clôture  de  plusieurs  cours  normals  pour  les  insti- 
tuteurs primaires,  terminés  par  des  examens,  à  la  suite  des- 
quels les  commissions  provinciales  d'instruction  ont  délivré  à 
la  plupart  des  instituteurs-élèves  des  brevets  de  capacité.  Par- 
tout on  leur  a  fait  sentir  quelle  est  l'importance  des  bonnes 
méthodes  d'enseignement;  et  l'on  ne  saurait  trop  signaler  avec 
éloge  le  zèle  et  les  efforts  si  généreusement  déployés  en  Bel- 
gique, pouf  procurer  aux  instituteurs  les  moyens  de  se  perfec- 
tionner dans  leur  état,  et  à  toutes  les  classes  de  la  société  ceux 
d'acquérir  des  connaissances  utiles.  R. 

FRANCE. 

Sciences  physiques  et  naturelles. 

5a. —  *  Encyclopédie  par  ordre  de  matières:  98e  livraison. 
Paris,  septembre  1827;  Mme  veuve  Agasse ,  rue  des  Poitevins, 
n°  6.  In-4°  ;  prix,  45  fr. ,  et  36  fr. ,  l'atlas  séparément. 

La  publication  de  cette  immense  collection,  long-tems  retar- 
dée par  les  circonstances ,  touche  à  sa  fin  ;  encore  quelques 
mois  avec  un  petit  nombre  de  volumes,  et  la  plus  complète  des 
Encyclopédies  sera  terminée.  La  livraison  que  nous  annonçons 
au  public  est  bien  faite  pour  réveiller  son  attention.  Elle  est 
certainement  l'une  des  plus  importantes  de  la  partie  qui  con- 
cerne les  sciences  pl^siqucs  ;  elle  se  compose  :  i°  de  Y  Atlas  de 
la  géographie  physique  ;  20  de  la  seconde  moitié  du  tome  qui 
contient  l'histoire  des  zoophites  ;  3°  de  l'explication  des  plan- 
ches consacrées  aux  vers  ,  coquilles  et  mollusques;  4°  enfin  dtj 
tome  xii  de  la  Médecine. 

L'explication  des  planches  où  sont  classés  les  vers,  les  co- 
quilles et  les  polypes,  n'est  qu'un  simple  cahier  d'une  dizaine 
de  feuilles.  Il  est  dû  au  colonel  Bory  de  Saint-Vincent,  à  qui 
toutes  les  parties  des  sciences  physiques  et  naturelles  sont  fa- 
milières. Ce  cahier ,  qui  d'abord  ne  semble  pas  annoncer  un 
grand  travail,  a  cependant  nécessité  de  nombreuses  et  minu- 
tieuses recherches.  C'est  un  effort  de  patience  assez  remar- 
quable dans  un  auteur  qui  laisse  percer  dans  tous  ses  écrits 
beaucoup  d'ardeur  et  de  vivacité.  Au  moyen  de  l'explication  qui 
fait  suite  aux  illustrations  du  savant  Bruguière ,  les  souscrip- 
teurs de  Y  Encyclopédie  peuvent  enfin  faire  relier  la  collection 
des  nombreuses  et  belles  planches  de  coquilles  déjà  publiées, 


SCIENCES  PHYSIQ1  ES. 

Il  qui  auront  actuellement  toute  l'utilité  qu'elles  peuvent  .noir, 
puisque  les  noms  des  espèces  9*y  trouveront 

L'importance  du  volume  qui  termine  l'histoire  des  zoophytes 
méritera  un  article  ft  part;  il   fui  confié  à  MM.   Laltoi  aôi  \, 

E,     |)l  si  IIM'.I    11  VMI'S     Cl     BORI     IM.    S\IM     \    !\,    I    NT.    (>    (lclIliiT  cl 

encore  auteur  du  texte  de  la  géographie  physique ,  dont  nou  1 
bous  occuperons  également  en  particulier.  En  attendant  l'exa 

nicn  que  nous  nous  proposons  de  faire  de  cet  oun  raj  e , is 

allons,  pour  en  donner  une  première  idée,  transcrire  1<'  pas 
sage  suivant  extrait  de  l'avis  publié  par  M0"  Koàssë. 

«  Nous  croyons  pouvoir  annoncer  ce  volume  de  planches 
tomme  l'un  des  plus  import  ans  «le  V  Eftcyctojyédie  ;  rien  n'a  été 
épargné  pour  le  tendre  digne  d'une  si  grande  entreprise  :  qua- 
rante-huit  planches  ou  cartes  doubles  en  composent  le  fonds, 
et  les  souscripteurs  remarqueront  que  quatre  ont  été  enlumi- 
nées avec  soin,  pour  l'intelligence  des  théories  auxquelles  elles 
ont  trait.  Cette  partie  de  la  collection  avait  été  commencée  par 
peu  -M.  I)f  suàkî  -.nt,  qui,  ayanrfait  graver  plusieurs  de  ces  plan- 
ches, avait  emporte  dans  la  tombe  les  motifs  qui  l'avaient  dé- 
termine dans  ses  choix.  Peu  de  personnes  eussent  osé  entre- 
prendre de  terminer  le  travail  du  célèbre  académicien.  Le 
|  colonel  Borv  de  Saint-Vincent,  dont  le  zèle  pour  le  progrès  des 
jisciences  physiques  ne  s'est  jamais  démenti,  a  bien  voulu  rem- 
i  plir  celte  tâche. — Sous  le  titre  modeste  à* Analyse  des  Cartes  ,  il 
a  tracé  le  modèle  d'un  traité  de  géographie  physique  des  plus 
beaux  et  des  plus  agréables  à  lire,  car  M.  Bory  de  Saint  -  Vin- 
cent semble  s'appliquer  à  ne  pas  écrire  pour  un  petit  nombre  de 
lecteurs  :  on  remarque  dans  tous  ses  ouvrages  un  soin  parti- 
culier pour  se  mettre  à  la  portée  de  tout  le  monde,  et  l'art  de 
faire  concourir  à  son  but  des  données  prises  avec  discerne- 
ment dans  toutes  les  branches  des  connaissances  humaines. 
Plusieurs  des  quarante-huit  planches  de  cette  livraison  sontgra- 
fées  d'après  les  dessins  de  M.  Bory  de  Saint-Vincent  lui  même.» 

Nous  engagerons  M,ncAgasse  à  vendre  séparément  le  travail 
de  ce  savant  ;  il  se  répandrait  ainsi  dans  les  bibliothèques  dont 
les  propriétaires  ne  sauraient  acquérir  deux  cents  volumes 
quand  un  seul  leur  suffît.  G.  G. 

53.  —  *  Nouveau  Manuel  de  Botanujuc ,  ou  Principes  élé- 
mentaires de  physique  végétale,  à  l'usage  des  personnes  qui  se 
destinent  à  suivre  le.s  cours  de  botanique  du  Jardin  du  Roi ,  des 
facultés  des  sciences  et  de  médecine,  etc.;  par  MM.  S.  Gikaui>ï\ 
et  .1.  Juillet,  pharmaciens  internes  des  hospices  civils  de  Paris. 
Paris,  1827;  Compère  jeune,  nie  de  l'École- de-Médecine:  In-18, 
orne  de   t ?  planches;  prix,  5  fr.  Go  c. 


160  LIVRES  FRANÇAIS. 

On  ne  peut  guère  nommer  un  petit  ouvrage  ce  volume  de  600 
pages  de  texte  fort  serré,  et  rempli  d'excellentes  choses.  On 
doit  le  considérer  comme  un  vade-mecum  indispensable  aux 
savans  eux-mêmes.  Ils  y  trouveront  le  résumé  de  tant  de  vo- 
lumes qui  nous  inondent,  et  à  la  lecture  desquels  ne  suffirait 
pas  ki  vie  d'un  patriarche.  Les  deux  auteurs  ne  se  donnent  pas 
pour  y  avoir  mis  beaucoup  du  leur  j  mais  ils  ont  fait  un  choix 
très-judicieux  de  ce  qu'ils  devaient  y  mettre  des  autres.  Avec  le 
Manuel  de  MM.  Girardin  et  Juillet,  on  peut  devenir  botaniste,  et 
les  botanistes  consommés  consulteront  avec  fruit  cet  ouvrage. 

54.  —  Botanique  du  droguiste  et  du  négociant  en  substances 
exotiques;  ouvrage  traduit  de  l'anglais  par  M.  E.  Pelouse.  Paris, 
1827;  Malher  et  compagnie,  passage  Dauphine.  In- 11.  de  38o 
pages  ;  prix  ,  4  fr«  5o  c. 

Il  est  fâcheux  que  le  traducteur  de  cet  ouvrage,  qui,  s'il  était 
complet,  serait  d'une  grande  utilité,  ne  se  soit  pas  élevé  à  la  hau- 
teur de  la  science.  C'était  une  heureuse  idée,  assurément,  que  de 
porter  l'exactitude  de  la  botanique  dans  une  branche  importante 
du  commerce,  celle  qui  se  compose  des  produits  végétaux.  Nous 
croyons  bien  que  le  docteur  ^Anthony  Told  Tiiomson  ,  membre 
de  la  Société  royale  y  des  Collèges  de  médecine  de  Londres  et 
d'Edimbourg,  et  de  toutes  les  sociétés  savantes  d'Angleterre, 
pourvu  de  connaissances  profondes  en  botanique  et  en  physio- 
logie végétale ,  s'est  aidé  des  plus  nombreux  documens,  pour 
dissiper  beaucoup  de  préjugés,  écarter  une  foule  d'erreurs,»  etc. 
Mais  le  docteur  Thomson  est  fort  loin  d'avoir  épuisé  la  matière. 
Nous  pourrions  lui  rappeler  cent  articles  au  moins  que  l'indus- 
trie et  la  pharmacie,  empruntent  du  règne  végétal,  qu'on 
demande  tous  les  jours  chez  le  droguiste,  et  dont  il  n'a  pas  dit 
un  mot.  Nous  pourrions  lui  indiquer  une  multitude  d'omissions 
dans  un  peu  plus  de  deux  cents  des  articles  où  il  renferme  la 
botanique  du  commerce  ;  et  nous  engageons  son  traducteur 
à  réparer  tant  d'omissions ,  s'il  donne  jamais  une  édition  nou- 
velle de  son  livre.  Nous  aimons  à  croire  les  autres  parties 
de  la  Bibliothèque  industrielle  de  M.  Malher  mieux  traitées 
que  sa  botanique  ,  ouvrage  entièrement  à  refaire,  anglais  dans 
la  force  du  terme ,  où  l'on  ne  dit  pas  un  mot  de  ce  qui  pourrait 
être  utile  aux  négocians  et  aux  marchands  français.  Il  eût  pres- 
que mieux  valu  rajeunir  le  vieux  Pommet. 

B.  de  Saint-Vincent. 

55 — *  Essai  monographique  sur  les  oscillaircs ,  par  M.  Bory 
de  Saint- Vincent.  Paris,  1827;  R<  y  et  Gravier.  In  8°. 

Cet  ouvrage  est  l'un  des  travaux  remarquables  sortis  de  la 
plume  d'un  auteur  fécond,  qui,  passant  avec  une  surprenante 


SCIENCES  PHYSIQUES.  itfi 

facilite  d'un  injel  i  un  .mire,  met  à  Approfondir  tout  ce  qu'il 
!  ta  i  («■  le  teins  <j  ni  suffirait  k  peine  à  beaucoup  dn  utrcs  pour  cflleu 

rer  seulement  les  mêmes  matières.  Nous  avons  rapporté  (voy.  t. 

\\\  v,  p.  7|/>)  la  lettre  par  laquelle  IM.  Bory  de  Saint-  Vincent  ap- 
pela  l'attention  de  l'Institut  sur  une  classe  d'êtres  tellement  limi- 
trophe eut  ie  les  règnes  animal  et  végétal,  (pie  les  naturalistes  n'ont 

su  jusqu'ici  auquel  les  rapporter* Ce  savant  fixe  toutes  les  incer- 
titudes; les  oscillaires  appartiennent  au  règne  nouveau  qu'il  a 
proposé  précédemment  d'adopter  sous  le  nom  àepsyçhodiairef. 

T,es  oscillaires,  très-répandus  dans  la  nature,  couvrent  le  bas 
des  murs  humides,  les  dalles  de  nos  fontaines  publiques,  et 
croissent  dans  l'interstice  du  pavé  des  grandes  villes,  aussi 
bien  que  sur  le  chaume  de.  l'humble  habitation  des  villageois. 
On  n'y  voit  à  l'œil  nu  qu'une  teinte  d'un  noir  verdâtre,  gélati- 
neuse ,  et  souvent  fétide;  au  microscope,  l'œil  émerveillé  y 
découvre  des  lilamcns  élégamment  colorés  et  articulés,  s'agitaut 
par  divers  mouvemens  où  les  plus  incrédules  ne  pourront  s'em- 
pêcher de  reconnaître  des  indices  évidens  d'animalité  quand 
ils  se  donneront  la  peine  de  voir.  Ce  qui  nous  paraît  le  plus 
extraordinaire  dans  les  observations  de  notre  premier  micro- 
graphe  ,  c'est  la  certitude  qu'il  a  acquise  que  les  mêmes  espèces 
d'oscillaires  peuvent  vivre  et  se  développer  également  dans 
les  eaux  les  plus  froides  et  dans  celles  des  thermes  les  plus 
chauds.  Il  s'en  trouve  dans  les  fontaines  où  le  thermomètre 
s'élève  jusqu'à  cinquante  et  quelques  degrés.  Après  l'exposi- 
tion lucide  des  généralités  qui  concernent  ces  singulières 
créatures,  une  f  rentable  d'espèces  sont  parfaitement  décrites. 
La  dernière ,  que  particularise  sa  couleur  d'un  rouge  foncé,  et 
qui  fut  dernièrement  découverte  par  le  savant  botaniste  Mou- 
geot  dans  deux  lacs  de  Suisse ,  est'appelée,  par  M.  Bory  de 
Saint-Vincent,  Oscillaria  Pharaonis  :  «parce  qu'elle  parut, 
dit  ce  savant ,  renouveler  celle  des  plaies  d'Egypte  où  les 
eaux  furent  changées  en  sang.  Y. 

56.  —  *  Anatomle  de  l'homme,  ou  Description  et  figures 
lithographiées  de  toutes  les  parties  du  corps  humain;  par  Jules 
Cloquet,  i).  m.,  membre  de  l'Académie  de  médecine;  etc.; 
publiée  par  C.  de  Lasteyri.e,  éditeur.  3ie  et  3ae  livraisons. 
Paris,  1827;  Piégeant,  imprimeur-lithographe,  rue  Saint- ."Marc, 
n°  8.  2  cah.  in- fol.  contenant  38  p.  de  texte  et  10  planches  ; 
prix  de  la  livraison,  17  fr  5o  c.  [Yoy.Rec  Enc.,  t.  xxxn,  p.  5-2ç).  1 

57.  —  Précis  de  nosologie  et  de  thérapeutique ,  par  J.  B.  G. 
Barbier,  médecin  en  chef  de  l'Hôtel-Dieu  d'Amiens,  profes- 
seur de  pathologie  et  de  clinique  interne  ta  l'école  secondaire. 
<le   médecine   pratique  d'Amiens,   etc    Tom.  1.  Paris,    18*27; 

r.  xxxvi.  —  Octobre  1827.  11 


ifa  L1VRKS  FRANÇAIS. 

Méquignon-Marvis.  In-8°  do  G8o  pages;  prix,  9  fr. ,  et  1 1  fr. 
par  la  poste.  —  N.  B.  Le  premier  volume  ne  sera  remis  qu'à 
ceux  qui  s'engageront  à  prendre  le  second.,  qui  doit  paraître 
incessamment. 

Voici  un  ouvrage  qu'il  faut  étudier,  avant  de  le  juger  :  nous 
attendrons,  pour  nous  livrera  ce  travail  ,  (jue  nous  ayons  les 
deux  volumes  ,  et  que  l'ensemble  des  doctrines  médicales  de 
M.  Barbier  puisse  être  mis  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs.  Tout 
semble  anuoncer  une  sorte  de  révolution  dans  les  doctrines 
adoptées  jusqu'à  ce  moment  :  on  s'était  beaucoup  Irop  pressé 
d'achever  l'édifice  ,  on  s'est  mis  dans  la  nécessité  de  démolir 
et  de  reconstruire ,  travail  pénible  pour  l'esprit  humain.  On 
espère  que  le  livre  de  M.  Barbier  sera  d'un  grand  secours  pour 
procéder  à  cette  double  opération.  F.  Y. 

58.  —  Notice  sur  les  hernies  ,  et  sur  une  nouvelle  manière  de 
les  guérir  radicalement ,  par  Beaumont,  de  Lyon.  Paris  ,  1827  ; 
Crevot ,   rue  de  l'École  de  Médecine,  n°  5.  In  8°;  prix,  3  fr. 

Après  avoir  fait  l'énumération  des  moyens  employés  jusqu'à 
ce  jour  pour  obtenir  ce  qu'il  appelle  la  cure  radicale  des 
hernies  ,  l'auteur,  qui  n'est  pas  médecin  ,  mais  qui  a  de  la  ré- 
putation connue  bandagiste,  expose  ceux  qui  lui  sont  propres. 
Il  s'agit  de  garnir  la  pelolte  compressive  d'un  mélange  d'opium 
brut  pulvérisé  et  de  sous-carbonate  d'ammoniaque.  Cette  appli- 
cation fait  naître  à  la  peau  une  irritation  assez  vive,  qui  se 
communique  bientôt  au  tissu  cellulaire,  et  détermine  ainsi  par 
degrés  l'endurcissement  à  l'aide  duquel  la  guérison  définitive 
s'opère.  M.  Beaumont  conseille,  dans  le  même  but,  une  autre 
formule  astringente  ,  composée  de  lan  ,  de  pousses  de  maron- 
nier  d'inde,  de  noix  de  cyprès  ,  de  galles  choisies  ,  de  sel  am- 
moniac: etc.  Il  termine  son  travail  en  citant  dix-huit  exemples 
de  succès  qu'il  a  obtenus. 

L'emploi  des  astringens  pour  la  guérison  des  hernies  n'est 
pas  une  chose  nouvelle.  Cette  méthode,  jugée  depuis  long- 
teins  par  l'expérience  ,  n'est  que  palliative.  Si  les  observations 
que  cite  l'auteur  étaient  concluantes,  M.  le  Dr  Goulard,  de 
Lyon,  chirurgien  du  plus  grand  mérite,  n'aurait  pas  manqué 
de  les  appuyer  par  son  témoignage  :  désigné  par  les  membres 
de  la  Société  du  dispensaire  pour  prendre  connaissance  des 
procédés  de  M.  Beaumont,  il  a  gardé  le  silence  après  avoir  vu. 
Dans  tous  les  cas,  s'ils  ne  sont  ni  nouveaux  ni  parfaits,  ces 
procédés  ont  l'avantage  d'être  sans  danger.  L. 

59.  —  Manuel  du  dentiste,  à  l'usage  des  examens;  ou  Traité 
de  chirurgie  dentaire,  considérée  sous  les  rapports  anatomique, 
physiologique,  hygiénique  et  pathologique;  parD.  J.  Goblin, 
D.  M.  P.  Paris,  1827;  Compère,  rue  de  l'École  de  médecine, 


SGUCNC]  S  rilï.siM  ES  i63 

n*  8.  L'auteur,  rue  Tiquetonue#n*  J7-  Lu-8°de  %55  pag«;  prix, 
3  IV. 
Gel  ouvrage,  divisé  en  deux  parties  et  en  cinq  chapitres , 

aurait  pu  rire  beaucoup  plus  intéressant,  si  l'auteur  n'y  avait 
accumulé  une  foule  de  choses  qui  appartiennent  plus  spéciale- 
ment àl'anatomieetà  la  pathologie  générales,  ei  ^M  s'était  con- 
tenté (!<•  faire  connaître  la  dentition  proprement  dite,  les  ma- 
ladies auxquelles  les  dents  sont  sujettes,  les  moj  ens  de  les  pré- 
venir el  de  Ks  guérir,  lorsqu'elles  sont  développées.  'JVI  qu'il 
est,  ce  manuel  renferme  néanmoins  des  faits  et  des  observations 
que  les  hommes  de  l'art  aimeront  à  consulter.  D. 

(io.  —  A  buvettes  recherches  sur  l'origine ,  in  nature  et  le  traite- 
ment de  laniole  vésiculaire,  ou  grossesse  hyda  tapie,  par  M,ncvcuve 
Boivin ,  maîtresse  sage-femme,  etc.  Paris,  1827;  Méquignoii 
aîné,  libraire  de  la  Faculté  de  Médecine,  lu-8'  de  80  pag.;  prix, 
u  IV.  5o  c. 

Cette  brochure  mérite  l'attention  des  naturalistes  et  des 
accoucheurs.  Les  premiers  examineront  si  le  part  hydatique 
est  formé  par  des  vers  acéphalocystes  comme  l'ont  pensé 
Lacnncc ,  Dubois,  Percjr,  Hipp.  Cloquet ,  après  lludolphi  et 
Michel;  ou  bien,  au  contraire,  par  de  simples  vésicules, 
résultat  d'une  conception  dégénérée,  d'une  disposition  mor- 
bide des  vaisseaux  capillaires  de  l'amnios,  du  chorion,  ou  du 
placenta.  MM.  Dcsormeaux  t  Fctpeau9elMmeJBoivin  sont  de  cet 
avis.  Après  avoir  lu  les  <\vu\  observations  de  part  hydatique 
rapportées  par  l'auteur,  les  accoucheurs  seuls  pourront  dé- 
cider si  les  corollaires  dédu'ts  de  son  Mémoire  sont  incontes- 
tables ,  et  si  la  pratique  peut  en  retirer  quelque  fruit  pour  le 
prognostic  et  le  traitement  de  cette  affection  singulière.     L. 

61.  —  Pharmacie  élémentaire  en  24  ferons,  ou  Manuel 
théorique  de  l'élève  en  pharmacie  ,  accompagné  d'un  Traité 
sur  le  mode  de  préparation  des  prescriptions  médicales,  dans 
tous  les  cas  prévus;  par  G.  L.  B&ismonthsb..  Paris,  1S27  ; 
Audin.  In-12,  de  4/9  pages,  avec  4  planches;  prix,  7  fr. 

«  J'ai  vu  paraître  successivement  plusieurs  livres  de  sciences, 
divisés  en  leçons;  et  en  y  réfléchissant,  j'ai  cru  m'apercevoir 
que,  s'il  était  permis  d'enseigner  en  20  ou  3o  leçons,  des 
sciences  pour  lesquelles  nos  écoles  emploient  deux  années,  il 
serait  possible  de  présenter  sous  la  même  forme  un  traité  de 
pharmacie,  puisque  les  cours  de  l'école  se  terminaient  en  une 
seule  année  :  j'ai  donc  osé  l'entreprendre.»  Quoique  cette  ma- 
nière de  raisonner  ne  soit  pas  très-rigoureuse  ,  on  s'occupera 
bien  moins  des  motifs  qui  ont  déterminé  l'auteur  a  écrire  ce 
traité,  que  du  succès  qu'il  a  obtenu  dans  son  travail.  Il  se  pré- 

XX. 


x64  LIVRES  FRANÇAIS. 

sente  avec  une  expérience  assez  rassurante;  il  a  passé  dix  ans 
dans  les  deux  principales  pharmacies  de  la  capitale ,  ainsi  qu'il 
nous  l'apprend  dans  son  introduction.  Mais  ,  entre  ces  con- 
naissances de  pratique,  et  le  talent  nécessaire  pour  la  compo- 
sition d'un  ouvrage  élémentaire,  l'intervalle  est  immense  ,  et 
malheureusement,  on  ne  le  soupçonne  pas.  C'est  un  travail 
qui  exige  un  apprentissage  spécial  ,  dans  lequel  on  ne  réussit 
qu'après  un  certain  nombre  d'essais.  Il  ne  suffit  pas  d'avoir 
divisé  en  leçons  ,  ou  chapitres ,  l'ouvrage  qu'on  veut  faire,  et 
mis  entre  ces  chapitres  un  ordre  qui  semble  satisfaisant  :  si  l'on 
n'a  pas  trouvé  l'ordre  de  la  formation  des  idées,  si  une  ana- 
lyse logique  très-exacte  et  complète  n'a  pas  fait  découvrir  cet 
enchaînement  nécessaire  des  vérités  et  des  connaissances,  on 
n'a  point  fait  un  ouvrage  élémentaire  :  celui  de  M.  Brismontier 
n'en  est  pas  un  ;  on  n'y  sent  point ,  en  passant  d'un  chapitre  à 
un  autre  ,  la  connexion  intime  de  ce  qu'on  lit  avec  ce  qui  pré- 
cède; l'ordre  naturel  des  idées  ne  s'y  fait  pas  assez  reconnaître. 
Mais  ,  quoique  ce  livre  ne  soit  pas  encore  un  traité  élémen- 
taire ,  on  ne  lui  refusera  pas  le  mérite  et  l'utilité  d'un  bon 
manuel.  On  n'approuvera  pas  que  les  notions  chimiques  les 
plus  essentielles  ne  viennent  qu'à  la  17e  leçon  ;  mais,  en  con- 
sidérant les  chapitres  comme  isolés,  on  trouvera  dans  tous 
beaucoup  de  connaissances  exposées  clairement,  et  avec  pré- 
cision. Si  l'auteur  s'attache  à  perfectionner  son  travail ,  la 
seconde  édition  peut  être  fort  bonne,  et  celle-ci  rendra  déjà 
des  services,  non  pas  à  la  théorie,  car  celle  d'un  art  chimique 
n'est  autre  chose  que  la  chimie,  mais  en  raison  du  grand 
nombre  de  faits  et  de  préceptes  qu'elle  renferme  ,  et  qu'elle 
rappelle  facilement  à  la  mémoire,  fonction  essentielle  et  im- 
portante des  manuels. 

62.  —  *  Formulaire  pour  la  préparation  et  l'emploi  de  plu- 
sieurs nouveaux  médicamens ,  tels  que  la  noix  vomique  ,  les  sels 
de  morphine ,  l'acide  prussique ,  la  strychnine  ,  la  véra- 
trine,  etc.  etc.  ;  par  F.  Magendie  ,  membre  de  l'Institut  ,  etc. 
Sixième  édition  ,  revue  et  augmentée.  Paris,  1827  ;  Méquignon- 
Marvis.  In-12  de  3 10  pages;  prix,  4  fr«  5o  c.  et  5  fr.  25  c.  par 
la  poste. 

«  Malgré  l'opposition  des  médecins  du  xvue  siècle,  malgré 
le  fameux  arrêt  du  parlement  qui  proscrivit  l'émétique ,  en 
dépit  même  des  sarcasmes  spirituels  de  Guy  Patin,  l'utilité 
des  préparations  antimonia'es  est  depuis  long-tems  reconnue: 
pour  celte  fois  du  moins,  le  préjugé  s'est  soumis  à  l'évidence. 
Il  en  sera  de  même  ,  je  l'espère,  des  substances  nouvelles  que 
la  chimie  et  la  physiologie  nous  signalent  de  concert  comme 
de  précieux  médicamens  ;  la  répugnance  que  plusieurs  prati- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  if>r, 

ciens  éclairés  éprouvent  encore  k  j'en  servir  disparaîtra  bien- 

t «*> i  devant  les  icmiIi.ii>  il**  le  \|u rriencc  qui  en  foui  chaque  jour 
apprécier  U*s  avantn  [es.  Le  sa  vaut  médecin,  auquel  on  doit 
cet  ouvrage,  invile  les  médecins  .1  lui  adresser  leurs  observa 
fions,  à  I aider  i  perfectionner  ce!  important  travail.  Sur  un 
sujet  aussi  nouveau  ,  la  multiplicité  (les  faits  est  encore  indis- 
pensable pour  arriver  à  la  vérité,  la  reconnaître  el  lui  im- 
primer le  caractère  (le  certitude  qui  la  rend  Utile  dans  les  ap- 
plications. Celte  sixième  édition  ne  sera  pas  la  dernière  de  ce 
formulaire;  l'accueil  qu'il  a  déjà  reçu  du  public  est  un  garant 
de  celui  qu'il  en  recevra  dans  tous  les  teins.  I\ 

63. — Les  Médecins  français  contemporaine }  par/.-/,.-//.  P.  . , 
iri  livraison,  Paris,  1827  ;  à  la  librairie  de  l'Industrie,  rue 
Saint  Mare- l'eydean,  11°  10;  Gabon,  rue  de  l'Ecole  de  Méde- 
cine ,  no  io.  In-8°  de  1  ia  pages;  prix  ,  2  fr.  5o  c. 

C'est  une  tâche  difficile  que  celle  de  faire  l'histoire  des  mé- 
decins contemporains,  sous  le  rapport  de  leurs  doctrines  seu- 
lement. Un  biographe  est  entraîné,  presque  malgré  lui,  dans 
des  particularités  qui  doivent  nécessairement  blesser  les  amours- 
propres  ;  et  l'auteur  dont  nous  annonçons  l'ouvrage  n'a  pas 
entièrement  évité  cet  écueil.  Cependant,  il  faut,  lui  rendre  jus- 
lice.  Les  difïérens  articles  contenus  dans  cette  première  livrai- 
son sont  rédigés  avec  soin.  Celui  de  M.  Broussais  est  surtout 
remarquable  par  une  analyse  exacte  de  la  doctrine  de  ce  méde- 
cin célèbre,  dont  les  partisans  et  les  adversaires  ont  presque 
toujours  été  dirigés  dans  leurs  jugemens  par  l'esprit  de  parti. 

M.  Alibeht,  dont  les  ouvrages  ont  été  favorablement  traités 
par  tous  les  journaux,  sera  peu  satisfait  de  la  manière  dont  il 
est  jugé  dans  cette  biographie.  MM.  Coutanceau,  Bérard  , 
Ai)i;l<»'  et  Civiale  y  reçoivent  des  éloges  mérités.  D. 

6/>.  —  Table  de  multiplication ,  suivie  d'une  Table  donnant 
la  circonférence  et  la  surface  des  corps  circulaires  et  sphéri- 
ques,  ayant  leur  diamètre;  d'une  Table  à  l'usage  des  toiseurs, 
où  les  quantités  de  pieds  se  trouvent  réduites  en  toises  et  de- 
mi- toiseti  superficielles;  et  de  plusieurs  Tables  pour  la  réduc- 
tion des  mesures  quelconques,  anciennes  ou  nouvelles,  et  ré- 
ciproquement. Versailles,  i82.r);  Jalabert.  In-8°.  de  168  p.; 
prix,  1 5  Fr. 

Cette  Table  donne  les  produits  des  multiplicandes  1  à  1000 
par  les  multiplicateurs  1  à  io3  ;  les  circonférences  des  cercles, 
les  aires  de  ces  cercles  et  des  sphères  de  diamètres  compris 
entre  0,01  et  3, 00.  T.   R. 

65.  —  Maximes  de  guerre  de  Napoléon*  Paris,  1827; 
Anselin  et  Pochard.  In«3a,  de  188  pages;  prix,  -i.  fr.  5o  c. 


1G6  LIVRES  FRANÇAIS. 

On  ii' apprendra  pas  sans  intérêt  que  ce  petit  ouvrage  est  du 
à  un  officier  étranger,  juste  appréciateur  des  grands  talons,  et 
qui  sait  les  reconnaître,  même  dans  l'homme  qui  fut  long-tems 
l'ennemi  de  sa  patrie.  Des  notes  jointes  à  chaque  maxime, 
mais  à  part,  et  réunies  à  la  lin  ,  font  voir  que  Gustave- Adolphe, 
Turenne  ,  Frédéric  et  Napoléon  ont  professé  et  pratiqué  ces 
maximes,  et  que  par  conséquent,  si  elles  ne  sont  pas  les  prin- 
cipes fondamentaux  de  l'art  de  la  guerre,  elles  en  sont  au 
moins  des  conséquences  rigoureuses  et  très- générales.  La  pe- 
titesse du  format  fait  assez  voir  que  ce  livre  est  destiné  à  faire 
partie  de  la  Bibliothèque  portative  de  V officier.  F. 

66.  —  Guide-Manuel  de  l'épicier  droguiste.  Paris,  1827; 
Malher  et  compagnie.  In- 12;  prix,  l\  (r. 

Cet  ouvrage  n'atteint  pas  le  but  que  semble  indiquer  son 
titre.  Nous  doutons  fort  que,  tel  qu'il  est,  il  puisse  devenir 
d'une  utilité  bien  grande  pour  ceux  auxquels  il  est  destiné. 
Les  notions  qu'il  contient  sont  souvent  insuffisantes,  les  indi- 
cations fausses ,  les  définitions  erronées.  Dans  les  articles 
principaux  ,  les  cacaos,  les  sucres  ,  les  cafés,  les  thés,  l'auteur 
oublie  ou  néglige  de  citer  les  sept-huitièmes  des  variétés  con- 
nues dans  le  commerce;  il  désigne,  comme  premières  qualités, 
les  espèces  inférieures;  il  n'indique  point  les  caractères  princi- 
paux auxquels  on  peut  reconnaître  les  variétés ,  ou  bien  il  les 
attribue  à  celles  qui  ne  les  possèdent  pas.  Ainsi ,  il  ne  parle  pas  des 
cacaos  de  la  Guianne  dont  il  existe  cinq  variétés  ;  il  ne  nomme  pas 
même  les  variétés  du  Mexique  qui  comprennent  le  soconusco,  le 
meilleur  des  cacaos,  celles  des  îles,  celles  du  Brésil,  etc.  Il  at- 
tribue en  général  au  cacao  du  Brésil  une  saveur  styptique,  qu'il 
ne  possède  que  lorsqu'il  est  nouveau,  tandis  que  ce  caractère  ap- 
partient toujours  aux  cacaos  des  îles.  Il  regarde  le  ihé  Bohéou 
Bou  comme  la  deuxième  qualité,  tandis  qu'elle  n'est  qu'une  des 
dernières,  et  il  annonce,  comme  une  qualité  inférieure,  le  pekao 
qui  estla  première  qualité  des  thés  noirs.  Dans  l'article  ■$#£©«,  l'au- 
teur semble  ignorer  que  le  caractère  de  l'iode  est  de  donner  une 
coloration  bleue  avec  les  fécules.  Dans  l'article  acétate  de  plomb , 
il  annonce  qu'on  peut  reconnaître  ce  sel  à  la  saveur  sucrée  que 
seul  il  possède:  on  sait  cependant  que  tous  les  sels  de  plomb 
la  possèdent  plus  ou  moins.  La  connaissance  de  la  géographie 
n'est  pas  de  peu  d'importance  pour  le  droguiste  :  elle  lui  en- 
seigne à  classer  avec  ordre  les  variétés  des  denrées  que  l'on  re- 
cueille en  diverses  contrées,  comme  les  cacaos,  la  cannelle,  etc  , 
et  les  droits  que  chaque  état  prélève  Mir  les  productions  de 
son  sol,  ou  sur  les  productions  importées  des  autres  pays.  Il 
n'est  donc  pas  indifférent  de  placer  Campèche  et  Yucatan  çUba 


SCIENCES  PHTSfQI  I  .'.7 

In  république  de  L'Amérique  centrale  ,  comme  l'a  fait  l'aut<  m , 

ou  dana  le  Mexique  ,  comme  il  aurait,  dû  le  faire.  I). 

67.  —  Art  de  (n  teinture,  d'après  ta  méthode  anglaise  y  suivi 
de  l'art  de  faire  le  vinaigre   <le  buis,  de  distiller  la   houille 

et  les  pommei  île  terre  :  ouvrage  traduit  de  l'anglais  sur  la 
dixième  édition t  par  M.  Bi  Los.  Paris,  1827 ,  Audin  ;  Lecpinfc  et 
Durey.  In- 12  de  a38  pages,  avec  3  planches;  prix,  >  iv.  75  c. 

Ce  petit  ouvrage  tient  plus  qu'il  ne  promel  ,  si  l'on  peose 
que  chaque  objet  y  est  traité  avec  assez  d'étendue.  On  y  trouve 
une  notice  sur  l'art  du  brasseur,  et  une  autre  sur  la  fabrication 
du  sucre  de  betlerave.  Voilà  doue  six  arts  qui  sont  décrits,  el 
dont  les  procédés  sont  exposés  dans  un  livre  que  l'on  centrait 
a  peine  suffisant  pour  le  moins  compliqué  de  ces  arts.  Il  y  a 
lieu  de  penser  que  l'auteur  ;:  écrit  pour  cette  classe  de  lecteurs 
que  l'on  nomme  gens  du  monde,  classe  qui  doit  être,  ou  exces- 
sivement nombreuse,  ou  prodigieusement  avide  de  lecture; 
car  c'est  pour  elle  que  presque  tous  les  livres  sont  faits. 

Notre  langue  est  très- riche  en  excellens  ouvrages  sur  la 
teinture;  les  Anglais  n'ont  pas  négligé  de  les  traduire,  et  d'en 
profiter.  L'importance  d'un  art  recommande  les  ouvrages  où 
ses  procédés  sont  le  plus  complètement  décrits,  où  l'on  trouve 
le  plus  d'instruction  :  la  teinture  et  la  fabrication  de  la  bière 
et  du  sucre  de  betterave  sont  de  ce  nombre.  Quant  à  la  distil- 
lation de  la  houille,  du  bois  et  des  pommes  de  terre  pour  ob- 
tenir du  gaz  éclairant,  du  vinaigre  ou  de  l'alcool ,  que  les  essais 
et  les  écrits  continuent  jusqu'à  ce  que  ces  fabrications  aient 
acquis  le  degré  de  perfection  dont  elles  paraissent  encore  éloi- 
gnées. Tous  les  ouvrages  nouveaux  sur  ces  arts  uaissans  mé- 
riteront d'être  accueillis.  Y. 

68.  —  *  Traita  théorique  et  pratique  du  blanchiment  des  toiles 
de  lin,  de  chanvre  et  de  coton  ;  par  AI.  L.  J.  Blachette.  Paris, 
1827;  Firmin  Didot.  In-8°de3'^5  p.  avec  planches;  prix,7fr. 

Sur  les  325  pages  qui  composent  cet  ouvrage,  l'auteur  en  a 
consacré  près  de  200  aux  théories,  c'est-à-dire  à  l'exposition 
du  but  qu'on  se  propose  dans  le  blanchiment,  et  à  l'énuméra- 
tion  des  propriétés  chimiques  des  agens  qu'on  emploie  dans  cet 
art.  La  part  des  théories  est  donc  faite  largement,  et  nous  de- 
vons convenir  que  nous  y  avons  trouvé  généralement  des  doc- 
trines saines  et  avouées  par  la  science.  Il  était  extrêmement 
important,  dans  un  ouvrage  de  ce  genre,  de  donner  au  manu- 
facturier la  connaissance  des  causes  et  des  effeis,  afin  de  le 
mettre  en  garde  contre  les  instrumens  qu'il  manie,  et  de  lui 
offrir  en  même  tems  les  moyens  d'en  tirer  tout  le  parti  possible. 
On    ne    pouvait  évidemment   atteindre  ce  résultat   sans  pré- 


*6S  LIVRES  FRANÇAIS. 

■enter  le  résumé  des  notions  chimiques  qui  éclairent  I  art  de 
blanchir;  et  c'est  ce  que  l'auteur  a  fait  avec  soin  :  nous  devons 
le  louer  sous  ce  rapport; 

La  partie  technique,  qui  vient  ensuite  comme  une  applica- 
tion des  théories  exposées,  nous  paraît  trop  bornée.  Elle  ne 
décrit  pas  les  opérations  ave,:  assez  de  détails  pour  guider  les 
manipulateurs.  L'auteur  a  cependant  fait  entrer  dans  son  cadre 
étroit  la  description  des  perfectionnemens  les  plus  importans 
introduits  récemment  en  France  et  en  Angleterre.  Il  a  décrit  les 
appareils  propres  à  préparer  le  chlorure,  ceux  de  grillage, 
d'apprètage  et  de  dégorgeage,  et  enfin  les  séchoirs.  On  re- 
grette encore  que  le  blanchiment  des  toiles  de  lin  au  chlore , 
qui  est  pour  nous  une  industrie  neuve,  n'ait  été  qu'effleuré 
dans  le  travail  de  M.  Blachefte.  Cette  partie  de  l'art  du  blan- 
chiment exige  des  appareils  et  des  soins  particuliers  dont 
l'auteur  aurait  pu  trouver  de  beaux  exemples  dans  plusieurs 
établissemens  français,  entre  autres  dans  celui  de  M.  Plu- 
chaed,  de  Saint- Quentin.  En  résumé,  nous  croyons  que 
M.  Blachette  a  fait  un  ouvrage  utile  ,  mais  incomplet. 

DUBRUNFAUT. 

69.  —  Il  Art  de  fumer  et  de  priser  sans  déplaiw  aux  belles  , 
enseigné  en  14  leçons,  etc.;  par  deux  marchands  de  tabac  qui 
ont  mangé  leurs  fonds"  Paris  ,  1827  ;  Jehenne  ,  passage  Fey- 
deau.  In- 18  de  xv  et  ia3  pages;  prix,  1  fr.  5o  c. 

Ce  petit  ouvrage,  d'une  gaîté  burlesque,  est  précédé  d'un 
avant-propos  et  de  notions  sur  l'origine  du  tabac  ,  sur  ses  pro- 
priétés particulières  et  sur  son  emploi  médical.  Les  cinq  pre- 
mières leçons  renferment  des  instructions  générales  pour  le 
fumeur,  l'énumération  des  différentes  espèces  de  tabac,  de 
pipes  ,  de  cigares,  etc.  ;  le  choix  de  la  boîte  à  tabac  ,  l'emploi 
de  la  petite  sauge  et  de  Tanis  pour  certains  individus  d'une 
constitution  délicate.  Les  six  leçons  suivantes  indiquent,  si 
l'on  en  croit  les  auteurs  ,  autant  de  moyens  de  fumer  sans  dé- 
plaire aux  belles.  Les  12e,  i3e  et  1  4e  leçons  ont  pour  but  de 
faire  connaître  la  manière  de  faire  son  chemin  dans  le  monde 
par  la  tabatière,  de  dissiper  l'odeur  du  tabac  et  de  noircir  les 
pipes.  Quelques  pages  sont  consacrées  aux  anecdotes,  aux  bons 
mots,  aux  chansons ,  aux  vers,  etc.,  qui  se  rattachent  à 
l'usage  de  cette  plante. 

70.  — *  Le  Manuel  du  Charpentier ,  ou  Traité  complet  et  sim- 
plifié de  cet  art;  par  M.  Ph.  Valentin,  maître  charpentier. 
Paris,  1827;  lioret.  In-18  de  383  pages  avec  dix  planches  gra- 
vées; prix,  3  fr.  5o  c. 

Traité  avec  tous  les  développcmens  qu'il  serait  susceptible  de 


SCIENCES  PHYShM  i;s.  169 

recevoir,  l'art  du  charpentier  pourrait  fournir  la  matière  de 
plusieurs  volumes  et  il  un  grand  atlas.  Mais  un  ouvrage  de 
bette  importance  ne  pourrait  être  livré  au  public  à  un  pria  as 

se/,  modique  pour  qu'il  lut  accessible  i  tout  le  monde  ;  el  ceux 
là  surtout  qui  ont  le  plus  besoin  de  lire  et  d'étudier  les  théories, 
les  <>u\  riers,  eu  seraient  prn  es.  I  l'art  «lu  charpentier  étail  peut- 
être  ,  <ie  tous  les  arts  usuels  ,  celui  (jui  (levait  ie  plus  fixer  l'at- 
tention des  éditeurs  de  la  collection  des  manuel ..  Les  détails 
sont  immenses  dans  la  chai  penterie,  si  l'on  veut  y  comprendre 
les  parties  qui  ont  rapport  aux  constructions  particulières  et 
aux  constructions  civiles  et  navales  :  les  ouvrages  les  plus  éten- 
dus qui  ont  traité  de  cet  art  n'ont  pu  embrasser  foutes  ses 
Ramifications.  L'auteur  du  Manuel  du  Charpentier  devait  donc 
l'abstenir  des  détails  et  ne  donner  que  ceux  qui  sont  nécessaires 
à  l'application  et  à  la  démonstration  des  théories.  Son  livre,  des 
tiné  à  des  gens  peu  familiarisés  avec  le  langage  des  sciences, 
devait  surtout  parler  aux  yeux,  au  moyen  d'un  grand  nombre 
de  planches  correctes  et  claires.  Il  devait  contenir  quelques  not 
bons  de  géométrie  pratique;  des  tableaux  de  la  résistance  des 
bois,  eu  égard  aux  longueurs  et  à  i'équarrissage  ;  la  manière  la 
plus  avantageuse  de  les  débiter.  Il  ne  devait  point  perdre  de 
pages  pour  la  description  des  outils  et  l'explication  de  la  ma- 
nière de  s'en  servir  :  l'ouvrier  le  moins  expert  connaît  cette 
parfie  mieux  que  personne;  mais  il  a  besoin  de  tables  de  cuba- 
turc,  de  toisé  de  réduction;  il  faut  que  son  Manuel  soit  un 
mémorial  portatif  qui  renferme  les  faits  dont  la  connaissance 
est  pour  lui  un  besoin  de  tous  les  instans,  et  qu'il  ne  pourrait 
conserver  dans  sa  tète  sans  qu'il  s'y  glissât  de  îa  confusion. 
M.  Yalentin  a  si  bien  compris  sa  mission,  que  son  livre  n'est 
autre  chose  que  l'exécution  du  plan  que  nous  venons  de  tracer: 
les  planches  qui  le  terminent  sont  fort  bien  faites,  et  méritent 
une  mention  spéciale.  Nous  croyons  pouvoir  lui  prédire  un 
succès  durable.  OE. 

71.  —  *  Mémoire  sur  les  projets  présentes  pour  la  jonction  de 
ta  Marne  à  la  Seine,  la  dérivation  de  la  Seine  et  les  docks  ou 
bassins  éclusiers  à  établir  dans  les  plaines  d'Ivry,  de  Choisy  et 
de  Grenelle;  par  M.  F.  CofxDier,  inspecteur  divisionnaire  des 
ponts-et-chaussées.  Paris,  1827;  Firm.  Didot.  In-8°;  prix,  5  fr. 

IM.  Cordier,  qui  vient  d'attacher  son  nom  à  la  plus  impor- 
tante amélioration  qu'aient  reçue  nos  ports  de  commerce,  depuis 
le  commencement  de  ce  siècle,  devait  être  plus  frappé  qu'un 
autre  des  nombreuses  imperfections  des  prétendus  ports  de  la 
capitale,  et  l'attention  qu'il  y  a  porté  ne  pouvait  être  stérile 
Il  a  remarqué  qu'en    1824  la  Seine  a  amené  à  Paris, 


j;o  LIVRES  FRANÇAIS. 

PWf   les  ports  cl n  haut 1,098,094   tonn. 

Par  le  port  de  Bercy 284,449 

Et  par  les  ports  du  bas i8o,ii5 

Total 1  (56  2,658 

11  a  calculé  que  le  seul  déchargement  des  bois  de  chauffage  et 
de  charpente,  des  charbons,  des  vins  et  des  matériaux,  aux 
ports  du  haut  et  de  Eercy,  donnaient  lieu  à  une  dépense  an- 
nuelle de  plus  de  2,680,000  fr. ,  et  que  cette  dépense  se  rédui- 
rait de  près  de  1,800,000  fr.,  si  les  bateaux  étaient  garés  dans 
des  bassins  à  niveau  constant,  bordés  de  quais  et  de  magasins. 
Les  moyens  qu'il  propose  pour  arriver  à  ce  résultat  facilite- 
raient la  navigation  au-dessus  de  Paris,  et  préviendraient  à 
jamais  les  ravages  que  causent  les  inondations  de  la  Seine. 
Cette  partie  de  la  question  pourra  paraître  indifférente  à  beau- 
coup de  Parisiens;  il  y  a  long-tems  que  la  Seine  n'a  causé  de 
grands  désastres,  et  ce  motif  de  leur  sécurité  est  peut-être  la 
plus  forte  raison  de  craindre  que  nous  ne  soyons  à  la  veille 
d'un  de  ces  malheurs  périodiques.  La  seule  inondation  de  1802 
a  causé  dans  Paris  pour  plus  de  8,000,000  fr.  de  pertes  directes; 
et,  <-i  l'on  veut  parcourir  les  recherches  que  M.  Cordier  a  faites 
sur  les  inondations  qui  ont  eu  lieu  depuis  le  milieu  du  xvne 
siècle,  sur  les  grandes  mesures  proposées  après  chacune  d'elles, 
et  qu'une  trompeuse  sécurité  faisait  bientôt  abandonner,  on 
trouvera  que  nous  aurions  tort  d'être  étonnés  de  voir*  des 
maisons  bâties  sur  les  laves  du  Vésuve. 

M.  Cordier  propose:  i°  d'établir  sur  la  Marne,  à  Chene- 
vière,  un  barrage  écluse  qui  soutienne  les  eaux  jusqu'à  Saint- 
Maur,  et  facilite  la  navigation  dans  le  grand  bras  de  la  Marne, 
maintenant  à  sec  une  partie  de  l'année  ; 

i°  De  creuser  un  canal  de  jonction  de  la  Marne  à  la  Seine 
avec  embranchement  sur  Choisy;  de  maintenir  les  eaux  à  une 
élévation  supérieure  à  celle  de  la  plaine  de  Choisy,  qui  ferait 
arrosée; 

3°  D'ouvrir  une  dérivation  de  la  Seine  du  port  à  l'Anglais 
au  Jardin  des  Plantes,  d'établir,  dans  la  plaine  d'Ivry  et  près 
du  boulevard,  des  bassins  assez  spacieux  pour  les  besoins  de 
la  capitale; 

4°  De  construire  en  amont  du   confluent  de  la  Marne,  un 
barrage  destiné  à  élever  les  eaux  de  la  Seine,  à  rendre  cette  } 
rivière  navigable  en   toute  saison,  à  la  jeter  en  partie  dans  le 
canal  d'Ivry,  à  fournir  à  l'extrémité  du  canal  une  force  motrice 
équivalente  à  celle  de   1260  chevaux,  et  suffisante  pour  élever  1 
à  la  hauteur  du  bassin  de  la  Villette   une  quantité  de  i  >,70o 
pouces  d'eau,  c'est-à-dire  plus  que  triple  de  celle  tle  l'Onrcq! 
qu'où  nous  promet; 


SCIENCES  PHYSIQUES.  171 

5°  D'ouvrir  de  la  plaine  d'Ivrv  i  celle  de  Grenelle  un  canal 
(le  10  mètres  de  large,  qui  aurait  deux  souterrains:  l'un  de 
i ,  i  oo  mètres  de  long  entre  cette  plaine  et  le  bassin  <!<•  la  BièVre; 

l'antre  de  3,200  entre  la    liievre  et   la  plaine  de  Crénelle,  et  qui 

iraii  joindre  la  Seine  aux  Hfoulincaux.  Ce  canal  donnerait  pas- 
sage dans  les  grandes  inondations  an  dixième  des  eaux  du 
Hen\e,et  il  établirait  une. navigation  facile  de  la  hante  à  la 
basse  Seine,  en  évitant  treize  ponts  et  la  traversée  de  la  ville. 

31.  Cordier  évalue  les  travaux  à  faire  entre  la  Marne  et  le 
Jardin  des  Plantes  à  18,000,000  f r. ,  y  compris  les  intérêts  des 
fonds  pendant  l'exécution;  les  produits  bruts  seraient,  suivant 
lui,  de  1, 388,000  lr.  Cette  charge  serait  supportée  par  le  com- 
merce; et,  en  y  ajoutant  les  900,000  fr,  qui  lesteraient  à  payer 
pour  frais  de  déchargement,  ou  arrive  à  une  somme  inférieure 
de  3o,a,ooo  fr.  à  celle  à  laquelle  reviennent  aujourd'hui  les 
déchargemens  :  déplus,  les  avaries  de  rivière,  qui  sont  sou- 
vent fort  considérables,  seraient  entièrement  supprimées.  Des 
l,-388  000  fr.  perçus  par  la  compagnie  qui  se  chargerait  de  ces 
travaux,  il  faudrait  déduire  488,000  fr.  pour  frais  d'adminis- 
tration et  d'entretien;  il  ne  resterait  que  900,000  fr.  pour 
représenter  l'intérêt  des  capitaux;  encore,  ce  résultat  ne  serait- 
il  assuré  que  si  le  commerce  abandonnait  entièrement  et  le 
canal  de  Saint-Maur  et  le  lit  naturel  de  la  Seine,  ce  qu'il  est 
peut-être  difficile  d'admettre.  L'accroissement  de  circulation 
qui  résulte  de  tout  perfectionnement  dans  les  communications, 
doit  à  coup  sûr  entrer  en  ligne  de  compte  ;  mais  l'amélioration 
que  projette  M.  Cordier  ne  s'étend  ni  à  la  haute  Seine,  ni  aux 
autres  points  d'où  partent  les  bateaux  qui  viendraient  stationner 
dans  ses  gares  ;  les  obstacles  au  développement  de  la  circulation 
ne  sont  malheureusement  pas  tous  entre  Chenevière,  Choisv 
et  Paris;  et  ce  ne  sera  peut  -être  que  lorsqu'ils  seront  levés  dans 
un  cercle  plus  étendu,  que  le  canal  dont  nous  nous  occupons 
deviendra  vraiment  lucratif. 

L'agrément  et  la  salubrité  que  procureraient  l'abondance  des 
eaux  fournies  par  la  chute  voisine  du  Jardin  des  Plantes,  l'avan- 
tage de  préserver  la  ville  d'inondations,  dont  une  seule  sem- 
blable à  celle  de  i6£>8  causerait  des  pertes  supérieures  à  la 
dépense  du  canal,  sont  des  considérations  d'un  haut  intérêt 
msnicipd,  et  qui  pourraient  déterminer  une  administration 
sau<'  et  prévoyante  à  réunir  ses  ressources  à  celles  des  capita- 
listes qui  ne  seraient  pas  suffisamment  dédommagés  par  lo 
produit  direct  des  travaux  :  ces  réflexions  s'appliquent  surtout 
au  canal  de  la  plaine  d'Ivrv,  aux  Moulinaux  ,  qui  coûterait 
38,o<>o,o>o.  On  pourrait  en  réduire  la  dépense  à  1  5, 600, 000  fr.; 


172  LIVRES  FRANÇAIS. 

mais,  alors,  le  fléau  des  inondations  ne  perdrait  rien  de  son 
intensité. 

M.  Cordier  s'est  dès  long-tems  fait  remarquer  par  la  har- 
diesse de  ses  conceptions ,  et  il  l'a  toujours  justifiée  par  un 
bonheur  d'exécution  dont  les  ingénieurs  imprudens  ou  mal 
habiles  n'ont  jamais  pénétré  le  secret.  Si  son  honorable  ca- 
ractère était  moins  connu,  nous  le  louerions  de  la  franchise 
avec  laquelle  il  appelle  la  discussion  sur  son  projet;  il  était 
difficile  de  réunir  plus  de  documens  curieux  et  de  les  mieux 
présenter. 

72.  —  *  Note  sur  un  projet  de  distribution  générale  d'eau  dans 
l'intérieur  de  Paris;  par  M.  Genieys,  ingénieur  des  ponts-et- 
chaussées.  Paris,  1827  ;  Carilian  Gœury,  quai  des  Augustins  , 
n°  Al  In- 8°;  prix,  1  fr.  5o  c. 

M.  Genieys  résume,  dans  une  soixantaine  de  pages,  l'une 
des  plus  importantes  questions  d'utilité  publique  qui  intéres- 
sent la  ville  de  Paris  I!  distingue  le  service  des  eaux  de  Paris 
en  service  public  et  service  particulier  :  le  premier  est  le  seul 
dont  l'administration  se  soit  activement  occupée  ;  on  se  de- 
mande aujourd'hui  s'il  ne  serait  pas  convenable  d'y  réunir  le 
service  particulier,  qui  consisterait  à  établir  dans  toutes  les 
maisons  ,  des  robinets  alimentés  par  les  mêmes  réservoirs  que 
les  fontaines  publiques,  et  de  confier  le  tout  à  une  compagnie 
qui  desservirait  la  ville  au  même  titre  que  les  particuliers.  Les 
4,000  pouces  d'eau  du  canal  de  l'Ourcq  sont  dès  long-tcms 
destinés  à  subvenir  à  ces  deux  services. 

Des  doutes  assez  généralement  partagés  sur  la  continuité  des 
eaux  qui  arriveraient  par  cette  voie  j  la  répugnance  plus  géné- 
rale encore  qu'éprouvent  les  habitans  de  Paris  à  les  employer 
aux  usages  de  la  vie;  enfin,  des  calculs  d'hydrostatique,  et  des 
considérations  d'économie  que  l'auteur  de  la  Note  déduit  fort 
bien,  lui  font  désirer  que  le  service  public  et  le  service  par- 
ticulier soient  absolument  séparés;  que  l'eau  de  la  Seine  soit 
principalement  affectée  au  second  ;  que  le  service  public  s'ef- 
fectue, sur  la  rive  droite  ,  au  moyen  de  3, 200  pouces  d'<  au  de 
i'Ourcq  et  de  55o  pouces  d'eau  de  la  Seine,  et  sur  la  rive  gauche, 
au  moyen  de  400  p.  de  l'Ourcq  et  de  45o  p.  d'eau  de  la  Seine.  La 
totalité  de  ces  eaux  alimenterait  36  fontaines  monumentales,  4^ 
fontaines  simples,  et  1,060  bornes-fontaiues  dont  les  orifices  dé- 
biteraient par  jour  88, 3oo  niètrescubcs  d'eau,  c'est-à-dire,  une 
quantité  suffisante  pour  couvrir  tout  le  pavé  de  Paris  dune  cou- 
che de  3/»  millimètres  de  profondeur.  Il  n'existe  aujourd'hui  que 
65  fontaines  et  124  bornes,  qui,  lorsqu'elles  sont  régulière- 
ment alimentées ,  ne  donnent  pas  plus  du  cinquième  de  celte 


SCIENCES  PHYSIQUES.  17 1 

quantité.  L'économie  el  la  salubrité  gagneraient  peut  être  i 
ce  qu'au  lieu  de  ce  grand  nombre  de  bornes  ■»  fontaines  que 
l'organisation  du  service  particulier  rendrait  moins  nécessaires, 
on  établît,  au  sommet  des  principales  mes,  de  Farces  bouches 
à  eau  ,  qui  s'ouvriraient  seulement  quelques  minutes  dans  la 
journée,  et  qui  laveraient  tout  le  quartier  qu'elles  desservi- 
raient bien  mieux  qu'un  filet  d'eau  continu. 

Le  service  particulier  a  exigé  beaucoup  de  recherches  nou- 
velles; il  fallait,  pour  l'apprécier,  déterminer  la  quantité  d'eau 
nécessaire  à  chaque  habitant  et  la  multiplier  par  la  population 
de  Paris  :  celle-ci ,  qui  semblerait  devoir  être  bien  connue,  est 
l'objet  d'assertions  contradictoires  :  elle  est,  selon  X Annuaire 
des  longitudes s  de  713,906  habitans;  M.  Genieys  la  porte  à 
736,611,  à  ce  qu'il  paraît,  d'après  des  documens  réunis  à  la 
préfecture;  et  ,  dans  les  tableaux  de  population  signés  de 
1VÎ.  Corbière,  que  l'ordonnance  du  i5  mars  dernier  prescrit  de 
considérer  comme  seuls  authentiques,  elle  est  de  890,431. 
Quant  à  la  quantité  d'eau  à  fournir  par  individu,  elle  a  été 
évaluée  par  M.  Bruyère  à  6  lit.  9;  par  M.  Girard  à  20  lit. , 
et  par  le  professeur  Lf.slie  à  36  lit.  :  cette  dernière  évaluation 
est  fondée  sur  la  consommation  réelle  de  plusieurs  villes  de  la 
Grande-Bretagne,  qui  jouissent  d  etablissemens  du  genre  de 
celui  dont  il  est  ici  question,  et  comprend  tous  les  besoins  de 
la  vie;  c'est  celle  qu'adopte  M.  Genieys,  et  il  en  déduit  qu'il 
faut,  pour  le  service  particulier  de  Paris,  1,400  pouces  d'eau  : 
s'il  avait  considéré  que  Londres,  qui  a  fourni  les  principaux 
élémens  des  calculs  de  M.  Leslie,  n'a  point  de  ces  fontaines 
publiques,  qui  subviendront  si  abondamment  aux  besoins  de 
la  population  pauvre  de  Paris  ,  il  aurait  peut-être  adopté,  poul- 
ies besoins  particuliers,  une  quantité  un  peu  moindre,  et  il 
aurait  pu  renoncer  tout-à-fait  à  l'emploi  des  eaux  de  l'Ourcq. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  évalue  l'établissement  du  service  particu- 
lier «à  16,/»  12,000  fr.,  et  la  dépense  annuelle,  y  compris  l'inté- 
rêt à  0,08  du  capital  ci-dessus,  à  1,568,620  fr.  Cette  évalua- 
tion de  frais  est  peut -être  un  peu  basse;  peut-être  commet-on 
une  erreur  beaucoup  plus  grave  ,  en  supposant  que  tous  les 
habitans  de  Paris  deviendraient  tributaires  de  la  future  com- 
pagnie des  eaux.  On  trouve,  d'un  autre  côté,  une  considéra- 
tion tout-a-fait  rassurante  pour  cette  entreprise,  dans  la  com- 
paraison de  ce  que  coûte  aujourd'hui  l'approvisionnement 
salarié  individuellement  par  les  habitans.  D'après  les  tableaux 
statistiques  publiés  en  1823  parM.de  Chabrol,  rétablissement 
des  eaux  clarifiées  débite  journellement  Sfity^  voies  d'eau  à 
o  fr.  10  c.  869  h.  5o  c,  etle  reste  du  service  est  fait  par  i,338 


l74  LIVRES  FRANÇAIS. 

pot  tours  d'eau  a  tonneau,  qui  ne  peuvent  vendre  pour  moins 
de  2  fr,  5o  e.  par  jour  3 , 3 /* 5  fr. ,  ce  qui ,  indépendamment  des 
porteurs  d'eau  à  bras,  donne  une  dépense  annuelle  de 
i,538,i  12  fr.  Or,  il  n'est  pas  douteux  que  ceux  qui  paient  cette 
somme  ne  consentissent  à  en  donner  une  supérieure  ,  pour  un 
approvisionnement  beaucoup  plus  commode  et  plus  complet. 

Au  reste,  il  n'y  a  point  de  raison  pour  réunir  tout  le  service 
particulier  des  eaux  de  Paris  dans  la  main  d'une  seule  com- 
pagnie. Peut-être  se  mettrait  on  plus  à  la  portée  de  l'esprit 
d'association,  tel  qu'on  l'entend  en  France,  en  divisant  ce  vaste 
travail  entre  plusieurs  entreprises;  toute  la  population  de  Pa- 
ris n'est  d'ailleurs  pas  au  même  degré  de  richesse  et  de  civilisa- 
tion :  la  rue  Mouffetard  pourrait  fort  bien  ne  pas  partages 
1  empressement  à  souscrire  au  service  particulier,  qui  se  mani- 
festerait à  la  Chaussée- d'An  tin  et  au  faubourg  Saint-Germain, 
et  se  contenter  long  -  tems  encore  de  l'eau  des  fontaines  pu- 
bliques qu'on  lui  promet.  J.  J.  Baude. 

<j3.  —  *  Atlas  géographique  de  V Egypte  et  de  la  Nubie  ,  pour 
servir  à  la  relation  du  voyage  h  Méroé  et  au  fleuve  Blanc,  fait, 
dans  les  années  1819  à  1822,  par  M.  Frédéric  Cailliaud  ,  de 
Nantes  ;  ouvrage  dédié  au  Roi.  Paris,  1827;  Debure,  libraire 
du  Roi,  rue  Serpente,  n°7;  Tilliard ,  rue  Hautefeuille,  n°  21  ; 
Picquet,  géographe  ordinaire  du  Roi,  quai  de  Conti,  n°  17. 
Prix  de  l'Atlas  séparé ,  25  fr.  Avec  les  quatre  vol.  de  texte  in-8°, 
55  h.,  et  60  fr.  avec  figures  coloriées. 

Cet  Atlas,  formant  12  feuilles  grand  in-folio ,  comprend: 
i°  une  carte  détaillée  du  cours  du  Nil  et  du  fleuve  Bleu,  di- 
visée en  10  feuilles,  chacune  accompagnée  de  son  explication  ; 
20  une  carte  générale  de  l'Egypte  et  de  la  Nubie ,  à  laquelle 
on  a  joint  la  Cyrénaïque  et  l'Arabie  Pétrée,  une  partie  du 
Soudan  ,  du  golfe  Arabique  ,  de  la  Palestine,  de  l'Abyssiuie  et 
d'autres  pays  adjacens.  Cette  carte  ,  de  grand  format  atlan- 
tique, embrasse  le  cours  entier  du  Nil  et  celui  du  fleuve  Bleu. 

Les  travaux  des  savans  voyageurs  français ,  et  principale- 
ment ceux  du  défunt  colonel  Jacotin  ,  avaient  produit  une 
bonne  carte  de  l'Egypte;  mais,  au-delà,  nous  n'avions  encore 
rien  de  positif  sur  les  Oasis  du  désert  de  la  Lybie,  et  au  sud, 
sur  le  cours  du  fleuve  et  les  contrées  qui  l'avoisment;  telle  est 
la  plus  grande  lacune  que  M.  Caillaud  a  remplie  :  elle  com- 
prend près  de  trois  fois  la  longueur  de  l'Egypte.  Les  soins  scru- 
puleux que  l'auteur  a  mis  à  dresser  ses  cartes,  et  le  choix  des 
observations  astronomiques  et  des  itinéraires  qui  leur  servent 
de  base  ,  sont  dqs  garans  de  leur  exactitude.  Z. 

7/4.  —  *  Atlas  géographique  et  statistique  des  départemrns  de 


SCIENCES  PHYSIQUES.     SCIENCES  MORALES.   176 

In  France»  Paris,  18917;  Baudouin.  Prix  de  chaque  carte  enlu- 
minée, i  fr.  k<>  c.  |>ii,<'  séparément,  et  1  fr.  a>5  c.  pour  les 
souscripteur!  de  l'atlas  entier   (voy.  Rev.   E/tc.t  tom.  xxxv  t 

Les  derniers  tableaux  de  cél  .nias,  qui  viennent  de  paraître, 
lont  ceux  des  départemeus  du  Morbihan  ,  du  Jura  ,  de  I\-//- 
riège ,  de  la  Haute- Saône  ,  de  la  Meurtlte  el  «le  /"  Corse  ;  ceux 
nui  restent  encore  ù  publier  pour  compléter  l'ensemble  de  nos 
tlépartemens  ^<>nt  ceux  du  Cantal,  de  Y  Isère,  de  l;i  Loire, 
de  la  Haute-Garonne,  du  / V//-,  do  la  Vendée  et  de  la  Seine. 
—  On  ne  .saurai»  trop  recommander  une  entreprise  qui  tond  à 
rendre  ia  géographie  de  la  France  lout-à-fait  populaire,  er 
à  mettre  à  la  portée  des  fortunes  les  plus  médiocres  les  cartes 
de  chacune  des  divisious  politiques  et  administratives  de  notre 
patrie.  L'effet  moral  d'un  semblable  ouvrage,  indépendamment 
!  de  l'instruction  pratique  ,  si  utile  pour  les  affaires,  les  rela- 
t  lions  ,  le  commerce  ,  les  voyages  ,  est  aussi  d'attacher  par  des 
liens  plus  étroits  chaque  Français  à  la  vaste  et  belle  contrée 
dont  il  est  citoyen  et  dont  il  acquiert  facilement,  et  à  peu  de 
frais,  une  connaissance  plus  exacte  et  plus  complète.       S.  M. 

Sciences  religieuses ,  morales,  politiques  cl  historiques. 

75.  —  fol  tu  ire  apologiste  de  la  religion  chrétienne,  par 
"auteur  des  Apologistes  involontaires.  Paris,  1827;  Méqnignon  - 
Junior,  rue  des  Grands- Augustins,  n°  9.  In-8°;  prix,  6  [\\ 

Tout  est  excellent  dans  les  OEuvres  de  Voltaire,  disent 
quelques  enthousiastes  partisans  de  la  philosophie  du  xvme 
siècle  et  de  celui  qui  en  fut  un  des  plus  beaux  ornemens:  rien 
n'est  bon  dans  les  OEuvres  de  Voltaire,  répondent  à  leur  tour 
d'autres  fanatiques,  non  moins  ridicules  que  les  premiers.  11 
y  a  du  bon  et  du  mauvais  dans  les  OEuvres  de  Voltaire  :  pre- 
nons le  bon,  laissons  le  mauvais;  c'est  le  langage  du  bon  sens 
et  de  la  raison;  c'est  celui  du  vénérable  auteur  du  Voltaire 
apologiste  de  la  religion  chrétienne,  et  des  Apologistes  involon- 
taires ,  que  sa  sagesse,  sa  modération,  son  âge  avancé,  les 
services  qu'il  a  rendus  à  l'église,  et  l'estime  publique  dont  il  est 
entouré  n'ont  pu  soustraire  aux  coups  de  la  persécution  et  de 
l'arbitraire.  Plus  Voltaire  a  été  nuisible  à  la  révélation,  quand 
il  en  a  combattu  les  principes,  plus  il  peut  lui  devenir  utile, 
quand  il  rend  hommage  à  la  certitude  de  ses  preuves;  c'est  la 
lance  d'Achille  :  il  fait  la  blessure  et  il  la  guérit. 

Nous  ne  craindrons  pas  d'emprunter  ici  un  passage  de  l'ar- 
ticle   Voltaire ,    dans  la  Biographie  universelle,   parce  que  ce 


176  LIVRES  FRANÇAIS. 

passage  exprime  notre  opinion  sur  ce  grand  écrivain.  «  Il  y 
avait  en  lui  comme  une  lutte  continuelle  du  bon  et  du  mau- 
vais principe.  Suivant  que  l'un  ou  l'autre  était  vainqueur,  il 
faisait  tics  actions  louables,  ou  s'abandonnait  à  des  mouve- 
mens  repréhcnsibles;  il  composait  des  ouvrages  dignes  d'admi- 
ration, ou  laissait  quelquefois  échapper  des  productions  dignes 
de  mépris.  Pour  le  juger,  il  faut  lui  emprunter  à  lui-même  une 
ingénieuse  allégorie,  celle  de  cette  jolie  statue,  formée  de  tout 
ce  qu'il  y  a  de  plus  précieux,  et  de  ce  qui  l'est  le  moins,  qui 
fut  présentée  par  Babouc  à  l'ange  Ituriel,  pour  lui  faire  com- 
prendre ce  qu'il  fallait  penser  de  Persépolis.  Faisons  comme 
le  génie  :  blâmons  les  excès  où  Voltaire  s'est  laissé  entraîner, 
déplorons  les  maux  qu'il  a  faits;  mais  rendons  justice  à  ce  qu'il 
avait  de  bon,  et  jouissons  des  chefs-d'œuvre  qu'il  a  créés: 
enfin,  ne  brisons  pas  la  statue  d'un  grand  homme,  parce  que 
tout  n'y  est  pas  or  et  diamant.  » 

On  s'est  plaint  fréquemment  qu'on  ne  trouve  pas,  dans  les 
écrits  des  défenseurs  de  la  religion,  autant  de  talent  que  dans 

ceux  de  ses  adversaires;  M.  M a  voulu  faire  cesser  ces 

plaintes,  en  publiant  un  ouvrage  apologétique  écrit  avec  pureté, 
étincelant  d'esprit  >  dans  lequel  la  vérité  est  ornée  de  toutes  les 
grâces  de  l'imagination  ;  un  ouvrage,  en  un  mot,  dont  Voltaire 
seul  est  l'auteur;  il  n'a  fait  que  suivre  la  marche  tracée  par  ce 
philosophe  lui-même.  «On  a  beaucoup  écrit,  disait-il,  contre 
les  incrédules.  Voyant  que  ces  ouvrages  n'étaient  pas  un  pré- 
servatif suffisant  contre  la  malignité  des  leurs,  j'ai  tenté  une 
autre  voie.  J'ai  parcouru  le  plus  dangereux  et  le  plus  écouté 
d'entre  eux,  celui  en  qui  on  avait  le  plus  de  confiance,  et  qui 
avait  le  mieux  réussi  à  propager  l'erreur.  Je  puiserai  donc  dans 
ses  œuvres,  et  je  pense  que  plusieurs,  attirés  par  le  nom  qu'ils 
verront  à  la  tète  de  l'ouvrage,  le  liront  non-seulement  sans 
défiance,  mais  môme  avec  édification.  Par  là  je  pare  tous  les 
coups  que  l'auteur  porte  à  la  religion,  je  sanctifie  des  écrits 
plus  que  profanes,  et  je  change  en  un  baume  salutaire  le  poi- 
son qu'un  ennemi  si  dangereux  avait  préparé.  » 

76.  —  Le  faux  Miracle  de  Migné,  près  Poitiers  ,  le  17  dé- 
cembre 1826,  ou  Y  Imposture  découverte  ;  par  M.  l'abbé  de  la 
Neufville,  bachelier  de  l'ancienne  Faculté  de  Théologie  de 
Paris,  et  ancien  vicaire  général  de  Dax, Paris,  1827  ;  Ponthieu, 
au  Palais-Royal,  galerie  de  bois,  nQ  252 ;  prix,  40  cent. 

L'apparition  de  l'a  croix  de  Migné  est  attestée  par  de^ 
hommes  revêtus  d'un  caractère  respectable.  Le  procès-verbal 
des  enquêtes  et  des  rapports  a  été  imprimé  à  Poitiers,  à  Paris, 
ii  Orléans,  etc.;  il  s'en  est  vendu  plus  de  vingt  nnlie  exem- 


SCIENCES  RIOR  ILE  i  • 

plaires,  avec  un  pareil  nombre  de  lithographies,  représen 
i;ini  cci  événement.  Est  ce   un    miracle,  ou  n'est-ce  ftu'nne 
jonglei  ie  ?  (  !eci  mérite  le  j>lus  mur  examen.  Si  le  fait  esi  mira- 

ciilcii\,  c'est,  aux  veux  des  chrétiens,  un  nouveau  témoignage 
en  faveur  de  la  révélation  ;  si  c'est  le  fruit  de  l'astuce  el  de 
t.i  fourberie,  les  auteurs  devraient  être  sévèrement  châtiés, 
parce  qn  il-  jettent  du  Louche  sut  les  miracles  évà.ngéliques, 
parce  qu'ils  outragent  la  Divinité,  qu'ils  font  mouvoir  à  leur 
gré,  parce  qu'ils  insultent  à  la  raison  humaine.  Actuellement , 
•M.  l'abbé  de  la  Neufville  a-l-il  réussi  b  découvrir  f imposture f 
ainsi  qu'il  l'a  promis?  nous  invitons  nos  lecteurs  à  se  procurer 
s;i  brochure  et  à  juger  par  eux-mêmes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  être  très -bon  catholique,  et  ne 
pns  croire  au  miracle  de  Migné,  lors  même  qu'il  serait  parfai- 
tement constaté,  et  à  tant  d'autres  prodiges,  dont  notre  siècle 
abonde.  Gerson  déclare,  dans  sa  lettre  à  Conrad,  archevêque 
de  Prague  :  que  te  tenis  des  miracles  est  passe,  et  an'//  s'en  est 
fait  autrefois  un  assez  grand  nombre  pour  établir  le  christia- 
nisme. On  peut  aussi  proclamer  la  vérité  de  ce  miracle,  et 
même  en  signer  le  procès-verval  ,  sans  avoir  une  foi  bien  ro- 
buste. Voltaire  certifia  le  miracle  opéré  sur  Mme  Lafosse,  en 
1725  :  il  en  écrivait,  en  ces  termes,  à  Mme  de  Dernières  :  «  M.  le 
cardinal  de  Noailles  a  fait  un  beau  Mandement  à  l'occasion  du 
miracle;  et,  pour  comble  d'honneur  ou  de  ridicule,  je  suis 
ciré  dans  ce  Mandement.  On  m'a  invité  en  cérémonie  à  assister 
an  Te  Deum  qui  sera  chanté  à  Notre  Dame,  en  actions  de  grâces 
de  la  guérison  de  M,ne  Lafosse.  M.  l'abbé  Couct,  grand-vicaire 
de  S.  Em.,  m'a  envoyé  aujourd'hui  le  Mandement.  Je  lui  ai 
envoyé  une  Marianne,  avec  ces  petits  vers-ci  : 

Vous  m'envoyez  un  mandement 

Recevez  une  tragédie, 

Afin  que  mutuellement 

Nous  nous  donnions  la  comédie. 

J.-J.  Rousseau  certifia  que  les  prières  de  Michel-Gabriel  de 
Rossillion  de  Bernes,  évéque  de  Genève,  avaient  éloigné,  en 
1729,  de  la  maison  occupée  par  Mu,c  de  Warens  à  Annecy,  les 
flammes  d'un  violent  incendie  qui  la  menaçaient.  Il  en  parle 
dans  ses  Confessions.  L'historien  de  l'évéque  de  Genève  rap- 
porte le  certificat,  p.  i63,  part  ic  de  la  farcie  ce  prélat.  Et 
cependant,  Voltaire  et  Rousseau  ont  attaqué  la  possibilité  des 
miracles.  J.  L. 

77.  — *  Dictionnaire  universel  de  droit  français  ,  par  J.-B.-J. 
Paillif.t,  avocat  à  la  cour  royale  d'Orléans,  et  plusieurs 
t.  xxxvi.  —  Octobre  1827.  1  a 


i;«  LIVRES   FRANÇAIS. 

publicistes,  jurisconsultes,  administrateurs  français  et  étrahf 
gers.  Toin.  III.  Paris,  1826;  Tournachon-Molin.  In -8°  de 
63-2  pages;  prix  du  vol.,  10  fr. 

M.  Pailliet  poursuit  avec  zèle  et  courage  la  tâche  difficile 
qu'il  a  entreprise,  d  élever  à  la -jurisprudence  française,  et 
nous  dirions  même  étrangère ,  le  grand  monument  qu'il  lui  a 
consacré.  Le  111e  volume  que  nous  annonçons  contient  un 
grand  nombre  d'articles  dont  plusieurs  ont  beaucoup  d'im- 
portance. Tels  sont  les  snivans  :  Adultère  ,  adultérins ,  affinité , 
ajournement ,  etc.  Nous  avons  déjà  donné  au  travail  de  M.  Pail- 
liet les  èncouragemens  qu'il  nous  semble  mériter (voy.  Rev.  Enc, 
tom.  xxix,  p.  220,  et  xxxu,  p.  167);  sans  entendre  nous  ré- 
tracter aujourd'hui  ,  nous  ne  cacherons  pas  à  cet  honorable 
jurisconsulte  qu'il  nous  paraît  trop  étendre  son  cadre.  En 
effet,  les  trois  volumes  publiés  jusqu'à  ce  jour  sont  loin  d'avoir 
épuisé  la  lettre  A,  et  nous  remarquons  dans  celui-ci  des 
articles  entièrement  étrangers  à  la  jurisprudence  ,  comme 
ceux  :  Agnus  Dei ;  A  Guy  tan  neuf ,  etc.  Sans  doute  l'un  des 
premiers  mérites  de  ce  genre  d'ouvrages ,  c'est  d'être  parfai- 
tement complets  ;  mais  il  ne  faut  pas  cependant  sortir  de  son 
sujet,  surtout  lorsqu'il  est  aussi  vaste  que  celui  dont  M.  Pail- 
liet s'est  emparé.  A.  T. 

78.  —  *  Des  pouvoirs  et  des  obligations  des  jurys,  par  Richard 
Philipps,  ex-shérif  de  Londres  et  deMiddlesex  ;  traduit  de  l'an- 
glais, et  précédé  de  Considérations  sur  le  pouvoir  judiciaire  en 
France ,  en  Angleterre  et  aux  Etats-Unis  d'Amérique;  par 
Charles  Comte,  avocat.  Seconde  édition.  Paris,  1827;  Rapilly. 
In-8°;prix,  8  fr. 

Depuis  la  première  édition  de  cet  ouvrage  ,  les  lois  relatives 
«à  l'institution  du  jury  ont  éprouvé  des  changemens  considé- 
rables,  soit  en  Angleterre,  soit  en  France.  Cette  institution, 
dont  l'origine  se  perd  dans  la  nuit  des  tems ,  n'avait  jamais 
été  considérée  dans  son  ensemble  par  la  législature  anglaise. 
Toutes  les  fois  qu'on  y  avait  aperçu  quelque  vice,  on  avait 
cherché  à  y  porter  remède;  mais  ce  n'est  qu'une  à  une  que  les 
imperfections  en  avaient  été  corrigées.  Cette  manière  de  pro- 
céder avait  sans  doute  plusieurs  avantages.  Elle  ne  fixait  ja- 
mais l'attention  du  public  et  des  jurisconsultes  que  sur  un  seul 
point;  et,  par  conséquent,  la  question  était  mieux  entendue 
et  mieux  traitée.  Elle  ne  donnait  point  au  ministère  le  moyen 
d'introduire  des  dispositions  vicieuses,  sous  prétexte  de  faire 
disparaître  de  légères  imperfections. 

Mais,  si  cette  manière  de  procéder  avait  eu  des  avantages, 
elle  avait  aussi  des  inconvéniens,  et  nous   devons  mettre  au 


SCIENCES   MORALES.  179 

nombre  des  plus  graves  l'immense  multitude  de  statuts  dont  la 
connaissance  était  nécessaire  pour  avoir  des  idées  exactes  sur  mie 
seule  institution.  Richard  Phillips  en  avail  rapporté  dans  son 
ouvrage  une  quarantaine  des  plus  remarquables;  mais  il  n'avait 
cité  qu'une  faible  partie  de  ceux  qui  existaient.  Les  titres  seuls 
qui  ont  été  abrogés  et  remplacés  par  des  dispositions  nou- 
velles forment   quatre   ]>;* l;cs  et  demie  d'un  grand  in-4°«  (»^ 

Statuts  ne  sont  pas  tOUS  conçus  dans  la  même  langue  :  plusieurs 

étaient  en  mauvais  latin;  quelques-uns  en  vieux  français  nor- 
mand; d'autres  en  mauvais  anglais.  Les  difficultés  du  langage 
se  joignaient  ainsi  aux  difficultés  que  faisaient  naître  déjà  la 
multiplicité  de  ces  statuts  et  l'obligation  de  consulter  aussi  une 
foule  de  décisions  judiciaires.  Car  les  précédais,  c'esf-à-dire, 
les  arrêts  des  cours  étaient  encore  plus  nombreux  que  les 
statuts. 

Enfin,  en  1825,  un  ministre,  M.  Peel,  a  eu  le  courage  de 
fondre  en  une  seule  loi  tous  les  statuts  et  toutes  les  décisions 
qui  se  rapportaient  à  un  même  sujet.  Il  a  fait  mieux;  il  a  fran- 
chement adopté  toutes  les  réformes  qui  étaient  sollicitées  de- 
puis plusieurs  années,  soit  par  les  jurisconsultes  eux-mêmes, 
soit  par  les  amis  les  plus  éclairés  de  la  liberté.  Cette  grande 
réforme,  à  laquelle  ont  concouru  les  jurisconsultes  les  plus 
instruits,  sans  distinction  d'opinions  politiques,  a  été  exécutée 
avec  une  franchise  et  une  droiture  admirables.  Dans  cette  oc- 
casion ,  on  a  pu  se  convaincre  qu'en  Angleterre,  tontes  les 
fois  qu'il  est  question  de  justice  intérieure,  les  partis  s'effacent 
complètement.  Il  n'y  a  plus  ni  wbigs,  ni  torys,  ni  radicaux; 
mais  seulement  des  hommes  qui  cherchent  de  bonne  foi  quelle 
est  la  méthode  la  plus  sûre  pour  arriver  à  la  vérité,  et  pour 
maintenir  chacun  dans  la  possession  de  ses  droits.  Aussi,  lors- 
que le  projet  de  M.  Peel  a  été  présenté  à  la  Chambre  des 
Communes  ,  il  est  devenu  le  sujet  de  très-beaux  discours;  mais 
il  n'a  éprouvé  aucune  objection.  Ce  projet,  adopté  sans  oppo- 
sition ,  est  un  véritable  code  ;  car  il  ne  laisse  rien  à  résoudre. 
C'est  le  premier  qui  existe  en  ce  genre,  et  c'est  aussi  le  seul. 

M.  Charles  Comte,  dans  la  nouvelle  édition  qu'il  donne  de- 
là traduction  de  Philipps,  a  supprimé  les  statuts  que  l'auteur 
y  avait  insérés,  et  il  les  a  remplacés  par  la  traduction  delà  loi 
nouvelle.  Il  a  fait  disparaître  aussi  les  nombreuses  notes,  à 
l'aide  desquelles  il  expliquait  les  termes  de  la  jurisprudence 
anglaise,  inintelligibles  pour  toutes  autres  personnes  que  des 
jurisconsultes  anglais.  11  à  remplacé  ces  notes  par  une  exposi- 
tion des  juridictions  ou  de  la  division  territoriale  de  l'Angle- 
terre, des  magistratures,  des  actes  judiciaires  et  même  des 

12. 


•  8o  LIVRES  FRANÇAIS. 

* 

délits,  dont  la  connaissance  est  nécessaire  pour  en  tenu  re  par- 
faitement les  dispositions  relative  s  aux  jurés  et  aux  jurys.  Il  a 
donné  l'explication  de  tous  les  termes,  en  suivant  l'ordre  alpha- 
bétique; mais  il  a  indiqué  en  même  tems  l'ordre  dans  lequel 
les  articles  doivent  être  lus,  lorsqu'on  veut  ne  pas  interrompre 
le  fil  des  idées.  D'autres  écrivains  avaient  fait  connaître  d'une 
manière  plus  ou  moins  complète  la  constitution  du  gouverne- 
ment; M.  Charles  Comte  paraît  s'être  particulièrement  attaché, 
dans  cette  partie  de  l'ouvrage,  à  faire  connaître  la  constitution 
du  peuple. 

La  partie  de  la  législation  française  qui  est  relative  au  jury 
a  aussi  éprouvé  une  révolution.  Cette  révolution,  il  est  vrai, 
n'est  pas  aussi  complète  que  pourraient  le  désirer  les  amis  des 
garantes  judiciaires;  mais  elle  nous  a  fait  faire  néanmoins  un 
grand  progrès.  Plusieurs  des  principes  de  la  loi  anglaise  ont 
été  franchement  adoptés,  et  particulièrement  ceux  qui  sont 
relatifs  à  la  formation  et  à  la  publication  des  listes  annuelles, 
et  au  tirage  au  sort  des  jurés.  La  loi  anglaise  diffère  de  la  loi 
française  en  un  point  très  -remarquable  :  c'est  dans  le  degré  de 
confiance  qu'elles  accordent  à  l'intelligence  et  à  la  bonne  foi 
des  fonctionnaires  publics.  La  première  ne  laisse  rien  à  leur 
discrétion  ;  elle  descend  dans  les  détails  les  plus  minutieux; 
eile  attache  des  peines  aux  infractions  les  plus  légères;  enfin, 
elle  trace  jusqu'à  la  formule  des  actes  qu'elle  prescrit.  La 
seconde,  au  contraire,  se  borne  à  poser  des  principes  géné- 
raux, et  laisse  au  pouvoir  discrétionnaire  des  officiers  publics 
tous  les  détails  d'exécution.  M.  Comte  a  fait  sentir  cette  diffé 
rence,  en  mettant  en  parallèle  les  diverses  infractions  qui 
peuvent  être  commises  chez  les  deux  nations.  Les  tableaux 
qu'il  en  a  donnés  méritent  d'être  consultés  par  tous  ceux  qui 
s'occupent  de  l'étude  ou  de  la  rédaction  des  lois. 

Une  partie  des  lois  romaines  ont  été  considérées  comme  la 
raison  écrite,  et  c'est  ce  qui  a  fait  la  plus  grande  partie  de  leur 
force.  Nous  ne  craindrons  pas  de  prédire  que  les  dispositions 
de  la  loi  anglaise  sur  le  jury,  et  sur  quelques  autres  parties 
de  l'ordre  judiciaire,  seront  bientôt  vues  avec  la  même  fa- 
1 -eur.  Déjà,  avec  les  améliorations  que  nos  lois  ont  subies  à 
cet  égard,  il  est  beaucoup  de  pratiques  anglaises  qui  peu- 
vent è!re  adoptées,  et  qui  le  seront  probablement  par  tous  les 
fonctionnaires  de  l'ordre  administratif  ou  judiciaire  jaloux  de 
se  mettre  à  l'abri  de  tout  reproche  de  partialité.  Il  leur  serait 
difficile  de  trouver  des  instructions  plus  justes  et  plus  détail- 
lées, soit  sur  les  moyens  de  former  et  de  publier  les  listes, 
soit  sur  la  manière  d'en  extraire  un  certain  nombre  de  noms, 


SCIENCES    RtOfl  W.K.S. 

soti  mu  le  tirage  attaorf  des  jurés,  *"it  enfin  sur  la  manière 
de  présider  les  assises  al  de  diriger  les  débats.  Les  jurés  aussi 

pourront   v  trouver   des   règles    «le  conduite  pour    lemplir    les 

devoirs  qui  lew  iooI  imposés  (  ou  pour  exercer  1rs  pouvoirs 

que  le>  lois  leur  donnent.  Les  règles  «le  la  justice  sort  partout 
les  mêmes;  et,  lorsqu'un  procédé  <-st  reconnu  bon ,  nulle 
part  on  ne  peut  mieux  en  tracer  les  règles  que  dans  le  pays 
où   il  est  pratiqué  depuis  des  sieeles. 

M.  Charles  Comte  a  lait  précéder  la  traduction  qu'il  donne 
de  l'ouvrage  de  Phillips  et  de  la  nouvelle  loi  anglaise  *  de  Con- 
sidérations sur  l'ordre  judiciaire.  Le  long  séjour  qu'il  a  fait  en 
Angleterre  la  mis  à  même  de  comparer  i<%  système  anglais  au 

tèine  français.  Ces  considérations  forment  près  de  la  moitié 
du  volume  :  elles  sont  trop  importantes  pour  qu'il  nous  soit 
possible  d'en  donner  ici  l'analyse.  Elles  se  rattachent  au  'Iraiu- 
de  législation  du  même  auteur,  et  eu  forment  en  quelque  sorte 
la  suite. 

La  première  édition  des  Pouvoirs  et  des  obligations  des  jurys, 
était  depuis  long-tèms  épuisée;  les  personnes  qui  n'ont  pu  en 
faire  l'acquisition  auront  peu  de  regret  du  retard  que  M.  Comte 
a  mis  à  publier  la  seconde.  *. 

71).  — *  Guide  des  Jures ,  contenant  :  la  Charte  constitution- 
nelle, l'abrégé  historique  du  jury,  la  loi  du  i  mai  1827,  l'or- 
donnance du  27  juin  de  la  même  année,  les  circulaires  et  ins- 
tructions ministérielles,  les  dispositions  du  Code  d'in  truction  , 
les  lois  pénales  qui  concernent  ies  jurés,  celles  sur  la  taxe  des 
Irais  de  voyages  fies  Calculs  propres  à  en  faciliter  l'exécution; 
le  tout  suivi,  sous  chaque  article,  des  motifs  extraits  des  dis- 
cours des  orateurs  des  deux  Chambres,  des  arrêts  de  la  Cour 
de  cassation  et  des  Opinions  des  auteurs,  avec  deux  Tables  , 
l'Une  par  ordre  des  matières,  l'autre  raisonnéc  et  alphabétique; 
par  M.  TouoAr.n,  avocat  à  la  Cour  royale  de  Rouen,  ancien 
magistrat.  Paris,  1827  ;  Baudouin  frères,  INève.  In-18  de  186' 
p.  ;  prix,  2  fr. 

V  oilà  un  titre  qui  vaut  à  lui  seul  une  analyse  d'ouvrage. 
C'est  un  projet  fort  louable  que  d'avoir  réuni  dans  un  petit 
volume  Ses  textes  et  les  instructions  que  les  jurés  français  doivent 
connaître*  Le  rôle  du  jury  est  si  important  dans  une  bonne  or- 
ganisation judiciaire,  que  les  citoyens  ne  sauraient  apport»! 
trop  d'attention  à  s'instruire  des  devoirs  que  des  fonctions  aussi 
graves  leur  imposent.  Il  s'en  faut.de  beaucoup  que  l'institution 
du  jury  ait  acquit  encore  tous  les  developpemens  que  l'avenir 
de  notre  législation  lui  réserve  sans  doute.  Restreint  aujour- 
d'hui  à    la   connaissance   des    affaires    auxquelles    on    attache 


i8a  LIVRES   FRAIS ÇAÏS. 

exclusivement  le  nom  d'affaires  criminelles,  le  jury  paraît  â  un 
grand  nombre  de  publicistes  pouvoir  être  appelé  à  juger,  dans 
le  reste  des  procès ,  les  points  de  fait  en  litige.  Pour  arriver 
aux  améliorations  qui  résulteraient  d'une  plus  grande  extension 
donnée  aux  attributions  du  jury,  il  faut  que  les  jurés  ne  man- 
quent pas  au  pays,  non-sculcmeut  par  leur  nombre,  mais  en- 
core par  leurs  lumières  :  l'un  des  meilleurs  moyens  pour  les 
aider  à  s'éclairer  est  de  leur  mettre  dans  les  mains  des  ouvrages 
aussi  clairs  et  aussi  faciles  que  celui  de  M.  Tougard.  Nous  lui 
soumettrons  deux  seules  observations  de  détail.  Il  est  d'avis  , 
p.  73,  que  les  jurés  n'ont  pas  le  droit  de  demander  que  des 
témoins  se  retirent  de  l'auditoire,  et  soient  entendus  de  nou- 
veau, séparément,  ou  en  présence  les  uns  des  autres.  Nous 
croyons  au  contraire,  que  les  jurés  peuvent  et  doivent  faire 
cette  demande,  toutes  les  fois  qu'elle  est  nécessaire  à  leur  con- 
viction, sauf  au  président  à  statuer.  Les  termes  de  l'article  3a6 
se  bornent  à  donner  au  président  le  droit  d'être  juge  de  l'utilité 
de  cette  demande;  mais  il  n'en  est  absolument  aucune  qu'il  soit 
interdit  aux  jurés  de  faire.  L'autre  observation  porte  sur  une 
rectification  à  faire  au  premier  alinéa  de  la  page  169,  d'après 
une  jurisprudence  récente  qui  assimile  avec  beaucoup  de  raison 
aux  veuves  n'ayant  point  de  fils  ou  petits-fils ,  celles  qui  n'en 
ont  que  de  mineurs  ou  incapables.  Nous  ne  partageons  pas  les 
scrupules  qui  ont  empêché  M.  Tougard  d'ajouter  à  son  volume 
la  table  des  peines  dont  il  avait  préparé  le  travail.  La  loi  pénale 
est  faite  pour  être  connue  de  tous  les  citoyens,  et  des  jurés  plus 
que  des  autres.  Elle  aurait  très-naturellement  trouvé  sa  place 
dans  ce  petit  ouvrage ,  écrit  dans  l'excellente  intention  de  po- 
pulariser la  connaissance  des  lois.  C.  R. 

80.  — *  De  la  peine  de  mort,  par  Adolphe  Garnier,  avocat 
à  la  cour  royale  de  Paris  :  Mémoire  qui  a  obtenu  îa  médaille 
d'argent  décernée  par  la  Société  de  la  morale  chrétienne ,  dans 
sa  séance  du  27  avril  1827,  avec  cette  épigraphe  :  Melioribus 
uterc  fatis.  Paris,  1827;  imprimerie  de  Guiraudet.  In-8°  de 
101  pages  d'impression. 

Cette  dissertation  sur  la  peine  de  mort  a  obtenu  une  dis- 
tinction honorable  dans  le  concours  ouvert  sur  cette  immense 
question  par  la  Société  de  la  morale  chrétienne.  Nous  avons 
annoncé  (Voy.  Rce.  Enc. ,  t.  xxxv  ,  p.  44^)  que  nous  consa- 
crerions un  article  d'analyse  à  l'ouvrage  de  M.  Lucas  ,  qui  a 
remporté  le  prix  ;  nous  nous  proposons  de  donner  aussi ,  dans 
cet  article  ,  des  détails  sur  la  manière  dont  M.  Adolphe  Garnier 
a  envisagé  son  sujet,  et  nous  nous  contenterons  aujourd'hui 
de  le  recommander  à  ceux  de  nos  lecteurs  qui  aiment  les  études 


SCIENCES  mou  w.K.s.  .s; 

philosophiques  appliquées  b  des  question*  de  haute  légis- 
lation. A.  T. 

Si.  -  *  Des  droits  et  des  devoirs  d<-  In  magistrature  française 
et    dit  Jury,  par  M.    Boyard ,    conseiller  à   la  (loin-  royale 

(le  Nancy.  Pans,  i  8273  Cave/.,  nie  de  Seine,  11"  'i  \ .  In  8°  de  SX] 
et  48a  pages  ;  prix ,  (>  fr. 
Cet  ouvrage,  quoique  nous  ne  partagions  pas  toutes  les 

opinions  de  l'auteur,  nous  paraît  remarquable  sous  plus  d'un 
rapport,  el  il  fournit  une  nouvelle  preuve,  ajoutée  à  tant 
d'autres,  du  zèle  avec  lequel  notre  magistrature  se  livre  à 
l'étude  consciencieuse  de  ses  devoirs,  et  de  l'ardeur  qu'elle 
apporte  à  embrasser  la  défense  de  tout  ce  qu'elle  regarde  comme 
essentiel  au  maintien  et  à  l'agrandissement  de  nos  libertés  pu- 
bliques. M.  Boyard  s'est  fait  l'idée  la  plus  noble  et  la  plus  liante 
des  fonctions  de  la  magistrature;  plein  de  vénération  pour  elle, 
et  de  confiance  dans  les  lumières  et  dans  les  intentions  pures 
de  la  très-grande  majorité  de  ses  membres,  il  ne  s'en  montre 
cependant  jamais  le  flatteur,  et  ne  lui  épargne  pas  des  avis 
sévères.  Dans  les  cinq  livres  dont  son  ouvrage  se  compose,  il 
examine  successivement  Injustice  et  la  magistrature  avant  1789, 
depuis  l'assemblée  constituante  jusqu'au  gouvernement  impé- 
rial, sous  l'empire  et  depuis  la  restauration;  enfin,  le  jury,  tel 
qu'il  est,  et  tel  qu'il  pourrait  être.  L'ouvrage  est  terminé  par 
des  pensées  sur  la  magistrature,  extraites  des  divers  écrits  de 
D'Aguesseau,  pour  lequel  M.  Boyard  professe  le  culte  de  la 
plus  haute  admiration.  A  toutes  les  pages,  un  amour  très-ardent 
pour  l'indépendance  de  la  magistrature  et  pour  sa  gloire,  anime 
et  élève  la  pensée  de  l'auteur;  nous  voudrions,  toutefois,  que 
sa  polémique  fût  habituellement  moins  âpre,  et,  par  exemple, 
qu'en  combattant  l'ouvrage  sur  la  Justice  criminelle ,  publié 
avec  beaucoup  de  succès  par  un  ancien  magistrat  de  Grenoble  , 
M.  Bérenger,  il  se  fût  abstenu  de  dire:  «  Il  faut  toujours  se 
délier  de  ces  livres  faits  par  spéculation  »  (p.  ^33);  qu'il  n'eût 
pas,  en  réfutant  une  opinion  émise  à  la  Chambre  des  députés 
par  un  autre  magistrat,  M.  Mestadter,  employé  des  paroles 
telles  que  celles-ci  :  «  Qu'est-ce  que  cela  signifie?  c'est  une  in- 
jure en  l'air,  et  rien  de  plus  :  si  le  réformateur  eût  lui-même  un 
peu  médité  sur  ces  faits  qu'il  livre  aux  méditations  de  la 
Chambre,  il  aurait  sans  doute  aperçu  sans  de  grands  ef- 
forts, etc.»  (p.  1/J7).  ï-e  livre  sur  le  jury,  écrit  en  1819, 
contient  avec  quelques  idées  qui  diffèrent  des  nôtres,  beaucoup 
de  fort  bonnes  vues,  dont  plusieurs  ont  été  adoptées  dans  la  loi 
nouvelle  qui  a  amélioré  le  mode  de  formation  des  listes;  mais 
le  ton  général  de  l'auteur  est  quelque  peu  dédaigneux  envers 


,$4  I  IVRES   FRANÇAIS. 

le  jurv,  perpétuellement  sacrifié  à  la  magistrature  lorsqu'il  est 
mis  en  parallèle  avec  elle.  M.  Boyard  combat  très- vivement  j 
quoique  par  un  ^eul  motif,  l'introduction  du  jury  dans  le  juge- 
ment des  affaires  correctionnelles;  il  craint  que  le  zèle  des  jurés 
ne  suffise  pas  à  ce  surcroît  d'occupations;  l'expérience  de  la 
valeur  de  celle  objection  va  bientôt  être  faite,  lorsque  la  nou- 
velle loi  sera  mise  à  exécution.  Il  nous  paraît  aussi  traiter 
beaucoup  trop  légèrement  la  question  du  jury  en  matière  civile, 
qui  n'a  point  cessé,  quoiqu'il  en  dise,  d'attirer  les  méditations 
d'un  grand  nombre  de  fort  bons  esprits.  «  On  ne  songe  plus 
aujourd'hui,  dit-il,  à  lui  donner  une  telle  extension;  mais  il 
est  encore  des  esprits  chagrins  qui,  ne  pouvant  revenir  de  leurs 
préventions  contre  la  magistrature,  voudraient  au  moins  des 
jurés  correctionnels.  M.  Bérenger,  par  exemple,  voudrait  de 
grandes  et  de  petites  assises,  etc.  »  C'est  se  préoccuper  étran- 
gement que  de  supposer  ainsi  l'esprit  chagrin  à  quiconque  en- 
visage ces  graves  questions  sous  un  tout  autre  point  de  vue  que 
l'auteur.  Pour  en  finir  avec  les  critiques,  je  regretterai  que 
M.  Boyard  ait  été  trop  sobre  de  citations  de  faits,  et  se  soit 
fréquemment  contmlé  de  procéder  par  voie  d'allusions  à  des 
faits  que  le  lecteur  aimerait  à  comprendre  mieux  fcl  à  voir  expli- 
quer avec  les  noms  et  les  dates;  cette  précision  dans  les  cita- 
tions en  ferait,  en  quelque  sorte,  des  pièces  justificatives,  qui 
ajoutent  ordinairement  beaucoup  de  poids  aux  observations. 
M.  Bovard  termine  son  ouvrage  en  annonçant  que,  si  le  pu- 
blic accueille  cette  partie  de  son  travail,  il  se  propose  de  le 
compléter  en  considérant  l'ordre  judiciaire  dans  ses  rapports 
avec  la  liberté  desculîes,  la  royauté  et  l'administration  publique, 
et  la  liberté  de  la  presse.  On  ne  saurait  trop  souhaiter  cette 
publication;  car  il  y  a  beaucoup  à  gagner  dans  les  paroles 
consciencieuses  et  fortes  d'un  magistrat  qui,  avec  une  entière 
bonne  foi ,  el  en  s'abandonnant  avec  complaisance  à  ses  impres- 
sions habituelles ,  s'exprime  sur  une  matière  dont  l'importance 
s'accroît  chaque  jour,  et  sur  laquelle  il  devient  de  plus  en  plus 
nécessaire  de  connaître  l'opinion  dominante  dans  la  magistra- 
ture. Les  idées  contenues  dans  le  volume  des  Droits  et  clés 
Devoirs  permettent  de  penser  que  M.  Boyard  esi,  sous  plusieurs 
rapports,  un  représentant  fidèle  de  cette  opinion. 

Ch.  Renouard,  avocat. 

82.  —  *  Précis  de  l'histoire  gé/ténde  des  jésuites ,  depuis  la 
fondation  de  leur  ordre,  le  7  septembre  i54o  , jusqu'à  ce  jour; 
par  A.  J.  B.  Deuxième édt lion.  Paris  ,  1827;  Aimé  Payen.  %  vol. 
in- 18  ,  ensemble  xxviij  et  838  pages;  prix,  4  fr. 

Le  compte  avantageux  et  détaillé  que  nous  a\ons  rendu   de 


SCIENCES  iMOHAl.lvS  .s, 

flivrage    \  <>n  .  He*,  Une.  ,  tome  \\i\  ,  p.  H  i  r>>  nous  dispen  te 
ftOUm«ttre  à  un  nouvel  c\ainen.   Nous  nous  bornons  a  rap 
•  notre  premier  jugement  ,  en  disant  que  jusqu'ici  on  n'a 
cci  it  de  plus  siicciuci  ,  ni  de  plus  intéressant  sur  eette 

ilietc  laineuse  :  r.uiteur  a  suivi  pas  à  pas  I  histoire  générale 
1  jésuiles  (|iii  avait  parti  en  si\  volumes  in- 1  v,  ,  en  i  70''.  Celte 
lltoire,  à  laquelle  on  ne  pouvait  reproelier  que  d'être  trop 
ligue,  (leinanilait  qu'un  homme  savant  et  impartial  en  fît  une 
*le  de  précis.  M.  A.  ./.  />.  s'en  est  chargé,  on  peut  dire  ,  avec 

nuage,   puisque  celte  publication  l'a    lait  attaquer  en  jus- 
B*  l'année  dernière.  Mais  nos  tribunaux,  en  l'acquittant ,  ont 
ridu    témoignage    de    leur  amour   pour    la    vérité,   et.  de  la 
fcune    loi   de    l'auteur,    (l'est  \\t\c    qualité  ({n'en   ce  siècle  les 
I  leurs  recherchent  plus  que  tout  autre,  parce  qu'ils  veulent 
Innt  tout  connaître  les  faits  dans  leur  exactitude,  afin  d'éloi- 
ler    les  chances   d'erreur    dans    le  jugement   qu'ils   en    por- 
tent. M. 
Itt^.  — *  Histoire  militaire  des  Français  par  campagnes.  6e  li- 
iaison.  —  Histoire  des  guerres  de  la  révélation ,  par  /.-P.-G, 
i.nnkt,  chef  de  bataillon  au  corps  royal  d'état- major  :  Cani- 
gnes  du  Nord ,  en  1792  et  I79'3.  Paris,  1827;  Àmbroise  Do- 
nt. In- 18  de  36o  pa^es,  avec  une  carte  ,  un  plan  de  la  bataille 
f'dhnv  ,  et  deux  portraits  ;  prix,  3   fr.  75  c 
L'iiistoiie  militaire  fournit  à  l'homme  de  guerre  plus  de  faits 
ktructifs  que  l'histoire  politique  ne  peut  en  offrir  à  l'homme 
Mat  :  c'est  un    recueil   d'expériences    dont  les  données  sont 
se/,  bien  connues,  en  sorte  que  les  lois  de  la  formation  des 
Suttats  peuvent  être  aperçues  et  vérifiées;  les  préceptes  que 
)ii  en  déduit  ne  sont  autre  chose  que  l'application  de  ces  lois. 
ais  les  guerres  civiles,  dans  tous  les  tems,  et  les  guerres  de  notre 
■voliition,  renferment  tant  d'cîcmens  divers  et  d'une  ana!  vsesi 
flicile,  que  leur  histoire  est  presque  perdue  p  >ur  les  études 
ilitaires,  et  ne  peut  ^ucre  être  utile  qu'au  moraliste  et  au  po-v 
tique.   Ce  n'est  plus  au    récit  des  combats,  à  l'exposition  des 
hî  11s  de  campagne,  à  l'influence  des  victoires  ou  des  défaites 
ail  faut  donner  le   plus   d'attention  :  comme   le  caractère  de 
5  guerres  change  avec  l'état  des  nations,  on   peut  affirmer 
nrdimeut  que  celles  qui  éclateront  parmi  nus  descendans  ne 
«sembleront  nullement  à  celles  dont  les  tems  passés  nous  ont 
•ansmis  le   souvenir.  Les  événemens  de  cette  nature  doivent 
tre  écrits  pour  tout  le  monde,  et  non  pour  les  militaires  seu- 
micnf;  les  mémoires   anecdotiques   sont  alors   les  meilleures 
istoii  es.  Il  est  à  craindre  que   l'historien    ne  décolore  ses  ré- 
ils  et  ne  leur  fasse   perdre  ce  qui  les  rendait  le  plus   iutéres- 


186  LIVRES  FRANÇAIS. 

sans  ,  en  élaguant  les  faits  qui  ne  sont  pas  une  partie  essentielle 
du  tableau  qu'il  a  voulu  tracer.   M.  Viennet  est  exact  autant 
qu'on  peut  l'être  en  ne  disant  rien  qui  ne  soit  vrai;  mais  il  no 
lui  était  pas  possible  de  tout  dire  dans  un  aussi  petit  volume, 
et  le  silence  est  une  des  infidélités  de  l'histoire,  lorsqu'elle  tait 
ce  qui  est  le  plus  digne  d'être  connu.  On  ne  se  plaindra  point 
du  narrateur  pour  tout  ce  qu'on  lit  dans  ses  récits;  mais  on 
regrettera  qu'il  n'ait  pas  fait  deux  volumes,  au  lieu  d'un  seul , 
afin  de  donner  place  à  une  foule  d'anecdotes,  de  faits  et   de 
mots  caractéristiques  des  hommes  et  des   mœurs  militaires  de 
cette  époque,  mélange  singulier  du  caractère  national,  d'an- 
ciennes habitudes  et  de  l'effervescence  révolutionnaire.  L'au- 
teur a  fait  son  cadre  beaucoup  trop  étroit  pour  le  tableau  qu'il 
devait  renfermer.  Quelques-uns  des  événemens  politiques  de 
celte  même  époque  sont  présentés  par  l'historien  sous  un  faux 
aspect;  on  voit  qu'il  n'a  pas  puisé  aux  véritables  sources  ;  il  n'a 
pas   consulté  le  petit  nombre  de  sincères  témoins  qui  vivent 
encore,   et  qui  voient  répandre  chaque  jour  les  falsifications 
historiques  dont  les  compilateurs  à  venir  tireront  les  matériaux 
de  ce  qui  portera  définitivement  le  nom  d'histoire.  Il  ne  faut 
chercher  dans  cet  ouvrage  que  le  récit  des  faits  militaires,  les 
seuls  que  l'auteur  ait  eu  le  projet  d'écrire;  les  autres  événe- 
mens n'ont  pas  subi  l'épreuve  d'un  examen  assez  sévère.  Tel 
qu'il  est,  cet  ouvrage  seraJu  avec  intérêt,  et  l'on  y  reconnaît 
partout  l'excellent  citoyen,  le  militaire  instruit  et  l'écrivain  dis- 
tingué. N. 

84.  —  *  Histoire  de  Napoléon  ;  par  M.  de  Norvins,  ornée  de 
portraits ,  de  vignettes ,  de  cartes  et  de  plans.  T.  Ier.  Première 
livraison.  Paris,  1827;  Ambroise  Dupont  et  C  ie.,  rue  Vivienne, 
n°  16.  L'ouvrage  aura  4  vol.  in -8°  d'environ  45o  pages.  Les 
livraisons  paraissent  tous  les  dix  jours;  prix  ,  2  fr.  5o  c. 

Il  y  a  du  bonheur  à  publier  un  pareil  ouvrage,  au  moment 
même  où  celui  de  Walter  Scott  succombe  aux  critiques  de  tonte 
nature.  M.  de  Norvins  y  travaillait  depuis  Iong-tems;  il  ne  l'a 
pas  entrepris  pour  répondre  aux  provocations,  ou  pour  rele- 
ver les  erreurs  du  barde  écossais;  mais  il  arrive  à  propos.  La 
curiosité  publique,  éveillée  par  la  longue  diatribe  anglaise,  lui 
saura  gré  de  s'être  trouvé  prêt,  et  d'avoir  repoussé  d'avance 
les  outrages,  les  calomnies  dont  un  étranger  haineux  s'étail 
promis  d'abreuver  l'armée  française  et  la  France.  M.  de  Nor- 
vins  en  aura  bien  mérité,  si,  comme  il  a  dû  s'en  faire  une  loi 
il  n'oppose  que  la  vérité  à  la  passion  et  l'éloquence  des  fait* 
aux  suppositions  d'une  incroyable  inimitié.  Son  ouvrage  alorc 
ne  sera  point  une  simple  apologie  ,  mais  une  histoire.        R. 


: 


LITTÉRATURE.  189 

Littérature 


35. —  *    Encyclopédie  moderne f  ou  Dictionnaire  abrégé  des 

//ers,  des  lettres  et  des  dits;    avec  l 'indication  des    ouvrages 

les  divers   sujets   son!    développés  h    approfondis;    par 

Coi  &TIN,  ancien  magistrat,  et  par  une  société  de  gens  de 

res.  Tome  xi*.  Paris,  1827  j  au  bureau  de  l'Encyclopédie, 

•  Nonvc-Saint-Hocli,  n"  24.  In-8°  de  64.0  pages;  p'i*>  9  fr- 
dv.  Rev.  Eue,  ,  t.  \\\ii,  p.  /»Hi,  et  t.  xxxiv,  p.  209.) 
0:1s  ik>  rappellerons  pas  à  nos  lecteurs  tout  ce  qne  la  civi- 
tion  a  gagné  à  l'exécution  tic  L'idée  primitive  qui  tondait  à 
mir,  en  un  seul  ouvrage,  la  totalité  des  connaissances  hu- 
lines  ,  perdues  dans  une  foule  de  livres,  de  brochures,  de 
•moires,  ou  prêtes  à  disparaître  avec  les  hommes  qui  les  pos- 
taient, mais  qui  n'avaient  pas  le  talent  ou  la  volonté  de  les 
miser  par  un  écrit.  Le  mouvement  que  la  première  tenîa- 
e  en  ce  genre,  faite  sous  la  direction  de  Diderot,  imprima 
I  propagation  des  idées,  fut  immense.  L'auteur  eut  beau- 
up  à  lutter;  mais  il  triompha  des  obstacles  par  son  éner- 
rjue  persévérance;  et,  si  son  ouvrage  ne  fut  pas  exempt  de 
fauts,  il  n'en  arriva  pas  moins  à  rendre  la  science  pratique 
la   vérité   toute-puissante.  D'autres  dictionnaires  du   même 

(nre  furent  successivement  publiés  en  France  et  dans  les  pays 
•angers;  le   plus  remarquable  d'entre   eux  est  certainement 
Encyclopédie  méthodique  de  Pancroucke,  continuée  par  sa  fille 
""'  Vgasse.  Cependant ,  l'expérience,  la  méditation,  le  progrès 
ait,  mais  continuel,  des  éludes,  ont  fait  vieillir  le  plus  grand 
ombre  des  articles  publiés,  il  y  a  vingt  ans;  des  besoins  nou- 
■3aux  se  font  sentir,  de  nouvelles  lumières  se  développent,  et 
masse  des  idées  neuves  et  des  découvertes  amène  la  néces- 
té  de  traiter  sous  un  autre  point  de  vue  les  objets  déjà  décrits, 
î  de  rattacher  aux  principes  actuels  les  doctrines  et  les  faits. 
Tel  est  le  but  honorable  que  s'est  proposé  M.  Courtin.  Onze 
olumes  de  son  Encyclopédie  ont  déjà  paru;  le  onzième,  qui 
ient  d'être  publié,  ne  sera  pas  moins  bien  accueilli  par  les 
kvans  et  les  gens  du  monde,  que  les  volumes  précédées. 

Parmi  le  grand  nombre  d'articles  importans  qu'il  contient, 
DUS  avons  remarqué  l'article  :  Eclectisme  en  philosophie,  par 
1.  AIillon,  et  en  médecine,  par  M.  Broussais.  Il  nous  est 
iflicilc  aujourd'hui  de  concevoir  comment  de  grands  esprits, 
?ls  que  Porphyre,  Plotin,  Proclus ,  Ammonius ,  gens  d'un  rare 
avoir  et  dune  étonnante  puissance  de  conception,  furent 
ssez   aveugles   pour  croire   à  la   magie,  et  s'abusèrent  assez 


i88  LIVRES  F&M$ÇAIS. 

pour  penser  qu'on  pouvait  entretenir  un  commom:  intimi 
avec  des  esprits  invisibles,  ('es  philosophes,  (jue  l'on  nom 
mait  nouveaux  platoniciens,  déshonorèrent  l'esprit  liumah 
par  leurs  folies  thénrgkjnes  et  par  les  extravagances  qu'ils  pro- 
clamèrent La  secte  des  éclectiques  dura  depuis  le  nie  siècl< 
jusqu'au  vne,  et  on  lui  dut  tontes  les  superstitions  et  les  héré 
sies  qui  corrompirent  la  pureté  du  culte  chrétien  à  son  origine 
L'éclectisme,  en  médecine,  a  également  trouvé  un  antagonisti 
redoutable  dans  M.  Broussais;  il  le  regarde  comme  l'opprobn 
de  la  science.  On  ne  compose  pas,  dit-il,  un  système  raison 
nable  avec  des  débris  de  doctrines  disparates;  la  doctrine  phy 
siologique  seule  est  le  véritable  éclectisme;  c'est  une  mélliod 
par  laquelle  on  peut,  soi-même,  corriger  ses  propres  erreurs 
en  vérifiant,  en  recommençant  les  observations  mal  faites  01 
incomplètes  ;  c'est  l'art  de  bien  juger  les  faits,  et  de  les  mettr 
à  leur  place  dans  le  cadre  de  la  science,  eh  se  gardant  de  le 
inventer  ou  de  les  supposer. 

Les  anatomistes  liront  avec  un  grand  intérêt  l'article  Et 
cpphale,  par  M.  Fossati,  et  les  gens  <\u  monde,  en  le  parcou 
riint  et  en  prenant  une  idée  exacte  de  l'organisation  cérébrale 
repousseront  ce  préjugé  que  les  nourrices,  ou  même  les  ins 
trumens  du  chirurgien ,  peuvent ,  par  la  pression,  changer! 
forme  des  tètes  des  en  fans  nouveau-nés;  ils  apprendront  aufl 
que  des  faits  positifs  ont  démenti  l'hypothèse  qui  attribuait  le 
formes  différentes  des  crânes  à  l'action  des  mescles  sur  le 
parties  osseuses  auxquelles  ils  sont  attaché;,. 

M.  Bory  de  Saint-Vincent,  dont  on  retrouve  le  nom  etl 
talent  partout  où  il  y  a  de  l'instruction  à  donner,  a  foiui 
plusieurs  articles  importans  à  ce  volume.  Nous  recommandai 
ses  notices  sur  Vêlépkanl,  X 'écureuil ,  les  échinodermes ,  Y  cerf 
visse ,  etc.  Les  mystères  de  l'histoire  naturelle  n'ont  pour  lu 
'rien  de  secret,  et  il  les  dévoile  avec  autant  de  bonheur  que  d 
talent. 

M.  Pages  s'est  distingué  par  des  articles  qui  sont  presque  de 
traités,  sur  {'économie  politique,  les  emprunts,  {'enregistré 
ment  ;  MM.  Courtin  et  Aubert  de  Vitry,  par  d'exceiien 
morceaux  sur  les  élections  et  V éloquence.  Ou  doit  à  MM.  Kyrie 
et  Debret  des  renseignemens  utiles  et  curieux  sur  Xîigéogropm 
j)hysique  et  sur  les  monumens  de  C Egypte  ;  à  M.  Tissot  de 
préceptes  littéraires  sur  Véglogue  ,  tracés  avec  ce  goût,  ave 
cette  connaissance  profonde  des  classiques  et  de  leurs  beauté 
dont  il  a  donné  tant  de  preuves  ;  à  MM.  Le  Normand  ciMelle 
des  détails  sur  les  arts,  dont  l'utilité  sera  vivement  apprécier 
Nous  engageons  à  lire  l'article  Ècarrisseur.  Les  personnes  qu 


LITTÉRATURE.  189 

voient  dans  les  malheureux    chevaux  traînés  à  la   voirie 
u  cli  >  cadavres  sans  vn  leur  se  roui  étonnées  de  la  quantité  de 

*  1 1 1 1 1  ^  que  l'industrie  sail  tuer  des  matières  les  plus  viles  el 
dus  dégoûtantes.  Onze  mille  cbevaut  de  rebut  sont  annuel- 
•ut  abattus  au  clos  de  Monifaucon.  Leur  chair  serl  à  nourrir 

chiens,  (1rs  cochons  cl   «les  poulcîs;  les  tendons,  les  jambes 

•s  sabots  à  faire  de  la  colle  forte;  les  sabot»  sans  défauts  sont 
<lus  au\  fabricans  de  peigue*  ciécaUlt}  ics  Ours  soûl  livrés 

*  maréchaux  l'en  ans'  les  clous  envoyés  dans  le  Cantal  pour 

souliers  des  paysans;  les  os  passent  au.\  fahricans  de  noir 

■al  et  de  phosphore;  la  graisse  fondue  forme  l'huile  dont 
erveul  les  émailleurs,  les  hongroyeurs  et  les  bourreliers; 
intestins  grêles  sont   enlevés  par  les  fahricans  de  cordes  à 
aux;  enfin,  le  détritus  général  de  ce  vaste  dépouillement 
ne  naissance  aux  asticots  ou  vers  blancs*  qui  procurent  aux 
isiens  désœuvrés  le  plaisir  de  la  pèche,  el  qui  nourrissent, 
'faisans  élevés  par  les  oiseleurs.  Oti  remarquera  (pic  nous 
boas  point  parlé  de  la   peau,  qui  forme   le  premier  de  ces 
ktiiits.  Les  noms  de  M.  Larriy,  à  qui  l'on  doit  un  article 
Vart  (/c<  embaumemens ,  de   MM.   Dubrunfaut,  Orhla  et 
K'ergie,  qui  se  sont  occupés  des  arts  chimiques,  de  M.  Fran- 
ur  ,  (jui  a  traité  les  questions  de  mathématiques ,  de  M.  Ké- 
n  .  (jui   a    parlé   de   X éducation   en   général,   et  de   M.    le 
Ucuant-gc/irial  Fririon,  qui  a  développé  de   belles  idées 
X éducation    militaire  ;    ceux    du   savant    M.    Ferry  ,    de 
Nicollet  ,    astronome  ,   de   M.   Mirbel  ,   botaniste  ,   de 
I.   Bksuchkt,  Beri.ier,    Alexandre.  Leno.ib  ,    etc..  sont  de 
s  garans  de  la  science  réelle  qui  recommande  ce  bel  ouvrage 
nitcs  les  classes  de  lecteurs.  R. 

&6.  —  *  Monumens  littéraires  de  l'Inde ,  ou  Mélanges  de  lit- 
'aturc  sanscrite,  contenant  une  exposition  rapide  de  cette; 
'éralure,  quelques  traductions  jusqu'à  présent  inédites  et  un 
,'rcu  du  système  religieux  et  philosophique  des  Indiens,  (Fa- 
is lents  propres  livres;  par  A.  Laxglois.  Paris  ,  189.7  •>  Lc>_ 
>re,  rue  de  l'Éperon,  n°  aG.In-H0  de  268  pages;  prix  ,  5  fr. 
L'Inde  et  sa  littérature  sont  encore  trop  peu  connues  pour 
'on  n'aeem  ille  pas  avec  intérêt  un  ouvrage  composé  dans  le 
]t  de  présenter  sous  une  forme  agréable  les  principaux  traits 
i  la  caractérisent.  M.  Lauglois,  frappé  de  l'inexactitude  des 
tions  répandues  dans  le  monde  sur  l'Inde  ancienne  ,  a  voulu, 
jmme  il  nous  l'apprend  lui  -  même  dans  son  avertissement,  y 
'Dstiiuer  quelques  faits;  et  ,  dans  ce  dessein,  il  a  traduit ,  de 
!ux  poèmes  dont  l'un  jouit  encore  aujourd'hui  d'une  grande 
ébriîé,  le  Bhâgavata  Pourâna  et  le   Uarivamsa  ,  plusieurs 


i<)o  LIVRÉS  FRANÇAIS. 

morceaux  présentant  "des  scènes  varices  et  pleines  de  détails  de 
mœurs.  Ces  Fragmens  ,  publiés  pour  la  première  fois,  sont  sui- 
vis d'autres  extraits  déjà  traduits,  mais  qui  ont  reçu  de  la  ré- 
daction de  M.  Langlois  une  forme  particulière.  L'ouvrage  entier 
est  précédé  d'un  tableau  abrégé  de  la  littérature  indienne,  ré- 
digé d'après  les  nombreux  travaux  des  Anglais.  M.  Langlois  j 
retrace  d'une  manière  rapide  les  principales  phases  de  cette 
littérature  singulière  si  profondément  empreinte  de  l'esprit  re- 
ligieux ,  qui  paraît  former  le  trait  caractéristique  du  génie  in- 
dien. Les  noms  de  Viasa,  Valmihi ,  Kalidâsa ,  et  la  mention 
sommaire  des  ouvrages  qu'on  leur  attribue,  se  trouvent  dan< 
cet  exposé  que  les  gens  du  monde  liront  avec  un  grand  intérêt 
Ils  remarqueront  aussi,  dans  les  morceaux  originaux  traduits 
par  M.  Langlois,  eles  particularités  curieuses  sur  la  vie  privée 
d'une  nation  célèbre  dès  la  plus  haute  antiquité  par  sa  civilisa- 
tion et  ses  lumières.  Dans  un  tems  où  les  notions  que  l'on  peul 
rassembler  sur  l'état  ancien  de  l'Asie  sont  recueillies  avidement 
l'ouvrage  de  M.  Langlois  est  sur  de  trouver  des  lecteurs  favo- 
rablement disposés,  et  en  même  tems  qu'il  honore  l'auteur,  il 
nous  paraît  un  digne  hommage  rendu  au  talent  du  maître  ha- 
bile dont  M.  Lantrlois  est  sans  doute  fier  d'avoir  reçu  les  leçons 

E. 

87.  —  *  Nouveau  Dictionnaire  de  In  langue française ,  conte- 
nant les  mots  du  dictionnaire  de  l'Académie,  les  mots  générale- 
ment adoptés  qui  ne  s'ytrouvent  point,  les  principaux  termes 
el'arts,  de  sciences  et  de  métiers,  les  expressions  figurées  ou  pro 
verbiales ,  familières,  poétiques,  populaires  ou  du  style  sou- 
tenu, avec  des  définitions;  par  F.-J.  Mayeux.  Paris,  1827; 
Ferra  jeune.  In-12  de  xxn  et  655  pages;  prix,  6  fr. 

Cet  ouvrage  a  paru,  en  1814;  depuis  ce  tems,  il  a  été  entre 
les  mains  d'un  grand  nombre  de  personnes  qui  ont  reconnu  avec 
plaisir  que,  malgré  la  petitesse  de  son  format,  il  contient,  en 
effet,  tout  ce  que  promet  son  titre.  ïl  n'est  guère  possible  de 
faire  un  autre  éloge  d'une  simple  compilation,  où  l'auteur  n'a 
rien  voulu  mettre  de  neuf.  Son  but,  comme  il  le  déclare  dans 
sa  préface,  était  de  donner  sous  un  format  très- portatif  lelexique 
le  plus  complet  possible.  Nous  devons  dire  qu'il  a  réussi,  el 
nous  recommandons  son  ouvrage  à  tous  ceux  qui,  n'ayant  pas 
beaucoup  de  tems  à  consacrer  à  l'étude  des  mots  ,  désirent  ce- 
pendant trouver  sur  chacun  d'eux  des  notions  suffisantes  dans 
un  volume  commode.  B.  J. 

88  —  Éloge  de  Bossuct ,  avec  cette  épigraphe  :  Micat  intev 
omnes.  Hor.  Paris,  1826;  Pillet  aîné.  In-8°  de  62  pages;  prix, 
2  fr. 


LITTÉB  \  Il  lll..  191 

Ceux  qui  liront  ccl  éciïl  oe  seront  pas  tentés  de  rapporter 
pigraphc  a  l'oiu  1  âge.  <  >n  v  reconnaît  partout  une  plume  peo 
en  1  ••,  ci  les  nombreuses  citations  de  Bossuel  qu'il  renferme 
ni  singulièrement  ressortir  la  faiblesse  et  les  impropriétés  du 
v\e  de  son  panégyriste.  Si,  comme  cela  est  probable,  cet 
ogc  a  disputé  en  1826  la  palme  académique,  l'auteur  ano- 
rmc  ne  doit  avoir  aucun  regret  de  ne  pas  être  redescendu 
nh  l'arène.  Cir. 

89.       -  '   Œuvres  complètes  de   AT.    le  vicomte  de  ChatEAU- 

,i\m>,  pair  de  France,  membre  de  l'Académie  française, 
ïuvième  livraison.  T.  \I\  et  XV.  Paris,  1827;  Ladvocat. 
vol.  in-80  de  400  et  4^o  pages;  prix,  1  ">   fr.    la  livraison. 

,o\.  Rev.  F. ne.  ,  t.  xwiii,  p.    i'W  e\  I.  XXXV,  J).  348.) 
Cette  livraison  contient  la  quatrième   partie  du    dénie  du 
liri>ti(inisme,\-A  Défense  de  cet  ouvragepar  l'auteur,  sa  Lettre 
ME.  de  FontaneSy  sur  l'ouvrage  de  M™  de  Staël ,  intitulé  :  De 

1  littérature  considérée  dans  ses  rapports  avec  la  morale;  les  Prê- 
tes des  éditions  précédentes  du  Génie  du  Christianisme  ;  les 
itiques  qui,  à  diverses  époques,  en  ont  été  faites,  soit  dans 
i journaux  ,  soit  dans  des  brochures,  et  enfin  la  Discussion 
lennelle  dont  il  a  été  l'objet  dans  le  sein  de  l'Institut ,  en 
tu. 

Nous  consacrerons  prochainement  un  troisième  article  aux 
ivres  de  M.  de  Chateaubriand.  0 

90. —  *  Traduclhm  en  vers  du  poëme  de  Lucrèce,  par  M.  de 
)Ngf.rville.  Deuxième  et  troisième  éditions.  Paris,  1827  ; 
pndey-Dupré  père  et  (ils.  2  vol.  in- 8°  avec  texte  en  regard; 

ix  j  1  5  fr.;  2  vol.  in- 18  sans  texte  ;  prix,  9  fr. 

91.  —  *  Amours  mythologiques ,  du  môme  auteur.  Troisième 
Jition,  contenant  plusieurs  fables  nouvelles.  Paris,  1827  ;  Don- 
py-Dupré.  In-18;  prix,  4  fr.  5o  c. 

tTNous  avons  été  des  premiers  à  faire  connaître  au  public  la 
•lie  traduction  de  Lucrèce  (voy.  Rev.  Enc.  ,  t.  xx,  p.  400,  et 

xxi,  p.  io3).  Depuis  (t.  xxxn,  p.  778),  nous  avons  égale- 
.ent  rendu  justice  au  charmant  recueil  des  Amours  mytholo- 
gues. Ces  deux  ouvrages  n'ont  désormais  plus  besoin  de  nos 

>ges  :  ils  sont  en  possession  de  la  faveur  publique,  et  le  nom 
!   M.  de  Pongerville  est  d'ailleurs  aujourd'hui  une  garantie 

flisante  de  talent  et  de  succès.  Bornons-nous  donc  à  annoncer 
i  nouvelles  éditions  que  préparent  MM.  Dondey-Dupré.  Nous 
outerons  seulement  que  l'auteur,  sévère  envers  lui-même, 
•mine  tous  les  grands  écrivains,  a  fait  de  nombreuses  correc- 
(3ns  à  sa  traduction  de  Lucrèce,  et  qu'il  a  à  peu  près  doublé 

n  recueil  des  Amours  mythologiques ,  qui,  entre  autres  fables 


IÇt  LIVRES  FRANÇAIS. 

nouvellement  traduites,  contiendra  les  belles  métamorphose; 
île  Narcisse  et  de  Philomèle.  Ch. 

0/2.  — *  Poésies  européennes  }  par  Léon  Halevy,  auteui 
d'une  Traduction  des  Odes  d'Horace:  Première  livraison.  Paris, 
1827.  Delaforest,  rue  des  Filles-Saint-Thomas,  n°  7.  Iu-8*; 
prix  ,  3  fr. 

Les  mœurs,  les  préjugés,  le  langage  même  des  peuples  foni 
éprouver  des  modifications  sensibles  aux  productions  des  an 
et  de  la  littérature.  Doués  d'un  génie  et  d'un  talent  absolumen 
identiques  ,  deux  écrivains  nés  à  la  même  époque  ,  dans  de: 
nations  différentes,  donneront  à  l'ensemble  et  aux  détails  d< 
leurs  compositions  des  nuances  très  opposées;  ces  nuances  d< 
la  pensée  doivent  être  les  objets  de  notre  méditation  ;  c'est  ai 
moment  où  le  champ  de  la  littérature  est  en  quelque  sorl< 
épuisé,  qu'il  faut  explorer  attentivement  les  lieux  où  l'on  peu 
cueillir  encore  quelques  fleurs  nouvelles.  Cette  idée  a  san 
doute  porté  M.  Léon  Halevy  à  traduire  les  diverses  produc- 
tions des  littérateurs  étrangers.  Les  morceaux  qui  composen 
la  livraison  que  nous  annonçons  sont  presque  tous  inconnus 
et  dus  à  des  auteurs  contemporains.  Les  poésies  populaires 
qui  offrent  un  caractère  d'originalité  et.  de  nationalité,  ont  fix< 
le  choix  et  la  préférence  de  l'auteur.  Ce  recueil  ,  comme  il  \\ 
dit  très-bien  lui-même  ,  présentera  une  espèce  de  panoram; 
du  génie  poétique  des  nations  de  l'Europe.  Le  succès  de  cett< 
heureuse  entreprise  ne  pouvait  être  douteux  ,  sous  les  auspice: 
du  jeune  et  laborieux  écrivain  qui,  dès  son  début,  s'est  plac< 
si  haut  dans  noire  littérature.  Doué  d'une  érudition  profonde 
d'une  grande  vivacité  d'imagination,  d'un  goût  sûr  ,  et  d'ui 
talent  couple  et  varié,  M.  Léon  Halevy  réussit  également  dan 
les  sujets  les  plus  opposés.  C'est  à  lui  qu'il  appartenait  de  non 
faire  connaître  les  richesses  poétiques  de  l'Europe;  cette  ire 
portation  littéraire  lui  mérite  à  la  fois  la  reconnaissance  de 
amis  des  muses  excelle  des  auteurs  étrangers  dont  il  se  montr< 
l'habile  interprète.  Celui  qui  a  lutté  victorieusement  avec  Ho 
race  ne  doit  craindre  aucun  combat.  En  ne  publiant  ce  re 
cueil  que  par  livraisons  ,  l'auteur  semble  avoir  voulu  pressenti 
le  goût  public  ;  cet  acte  de  modestie  ajoute  à  l'estime  qui  lu 
est  due,  et  fait  désirer  vivement  la  continuation  de  son  travail 
La  variété  des  pièces  traduites  par  M.  Halevy  leur  donne  111 
nouvel  intérêt.  On  aime  à  passer  de  la  lecture  d'un  Fabliai 
germain  à  une  Idylle  italienne ,  de  la  Cantate  d'un  Grec  mo- 
derne à  Y  Elégie  d'un  Russe  ou  d'un  Suédois.  M.  Halevy,  qu 
a  donné  tant  de  preuves  de  son  talent  élégiaque,  a  traduit  i.ix 
pièce  de  Michel  Ange,  où  règne  une  touchante  sensibilité  ;  nou 


LITTÉRATURE.  rg$ 

citons  avec  plaisir  la  pooaU:  de  ce  mi.»-,  si  terrible  et  si  fier, 
quand  il  anime  la  toile,  et  si  tendre  el  ii  passionné,  quand  il 
soupire  avec  la  muse  de  l'élégie. 

A  MON  AMIE, 

Trs  yeux ,  tout  i..\  onnam  d'une  < •«  Kst<-  flamme  , 

A  nies  regarda  voilés  montrent  un  nom  eau  jour. 

Seule  lu  lais  ma  (orée  et  tu  soutiens  mon  Ame  , 

Qui  chancelle  et  faiblil  sous  te  poids  de  l'amour. 

Je  n'ai  plus  de  désir,  de  -\ccu  qui  m'appartienne  ; 
Tu  poi  tes  dans  ton  sein  ma  joie  ou  ma  douleur. 
C'est  dans  ta  volonté  (pie  je  puise  la  mienne  : 
1  e  siège  de  ma  vie  est  passé  dans  ton  cœur. 

Je  ressemble  ,  ô  mou  ange  ,  à  l'astre  solitaire 
Qui  doit  au  roi  du  joui-  sa  timide  clarté. 
Comme  lui ,  sans  chaleur,  incomplet  sur  la  terre, 
Je  ne  réfléchis  plus  qu'un  éclat  emprunté. 

de  P***. 

<)■}.  —  tissais  portiques  :  Trois  Napoléonides  ;  par  J.  -  J .  Lk- 
ti  ugent  des  Vosges.  Paris,  1827  ;  les  libraires  du  Palais  - 
Royal.  In-8°  de  3i  pages;  prix,  2  fr. 

L'auteur  de  ces  Essais,  séduit  sans  doute  par  le  jargon  à  la 
mode,  a  cru  devoir,  pour  célébrer  dignement  son  héros,  accu- 
muler les  épithètes  emphatiques  et  les  hémistiches  ronflans. 
Lorsqu'il  aura  appris  à  s'exprimer  d'une  manière  claire,  simple 
et  correcte,  il  aura  fait  de  grands  progrés  dans  l'art  d'écrire. 

çi/j.  —  L'industrie  française  t  poésie  à  l'occasion  de  l'exposi- 
tion de  1 8  a  7  ;  par  Jouvet  Desmarasd.  Paris,  1827;  F.  Didot; 
Ladvocat.  ïn-8°  de  8  pages;  prix,  1  fr. 

S  il  est  vrai  que  dans  l'art  des  vers 

«  Il  n'est  point  de  degré  du  médiocre  au  pire  ,  » 

il  y  a  peu  d'apparence  que  La  poésie  de  M.  Desmarand  obtienne 
une  médaille  d'encouragement   à  l'exposition  du  Parnasse. 

95.  —  Catiliiia  ,  tragédie  en  cinq  actes,  imitée  de  l'anglais  de 
Bcji  Johnson.  Paris,  1827  ;  les  marchanda  de  nouveautés.  In-8° 
de  88  pages;  prix,  3  fr. 

Il  v  a  dans  cette  tragédie  une  scène  où  Catilina  veut  obli- 
ger ses  complices  à  sceller  leurs  sermens,  en  buvant  dans  une 
coupe  pleine  du  sang  de  Tullie,  tille  de  Oicéronet  femme  de 
Cetlugus,  1  un  d'entre  eux.  ('.'est  là  sans  doute  ce  que  l'auteur 
anonyme  a  imité  de  langlais.  Dans  tout  le  reste  de  sa  pièce  . 
t.  xxxvi. —  Octobre  1827.  i3 


194  LIVRES  FRANÇAIS. 

on  trouve  une  harmonie  parfaite  entre  la  nullité  de  l'action  et 
l'impuissance  th\  style.  Ch. 

()6\  —  Voyage  aux  Alpes  et  en  Italie ,  contenant  la  des- 
cription de  ces  contrées,  avec  des  détails  sur  les  curiosités  na- 
turelles et  industrielles,  les  mœurs  et  coutumes  des  habitans, 
les  ctablissemens  ou  monumens,  les  hommes  célèbres,  etc.; 
par  M.  Albert-Montémont.  Deuxième  édition,  considérable- 
ment augmentée,  ornée  de  3  jolies  gravures  et  d'une  carte  des 
Alpes.  Paris,  1827;  Ch.  Béchet.  3  vol.  in-18;  prix,  10  fr. 

M.  Albert-Montémont  a  consacré  une  partie  de  la  préface 
de  son  Voyage  à  l'énumération  des  auteurs  qui,  avant  lui, 
ont  eu  l'idée  de  marier  la  poésie  à  la  prose,  dans  des  relations 
de  ce  genre;  tels  sont  Chapelle  et  Bachaumont ,  Le  Franc  de 
Pompignan,  Desmahis,  Parny,  Bcrtin,  etc.  Mais  tous  n'avaient 
eu  en  vue  que  d'amuser  leurs  lecteurs  par  le  récit  de  leurs 
courses,  récit  empreint  de  cette  aimable  insouciance  qui  faisait 
le  fond  de  leur  caractère,  comme  elle  était  d'ailleurs  un  trait 
distinctif  de  leur  siècle;  M.  Albert-Montémont  a  voulu  marier 
l'instruction  au  plaisir.  Ses  Lettres  sur  l' Astronomie  lui  avaient 
déjà  valu  une  place  honorable  parmi  les  poètes  et  les  érudits 
de  notre  époque;  sa  réputation  poétique  s'est  accrue  par  la 
publication  des  deux  poèmes  des  Plaisirs  de  la  Mémoire  et  des 
Plaisirs  de  l'Espérance,  traduits  de  l'anglais,  et  l'ouvrage,  dont 
nous  annonçons  la  2e  édition,  augmentera  sa  réputation  scien- 
tifique, sans  nuire  à  l'autre. 

La  première  édition  de  cet  ouvrage  (2  vol.  in -12),  publiée 
en  1821  ,  ayant  déjà  été  annoncée  avec  soin  dans  la  Revue 
Encyclopédique,  (t.  xi,  p.  375-397),  nous  nous  dispenserons 
d'en  reproduire  ici  l'analyse.  Il  nous  suffira  de  signaler  les 
principales  additions  de  cette  seconde  édition,  lesquelles  con- 
sistent en  deux  lettres  :  l'une  sur  Venise  (la  12e  de  l'ouvrage, 
1. 11)  et  l'autre  sur  Chambéry  (la  17e,  t.  m).  L' Histoire  de  la 
république  de  Venise,  par  M.  Daru  ,  a  beaucoup  servi  à  l'auteur 
pour  la  première  de  ces  deux  lettres,  et  il  en  convient.  Nous 
citerons  ce  passage  de  la  page  2i5,  qui  nous  a  paru  renfermer 
un  portrait  concis  et  caractéristique  de  cette  ville  célèbre,  dé- 
chue de  tant  de  grandeurs.  «  Nous  avons  dit  que  ,  depuis  la 
découverte  de  l'Amérique  et  du  passage  aux  Indes ,  Venise  avait 
perdu  le  sceptre  du  commerce;  loin  d'aspirer  à  le  ressaisir  ja- 
mais, le  négociant  vénitien  se  traîne  péniblement  à  la  suite 
des  marchands  de  Trieste,  que  favorise  l'Autriche,  au  préjudice 
de  Venise.  Si  vous  demandez  aux  Vénitiens  quelles  sont  main- 
tenant les  meilleures  branches  de  leur  industrie,  ils  répon- 
dront :  Y  usure,  et  puis  la  contrebande;  l'usure,  parce  que  la 


LITTÉRATURE.  kj5 

misère  est  extrême  ef  < ] 1 1 ^« > l ■  emprunte  il  gTOS  intérêts;  la  con- 
trebande, parée  que  des  régiraens  de  douaniers  dévoreol  le 
pays.)  On  reconnaît  dans  ce  passage  la  touche  de  l'histo- 
rien; en  voici  un ,  sur  le  même  sujet,  où  l*on  trouve  celle  du 
poëte  : 

Ainsi,  L'oiseau  «le  L'Arabie, 

Après  avoir,  dans  La  splendeur, 

Cinq  siècles  promené  sa  vie, 

Meurt ,  et  de  sa  cendre  endormie 

Renaît  éclatant  de  vigueur; 

Ainsi  des  Tuhctains  encore. 

Le  pape,  ayant  nom  grand  Lama  , 

lorsque  la  tombe  le  dévore, 

Plein  du  souffle  qui  l'anima  , 

Revient  sous  les  traits  d'un  jeune  homme 

Commander  au  monde  inconstant, 

Et  rit  de  l'évêque  de  Rome  , 

Qui  ne  saurait  en  faire  autant. 

Cependant,  dirai-je  ici  toute  nia  pensée?  ce  mélange  des 
vers  avec  la  prose  ne  convient:  peut-être  pas  entièrement  dans 
des  ouvrages  où  l'on  traite  de  matières  d'histoire  naturelle,  de 
statistique  ,  de  commerce  et  d'industrie;  la  science  peut  y  nuire 
aux  vers,  et  les  vers  à  la  science,  objet  nécessairement  plus  utile 
que  l'autre  dans  ces  sortes  de  livres.  Ce  n'est  pas  que  les  vers 
n'aient  aussi  leur  utilité  ,*t  je  ne  suis  pointdeceux  qui  deman- 
dent après  la  lecture  d'une  tragédie  :  Qu'est-ce  que  cela  prouve? 
mais  chaque  chose  a  sa  place,  et  je  crois  que  celle  de  la  poésie 
est  spécialement  dans  les  ouvrages  ou  l'on  veut  peindre  les  sen- 
ti mens  et  les  passions.  M.  Albert-Montemont  partage  peut-être 
mon  avis;  mais  il  y  a  si  peu  de  tems  encore  que  le  goût  des 
études  sérieuses  a  commencé  à  se  répandre  parmi  nous ,  que , 
se  défiant  un  peu  de  ses  lecteurs,  il  aura  voulu  faire  comme  le 
médecin  prudent,  et  imbiber  de  miel  les  bords  du  vase. 

E.  Héreau. 

97.  —  *  L'Epicurien y  par  Thomas  Moore;  traduit  en  fran- 
çais par  M.  Ant.-Aug.  Renouard.  Paris,  1827;  Jules  Re- 
nouard.  In- 12  de  x  et  33 1  pages;  prix,  l\  fr. 

Notre  précédent  cahier  contient,  dans  la  section  du  Bulletin 
Bibliographique  (  t.  xxxv,  p.  66/»)  un  compte  rendu  détaillé  de 
la  nouvelle  production  dont  Thomas  Moore  vient  d'enrichir  la 
littérature,  et  où  il  a  mis,  avec  beaucoup  de  bonheur,  les  doc- 
trines de  l'épiai réisme  ,  et  les  mystères  fantasmagoriques  des 
prêtres  égyptiens  en  présence  du  christianisme  naissant.  Au 
lieu  de  reproduire  ici  cet  article  auquel  nos  lectcuis  pour- 
ront facilement  recourir  ,  nous    préférons    faire  connaître  la 

i3. 


ig6  LIVRES  FRANÇAIS. 

courte  et  modeste  dédicace  adressée  à  Thomas  Moore  par  son 
traducteur  anonyme,  qui,  dit-on,  s'est  depuis  long  -  tems  fait 
connaître  par  d'importans  travaux  littéraires  d'un  genre  tout 
différent  de  celui-ci  :  «  Je  vous  rends  ce  charmant  ouvrage  que 
je  tiens  de  Notre  amitié;  mais  je  crains  qu'il  ne  vous  revienne 
peu  reeonnaissable.  Tant  d'éclat  cîans  le  style,  tant  de  finesse 
dans  la  pensée  ,  de  délicatesse  dans  la  peinture  des  sentimens, 
se  seraient  à  peine  retrouvés  sous  la  plume  d'un  traducteur 
beaucoup  plus  exercé  que  moi  :  j'ai  borné  mon  ambition  à  faire 
connaître  aux  lecteurs  français  quelques-uns  des  charmes  d'une 
composition  où,  sous  le  voile  d'une  fiction  gracieuse,  vous  avez 
si  bien  exposé  les  opinions  d'une  des  époques  les  plus  intéres- 
santes pour  l'histoire  de  l'esprit  humain.  »  Nous  n'avons  pas 
sous  les  yeux  l'ouvrage  original;  maii,  à  en  juger  par  la  tra- 
duction, la  gloire,  déjà  si  bien  établie  ,  de  Thomas  Moore  ne 
peut  que  s'accroître  encore  par  cette  publication  nouvelle.    C. 

98.  — *  Romans  historiques  de  Van-der-Velde  ;  11e  et  111e 
livraisons,  contenant  Paul  de  Las  caris  ,  Asmund  Thyrshlin- 
gurson  et  Gunima ,  1  vol.  ;  Christine  et  sa  cour,  1  vol  ;  les 
H  us  sites,  1  vol.;  le  roi  Théodore,  1  vol.;  V  Ambassade  en 
Chine  y  1  vol.;  la  Conquête  du  Mexique  ,  1  vol.  Paris,  1827  ; 
Jules  Renouard.  8  vol.  in- 12  ;  prix  de  chaque  volume,  3  fr. 
vVoy.  Rcv.  Enc,  t.  xxxi ,  p.  777  ,  l'annonce  de  la  première 
livraison.) 

Walter  Scott  ,  à  peu  d'exceptions  près  ,  a  renfermé  la 
scène  de  ses  romans  historiques  dans  les  limites  de  la  Grande- 
Bretagne;  Cooper  a  rarement  transporté  ses  héros  au  delà  des 
frontières  des  États-Unis  ,  ou  des  bornes  de  l'Océan  atlan- 
tique :  Van-der-Velde  ,  au  contraire ,  est  un  véritable  ro- 
mancier cosmopolite.  Il  fait  voyager  ses  lecteurs  de  la  Bohème 
au  Mexique ,  de  l'Islande  à  l'île  de  Malte  ,  de  la  Chine  à  la 
Suède  ,  du  cap  de  Bonne-Espérance  à  la  Corse.  Mais,  ce  que 
ses  romans  y  gagnent  sous  le  rapport  de  la  variété  ,  ne  le 
perdent-ils  pas  en  vérité  locale  ?  Comment  peindre  ,  avec  les 
couleurs  de  la  réalité  ,  des  pays  et  des  sites,  des  mœurs  et  des 
usages,  que  l'on  connaît  tout  au  plus  par  les  récits  souvent 
contradictoires  de  voyageurs  prévenus  ou  ignorans  ?  Aussi , 
ne  doit-on  pas  s'attendre  à  retrouver,  dans  les  œuvres  du 
romancier  allemand,  ces  descriptions  pittoresques  qui  prêtent 
tant  de  charme  aux  récits  du  chroniqueur  écossais  et  à  ceux 
du  peintre  habile  qui  le  premier  nous  a  fait  connaître,  sous 
leur  véritable  aspect ,  les  immenses  solitudes  du  Nouveau- 
Monde. 

Van-der-Velde  diffère  encore  de  son  modèle  par  retendue 


LITTÉRATURE.  lo} 

«le  ses  ouvrages.  On  accuse  Walter  Scott  de  délayer  immo- 
dérément ses  récits  1  de  les  Allonger  par  des  dialogues  inter 
minables,  où  trop  souvent  il  sacrifie  au  mauvais  g<>nt  :  on 
rencontre  peu  de  Longueurs  dans  les  romans  allemands;  mais 
on  regretta  souvenl  de  ne  pas  y  trouver  asset  de  dévelop- 
pcmens.  L'intrigue  y  esl  indiquée  seulemenl  ;  les  situations  et 
les  caractères  souvenl  conçus  avec  énergie  n'v  sont  guère 
qu'ébauchés;  ce  sont  des  canevas,  des  esquisses,  auxquels  le 
peintre  n'a  pas  eu  le  tems  de  donner  Les  derniers  coups  de 

pinceau  ;    il    laisse   à    l'imagination    des    lecteurs  le  soin    d'en 
remplir  les  lacunes. 

Parmi  les  romans  contenus  dans  les  deux  nouvelles  livrai- 
sons de  Yan-dcr-Vcide ,  nous  donnerions  la  préférence  à 
celui  où  il  retrace  presque  tonte  l'histoire  de  Christine  ,  re- 
présentée d'abord  an  milieu  des  fêtes  de  sa  cour  de  Stock- 
holm, puis  à  Rome,  à  Paris  et  à  Fontainebleau,  enfin,  à 
Hambourg;  entourée  de  savans  illustres  et  de  courtisans  fri- 
voles ,  d'amis  francs  et  dévoués,  et  d'intrigans  qui  ne  cherchent 
qu'à  disposer  des  travers  de  son  caractère  au  profit  de  leur 
misérable  ambition  ou  de  leurs  vils  intérêts. 

Dans  les  Hussites ,  placés  sur  les  frontières  de  la  Bohème 
et  de  la  Silésie  ,  nous  trouvons  un  pendant  agréable  au  char- 
mant ouvrage  dans  lequel  Van-der-Velde  avait  déjà  retracé 
quelques  circonstances  des  dissensions  intestines  qui  ont  troublé 
ce  dernier  pays  (le  roman  des  Patriciens  qui  fait  partie  de  la 
première  livraison).  L' Ambassade  en  Chine  ,  la  Conauete  du 
M  .rifjue ,  et  le  roi  Théodore  ,  sont  trois  récits  empruntés  à 
l'histoire,  quant  aux  faits  principaux  ,  mais  embarassés  d'épi- 
sodes romanesques ,  qui  manquent  souvent  d'intérêt  et  de 
vraisemblance.  En  général,  Van-der-Velde  usurpe  maladroi- 
tement, dans  ses  ouvrages,  les  fonctions  de  l'historien;  il 
donne  trop  de  place  aux  événemens  réels  et  connus  ,  et  divise 
ainsi  l'intérêt,  en  l'appelant  d'un  côté,  sur  les  faits  histo- 
riques qu'il  ne  lui  est  point  permis  de  présenter  sous  les  formes 
sévères ,  ni  dans  l'ensemble  et  avec  l'enchaînement  qui  leur 
conviennent  ;  de  l'autre  ,  sur  des  fictions  dont  le  charme  s'éva- 
nouit et  qui  paraissent  mesquines  auprès  de  la  grandeur  impo- 
sante de  l'histoire. 

Le  sujet  de  Paul  Lascaris  ,  ou  le  Chevalier  de  Malte  ,  était 
plus  propre  à  servir  de  malien?  pour  un  roman  ;  aussi,  avons- 
nous  lu  cette  nouvelle  avec  plus  de  plaisir  que  les  trois  pré- 
cédentes. Asmund  Thyrsklingurson  est  un  amoureux  islandais 
qui  ressemble  à  ces  amoureux  français  ou  anglais  ,  espagnols 
eu  allemands,  que  les  romanciers  semblent   avoir  tailles  tous 


ii)8  LIVRES  FRANÇAIS. 

sur  le  mémo  patron  ;  et  malheureusement ,  la  description  ù*e 
sa  patrie ,  si  curieuse  sous  tant  de  rapports,  n'offre  guère  plus 
d'originalité  que  la  peinture  de  ses  sentimens  et  de  son  héroïsme. 
Gunitna  ,  par  contre,  est  une  nouvelle  agréable,  remplie  de 
grâce  et  d'intérêt:  c'est  une  seconde  Ourika ,  mais  dont  l'amour, 
quoi'qu'cn  puissent  mu  rmurer  les  préjugés  des  belles  européennes, 
est  récompensé  par  l'affection  et  la  main  d'un  blanc  ,  ni  moins 
riche  ,  ni  moins  aimable  que  l'orgueilleux  amant  de  l'infortunée 
esclave  dont  M,ne  de  Duras  a  raconté  les  malheurs. 

Sans  doute  il  est  inutile  de  renouveler  ici  les  éloges  que 
nous  avons  déjà  donnés  à  la  traduction  toujours  élégante  et 
fidèle  de  M.  Loëve  Weimar.  Quatre  volumes  encore,  et  la  col- 
lection des  œuvres  de  Van-der-Velde  sera  complétée,  et  pourra 
figurer,  grâces  à  ses  soins,  dans  toutes  les  bibliothèques,  auprès 
des  œuvres  de  Cooper  et  de  Walter  Scott.  A. 

99. — *  Robert  et  Léontine,  histoire  du  xvie  siècle  ;  par  J.-C.-F . 
de  Ladoucette,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes  et  litté- 
raires. Paris,  1827;  Lugan ,  passage  du  Caire,  n°  121.  3  vol. 
in- 12  ornés  du  plan  du  siège  de  Metz ,  de  deux  airs  notés  et  de 
figures;  prix,  9  fr. 

Tracer  le  tableau  des  mœurs  et  des  usages  qui  régnaient  sur 
les  bords  delà  Moselle  au  xvie  siècle;  raconter  les  événemens 
les  plus  remarquables  qui  s'y  sont  passés  à  cette  époque  ;  don- 
ner une  description  exacte  des  monumens  qui  décoraient 
cette  région;  conserver  la  mémoire  d'une  foule  de  locutions 
qui  lui  étaient  particulières,  et  de  proverbes  indigènes  que  le 
tems  avait  consacrés,  mais  dont  chaque  instant  voit  disparaître 
la  trace;  et  cependant,  prévenir  l'ennui  que  produisent  ordi- 
nairement les  ouvrages  de  pure  érudition,  quand  elle  n'est  pas 
fondue  avec  assez  d'art  ou  relevée  par  l'élégance  du  style; 
écarter  le  dégoût  qu'éprouvent  les  gens  du  monde  à  la  simple 
annonce  d'un  livre  qui  traite  des  antiquités,  tout  cela  parais- 
sait extrêmement  difficile;  il  n'y  avait  que  la  manière  de  Fon- 
tenelle  ou  celle  de  Walter  Scott  qui  pût  aplanir  la  diffi- 
culté et  répandre  de  l'agrément  et  du  charme  sur  des  matières 
arides,  et  qui  en  sont  si  peu  susceptibles.  M.  de  Ladoucette  a 
choisi  la  dernière,  comme  plus  appropriée  aux  circonstances, 
et  le  succès  a  justifié  son  choix.  L'histoire  de  Robert  et  Léon- 
tine ,  personnages  réels  ou  fictifs  du  xviesiècle,  est  le  cadre  dans 
lequel  il  enchâsse,  les  notions  dont  il  a  voulu  nous  faire  part 
sur  un  pays  qu'il  avoue  lui  être  cher  à  tant  de  titres,  et  qui 
inspire  le  plus  vif  intérêt,  même  à  ceux  qui  ue  sont  pas  nés 
sur  les  bords  de  la  Moselle. 

L'érudition    marche   en   première  ligne  dans  l'ouvrage  de 


LITTÉRATURE.  iqo. 

M.  de  Ladoucette,  c'est  même  l'objet  essentiel  qu'il  l'es!  pro- 
posé; mais  elle  11  v  est  jamais  déplacée  <>u  fastidieuse,  bien 
qu'elle  y  soit,  pour  ainsi  dire ,  semée  à  pleines  mains,  tant  le 
développement  et  la  gradation  en  sont  habilement  calculés  et  sa- 
gemenî  ménagés.  Quand  <>n  a  lu  Robert  et  Léontine,  ou  n'a  que 

faire  de  se  demander  si  l'auteur  a  parcouru  de  nombreux  can- 
tons ,  feuilleté  des  archives,  consulté  des  traditions,  interrogé 
des  souvenirs,  et  obtenu  des  renseignemens  positifs  et  précieux. 

Dans  cette  foule  de  choses  remarquables  dont  est  rempli 
l'ouvrage  de  i\I.  de  Ladoucette,  on  distingue  eneoi  e  des  détails 
curieux  sur  les  Bohémiens,  sur  la  constitution  et  les  usages  de 
la  république  de  Metz,  les  Trimazaux,  le  dragon  ailé,  l'état 
tic  l'architecture  au  moyen  âge,  la  société  des  Sans- Vert ,1e 
tribunal  de  l'inquisition  à  la  naissance  de  la  réforme,  l'esprit  du 
clergé  catholique  et  des  premiers  réformateurs,  la  cour  de 
Henri  II,  et  V  ordre  des  Menteurs,  dont  il  n'est  fait  mention 
nulle  autre  part  que  je  sache.  Si  l'on  me  demande  ce  qu'était 
Ml  ordre,  je  citerai  les  paroles  de  M.  de  Ladoucette:  «Le 
jour  de  réception  ,  les  chevaliers  attachent  par  la  bandoulière 
leurs  fusils  à  des  anneaux  enfoncés  dans  le  chêne  des  Menteurs  ; 
leur  président  siège  sur  une  borne  ,  et  devant  lui  le  candidat, 
à  genoux ,  jure  de  ne  jamais  dire  la  vérité  en  fait  de  chasse.-» 
Faites  bien  attention  à  la  valeur  des  termes.  Le  chevalier  jure 
de  ne  jamais  dire  la  vérité  en  fait  de  chasse  seulement.  La  pré- 
cision est  ici  de  toute  nécessité.  On  lit  cette  note  au  bas  de  la 
page  :  «  Il  existe  encore  des  diplômes  de  cette  association,  qui 
parait  remonter  au  xve  siècle.  » 

Puisque  nous  sommes  en  train  de  répondre  aux  questions, 
hâtons-nous  de  contenter  la  curiosité  de  ceux  qui,  étrangers  a 
la  Lorraine,  n'ont  aucune  notion  sur  les  Trimazaux.  On  voit, 
dans  l'histoire  de  Robert  et  Léontine,  que  les  Trimazaux  sont, 
des  réunions  où  l'on  célèbre  la  fête  des  trois  maires;  que  Tri- 
mazaux, autrefois  Tri.maizaux ,  vient  probablement  d'une 
abréviation  de  tribus  mairis ,  aux  trois  maires.  On  y  voit,  un 
peu  plus  loin,  trois  couplets  composés  et  chantés,  un  jour  de 
trimazau,  par  Julienne  en  l'honneur  de  Gaspard  de  Heu,  a 
qui  elle  ne  tarda  pas  d'être  unie  par  les  liens  les  plus  doux. 
Nous  cédons  à  la  tentation  de  transcrire  les  deux  premiers. 

Venez ,  d'un  chant  aimable  et  gai , 
Célébrer  le  beau  mois  de  mai. 

Les  plaisirs  purs  et  tranquilles 

Sont  inconnus  dans  les  villes  ; 
Parmi  les  grands  , 

I  'art  remplace  la  nature  ; 


LIVRES  FRANÇAIS 

On  se  trompe  ,  on  se  parjure  : 

Ah  ,  vivent  nos  champs  ! 

Gentils  couplets  des  Trimazaux  , 
El  doux  concerts  de  mille  oiseaux  ; 
L'eau  qui  serpente  et  murmure  , 
Des  prés  les  fleurs ,  la  verdure , 

L'éclat  du  jour, 
Et  des  nymphes  bocagères 
Les  jeux,  les  danses  légères, 
Inspirent  l'amour... 

Passons  maintenant  à  V histoire  qui  sert  de  broderie  aux  re- 
cherches scientifiques  et  monumentales  de  M.  de  Ladoucette. 
La  plupart  des  personnages  qui  y  jouent  un  rôle  important 
ont  réellement  existé;  mais  ils  agissent  quand  il  plaît  et  comme 
il  plaît  à  celui  qui  les  a  mis  en  scène.  Toutefois,  ils  conservent 
le  caractère  que  les  annalistes  et   les  auteurs  contemporains 
leur  ont  attribué,  le  caractère  que  chacun  leur  connaît.  Ainsi , 
Charles-Quint,  Henri  II,  Catherine  de  Médicis,  la  duchesse 
de  Valentinois,  les  ducs  de  Guise  et  d'Aumale,  Gaspard  de 
Heu,  Jacques  de  Gournay,  Rabelais  et  autres  ne  perdent  rien 
de  leurs  qualités  et  de  leurs  vices;  ils  se  montrent  tels  qu'ils 
doivent  être.  Le  caractère  de  chaque  personnage  fictif  ou  ro- 
mantique est  également  bien  dessiné,  bien  observé.  On  éprouve 
du  respect  pour  l'archevêque  de  Trêves ,  qui  sait  récompenser 
la  vertu  et  la  rendre  aimable;  qui  tient  le  langage  de  Fénélon 
dans  un  siècle  barbare  :  «  Le  Dieu  que  nous  adorons,  dit-il, 
est  un  Dieu  de  paix  et  de  miséricorde  ;  éloignons  de  nous  le 
fanatisme  qui  en  fait  l'instrument  de  ses  vengeances.  Les  mau- 
vais prêtres  sont  les  plus  cruels  ennemis  de  notre  sainte   reli- 
gion. »  On  déteste  l'hypocrite  Léonard,  ce  vil  artisan  de  fraudes 
et  d'injustices;  et  l'infâme  Thiébault,  plus  pervers,  plus  dan- 
gereux que  Lovelace.  On  s'intéresse  à  l'infatigable  Polgar,  à  la 
bonne  Lisbeth ,  qu'on  retrouve  toutes  les  fois  qu'il  y  a  du  bien 
à  faire.  Ajoutons  à  ce  court  exposé  que  le  style  de  Robert  et 
Léontine  est  ordinairement  pur,  et  que  les  situations  sont  très- 
attachantes.  J.  L. 

Beaux-  Arts, 

100.  —  *  Architecture  moderne  de  la  Sicile ,  ou  Recueil  des 
plus  beaux  monumens  religieux ,  et  des  édifices  publics  et  par- 
ticuliers les  plus  remarquables  des  principales  villes  de  la  Sicile, 
mesurés  et  dessinés  par  /.  Hittorff  et  L.  Zanth  ,  architectes. 
L'ouvrage  entier  se  composera  de  dix-huit  livraisons ,  format 
grand-in-folio,  contenant  chacune  quatre  planches  gravées  au 


BEAI  x  Ain  s.  101 

Irait.  I  h  texte  explicatif  ei  historique  sera  remis  gratis  aux 
louscripteurs ,  avec  la  dernière.  Paris,  1836-1827;  .Iules  Re 

Douard.  Pria  de  la  livraison,  .">  IV.  sur  papier  colombier  fin  ; 
10  fr.  sur  colombier  vélin  ou  papier  de  Hollande  propre  au 

lavis. 

101. — *  Architecture  antique  de  la  Sicilefou  Recueil  des  plus 
întéressans  monumens  d'architecture  des  villes  el  des  lieux  l< 

plus  remarquables  de    la  Sicile  ancienne,    mesures  et.  dessinés 

par  1.1s  Mioir.s.  Trente  livraisons,  format  grand  in-folio,  com 

poses  ,  chacune,  de  six  planches  dont  plusieurs  seront  colorié)  - 
Un  volume  de  texte  sera  remis  gratis  aux  souscripteurs,  à  la 
lin  de  l'ouvrage.  Prix  de  la  livraison,  10  fr.  sur  papier  colom- 
bier fin;  20  fr.  sur  colombier  vélin,  et  25  fr.  sur  colombier  vélin, 
|vec  les  planches  sur  papier  de  Chine. 

Lorsque  j'ai  annoncé  les  cinq  premières  livraisons  de  X Ar- 
chitecture moderne  de  la  Sicile  (voy.  Bev.  Eric,  t.  xxxm  ,  p. 
ttv.S  ),j*ai  dit  que  M.  IIittori  f  avait  fait  deux  j)arts  des  ri- 
chesses qu'il  avait  acquis<  s  dans  son  voyage,  et  qu'il  ne  tarde- 
rait pas  à  publier  X Architecture  antique.  En  effet,  il  a  déjà 
paru  quatre  livraisons  de  cette  dernière  collection  ;  ce  qui  n'a 
pas  empêché  la  première  de  s'accroître  de  six  livraisons  nou- 
velles. Parmi  les  planches  que  ces  dernières  contiennent, j'ai 
distingué,  entre  autres,  celles  qui  représentent:  Trois  Fon- 
taines à  Messine ,  dont  l'une  a  été  élevée  sous  le  règne  de 
Charles-Quint  ;  un  charmant  Casin  ,  sur  la  route  de  Messine  à 
Catane,  où  la  vigueur  et  la  grâce  de  la  végétation  s'unissent  à 
l'habileté  des  dispositions  architecturales  pour  braver  l'ardeur 
du  soleil  et  faire  de  ce  lieu  un  séjour  enchanteur;  le  Palais  ha- 
bite par  le  consul  de  France  à  Païenne ,  dans  la  construction 
duquel  l'architecte  a  su  vaincre,  avec  bonheur,  les  difficultés 
que  lui  présentait  l'irrégularité  du  terrain  ;un  Couvent  de  béné- 
dictins à  Catane  ,  monument  somptueux  et  immense  ,  dont  la 
le,  qui  forme  le  plus  petit  côté,  a  258  mètres  de  dévelop- 
pement; enfin,  comme  détails  qui  sont  d'un  grand  intérêt  poul- 
ies architectes  et  pour  ceux  qui  étudient  l'histoire  de  l'art, 
deux  Portes  de  la  cathédrale  de  Catane. 

Les  quatre  livraisons  de  V Architecture  antique  font  con- 
naître les  ruines  de  Segeste  ou  d'Egeste  et  de  Selinunte ,  villes 
qui  ont  entièrement  disparu,  et  qui  sont  placées  à  l'extrémité 
de  la  Sicile,  l'une  sur  la  côte  occidentale  et  l'autre  sur  la  côte 
orientale.  Il  existait  sur  celte  dernière  côte  une  \  illc  de  Selinus, 
fondée  par  Syracuse;  cette  ville  était  auprès  du  Meuve  nommé 
Hypsa  ;  en  suivant  le  littoral,  et  en  se  rapprochant  d'Agrigen- 
tum,  on  trouvait  ce  que  Danville  appelle  Therm*  Sklinuitti  ■> 


202  LIVRES  FRANÇAIS. 

Il  parait  que  c'est  à  la  ville  de  Selinus  que  M.  Hittorff  donne 
le  nom  de  Selinuntc;  il  a  sans  doute  ses  raisons  qu'il  déve- 
loppera dans  le  texte  promis;  il  faut  donc  attendre.  Au  reste, 
il  a  joint  à  chaque  livraison  une  notice  sommaire  des  planches 
pour  en  faire  connaître  l'objet.  Ces  planches  contiennent  des 
Temples ,  un  Théâtre,  ries  Restaurations  ,  fruits  d'études  faites 
sur  les  lieux;  un  Plan  et  une  Vue  des  ruines  de  Selinunte ,  etc. 
Plusieurs  parties  de  ces  planches  sont  coloriées.  Telles  sontrA\ç 
Métopes  en  terre  cuite  de  l'un  des  temples  de  Selinunte.  Les  dé- 
tails que  l'on  doit  s'attendre  à  trouver  dans  le  texte  ne  peu- 
vent manquer  d'exciter  une  vive  curiosité.  La  sculpture  de  ces 
métopes  est,  comme  sujet  et  comme  caractère ,  fort  extraor- 
dinaire; elle  me  semble  offrir  quelque  analogie  avec  ce  que 
l'on  appelle  la  sculpture  cginétique  ;  mais  je  ne  donne  cette  idée 
que  comme  une  présomption. 

Les  deux  collections  que  j'annonce ,  et  dont  je  continuerai 
à  entretenir  les  lecteurs  de  la  Revue,  peuvent  être  acquises  sé- 
parément; elles  ont  un  intérêt  distinct  :  mais  le  rapprochement 
de  ces  deux  collections  est  déjà  une  étude ,  et  une  étude  fruc- 
tueuse, qui  fournit  le  moyen  de  reconnaître  ce  que  l'art  mo- 
derne a  emprunté  à  l'art  antique;  donc  je  ne  doute  pas  que  cette 
considération  ne  détermine  les  souscripteurs  à  ne  point  sépa- 
rer deux  ouvrages  exécutés  l'un  et  l'autre,  avec  une  conscience 
et  un  talent  qui  en  assurent  le  succès.  P.  A. 

102.  —  *  Choix  des  plus  belles  fleurs  prises  dans  différentes 
familles  du  règne  végétal,  et  de  quelques  branches  des  plus 
beaux  fruits  y  groupées  quelquefois,  et  souvent  animées  par  des 
insectes  et  des  papillons;  gravées,  imprimées  en  couleur  et 
retouchées  au  pinceau  avec  un  soin  qui  doit  répondre  de  leur 
perfection;  dédié  à  LL.  AA.  RR.  les  princesses  Louise  et  Marie 
d'Orléans  ;  par  P.  J.  Redouté  ,  peintre  et  professeur  d'icono- 
graphie au  Musée  d'histoire  naturelle.  ire,  2e  et  3e  livraisons. 
Paris,  1827;  l'auteur,  rue  de  Seine,  n°  6;  Panckoucke,  rue 
des  Poitevins,  n°  i4-  3  cahiers  in-40,  contenant  chacun  4 
planches  ;  prix  du  cahier,  12  francs. 

Le  nom  de  M.  Redouté  est  connu  de  toute  l'Europe  où  sa 
belle  Collection  des  roses  {Yoy.  Rev.  Enc,  t.  xxxn ,  p.  789  ) 
a  obtenu  depuis  longtems  une  place  dans  les  bibliothèques  des 
botanistes,  et  dans  celles  des  amis  des  arts  et  des  fleurs.  Il 
leur  offre  aujourd'hui  une  nouvelle  suite  de  dessins  fidèlement 
tracés  d'après  la  nature  même,  et  distribués  avec  ce  goût  par-- 
fait  qui  a  toujours  assuré  le  succès  des  compositions  de  l'habile 
professeur.  Dans  un  court  avertissement,  M.  Redouté  expose 
les  avantages  de  l'iconographie  végétale,  et  en  particulier  des 


BEA.1  \    VKJ'.S.  io3 

collections  de  figures  qu'il  a  publiées  :  il  les  a  destinées  non- 
seulemenl  aux  botanistes  pour  lesquels  «  Iles  peuvent  quelquefois 
suppléer  aux  herbiers  ,  mais  aux  manufacturiers  pour  qui  elles 
sont  un  \asie  répertoire  de  modèles  propres  à  embellir  les 

plus   ricins    produits    de    leur    industrie;   aux    artistes   et   aux 

(hommes  du  inonde,  qui  peuvent  v  trouver,  les  premiers  un 
guide  pour  leurs  travaux,  les  seconds  un  agréable  délassement. 
Dans  les  trois  cahiers  (pie  nous  avons  sous  les  yeux,  paraissent 
tour  a  tour  l'anémone  simple  aux  feuilles  routes  ou  blanches 
ou  violettes,  le  pois  de  senteur,  la  tulipe  de  Gcssner,  le  jas- 
min d'Espagne  ,  les  narcisses  doubles,  l'iris  xiphium,  les 
oreilles  d'ours,  la  pensée,  l'œillet  panaché  ,  les  narcisses  à  plu- 
sieurs fleurs,  la  giroflée  jaune  et  la  tulipe  cultivée,  dont  la 
tétc  magnifique  est  parée  des  plus  éclatantes  couleurs.  Voilà  de 
quoi  former  dans  nos  salons,  pendant  les  longs  mois  de  l'hiver, 
le  parterre;  le  plus  varié,  le  plus  brillant  et  le  plus  propre  à  nous 
rappeler  les  richesses  et  les  charmes  du  printems.  et. 

io3.  — *  Cantiques  religieux  et  moraux ,  mis  en  musique  à 
trois  parties,  avec  basse  continue  ad  libitum;  par  /.  Adrien 
Lafasge.  Quatrième  et  cinquième  livraisons,  nos  xxn  à  xxxiv. 
Paris,  1827;  l'auteur,  rue  du  faubourg  Saint-Martin,  n°  114  ; 
Paul,  éditeur  de  musique,  galerie  de  l'Odéon  ,  n°  il\.  Deux 
cahiers  in- 12,  formant  56  pages;  prix  de  la  livraison,  /t  fr.  5o  c. 
(  Voy.  Rcv.  Eue. y  t.  xxxv,  p.  207). 

Nous  recommandons  de  nouveau  à  l'attention  des  chefs  d'ins- 
titution et  des  directeurs  des  collèges  ce  recueil ,  intéressant 
par  le  nombre,  la  variété  et  la  composition  des  morceaux.  Cinq 
livraisons,  publiées  en  moins  de  dix  mois,  nous  garantissent 
l'exactitude  de  l'éditeur  pour  la  sixième  et  dernière  livraison, 
qui  doit  paraître  avant  la  fin  de  cette  année;  ainsi  se  com- 
plétera un  ouvrage  dont  l'utilité  sera  désormais  incontestable. 
Nous  aurons,  lorsque  cette  dernière  livraison  paraîtra,  l'occa- 
sion démettre  quelques  idées  sur  les  recueils  de  chant  à  l'usage 
de  la  jeunesse,  et  de  montrer  que  les  cantiques  religieux  et 
moraux  réunissent  les  qualités  propres  à  en  assurer  le  succès. 
Nous  parlerons  seulement  aujourd'hui  des  morceaux  contenus 
dans  les  deux  livraisons  que  nous  avons  annoncées.  Ils  sont  au 
nombre  de  treize,  dont  quatre  sont  faits  sur  des  paroles  la- 
tines; savoir,  une  antienne,  O  Pastor  Israël;  un  Domine 
salvumfac  régent;  un  Veni  Creator,  et  un  verset  du  psaume 
Non  nobis ,  Domine,  non  nobis  ,  arrangé  en  canon  à  l'unis- 
son et  à  l'octave,  à  quatre  parties.  Le  Domine  et  le  Veni  Creator 
surtout  sont  d'un  bel  effet  quand  ils  sont  chantés  par  un  assez 
grand  nombre  de  voix.  Parmi  les  chants  faits  sur  des  paroles 


,  LIVRES  FRANÇAIS. 

françaises ,  nous  avons  distingué  un  petit  air  fort  gracieux 
sur  les  mots  Travaillez  à  votre  salut;  i\n  chant  vif  et  mar- 
tial sur  ces  paroles  de  M.  de  Jussieu  :  Courage,  amis,  cou- 
rage, déjà  insérées  dans  l'utile  recueil  de  M.  Amoros;  et  sur- 
tour li'  n°  28  ,  intitulé  V Occasion  perdue  ,  où  des  idées  douces 
et  mélancoliques  sont  représentées  par  des  sons  plus  doux 
encore:  JJ.  J. 

Mémoires  et  Rapports  de  Sociétés  savantes. 

io4<  —  *  Société  philantropicpie.  —  Rapports  et  Comptes  ren- 
dus pour  l'année  1826,  lus  dans  l'assemblée  générale  du  2  juin 
1827.  Paris,  1827;  M.  Baron,  trésorier  de  la  Société,  rue  de 
Paradis,  à  l'administration  du  Mont  -  de  -  Piété.  In-8°  devin 
et  238  pages;  prix ,  2  îr.  (  Voy.  Rcv.  Eue.  ,  t.  xxm,  p.  470, 
t.  xxvii,  p.  881-930,  t.  xxxii,  p   202  ). 

Cet  ouvrage  offre  une  lecture  ti  es- intéressante  pour  l'homme 
qui  s'occupe  du  bien-  être  des  classes  peu  fortunées,  et  il  con- 
tient des  faits  qu'il  est  doux  et  consolant  de  rendre  publics. 
Fondée  an  mois  de  brumaire  an  ix  (  1801  ) ,  la  Société  philan- 
tropique,  qui  compte  parmi  ses  membres  tout  ce  que  la  ca- 
pitale de  la  France  renferme  de  noms  recommandabîcs  et  d'il- 
lustrations diverses,  a  répandu,  chaque  année,  de  nombreux 
bienfaits.  Le  total  de  ss?s  dépenses,  depuis  sa  fondation  jusques 
et  compris  1826,  s'élève  à  2,827,239  fr.  82  c.  L'année  1812 
est  l'époque  où  elles  furent  le  plus  considérables  ;  elles  s'éle- 
vèrent alors  à  446,080  fr.  90  c.  Les  autres  années  dans  les- 
quelles ces  dépenses  atteignirent  un  taux  élevé  sont  :  l'an  x, 
i8i3,  181/4,  1816,  1817,  1818,  1819  et  1822:  celles  où  la 
dépense  fut  moins  forte  sont  l'anix,  xi,  xii,xm,  1806,  1807  , 
1808,  1809,  1810,  181 1,  181 5,  1823,  1826.  Nous  laissons  cà 
nos  lecteurs  le  soin  de  tirer  de  ces  faits  les  conséquences  qu'ils 
j  figeront  convenables.  Le  rapport  fait  par  M.  Deleuze  ,  secré- 
taire, des  travaux  de  la  Société  en  1826,  est  très-intéressant. 
11  constate  que  la  recette  s'est  élevée,  pour  cette  année,  à 
73,766  fr.  42  c,  et  que  la  dépense  n'a  été  que  de  70,416  f.  46  c: 
l'excédant  des  recettes  sur  les  dépenses  a  été  de  3,349  ^  9^  c>> 
cette  somme  jointe  à  celle  de  58, 000  U\  placée  par  la  Société, 
fait  monter  le  total  de  ses  ressources  à  61,349  ^r-  9^  c-  indé- 
pendamment des  67,932  fr. ,  montant  des  dons  annuels  de  plus 
de  900  souscripteurs,  dont  la  moindre  cotisation  est  de  3o_  fr. 
Si  Ton  veut  se  faire  une  idée  des  immenses  services  que  la  So- 
ciété philantropique  rend  à  la  classe  indigente  ,  il  suffit  de  jeter 
un  coup  d'œil  sur  les  tableaux  de  distribution  de  soupes  éco- 


MÉMOIRES  ET  II  IPPQRTS. 

nomiqncs  pour  lea  cinq  établissemcns  qu'elle  possède,  dans  1rs 
quartiers  les  plu:  populeux  «le  Paris.  Cette  distribution  s'eM 
élevée,  en   1826,  s  i  16,71  1  ,  doni  3o,i3a  ont  été  vendues  au 

prix  moyen   de   i  ',  centimes    Le  relevé  général    du   noinln  •<■  de 

loupes  économiques  délivrées  par  la  Société  depuis  l'an  vm 
jusqu'en  janvier  1827,  présente  un  total  de  iG, 870,153.  Indé- 
pendamment des  secours  alimentaires  qu'elle  distribue  annuel 

lemenl  ,  la  Société  a  six   dispensaires,  dans  lesquels  on  soigne 

les  malades,  qui ,  ne  se  trouvant  pas  dans  un  étal  complet  a  iu- 
digence,  ne  peu  vent  être  admis  dans  les  hospices.  Depuis  l'an  m, 
43,467  malades  ont  été  portés  sur  les  registres  des  dispensaires^ 

sur  ce  nombre,  33, 007  ont  été  guéris;  i,5î/|  sont-  morts,  et  le 
l  Surplus  se  compose  des  malades  qui  ont  obtenu  quelque  soula  - 
!  genient,  ou  qui  ont  cessé  d'avoir  recours  aux  soins  des  dispen- 
saires. 

Le  plus  grand  service  qu'ait  rendu  la  Société  philantropique, 
c'est  d'avoir  propagé,  encouragé  et  multiplié  les  associations  de 
Secours  mutuels,  d'avoir  appelé  sur  elles  l'attention  de  l'adminis- 
tr.  tion  municipale, et  delesavoir  éclairées  sur  les  moyens  d'as- 
surer leur  prospérité.  Il  n'existait  qu'un  très-petit  nombre  dé  ces 
Sociétés  avant  1789;  il  s'éleva  à  16  en  i8o3  ,et  à  33  en  1809. 
Il  était  de  86  en  181  8.  A  cette  époque,  les  rapports  entre  ces 
associations  et  la  Société  philantropique  étaient  fréquens  ,  et  il 
en  devait  résulter  de  nombreux  avantages.  On  trouve  dans  le 
rapport  de  M.  Deleuze  le  récit  des  causes  qui  ont  amené  un 
refroidissement  de  la  part  des  Sociétés  de  secours  mutuels  , 
dans  leurs  relations  avec  la  Société  philantropliique;  mais,  nous 
devons  le  dire,  nous  pensons  que  d'autres  motifs,  plus  directs 
que  ceux  indiqués  par  M.  le  secrétaire,  ont  donné  lieu  au  ra- 
lentissement de  zèle  dont  il  a  parlé.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  nom- 
bre des  Sociétés  de  secours  mutuels  n'a  pas  cessé  de  s'accroître, 
et  il  résulte  du  relevé  que  nous  en  avons  fait,  que  les  cent 
quatre  -  vingt-six  Sociétés  qui  existaient  dans  Paris  au  1 tr  jan- 
vier 1827  se  composaient  de  17,017  personnes  ;  qu'elles  pos- 
sédaient un  capital  d'environ  i,/|/»8,36"i  fr.  ;  et  qu'indépendam- 
ment des  secours  journaliers  donnés  à  leurs  malades  ,  fixés  assez 
généralement  au  taux  de  2  fr.  par  jour,  elles  payaient  des  pen- 
sions de  retraite  à  environ  23o  personnes. 

On  peut  juger,  parce  rapide  aperçu  des  matières  contenues 
dans  ce  petit  volume,  qu'il  est  n>'\.)  d'ouvrages  susceptibles  de 
présenter  autant  d'intérêt  au  philosophe,  dont  la  principale 
étude  est  de  rechercher  les  moyens  qui  peuvent  contribuer  à 
soulager  la  misère  du  peuple  et  à  trouver  un  utile  et  profitable 
emploi  aux  ressources  et  aux  économies  de  la  classe  ouvrière. 

OE. 


aoG  LIVRES  FRANÇAIS.  —  OUVR.  PÉR> 

Ouvrages  périodiques. 

io5.  —  *  Esprit  et  conférences  des  lois  d'intérêt  général,  qui 
ont  été  rendues  depuis  la  restauration,  et  qui  seront  rendues 
à  l'avenir;  par  MM.  Tajan  ,  auteur  du  Mémorial  de  jurispru- 
dence ;  A.  Caze  ,  et  C.  Messine,  avocats  à  la  cour  royale  de 
Toulouse.  Cinquième  livraison.  Toulouse  ,  1827;  Devers.  Paris, 
au  bureau  du  Journal  du  Palais ,  rue  de  Jérusalem  ,  n°  3. 
In-8°.  Prix  de  la  livraison  ,  a  fr.  5o  c. 

Cette  nouvelle  livraison  de  l'ouvrage  important  dont  nous 
avons  annoncé  les  livraisons  précédentes  (voy.  Rev.  Enc.  , 
tom.  xxxi,  p.  458  ;  tom.  xxxu  ,  p.  5o5  ;  et  tom.  xxxiu  , 
p.  836)  ,  contient  le  projet  de  Code  forestier ;  un  précis  histo- 
rique dans  lequel  les  auteurs  esquissent  rapidement ,  et  à 
grands  traits ,  le  tableau  des  changemens  et  des  réformes 
opérés  dans  notre  législation  forestière  ,  depuis  le  xive  siècle 
jusqu'à  nos  jours  ;  l'exposé  des  motifs  de  la  nouvelle  loi  pré- 
sentée à  la  chambre  des  députés ,  par  M.  Martignac  ;  le  rap- 
port fait  à  cette  chambre  par  M.  Favarddc  l'Jnglade  ;  l'exposé 
méthodique  des  débats  qui  s'y  sont  élevés  sur  l'ensemble  du 
projet  ;  et  le  commencement  de  L'analyse  de  la  discussion  qui 
a  eu  lieu  sur  les  articles  dont  il  se  compose. 

Cette  livraison  sera  incessamment  suivie  de  deux  autres 
qui  compléteront  le  travail.  Elles  formeront  ensemble  un  fort 
volume  (1)  ,  où  l'on  trouvera  réunis  tous  les  élémens  qui  ont 
servi  à  la  formation  du  nouveau  code  publié.  C'est,  à  notre 
avis,  le  meilleur  commentaire  que  l'on  puisse  en  offrir  aux 
magistrats  et  aux  jurisconsultes.  Les  difficultés  que  peut  pré- 
senter dans  son  exécution  une  loi  récemment  émise,  ne  sau- 
raient être  mieux  éclairées  que  par  les  motifs  qui  l'ont  dictée  , 
et  par  la  discussion  qui  l'a  préparée.  L'interprétation  de  la 
lettre  par  V  esprit  >  dans  les  cas  douteux,  est  sans  contredit  la 
plus  sûre  qu'on  puisse  lui  donner,  la  seule  qui  repose  sur  une 
base  solide.  Une  explication  systématique  a  le  grave  inconvé- 
nient de  substituer  le  plus  souvent  la  volonté  de  l'homme  à 
celle  du  législateur  ;  ce  qu'il  importe  toujours  d'éviter  dans 
les  livres  que  l'on  écrit  sur  les  lois  ,  où  tout  doit  être  positif. 
Celui  que  nous  annonçons  sera  exempt  de  ce  reproche. 

Crivelli,  avocat. 


(1)  Ce  volume  se  vendra  séparément  au  prix  de  7  fr.  5o  cent. 


LIVRES  l.l  ït.Y.Nc.lus  IMPRIMÉS  EN  FRANCE.  109 
Ouvrages  en  langues  étrangères. 

106.  —  '  El ingenioso  hidalgo  don  Quyote  delà  Manchay  etc. 
—  Don  Quichotte  de  la  Manche,  par  Michel  di  Cervantes** 
Iaavedra;  édition  en  miniature,  entièrement  conforme  à  la 
lernière  édition  de  {Académie  royale espagnole ,  e(  publiée  par 
Ion  Joachim-Maria  de  Ferrer.  Paris,  1827;  imprimerie  de 
iules  Didot.  In-12  avec  dos  estampes. 

107. —  *  La  Vida  del  Lazarillo  de  Tormes 9etc.  —  La  Vie  de 
,.i/.ai  illo  de  Tormes, ses  aventures  et  ses  malheurs;  par  D.  Diego 
lURTADO  de  IVIeïtdoza.  Nouvelle  édition  ,  revue  et  corrigée  avec 
..•in.  Paris,  1827;  imprimerie  de  Gautier-Laguionie.  In-12  avec 
les  estampes  coloriées. 

En  rendant  compte,  il  y  a  peu  de  tems,  de  l'édition  com- 
plète des  OEuvres  de  Cervantes,  publiée  à  Paris,  par  les  soins 
le  M.  ftArrieta,  membre  de  l'Académie  d'histoire  de  Madrid  , 
i  voy.  Rcv.  lînc.y  t.  xxxiv,  p.  776),  nous  eûmes  occasion  de 
îarler  des  soins  donnés  par  M.  de  Feri  er  pour  assurer  le  succès 
le  cette  entreprise.  Nous  avons  à  parler  maintenant  du  nou- 
veau service  que  le  même  Espagnol  vient  de  rendre  à  la  litté- 
rature de  son  pays,  en  faisant  paraître  les  deux  ouvrages  que 
nous  annonçons,  et  que  le  tems  a  placés  parmi  les  classiques. 
r.e  second  n'est  pas  à  beaucoup  près  aussi  célèbre  que  le  pre- 
mier; mais  il  mérite  d'être  offert  comme  un  modèle  d'élégance 
t  de  pureté  aux  admirateurs  de  la  langue  castillane. 

On  connaît  les  heureux  efforts  de  l'art  typographique,  tentés 
n  France  et  en  Angleterre,  pour  renfermer  dans  des  volumes 
compacts  les  chefs-d'œuvre  des  auteurs  célèbres.  Des  monu- 
nens  de  ce  genre  ont  été  consacrés  à  Shakespeare,  à  Molière, 
1  Rousseau ,  à  Voltaire,  etc.  Jaloux  de  payer  aussi  le  tribut  de 
ion  admiration  aux  classiques  espagnols,  M.  de  Ferrer  a  com- 
ïiencé  son  entreprise  par  celui  qui  tient  le  plus  haut  rang 
Mtrmi  eux,  et  qui  le  mérite  à  tant  d'égards;  par  cet  admirable 
énie  qui  combattit  avec  tant  de  grâce  et  de  succès  les  travers 
t  les  folies  de  son  tems,  et  qui,  sous  les  dehors  d'un  badinage 
èger  et  spirituel,  cache  toute  la  profondeur  du  philosophe  et 
lu  moraliste.  M.  de  Ferrer  n'a  rien  négligé  pour  que  cette 
•dition  en  miniature,  comme  il  l'appelle,  fût  digne  de  l'auteur 
1  qui  elle  est  consacrée;  l'impression  a  été  dirigée  par  M.  Jules 
Didot  lui-même  :  cet  habile  typographe  y  a  employé  pour  la 
première  fois  un  nouveau  caractère,  bien  supérieur  pour  la  per- 
ection  et  la  netteté  à  ceux  qui  ont  servi  pour  les  publications 
lu  même  genre  faites  à  Londres  et  à  Paris,  mais  d'une  dimen- 


*o8  LIVRES  ETRANGERS. 

sion  tellement  petite  qu'on  n'avait  encore  osé  en  faire  usage. 
Le  papier  vélin  ,  de  la  première  qualité,  est  tiré  de  la  fabrique 
de  MM.  Montgolfier  frères,  d'Annonay.  Le  même  soin  a  pré- 
sida au  choix  des  estampes,  dans  lesquelles  sont  représentées 
les  actions  principales  du  roman ,  d'après  la  collection  de 
48  gravures  publiées,  en  1797,  à  Madrid,  par  Rivera.  Le  por- 
trait de  Cervantes  a  été  copié  sur  celui  qui  est  placé  en  tète  de 
la  dernière  édition  de  Don  Quichotte  par  l'Académie  royale 
espagnole,  et  dont  l'exécution  sur  acier  a  été  confiée  à  un  des 
plus  célèbres  graveurs  de  Londres.  Enfin,  le  texte  est  conforme 
à  celui  de  la  dernière  édition  donnée  par  la  même  Académie 
en  1819,  circonstance  qui  en  garantit  l'authenticité. 

Quant  à  l'édition  de  la  Vida  del  Lazarillo  de  Tonnes,  quoi- 
qu'elle n'ait  pas  offert,  à  cause  du  peu  d'étendue  de  l'ouvrage, 
les  grandes  difficultés  qui  ont  été  si  heureusement  surmontées 
dans  celle  de  Don  Quichotte ,  il  faut  néanmoins  en  savoir  bdn 
gré  à  M.  de  Ferrer;  car,  cette  production  satirique  ayant  été 
défendue  presque  aussitôt  après  sa  publication  sous  l'empereur 
Charles  V,  parce  qu'elle  contient  la  censure  des  vices  et  des 
travers  des  hautes  classes,  il  existe  des  différences  remar- 
quables dans  les  éditions  qui  virent  le  jour  après  cette  époque; 
quelques-unes,  publiées  vers  la  fin  du  xvie  siècle,  présentent 
même  des  lacunes  et  des  retranchement  considérables.  Pour 
que  l'édition  à  laquelle  M.  de  Ferrer  a  donné  ses  soins  offiît 
la  plus  grande  authenticité  possible,  il  a  consulté  celles  qui  sont 
conservées  dans  la  Bibliothèque  du  roi ,  à  Paris  ,  au  nombre 
de  six,  dont  trois  ont  paru  à  Madrid  dans  ces  dernières  an- 
nées. M. 

108. —  *  La  Lyre  Brisée,  dithyrambe  de  M.  Agoub;  traduit 
en  vers  arabes  par  le  cheykh  Réhafa.  Paris,  1827;  Don  dey j 
Dupré.  In-8°  de  44  pages  ;  prix,  5  fr. 

M.  Réhafa  est  un  des  jeunes  Égyptiens  envoyés  par  un  chef 
prévoyant  dans  la  capitale  du  monde  civilisé  pour  s'initier  aux 
secrets  des  sciences,  des  arts  et  de  la  philosophie.  LTne  année 
s'est  à  peine  écoulée,  et  les  heureuses  dispositions  de  quelques- 
uns  d'entre  eux  ont  reçu  des  développemens  extraordinaires. 
On  ne  sait  ce  qu'on  doit  le  plus  estimer  de  l'heureuse  faci- 
lité des  élèves,  ou  de  la  sagacité  des  maîtres  qui  les  guident. 
M.  Acoub,  qui  s'est  placé  honorablement  parmi  nos  orienta- 
listes les  plus  distingués,  a  été  chargé  de  concourir  à  diriger 
l'instruction  dans  cette  colonie  temporaire,  destinée  à  importer 
aux  bords  du  Nil  les  élémens  de  la  civilisation,  et  confiée  aux 
soins  de  notre  savant  collaborateur  M.  Jomard  ,  l'un  des  mem- 
bres les  plus  laborieux  de  la  commission  qui  publie  l'ouvrage 


IMPRIMÉS  l.N  FRANCE,  »og 

monumental  de  la  Description  de  C Egypte.   Après  avoir  con 
tribué  à  la  prospérité  de  l'établissement  égyptien ,  il  ;i  pris  la 
tâche  d'enseigner  lui  même  la  langue  française}  qui  ne  lui  est 
pas  moins  familière  que  l'arabe.  Habitué  aux  idées  el  aux  cou- 
tumes orientales,  M.  Agoub  pouvait  mieux  qu'un  autre  obte- 
nir de  ses  élèves  les  résultats  heureux  dont  la  rapidité  est  vrai 

ment   étonnante,    la    traduction    que  public    M.     Uéhala    est  |e 

plus  bel  éloge  que  l'on  puisse  adresser  au  guide  et  au  disciple. 
En  applaudissant  au  début  de  celui-ci ,  on  doit  le  féliciter  d'a- 
voir lait  revivre  dans  sa  langue  maternelle  le  charmant  poème 
de  I\l.  Agoub;  c'était  lui  donner  à  la  fois  une  preuve  degout 

<'t  de  reconnaissance. 

M.  Rehal'a  ,  encouragé  par  son  essai  ,  vient ,  dit-on  ,  de  s'im- 
poser une  tâche  plus  difficile  encore;  il  traduit  en  arabe  les 
E terriens  de  géométrie  de  Lbobnd&e.  Un  autre  élève  de  l'école 
égyptienne  traduit  la  Vie  des  plus  illustres  philosophes  de  l'an- 
tiquité. La  vie  et  les  ouvrages  des  grands  écrivains  modernes 
(deviendront sans  doute  les  objets  de  l'élude  de  ces  jeunes  adep- 
tes des  connaissances  humaines.  Espérons  que  bientôt  le  génie 
des  Voltaire,  des  Diderot,  des  Rousseau,  des  Volney,  répan- 
dra de  nouveau  la  lumière  sur  le  berceau  des  sciences  et  des 
arts  ;  la  vraie  philosophie,  sans  laquelle  les  sociétés  n'ont  au- 
cune base  solide,  contribuera  ,  de  nos  jours,  à  la  regénération 
d'un  peuple  trop  long-tems  déchu  de  sa  gloire,  et  que  flétrissent 
encore  l'esclavage  el  le  fanatisme.  P**\ 


T.  XXXVI.  —  Octobre  1827.  1  \ 


IV.  NOUVELLES  SCIENTIFIQUES 

ET    LITTÉRAIRES. 


AMÉRIQUE  SEPTENTRIONALE. 

États-Unis.  —  Boston. —  Géographie  physique  et  zoologie. 
—  influence  de  l'air  et  du  sol  de  l'Amérique  sur  la  taille  des 
animaux.  —  Si  Buffon  avait  eti  le  tems  de  recueillir  plus  de  fait 
est  d'observations  sur  le  nouveau  continent,  il  n'aurait  pas  écrit 
que  tous  les  animaux  y  dégénèrent,  sans  en  excepter  ceux  que 
l'on  v  a  transportés  de  l'Ancien-Monde,  ni  l'homme  lui-même. 
La  question  est  fort  difficile  à  décider,  par  rapport  à  l'homme 
considéré  dans  l'ensemble  de  ses  facultés;  mais,  quant  aux 
animaux,  on  ne  peut  se  dispenser  d'admettre  des  exceptions  à 
la  règle  générale,  telle  que  Buffon  l'a  exprimée.  Si,  par 
exemple,  le  taureau  de  l'Europe  n'avait  point  conservé  en 
Amérique  la  iailie  qu'il  a  dans  les  pays  les  plus  favorables  à 
son  espèce ,  on  ne  verrait  certainement  pas  à  Boston  le  bœuf 
colossal  que  l'on  y  montre  aujourd'hui.  Cet  animal  est  du  poids 
de  4,000  livres,  sans  qu'un  embonpoint  aussi  extraordinaire 
paraisse  contribuer  à  augmenter  sa  masse:  ainsi,  ses  dimen- 
sions en  tous  sens  sont  au  moins  à  celles  des  gros  bœufs  de 
l'Europe,  dans  le  rapport  de  3  à  2. 

Ajoutons  à  ce  fait  remarquable  une  observation  sur  les  pan- 
thères d'Amérique,  dont  Buffon  ne  donne  pas  une  idée  juste. 
Ces  animaux,  que  l'on  regarde  comme  propres  aux  pays  chauds, 
ne  redoutent  point  des  froids  plus  rigoureux  que  ceux  du  nord 
de  l'Allemagne,  et  qui  surpassent  quelquefois  celui  des  hivers 
de  Pétersbourg.  Un  de  ces  animaux  a  été  lue,  cette  année, 
dans  une  île  du  lac  George  ,  par  un  pécheur,  après  un  combat 
dans  lequel  l'homme  eut  besoin  de  toute  son  adresse  et  de 
toutes  ses  armes,  quoiqu'il  eût  surpris  son  ennemi.  Cet  animal 
avait  a  mètres  et  '21  centimètres  de  longueur  (6  pieds  g  pouces 
8  lignes  ).  L'île  où  il  fut  tué  n'est  pas  la  plus  grande  de  celles  du 
lac  George. 

—  Washington.  —  Instruction  des  en/ans.  — Un  estimable  in- 
stituteur, M.  S.  Wilderspin,  a  exposé,  dans  un  très-petit  volume, 
les  avantages  de  l'instruction  qui  prend  l'homme  entre  les  bras 


AMÉRIQUE  SEPTENTRIONALE.        ANTILLES,      an 

de  sa  nourrice ,  el  ne  le  quitte  que  lorsqu'il  est  formé  pour  lui 
môme  et  pour  la  société.  Il  fixe  à  dix  huit  mois  l'âge  auquel 
un  enfanl  peu!  commencer  à  fréquenter  les  écoles,  et  termine 
à  sept  mus  l'instruction  de  K enfance t  en  donnant  à  ce  mot  une 
acception  plus  restreinte  que  celle  qu'il  a  dans  les  langues  de 
l'Europe.  Il  assure  que,  par  la  méthode  lancastérienne-,  ou 
d'enseignement  mutuel*  un  instituteur, avec  un  seul  aide,  peur 
se  charger  de  trois  cents  en  fans,  et  qu'il  esi  bon  qu'il  en  ait  au 

moins  une  centaine,  (les  écoles  soûl;  disposées  de  manière  que 
les  petits  élèves  y  trouvent  des  amusemens  a  leur  portée,  et 
qu'ils  v  viennent  avec  plaisir,  et  ne  s'en  vont  qu'à  regret.  On  a 
remarqué  aux  États-Unis  que  les  criminels  sont  presque  tou- 
jours des  hommes  qui  n'ont  reçu  aucune  éducation;  et  que,  si 
les  enfajns  sont  négligés  par  leurs  païens,  et  ne  reçoivent  pas 
d'ailleurs  quelque  culture  morale,  il  est  rare  que  les  leçons  du 
crime  ne  leur  soient  point  offertes,  et  qu'elles  soient  refusées. 
L'écrit  de  M.  "NVilderspin,  excellente  description  des  écoles  des 
États-Unis,  plein  de  faits  importans  et  de  vues  pour  le  per- 
fectionnement des  études,  passera  sans  doute  en  Europe,  où  il 
sera  consulté  avec  autant  d'empressement  que  dans  la  patrie  de 
l'auteur.  Les  vérités  qu'il  contient  conviennent  à  tous  les  pays 
et  à  toutes  les  formes  de  gouvernement,  parce  qu'elles  sont 
essentiellement  bienfaisantes  ,  amies  de  l'ordre,  et  qu'elles  pré- 
parent les  hommes  pour  les  rendre  utiles  à  1  'tat,  et  soumis  aux 
lois.  F. 

ANTILLES. 

Antilles.  —  Phénomènes  météorologiques  (i).  —  Un  trem- 
blement de  terre  s'est  fait  sentir  à  la  Martinique  le  3  juin  der- 
nier,  à  deux  heures  du  matin  :  il  n'en  est  point  résulté  d'acci- 
dens.  Une  sécheresse  désastreuse,  qui  durait  depuis  plusieurs 
mois,  a  cessé  à  l'époque  de  ce  phénomène,  et  des  pluies  abon- 
dantes ont  commencé  à  tomber;  mais  les  récoltes  étaient  déjà 
presqu'entièrement  perdues.  Depuis  un  tems  immémorial ,  il  n'y 
avait  point  eu  d'exemple  aux  Antilles  d'une  période  de  soixante- 
six  jours  sans  aucune  pluie.  La  quantité  d'eau  qui  tombe  ordi- 
nairement dans  les  îles  de  cet  archipel  pendant  les  mois  d'avril 
et  de  mai  excède  celle  que  reçoivent  les  campagnes  de  la  France 
pendant  l'année  entière. 

L'opinion   qui   fait  dépendre   de  l'état   de   l'atmosphère  la 


(i)  Ces  nouvelles  ont  été  communiquées  h  F  Académie  dés  Sciences 
dans  sa  séance  du  17  septembre  dernier. 

14. 


212  ANTILLES.  -  AUSTRALASIE. 

naiss.ii  <v  de  la  lièvre  jaune,  et  qui  admet  que  la  chaleur  et 
l'humidité  sont  les  conditions  d'existence  de  cette  maladie  ,  a 
trouve'  Une  nouvelle  réfutation  dans  ces  circonstances  extraor- 
dinaires. En  considérant  que  ,  sous  l'influence  d'une  tempéra- 
ture semblable  à  celle  de  l'Amérique  équatoriale,  les  contrées 
de  l'Inde  n'éprouvent  point  ce  fléau,  on  avait  cru  découvrir 
son  origine  dans  l'extrême  humidité  des  contrées  du  Nouveau- 
Monde  qu'il  ravage  si  fréquemment.  Cependant,  et  quoique  la 
sécheresse  ait  été  si  grande  aux  Antilles  qu'elle  a  fait  périr  les 
cannes  à  sucre  et  fait  disparaître  les  eaux  de  la  plupart  des  ri- 
vières, ces  îles  n'ont  point  été  préservées  d'une  irruption  meur- 
trière de  la  fièvre  jaune  ,  qui  s'est  étendue  progressivement  du 
littoral  du  Mexique  jusqu'à  Cuba.  Ainsi ,  l'on  ne  peut  se  confier, 
sans  une  erreur  dangereuse,  à  la  sécurité  qu'inspire  la  séche- 
resse des  saisons,  des  lieux  ou  du  climat,  quand  on  est  menacé 
par  l'introduction  ou  les  progrès  de  cette  formidable  maladie. 

A.    MoREAU    DE    JONNÈS. 

AUSTRALASIE. 

Nouvelle-Sud-Galles  et  Terre  de  Van  Diemen. — Situation 
de  ces  colonies ,  d'après  le  Rapport  présenté  au  parlement  d'An- 
gleterre ,  pour  Vannée  182^  (1). —  Ce  rapport  annonce  que 
l'état  de  la  colonie  n'est  pas  aussi  avantageux  qu'on  l'avait 
espéré.  Elle  est  divisée  en  quatre  cantons  ou  comtés  :  le 
Cumberland ,  le  Wcstmorcland ,  X  Argylc  et  le  Ca/nden.  Le 
Cumberland  est  de  l'apparence  la  plus  stérile  sur  les  côtes; 
la  fertilité  augmente  à  mesure  que  le  terrain  s'élève;  mais 
toute  cette  contrée  manque  d'eau,  et  les  rivières  Napéan  et 
Hawkesbury  elles  -  mêmes  ne  parcourent  que  des  districts 
rocailleux  qui  n'en  tirent  presque  aucun  avantage.  Le  comté 
de  Camden  abonde  en  excellens  pâturages.  Les  seules  par- 
ties du  comté  d'Argyle  que  l'on  ait  examinées  jusqu'à  ce 
jour  sont  d'une  richesse  et  d'une  fertilité  particulières.  Le 
Westmoreland ,  qui  se  prolonge  jusqu'aux  montagnes  Bleues, 


(1)  Nous  empruntons  ces  détails  au  Bulletin  mensuel  que  publie  la 
Société  de  géographie  de  Paris,  dont  les  séances  offrent  toujours  un 
grand  intérêt  ,  par  la  lecture  d'une  correspondance  très  étendue  et 
très-variée,  de  mémoires  et  de  notices  dus  au  zèle  de  ses  membres  ,  et 
et  par  les  communications  verbales  d'un  grand  nombre  d'étrangers. 
Ce  recueil  nous  fournira  souvent  encore,  des  renseignemens  sur  la  si- 
tuation de  plusieurs  contrées  lointaines  peu  connues  jusqu'à  ce  jour, 
mais  dignes  d'attirer  l'attention. 


\l  STftA.LA.SIE.  »i.1 

comprend  l'établissement  de  Balhurat;  maie  il  n'esl  pas  encore 

bien  connu.  Les  en\  irons  de  Nidnev,  généralement  peu  fertiles, 

sont,  déjà  épuisés,  el  il  faudrait  une  dépense  considérable  pour 
rendre  au  sol  ses  facultés  productives.  Sidney,  Paramata, 
Windsor  el  Liveroocl  commencenl  a  mettre  plus  de  symétrie 

dans  la  disposition  des  rues,  et  plus  de  solidité  dans  la  cous 
truelion  des  maisons;  mais  cette  ami  lioiation  ne  s'est  pas  en 

corc  fait  remarquer  dans  les  villes  de  ta  Terre  de  Van  Dicmcn , 
ll«)l)ait-To\Nci-,  Launcestoun  et George's-To/wn.  Le  commerce 
d'exportation  n'a  fait  aucun  progrès;  la  culture  tin  lin  a  été 
insensiblement  abandonnée;  il  en  a  été  de  mémo  de  celle  du 
tabac  ;  les  produits  d'une  tannerie  d'une  étendue  considérable 
ne  sont  pas  susceptibles  de  compenser  les  dépenses  de  la  pré- 
paration et  du  fret.  Toute  La  fabrication  de  la  colonie  se  borne 
à  celle  des  chapeaux,  tics  gros  draps  et  des  bas  de  laine  qui  se 
consomment  sur  les  lieux.  Une  manufacture  de  poterie  n'a, 
donné  que  des  résultats  d'une  qualité  grossière  et  d'un  prix 
très-élcvé.  On  espère,  pour  l'avenir,  tirer  parti  des  fila  mens 
d'une  plante  susceptible  de  former  des  cordages,  et  de  quel- 
ques espèces  de  bois  de  construction.  Le  climat  de  la  Nouvelle- 
Galles  du  Sud  n'est  point  généralement  nuisible  à  la  santé  des 
agriculteurs.  Les  individus  nés  dans  la  colonie  sont  grands, 
bien  proportionnés  et  d'une  complexion  robuste.  X. 

—  Etat  de  h  presse  périodique. —  Il  paraît,  dans  la  capitale 
tle  la  Nouvelle-Galles  méridionale,  trois  feuilles  publiques  qui 
sont  la  Sydney  Gazette ,  le  Howé's  Express  et  X  Australian. 
Il  n'en  existait  point  du  tout,  il  y  a  cinquante  ans,  dans  toute 
l'étendue  de  l'Ecosse  ;  et  certes ,  dans  les  premiers  tems  de 
leur  publication,  il  s'en  fallait  beaucoup  que  ceux  de  ce  der- 
nier pays  offrissent  le  degré  de  vie  et  d'activité  que  l'on  re- 
marque dans  les  journaux  actuels  de  l'Australasie.  On  y 
trouve  des  comptes  rendus  de  séances  de  sociétés  d'agriculture, 
des  procès  verbaux  de  séances  des  cours  de  justice  et  do 
longues  colonnes  d'annonces  publiques  et  particulières;  en  un 
mot,  tout  ce  qui  caractérise  un  bon  journal  anglais,  et  cela 
sur  un  coin  de  terre  des  Antipodes  qui  n'était,  il  y  a  quelques 
années  ,  habité  que  par  une  poignée  de  sauvages  à  demi  nus. 

T.    R. 

Colonie  anglaise  de  /'île  Melvile. — On  sait  que  de  grandes 
espérances  avaient  été  fondées  sur  cet  établissement,  qui  sem- 
blait devoir  devenir  plus  heureux  encore  que  celui  de  Singa- 
pore,  et  rassembler  bientôt  les  jonques  de  la  Chine  et  celles  des 
grandes  îles  de  l'Archipel  indien.  Cette  fois,  la  fortune  s'est 
jouée  des  projets  de  l'Angleterre,  et  l'on  apprend  que  le  succès 


•a  14  Al  ISTRALASIE.  —  EUROPE. 

n  1  j ■oint  couronné  cette  tentative.  Les  navires  malais  se  sont 
tenus  éloignés  constamment  du  port,  qu'on  leur  ouvrait;  et  les 
indigènes  du  golfe  de  Carpentarie,  plus  féroces  encore,  s'il  est 
possible,  que  ceux  du  midi  de  l'Australasie,  n'ont  cessé  de  tour- 
menter les  nouveaux  colons  par  des  hostilités.  Après  deux  an- 
nées d'efforts,  pour  acquérir  leur  amitié,  ou  pour  s'en  faire 
craindre,  on  désespérait  de  parvenir  à  reconnaître  seulement 
l'intérieur  de  l'île,  où  l'on  n'a  pu  encore  pénétrera  plus  de 
cinq  ou  six  lieues  de  la  côte.  Moreau  de  Jonnès. 

EUKOPE. 
ILES  BRITANNIQUES. 

Statistique  judiciaiRb  et  morale.' — Nous  avons  déjà  dit,  au  sujet 
de  ces  budgets  du  crime,  qu'on  ne  peut  les  employer  immédiatement 
comme  matériaux  de  la  statistique  morale  d'un  peuple;  que  le  nom- 
bre et  la  nature  des  délits  sont  des  résultats  extrêmement  complexes 
de  l'état  de  la  société,  de  l'inégalité  des  fortunes  ,  de  la  législation 
criminelle  ,  du  mode  de  procédure,  etc.  ;  que  l'état  des  dettes  d'une 
nation  ne  suffit  point  pour  donner  une  idée  de  sa  position  finan- 
cière ,  et  que  ,  dans  l'ordre  moral ,  il  faudrait  mettre  dans  la  balance 
le  bien  que  cette  nation  a  fait,  et  le  comparer  au  mal  dont  on  pro- 
duit le  registre.  Nous  ne  craignons  pas  de  le  répéter,  puisqu'on 
l'oublie  trop  souvent  :  la  logique  des  chiffres  n'est  bonne  qu'autant 
que  l'analyse  l'a  précédée  et  l'accompagne.  Que  l'on  sépare,  que 
l'on  distingue  soigneusement  et  nettement  les  causes  diverses  qui 
concourent  h  la  production  d'un  effet;  qu'on  assigne  la  loi  suivant 
laquelle  chacune  de  ces  causes  exerce  son  action  ;  enfin  que  l'on 
montre  comment  et  dans  quelle  proportion  ces  données  se  combinent 
pour  la  production  de  l'effet  dont  il  s'agit.  Si  l'on  se  dispense  de  ce 
travail,  la  formation  des  tableaux  numériques  n'est  plus  qu'un 
amusement  sans  but ,  ou  une  voie  pénible  qui  ne  peut  conduire  à 
aucune  vérité,  enfin  une  des  plus  fatigautes  méthodes  de  mauvais 
raisonnemens.  Si  la  Revue  Encyclopédique  insère  de  tems  en  tems 
quelques-uns  de  ces  tableaux  ,  c'est  parce  que  nous  espérons  ren- 
contrer quelques  lecteurs  suffisamment  préparés  pour  en  faire  un 
bon  usage.  (  N.  du  R.) 


[LES   BRITANNIQl  KS. 


2  i  j 


')-c  des  personne*  emprisonnées  t  condamnées  ou  acquittées,  dans 
'ns  le  terre  et  le  pays  de  Galles ,  pendant  les  sept  dernières  années. 


NOMBRE  Di 

s  PEBS 

ON  M. s 

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EMPRISONNÉES  1  - 

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2,1  3o 

7,322 
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7.6.6 

1,000 

1 2,027 

42,488 

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■Bonnement  il«*  6  mois  ;i  i>  uns. 
(  Elargis  sans  poursuite 

0,3  18 

2,5l  1 

1,^81 

2,5oi 
1,826 

8,209 
1,684 

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14,437 

16,147 

95,61 1 

•o: 

1  14 

90 

54 

49 

5o 

57 

5,8 

~-  — 1 

En  ittii  ,  il  y  eut  en  Angleterre  et  dans  le  pays  de  Galles, 
alors  peuples  d'environ  io,i5o,ooo  habitans ,  3,i53  condam- 
nations, dont  /jo/t  portant  peine  de  mort.  En  1821,  la  popu- 
ation  étant  d'environ  douze  millions  d'àmes  ,  il  eut  8,788  con- 
damnations, dont  1 , 1 3 4  portant  peine  de  mort.  Enfin,  en  1826, 
a  population  étant  d'environ  treize  millions  d'habitans,  les 
tribunaux  de  l'Angleterre  et  du  pays  de  Galles  ont  condamné 
ii,oq5  individus,  dont  1,200  à  la  peine  de  mort.  En  181 1, 
les  condamnations  furent  donc  dans  la  proportion  de3i5  par 
million  d'individus;  en  1821  ,  elles  s'élevèrent  à  7 3ss  par  mil- 
lion; en  1826  ,  elles  offrirent  le  nombre  toujours  croissant  de 
853  individus  condamnés  par  chaque  million  d'habitans.  Le 
seul  comté  de  Middlesex,  dans  lequel  est  située  la  plus  grande 
partie  de  Londres,  peuplé  d'environ  douze  cents  mille  nabi- 
tans,  a  eu,  en  1826,  2,220  condamnations,  dont  204  por- 
tant peine  de  mort  :  c'est  à  raison  de  i,85o  condamnés  par 
million  d'habitans.  Le  nombre  des  détenus  pour  dettes  a  été, 
Ol  1826,  pour  l'Angleterre  ei  le  pays  de  Galles,  de  2,937, 
dont  77Ô  pour  le  comté  de  Middlesex.  F.  D. 


ai.6  EUROPE. 

Nécrologie.  —  Sir  Thomas  Stamford  Raffles  ,  savant 
distingué,  qui ,  de  simple  commis  à  la  compagnie  des  Indes, 
s'éleva  par  son  seul  mérite  aux  postes  les  plus  éminens,  et 
dont  Le  roi  d'Angleterre  récompensa,  en  1817,  les  talens  et 
les  services  par  des  lettres  de  noblesse,  est  mort  d'une  attaque 
d'apoplexie  le  5  juillet  dernier. 

Auteur  d'une  histoire  excellente  de  l'île  de  Java,  dont  il  fut 
long-tcms  le  lieutenant-gouverneur;  éditeur  de  diverses  rela- 
tions de  voyages,  et  entres  autres  de  celui  de  George  Fin- 
laison  (  voy.  Rev.  Enc,  t.  xxix,  p.  /»6o  ) ,  il  fut  encore  un 
des  fondateurs  de  la  brillante  colonie  de  Singapore.  —  En 
1824  ,  lors  de  son  retour  des  Indes,  il  fit  un  naufrage  dans 
lequel  il  perdit  pour  plus  de  20,000  livres  sterling  d'ouvrages, 
cartes  et  objets  précieux.  —  M.  Stamford  était  membre  de 
presque  tous  les  corps  savans  de  l'Angleterre.  F.  D. 

RUSSIE. 

Instruction  publique.  —  Universités.  —  Les  cours  seront  faits 
désormais  en  langue  russe,  et  non  pas  en  langue  allemande, 
comme  cela  s'était  pratiqué  depuis  long-tems.  — -  Depuis  le 
commencement  de  cette  année,  les  cours  philosophiques  ont 
été  interdits. 

Réclamation.  —  Littérature  russe.  —  Joukovsky,  Cha- 
khovsroy  ,  Merzliakov  et  Viazemsky.  —  Dans  un  article  , 
communiqué  à  la  Revue  Encyclopédique  par  un  des  correspon- 
dans  de  ce  Recueil,  M.  Schnitzler,  sur  les  principaux  poètes 
de  la  Russie  ,  à  l'occasion  de  l'annonce  d'une  traduction  alle- 
mande de  leurs  productions,  par  Borg  (voy.  Rev.  Enc. ,  no- 
vembre 1824,  t.  xxiv,  p.  391-394),  il  s'est  glissé  quelques 
erreurs,  qui  pouvaient  échapper  à  un  étranger,  et  que  nous 
croyons  devoir  rectifier.  «  Vassili  Andréïevitch  Chakovskoi 
(est-il  dit  dans  l'article  mentionné,  p.  393),  né  en  1783,  lec- 
teur de  la  grande  duchesse  Alexandra  Féodorovna.  —  Son 
Recueil  ,  qui  a  paru  à  Saint-Pétersbourg  en  4  volumes,  offre 
des  poésies  lyriques  ,  des  romances  ,  des  ballades  ,  des  élégies, 
des  épîtres ,  etc.  Sa  diction  est  concise  ,  mais  hardie  et  éner- 
gique. Il  s'occupe  en  ce  moment  d'une  traduction  de  la  Jeanne 
d' Arc  de  Schiller-  ;  il  a  aussi  écrit  en  prose.  »  Au  nom  de 
Chakhovskoy,  il  faut  substituer  ici  celui  de  Joukovsky  ;  car 
toute  cette  notice  se  rapporte  à  ce  dernier,  qui  est  regardé 
comme  l'un  des  poètes  les  plus  distingués  de  la  Russie  ,  et  dont 
le  mérite  a  été  apprécié  avec  impartialité  et  justesse  dans  la 
Revue y  trois  mois  avant  l'insertion  de  l'article  de  M.  Schnitzler 


RUSSIE.  ii  7 

\ov.     /{ce.     Eric,    août     i  .H  >./,  ;    t.     \xm,     p.    583-385).     Lei 

poéties  de  Jocxovs&i  ont  paru,  en  îHv/, ,  en  3  rouîmes  m»  <h". 
ci  06  qu'il  a  écrit  «i  proie  a  été  réuni  dernièrement  en  i<sy> 
dans  nu  volume  in  S"  de  i53  pages,  à  l'exception  <!<•  sa  ira 
ductiou  de  Don  Quichotte t  et  de  différent  coûtes  traduits  du 
français.  Sa  traduction  en  vers  russes  du  Prisonnier  de  CJiïilon  , 
de  lord  Byroh,  a  été  le  sujet  «l'une  annonce  dans  ce  Recueil 
\ov.  Ji<r.  Eue. ,  mai  r8a3,  t.  wnr,  p.  3S6  l.  Quant  an  prince 

.Ile. nutilrc  (  n  \ miovskon  ,   dont    le    nom  a   été  COnl  >ndu  d'une 

manière  ai  étrange  avec  celui  de  Joi  iotsky,  et  dont  il  n'a  pas 

été  question  dans  l'article  de   M    Schnitzler,  il  est  né  le  %  ',  avril 

(vieux  stylo)  1777,  dans  le  gouvernement  de  Smolcnsk.  il  est 
l'écrivain  dramatique  le  plus  fécond  de  la  Russie,  dont  il  a 
enrichi  la  littérature  d'un  grand  nombre  de  pièces  de  théâtre  , 
originales  et  traduites.  On  lui  doit  ,  entre  autres  traductions, 
celles  de  Y  Orphelin  de  la  Chine,  de  Voltaire,  publiée  en 
1809,  et  de  YÀbufar,  de  Duc.is  ,  en  1  8 1  5.  Sa  comédie  origi- 
nale, intitulée  Aristophane 3  sa  pièce  ,  Leeon  aux  Maries,  et 
sa  comédie  romantique,  ies  Aventures  de  Nigei ,  empruntée  au 
roman  de  Wai.ter  Scott,  ont  été  annoncées  successivement 
dans  la  Renie  (vov.  janvier,  1824,  t.  xxi,  p.  218-219  ;  juin , 
1824  ,  t  xxti,  p.  732  ;  et  février,  i8?6,  t.  xxix,  p.  576).  —  «■  Le 
pri née Petr  Andréïevitrh  Viazemsky  (dit  M.  Schnitzler  ,  d'après 
la  notice  de  Borg),  conseiller  de  collège,  docteur  en  philo- 
sophie, professeur  de  littérature  et  d'éloquence  à  Moscou, 
est  né  en  1778  ,  à  Dalmatof,  gouvernement  de  Perm;  c'est  un 
poète  distingué  ,  un  heureux"  traducteur  des  anciens  ,  et  le 
plus  habile  critique  russe.  »  Nous  avons  ici  une  erreur  de 
même  genre  que  la  précédente  à  relever  :  cette  notice  doit  se 
rapporter  à  Alexis  Merzliakov,  professeur  à  l'Université  de 
Moscou  ,  et  connu,  entre  autres,  par  une  traduction  en  vers 
russes  alexandrins  de  la  Jérusalem  délivrée ,  dont  il  a  été  fait 
mention  dans  la  Revue  (vov.  Rcv.  Eue.  ,  août  1822,  t.  xv, 
p.  33o  ,  et  février,  1823,  t.  xvn  ,  p.  324),  et  non  point  au 
prince  Pierre  Viazemsky,  que  M.  Borg  avait  eu  tort  de  ne 
point  comprendre  dans  sa  Galerie  des  pactes  russes,  et  qui 
occupe  une  place  distinguée  parmi  les  écrivains  de  la  Russie. 
Le  prince  Viazemsky  est  né  à  Moscou  le  12  juillet  (vieux 
style)  1792;  il  manifesta  de  bonne  heure  du  goût  pour  la 
poésie.  Son  père  en  mourant  le  confia  au  célèbre  Karamzin  , 
qui  l'a  honoré  dans  la  suite  de  son  amitié,  et  l'a  aidé  de  ses 
conseils  dans  sa  carrière  littéraire.  Batuchkov  et  Joukovskt  , 
tleux  poètes  russes  distingués,  avaient  formé  avec  lui  des  re- 
lations intimes  ,  que   les  circonstances  ont  interrompues.  Les 


n8  EUROPE. 

productions  du  prince  Ymzkmsry  portent  l'empreinte  d'un 
esprit  vifel  éclairé;  son  slyle  a  de  la  verve.,  de  la  concision  et 
une  piquante  originalité;  ses  poésies  sont  remplies  d'idées,  et 
de  saillies  tour  à  tour  ingénieuses  et  plaisantes.  Ce  qui  le  dis- 
tingue surtout,  ce  sont  des  principes  conformes  aux  progrès 
des  lumières  et  à  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  principes 
qui  ne  sont  démentis  dans  aucun  des  écrits  sortis  de  sa  plume, 
toujours  amie  de  la  vérité  et  de  la  saine  philosophie.  La  litté- 
rature russe  lui  doit  d'excellentes  biographies  de  Derjavjnk  , 
ù'Ozkrov  et  de  D.mitriev  (i)  :  il  ne  manquera  point  sans 
doute  d'eu  offrir  une  de  Karamzine  son  ami  et  son  beau- 
frère  ,  mort  au  mois  de  juin  1826  (  voy.  Rc>>.  Eue,  juillet 
1826  ,  t.  xxxi,  p.  242-24/i).  Le  prince  Viazemsry  vit  ac- 
tuellement à  Moscou,  où  il  continue  ses  travaux  littéraires. 
Parmi  un  grand  nombre  de  pièces  en  vers  et  un  prose  qu'il  a 
fait  insérer  dnns  le  Télégraphe  de  Moscou  (années  i8a5  et 
1826) ,  on  doit  remarquer  un  morceau  intitulé  :  la  Rose  défen- 
due ,  qui  plaît  par  la  grâce  et  la  délicatesse  de  l'expression  et 
l'harmonie  des  vers,  ainsi  qu'une  analyse  spirituelle  et  pi- 
quante des  Mémoires  inédits  de  Mme  de  Genlis ,  tomes  v  et  vi, 
analyse  rédigée  dans  un  esprit  qui  fait  honneur  aux  sentimens 
et  à  la  manière  de  voir  de  son  auteur.  Ces  deux  morceaux  se 
trouvent  dans  le  numéro  5  du  Télégraphe ,  année  1826.  C'est 
dans  ce  même  numéro  que  le  prince  Viazemsky  a  inséré 
(p.  89-98)  un  article  nécrologique  sur  le  grand  orateur  ravi 
en  1825  à  la  France  ,  et  regretté  par  les  hommes  de  bien  de 
tous  les  pays.  Nous  reproduisons  ici  quelques  lignes  de  cette 
notice,  qui  feront  juger  favorablement  et  de  celui  qui  l'a 
écrite,  et  du  rédacteur  qui  l'a  admise  dans  son  journal  :  «  La 
plus  douce  récompense  que  le  général  Foy  pût  espérer  pour 
ses  services  et  pour  son  sang  versé  dans  les  combats  ,  était  la 
confiance  de  ses  concitoyens  ,  manifestée  par  sa  nomination  à 
la  Chambre  des  députés.  H  déploya  dans  celte  nouvelle  car- 
rière des  talens  extraordinaires,  et  se  distingua  par  une  élo- 
quence mâle  ,  vive  et  brillante  ,  par  de  vastes  connaissances 
dans  les  objets  relatifs  à  l'administration  civile  et  militaire  ,  et 
à  l'économie  politique.  Combien  de  fois  ce  représentant  de  la 
gloire  des  armées  françaises  n'a-l-il  pas  entraîné  ses  auditeurs 
par  l'impétuosité  d'une  âme  ardente  et  d'une  noble  indigna- 


(1)  La  notice  du  prince  Viazemsky  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Dmi- 
triev  a  été  publiée  dans  la  nouvelle  édition  des  œuvres  de  ce  dernier,  et 
annoncée  dans  la  Revue  ,  août  182/j  ,  t.  xxni,  p.  383. 


RI  ssii'..  —  POLOGNE.  aig 

lion,  etl  défendant  la  cause  de  ses  comnietlans!  Il  ne  lui  ani 
vait  pas,   il  est  \;ai  ,  d'a\oir   toujours   la   victoire  de  son  rôle; 
mais    ses    paroles    retenl  issaicnl    <lai:s    tonte    la     Irauee,    et    sa 
gloire  personnelle    fermait  ,    par    le    respect    involontaire  qu'il 

avait  inspiré,  la  bouche  de  ses  adversaires  qui  devenaient 
victorieux  à  leur  tour  par  la  majorité  des  voix.  »  Ensuite, 
après  avoir  parlé  des  funérailles  de  ce  grand  citoyen  ,  du  deuil 
général  de   toute  la  France,  spectacle  imposant  et  nouveau 

dans    les    annales    contemporaines  ,    l'écrivain    russe    termine 

son  article  par  ces  paroles  :  «  c/est  ainsi  que  la  France  et  scs 
poètes  savent  honorer  la  mémoire  de  leurs  héros.  »      P.  R.  E. 

POLOGNE. 

Extrait  d'une  lettre  de  IFiina.  —  Etat  de  la  littérature  histo- 
rique en  Pologne. — ■  L'histoire  d'une  nation  soumise  aujourd'hui 
à  cinq  gouvernemens  diffiérens  (i),  divisée  en  sept  parties  dont 
chacune  est  régie  par  des  lois  particulières  (2),  et  qui  toutes 
sont  dépendantes  de  la  sainte-alliance;  l'histoire  d'une  nation 
autrefois  libre,  aujourd'hui  tourmentée  du  besoin  de  recouvrer 
l'indépendance  et  la  liberté  qu'elle  a  perdues,  ne  saurait  être 
indifférente  à  aucun  homme  généreux  et  ami  de  l'humanité. 
Les  savans  et  les  littérateurs  polonais  continuent  à  s'occuper 
de  l'histoire  ancienne  de  leur  patrie  ,  depuis  qu'une  époque 
nouvelle  a  changé  scs  destinées  sans  les  fixer  encore  :  ils  re- 
cherchent soigneusement  les  causes  de  la  grandeur  passée  et 
des  malheurs  de  la  Pologne;  ils  s'attachent  à  recueillir  tout  ce 
qui  appartient  à  l'histoire  de  sa  législation  et  de  sa  littérature 


(1)  Les  cinq  gouvernemens  que  l'on  distingue  en  Pologne,  sont  : 
i°  celui  de  Russih  ;  20  celui  d'AuTRicnp,;  3°  celui  de  Prusse;  4°  le 
gouvernement  constitutionnel  du  royaume  de  Pologne;  5°  le  gouver- 
nement constitutionnel  de  la  petite  République  de  Cr.vcovie. 

(?.)Les  sept  parties  de  la  Pologne  actuelle  sont:  i°  les  provinces 
tombées  en  partage  à  la  Russie  ,  en  1772  ,  gouvernées  suivant  les  lois 
russes;  2Q  les  provinces  échues  la  même  année  à  la  Prusse  et  qui 
obéissent  aux  lois  prussiennes  ;  3°  celles  de  V Autriche  ;  4°  les  provinces 
appartenant  à  la  Russie  par  le  second  et  le  troisième  partages  ,  régies  par 
les  anciennes  lois  polonaises  ;  les  ukases  de  Pétersbourg  y  remplacent 
néanmoins  très-souvent  les  décisions  des  juges,  prononcées  d'après  le 
statut  de  Lithuattie  ;  5°  \e&  pays  tombes  en  partagea  la  Prusse,  en  181  5, 
tels  que  le  grand  duché  de  Pose//  ,  régis  par  des  lois  particulières  :  6°  le 
royaume  de  Pologne  proprement  dit  ;  70  la  république  de  Cracovie  ,  ber 
e.  au  de  la  liberté  polonaise. 


220  EUROPE. 

ancienne  ;  ils  ne  infligent  rien  pour  transmettre  aux  géné- 
rations futures  une  histoire  complète  de  cette  malheureuse 
contrée. 

Après  la  décadence  de  la  Pologne,  Czacki,  non  moins  eé- 
lèbre  comme  patriote  que  comme  savant  puhlieiste;  Kollon- 
tay,  écrivain  et  orateur  politique  distingué  ;  Niemcewicz, 
j)ot  le  et  historien;  Albertrandy,  Ossolinski  ;  Bentkowski , 
auteur  d'une  Histoire  littéraire  de  Pologne,  publiée  en  1814; 
les  deux  frères  Banptkié,  l'un  jurisconsulte ,  l'autre  historien; 
Soltyrowicz,  Lelewel  (Joachirn) ,  ex  -professeur  d'histoire 
universelle  dans  l'université  de  Wilna,  non  moins  distingué 
par  l'étendue  et  la  profondeur  de  ses  connaissances  que  par  la 
pureté  de  son  patriotisme,  et  d'autres  savans,  ont  acquis  des 
droits  à  l'estime  et  à  la  reconnaissance  de  leurs  compatriotes 
par  leurs  écrits  sur  l'histoire  et  la  législation. 

Une  énumération  des  anciens  historiens  de  ce  pays,  suivie 
de  quelques  indications  des  principaux  ouvrages  publiés  de 
nos  jours,  ne  sera  point  déplacée  dans  ce  recueil. 

L'histoire  de  Pologne  a  occupé  beaucoup  d'écrivains  natio- 
naux et  étrangers,  qui  ont  laissé  plusieurs  ouvrages,  imprimés 
ou  manuscrits.  Après  l'auteur  anonyme  de  la  vie  à'Adalbert,  on 
regarde  Martin  G  allas,  Français  expatrié,  comme  le  plus  an- 
cien historien;  il  vivait  vers  ino  et  n35.  Vinrent  ensuite 
Mathieu  Cholewa,  évêque  de  Cracovie;  Vincent,  fils  de  Kad- 
lubeck ,  autre  évêque  de  Cracovie,  mort  en  1223;  Bogufal, 
évèque  de  Posen ,  mort  en  i25'3;  Godzislas  Baszro,  Martin 
Strzembsri,  mort  en  1279;  Dzierzva,  en  1420;  Sigismond 
Rositzius,  en  1470  ;  quelques  anonymes,  et  enfin  l'illustre  Jean 
Dlugosz  (Lorigin),  instituteur  des  fils  du  roi  Casimir  Jagellon, 
né  en  i/ji5  ,  et  mort  en  1480. 

Ici  commence  une  autre  époque  :  Mathieu  de  Miechow,  mé- 
decin de  Sigismond  Ier,  publia  son  ouvrage  en  1621  ;  c'était  le 
premier  ouvrage  historique  imprimé  (1).  Martin  Kromer,  évè- 
que de  Warinie,  mort  en  1589,  fut  surnommé  le  Tite-Lwe  de 
la  Pologne.  Parmi  les  écrivains  qui  depuis  ont  traité  des  épo- 
ques particulières  de  l'histoire  du  pays,  Bernard 'W\vomt?,^\  et 
Alexandre  Guagnini,  Italien,  doivent  être  distingués;  ce  der- 
nier avait  servi  honorablement  dans  l'armée  polonaise  et  fut 
anobli.  Nous  citerons  ensuite  Mathieu  Stryikowski  ,  historien 
de  la  Lithuanie  et  delà  Russie  polonaise;  Stanislas  Piasecki, 
protestant  qui  vivait  dans  la  seconde  moitié  du  xvie  siècle,  au- 

(1)  Oii  imprimait  déjà  en  Pologne  avant  Tan  1480. 


POLOGNE.  >>\ 

leur  de  quelques  oui  rages  très-  remarquables ,  et  qui  a  continué 
l'histoire  <!<•  Pologne  jusque  la  mon  d'i. tienne  liatory.  "Martin 
Hiiiski  ,  mon  en  i  576,  a  laissé  une  Chronique  qu'il  a  conduite 
jusqu'au  tema  <»n  il  vécut,  et  que  son  (ils  .io\ciini  a  continuée 
jusqu'à  Sigismond  III.  Le  style  de  cette  Chronique,  d'aiHeurs 
fori  estimée  sous  le  rapport  historique,  «'si  si  beau,  (prou  l'a 
nomme  le  -style  d'or.  Adalbcrt  Koiunuia,  né  en  1 '>'><>,  a  écrit 
en  latin  une  très-bonne  Histoire  de  Lithuanie.  Le  célèbre  Louis 

Sciii.oKT/F.H ,  qui  a  traduit  cet  ouvrage  en  allemand,  s'exprime 

xainsi  :  Koialowicz  est.,  sans  contredit,  l'un  des  meilleurs  his- 
toriens du  xvu'  siècle,  tant  par  sa  manière  d'écrire,  que  par 
le  choix  des  matières,  la  sagesse  des  vues  et  la  critique  histo- 
rique. » 

D'autres  écrivains,  qu'il  convient  de  mentionner,  se  sont 
occupés  de  règnes  séparés;  tels  (pie  Tzeler,  Petryey,  GornicAi , 
Lubicnski,  Piaseeki ,  Strfikoiwski,  Fredro,  Kobierzycki,  Meyden- 
sztryn ,  etc.  Dans  la  seconde  moitié  du  siècle  dernier,  Adam 
Nauuszewicz,  excellent  traducteur  de  Tacite,  poëte  remar- 
quable et  historien,  fut  surnommé  le  Tacite  polonais.  Son  his- 
toire de  la  Pologne  commence  à  l'époque  de  l'introduction  du 
christianisme  par  le  roi  Mieczyslas  Ier,  en  965,  et  se  continue 
jusqu'à  la  famille  des  Jagellons,  ou  première  dynastie  des 
Piasls,  régnant  par  droit  de  succession  jusqu'en  i386.  Naru- 
szewicz  avait  formé  le  dessein  de  reprendre  plus  tard  l'histoire 
des  tems  antérieurs  à  965,  qui  devait  former  le  tome  1er.  Il 
commença  son  ouvrage  au  second  volume,  et  publia  les  tomes 
2,3,  l\ ,  5,  6  et  7,  de  1780  à  1786.  Une  seconde  et  belle  édition 
de  cet  ouvrage  parut,  à  Varsovie,  en  i8o3,  aux  frais  du  comte 
Th adée  Mostowsri  ,  publiciste  et  littérateur  distingué,  aujour- 
d'hui ministre  de  l'intérieur;  mais  personne  n'osa  se  charger 
de  composer  le  premier  volume,  qui  manquait,  pour  compléter 
ce  bel  ouvrage.  La  Société  royale  des  amis  des  sciences  de  Var- 
sovic,  désirant  exciter  le  zèle  des  littérateurs,  arrêta  :  i°  que 
plusieurs  de  ses  membres  s'occuperaient  individuellement  de 
l'histoire  d'un  règne,  à  commencer  de  l'époque  à  laquelle  Na- 
ruszewicz  avait  cessé  son  ouvrage;  20  qu'après  avoir  achevé 
son  travail,  chaque  auteur  devrait  le  soumettre  à  la  société; 
3°  que,  lors  de  la  réunion  des  divers  manuscrits,  une  commis- 
sion serait  nommée  pour  les  examiner,  les  refaire,  s'il  le  fallait, 
et  pour  publier  enfin  une  collection  complète  sous  les  auspices 
et  au  nom  de  la  société;  chaque  membre  pouvant  néanmoins 
publier  son  travail  particulier  avant  la  mise  au  jour  de  la  col- 
lection complète.  En  vertu  de  cette  décision,  les  histoires  de 
plusieurs  règnes  furent  terminées  et  soumises  à  la  société,  et 


asu  il  aOPE. 

deux  ont  été  publiées;  savoir  :  Panowank  Zygmunta  III,  règne 
de  SigismondjlU,par/«&?«  UwinNw&cRwicz.(fPrarsovie,  1819, 
3  Torts  volumes  in-8°),  et  Panowanie  fVladyslawa  IV ',  règne 
de  W  ladislasIV,  par  Çaètan  K.wiatk.owsju.  [JVarsovie ,  i8'>,3, 

1  fort  vol.  in-8°.)  Les  auteurs  de  ces  ouvrages,  surtout  le  pre- 
mier, se  sont  montrés  les  digues  continuateurs  de  Naruszewicz. 

La  Société  des  amis  des  sciences  de  AVarsovie,  non  contente 
de  faire  terminer  l'histoire  que  cet  écrivain  célèbre  n'avait  pu 
conduire  durant  sa  vie  que  jusqu'à  l'année  i386,  a  encore 
acquis  des  droits  à  la  reconnaissance  nationale,  en  faisant  pu- 
blier, à  ses  frais,  trente  ans  après  la  mort  de  Naruszewicz,  le 
premier  volume  de  son  ouvrage,  contenant  Y  Histoire  des  teins 
qui  précédèrent  V  introduction  du  christianisme  en  Pologne.  Ce  pre- 
mier volume,  que  l'auteur  n'avait  pu  terminer,  mais  pour  la 
publication  duquel  il  avait  préparé  et  coordonné  lui-même  les 
matériaux.,  est  intitulé  :  Ristorya  naroda  polshiego  przedrokiern 
965.  Histoire  de  la  nation  polonaise  avant  l'introduction  de  la 
religion  chrétienne,  en  g65,  par  Adam  Naruszewicz,  2  parties. 
(Warsovie,  1824.  In- 8°  avec  cartes.) 

La  même  année  vit  paraître  une  autre  production  :  Bistoiya 
Xionzont  i-hrolow  potskich,  etc.  Histoire  des  princes  et  des 
rois  de  Pologne,  par  Théodore  Waga,  publiée  par  Joachim 
Lelewel.  (Warsovie,  1824.  1  vol.  in-8°.) 

Il  v  a  soixante  et  quelques  années  que  Théodore  Waga  pu- 
blia sous  ce  titre  un  abrégé  très  -  succinct  de  l'histoire  de 
Pologne.  A  défaut  d'un  meilleur  traité,  on  s'en  servit  dans 
toutes  les  écoles,  et  l'ouvrage  eut  un  grand  nombre  d'éditions. 
Enfin,  M.  Lelewel,  ex-professeur  d'histoire  à  l'université  de 
Wilna,  reconnaissant  combien  il  était  défectueux,  mais  vou- 
lant lui  conserver  un  titre  qu'un  long  usage  avait  rendu  res- 
pectable, le  refondit  entièrement,  le  compléta  et  le  publia  sous 
le  nom  de  Waga.  Dans  ce  travail,  il  divise  l'histoire  de  Pologne 
d'une  manière  tout-à-fait  neuve  :  en  quatre  époques.,  la  partie 
fabuleuse  non  comprise,  et  renfermée  dans  l'introduction.  La 
première  époque  commence  à  Ziemoaùt,  fils  de  Piast,  au 
ixp  siècle,  et  finit  à  Boleslas  (Krzywousty)  à  la  bouche  de  tra 
vers,  et  s'étend  de  965  à  1139.  Dans  cette  époque,  il  présente 
la  Pologne  conquérante.  La  seconde  époque,  comprenant  de 
11 39  à  i333,  présente  la  Pologne  partagée  sous  les  successeurs 
de  Boleslas.  La  troisième  se  termine  à  l'année  i586,  et  con- 
tient l'histoire  des  tems  compris  entre  la  mort  de  Wladislas  le 
nain  (Lokietek),  et  à  celle  de  Batory.  Cette  époque  offre  la 
Pologne  florissante.  La  quatrième  représente  le  pays  tombant 
en  décadence,  depuis  la  mort  d'Etienne  et  le  commencement 


POLOGNE.  a*3 

du  règne  de  quarante  i\%  ans  de  l'indolent  Sigismond  m  ,  qui 
se  rapporte  bu  moment  où  les  jésuites  commencèrent  a  exei 
cer  l  *  *  1 1 1-  domination  sur  l'espril  public,  el  .1  s'emparer  d<  s 
écoles  el  des  imprimeries;  époque  où,  suivant  l'expression  de 
Bentkowski,  de  Soltykowicz  el  de  Sniadecki,  l'édifice  antique, 
élevé  par  des  citoyens  vertueux  et  des  princes  magnanimes ,  fut 
renversé  :  el  à  dater  de  laquelle  <>n  pul  prédire  la  décadence 

progressive  des  sciences  et  (les  arts,  et  enlin  celle  du    pavs.     Ce 

livre  devant  être  à  l'usage  de  tous  les  âges  el  dfe  toutes  les 
conditions,  el  particulièrement  de  la  jeunesse,  L'auteur  s'est 
attaché  aux  objets  les  pins  dignes  d'intérêt.  Il  expose^  dans 
des  remarques  pleines  d'érudition  et  de  jugement,  l'étal  de  la 
nation  sous  chaque  roi,  la  législation  et  la  forme  du  gouvei 
neinenl.  Il  prouve  (jnc  la  Pologne  n'a  jamais  été  un  pays  féo- 
dal, cl  donne  aux  lecteurs  des  notions  suffisantes  suc  la  culture 
et  la  statistique  du  pays. 

Dzieié  krolestwa  PefsAiego,  Histoire  du  royaume  de  Pologne, 
par  George-Samuel  Bandtkjé.  Bakslau,  1820,  Korn.  ae édi- 
tion. —  ('et  ouvrage,  pins  étendu  que  le  précédent,  donne  une 
connaissance  complète  de  l'histoire  de  Pologne;  il  contient  une 
critique  Sage,  et  le  style  en  est  clair  et  correct.  Le  savant 
l.elewel  a  dit  de  eette  seconde  édition  :  qu'il  ri  existe  pas,  dans 
ce  genre ,  d'ouvrage  plus  parfait. 

Rys  historyi  PolsAiey,  etc.  Esquisse  de  l'histoire  de  Pologne, 
par  Joseph  Miklaszew ski.  (  AVarsovie,  181 8,  1  vol.  in- 12.)  — 
C'est  un  abrégé  de  l'histoire  générale  de  Pologne,  à  l'usage  des 
commençans;  il  contient  plusieurs  cartes  géographiques,  repré- 
sentant la  Pologne  dans  les  différentes  périodes  de  sa  gran- 
deur passée. 

Sptévvjrhistoryczne,  etc.  Chants  historiques  ,  par  Julien-Ursin 
\ii  mckwicz  ,  membre  et  président  actuel  de  la  société  des  amis 
des  seie/ices  de  IFarsoviv.  (AVarsovie,  18 19.  1  fort  vol.  in-8°.) 
—  La  société  des  amis  des  sciences  ayant  conçu  le  projet 
honorable  de  transmettre  aux  générations  futures  des  souve- 
nirs nationaux,  et  le  tableau  des  faits  éclatans  qui  honorent 
les  anciens  rois  et  les  citoyens  de  la  Pologne,  chargea  l'auteur 
de  réunir  ces  faits  historiques,  et  d'en  faire  le  sujet  de  chants 
qui  pussent  devenir  populaires.  Ce  savant  respectable  en  a  ré- 
digé trente-trois;  il  a  ajouté  à  chaque  chant  un  précis  histo- 
rique, facile  à  retenir.  L'ouvrage  est  terminé  par  un  petit 
poème  sur  le  prince  Joseph  Poniatowski,  mort  à  Leipzig  en 
1 -S  1  ').  L'auteur  a  placé,  en  tête  de  l'ouvrage,  un  chant  com- 
posé par  saint  Adatbcrt,  il  y  a  huit  cents  ans  ,  avec  l'ancienne 
musique,  et  qu'on  a  toujours  chanté  dans  les  églises;  les  soldats 


EUROPE. 

le  répétaient  au  commencement  de  chaque  bataille.  Depuis 
quelque  teius  ,  ou  le  chante  de  nouveau  ,  tous  les  dimanches  , 
dans  une  de9  églises  de  Warsovie.  Chaque  chant  historique  est 
accompagné  dune  gravure  et  de  la  musique  notée  qui  s'y 
rapporte.  On  remarque  avec  plaisir  que  presque  tous  les  su- 
jets sont  dessinés,  et  que  presque  toute  la  musique  est  compo- 
sée par  des  dames  polonaises. 

Piélgrzym  tv  Dobromillu. — Le  Pèlerin  à  Dobromil.  (Varsovie, 
1816.  2  vol.  avec  5o  gravures.  )  —  La  princesse  Isabelle  Czar- 
toryska,  mère  du  sénateur  palatin  du  royaume,  est  l'auteur 
de  cet  ouvrage,  dans  lequel  un  pèlerin  va  de  village  en  vil- 
lage enseigner  aux  paysans  et  à  leurs  enfans  l'histoire  de  la 
patrie,  racontée  dans  un  style  simple  et  claif. 

Pamuvani  éHenryka  Walezyusza  i  Stefana  Batore^p. — Règnes 
de  Henri  de  Valois  et  d'Etienne  Batory,  rois  de  Pologne; 
extraits  des  manuscrits  d' Albcrtrandy,  publiés  par  Ignace 
Onacewicz.  (Warsovie,  1824.  2  vol.  in- 8°.  ) 

Jean  Baptiste  Albertrandy,  évèque  in  partibus  de  Zenopolis, 
mort  à  Warsovie  en  1808,  président  de  la  société  des  amis 
des  sciences  de  cette  ville,  se  rendit  en  1782  en  Italie,  et 
dans  l'espace  de  trois  ans  il  y  fit,  dans  les  différentes  biblio- 
thèques, des  extraits  concernant  l'histoire  de  Pologne,  qui 
formèrent  cent-dix  volumes  manuscrits;  puis,  il  se  rendit  à 
Stockholm  et  à  Upsal,  où  sont  déposés  des  manuscrits  pré- 
cieux, relatifs  à  Pologne.  Doué  d'une  mémoire  étonnante,  il 
recueillait  par  écrit  tous  les  soirs  ce  qu'il  avait  lu  dans  la 
journée,  et  parvint,  de  cette  manière,  à  éluder  la  défense  qui 
lui  avait  été  faite  par  le  gouvernement  Suédois  de  prendre  au- 
cune note  écrite,  et  à  réunir  une  collection  précieuse  de  200 
volumes  manuscrits  d'extraits  historiques.  Stanislas- Auguste 
lui  accorda  une  médaille  avec  l'inscription  nicrentibus.  Il  a 
travaillé  jusqu'aux  derniers  momens  de  sa  vie;  et  les  services 
qu'il  a  rendus  à  la  littérature  ,  lui  ont  mérité  l'estime  pu- 
blique. 

Kollehtanea  zdziéiopisow  Turec/dch,  etc. — Collcctanea,  ou  ex- 
traits des  historiens  turcs,  pour  servir  à  l'histoire  de  la  Pologne; 
par  Joseph  Senrowski  (Warsovie,  i$i$.  2  vol.  in-8°).  Il  est 
curieux  de  connaître  ce  que  les  historiens  turcs  peuvent  écrire 
sur  leurs  relations  avec  les  autres  peuples;  sur  leurs  guerres, 
leurs  victoires  ou  leurs  défaites.  De  pareils  matériaux  sont 
d'un  grand  intérêt  pour  la  critique  historique.  Cet  ouvrage 
est  fort  rare. 

Pamicntnihi  o  dawneyPolszcze,  etc. — Mémoires  sur  l'ancienne 
Pologne,  par  Julien-  TJrsin  Niemcewicz (Warsovie,  1820.  k  vol. 


POLOGNE. 

ii  8  .  (,'csi  une  collection  d'écrits  de  peu  d'étendue,  pouvant 
wrvMr  de  matériaux  pour  l'histoire  polonaise.  Ce  recueil  con- 
t ut i i  dos  lettres  el  des  mémoires  de  Polonais  distingués,  <•(. 
d'étrangers  qui  ont  éeril  sur  la  Pologne;  des  descriptions  de 

fêtes    nationales,  de  diclcs;   des   discours;   des  extraits    d'aeles 

ancienSj  etc.  Il  n'est  pas  un  seul  Polonais  qui  ne  Lise  cel  ou- 
vrage avec  intérêt   Les  circonstances  n'ont  point   permis  à 

l'auteur  de  !«•  terminer. 

Indépendamment  «les  ouvrages  historiques  dont  nous  ve- 
nons de  parler ,  il  a  été  publié,  depuis  j  «S  i  :> ,  un  grand  nombre 
de  traductions,  entre  autres  :  Panovanie  Htnryka  kfalezyuszat 
Règne  de  Henry  de  A  alois,  par  Cuois.vin,  né  en  i53o,  traduit 
du  français  par  Adidbc rt, Tu&sxj ( Wilna ,  1818.  1  vol.  in-8°). 

Pienhnosri  historyi  Polshiéy.  — Beautés  de  l'histoire  de  Po- 
logne, par  Nogaret,  traduit  du  français  (Breslau,  Korn. 
1  vol.  in- 12  ). 

Nous  indiquerons  encore  un  grand  nombre  de  brochures, 
de  dissertations,  d'écrits  historiques  assez  étendus,  publies  sé- 
parément ou  insérés  dans  divers  ouvrages  périodiques,  et  par- 
ticulièrement dans  les  Mémoires  de  Jf'arsoeic,  dans  les  Mé- 
moires scientifiques  et  les  exercices  littéraires ,  dans  le  Journal 
de  f Varsovie  3  dans  Y  Abeille  de  Oneovie,  dans  la  Fourmi  de  Poz- 
nanic,  dans  le  Journal  de  IVilna ,  dans  les  Mémoires  de  Lcm- 
hetg  ;  enlin,  nous  devons  comprendre,  dans  cette  rapide  revue: 
i°  la  Chronique  polonaise  du  xe  siècle ,  par  Prokosz  (Varso- 
vie, 1825.  1  vol.  in-12);  2°  Ostatnié  lata  panowania  Zyg- 
munta  starego ,  etc.;  ou  les  dernières  années  du  règne  de  Sigis- 
mond  Ier  (le  vieux),  et  le  commencement  du  règne  de  Sigis- 
mond  II  [Auguste),  par  Joachim  Lelewel  (Varsovie,  1821  ; 
<ilucksberg.  1  vol.  in-  8°);  3°  YHlstorya  Pols/d,  etc.,  abrégé 
de  l'histoire  de  Pologne,  par  Joseph  Falenski  (Breslau,  1819. 
1  vol.  in-8°). 

Le  premier  de  ces  ouvrages  est  une  collection  de  fables  in- 
ventées vers  le  milieu  du  siècle  dernier,  et  qu'on  a  voulu  faite 
passer  pour  un  recueil  du  xc  siècle.  Cette  fraude  a  été  dé- 
voilée dans  le  Journal  de  Varsovie.  Le  second  est  un  extrait  des 
manuscrits  d'une  histoire  de  Pologne,  qui  n'est  pas  encore  im- 
primée. Le  nom  de  l'auteur,  ses  nombreux  travaux,  bien  con- 
nus dans  le  monde  littéraire,  sont  une  garantie  du  mérite  de 
ce  petit  ouvrage.  Le  troisième  traité  est  fort  inférieur  au  pré- 
cédent. 

Enfin,  les  Mémoires  de  Michel  Oginski,  sur  la  Pologne  et  les 
Polonais ,  depuis  1788  jusqu  'en  1 8  1  5  (  Paris  ,1827.4  vol.  in-8°)  ; 
ouvrage  entièrement   historique ,  annoncé  dernièrement  (voy 
r    xxxvi-  —  Octobre  1827 .  i5 


aafl  EUROPE. 

lier.  Ehc.j  t. xxxi  i,  p.  7  58),  et  dont  les  principaux  journaux 
île  France,  d'Allemagne,  d'Italie,  et  même  de  l'Amérique  du 
Sud,  ont  rendu  compte  avec  soin ,  est  l'ouvrage  le  plus  récent 
sur  la  Pologne,  et  qui  conduit  l'histoire  de  ce  pays  jusqu'en 
i8i5.  P.  C. 

DANEMARK. 

Copenhague.  —  Instruction  élémentaire.  —  M.  le  chevalier 
d'Ami  ahamson ,  aide-de-camp  de  S.  M.  le  roi  de  Danemark, 
secondant  avec  zèle  les  vues  bienfaisantes  de  ce  monarque, 
est  parvenu  à  donner  beaucoup  d'extension  à  l'enseigne- 
ment élémentaire  dans  toute  l'étendue  du  royaume.  Des  suc- 
cès aussi  importans  ont  attiré  l'attention  des  philantropes 
de  tous  les  pays  :  la  Société  d'instruction  élémentaire  de  Paris 
s'est  empressée  de  féliciter  M.  d'Abrahamson  et  son  souve- 
rain, hommage  qu'aucune  adulation  ne  peut  altérer,  et  qui 
est  l'expression  fidèle  de  la  reconnaissance  publique.  Dans  une 
lettre  en  réponse  à  cette  Société,  M.  d'Abrahamson  s'exprime 
ainsi  :  «  Je  me  suis  empressé  de  mettre  aux  pieds  de  mon  sou- 
verain l'hommage  que  vous  rendez  à  son  amour  pour  son  pays 
et  à  son  zèle  infatigable  pour  la  propagation  des  lumières  dans 
les  contrées  qui  ont  le  bonheur  de  se  trouver  sous  sa  bienfaisante 
administration  :  l'auguste  prince  a  reçu  cette  respectueuse 
communication  aussi  gracieusement  que  je  pouvais  l'espérer.  » 

ALLEMAGNE. 

Berlin.  —  Académie  des  Sciences.  —  Question  proposée  par 
la  classe  de  physique,  pour  le  concours  de  l'année  1829.  — 
L'entomologie  est  sans  contredit  celle  des  diverses  branches 
de  la  zoologie  qui  a  le  plus  excité  l'intérêt  des  amateurs  et  des 
savans;  et  parmi  ces  derniers,  on  distingue  des  observateurs 
du  talent  le  plus  éminent.  Cette  réunion  d'efforts  était  plus 
nécessaire  ici  que  partout  ailleurs ,  vu  le  nombre  prodigieux 
des  espèces  diverses ,  qui  se  trouve  encore  à  peu  près  doublé 
par  la  métamorphose  presque  totale  que  la  plupart  subissent , 
et  qui  amène  non-seulement  des  formes  toutes  différentes, 
mais  surtout,  pour  surcroît  de  difficultés  ,  une  différence  com- 
plète dans  les  localités  d'habitation  et  dans  le  genre  de  vie. 

On  conçoit  aisément  que  la  métamorphose  des  insectes,  l'ob- 
jet le  plus  important  de  l'entomologie,  soit  néanmoins  le  plus 
imparfaitement  connu.  Les  papillons  sont  presque  les  seuls 
insectes  dont  les  formes  antérieures  soient  suffisamment  avé- 
rées; parmi  les  coléoptères,  il  s'en  trouve  quelques-uns  dont 


ALLEMAGNE.  i»? 

les  Larves  ont  été  bien  reconnues;  mais  ce  n'est  j >«-is  à  beaucoup 
près  le  plus  grand  nombre,   el   récemment  encore  deux  en- 

homologues  connus  oui   décrit    el    figuré  la    larve   d'un    Drilu» 

comme  étant  un  ver  Intestinal  d'un  testacée  terrestre.  Pour 

ions  les  antres  ordres,  L'incertitude  va  toujours  croissant,  et 

SUrtOUl  pour  les  diptères,  dont  quelques  larves,  pi  ises  ancien- 
nement, pour  des  ver  S,  passent  encore  aujourd'hui  sous  cette 
dénomination,  et  dont  la  majeure  partie  nous  est  absolument 
inconnue. 

Pour  contribuera  dissiper  une  incertitude  aussi  fâcheuse,  la 
(lasse  de  physique  propose  la  question  suivante  : 

«  Tracer  pour  tes  larves  d'insectes  des  ordres  et  des  familles 
naturelles  tellement  caractérisées  qu'on  puisse,  parles  caractères 
de  la  larve,  reconnaître  sinon  le  genre,  du  moins  la  famille  de  l 'in- 
secte parfait.  La  classe  désire  que  cette  nomenclature  des  larves 
soit  spécialement  détaillée  pour  les  diptera  Lin.  [antliata  Fabr.) 
et  appliquée  aux  genres  les  moins  connus  sous  ce  rapport.  »  — 
Les  descriptions  de  larves  qui  ne  se  trouvent  point  encore 
figurées  doivent  être  accompagnées  d'une  délinéation  exacte, 
et  d'exemplaires  dans  l'esprit  de  vin. 

Le  3i  mars  1829  est  le  terme  de  rigueur  pour  la  remise  des 
mémoires.  Le  prix,  de  5o  ducats,  sera  décerné  dans  la  séance 
publique  du  3  juillet  même  année. 

Nominations.  —  S.   M.   le  roi  de  Prusse  a  approuvé 

la  nomination  que  l'Académie  des  sciences  a  faites  de  M.  le 
ministre  d'état  baron  de  Stein  à  la  place  de  membre  hono- 
raire ;  celle  de  M.  le  professeur  de  Raumer  à  la  place  de  mem- 
bre résident  pour  la  classe  historique  et  philologique;  et  celle 
•de  M.  le  professeur  d'EHREivBERG  à  la  place  de  membre  rési- 
dent pour  la  classe  des  sciences  physiques.  Ce  dernier  était  déjà 
académicien  extraordinaire. 

—  Enseignement  de  la  géographie.  —  M.  Alexandre  de 
Humboldt  est  sur  le  point  d'ouvrir  ici  des  cours  de  géogra- 
phie physique.  L'afflncnce  des  personnes  qui  s'inscrivent  pour 
suivre  ses  leçons  est  si  grande,  que  la  salle  des  cours  ne  suffira 
point  pour  recevoir  tous  les  auditeurs.  M.  de  Humboldt  qui  a 
beaucoup  admiré  à  Paris  le  bel  établissement  du  Géorama, 
regrette  qu'il  n'y  en  ait  pas  à  Berlin  un  du  même  genre  qui  lui 
offrirait  l'emplacement  le  plus  convenable  pour  ses  leçons  et 
pour  faire  suivre  sur  une  carte  d'une  immense  dimension  les 
voyages  de  découvertes,  et  donner  une  sorte  &  intuition  du 
globe  terrestre,  considéré  d'un  seul  coup  d'œil  dans  son  en- 
semble et   dans  tous  ses  détails.  La   Géographie  comparée  est, 

i5. 


228  EUROPE. 

comme  lAnatomie  comparée,  une  science  nouvelle  éminem- 
ment propre  à  faire  avancer  les  sciences  géographiques.       N. 

Weimar.  —  Hommage  rendu  par  la  puissance  au  génie. 
—  Il  y  a  peu  de  tems  que  la  ville  de  Weimar  avait  offert  à 
l'Europe  littéraire  une  scène  extrêmement  touchante  ;  le  pa- 
triarche de  la  littérature  allemande ,  l'illustre  Goethe,  avait 
reçu  l'hommage  d'un  monarque  ,  ami  véritable  des  sciences  et 
des  arts ,  qui  est  lui-même  un  des  hommes  les  plus  éclairés 
de  l'Allemagne ,  et  qui  ne  perd  aucune  occasion  de  montrer 
le  noble  enthousiasme  dont  il  est  animé  pour  les  idées  géné- 
reuses. Le  roi  de  Bavière,  ayant  appris  qu'on  allait  célébrer 
le  jour  anniversaire  de  la  naissance  de  Goethe ,  s'était  rendu 
inopinément  à  Weimar,  avait  pressé  le  poète  célèbre  dans  ses 
bras  ,  en  lui  passant  autour  du  cou  le  grand  cordon  de  l'ordre 
de  Bavière ,  dont  il  était  revêtu. 

De  retour  à  Munich ,  le  jeune  prince  a  consigné  dans  une 
ode  les  vives  impressions  dont  il  était  rempli  en  quittant  Wei- 
mar, et  il  a  rendu  un  solennel  hommage  a  la  poésie,  au  grand- 
duc  de  Weimar,  Charles-Auguste,  et  à  Goethe,  son  illustre 
ami. 

On  retrouve  dans  cette  ode  le  génie  de  la  langue  allemande  : 
beaucoup  de  profondeur  et  de  grâce  dans  les  idées  ,  et  une 
grande -concision  dans  le  style.  La  traduction,  ou  plutôt  la 
paraphrase  suivante,  est  bien  loin  de  donner  une  juste  idée 
des  beautés  de  l'original. 

A    WEIMAR. 

«  Rêves  d'une  vie  plus  belle  ,  que  les  jours  passés  à  Weimar 
se  balancent  avec  délices  devant  mon  âme  !  autour  de  moi 
tout  doit  changer  :  ainsi  le  veut  le  tems;  mais  ma  mémoire 
gardera  si  fidèlement  ces  beaux  souvenirs,  qu'elle  saura  rendre 
au  passé  tout  l'éclat  du  présent. 

«  Eh  quoi  !  le  pâle  reflet  du  souvenir,  n'est-ce  pas  là  tout  le 
bonheur  accordé  à  l'homme  ici  bas?  Hélas!  ces  rayons  éclatans 
qui  se  jouent  sur  les  flots  ne  sont  que  les  rayons  déjà  déco- 
lorés du  soleil,  et  la  voix  du  plus  grand  poète,  à  mesure  qu'elle 
retentit ,  perd  de  son  charme  et  de  sa  puissance. 

«  J'ai  pu  assister  encore  à  ce  grand  spectacle  du  génie  le 
plus  vaste ,  honoré  ,  chéri  de  l'intelligence  la  plus  digne  de 
comprendre  le  prix  d'un  tel  trésor.  J'ai  vu  Auguste,  j'ai  vu 
mieux  que  Virgile.  Leur  étroite  et  noble  union  est  éternelle  sur 
la  terre.  Non,  jamais  elle  ne  pourra  être  brisée  que  par  l'im- 
pitoyable caducée  de  Mercure  ,  lorsque  le  tems  sera  venu  d'ap- 


ALLEMAGNE  —SUISSE.  sag 

peler  au*  sombre*  bords  le  sublime  vieillard  et  son  royal  ami. 

«  Les  souvenirs  les  plus  euh  rapt  se  sont  entrelacés  dans  mon 
âme,  comme  une  cmiruiinc  ,  heureux  assemblage  de  tout  ce 
qui  esi  beau  •'  Rome  encore  illustrée  par  le  séjour  de  Goethe, 
Weimar,  où  Qeurjt  sa  jeunesse,  où  refleurissent  ses  vieux  ans; 
et  vous,  bords  Ueureui  du  Rhin  (jui  les  premiers  avgz  retenti 
des  accens  du  poèlOi 

«  Le  soleil  même  ,  après  avoir  caelié  sa  tête  radieuse  dans 
le  vaste  Océan,  crie  d'une  voix  puissante  à  la  terre,  tiède  en- 
core des  leux  du  midi,  qu'il  reviendra  la  féconder.  Ainsi, 
dans  les  paroles  du  poète  ,  on  sent  respirer-une  puissance  qui, 
en  dépit  du  tems  et  des  lieux,  ira  subjuguer  jusqu'à  la  der- 
nière postérité. 

«  Oui,  grand  homme!  le  genre  humain  est  riche  à  jamais 
des  bienfaits  qu'il  reçut  à  Weimar  :  votre  gloire  a  conquis 
l'immortalité  et  a  revêtu  d'une  majesté  impérissable  les  lieux 
où  vous  respirez*  A  l'avenir  ils  seront  honorés  du  concours  des 
peuples.  Saint,  Weimar,  salut  éternel,  sanctuaire  de  l'Alle- 
magne. »  R. 

SUISSE. 

Zoi;g.  —  Population.  —  La  population  totale  de  ce  canton 
s'élève  à  i3,8oo  habitans,  parmi  lesquels  on  compte  210  ecclé- 
siastiques. D'après  le  tableau  dressé  en  1827,  il  se  trouve 
dans  ce  petit  canton  55  ecclésiastiques  séculiers;  44  autres  ci- 
toyens du  canton  exercent  leur  ministère  ailleurs.  Les  ecclé- 
siastiques réguliers  se  composent  de  8  capucins,  32  moines  de 
l'ordre  de  Citeaux  dans  le  couvent  de  Frauenthal,  et  25  de 
l'ordre  de  St. -François.  En  outre,  46  personnes  des  deux  sexes 
appartenant  à  ce  canton  passent  leur  vie  dans  des  couvens  hors 
de  leur  pays. 

Canton  de  Berne.  —  Education  des  sourds-  muets.  —  Ce 
cauton  possède  aujourd'hui  trois  établissemens  consacrés  aux 
sourds-muets:  deux  dans  les  environs  de  Berne,  et  le  troisième 
dans  la  petite  ville  de  Laupen.  Quelques  amis  de  l'humanité, 
touchés  du  triste  abandon  auquel  étaient  condamnés  les  sourds- 
muets,  qui,  dans  le  canton  de  Berne  et  sur  une  population  de 
3oo,ooo  âmes  environ,  sont  au  nombre  de  1000  ,  formèrent  la 
résolution  d'ouvrir  à  ces  infortunés  une  école  où  ils  pussent 
recevoir  les  secours  d'une  éducation  spéciale  et  d'une  instruc- 
tion appropriée  à  leurs  besoins.  Ils  voulaient  aussi  simplifier  les 
méthodes  d'enseignement  à  leur  usage,  jusqu'alors  enveloppées 
d'une  espèce  de  mystère,  de  telle  soi  te  que  chaque  maître  d'école 
de  la  campagne  pût  en  faire  l'application  au  profit  des  sourds- 


ilo  EUROPE. 

muets  qui  l'entourent.  Le  gouvernement  encouragea  cette  en tre- 
prise  et  lui  accorda  des  sommes  considérables.  Un  instituteur 
fut  envoyé,  pendant  huit  mois,  à  l'institution  célèbre,  dirigée 
a  Yverdun  par  M.  Nakf.  (Voy.Rev.  £nc.,t.  xxxi,  p.  246.)  Ensuite 
on  loua  à  Baechtelcn  ,  près  du  village  de  Wabern,  à  une  demi- 
lieue  de  Berne,  un  local  dans  une  situation  tranquille,  où,  dès 
le  mois  d'avril  1812,  furent  admis  deux  élèves,  puis  trois;  on  en 
compte  maintenant  vingt-irois,  tous  occupés,  avec  une  joyeuse 
activité,  à  la  lecture,  à  l'écriture,  au  calcul ,  au  dessin,  ou  bien 
aux  travaux  manuels  qui  doivent  un  jour  soutenir  leur  exis- 
tence. Sous  la  direction  de  l'instituteur  dont  nous  avons  déjà 
fait  mention,  se  trouve  placé  un  maître  auxiliaire,  sorti  d'un 
des  séminaires  bernois  destinés  à  former  les  maîtres  d'école. 
Quelques-uns  des  élèves  ont  fait  des  progrès  rapides  et  sont 
déjà  capables  d'entretenir  une  conversation  par  écrit;  d'autres 
sont  arrivés,  dans  l'instruction  religieuse,  au  degré  nécessaire 
pour  être  admis  à  la  première  communion.  Ils  rédigent  jour 
par  jour  des  mémoriaux  ou  livres  de  souvenirs  (Tagebùcher) , 
dont  la  lecture  est  très-attachante.  Après  les  heures  de  leçons, 
ils  se  livrent  aux  travaux  manuels  :  les  uns  sont  tailleurs  ou 
cordonniers;  d'autres  cordiers,  ébénistes,  menuisiers,  etc. 

Depuis  un  an,  une  autre  institution,  soutenue  également 
par  des  fondations  bienfaisantes,  s'est  établie  près  de  la  belle 
promenade  de  FEngi,  à  un  quart  de  lieue  de  Berne.  Plusieurs 
jeunes  filles  de  diverses  parties  du  canton  y  sont  réunies  sous 
la  direction  de  trois  institutrices.  Ces  deux  écoles  sont  soumises 
à  la  surveillance  d'une  commission,  et  à  l'inspection  spéciale  de 
quelques  membres  choisis  à  cet  effet.  L'instruction  des  sourdes- 
muettes  est  la  même  que  celle  des  garçons;  elles  s'occupent  de 
leur  côté  de  travaux  d'aiguille,  de  couture,  de  tricotage,  etc. 
Tout  annonce  en  elles  des  habitudes  laborieuses  ,  de  l'adresse 
pour  les  différons  ouvrages  qui  sont  propres  à  leur  sexe,  et 
une  vive  reconnaissance  pour  leurs  bienfaitrices  et  pour  celles 
qui  se  sont  vouées  à  leur  éducation. 

Le  maître  d'école  deLaupen,  qui  a  passé  quelque  tems  à 
Baechtelen  ,  a  aussi  quelques  élèves  dont  les  progrès  sont  très- 
satisfaisans.  C'est  lui  qui  le  premier  a  résolu  l'important  pro- 
blème de  faire  marcher  l'instruction  des  sourds- muets  avec 
celle  des  autres  enfans,  et  de  pouvoir  ainsi,  avec  peu  de  nou- 
veaux frais,  rendre  à  la  société  comme  membres  utiles  et  actifs 
un  nombre  considérable  de  ces  infortunés  qui  semblaient  des- 
tinés à  n'être  pour  elle  qu'un  fardeau  incommode. 

Les  rédacteurs  des  Communications  bâloises,  auxquelles  nous 
empruntons  ces  détails  (voy.  ci-dessus,  p.  3c)2),  terminent  en 


SUISSE.*— ITALIE.  •/'»< 

manifestant  le    clésh-    que   leur    canton    puisse    bientôt  suivre 

l'exemple  donné  par  celui  de  Berne;  mais  cette  noble  émula- 
tion  pour  le  l>i<*n  De  s'arrêter!  point  sans  doute.'  aux  frontières 
de  la  Suisse  ;  en  France  où  nous  comptons ,  il  est  vrai ,  quelques 
grandes  el  belles  institutions  pour  les  sourds-muets,  il  reste 
encore  dans  nos  campagnes  des  milliers  <le  ces  ('-très  malheu- 
reux, dénués  de  tous  secours  et  de  tous  moyens  d'améliorer 
leur  sort  :  c'est  sur  eux  que  nous  appelons  1'aUention  du  gou  • 
verneinent  et  des  particuliers  biciifaisans  ;  c'est  à   leur  profit 

qu'il  convient  d'imiter  les  utiles  expériences  de  Latipen.     a. 

ITALIE. 

Analyse  d'une  plante  médicinale.  —  M.  le  D'  Folchi  , 
professeur  de  matière  médicale  à  l'Université  délia  Sapienzq,  à 
Rome,  vient  de  nous  communiquer  l'analyse  qu'il  a  faite 
récemment  de  la  racine  du  polj'gala  virginiana.  Voici  quelles 
sont  les  différentes  substances  qu'il  a  extraites  de  cette  plante  : 
huile  pesante ,  en  partie  volatile;  acide  gallique  libre;  cire; 
matière  acre  résineuse;  fécule  colorante  jaune  ;  extrait  gom- 
nieux,  matière  azotée  (il  aurait  fallu  la  désigner  plus  spéciale- 
ment); sulfate  de  potasse;  carbonate  de  chaux;  sulfate  de 
chaux,  etc.  Il  paraît  que  M.  le  professeur  Folchi  croit  que 
c'est  dans  la  matière  acre  de  cette  racine  que  réside  sou  prin- 
cipe actif  comme  médicament;  il  nous  fait  espérer  qu'il  com- 
muniquera au  public  les  détails  de  cette  analyse  ,  et  les  obser- 
vations qu'il  a  faites  sur  les  propriétés  de  cette  matière. 

Fossati,  D.  M. 

Littérature  italienne.  —  Observations  générales.  —  Défauts 
reprochés  à  plusieurs  auteurs  italiens  par  des  critiques  judicieux. 
—  Les  Italiens  se  plaignent  souvent,  dans  leurs  journaux, 
dans  leurs  entretiens  et  dans  leurs  ouvrages,  de  ce  que  les 
étrangers,  et  surtout  les  Français,  déprécient  leur  langue  et 
leur  littérature,  sans  les  connaître;  et  ils  croient  se  dédom- 
mager, en  décriant  aussi  les  littératures  étrangères.  Nous  ne 
condamnons  pas  l'espèce  de  patriotisme  littéraire  qui  donne 
lieu  à  ce  genre  de  préventions  et  de  plaintes  ;  mais  nous  ne 
pouvons  approuver  l'abus  qu'on  en  fait  trop  souvent,  au  pré- 
judice même  de  la  littérature  nationale,  qui  trouverait  peut- 
être  à  profiter  dans  les  productions  intellectuelles  des  autres 
pays,  si  ceux  qui  la  cultivent  savaient  en  apprécier  les  beautés. 
Nous  pouvons  néanmoins  affirmer  à  ces  Italiens  ,  si  jaloux  de 
leur  gloire  littéraire,  que  les  écrivains  français ,  depuis  qu'ils 
s'occupent  sérieusement  de  l'étude  des  ouvrages  des  autres  na- 


a3a  EUROPE. 

tions,  connaissent  parfaitement  et  goûtent  la  littérature  italienne, 
aussi  favorisée  par  la  nature  même  de  la  langue,  que  remar- 
quable par  les  chefs-d'œuvre  qu'elle  a  produits  :  les  nombreux 
ouvrages  italiens  ,  classiques  ou  didactiques,  publiés  à  Paris 
depuis  quelque  lems ,  viennent  à  l'appui  de  notre  assertion. 
S'il  existe  encore  quelques  détracteurs  serviles  de  nos  poètes, 
ne  pourrait-on  pas  en  signaler  également  parmi  les  Italiens 
eux-mêmes  qui  souvent  jugent  les  étrangers  avec  autant  de 
suffisance  que  de  légèreté  ?  Il  serait  plus  convenable  de  cher- 
cher à  se  bien  connaître,  afin  de  pouvoir  s'apprécier  mu- 
tuellement sans  partialité,  et  sans  cet  esprit  de  secte  et  de 
dénigrement  qui  nuit  aux  deux  nations. 

Un  reproche  que  les  étrangers  font  généralement  aux  écri- 
vains italiens  ,  c'est  une  prolixité  ,  une  abondance  de  phrases 
qui  peuvent  être  élégantes  et  harmonieuses  ,  mais  qni  sont 
presque  toujours  déplacées  ou  parasites.  Aujourd'hui  que  l'on 
connaît  la  valeur  du  tems  et  l'importance  des  connaissances 
réelles  ,  on  demande  avant  tout  de  la  clarté  et  de  la  concision. 
Les  étrangers  sans  doute  ont  exagéré  ce  genre  d'imperfection, 
en  le  regardant  comme  inhérent  à  la  langue  italienne  ;  mais 
ne  doit-on  pas  plutôt  s'en  prendre  à  ces  professeurs  italiens 
qui  contribuent  à  répandre  ce  préjugé,  en  ne  choisissant,  pour 
enseigner  leur  langue  aux  étrangers  ,  que  les  ouvrages  de 
Boccace  et  des  auteurs  qui  ont  le  plus  imité  ou  contrefait  sa 
manière.  C'est  par  ce  motif  que  nous  avons  cité  plusieurs  fois 
avec  éloge  la  Société  des  méthodes  ,  qui,  ayant  ouvert  un  cours 
de  langue  italienne  à  Paris  ,  a  choisi,  pour  cette  année  et  pour 
objet  des  études  qu'elle  dirige,  la  traduction  deSalluste  par  Al- 
fieri.  Si  l'on  eût  mieux  connu  l'esprit  de  la  nouvelle  méthode, 
qui  consiste  à  enseigner  la  langue  par  les  moyens  les  plus  faciles 
et  les  plus  rapides,  et  à  faire  connaître  la  signification  précise 
des  mots,  avant  d'occuper  les  étudians  de  la  traduction  équiva- 
lente des  phrases  et  de  la  variété  des  styles,  quelques  journaux 
ne  se  fussent  pas  évertués  à  nous  apprendre  qu'il  existe  des  his- 
toires nationales  plus  curieuses  et  plus  intéressantes  que  celles 
de  la  guerre  de  Jugurtha  et  de  la  conspiration  de  Catilina  ;  que 
ht  narration  concise  et  piquante  de  quelques  écrivains  italiens 
pourrait  nous  attacher  beaucoup  plus,  et  qu'Ai  fie  ri  enfin,  dans 
sa  traduction  de  Salluste',  nous  donne  plutôt  l'idée  du  style  de 
ce  célèbre  auteur  latin  que  de  l'éloquence  italienne.  Alfieri  n'a 
pas  cessé  d'être  Italien  ,  parce  qu'il  s'est  parfaitement  appro- 
prié le  style  de  Salluste.  Si  Boccace,  qui  veut  imiter  et  qui 
souvent  exagère  la  manière  de  Cicéron  ,  est  néanmoins  géné- 
ralement regardé  comme  un  écrivain  par  excellence  dans  la 


n  w.ik.  —  oiu.ci  .  ->:\  \ 

langue  italienne ,  pourquoi  reprocherait-on  à  Alfieri  d'avoir 
voulu  montrer  aux  étranger* ,  el  aux  Italiens  eux-mêmes,  et 
beaucoup  mieux  que  n'avait  pu  le  faire  Davanzati  dans  sa  tra- 
duction de  Tacite,  que  la  langue  italienue  est  susceptible 
(l'une  grande  précision»  ainsi  que  Dante  l'avait  déjà  prouvé, 
malgré  la  stérile  abondance  dont  l'.onl  surchargée  la  plupart 
des  écrivains  de  nos  jouis?  Mais,  quelque  jugement  que  l'on 
porte  sur  k  Caractère  <!u  style  d'Allini  et  Sur  celui  de  la  plu- 

parl  ('es  auteurs  italiens,  la  .Société  des  méthodes  «le  Paris  a 
très-bien  senti  qu'il  fallait  ans  étudians  un  livre  propre  à  être 
expliqué  mol  à  mot;  et  qu'il  convenait  surtout  que  ce  fût  une 
histoire  connue  de  tous,  afin  qu'elle  pût  mieux  guider  clans 
une  explication  des  mots  qui  correspondent  à  des  idées  avec 
lesquelles  on  est  familiarisé  d'avance,  (l'est  par  cette  raison 
qu'elle  a  choisi  le  SallUste  d'Alfieri  ,  et  non  d'autres  livres  plus 
propres  peut-être  à  faire  connaître  le  génie  de  la  langue 
italienne  et  l'histoire  de  cette  nation...  Fr.  Salfi. 

GRÈCE. 

Situation  morale  du  pays.  —  Premiers  besoins  de  la  nation 
grecque j  vœux  et  espérances  de  ses  amis,  (i)  —  Au  moment  où 
l'intervention  armée  et  la  médiation  de  la  Grande-Bretagne  , 
de  la  France  et  de  la  Russie  font  enfin  espérer  un  terme  pro- 
chain à  la  guérie  d'extermination  qui  menaçait  d'un  entier 
anéantissement  toute  une  nation  généreuse,  héroïque,  grande 
par  ses  antiques  souvenirs,  plus  grande  peut-être  de  nos  jours 
par  ses  efforts  courageux  ,  prolongés  depuis  six  années  ,  pour 
conquérir  son  indépendance  ;  quand  un  homme  d'état  jus- 
tement célèbre,  do-nt  le  nom  et  le  caractère  ont  fait  concevoir 
les  plus  nobles  espérances  ,  va  se  placer  au  poste  éminent  du 
danger  et  de  l'honneur  où  l'ont  appelé  la  confiance  et  les  suf- 
frages unanimes  de  la  nation  grecque  qui  lui  a  remis  le  soin 
de  présider  à  son  organisation  politique  et  à  ses  destinées,  il 
doit  nous  être  permis  ,  sans  sortir  de  la  sphère  habituelle  de 
nos  investigations  et  de  nos  observations  relatives  à  la  civili- 
sation comparée  et  à  ses  progrès,  de  signaler  les  premiers 
besoins  de  ce  gouvernement  nouveau  et  de  cette  nation  re- 
naissante qui  viennent  prendre  place  parmi  les  membres  de  la 
famille  européenne. 

Ces  besoins  évidens  et  urgens  sont  : 

i°  Un  gouvernement  central  et  national ,  énergique  et  modéré, 
qui  soumette   à   la   même    influence  et   à   la  même  direction  , 


(i )   Cet  article  avait  été  rejeté  par  le  Bureau  de  Censure. 


*34  EUROPE. 

dans  l'intérêt  île  la  commune  patrie  ,  les  volontés  et  les  forces 
individuelles,  long-tems  divisées  ou  même  ennemies;  qui 
mette  enfui  un  tenue  aux  désordres  et  à  l'anarchie,  dont  les 
ennemis  des  Grecs  ont  su  profiter,  et  dont  l'affligeant  tableau 
a  souvent  découragé  leurs  amis  les  plus  dévoués. 

'2°  Un  régime  municipal ,  qui  permette  d'unir  aux  avantages 
du  gouvernement  centralisé  les  bienfaits  non  moins  précieux 
d'une  administration  de  famille  pour  chaque  localité  :  les 
magistrats  municipaux,  librement  choisis  parmi  les  habitans 
les  plus  honorés  de  l'estime  de  leurs  concitoyens,  devront 
surtout  s'attacher  à  inspirer  la  confiance  ,  à  maintenir  l'ordre  , 
à  faire  naître  et  à  conserver  l'esprit  et  les  affections  de  famille 
et  l'attachement  à  la  patrie  générale  ,  dans  chacune  des  parties 
de  la  population  grecque. 

3°  Une  armée  régulière,  pour  proléger  et  pour  assurer  à 
la  fois,  au  dehors  l'indépendance  nationale,  au  dedans,  le 
maintien  de  l'ordre  et  l'exécution  des  lois  ,  et  pour  donner 
à  la  nation  et  à  ses  défenseurs  un  sentiment  profond  et  du- 
rable de  cette  dignité  morale,  propre  seulement  aux  hommes 
qui  ont  une  patrie. 

4°  Une  marine  ,  fortement  constituée  ,  destinée  à  garantir  la 
sûreté  et  la  liberté  de  la  navigation  et  du  commerce  dans  les 
parages  qui  avoisinent  la  Grèce  ,  à  faire  disparaître  peu  à  peu 
ces  habitudes  de  piraterie  et  de  brigandage  qui  ont  servi  de 
prétexte  aux  ennemis  des  Grecs  pour  calomnier  leur  nation  et 
pour  flétrir  leur  cause  :  capable  enfin  de  contribuer,  avec  le 
concours  d'autres  pavillons  chrétiens  ,  à  réaliser  un  jour  les 
espérances  des  philantropes  qui  voudraient  voir  la  mer  Médi- 
terranée affranchie  des  incursions  de  ces  pirates  barbaresques 
dont  l'existence  politique  et  l'impunité  prolongées  accusent 
d'apathie  et  d'indifférence  pour  leurs  peuples  les  puissances 
chrétiennes  et  civilisées  de  l'Europe  (î). 

5°  L'établisse  men  t  S  écoles  primaires  d'enseignement  mutuel 
et  d'écoles  secondaires ,  qui  répandent  peu  à  peu  l'instruction 
dans  toutes  les  classes  de  citoyens  ,  qui  acquittent  ainsi  la 
première  dette  de  la  patrie  envers  ses  enfans  ,  qui  forment 
des  agriculteurs  ,  des  ouvriers,  des  marins  ,  des  commerçons, 
des  soldats ,  des  artistes ,  également  pénétrés  du  sentiment  de 
leurs  droits  civils  et  politiques  ,  de  leurs  devoirs  ,  de  leurs 
intérêts  particuliers  et  publics,  et  pourvus  des  vraies  connais- 


(i)  Établir  des  colonies  européennes  sur  la  côte  septentrionale  le 
l'Afrique  ,  serait  le  véritable  ,  et  peut-être  le  seul  moyen  de  faire 
cesser  les  pirateries  des  États  Barbaresques.  N.  du  R. 


GRÈCE.  2^5 

sauces  premières  et  indispensables  [lecture,  écriture,  calcul  f 
dessin  linéaire ,  géométrie  élémentaire,  géographie,  histoire  na- 
lionale ,  religion  et  morale  pratique,  etc.)  qu'ils  devront  appli- 
quer dans  leurs  relations  sociales  et  dans  tontes  les  circons- 
tances <le  leur  \  ic 

0°  Une  législation  civile,  criminelle  ,  commerciale  et  mari- 
time, en  grande  partie  empruntée  aux  -code s  perfectionnés 
des  nations  les  pins  éclairées  del'Europe,  niais  appropriée  ù 

la  situation  nouvelle,  aux  mœurs  et  aux  localités  de  la  Grèce. 

7°  Pour  (pie  ces  besoins  .soient  satisfaits  ,  il  (,s>t  indispen- 
sable de  pourvoir,  avant  tout,  aux  finances  nationales.  Jus- 
qu'à présent,  la  Grèce  n'a  pu  subsister ,  au  milieu  d'une 
guerre  qui  interrompt  tons  ses  travaux  et  détruit  toutes  ses 
ressources,  que  par  les  bienfaits  des  peuples  chrétiens;  les 
comités  grecs  européens  et  le  généreux  philhelt'éne,  M.  Eynakd, 
se  sont  acquis  des  droits  à  la  reconnaissance  de  tous  les  peu- 
ples. Pendant  long-tems  encore,  la  nation  grecque  sera  ré- 
duite à  la  ressource  des  emprunts.  Il  faut  y  fonder  le  crkdit, 
dont  les  premières  conditions,  les  bases  fondamentales  sont 
un  gouvernement  ferme  et  stable  ,  la  paix  intérieure  ,  le  mou- 
vement imprimé  à  l'agriculture  ,  à  l'industrie  ,  au  commerce. 
La  Grèce  aura  tout  obtenu  dès  qu'elle  sera  sous  un  gouver- 
nement fait  pour  elle,  investi  de  sa  confiance,  et  occupé  de 
son  bonheur. 

Le  peuple  Grec  est  excellent,  brave  ,  généreux  ,  enthou- 
siaste ,  susceptible  de  concevoir  et  d'exécuter  tout  ce  qui  est 
grand  et  beau;  on  aurait  tort  de  le  juger  d'après  quelques-uns 
des  primats,  et  des  chefs  militaires  et  civils,  corrompus  par 
le  despotisme  qui  a  long-tems  ravagé  ces  contrées,  étouffé 
les  esprits,  flétri  les  âmes,  et  altéré  les  dispositions  morales 
des  habitans  qui  avaient  des  relations  obligées  de  soumission 
directe  ou  de  complicité  a\ec  les  oppresseurs  de  leur  pays. 

Les  prévisions  de  l'éloquent  historien  du  siège  de  Misso- 
longhi  (i) ,  qui  avait  peint  avec  de  si  fidèles  couleurs  le  carac- 
tère de  la  nation  grecque  ,  sont  justifiées  chaque  jour  par  les 
événemens.  Il  assurait  la  Grèce  que,  si  elle  ne  ternissait  point 
sa  gloire  par  de  lâches  concessions  ,  elle  pourrait  bientôt  s'or- 
ganiser, comme  État  libre  et  indépendant,  reconnu  des  puis- 
sances européennes  qui  satisferaient  ainsi  au  vœu  général  et 
prononcé  des  peuples,  aux  exigences  impérieuses  de   l'huma- 


(i)   Paris,    18:27  ;    Moutardier,    1    vol.    in-8°.    (  Voy.    Rcv.    Enc.  , 
t.  xxxiii  ,  pag.  i*4-) 


*3£  r.i  hopk. 

nité  ,  de  la  justice  et  de  la  politique  qui  devrait  les  avoir  tou- 
jours pour  compagnes  inséparables. 

Aujourd'hui,  tin  dernier  effort  est  réclamé,  en  faveur  de 
la  Grèce  ,  et  tous  ceux  qui  ont  jusqu'ici  servi  cette  nation  in- 
fortunée de  leur  plume,  de  leur  argent  ou  de  leur  épée  , 
doivent  redoubler  de  zèle  pour  atteindre  le  but  désiré.  Les 
peuples  civilisés  auront  acquitté  leur  dette  :  le  peuple  grec 
acquittera  la  sienne  ,  en  montrant  à  ceux  qui  ont  sympathisé 
avec  ses  souffrances  ,  qui  ont  partagé  ses  périls,  qui  lui  ont 
prodigué  leurs  secours,  qu'il  sait  obéir  aux  lois,  mériter  1  estime 
par  les  vertus  civiques,  par  l'union  ,  par  l'amour  de  la  patrie, 
comme  il  a  mérité  l'admiration  par  ses  exploits  militaires.  «  La 
reconnaissance  et  la  consolidation  de  l'indépendance  grecque 
mettront  fin  à  cette  irritation  continuelle,  aces  alternatives 
d'indignation  et  d'enthousiasme  qui  agitent  depuis  si  long- 
tems  toutes  les  populations  civilisées  (1).  »La  liberté  de  la  Grèce 
devient  un  élément  nécessaire  de  la  tranquillité  de  l'Europe  (2). 

M.  A.  Jullien  ,  de  Paris. 

PAYS-BAS. 

Bruxelles.  —  Développement  de  la  prospérité  agricole,  in- 
dustrielle, commerciale,  des  institutions  relatives  à  l instruction 
publique,  dans  le  royaume  des  Pays-Bas.  —  Etat  moral  et  social 
du  pays.  —  C'est  toujours  avec  une  vive  satisfaction  que  le 
philosophe  observateur  voit  marcher  les  peuples  et  les  gou- 
vernemens  vers  un  but  commun,  celui  de  la  prospérité  géné- 
rale. Ce  beau  spectacle  lui  donne  la  conviction  que  l'art  de 
conduire  les  hommes  n'est  pas  aussi  difficile  que  des  esprits 
chagrins  voudraient  le  faire  croire.  Le  bonheur  dont  jouis- 
sent les  ha  bilans  des  Pays-Bas  en  est  la  preuve;  ils  sont  pla- 
cés sur  la  ligne  des  perfectionnemens  en  tous  genres,  et  guidés 
dans  la  route  qu'ils  parcourent  par  un  monarque  qui  connaît 
leurs  besoins  ,  et  qui  marche  avec  eux. 


(1)  Discours  préliminaire  de  l'Histoire  du  siège  de  Missolonghi;  par 
M.  Auguste  Fabbe. 

(2)  Voy.  Rev.  Enc ,  t.  xxxiri  (mars  1827),  pag.  655-569  ,  la 
JSotice  sur  l'intervention  des  peuples  en  faveur  de  la  Grèce ,  et  T.  xxxiv 
(mai  1827),  pag.  3o5-3r9,  Y  Exposé  de  la  situation  de  la  Grèce,  au 
commencement  de  l'année  1827,  par  M.  de  Sismondi  ;  enfin  ,  t.  xxvm 
(décembre  1825),  pag.  674*  la  Notice  intitulée  :  la  Grèce  après  sa 
cinquième  campagne.  Ou  a  joint  à  cette  Notice  l'indication  de  ioas  les 
articles  insérés  jusque-là  sur  la  Grèce  dans  notre  Rente. 


PAYS  BAS.  /'.7 

Le  tableau  des  avantages  qu'ils  ont  obtenus  en  peu  d'années, 
d'après  le  sage  système  qui  les  dirige;  mérite  que  les  traits  les 
plus  saillans  en  soient  recueillis  cl  consignés  dans  notre  journal 
central  de  la  civilisation  comparée,  t  <  s  résultats  d'une  adminis- 
tration, qui  favorise  et  encourage  tous  les  genres  de  progrès,  ren  - 
ferment  plus  d'une  leçon  utile;  et  d. au  très  pays,  que  la  nature 
a  traités  avec  une  bienveillance  plus  marquée,  sauront  sans 

doute  eu  profiler,  pour  suivre  l;i  même  direction. 

Dans  le  royaume  des  Pays-Bas,  le  commerce  prospère  en 

général;  l'agriculture  se  relève  de  plus  en  plus;  l'exploitation 
des  mines  est  poussée  avec  activité;  les  constructions  navales  se 

multiplient;  les  branches  diverses  dès  revenus- de  l'état  répon- 
dent à  ce  qu'on  en  attendait.  La  population  augmente,  et  les 
colonies  agricoles ,  en  offrant  un  asile  et  du  travail  BUX  familles 
indigentes-»  contribuent  à  diminuer  le  nombre  des  mendians , 
et  par  conséquent  celui  des  malfaiteurs.  L'industrie  manufac- 
turière fait  des  progrès  constans;  elle  lutte  avec  activité,  avec 
succès,  contre  la  concurrence  générale;  de  nouvelles  branches 
même  se  sont  introduites  et  naturalisées.  Le  manufacturier  et 
le  commerçant,  secondés  par  le  gouvernement,  unissent  leurs 
efforts  pour  se  procurer  des  débouchés  assurés,  et  coopérer 
ensemble  à  la  prospérité  générale. 

Les  institutions  relatives  à  l'instruction  publique  reçoivent 
une  extension  appropriée  aux  besoins  des  peuples  et  aux 
progrès  de  la  science. 

La  culture  des  lettres  et  des  beaux-arts  est  également  encou- 
ragée par  tous  les  moyens  convenables,  et  par  le  plus  puissant 
de  tous,  par  l'entière  liberté  de  la  pensée  et  de  l'industrie. 

Les  travaux  d'achèvement  et  d'amélioration  des  communi- 
cations par  terre  et  par  eau  se  poursuivent  avec  intelligence  et 
avec  zèle  :  on  apprécie  leur  puissante  influence  sur  le  déve- 
loppement de  la  richesse  publique  et  sur  le  bien-être  croissant 
des  individus. 

On  s'occupe  de  modifier  l'organisation  du  funeste  impôt  des 
loteries;  et,  malgré  les  diminutions  que  cette  mesure  fera 
subir  aux  recettes  de  l'état,  on  ne  demandera  aux  citoyens 
aucun  sacrifice  extraordinaire.  Les  habitans  des  Pays-Bas  pen- 
seront, sans  doute,  comme  nous,  qu'une  simple  modification 
n'est  point  suffisante,  et  qu'une  suppression  entière  répondrait 
bien  mieux  à  la  sagesse  du  gouvernement  et  au  cri  de  la  mo- 
rale outragée;  mais  on  se  met  ainsi  sur  la  voie,  et  l'on  arrivera, 
en  peu  d'années,  au  but  vers  lequel  tendent  toutes  les  récla- 
mations de  la  philosophie. 

L'administration  de  la  justice  et  l'organisation  du  pouvoir 


238  EUROPE. 

judiciaire  vont  recevoir  leur  complément  par  la  fixation  des 
cantons  de  justice  qui  doivent  partager  le  royaume,  et  par 
l'adoption  d'un  Code  pénal  et  d'un  Code  de  procédure  crimi- 
nelle ,  qui  seront  sans  doute  améliorés  par  les  discussions 
solennelles  dont  ils  vont  devenir  l'objet  dans  les  deux  chambres 
législatives  (voy.  ci- dessus  p.   ). 

Les  autres  améliorations  et  les  principaux  avantages  obtenus 
par  le  gouvernement  en  faveur  des  citoyens,  sont:  x°  une 
répartition  plus  égale  et  plus  équitable  de  l'impôt  foncier,  et 
une  nouvelle  impulsion  donnée  à  l'opération  du  cadastre  ; 
2°  des  mesures  efficaces  prises  pour  faire  disparaître  les  causes 
qui  tendaient  à  propager  le  fléau  presque  pestilentiel  qui 
s'était  développé  avec  une  si  cruelle  intensité  dans  plusieurs 
des  provinces  du  royaume;  3°  le  choix  des  moyens  convenables 
pour  faire  cesser  l'état  de  guerre  où  se  trouve  l'île  de  Java  ,  et 
pour  y  introduire,  ainsi  que  dans  les  Indes  occidentales ,  un  sys- 
tème d'administration  plus  simple  et  moins  dispendieux;  4°  la 
conclusion  d'un  concordat  avec  le  saint-siége  ,  sous  des  ré- 
serves qui  renferment  les  garanties  que  les  lois  de  l'étal  et  le 
respect  dû  à  la  liberté  de  conscience,  en  matière  d'opinions 
religieuses,  rendent  nécessaires;  5°  un  traité  de  navigation  et 
de  commerce  avec  les  États-Unis  du  Mexique,  qui  assure  au 
pavillon  des  Pays-Bas  les  avantages  accordés  à  la  nation  la  plus 
favorisée  ;  6°  enfin,  un  accommodement  avec  le  roi  de  Suède 
et  de  Norvège,  qui  lève  provïsoircmeut  les  entraves  qui  ne  per- 
mettaient pas  aux  vaisseaux  des  Pays-Bas  d'importer  dans  les 
ports  de  la  Suède  d'autres  produits  que  ceux  de  leur  patrie  ,  en 
attendant  une  mesure  réciproque  de  la  part  des  chambres  re- 
présentatives de  la  Belgique. 

Quand  l'administration  ,  l'industrie  ,  le  commerce,  la  justice 
et  l'instruction  marcheur  sur  une  même  ligne,  sont  dirigés  avec 
sagesse  vers  un  même  but,  et  quand  les  peuples  secondent  de 
leurs  efforts  et  entourent  de  leur  confiance  les  hommes  placés 
au  timon  de  l'état ,  les  destinées  d'une  nation  sont  prospères  , 
et  le  présent  devient  le  germe  et  le  gage  d'un  avenir  de  plus 
en  plus  heureux.  N. 

Enseignement  primaire.  —  Poids  et  mesures.  —  Dans  le 
district  de  Tournay,  les  principales  écoles  primaires  ont  main- 
tenant des  modèles  de  poids  et  mesures,  propres  à  une  démons- 
tration facile  et  fructueuse;  il  serait  à  désirer  que  toutes  les 
écoles,  sans  exception,  même  celles  de  filles,  pussent  être 
fournies  de  modèles  semblables. 

Médailles  historiques.  —  Le  roi  a  chargé  M.  Braemt  ,  gra- 
veur justement  estimé,  de  former  une  collection  de  médailles 


PAYS-BAS.-  FRANCE.  *'\0 

historiques  destinées  à  retracer  les  événement  les  plus  remar- 
quables du  nouveau  règne.  S.  SI.  désignera  elle-même  l<-> 
sujets.  di  EL 

FRANCE. 

M 1  iivt  Catitat).  —  Etablissement  agricole  de  M.  De  Pradt. 
—  M.  De  Pradl  vient  de  convertir  en  ferme  expérimentale  une 
terre  qu'il  possède  dans  l'arrondissemeni  de  Murât  Cet  éta- 
blissement, qui  sera  pour  une  partie  de  la  France  centrale  ce 
que  la  ferme  et  L'institut  agricole  de  Roville  sont  pour  nos 
départemens  du  nord,  est  situé  à  une  lieue  d'Alianches ,  sur  la 
grande  rouie  de  cette  ville  à  Bort,  dans  le  département  de  la 
Corrèze.  Les  bâtimens  actuels  suffisent  pour  100  têtes  de  gros 
bétail  et  pour  leurs  provisions  d'hiver  :  la  moitié  du  sol  est  en 
prairies.  Quatre  ruisseaux  traversent  la  propriété,  et  fourniront 
à  des  irrigations  qui  augmenteront  beaucoup  les  produits  et  la 
valeur  de  ees  terres  :  on  estime  qu'on  en  tirera  i,/joo,ooo  livres 
de  fourrage,  et  au  besoin  on  augmenterait  encore  cette  quan- 
tité de  provisions  d'hiver.  Les  céréales  y  prospéreront,  et  le 
terrain  est  renommé  pour  l'excellence  des  légumes  qu'il  pro- 
duit. Les  habitans  croyaient,  de  génération  en  génération,  que 
leur  climat  ne  permettait  point  de  cultiver  les  arbres  fruitiers. 
M.  de  Pradt  les  a  détrompés,  en  créant  un  très-beau  jardin 
dans  sa  terre,  où  les  cerisiers,  les  pommiers  et  même  les  abri- 
cotiers ont  donné  d'excellens  fruits.  Une  pépinière  multipliera 
ces  arbres,  et  sera  pour  le  pays  une  source  inépuisable  de 
bienfaits  :  on  y  a  joint  à  la  culture  des  arbres  fruitiers  celle  des 
arbres  forestiers  qui  conviennent  le  mieux  à  la  nature  du  sol. 
La  culture  des  plantes  oléagineuses,  et  surtout  celle  du  lin  en 
grand,  est  ajournée  jusqu'à  ce  que  le  propriétaire  ait  obtenu 
les  améliorations  qu'il  projette  sur  les  animaux  domestiques. 

Un  établissement  spécial  est  consacré  aux  bètes  à  cornes  et 
aux  chevaux.  Ces  expériences  du  croisement  des  races  de 
bœufs  et  de  chevaux  seront  étendues  et  continuées  jusqu'à  ce 
que  l'on  soit  arrivé  à  un  résultat  certain;  en  attendant,  des 
observations  annuelles,  enregistrées,  mises  en  ordre  et  pu- 
bliées, serviront  à  résoudre  une  multitude  de  questions,  à 
préparer  les  doctrines,  à  les  confirmer.  Vingt- cinq  à  trente 
taureaux  de  races  choisies  seront  répandus,  chaque  année,  en 
France,  pour  l'amélioration  de  la  race  des  vaches  du  pays.  La 
ferme  de  M.  de  Pradt  ne  contient  encore  que  quatre  vingt-huit 
vaches  suisses  :  le  nombre  en  sera  porté  à  deux  cents.  On  éta- 
blira un  haras  de  vingt-cinq  jumens  poulinières;  on  a  déjà 


•2,o  FRANCE. 

quatorze  jumcns  et  an  superbe  étalon  :  les  races  anglaise, 
normande  et  limousine  ont  fourni  ces  quinze  individus,  tous 
d'une  grande  beauté.  Les  ventes  annuelles  du  produit  des  di- 
verses  espèces  d'animaux  seront  annoncées  par  les  journaux, 
afin  que  les  agronomes  et  les  cultivateurs  puissent  s'y  rendre, 
juger  des  progrès  de  rétablissement  et  de  ce  qu'ils  peuvent  en 
attendre  pour  améliorer  les  races  communes  répandues  pres- 
que partout  dans  les  département  circonvoisins,  au  grand  dé- 
savantage de  l'agriculture. 

La  Terme  de  M.  de  Pradt  sera,  comme  celle  de  Roville,  un 
centre  d'instruction  agricole.  Ainsi ,  tout  sera  ouvert  à  qui 
viendra  pour  s'instruire,  et  des  publications  annuelles  répan- 
dront partout  le  résultat  des  expériences  et  tout  ce  qui  paraîtra 
digne  de  l'attention  des  agronomes.  Puissions-nous  voir  mul- 
tiplier sur  le  sol  français  beaucoup  d'écoles  telles  que  celles  de 
MM.  de  Dombasle  et  de  Pradt.  F. 

Sociétés  savantes. 

Aix  [Bouclies-du-Rhônc).  —  Prix  proposés.  —  Société  aca- 
démique. —  Cette  société  a  proposé  un  prix  de  3oo  fr.  pour  le 
meilleur  mémoire  sur  l'amélioration  des  vins  du  département  des 
Bouches-du-Rhône ,  et  un  prix  de  5oo  fr.  pour  la  solution 
d'une  question  littéraire  relative  à  X influence  des  grandes  in- 
vasions territoriales  des  Romains  sur  la  Provence.  Les  prix  seront 
décernés  le  i4  juillet  1828  et  le  il\  juillet  1829.  R. 

Dijon  (  Côte.- d'Or).  —  Société  de  lecture.  —  Nous  avons 
fait  connaître  l'existence  d'une  Société  de  lecture ,  formée 
à  Lyon,  sur  le  modèle  de  celle  de  Genève  (  Voy.  Rev.  Enc. , 
t.  xxxv,  pag.  79*2).  Un  de  nos  abonnés,  M.  Delmasse, 
nous  apprend  qu'une  Société  semblable,  et  qui  s'étend  à  tout 
le  département  de  la  Côte-d'Or,  est  établie  à  Dijon  depuis 
Vannée  1820".  Elle  a  été  instituée  sous  les  auspices  de  M.  le 
Maire,  qui  en  a  accepté  la  présidence,  et  lui  a  procuré  un  local 
convenable.  Le  règlement,  approuvé  dans  la  réunion  générale 
des  fondateurs,  le  i3  juin  1826,  a  été  imprimé  et  répandu 
dans  le  département.  Des  livres  ont  été  achetés;  quelques 
personnes  en  ont  donné;  d'autres  en  ont  prêté,  et  chaque 
membre  de  la  Société  jouit  aujourd'hui  de  l'avantage  d'obtenir 
à  domicile,  et  pour  un  tems  déterminé,  tous  les  livres  qui  sont 
au  dépôt  ,  et  dont  i)  a  besoin. 

Espérons  que  d'antres  institutions  du  même  genre  s'éta- 
bliront peu  à  peu  dans  les  principales  villes  de  la  France. 
Tout   ce   qui  tend    à   répandre    le   goût   de    la  lecture  et   de 


Dl  PAR  rEMl  M      PARIS.  v'.i 

l'instruction  ,    contribue   .1    l'amélioration   morale  des   indi- 
vidus, ;ui\  progrès  de  l'aisance  particulière  et  de  la   pro 
péri  té  publique.  I  ne  Société  centrale  de  lecture  et  de  commu- 
nications scientifiques  et  littéraires  devait  aussi  être  formée  m 

Taris,    en    1877.,    cl  ensuit;1  en    iSv.'J,    par    !«'  concours    d'un 

certain  nombre  de  membres  de  L'Institut,  et  des  rédacteurs 
de  la  Revue  Encyclopédique.  Le  noyau  de  la  Société  était  formé, 
le  règlement  rédigé,  le  local  à  peu  pics  arrêté;  des  circon- 
stances ,  indépendantes  de  la  volonté  des  fondateurs,  ont  em- 
pêché l'exécution  de  ce  projet  qui  offrait  des  avantages  inap- 
préciables et  un  point  central  de  réunion  à  tous  les  amis  des 
sciences,  épais  dans  les  divers  quartiers  de  notre  capitale,  et 
aux  étrangers  distingués  qui  viennent  la  visiter.  Le  même  projet, 
qui  n'est  pas  entièrement  abandonné  .  sera  sans  doute  reproduit, 
par  son  auteur,  dans  un  moment  plus  favorable;  et  Paris  n'aura 
plus  à  envier  à  Genève  et  à  d'autres  villes  un  établissement, 
tout-à-fait  approprié  aux  besoins  d'une  grande  cité  ,  vaste  foyer 
de  lumières,  sorte  de  rendez-vous  européen,  et  au  caractère 
éminemment  hospitalier  de  la  nation  française.  M.  yY.  J. 

PARIS. 

Institut.  —  Académie  des  sciences. — Séance  du  i\  septembre. 
—  MM.  de  Prorif,  Girard  et  Ditpin  font  un  rapport  sur  le 
Mémoire  de  M.  Vicat,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussés, 
intitulé  :  Observations  physico  mathématiques  sur  (juclques  cas 
de  rupture  des  solides.  «  On  appelle  résistance  absolue  celle  que 
les  solides  opposent  à  une  force  de  traction  exercée  parallèle- 
ment «à  leur  longueur  ;  et  résistance  relative  celle  qu'ils  oppo- 
sent va  l'aetion  d'une  puissance  qui  tend  à  les  rompre  ,  en 
agissant  perpendiculairement  à  cette  dimension.  Les  géomètres, 
à  qui  l'on  doit  ces  dénominations,  ont  considéré  les  solides 
résistans  comme  formés  de  fibres  homogènes  élastiques  ,  ap- 
pliquées les  unes  sur  les  autres.  Dans  cette  hypothèse,  la  ré- 
sistance relative  est  proportionnelle ,  toutes  choses  égales  d'ail- 
leurs ,  au  carié  de  la  hauteur  de  base  de  fracture.  Mais  lorsque 
les  corps  solides  sont  composés  de  molécules  agglutinées ,  ce 
qui  les  rend  sensiblement  inextensibles,  leur  résistance  rela- 
tive cesse  d'être  proportionnelle  au  carré  de  la  hauteur  des 
bases  de  fracture.  Le  coefficient  constant  de  ce  carré  se  trans- 
forme en  un  coefficient  variable  qui  augmente  avec  la  hauteur 
des  bases  ,  et  qui  diminue  avec  la  longueur  des  solides  mis  à 
l'épreuve.  Cette  observation  a  conduit  M.  Vicat  à  considérer 
Urte  troisième  espèce  de  résistance  qu'il  désigne  sous  le  nom 
t.  xxxvi.  —  Octobre  1827.  iG 


i\>.  FRANCE. 

de  résistance  transverse  ,  et  qui  est  celle  qu'une  des  bases  île 
fracture  quelconque  d'un  solide  oppose  à  l'action  d'une  puis- 
sance qui  s'exerce  dans  le  plan  de  cette  base,  et  qui  tend  à 
rompre  le  solide,  en  le  séparant  suivant  ce  plan  en  deux  par- 
ties qui  glissent  l'une  sur  L'autre.  Cette  résistance  transverse 
n'est,  par  exemple,  que  de  six  fois  et  un  quart  plus  grande 
(pie  la  résistance  absolue  dans  certaines  pierres  calcaires  de 
dureté  moyenne.  En  introduisant  l expression  de  la  "résistance 
transverse  dans  celle  de  la  résistance  relative  ,  M.  Vicat  ar- 
rive à  une  formule  qui  établit ,  poutMe  cas  d'équilibre,  les  re- 
lations existant  entre  la  résistance  absolue,  la  résistance  trans- 
verse, la  résistance  relative,  les  dimensions  du  solide  encastré 
et  l'effort  qui  tend  à  produire  sa  rupture.  Au  moyen  de  cette 
formule,  on  résout  plusieurs  problèmes  importans  dans  les 
constructions,  et  notamment  celui  des  arrachemens  ,  qui  con- 
siste à  déterminer  la  force  capable  de  dégager  de  son  encas- 
trement dans  un  bloc  de  pierre,  par  exemple,  une  tige  de 
fer  ou  de  toute  autre  matière  solide  qui  y  serait  engagée  ,  et 
à  assigner  le  volume  et  la  forme  de  la  portion  de  ce  bloc 
qu'elle  entraînerait  avec  elle.  Telle  est  la  courte  analyse  de  la 
notiee  de  M.  Vicat,  qui  est  elle-même  très-succincte,  et  qu'il 
n'a  donnée  que  comme  l'introduction  d'un  mémoire  qu'il  pré- 
sentera bientôt  à  l'Académie.  Le  zèle  et  la  persévérance  de 
cet  habile  ingénieur  n'ont  pas  besoin  d'être  encouragés.  Ce 
qui  caractérise  ses  travaux,  et  ce  qui  les  rend  véritablement 
utiles,  ce  sont  les  soins  qu'il  apporte  à  en  approfondir 
l'objet,  et  la  sagacité  avec  laquelle  il  y  parvient.  »  (Approuvé.) 
MM.  Thénard  et  Chevreul  font  un  rapport  sur  le  deuxième 
Mémoire  de  MM.  Robiquet  et  Collin  ,  concernant  les  subs- 
tances colorantes  de  la  garance.  Ce  travail  est  divisé  en  deux 
parties  :  l'objet  de  la  première  est  de  faire  connaître  une  sub- 
stance colorante  que  les  auteurs  ont  nommée  purpurine;  celui 
de  la  seconde  est  d'exposer  quelques  applications  de  leurs  re- 
cherches à  l'art  de  la  teinture.  Dans  leur  premier  travail,  ces 
chimistes  n'ont  point  assuré  d'une  manière  positive  que  la 
garance  dût  uniquement  ses  propriétés  tinctoriales  à  Xalizarine. 
Il  ont  cherché  à  savoir  pourquoi  il  est  à  peu  près  impossible 
de  préparer  une  belle  laque  en  traitant  î'alizarine  par  l'eau 
d'alun  bouillante  ;  et  c'est  ce  qui  les  a  conduits  à  découvrir  la 
purpurine  ,  substance  qui  est  douée  à  un  plus  haut  degré  que 
I'alizarine  de  la  propriété  de  ceindre  le  coton  en  rouge.  La 
purpurine  est  fusible  et  se  cristallise  par  sublimation  en 
aiguilles  moins  jaunes  que  celles  de  I'alizarine  ;  elle  se  dissout 
dans  l'éther  ;  la  solution  évaporée  laisse  des  cristaux  de  cou- 


TA  UIS.  ,,, 

leur  poncean  plus  ou  moins  foncée.  La  solution  dans  I  ammo- 
niaque, Il  soude  ou  la  potasse,  est  rouge  de  groseille,  el  pré- 
cipite eo  rouge  par  la  chaux  ,  la  strontiaoe  ou  la  baryte. 
Vfais  ce  qui  la  distiogue  surtout  de  l'alixarine  ,  c'eal  la  pro 
pieté  <jru*  possède  exclusivement  la  purpurioe  ,  de  donner, 
nvvc  l'eau  d'alun  bouillante ,  une  liqueur  d'un  rouge  rosé 
irès-pur  ,  avec  laquelle  ou  peut  préparer  nue  belle  laque. 
Dans  un  troisième  Mémoire,  MM.  Collin  et  Elobiquel  trai- 
teront <l<s  rapports  de  l'ali/arine  et  de  la  purpurioe,  el  des 
différences  qui  peuvent  les  distinguer.  Les  applications ,  qui  foui 
l'objet  delà  deuxième  partie  du  mémoire  ,  sent  au  nombre  <!<■ 
trois.  La  première  est  relative  à  l'emploi  d'une  préparation 
que  les  auteurs  appellent  charbon  sulfurique  %  et  qu'ils  ob- 
tiennent en  traitant  la  racine  de  garance  pulvérisée  par  des 
proportions  d'acide  sulfurique  telles  que,  dans  les  circons- 
tances où  ils  opèrent,  la  température  du  mélange  ue  s'élève 
pas  au  dessus  de  60  à  70 degrés.  Lavant  ensuite  à  l'eau  bouil- 
lante, ils  enlèvent  la  pins  grande  partie  de  l'acide,  et  il  reste  le 
charbon  sulfurique ,  qui  peut  être  considéré  comme  du  charbon 
retenant  la  matière  rouge  de  la  garance.  On  peut  faire  servir 
de  deux  manières  le  charbon  sulfurique  à  la  fabrication  des 
toiles  peintes:  i°  en  l'employant  immédiatement,  comme  on 
emploie  la  garance  réduite  en  poudre;  20  en  employant  la 
matière  colorante, après  l'avoir  séparée  du  charbon  au  moyen  de 
l'alcool.  Des  essais,  exécutés  à  JMulhausen  ,  ont  constaté  les  avan- 
tages du  charbon  sulfurique. —  La  deuxième  application  consiste 
en  ce  que  les  auteurs  ont  confirmé  ce  que  Watt  et  Dœbeî  einer 
ont  dit  de  l'existence  de  la  matière  colorante  dans  la  garance 
qui  a  éprouvé  la  fermentation  alcoolique;  d'où  il  résulte  évi- 
demment qu'il  faut  bien  se  garder  de  jeter  comme  inutile  la 
garance  qui  a  éprouvé  quelque  altération  spontanée.  —  La 
troisième  application  a  rapport  aux  essais  que  l'on  pria  faire  pour 
déterminer  la  valeur  respective  des  garances  du  commerce. 
Après  avoir  traité  les  échantillons  de  garance  par  l'eau  à  200, 
on  soumet  les  résidus  à  l'action  de  l'ea  u  d'alun  bouillante  ;  ce 
liquide,  en  dissolvant  la  matière  rouge,  se  colore,  et  d'après 
les  nuances  plus  ou  moins  fortes  que  les  divers  échantillons 
ont  communiquées,  et  que  l'on  compare  dans  des  colorigraefes , 
on  juge  des  proportions  relatives  de  la  matière  rouge  contenue 
dans  la  garance.  Cet  essai  ne  donnant  pas  des  résultats  ab- 
solus, les  auteurs  proposent  ,  pour  arriver  à  ce  but,  de 
précipiter  la  matière  rouge  de  l'eau  d'alun  par  l'acide  sul- 
furique ;  les  précipités  représentent,  suivant  eux,  à  très-peu 
de  chose  près,  les  poids  de  la  matière  rouge  contenus  dans  les 

16. 


•j44  FRANCE. 

échantillons  essayés.  —  Considérant  la  nouveauté  des  faits 
exposés  dans  ce  Mémoire  ,  et  leur  liaison  avec  les  faits  i\u  Mé- 
moire précédent,  l'Académie  accorde  son  approbation  au  tra- 
vail de  MM.  Robiquet  et  Col  lin,  et  arrête  qu'il  sera  inséra 
dans  le  Recueil  des  savans  étrangers, 

—  Du  ier  octobre. —  M.  Julia  Fontenelle  montre  à  l'Aca- 
démie la  tête  d'un  habitant  de  la  Nouvelle-Zélande.  On  y  ob- 
serve, comme  caractère  ostéologique,  la  grande  étendue  de  la 
région  occipitale,  avec  une  crête  longitudinale  très-marquée. 
La  région  frontale  est  fort  étroite  et  offre  une  cloison  osseuse 
verticale  de  plus  de  deux  lignes;  les  sutures  du  crâne  sont 
ossifiées ,  quoique  l'individu  ne  paraisse  pas  avoir  plus  de  trente- 
cinq  ans. — MM.  Bosc  et  Latreille  font  un  rapport  sur  le  Mémoire 
de  M.  Bois-Duval,  intitulé  :  Essaidnnc  monographie  de  la  tribu 
des zygénides  (ordre  des  lépidoptères). La  tribu  des  zygénides  est 
composée  de  six  genres  :  cocytia ,  scsia,  agocera,  thyris,  zygœna 
et  syntomis.  Le  genre  zygene t  le  plus  important  des  six  ,  se  com- 
pose de  petits  papillons  dont  la  couleur  dominante  est  d'un  bleu 
plus  ou -moins  métallique,  mélangé  de  rouge.  Les  ailes  ne  sont 
jamais  d'une  seule  couleur.  Le  rouge  est ,  dans  un  petit  nombre , 
remplacé  par  le  jaune,  mais  ce  n'est  qu'accidentellemeut.  Les 
zvgènes  éclosent  à  la  fin  du  printems  ou  vers  le  milieu  de 
l'été;  elles  volent  en  plein  jour,  rapidement,  en  ligne  droite  et 
près  des  terres  :  elles  se  reposent  isolées  ou  en  petits  groupes 
sur  les  têtes  des  statiles,  des  scabieuses,  des  centaurées,  etc. 
Les  chenilles  vivent  sur  diverses  plantes  légumineuses  herba- 
cées, telles  que  les  trèfles,  les  luzernes,  les  sainfoins,  etc.  La 
chrysalide  est  courte,  de  peu  de  consistance,  brune,  avec  les 
fanneaux  des  ailes  et  de  l'abdomen  plus  pâles;  elle  demeure 
dans  cet  état  deux  ou  trois  semaines.  On  ne  trouve  point  de 
zygènes  dans  le  nouveau  continent;  les  régions  tempérées  de 
l'Europe,  la  Syrie,  la  Perse  et  le  Cap  de  Bonne-Espérance  sont 
leur  patrie:  on  n'en  a  pas  encore  rapporté  de  la  Nouvelle- 
Hollande.  Sans  nous  occuper  ici  des  autres  genres,  nous  ter- 
minerons cet  extrait  par  les  conclusions  du  rapporteur  :  «  Quoi- 
que l'auteur  n'ait  donné  à  son  ouvrage  que  le  titre  modeste 
d'Essai  d'une  monographie  ,  vous  avez  pu  cependant  vous  con- 
vaincre que  ,  tant  pour  l'observation  des  habitudes  des  insectes 
qu'il  traite,  que  pour  les  signalemens  et  la  synonymie  des 
espèces,  il  a  fait  tout  ce  qu'on  pouvait  attendre  d'un  bon  natu- 
raliste, dans  l'état  actuel  de  la  science.  Peu  de  monographies 
peuvent  être  comparées  à  ccile-CK  et  vos  commissaires  sont 
d'avis  qu'elle  mérite  d'être  imprimée  dans  le  Recueil  des  savans 
étrangers,  »  (Approuvé.)  —  MM.  Geoffroy  Saint-  Hilairc  et  Fr. 


PARIS.  *',. 

Ctwter  font  un  rapport  sur  udc  Notice  <!<•  M.  R.ambi  a,  médecin 
|  [ngraudes,  concernant  un  enfanl  monstrueux,  né  1  Bénais 
:  [oclre  e(  !  oire),  l<-  3o  aoûl  1 8a6  ,  el  moi  1  le  1  <>  septembre  1 827. 
Cel  enfanl  était  hétéradelplw t  c'est-à-dire  un  monstre  humain  , 
compose  de  deux  frères  jumeaux,  joints  ensemble ,et  opposés 
venue  a  ventre,  <!e  \oliiine  et  d'organisation  très-dissem- 
blables,  le  principal  individu  étant  de  la  grosseur  ordinaire 
à  son  âge  et  complet  dans  toutes  ses  parties,  el  l'autre  étant 
de  moitié  plus  petit  et  sans  tête»  Les  membres  supérieurs  du 
principal  enfant  n'étaient  que  de  courts  moignons,  noyés,  pour 

ainsi  dire,  dans  l'épaisseur  des  masses  cli.i  mues  de  la  région  sca- 
pulairc.  Le  bras  droit,  terminé  par  un  seul  doigt,  était  plus 
court  que  le  bras  gauche  auquel  tenaient  lâchement  deux  doigts. 
Voyez. ,  dit  M.  Uambur,  le  monstre  de  bénais  revêtu  de  sa 
robe;  lien  ne  le  distingue  d'un  autre  enfant  de  son  âge  :  taille, 
force,  allures,  respiration,  manières;  s'il  tète  ou  s'il  mange, 
c'est  exactement  la  même  chose.  Il  paraît  assez  gai,  s'a  in  usant 
quelquefois  à  embrasser  la  portion  du  jumeau  joint  à  lui.  » 
L'individu  incomplet  avait  l'anus  imperforé,  et  ne  semblait 
doué  que  de  la  vie  végétative.  Lorsque  le  monstre  mourut,  les 
autorités  civiles  et  religieuses  invitèrent  le  père  à  abandonner 
à  l'art  le  corps  de  son  enfant;  mais  la  présence  dans  le  pays 
d'un  prétendu  magicien  promenant  des  ligures  de  cire,  et 
d'autres  causes  agirent  sur  l'esprit  du  père  qui  enterra  son 
enfant ,  et  lit  garder  sa  tombe  à  vue  par  des  gens  armés  d'armes 
à  feu.  L'Académie  approuve  le  travail  de  M.  Rambur,  et  en 
ordonne  l'impression  dans  le  Recueil  des  savans  étrangers.  — 
M.  Poisson  lit  une  note  sur  les  vibrations  des  corps  sonores. 
M.  Cauchy  annonce  qu'il  s'est  aussi  occupé  depuis  long-tems 
de  l'équilibre  et  du  mouvement  intérieur  d'un  corps  solide, 
considéré  comme  un  système  de  molécules  séparées  les  unes 
des  autres,  et  qu'il  est  parvenu  à  des  équations  dans  lesquelles 
les  composantes  des  forces  exercées  sur  chaque  molécule  ne 
se  réduisent  pas  généralement  à  des  intégrales.  Il  présente  le 
manuscrit  sur  lequel  se  trouvent  consignées  les  recherches  qu'il 
a  faites  à  ce  sujet. 

—  Du  8  et  du  i5  octobre.  —  MM.  Pelle  tan,  Boyer  et  Magen- 
die  font  un  rapport  sur  le  mémoire  de  M.  Ereschet,  concer- 
nant l'anévrisme  faux  consécutif  du  cœur  et  l'anévrisme  vrai 
des  artères.  «La  lésion  sur  laquelle  M.  Breschel  a  voulu  attirer 
l'attention  de  l'Académie,  est  une  sorte  de  déchirure  qni  se 
fait  dans  les  parois  du  cœur  à  certains  points  du  ventricule 
gauche;,  mais  principalement  à  sa  pointe.  Le  sang  s'engage 
dans  cette  ouverture,  pousse  en  dehors  les  enveloppes  mem- 


FRANCE. 

bra lieuses,  el  forme  ainsi  à  la  surface  de  l'organe  une  tumeur 
quelquefois  aussi  volumineuse  que  le  cœur  lui-même.  Le  sang 
se  coagule  dans  cette  espèce  de  poche  et  y  forme  successive- 
ment des  couches  concentriques  de   plusieurs  lignes  d'épais- 
seur; aussi,   bien  que  le  cœur  soit  réellement  déchiré,  la  vie 
n'est  pas  immédiatement  compromise  ;  car  les  couches  fibri- 
neuses  qui  remplissent  la  tumeur  opposent  une  résistance  suf- 
fisante à  l'effort  du  sang  qui  tend  incessamment  à  les  rompre, 
et  à  s'épancher  dans  la  cavité  du  péricarde,   événement  qui 
serait  suivi  d'une  mort  subite.  Parmi   les  faits  que  rapporte 
M.  Breschet,  il  faut  remarquer  une  observation   qui   lui  est 
propre  et  qui  est  d'autant  plus  curieuse  qu'elle  a  été  faite  sur 
le  cœur  du  célèbre   tragédien  Talma.   Son  cœur  offrait  une 
poche   extérieure  assez   spacieuse   pour   contenir   un  œuf  de 
poule;  elle  communiquait  avec  la  cavité  du  ventricule  gauche 
par  une  ouverture  circulaire  d'un  pouce  de  diamètre,  garnie 
d'une  sorte  de  virole  cartilagineuse,  épaisse  de  près  de  3  lignes, 
ce  qui  indique  que  l'ouverture  était  fort  ancienne,  bien  que 
personne,  ni  Talma  lui-même,  qui  avait  étudié  la  médecine, 
n'en  eût  soupçonné  l'existence.  On  peut  conclure  avec  quelque 
probabilité  des  détails  très-précis  donnés  par  M.  Breschet,  que 
l'espèce  de  iésion  dont  il  parle  n'est  pas  de  nature  à  compro- 
mettre par  une  rupture  inopinée  la  vie  des  personnes  qui  en 
sont  atteintes.  Car,  pour  qui  a  connu  personnellement  Talma, 
il  n'est  pas  douteux  que  sa  vie  ne  se  composât  d'émotions  fortes 
et  de  mouvemens  nerveux  très-violens,  qui   devaient   réagir 
puissamment  sur  la  fréquence   et  l'énergie  des  battemens  du 
cœur.  Pour  qui  l'a  suivi  sur  la  scène  et  étudié  sous  le  point  de 
vue  physiologique  son  prodigieux  talent,   il  est  certain  que, 
dans   les  instans  où  il  faisait  à  son  gré  passer  dans  l'âme  des 
spectateurs  la  terreur  et  l'épouvante  ou  les  doux  sentimens  de 
la  pitié,  il  éprouvait  lui-même  à   un  haut  degré   les  passions 
qu'il  savait  si  bien  peindre;  par  conséquent,  la  première  ori- 
gine   de   sa   maladie  paraît  devoir  être  rapportée  à  quelques- 
uns   de  ces  sublimes    momens  où  il  excitait  les  ravissemens  et 
l'enthousiasme    du   public.    On    doit    aussi   présumer  que  les 
efforts  répétés  qu'exigeaient  les  éclats  soutenus  ou  la  sombre 
concentration  de    sa  voix,  apportaient  des  modifications  sans 
nombre    dans    les  battemens   de    son   cœur.   Or  si  ,  pendant 
plusieurs  années,  de   telles  secousses,  de  telles  agitations  ont 
pu    avoir  lieu    sur  un   cœur    frappé    d'une    lésion    physique  , 
s:ins   occasionner  d'accidens,    il  faut  croire  que  cette   lésion 
doit    être    peu    redoutable    pour   un  organe  dont   les  mouve- 
mens resteront   habituellement   dans  le  cercle  plus  ou  moins 


PARIS.  v.',7 

{  rétréci  d'une  existence  vulgaire.»  La  commission  aurait  pro 

posé  d'ordonner  l'impression  «In  mémoire  de  !M.  Breschel  dans 
le  Keeneil  des  savans  étrangers,  si  cet  habile  chirurgien  n'avait 
déjà  donné  à  son  ouvrage  une  autre  destination.  —  M.  Mirbel 
fait  mi  rapport  verbal  sur  la  partie  botanique  du  voyage  de 
M.  Frcyrmet,  rédigée  par  M.  GAtrniCHAun.  —  M.  Fr.  CuViib  lit 
L'extrait  d'un  mémoire  sur  l'organisation  el  te  développement 
des  épines  du  porc-épic. — M.  Iîimt  Ici  un  mémoire  sur  la 
résolution  des  équations  indéterminées  du  premier  degré  en 
nombre  entier.  A.  Michelot. 

— «  Académie  TOyaie  des  beaux-arts.  —  Séance  publique 
annuelle  du  6"  octobre  1827.  —  Distribution  des  grands  prix  de 
peinture,  sculpture ,  architecture  et  musique,  —  Cette  séance, 
présidée  par  M.  Thé.  venin,  était  destinée  à  la  distribution  des 
grands  prix  de  peinture  ,  de  sculpture,  d'architecture  et  de 
composition  musicale.  Avant  de  proclamer  les  noms  des  vain- 
queurs ,  M.  le  secrétaire  perpétuel  a  donné  lecture  d'une  Notice 
sur  la  vie  et  lès  ouvrages  de  M.  Charles  Dupaty,  sculpteur, 
enlevé  au  milieu  de  sa  carrière,  à  sa  famille  et  au  bel  art  qu'il 
avait  porté  à  un  degré  remarquable  de  perfection.  (Voy.  Jiev. 
Ane.,  Notice  sur  Dupaty,  t.  xxix,  p.  386.)  M.  Quatremère 
a  présenté  cet  artiste  se  livrant,  à  l'âge  de  vingt-quatre  ans,  à 
l'art  de  la  sculpture,  remportant  le  grand  prix  après  trois  ans 
d'études,  passant  huit  années  à  Rome  dans  le  silence  de  l'ate- 
lier, et  ne  rentrant  dans  sa  patrie  qu'après  avoir  achevé  plusieurs 
statues  en  marbre,  de  grande  dimension.  Il  a  rappelé  les  prin- 
cipales productions  de  M.  Dupaty,  sa  Vénus ,  sa  Biblis ,  son 
Jjax  ,  son  groupe  de  Cad/nus  ,  etc. ,  et  il  a  exprimé  les  regrets 
sincères  de  tous  ceux  qui  furent  ses  amis  et  ses  admirateurs. 
M.  Raoul -Rochette  a  lu  ensuite  un  Rapport  sur  les  ouvrages 
des  pensionnaires  du  roi  à  V Académie  de  France  à  Rome.  Ce 
rapport  fait  l'éloge  du  talent  de  M.  Court,  en  l'engageant  à 
s'appliquer  à  l'étude  de  la  perspective  linéaire  et  aérienne;  le 
public  l'a  vivement  applaudi;  et,  quoique  la  partie  critique  y 
soit  traitée  avec  trop  d'indulgence,  les  jeunes  artistes  auxquels 
s'adresse  le  rapporteur  mettront  sans  doute  à  profit  les 
conseils  qu'il  leur  donne. 

Noms  des  élèves  qui  ont  obtenu  des  prix  dans   tous  les  genres. 

Peinture. — Premier  grand  prix  :  M.  François-  Xavier  Dupré, 
de  Paris,  âgé  de  vingt-deux  ans,  élève  de  M.  Guillon  Lethiers. 
—  Second  grand  prix  :  M.  Théophile  Vaucheley,  de  Passy, 
âgé  de  vingt-cinq  ans.  élève  de  MM.  Abel  Pujol  et  Hersent. 

Sculpture.  —  Premier  grand  prix  :  M.  F.  -  Gaspard* Aimé 
l.\\\o,  de  Rennes,  âgé  de  vingt-sept  ans,  élève  de  M.  Carte- 


»48  I  RANGE. 

lier. — Second  grand  prix  :  M.  Honoré- Jean  Husson,  de  Paris, 
À  o  de  vingt-quatre  ans,  élève  de  M.  David. 

Architecture.  —  Premier  grand  prix  :  M.  Théodore  La- 
v.\\o\  stf,  de  Paris,  âgé  de  vingt-huit  ans,  élève  de  MM.  Vau- 
doyer  et  Lebas. — Second  grand  prix  :  M.  F -Alexis  Cen- 
drier, de  Paria,  âgé  de  vingt-  cinq  ans,  élève  des  mêmes 
architectes. 

Composition  musicale.  —  Premier  grand  prix  :  M.  Jean- 
JS.  Guiraud,  de  Bordeaux,  âgé  de  vingt-  trois  ans,  élève  de 
MM.  Le  Sueur  et  Reicha.  —  Second  grand  prix  :  M.  Guil- 
laume-Ross Despréaux,  de  Clermont  (Auvergne),  âgé  de 
vingt-cinq  ans,  élève  de  M.  Berton.  —  Deuxième  second  grand 
prix  :  M.  Alphonse  Gilbert  ,  de  Paris,  âgé  de  vingt-deux  ans  , 
élève  de  M.  Berton. 

L'Académie  n'a  point  décerné  de  prix  pour  la  gravure  en 
médailles  et  pierres  fines ,  à  cause  de  l'extrême  faiblesse  des. 
esquisses  et  des  ouvrages  gravés. 

L'exécution  de  la  cantate  qui  a  remporté  le  premier  grand 
prix  a  terminé  la  séance.  L'auditoire  a  paru  satisfait  de  cette 
composition  musicale.  Tous  les  noms  que  l'on  a  prononcés  ont 
été  accueillis  par  de  vifs  applaudissemens  ;  mais  on  a  surtout 
remarqué  l'impression  que  celui  de  M.  Court  a  produite  sur 
l'assemblée,  qui  a  vu  avec  une  extrême  satisfaction  que  les 
espérances  fondées  sur  les  premiers  essais  de  ce  jeune  artiste 
se  réalisent,  et  que  son  talent,  plus  développé,  promet  de 
nouveaux  succès  à  l'école  française. 


Société  royale  des  antiquaires  de  France.  —  Résumé  de  ses 
travaux  pendant  le  premier  semestre  1827.  —  Janvier  1827.  — 
Parmi  les  Mémoires  adressés  à  la  société,  on  remarque  ceux 
de  MM.  Lacroix,  de  Valence,  et  Depping;  le  premier  est  re- 
latif à  un  poignard  antique  en  bronze,  trouvé  dans  le  rocher 
de  Crussol  (Ardèche);  à  ce  sujet,  M.  Berriat-Saint-Prix  rap- 
pelle le  mémoire  que  M.  Artaud  avait  présenté  sur  cette  dé- 
couverte, et  qui  est  inséré  dans  le  Magasin  encyclopédique  de 
Millin,  t.  in,  p.  119;  le  second  mémoire  décrit  les  figures 
singulières  d'un  coffret  découvert  en  Bourgogne,  sur  les  terres 
de  M.  le  marquis  de  Chaste nay ,  et  dans  un  lieu  qui  paraît 
avoir  appartenu  à  l'ordre  des  Templiers.  —  Février.  —  Il  est 
fait  hommage  à  la  société  de  plusieurs  ouvrages,  entre  autres, 
du  Catéchisme  de  Fleury ,  traduit  en  breton  par  M.  Le  Gom- 
dec  ;  et  de  la  Chronique  de  la  rive  gauche  du  Rhin  et  de  Co- 
logne ,  par  M.  Brewen,  associé  correspondant.  —  Mars.  — La 
société  reçoit  une  notice  de  M.  Angon  de  Lalandf.  ,  sur  la  situa- 


PARIS.  »4g 

lion  de  Ge/utbum,ei  M.db  Ladoucbttb donne  quelques  détails 

sur  l'ancien  château  de  Cour  y.  M.  Bkrkiat-Sajnt-Prix  rap- 
pelle que  la  ville  de  Grenoble  possède)  dans  sa  bibliothèque, 
une  description  manuscrite  de  ce  château.  11  présente  des  ob- 
servations sur  la  sainte  chapelle  de  Pourgetf  où  Boileau  avail 

place   la  scène  (lu    Lutrin ,   dans  les   premières  éditions  de  son 

poème.  Tout  porte  à  croire  (pie  ce  lien  «tait  imaginaire.  On 

renouvelle  le  bureau,  et  M,  BeEEIAT-SàINT  PrW  est  nommé 
président.  M.  Drojat  rend  compte  d'un  aperçu  des  connais- 
tances  humaines  au  xixe  siècle,  par  M.  Faact;  M.  Eusèbe 
Salvsrtb  lit  une  Notice  sur  les  antiquités  de  Corrc ,  en  Franche- 
Comté, —  Avril. — Plusieurs  lectures  sont  laites  à  la  société, 
et  divers  mémoires  lui  sont  présentés;  son  attention  est  prin- 
cipalement excitée  par  les  observations  de  M.  Aubert  Pa- 
rent, son  correspondant  à  Yalenciennes,  sur  la  cessation  des 
fouilles  de  Famars;  par  une  lettre  de  M.  Le  Roi,  de  Bailleul, 
lue  par  M.  Berriat-Saint-Prix,  sur  les  procès  jadis  intentés 
à  des  animaux  et  aux  sorciers,  et  spécialement  par  un  rap- 
port du  président  sur  un  ouvrage  de  M.  Eusèbe  Salverte  ,  in- 
titulé :  Essai  historique  et  philosophique  sur  les  noms  d'hommes , 
de  peuples  et  de  lieux.  M.  Dulaure  rend  compte  d'un  traité  de 
M.  Schweigh.eusf.r,  sur  quelques  monumens  religieux  du  moyen 
dge  situés  aux  bords  du  Rhin.  —  Mai. — 'M.  de  Labouillerie 
écrit  que  S.  M.  a  autorisé  l'administrateur  de  ses  bibliothèques 
particulières  à  souscrire  pour  un  certain  nombre  d'exem- 
plaires des  Mémoires  de  la  société,  dont  les  sept  premiers  vo- 
lumes ont  paru.  M.  Le  R.ouge  rend  compte  de  l'état  des  fonds. 
M.  Depping,  ayant  annoncé  qu'un  savant  allemand  croyait 
avoir  retrouvé,  dans  la  bibliothèque  de  Laon,  le  recueil  ma- 
nuscrit des  Lettres  d'Eginliart  à  Emma,  qu'il  se  disposait  à 
publier,  propose  à  la  société  d'engager  tous  les  bibliothécaires 
de  province  à  donner  la  liste  des  manuscrits  de  leurs  biblio- 
thèques; et  la  société  arrête  que  des  questions  relatives  à  ce 
genre  de  travail  seront  rédigées  pour  être  envoyés  à  ses  cor- 
respondans.  On  donne  lecture  de  plusieurs  lettres  et  notices  de 
MM.  Billaudct,  La  Pilaie,  Jorand,  Ainsivorth  et  Barbic-Dubocagc 
(Jlexandre),sur  divers  monumens  antiques  et  sur  plusieurs  points 
historiques.  La  société  renvoie  ces  mémoires  à  sa  commission. 
—  Juin.  —  M.  Berriat-Saint-Prix,  président,  donne  un 
aperçu  des  matériaux  que  doit  contenir  le  huitième  volume  des 
Mémoires  de  la  société.  M.  Ladoucette  annonce ,  de  la  part 
de  M.  Duvivier  ,  correspondant,  trois  notices  archéologiques 
sur  des  objets  trouvés  à  Maubert- Fontaine ,  le  Chêne  et  Van- 
teresse,  département  des  Ardennes.  M.  Df.pping  lit  un  extrait 
de  son  intéressant  mémoire  sur  les  Symboles  des  Basilidiens t 


FRANCE. 

qui  lui  ■  obtenu  une  mention  honorable  à  l'Académie  des  in- 
scriptions el  belles  lettres.  M.  Dulaurk  fait  un  rapport  sur  la  sta- 
tistique de  l'arrondissement  de  Falaise,  offerte  à  la  société  par 
les  auteurs.  M.  de  Lasteyrie  est  élu  membre  de  la  société.     R. 


Nouvelle  méthode  pour  guérir  le  bégaiement.  —  Parmi  les  im- 
perfections qui  affligent  la  nature  humaine,  celle  qui  est  connur» 
sous  le  nom  de  bégaiement  a  souvent  exercé  la  sagacité  des 
observateurs.  Leurs  recherches  ont  eu  pour  résultat,  bien  plu- 
tôt de  constater  la  difficulté  d'y  apporter  remède,  que  de  la 
résoudre.  Parmi  les  anciens ,  Hippocrate  et  Galien  gardent  le 
silence  sur  le  traitement  qui  convient  à  cette  infirmité.  Les 
modernes  ont  cru  en  découvrir  la  cause  dans  des  lésions  or- 
ganiques ,  et  cette  vue  les  a  égarés  sur  la  nature  des  moyens 
curatifs  qu'elle  exige.  Aussi,  ont-ils  accrédité  l'opinion  qu'elle 
est  incurable.  Nous  devons  à  M.  Itard,  médecin  des  sourds- 
muets,  un  mémoire  plein  d'observations  intéressantes  sur  le 
bégaiement.  Cet  ouvrage  est,  sans  contredit,  ce  qu'on  a  écrit 
de  mieux  sur  cette  matière;  mais  les  moyens  de  guérison  qu'il 
indique  sont  longs  et  difficiles  :  peu  de  bègues  s'y  sont  soumis. 

Il  était  réservé  à  Mme  Leigh  de  découvrir  les  causes  radicales 
du  bégaiement,  et  de  fonder  sur  cette  découverte  une  méthode 
de  traitement  applicable  à  tous  les  cas.  Ici  commence  une  ère 
nouvelle  dans  cette  partie  de  l'art  de  guérir  :  les  résultats  ob- 
tenus signalent,  par  leur  nature  et  leur  promptitude,  une  de 
ces  heureuses  rencontres  de  l'esprit  humain  qui  éclairent  les 
sciences  d'une  vive  lumière.  Tout  le  monde  sait  que,  par  des 
exercices  multipliés  et  une  grande  persévérance ,  plusieurs 
bègues  se  sont  guéris;  mais  aucune  règle  fondée  sur  l'observa- 
tion ne  dirigeait  leurs  exercices.  Aujourd'hui  que  les  causes 
primitives  du  bégaiement  sont  mieux  connues ,  on  obtient  une 
guérison  à  la  fois  prompte  et  radicale. 

M.  Malebouche,  à  qui  Mme  Leigh  a  confié  le  soin  de  répandre 
sa  découverte  en  Europe,  et  qui  connaît  toutes  les  parties  de 
sa  méthode,  donne  l'assurance  que  les  moyens  curatifs  qu'il 
emploie  sont  purement  intellectuels  :  ils  ne  consistent  dans 
aucune  opération  ni  dans  aucun  remède  qui  soit  du  ressort  de 
la  médecine  ordinaire.  Les  principes  du  système  sont  fondés  sur 
des  observations  physiologiques  entièrement  neuves  :  ils  sont 
donnés  sous  la  forme  d'instruction  ;  des  exercices  répétés  en 
rendent  les  effets  durables  :  l'intervalle  de  tems  exigé  pour 
une  guérison  parfaite  excède  rarement  trois  semaines.  L'obser- 
vation des  règles  enseignées  étant  chaque  jour  plus  complète, 
on  peut  espérer  de  l'avenir  un  perfectionnement  progressif  et 


PARIS.  *5l 

des  succès  plus  rapides.  Plus  de  cent  bègues  ont  été  guéris  par 
ce  moyen,  tanl  en  Amérique  qu'en  Belgique. 

I  ne  découverte  aussi  importante  devail  naturellement  réunir 

««les  suffrages  nombreux  ci  importans.  Nousmettronsen  première 
ligne  ceux  des  plus  célèbres  professeurs  de  l'univei  sit  é  de  New 
^  ork.  M""'  Leigh  leur  axant  communiqué  confidentiellement  sa 
méthode,  ces  savans,  après  s'être  livrés  à  un  examen  critique 
de  la  théorie  ei  <l<-  ses  résultais,  n'hésitèrent  pas  à  manifester 

leur  approbation  de  la  manière  la   plus  formelle  :    nous  avons 

eu  sous  les  veux  cet  acte  imprimé,  qui  est  revêtu  des  noms  les 

plus  recommandables.  Nous  possédons  aussi  plusieurs  exem- 
plaires d'une    brochure   publiée*   à  New-\'orck,  et   contenant 

\  mgt-cinq  certificats  de  bègues  qui  se  déclarent  guéris.  M.  Ma- 
lebouche  a  obtenu  du  roi  des  Pays-Bas  la  nomination  d'une 
commission  prise  parmi  les  membres  de  la  Société  pour  l'utilité 
publique  (tôt  nut  van  falgemeen) ,  qui  est  chargée  d'examiner 
les  résultats  annoncés  et  de  lui  soumet  tic  un  rapporta  ce  sujet. 
Quatre  bègues  que  la  société  avait  présentés  ont  été  guéris  :  le 
rapport  a  été  fait  en  conséquence.  M.  Malebouche  demeure 
maintenant  à  Paris,  rue  de  Marivaux,  n°  i.  Z.  R. 

Enseignement  industriel.  —  Les  1  j  5  cours  de  géométrie  et 
de  mécanique,  établis  à  l'imitation  du  Cours  normal  de  Paris , 
en  partie  professés  par  d'anciens  élèves  de  l'école  polytech- 
nique ,  ont  obtenu  des  succès  remarquables  dans  un  grand 
nombre  de  villes.  Les  autorités  municipales  et  les  sociétés 
d'agriculture  ont  rivalisé  de  zèle  et  de  générosité,  dans  beau- 
coup de  départemens  ,  en  donnant  des  médailles,  des  livres 
ou  d'autres  prix  aux  élèves  qui  se  sont  le  plus  distingués. 
.1  miens  ,  Arras  ,  Colmar,  Douay,  JLibourhe  ,  Limoges  ,  Lyon  , 
Metz,  Nantes,  Nevers ,  Toulouse,  Troyes,  Versailles,  ont  fonde 
de  semblables  prix  qui  excitent  l'émulation  et  le  zèle  des 
élèves  et  de  leurs  professeurs  ;  déjà  l'on  remarque  ,  dans  les 
ateliers,  la  supériorité  des  tracés  et  la  rectitude  d'exécution 
qui  distinguent  les  bons  élèves  et  les  ouvriers  formés  par  le 
nouvel  enseignement. 

Dans  l'année  scolaire  qui  commence,  des  villes  qui  n'avaient 
pas  encore  joui  de  renseignement  industriel  vont  en  éprouver 
les  bienfaits.  On  cite,  dans  le  nombre,  Arles,  Besançon, 
Bourges,  Caen ,  Chartres,  Chdteauroux ,  Dole,  Gray,  Laon , 
Le  Puy,  Nîmes,  Rouen,  Thiers ,  Tulle,  Vesoul ,  Vienne, 
comme  celles  où  des  magistrats  éclairés  et  des  citoyens  amis 
du  bien  public  s'occupent  avec  le  plus  de  zèle  de  cet  objet 
important.  N. 

Statistique    industrielle    et    commerciale    de    la    France.     — 


ai*  FRANCE. 

M.  Ch.  I)i  rus  s'est  chargé  d'un  grand  travail  sur  cet  objet, 
et  les  deux  premiers  volumes  de  son  ouvrage  ont  déjà  paru 
depuis  cinq  mois  (  i  ).  Ces  deux  volumes,  jugés  diversement 
par  les  journaux ,  contiennent  la  description  d'une  partie  de 
la  France  sur  laquelle  il  semblait  que  Ton  s'accorderait  mieux. 
Il  y  a  donc  ,  dans  les  opinions  relatives  à  la  statistique  ,  une 
divergence  dont  l'origine  ne  peut  échapper  aux  observateurs; 
ils  ne  manqueront  pas  de  l'attribuer  à  notre  ignorance  en 
économie  politique ,  à  l'instabilité  de  nos  doctrines  ,  à  la  pa- 
resse d'apprendre,  jointe  à  la  prétention  de  savoir.  L'accueil 
fait  dans  un  pays  à  un  ouvrage  d'une  haute  importance  com- 
posé pour  ce  pays  ,  mérite ,  à  plus  d'un  titre  ,  l'attention  des 
étrangers  ;  qu'ils  nous  regardent  en  ce  moment ,  mais  qu'ils  ne 
se  pressent  pas  de  nous  juger.  Tel  est  l'esprit  et  le  caractère  de 
notre  nation  ;  nous  n'aimons  point  que  l'on  nous  force  à  ré- 
fléchir, et  nous  attendons  tranquillement  que  la  lumière  nous 
arrive  ,  sans  nous  donner  aucune  peine  pour  la  chercher.  Nous 
avions  des  matériaux  pour  une  statistique  de  la  France;  dis- 
posés avec  quelque  régularité  dans  des  recueils  peu  volumi- 
neux, ces  matériaux  étaient  censés  composer  une  statistique, 
et  nous  en  étions  satisfaits.  M.  Dupin  vient  dissiper  ces  illu- 
sions de  l'amour-propre  ,  et  nous  proposer  de  nouvelles 
études  ;  il  devait  s'attendre  à  quelques  réclamations.  Celles 
que  les  journaux  ont  publiées  font  voir  que  le  but  et  le  plan 
de  l'auteur  ne  sont  pas  encore  généralement  connus,  que  ses 
méthodes  de  comparaison  ont  trouvé  les  esprits  dirigés  d'une 
autre  manière  ,  et  non  préparés  à  les  recevoir.  Les  lecteurs 
étrangers  aux  recherches  de  calcul  n'ont  été  frappés  que  de 
quelques  erreurs  de  détail  dont  iîs  ne  pouvaient  apprécier  l'in- 
fluence sur  la  certitude  des  résultats  généraux  :  d'autres,  plus 
instruits  ,  mais  accoutumés  à  considérer  la  statistique  sous 
un  autre  aspect,  auraient  voulu  que  l'ouvrage  fût  composé 
selon  leurs  vues,  c'est-à-dire,  pour  ceux  qui  savent,  et  non 
pour  ceux  qui  veulent  apprendre;  qu'il  ne  contînt  que  ce  qui 
appartient  à  la  science  ,  et  qu'on  eût  omis  tout  ce  qui  ne  peut 
servir  qu'à  diriger  les  applications.  Mais  l'auteur,  qui  s'occu- 
pait avant  tout  du  besoin  des  applications,  n'avait  garde  de 
rien  négliger  de  ce  qui  peut  les  rendre  plus  sûres  et  plus  fruc- 
tueuses. Ce  n'est  pas  sans  élonnement  que  Ton  a  vu  reprocher 


(i)  Forces  productives  et  commerciales  de  la  France,  par  le  baron 
Ch.  Dupin,  membre  de  l'Académie  des  Sciences,  etc.  Paris  ,  i8a~; 
jBachelier.  In-4°,  tomes  i  et  ir ,  avec  deux  cartes  ;  prix  ,  2 5  fr. 


PARIS.  a53 

bette  sorte  de  prolixité  à  un  ou v rage  destiné  à  se  trouver  sou- 
vent entre  les  mains  des  administrateurs.  Ainsi,  les  Critiques 
n'ont  pas  atteint  le  but  de  tout  examen  lait  dans  les  intérêts  des 

sciences;  il  sciait  même  à  craindre  qu'avec  les  intentions  les 

plus  louables,  ils  n'aient  fait  quelque  tort  à  une  cause  qu'ils 
ont  Certainement  la  ferme  volonté  de  servir. 

Cependant,  les  circonstances  deviennent  plus  exigeantes; 

on  ne  peut   rassembler   trop  do   lumières  sur  notre   situation 

industrielle  et  commerciale  ,  ni  prendre  trop  de  précautions 

Eonr  ne  pas  se  tromper  sur  le  choix  des  moyens  de  faire  le 
ien  et  d'éviter  le  mal.  L'influence  que  la  dernière  exposition 
peut  avoir  exercée  sur  le  progrès  des  connaissances  indus- 
trielles n'est  encore  connue  par  aucun  fait;  quelques  mesures 
de  haute1  administration  sont  peut-être  encore  à  prendre  ,  ou 
à  préparer  ;  d'utiles  entreprises  hésitent,  et  craignent  de  dé- 
buter hors  de  saison  ,  ou  dans  des  lieux  peu  convenables.  Le 
travail  de  M.  Dupin  vient  donc  fort  à  propos  ,  non-seulement 
en  raison  des  données  qu'il  fournit ,  mais  parce  qu'il  offre  le 
modèle  de  méthodes  dont  toute  grande  administration  pt'ut 
faire  un  bon  usage.  M.  Dupin  fait  voir  clairement  que  Ie& 
moyens  employés  jusqu'ici  pour  évaluer  la  puissance  des  na- 
tions ne  suffisent  point ,  et  il  propose  de  leur  substituer  le 
dénombrement  et  la  mesure  des  forces  productives  et  commer- 
ciales. f<  Nous  ne  prétendons  point  dire  que  la  puissance  des 
nations  soit  exactement  et  numériquement  proportionnelle  aux 
résultats  obtenus  par  de  pareils  dénombremens;  mais  nous 
pouvons  affirmer  qu'on  trouvera  des  termes  de  comparaison 
bien  moins  inexacts  que  ceux  qu'on  s'est  procurés  jusqu'à  ce 
jour  par  toute  autre  voie.  » 

Parmi  les  forces  productives  d'un  État,  la  population  est 
sans  contredit  au  premier  rang  :  mais  il  ne  suffit  point  de 
compter  les  têtes  et  les  bras  ;  il  est  indispensable  d'y  joindre 
l'appréciation  des  forces  intellectuelles  et  physiques  d'un  indi- 
vidu moyen  ,  tel  qu'il  serait,  si  la  somme  des  facultés  était 
également  répartie  entre  tous.  Eu  appliquant  à  la  France  ces 
procédés  de  mesure,  M.  Dupin  se  montre  plus  jaloux  de  servir 
Sa  patrie  que  de  plaire  à  ses  compatriotes;  il  ne  les  flatte  pas  , 
mais  il  leur  montre  comment  ils  peuvent  devenir  plus  forts, 
meilleurs  et  plus  heureux  ;  car  ces  trois  sortes  de  progrès  sont 
inséparables,  dérivent  de  la  même  source,  et  sont  obtenus 
par  les  mêmes  moyens.  Les  améliorations  déjà  préparées  en 
France  ,  et  que  l'on  peut  obtenir  graduellement  sont  la  ma- 
tière du  second  livre  de  l'ouvrage  de  M.  Dupin  ,  livre  où  les 
vérités  abondent ,  quelquefois  consolantes  ,  souvent  austères  , 


•i  5/»  FRANCE. 

toujours  éminemment    miles  ,  dignes  d'être  méditées  pat   les 
hommes  d'État,  et  propagées  par  les  amis  de  l'humanité. 

l)eu\  livres  sont  consacrés  aux  détails  de  l'agriculture,  des 
arts,  du  commerce,  de  l'instruction,  etc.,  dans  trente-deux 
département  au  nord,  à  l'est  et  à  l'ouest,  depuis  le  départe- 
ment du  Jura  jusqu'à  celui  de  la  Manche.  Chacune  de  ces  di- 
visions territoriales  est  comparée  à  un  terme  moyen  dont 
l'auteur  n'a  pas  craint  de  reproduire  les  mesures  à  chaque 
comparaison  qu'il  établit.  Si  l'on  reprochait  à  cette  méthode 
l'inconvénient  de  grossir  le  volume,  il  serait  équitable  de  tenu- 
compte  aussi  de  l'avantage  qu'y  trouveront  les  lecteurs  occu- 
pés, dout  les  recherches  seront  abrégées  et  le  tems  épargné. 
La  Revue  Encyclopédique  a  déjà  fait  connaître  cette  manière 
de  traiter  la  statistique  industrielle  et  commerciale  d'un  dé- 
partement. (  Voy.  Rev.  Eric.  ,  t.xxxiv,  p.  28.  Statistique  du 
département  du  Nord.)  Plus  ces  sortes  de  mesures  seront  mul- 
tipliées et  deviendront  familières,  mieux  on  en  sentira  l'utilité. 
Elles  donnent  le  moyen  d'apercevoir  sur-le-champ  les  acqui 
sitions  ou  les  pertes  de  chaque  sorte  d'industries  ou  de  pro- 
ductions, et  de  reconnaître  si  l'on  est  sur  la  voie  des  amélio- 
rations. 

Le  livre  suivant  peut  être  considéré  comme  une  introduction 
à  la  partie  de  cet  ouvrage  qui  n'est  pas  encore  publiée ,  et 
qui  ne  sera  pas  la  moins  intéressante  par  l'importance  des 
faits  la  nouveauté  des  observations  et  des  conséquences  que 
l'on  peut  en  déduire.  L'auteur  fait  dans  ce  livre  le  parallèle 
de  la  France  du  nord  et  de  la  France  du  midi,  avec  toute  la 
France,  c'est-à-dire,  avec  la  France  supposée  ramenée  à  la 
mesure  moyenne  et  uniforme.  Toute  cette  partie  de  son  ou- 
vrage devrait  être  l'entretien  du  jour,  le  sujet  des  méditations 
dans  le  cabinet  et  des  discussions  en  public.  Tant  que  nous 
paraîtrons  insensibles  à  d'aussi  grands  intérêts,  ne  justifierons- 
nous  pas  l'imputation  de  frivolité  que  l'on  fait  depuis  long- 
tems  au  caractère  français?  M.  Dupin  ne  signale  puint  un  mal , 
sans  indiquer  en  même  tems  le  remède  qu'il  croit  propre  à  le 
guérir.  Sur  ce  dernier  point,  on  ne  sera  peut-être  pas  toujours 
d'accord  avec  lui;  mais,  pour  que  le  livre  soit  éminemment 
utile,  il  n'est  pas  nécessaire  qu'il  ait  constamment  raison;  il 
suffit  qu'il  contienne  beaucoup  d'instruction  et  de  fortes  pen- 
sées, que  les  questions  soient  posées  clairement  et  discutées 
avec  courage,  que  l'autorité  soit  avertie,  le  patriotisme  excité, 
les  volontés  décidées.  Tous  ces  effets  salutaires  peuvent  être 
obtenus  si  l'on  se  met  à  lire  attentivement  l'ouvrage  dont 
nous  parlons;   et  c'est  par  ce  motif  (pie  nous  présentons  ici 


PARIS. 

1rs  considérations  par  lesquelles  non-  terminions  t'analyse  de 
<•(  i  ouvrage,  que  divers  obstacles  nous  ont  empêché  d'insérer 
à  la  place  qui  aurait  dû  lui  être  assignée  dans  uoire  Revue. 
Revenons  encore  an  moment  sur  les  critiques  dont  il  a  été 
l* objet  :  si  les  auteurs  de  ces  critiques  avaient  mis  pins  de  tesns 
et  d'attention  à  la  lecture  d'un  livre  qui  mérite  mieux  qu'un 

simple    coup  d'ϔl|  ils  se  seraient    occupes   de   l'ensemble,  de 

l'ordonnance  et  de  la  distribution  de  l'édifice,  et  auraient 
perdu  de  vue  quelques  imperfections  de  détail. 

Le  petit  ouvrage,  extrait  en  partie  de  celui  dont  nous  par- 
lons, et  que  l'auteur  a  rédigé  pour  l'instruction  populaire,  a 
été  l'objet  non  de  critiques,  mais  de  sarcasmes.  Nous  ne  nous 
arrêterons  pas  à  ces  misérables  plaisanteries  d'écrivains  plus 
sensibles  aux  charmes  d'un  calembourg  qu'à  l'utilité  de  l'en- 
seignement industriel.  L'opinion  publique  n'est  pas  dirigée  par 
les  lazzis  des  saltimbanques. 

Le  livre  qui  termine  le  second  volume  est  intitulé  :  «  Sur  la 
circulation  intérieure  de  la  France  du  nord,  et  spécialement 
sur  le  canal  maritime  de  la  Seine,  sur  Paris  port  de  mer,  et 
sur  de  canal  de  Paris  au  Rhin.»  Cette  matière  est  aussi  à 
l'ordre  du  jour:  espérons  que  ces  grands  projets  seront  enfin 
discutés  avec  maturité  et  sagesse,  et  que  les  réclamations  de 
quelques  localités  ne  seront  pas  écoutées,  au  préjudice  du  bien 
général.  Ferry. 

Banquet  mensuel  de  la  Société  de  la  Revue  Encyclopédique  , 
et  Notice  sur  les  osages  ,  qui  se  trouvaient  au  nombre  des  con- 
vives (mardi  g  octobre  1S27).  — Les  dîners  mensuels  de  la  Revue 
Encyclopédique ,  établis  depuis  neuf  années  ,  et  dont  nous 
n'avons  pas  fait  encore  mention  dans  ce  recueil,  ont  toutefois 
un  intérêt  et  un  caractère  particuliers  qu'on  chercherait  inu- 
tilement dans  les  assemblées  de  même  nature,  en  quelque  pays 
que  ce  fût.  Ces  dîners  ont  réuni  successivement  à  la  même 
table ,  non-seulement  les  rédacteurs  et  les  collaborateurs  de  la 
Revue  ,  et  ses  nombreux  correspondais  ,  mais  aussi  des  hommes 
distingués  de  toutes  les  nations.  C'est  une  sorte  d'institution 
qui  rapproche  par  des  relations  amicales  beaucoup  de  Fran- 
çais et  d'étrangers  ,  comme  la  Revue  elle-même  rapp roche  les 
habitans  des  différentes  contrées  du  globe  par  des  communica- 
tions scientifiques  et  littéraires,  renouvelées  tous  les  mois, 
et  leur  ouvre  une  école  centrale  d'instruction  mutuelle  où 
viennent  s'effacer  et  se  détruire  les  anciens  préjugés  des  inimi- 
tiés et  des  rivalités  hostiles  qui  séparaient  les  peuples. 

Un  philosophe  a  dit  quelque  part  que  la  réunion  à  une 
même   table  dispose  les  hommes ,   plus   que   toute  antre   cir- 


»56  FRANCE. 

constance  ,  à  dos  sentimcns  de  confiance  et  d'amitié  réci- 
proques. Si  cotte  observation  est  fondée  ,  quels  nobles  senti- 
mens  ne  doivent  pas  se  développer  entre  des  personnes  qui 
appartiennent  à  la  classe  la  plus  rccommandable  de  la  société, 
sous  le  rapport  intellectuel  !  Ces  banquets  sont  d'ailleurs 
exempts  de  toute  étiquette  ;  une  parfaite  égalité  ,  une  cordia- 
lité franche,  y  président.  On  n'y  connaît  d'autres  distinctions 
que  celles  des  talens  supérieurs  et  des  réputations  euro- 
péennes ;  on  y  jouit  sans  orgueil  de  l'effet  que  l'on  produit, 
et  qui  se  fortifie  de  tout  celui  que  produisent  les  autres. 

On  reconnaît  et  on  applique  cette  vérité,  proclamée  à  la 
fois  par  le  christianisme  et  par  la  philosophie  :  que  les  hommes 
sont  frères,  qu'un  même  esprit  de  fraternité,  de  bienveillance 
mutuelle  doit  unir  tous  les  membres  de  la  grande  famille  hu- 
maine; quelles  que  soient  leur  terre  natale,  la  couleur  de  leur 
peau,  leurs  langues,  leurs  coutumes  ,  leurs  croyances  reli- 
gieuses ,  leurs  institutions  politiques  ,  ils  doivent  s'aimer  et 
s'entr'aider  :  l'échange  des  bons  offices  entre  les  hommes  , 
comme  celui  des  productions  du  sol  et  de  l'industrie,  est  une 
source  féconde  de  richesses  et  de  bien-être  pour  les  nations 
et  pour  les  individus. 

Cette  vérité,  qui  élève  l'âme ,  qui  agrandit  la  pensée  ,  se 
trouvait ,  pour  ainsi  dire  ,  produite  dans  un  plus  grand  jour, 
et  appliquée  d'une  manière  nouvelle  dans  la  réunion  nom- 
breuse et  choisie  dont  nous  allons  offrir  rapidement  les  prin- 
cipaux personnages  et  les  traits  caractéristiques. 

Il  était  curieux  d'observer  le  rapprochement  de  plusieurs 
des  hommes  distingués  dont  s'honore  notre  civilisation  euro- 
péenne,  et  de  ces  demi-sauvages,  venus  des  bords  du  Mis- 
souri ,  arrivés  depuis  peu  à  Paris  ,  qui  représentent  à  nos  yeux 
la  première  enfance  des  sociétés. 

Quatre  Osages  seulement,  le  chef,  l'esprit  noir,  le  gros  soldat 
et  le  jeune  soldat ,  accompagnés  de  M.  David  Delaunay,  Fran- 
çais d'origine,  colonel  américain,  et  par  leur  interprète,  nommé 
Paul ,  ont  fixé  d'abord  les  regards  de  l'assemblée  ,  dans 
laquelle  se  trouvaient  plusieurs  dames  françaises ,  attirées  par 
un  motif  bien  naturel  de  curiosité.  Les  deux  femmes  osages, 
Gritomy  et  Myanga  ,  assez  gravement  indisposées  ,  n'avaient 
pu  suivre  leurs  compatriotes.  L'une  d'elles  est,  dit-on,  re- 
nommée dans  sa  tribu  comme  improvisatrice. 

Ces  Américains  appartiennent  aune  tribu  sauvage  des  bords 
du  Missouri,  dans  laquelle  on  compte  deux  mille  guerriers, 
sur  une  population  d'environ  vingt  mille  cimes.  Un  chef  héré- 
ditaire maintient  l'ordre  parmi  eux;  mais  les  affaires  impor- 


PA.R1S.  ir>7 

tantes  se  traitent  dans  l'assemblée  des  guerriers,  La  législation 
<lc  cette  peuplade  se  réduit  au  droit  naturel  de  défense  ;  le 
droit  de  propriété  s'établit  chçi  <'ll<-  par  la  possession  :  ses 
membres  ont  toutefois  des  notions  distinctes  de  ce  droit  ,  et  le 
vol  leur  est  presque  inconnu.  Leui  industrie  se  borne  à  la 
fabrication  des  Qèches  e(  d«'s  arcs, à  la  grossière  construction 
de  cabanes  en  pieux  ri  en  branches  d'arbres,  Les  marchands 
Américains  leur  fournissent  des  pioches  ,  <l<-s  haches  et  des 
armes  ,  en  échange  de  leurs  pelleteries.  Les  hommes  se  rasent 
la  tête  et  ne  conservent  qu'une  touffe  de  cheveux  à  la  partie 
postérieure,  qu'ils  ornent  d'une  plume  et  d'un  tube  d'argent 
ou  de  fer-blanc.  Leur  vêtement  se  compose  d'une  espèce  de 
pantalon  à  guêtres  en  peau  de  chevreuil  qui  monte  jusqu'à  la 
ceinture  ;  le  reste  du  corps  est  nu  ;  mais  ils  jettent  sur  leurs 
épaules  une  couverture  de  laine  blanche  ou  bleue,  assez  élé- 
gamment drapée  ,  ou  un  manteau  de  peau  d'ours  ou  de  bison, 
dans  lequel  ils  s'enveloppent  la  nuit.  La  teinte  générale  de 
leur  peau  est  d'un  rouge  de  cuivre,  et  ils  se  peignent  le  visage 
avec  diverses  couleurs,  mais  principalement  avec  du  ver- 
millon et  du  vert-de-gris  ,  ce  qui  ressemble  à  une  sorte  de 
tatouage;  ils  s'arrachent  avec  soin  la  barbe  et  les  sourcils.  Ils 
portent  pour  ornemens  de  larges  bracelets,  d'amples  colliers 
avec  une  ou  plusieurs  plaques  rondes  qui  leur  tombent  sur 
l'estomac  ,  et  des  peu  dans  d'oreilles  si  volumineux  qu'ils  sont 
forcés  de  se  pratiquer  aux  oreilles  plusieurs  trous  d'une  grande 
dimension.  Ces  colliers  et  ces  pendans  sont  composés  de  mor- 
ceaux de  verroterie  et  d'autres  bagatelles  de  ce  genre.  Les 
guerriers  qui  se  sont  distingués  sont  armés  d'une  sorte  de 
casse-tête  d'honneur,  orné  de  grelots.  Sur  les  quatre  Osagcs 
venus  à  Paris,  on  eu  compte  trois  qui  sont  ainsi  décorés, 

Les  occupations  des  Osages  sont  la  chasse  et  la  guerre.  Ils 
ont  des  jongleurs,  qui  se  disent  à  la  fois  médecins  ,  sorciers  et 
prêtres.  Ils  ont  des  cuisiniers  publics,  dont  toute  la  science 
se  borne  à  faire  rôtir  des  viandes  entre  deux  pierres  rouges,  ou 
sur  des  broches  de  bois,  mais  qui  sont  aussi  chargés  d'annoncer 
à  haute  voix  dans  chaque  village  les  ordres  généraux,  de  faire 
les  proclamations  et  de  présenter  les  demandes  en  mariage. 
L'existence  des  femmes  ne  saurait  être  heureuse  :  elles  sont 
réduites  à  une  sorte  de  condition  servile  et  soumises  aux  plus 
durs  travaux.  Tous  les  soins  du  ménage  retombent  sur  elles 
seules  :  elles  cultivent  la  terre,  sèment  du  maïs,  des  citrouilles 
et  plantent  des  pommes  de  terre;  elles  accompagnent  leurs  ma- 
ris à  la  chasse  et  sont  chargées  du  fardeau  des  objets  de  cam- 
pement, des  meubles  et  des  ustensile-..  La  polygamie  est 
t.  xxxvi. —  Octobre  1827.  17 


258  FRANCE. 

autorisée  dans  cotte  peuplade.  Les  Osages  mariés  ont  des 
droits  sur  les  sœurs  cadettes  de  leurs  femmes,  et  peuvent,  en 
outre,  prendre  des  concubines.  Ils  montrent  un  grand  respect 
pour  la  vieillesse,  et  passent  pour  hospitaliers.  Leurs  idées 
religieuses  se  bornent  à  la  reconnaissance  d'un  Dieu  qu'ils 
appellent  le  Grand  Esprit  ou  le  Maître  de  la  vie,  et  à  la  croyance 
d'une  vie  future.  Leurs  cérémonies  consistent  en  quelques 
prières  qu'ils  adressent  à  la  Divinité  dans  leurs  besoins;et  alors, 
ils  se  tiennent  debout,  la  tète  tournée  vers  le  ciel. 

Le  banquet,  auquel  le  directeur  de  la  Revue  avait  invité  ces 
hôtes  d'un  nouveau  genre,  avait  lieu  à  la  Grande-Chaumière 
du  Mout-Parnasse.  La  société  se  composait  de  cent  trente  per- 
sonnes, et  l'on  a  observé  qu'il  s'y  trouvait  des  membres  de 
dix-huit  nations  différentes  :  Américains  du  nord  et  du  sud, 
Anglais,  Russes,  Polonais,  Danois,  Allemands,  Prussiens, 
Suisses,  Dalmates,  Moldaves,  Italiens ,  Toscans ,  Napolitains, 
Piémontais;  Corfiotes,  Grecs,  Espagnols,  Belges,  etc.,  et 
beaucoup  de  Français.  On  y  remarquait  M.  Hurtado,  ministre 
de  la  Colombie;  l'amiral  anglais  Sidney  Smith;  le  chevalier 
Abrahamson,  aide  de-camp  du  roi  de  Danemark;  M.  Ternaux; 
M.  Rizo  Neroulos,  ancien  ministre  en  Moldavie  ;  le  pasteur 
américain  M.  Jarvis;  MM.  Paravicini,  Ugoni,  Rosellini ,  jeune 
archéologue  toscan  ;  le  colonel  Bernardini  et  le  chevalier  Giove , 
de  Dalmatie  ;  les  comtes  Benevelli  et  Meroni ,  de  Turin  et  de 
Milan;  MM.  Abbott ,  du  théâtre  anglais,  et  Laurent,  directeur 
de  ce  théâtre;  MM.  Lemercier,  Cherubini ,  Choron ,  Pongerville, 
Girard,  de  l'Institut;  Alexandre  Boucher,  Firmin  Didot,  Rignoux, 
Renouard,  Baudouin ,  Pacho ;  Foyaticr,  sculpteur;  Carloni,  de 
Rome,  peintre  d'un  talent  distingué;  le  docteur  Gall;  les  mé- 
decins Bally,  Damiron,  Fossati ,  Gasc,  Roberton ,  Duvirier  , 
Maegowans  etc.;  enfin,  des  physiologistes,  des  naturalistes, 
des  ingénieurs,  des  marins,  des  militaires,  des  hommes  d'état, 
des  historiens,  des  archéologues,  des  peintres,  des  poètes,  des 
compositeurs,  des  savans,  des  écrivains  et  des  artistes  célè- 
bres, rapprochement  aussi  curieux  qu'intéressant. 

Les  quatre  Osages  étaient  vêtus  de  leur  plus  beau  costume, 
et  ils  ont  conservé  beaucoup  de  décence  pendant  tout  le 
repas  :  il  paraît  qu'ils  ont,  à  cet  égard,  contracté  facilement  les 
habitudes  européennes.  Plusieurs  phrases  de  bienveillance  et 
de  remerciement,  adressées  par  eux  à  la  société,  et  accompa- 
gnées de  gestes  expressifs,  ont  été  rendues  par  leur  interprète, 
qui  probablement  n'en  a  pas  reproduit  toute  l'originalité. 

Une  jeune  dame,  habile  cantatrice,  Mlle  Monset,  a  chanté 
deux  romances  d'un  vrftet  enchanteur.  On  a  prié  les  Osages  de 
chanter  un  air  de  leur  pays,  et  ils  ont  improvisé,  en  frappant 


PARIS.  afj 

■oc  torte  de  mesure  avec  leurs  tomahawk*  à  grelots,  et  en 
profértnl  des  sous  bizarres j  forlemeol  accentués ,  t  rois  strophes 
ou  couplets  que  l'interprète  a  traduits,  ef  dont  l'un  dos  con- 
\iv.-s  a  fait,  le  soir  même,  une  imitation  <'u  vers. 

Il  est  difficile  de  définir  la  uattire  d<-  ce  chant ,  que  l'on  pour- 
raitappelcruue  suite  monotone  de  «ris  modulés.  Celui  des  prêtres 
arméniens,  qui  fut  entendu  à  Rome  pendant  la  semaine  sainte 

de  l'année  du  jubilé,  peut  seul  lui  être  comparé  ;  les  grelots  en 

faisaieut  aussi  l'accompagnement  obligé.  L'un  des  usages  a  fait 

ensuite  entendre  un  chant  de  guerre,  sorte  de  hurlement  musical 
qui  inspire  la  fureur,  et  il  a  exprimé,  par  sot»  attitude  et  par  ses 
mouvemeus  énergiques  et  menaçans,  la  manière  dont  on  délie 
I  ennemi.  Il  paraît  que  la  figure  de  rhétorique  que  l'on  nomme 
exagération  n'est  pas  étrangère  à  ces  peuples;  car  le  guerrier 
s'est  empressé  de  dire  qu'il  avait  tué  à  lui  seul  un  nombre 
d'ennemis  plus  considérable  que  celui  des  personnes  présentes. 
Toutefois,  on  a  reconnu  dans  ses  gestes  l'expression  mimique 
la  plus  naturelle,  la  plus  vraie,  du  courage  et  de  la  force.  Les 
docteurs  Gall  et  Fossati  Vont  observé,  comme  physiologistes  , 
et  sont  convenus  que  l'on  trouverait  difficilement ,  parmi  les 
Européens,  une  tète  aussi  large  que  la  sienne  immédiatement 
au-dessus  des  oreilles.  D'après  le  système  adopté  par  ces  deux 
célèbres  anatomist.es,  l'organisation  des  Osages  est  assez  heu- 
reuse. Ils  ont  le  front  bien  développé,  ce  qui  prouve  leur  in- 
telligence et  leur  aptitude  à  la  civilisation.  La  forme  de  leur 
tète  et  la  masse  générale  de  leur  cerveau  ne  diffèrent  pas 
essentiellement  de  celles  des  races  européennes.  La  couleur  de 
leur  peau  ne  peut  influer  sur  notre  opinion  à  leur  égard  ,  et  il 
parait  que  cette  conviction  est  entrée  dans  leur  esprit;  en  effet, 
le  grand  chef  nous  a  adressé  le  discours  suivant  :  «  Mes  frères, 
vous  me  permettrez  devons  donner  ce  nom,  car,  sous  vos  peaux 
blanches,  comme  sous  nos  peaux  rouges,  on  trouve  également 
du  sang  humain  et  un  cœur  humain;  nous  sommes  venus  de 
bien  loin  pour  vous  voir,  nous  avons  traversé  le  Grand  Lac,  et 
le  Maître  de  la  vie  nous  a  conduits.  Nous  sommes  arrivés  heu- 
reusement, vous  nous  recevez  bien,  nous  sommes  à  cable  avec 
vous,  nous  sommes  contens,  et  nous  vous  remercions.  »  Dans 
un  autre  moment,  le  même  chef  a  dit:  «Mes  frères,  nous 
savons  qu'il  y  a  deux  chemins  à  suivre  pour  nos  actions,  l'un 
bon,  l'autre  mauvais  :  nous  tâchons  de  ne  jamais  prendre  le 
mauvais,  »  Le  même  caractère  de  simplicité,  de  candeur  et  de 
bon  sens  se  fait  remarquer  dans  le  discours  que  le  chef  Osage 
avait  adressé  à  M.  le  général  La  Fayette,  lorsqu'il  est  allé  chez 
lui  avec  ses  compagnon^  de  voyage.  M&,  Jullten  a  rapporté  ce 


i6o  FRANCE. 

discours,  à  peu  près  dans  ces  termes  :  «  Grand  père  (nom  que 
les  Osages  donnent  à  tous  ceux  auxquels  ils  veulent  témoigner 
une  affection  mêlée  de  respect),  nous  avons  des  oreilles,  et 
ton  nom  v  est  entré;  nous  avons  un  cœur,  et  ton  nom  y  est 
reste.  Ton  nom  est  partout,  mais  ta  personne  est  ici  :  nous  con- 
naissions ton  nom,  nous  désirions  connaître  ta  personne,  et 
nous  voici  en  ta  présence  :  nous  sommes  satisfaits  de  te  voir 
et  d'être  bien  reçus  par  toi.  » 

On  a  répandu  dans  le  monde  que  des  personnes  éminentes 
avaient  trouvé  inconvenant  que  les  Osages,  après  avoir  eu 
l'honneur  d'être  admis  devant  le  roi ,  reçussent  une  contri- 
bution pour  se  communiquer  au  public.  On  n'a  point  suffisam- 
ment remarqué  que  ce  genre  d'industrie  est  dans  leurs  mœurs; 
qu'aux  États-Unis  même*,  ils  exécutent  sur  les  théâtres  les 
danses  de  leur  tribu  ,  et  qu'alors  le  gouvernement  ou  des 
particuliers  riches  paient  leurs  dépenses  et  les  comblent  de  pré- 
sens. Les  Osages  dent  il  s'agit  ne  se  sont  point  annoncés  autre- 
ment. Le  but  intéressé  de  leur  voyage  fut  déclaré,  avant  leur 
départ  de  la  Nouvelle-Orléans,  à  M.  Guillemin,  consul  de 
France.  Adressés  à  MM.  Eyries  ,  négocians  au  Havre,  ils  ont 
sollicité  du  ministre  des  affaires  étrangères  une  autorisation 
pour  venir  à  Paris,  comme  hommes  libres,  mais  disposés  à 
tirer  parti  de  la  curiosité  publique,  ainsi  que  le  font  journelle- 
ment, en  France  et  en  Europe,  des  artistes  voyageurs  très- 
distingués  et  considérés,  qui  se  produisent  sur  les  théâtres  et 
dans  les  sociétés  particulières,  où  ils  reçoivent  une  rétribution 
et  tirent  parti  de  leurs  talens.  Le  roi ,  après  avoir  reçu  les 
Osages,  leur  a  fait  remettre  une  somme  de  2,000  fr. 

Il  n'est  peut-être  pas  inutile  de  faire  remarquer  que  ces 
hommes  ,  contre  lesquels  i!  ne  s'est  élevé  jusqu'ici  aucun  sujet 
de  plainte,  font  réellement  partie  d'une  tribu  considérable  , 
dévouée  à  la  France;  que  les  Anglais,  qui  alimentent  leur  com- 
merce d'échange  et  celui  de  quelques  tribus  voisines ,  sont 
forcés,  à  raison  de  cette  disposition  ,  de  donner  à  leurs  mar- 
chandises de  traite  le  nom  et  l'apparence  de  produits  français; 
qu'en  ce  moment  on  construit  une  route  qui  doit  traverser  le 
vaste  pays  (plus  grand  que  la  France)  qu'habitent  les  Osages  , 
pour  aboutir  dans  le  haut  Mexique,  et  que  cette  route  doit 
servir  à  l'exploitation  d'un  commerce  ,  bien  plus  important 
encore,  avec  toutes  les  contrées  dont  elle  ouvrira  l'accès, 
commerce  que  les  fabricans  français  peuvent  exploiter  désor- 
mais avec  avantage.  De  très-petites  causes  amènent  quelque- 
fois les  résultats  les  plus  utiles.  Les  hommes  qui  réfléchissent 
ne  repoussent  jamais  aucun  moyen  ;  et  les  actes  d'une  hospi- 
talité bienveillante  leur  paraissent  surtout  de  nature  à  procurer 


PARIS.  161 

des  avantages  que  n'auraient  peut-être  pas  obtenus  au  même 
degré  la  force  ni  la  puissance. 

Les  convives  et  les  nombreux  spectateurs  choisis,  qui 
avaient  été  admis  à  cette  réunion,  n<-  se  sont  séparés  qu'à  dix 
heures  du  soir,  fort  contens  de  ce  qu'ils  avaient  vu  et  observé. 
On  a  distribué  quelques  exemplaires  d'une  Histoire  de  fa  tribu 
desOsages\  par  M.  P.  V.  (Paris,  18*7;  Charles  Béchet.  In-8° 
de  9a  pag.)  qui  renferme  des  renseignemens  curieux  sur  cette 
tribu.  F.  N. 

Exhumation  des  restes-  de  Talka.  —  Le  19  octobre,  à  7 
heures  du  matin,  on  a  procédé,  dans  le  cimetière  de  l'Est ,  à 
l'exhumation  des  restes  de  'l'aima.  Son  COrpS  a  été  enlevé  i\\\ 
lieu  où  il  avait  été  provisoirement  déposé  :  on  l'a  transporté 
dans  an  caveau  construit  auprès  du  tombeau  de  Delille.  Le 
nombre  des  personnes  invitées  ,1  cette  funèbre  cérémonie  n'é- 
tait pas  aussi  considérable  que  celui  des  souscripteurs  l'eût  fait 
espérer,  la  plupart  de  ceux-ci  n'ayant  pas  été  prévenus.  M.  Da- 
villierSy  exécuteur  testamentaire,  conduisait  le  deuil.  M.  Tay- 
lor ,  commissaire  du  roi  près  le  Théâtre-  Français,  se  trouvait  à 
la  tète  île  Mal.  les  acteurs  de  ce  théâtre;  et  M.  Abbott  accom- 
pagnait MM.  les  comédiens  Anglais.  M.  Kératry  a  prononcé 
sur  la  tombe  de  Talma  un  discours  improvisé,  dont  nous  cite- 
rons les  phrases  suivantes  : 

«  Grand  acteur,  homme  de  bien,  citoyen  jaloux  de  la  gloire 
de  ion  pays,  à  laquelle  tu  as  largement  contribué  par  un  talent 
parmi  nous  sans  modèle,  Talma,  nous  venons  donner  à  ta 
dépouille  l'asile  que  lui  a  décerné  la  reconnaissance  de  tes 
compatriotes...  Il  est  tems  cpie  les  étrangers  ne  soient  plus  ré- 
duits à  demander  où  sont  tes  restes;  il  est  tems  qu'ils  sachent 
où  porter  l'hommage  de  leurs  respects  et  de  leur  admiration... 

«  Et  nous  qui  venons  t'adresser  un  suprême  et  solennel  adieu, 
nous  ne  nous  bornerons  pas  à  rouler  sur  ta  dépouille  un  marbre 
modeste  ,  mais  plus  riche  que  les  mausolées,  puisqu'il  va  porter 
ton  nom  !...  Nous  nous  souviendrons  des  qualités  privées  qui  te 
promettent  une  meilleure  vie...  La  génération  qui  t'a  entendu, 
la  génération  qui  te  survit  te  devait  l'immortalité  qui  appar- 
tient au  talent  :  elle  te  l'a  donnée  ,  une  autre  te  viendra  de  plus 
haut  et  d'une  source  plus  pure...  » 

Immédiatement  après  ce  discours,  M.  Abbott  a  jeté  dans  le 
caveau  une  couronne  d'immortelles,  et  MM.  les  comédiens 
Français  ont  suivi  cet  exemple.  R. 


Théâtres. — Théâtre-Français. — Ire représentation  âeVJmi 
tu  totale  monde,  comédie  en  trois  actes  et  en  prose;  par***. Samedi 


2f)2  i  KANCE. 

6  octobre.) — Il  est  inutile  de  faire  l'analyse  d'une  pièce  fort  m< 
accueillie  à  la  première  représentation,  et  qui  n'en  a  tenté  une 
seconde  que  pour  ne  plusreparaître.L'intrigue  d'ailleurs  estassez 
embrouillée  et  n'inspire  qu'un  bien  faible  intérêt  ;  elle  n'offre 
qu'une  peinture  de  mœurs  sans  couleur  et  sans  vérité;  ce  sont 
là  des  personnnages  que  nous  avons  souvent  vus  au  théâtre, 
mais  qui  n'ont  point  les  traits  saillans  de  ceux  que  nous 
voyons  aujourd'hui  dans  le  monde.  Sans  être  bien  neuf,  le 
caractère  principal  pouvait  cependant  être  comique  ;  et  mal- 
heureusement il  ne  l'est  pas.  Cet  homme ,  qui  veut  être  bien 
avec  tout  le  monde,  et  qui  à  force  de  maladresses  finit  par  dé- 
plaire à  chacun ,  est  trop  effacé  dans  la  pièce  où  l'on  s'attendait  à 
le  voir  mener  toute  l'intrigue;  il  agirpeu  et  presque  toujours, hors 
des  yeux  du  spectateur.  Nous  nous  empressons  d'ajouter  qu'il  y 
avait  quelques  intentions  comiques  dans  les  situations  imaginées 
par  l'auteur,  mais  elles  manquent  de  développement;  c'était  une 
heureuse  idée  que  ce  contraste  établi  entre  l'activité  incommode 
de  cet  homme  qui  fait  les  affaires  de  tout  le  monde,  et  l'apa- 
thique indolence  de  ce  Sain  val  qui  ne  fait  pas  même  ses  propres 
affaires.  Le  mauvais  succès  de  Y  Ami  de  tout  le  monde  ne  doit 
point  décourager  l'auteur,  qui,  plusieurs  fois ,  a  fait  preuve 
d'un  talent  aimable  et  spirituel.  Les  applaudissemens  qui  ac- 
cueillent constamment  les  Suites  d'un  bal  masqué,  doivent  être 
pour  lui  une  consolation  de  cette  mésaventure  et  le  gage  futur 
d'un  plus  heureux  succès. 

—  Théâtre  royal  de  l'Odéon. —  Ire  représent,  de  la  Cassette, 
comédie  en  trois  actes  et  en  prose;  <par  M***  (lundi  ier  octobre). 
—  Un  tuteur  avare  et  fripon  qui  tient  sa  nièce  dans  une  espèce 
de  prison  pour  s'emparer  de  son  bien  ;  un  amant  qui  prend  les 
habits  de  son  valet  pour  s'introduire  dans  la  maison  de  ce  tuteur, 
et  lui  enlever  sa  pupille;  un  imbroglio  fondé  sur  cette  donnée, 
et  dont  le  dénoûment  est  un  mariage  auquel  le  tuteur  dupé 
ne  peut  pas  s'opposer  :  voilà  une  pièce  qu'on  dirait  vieille  de 
cent  ans  ,  et  qui  a  été  jouée  sous  le  titre  de  comédie  nouvelle  ïl 
y  a  quelques  jours.  Un  dialogue  piquant,  une  broderie  spiri- 
tuelle, n'ont  pu  rajeunir  ce  vieux  canevas;  et,  pour  en  faire 
plus  toi  justice,  le  parterre  s'est  montré  fort  injuste  envers  de  jolis 
détails  qu'il  aurait  applaudis  partout  ailleurs.  L'auteur,  connu 
dans  le  inonde  pour  un  homme  de  beaucoup  d'esprit  et  qui  a 
quelquefois  été  plus  heureux  au  théâtre,  a  voulu  garder  l'ano- 
flyme.  M.  A. 

•—  Théâtre  Anglais.  —  Seconde  représentation  de  Jane 
Slwrc ,  tragédie  en  cinq  actes  de  Rowe  ,  et  première  représen- 
tation d'Anglais  et  Fiançais ,  comédie  en  un  acte  ,  par 
MM.  Bavard  et  Gustave  de  Wailly,  au  bénéfice  de  M.  Abbott. 


PAULS.  ,r,  ; 

(Lundi  aa  octobre.    —  En  rendait!  compte  des  premières  repré* 

seul. liions  de-,  ciminl lens  anglaisa  VOdéofts  nousavions  témoigné 

le désir  d«a  le-,  i  oir  établis  dans  la  sailr  l'avai  t ,  et  rapprochés  (lu 

centre  des  plaisirs  et  de  la  population.  Ce  V09U  ,  généralement 
inanifi  'Sté  par  Le  public  cl  par  les  journaux  ,  a  été  écoulé;  cl  les 

représentations  des  chefs-d'œuvre  de  la  scène  anglaise  al- 
ternent maintenant,  sur  ce  théâtre,  avec:  celles  des  brillantes 
compositions  de  M.  Ilo.vsini.  M.  Ajibott  ,  dont  le  talent  a  été  re- 
marqué et  applaudi  par  tous  ceux  qui  ont  vu  à  l'Odeon  llotnco 
et  Juliette  ,  V  h'eole  du  scandale  ,  le  Stratagème  d'une  belle  et 
plusieurs  autres  pièces  dans  lesquelles  il  a  rempli  avec  succès 
des  rôles  importons  ,  vient  d'obtenir  une  représentation  à  son 
bénéfice  ,  dont  la  composition  avait  piqué  la  curiosité  ,  et 
attiré  une  assemblée  brillante  et  nombreuse.  La  tragédie  de 
Um\e  est  assez  connue  ,  en  France,  par  L'élégante  imitation  de 
M.  Anorielx  ,  et  par  les  tentatives  de  MM.  Lemercikr  et 
Li  uuèrks  pour  transporter  sur  notre  scène  les  fureurs  du 
Louis  XI  de  l'Angleterre,  et  les  infortunes  de  la  maîtresse 
d'Edouard  IV.  La  pièce  anglaise,  malgré  ses  défauts,  excite 
un  intérêt  puissant  qui  s'attache  au  sort  de  cette  Jane  Shore, 
si  belle,  si  malheureuse  et  si  repentante.  Sous  les  traits  de 
miss  Smithson  ,  surtout,  elle  inspire  une  pitié  profonde,  une 
sympathie  douloureuse  :  lorsque  Jane  reçoit  Du  mont  qui  se 
présente  pour  entrer  à  son  service,  et  qui  ,  en  nommant 
Anvers  ,  sa  patrie ,  rappelle  qu'il  a  connu  le  mari  de  sa 
maîtresse  ;  lorsqu'elle  repousse  les  coupables  caresses  de  Has- 
tings  ;  enfin  ,  lorsqu'au  dernier  acte  ,  elle  demande  du  pain  à 
sou  ancienne  amie  Alieia,  et  lorsqu'elle  expire  de  faim  et  de 
fatigue,  dans  les  bras  de  son  époux  qu'elle  vient  de  recon- 
naître; miss  Smithson  a  des  accens  si  pénétrans,  une  panto- 
mime si  vraie,  si  attendrissante  ,  qu'elle  arrache  des  pleurs  à 
tous  les  yeux;  qu'elle  transporte  le  spectateur,  par  une  illu- 
sion terrible ,  dans  ces  rues  de  Londres  où ,  depuis  trois 
jours  ,  elle  erre  poursuivie  par  le  besoin  et  par  les  insultes 
d'une  vile  populace.  Le  rôle  du  duc  de  Glocester,  a  été  bien 
rempli,  dans  quelques  parties,  par  M.  Chapman  ,  qui,  dans 
la  scène  du  conseil,  a  eu  des  mouveinens  d'une  énergie  fa- 
rouche. M.  Abbott  a  représenté  le  rôle  de  lord  Hastings  avec 
beaucoup  de  chaleur  et  de  noblesse. 

De  la  cour  du  sauvage  Richard,  le  décorateur  nous  a  bien- 
tôt transportés  dans  une  auberge  de  Lille  ,  où  vient  d'arriver 
Eugène  de  Verneuil  ,  qui,  grâces  aux  habits,  aux  manières 
et  au  baragouin  d'un  anglais  de  comédie  ,  espère  échapper  à 
sa  famille  et  à  ses  créanciers  ,  et  retrouver  sur  le  sol  britan- 
nique une  jolie  insulaire  dont  il  a  obtenu  la  foi.  Sir  Richard  , 


964  FRANCE. 

véritable  anglais ,  vient  aussi  de  descendre  de  diligence  :  il  a 
pour  compagnons  de  voyage  M.  Deschamps  ,  chargé  par  les 
paréos  d'Eugène  ,  devenus  ses  créanciers  ,  d'interrompre  son 
voyage  el  d'empêcher  son  union  avec  une  anglaise  ,  au  moyen 
d'une  contrainte  par  corps;  et  Mme  de  Marcilly,  qui  trouve 
le  jeune  lord  fort  aimable,  mais  qui  refuse  par  patriotisme 
d'écouter  son  amour.  Dès  lors,  sir  Richard  n'éprouve  aucune 
répugnance  à  prendre  pour  quelques  instans  le  nom  d'Eugène; 
car  cette  métamorphose ,  en  le  faisant  passer  pour  français 
auprès  du  crédule  Deschamps  et  de  la  jeune  veuve,  détruit 
tous  les  scrupules  de  celle-ci,  et  décide  le  don  de  son  cœur 
et'  de  sa  main.  Cette  petite  pièce  de  circonstance,  où  il  y  a 
de  l'esprit  et  quelques  situations  plaisantes  ,  a  été  accueillie 
avec  beaucoup  de  bienveillance  ,  grâces  surtout  au  jeu  spiri- 
tuel et  plein  de  gaîté  de  M.  Abbott  ,  qui  a  parfaitement  repré- 
senté un  jeune  baronnet ,  débarrassé  de  ce  grotesque  accou- 
trement et  de  ces  charges  de  mauvais  goût  dont  on  a  long- 
tems  affublé,  sur  nos  théâtres,  tous  les  Anglais  jeunes  ou 
vieux.  On  l'a  surtout  applaudi ,  quand  il  a  conclu  ,  de  concert 
avec  Eugène  de  Verneuil,  un  traité  d'alliance  et  d'amitié  entre 
les  deux  nations  ;  et  lorsque  ,  saluant  l'auditoire ,  il  l'a  remercié 
de  sa  délicate  hospitalité ,  en  exprimant  la  pensée  «  que  les 
Anglais  et  les  Français  peuvent  continuer  d'être  rivaux ,  sans 
cesser  d'être  amis.  »  ». 

Beaux-Arts.  —  Néorama  et  Diorama  :  Vue  intérieure  de 
Saint-Pierre  de  Rome.  —  L'église  de  Saint-Pierre  de  Rome, 
que  deux  siècles  et  les  secours  de  toute  la  chrétienté  ont  à 
peine  suffi  pour  achever,  est  le  plus  grand  édifice  connu  :  bâti 
sur  les  dessins  des  hommes  les  plus  habiles ,  orné  des  marbres 
les  plus  précieux,  enrichi  de  peintures  et  de  mosaïques,  pré- 
cédé de  deux  magnifiques  colonnades,  l'esprit  reste  frappé 
d'admiration  à  l'aspect  d'un  tel  monument.  Tous  ceux  qui  ont 
été  à  Rome  en  parlent  avec  enthousiasme,  et  c'est  peut-être 
la  seule  fois  que  l'imagination,  ébranlée  par  la  pompe  des 
récits ,  n'a  pas  été  au-delà  de  la  réalité. 

Il  serait  inutile  de  donner  une  nouvelle  description  de  cette 
église  :  elle  est  partout.  J'aime  mieux  rapporter  ici  des  vers 
dans  lesquels  Girodet,  peintre  et  poëte  à  la  fois,  célèbre,  dans 
un  poëme  encore  inédit  (i)  ce  magnifique  édifice. 


(i)  Le  Peintre.  Ce  poëme  ,  et  les  autres  productions  littéraires  et  di- 
dactiques de  Girodet,  paraîtront,  vers  le  i5  novembre  prochain 
chez  Renouard ,  libraire  ,  rue  de  Tournon ,  n°  6. 


PARIS.  ao5 

De  quelle  majesté  r  -.w  onne  oe  s;iint  lieu  ! 
Oui  !  tout  proclama  ici  la  présence  d'an  Dieu. 
Da  la  religion  ,  des  arts  et  du  génie, 
Du  pouvoir  al  «lu  tenu  ,  ô  merveille  infinie  ! 
Chef-d'œuvre  <1«'  l'Europe  el  '!<■  ton!  L'univers ( 
Quel  bras  ;i  suspendu  ton  dôme  dam  lei  airs? 
N'entends- je  point,  du  haut  de  ta  vaste  coupole, 
Dieu  lui-même  aux  mortels  annoncer  sa  parole? 
L'ame  ici  s'agrandit  ;  l'orgueil  humain  dompté, 
Succombant  sous  Le  pouls  de  La  divinité  , 
Médite  son  néant,  et  songe  à  sa  poussière. 
Du  temple  d'Artémis  qu'Éphèse soit  moins  fière; 
Qu'Athènes  vante  moins  son  fameux  Parthénon  ; 
La  ville  des  Césars,  son  noble  Panthéon... 

Tel  est  le  noble  et  grand  édifice  que  deux  établissement 
rivaux  se  sont  proposé  de  mettre  sous  les  yeux  du  public,  par 
le  moyen  de  la  peinture. 

MM.  Boutoh  et  Daguerre,  faisant  une  application  nou- 
velle et  heureuse  des  ressources  du  Panorama ,  étaient  depuis 
long-tcms  en  possession  de  représenter  des  vues  intérieures  de 
monumens,  ou  l'aspect  de  lieux  remarquables. 

M.  Allaux,  dessinateur  fort  habile,  pensa  que  l'on  pour- 
rait faire  plus  :  il  crut  pouvoir  placer  le  spectateur  au  milieu 
même  du  monument  représenté. 

Plein  de  cette  idée,  il  se  rendit  à  Rome,  où  il  fit  des  études 
nombreuses  et  extrêmement  soignées  de  toutes  les  parties  de 
l'église  de  Saint-Pierre;  il  poussa  le  scrupule  jusqu'à  prendre 
la  coupe  des  caissons  de  la  voûte ,  afin  de  bien  en  reproduire  les 
saillies.  J'ai  vu  les  dessins,  et  je  puis  assurer  qu'ils  prouvent 
autant  de  conscience  que  d'habileté. 

Revenu  à  Paris,  M.  Allaux  fit  élever  une  rotonde;  là  se 
présenta  une  difficulté,  sinon  invincible,  du  moins  assez  sé- 
rieuse pour  que  beaucoup  de  personnes  n'eussent  point  essayé 
de  la  vaincre.  En  effet,  il  s'agissait  de  représenter,  sur  une 
surface  parfaitement  circulaire,  des  lignes  droites,  ou  paral- 
lèles, ou  coupées  à  angle  droit,  et  cela  avec  tous  les  accidens 
que  produisent  les  divers  objets  renfermés  dans  cette  église,  et 
les  détails  de  l'architecture.  Il  paraît  que  la  solution  de  ce 
problème  de  perspective  a  coûté  plusieurs  années  de  recher- 
ches à  M.  Allaux.  Pendant  que  cet  artiste  et  son  frère,  le  peintre 
d'histoire,  aidés  de  plusieurs  autres  artistes  d'un  talent  reconnu, 
travaillaient  avec  ardeur  pour  mettre  à  fin  leur  entreprise , 
MM.  Bouton  et  Daguerre,  justement  effrayés  de  cette  rivalité, 
essayèrent  de  gagner  M.  Allaux  de  vitesse,  et  Paris  a  vu,  pres- 
que au  même  jour,  deux  églises  de  Saint- Pierre  ouvertes  au 
public.  Les  auteurs  du  Diorama  ont  effectivement  terminé  les 


266  FRANCE. 

premiers  leurs  tableaux,  mais  ici  on  peut  dire,  avec  le  Misant- 
trope  : 

...  Le  tems  ne  fait  rien  à  l'affaire  ; 

et,  pour  que  la  foule  leur  restât  fidèle,  il  fallait  qu'ils  fissent 
mieux  que  leur  compétiteur  :  c'est  ce  qui  n'est  pas  arrivé. 
D'abord,  ils  avaient  un  grand  désavantage;  ils  n'avaient  pas  été 
à  Rome  prendre  des  vues  sur  les  lieux-,  ils  ont  donc  été  obli- 
gés de  se  servir  de  gravures  plus  ou  moins  bien  enluminées, 
et  c'est  toujours  un  moyen  très- insuffisant.  Ensuite,  ils  ne 
pouvaient  mettre  leur  spectateur  au  milieu  du  monument; 
la  disposition  de  leur  établissement  s'y  oppose;  ils  l'ont  donc 
supposé  près  de  la  porte  d'entrée  d'où  l'œil  devrait  embrasser 
toute  l'étendue  de  l'édifice;  mais,  au  fait,  M.  Bouton,  auteur 
de  ce  tableau ,  n'a  pas  su  donner  une  idée  juste  de  la  profon- 
deur immense  de  l'église;  il  n'a  pas,  non  plus,  donné  à  l'aspect 
intérieur  de  ce  monument,  son  véritable  effet.  La  seule  partie 
claire  est  le  dôme  ;  tout  le  reste  est  obscur,  les  ombres  sont  très- 
vives;  or,  il  n'en  est  réellement  pas  ainsi.  Dans  Saint-Pierre,  au 
contraire,  le  ton  général  de  la  couleur  est  clair,  la  lumière  cir- 
cule partout.  Au  surplus,  les  premiers  plans  sont  très-bien 
exécutés;  on  voit  que  c'est  l'ouvrage  d'un  homme  habile  ,  mais 
ce  n'est  pas  entièrement  l'église  de  Saint- Pierre. 

M.  Allaux  a  mis  le  spectateur  au  milieu  même  de  l'église;  il 
a  supposé  que,  comme  cela  a  lieu  dans  de  certaines  solennités, 
on  avait  élevé,  près  de  la  coupole,  une  estrade  recouverte 
d'un  dais  où  le  pape  se  place,  pendant  la  célébration  de  l'of- 
fice. Le  pape  vient  d'en  descendre,  et  le  spectateur  est  venu 
s'en  emparer. 

M.  Allaux  a  eu  l'heureuse  idée  d'ouvrir  les  portes  de  la  ba- 
silique ,  de  sorte  que  la  vue  se  prolonge,  d'un  côté,  jusqu'à 
l'extrémité  de  la  place  du  Vatican,  et,  de  l'autre,  jusqu'au 
chevet  de  l'église.  C'est  un  magnifique  aspect.  La  scène  repré- 
sentée, dans  l'intérieur  du  monument,  ajoute  à  l'intérêt  du  lieu. 
Le  pape  est  prosterné  devant  la  statue  de  saint  Pierre,  pour 
laquelle  on  s'est  servi  du  bronze  d'un  Jupiter  Capitolin,  comme 
on  a  fait  la  statue  de  Henri  IV  avec  une  statue  de  Bonaparie; 
derrière  lui,  les  cardinaux,  les  chanoines  sont  également  age- 
nouillés; une  haie  de  soldats  forme  une  enceinte  au-delà  de 
laquelle  on  voit  des  groupes  de  fidèles.  Toutes  ces  figures  sont 
parfaitement  bien  exécutées. 

En  supposant  que  les  portes  de  l'église  étaient  ouvertes  ,  l 'ar- 
tiste s'est  ménagé  les  moyens  de  faire  sentir  la  différence  de  !a 
lumière  extérieure  et  de  la  lumière  intérieure.  C'était  une  dif- 
ficulté, sans  doute;  mais  aussi  c'était  un  moyen  d'effet.  Cet 
effet,  bien  senti ,  bien  exprimé,  a  produit  une  vive  sensation. 


l'A  IUS.  •,/>; 

L'empressement  <ln  public  8  prouvé  ;i  M  lilaux  que  l<-  talent 
el  la  persévérance  ne  restent  pas  toujours  sans  récompense 
Maintenant  que  cet  artiste  a  trouvé  l<-  moyen  <!<•  nous  tram 
porter  au  milieu  d'un  édifice  tel  que  Saint  Pierre,  il  ne  devra 
pas  Lui  être  plus  difficile  <!<■  nous  montrer  I*  ilhambra,  !<•  Cofy 
S('c,  le  Campo  t  (icci/to,  et  tant  d'antres  beaux  lieux  dont  la 
vue  ne  pourrait  manquer  d'exciter  un  grand  intérêt.      P.  A. 


Nkchoi.ooik.  —  Manuel,  ex-député ,  fié  à  Barcelonnette , 
département  des  Basses- Alpes  ,  mort  à  Maùons-suriSeine  t  près 
Paris,  le  V>  août  1827  (i). — Quoique  la  Revue  Encyclopédique 
n'admette  poiut  dans  son  plan,  el  d'après  sa  direction  pure- 
ment scientifique)  philosophique  et  littéraire,  les  événement 
ni  les  discussions  qui  se  rattachent  aux  affaires  et  aux  passions 
politiques  du  moment  ,  elle  n'a  jamais  renoncé  à  rendre  hom- 
mage aux  personnages  politiques  et  historiques  qui  ont  servi 
et  honoré  leur  patrie  et  l'humanité  par  d'utiles  travaux  ,  par 
des  talons  supérieurs,  et  surtout  par  un  noble  caractère.  Nos 
Tablettes  nécrologiques  Sont  consacrées  à  tous  les  genres  d'illus- 
tration ,  et  nous  célébrons  aussi  ,  dans  les  comptes  ouverts 
respectifs  de  chaque  nation,  les  grands  citoyens,  ou  les 
hommes  éminemment  utiles  qui  appartiennent  à  d'autres  pays 
que  la  France.  Déjà  les  noms  do  beaucoup  de  Français  respec- 
tables ,  de  toutes  les  opinions  et  de  tous  les  partis  ,  ont  succes- 
sivement reçu  le  tribut  de  nos  regrets  et  de  nos  hommages. 
C'est  ainsi  que  les  illustres  savans  Monge  ,  Berthollet,  Vol- 
ney,  Lacépède  ,  La  Place;  leur  collègue  Haut,  dont  le  savoir 
profond  s'unissait  à  une  piété  sincère;  le  père  chéri  des  jeunes 
élèves  sourds-muets,  l'abbé  Sicard  ;  le  vénérable  pasteur 
Oberlin;  nos  grands  peintres  Girodet,  David;  nos  célèbres 
sculpteurs  Dupaty  et  Lemot  ;  notre  grand  acteur  tragique 
Talma  ;  l'éloquent  et  intrépide  général  Fov  ;  le  constant  dé- 
fenseur des  libertés  publiques  Lanjuinais;  son  respectable 
collègue  Boissy  d'Anglas;  le  savant  et  laborieux  géographe 
Malte  Brun  ;  le  vertueux  duc  Mathieu  de  Montmorency;  le 
généreux  philantrope  La  Rochefoucault-Liancourt,  et  beau- 
coup d'autres  amis  distingués  des  sciences  et  de  l'humanité, 
français  et  étrangers,  ont  tour  à  tour  obtenu  ,  dans  ce  Recueil, 
les  hommages  dus  à  leurs  vertus  et  à  leurs  talons. 

La  gloire  de  la  tribune  est  aussi  une  des  conquêtes  de  l'es- 
prit humain  ;  et,  puisque  tous  les  hommes  qui  ont  contribué 
aux  progrès  des  sciences  et  des  lettres  et  à  l'avancement  social 
ont  une  place  marquée  dans  notre  Reçue ,   nous  ne  pouvons 

(1)  Cctarlicle  avait  été  supprimé  ,  dans  notre  cahier  d'août  ,  par  ir 
Bureau  de  Censure. 


268  FRANCE. 

nous  dispenser  de  consacrer  quelques  pages  à  la  mémoire  de 
M.  Manuel,  dont  la  perte,  encore  récente  ,  sera  long-tems  et 
généralement  regrettée,  et  qui  avait  acquis,  ajuste  titre,  la 
réputation  d'orateur  éminemment  éloquent ,  et  d'ami  sincère  de 
son  pays.  Nous  empruntons  l'article  qui  va  suivre  à  l'un  de 
nos  journaux  quotidiens  les  plus  estimés  :  c'est  la  peinture  d'un 
noble  caractère;  ce  sont  des  faits,  et  les  faits  sont  une  pro- 
priété commune. 

«  M.  Manuel  ,  né  à  Barcelonnette  ,  au  milieu  des  Alpes,  fut 
élevé  à  Nîmes ,  et  rentra  dans  sa  famille  au  moment  où.  toute 
l'Europe  en  armes  menaçait  de  nous  envahir.  Il  fit  partie  de 
cette  levée  en  masse  qui ,  par  une  suite  de  prodiges,  conserva 
intact  le  beau  sol  de  notre  France.  Transporté  à  l'armée 
d'Italie  ,  il  fut  au  nombre  de  ces  jeunes  soldats  qui  vécurent 
trois  ans  au  milieu  des  neiges  du  col  de  Tende,  dépourvus  de 
pain  et  de  souliers.  Il  descendit  avec  eux  dans  les  plaines 
d'Italie,  lorsqu'ils  s'élancèrent  à  la  suite  du  jeune  Bonaparte  , 
pour  voler  à  tant  de  victoires.  Il  fut  présent  à  Montenotte  ,  à 
Lonato ,  à  Rivoli,  au  Tagliamento.  Il  ne  quitta  l'armée  que 
lorsque  la  paix  signée  a  Campo-Formio  fit  espérer  pour  la 
France  un  repos  long  et  glorieux.  Ses  devoirs  de  citoyen 
étaient  remplis  ;  la  carrière  des  armes  semblait  momenta- 
nément fermée;  il  se  consacra  au  barreau.  Bientôt,  il  y  obtint 
des  succès  éclatans.  C'est  au  barreau  d'Aix  qu'il  était  venu 
prendre  place.  Son  esprit  juste,  prompt  et  ferme,  son  élocu- 
tion  pure  et  singulièrement  facile,  le  placèrent  au  premier 
rang,  dans  le  souvenir  même  des  hommes  qui  avaient  entendu 
les  Monclar,  les  Portails ,  les  Slmcon.  Il  y  demeura  quinze 
années.  La  promulgation  d'un  code  perfectionné  et  l'éclat  d'une 
immense  gloire  l'attachèrent  au  gouvernement  de  cette  époque; 
mais  son  attachement  fut  libre  ,  car  il  ne  reçut  jamais  d'emploi. 
Nommé,  à  son  insu,  et  contre  son  gré  ,  député  à  la  Chambre 
des  cent  jours,  il  ne  se  présenta  qu'avec  timidité  sur  une  scène 
toute  nouvelle  pour  lui.  Il  comprenait  la  grandeur  de  cette 
scène  ,  et  ne  comprenait  pas  assez  sa  force  personnelle  pour 
n'être  pas  effrayé;  mais,  doué  d'un  rare  privilège,  celui  de 
rester  inébranlable  ,  quand  tout  était  ébranlé  autour  de  lui  , 
sa  parole  demeura  ferme  et  soutenue,  au  milieu  des  orages 
de  i8i5.  Tant  de  clarté  ,  de  simplicité  ,  de  justesse  de  langage  , 
au  milieu  d'un  désordre  général  dans  les  esprits  ,  produisit  un 
effet  dent  on  se  souvient  encore.  Quelques  jours  suffirent  pour 
décider  la  réputation  de  M.  Manuel.  Appelé  plus  tard  à  la 
tribune  par  le  département  de  la  Vendée,  ou  sait  quelles  opi- 
nions il  embrassa,  quelle  fermeté ,  quelle  éloquence  il  déploya 
pour  les  défendre. 

«  Cette  partie  de  sa  vie  est  généralement  connue.  On  sait 


PMUS.  26g 

comment  M.  Manuel  occupa  el  quitta  la  tribune.  Ce  que  je 
voudrais  peindre  dignement  ici,  c'est  une  de  ces  âmes  d'une 
trempe  rare,  que  la  nature  dispense  bien  peu  souvent  aux 
hommes,  et  qu'il  n'était  possible  d'apprécier  que  lorsqu'on 
avait  beaucoup  approché  M.  Manuel,  Ce  n'était  point  la  cha- 
leur et  l'éclat  qu'il  fallait  chercher  en  lui,  niais  la  force  simple, 
égale  el  inaltérable.  Son  esprit  n'avait  pas  cette  vivacité  qui 
rend  les  esprits  inégaux  susceptibles  de  grandir  ou  de  baisser 
avec  les  circonstances;  le  sien  était  juste,  ouvert  et  sûr.  Il 
concevait  bien  ,  et  il  concevait  vile;  il  s'exprimait  avec  élé- 
gance,  avec  vigueur  et  avec  une  imperturbable  assurance.  Aussi 
était  il  le  seul  improvisateur  bien  réel  qui  eût  paru  à  notre 
tribune  depuis  douze  années,  le  seul  qui  n'apprît  pas  de  dis- 
cours d'avance  ,  le  seul  qui  prît  la  discussion  au  point  où  elle 
était  arrivée.  Les  esprits  bouillans  ne  sont  pas  les  plus  propres 
à  l'improvisation;  ils  se  troublent  ou  se  précipitent,  et  n'a- 
gissent pas  avec  cette  régularité  qui  assure  la  suite  des  idées 
et  la  continuité  du  discours.  Barnave  n'avait  pas  l'éloquence 
de  Mirabeau;  il  était  plus  véritablement  improvisateur.  M.  Ma- 
nuel avait  dans  sa  force  d'esprit  le  principe  de  la  véritable  im- 
provisation oratoire.  Cette  force  ne  jette  pas  ordinairement 
beaucoup  d'éclat;  elle  ne  se  montre,  n'apparaît  au  dehors 
d'une  manière  imposante,  que  lorsque,  tout  s'ébranlant  autour 
d'elle  ,  elle  reste  seule  debout.  Un  mot  de  simple  bon  sens  , 
quand  tous  les  esprits  sont  agités  ,  est  un  trait  de  génie.  Quel 
respect  n'a  t-on  pas  pour  la  raison  qui  survit  à  toutes  les 
antres  ?  M.  Manuel  avait  un  autre  avantage  :  c'était  de  pouvoir 
résumer  une  longue  discussion  ,  de  résister  seul  à  la  fatigue 
générale,  pour  recueillir  et  comparer  tout  ce  qui  avait  été  dit, 
pour  débrouiller  celte  confusion  d'idées  où  jettent  toujours 
les  controverses  trop  longues.  C'était  encore  à  sa  force  qu'il 
devait  cet  avantage.  D'après  les  paroles  nettes  et  fortes  qu'il 
employait  quelquefois,  on  lui  a  supposé  un  esprit  absolu  et 
violent  ;  c'était ,  au  contraire ,  un  esprit  modéré  et  sage.  Cet 
éclectisme  qui  signale  notre  époque  dans  toutes  les  sciences, 
était  sa  théorie  de  choix.  Que  de  fois  je  lui  ai  entendu  vanter 
cette  direction  des  esprits  ,  et  soutenir  qu'il  n'y  a  point  de 
vérité  absolue  ;  qu'il  faut  éclairer  toutes  les  opinions  les  unes 
par  les  autres!  Mais  il  n'avait  qu'un  langage,  tandis  que  la 
plupart  des  hommes  en  ont  deux.  Il  n'était  pas,  comme  beau- 
coup d'hommes,  un  modéré  de  tribune  et  un  démagogue  de  salon. 
«  La  tenue,  la  suite  qui  formaient  les  traits  distinctifs  de  son 
esprit,  formaient  aussi  les  traits  distinctifs  de  son  caractère.  Ce 
qu'il  avait  aimé  une  fois,  il  l'aimait  toujours.  Dans  son  Ame,  où 
tous  les  sentimens  demeuraient  inaltérables,  il  avait  conservé 
un  peu  de  cette  chaleur  patriotique  qui  remplissait  les  camps, 


170  FRANCE— PARIS. 

il  v  a  quarante1  années;  il  aimait  la  Franco  par-dessus  tout;  il 
l'aimait  à  la  fois  en  soldat  et  en  citoyen  éclairé.  Quand  l'oubli 
le  plus  ingrat  l'eut  laissé  dans  la  nullité  politique,  il  n'aimait 
bas  moins  la  liberté,  que  lorsqu'il  recevait  des  couronnes  d'or. 
C'est  sans  doute  une  belle  chose  que  la  liberté  pour  l'orateur 
applaudi,  dont  elle  fait  l'éloquence  et  les  triomphes;  mais, 
pour  l'orateur  condamné  au  silence  et  à  l'oubli,  elle  paraît  quel- 
quefois moins  digne  d'amour.  Jamais,  depuis  quatre  années, 
on  n'entendit  M.  Manuel  dire  que  les  partis  sont  ingrats,  que 
la  liberté  est  une  chimère! 

«  La  paresse  n'était  pas  plus  entrée  dans  son  âme  que  le 
découragement.  Condamné  par  ses  médecins  depuis  plusieurs 
années,  et  croyant  à  leur  arrêt,  il  n'avait  pas  cessé  de  s'éclairer 
et  de  s'instruire.  Il  avait  cinquante-deux  ans,  et  il  n'était  pas 
une  idée  nouvelle  qu'il  n'accueillît,  qu'il  ne  consentît  à  exa- 
miner. Sans  être  mobile,  son  esprit,  parce  qu'il  était  juste,  était 
perfectible.  Quand  ses  douleurs  lui  rendaient  l'usage  de  ses 
facultés,  son  tems  était  partagé  entre  les  exercices  du  corps, 
qu'il  avait  toujours  aimés,  et  l'étude.  Il  lisait  beaucoup,  et  on 
l'aurait  vu  à  la  tribune  avec  une  toute  autre  étendue  d'esprit.  Le 
travail  qu'il  faisait  sur  son  intelligence,  il  le  faisait  aussi  sur  son 
caractère.  Naturellement  impérieux,  parce  qu'il  était  fort,  il  se 
contenait  sans  cesse,  et  avait  dans  le  commerce  habituel  une 
douceur  charmante.  Vouloir  être  meilleur,  presque  sans  but 
d'ambition,  seulement  pour  mourir  meilleur,  est  le  signe  d'une 
rare  et  belle  nature.  Quand  on  l'a  vu  calme,  studieux,  et  tra- 
vaillant sans  cesse  son  esprit  et  son  caractère,  au  milieu  des 
plus  grands  doutes  sur  sa  vie,  il  est  impossible  de  n'être  pas 
rempli  pour  lui  d'estime  et  de  respect. 

'<  La  maladie  qui  effrayait  ses  amis  et  ses, médecins  l'a  saisi 
tout  à  coup;  les  soins  de  l'art  ont  été  inutiles.  La  forte  organisa- 
tion du  malade  n'a  été  qu'une  cause  d'épouvantables  douleurs. 
Quand  la  destruction  était  partout,  la  vie  résistait  encore,  et 
ne  s'est  échappée  qu'après  deux  jours  de  tourmens  cruels. 
L'intelligence  est  restée  ferme  jusqu'au  dernier  instant,  et  a 
survécu  à  toutes  les  facultés.  M.  Manuel  était  entouré  de  son 
frère,  de  MM.  Laffitte,  Béranger,  et  d'autres  amis  qui  lui 
étaient  profondément  attachés.  Ils  se  sont  séparés  de  lui,  pleins 
de  respect  et  de  douleur.  Le  souvenir  d'une  âme  si  forte  et 
si  belle  ne  s'effacera  point  en  eux.  La  mort,  depuis  quelque 
tems,  a  frappé  sur  les  têtes  les  plus  élevées  ;  elle  a  atteint  des 
esprits  brillans,  des  cœurs  généreux,  des  citoyens  regrettables 
à  tous  les  titres;  mais  elle  vient  d'enlever  dans  Manuel  ce 
qu'il  y  a  de  plus  rare  au  monde,  un  caractère!  » 


TABLE  DES  ARTICLES 

<  OHTEHUS 

DANS  LE  CENT  SIXIÈME  CAHIER. 

OCTOBRE  1827. 


I.  MÉMOIRES,  NOTICES  ET  MÉLANGES. 

i.  Exposition  jnibliqtie  dei  produits  «  Us  manufacture!  fran- 
çaises, en    1827 Ferry.   P.  6 

2.    Dea  Saga'i ,  ou  de  L'ancienne  littérature  du  Nord.  .  .  X.  22 

3     Notice  sur  Ugo   Foscolo Fr.  Salf.  3o 

II.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 

4.  Essai  sur  la  construction  des  routes  et  des  voitures,  traduit 

de  l'anglais  de  R.-L.  Edgeworth J.-J.  Bande.  3o' 

5.  Manuel  du  juré,  par  Victor  Guichard  et  J.-J.  Dubochet  , 
avOCatS »    Charles  Comte.  4-5 

(î.    Histoire   de  Bretagne,   par  M.  Daru Depping.  58 

7.  Histoire  du  soulèvement  des  Pays-Bas  sous  Philippe  II , 
traduite  de  l'allemand,  de  F.  Schiller,  par  M.  de  Château- 
giron.                                                                            Crussolle-Lami.  6g, 

8.  i°  Voyage  de  la  Grèce,  par  F.-C.-H.-L.  Pouqueville  ; 
20  Histoire  de  la  régénération   de  la  Grèce ,   par  le  même. 

Auguste  F abre.  n\ 

9.  Bibliothèque  des  classiques  latins,  avec  la  traduction; 
publiée  par   M.   Jules  Pierrot.    .   .  J.-J.  Champollion  Figeac.  92 

10.    Espagne  poétique.  Choix  de  poésies  castillanes  ,  mises  en 

vers  français  ,  par  Don  J.-M.   Maury Muriel.  98 

III.  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

Annonces  de  108  ouvrages  ,  français  et  étrangers . 

Amérique  septentrionale. —  Etats-Unis,  3 106' 

Amérique-méridionale. —  Colombie,  1 109 

Asie. —  Calcutta,    11 rio 

Europe. —  Grande-Bretagne,  7 iri 

—  -  Russie,    2 12 3 

—  Danemark  ,  1  ouvrage  périodique 126 

—  Allemagne ,   8 128 

—  Suisse,  3 i33 

—  Italie,  7,  dont  1  ouvrage   périodique 139 

—  Portugal  ,2 148 

—  Pays-Bas,    6,  dont  r  ouvrage   périodique i5i 

Frakce,    57,  savoir   :   Sciences  physiques  et  naturelles ,  23.    .    .    .  i58 

—  Sciences  religieuses ,   rncrales  ,  politiques  et  historiques  ,    10.    .    .  176 

—  Littérature,    i5 „ 187 

—  Beaux- Arts  ,4 200 

—  Mémoires  et  Rapports  de  sociétés  savantes  ,   1 204 

—  Ouvrages  périodiques ,   1 206 

—  Livres  en  langues  étrangères ,  imprimés  en  France ,  3 207 


1-L  TABLB  DES  ARTICLES. 

IV.    NOUVELLES  SCIENTIFIQUES  ET  LITTÉRAIRES. 

Amérique  septentrionale.  —  Etats-Unis.  Boston  :  Géographie 
physique  et  zoologie  ;  Influence  de  l'air  et  du  sol  sur  la  taille 

des  animaux.  —  Washington  :  Instruction  des  enfans 210 

Antilles. —  Phénomènes  météorologiques 2ti 

Australasie.  —  Nouvelle  Sud-Galles  et  Terre  de  Van-Dicmcn  ;  Si- 
tuation de  ces  colonies  ;  Etat  de  là  presse  périodique. — Colonie 
anglaise  de  Vile  Melville 111 

EUROPE. 

Iles  Britanniques. — Statistique  judiciaire  et  morale:  Nombre 
de  personnes  emprisonnées,  condamnées  ou  acquittées  dans 
l'Angleterre  el  le  pays  de  Galles,  pendant  les  sept  dernières 
années.  —  Nécrologie  :  Sir  Thomas-Stamford  Raffles 214 

Russie.  —  Instruction  publique  :  Universités. —  Réclamation  : 
Littérature  russe 216 

Pologne.  —  Extrait  d'une  lettre  de  JVilna  :  Etat  de  la  littéra- 
ture historique  en  Pologne 219 

Danemark.  —  Copenhague  :  Instruction  élémentaire 226 

Allemagne. —  Berlin.  Académie  des  sciences  :  Question  propo- 
sée par  la  classe  de  physique;  nominations.  Enseignement  de 
la  géographie.  —  Wèimar  :  Hommage  rendu  par  la  puissance 
au  génie ibid. 

Suisse.  — Zoug  :  Population.  —  Canton  de  Berne:  Edu cation 
des  sourds-muets 229 

Italie.  —  Analyse  d'une  plante  médicinale.  —  Littérature  ita- 
lienne :  Observations  générales;  Défauts  reprochés  à  plu- 
si  urs  auteurs  italiens 23 1 

Grèce.  —  Situation  morale  du  pays  ;  Premiers  besoins  de  la 
nation  grecque;  Vœux  et  espérances  de  ses  amis 233 

Pays-Bas. — Bruxelles  :  Développement  de  la  prospérité  agricole, 
industrielle,  commerciale,  et  des  institutions  relatives  à 
l'instruction  publique  ;  état  moral  et  social  du  pays.  —  Ensei- 
gnement primaire;  Poids  et  mesurés.  —  Médailles  historiques.   236 

France.  —  Mu/at  (Cantal):  Etablissement  agricole  de  M.  de 
Pradt  —  Sociétés  sav  ntes  :  Aix  (Bouches  du  Rhône)  :  Société 
académique  :  Prix  proposés.  Dijon  (Côte-d'Or)  :  Société  de 
lecture *.  .  .  240 

Pakis.  —  Institut.  Académie  des  Sciences  :  Séances  du  24  sep- 
tembre au  i5  octobre.  Académie  des  Beaux-Arts  :  Séance  pu- 
blique du  6  octobre.  —  Société  royale  des  antiquaires.  — 
Nouvelle  méthode  pour  guérir  le  bégaiement.  —  Enseigne- 
ment industriel.  —  Statistique  industrielle  et  commerciale  de 
la  France.  —  Banquet  mensuel  de  la  Société  de  la  Revue  En- 
cyclopédie ,  et  notice  sur  les  Usages.  —  Exhumation  des  restes 
de  Talma.  —  Théâtres.  Théâtre-Français  :  ire  représentation 
de  l'Ami  de  tout  le  monde,  comédie.  Théâtre  de  l'Odéon:  i,e  re- 
présentation de  la  Cassette,  comédie.  Théâtre  anglais.  2e  repré- 
sentation de  JaneShore,  tragédie,  et  ire représent.  d'Anglais 
et  Français  ,  comédie.  —  Beaux-Arts.  Néorama  et  Diorama  : 
Vue  intérieure  de  Saint  Pierre  de  Rome. — Nécrologie  .'Manuel.  241 


REVUE 

ENCYCLOPÉDIQUE, 

ou 
ANALYSES  ET  ANNONCES  RÀ1SONNÉES 

I>KS    PRODUCTIONS    LES    PLUS    HKMARQUABLES 

DANS  LA   LITTÉRATURE,  LES   SCIENCES  ET   LES   ARTS. 


I.  MEMOIRES,  NOTICES, 

LETTRES  ET  MÉLANGES. 


NOTICE 

SUR  LE  CHLORE  ET  LES  CHLORURES, 

ET    SUR    LEURS  DIVERS    EMPLOIS. 

Il  est  peu  de  substances  chimiques  susceptibles  d'autant 
d'applications  utiles  que  le  chlore  et  ses  composés.  Depuis 
long-tems,  les  chimistes  avaient  déterminé  quelques-unes  de 
ces  applications,  et  les  arts  faisaient  un  grand  usage  de  l'acide 
hydrochlorique,  soit  parce  qu'il  donnait  naissance  au  chlore, 
soit  par  son  emploi  dans  la  teinture,  pour  aviver  les  couleurs 
et  pour  enlever  sur  des  fonds  colorés  des  portions  formant 
diverses  figures ,  soit  encore  pour  opérer  le  blanchissage  des 
tissus  de  coton,  de  lin  et  de  chanvre,  pour  nettoyer  les  vieilles 
gravures,  pour  décaper  la  tôle  et  la  réduire  en  fer-blanc,  etc.  ■ 
mais,  la  plus  importante  de  toutes  ces  applications  est  sans 
t.  xxxvi.  —  Novembre  1827.  18 


274  NOTICE 

contredit,  l'emploi  îles  chlorures  à  la  désinfection  des  hôpi- 
taux, des  amphithéâtres  d'anatomie,  de  tous  les  lieux  où  la 
production  des  miasmes  putrides,  le  développement  des  gaz 
délétères,  la  décomposition  des  cadavres  ,  mettent  en  danger  la 
vie  des  ouvriers,  ou  des  hommes  qui  se  livrent  à  la  pli's 
noble,  mais  quelquefois  la  plus  dangereuse  des  fonctions, 
celle  de  soulager  la  triste  humanité  des  maux  dont  elle  est  la 
proie,  et  d'apporter  la  santé  dans  l'empire  même  de  la  mort. 

Avant  de  faire  apprécier  avec  quelques  détails  l'important 
service  rendu  à  la  société  par  les  savans  célèbres  qui  ont  dé- 
couvert les  propriétés  des  chlorures ,  et  qui  en  ont  fait  un 
usage  si  avantageux,  nous  croyons  devoir  donner  une  courte 
notice  sur  l'histoire  du  chlore  et  des  travaux  qui  ont  concouru 
à  eu  développer  toute  l'utilité.  Nous  espérons  que  l'on  ne 
s'effrayera  pas  des  termes  de  chimie  nécessaires  pour  l'intel- 
ligence des  faits.  Cette  science  est  aujourd'hui  populaire;  et  il 
est  peu  de  personnes  qui  n'en  aient  reçu  quelques  notions, 
et  qui  n'en  connaissent  les  expressions  les  plus  usuelles. 

Le  chlore  est  un  corps  gazeux,  simple,  combustible,  élas- 
tique, de  couleur  jaunâtre  ,  une  fois  et  demi  plus  pesant  que 
l'air;  il  détruit  les  couleurs  végétales  et  blanchit  les  corps 
colorés;  il  asphyxie  avec  rapidité  les  animaux  exposés  à  son 
action  et  absorbe  l'eau  instantanément.  L'eau,  chargée  de  ce 
gaz  ,  acquiert  sa  saveur,  son  odeur  et  sa  propriété  décolorante. 
Le  chlore  s'unit  en  diverses  proportions  avec  l'oxigène,  l'hy- 
drogène et  d'autres  corps. 

Le  chimiste  Scheele  fit  connaître,  en  1774»  trois  corps 
nouveaux,  le  manganèse }  la  baryte  et  le  chlore ,  que  l'école 
théorique  de  Stahl  appela  du  nom  d'acide  marin  déphlogis- 
tiqué.  Scheele  annonça  le  premier  l'action  du  chlore  sur  les 
matières  colorantes.  Cette  découverte  attira  l'attention  des 
chimistes  qui  essayèrent  d'en  faire  l'application  aux  arts  in- 
dustriels. Bientôt  on  se  servit  avec  succès  du  chlore  et  des 
chlorures  pour  le  blanchiment  de  la  cire,  de  l'amidon,  des 
pâtes  de  papier,  et  pour  la  restauration  des  gravures  et  des 
manuscrits  jaunis  parle  tems,  ou  souillés  d'encre.  L'illuslre 


SUR  LE  CHLORE  ET  LES  CHLORURES. 
BfcHTHOLLKT  étudia  son  action  sur  les  toiles  écruea  en  chanvre, 

lin  el  coton;  le  blanchiment  de  ces  substances  par  le  chlore 
devint  une  des  industries  favorites  de  ce  savant,  et  il  prévit 
toutes  les  conséquences  de  cette  importante  invention.  Il  par- 
vint à  conquérir  an  profit  do  l'agriculture  les  vastes  prairies 
consacrées,  dans  les  pays  les  plus  fertiles ,  à  l'étendage  d<  s 
toiles,  pendant  la  belle  saison;  et  il  prouva  qu'en  employant 
le  chlore  avec  réserve  dans  l'opération  du  blanchiment  des 
toiles,  on  leur  conserve  plus  de  solidité  que  par  les  moyens 
longs  et  dispendieux  autrefois  en  usage. 

C'est  encore  à  Berthollet  (pie  l'on  doit  les  premiers  chlo- 
rures d'oxides  et  leur  emploi  dans  les  arts.  Il  conseilla  aux 
entrepreneurs  d'une  manufacture  de  produits  chimiques  de 
recevoir  des  vapeurs  de  chlore  dans  une  eau  chargée  d'alcali, 
et  c'est  là  l'origine  de  l'eau  de  javelle ,  si  célèbre  depuis  parmi 
les  blanchisseurs. 

Mais  déjà  le  nom  d'acide  marin  déphlogistiqué avait  été  rem- 
placé par  celui  d acide  muriatique  oxigéné.  Quelque  tems  après , 
MM.  Gay-Lussac,  TnÉNARD  et  Davy  démontrèrent  que  le 
chlore  peut  être  considéré  comme  corps  simple.  Ce  nom  de 
chlore  fut  imposé  à  cette  substance  par  M.  Ampère;  et  bientôt 
on  démontra  que  l'emploi  des  chlorures  est  suivi  de  succès, 
lorsque  l'on  veut  dénaturer  des  principes  immédiats  dans  la 
composition  desquels  l'oxigène  entre  comme  élément. 

Ce  furent  les  Anglais  qui  les  premiers  exécutèrent  en  grand 
les  préparations  de  chlorures  de  chaux  secs,  qu'ils  livrèrent  au 
commerce  vers  1800,  sous  le  nom  de  poudre  de  Tennant.  La 
propriété  de  cette  poudre  était  de  contenir,  sous  un  petit 
volume,  une  quantité  considérable  de  chlore  capable  de  se 
conserver  long-tems  dans  des  vases  clos.  On  fait  un  emploi 
immense  de  ce  composé  dans  les  trois  royaumes  de  la  Grande- 
Bretagne,  et  l'on  commence  à  s'en  servir  en  France,  quoiqu'il 
n'y  en  ait  pas  encore  de  fabrique  spéciale.  Un  instrument  des- 
tiné à  reconnaître  les  titres  des  chlorures  versés  dans  le 
commerce,  a  été  inventé  par  M.  Df.scroisilles,  et  perfectionné 
par  M.  Gay-Lussac;  on  le  nomme  thloromèlrc. 

iS. 


a76  NOTICE 

Mais  tandis  que  plusieurs  sa vans  essayaient  de  faire  des  ap- 
plications du  chlore  à  l'art  utile  de  la  teinture,  d'autres  se 
promettaient  un  résultat  encore  phu  noble  de  leurs  travaux. 
Dès  17^3,  c'est-à-dire  un  an  après  la  découverte  de  Seheeîe, 
Guyton  de  Mcrveaux  avait  obtenu  un  grand  succès  à  Dijon , 
en  essayant,  au  moyen  de  fumigations  d'acide  hydrochlorique  , 
la  désinfection  d'une  église  empestée  par  des  exhalaisons  cada- 
vériques, et  celle  d'une  prison  où  le  typhus  commençait  à  faire 
des  progrès.  Quelques  années  après,  on  employa  les  mêmes 
procédés  pour  opérer,  sans  danger,  l'évacuation  des  masses 
putrides  qui,  depuis  plusieurs  siècles,  s'étaient  accumulées  au 
charnier  des  Innocens  ;  et,  en  1792,  Fourcroy  s'en  servit  pour 
désinfecter  les  salles  de  dissection  et  celles  des  hôpitaux.  Guyton 
de  Morveaux  ,  après  quelques  expériences  nouvelles,  composa 
un  petit  appareil  désinfecteur  dont  l'usage  se  multiplia  ;  el 
vers  1809,  M.  Masuyer  fit  pour  la  première  fois  l'emploi  du 
chlorure  de  chaux  liquide,  afin  d'assainir  l'hôpital  militaire  de 
Strasbourg. 

On  n'était  pas  allé  plus  loin,  lorsque  la  Société  d'encourage- 
ment pour  l'industrie  nationale,  stimulée  par  les  invitations  du 
préfet  de  la  Seine,  proposa,  en  1820,  un  prix  pour  l'auteur 
d'un  moyen  chimique  ou  mécanique  propre  à  fabriquer  des 
intestins  soufflés,  sans  leur  faire  subir  la  fermentation  putride 
qui  rendait  si  insalubres  les  ateliers  de  boyauderie.  Ce  fut 
M.  Labarraque,  pharmacien  à  Paris,  qui  résolut  le  problème 
et  qui  remporta  ie  prix.  Il  proposa  l'emploi  des  chlorures  de 
chaux;  et  depuis  cette  époque,  ce  savant  philantrope  n'a  cessé 
de  perfectionner  ses  premiers  aperçus  et  de  consacrer  tous 
ses  efforts  à  propager  l'usage  des  chlorures  et  à  leur  trouver 
de  nouvelles  applications.  Éclairé  par  son  travail  sur  l'art  du 
bovaudicr,  et  guidé  par  un  esprit  d'observation  juste  et  péné- 
trant il  en  a  indiqué  l'emploi  dans  les  exhumations  el  dans 
tous  les  cas  où  des  émanations  putrides  peuvent  vicier  l'air 
atmosphérique.  Il  a  rendu  un  service  inappréciable  à  l'huma- 
nité et  à  l'industrie,  non-seulement  en  appliquant  les  fumiga- 
tions  du  chlore  à  des  opérations  qu'elles  rendent  faciles  et 


SUR  LE  CHLORE  ET  LES  CHLOR1  &ES.        277 
exemptes  de  tout  danger,  mais  «-m  ramenant  l'attention  des 

sas. 111s  ci   <l<-   ta  société  tont  entière  sur  les  avantages  d'un 
agent  dont  l'emploi  peut  avoir  une  immense  influence  sur  la 
vie  et  la  saute  des  hommes.  Depuis  les  travaux  de  &f.  Labar 
raque i  M.  Wallacx  a  recommandé  le  chlore  gazeux,  mêlé  d<" 

Vapeurs    aqueuses,     comme    médicament     externe    contre    les 

affections  chroniques  des  viscères  abdominaux,  et  surtout  contre 

celles  du  foie.  M.  Roche  a  annoncé  à  la  Société  de  médecine 
qu'en  moins  de  trois  mois,  il  avait  guéri,  au  moyen  du  chlo- 
rure de  soude  ,  une  teigne  qui  depuis  onze  années  avait 
résisté  à  tous  les  traitemens.  M.  ZeisB  a  proposé  l'emploi  des 
chlorures  pour  la  désinfection  des  eaux-de-vie  de  grains  et  de 
pommes  de  terre.  MM.  Culleiuer  et  Gorse  se  sont  servis  avec 
succès  du  chlorure  de  soude  pour  ta  gttérison  des  ulcères  syphi- 
litiques qui  répandent  une  odeur  infecte,  et  généralement 
contre  les  plaies  et  les  ulcères  affectés  de  pourriture,  et  dont 
le  caractère  est  gangreneux.  M.  Labarraque  et  plusieurs  per- 
sonnes ont  démontré  l'efficacité  du  chlore  contre  l'asphixie 
des  fosses  d'aisances;  la  Société  d'agriculture  de  la  Charente  a 
recommandé  les  fumigations  de  chlorure  comme  très-salutaires 
dans  les  é tables  et  dans  les  cas  d'épizootie;  et  des  médecins 
instruits  ont  annoncé  qu'ils  étaient  sur  la  voie  d'une  découverte 
du  plus  haut  intérêt  pour  l'humanité,  par  l'emploi  du  chlore 
dans  les  maladies  de  poitrine.  Puisse  leur  espoir  n'être  pas 
trompé  ! 

Cet  aperçu  rapide  sur  les  avantages  et  les  propriétés  du 
chlore  et  des  chlorures,  est  loin  sans  doute  de  les  faire  con- 
naître, de  les  faire  apprécier  dans  tous  leurs  détails;  mais  il 
suffit  pour  montrer  combien  leur  emploi  peut  être  varié,  et. 
il  laisse  pressentir  les  nombreuses  applications  que  l'on  peut 
encore  en  faire  à  l'industrie,  à  l'économie  domestique  et  à  la 
salubrité  publique  (1).  D.  N. 


(i)Voy.  Rev.  Eue,  t.  xwr,  juillet-septembre  1826,  page  73-2, 
l'annonce  de  l'utile  écrit  publié  par  M.  T,  \  1;  vu  u  \ou  r.  ,  sur  l'emploi 
des  chlorures  d'oxide de  sodium  cl  de  chaux,         Nous   reviendrons  sur 


,t8 


VOYAGE  DE  NAPLES 


Voyage  i*e  Naples  a  Amalfi  ,  par  Castellamare  et 
Pompeïa;  extrait  d'un  Voyage  inédit  en  Italie,  pen- 
dant les  années  1824-1827  ;  par  E.  G.  d'A.  (i). 


Adieu  classîc  land,  adieu  sunny  skies, 

'T  is  with  sorrow  I  feel  wé're  destinrd  to  part; 

FareweU  cherisbed  fripnds  tlial  so  dearly  1  prize 

And  whose  memory  shall  ne'er  be  effacerl  from  my  heart. 

IIow  oft  sball  rcineiiibrance  recall  to  my  mind 
The  friends  and  the  scènes  tbat  I  am  forced  to  resign  , 
Where  tbe  bearts  like  tbe  clime  aie  congenial  and  kind 
And  oh  nature  thy  aspect  is  ever  benign. 


Vers  inédits  de  lady  Margt  B. 


Adieu,  terre  classique,  adieu  ,  ciel  sans  nuages, 
Adieu  vous  mes  amis  dont  le  doux  souvenir 
Vient  s'unir  dans  mon  cœur  à  ceux  de  ces  rivages. 
Le  destin  me  l'ordonne;  bêlas!  il  faut  partir. 

Doux  climats,  doux  amis  que  j'aime  et  que  j'admire, 
Quels  tableaux  enchanteurs  vous  formiez  réunis! 
L'un  et  l'autre  à  l'envi  sembliez  me  sourire. 
Adieu,  tableau  charmant;  il  le  faut,  je  vous  fuis. 


E.  G.  c'A. 


i/i  juillet  i8a5.  —  G'està  la  ville  d'Amaltî  que  le  monde  est 
redevable  des  deux  découvertes  qui,  avec  l'invention  de  l'im- 
primerie, ont  le  plus  puissamment  contribué  à  tirer  l'Europe 


cette  découverte  si  précieuse  à  l'humanité,  lorsque  nous  rendrons 
compte  d'un  ouvrage  que  prépare  M.  Labarraque  sur  les  causes  et  les 
phénomènes  de  la  putréfaction  des  matières  animales,  et  sur  les  moyens 
d'arrêter,  dans  diverses  circonstances  ,  ce  mouvement  désorganisaient'. 

(i)  La  ville  d' Amalfi  ,  devenue  si  célèbre  par  son  commerce  et 
ses  institutions  durant  le  moyen  âge,  a  bien  mérité  de  la  civilisation 
par  deux  découvertes  importantes  :  celles  des  Pandecles  et  de  la  Bous- 
sole. Comme  elle  ne  se  trouve  sur  aucune  des  routes  fréquentées  de 
l'Italie,  elle  est  rarement  visitée  par  les  voyageurs.  Nous  avons  pensé 
que  les  lecteurs  de  la  Bévue  Encyclopédique  trouveraient  ici  avec  plai- 
sir la  relation  abrégée  d'un  voyage  entrepris  dans  un  but  scientifique 
par  un  de  nos  collaborateurs  qui  a  visité  dernièrement  une  grande 
partie  de  l'Italie.  £  •  «&«  R> 


\    LMAL1  I  179 

de  la  barbarie  où  elle  était  plongée  (i).  Tout  voyageur  lui  de- 
vrait  done  un  religieux  pèlerinage;  cl  cependant  nn  petit 
nombre,  parmi  ceux  qui  parcourent  l'Italie ,  se  décident  à  [a 
visiter.  La  cause  en  < ï < > i i  être  attribuée,  sans  doute,  à  l'impossi- 
bilité OÙ  l'on  se  trouve  d'aborder  celle  ville,  soit  à  cheval, 
soit  en  voiture;  niais  comme  on  m'avait  fait  espérer  (pie  je 
pourrais  v  découvrir  les  vestiges  d'une  loi  maritime  très-im- 
portante, citée  par  un  grand  nombre  d'écrivains,  et  dont  on 
a  perdu  les  dispositions  (2),  je  pris  le  parti  d'éclaireir  les  ver- 
sions contradictoires  émises  par  les  auteurs  à  ce  sujet,  et  d'aller 
à  la  source  même  pour  rechercher  les  traces  de  cette  loi  si 
vantée.  Je  m'embarquai  donc  dans  le  port  de  Naples  à  deux 
heures  après  midi,  avec  un  de  mes  amis,  M.  B...,  et  fis  voile 
pour  Castellamare  sur  une  de  ces  lancellcs  (sorte  de  péniches)^ 
montées  par  de  vigoureux  mariniers,  qui  servent  à  la  commu- 
nication entre  les  deux  villes. 

Une  brise  légère  enfle  notre  voile  latine;  et,  quoique  tout 
promette   une  heureuse  traversée  ,   nos  mariniers  comptent 


(i)Ungrand  nombre  d'historiens  attribuent  à  un  Amalfitain,  nommé 
Gaetano  Gioja  ,  l'invention  de  la  boussole  ,  et  cette  circonstance  a 
fourni  à  Balui  ,  poëte  italien  du  x\ic  siècle ,  le  sujet  du  charmant 
épisode  qui  termine  son  poëme  de  la  Nautica  ;  Venise,  1590  ,  in-4°. 
On  sait  que  nous  devons  à  la  ville  d'Amalfi  le  premier  manuscrit  des 
Vandccles  qui  ait  été  retrouvé. 

(2)  Freccia ,  Giannone  ,  Azutiî,  et  plusieurs  autres  écrivains,  assurent 
que  durant  le  moyen  âge  la  république  d'Amalfi  était  régie ,  sous  les 
rapports  maritimes,  par  une  loi  d'une  haute  sagesse,  et  qui,  sem- 
blable à  la  loirhodienne,  avait  été  successivement  adoptée  par  divers 
peuples  de  l'Italie,  où  elle  était  connue  sous  le  nom  de  Table  amalfuaine. 
Malheureusement ,  aucun  de  ces  auteurs  ne  donne  le  texte  de  celte  loi, 
et  quelques  historiens  du  royaume  de  Naples  assurent  qu'elle  n'a  jamais 
été  publiée.  (Dizzionario  geografeo  raggionato  ;  Naples,  1797.  In-8 ', 
page  16 r.)  Quelques  Napolitains  avaient  annoncé  à  M.  le  professeur 
Pardessus  que  les  manuscrits  de  cette  loi  se  trouvaient  dans  les  mains 

P     d'une  famille  Pança  ,  demeurant  à  Amalfi.  Ce  fut  dans  le  but  de  véri- 
lier  ce  fait  que  j  entrepris  mon  voyage. 


i8o  A  OVAGE  DE  NAPLES 

asseï  sur  notre  libéralité  pour  nous  présenter  la  cassette  toute 
rouverte  des  flammes  de  l'enfer,  destinée  à  recevoir  les  dons 
des  âmes  pieuses.  Le  produit  des  aumônes  doit  être  consacré 
par  eux  à  des  prières  per  le  anime  ciel  purgatorio ,  et  jamais 
personne  ne  refuse  une  rétribution  de  quelques  grains  pour 
cette  destination. 

Bientôt  disparaissent  derrière  nous  les  collines  verdoyantes 
du  Pausilippe,  les  tours  grisâtres  du  château  neuf,  le  môle  et 
son  phare  élégant ,  objet  d'un  culte  d'amour  pour  les  Napoli- 
tains, et  ces  maisons  de  couleurs  variées  qui  donnent  à  la  ville 
un  aspect  si  pittoresque.  Mais,  en  revanche,  nous  découvrons 
Portici,  ses  palais,  ses  brillans  rivages  couronnés  par  le  cra- 
tère fumant  du  Vésuve  ,  et  qui  couvrent  depuis  dix-huit  siècles 
les  monumens  et  les  ruines  d'Herculanum  (i).  Torre  delV  An- 
nunciata  et  Torre  ciel  Greco,  si  souvent  sillonnées  par  les  laves 
brûlantes  du  volcan,  et,  comme  le  phénix,  renaissant  toujours 
de  leurs  cendres  (2) ,  surgissent  à  nos  regards.  La  brise  fraî- 
chit, et  nous  franchissons  rapidement,  non  sans  quelque  senti- 
ment d'orgueil,  ces  parages  illustrés  par  la  victoire  que  les 
flottes  françaises  remportèrent  sur  les  Espagnols,  lorsqu'elles 
vinrent  soutenir  la  trop  chevaleresque  expédition  du  duc  de 
Guise. 

J'étais  plongé  dans  les  réflexions  que  faisait  naître  en  moi  le 
souvenir  de  cette  entreprise  si  téméraire ,  si  extraordinaire  , 
j'ai  presque  dit  si  française;  je  me  représentais  ce  prince  intré- 
pide sur  sa  frêle  nacelle  ,  forçant,  l'épée  à  la  main,  les  matelots 
épouvantés  de  braver  les  feux  de  la  flotte  assiégeante  et  des 

(1)  On  regrette  que  les  fouilles  d'Herculanum  aient  été  discontinuées, 
non-seulement  dans  l'intérêt  des  arts  ,  mais  encore  dans  celui  des  let- 
tres ,  puisque  c'est  dans  cette  ville  seule  que  l'on  peut  trouver  les  ma- 
nuscrits grecs  et  latins  que  l'on  parvient  à  déchiffrer;  ceux  qui  sont 
extraits  de  Pompéïa  tombent  en  poussière.  Mais  il  faudrait  abattre 
Résine  et  Portici  pour  fouiller  entièrement  Herculanum  ,  et  cette  me- 
sure entraînerait  des  frais  considérables. 

(2)  Les  maisons  sont  construites  avec  la  lave  qui  souvent  a  couvert 
le  village. 


A    AMALI  I.  iS] 

forts  ennemis,  et  débarquant  ,  nu  milieu  de  mille  coups  de 
fanon,  dans  les  bras  d'une  population  ivre  d'etonnement  et  de 
joie    i  );  lorsque  la  cdiitilcuc  du  jeune  mousse,   répétée  à  voix 

(i)  Voici  comment  le  prince  raconte  lui  -  m/:me  ce  fait  dans  ses 
mémoire!  (édit.  de  1081,  page  o5)  :  »  A  la  pointe  du  jour,  nous 
nous  trouvâmes  proche  de  l'île  d'Ischia  ,  où  mes  mariniers  me  vou- 
lurent persuader  de  chercher  an  abri  pour  laisser  passer  le  jour 
et  entrer  plus  facilement  dans  Naples  la  nuit.  Mais  je  résistai  à  ce 
sentiment,  appréhendant  qu'étant  découvert...  je  ne  tombasse,  sans 
combat,  entre  les  mains  de  l'ennemi.  La  peur  les  faisant  opiniâtrer 
en  leur  sentiment ,  je  fus-  contraint  de  mettre  l'épée  à  la  main  et 
les  faire  voguer...  Nous  découvrîmes  la  ville  de  Naples  et  l'armée 
(navale)  d'Espagne  qui  était  devant...  Je  commandai  à  l'heure  môme 
d'aller  droit  à  la  Capitanc,  qui  portait  l'étendard  ,  pour  faire  que  l'on 
m'attendît,  et  avoir  le  tems  de  m'éloigner  avant  que  les  vaisseaux  eus- 
sent mis  leurs  chaloupes  à  lamer.  Comme  je  fus  à  deux  portées  de  canon 
de  la  Capilanc ,  au  lieu  de  m'en  aller  droit  à  la  ville ,  je  pris  ma  route 
au-dessous  vers  la  Torre  de.l  Greco ,  afin  que  les  felouques  de  Chiaja  et 
de  Sainte-Lucie  ne  me  pussent  couper  chemin;  et  pour  donner  avis 
à  la  ville  de  mon  arrivée  ,  j'ordonnai  à  mes  mariniers  ,  en  passant  au 
travers  de  l'armée  d'Espagne,  de  crier  qu'ils  me  portaient;  et  me 
levant  debout  sur  la  poupe,  je  commençai  à  faire  signe  du  chapeau 
pour  obliger  de  l'infanterie  à  sortir,  et  venir  me  recevoir  à  mon  dé- 
barquement. Je  fus  aussitôt  suivi  de  tout  ce  que  les  ennemis  purent 
mettre  à  la  mer  de  bâtimens  à  rames  et  salué  de  toute  l'artillerie  des 
châteaux,  du  môle,  des  vaisseaux  et  des  galères.  J'abordai  terre  ,  une 
lieue  au-dessous  de  la  ville,  et  donnant  ordre  aux  mousquetaires  qui 
m'étaient  venus  recevoir  de  faire  un  feu  continuel  sur  les  bâtimens  des 
ennemis  qui  me  pressaient  trop,  je  côtoyai  Résine  et  Portici,  et  ne 
voulus  point  débarquer  que  je  ne  fusse  arrivé,  à  la  faveur  de  cette  es- 
carmouche et  au  bruit  de  toutes  les  canonnades  des  ennemis  ,  à  la  place 
de  la  Cavalerie,  faubourg  Lorette ,  où,  sautant  à  terre,  le  vendredi 
i5e  (novembre  1645),  sur  les  onze  heures,  je  fus  reçu  avec  un 
applaudissement  incroyable  d'un  nombre  infini  de  peuple  qui,  me 
portant  en  l'air  quelque  espace  de  tems  ,  me  mirent  sur  un  beau  cour- 
sier qui  m'avait  été  préparé,  sur  lequel  je  fis  mon  entrée  dans  la  ville, 
et  allai  descendre  à  l'église  de  Notre-Dame-des-Carmes  pour  la  remer- 
cier du  bon  succès  de  mon  passage.  »  {Voyez  l'excellente  Histoire  du 
duc  de  Cuise,  publiée  en  1826.) 


&8i  VOYAGE  DE  NÀPLES 

basse  par  l'équipage,  nous  avertit  que  nous  avions  dépassé  la 
petite  enlise  de  la  Madone di  Porto- Salvo,  placée  sur  une  émi- 
DjBDce  voisine,  et  que  nous  étions  hors  de  tout  danger.  Au  bout 
de  quelques  minutes,  nous  abordâmes  sur  la  plage  de  Castel- 
lamare  ,  après  trois  heures  de  traversée. 

On  croirait,  au  premier  coup  d'œil,  que  cette  ville  vient 
d'être  envahie  par  des  escadrons  d'ânes,  tant  est  grande  la  foule 
de  ces  animaux  qui  inonde  la  place  et  les  quais.  Un  des 
cavaliers  de  la  troupe  se  charge  de  notre  bagage  et  nous  con- 
duit à  l'auberge  royale,  où  il  nous  faudra  passer  la  nuit, 
attendu  qu'il  y  a  peu  de  parties  du  royaume  des  Deux-Siciles 
où  l'on  puisse  voyager  siirement  après  le  soleil  couché. 

On  nous  assure  toutefois  que  nous  pouvons  visiter  sans  péril 
les  environs  de  la  résidence  royale,  et  nous  faisons  appeler 
l'indispensable  cicérone  qui  doit  nous  servir  à  la  fois  de  guide 
et  de  rhapsode. 

«Sous  cette  ville,  nous  dit-il  pendant  que  nous  côtoyons  le 
rivage  pour  gagner  le  chemin  de  la  montagne,  demeure  ense- 
velie une  puissante  cité.  Stabie  était  son  nom.  Sylla  la  fit  rava- 
ger par  un  de  ses  lieutenans  durant  la  guerre  sociale  (i),  et  le 
volcan  qui  se  trouve  placé,  comme  vous  le  voyez,  à  plus  d'une 
lieue  de  distance,  acheva  l'ouvrage  du  dictateur  en  l'engloutis- 
sant à  jamais.  On  est  parvenu  à  retirer  dans  des  fouilles  quel- 
ques manuscrits  ,  des  statues,  et  des  peintures  que  vous  pouvez 
admirer  au  muséum  de  Portici.  » 

«  La  ville  nouvelle  vous  offrira  peu  de  curiosités.  Nous  avons 
cependant  un  arsenal,  un  bagne,  enfin  tout  ce  qui  constitue 
un  port  militaire  :  c'est  ici  que  se  font  tous  les  arméniens  de  la 
marine  royale  sicilienne  (i).  Mais  rarement  notre  pavillon 
franchit  les  colonnes  d'Hercule.  Quelques-uns  de  nos  marins 
ont  eu  le  courage  d'aller  plus  loin,  et  s'en  sont  quelquefois 
bien  trouvés.  Vous  apercevez  sur  les  flancs  du  mont  Saint- 


(i)  Plike,  Histoire  naturelle ,  liv.  in,  chap.  v. 

(ï)  Les  forces  navales   des  Deux-Siciles  s'élèvent  à  ■?,  vaisseaux,  4 
frégates  et  quelques  bâtimens  légers. 


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A    A  M  M. II.  »83 

Amgclo,  <ini  s'élève  à  pic  bu  dessus  de  nous ,  m)  petit  château 
perché  comme  un  uid  d'aigle.  Ce  nid  est  celui  du  nabab,  h  ce 
nabab  esi  un  matelot  de  Castellamare,  qui,  poussé  par  une 

humeur  aventureuse  sur  les  eûtes  de  l'IodoilStau  ,  a  su  en  rap- 

porter  une  fortune  immense.  Ce  fui  aux  souvenirs  dé  son  pays 

qu'il  (lut  ses  SUCOès.  Déjà,  sans  doute,  vous  aurez  vu  passer  ra- 
pidement sur  nos  {('tes  des  fagots  que  nos  hùelie:  ons  font  partir 

du  sommet  de  la  montagne;  ils  glissent  sur  un  câble  et  vont 
s'arrêter  près  du  rivage.  Ce  fut  ainsi  que,  dans  une  occasion 
importante,  notre  compatriote  ,  aidé  des  souvenirs  de  sa  jeu- 
nesse ,  s'avisa  de  faire  voyager  l'artillerie  d'un  radjah  au 
service  duquel  il  était  engagé.  La  victoire  fut  le  prix  de 
cette  manœuvre,  et  sa  fortune  fut  le  prix  de  la  victoire.  Sur 
une  autre  partie  de  la  montagne,  vous  pouvez  apercevoir  les 
quatre  tours  ruinées  d'un  château  plus  fort  et  plus  vaste.  Il  se 
trouve  situé  près  du  chemin  que  nous  allons  parcourir;  et  en 
examinant  de  près  son  vaste  heep  (donjon),  ses  tours  symé- 
triques et  arrondies,  vous  y  retrouverez  le  système  de  cons- 
truction normande  qui  vous  fera  facilement  reconnaître  son 
origine.  » 

Je  priai  notre  guide  de  nous  conduire  au  château  royal.  Il 
nous  répondit  que  cela  lui  était  impossible,  parce  que  le  roi 
y  faisait  en  ce  moment  sa  résidence.  Mais  il  nous  offrit  de 
nous  guider  dans  les  bosquets  qui  en  dépendent.  «  Voyez, 
nous  dit -il  sur  la  route,  ces  nombreuses  maisons  de  cam- 
pagne dont  le  penchant  de  la  colline  est  parsemé.  C'est  là 
que  tous  les  étrangers  de  distinction  résidant  à  Naples  vien- 
nent chercher  de  la  fraîcheur  et  de  l'air  pendant  les  cha- 
leurs de  l'été.  Quelques  valétudinaires  y  viennent  aussi  boire 
les  eaux  alkalines  et  sulfureuses  qui  découlent  de  nos  rochers. 
Ici  est  le  casin  où  mourut  M.  de  Serre,  ambassadeur  de  France, 
vivement  regretté  de  tous  ceux  qui  l'avaient  connu.  Plus  loin, 
ce  charmant  édifice,  que  nous  laissons  à  notre  gauche,  est 
celui  du  baron  ****,  où  se  trouve  réunie  en  ce  moment  la 
meilleure  compagnie  de  Naples.  Dans  l'aile  qui  le  termine  est 
i\n   théâtre  de   société,    où,    devant  quelques  membres  de  la 


284  VOYAGE  DE  NAPLES 

famille  royale,  on  a  souvent  joué  la  comédie  française  avec  une 
étonnante  perfection.  Voici  la  maison  (Je  campagne  du  ministre 
d'Angleterre  ,  et  celle  de  l'ambassadeur  d'Autriche.  » 

Après  avoir  parcouru  dans  tous  les  sens  les  bosquets  om- 
breux de  la  résidence  de  Quisisana,  ainsi  nommée  à  cause  de  la 
salubrité  de  sa  position,  après  avoir  salué  dans  ces  bosquets  le 
roi  qui  s'y  promenait  avec  sa  charmante  famille,  nous  redes- 
cendîmes par  une  avenue  d'une  délicieuse  fraîcheur.  La  tem- 
pérature était  si  différente  de  celle  que  nous  avions  laissée  à 
Naples,  que  nous  croyions  avoir  franchi  i5  à  20  degrés  de 
latitude  nord.  Une  tranche  de  ce  veau  de  Sorrente,  si  vanté 
par  le  bon  Sancho  Pança,  arrosée  d'une  bouteille  de  La- 
cryma  Christi,  recueilli  sur  les  flancs  du  Vésuve,  nous  com- 
posa un  souper  dont  le  pays  seul  avait  fait  tous  les  frais  ;  et  un 
lit  fort  propre,  ce  qui  n'est  pas  commun  hors  de  Naples,  nous 
reçut  jusqu'au  lendemain. 

i5  juillet.  —  Il  est  six  heures,  notre  léger  cabriolet  nous 
attend  à  la  porte ,  et  les  deux  petits  chevaux  calabrois  qui  y 
sont  attelés  semblent  impatiens  de  notre  retard;  ils  nous  em- 
portent avec  la  rapidité  de  l'éclair,  en  nous  laissant  à  peine  le 
tems  d'admirer  ces  campagnes  fécondes  que  tapisse  une  triple 
moisson.  La  vigne  enlacée  aux  peupliers  court  en  rians  festons, 
ses  pampres  verts  se  dessinent  au-dessus  des  tiges  jaunissantes 
du  maïs;  et  dans  les  intervalles  du  maïs  même,  des  légumi- 
neuses grimpantes  s'élèvent  en  entourant  ses  tiges  de  leurs 
feuillages  touffus.  Ailleurs,  le  cotonnier  étale  sa  fleur  violacée, 
gage  d'une  riche  récolie;  il  croît  à  l'ombre  même  du  mûrier, 
qui  contribuera,  comme  lui,  à  la  confection  de  nos  fastueux 
tissus.  Çà  et  là ,  quelques  agaves  américaines  qui  présentent 
leurs  dards  acérés  sur  le  sommet  des  murailles  en  ruine,  le 
palmier  aux  larges  feuilles  et  le  figuier  de  l'Indoustan  donnent 
à  certaines  parties  du  paysage  une  physionomie  des  tropiques. 
Des  valérianes  rouges,  de  grands  convolvulus  blancs,  l'églantier 
sauvage  et  la  ronce  rose  tapissent  les  murs  qui  soutiennent  les 
terrains  voisins  et  encaissent  la  route;  bientôt  une  vaste  plaine 
s'offre  à  nos  regards. 


A.   \M\UI.  9.85 

le  croîs  apercevoir  uot  ville,  cl.  pointant  je  n'entends  point 
ces  clameurs,  COI  éclats  bru  vans  OOÎ  anuoncrnt  ordinairement 
KS  cites  de  l'Italie  méridionale.  Quoi!  pas  un  paysan,  pas  un 
moine,    p;rs  un   mendiant,  et    nous   sommes   encore  en  Italie! 

Quelles  vastes  et  magnifiques  tombes  de  marbre  éparses  sur  les 
bords  du  chemin!  comme  elles  s'harmonisent  avec  le  calme  qui 
règne  dans  ce  paysage!  Quel  joli  casin !  que  ses  fresques  et  ses 
mosaïques  paraissent  fraîches  et  élégantes!  Pourquoi  ce  banc 
de  marbre  si  richement  ciselé  à  la  porte  de  la  ville?  Mais  où 
sont  donc  les  habitans?  Le  pavé  est  si  beau!  on  y  voit  tant  de 
traces  de  roues!  et  Ton  n'entend  pas  le  bruit  d'un  char...  Des 
amphithéâtres,  des  portiques,  des  palais...  Est-ce  donc  un  rêve? 
ou  l'histoire  de  cette  ville  pétrifiée  dont  Cheherazade  amuse 
Chariar  s'est-elle  donc  réalisée? — Non,  me  répondit  mon  ami, 
vous  avez  traversé  Pompéïa;  nous  y  reviendrons  (i).  Mais  j'ai 

(i)  Sur  les  fouilles  de  Pompéïa.  Les  fouilles  entreprises  à  Pompéïa  ont 
été  principalement  faites  ,  durant  les  deux  dernières  années,  dans  la  di- 
rection des  rues  au  nord  et  à  l'est  du  Forum.  La  rue  du  nord  fut  entiè- 
rement déblayée  en  décembre  1823.  On  trouva  un  grand  nombre  de 
lampes ,  de  boucles  d'oreilles  et  d'autres  objets  fort  précieux.  Cette  rue 
était  terminée  par  un  arc  de  triomphe.  A  droite  de  cet  arc  était  un 
temple  à  la  Fortune  Auguste,  sur  lequel  on  lit  cette  inscription  : 

M.    TtJLLIUS.    M.    F.    D.    VI.    »IER.    QUIJVQ. 

AuGUR    TRI    MILiTA.    POP.    AEDEM. 
FoRTUNAE    AuGUST.    SOLO    ET    P.    AE.    C. 
SUA. 

Ce  temple  est  petit,  mais  assez  remarquable  par  sa  construction.  Deux 
rampes  conduisent  à  un  péristyle  élégant.  En  pénétrant  dans  la  cella  , 
on  aperçoit  la  base  de  la  statue  qui  ornait  le  temple.  Quatre  niches 
à  droite  et  à  gauche  contenaient  probablement  aussi  des  statues.  On 
n'en  a  trouvé  que  deux  ;  elles  représentent  un  consul  et  une  prétresse. 
Une  rue  se  trouvait  en  face  de  ce  temple;  on  a  commencé  à  la  dé- 
blayer eu  1824.  Les  murailles  decette  rue  offraient  cette  particularité 
remarquable  ,  qu'elles  étaient  couvertes  des  votes  électoraux  des  ci- 
toyens pour  quelques  magistratures.  A  son  extrémité  l'on  a  découvert 
des  établissemens  thermaux  d'une  grande  beauté.  Les  diverses  pièces 


8 6  VOYAGE  DE  NAPLES 

voulu  vous  faire  faire  un  léger  détour  pour  vous  ménager  le 
plaisir  de  la  surprise.   Reprenons  la  route  de  Nocera  (i),  à 

sont  décorées  avec  goût  de  stucs  et  de  mosaïques.  On  y  voit  aussi  une 
corniche  élégante,  soutenue  par  des  Silènes  en  caryatides.  Le  pavé  in- 
férieur est  souvent  creusé  pour  la  circulation  de  la  vapeur.  Un  bassin 
de  marbre  est  couvert  de  l'inscription  suivante  en  lettres  de  bronze  : 

CN.    MELÏSSAEO.    Cïf.    F    APRO    M.    STAIO 
M.     F    RUFFO    II.    VIR.    ITERUM    ID    LARRl  M 
EX.    D.    D.    EX    PP    FG.     CONSTAT    H    S.    DCCE. 

Tis-à-vis  de  ce  bassin  est  une  vaste  baignoire  en  marbre  blanc.  La 
salle  voisine,  où  l'on  se  parfumait  d'essences  ,  renferme  un  magnifique 
brasier  en  bronze,  supporté  pas  des  sphinx  et  des  tabourets  de  même 
métal.  On  lit  sur  ces  derniers  : 

M.    NIGIDIUS.    VACULA.    P.    S. 

Le  commencement  de  l'année  i8a5  a  été  signalé  par  une  des  plus 
belles  découvertes  faites  à  Pompéïa  :  c'est  celle  d'une  maison  particu- 
lière qui  se  distingue  par  la  plus  rare  élégance.  La  mosaïque  du  pé- 
ristyle offre  un  chien  prêt  à  se  jeter  sur  les  passans  ,  et  au-dessous 
est  écrit  : 

CAVE    CANEM. 

L'intérieur  des  appartemens  était  revêtu  des  fresques  les  plus  déli- 
cates. L'une  d'elles  représente  Y  enlèvement  de  Briséis,  et  les  anti- 
quaires ne  craignent  pas  de  la  mettre  à  côté  de  ce  que  la  peinture  a 
produit  de  plus  parfait.  Malheureusement  elle  s'est  beaucoup  dété- 
riorée. Je  la  vis  au  moment  où  l'on  venait  de  la  dégager  des  cendres 
qui  la  couvraient.  Rien  n'égalait  sa  fraîcheur. 

Derrière  cette  maison  on  a  déblayé  l'établissement  d'un  foulon, 
avec  tous  les  ustensiles  du  métier.  C'est  dans  cet  emplacement  que  l'on 
continue  les  fouilles.  On  les  prolonge  aussi  au  delà  de  l'arc  de 
triomphe  dont  nous  avons  parlé. 

Plus  récemment  encore  on  a  mis  au  jour  un  Panthéon.  Cet  édifice  est 
un  parallélogramme  régulier;  il  renfermait  entre  autres  objets  précieux 
les  statues  de  Tibère  et  de  Livie ,  quelques  fresques  bien  conservées  : 
une  d'elles  représente  Romulus  et  Rémus  enfans.  Près  de  cet  édifice 
se  trouve  une  cour  environnée  d'un  portique  à  colonnes  dont  les  pié- 
destaux sont  de  marbre. 

(i)  Anciennement  Nucerina.  Cette  ville  était  le  chef-lieu  de  cette 
partie  de  la  Campanie.  {Voyez  Pline,  liv.  m,  chap.  v.) 


"WÏ" 


' 

A.   AU  \U  I. 

laquelle  les  Arabes  qui  P©nl  occupée  long  tems  ont  laissé  le 
surnom  de  Nocera  dei  pagani  (des  païens  ,  ce  qui  n'a  rien  de 
personne]  pour  les  habitans,  toul  aussi  bons  catholiques  que 
leurs  voisins. 

Après  avoir  franchi  Nocera,  on  entre  dans  l'Édeu  des  paysa- 
gistes ,  el  toul  <lc\  ienl  encore  plus  magique  dans  le  tableau  qui 
si-  déroule  à  nos  yeux.  \  gauche,  le  n  ésuve  exhale  une  fumée 

lente;  plus  loin,  les  cimes  bleuâtres  de  l'Apennin  Ceignent  et 
terminent  l'horizon ,  tandis  (pie  ça  et  là,  dans  les  plans  inter- 
médiaires, des  monticules  verdoyans,  couronnés  de  tours  en 
ruines,  semblent  posés  par  la  main  du  Poussin  pour  fournir 
lux  peintres  une  suite  sans  cesse  renaissante  de  paysages  dé- 
licieux. Rien  n'est  comparable  à  ce  tableau,  si  ce  n'est  peut- 
être  l'aspect  des  rives  de  la  Meuse,  ou  de  la  vallée  de  la  Sala 
entre  Païenne  et  Alcamo. 

Un  écu  écartelé  de  gueules  à  la  tour  d'argent  et  d'or  au  lion 
grimpant  de  gueules,  sur  le  tout  d'azur  à  trois  fleurs  de  lys,  est 
sculpté  sur  le  marbre,  et  nous  annonce  que  nous  quittons  la 
province  de  Labour  pour  entrer  dans  la  principauté  de  Salerne. 
Une  petite  ville  charmante  paraît  devant  nous.  La  parfaite 
régularité  de  ses  portiques,  qui  se  prolongent  des  deux  côtés 
de  la  route,  ne  le  cède  en  rien  à  ceux  de  Turin  ,  ou  de  notre 
rue  de  Rivoli,  quoique  sur  une  plus  petite  dimension.  La 
propreté  des  habitations  ,  l'air  d'aisance  et  de  contentement 
qui  se  peint  sur  tous  les  visages,  la  position  de  la  ville,  tout 
concourt  à  faire  de  cette  petite  cité  une  des  plus  agréables  ré- 
sidences du  royaume,  et  je  remarque  sans  étonnement  que 
plusieurs  Anglais  y  soi'.t  venus  fixer  leur  séjour. 

Le  monastère  de  la  Cava  (la  Trinité)  possède  une  des  plus  riches 
bibliothèques  d'Italie,  et  nous  nous  promettons  bien  de  faire  à 
ce  riche  et  précieux  dépôt  une  visite  particulière  et  fructueuse. 

Au  sortir  de  la  Cava,  nous  descendons  dans  une  gorge  à 
l'entrée  de  laquelle  on  rencontre  un  gentil  ermitage.  C'est  là 
que  se  trouve  interrompue  la  longue  chaîne  calcaire  des 
Apennins  ,  qui,  se  prolongeant  dans  cette  direction  ,  forme  tout 
le  promontoire  de  Sorrente  et  se  montre  encore  à  Caprée.  La 


2  88  VOYAGE  DE  NAPLES 

gorge  se  resserre  de  plus  en  plus;  mais  elle  encaisse  un  ruis- 
seau qui  va  donner  de  l'activité  à  une  multitude  de  jolies  fa- 
briques semées  dans  le  fond  du  vallon ,  et  qui  servent  à  la  fois 
à  décorer  le  paysage  et  à  enrichir  le  pays.  A  quelques  pas  de 
là,  Vietri  s'élève  en  amphithéâtre  sur  une  colline  et  s'étend 
jusque  la  mer. 

Cette  ville  est  si  sale  qu'il  ne  tient  qu'à  nous  de  supposer 
que  nous  sommes  de  retour  à  Naples.  Il  faut  déjeuner  à  la  ta- 
verne ;  le  voyageur  chercherait  vainement  ici  un  honnête 
abri  :  nous  descendons  alla  Marina  ,  et  nous  faisons  apprêter 
une  barque  et  des  rameurs,  puisqu'il  faut  absolument  que 
notre  voyage  soit  fait  par  terre  et  par  mer, 

Les  rameurs  nous  attendent;  mais  point  de  tendelet  (i)  sur 
notre  barque,  et  un  soleil  de  juin  ,  dont  la  force  est  doublée 
par  la  réflexion  des  masses  blanchâtres  de  rochers  que  nous 
côtoyons  ,  nous  accable  de  ses  rayons  brûlans.  Nos  mariniers 
sont  en  eau  ;  ils  chantent  pourtant,  et  rament  en  cadence  , 
en  saluant  de  leurs  acclamations  les  nombreux  pêcheurs  qui , 
placés  dans  les  anfractuosités  des  hautes  montagnes  de  la  côte  , 
jettent  dans  le  golfe  leurs  vastes  filets.  „'- 

Après  avoir  doublé  le  premier  cap,  nous  voyons  se  dé- 
velopper devant  nous  le  magnifique  golfe  de  Salerne.  En 
apercevant  à  notre  gauche  la  ville  qui  lui  a  donné  son  nom  , 
nous  nous  rappelons  avec  fierté  que ,  quelques  siècles  plus 
tôt ,  cinquante  de  nos  compatriotes  avaient  mis  en  fuite 
dans  les  plaines  voisines  une  nombreuse  armée  de  Sar- 
rasins  qui   l'assiégeaient  (2)  ;  plus  loin  les  côtes   voisines  ré- 

(1)  Petite  tente  pour  préserver  du  soleil. 

(2)  Environ  soixante  chevaliers  normands  ,  partis  de  leur  pays  vers 
l'an  1000,  et  revenant  d'un  pèlerinage  à  Saint-Michel  de  Gargano , 
relâchèrent  à  Salerne  clans  le  tems  que  cette  place ,  pressée  par  une 
armée  d'Arabes,  venait  d'acheter  leur  retraite  à  prix  d'argent.Ils  trou- 
vèrent les  habitans  occupés  à  réunir  le  prix  de  leur  rançon  ,  et  l'armée 
des  musulmans  sans  défiance. ..  Alors  cette  poignée  de  chevaliers, 
soutenue  des  plus  courageux  parmi  les  habitans  ,  profite  des  ténèbres 
de  la  nuit  pour  fondre  sur  le  camp  des  ennemis ,  et  met  en  déroute 


A    AMAl.l'l.  a8y 

vrillent  en  non-,  d'autres  souvenirs.  Vous  voyez  ,  me  dit 
moi  ami  ,  ces  grèves  plates  qui  fuient  dans  le  lointain;  là  fut 
rasluin.  Jadis  ('es  ri  \  es  enchantées  offrirent  un  refuse,  aux 
voluptueux  habitans  de  Svharis.  Leurs  bosquets  embaumés  de 

rosiers  présentèrent  un  premier  abri  aux  exilés,  tandis  que 

les  pétales  des  roses  effeuillées  fournissaient   à  leurs  membres 

délicats  des  couches  parfumées,  trop  dures  encore  pour,  les 

disciples  d'Aristippc  (i).  Bientôt  s'élevèrent  des  temples  majes- 
tueux ;  le  luxe  et  les  arts  ornèrent  à  l'envi  ces  délicieuses  con- 
fiées ,  et  quelques-unes  de  leurs  créations  ont  résisté  aux  at- 
taques du  tems.  Maintenant ,  pas  un  homme  ne  végète  sur 
cette  (erre  flétrie;  aux  doux  parfums  de  la  rose  ont  succédé 
les  miasmes  pestilentiels  qu'exhalent  en  tous  lieux  d'impurs 
marécages;  les  chants  d'ivresse  et  d'amour  ont  cessé,  et 
l'éternel  silence,  qui  plane  sur  ces  contrées  n'est  interrompu 
que  par  le  sifflement  des  reptiles  cachés  sous  des  débris.  Ces 
vastes  temples  semblent  restés  debout  pour  dire  au  voyageur: 
«  Tel  fut  Pœstum;  tel  il  est  aujourd'hui!  » 

Ainsi  tout  change,  ainsi  tout  puasse;  , 

Ainsi  nous-mêmes  nous  passons , 

Sans  laisser,  hélas  !  plus  de  trace 

Que  cette  barque  où  nous  glissons 

Sur  cette  mer  où  tout  s'efface.  Lamartine. 

les  1 5,ooo  Arabes  qu'il  renfermait.  Le  duc  de  Salerne  voulut  récom- 
penser ses  libérateurs  ,  mais  il  eut  lieu  d'admirer  encore  plus  leur 
désintéressement  que  leur  bravoure.  Ces  guerriers  refusèrent  et  les 
honneurs  et  les  richesses  qu'il  leur  offrait,  et  voulurent  absolument 
retourner  dans  leur  pays.  Us  promirent  seulement  au  duc  de  lui  en- 
voyer quelques-uns  de  leurs  compatriotes. 

Le  brillant  fait  d'armes  qui  a  été  l'occasion  de  la  conquête  des 
Deux-Siciles  par  les  Normands  est  constaté  de  la  manière  la  plus 
authentique  dans  les  chroniques  contemporaines.  Voyez  les  manuscrits 
n°  47  et  199  de  la  bibliothèque  du  mont  Cassin;  Oderic  Vital  ,  Histoire 
ecclésiastique,  livre  nr;  et  manusc.  inédits  de  la  Uibliot/ièq uc  royale,  n°  ao. 
(1)  Forsilan  et  pin  gués  hortos  quœ  cura  colendi 
Omnrct,  CÛnertm  btfert  quœ  rosaria  Pcrsti. 

Vibg.  Ceorg.  iv,  vers   118. 
t.  xxxvi.  ; —  'Novembre  i8;27.  10 


arjo  VOYAGE  DE  NAPLES 

Je  répondais  par  ces  vers  délicieux  aux  réflexions  mélan- 
coliques de  mon  ami,  et  notre  barque  traçait  sur  les  flots  un 
sillon  rapide  et  brillant,  soudain  évanoui.  Les  cris  de  nos  ma- 
riniers saluèrent  Atrani. 

Cette  petite  cité,  qui,  vue  de  la  mer,  présente  un  fort  joli 
coup-d'œil,  à  cause  de  la  singularité  de  ses  clochers  bariolés 
et  de  sa  position  romantique  au  milieu  des  rochers  ,  et  au- 
dessus  d'une  rampe  qui  semble  la  soutenir  du  côté  du  rivage, 
ne  gagne  pas  à  être  vue  à  l'intérieur.  Le  désir  de  visiter  une 
fabrique  de  ces  maccaroni ,  si  célébrés  par  les  gastronomes, 
m'avait  déterminé  à  me  faire  mettre  à  terre  ,  et  je  fus  étonné 
de  l'excessive  irrégularité  des  rues  ,  autant  que  de  la  mauvaise 
construction  des  maisons.  Introduits  dans  une  des  fabriques 
que  nous  désirions  visiter,  nous  admirâmes  avec  autant  de 
plaisir  que  de  surprise  l'excessive  propreté  qui  présidait  à  la 
confection  de  ces  diverses  pâtes  ,  formées  seulement  avec 
de  la  farine  de  blé  dur  (farro)  détrempée  ,  à  laquelle  on  im- 
prime une  forme  quelconque  ,  au  moyen  d'une  vis  de  pression 
qui  la  fait  passer  par  un  moule  de  tôle.  Nous  avions  vu  ,  quel- 
ques jours  avant,  à  Torre  dell  Jnnunziata,  des  femmes  im- 
primer des  formes  aux  pâtes  qu'elles  travaillaient  avec  leurs 
doigts ,  et  la  méthode  des  habilans  d'Airain  nous  parut  à  la 
fois  plus  propre  et  plus  expéditive  que  le  système  de  fabrica- 
tion adopté  par  quelques  familles  de  la  Torre. 

Nous  nous  rembarquâmes,  après  cette  courte  excursion,  et 
quelques  coups  de  rame  nous  avaient  transportés  sur  les  illustres 
plages  d'Amalfi. 

Où  sont  les  mille  vaisseaux  qui  portaient  naguère  aux  bornes 
du  monde  le  pavillon  de  la  république  triomphante  ?  Montrez- 
moi  les  chantiers  dont  les  constructions  sans  cesse  renaissantes 
couvraient  la  mer  de  voiles  innombrables.  Dans  quel  palais 
s'assemblaient  ces  sénateurs  dont  les  lois  si  sages  avaient  été 
adoptées  par  les  diverses  contrées  de  l'Italie?  Trois  barques 
de  pêcheurs ,  des  filets ,  quelques  maisons  d'une  assez  triste 
apparence ,  placées  toutefois  dans  la  situation  la  plus  pitto- 
resque ;  sur  le  premier  plan  un  petit  hôtel  ,  orné  de  brillantes 


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couleurs,  voilà  tout  ce  qui  reste  aujourd'hui  d'Amalfi.  Dem 
rochers  qui  surplombent  défendent  la  ville  des  vents  du  nord, 

et  donnent  à  cet  ensemble  un  caractère  si  particulier  qu'il  ne 
saurait  être  rendu  que  par  le  pinceau.  Le  pilote  nous  met  à 
terre  sur  une  grève  de  sable  lin  ,  et  nous  indique  la  demeure 
de  l'agent  consulaire  de  France.  C'est  ce  petit  édifice  élégant 
bâti  près  du  rivage.  M.  Lucibello,  négociant  du  pays  ,  chargé 
par  le  consulat  de  France  à  Naples  des  intérêts  français,  était 
absent;  mais  son  frère  nous  fit  le  meilleur  accueil.  Mon  pre- 
mier soin   fut  de  le   prier  de  nous  conduire  dans  la  famille 
Pança.  qui  devait,  nous  disait-on  ,  posséder  le  manuscrit  objet 
de  nos  recherches.  Nous  nous  acheminâmes  donc  à  travers  des 
rues  étroites  et  misérables  jusqu'à  la  demeure  de  Xadvocato  P***. 
Ici ,  un  spectacle  nouveau  nous  attendait.  La  maison  où  l'on 
nous  introduisit,  d'ailleurs  fort  propre,  était  entièrement  dé- 
corée de  meubles  si  gothiques  qu'ils  doivent  dater  au  moins 
des  beaux  jours  de  la  république  amalfitaine  ,  ce  que  leur  ri- 
chesse semblerait  encore  indiquer;  et,  comme  pour  faire  res- 
sortir davantage  leur  vétusté,  trois  jeunes  filles  ,  dans  toute  la 
fraîcheur  de  la  jeunesse  ,  occupaient  des  fauteuils  auprès  des- 
quels celui  de  Dagobert,  que  l'on  conserve  à  la  bibliothèque 
du  roi,  aurait  pu  paraître  moderne.  Cet  aspect  me  fit  concevoir 
les  plus  heureuses  espérances  pour  ma  recherche  ;  je  croyais 
déjà  sentir  l'odeur  poudreuse  du  manuscrit ,  odeur  si  suave 
pour  les  nerfs  olfactifs  du  bibliophile;  mes  yeux  se  figuraient 
déjà  en  lettres  gothiques  ces  mots  tant  désirés  : 

tabulât  vlmalfitanaf. 

Mais  ,  ô  désappointement ,  M.  Pança  m'apporte  une  longue 
et  lourde  histoire  d'Amalfi,  écrite  naguère  par  un  membre  de 
sa  famille.  Je  voulus  du  moins  parcourir  rapidement  la  chro- 
nique de  Giuseppe  Pança,  et  j'y  recueillis  les  faits  suivans*. 

Amalfi,  fondée  vers  Tan  600  de  J.-C,  avait  d'abord  été 
gouvernée  par  des  préfets  annuels.  Insensiblement,  son  impor- 
tance et  son  territoire  s'accrurent  avec  les  richesses  que  ses 
habitans   obtenaient  par  le  commerce;   elle  fut  érigée  en  ré- 

*9 


ao^  VOYAGE  DE  NAPLES 

publique  dont  un  duc  électif  était  le  chef,  et  qui  se  trouvait 
placée  sous  la  protection  des  empereurs  d'Orient.  Ses  lois 
furent  adoptées  par  tous  les  peuples  de  l'Italie  pour  les  trans- 
actions maritimes.  Ses  monnaies,  connues  sous  le  nom  de  taris 
d'Amalfi,  eurent  dans  le  Levant  le  cours  qu'ont  actuellement 
les  piastres  espagnoles.  Sa  rade  devint  le  rendez-vous  de  toutes 
les  nations.  La  république  eut  à  soutenir  plusieurs  guerres, 
principalement  contre  les  Arabes;  mais  ce  ne  fut  point  seule- 
ment en  Italie  qu'elle  combattit  avec  succès  les  infidèles.  Les 
premiers  en  Palestine,  les  Amalfitains  créèrent  l'ordre  des 
chevaliers  de  Saint  Jean  de  Jérusalem.  Dans  le  tems  de  leur 
puissance  (981),  ils  avaient  conquis  la  province  de  Salerne; 
environ  un  siècle  plus  tard,  ils  furent  conquis  eux-mêmes  par 
le  comte  Robert,  qui  leur  laissa  une  partie  de  leurs  privilèges. 
Mais  ils  se  révoltèrent  (iogS);  et  vainement  le  comte  normand 
vint-il,  à  la  tête  de  ses  troupes,  et  de  20,000  Sarrasins,  ses 
alliés,  mettre  le  siège  devant  la  ville  :  il  fut  contraint  de  l'aban- 
donner. L'empereur  Lothaire  fut  plus  heureux.  Ayant  envahi 
l'Italie,  il  envoya  une  flotte  des  Pisans,  ses  alliés,  avec  qua- 
rante-six galères  devant  Amalfi.  La  ville  fut  prise  et  perdit  à 
la  fois  ses  richesses  et  sa  liberté  (1137).  Ce  fut  alors  que  l'on 
retrouva  les  Panclectes ,  qu'un  marchand  d'Amalfi  avait  rap- 
portées du  Levant.  Les  Pisans  ne  demandèrent  à  Lothaire  que 
ce  livre  précieux  pour  prix  de  la  victoire  :  il  leur  fut  accordé;  et 
c'est  à  cette  circonstance  qu'il  dut  pendant  trois  siècles  le  titre 
de  Panclectes  pisancs.  La  république  étant  entrée  quelques 
années  plus  tard  clans  le  domaine  de  Roger,  dès  ce  moment 
son  histoire  n'offre  plus  qu'un  intérêt  secondaire  (1). 

(1)  Guillaume  de  la  Pouitle  ,   poëte  latin  qui  écrivait  vers  la  fin  du 
xi?  siècle  ,  décrit  ainsi  l'état  de  la  ville  d'Amalfi  : 

Urbs  hœc  dives  opum  populoque ;  referta  videtur, 
Nulla  magis  locuples ,  argenio  ,  veslibus ,  auro  , 
Parlibus  innumeris  ;  ac plurimus  urée  moralur 
Nauta,  maris  cœliaue  vias  aperire  peritus. 
Hue  et  Alexandri  diversa  feruntur  ab  urbe 


A.  AMALM.  i9ï 

Avant  de  prendre  congé  de  notre  vieil  avocat)  nous  lui  de- 
mandâmes s'il  n'existerait  point  dans  AmaHi  quelques  ai 
chivea  ou  quelque  dépôt  littéraire  à  consulter.  Sur  sa  réponse.1 
négative,  nous  prunes  congé- de  lui  et  de  ses  charmantes  filles, 
et  nous  nous  acheminâmes  vers  la  partie  supérieure  de  la  ville 
qui  se  prolonge  dans  les  profondeurs  d'un  énorme  ravin.  Les 
deux  roches  calcaires  cpii  nous  dominent  semblent  avoir  été 
séparées  par  l'effet  d'un  violent  tremblement  de  terre.  Au 
fond  coule  un  ruisseau  qui,  passant  sous  deux  ponts  placés  à 
des  hauteurs  inégales,  est  du  plus  heureux  effet  :  l'un  de  ces 
ponts  sert  de  soutien  à  une  forge.  En  descendant  son  cours  , 
nous  reconnûmes  que  ses  eaux  alimentaient,  dans  l'intérieur 
de  la  ville,  une  fabrique  d'une  assez  triste  apparence.  Nous 
visitâmes  ensuite  un  cloître  dont  l'architecture  à  ogives  pleines 
et  entrelacées  nous  parut  d'un  style  remarquable;  et  de  là  nous 
passâmes  à  l'église  dont  la  construction  originale  nous  avait 
frappés  dès  notre  arrivée.  Cet  édifice,  fort  élevé  au-dessus  du  ni- 
veau de  la  grande  place,  sur  laquelle  il  est  situé,  ne  nous  étonna 
pas  moins  par  la  multitude  bizarre  de  petites  colonnes  d'ordres 
et  de  couleurs  divers  qui  soutiennent  son  portail,  que  par  la 
bigarrure  de  son  clocher,  chargé  de  bandes  noires  et  blanches. 


Régis  et  Anùochi  :  hœc  fréta  plurima  transit  : 

Hic  Arabes,  Indi ,  Siculi  noscanlur  et  Afri  : 

Hœc  gens  est  totum  nropè  nobilitala per  orbem , 

Et  mercanda  ferens ,  et  amans  mercata  referre. 

Guglielmi  appuli  historicum  poema  de  rébus 
JSormanorum ,  liber  tertius. 
«  Cette  ville  opulente  et  très-peuplée  n'est  égalée  par  aucune  autre  , 
sous  le  rapport  des  richesses ,  de  l'or,  de  l'argent  et  des  tissus  pré- 
cieux qui  s'y  trouvent  rassemblés.  Elle  renferme  un  grand  nombre  de 
marins  habiles  à  reconnaître  leur  route  sur  les  mers  par  la  connais- 
sance des  cieux  ,  et  qui  parcourent  une  infinité  de  détroits.  C'est  là  que 
se  trouve  le  dépôt  des  marchandises  d'Antioche  et  d'Alexandrie,  c'est 
là  que  Ton  rencontre  réunis,  l'Arabe  et  l'Indcu,  le  Sicilien  et  l'Africain. 
La  nation  amalfitaine  s'est  illustrée  dans  l'univers  presque  tout  entier 
par  l'échange  réciproque  des  richesses  ries  nations.  » 


a94  VOYAGE  DE  NAPLES 

Une  autre  route  se  présente  à  nous  pour  revenir  à  Naples, 
nie  dit  mon  ami;  nous  pouvons,  en  remontant  le  promontoire, 
côtoyer  ces  rochers  fameux  (igalli),  auprès  desquels  Homère 
a  placé  les  sirènes  (i).  Ils  servaient  naguère  encore  de  retraite  à 
des  êtres  aussi  dangereux,  mais  revêtus  de  formes  moins  sédui- 
santes, qui  enlevaient  les  voyageurs  sans  prendre  l'embarras 
de  les  charmer.  Si,  comme  je  le  suppose,  nous  sommes  assez 
heureux  pour  ne  rencontrer  ni  sirènes,  ni  Barbaresques,  notre 
barque  voguera  ensuite 

Entre  le  doux  Sorrente  où  la  grappe  dorée 

Se  marie  aux  citronniers  verts , 
Et  les  rochers  aigus  de  la  pâle  Caprée. 

Casimir  Delavigfe. 

Nos  yeux  chercheront  vainement  les  moindres  vestiges  du 
temple  magnifique  qui  couronnait  l'extrémité  du  cap  des  Picen- 
tins;  mais  nous  pourrons  encore  aller  maudire,  sur  les  pics 
stériles  de  l'île  qui  l'avoisine,  les  restes  de  l'horrible  repaire 
habité  par  le  tyran  de  Caprée.  De  là,  quelques  minutes  nous 
suffiront  pour  gagner  les  lieux  enchantés  où  naquit  l'amant  in- 
fortuné d'Eléonore,  et  vos  regards  indignés  se  reposeront  avec 
plaisir  surles vastes  bosquets  de  myrtes  et  d'orangers  en  fleurs 
qui  embaument  la  plaine  de  Sorrente.  Saluant  la  demeure  du 
Tasse  par  quelques  vers  de  XAminte,  nous  traverserons  le  golfe 
et  nous  aurons  regagné  Naples. 

(i)  To'<ppa  81  y.ap7raXi'{Ju<)ç  è^ix.STO  vyjîjç  sùsp-p;; 
Wx<îov  SeipTivouv  y.,  t.  X. 

«  Cependant  le  navire  s'avançait  avec  célérité  vers  File  des  Si- 
rènes, etc.  » 

Homère  ,  Odyssée  ,  liv.  xn  ,  vers  166  et  suivants. 
Homerus  non  nisi ,  etc. 

«  Homère  ne  parle  que  d'une  seule  île,  on  en  compte  trois  aujour- 
d'hui, qui  sont  situées  près  du  promontoire  de  Minerve  en  Campanie.  » 

H.   Schxichthorst,  Geographia  Homer. 
Gœltingue,  1787.  In-4°,  pag.  i<$ 


A  AMALFJ. — NOT.  SUR  PESTALOZZI.  io/> 

Mon  compagnon  de  voyage  traçait  avec  complaisance  son 

itinéraire;  el  cependant   le  dieu   des   vents,   qui  a    placé    son 
séjour  dans  les  îles  \oisines  |  les  îles  Knlieinics ,  aujourd'hui  de 

Lipari),  avait  déchaîné  le  plus  terrible  de  ses  enfans.  Lo lebec* 

cm  (libyens),  si    redouté    dans    la  Méditerranée,  amoncelai* 
avec  fureur  des  nuages  noiràlres  sur  les  cimes  de  l'Apennin  ,  >  . 

les  roulemens  prolongés  du  tonnerre  retentissaient  jusque  dan, 
les  échos  des  Calabres.  Plus  prndens  que  le  prudent  Ulysse,  i 
peut-être  aussi  pins  faibles  que  lui,  nous  n'osâmes  braver  le 
double  danger  dont  nous  menaçaient  Éolc  et  les  sirènes;  et  , 
suivant  l'expression  des  marins,  nous  résolûmes,  enjuj'û 
devant  le  te  m  s ,  de  reprendre,  pour  retourner  à  Naples,  le  che- 
min par  lequel  nous  étions  venus.  E.  G.  d'A. 


Notice  biographique  sur  Pestalozzi. 

Pestalozzi  (Henri),  né  à  Zurich,  le  12  janvier  1746,  mort 
à  Brougg  (canton  d'Argovie)  le  27  février  1827,  s'est  acquis 
une  réputation  européenne  par  ses  recherches  et  ses  travaux 
pour  améliorer  l'éducation  primaire  et  populaire,  celle  àc> 
enfans  des  classes  industrielles  et  des  classes  inférieures  de  la 
société. 

Un  profond  sentiment  religieux,  l'amour  de  la  justice,  la 
pitié  pour  les  pauvres,  une  affection  expansive  pour  les  en- 
fans, tels  furent  les  traits  distinctifs  de  l'àme  et  du  caractère 
du  jeune  Pestalozzi,  présages  de  la  vocation  qu'il  avait  reçue 
de  la  nature.  Son  esprit  ardent  et  actif  chercha  d'abord  à  se 
satisfaire  par  l'étude  des  langues.  A  l'âge  de  dix-huit  ans,  il  y 
renonça  pour  s'occuper  de  théologie,  mais  le  mauvais  succès 
d'une  prédication  lui  fit  abandonner  aussi  cette  carrière  pour 
se  livrer  à  la  jurisprudence.  Quelques  essais  littéraires  sem- 
blèrent annoncer  en  lui  un  philologue.  Un  livre,  qui  était  déjà 
une  véritable  autorité  dans  plusieurs  parties  du  monde  civi- 
lisé, X Emile  de  J.-J.  Rousseau,  lui  révéla  le  génie  qui  lui  était 


296  NOTICE  BIOGRAPHIQUE 

propre.  Subjugué  par  cette  lecture,  il  se  persuada  que  la  civi- 
lisation européenne  était  un  contre-sens,   et   que,  de  toutes 
les  professions,  celle  du  savant  était  la  plus  contraire  à  la  na- 
ture. Cette  conviction  qui  changea  toute  sa  destinée,   exerça 
une  influence  marquée  sur  la  tendance  de  ses  travaux  jusqu'à  la 
lin  de  sa  vie,  même  sur  ceux  qui  avaient  pour  objet  des  étudi-s 
scientifiques,  puisqu'il  s'occupa  sans  relâche  de  l'application 
d'une  méthode  populaire  à   l'enseignement  du  latin.  A  peine 
remis  d'une  maladie  grave,  produite  par  un  excès  de  travail, 
il  brûla  ses  notes,  ses  extraits,  srs  collections  de  manuscrits 
sur  le  droit  et  sur  l'histoire  de  la  Suisse,  pour  se  vouer  à 
l'économie  rurale.   Il  acquit  des  connaissances  théoriques  et 
pratiques  dans  cette  partie,  et  il  aliéna  son  patrimoine,  pour 
acheter,  dans  le  canton  d'Argovie,  une  petite   campagne  qu'il 
appela  Neuhof;  c'est  là  qu'il  s'ouvrit  une  carrière  agricole,  à 
l'âge  de  vingt- deux  ans.  Son  mariage  avec  Mlle  Schoulthess, 
fille  d'un  négociant  de  Zurich,  lui  fit  prendre  un  intérêt  dans 
une  fabrique  de  coton  à  laquelle  il   se  dévoua  d'une  manière 
active.  Son  nouveau  genre  de  vie,  à  la  fois  agricole  et  indus- 
triel, lui  fit  connaître  l'état  de  misère  intellectuelle  et  morale 
du  peuple;  son  âme  s'émut  d'une  pitié  profonde,  et  dès  ce 
moment  il    résolut  de  combattre,  par  tous  les  moyens  qui 
pouvaient  dépendre  de  lui,   cette  maladie  iuvétérée  de  nos 
sociétés  modernes,  objet  d'une  déplorable  et  criminelle  insou- 
ciance. Il  forma,  en  1775,  dans  sa  petite  propriété  un  institut 
pédagogique  pour  des  enfans  pauvres  et  abandonnés.  Bientôt 
il  se  vit  entouré  d'une  cinquantaine  déjeunes  garçons,  dont  il 
fut  le  père,  l'appui,  l'instituteur.  Pestalozzi  soutint,  par  ses 
seules  ressources  personnelles,  sa  généreuse  entreprise  :  per- 
sonne ne  voulut  s'associer  au  projet  de  transformer  en  êtres 
humains  des  enfans  condamnés  dès  leur  berceau  à  la  dégra- 
dation; à  peine  rencontra-t-i!  quelques  hommes  capables  d'ap- 
précier cette  idée  sublime.  L'agriculture  et  l'industrie  manu- 
facturière entrèrent  dans  le  plan  d'éducation  de  Peslalozzi , 
comme  moyens  d'occupation  et  comme  offrant  la  perspective 
d'une  carrière  u'ile  à  des  enfans  primitivement  des'inés  à   la 


M  II   rivSTALOZZI.  y..j7 

mendicité.  Il  paraissait  devoir  y  trouver  aussi  mu;  ressource 
pour  faire  prospérer  sou  établissement  :  cependant  il  n'en  fut 

point  ain^i.  lVstalo//i  était  un  homme  d'imagination  et  même 

de  génie;  mais  nullement  un  nomme  pratique  et  d'exécution. 
La  nature  semble  exiger,  dans  les  facultés  de  chaque  individu  , 
comme  dans  !a  société  civile,  la  séparation  des  pouvoirs;  rare- 
ment le  talent  et  le  mérite  de  l'exécution  appartiennent  à  celui 
qui  découvre  les  grandes  lois  de  la  société  ou  de  la  nature 
humaine*  Inhabile  aux  détails  des  affaires,  victime  de  sa  bonté, 
de  sa  trop  facile  confiance,  Pestalo/./.i  perdit  la  plus  grande 
partie  de  sa  fortune,  malgré  les  mœurs  simples  et  la  vie  fru- 
gale qu'il  avait  introduites  dans  sa  colonie,  et  dont  il  donnait 
lui-même  l'exemple. 

Ce  mauvais  succès  lui  attira  les  sarcasmes  de  cette  nom- 
breuse classe  d'hommes  qui  sont  toujours  prêts  à  railler  le 
dévoûment,  et  à  flétrir  du  nom  d'exaltation  ou  de  folie  les 
grandes  idées  que  le  génie  conçoit  ou  que  l'humanité  inspire. 
Pestalczzi  ne  se  laissa  pas  néanmoins  égarer  ni  abattre  par 
l'échec  qu'il  venait  d'éprouver,  ni  par  les  moqueries  des  froids 
apôtres  de  l'égoïsme.  Profondément  convaincu  de  la  justesse 
de  ses  vues,  il  ne  leur  fut  pas  un  seul  moment  infidèle;  ne 
pouvant  encore  les  réaliser  par  la  pratique,  il  les  consigna 
dans  son  célèbre  ouvrage  intitulé  Léonard  et  Gcrtnule  ,  sorte 
de  roman  populaire  et  vraiment  moral,  qui  aurait  suffi  à  la 
réputation  de  l'auteur,  si  la  réputation  avait  pu  être  le  but 
d'un  homme  qui  s'est  constamment  oublié  lui-même  pour  ne 
songer  qu'à  la  classe  la  moins  bien  partagée  par  le  sort  et  par  la 
société.  D'autres  ouvrages  suivirent  celui  que  nous  venons  de 
rappeler. 

Jusqu'à  la  révolution  helvétique,  aucun  des  gouvern»  meus 
cantonaux  de  la  Suisse  ne  s'occupa  de  soutenir  les  essais  de 
Pestalozzi ,  ni  d'en  tirer  parti.  Mais,  en  1798,  à  l'aurore  de 
l 'ère  nouvelle,  le  gouvernement  helvétique,  abjurant  les  in- 
térêts des  castes  et  voulant  réhabiliter  les  malheureux  parias 
modernes,  mis  hors  de  la  loi  naturelle  du  perfectionnement 
intellectuel  et  moral,  accueillit  avec  empressement  l'homme  de 


298  NOTICE  BIOGRAPHIQUE 

génie  qui  avait  conçu  le  projet  de  tirer  la  classe  pauvre  et 
ouvrière  de  la  situation  d'humiliation  et  de  souffrance  dans 
laquel'e  l'indifférence  générale  la  retenait  plongée.  Les  hor- 
reurs de  la  guerre  avaient  désolé  le  canton  d'Unterwald  ;  un 
petit  peuple,  véritablement  héroïque,  avait  été  en  partie 
exterminé,  en  défendant  ses  foyers  contre  l'invasion  étrangère; 
un  grand  nombre  d'enfans  étaient  restés  orphelins  et  sans 
asile,  au  milieu  des  débris  fumans  de  leur  patrie.  Le  gouver- 
nement unitaire  confia  aux  soins  de  Pestalozzi  plus  de  cent 
cinquante  de  ces  enfans,  auprès  desquels  celui-ci  remplit  tous 
les  offices  que  réclamait  leur  triste  état  de  dénûment  et 
d'abandon.  Ce  premier  institut  fut  établi  à  Stanz,  dans  un 
couvent  supprimé.  Le  directoire  helvétique  adjoignit  à  Pesta- 
lozzi un  économe,  et  chargea  son  commissaire  M.  Zschokke 
de  le  seconder  dans  ses  plans.  Cet  établissement  n'existait  que 
depuis  trois  mois ,  lorsque  son  fondateur  eut  la  joie  de  pré- 
senter ses  élèves  au  directoire  helvétique.  Peu  de  tems  après, 
l'approche  des  armées  étrangères  entraîna  la  dissolution  de 
l'institut  de  Stanz.  Qu'on  se  figure  le  désespoir  du  philantrope, 
lorsqu'il  vit  étouffés  dans  leur  germe  les  fruits  qu'il  allait  re- 
cueillir. 

Malgré  la  situation  très-embarrassée  des  affaires  publiques  > 
le  directoire  helvétique  n'abandonna  point  son  protégé;  il  lui 
loua  au  prix  le  plus  modéré  le  château  de  Berthoud  (canton 
de  Berne)  et  le  domaine  qui  en  dépendait.  Là  Pestalozzi  réor- 
ganisa son  établissement ,  qui  prospéra,  sous  la  protection  du 
gouvernement  central  et  avec  l'aide  de  MM.  Krusi,  deNiEDERER» 
et  de  plusieurs  autres  collaborateurs,  dignes  de  leur  chef,  dont 
quelques-uns  étaient  ses  élèves,  et  qui  semblaient  nés  pour 
comprendre  ses  idées  et  pour  sympathiser  avec  son  âme. 

En  1804,  l'établissement  fut  transporté  d'abord  à  Munchen- 
Bouchsée;  puis,  dans  la  même  année,  à  Yverdun,  ville  du 
canton  de  Yaud,  qui  offrit  d'une  manière  généreuse  pour  cette 
utile  destination  son  vaste  château  et  les  jardins  qui  en  dépen- 
dent. Là,  l'institut  de  Pestalozzi  parcourut  en  peu  d'années  des 
phases  bien  diverses.  On  le  vit  successivement  élevé  par  le 


SI  R  PESTALOZZI.  *<J0 

concours  de  quelques  pédagogues  habiles  el  philantropes  à  uu 
très-haut  degré  de  prospérité  <i  «le  célébrité;  pois,  troublé 
par  des  dissensions  intestines,  par  l'orgueil  et  les  prétentions 
d'hommes  égoïstes  ou  irascibles;  ensuite,  ébranlé  dans  ses 
fondemens  par  les  vices  d'une  administration  économique  qui 
manquait  d'ordre  et  de  surveillance;  enfin,  tout- à-fait  en 
dissolution.  Un  génie  malfaisant  se  plaça  entre  le  chef  de  l'éta- 
blissement et  les  hommes  qui  avaient  contribué  à  sa  prospérité; 
l'âme  de  Pestalozzi ,  flétrie  et  affaiblie,  se  ferma  à  la  confiance 
la  plus  légitime  pour  s'abandonner  à  une  condescendance  fatale 
à  son  repos  et  à  son  ouvrage.  Nous  ne  nous  engagerons  point 
dans  le  récit  des  querelles  longues,  opiniâtres,  déplorables, 
qui  ont  signalé,  accompagné  et  suivi  la  décadence  rapide  de 
l'institut  d'Y  Verdun;  nous  sommes  placés  trop  près  des  hommes, 
des  événemens  et  des  passions,  pour  être  certains  de  connaître 
toute  la  vérité  et  de  pouvoir  la  présenter  sans  alliage.  Des  ou- 
vrages écrits  en  sens  opposé  viennent  d'être  publiés  sur  ce 
sujet  (i)  :  ils  renferment  des  documens  dont  profiteront  ceux 
qui  voudront  écrire  l'histoire  de  l'établissement  et  de  la  mé- 
thode de  Pestalozzi,  lorsque  le  tems  sera  venu  d'examiner  et 
déjuger  avec  une  parfaite  impartialité  des  individus  et  des  faits 
auxquels  se  rattachent  encore  des  souvenirs  trop  récens  et  des 
passions  mal  éteintes. 

En  i8^5  ,  Pestalozzi  se  retira  à  sa  campagne  de  Neuhof,  en 
Argovie,  et  M.  Schmidt  qui  exploitait  sous  le  nom  du  véné- 
rable vieillard,  les  restes  de  l'établissement,  reçut  du  gouver- 
ment  du  canton  de  Vaud,  pour  des  motifs  graves,  l'ordre  de 


(i)  Voyez  l'ouvrage  intitulé  :  Meine  Lebenschicksale ,  etc.,  Leipzig, 
1826,  in-8°.  Les  Destinées  de  ma  vie  ,  etc.  Cet  ouvrage  porte  en  tête 
le  nom  de  Pestalozzi  ;  mais  l'opinion  générale  des  Suisses  éclairés 
l'attribue  à  M.  Schmiot.  On  vient  de  publier  une  réfutation  de  ce 
livre,  et  un  exposé  de  la  situation  de  l'Institut  d'Yverdun  sous  ce 
titre  :  Bcitrag  zur  Biographie  Heinrich  Pestalozzi' s.  Mémoire  pour  ser- 
vir à  la  biographie  de  Pestalozzi.  Saint-Gall,  1827.  In-8°  de  xiv  et 
3/J2  pages. 


3o<>  NOTICE  BIOGRAPHIQUE 

quitter  le  pays.  Ainsi  fut  dissout  cet  institut  qui,  dans  les 
derniers  tems,  existait  plutôt  de  nom  qu'en  réalité,  et  à  côté 
duquel  Pestalozzi  avait  fondé  et  entretenu  une  petite  école  de 
jeunes  filles  pauvres. 

Pendant  sa  retraite  dans  le  canton  d'Argovie,  Pestalozzi  l'ut 
nommé  président  de  la  Société  helvétique  d'Olten,  qu'il  présida 
dans  la  séance  de  1826.  Cet  hommage,  offert  à  ce  vétéran  de 
la  philantropie,  est  l'expression  fidèle  des  sentimens  que  les 
Suisses  généreux  lui  ont  voués  pour  les  services  qu'il  a  rendus 
à  l'humanité.  La  reconnaissance  publique  ne  s'informera  pas 
si  une  justice  rigoureuse  peut  lui  imputer  en  grande  partie  les 
causes  des  tracasseries  qui  ont  troublé  sa  vieillesse,  et  qui  ont 
répandu  quelqu'ombre  sur  l'éclat  de  son  entreprise  :  elle  ne 
voudra  conserver  et  consacrer  que  le  souvenir  de  ses  bien- 
faits. 

Les  travaux ,  excessifs  pour  son  âge,  auxquels  Pestalozzi 
s'est  livré,  vers  la  fin  de  sa  vie;  les  peines  qu'il  a  continué 
d'éprouver,  par  suite  des  événemens,  que  nous  nous  sommes 
bornés  à  indiquer,  enfin  la  perte  du  sommeil,  ont  abrégé  ses 
jours  qui  auraient  pu  se  prolonger  encore.  Il  est  mort  le  17  fé- 
vrier à  Brougg  où  on  l'avait  transporté  de  sa  campagne.  Il  ne 
fut  malade  que  très -peu  de  jours.  Quoique  ses  douleurs,  pro- 
duites par  une  rétention  d'urine,  fussent  très-viohntes ,  ii  les 
supporta  avec  le  calme  du  sage;  il  rassembla  sa  famille  autour 
de  lui,  deux  jours  avant  sa  mort,  et  parla  pendant  près  d'une 
heure,  avec  une  exaltation  qui  était  celle  d'une  grande  âme. 

Pestalozzi  n'est  plus,  son  institut  a  cessé  d'exister;  mais 
ce  qu'il  a  fait  pour  l'humanité  ne  périra  point.  11  semble  quel- 
quefois que  la  Providence  se  plaise  à  dissoudre  la  partie  ma- 
térielle des  entreprises  les  plus  généreuses,  pour  n'en  laisser 
subsister  que  ce  qui  en  est  l'âme,  afin  d'apprendre  aux  hommes 
à  ne  voir  dans  les  grandes  choses  que  ce  qu'elles  ont  d'impé- 
rissable, et  à  ne  point  attacher  leurs  regards  et  leurs  espé- 
rances à  des  existences  éphémères  et  à  des  accidens  passagers. 
^L'instrument  du  bien  se  brise;  mais  le  bien  subsiste:  l'homme 
de  génie  passe;  mais  sa  pensée  reste,  et  ce  germe,  jeté  dans  le 


BU*  PESÎALOZZt  3ôi 

momie  de  l'intelligence,  produit  «Ici  fruiti  souvent  tardifs  que 
«cueilleront  les  générations  à  venir,  dette  réflexion,  générale 

meut  vraie  n'est  juste  qu'en*  pat  lie,  lorsqu'on  l'applique  ■ 
Pestalo/./.i  :  pendant  sa  vie,  il  I  déjà  exercé  nue  influence  puis- 

ntate  sur  l'éducation.  On  n'attend  pas  sam  doute  (jnc  nous  don- 
nions ici  même,  en  abrégé,  une  idée  complète  de  ce  que  l'on  a 
appelé  sa  méthode,  et  que  nous  appellerions  avec  plus  d'exac- 

utude  son  Système  d'éducation.  Il  nous  suffira)  pour  le  faite 
apprécier)  d'indiquer  quelques-uns  de  ses  traits  les  plus  saillant. 

Voulant  élever  au  rang  d'hommes  les  classes  les  plus  dé- 
laissées, et  ordinairement  les  plus  abruties,  il  s'appliqua  avant 
tout  à  développer  chez  elles  les  facultés  humaines.  Sa  tendance 
principale,  sous  le  rapport  intellectuel)  fut  de  mettre  en  pra- 
tique, à  l'égard  du  peuple,  dans  les  limites  fixées  par  ia  nature 
ides  choses,  le  mot  si  profondément  sensé  de  Montaigne: 
U  J'aime  mieux  que  mon  élève  ait  la  tète  bien  faite  que  bien 
pleine.  »  Sous  le  rapport  moral,  il  suivit  une  marche  analogue. 
II  ne  cherchait  point  à  donner  à  son  élève  des  connaissances 
positives,  mais  une  aptitude  aies  acquérir.  Le  calcul,  le  dessin, 
■\e  chant,  etc.,  n'étaient  point  pour  lui  un  but,  mais  un  moyen 
de  développement;  l'occasion  la  plus  propre  à  exercer  le  coup 
id'œil,  la  main,  la  voix,  l'intelligence,  la  faculté  de  comparer, 
[d'abstraire ,  de  déduire  des  conséquences. 

Pestalozzi  n'avait  pas  seulement  pour  objet  de  développer 
les  facultés  de  l'enfant;  il  se  proposait  de  les  développer,  con- 
formément à  la  marche  progressive  indiquée  par  la  nature, 
sans  oublier  aucun  de  ces  intermédiaires  négligés  dans  la 
Plupart  des  systèmes  d'éducation.  Nous  renvoyons ,  à  eet 
égard,  aux  divers  écrits  publiés  sur  sa  méthode  par  celui  de 
ses  collaborateurs  qui  en  avait  le  mieux  saisi  la  partie  philo- 
sophique et  qui  était  en  même  tems  le  plus  chaud  de  ses  an- 
ciens amis,  M.  Niederer,  aujourd'hui  chef  d'un  institut  de 
demoiselles  à  Yverdun  (i). 

(i)  Voyez  aussi  l* Esprit  de  la  méthode  de  Pestalozzi  ,  précédé  d'un 
Précis  sur  l'institut  d'éducation  d'T'rerdun  ,   par   M.   •/    Jullien.  L*au- 


3oa  NOTICE  BIOGRAPHIQUE 

Personne  n'a  exposé  peut  élre  avec  plus  de  précision  ce 
qu'il  y  avait  de  réellement  neuf  dans  les  principes  et  dans  la 
méthode  de  Pestalozzi,  ainsi  que  dans  la  conception  et  l'orga- 
nisation de  son  institut  (voy.  Schlîcssliche  Rechtfertigung  des 
Pcstalozzischcn  Instituts  gcgcn  seine  Verleumdcr.  Justification 
définitive  de  l'institut  de  Pestalozzi,  contre    ses  détracteurs. 
Iferten,  i8i3,  s.  56 — 63.).  L'ouvrage  que  nous  venons  de  citer, 
et  d'autres  ouvrages,  sortis  de  la  même  plume,  nous  initient 
complètement  aux  grandes  vues  psycologiques  qui  ont  servi 
à  Pestalozzi  de  point  de  départ  et  de  fil  conducteur:  le  peu 
que  nous  avons  dit  ne  montre  pas,  il  est  vrai,  d'une  manière 
suffisante,  mais  fait  du  moins  entrevoir  que  Pestalozzi  a  pris 
l'étude  de  l'esprit  humain  pour  base  de  la  science  qui  en  di- 
rige le  développement;  bien  différent  en  cela  de  ces  hommes 
qui  font  consister  tout  le  succès  de  la  pédagogie  dans  l'acqui- 
sition de  connaissances  plus  ou  moins  étendues,  et  qui  consi- 
dèrent l'esprit  humain  plutôt  comme  un  magasin  d'idées  et  de 
faits  recueillis  au-dehors,  que  comme  l'objet  propre  et  le  but 
final  de  l'éducation.  Ce  point  de  vue  établit  une  distance  im- 
mense entre  la  marche  de  Pestalozzi  et  la  méthode  lancasté- 
rienne,  quoique  le  philosophe  populaire  de  Zurich  se  soit  aussi 
proposé,  outre  la  dissémination  des  lumières  dans  les  classes 
inférieures,  d'établir  un  enseignement  mutuel,  mais  dans  les 
familles  plutôt  que  dans  les  écoles.  Les  personnes  qui  ont  cru 
apercevoir  une  analogie  entre  les  deux  méthodes,  paraissent 
n'avoir  pas  vu  que  la  première  est  un  système  psycologique 
d'éducation,  tandis  que  la  seconde  n'est  qu'un  mode  simplifié 
d'instruction.  Les  ressorts  même ,  employés  dans  les  deux  mé- 


teur  examine  d'abord  l'institut  considéré  dans  son  origine ,  dans  ses 
premières  vicissitudes  ,  dans  son  organisation  intérieure  et  dans  sa 
situation  ,  alors  très-florissante  ,  en  i8ro  et  1811;  puis,  il  expose  suc- 
cessivement les  principes  fondamentaux  de  la  méthode  d'éducation  de 
Pestalozzi,  les  caractères  essentiels  qui  la  distinguent  des  autres  mé- 
thodes ,  ses  moyens  spéciaux  d'exécution,  et  ses  résultats.  Milan,  181  a. 
3  vol.  in- 8°. 


SUR  PESTALOZZL  îo3 

thodes  sont  ectièrcmenl  difTcrens,  ainsi  que  l'a  observé  avec 

beaucoup  de  justesse   un   écrivain   doué  (l'un   raie  coup  d'œil 

philosophique  |  et  que  je  m'honore  de  compter  au  nombre  de 

mes  collègues  et  de  mes  amis  :  «  La  méthode  de  Pestalozzi, 
dit-il,  en  cherchant  dans  les  forces  morales  et  intellectuelles 

de  reniant  le  mobile  de  son  activité  et  la  source  de  ses  vrais 
progrès,  suppose  dans  l'esprit  une  puissance  indépendante  des 
circonstances  extérieures  et  qui  n'a  pas  besoin  de  leurs  se- 
cours. La  méthode  lancastérienne ,  au  contraire,  emploie  pour 
animer  les  élèves  des  motifs  et  des  sentimens  qui  sont  peut- 
être  moins  L'ouvrage  de  la  nature  que  celui  des  hommes  (i).   » 

11  y  aurait  eu  dans  le  système  de  Pestalozzi  une  lacune  im- 
portante, si  son  auteur  n'avait  pas  eu  en  vue  l'éducation  des 
mères,  ces  premiers  dépositaires  du  cœur  des  enfans,  et  que 
la  nature  appelle  à  présider  aux  premiers  développcmens  de 
leur  sensibilité  et  de  leur  intelligence.  Si  Rousseau  a  ramené 
tant  de  mères  aux  sentimens  de  la  maternité,  Pestalozzi  les  a 
instruites  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions  les  plus  augustes; 
plusieurs  de  ses  écrits  et  particulièrement  son  admirable  livre 
intitulé:  Comment  Gcrtrude  instruit  ses  enfans,  nous  montrent 
ce  qu'il  a  voulu  faire;  le  tems  et  l'expérience  apprendront  à 
nous  ou  à  nos  successeurs  ce  qu'il  a  fait  effectivement. 

A  ce  dernier  égard,  comme  à  tous  les  autres,  nous  sommes 
trop  rapprochés  du  moment  où  son  génie  actif  a  donné  une 
impulsion  nouvelle  aux  idées  pédagogiques,  pour  embrasser 
d'un  coup  d'œil  toute  la  sphère  dans  laquelle  le  mouvement 
s'est  propagé.  Mais,  ce  que  nous  n'hésitons  point  à  dire,  c'est 
que  les  travaux  de  Pestalozzi  fixent  dans  l'histoire  de  l'éduca- 
tion une  ère  nouvelle;  c'est  que  cet  homme  extraordinaire  n'a 
encore  posé  en  quelque  sorte  qu'un  principe  dont  les  généra- 
tions futures  déduiront  les  conséquences,  et  dont  la  génération 

(i)  Des  principales  opinions  sur  l'origine  des  idées  ;  dissertation  par  y^/î- 
«/re'GiNDROz,  ministre  du  Saint-Evangile,  aujourd'hui  professeur  de 
philosophie  à  l'académie  de  Lausanne.  Lausanne,  1817.  In-4°  de 
66  pages. 


">>  >,  KOTÏCE  BIOGRAPHIQUE 

présente  a  déjà  vu  quelques  développcmens ,  sans  savoir  tou- 
jours à  quel  principe  eile  devait  les  rapporter.  L'idée  que 
Pestalozzi  a  poursuivie  durant  une  vie  entière  et  a  laquelle, 
malgré  tant  de  mécomptes  et.  de  tristes  expériences,  il  s'est 
attaché  avec  foi ,  aux  portes  mêmes  du  tombeau,  n'est  pas  de 
celles  qui  meurent  avec  l'homme  ;  elle  est  un  noble  legs  fait  à 
l'humanité. 

En  1819,  Pestalozzi  a  commencé  à  publier  ses  œuvres  com- 
plètes, dont  le  produit  a  été  destiné  par  lui  à  la  fondation  d'une 
école  pour  des  enfans  pauvres.  Nous  nous  bornerons  à  indi- 
diquer  ici  le  contenu  des  volumes  que  nous  avons  sous  les 
yeux. 

T.  I — IV  (1819,  1820).  Léonard  et  Gertrude,  3me  édit. 

T.  V  (1820).  Comment  Gertrude  instruit  ses  enfans ,  ou  di- 
rections adressées  aux  mères  sur  la  manière  d'instruire  elles- 
mêmes  leurs  enfans. 

T.  VI  (1820).  A  r innocence ,  à  la  gravité  9  à  la  magnanimité 
de  ma  patrie  ;  paroles  adressées  avec  courage  et  humilité  à  ses 
contemporains,  avec  foi  et  avec  une  ferme  espérance  à  la  pos- 
térité, par  un  vieillard  qui,  fatigué  des  longues  luttes  de  sa 
vie,  voudrait,  avant  de  mourir,  déposer  une  offrande  de  con- 
ciliation sur  l'autel  de  l'humanité,  sur  l'autel  de  tons  les  enfans 
de  Dieu. 

T.  VII  (1821).  Mes  recherches  sur  la  marche  de  la  nature 
dans  l'éducation  du  genre  humain.  —  Sur  la  législation  et  l'in- 
fanticide. 

T.  VIII  (1822).  Continuaiion  du  précédent  ouvrage  :  —  Sur 
le  principe  de  l'éducation  élémentaire  ;  discours  prononcé  à  la 
société  suisse  des  amis  de  l'éducation  en  1809. 

T.  IX   (1822).  Divers  écrits  sur  l'éducation. 

T.  X  (1823).  Figures  pour  ma  croix  de  pardicu ,  ou  pour  fa- 
ciliter les  premiers  développemens  de  la  réflexion;  (ce  sont  des 
apologues  populaires  et  ingénieux  ). 

T.  XI  (1823).  Vues  et  expériences  concernant  le  principe  de 
l'éducation  élémentaire ,  accompagnées  d'opuscules  et  de  frag- 
ment sur  la  marche  et  l'histoire  de  mes  travaux. 


SUH    PKSTAI.OZZ1.  *5o5 

T.  XII  (1824).  Christophe  et  Elisabeth ,  second  livre  popu- 
aire. 
Dans  cette  collection ,  telle  que  nous  la  possédons,  ne  sont 
ompris  ni  le  Livre  des  mères,  ni  les  quatre  autres  volumes  élé- 
mentaires pour  l'application  des  principes  de  l'auteur.  Le  vo- 
ume  intitule  :  Mes  Ûestinées  ,  dont  il  a  été  question  plus  haut, 
ne  s'y  trouve  pas  non  plus.  Après  ce  dernier  ouvrage,  Pesta- 
lozzi  a  publié  un  nouveau  volume  dans  lequel  ses  véritables 
amis  ont  reconnu  son  génie  et  sa  belle  âme. 

C.  Monna&d. 


t.  xxxvi.  —  Novembre  1827.  20 


II.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 


SCIENCES  PHYSIQUES. 

Dictionnaire  d'agriculture  pratique  ,  contenant  la 
grande  et  la  petite  culture,  V économie  rurale  et  do- 
mestique y  la  médecine  vétérinaire ,  etc.  ;  par  MM.  Fran- 
çois de  Neufchateau,  A.  Poiteau,  ancien  directeur 
des  cultures  aux  habitations  royales  de  la  Guyane, 
A.  Aubert  du  Petit  Tiiouars,  de  l'Académie  des 
sciences,  Noisette,  Lachevardière ,  Bulos,  Cels, 
Senac  fils,  Maurice,  etc.;  précédé  à' une  Introduction 
sur  la  manière  d'étudier  et  d'enseigner  V agriculture  ; 
par  M.  le  comte  François  de  Neufchateau  ,  de 
l'Académie  française,  etc.  (i). 

A  l'époque  où  nous  fûmes  chargés  d'annoncer  à  nos  lecteurs 
ce  nouvel  ouvrage  sur  les  scienees  agricoles,  nous  aurions 
été  forcés  de  garder  le  silence  sur  une  partie  de  ce  qu'il  ren- 
ferme. La  censure  n'aurait  pas  manqué  d'apercevoir  un  but 
politique  dans  l'exposition  de  projets  conçus  en  1801;  l'indis- 
pensable visa  n'eût  point  été  apposé.  Nous  nous  sommes  donc 
bornés  à  lire  ce  dictionnaire  et  son  introduction,  attendant, 
pour  en  parler,  que  nous  pussions  jouir  au  moins  de  quelques 
momens  de  sécurité. 

L'analyse  d'un  dictionnaire  ne  peut  être  que  l'indication  du 


(1)  Paris,  1827  ;  Aucher-Eloy,  rue  de  la  Harpe  ,  n°  65.  2  vol.  in-8c 
de  706-779  pages,  avec  figures  en  faille  douce;  prix,  21  fr. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  krç 

I  >  ■  1 1  que  les  rédacteurs  avaient  en  vue,  des  idées  communes  à 
ions,  ci  qui  établissent  la  coordination  de  leurs  travaux.  C'est 
dans  la  préface  el  l'introduction  que  l'on  petit  reconnaître  le 
plan  do  l'ouvrage,  et.  se  mettre  en  état  <1<'  mieui  apprécier  les 
Bétails.  Un  traité  méthodique  n'a  pas  besoin  de  ces  moyens 

préparatoires  dont  nb  autour  croit  devoir  user  envers  son 
lecteur;  si  l'ordre  des  idées  est  exactement  suivi,  si  la  mé- 
thode est  bonne,  et  si  elle  a  dirigé  constamment  la  rédaction 
de  tout  l'ouvrage |  le  lecteur  est  assez  disposé,  et  peut  se 
mettre  à  l'étude  :  ordinairement  il  va  droit  au  fait,  et  ne  lit 
que  ce  qui  renferme  l'instruction  qu'il  veut  acquérir;  et  l'au- 
teur eut  pu  se  dispenser  d'écrire  ce  qui  ne  sera  pas  lu.  Mais 
lorsqu'il  s'agit  d'un  livre  qui  n'est  pas  destiné  à  une  lecture 
suivie,  quelques  indications  peuvent  abréger  les  recherches 
que  l'on  y  fait,  et  rendre  plus  fructueuses  les  notions  que  l'on 
en  tire;  il  convient  alors  de  commencer  par  mettre  entre  les 
mains  du  lecteur  le  fil  qui  doit  le  diriger.  Nous  avons  donc  com- 
mencé par  la  préface;  l'introduetion  est  venue  après  ,  et  quel- 
ques articles  du  dictionnaire  ont  terminé  notre  examen;  nous 
allons  en  rendre  compte  dans  le  même  ordre. 

Dans  la  préface,  les  éditeurs  de  ce  dictionnaire  annoncent 
que  rien  d'essentiel  n'y  est  omis  ,  qu'ils  ont  prétendu  offrir  aux 
habitans  des  campagnes  «  un  guide  manuel,  un  véritable  for- 
mulaire à  leur  usage,  en  se  proposant  de  le  rendre,  autant  que 
possible,  complet,  portatif  et  peu  coûteux.»  Plus  loin,  on  lit 
que  ce  dictionnaire  «  présente  l'ensemble  des  acquisitions  que 
la  science  a  faites,  des  perfectionnemens  qu'elle  a  reçus,  de  ma- 
nière a  ce  que  chaque  cultivateur  puisse  en  tirer  parti.  Le  jar- 
dinage (horticulture),  la  chasse,  la  pêche,  quelques  autres 
accessoires  ,  tels  que  la  connaissance  de  l'arpentage  et  celle  des 
principales  lois  qui  régissent  la  propriété,  des  notions  de 
médecine  données  avec  réserve,  et  pour  les  cas  seulement  où 
Ton  peut  se  passer  du  médecin  ;  enfin  ,  tout  ce  qui  se  rattache  , 
soit  médialement,  soit  immédiatement  aux  labeurs  champêtres, 
aux  agrémens  de  la  maison  rustique,  à  sa  commodité,  à  sa 
salubrité,  à  son  économie,  etc.,  a  été  réuni  clans  cet  ouvrage. 

20. 


3oS  SCIENCES  PHYSIQUES. 

On  n'y  trouvera  aucune  assertion  qui  ne  repose  sur  des  faits 
constatés;  aucune  opération  qui  n'ait  été  rigoureusement  ex- 
périmentée, et  qui  ne  soit  décrite  avec  l'intention  d'être  clair, 
eu  allant  directement  au  but  sans  digression.  »  Vient  ensuite 
une  liste  de  plus  de  cent  auteurs  modernes  dont  les  ouvrages 
ont  été  consultés.  Voilà  le  programme  :  s'il  est  rempli,  l'ou- 
vrage mérite  la  reconnaissance  des  agronomes;  mais  voyons 
d'abord  comment  M.  François  de  Neufcb'âteau  conseille  d'étu- 
dier et  d'enseigner  l'agriculture.  Le  mémoire  où  ses  vues  sont 
exposées  nous  reporte  en  arrière  d'un  quart  de  siècle,  et  rap- 
pelle des  circonstances  qui  ne  peuvent  revenir  :  il  faut  que  ses 
lecteurs  s'attachent  à  séparer  les  vérités  de  tous  les  tems  et  les 
préceptes  applicables  dans  tous  les  lieux,  à  généraliser  ce  qui 
n'a  pu  être  discuté  que  pour  un  cas  particulier. 

L'agriculture  est  un  art,  et  par  conséquent,  l'étude  et  l'en- 
seignement de  la  théorie  ne  suffisent  point;  il  est  indispensable 
d'y  joindre  les  connaissances  que  la  pratique  seule  peut  donner. 
L'auteur  prouve  aisément  que  les  écrits  des  anciens  agronomes 
ne  sont  plus  une  source  d'instruction  pour  les  cultivateur?  , 
quoique  les  sa  vans  y  puisent  encore  une  érudition  très- 
agréable,  comme  on  le  voit  par  ce  mémoire.  En  traversant  le 
moyen  âge  pour  arriver  jusqu'aux  écrivains  modernes,  on  ne 
trouve  non  plus  rien  qui  puisse  ajouter  à  nos  connaissances 
agricoles,  jusqu'à  ce  qu'OLiviER  de  Serres  ait  mis  entre  les 
mains  de  ses  compatriotes  son  Théâtre  d'agriculture }  ou  Ml** 
nage  des  champs.  Franchissant  près  de  deux  siècles,  l'auteur 
du  Mémoire  s'arrête  au  Cours  complet  d'agriculture  par  l'abbé 
Rozier,  le  plus  grand  monument  typographique  que  l'on  ait 
dédié  au  plus  noble  des  arts.  Mais  l'abbé  Rozier  ne  bornait 
pas  ses  vues  à  l'instruction  agronomique  par  le  moyen  des 
livres;  il  en  voulait  une  autre  encore  plus  efficace,  il  la  regar- 
dait comme  indispensable;  il  croyait  que  sa  patrie  allait  en 
jouir,  et  qu'il  aurait  eu  le  bonheur  de  contribuer  aux  progrès 
rapides  qui  seraient  infailliblement  amenés  par  l'institution 
qu'il  méditait;   mais  les  foudres  de  la   révolution   frappèrent 


SCIENCES  PHYSIQUES.  3og 

]<-siv.mi  et  vertueux  agronome  i)«  Sou  projet  lui  survécut; 
il  l'avait  développé  dans  un  Mémoire  adressé  à  L'Assemblée 
Constituante.  Cet  écrit  ne  sorti!  point  des  cartons  <!u  comité 
d'agriculture,  et  l'Assemblée  législative  en  hérita  :  M.  Fran- 
çois de  NeufcMteau  en  était  membre,  l'abbé  Rosier  reprit 
Courage  et  quelque  espoir.  Il  s'adressa  promptement  à  l'ami 
des  champs,  devenu  législateur:  «  Au  nom  de  la  chère  agri- 
culture, disait-il,  lisez  et  jugez.  Si  vous  croyez  mes  idées 
saines,  faites  juger.  Mon  Mémoire  est  intitillé  :  Plan  (l'une 
croie  nationale  <V agriculture  dans  le  parc  de  Chambord.  Le 
district  et  le  département  séant  à  lîlois  furent  consultés  dans 
le  tems;  leurs  réponses  toutes  approbatives  doivent  etre 
déposées  dans  les  mêmes  archives.  Le  comité  d'agriculture  me 
marqua  que  l'Assemblée  ne  s'occuperait  pas  des  établissemens 
de  détails,  qu'ils  regardaient  les  assemblées  suivantes.  Vous 
vous  trouvez  donc  au  point  désigné  :  si  j'ai  raison,  c'est  à  vous 
d'agir  pour  la  commune  patrie...  Lorsqu'à  mon  âge,  fort 
au-dessus  de  tous  les  besoins,  et  dans  la  plus  délicieuse  habi- 
tation, je  sollicite  mon  déplacement,  vous  devez  être  bien 
convaincu  que  je  ne  vois,  que  je  ne  désire,  que  je  ne  soupire 
même  qu'après  l'avancement  de  l'agriculture  dans  toutes  les 
parties  du  royaume  que  mon  plan  embrasse.  L'intérêt  n'a 
aucune  part  à  ma  demande;  j'ai  de  tout  tems  été  citoyen,  je 
le  suis  et  le  serai  jusqu'au  dernier  instant  de  ma  vie.  » 

Continuons  à  mettre  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  quelques 
extraits  de  l'intéressante  narration  de  M.  François  de  Neuf- 
château.  Les  faits  qu'elle  nous  révèle  ne  sont  pas  moins  pré- 
cieux pour  l'histoire  que  des  récits  de  batailles  ou  de  négo- 
ciations diplomatiques. 

«  Sur  cette  lettre  ,  vous  pouvez  juger  de  l'ardeur  que  je  mis 
sur-le-champ  à  faire  rechercher,  dans  les  cartons  et  les  papiers 
du  comité  d'agriculture,  les  pièces  dont  l'abbé  Rozier  me  don- 
nait l'indication;  mes  recherches  pressantes  furent  infruc- 
tueuses; les  pièces  avaient  disparu.  Je  m'en  informai  par  écrit 

(i)  Il  fut  tué  par  une  bombe  ,  au  siège  de  Lyon,  en  1793. 


3io  SCIENCES  PHYSIQUES. 

près  du  chevalier  Lamekville,  cligne  ami  de  l'agriculture  qui 
avait  fait  un  bon  rapport  sur  le  Code  rural,  à  l'Assemblée 
constituante.  Il  était  alors  revenu  dans  le  Berri ,  à  ses  moutons 
cjont  il  était  aussi  un  fort  zélé  panégyriste,  (i)  Il  ne  put  me 
donner  aucun  renseignement  sur  le  plan  de  l'abbé  Rozier, 
dont  il  n'avait  qu'une  idée  vague.  Par  un  hasard  fort  singulier, 
je  n'ai  su  que  long-tems  après,  que  l'original  de  ce  plan, 
détourné  par  je  ne  sais  qui,  avait  été  pour  lors  envoyé  en 
Espagne,  où  on  l'avait  traduit,  et  d'où  il  nous  est  revenu, 
mais  retraduit  de  l'espagnol.  Quand  même  je  l'aurais  recouvré 
en  1791  ou  1792,  la  crise  politique  et  les  tempêtes  qui  gron- 
daient alors  avec  tant  de  fureur  ne  m'eussent  pas  laissé  un  seul 
moment  propice  pour  remettre  ce  plan  sous  les  yeux  des  lé- 
gislateurs de  ce  tems  si  orageux,  suivi  bien  peu  après  de  tems 
plus  orageux  encore.  » 

M.  François  de  Neufchâteau  rapporte  plusieurs  extraits 
de  ce  projet  qui  fut  généralement  approuvé  par  les  hommes 
les  plus  recommandabies  de  l'époque  où  l'abbé  Rozier  le 
communiqua  pour  la  première  fois.  La  France  en  aurait  peut- 
être  obtenu  l'exécution,  si  Tnrgot  eût  pu  rester  quelques 
années  de  plus  au  ministère.  En  se  chargeant  d'imprimer  le 
mouvement  à  l'institution,  et  de  la  diriger  aussi  long-tems  que 
ses  soins  seraient  jugés  utiles,  l'auteur  déclarait  qu'il  ne  rece- 
vrait ni  traitement,  ni  indemnité,  afin  de  diminuer,  disait-il, 
les  frais  d'état-major,  ordinairement  si  ruineux  pour  les  éta- 
blissemens  qui  peuvent  le  mieux  se  passer  de  cette  sorte  de 
luxe.  Le  sage  agronome  réservait  au  clergé  des  campagnes 
l'honorable  emploi  de  répandre  les  bonnes  méthodes  de  cul- 
ture; et  de  jeunes  prêtres  instruits  dans  son  école  normale  y 
auraient  acquis  un  moyen  de  plus  d'exercer  dignement  leur 
ministère  de  bienfaisance.  Peu  à  peu,  les  routines,  opiniâtres 
parce  qu'elles  sont  aveugles,  auraient  fait  place  à  des  pratiques 

(2)  Lorsque  la  révolution  commença  à  rétrograder,  le  paisible  M.  de 
Lamerville  fut  persécuté  dans  le  Berry.  Le  sentiment  des  maux  de  sa 
patrie  abrégea  beaucoup  son  utile  carrière,  N.  du  R. 


SClKNCl.s  PHYSIQUES.  lit 

MiéclainVs,  ei  |>;u  conséquent  dociles  et  perfectibles.  A  l'époque 
tic  la  révolution  ,  l'homme  de  bien  crut  voir  le  moment  où  ses 
■peux  allaient  être  exaucés;  la  morl  seule pul  interrompre 
vives  sollicitations  en  faveur  de  l'école  d'agriculture.  Ge  plan 
trouva  dans  RI.  François  de Neufchâteau  un  patron  non  moins 

f^zélé,  et  encore  plus  en  étal  <lc  lad.ipt*!  aux  circonstances,  et 
de  profiter  de  tout  ce  qui  pourrait  lui  être  favorable.  I.a  lecture 
d'  Vrllitir  ï  onng  lui  (il  sentir  de  plus  en  plus  l'importance  des 
vues  de  l'abbé  llozicr  :  voici  ce  que  dit  l'agronome  anglais,  au 

\  sujet  du  parc  de  Chambord. 

...«  11  y  a  de  grandes  parties  de  ce  parc  en  (riche,  ou  eu 
bruyères,  ou  du  moins  dans  un  état  médiocre  de  culture.  Je  ne 
DUS  m  empêcher  de  penser  que,  s'il  venait  un  jour  dans  l'idée 
du  roi  de  France  d'établir  une  ferme  complète  de  navets,  à  la 
mode  d'Angleterre,  cet  endroit  serait  fort,  propre  à  cet  objet. 
Qu'il  donne  le  château  au  directeur  et  à  tons  ses  a  gens  :  les  ca- 
sernes, qui  ne  servent  maintenant  à  rien,  fourniront  des  étabîcs 
aux  troupeaux: ,  et  le  bénéfice  du  bois  sera  suffisant  pour  former 
et  maintenir  l'établissement.  Quelle  différence  entre  l'utilité 
d'un  pareil  établissement  et  l'inutilité  d'une  grande  dépense  faite 
ici  pour  soutenir  un  misérable  haras  qui  ne  tend  qu'au  mal! 
J'aurai  beau  néanmoins  recommander  de  pareils  établissemens 
d'agriculture  ,  ils  n'ont  jamais  été  entrepris  dans  aucun  pays, 
et.nc  léseront  jamais,  jusqu'à  ce  que  les  hommes  soient  gou- 
vernés par  des  principes  tout-à-fait  contraires  à  ceux  qui  pré- 
valent aujourd'hui,  jusqu'à  ce  qu'on  croie  qu'il  faut  pour 
l'agriculture  nationale  autre  chose  que  des  Académies  et  des 
mémoires.  »  C'était  avant  1789  t\\\  Arthur  Young  gourmandait 
ainsi  la  France  et  son  gouvernement. 

La  lecture  de  ce  passage  et  de  plusieurs  autres  relatifs  à  la 
Sologne  décidèrent  M.  François  de  Neufchâteau  à  visiter  avec 
le  plus  grand  soin  Cliambord,  son  parc  et  ses  environs.  Le 
résultat  de  cet  examen  fut  d'agrandir  les  vues  de  l'abbé  Ro- 
zier,  d'ajouter  à  son  projet  d'école  plusieurs  enseignemens 
auxquels  il  n'avait  pas  pourvu;  l'établissement  conçu  sur  une 
plus   grande  échelle   devait   être  poljrgcorgique ;  les    moyens 


3 ii  SCIENCES  PHYSIQUES, 

d'exécution  étaient  médités  et  calculés,  les  mémoires  adressés 
au  gouvernement  :  pendant  ce  tems,  Bonaparte  s'emparait  de 
la  France.  L'auteur  du  nouveau  projet  raconte  son  entrevue 
avec  le  premier  consul;  toutes  ses  espérances  s'évanouirent, 
mais  ses  vœux  n'en  furent  pas  moins  ardens,  et  ils  le  sont  en- 
core. C'est  toujours  vers  Chambord  que  ses  regards  sont  dirigés, 
lorsqu'il  pense  au  besoin  que  nous  avons  d'une  grande  école 
d'agriculture,  d'une  institution  véritablement  polygeorgique. 
Cette  introduction  est  une  lecture  pleine  d'attraits.  L'auteur  a 
mis  à  la  suite,  sous  le  titre  de  pièces  justificatives ,  des  Mémoires 
sur  la  culture  du  chanvre  considérée  comme  moyen  de  pré- 
parer la  terre  pour  les  céréales,  sur  les  moyens  d'augmenter 
les  produits  de  la  vigne,  et  sur  la  fabrication  des  pâtes  légu- 
mineuses. Tous  ces  objets  seraient  compris  dans  l'enseigne- 
ment, tel  que  M.  François  de  Neufchâteau  l'avait  conçu  dans 
son  projet  d'école  nationale  d'agriculture. 

Nous  nous  sommes  arrêtés  long-tems  sur  l'introduction, 
moins  cependant  que  nous  ne  l'aurions  désiré.  Venons  main- 
tenant au  dictionnaire;  et,  comme  il  est  évident  que  les  rédac- 
teurs ont  été  courts,  voyons  si  l'ouvrage  est  complet  et  au 
niveau  des  connaissances  acquises. 

A  l'article  Cèdre,  le  lecteur  est  renvoyé  au  mot  Mélèze  : 
pourquoi?  fallait-il  confondre  deux  arbres,  parce  qu'ils  sont 
delà  même  famille;  et  le  magnifique  cèdre  du  Liban  ne  mé- 
ritait-il pas  au  moins  une  simple  mention?  S'il  est  exclus 
comme  arbre  exotique,  on  demandera  par  quel  privilège  le 
tulipier  n'est  pas  compris  dans  cette  exclusion.  L'indication 
des  arbres  propres  à  notre  sol,  et  qui  seront  une  précieuse 
acquisition  pour  nos  arts,  ne  doit  être  omise  dans  aucun  ou- 
vrage d'agriculture.  On  regrette  que  les  érables,  dont  les  es- 
pèces les  plus  intéressantes  sont  omises,  n'aient  pas  obtenu 
plus  de  place  que  les  millepertuis,  etc.  Quelques  omissions  peu- 
vent être  tolérées  dans  un  traité,  plutôt  que  dans  un  diction- 
naire. Les  éditeurs  de  cette  sorte  d'ouvrages  devraient  avoir 
sans  cesse  sous  les  yeux  l'image  fidèle  d'un  lecteur  désappointé 
qui  ne  trouve  point  l'article  dont  il  a  besoin  :  ce  n'est  jamais 


SCIENCES  PHYSIQUES.  Si3 

ej,j  impunément  (ju'ils  s'exposent  au  courrooi  de  ce  juge  inexo 
rnble. 

"Sous  le  disons  à  regrel  ;  il  manque  à  ce  dictionnaire  beau- 
loup  de  mots  que  l'on  v  cherchera.  Lvec  plus  de  regrel  encore, 
nous  ajouterons  que  beaucoup  d'articles  sont  incomplets.  On 
sait,  par  exemple,  dans  le  midi  de  la  France,  beaucoup  plus 

de  choses  sur  le  figuier  que  l'on  n  en  trouve  dans  ce  diction- 
naire. On  ne  regardera  |  as  comme  une  compensation  à  cette 
Disette  certains  détails  étrangers  à  l'agriculture,  tels  que  la 
salaison  des  harengs,  de  la  morue,  etc.  On  remédie  aux  omis- 
sions par  un  supplément ,  aux  superfluités  par  de  courageuses 
suppressions;  mais,  comment  insérer  dans  les  articles  trop 
courts  ce  qui  serait  nécessaire  pour  les  compléter?  Il  semble 
bien  établi  par  l'expérience  qu'en  fait  d'arts,  la  prolixité  est 
moins  à  craiudre  dans  les  ouvrages  qu'un  laconisme  qui  con- 
tiendrait peu  de  mots,  et  encore  moins  de  choses. 

Que  faut-il  donc  penser  de  ce  dictionnaire?  qu'il  lui  manque 
au  moins  i\eu\  volumes.  Il  renferme  un  très-grand  nombre 
d'articles  excellais  ,  et  d'une  étendue  proportionnée  à  l'impor- 
tance de  leur  objet;  s'ils  avaient  servi  de  modèle  à  tous  les 
autres,  le  succès  cîc  l'ouvrage  eût  été  certain.  Tel  qu'il  est,  on 
peut  encore  en  faire  un  bon  usage;  mais  on  sent  que  te  travail 
a  manqué  d'ensemble,  que  les  diverses  parties  ne  sont  pas 
coordonnées,  et  dans  leurs  véritables  rapports  ,  qu'il  eût  fallu 
commencer  par  une  table  générale,  non-seulement  des  articles, 
mais  des  matières  diverses  que  l'on  y  ferait  entrer.  Une  se- 
conde édition  peut  satisfaire  à  ces  conditions  imposées  par  les 
lecteurs,  et  alors,  l'ouvrage  sera  l'un  des  dons  les  plus  pré- 
cieux que  l'on  ait  faits  aux  sciences  agricoles.  N. 


3i4  SCIENCES  PHYSIQUES. 

Voyage  métallurgique  en  Angleterre  ,  ou  Recueil 


de    mémoires  sur   le  gisement ,    V exploitation   et   le  . 
traitement  des  minerais  d'étain ,  de  cuivre,  de  plomb, 
de  zinc  et  de  fer ,    dans  la  Grande-Bretagne  ;  par 
MM.  Dufrénoy  et  Élie  de  Beaumont,  ingénieurs  des  ! 
mines  (i). 

Les  voyages  des  deux  savans  auteurs  de  ces  Mémoires  furent 
entrepris,  en  1823,  d'après  les  ordres  du  directeur  général 
des  ponts-et- chaussées  et  des  mines  :  leurs  observations  furent 
insérées  successivement  dans  les  Annales  des  mines ,  depuis 
1824  jusqu'en  1827.  Mais,  pour  les  mettre  plus  à  la  portée  de 
ceux  qui  ont  besoin  de  les  consulter,  il  convenait  de  les  réunir; 
au  point  où  nous  en  sommes,  et  malgré  les  immenses  progrès 
que  nos  arts  métallurgiques  ont  faits  depuis  le  commencement 
de  ce  siècle,  nous  pouvons  nous  instruire  encore  à  l'école  des 
Anglais.  Remarquons,  au  sujet  des  Annales  des  mines,  qu'un 
recueil  qui  a  fourni  les  matériaux  d'un  ouvrage  tel  que  celui-ci, 
peut  se  passer  de  toute  autre  recommandation  ;  ii  est  suffi- 
samment apprécié  par  des  extraits  aussi  imporlans,  et  par  la 
confiance  que  lui  accordent  les  savans  étrangers,  toujours 
empressés  de  le  consulter  et  de  le  citer. 

La  mission  de  MM.  Dufrénoy  et  Élie  de  Beaumont  était  prin- 
cipalement géologique  :  mais  on  ne  peut  étudier  la  structure 
des  couches  terrestres  et  l'ordre  de  leur  superposition,  sans 
faire  en  même  tems  la  minéralogie  de  la  contrée  que  l'on  ob- 
serve ;  et,  si  cette  contrée  est  couverte  d'exploitations  où.  toutes 
les  ressources  des  arts  sont  déployées,  tout  invite  à  se  livrer 
à  l'étude  de  ces  arts,  de  ces  procédés,  afin  de  les  transporter 
dans  sa  patrie.  On  pouvait  être  assuré  d'avance  que  nos  deux 
ingénieurs  des  mines  rapporteraient  un  portefeuille  bien  rem- 
pli de  notes  et  de  mémoires  sur  les  travaux  métallurgiques  des 
Anglais  ,  quand  môme  ils  n'auraient  pas  été  spécialement  char- 

(1)  Paris.  1827  ;  Bachelier.  In-8°  de  372  pages,  avec  un  atlas  de 
17  planches;  prix,  12  fr.  5o  c. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  5i5 

;cs  de  recueillir,  su:  eeï  objet,  toute  l'instruction  qui  sérail  ;» 

t'iir  portée.  Ils  ont  profité  des  communications  bienveillantes 
jui  leur  ont  été  faites  par  plusieurs  propriétaires  et  chefs  de 
bines,  et  des  précieux  dOcumeUS,  îles  secours  de  toute  sorte 
'fqu'ils  ont  reçus  tics  savans  les  plus  distingués  de  la  Grande  - 
-Ulf  Bretagne.   Cependant  en   considérant   l'immensité  des  objets 
qu  ils    devaient  embrasser,  les  modestes   auteurs   sont   fort 
éloignes    de  croire  que  leur  travail  puisse   être  complet;  ils 
soupçonnent  même  que  la  vérification  la  plus  scrupuleuse  des 
faits  et  des  documens  contenus  dans  leurs  mémoires  n'a  pas 
fait  disparaître  quelques  erreurs,  et  ils  réclament  pour  leur 
ouvrage  une  indulgence   qu'il   obtiendrait  certainement,  et  à 
bon  droit ,  s'il  en  avait  réellement  besoin. 

L'ordre  des  mémoires  est  tracé  dans  le  titre  du  livre.  Les 
ailleurs  commencent  par  les  mines  d'étain  et  de  cuivre  du 
Cornouailles.  Les  îles  britanniques,  disent-ils  ,  versent  dans  le 
commerce  plus  de  ces  l\cux  métaux  qu'aucune  autre  nation  de 
l'Europe,  et  la  presqu'île  du  Cornouailles  et  une  partie  du 
Dcvonshire  fournissent  seules  tout  l'étain,  elles  sept  huitièmes 
de  cette  énorme  quantité  de  cuivre.  Le  produit  annuel  des 
mines  d'étain  varie  beaucoup  :  en  1817,  il  s'éleva  jusqu'à 
4,182,082  kilog.  ;  et  en  1820,  il  ne  fut  que  de  2,8i5,i57  kilog. 
En  prenant  l'ensemble  des  exploitations  de  cuivre  dans  toute 
la  Grande-Bretagne,  on  voit  que  leur  produit  augmente  depuis 
plusieurs  années  :  en  1822  il  fut  de  1 1,207, 63o  kilog. 

La  constitution  minérale  des  contrées  métallifères,  les  gîtes 
des  minerais,  les  procédés  d'exploitation,  les  préparations 
pour  lafonte,  et  enfin  cette  dernière  opération,  sont  décrits 
successivement,  pour  l'étain  et  pour  le  cuivre.  La  première 
partie  est  celic  qui  offre  le  plus  d'attraits  à  la  simple  curiosité, 
à  cause  des  faits  d'histoire  naturelle  et  de  géologie  qu'elle 
contient  en  assez  crand  nombre.  L'analoj'ic  des  roches  stanni- 
feres  du  Cornouailles,  de  la  Saxe  et  des  côtes  de  Bretagne, 
depuis  l'embouchure  de  la  Loire  jusqu'au  delà  de  Pyriac 
(Morbihan) ,  est  un  fait  très-remarquable,  et  qui  mériterait 
bien  d'être  complété  ou  éclairci  par  l'élude  minéralogique  des 


3i6  SCIENCES  PHYSIQUES. 

contrées  de  l'Inde  où  les  mines  d  etain  sont  si  abondantes.  Le: 
observations  faites  en  Europe  confirment,  disent  nos  auteur$j|| 
1  opinion  de  M.  de  Humboldt  énoncée,  dans  son  Essai  geog- 
nostiquc  sur  le  gisement  des  roches,  que  le  granit  stannifère  es, 
un  des  plus  modernes. 

Les  détails  sur  l'extraction  du  minerai  font  découvrir  auss 
quelques  faits  d'aulant  plus  intéressans  qu'ils  sont  moins  atten- 
dus. On  n'aurait  pas  soupçonné,  par  exemple,  l'existence  de, 
sources  d'eau  douce,  sous  la  mer,  à  plus  de  200  mètres  au-, 
dessous  de  3a  surface  :  on  cherche  à  deviner  comment  la  terril 
s'oppose  assez  efficacement  à  la  filtration  des  eaux  pour  qu'on, 
la  trouve  d'autant  plus  sèche  que  l'on  pénètre  plus  avant  dam 
son  intérieur,  etc.  Quelques  galeries  sous-marines  ont  été 
creusées  si  près  du  fond  ,  que  les  eaux  de  la  mer  y  ont  fait 
irruption  ,  mais  cet  accident  a  été  réparé,  le  passage  des  eaux 
bouché  avec  soin  ,  et  l'exploitation  continuée.  Les  richesses 
métalliques  concédées  au  Corn  ouailles  sont  une  ample  com- 
pensation de  la  stérilité  du  sol  :  d'autres  contrées,  encore  moins] 
propres  à  la  culture,  n'ont  obtenu  aucun  dédommagement.- 
Mais  le  charbon  terre  a  été  refusé  à  ces  roches  si  abondantes 
en  métaux,  en  sorte  que  le  traitement  du  minerai  est  fait  en 
très  grande  partie  hors  du  pays,  dans  les  lieux  bien  pourvus 
de  combustible.  Comme  les  lois  ont  prohibé  l'exportation  du 
minerai  d'étain  ,  on  est  réduit  à  importer  le  charbon  nécessaire 
pour  en  opérer  la  fusion  ,  et  c'est  le  pays  de  Galles  qui  le 
fournit.  Les  navires  qui  l'ont  apporté  retournent  chargés  de 
minerai  de  cuivre,  pour  alimenter  les  fonderies  placées  à  portée 
des  houillères.  C'est  ainsi  que,  dans  les  Pyrénées  françaises, 
la  mine  de  fer  du  Canigou  est  transportée  dans  le  département 
des  Hautes-Pyrénées  où  les  bois  sont  encore  assez  abondans , 
et  que  ce  département  envoie  du  charbon  aux  forges  des  Py- 
rénées-Orientales. Mais,  au  pied  de  ces  montagnes,  l'échange 
du  combustible  et  du  métal  est  fait  par  la  voie  de  terre  :  nous 
sommes  encore  loin  du  tems  où  la  navigation  intérieure  éta- 
blira des  communications  moins  dispendieuses  entre  les  deux 
extrémités  de  la  chaîne. 


, 


1 


SCIENCES  PHYSIQUES.  3i7 

pLes  fonderies  où  le  minerai  d'étaia  du  Cornouailles  est  ra- 

ené  à  i  état  métallique,  appartiennent  en  général  à  des  par- 

■uliers  qui  Dépossèdent  pointde  mines,  et  <jui  achètent  le 

Induit  des  exploitations  voisines,  après  un  essai  que  IMM.  Du- 

inoy  el  l.lie  de  Beaumont  regardent  comme  très-inexact.  Ils 

Si  onviennent  cependant  qu'il  donne  le  même  résultat  que  to  fonte 

111  n  grand  :  niais,  dans    les    londeries    dont  il    s'agit,   un   essai 

)eut-il  avoir  un  antre  but?  et  puisqu'il  l'atteint  en  peu  de  teins 

•t  à  peu  de  frais,  il  semble  que  rien  ne  manque  à  sa  perfection. 

1  Jne  analyse  chimique  plus  exacte  n'apprendrait  pas  aussi  bien 

;e  qu'il  s'agit  de  savoir,  et  ne  serait  pas,  dans    la  pratique, 

jn  guide  aussi  digne  de  confiance.   Les  Anglais  persisteront  Vrai-* 

jcmblablemcnt  dans  leur  méthode  d'essai,  et  ils  feront  bien. 

Les  Allemands  ont  été,  dans  l'art  des  mines,  les  instituteurs 
de  presque  tous  les  peuples  de  l'Europe  continentale  :  on  ne 
peut  reconnaître  si  les  Anglais  ont  participé  à  cette  instruction, 
ou  si  les  procédés  de  leurs  mineurs  sont  tous  indigènes.  En 
comparant  l'affinage  de  l'étain  pratiqué  en  Cornouailles  avec  celui 
des  Saxons ,  on  voit  que  le  premier  consomme  moins  ,  et  produit 
plus  de  mêlai:  on  s'étonne  que  les  Allemands  ne  connaissent  pas 
encore  le  procédé  des  Anglais,  ou  qu'ils  ne  l'aient  pas  adopté. 

Le  Cornouailles  et  le  Devonshire  ne  sont  pas  aussi  riches  en 
cuivre  qu'en  étain  ,  et  ne  possèdent  pas  seuls  des  mines  de  ce 
métal  ;  le  Lancashirc,  le  Cumherland  ,  le  Stafforshire  et  le  Der- 
bvshire,  l'Ecosse  et  l'Irlande,  en  fournissent  aussi  une  quantité 
presque  suffisante  pour  la  consommation  intérieure,  et  dont 
une  partie  est  exportée.  Mais  c'est  dans  le  pays  de  Galles  que 
li  plus  grande  partie  de  ce  métal  est  fabriquée.  Dans  l'espace 
d'un  siècle,  le  port  deSwansea,  qui  n'était  qu'un  petit  village, 
est  devenu  une  ville  déplus  de  dix  mille  habitans,  malgré  les 
pernicieuses  exhalaisonsqueles  fourneaux  répandent  dans  l'air, 
et  qu'on  n'est  pas  encore  parvenu  à  neutraliser  assez  complète- 
ment. On  pense  bien  que  nos  auteurs  décrivent  avec  soin  les 
diverses  tentatives  que  l'on  a  faites  pour  obtenir  ce  résultat 
sollicité  à  la  fois  par  l'intérêt  des  exploitations  et  par  l'humanité. 

Dans  une  note  communiquée  par  M.  Thjbàud,  ingénieur  des 
mines  ,  le  traitement  du  cuivre  pyriteux  dans  le  pays  de  Galles. 


3i8  SCIENCES  PHYSIQUES. 

est  comparé  a  celui  que  des  mines  de  même  nature  reçoivent  à 
Sainbel ,  dans  le  département  du  Rhône.  On  voit,  par  cette» 
comparaison,  que  l'habileté  et  le  savoir  de  nos  mineurs  nei» 
redouteraient  point  la  concurrence  anglaise,  si  notre  sol  était  H 
aussi  riche  en  métaux  que  celui  de  l'Angleterre. 

Les  mines  de  plomb  du  Cumberland  et  du  Derbyshire  sont  le 
sujet  du  second  Mémoire,  dont  la  première  partie,  qui  contient' 
la  description  des  roches  métallifères  et  des  gîtes  du  minerai, 
a  été  rédigée  par  M.  Brochant  de  Villiers,  inspecteur  divi- 
sionnaire des  mines,  et  membre  de  l'Académie  des  sciences.  La 
masse  de  plomb  que  les  mines  d'Angleterre  fournissent  annuel- 
lement est  évaluée  «à  81,900,000  kilog.  ;  on  pense  qu'elle  n'est 
pas  toute  employée  par  la  consommation  intérieure.  Nos  in- 
génieurs n'ont  pu  recueillir  sur  le  travail  de  ces  mines  des 
documens  aussi  précis  que  ceux  qu'ils  avaient  obtenus  dans  le 
Cornouailles  et  le  pays  de  Galles ,  et  ne  comparent  point  les 
procédés  anglais  à  ceux  de  l'Allemagne  et  de  la  France. 

Nos  voyageurs  n'ont  fait  qu'un  Mémoire  très-court  sur  les 
minerais  de  zinc  de  l'Angleterre,  sur  les  procédés  de  leur 
exploitation  et  de  leur  traitement;  l'analogie  des  gisemens  de 
ces  minerais,  en  France,  en  Belgique,  en  Silésie  et  dans  la 
Grande-Bretagne,  et  celle  des  travaux  qu'ils  exigent  pour  en 
extraire  le  métal,  n'exigeaient  pas  plus  de  développemens.  Il 
n'en  est  pas  ainsi  de  la  fabrication  de  la  fonte  et  du  fer  en  An- 
gleterre; cet  art,  que  les  Anglais  ont  approprié  à  l'ensemble  de 
leurs  ressources  locales  et  à  l'état  de  leurs  machines,  est  une 
précieuse  acquisition  pour  la  France  ,  où  il  ne  tardera  point  à 
se  naturaliser.  Nos  ingénieurs  lui  ont  consacré  un  Mémoire 
très-étendu,  aussi  complet  qu'il  a  été  possible  de  le  faire,  ac- 
compagné des  calculs  qui  peuvent  éclairer  et  diriger  les  fabri- 
cans  et  les  spéculateurs.  Ils  commencent  par  un  Aperçu  sur  les 
dijférens  bassins  houillers  de  V  Angleterre,  immense  provision 
de  combustibles  que  des  siècles  d'exploitation  la  plus  active 
n'épuiseront  pas.  On  a  calculé  que  la  couche  ht  plus  produc- 
tive des  mines  de  Newcastle  peut  fournir,  pendant  i5oo  ans, 
autant  que  l'on  tire  aujourd'hui,  tant  pour  la  consommation 
intérieure  que  pour  l'exportation. 


s<  n  vers  PHYSIQUES.  3ig 

De  toutes  les  provinces  de  la  Grande-Bretagne]  la  princi- 
eij  >auté*  de  Galles  est  la  mieux  partagée  pour  la  fabrication  du 
Vr.  Toul  v  concourl  à  rendre  les  travaux  plus  faciles  et  plus 
profitables  :  la  houille  abonde,  ainsi  que  la  mine  qui  est  plus 

riche  que  celle  des  autres  provinces;  l'exploitation  est  faite 
par  des  galeries  horizontales;  les  usines  communiquent  avec 
la  mer  par  des  canaux. 

Comme  la  fabrication  du  fer  par  les  procédés  anglais  est. 
actuellement  pratiquée  en  France,  il  serait  inutile  de  la  dé- 
crire en  peu  de  mots  pour  ceux  de  nos  lecteurs  qui  ne  l'ont 
pas  vue  :  c'est  dans  l'intéressante  usine  de  MM.  Manby  e»: 
m  m  son  à  Charcnton,  et  dans  les  forges  des  départernens  de 
rjsère  et  de  la  Loire  où  cette  nouvelle  méthode  est  suivie,  que 
l'on  peut  en  prendre  une  idée  juste.  Les  détails  dans  lesquels 
nos  ingénieurs  sont  entrés,  seront  très-utiles  aux  fabricans  dont 
ils  dirigeront  les  spéculations  et  les  travaux;  mais  ils  ne  sont 
point  susceptibles  d'analyse. 

Ce  volume  est  terminé  par  une  Description  du  procédé  de 
carbonisation  de  la  houille  >  employé  près  de  Saint- Etienne ,  à 
rétablissement  du  Janon.  Cette  Notice,  que  l'on  doit  à  M.  De- 
laplanche,  élève  ingénieur  des  mines,  nous  apprend  que  le 
cohe  (  charbon  de  houille  )  obtenu  dans  cet  établissement , 
n'est  que  la  moitié,  en  poids,  de  la  houille  carbonisée,  au  lieu 
que  les  Anglais  ne  perdent  que  trois  dixièmes  dans  la  même 
opération.  Cependant,  les  procédés  sont  à  peu  près  les  mêmes  ; 
c'est  donc  à  l'inexpérience,  ou  au  peu  de  soin  des  ouvriers 
français,  que  l'on  doit  attribuer  l'infériorité  du  produit  de 
leur  travail.  Beaucoup  d'autres  faits  analogues  font  voir  que 
l'industrie  la  moins  raffinée  en  apparence  a  besoin  d'être  gui- 
dée par  un  discernement  que  l'expérieuce  peut  seule  faire 
acquérir  :  cette  vérité  est  pleinement  confirmée  dans  l'ou- 
vrage que  nous  venons  de  parcourir,  et  fera  d'autant  mieux 
apprécier  l'utilité  des  détails  instructifs  que  les  auteurs  y  ont 
réunis.  Ferry. 


SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES. 


OEuvres  de  Servan;  Nouvelle  édition ,  augmentée  de 
plusieurs  pièces  inédites ,  avec  des  observations  et  une 
Notice  historique,  par  X.  De  Portets  ,  lecteur  royal, 
professeur  au  Collège  de  France  et  à  la  Faculté  de 
droit  de  Paris  (i). 

M.  de  Portets  ne  s'est  point  trompé,  lorsqu'il  a  cru  pouvoir 
réunir  avec  succès,  dans  un  recueil  plus  complet,  les  OEuvres 
judiciaires  de  Servan,  en  y  ajoutant  un  choix  de  ses  autres 
écrits  déjà  imprimés  et  deux  volumes  d' OEuvres  inédites,  extraites 
des  manuscrits  mêmes  de  l'auteur.  Nous  ne  reviendrons  pas 
sur  les  OEuvres  judiciaires  de  Servan ,  dont  nous  avons  eu  déjà 
l'occasion  de  présenter  une  analyse  dans  ce  recueil  (voy.  Rev. 
Enc,  t.  m,  p.  63,  juillet  1819).  Malgré  les  critiques  acerbes 
de  quelques  rhéteurs  chagrins,  la  célébrité  oratoire  de  Servan 
subsistera. 

Nous  allons  porter  notre  examen  sur  les  écrits  déjà  connus 
mais  étrangers  au  barreau ,  qui  font  partie  de  cette  nouvelle 
édition,  et  plus  spécialement  sur  les  OEuvres  inédites  qui  y 
sont  comprises. 

Parmi  les  premiers  écrits,  nous  pourrions  discuter  la  Lettre 
aux  commettons  du  comte  de  Mirabeau,  qui,  embrassant  à  la 
fois  la  morale  et  la  politique  rationnelle,  entre  dans  l'étendue 
de  notre  plan,  et  ce  ne  serait  pas  en  dévier,  sans  doute,  que 
de  chercher  à  fixer  l'opinion  sur  les  principes  politiques  d'un 
homme  public  dont  le  nom,  comme  le  talent,  ont  été  euro- 
péens. Cependant,  la  mémoire  de  Mirabeau  ayant  été  parfai- 


(1)  Paris,    1823  ;  les  éditeurs  ,  rue  du  Pot-de  Fer  ,  n°  8  ,  faubourg 
Saint-Germain.  5  vol.  in-8°;  prix,  3o  fr. 


SCIENCES  MORALES.  hi 

tement  appréciée  dans  l'excellente  Notice  de  M.  Baethb  ,  dont 
bous  avons  rendu  compter  (  voy.  Rev,  Eue.,  t.  VI, p.  iHS,  avril 
i8'2o),  nous  nous  abstiendrons  de  réouvrir  ici  une  polémique 
qui  nous  entraînerait  trop  loin. 

Après  la  Lettre  aux  comtuettans  de  Mirabeau  ,  est  reproduit 
un  écrit  intitulé:  Événemens  remarquables  et  intéressons ,  à 
l'occasion  des  décrets  de  V Assemblée  nationale ,  concernant  l'éli- 
gibilité de  MM.  les  comédiens  f  le  bourreau  et  les  juifs .  Cette 
brochure,  publiée  en  1790  et  annoncée  comme  un  extrait  de 
la  séance  du  a/,  décembre  1789,  n'est  autre  chose  qu'une  pa- 
rodie burlesque  de  la  discussion  et  du  décret  concernant  l'éli- 
gibilité des  comédiens  et  des  juifs  aux  assemblées  politiques; 
et  l'intercalation  du  bourreau  entre  les  uns  et  les  autres,  est 
une  addition  faite  d'office  par  l'auteur  du  pamphlet,  qui  l'aura 
crue  plaisante.  Feu  M.  le  général  Grimoard  énonce ,  dans  un 
catalogue  qu'il  nous  a  remis  des  ouvrages  imprimés  de  Servan  , 
qu'il  n'a  pas  l'entière  certitude  que  cet  écrit  soit  de  l'ancien 
avocat-général  de  Grenoble,  mais  il  est  du  moins  calqué  sur 
ses  idées;  l'on  y  a  imité  sa  manière,  et  l'on  reconnaîtrait  assez 
qu'il  en  est  l'auteur,  à  l'animosité  avec  laquelle  il  y  revient  à 
la  charge  contre  Mirabeau.  Il  est  triste  de  voir  Servan,  pour 
rappeler  ce  que  les  premières  saturnales  de  la  révolution 
avaient  de  ridicule,  descendre,  vers  la  fin  de  cette  composi- 
tion, à  une  bassesse  de  style  que  nous  n'osons  reproduire. 

Un  pamphlet  de  meilleur  ton  eût  pu  remplacer  avec  avan- 
tage cette  parodie  par  fois  trop  ignoble.  Nous  voulons  parler 
de  V  A  vis  au  publie  et  principalement  au  tiers-état,  de  la  part  du 
commandant  du  château  des  îles  de  Sainte- Marguerite ,  et  du 
médecin  et  du  chirurgien  du  même  lieu.  Cette  vive  et  piquante 
plaisanterie  sur  un  magistrat  enlevé  arbitrairement  sur  les 
fleurs  de  lys  mômes,  et  envoyé  en  détention  aux  îles  Sainte- 
Marguerite,  est  une  satire  personnelle,  il  est  vrai;  mais  alors, 
le  héros  or.  plutôt  la  victime  des  sarcasmes  de  Servan  .  n'avait 
pas  encore  été  rendue  sacrée  par  le  malheur,  et  l'auteur  était, 
à  son  égard,  dans  l'opinion  du  décret  qui  deux  ans  après 
fut  rendu  par  l'Assemblée  constituante,  pour  passer  à  l'ordre 
t.  xxxv  1.  —  Novembre  1827.  21 


\iï  SCIENCES  MORALES. 

du  jour,  sur  la  proposition  de  M.  Duval-D'Epréménil ,  du 

retour  à  l'ancien  ordre  de  choses  (i). 

Les  Œuvres  inédites  de  Servan  comprennent  deux  volumes. 
L'un  se  compose  de  X Influence  de  la  philosophie  sur  l'instruction 
criminelle ,  et  de  Commentaires  historiques  et  critiques  sur  les 
deux  premiers  livres  des  Essais  de  Montaigne.  Servan  composa 
le  premier  traité  vers  la  fin  du  règne  de  Louis  XV  :  les  prin- 
cipes en  sont  généralement  bons  ,  mais  on  regrette  que  l'édi- 
teur n'ait  pas  rectifié  par  des  notes  quelques  erreurs.  En  com- 
mentant Montaigne,  Servan  entre  en  matière,  ex  abrupto, 
sans  nous  prévenir  dans  quel  esprit  il  va  examiner  l'auteur 
des  Essais.  Il  l'apprécie  ordinairement  avec  assez  de  justesse; 
mais  quelquefois  aussi  il  le  querelle  mal-à-propos,  ou  trop 
minutieusement.  Ces  commentaires  sont  aussi  privés  de  toute 
note  de  l'éditeur.  Le  second  volume  est  rempli  presque  entiè- 
rement par  une  sorte  de  traité  des  révolutions  dans  les  grandes 
sociétés  civiles ,  considérées  dans  leurs  rapports  avec  l'ordre  gé- 
néral. La  seconde  partie  de  ces  considérations  traite  particu- 
lièrement de  la  révolution  française,  et  nous  allons  nous  y 
arrêter.  Après  avoir  examiné  la  diversité  des  opinions  sur  les 
causes  de  cette  révolution,  Servan  donne  raison  à  toutes;  mais 
aucune,  dit-il,  ne  l'a  formée  toute  seule.  Hasardant,  à  son  tour, 
sa  conjecture,  il  trouve  la  cause  générale,  la  cause  génératrice 
de  la  révolution  dans  la  vanité  française.  N'en  déplaise  à  la 
mémoire  de  Servan,  il  s'est  trompé,  sans  doute,  et  a  trop  avili 
la  cause  de  nos  révolutions,  qui,  comme  il  en  convient  bientôt 
après,  fut,  non  point  la  vanité,  mais  l'amour  plus  noble  de  la 
liberté  et  de  l'égalité.  Il  recherche  ensuite  les  causes  qui  firent 
subsister  la  république  romaine  et  la  monarchie  anglaise , 
malgré  leurs  dissentions  intestines,  et  celles  qui  ont  précipité 
tout  «à  coup  la  monarchie  française.  L'idée  principale  de  Ser- 
van,  qui  n'est  pas  dépourvue  de  justesse,  c'est  que,  si  notre 
révolution  fut  grande,  nos  chefs  de  parti  furent  petits,  et  que, 
s'il  s'est  fait  que  cette  révolution,  conduite  par  des  enfans,  au- 

(i)  Voyez  le  décret  du  29  septembre  1790. 


SCIENCES  MORALES.  3»3 

pics  des  révolutions  anciennes,  ait  produit  une  explosion  plus 
vaste  et  plus  terrible  que  toutes  les  aunes,  c'est  que  les  révo- 
lutions  anciennes    allaient   surtout  par    la    force   de   quelques 
hommes,  et.  que  La  nôtre  n'a  reçu  de  mouvement  et  d'impul- 
sion que  de  la  force  des  choses.  Arrivant  aux  chefs  de  parti  et 
à  ceux  que  Servan  appelle  les  douze  tyrans  ,  qui  composaient  le 
comité  révolutionnaire  ,   il  trouve   nos    factieux   contemporains 
bien  ginguets  (i),  auprès  des  Gracques,  de  Marins,  de  Sylla  , 
de  César,  de  Châtillon,  de  Guise,  de  Cromwell ,  etc.  etc.   Il 
rappelle  que  Robespierre,  qui  a  dévoré  tous  ses  collègues  et 
jusqu'à  Danton,  était  l'objet  de  la  dérision  de  Mirabeau.  Il  faut 
remarquer  que  ces  réflexions  furent  écrites  pendant  la  tyrannie 
de  Robespierre,  et  que  Bonaparte ,  qui  ne  fut  pas  assurément 
le  plus  vulgaire  de  nos  factieux ,  n'avait  pas  encore  apparu. 
Après  avoir  fait  observer  que  toutes  les  révolutions,  avant  la 
notre,  ont  été  conduites  par  un  homme  maître  absolu  d'une  ar- 
mée dont  il  soutenait  son  parti ,  Servan  distingue  Dumouriez  de 
nos  autres  chefs  de  révolution-  Il  y  avait  en  effet,  dans  ce 
capitaine,  une  grande  étoffe  pour  en  faire  un  chef  puissant  de 
parti;  et  de  tous  les  Mémoires  politiques  ou  militaires  publiés 
jusqu'à  ce  jour,  aucun  n'attache  plus  que  les  siens. 

Il  est  facile  d'ailleurs  à  Servan,  en  parlant  des  duoeemvirs 
du  comité  de  salut  public ,  de  sillonner  d'ignominie  la  figure  de 
Coîlot-d'Herbois  ,  de  Billaud,  etc.  ;  mais  ces  chefs  de  parti ,  ou 
plutôt  ces  factieux  n'ont  pas  été  les  plus  grands  hommes  de  nos 
troubles  civils;  et,  posant  autrement  la  question  ,  nous  deman- 
dons, si  Mirabeau,  La  Fayette,  Dumouriez,  Malesherbes 
et  Bonaparte  lui-môme,  qui  avec  de  tels  hommes  ne  fut  peut- 
être  pas  devenu  le  premier  consul,  et  n'eût  pas  eu  à  absorber 
des  collègues  si  débonnaires,  nous  demandons  si  cette  pentar- 
chie  n'eût  pas  su  diriger  les  affaires  publiques ,  maintenir  l'in- 
tégrité de  la  France,  et  la  faire  honorer,  même  de  ses  ennemis? 
Ce  ne  sont  donc  pas  les  hommes  qui  ont  manqué  à  la  France; 
mais,   c'est  que  la  révolution,  comme   le   reconnaît  Servan, 

(i)  Textuel. 

21. 


324  SCIENCES  MORALES. 

était  préparée  de  manière  que  la  force  des  choses  l'emportât 

sur  la  force  humaine. 

Le  volume  des  OE livres  inédites  de  Servan  est  terminé  par 
Y  extrait  d'un  Porte-feuille ,  composé  de  pensées  diverses  qui 
ont  aussi  un  mérite  inégal ,  et  dont  la  plupart ,  il  faut  l'avouer, 
sont  trop  faibles. 

Nous  connaissons  d'autres  OEuvres  inédites  de  Servan,  qui 
eussent  pu  remplacer  plus  heureusement  le  Porte-feuille.  Nous 
indiquerons  principalement  un  ouvrage  sur  les  querelles  hu- 
maines,  dont  le  plan  est  très-étendu ,  et  des  observations  cri- 
tiques sur  le  livre  d'Helvétius ,  intitulé  :  de  l'Homme.  Servan  a 
écrit  sur  un  grand  nombre  de  matières  de  morale  et  de  légis- 
lation ,  mais  en  tournant  presque  toujours  dans  les  mêmes 
idées.  Il  ne  savait  pas  avancer  assez  dans  son  sujet ,  ni  en 
sortir,  et  il  n'a  presque  jamais  tiré  le  trait  qui  termine  une 
étude. 

On  regrette  de  ne  pas  voir,  au  nombre  des  pièces  réimpri- 
mées, Y  Oraison  funèbre  de  Charles  Emmanuel ,  Roi  de  Sardaigne 
et  Duc  de  Savoie ,  composée  par  Servan  dans  un  style  évangé- 
lico- philosophique,  et  qu'il  suppose  avoir  été  prononcée,  le  17 
mars  1778 ,  par  un  vicaire  de  paroisse,  à  Chambéri. 

Les  doutes  d'un  provincial  sur  le  magnétisme  animal ,  défense 
pleine  d'adresse  et  plaisanterie  piquante  dont  Grimm  a  fait  un 
éloge  complet,  et  qu'il  indique  comme  un  modèle  de  la  discus- 
sion la  plus  ingénieuse ,  méritaient  aussi  d'être  reproduits  dans 
un  choix  des  OEuvres  de  Servan;  quoique  l'éditeur  soit  allé 
au-devant  du  reproche  sur  cette  omission. 

On  lit  avec  un  intérêt  qui  ne  peut  s'épuiser  à  l'égard  de 
leurs  auteurs  ,  quelques  lettres  inédites  de  Voltaire  ,  d'Helvé- 
tius, d'Holbach,  de  Buffon  et  de  Rousseau;  mais  ,  si  l'éditeur 
a  eu  à  sa  disposition ,  comme  nous  le  présumons ,  le  Porte- 
feuille de  Servau,  il  s'est  montré  avare  ou  trop  discret.  Les 
correspondais  de  Servan,  parmi  les  hommes  les  plus  dis- 
tingués ,  ont  été  nombreux ,  et  nous  pourrions  les  nommer. 
Un  grand  nombre  de  ses  lettres  ont  été  aussi  conservées,  et 
nous  les  connaissons.  Pourquoi  donc  n'avoir  pas  mis  le  public 


SCIENCES  MORALES.  3*5 

dans  la  confidence  de  ces  relations  familières  qui  nous  eussent 
fait  mieux  connaître  l'homme  public  dans  l'homme  privé? 

La  Notice  historique  sur  la  vie  ei  les  ouvrages. de  Servait  t  qui 
précède  cette  édition}  et  que  Ton  doit  à  !M.  X.  de  Portais, 

avocat  et  professeur  distingué,  est  écrite  du  style  le  plus  spi- 
rituel et  brille  d'aperçus  ingénieux.  Mais,  quoiqu'il  prévienne 
ses  lecteurs  à  cet  égard,  cet  habile  écrivain  n'a-t-  il  pas  fait 
lhomme,  tandis  qu'à  l'exemple  de  Montaigne,  il  ne  voulait 
que  le  réciter?  Il  nous  avait  promis  d'égaler  Plutarque  dans  sa 
franchise;  mais  nous  a-t-il  mis,  comme  Plutarque,  en  rapport 
et ,  pour  ainsi  dire  ,  en  conversation  avec  le  célèbre  avocat  gé- 
néral de  Grenoble?  N'a-t-il  pas  présenté  Serran  tel  qu'il  l'au- 
rait voulu,  plutôt  que  tel  qu'il  fut?  M.  de  Porfets,  pour  se 
justifier  des  lenteurs  de  la  publication  de  son  recueil,  rap- 
pelle ,  dans  son  avertissement ,  que  les  sybarites  priaient  les 
femmes  à  souper,  un  an  d'avance,  afin  qu'elles  pussent  à  loisir 
préparer  leur  parure.  N'aurait-il  pas  lui-même  employé  des 
préparatifs  encore  plus  longs,  pour  parer  un  magistral,  le 
revêtir  d'un  habit  brodé  et  lui  mettre  du  rouge  et  des  dentelles? 
Nous  craignons  que,  négligeant  la  ressemblance,  mérite  trop 
vulgaire  des  peintres  médiocres,  il  n'ait  préféré  un  beau  travail 
à  un  portrait  fidèle.  Nous  soumettons  nos  doutes  à  M.  de  Portets 
lui-même,  qui  s'était  engagé  à  ne  cacher  dans  l'ombre  aucune 
des  particularités  importantes  de  la  vie  de  Servan.  Cependant, 
s'il  n'a  voulu  le  peindre  seulement  de  profil ,  pourquoi  n'a-t-il 
rien  pris,  pour  son  édition,  dans  un  recueil  de  pièces  intéres- 
santes pour  servir  à  l'histoire  de  la  révolution  de  1789,  en  France  ? 
C'est  dans  les  pièces  de  ce  recueil  que  Servan  est  tout  entier; 
et ,  après  les  avoir  lues,  on  peut  juger  que ,  s'il  se  mit  d'abord 
fort  en  avant  dans  la  révolution  ,  il  a  peut  -  être  depuis  trop 
rétrogadé.  L'éditeur  de  ses  œuvres  n'avait-il  rien  non  plus  à 
choisir  dans  la  Correspondance  entre  quelques  hommes  honnêtes  , 
ou  Lettres  philosophiques ,  politiques  et  critiques  sur  les  évenemens 
et  les  ouvrages  du  tems  ,  publiées  à  Lausanne  en  1794»  et  dont 
toutes  les  lettres,  sous  le  litre  du  Correspondant  de  Suisse, 
sont  de  Servan?  Mais  tel  fut  l'effroi  de  l'éditeur,  concernant 


vjtG  SCIENCES  MORALES, 

les  écrits  politiques  de  Servan ,  qu'il  n'a  pas  même  voulu  re- 
produite cette  belle  Adresse  aux  amis  de  la  paix  ,  dans  laquelle 
l'auteur  montrait  les  plus  honorables  senliinens,  lors  même 
que  les  moyens  qu'il  proposait  pour  sauver  la  France  eussent 
été  erronés.  * 

M.  de  Portets  ,  soit  qu'il  ait  cédé  trop  facilement  aux  inspira- 
tions d'un  esprit  abondant,  soit  qu'il  ait  employé  à  dessein  cet 
artifice  de  composition  ,  a  trop  souvent  fait  perdre  de  vue  son 
héros,  par  des  ornemens  accessoires  que  nous  appellerons  de 
luxe.  Toutes  les  réflexions  qu'il  tire  de  son  sujet  sont  justes  et 
brillantes;  mais  on  pourrait  lui  dire  quelquefois  qu'il  tient  de 
bons  propos,  hors  de  propos.  Son  style,  élégant  et  poli,  pa- 
raît toujours  retenu  >  et  il  manque  de  celte  allure  libre  qui  fait 
ressortir  plus  fortement  et  peut-être  plus  fidèlement  la  pensée. 
Qu'il  nous  soit  permis  d'exprimer  le  vœu  qu'une  édition  des 
Œuvres  complètes  de  Servan  soit  enfin  offerte  au  public.  Les 
éditions  de  Limoges  et  de  Liège  peuvent  suffire  au  barreau; 
M.  de  Portets  vient  d'en  faire  une  pour  les  gens  du  monde,  et 
celle  que  nous  provoquons  sera  destinée  aux  philosophes  et 
aux  politiques. 

Il  nous  reste  à  relever  une  erreur  très-légère.  M.  de  Portets 
fait  précéder  mal  à  propos  le  nom  Servan  d'une  particule.  Le 
seul  des  ouvrages  imprimés  que  nous  connaissions  ,  où  le  nom 
Servan  reçoit  le  de ,  ce  sont  les  Réflexions  sur  la  réformation  des 
états  provinciaux ,  publiés  en  1789;  et  ,  ce  qui  prouve  que  c'est 
une  erreur  de  l'imprimeur,  c'est  que  Servan  n'eût  pas  choisi 
cette  époque  pour  commencer  à  prendre  une  particule  féodale. 
L'exécution  typographique  de  l'édition  de  M.  de  Portets, 
qui  a  été  confiée  aux  presses  de  M.  P.  Didot  l'aîné,  mérite  des 
éloges.  Grâces  au  goût  et  au  zèle  de  ses  éditeurs,  Servan  a  reçu 
l'hospitalité  dans  des  livres  mieux  bastis ,  selon  l'expression  de 
Pasquier. 

Parent-Réal. 


SCIENCES  MORALES.  3/7 

TàBLBÀI  ciliioMHoGlQUK  DBS  BVBNBMEIfS  RAPPORTES  PAR 
Tac i  ri;,  et  antérieurs  à  V avènement  de  V empereur 
'libère,   par  M.   le   marquis   de  FoRTIÀ  ,   membre  (!<: 

plusieurs  académies  en  France,  en  Italie  et  en  Alle- 
magne (i). 

Je  ne  connais,  dans  l'ordre  moral  ,  rien  de  beau  comme  le 
dévoùment  :  celte  vertu,  née  de  l'enthousiasme,  élève  l'iiomme 
au-dessus  de  lui-même,  en  l'élevant  au  dessus  des  calculs  de 
l'intérêt  :  elle  le  conduit  à  l'héroïsme  ;  et  ,  si  quelquefois  elle 
peut  l'égarer,  ce  n'est  que  dans  l'ordre  politique.  Il  n'en  est 
pas  de  même  du  dévoùment  de  l'érudit  pour  la  science  :  les 
écarts  de  son  zèle  ,  les  illusions  de  son  savoir  ne  sont  presque 
jamais  nuisibles,  et  souvent  sont  utiles  aux  progrès  delà  partie 
scientifique  qu'il  a  embrassée.  La  chimie  a  dû  quelques-unes 
de  ses  plus  précieuses  découvertes  à  de  folles  recherches  sur  la 
pierre  philosophale  ;  les  rêveries  impudentes  de  l'astrologie 
judiciaire  ont  empêché  la  science  astronomique  d'être  en- 
tièrement abandonnée  dans  les  siècles  d'ignorance  ;  quelques 
éclats  de  lumière,  source  des  grandes  vérités  de  la  métaphysique , 
ont  jailli  des  sottes  disputes  de  la  scholastique  enfin ,  des  im- 
menses recherches  d'une  foule  de  chronologistes  pour  établir 
des  systèmes  erronés,  ont  surgi  le  petit  nombre  de  données 
certaines  que  nous  possédons  sur  les  premiers  âges  du  monde. 
Ainsi,  dans  le  paisible  domaine  de  la  science,  l'erreur,  quand 
elle  est  jointe  à  la  bonne  foi,  peut  indirectement  conduire  à 
d'importantes  vérités. 

Ces  réflexions  sur  le  dévoùment  à  la  science  nous  sont  venues 
tout  naturellement  à  l'occasion  du  Tableau  chronologique  des 
évênemcns  rapportés  par   Tacite ,  que  vient  de  publier  M.  de 


(i)  Paris,  1827.  1  vol.  in-8°  fesant  partie  de  la  nouvelle  édition  de 
Tacite  ,  traduit  par  Dureau  de  la  Malle  ,  publié  par  Michaud,  libraire 
place  des  Victoires,  n°  5.  L'ouvrage  entier  forme  6  vol.  ornés  de  eûtes 
et  de  vignettes  ;  prix  ,  36  fr. 


3i8  SCIENCES  MORALES. 

Fortia.  Héritier  du  zèle  des  Debrosses,  des  d' Argenson ,  des 
Paalmjr,  des  Hénault  pour  l'érudition  historique  ,  il  a  consacré 
aux  progrès  de  cette  science  ,  pendant  une  longue  vie  ,  toutes 
les  ressources  d'une  haute  intelligence,  et  tous  les  moyens 
que  donnent  une  grande  fortune  et  une  considération  méritée 
par  le  pius  noble  caractère.  Également  versé  dans  les  sciences 
exactes  et  dans  l'étude  de  l'antiquité ,  chez  lui  l'astronome  a 
pu  venir  seconder  les  recherches  de  l'historien  et  du  philologue. 
Animé  de  cet  esprit  de  conscience  sans  lequel  les  travaux 
de  l'érudition  demeurent  incomplets,  il  ne  se  borne  point, 
dans  son  Tableau  chronologique ,  à  exposer  à  son  lecteur  ce 
qu'il  sait,  à  lui  présenter  ses  recherches  toutes  faites.  Il  se 
donne  la  peine  de  refaire  en  quelque  sorte  pour  lui ,  et  devant 
lui ,  son  travail ,  afin  de  le  mettre  à  même  d'en  contrôler  le 
résultat.  Accoutumé ,  chose  assez  rare  ,  à  donner  dans  ses 
livres  plus  que  ne  promet  leur  titre  ,  c'est  après  avoir  tracé 
pour  son  lecteur  un  véritable  traité  de  chronologie  ,  que 
M.  de  Fortia  arrive  à  l'examen  des  difficultés  ,  et  de  l'année 
romaine,  et  des  fastes  consulaires,  qu'il  marque  leur  con- 
cordance avec  les  olympiades  ,  avec  l'ère  chrétienne,  et  qu'il 
examine  les  différens  systèmes  de  la  chronologie  de  Rome. 
Jamais  travail  à  la  fois  aussi  complet  et  aussi  court  n'avait  été 
fait  sur  la  chronologie  :  l'auteur  nous  offre  dans  un  petit 
nombre  de  pages,  la  substance  d'énormes  in-folios  ;  et ,  ce  qui 
ne  vaut  pas  moins  ,  à  coté  des  trésors  de  l'érudition  ancienne  , 
il  nous  donne  ses  propres  découvertes.  Voilà  sans  doute  , 
me  dira-l-on,  beaucoup  de  savoir;  mais,  que  peut-il  être, 
sans  la  méthode,  sans  cet.  esprit  d'analyse  ,  qui  est  à  la  science 
ce  que  le  principe  vivifiant  de  la  nature  est  à  la  matière  ? 
L'ouvrage  de  M.  de  Fortia  répond  d'avance  à  cette  objection  par 
la  clarté  de  ses  divisions,  et  parla  logique  lumineuse  des  dé- 
ductions et  des  raisonnemens. 

L'auteur  du  Tableau  chronologique  est  propriétaire  et  con- 
tinuateur de  la  savante  chronologie  des  bénédictins  de  Saint- 
Maur,  ces  honorables  religieux  qui,  sans  chercher  à  gouverner 
les  rois,  ne  craignaient   pas  d'éclairer  les  peuples.   Dans   ce 


SCIENCES  MORALES.  3sg 

tableau  ,  M.  de  Fortin  a  refait  en  entier  le  travail  de  M.  Ai  ni  ni 
sur  la  Chronologie  romaine,  qui  a  paru  en   ittio,,    dans  les   ivc 

et  v  volumes  de  Y  Art  de  vérifier  hs  dates  (partie  ancienne). 
M.  Albert,  ami  et  disciple  de  Turgot ,  avait  comme  lui  l'esprit 
un  peu  systématique.  Il  a  eu  la  prétention  de  savoir,  pour 
ainsi  dire,  au  jour,  à  la  minute,  l'époque  des  intercalations 
des  pontifes  aux  années  romaines  ,  et  de  l'entrée  en  charge  des 
divers  magistrats.  M.  de  Fortia  n'a  pas  la  prétention  de  nous 
en  apprendre  autant  que  son  devancier:  c'est  une  preuve  qu'il 
en  sait  davantage,  et  surtout  qu'il  sait  mieux  :  car,  rien  n'est 
plus  diamétralement  contraire  aux  progrès  de  la  science  his- 
torique que  /'esprit  de  certitude  qu'y  apportent  d'avance  ceux 
qui  l'étudient  (i). 

Peu  de  personnes  savent  peut-être  que ,  pendant  le  court 
ministère  de  M.  Turgot  ,  ce  M.  Albert ,  modeste  et  laborieux 
éruùit,  fut  lieutenant  civil,  poste  dont  les  fonctions  répon- 
dent à,  celles  de  préfet  de  police;  mais  ce  vertueux  magistrat 
eût  été  plus  propre  à  être  édile  dans  Rome  ,  pauvre ,  et  répu- 
blicaine ,  que  surveillant  des  filles  et  des  escrocs  dans  la  capi- 
tale d'une  vieille  monarchie  minée  parla  corruption.  Aussi , 
avec  toute  sa  science,  M.  Albert  fut  un  assez  pauvre  magistrat. 
Heureusement  qu'il  ne  resta  pas  long-tems  en  place.  Plus  po- 
sitif que  Turgot,  Coibert  n'eût  fait  de  lui  qu'un  académicieu. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  travail  de  M.  Albert  était  encore  ce 
que  nous  avions  de  plus  savant  sur  la  chronologie  romaine  :  le 
commun  des  érudits  adoptaient  ses  calculs,  comme  tout  faits; 
et  ils  avaient  même  pour  eux  le  suffrage  de  quelques  savans. 
M.  de  Fortia  a  prétendu  mieux  faire  :  il  n'a  pas  craint  de  dé- 
sapprouver les  approbateurs  de  son  devancier.  S'il  l'a  pu  sur- 


(i)  C'est  ce  qu'a  écrit  dans  plus  d'un  endroit  de  ses  ouvrages  l'il- 
lustre et  savant  M.  de  Volney.  Personne,  au  reste,  n'a  mieux  prouvé 
par  l'exemple  la  vérité  du  principe  qu'il  avait  posé,  et  c'est  parce 
qu'il  avait  commencé  à  douter  de  tout  en  fait  d'histoire  que  l'auteur 
des  Ruines  est  arrivé  à  quelques  résultats  importans  pour  la  chrono- 
logie. N.  du  R. 


33o  SCIENCES  MORALES, 

passer,  il  aura  le  double  mérite  de  la  science  et  du  courage  : 
car  il  en  faut  pour  rompre  en  visière  à  certains,  érudils  qui  ne 
se  montrent  guère  traitables  sur  le  chapitre  de  la  contra- 
diction. 

Si  j'apprenais  l'hébreu  ,  les  sciences,  l'histoire  ; 
Tout  cela  ,  c'est  la  mer  à  boire, 

a  dit  notre  La  Fontaine,  dont  le  scepticisme  épicurien  était 
cent  fois  plus  près  de  la  vérité  que  la  présomption  crédule  des 
docteurs  de  son  tems.  Rien  n'est  plus  difficile  ,  selon  moi,  que 
d'arriver  à  une  vérité  historique  entièrement  satisfaisante,  sur- 
tout pour  l'histoire  ancienne;  mais,  si  l'on  ose  aborder  les  ques- 
tions de  chronologie ,  la  chose  devient  plus  difficile  encore. 
En  effet,  quels  sont  les  monumens  les  plus  anciens  de  l'his- 
toire ?  La  Genèse ,  les  zodiaques  égyptiens ,  des  fragmens 
informes  de  Sanchoniaton.  La  Genèse  :  elle  ne  prouve  rien  aux 
yeux  de  la  critique,  puisqu'elle  n'est  pas  de  son  ressort  et 
qu'on  ne  peut  la  discuter,  sans  ébranler  les  fondemens  de 
toutes  les  communions  chrétiennes.  Les  zodiaques  :  chacun  les 
explique  à  sa  guise.  Les  lambeaux  du  grand  ouvrage  de  San- 
choniaton qui  était,  dit-on  ,  comme  la  Genèse  du  paganisme  : 
le  savant  Court  de  Gebelin  a  perdu  assez  d'encre  et  de  papier 
à  vouloir  les  expliquer.  En  thèse  générale  ,  il  est  à  regretter 
que,  pour  tous  les  peuples  lettrés,  à  l'exception  des  Chinois, 
les  bases  de  l'histoire  ,  et  les  bases  de  la  religion  soient  les 
mêmes  :  on  ne  peut  discuter  les  unes  ,  sans  mettre  en  ques- 
tion les  autres  ;  on  marche  à  travers  des  feux  ;  partout  se  pré- 
sentent des  écueils  ;  ce  n'est  pas  là  seulement  le  cercle  de  Po- 
pilius,  c'est  le  lit  de  Procusle. 

De  cet  état  de  choses  auquel  tout  honnête  homme  doit  se 
soumettre  sous  peine  en  Angleterre  d'être  déféré  devant  un 
jury,  en  France  de  comparaître  devant  la  police  correction- 
nelle, il  résulte  pour  les  adeptes  de  la  science  chronologique 
la  nécessité  de  se  résigner  à  borner  le  cercle  de  leurs  libres 
spéculations  au  xne  ou  xme  siècle  avant  notre  ère.  Au  delà 
de    cette   limite  ,   toute  certitude   historique  s'évanouit ,    on 


SCIENCES  MORALES.  33i 

parcourt  un  chemin  sans  issue  ,  l'on  navigue  sur  une  mer  sans 
rivages,  on  mesure  un  abîme  sans  fond.  En  deçà,  au  con- 
traire, tout  dans  l'histoire  grecque,  assyrienne,  médiquc , 
juive,  égyptienne,  commence  à  présenter  sur  1rs  faits  im- 
portuns, les  caractères  de  la  vérité.  Il  n'en  est  pas  de  même 
de  l'histoire  romaine  :  lien  de  moins  prouvé,  selon  moi,  que 
tout  ce  qu'on  nous  raconte  si  pertinemment  sur  les  commen- 
jbemens  de  Rome  ;  rien  de  plus  obscur  que  la  chronologie 
romaine.  Ces  incertitudes,  ces  obscurités  proviennent  de  deux 
causes  principales  :  la  première,  est  pour  les  commencemens  de 
Rome,  l'absence  presque  totale  de  mou u mens  écrits;  la  se- 
conde consiste  dans  l'irrégularité  de  Tannée  des  Romains. 

Quant  à  l'incertitude  des  premiers  terns  de  Rome  ,  je  n'insis- 
terai pas  davantage  ici  sur  ce  point  ;  j'y  reviendrai  plus  tard. 
Il  me  suffit  d'en  avoir  fait  mention  pour  donner  à  penser  que, 
si  M.  de  Forlia  est  parvenu  à  trouver  une  chronologie  romaine 
en  tout  point  satisfaisante  ,  il  n'a  pas  accompli  une  tâche  facile; 
et  l'on  peut  dire  que,  si  le  berceau  tant  soit  peu  fabuleux  de 
la  prétendue  fuie  de  Troie  pouvait  être  défendu  avec  succès 
par  quelqu'un,  il  ne  faudrait  pas  chercher  un  autre  Hector  : 

Si  Pergama  dextrâ 
Defendi  possent ,  etiara  hâc  defensa  fuissent. 

Les  prolégomènes  du  tableau  chronologique  sont  divisés 
en  lxxiii  articles.  Dans  les  seize  premiers,  le  savant  auteur  pose 
les  principes  généraux  de  sa  chronologie,  tant  relativement 
à  l'année  grecque  qu'à  l'année  romaine  :  il  entre  à  cet  égard 
dans  les  détails  les  plus  curieux  et  les  plus  instructifs.  Quel- 
ques-unes de  ses  démonstrations,  établies  mathématiquement 
avec  le  secours  de  l'algèbre,  pourront  effaroucher  les  lecteurs 
superficiels;  mais  elles  seront  accueillies  avec  plaisir  par  ceux 
que  n'effraient  point  une  instruction  pénible,  pourvu  qu'elle 
soit  solide.  Au  reste  ,  M.  de  Fortia  a  su  tempérer  la  sécheresse 
de  la  matière  par  d'heureuses  excursions  dans  le  domaine 
d'une  érudition  moins  aride.  Les  formes  de  sa  discussion  sont 
très-faciles ,  partout  où  elles  ne  sont  pas  hérissées  de  signes 


33a  SCIENCES  MORALES. 

algébriques;  et  son  style ,  éminemment  clair,  élégant,  indique 

un  homme  entièrement  maître  de  sa  matière. 

C\st  ainsi  qu'à  propos  des  modifications  introduites  dans 
l'année  athénienne  par  l'astronome  Méton  ,  M.  de  Fortia  rap- 
pelle les  plaisanteries  indécentes  qu'elles  inspirèrent  à  cet 
Aristophane  qui  ne  respecta  ni  les  dieux,  ni  Socrale.  Dans  sa 
trop  fameuse  comédie  des  Xuées ,  ce  poète  ,  qui  fit  un  si  dé- 
testable usage  de  son  génie  ,  représente  les  dieux  fort  désap- 
pointés par  le  dérangement  du  calendrier  :  ils  ne  savent  plus 
à  quoi  s'en  tenir  sur  les  sacrifices  qui  se  faisaient  à  certains 
jours  de  l'année,  et  s'attendant  quelquefois  à  faire  grande 
chère  au  jour  marqué  ,  ils  éprouvent  le  désagrément  de  s'en 
retourner,  l'estomac  vide  et  sans  avoir  soupe.  M.  de  Fortia 
blâme,  avec  le  grave  historien  des  mathématiques  Montucla , 
la  liberté  que  prenait  le  poète  de  mêler  la  divinité  dans  ses 
ép^grammes  :  il  trouve  qu'Aristophane  aurait  mérité  la  c  . 
à  p!us  juste  titre  que  Socrate. 

Dans  les  articles  xvn  et  xvm ,  31.  de  Fortia  nous  fait  con- 
naître les  formes  bizarres  et  diverses  qu'a  successivement 
prises  l'année  romaine.  Elle  fut  d'abord  de  3o4  jours  ,  for- 
mant 10  mois.  Ce  nombre  ne  convenant  ni  au  cours  du  soleil, 
ni  aux  phases  de  la  lune  ,  n'avait  aucun  rapport  avec  le  retour 
périodique  des  saisons.  Le  froid  arrivait  dans  les  mois  d'été,  et 
la  chaleur  dans  les  mois  d'hiver.  >*uraa  ,  natif  de  Cures  ,  1  une 
des  principales  villes  des  Sabins,  laquelle  avait  quelques  rap- 
ports avec  les  Grecs ,  commença  la  réforme  du  calendrier  ro- 
main :  il  ajouta  5o  jours  aux  3o^  deRomulus,  etintroduisit  deux 
nouveaux  mois  Januaruis  elfehruaiius.  Enfin,  en  l'honneur  du 
nombre  impair,  il  comprit  un  jour  de  plus  dans  son  année,  ccj  qui 
lui  en  donna  355.  Pour  arriver  à  établir  clairement  ces  faits, 
M.  de  Fortia  discute  les  textes  de  Macrobe,  de  Censcrin  et 
surtout  de  Plutarque,  dont  il  réussit  à  concilier  les  contradic- 
tion^ 'art.  xix,  xx  ,  xxi  .  A  l'appui  de  ce  qu'il  avance,  il  in- 
voque l'opinion  de  M.  Saint-Martin  ;  et  cet  accord  entre  deux 
savans  aussi  distingués  est  bien  propre  à  convaincre  le  lec- 
teur. Je  dois  ajouter  qu'avant  eux  Rollin  avait  su  présenter  ces 


SCIENCES  MORALES. 

(faits  avec  clarté;  mais  en  résultats  seulement,  et  sans  en! ici 

ans  la  discussion  des  sources,  l.n  général  ,  on  ne  saurait  trop 
.  rendre  hommage  à  ce  Vénérable  prie  de  I  histoire  ancienne 

et  romaine  en  France  :  partout  son  admirable  bon  sens  a  jeté 
la  lumière,  non  pas  seulement  sur  la  morale  de  l'histoire,  mais 
encore  sur  les  questions  les  plus  épineuses  de  la  critique.  Et 
cependant,  je  pourrais  citer  aujourd'hui  tels  jeunes  savans 
d'hier,  qui  ne  parlent  de  Rollin  qu'avec  légèreté  ,  ou  même 
avec  dédain. 

Un  siècle  après  Numa  ,  l'année  romaine  éprouva  encore  une 
nouvelle  modification  :  ce  fut  sous  Tarquin  Y  Ancien,  prince 
grec  d'origine  ,  Toscan  de  naissance,  et  qu'on  peut  regarder 
comme  le  second  fondateur  de  Rome.  Sous  lui ,  en  effet ,  cette 
ville  perdit  l'aspect  agreste  et  misérable  d'une  colonie  d'Albe, 
pour  prendre  la  physionomie  plus  imposante  d'une  colonie 
gréco-étrusque.  L'influence  de  Tarquin  X Ancien  avait  même 
précédé  son  avènement,  et  l'on  peut  dire  qu'il  fut  l'âme  du 
gouvernement  du  sage  Ancus  Marcus.  La  réforme  que ,  selon 
MM.  de  Fortia  et  Saint-Martin  ,  il  amena  dans  le  calendrier, 
eut  pour  objet  de  faire  accorder  les  jours  et  les  mois  avec  la 
lune,  et  les  années  avec  le  soleil;  et  d'organiser  les  mois  in- 
tercalaires beaucoup  mieux  que  ne  l'avait  fait  Numa;  mais  il 
paraît  que  cette  opération  fut  manquée  :  on  fut  contrarié  par 
des  pratiques  et  des  opinions  antiques  et  superstitieuses  que 
l'on  se  vit  obligé  de  respecter  (xxn).  La  révolution  qui  subs- 
titua dans  Rome  l'autorité  des  consuls  à  celle  des  rois,  amena 
de  nouveaux  désordres  dans  le  calendrier.  Tout  fut  confondu, 
interverti.  Quelle  fut  la  cause  de  cette  confusion  ?  Le  droit 
confié  aux  pontifes  de  régler  le  calendrier,  avec  la  faculté  d'y 
faire  des  intercalations  extraordinaires.  «  Il  est  facile  de  con- 
cevoir, dit  M.  de  Fortia,  quelles  durent  être  les  conséquences 
de  l'établissement  d'un  pareil  usage;  il  rendit  tout-à-fait  inu- 
tiles... les  précautions  qui  avaient  été  prises  pour  empêcher 
l'année  civile  d'empiéter  sur  l'année  solaire.  Bientôt ,  on  ne 
suivit  plus  aucune  règle;  les  intercalations  mêmes  furent  en- 
tièrement  omises  pendant  quelque  tems;  elles  devinrent  en- 


334  SCIENCES  MORALES. 

suite  une  affaire  d'intrigue  ;  quelquefois  les  prêtres  les  accor- 
daient ou  les  refusaient  par  faveur,  suivant  qu'ils  voulaient 
plaire  ou  nuire  aux  gouverneurs  et  aux  magistrats  dont  ils 
voulaient  prolonger  ou  faire  cesser  la  puissance,  etc.  » 

Je  m'abstiens  des  réflexions  morales  et  politiques  auxquelles 
pourraient  donner  lieu  de  semblables  abus  :  je  me  contente- 
de  renvover  le  lecteur  à  l'excellent  discours  sur  la  politique 
des  Romains  dans  la  religion,  par  Montesquieu,  bien  qu'on 
puisse  n'être  pas  tout-à-fait  d'accord  avec  ce  grand  écrivain 
sur  le  degré  d'admiration  qu'il  accorde  aux  Romains  en  cette 
matière  délicate.  Sans  doute  il  est  bon  ,  dans  les  tems  d'igno- 
rance et  de  superstition  ,  de  faire  tourner  au  profit  de  l'état 
jusqu'aux  préjugés  du  peuple  ;  mais  toute  politique  qui  aurait 
pour  base  d'entretenir  les  mêmes  préjugés  ,  toute  corporation 
sacerdotale  qui  en  profiterait  pour  servir  ses  intérêts  ou  ceux 
d'une  puissante  aristocratie  ,  ne  pourrait  mériter  que  Fanimad- 
version  et  le  blâme,  sous  tous  les  régimes  religieux  et  à  toutes 
les  époques. 

Sous  le  rapport  purement  chronologique,  on  sent  combien 
cette  complication  de  l'année  solaire  et  de  l'année  civile,  jointe 
aux  opérations  désordonnées  des  pontifes,  rendent  aujour- 
d'hui difficile  de  s'expliquer  la  suite  exacte  des  années  ro- 
maines. Il  n'existe  aucune  portion  des  registres  pontificaux  : 
et  d'ailleurs  ,  s'ils  existaient  ,  la  même  mauvaise  foi  qui  aurait 
présidé  aux  opérations  des  pontifes,  ne  présiderait  elle  pas  à 
leur  rédaction  ?  On  n'a  donc  pu  ,  comme  le  reconnaît  M.  de 
Fortia  ,  établir  la  correspondance  des  années  romaines  avec 
les  années  avant  l'ère  chrétienne  que  par  de  simples  conjec- 
tures. Quelques-unes  sont  fondées  sur  des  textes  positifs  d'au- 
teurs anciens;  mais  d'autres,  et  c'est  le  plus  grand  nombre, 
ne  le  sont  que  sur  des  raisonnemens  un  peu  hasardés.  Dod- 
well,  et  après  lui  M.  Albert,  se  sont  imposé  cette  tâche  pénible. 
M.  de  Fortia  applique  la  pierre  de  touche  aux  tables  de  ces 
deux  chronologistes  ,  en  examinant  si  elles  sont  d'accord  avec 
la  chronologie  des  éclipses. 

Dans  cet  examen  ,  il  prend  pour  base  de  ses  calculs  l'éclipsé 


SCIENCES  MORALES.  335 

ni    eut    lieu     l'an    56  \   <!«•    Homo,    19O   avant  Jésus-  Christ  , 
p  i/i  mars-julien  répondant  cette  année  au  1 1  juillet  romain, 
(on  les  tables  astronomiques  :  or,  Dodwell  fait  correspondre 
l  date  de  celte  éclipse  à  des  joins  différons  :  Al.  Albert  en  fait 
niant ,  mais  en  présentant  un  autre  calcul.  M.  de  Fortia  en 
conclut  contre  l'incertitude  réciproque   de  leurs  tables  ,  et   il 
regrette  que  des  sa  vans  aient  répété  les  assertions  de  M.  Al- 
bert ,  sans  prendre  la  peine  de  les  vérifier.  Il  termine  en  dé- 
clarant que   les   tables  de  ce  dernier  sont  entièrement  hypo- 
thétiques et  ne  méritent  aucune  confiance  (xxiv). 

Après  avoir  expliqué  le  calendrier  julien  et  le  grégorien 
(xxv,  xxm)  ,  l'auteur  aborde  la  première  difficulté  qui  se 
présente  pour  la  chronologie  romaine  ,  laquelle  se  trouve  sous 
l'an  3oi  avant  notre  ère,  répondant  a  l'an  /<53  de  Rome;  il 
prouve  par  des  textes  anciens  ,  arme  victorieuse  à  opposer  aux 
conjectures  modernes  ,  que,  dans  cette  même  année,  il  y  eut 
des  consuls  comme  à  l'ordinaire;  puis  ,  deux  dictatures,  mais 
non  pas  des  consulats  durant  tonte  Tannée;  puis,  une  dictature 
sous  l'année  suivante.  Le  tableau  de  cette  année  fera  mieux 
comprendre  ce  que  j'énonce  ici  : 

An  3oi  avant  J.  C.   —  4^3  de  R. 
Consuls.  Marcus  Lîvius  Denter, 

Marcus  jEmilius  Paulus  (Tite-Liv.,  liv.  x,  chap.  1; 

Diodore,  livre  xx,  p.  106.) 
Première  dictature,  C.  Junius  Bubulcus.    (Tite-Liv.,   ibid.  ) 
Ce  dictateur  acheva  l'entière  réduction  des 
Eques,  pendant  les  huit  jours  qu'il  garda 
sa  magistrature. 
Seconde  dictature.  M.Valerius  Corvus. (Tite-Liv.  ,  ibid.,  c.  ni.) 
An  3oo  avant  J.  C.  —  4^4  de  R. 
Consuls.  M.  Valerius  Corvus. 

Quintus  Apuleius  Pansa.  (Tite-Live.,  ibid.,  chap.  vi.) 

Le  texte  de  Tite-Livc  porte  que  Valerius  fut  nommé  a  ce 
consulat  au  sortir  de  sa  dictature,,  consul  ex  dictature factus : 
d'après  cela  ,  M.  de  Fortia  ,  établit  que  des  chronologistes  ont 
commis  une  grave  erreur,  en  faisant  une  année  avec  la  dicta- 


136  SCIENCES  MORALES. 

ture  de  Valerius  (xxvu,  xxvm)  ;  mais,  par  quelle  inconce- 
vable distraction  son  imprimeur,  dans  le  Tableau  chronologique, 
a-t-il  passé  sous  silence  la  dictature  de  Junius  Bubulcus  ,  et 
inséré  à  la  place  une  dictature  de  Fabius  Maximus  qui  n'est 
appuyée  sur  aucun  texte ,  et  dont  il  n'est  nullement  question 
dans  les  articles  xxvu  et  xxvm  ? 

Cette  distraction  m'étonne  d'autant  plus  que  ,  dans  Tar- 
ticle  xxx  ,  intitulé  :  Conclusions  des  principes  précéclens  et  nou- 
velles observations  sur  les  dictatures  de  tan  3o  i  avant  noire  ère  , 
M.  de  Fortia,  épuisant  tous  les  argumens  de  sa  lumineuse  dis- 
cussion ,  s'élève  contre  la  prétendue  dictature  de  Fabius 
Maximus,  inventée,  dit-il,  par  Sigonius,  «  en  s' appuyant  sur 
des  marbres  mal  lus  ou  mal  expliqués ,  puisque  leur  autorité 
ne  peut  être  opposée  à  celle  d'un  historien  tel  que  Tite-Live.  » 

Plus  loin  (xxxiii)  notre  auteur  fait  la  même  justice  d'une 
erreur  commise  par  M.  Albert,  à  propos  de  l'entrée  en  charge 
«les  consuls  Appius  Claudius  Cœcus  et  Lucius  Volumnius 
Flamma  Yiolens ,  l'an  3o6  avant  notre  ère.  Puis ,  après  avoir 
fait  voir  que  les  années  dictatoriales  3oi  et  3oo,  (prétendue 
dictature  de  Papirius)  des  fastes  d'Almeloveen  étaient  imagi- 
naires, le  savant  critique  ,  Diodore  et  Tite-Live  à  la  main,  dé- 
montre qu'il  faut  encore  retrancher  de  cette  chronologie  les 
années  3io  et  3n.  A  l'appui  de  son  opinion,  il  cite  les 
fastes  consulaires  de  Rollin  ,  qui,  sans  en  avoir  la  prétention, 
fut  un  chronologiste  si  distingué. 

L'époque  de  la  prise  de  Rome  par  les  Celtes  fournit  plus 
loin  (art.  xxixîixlv)  à  M.  de  Fortia  le  sujet  d'observations  très- 
importantes,  et  qui  dominent  toute  la  chronologie  romaine  : 
car,  de  la  connaissance  précise  de  ce  grand  événement  résul- 
tent de  nouvelles  preuves  sur  l'année  de  la  fondation  de 
Rome,  et  d'utiles  rapprochemens  avec  divers  événemens  con- 
temporains de  l'histoire  grecque. 

L'auteur  du  Tableau  chronologique  se  livre  ensuite  à  l'examen 
des  chapitres  lxxi,  lxxiî,  lxxiii  et  lxxiv  du  ier  livre  de  Denys 
d'Halycarnasse(xLViià  li),  dans  lesquels  cet  historien  expose  les 
différens  systèmes  des  anciens  sur  la  fondation  de  Rome.  Neuf 


SCIENCES  W0R1U  V',: 

auteurs  cités  pa*  Dcxvvs,  et  parmi  lesquels  il  nomme  (tristoio, 

oui  cin  R.opic  bâtie  lorig-tenas  avant  l'époque  généralement 
reeonnue.  M.  de  Fortja  oonsaiere  un  article  entier  à  disenter  le 
mérite  de  ers  divers  écrivains  (xlviii)  dont  la  plupart  sont  à 

peu  près  inconnus.  ( 

(ne  <!is(  L|%S)Ob  non  moins  importante  est  délié  dos  diverses 
objections  qui  oot  été  faites  cefcitré  lanibénlkiité  des  premiers 
fastes  de  Rome.  Le  premier  anietir  de  des  doutes  critiques  ebt 
un  Français,  M.  de  Poiiu.y,  qui,  en  179.?,,  attaqua  en  pleine 
académie  les  narrations  si  respectées  de  I  ite  Livo  et  de  Denys 
d'IIalveai nasse.  Ses  argumens  ne  demeurèrent  point  sans  ré- 
ponse ,  et  l'abbé  Salues  prit  le  soin  de  les  réfuter.  En  1738  et 
et  1750  ,  Beaufort  reprit  la  question  traitée  par  Pouillv.  Plus 
tard ,  I'Evesqvk  ,  dans  son  Histoire  critique  de  la  république 
romaine y  publiée  en  1807,  reprit  les  argumens  de  ses  prédé- 
cesseurs ,  en  les  modifiant  avec  sagesse.  Sans  aller  aussi  loin 
qu'eux,  il  me  semble  avoir  prouvé  que  l'histoire  romaine  ,  dans 
ses  détails  et  pour  les  premiers  siècles,  n'est  qu'une  fable 
convenue. 

M.  de  Fortia  n'est  point  de  cet  avis,  et  en  cela  ,  bien  des 
sa  van  s  du  premier  ordre  partagent  son  opinion  qu'on  peut  bien 
dire  être  la  plus  générale  :  je  lui  lais  cette  concession  ,  mais 
tout  en  demeurant  pour  mon  compte  aussi  fidèle  que  jamais  à 
mon  sentiment  négatif. 

En  effet ,  qu'on  prouve  tant  qu'on  voudra  que  les  Romains 
ont  éerit  de  bonne  heure ,  que  les  livres  de  Nu  m  a  ont  réelle- 
ment existé  ,  et  qu'après  l'incendie  de  Rome  par  les  Gaulois  on 
ait  pu  sauver  quelques  inscriptions  ,  quelques  registres  publics, 
il  n'en  est  pas  moins  positif  qu'avant  Fabius  Pictor,  qui  vivait 
au  tems  de  la  seconde  guerre  punique  ,  Rome  n'a  pas  eu  d'his- 
torien. Le  moyen  alors,  c'est-à-dire,  au  bout  de  cinq  siècles, 
qu'avec  les  inscriptions  frustes  la  plupart,  avec  des  annales 
rédigées  pnr  des  pontifes  crédules  ou  menteurs,  et  dans  tous 
les  cas  infiniment  abrégées  ,  avec  des  mémoires  de  famille  où 
la  vanité  patricienne  mentait  d'avance  à  la  postérité  .  et  dans 
ses  prétentions  diverses  attribuait  quelquefois  le  même  con- 
t.  xwvi.  —  Novembre  1827.  22 


338  SCIENCES  MORALES. 

sulat ,  la  même  victoire  à  quatre  généraux  différezts;  le  moyen  ? 
dis-je,  qu'avec  de  tels  matériaux,  Fabius  Pictor,  que  d'ailleurs 
on  représente  comme  fort  partial ,  ait  pu  écrire  une  histoire 
raisonnable  ? 

Quoi  qu'il  en  soit ,  j'aime  à  le  reconnaître  ,  jamais  les  com- 
mencemens  de  l'histoire  de  Rome  n'ont  trouvé  un  plus  puissant 
défenseur  que  M.  de  Fortia.  Je  suis  forcé  de  convenir  qu'il  a 
prouvé  que  les  Romains  ,  ab  initio  rerum  Romanarum  ,  firent 
un  assez  fréquent  usage  de  l'écriture.  Il  a  également  détruit  les 
doutes  que  l'on  pouvait  élever  sur  l'authenticité  des  livres  de 
Nnma.  Dans  une  discussion  si  difficile ,  c'est  beaucoup  que 
d'avoir  réduit  ses  adversaires  au  silence  sur  deux  points  de 
cette  importance. 

Charles  du  Rozoir. 


•v^vv». '».'*.  ■«<-»<**-* 


LITTERATURE. 


ËSFA6HI     mi  i  iQin..     Choix     nii     imh.su. s    c.A.srii.LAXiiS  , 

depuis  Charles- Quint  jusqu'à  nos  jours ,  mises  envers 
français  avec  des  articles  biographiques  y  etc.  ;  par  /^c// 
/oa/I  Maria  Mauiiy  (i). 

SECOND    ET    DERNIER    ARTICI.r. 

(  Voyez  ci-dessus,  pag.  98 — io5.) 

«  Les  bons  auteurs  de  Louis  XIV,  écrivait  Voltaire  à  lord 
ll.nvey,  n'ont-ils  pas  été  vos  modèles?  N'est-ce  pas  d'eux  que 
votre  sage  Addisson,  l'homme  de  votre  nation  cpii  avait  le 
goût   le    plus   sur,  a    tiré   souvent   ses  excellentes   critiques? 

LY'véque  Burnet  avoue  que  ce  goût,  acquis  en  France  par 
les  courtisans  de  Charles  II,  réforma  chez  vous  jusqu'à  la 
chaire,  malgré  la  différence  de  nos  religions;  tant  la  saine 
raison  a  partout  d'empire!  Dites -moi  si  les  bons  livres  de  ce 
teins  n'ont  pas  servi  à  l'éducation  de  tous  les  princes  de  l'Eu- 
rope? Dans  quelle  cour  d'Allemagne  n'a-t-on  pas  eu  de  théâtre 
français?» 

Cette  influence  de  la  littérature  française  s'exerça  plus  direc- 
tement encore  en  Espagne.  Les  peuples  qui  confiaient  leurs 
destinées  à  un  petit-fils  de  Louis  XIV,  participèrent,  à  jusie 
litre,  aux  bienfaits  du  siècle  qui  avait  reçu  son  nom.  Un 
nouvel  ordre  de  choses,  résultat  de  l'une  des  transactions  po- 
litiques les  plus  importantes  de  l'histoire  moderne,  releva  la 
littérature  castillane  de  la  dégradation  où  elle  élait  tombée 
avec  l'état  lui-même.  Par  l'avènement  de  la  dynastie  française 


(1)  Paris,    1826  et   1827;  Monçie  ,   boulevard  des  Italiens,  n°  10. 
u  vol.  in-8°  ;  prix,  r5  fr. ,  et  18  fr.  par  la  poste. 

xx. 


v,o  LITTÉRATURE. 

au  tronc  des  Fspagnes,  l'école   française   régna   aussi  sur   le 

Parnasse  espagnol; 

Mais  près  d'un  siècle  s'était  écoulé  entre  la  dégénération  et 
la  restauration  du  goût;  et  cet  intervalu:  produit  une  lacune 
dans  le  plan  du  livre  que  nous  avons  sous  les  yeux.  Les  noms 
poétiques  ne  répondent  plus  aux  époques,  connue  dans  les 
divisions  précédentes.  L'auteur  a  comblé  le  vide  par  une  réu- 
nion de  morceaux  quicaractéri^cnl  le  génie  national, sur  laquelle 
nous  reviendrons.  ISous  allons  entrer  dans  le  xviii6  siècle, 
afin  d'ajouter  une  nouvelle  galerie  de  tableaux  à  celle  que 
nous  avons  décrite,  et  qui  finissait  à   Villegas. 

A  cette  époque,  on  voit  figuier  Luzan,  né  sous  Philippe  V, 
mais  qui  n'établit  sa  réputation  que  sous  Ferdinand  VI.  Sous 
le  règne  de  Charles  III,  l'Espagne  s'honora  du  colonel  Cadalso, 
du  fabuliste  Iriartè*  et  du  docteur  don  Juan  Melendez ,  qui 
commence  une  autre  série  de  gens  de  lettres.  Il  fut  suivi  du 
curé  Iglesias,  du  comte  de  Norona ,  et  de  Cienfuegos.  Trois 
écrivains  encore  vivans,  MM.  Moratin ,  Quintana  el  Arrlaza 
ferment  celte  galerie  de  poètes,  qui  ont  marqué  le  règne  de 
Charles  IV.  Des  notes  font  connaître  d'autres  écrivains  mo- 
dernes et  plusieurs  hommes  d'état,  qui  firent  la  gloire  de 
l'Espagne  et  des  lettres.  Ainsi  se  termine  cette  chaîne  illustre 
qui,  remontant  au  premier  auteur  qui  ait  écrit  en  langue  cas- 
tillane, se  continue  jusqu'à  l'époque  où  nous  sommes  arrivés. 

Un  sage  retour  aux  règles  de  l'art  et  aux  principes  du  goût, 
effet  immédiat  de  l'influence  française,  constitue  les  princi- 
paux litres  poétiques  des  trois  premiers  auteurs  que  nous  ve- 
nons de  nommer  :  Luzan,  excellent  critique,  poète  médiocre, 
que  l'on  a  comparé  à  La  Harpe;  Cadalso,  plus  renommé  pour 
ses  qualités  personnelles  que  pour  son  génie,  et  Iriarté  3  écri- 
vain élégant  et  correct,  à  qui  M.  Maury  se  plaît  à  rendre 
justice. 

Don  Juan  Melendez,  digne  de  figurer  près  de  Lope  de  Vega 
et  de  Garcilaso,  a  mérité  la  place  distinguée  que  lui  accorde 
l'auteur  de  l  Espagne  poétique ,  et  les  éloges  donnés  à  ses  vertus 
et  à  son  talent    L'histoire  de  ce  ppëte,  intimement  liée  à  celle 


L1TTÊR  ATTJRK.  1  \  i 

Je  su  pahic  présente  plusieurs  genres  d'intérêt.  Voici  ce  qu'en 
rapporte  son  biographe:  <  Après  la  réfutation  d'Aranjuez, 
Mi-laid'-,  qu'un   nouveau   règne,  toujours   réparateur,  avait 

i  appelé  à  "Madrid,  s'v  trouve  dans  la  position  critique  OÙ  I  ab- 
sence du  nouveau  roi  hisse  les  employés  supérieurs,  les 
hommes  marquans  et  la  nation  entière.  La  douceur  de  carac- 
tère, qui  avait  (ait  tant  d'amis  à  nôtre  poëte,  le  rendait  peu 
susceptible  de  voirie  salut  de  ta  patrie  dans  les  résolutions 
désespérées.  Il  accepte  une  mission  de  pai*  <\i\  lieutenant-gé- 
néral du  royaume.  » 

«  Il  pari  pour  Oviedo  :  une  accusation  capitale  et  le  titre  de 
traître  vendu  à  l'étranger  y  accueillent  l'homme  pur,  loyal  , 
honorable  par  ses  vertus  privées  et  publiques,  et  surtout  Es- 
pagnol jusqu'au  fond  de  l'âme.  Il  est  conduit  en  prison  avec 
sou  collègue,  le  comté  tîel  Pinar  ;  ils  sont  ensuite  relâchés, 
puis  incarcérés  de  nouveau,  et  relâchés  encore.  Mais,  ait 
moment  de  se  mettre  en  route,  le  peuple  brise  la  voiture  et 
veut  les  fusiller.  Melendez  répète  en  vain  une  de  ses  romances, 
bien  faite  pour  désarmer  la  fureur  populaire,  si  rien  d'humain 
pouvait  la  désarmer  :  son  supplice  n'est  suspendu  qu'afin  de 
savoir  si  on  ïe  lunra  par  devant  ou  par  derrière.  Toutefois  ,  la 
discussion  a  demandé  quelques  inslans  ,  et  l'on  voilai  ri  ver  la 
croix,  dite  de  la  vicloirc.  Les  furieux  agenouillés  laissent 
enlever  leur  proie.  Un  jugement  dans  les  formes  acquitte  les 
accusés  qui  atteignent  enfin  Madrid.  Napoléon  y  trouva 
Melendez.  » 

t  La  célébrité  du  poète  magistrat  lui  assignait  naturellement 
un  emploi  supérieur  ;  car,  il  faut  le  dire,  ce  n'est  qu'à  la  nullité 
ou  à  la  médiocrité  qu'il  fut  possible  d'attendre  l'événement. 
L'élite  de  la  nation  figura  dans  les  deux  camps  qui  se  formèrent» 
l'un  sous  le  canon  impérial ,  l'autre  derrière  les  murailles  de 
Cadix:  tous  deux  ont  eu  le  même  sort  !  » 

Cette  notice  biographique  nous  paraît  supérieure;  à  celles  de 
Cervantes  et  de  Lope  de  Vcga  ;  elle  est  plus  riche  d'idées,  de  faits 
intéressans.  Le  talent  de  Melendez  y  est  parfaitement  carac- 
térisé; mais  peut-être  ses  premières  poésies  y  sont  un  peu  trop 


342  LITTÉRATURE. 

exaltées  ,  aux  dépens  de  celles  qui  les  suivirent.  Il  faut  convenir 
que  Melendez  a  imprimé  à  ses  chants  lyriques  le  cachet  de 
l'originalité,  ce  nombre  ,  cette  cadence,  cet  accent  passionné, 
ces  sons  mélodieux,  cette  verve  d'expression,  enfin,  que 
M.  Maury  admire  dans  les  poésies  nationales  et  anacréontiqucs 
de  cet  auteur. 

Appelés  à  examiner  le  mérite  des  traductions  de  M.  Maury, 
nous  ne  quitterons  point  Melendez,  sans  présenter  quelques 
observations  sur  cette  ode  remarquable,  dans  laquelle  Don 
Juan  Maury  lui  fait  dire  : 

...  Hôtes  des  cieux  ,  où  plaça  votre  maître 
La  ligne  de  contact  du  néant  et  de  l'être  ? 

Le  texte  portait  :  Une  colonne  majestueuse  entre  l'être  et  le 
néant.  Si  une  colonne  a  pu  paraître  trop  matérielle,  une  ligne 
de  contact  est  aussi  trop  technique.  N'y  avait-il  pas  quelque 
terme  moyen  qui  se  rapprochât  un  peu  plus  de  l'image  ori- 
ginale. Nous  regrettons  de  ne  pas  retrouver  dans  l'ode  fran- 
çaise le  Créateur  disant  au  chaos  :  Retire-toi  ;  et  à  la  voûte  des 
cieux  :  apparais. 

Hâtons-nous  cependant  de  rassurer  un  auteur  digne  de  tous 
nos  égards.  Ces  reproches,  les  derniers  que  nous  aurons  à 
lui  adresser,  seront  plus  que  balancés  par  des  éloges  sincères. 
Nous  ajouterons  que  cette  ode  célèbre  a  été  très-habilement 
reproduite  par  le  poëte  qui  en  a  enrichi  la  langue  française  : 
la  progression  des  idées  y  est  mieux  suivie,  et  la  pièce  e^t 
terminée  d'une  manière  plus  heureuse;  mérite  trop  négligé 
par  la  plupart  des  lyriques  espagnols. 

Melendez  est  le  fondateur  de  l'école  mixte,  qui  tend  à 
ramener  les  formes  anciennes  aux  idées  du  jour,  et  à  allier  le 
goût  étranger  avec  le  génie  national.  Iglesias  est  demeuré  Cas- 
tillan, et  il  n'est  nullement  moderne;  ami  de  Melendez,  mais 
toujours  son  égal,  il  ne  reçut  point  ses  influences,  comme 
Cicnfucgos  et  Quintana ,  à  qui  Melendez  servit  de  maître,  ou 
comme  ses  autres  contemporains  qui  débutaient  dans  la  carrière, 
lorsque  le  cygne  du  Tonnes  avait  acquis  sa  haute  réputation. 


LITTÉRATURE.  V,*> 

M.  Maury  nous  semble  peu  juste,  quand  il  refuse  à  Cienfue- 
gos une  qualité  qu'il  reconnaît  au  plus  liant  dey  ré  dans  M.  Ar- 
ria/.a.  Celui-ci  est  né  poète,  sans  doute  :  sa  facilité  se  fait 
remarquer  dans  tout  ce  qu'il  a  écrit;  mais  n'y  a-t-il  pas  quelque 
exagération  à  dire  que,  depuis  Lope  de  Ve$a-%  il  est  le  seul 
poêle  espagnol  qui  semble  penser  eu  vers  ? 

Quant  à  Cienfuegos,  auteur  tragique  et  lyrique,  ce  n'est  pas, 
à  notre  avis,  l'instinct  poétique,  c'est  l'entente  de  la  compo- 
sition qui  lui  a  manqué.  On  remarque,  dans  quelques-unes  de 
ses  pièces,  et  notamment  dans  la  tragédie  à'Idomenée t  et  dans 
l'ode  politique  citée  par  M.  Maury,  des  morceaux  pleins  de 
verve.  Au  reste,  si  dans  les  pages  consacrées  à  M.  d'Arriaza , 
dans  l'Espagne  poétique,  l'amitié  qui  unit  les  deux  écrivains  a 
exercé  sa  douce  influence,  on  ne  saurait  soupçonner  M.  Maury 
d'un  sentiment  hostile  envers  Cienfuegos  :  il  a  relevé  avec 
force  le  grand  caractère  que  ce  poêle,  attaché  alors  au  gouver- 
nement, déploya  au  commencement  des  troubles  de  l'Espagne. 
Il  vint  expirer  en  France,  non  loin  des  lieux  où,  jeté  par  la 
même  tempête,  devait  bientôt  mourir,  dans  des  principes  op- 
posés, Melendez,  son  maître  et  long-tcms  son  ami. 

Don  Manuel  Quintana,  dont  3e  zèle  politique ,  comme  celui  de 
Cienfuegos,  fut  payé  de  plusieurs  années  d'emprisonnement 
après  le  triomphedela  cause  pour  laquelle  ils  avaient  combattu, 
a  suivi  la  double  carrière  poétique  de  son  condisciple.  Il  jouit , 
à  bon  droit,  d'une  plus  haute  renommée,  comme  élève  de 
Melpomène  et  comme  poêle  philosophe.  Ce  recueil  fait  con- 
naître ses  plus  belles  compositions  lyriques.  Les  qualités  du 
modèle  offraient  à  l'imitation  de  grandes  facilités.  «  La  dignité 
de  sa  poésie,  dit  son  interprète,  la  force  des  pensées,  une 
diction  noble  et  énergique,  des  sentimens  élevés  caractérisent 
ses  ouvrages.  Nous  voyons  en  lui  un  autre  Herrera,  avec  plus 
de  grâce  et  d'aménité;  mais  il  est  peut-être  moins  versifi- 
cateur. » 

Les  deux  autres  poètes  vivans  de  cette  série  devaient  pré- 
senter à  leur  traducteur  autant  de  difficultés  «à  vaincre,  que 
Melendez  dans  ses  poésies  gracieuses.  M.   Moratin  et  M.  Ar- 


34  i  LITTÉRATURE. 

riaza,  l'un  habile  à  soutenir   par  beaucoup   d'art  d'heureuses 

dispositions  naturelles;  l'autre,  dispensé  par  la  nature  de  rien 
demander  à  l'art  :  le  premier  plus  brillant,  le  second  plus  par- 
fait (1);  tous  les  deus  excellent  par  la  facture  du  vers  et  la 
pureté  du  langage. 

Toutefois,  le  traducteur  des  poêles  castillans  lutte  avec  eux, 
sans  laisser  apercevoir  l'inégalité  des  armes.  Il  supplée  à  la 
mélodie  des  sons  par  l'élégance  des  tours  :  car  i'élégauce  est 
à  l'esprit  ce  qu'est  la  mélodie  à  l'oreille. 

Les  amateurs  de  la  poésie  castillane,  qui  sont  en  état  d'en 
goûter  les  compositions  originales,  n'approuveront  peut-être 
pas  toutes  les  abréviations  érigées  en  système  par  l'auteur  de 
L'Espagne  poétique.  «Notre  littérature,  a-t-il  dit,  n'est  pas 
exemple  de  prolixité...  Nos  poètes  originaux  présenteront  sou- 
vent au  traducteur  une  question  délicate  à  résoudre  :  faut-il 
modifier  ou  tout  rendre?  Leur  doit-on  plus  d'égards  qu'aux 
lecteurs?  Nous  nous  sommes  déridés  pour  ceux-ci.» 

Cette  décision  favorable  au  publie  français  a  reçu  la  sanc- 
tion d'un  tribunal  espagnol  aussi  éclairé  que  compétent.  Le 
recueil  politique  et  littéraire  qui  paraît  à  Londres,  sous  ce 
titre  :  Ocios  de  Espaholcs  emi^rados,  et  que  nous  avons  déjà 
signalé  à  l'eslime  publique  (voy.  Rcv.  Enc. ,  t.  xxxi,  p.  686), 
s'est  empressé  d'appuyer  par  d'ingénieux  raisonnemens  ceux 
de  D.  J.  Trlaïu-yen  faveur  de  son  système. 

Les  lecteurs  français  ne  tiendront  peut-être  pas  assez  compte 
de  l'extrême  difficulté  du  travail  qu'il  a  entrepris.  Il  n'est 
guère,  en  effet,  d'éiémens  de  la  poésie  qui  ne  doivent  trou- 
ver, dans  une  langue  cultivée,  des  expressions  ou  des  formes 
qui  y  répondent.  Biais,  comment  transporter  dans  un  autre 
idiome  des  productions  indigènes,  populaires,  imprégnées 
du  goût  du   terroir,  caractérisées  par  l'expression    familière, 


(i)  Notre  Reçue  s'est  occupée  avec  détail  de  cet  écrivain  ,  considère 
principalement  comme  auteur  comique.  vTom.  xxïiii,  p;»g.  \5i,  fé- 
vrier i8'.?.y). 


LITTÉRATURE.  I4I 

et,  pour  ainsi  dire,    pir  faeceiil.  du   pays?  Gc  n'est  [>;is  tout: 

si,  comme  le  dil  M.  Maury  dans  ses  spirituels  rapproche- 
mens  entre  les  goûts  littéraires  et  1rs  habitudes  sociales,  la 
littérature    espagnole   aime   à   déroger  à   nobfess<ff  comment 

«nres  qui  prouvent  celle  assertion  s'accorderont  -  il:;  av(  C 
une  langue  jalouse  à  l'excès  des  bienséances?  I /habile  tra- 
ducteur des  poésies  castillanes  fait  plusieurs  concessions  aux 
lecteurs  français:  il  se  tiendra,  dit  il,  à  quelques  tons  plus 
haut  que  le  castillan;  mais  il  s'attachera  surtout  aux  moyens 
d'illusion  qui  naissent  de  l'imitation  des  mouvemens  et  des 
formes;  et  ses  copies  offriront  peut-être  cette  sorte  de  res- 
semblance qui,  sans  soutenir  l'examen  des  détails,  frappe 
cependant  au  premier  coup  d'œil. 

C'est  ainsi  que  M,  Maury  est  parvenu  à  faire  connaître  en 
deçà  des  Pyrénées,  non  -seulement  ces  romances  moresques, 
OÙ  respirent  les  passions  impétueuses  cies  enfans  du  désert,  où 
l'on  retrouve  les  teintes  locales  de  la  belle  Audalousie,  mais 
aussi  ces  chants  villageois  d  une  naïveté  presque  inimitable,  et 
les  saillies  parfois  bizarres,  qui  abondent  dans  les  composi- 
tions populaires  d'une  nation  dont  le  caractère  est  éminemment 
original. 

L'opinion  développée  dans  l'ouvrage  périodique;  espagnol 
dont  nous  avons  parlé ,  est  que  M.  Maury,  dès  son  premier 
volume,  a  offert  un  modèle  de  bonne  traduction  :  il  conserve 
aux  poètes  leur  caractère  individuel  et  leur  couleur  nationale; 
et  il  approche  autant  qu'il  est  possible  de, leurs  beautés  origi- 
nales; il  les  met  eu  évidence,  et  souvent  il  eu  éclaircit  les 
obscurités. 

L'auteur  de  l'excellent  article  de  ce  recueil  espagnol  félicite 
celui  de  ^Espagne  poétique  d'avoir  tracé  à  l'école  française  de 
nouvelles  voies.  Nous  ne  pouvons  approuver  cette  opinion  , 
et  nous  pensons,  au  contraire,  que  M.  Maury  a  tort,  toutes  les 
lois  qu'il  s'écarte  des  voies  françaises.  Quelques  hardiesses,  qui 
peuvent  passer  pour  des  négligences  ,  ont  manqué  de  faire  mé- 
connaître1 son  talent  :  un  coup  d'œil  trop  rapide  et.  superficiel 
pourrait  faire  attribuera  l'imperitic  ou  à  des  habitudes  étian- 


3/»6  LITTÉRATURE. 

gères  les  effets  trop  ambitieux  des  moyens  qu'il  a  puisés  dans 
la  science  de  la  versification. 

Des  faits  curieux  ,  extraits  de  la  double  histoire  de  la  Pénin- 
sule sous  la  croix  et  sous  le  croissant ,  choisis  et  appréciés 
avec  discernement;  de  nombreux  aperçus  neufs,  ingénieux 
ou  savans,  formant  une  espèce  de  poétique;  une  suite  de  ta- 
bleaux biographiques  dessinés  avec  beaucoup  de  grâce  :  tels 
sont  les  divers  genres  de  mérite  qui  recommandent  l'ouvrage 
dont  nous  nous  occupons. 

Les  exemples  d'Athènes  et  de  Rome  ont  démontré  qu'un 
peuple  qui  s'est  distingué  dans  la  carrière  des  lettres  et  dans 
celle  des  armes  ne  perd  jamais  entièrement  ses  droits  et  ses  titres 
de  gloire,  quelqu'affligeante  que  soit  la  décadence  actuelle 
d'une  nation  qui  fut  une  des  plus  puissantes  et  des  plus  poli- 
cées de  l'Europe.  Le  tribut  que  vient  de  lui  offrir  un  de  ses 
enfans,  en  replaçant  sous  les  yeux  les  principaux  chefs-d'œuvre 
dont  elle  s'honore,  semble  un  gage  des  nouveaux  et  nobles 
travaux  de  l'intelligence  par  lesquels  elle  reprendra,  dans  des 
jours  plus  heureux  ,  le  rang  qui  lui  appartient  parmi  les  peu- 
ples civilisés.  Muriel. 


OEuvres  complètes  de  J.  Fenimore-Cooper  ,  américain, 
traduites  de  l'anglais  ,  par  A.J.  B.  Defauconpret(i). 

Lorsque  les  premiers  ouvrages  de  M.  Cooper  parurent  à 
Paris,  les  romans  historiques  de  Walter  Scott  étaient  déjà 
connus  en  France  depuis  plusieurs  années;  et  telle  était  l'avi- 
dité du  public  pour  ce  genre  d'écrits,  telle  était  l'admiration 
que  l'auteur  écossais  avait  généralement  excitée,  que  l'on  crut 
devoir  lui  faire  honneur  à  la  fois  de  l'invention  et  de  la  per- 
fection du  genre  où  il  excellait.  On  ne  voulait  admettre  ni  con- 
currence, ni  comparaison  avec  lui  ;  il  s'en  fallait  peu  que  ses 


(i)  Paris  ,  1827  ;  Gosselin.  28  vol.  in-ta  ;  prix,  84  fr. 


LITTÉRATURE.  ^47 

amis  oe  vissent  en  lui ,  non  seulement  le  premier,  mais  le  seul 

auteur,  créateur  el  modèle  dans  Cette  sorte  de  roman.  La  vé- 
rité se  faisait  jour  néanmoins  au  milieu  de  ces  diseussions  ;  et 
s  il  arrivait  de  cette  polémique,  très- innocente  d'ailleurs,  ce 
qui  arrive  toujours  en  pareil  cas;  savoir,  que  le  goût  du  pu- 
blic, fortement  prononcé  pour  tout  ce  qui  rappelait  des  sou- 
venirs historiques,  lit  naître  une  multitude  d'autres  ouvrages 
du  même  genre,  dont  plusieurs  ne  sont  pas  indignes  du 
maître  ;  cette  brandie  de  littérature  ,  devenue  plus  impor- 
tante, et  appelant  une  attention  plus  scrupuleuse  de  la  part 
des  critiques,  leur  a  permis  de  mettre  chaque  chose  à  sa  place, 
et  d'attribuer  aux  divers  auteurs  la  portion  de  gloire  qui  leur 
appartient  réellement. 

L'intérêt  qui  se  rattache  à  cette  question  a  été  si  général 
qu'on  me  permettra  sans  doute  d'en  dire  quelques  mots. 

Nous  avons  été  forcés  de  tout  tems  ,  par  l'impossibilité  de 
connaître  tous  les  individus  des  siècles  passés ,  de  distinguer 
les  hommes  en  personnages  historiques  et  non  historiques 
dans  la  première  classe  sont  ceux  qui  ont  eu  assez  d'influence 
sur  la  marche  des  affaires  publiques,  ou  de  la  civilisation  ,  pour 
que  l'histoire  recueillît  leurs  noms  avec  la  date  et  les  circons- 
tances de  leurs  actions  ;  dans  la  seconde  se  trouve  la  multi- 
tude de  ceux  dont  nous  n'avons  jamais  entendu  parler,  c'est- 
à-dire  ,  plus  des  neuf  cent  quatre-vingt-dix-neuf  millièmes  de 
l'espèce  humaine.  Il  est  certain  ,  d'ailleurs  ,  qu'un  roman  ,  qui  , 
dans  son  acception  la  plus  générale,  est  une  narration  faite 
à  dessein  d'amuser,  deviendra  historique,  si  l'on  y  met  en  scène 
des  hommes  auxquels  nous  donnons  ce  nom  ,  ou  s'il  retrace 
particulièrement  une  époque  dont  l'histoire  seule  peut  nous 
donner  une  idée. 

Il  n'y  a  pas  jusqu'ici  de  difficulté  ,  mais  il  s'en  présente  une 
dans  la  pratique  :  quel  rôle  fera- 1 -on  jouer  à  ces  personnages 
dits  historiques?  Seront-ils  les  héros  du  roman?  Mais  où 
trouver  une  vie  assez  remplie  d'événemens  pour  suffire  à  plu- 
sieurs volumes ,  et  dont  toutes  les  actions  convergent  assez 
vers  un  seul  but  pour  conserver  toujours  l'unité  nécessaire  à 


3*8  LITTÉRATURE. 

f intérêt  ?  La  chose  est  impossible  :  il  faucha  donc  inventer;  et 
alors  nous  ferons  faire  aux  héros  une  foule  d'actions  que  l'his- 
toire nous  apprend  positivement  n'avoir  pas  eu  lieu.  Ainsi , 
naîtront  les  Pharamond ,  les  Gjrms  ,*l<es  Clélie  ,  les  Robert  de 
France  ,  etc.,  ouvrages  frivoles  et  faux  ,  où  ,  à  l'aide  d'un  nom 
historique  ,  des  personnes  tout-à  -fait  étrangères  à  l'histoire 
falsifient  les  événemens,  et  transportent  dans  des  siècles  re- 
culés le  ton  et  les  manières  des  salons  qu'elles  fréquentent. 
D'autres  auteurs  ,  mieux  inspirés,  imaginent  de  faire  reposer 
l'intérêt  du  roman  sur  des  personnages  de  fantaisie  ,  qu'ils 
peuvent  créer,  peindre,  faire  agir  à  leur  manière,  et  de  les 
rendre  seulement  les  témoins  ou  les  acteurs  obscurs  de  ces 
scènes  historiques  où  les  puissans  du  monde  jouent  toujours 
le  premier  rôle  ;  et  alors  ,  ils  montrent  ceux-ci  sous  les  vé- 
ritables couleurs  que  leur  donne  l'histoire  ,  et  ne  leur  prêtent 
que  des  actions  ,  des  pensées  ou  des  paroles  conformes  à  la 
vérité  historique  :  genre  d'ouvrage  plein  de  vérité  ,  parce  que, 
comme  dit  M.  de  Sismondi  ,  dans  la  préface  de  Julia  Sévéra  , 
il  ne  rapporte  que  des  choses  gui  ont  pu  écte  ,  quoique  nous  ne 
sachions  pas  qu'elles  aient  été.  ,  et  très-propre  à  fixer  l'intérêt» 
parce  qu'il  est  le  complément  nécessaire  del'hisfoire,  qu'il  supplée 
naturellement  dans  la  peinture  des  mœurs  et  de  la  vie  privée. 

Cette  division  du  roman  historique  en  deux  classes  explique 
la  réprobation  qui  a  pendant  long-tems  frappé  ce  genre,  et  la 
faveur  dont  il  est  dernièrement  devenu  l'objet.  Il  ne  consistait 
d'abord  que  dans  l'emploi  de  quelques  noms  :  j'ai  cité  les 
livres  de  M,,c  de  Scudéri  ;  la  Princesse  de  Clèves  de  M,ue  de 
Lafayetle,  le  Maleh-Adhel  ée  Mrae  Cottin,  les  Nouvelles  histo- 
riques de  M,ue  de  Genlis  ,  le  Conzahe  et  le  Niwia  Pompilius  de 
Florian  se  seraient  depuis  long-tems  placés  sous  ma  plume  ,  si 
l'intérêt  et  le  style  surtout  n'avaient  racheté  ,  du  moins  en 
partie ,  la  fausseté  des  détails.  Mais  le  succès  même  de  ces 
fictions  et  l'exception  peut-être  unique  que  présente  le  Fosca- 
rini  de  M,ne  de  Saluées,  prouvent  qu'en  général ,  au  lieu  de  les 
décorer  du  nom  de  roman  ,  on  devrait  les  appeler  franchement 
des  mensonges  historiques. 


II   n'en  est  pas  de  même  de  COlle   seconde  espèce  dont    nous 

ryoqs  parlé.  Autant  l'autre  est  bornée,  autant  celle  ci  est 
étendue  :  autant  l'autre  manque  de  moyeu,  autant  celle-ci 
pffre  de  ressources  :  autant  la  première  est  propre  à  fausser 

les  idées ,  autant  la  seconde  tend  à  les  rectifier  el  à  n'en  donner 
que  de  jn Mrs.  Tous  les  avantages  sont  donc  de  CC  COlé  :  niais, 
pour  apprécier  exactement  le  mérite  d'invention  de  celui  qui 
a  donné  l'exemple  de  passer  i\n  premier  au  second  genre,  il 
faut  remarquer  qu'il  a  suffi  de  changer  de  personnages  prin- 
cipaux en  personnages  épisodiques  les  acteurs  donnés  par 
l'histoire  :  or,  ceci  nfest  point  une  chose  nouvelle  :  ia  peinture 
de  la  cour  de  Charles  II,  dans  les  Mémoires  de  Grammo/it ; 
le  ministère  du  comte  d'Olivarès,  dans  Cil  filas  ;  une  bataille 
de  Frédéric  dans  les  Barons  de  Felsheirn;  le  Voyage  d  An  ténor 
de  feu  Lantier;  et  surtout  celui  d' ' Anacharsis,  ce  chef-d'œuvre 
de  I  érudition  française,  comme  on  l'a  souvent  appelé,  prou- 
vent que  la  France  pourrait  aussi  faire  valoir  quelques  pré- 
tentions à  la  création  de  ce  genre.  Car  on  doit  convenir  que 
le  choix  du  sujet ,  ni  l'exécution  ,  ni  la  forme  ,  ni  la  profon- 
deur des  connaissances  historiques  ,  qui  tiennent  de  très  près 
sans  doute  à  la  perfection  de  l'ouvrage  ,  ne  font  rien  du  tout  à 
la  classification  ,  et  que  le  Nain  mystérieux  et  les  Puritains  sont 
du  même  genre,  quoique  assurément  ils  soient  loin  d'avoir  le 
même  mérite. 

C'est  donc  moins  dans  la  création  d'un  genre,  que  dans 
l'intérêt  qu'il  a  su  y  répandre,  et  dans  la  perfection  où  il  l'a 
porté,  que  consiste  le  grand  ,  l'immense  talent  de  Walter 
Scott;  talent  dont  nous  pouvons  donner  une  idée  suffisante, 
en  disant  que,  malgré  ses  défauts,  ceux  qui  de  nos  jours  ont 
couru  la  même  carrière,  comme  Vander  Velde  en  Allemagne, 
MM.  Sismondi  et  Mortonval  en  France,  M.  Cooper  lui-même 
en  Amérique  ,  n'ont  pu  parvenir  à  en  égaler  ni  la  richesse,  ni 
la  variété  ,  ni  l'originalité. 

Nous  n'avons  à  parler  aujourd'hui  que  des  ouvrages  du  der- 
nier :  c'est  celui  que  la  faveur  publique  semble  placer  le  plus 
près  de  l'auteur  écossais  ;  c'est  celui  qui  paraît  en  effet  exceller 


5o  LITTÉRATURE. 

par  l'originalité  et  la  vérité  de  ses  tableaux  ,  celui  dont  j'esti- 
merais encore  plus  les  productions  ,  s'il  n'avait  pris  à  tache  de 
copier  son  modèle  jusque  dans  les  parties  les  plus  répréhen- 
sibles  de  ses  ouvrages.  La  suite  de  cet  article  montrera  que 
les  qualités  du  célèbre  romancier  américain  lui  sont  propres , 
tandis  que  ses  défauts  appartiennent  en  grande  partie  à  celui 
qu'il  imite.  M.  Cooper  est  auteur  de  sept  romans  ,  dont  voici 
les  titres  classés  d'après  leur  ordre  de  publication  en  France  : 
Précaution,  les  Pionniers ,  l'Espion,  le  Pilote  ,  Lionel  Lincoln , 
le  Dernier  des  Mohicans ,  et  la  Prairie. 

Précaution  est  un  roman  de  mœurs.  Il  ne  représente  que 
des  scènes  de  famille  ,  et  roule  entièrement  sur  le  besoin  et  la 
difficulté  de  choisir  un  bon  mari  ;  le  grand  nombre  de  person- 
nages introduits  par  l'auteur,  en  fait  un  véritable  imbroglio 
dont  la  solution  ne  repose  que  sur  un  changement  de  nom  qui 
se  découvre  à  la  fin  ;  nous  n'en  parlons  ,  au  reste  ,  que  pour 
souvenir  ;  il  était  loin  de  faire  attendre  ceux  qui  l'ont  suivi. 

Les  six  autres  romans  sont  du  genre  que  nous  nommons, 
comme  tout  le  monde,  historique  :  V Espion  ,  le  Pilote,  et  Lionel 
Lincoln,  ont  pour  but  de  marquer  les  progrès  et  la  marche  de  la 
puissance  américaine,  tandis  que  les  trois  autres  s'occupent 
plus  de  nous  faire  connaître  la  nature  et  les  mœurs  des  sau- 
vages de  l'Amérique  du  nord. 

Dans  le  premier  de  ces  romans,  Washington,  déguisé  sous 
le  nom  de  Harpcr,  a  donné  une  entière  confiance  à  Harvey 
Birch  ,  qui ,  par  un  dévoûment  incroyable  pour  son  pays  ,  par 
une  abnégation  sublime  de  lui-même  ,  consent  à  passer  pour 
l'espion  de  l'armée  royale  ,  afin  d'assurer  le  triomphe  de  la 
liberté  en  Amérique.  Traité  en  ennemi  par  ceux  qu'il  aime  , 
condamné  par  eux  à  une  mort  ignominieuse,  pris  plusieurs 
fois  et  s'échappant  toujours  au  moment  de  périr,  il  veille  sans 
cesse  sur  ceux  qui  veulent  sa  mort  ;  il  les  défend  au  péril  dé 
ses  jours,  et  consent,  dans  sa  dernière  entrevue  avec  Wa- 
shington ,  à  emporter  au  tombeau  une  réputation  infâme , 
plutôt  que  de  compromettre  le  repos  de  son  pays.  Sa  mort 
seide  met  en  évidence  le  secret  qu'il  a  si  bien  gardé ,  et  qui 


LITTÉRATURE.  3Si 

était  consigné  dans  an  papier  souscrit  de  Washington  lui  - 
même  el  qu'Harvey  Birch  portait  sur  sa  poitrine. 

Nous  ne  pouvons  dissimuler  que  la  lecture  de  cv  livre  laisse 
dans  l'âme  ce  sentiment  pénible  que  fait  toujours  naître  un 
déni  de  justice  :  mais  ,  à  le  considérer  sous  le  rapport  moral, 
ii  est  difficile  d'en  trouver  un  plus  propre  a  élever  l'âme  ,  et  à 
nous  inspirer,  au  milieu  de  nos  bonnes  actions  ,  ce  désintéres- 
sement ,  cet  oubli  de  nous-mêmes  qui  en  double  la  valeur. 

Dans  le  Pilote ,  une  frégate  et  un  schooner  américains  font 
une  descente  sur  les  côtes  de  l'Angleterre,  pour  tâcher  de 
s'emparer  de  quelques  personnages  importans  ;  ils  ont  besoin 
pour  cela  d'un  pilote  qu'ils  trouvent  en  effet  sur  le  rivage,  et 
qui  n'est  autre  que  le  fameux  corsaire  Paul  Joncs ,  caché  sous 
le  nom  de  M.  Grajr;  cet  homme  méconnu  et  humilié  par  l'An- 
gleterre a  juré  de  se  venger  de  ses  dédains;  il  a  pris  parti  pour 
Louis  XVI  et  les  Américains;  et ,  bien  que  l'entreprise  de  ceux- 
ci  n'ait  aucun  résultat,  il  parvient  cependant  à  les  sauver,  en 
les  engageant  dans  des  récifs  et  dans  des  bancs  de  sable  qu'il 
connaît  parfaitement,  et  au  milieu  desquels  les  vaisseaux  an- 
glais n'osent  les  poursuivre. 

Le  personnage  principal  ne  joue  pas  ,  dans  cet  ouvrage  ,  un 
rôle  à  beaucoup  près  aussi  important  que  dans  le  précédent  ; 
et  il  n'est  pas  représenté  sous  des  couleurs  aussi  éclatantes  ; 
mais  la  gaîté  ,  la  brusquerie  ,  la  promptitude ,  et  en  même  tems 
le  courage  et  la  bonhommie  des  marins  ,  et  surtout  l'originalité 
de  leurs  expressions,  lui  donnent  un  caractère  très-remar- 
quable ,  et  qu'il  serait  sans  doute  impossible  de  retrouver 
dans  aucun  autre. 

Lionel  Lincoln,  ou  le  Siège  de  Boston t,  offre  moins  d'intérêt 
que  les  deux  romans  dont  nous  venons  de  parler.  Le  jeune 
major  Lincoln  revient  d'Angleterre  à  Boston,  son  pays  natal , 
■avec  des  sentimens  d'amour  et  de  dévoùmcnt  pour  son  roi  :  il 
a  fait  la  traversée  avec  un  vieillard  nommé  Ralph  qui  chérit  , 
au  contraire ,  la  cause  de  l'indépendance  ,  et  qui  prend  néan- 
moins sur  son  jeune  compagnon  un  ascendant  irrésistible. 
Lionel  devient  amoureux  de  sa  cousine  Cécile  Dynévor,  qu'il 


15*  LITTKI1  YTURE. 

épouse  plus  tard  ;  et  ce  mai  iage  est  pour  lui  l'occasion  qui 
amène  la  connaissance  d'une  série  de  crimes  commis  dans  sa 
famille  ,  dont  le  résultat  avait  été  la  mort  et  la  diffamation 
de  sa  mère  ,  et  la  réclusion  de  son  père  dans  une  maison  de 
fous.  Son  père  n'est,  d'ailleurs  ,  autre  que  le  vieux  Ralph; 
il  meurt,  au  moment  où  on  le  reconnaît,  frappé  de  trois  coups 
de  couteau  par  son  geôlier  de  Londres  ,  qui  l'a  suivi  ,  on  ne 
sait  comment  ,  et  sans  que  son  iils  fasse  le  moindre  effort  pour 
le  défendre. 

Cette  suite  d'atrocités  n'est  évidemment  que  le  cadre  du 
tableau  où  l'auteur  a  voulu  peindre  la  confiance  présomptueuse 
des  chefs  anglais  ,  la  conduite  imprudente  et  immorale  de 
leurs  troupes;  et  d'un  autre  côté,  l'exaspération,  le  dé- 
voûment  et  l'activité  des  Américains.  C'est  dans  ce  but  sans 
doute  qu'il  a  jeté  dans  son  drame  un  jeune  idiot  qui  se  trouve 
être  le  frère  aîné  de  Lionel  Lincoln  ;  cet  insensé  ,  répétant  sans 
cesse  les  discours  qu'il  a  entendu  tenir  mille  fois,  est  natu- 
rellement l'écho  des  opinions  des  Améiicains;  mais  une  folie 
prolongée  ,  et  soutenue  à  travers  des  scènes  de  sang  ci  de  car- 
nage ,  est  quelque  chose  de  si  affligeant,  disons  mieux,  de  si 
rebutant ,  que  l'attention  s'attache  avee  peine  à  cette  malheu- 
reuse création  du  rôle  de  Job  Pray. 

Les  trois  romans  qui  suivent ,  et  où  M.  Cooper  nous  semble 
avoir  déployé  le  plus  de  ressources  et  d'originalité,  tendent, 
comme  nous  l'avons  dit ,  à  peindre  la  nature  sauvage  de  l'Amé- 
rique. 

Le  dernier  des  Mohlcans  y  qui  n'est  que  le  second  dans 
l'ordre  de  sa  publication  ,  est  le  premier  par  l'époque  qu'il 
retrace.  Duncan  Heyvard  ,  jeune  officier  anglais  ,  s'est  chargé 
de  reconduire  à  leur  père  i\ei\x  jeunes  filles ,  Alice  et  Cora  ;  il 
a  pris  pour  guide  le  Renard-Subtil ,  snuvage  perfide  qui  les 
égare  à  dessein  ;  alors,  il  s'adresse  ,  pour  demander  son  che^ 
min  ,  à  un  chasseur  qu'il  trouve  conversant  avec  deux  Indiens 
de  la  tribu  des  Deîawares;  ce  chasseur  a  reçu  le  nom  <XOEil- 
dc-Faucon  ,  ou  de  Longue-Carabine.  Issu  de  chrétiens  ,  chrétien 
lui-même  à  sa  manière  ,  il  est  presque  devenu  Indien;  mais, 


LIITIUATI  [RB. 
Pans  M  loyauté ,  il  n'a  pu  s'altaeher  qu'aux  Dclawarcs,  dont 
peu  de  \  iees  souillent  les  \eilus:  <  Y-.I  avec  les  deux  chefs  de 
celle  tribu  ,  le  Grand-Serpent  et  le  Ceif  dgilé  t  son  (ils,  qu'il 
conversait,  lorsqu'il  fut  questionné  par  lleyvard  :  il  lui  fait 
comprendre  la  trahison  du  Renard-Subtil ,  et  se  trouve  forcé 
de  iui  servir  de  guide  avec  ses  deux  amis  ,  les  deux  seuls  rcs- 
tans  de  la  famille  des  JYIohicans.  L'auteur  met  alors  sous  les 
yeux  du  lecteur  une  multitude  de  scènes  ,  tantôt  gaies  ,  tantôt 
terribles  ,  propres  à  peindre  le  caractère  et  les  habitudes  des 
sauvages  sous  tous  les  aspects  possibles.  11  engage  un  grand 
nombre  de  combats  qui  se  terminent  par  la  mort  du  Renard- 
Subtil  et  du  Cerf- Agile,  le  dernier  des  Mohicans ,  et  par  le 
mariage  d'Heyvard  avec  Alice. 

Les  Pionniers  forment  la  seconde  partie  ,  si  l'on  peut  le  dire , 
du  roman  des  Mohicans.  La  civilisation  a  fait  des  progrès  ,  et 
Marmaduke-Temple  est  juge  dans  la  ville  de  Templeton.  Le 
Grand-Serpent  et  OEil -de-Faucon  se  sont  un  peu  rapprochés 
des  colons;  le  premier  s'est  converti  au  christianisme,  et  a 
reçu  le  nom  John  l'Indien  ;  le  second  a  changé  son  nom  en  celui 
de  Bas-de-Cuir,  qu'il  doit  sans  doute  à  ses  guêtres:  tous  les 
Unix  sont  attachés  d'une  amitié  sincère  au  jeune  Edouard  Ef- 
fingham.  petit-fils  du  major  Effingbam,  qui  avait  autrefois  té- 
moigné une  grande  amitié  à  la  tribu  des  Delawares,  et  avait 
même  été  adopté  par  elle,  et  fds  d'Edouard  Effingham,  ancien 
associé  de  Marmaduke-Temple,  dont  il  s'était  séparé  en  lui 
laissant  tout  son  bien  ,  lors  de  la  guerre  des  Anglais  contre  leurs 
colonies.  Edouard  ,  persuadé  que  M.  Temple  lui  a  enlevé  ses 
biens  ,  nourrit  contre  lui  une  haine  profonde  qui  ne  l'empêche 
pas  d'adorer  miss  Elisabeth  Temple  ,  sa  fille.  Pendant  ce  tems  , 
Bas-de-Cuir,  accusé  d'avoir  tué  un  daim  et  d'avoir  menacé  un 
constable  de  son  fusil ,  est  condamné  à  la  prison  et  à  une 
amende  qu'il  ne  peut  payer  :  Edouard  le  délivre ,  et  avec  John  , 
ils  se  retirent  sur  une  montagne,  où  le  Grand-Serpent,  sentant 
approcher  sa  fin,  meurt  en  chantant  ses  louanges  et  celles  de 
«a  nation.  Edouard  et  Bas-de-Cuir  ont  cependant  sauvé 
miss  Temple  de  la  mort  ;  bientôt  tout  s'explique.  Edouard  re- 
t.  xxxvi.  —  Novembre  1817.  23 


35/f  LITTÉRATURE. 

connaît  que  M.  Temple  a  été  aussi  fidèle  et  désintéressé  qu'il 
l'avait  cru  cupide  :  il  épouse  sa  fille;  mais  Bas-de-Cuir,  fuyant 
toujours  devant  la  civilisation  ,  indigné  des  immenses  abatis 
de  bois  et  des  défrichemens  que  Ton  fait  tous  les  jours ,  fait 
ses  adieux  à  ses  amis  pour  s'enfoncer  dans  les  forêts. 

La  Prairie  est  le  complément  des  deux  ouvrages  qui  pré- 
cèdent. Bas-de-Cuir  s'est  éloigné  des  hommes  ;  mais  quatre- 
vingt-dix  ans  se  sont  accumulés  sur  sa  tète.  Déjà  il  ne  peut 
plus  que  tendre  des  pièges  ou  des  trappes  aux  animaux,  et  on 
lui  donne  le  nom  de  Trappeur.  Il  est  rencontré  sur  ses  mon- 
tagnes par  Ismaè'l  Bush,  qui  émigré  avec  toute  sa  famille  et  veut 
former  un  établissement  loin  des  hommes.  Ismaè'l,  à  l'instiga- 
tion de  son  beau-frère  Abiram,  a  enlevé  la  jeune  Inès  à  som 
père,  dans  l'espérance  d'en  obtenir  une  forte  rançon;  son 
amant  se  met  à  sa  recherche;  et  cet  amant  est  le  petit-neveu 
de  ce  Duncan-Hcyvard  que  nous  avons  vu  ,  dans  le  Dernier  des 
Mohicans ,  avoir  de  si  grandes  obligations  au  chasseur  Natha- 
niel-Bumpo,  ou  OEil-de-Faucon  :  cette  reconnaissance  suffit 
pour  attacher  le  trappeur  à  la  fortune  du  jeune  officier;  ils 
cherchent  ensemble  la  belle  Inès,  sont  traversés  dans  leurs  re- 
cherches par  la  tribu  des  Sioux ,  et  aidés  par  le  jeune  Cœur- 
Dur  ,  chef  de  la  tribu  des  Pawnies-Loups  ,  qui  égale  en  vertu 
les  anciens  Delawares.  Ici  se  placent  nécessairement  des  com- 
bats ,  tous  fort  intéressans,  soit  des  sauvages  entre  eux,  soit 
des  sauvages  contre  la  colonie  que  conduit  Ismaè'l  Bush  :  ils  se 
terminent  par  la  victoire  de  Cœur-Dur  sur  Mathovic,  chef  des 
Sioux  ,  et  par  la  restitution  d'Inès  à  Middleton  ;  enfin,  le  vieux 
trappeur  reçoit  une  hospitalité  généreuse  des  Pawnies  ,  vit  au 
milieu  d'eux,  comblé  d'honneurs,  et  meurt  plein  de  jours , 
après  avoir  obtenu  de  Middleton,  qui  était  venu  le  voir  par 
hasard  ,  la  promesse  que  ses  dernières  volontés  seraient  ac- 
complies. 

Les  qualités  qui  distinguent  généralement  les  romans  de 
M.  Cooper  sont  les  suivantes  :  un  intérêt  toujours  croissant  et 
égal  à  celui  que  "Walter  Scott  et  Wandcr  Velde  ont  su  répandre 
dans  leurs  ouvrages  ;  l'observation  exacte  des  localités ,  et  une 


LITTÉRATURE» 
venu-  constamment  soutenue  dans  l<\s  caractères;  enfin,  une 

pointnic  des  passions  tellement  vivo  qu'il  fait  toujours  partager 
au  lecteur  celles  qu'il  prête  à  ses  personnages*  Jo  regrette  de 

uc  pouvoir  citer  ici  plusieurs  des  scènes  que  notre  autour  a 
tracées  avec  un  rare  talent  ;  je  choisirai  du  moins  celle  qui  m'a 
.semblé  la  plus  parfaite,  et  qui  doit  trouver  chez  nous  le  plus 
grand  nombre  d'appréciateurs  :  c'est  la  reconnaissance  du  jeune 
IWuldleton  par  le  trappeur.  L'officier  vient  de  montrer,  pour 
se  faire  connaître,  sa  commission  de  capitaine  d'artillerie,  ac- 
cordée à  Duncan-Uncas-Middlcton.  —  «  À  qui  ?  à  qui  ?  s'écria 
le  trappeur  qui  était  resté  assis  ,  et  qui  regardait  l'étranger 
avec  des  yeux  qui  semblaient  vouloir  en  dévorer  les  traits; 
quel  est  son  nom  ?  Ne  l'avez-vous  pas  appelé  Uncas?  Uncas  ! 
est-ce  bien  Uncas?  —  Toi  est  mon  nom,  répondit  le  jeune 
homme  :  c'est  celui  d'un  chef  d'une  tribu  des  naturels  du  pays  , 
et  mon  oncle  et  moi ,  nous  sommes  fiers  de  le  porter,  parce  que 
c'est  en  mémoire  d'un  service  important  rendu  à  notre  famille 
par  un  guerrier  dans  les  anciennes  guerres  des  provinces.  — 
Uncas  !  vous  l'avez  appelé  Uncas  î  répéta  le  vieillard  en  se  le- 
vant; et  s'approehant  du  jeune  étranger:  il  sépara  les  boucles 
de  cheveux  noirs  qui  lui  tombaient  sur  le  front.  Mes  yeux  sont 
vieux,  continua-t-il  ;  ils  ne  sont  plus  aussi  pereans  que  lorsque 
j'étais  moi-même  un  guerrier;  mais  je  puis  reconnaître  les  traits 
du  père  dans  ceux  du  fiU.  Je  les  ai  reconnus  dès  qu'il  s'est 
approché;  mais,  depuis  ce  tems,  il  s'est  passé  tant  de  choses 
devant  mes  yeux  ,  que  je  ne  pouvais  me  dire  où  j'avais  vu  sa 
ressemblance.  Dites-moi,  jeune  homme,  quel  est  le  nom  de 
votre  père  ?  —  Le  même  que  le  mien...  Le  frère  de  ma  mère 
se  nommait  Duncan  Uncas  Heyvard.  — Encore  Uncas  ,  encore 
Uncas!  s'écria  le  vieillard,  en  tremblant  d'émotion  ;  et  son 
père?  —  Portait  les  mornes  noms,  à  l'exception  de  celui  du 
ohef  d'une  des  peuplades  du  pays  ;  ce  fut  à  lui  et  à  mon  aïeule 
que  fut  rendu  le  service  dont  je  viens  de  parler.  —  Je  le  savais, 
je  le  savais,  s'écria  le  trappeur  d'une  voix  tremblante;  et  ses  traits 
raidis  par  l'âge  ,  étaient  agités  d'une  forte  émotion  ,  comme  si 
ces  noms  qu'il  venait  d'entendre  eussent  éveillé  en  lui  des  idées 

23. 


&56  LITTÉRATURE. 

endormies  depuis  long-tems  ,  el  se  rattachant  aux  idées  d'un 
siècle  passé  :  je  le  savais,  fils  ou  petit  fils ,  c'est  la  même  chose, 
c'est  le  même  sang ,  ce  sont  les  mêmes  traits.  Dites-moi  main- 
tenant; celui  qu'on  nommait  Duncan ,  et  qui  ne  portait  pas  le 
nom  d'Uncas,  vit-il  encore  ? 

«  Le  jeune  homme  secoua  tristement  la  tète,  et  répondit: 
Non;  il  est  mort,  plein  de  jours  et  d'honneurs.  . .  —  Plein  de 
jours,  répéta  le  trappeur,  en  jetant  un  coup  d'oeil  sur  ses 
mains  maigres  et  desséchées,  mais  encore  nerveuses.  Ah!  il 
vivait  dans  les  habitations,  et  n'était  sage  qu'à  leur  manière... 
Mais  vous  l'avez  vu  souvent  ;  il  vous  a  parlé  d'Uncas  :  qu'en 
disait-il?  qu'en  pensait- il  dans  son  salon,  jouissant  de  toutes 
ses  aises  et  de  tout  le  luxe  des  habitations?  —  Je  ne  doute 
pas  que  ses  discours  ne  fussent  les  mêmes  que  ceux  qu'il  aurait 
tenus  dans  les  bois,  s'il  se  fût  trouvé  face  à  face  avec  son 
ami.  —  Appelait-il  le  sauvage  son  ami?  ce  pauvre  Indien,  ce 
guerrier  dont  le  corps  nu  était  peint?  n'était-il  pas  trop  fier 
pour  cela  ? — Il  se  faisait  honneur  de  cette  liaison ,  et  il  donna  son 
nom  à  son  fils  aîné,  nom  qui  se  perpétuera  probablement  parmi 
tous  ses  descendans,  comme  un  héritage  de  famille.  —  Il  a 
bien  fait;  il  a  agi  en  homme,  oui,  et  en  chrétien;  il  avait 
coutume  de  dire  que  le  Delaware  avait  le  pied  léger;  se  sou- 
venait-il de  cette  circonstance?  —  Léger  comme  l'antilope,  il 
le  nommait  souvent  le  cerf  agile.  .  .  Mon  grand-père  et  mon 
aïeule  conservaient  une  trop  vive  impression  des  dangers  qu'ils 
avaient  courus,  pour  oublier  aucun  de  ceux  qui  les  avaient 
partagés, 

«Le  trappeur  détourna  les  yeux  et  parut  lutter  contre  quel- 
que sentiment  intérieur  qui  l'agitait  vivement.  Vous  a-t-il  parle 
de  tous?  lui  demanda-t-il  :  étaient-ils  tous  des  peaux  rouges; 
à  l'exception  de  lui-même  et  des  deux  filles  de  Munro  ? — N%», 
il  se  trouvait  un  blanc  avec  les  Delawares,  un  batteur  d'es- 
trade de  l'armée  anglaise,  né  en  Amérique. —  Quelque  ivrogne, 
sans  doute,  quelque  misérable  vagabond,  comme  ceux  qui 
vivent  avec  les  sauvages? — Vieillard,  vos  cheveux  gris  de- 
vraient vous  apprendre  à  mettre   plus  de  retenue  dans  vos 


LITTÉRATURE.  357 

discours.  L'homme  don!  je  vous  parle  était  doué  do  don  le 
plus  précieux  et  le  plua  rare  de  la  nature,  celui  do  distinguer 
le  bien  du  mal;  en  courage*,  il  était  égal  à  ses  compagnons  à 
peau  rouge; en  science  militaire,  il  leur  était  supérieur,  parce 
qu'il  axait  été  inh'ux  instruit;  en  un  mot,  c'était  un  noble 
rejeton  sorti  du  tronc  de  la  nature  humaine. 

«Tendant  que  Middleton  parlait  ainsi  avec  ce  ton  de  chaleur 
généreuse  si  naturel  à  la  jeunesse,  le  vieillard  avait  les  yeux 
fixés  sur  la  terre  :  ses  doigts  jouaient  tantôt  avec  les  oreilles 
de  son  chien,  tantôt  avec  les  bords  de  ses  vôtemens;  il  ouvrait 
et  fermait  le  bassinet  de  son  fusil,  d'une  main  qui  tremblait, 
de  manière  à  faire  croire  qu'elle  n'était  plus  en  état  de  le 
manier. 

«Votre  grand-père  n'avait  donc  pas  tout-à-fait  oublié  l'homme 
blanc  ?  demanda  le  trappeur,  quand  le  jeune  homme  eut  cessé 
de  parler.  —  Il  l'avait  si  peu  oublié  qu'il  y  a  dans  notre  fa- 
mille trois  personnes  qui  en  portent  le  nom.  —  Qui  en  portent 
le  nom,  dites-vous?  s'écria  le  vieillard  en  tressaillant;  quoi! 
des  hommes  riches,  élevés,  honorés,  et  ce  qui  vaut  encore 
mieux,  des  hommes  justes  portent  son  nom?  son  véritable 
nom?  écrit  avec  les  mêmes  lettres,  commençant  par  un  N  et 
finissant  par  un  L  (Nathaniel).  —  Exactement,  répondit  le 
jeune  officier  en  souriant.  —  La  nature  ne  put  combattre  plus 
long-tems.  Accablé  par  une  foule  de  sensations  extraordi- 
naires, stimulé  par  des  souvenirs  endormis  depuis  bien  long- 
tems  et  réveillés  tout  à  coup  d'une  manière  si  étrange,  le  vieil- 
lard n'eut  que  la  force  d'ajouter  d'une  voix  creuse  dans  laquelle 
les  efforts  qu'il  faisait  pour  parler  permettaient  à  peine  de 
reconnaître  le  son  naturel  delà  sienne  :  «  Jeune  homme, je  suis 
ce  batteur  d'estrade,  jadis  guerrier,  maintenant  misérable  trap- 
peur; »  et  deux  fontaines,  qui  semblaient  taries  depuis  Jong- 
tems  ,  lui  fournirent  alors  de  nouvelles  larmes  qui  coulèrent 
avec  abondance  le  long  de  ses  joues  ridées.  Appuyant  la  tète 
sur  ses  genoux,  il  la  couvrit  d'un  pan  de  son  habit  de  peau  de 
daim,  et  on  l'entendit  sangloter.» 

Bornons  ici  cette  citation  que  j'ai  beaucoup  abrégée.  Elle 


358  LITTÉRATURE. 

suffit  pour  montrer  avec  quel  talent  M.  Cooper  sait  peindre 

les  passions,  sans  jamais  sortir  de  la  nature. 

Mais,  si  ses  livres  ont  au  plus  haut  degré  les  qualités  que 
j'ai  signalées,  ils  ne  sont  peut-être  pas  exempts  des  défauts  que 
nous  trouvons  dans  la  plupart  des  romans  historiques.  Je  mets 
au  premier  rang  la  manie  de  faire  son  roman  en  quatre  vo- 
lumes. On  est  forcé,  pour  arriver  à  ce  nombre,  d'avoir  recours 
à  un  usage  immodéré  des  dialogues  :  on  fait  converser  ses  per- 
sonnages souvent  sur  des  choses  qui  ne  tiennent  nullement  à 
l'action,  ou  pour  peindre  des  caractères  ou  des  ridicules  que 
le  lecteur  n'a  aucun  besoin  de  connaître.  Walter  Scott  a  mis 
à  la  mode  ce  moyen  d'allonger  un  livre,  et  j'ai  entendu  vanter 
ces  dialogues  éternels  dont  il  a  rempli  ses  romans:  je  conviens 
que  dans  les  premiers  momens  on  a  pu  être  surpris  et  flatté 
même  de  la  tournure  vive  qu'ils  donnent  aux  portraits  que 
veut  offrir  l'auteur,  et  de  l'originalité  de  ces  conversations  : 
mais  un  peu  de  réflexion  aurait  dû  convaincre  que  cette  con- 
fusion de  genres  n'est  pas  du  tout  favorable  à  la  narration. 
Qu'au  théâtre,  où  le  dialogue  est  le  seul  moyen,  on  l'emploie 
pour  faire  connaître  les  personnages  et  les  faits,  rien  de  mieux; 
mais,  quand  on  peut  raconter,  qu'on  s'amuse  à  faire  discourir, 
c'est  ce  qui  ne  sera  conçu  que  par  ceux  qui  savent  quelle  est 
l'exigence  des  libraires.  Ce  n'est  pas  que  je  biàme  le  dialogue 
quand  il  est  employé  pour  un  but  utile,  comme  le  dévelop- 
pement d'une  idée  ou  d'un  caractère  qu'il  est  important  de 
connaître,  ou  quand  il  se  rattache  immédiatement  au  drame; 
mais,   le    plus   souvent,    il    n?est  là    que  pour    former    une 
scène  dont  on  se  passerait  facilement.  C'est  ainsi  que  dans 
TEspion,  les  officiers  de  l'armée  américaine  dissertent  sur  la 
dureté  de  la  vache  qu'on  leur  fait  manger;  que,  dans  Lionel 
Lincoln,  le  capitaine  Polwarth  discute  longuement  avec  Mac- 
Fuse  sur  l'ordonnance  et  les  apprêts  d'un  dîner.  On  accordera 
sans  peine  que  de  semblables  questions  ralentissent  beaucoup 
la  marche  d'un  roman. 

Un  autre  caractère  de  tous  les  auteurs  qui  appar tiennent  à 
l'école  de  Walter  Scott,  c'est  l'emploi  de  personnages  en  quel- 


LITTÉRATURE.  35g 

que  sorte  biiriiatui ils,  et   qui  exercent  su i •  les  autres   iiclcms 

«me  influence  merveilleuse ,  qui  trop  souvent  n'est  pas  expli- 
quée :  L'Espion  ,  le  Pilote,  Lincoln  le  père*  sont  des  êtres  de  ce 

genre.  Sous  le  rapport  de  l'intérêt,  ou  aurait  tort  de  s'en 
plaindre  ;  car  nous  sommes  tous  tellement  amis  du  merveilleux, 
que  nous  ne  pouvons  nous  en  détacher,  sous  quelque  forme 
qu'il  se  présente;  et,  pour  le  dire  en  passant ,  les  romanciers  de 
ce  siècle  ont  montré  quel  cas  il  fallait  faire  des  déclamations 
des  critiques  du  siècle  passé  contre  l'emploi  du  merveilleux 
dans  le  poème  épique.  Mais  j'avoue  que  dans  un  roman  des- 
tiné à  peindre  la  société  au  sein  de  laquelle  nous  vivons,  j'ai- 
merais mieux  qu'on  ne  présentât  pas  de  ces  êtres  fantastiques, 
dont  l'apparition,  même  dans  un  livre,  peut  produire  des  im- 
pressions dangereuses  sur  les  tètes  faibles  et  sur  l'imagination 
des  femmes. 

Une  création  qu'il  est  plus  difficile  d'excuser  sous  le  rap- 
port littéraire,  c'est  celle  de  ces  personnages  grotesques,  re- 
produits presque  partout.  Dans  les  Mohicans,  c'est  David  la 
Gamme,  le  maître  de  chant;  dans  la  Prairie. ,  c'est  le  médecin 
Obed;  dans  l'Espion,  le  chirurgien  Sitgreaves  :  non  que  ces 
caractères  soient  blâmables  en  eux-mêmes,  puisqu'ils  sont  dans 
la  nature,  et  qu'ils  n'ont  rien  de  repoussant;  mais  il  est  trop 
clair  qu'ils  sont  placés  là  sans  aucune  nécessité,  seulement 
pour  que  les  conversations  qu'on  leur  fera  tenir,  ou  les  actions 
ridicules  qu'on  leur  prêtera  ,  allongent  encore  le  volume. 

Il  n'en  est  pas  de  même  de  ces  figures  où  les  auteurs  semblent 
avoir  voulu  montrer  ce  que  peut  devenir  l'homme,  lorsque  ses 
facultés,  fortement  excitées  et  dirigées  vers  un  même  but,  sont 
encore  favorisées  par  une  taille  ou  une  force  peu  ordinaires  : 
tels  sont,  dans  l'Espion,  et  dans  le  Pilote ,  le  capitaine  de  dra- 
gons Lawton  et  le  contre-maître  Tom-le-Long  :  ces  personnages 
sont  de  véritables  créations,  et  le  rôle  important  qu'ils  jouent  ne 
permet  pas  de  les  regarder  comme  des  hors-d'œuvre.  Il  fau- 
drait y  ajouter,  dans  un  autre  genre,  quelques  portraits  de 
femmes,  qui  tous  se  distinguent  par  la  grâce  caractéristique  du 
sexe,  jointe  tantôt  à  une  fermeté  de  résolution  peu  commune, 


3Go  LITTERATURE. 

tantôt  à  une  douceur  ou  à  une  faiblesse  que  nous  ne  rencon- 
trons que  trop.  A  cet  égard  même,  on  pourrait  peut-être 
signaler  dans  les  ouvrages  du  romancier  américain  un  peu  de 
monotonie;  car  il  oppose  presque  toujours  deux  sœurs  ou  deux 
cousines,  ou  deux  amies,  dont  l'une  est  la  sensibilité  même,  et 
l'autre  la  gaîte  personnifiée;  mais  ces  tableaux  ont  tant  de 
fraîcheur  et  tant  de  grâce,  que  personne  assurément  ne  sera 
tenté  de  lui  en  faire  un  reproche. 

Ces  observations  prouvent  avec  quelle  impartialité  la  Revue 
Encyclopédique  apprécie\esou\Tr  âges  âom  elle  présente  l'examen. 
M.  Cooper  est  l'un  des  hommes  que  son  beau  talent  et  son 
noble  caractère  doivent  le  plus  faire  estimer.  Nous  avons  dit, 
sans  restriction ,  combien  nous  trouvions  à  louer  dans  ses  ou- 
vrages ;  mais  la  vérité  nous  faisait  un  devoir  de  relever  les 
défauts  qui,  selon  nous,  les  déparent  quelquefois.  Notre  fran- 
chise même  est  un  hommage  rendu  à  l'écrivain  d'un  mérite 
supérieur  dont  nous  avons  lu  avec  un  soin  consciencieux  les 
admirables  productions;  et  nous  aimons  à  croire  qu'il  nous 
saura  gré  d'une  critique  sincère  qui  seule  pouvait  donner  du 
prix  à  nos  éloges. 

B.  J. 


BEAUX -ARTS. 


(i)  L'enseignement   du   dessin  linéaire,  a  après  une 

méthode  applicable  a  toutes  les  écoles  pri/naires  ,  quel 
que  soit  le  mode  d'instruction  qu'on  y  suit;  par 
L.  B.  Francoeur.  Deuxième  édition  (2). 

Cet  ouvrage  est  la  seconde  édition  d'un  livre  sur  le  même 
sujet ,  mais  qui  était  destiné  seulement  à  la  méthode  de  l'en- 
seignement mutuel  ;  ce  livre  avait  paru  en  1819.  On  peut  faci- 
lement pressentir  ce  (pie  huit  ans  d'expériences  ont  dû  fournir 
de  documens  importans  à  l'auteur,  dont  on  a  pu,  dans  plus 
d'une  circonstance,  apprécier  la  haute  instruction  et  le  zèle 
éclairé  :  cette  seconde  édition  ,  par  sa  nouvelle  application  , 
et  par  la  liaison  que  M.  Francœur  a  établie  entre  l'exercice  du 
dessin  purement  linéaire  ,  et  son  emploi  dans  toutes  les  bran- 
ches des  arts  graphiques  et  dans  celles  des  arts  d'imitation, 
offre  des  perfectionnemens  qui  méritent  notre  attention;  mais 
avant  de  procéder  à  l'indication  de  ces  perfectionnemens ,  je 
crois  devoir  jeter  un  coup-d'œil  sur  l'origine  ,  la  nature  et  les 
résultats  du  dessin  linéaire,  qui  ne  me  semblent  pas  avoir  en- 
core été  convenablement  envisagés. 

On  croit  assez  généralement  que  le  dessin  linéaire  est  une 
découverte  moderne;  on  le  rattache  au  système  d'enseignement 
mutuel  attribué  par  parenthèse  assez  mal  à  propos  à  une  in- 
vention anglaise  récente  ;  bien  qu'il  soit  déjà  anciennement 
mentionné  ,  notamment  dans  le  Traité  des  études  de  Rolliu. 

(1)  M.  le  baron  de  Silvestre,  membre  de  l'Académie  des  Sciences, 
ayant  fait  à  cette  société  ,  sur  l'ouvrage  de  M.  Francœur,  un  Rapport 
verbal  qu'il  a  bien  voulu  nous  communiquer,  nous  ne  croyons  pouvoir 
mieux  faire  connaître  le  traité  de  Y  Enseignement  du  dessin  linéaire  , 
qu'en  présentant  ce  rapport  à  nos  lecteurs. 

(2)Paris,  1837;  L.  Colas.  1  vol.  in-8°  de  vj-175  pages,  avec  un  H- 
tret  des  problèmes  contenant  6  feuillets  ,  et  un  atlas  in-fol.  de  1  a  pi. 


36a  BEAUX- ARTS. 

Il  suit  de  cette  erreur  que  les  avantages  ou  les  inconvéniens 
qu'on  attribue  à  ces  procédés  sont  assez  ordinairement  en 
raison  du  jugement  qu'on  porte  sur  les  moyens  d'éducation 
simultanée  ou  réciproque  dernièrement  mis  en  usage  plus  gé- 
néral ,  et  qui  ont  été  successivement  accueillis  ou  repoussés, 
en  grande  partie  ,  suivant  qu'on  les  regarde  plus  ou  moins 
comme  des  produits  de  l'esprit  d'innovation. 

Il  ne  serait  peut-être  pas  inutile  de  dégager  cette  méthode 
du  vernis  de  nouveauté  qui  la  rend  suspecte  à  quelques  per- 
sonnes d'ailleurs  éclairées,  et  qui  empêche  qu'elle  ne  soit  im- 
partialement examinée  dans  ses  procédés  et  dans  ses  résultats; 
sous  ce  rapport,  il  me  paraîtrait  à  regretter  qu'un  semblable 
sujet  n'eût  pas  été  soumis  à  l'Académie  des  beaux  arts  qui 
était  plus  intéressée  à  l'approfondir,  et  dont  le  jugement  aurait 
donné  un  plus  grand  poids  encore,  et  une  plus  immédiate 
application  à  la  décision  qui  peut  intervenir  à  cette  occasion. 

En  effet,  et  suivant  ma  pensée,  l'enseignement  du  dessin 
linéaire,  n'est  pas  seulement  un  exercice  convenable  à  tous 
les  hommes,  et  qui  semblable  à  l'écriture  est  pour  eux  un 
moyen  lucide  de  s'exprimer;  ce  n'est  pas  seulement  une  occu- 
pation nécessaire  à  tous  les  artisans  pour  faciliter  les  travaux 
qu'ils  sont  appelés  à  exécuter;  mais  il  semble  qu'il  soit  encore 
une  étude  élémentaire ,  très-utile  à  tous  les  artistes ,  aux 
peintres,  aux  sculpteurs  ,  aux  architectes,  et  qui  peut  influer 
pendant  toute  leur  vie  sur  la  perfection  de  leurs  ouvrages. 
Cette  assertion  pourrait  paraître  hasardée  s'il  n'était  facile  de 
l'appuyer  sur  deux  considérations  générales  assez  impor- 
tantes :  la  première,  tirée  de  la  nature  même  des  organes  que 
nous  employons  à  l'imitation  des  objets;  la  seconde  ,  de  l'ob- 
servation que  dans  les  siècles  les  plus  renommés  pour  les 
beaux-arts,  des  pratiques  analogues  au  dessin  linéaire  étaient 
employées  dans  l'éducation  des  jeunes  artistes.  Je  me  bornerai 
à  traiter  très-sommairement  ces  deux  importantes  questions. 

Le  dessin  linéaire  a  pour  objet  de  rectifier  le  coup  d'œil  de 
l'élève  et  d'assurer  sa  main  ;  on  cherche  à  l'accoutumer  à  voir 
bien  et  à  tracer  juste;  je  n'aurai  pas  besoin  d'expliquer  coin- 


BEAUX-ARTS.  369 

ment  l'enfant  qui  commence  à  dessiner  n'a  pM  naturellement 
l'ceil  juste  et  n"a  pas  la  main  sûre;  le  second  défaut  provient 
plus  encore  du  premier,  qu'il  ne  virni  do  manque  d'habitude  ; 

le  premier  défaut  est  facile  à  concevoir,  lorsqu'on  observe 
que  pour  réduire  im  objet  qu'on  vent  imiter,  le  coup  d'œil 
fixe  successivement  divers  points  de  l'original  ,  et  qu'il  réunit 
ces  divers  points  en  un  seul  sur  la  copie  ;  ces  regards  successifs 
portés  sur  l'objet  qu'on  veut  reproduire  ont  besoin  d'être  ra- 
menés à  l'unité  par  un  jugement  très  -exercé,  et  ce  jugement 
se  forme  avec  plus  de  rapidité  sur  des  ligures  régulières,  dont 
la  donnée  est  invariable,  que  sur  des  corps  irréguliers  dont 
l'œil  inexercé  apprécie  vaguement  les  contours,  les  distances 
et  les  directions. 

L'examen  des  études  du  dessin  dans  les  ateliers  modernes 
fournit  des  preuves  irrécusables  à  ces  assertions  :  les  jeunes 
élèves  auxquels  on  commence  à  donner  à  copier  des  parties 
de  la  figure  ,  simples  en  apparence ,  passent  un  tems  très- 
long  à  les  imiter  passablement;  ils  manquent  de  ce  coup  d'œil 
exercé  par  le  tracé  des  lignes  géométriques  qui  leur  aurait 
appris  à  saisir  avec  exactitude,  les  longueurs ,  les  distances  et 
les  directions.  J'ai  vu  des  artistes  conserver  toute  leur  vie  de 
l'inexactitude  dans  la  fixation  exacte  des  rapports  de  situation, 
d'étendue  et  de  direction  entre  les  différentes  parties  d'une 
figure,  et  commettre  à  cet  égard  des  erreurs  qui  étaient  re- 
levées avec  justesse  par  des  personnes  étrangères  à  l'art  ,  et 
dont  l'observation  semblait  dessiller  les  yeux  à  l'auteur  même 
de  l'ouvrage  :  je  n'ai  point  observé  cette  inexactitude  chez  les 
élèves  instruits  dans  l'art  du  dessin  par  la  méthode  linéaire; 
ils  acquièrent  en  général  en  peu  de  mois  une  grande  certitude 
dans  l'appréciation  des  distances,  des  parties,  des  directions 
des  lignes  ,  et  dans  le  tracé  des  formes  qu'elles  représentent. 
J'avais  déjà  remarqué  les  mêmes  résultats  en  examinant  des 
élèves  formés  à  Paris  il  y  a  vingt  ans ,  suivant  une  méthode 
analogue  employée  par  M.  Cloquet ,  habile  professeur  de 
dessin ,  et  j'ai  vu  les  mêmes  faits  dans  l'institution  déjà  an- 
cienne de  Pestolozzi ,  et  dans  celles  qui  sont  aujourd'hui  diri- 


3f,',  BE.1UX-ARTS. 

gées  sous  ce  rapport  d'après  les  principes  du  célèbre  profes- 
seur d'Yverdun  ,  par  MM.  de  Fcllenberg  à  Hofwyl ,  et  le  père 
Girard  à  Fr ibourg.  L'ouvrage  de  M.  Francœur  fait  connaître 
que  plusieurs  écoles  de  dessin  linéaire  en  France,  et  notam- 
ment celles  de  Libourne  et  celles  de  Paris,  ont  obtenu  les 
(tiennes  résultats. 

Mais  comme  je  l'ai  déjà  dit  ,  loin  d'être  nouveau  ,  l'en- 
seignement du  dessin  linéaire  ou  de  pratiques  analogues,  avait 
été  employé  à  l'éducation  des  artistes  dans  les  siècles  les  plus 
renommés  pour  les  beaux -arts.  Raphaël  Mengs,  qui  avait 
étudié  avec  tant  de  soin  les  procédés  des  anciens ,  dit  dans  ses 
leçons  pratiques  de  peinture  :  «  Qu'il  faut  commencer  à  ins- 
truire un  élève,  en  lui  faisant  tracer  des  ligures  géométriques 
sans  règle  et  sans  compas,  afin  qu'il  acquière  la  justesse  de 
l'œil  ,  qui  est  la  base  fondamentale  du  dessin  ,  puisqu'il  n'y  a 
pas  de  figures  qui  ne  soient  composées  de  lignes  géométriques 
simples  ou  mixtes  »  Il  avait  lui-même  commencé  de  cette  ma- 
nière l'étude  de  la  peinture  :  il  raconte  que  dès  qu'il  eut  l'âge 
de  six  ans  (vers  1734),  les  premiers  soins  de  son  père  se  bor- 
nèrent à  lui  faire  tracer  les  lignes  droites  les  plus  simples  , 
telles  que  la  verticale,  l'horizontale,  l'oblique  ,  jusqu'à  ce  que 
l'enfant  fut  parvenu  à  les  tirer  juste,  d'une  manière  ferme  et 
hardie  ;  il  le  fit  passer  ensuite  aux  figures  géométriques  les 
plus  simples,  mais  toujours  sans  règle  ni  compas,  jusqu'à  ce 
qu'il  eut  acquis  la  justesse  de  l'œil  ;  puis  il  lui  enseigna  à  des- 
siner les  contours  du  corps  humain  en  l'obligeant  à  les  ré- 
duire, le  plus  qu'il  était  possible,  à  des  figures  géométriques: 
il  le  faisait  ensuite  dessiner  à  l'encre  de  la  Chine  ,  afin  de  lui 
ôter  les  moyens  de  retoucher  son  ouvrage  :  il  lui  fit  aussi  ap- 
prendre de  très-bonne  heure  la  perspective. 

On  voit  ici  la  description  tout  entière  des  procédés  de  l'en- 
seignement du  dessin  linéaire  pratiqué  il  y  a  près  d'un  siècle  : 
et,  sans  vous  parler  des  élémens  de  dessin  de  notre  Jean  Cou- 
sin ,  qui  recommande  avec  tant  de  force  des  études  analogues , 
je  pourrais  aussi  vous  citer  Gérard  Lairesse  ,  né  il  y  a  près  de 
deux  siècles,  et  qui  dans  ses  principes  de  dessin  expose,  avec 


Il E  AUX- A  RTS.  566 

de  très-grands  détails,  la  pratique  du  dessin  linéaire  qu'il  con- 
sidère '-oiniiie  un  moyen  court  et  facile  tTapprendre  le  dessin 

par  les  clcnuns  de  la  ^.ometric ,  et  qui  passe  ensuite  aux  leçons 

de  perspective  et  d'anatomie,  a\;:ni  d'appliquer  ses  élèves 

aux  méthodes  par  lesquelles  on  les  fait  commencer  aujour- 
d  hui  dans  nos  i.tcliers  modernes. 

Je  pourrais  joindre  à  ces  citations  celle  de  presque  tons  les 
auteurs  renommés  qui  ont  écrit  sur  l'enseignement  du  dessin, 
et  sans  parler  de  Cimabué  ,  le  restaurateur  de  la  peinture  en 
Italie,  qui  était  aussi  architecte,  et  qui  parait  avoir  employé 
des  procédés  de  ce  genre  au  xine  siècle,  ni  de  Giotto  ,  son 
élève,  qui,  interrogé  sur  ce  qu'il  savait  faire,  se  bornait  à 
tracer  à  main-levée  un  cen  le  parfaitement  régulier  ;  je  citerais 
comme  des  autorités  encore  plus  imposantes,  Albert  Durer 
et  Léonard  de  Vinci ,  qui  vers  la  lin  du  xve  siècle  recom- 
mandent le  tracé  des  corps  réguliers  aux  élèves  en  peinture; 
Léonard  dit  que  le  jeune  peintre  doit  d'abord  apprendre  la 
perspective  pour  savoir  donner  à  chaque  chose  sa  juste  me- 
sure ;  il  recommande  l'emploi  des  niveaux  et  des  aplombs,  et 
veut  qu'après  s'être  rendu  bon  perspectif,  il  acquière  une 
connaissance  approfondie  des  mesures  du  corps  humain. 

Si  nous  voulions  pénétrer  plus  profondément  encore  dans 
les  tems  passés,  nous  verrions  que  Vitruve ,  qui  a  vécu  sous 
Auguste ,  recommande  expressément  l'emploi  des  lignes  et  des 
mesures;  il  donne  les  rapports  proportionnels  de  toutes  les 
parties  du  corps  humain  entre  elles,  et  dit  formellement  que 
ces  mesures  étaient  celles  dont  les  excellens  peintres  et  sculp- 
teurs de  l'antiquité  s'étaient  servis;  il  montre  combien  ils  met- 
taient d'importance  à  connaître  les  justes  proportions  et  les 
rapports  exacts  de  ces  parties  entre  elles.  Nous  avons  lieu  de 
penser  d'après  Aristote  et  Pline  que  l'élude  du  dessin  faisait 
partie  de  l'éducation  publique  chez  les  Grecs;  mais  Pline  dit 
formellement  que  les  jeunes  gens  qui  se  destinaient  à  la  pein- 
ture étudiaient  la  géométrie;  il  cite  notamment  le  peintre  Pam- 
phile  qui  enseignait  cette  science  à  ses  élèves  ,  et  il  parle,  ainsi 
que  Vitrwve,  des  canons  géométriques  qui  avaient  été   formés 


365  BEAUX-ARTS. 

en  Grèce  par  les  plus  habiles  artistes  pour  l'étude  des  beaux- 
arts;  d'après  ces  faits,  ou  ne  peut  douter  qu'Apelle  n'eût  com- 
mencé par  la  géométrie  ses  études  en  peinture  ,  puisqu'il 
avait  été  à  l'école  de  Pamphile  ;  d'un  autre  côté  ,  on  sait  que 
les  canons  de  Parrhasius  et  de  Polyclète  étaient  surtout  re- 
nommés chez  les  anciens ,  et  il  paraît,  suivant  Diodore  de 
Sicile,  que  les  Grecs  tenaient  des  Égyptiens  l'habitude  de  faire 
usage,  pour  la  pratique  des  beaux-arts  ,  de  ces  canons  géomé- 
triques qu'ils  avaient  ensuite  tant  perfectionnés. 

On  est  autorisé  à  penser  que  les  Grecs,  comme  les  Italiens 
du  xve  siècle  ,  se  servaient  pour  l'étude  des  beaux-arts  d'un 
moyen  analogue  au  dessin  linéaire,  et  qu'ils  ont  peut-être  dû 
à  cette  première  habitude  l'avantage  de  tracer  des  traits  régu- 
liers avec  hardiesse  et  précision  ,  la  grande  pureté  de  leurs 
contours  ,  la  justesse  et  la  régularité  des  proportions  dans 
leurs  tableaux,  leurs  statues  et  leurs  monumens.  Nous  re- 
trouvons ces  qualités  à  un  degré  supérieur  dans  les  cartons 
que  ces  grands  hommes  nous  ont  laissés  ,  et  nous  apprécions  à 
quel  point  cette  pureté  du  contour  était  recherchée  par  les 
anciens,  et  quel  prix  ils  attachaient  à  sa  perfection  ,  lorsque 
nous  voyons  dans  l'histoire,  qu'Apelle  s'était  fait  reconnaître 
de  Protogène  par  une  figure  qu'il  avait  tracée  sur  son  tableau, 
que  Michel-Ange  le  fut  également  de  Raphaël  ,  en  employant 
en  son  absence  le  même  procédé. 

Il  y  a  dans  ces  citations  des  auteurs  qui  ont  écrit  sur  le  dessin 
linéaire,  un  fait  qui  paraît  digne  d'attention;  quelques-uns 
comme  Petalsozzi  et  les  écrivains  plus  modernes  ont  princi- 
palement considéré  cet  exercice  de  l'œil  et  de  la  main  des 
enfans  ,  comme  applicable  surtout  à  la  pratique  des  arts  in- 
dustriels, et  comme  convenable  à  tous  les  hommes  du  monde, 
quel  que  puisse  être  le  genre  d'occupation  à  auquel  ils  seraient 
dans  le  cas  de  se  livrer  ;  mais  Yitruve  ,  Léonard  de  Vinci  , 
Gérard  Lairesse,  Jean  Cousin  ,  Mengs ,  etc.;  l'ont  uniquement 
considéré  comme  indispensable  aux  élèves  peintres  ,  et  comme 
devant  avoir  exercé  une  notable  influence  sur  la  perfection 
des  travaux  des  grands  artistes  :  serait-il  donc  vrai  que  ces 


BEAUX-ARTS.  3  fi  7 

premières  lignes  de  pur  métier,  exigées  de  très  jeunes  élèves  , 

DUSSenl  avoir  non-seulement  une  influence  sur  in  rapidité  «le 
leurs  premiers  progrès  ,  mais  qu'elles  eu  exerçassent  encore  à 

eeiie  époque  où  leur  talent  dans  toute  sa  maturité  ne  laisse 

plus  la  faculté  «le  songer  à  leurs  premiers  efforts,  et  où  l'ad- 
miration publique  semble  attribuer  la  perfection  de  leurs 
ouvrages  à  la  seule  inspiration  du  génie?  Cette  question  pa- 
raîtrait fort  importante  à  traiter,  et  il  me  semblerait  à  désirer 
qu'elle  attirât  spécialement  l'attention  de  l'Académie  des  beaux- 
arts. 

Quant  à  moi,  je  suis  loin  de  penser  qu'une  semblable  mé- 
thode d'enseignement  ait  suffi  à  faire  produire  ces  chefs- 
d'œuvre  des  arts,  qui  sont  restés  des  objets  inimitables  d'une 
constante  admiration;  sans  doute,  il  existe  d'autres  causes  de 
la  supériorité  des  arts  d'imitation  à  certaines  époques,  mais  le 
développement  de  ces  causes,  quelque  intérêt  qu'il  pût  inspi- 
rer, paraîtrait  étranger  à  l'objet  de  ce  rapport.  Il  suffit ,  je 
crois,  d'avoir  rappelé  que  lors  de  ces  époques  les  plus  remar- 
quables pour  les  beaux-arts,  les  connaissances  des  élémens  de 
mathématiques  et  le  tracé  des  lignes  géométriques  faisaient 
partie  de  l'enseignement  qu'on  donnait  aux  jeunes  élèves  qui 
se  destinaient  à  la  pratique  des  arts  d'imitation.  Je  crois  devoir 
faire  remarquer  aussi ,  qu'il  se  pourrait  que  les  leçons  de  des- 
sin géométrique  qui  semblent  avoir  fait  partie  de  l'éducation 
chez  les  Grecs,  en  y  généralisant  les  moyens  de  juger  avec 
rectitude  les  productions  des  beaux- arts,  eussent  entretenu 
l'émulation  des  artistes  qui  savaient  que  leurs  ouvrages  seraient 
soumis  à  d'équitables  appréciateurs.  Cette  considération  peut 
contribuer  à  rendre  raison  de  l'enthousiasme  universel  et  pres- 
que incroyable  que  les  monumens  des  arts  excitaient  dans  la 
Grèce  entière,  et  de  la  noble  ambition  qu'un  semblable  en- 
thousiasme devait  produire  parmi  les  grands  artistes  dont  cette 
nation  a  pu  s'enorgueillir. 

Après  avoir  écarté  le  préjugé  de  nouveauté  qui  pouvait 
inspirer  des  préventions  dans  les  jugemens  portés  sur  le  dessin 
linéaire,  je  dois  indiquer  les  rapports  sous  lesquels  M.  Fran- 


368  BEAUX-ARTS. 

civnr  a  perfectionné  la  première  édition  de  son  ouvrage.  Il 
divise  sa  seconde  édition  en  six  sections;  dans  la  première,  il 
traite  du  dessin  linéaire  à  main-levée;  il  donne  à  cet  égard  des 
préceptes  analogues  à  ceux  qu'il  avait  consignés  dans  sa  pre- 
mière édition.  Les  élèves,  soit  qu'ils  s'exercent  individuelle- 
ment, soit  qu'ils  travaillent  simultanément,  tracent  sur  la 
demande  du  professeur  des  lignes  horizontales,  verticales, 
obliques;  ils  les  font  YPune  longueur  déterminée;  ils  les  divisent 
en  parties  proportionnelles;  ils  mènent  des  parallèles  dans 
toutes  les  directions,  à  des  distances  indiquées;  ils  font  des 
angles,  des  triangles,  et  des  rectangles  de  toutes  dimensions. 
Le  tracé  successif  et  souvent  répété  de  toutes  les  figures  rec- 
tilignes  ou  curvilignes  familiarise  les  élèves  avec  la  construc- 
tion à  vue  et  à  main-levée  de  tous  les  corps  réguliers;  le  pro- 
fesseur rectifie  sous  leurs  yeux  leur  travail  à  l'aide  de  la  règle 
et  du  compas  dont  il  est  seul  autorisé  à  faire  usage. 

On  pourrait  peut-être  borner  à  ce  simple  exercice  l'enseigne- 
ment du  dessin  linéaire,  puisqu'il  ne  s'agit  que  de  rendre  l'œil 
de  l'élève  juste,  et  sa  main  sure,  et  qu'un  long  exercice  des 
procédés  compris  dans  cette  première  division  produit  ordi- 
nairement cet  effet;  mais  M.  Francœur  ouvre  aux  élèves  dans 
les  sections  suivantes  une  autre  carrière  d'application  qu'il 
leur  est  bien  utile  de  parcourir. 

Dans  la  seconde  section  il  cherche  à  les  familiariser  avec 
l'emploi  de  la  règle  et  du  compas,  pour  parvenir  au  tracé 
géométrique  des  mêmes  figures  qui  avaient  été  dessinées  à 
main-levée,  et  pour  leur  apprendre  à  pouvoir  donner  à  leurs 
travaux  cette  précision  nécessaire  pour  la  construction,  préci- 
sion que  la  plus  grande  habileté  de  l'œil  et  de  la  main  ne  sau- 
rait jamais  égaler  :  cette  section,  non  plus  que  les  trois  sui- 
vantes, ne  faisait  pas  partie  de  la  première  édition  de  l'ou- 
vrage de  M.  Francœur  ;  il  expose  dans  la  troisième  section 
les  premiers  élémens  de  l'art  des  projections,  à  l'aide  desquels 
il  donne  des  notions  de  la  levée  des  plans  et  de  l'art  des  cons- 
tructions. Il  a  cherché  à  établir  dans  sa  quatrième  section, 
pour  les  élèves  qui  se  destinent  à  la  pratique  des  beaux-arts, 


BEAUX-ARTS.  36g 

quelle  était  lu  transition  la  plus  convenable  entre  le  dessin 
rigoureusement  indiqué  des  figures  géométriques  et  celui  des 
figures  naturelles  irrégulières;  il  a  traité  avec  soin  ce  passage 
difficile  de  la  pratique  du  métier,  à  l'exereice  de  l'art,  et 

il  a  fait  apprécier  le    danger  de  laisser  substituer  par  les  étu- 
diaus  la    raideur  à  la   rectitude  ,   par  un  emploi    inconsidéré 
de    ces    moyens    de    régularité    :   il    n'abandonne    pas   néan- 
moins encore  ses  élèves  à  leur  simple  coup  d'œil;eten  con- 
tinuant  l'usage  des  mesures  et  des  lignes  pour  les  principales 
divisions   et  pour  les    rectifications  qui   pourraient   être  né- 
cessaires ,    il  semble  placer  sous  la  main  môme  de  l'élève  un 
régulateur    toujours   présent  ,   qui    prévient    les   erreurs    qui 
pourraient    l'abuser     encore     et    lui    donne   les    moyens    de 
rectifier  lui-même  les  fautes  qui    auraient  pu   lui  échapper. 
M.   Francœur    part  de   ce   principe  incontestable,   que   toute 
figure ,  quelque  compliquée  qu'elle  soit ,  peut  être  ramenée  aux 
rectangles  et  aux  cercles.   Avec   l'habitude   déjà  acquise  par 
l'élève  de  tracer  très-correctement  des  rectangles  et  des  cercles 
de  toutes  les  dimensions  et  de  les  diviser  en  parties  propor- 
tionnelles; il  trace  et  divise  ainsi  les  masses  des  objets  qu'il 
veut  représenter,  afin  d'en  resserrer  les  détails  dans  de  justes 
limites;  cette  méthode  est  celle  qu'emploient  les  géographes 
lorsqu'ils  veulent  tracer  une   carte  on   un  plan  ;   c'est    celle 
qu'emploient  les  peintres  lorsqu'ils  veulent  réduire  un  grand 
tableau,   si  ce  n'est  qu'ils  font  avec  la  règle  et  le  compas  ce 
que  les  élèves  qui  ont  pratiqué  le  dessin  linéaire  peuvent  faci- 
lement exécuter  à  vue  et  à  main -levée.  Après  avoir  dessiné 
quelque  tems,  ainsi  dirigé  par  des  carreaux   proportionnels 
tracés  sur  l'original  et  sur  la  copie ,  l'élève  s'habitue  peu  à  peu 
à  substituer  des  lignes  idéales  aux  lignes  matérielles  de  son 
réseau;  une  réglette  marquée  de   divisions  équidistantes,  qui 
lui  sert  tant  pour  les  niveaux  que  pour  les  aplombs,  le  pré- 
pare à  se  passer  de  toute  espèce  de  régulateur.  M.  Francœur 
termine  cette  section  par  des  considérations  sur  les  dimensions 
de  toutes  les  parties  du  corps  humain  qui  doivent  être  l'objet 
de  l'instruction  donnée  aux  élèves:  il  cite  à  cet  éçard  les  régies 
t.  xxxvi. —  Novembre  1827.  24 


57p  B  FAUX- ARTS. 

données  par  Jean  Cousin,  en  faisant  observer  que  ces  règles 
ne  sont  pas  rigoureuses,  et  peuvent  seulement  présenter  des 
termes  moyens  entre  les  meilleures  proportions.  C'est  surtout 
ce  genre  d'étude  auquel  les  anciens  s'appliquaient  avec  une 
grande  prédilection,  et  pour  lequel  les  plus  habiles  peintres 
et  sculpteurs  avaient  écrit,  sous  le  titre  de  canons,  des  règles 
que  nous  ne  connaissons  plus  que  par  leur  renommée,  mais 
qui  sont  bien  à  regretter  si  elles  ont  contribué  à  former  les  ar- 
tistes dont  les  productions  si  parfaites  nous  semblent  inimi- 
tables ,  ou  bien  si  ces  préceptes  sont  le  résultat  des  profondes 
méditations  de  ces  artistes  habiles. 

M.  Francœur  expose  dans  la  cinquième  section  de  son  ou- 
vrage les  règles  de  la  perspective;  et  il  a  réuni  dans  un  petit 
nombre  de  pages  ce  qui  est  à  l'usage  des  peintres,  et  peut  être 
compris  et  retenu  par  eux  avec  une  telle  facilité  qu'on  doit  être 
surpris  qu'un  aussi  grand  nombre  d'entre  eux  dédaigne  de 
consacrer  quelques  journées  à  acquérir  une  connaissance  si 
nécessaire  à  l'exécution  de  leurs  travaux. 

Un  atlas  in-folio,  composé  de  douze  tableaux,  présente  le 
tracé  de  toutes  les  figures  qui  doivent  servir  de  modèle  aux 
élèves  dans  l'étude  des  différentes  sections  de  l'ouvrage. 

M.  Francœur  aurait  pu  terminer  ici  son  livre  ;  tout  ce  cjui 
concerne  le  dessin  linéaire,  tout  ce  qui  concerne  même  le  des- 
sin des  artisans  et  celui  des  artistes,  se  trouvait  exposé  en  ce 
qui  a  pour  objet  les  élémens  de  cet  art  si  difficile.  Un  jeune 
élève  qui  posséderait  parfaitement  toutes  les  parties  de  cet  ou- 
vrage, lors  même  que  ce  serait  sans  comprendre  les  préceptes 
spéciaux  qui  lui  auraient  été  donnés,  mais  par  la  seule  force  de 
l'imitation  et  de  l'habitude,  serait  en  état  de  faire  des  progrès 
rapides,  en  suivant  pour  l'étude  de  l'art  les  leçons  de  nos  habiles 
professeurs;  mais  l'auteur  a  voulu  tirer  un  nouveau  parti  de  son 
ouvrage  pour  la  plus  grande  instruction  de  ceux  des  élèves  qui, 
en  dessinantles  figures  géométriques,  auraient  parfaitement  com- 
pris les  préceptes  spéciaux;  il  a  voulu  leur  faciliter  les  movens 
d'appliquer  utilement  le  calcul  et  la  connaissance  des  figures 
géométriques  qu'ils  avaient  acquis,  et  il  a  terminé  sa  seconde 


Kl    W   \    \I!'IS.  3;'| 

édition  comme  il  avaii  terminé  la  première,  par  une  série  de 
problèmes  où  les  calculs  sont   appliqués  à  là  géométrie;  il  a 

réuni  eu   conséquence    en   un  corps  de    doelrine,  les    counais- 

sances  simples  dé  la  géométrie  el  du  calcul;  il  a  exposé  la 

série  des  règles  et  des  problèmes  les  plus  fréquens  dans  les 
usages  ordinaires  de  la  vie,  et  il  y  a  joint  des  exemples  nu- 
mériques pour  faire  concevoir  l'application  des  principes.  Cet 
exercice  qui  occupe  agréablement  les  élèves,  en  présentant  un 
but  manifestement  utile  aux  calculs  qu'on  exige  d'eux,  mettent 
les  artisans  à  même  de  mesurer  l'étendue  des  résultats  de  leur 
travail,  de  faire  eux  -mêmes  leur  devis,  de  composer  leurs 
mémoires,  de  calculer  le  prix  et  la  quantité  des  matériaux  né- 
cessaires à  leurs  entreprises,  enfin  de  faire  toutes  les  évalua- 
tions qui  se  rapportent  à  l'état  qu'ils  exercent. 

Je  me  suis  arrêté  avec  intérêt  sur  l'ouvrage  de  M.  Fran- 
cœur.  II  m'a  paru  que  l'auteur  avait  bien  rempli  son  objet;  il 
est  à  désirer  que  ce  livre  fasse  partie  de  l'instruction  générale 
élémentaire;  l'industrie  française  lui  devra  des  succès:  il  est 
facile  d'apprécier  combien  l'instruction  élémentaire  de  la  géo- 
métrie et  celle  du  dessin,  donnée  aux  simples  artisans,  peut 
faire  prévoir  de  progrès  à  nos  arts  et  métiers.  Un  objet  non 
inoins  important  de  ce  travail  est  l'indication  des  exercices 
préparatoires  à  l'étude  des  arts  d'imitation  ;  le  résultat  que  je 
regarde  comme  incontestable  a  néanmoins  besoin,  pour  avoir 
l'assen liment  général ,  d'obtenir  celui  de  l'Académie  des  beaux- 
arts,  et  je  fais  des  vœux  pour  que  le  travail  de  M.  Francœur  et 
les  procédés  d'instruction  des  anciens,  qui  sont  propres  à  le 
corroborer,  paraissent  à  celte  académie  dignes  de  sa  plus 
sérieuse  attention. 

de  Silvestre  ,  membre  de  l'Insliluf. 


i4- 


III.  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

LIVRES  ÉTRANGERS  (i). 

La  cessation  de  la  Censure  nous  permet  de  rétablir,  dans  ce  cahier, 
avec  l'indication  suivante  X  ,  les  articles  qu'elle  avait  rejetés. 


AMÉRIQUE  SEPTENTRIONALE. 
ÉTATS-UNIS. 

10q#  —  *  Transactions  oj  the  american  philosophical  so- 
rietfj  etc.  — ■  Transactions  de  la  Société  philosophique  améri- 
caine .  établie  à  Philadelphie  pour  hâter  les  progrès  des  con- 
naissances usuelles.  Tome  ni,  ire  partie  delà  nouvelle  série. 
Philadelphie,  1827.  Imprimerie  de  James  Ray  junior.  In-40 
de  184  pages. 

Ce  cahier  des  Transactions  de  la  Société  philosophique  amé- 
ricaine contient  une  grammaire  de  la  langue  des  Indiens  Lenni- 
Lenape,  ou  Delawares,  traduite  du  manuscrit  allemand  de  feu 
le  révérend  David  Zéisberger,  par  M.  Pierre- Etienne  Dupon- 
ceau.  Cet  ouvrage  est  d'un  si  grand  intérêt  qu'il  faut  l'étudier 
long-tems  avant  d'en  faire  l'analyse;  et  après  ce  premier  travail, 
on  sentira  peut-être  la  nécessité  d'étudier  encore.  Cette  gram- 
maire ,  dit  M.  Duponceau  ,  est  l'œuvre  d'hommes  qui  n'avaient 
point  le  secours  des  sciences  et  des  arts,  enfans  de  la  nature, 
<fuidés  par  une  intelligence  encore  inexercée.  Et  cependant  sa 
langue  est  riche,  méthodique,  régulière,  quoique  variée  dans 
ses  formes...  Il  ajoute  plus  loin  que,  tandis  qu'on  imprimait  sa 
traduction,  une  foule  d'observations  se  sont  offertes  à  son 
esprit,  et  il  se  réserve  de  publier  un  jour  celles  qu'il  n'a  pu 
mettre  ici  sous  la  forme  de  notes.  Tous  ceux  qui  liront  atten- 
tivement cette  grammaire  seront  précisément  dans  le  même 


fi)  Nous  indiquons  par  un  astérisque  (*)  ,  placé  à  côté  du  titrede  chaque 
ouvrage,  ceux  des  livres  étrangers  ou  français  qui  paraissent  dignes  d'une  atton- 
tiou   particulière  ,  et  nous  eu  reudrous  quelquefois  compte  daus  la  section  des 

Analyses. 


ÉTATS  I  M.s. 

cas  :  après  la  leclure,  ils  seront  assiégés  par  une  surabondance 
rie  pensées,  <!<■  remarqués,  de  comparaisons,  et  se  trouveront 
plus  capables  de  travaux  philologiques  qu'ils  De  Triaient  aupa- 
ravant* Nous  essaierons  «le  comparer  à  cette  langue  américaine 
nos  principales  grammaires  de  I  Europe,  et  de  rechercher  celle 
qui  en  approche  le  plus,  s'il  est  encore  tems  damasser  des 
matériaux  pour  composer  l'histoire  de  l'esprit  humain,  cesl 
dans  l'étude  (les  langues  que  l'on  trouvera  les  plus  anciens  et 
les  précieux  :  remercions  doue  Mf.  Duponceau  d'avoir  publié 
l'ouvrage  de  Al.  Zéisberger,  el  des  additions  qu'il  y  a  faites,  et 

de  celles  qu'il  se  propose  d'y  faire.  Y. 

1 10. —  *  Memoirs  an  the  canal of  New-  Yorks  etc. — Mémoires 
sur  le  canal  de  New-York.  New- York,  182G.  In-4°  de  plus  de 
l\  10  pages. 

La  description  de  la  cérémonie  de  l'ouverture  du  grand 
canal,  qui  joint  le  lac  Érie  à  l'Océan  ,  a  été  publiée,  en  1 8ar> , 
par  ordre  de  la  corporation  de  la  ville  de  INew-York.  Elle  se 
compose:  i°  d'un  mémoire  rédigé  sur  la  demande  du  comité 
formé  dans  le  conseil  commun  de  la  ville  de  New- York,  et 
présenté  au  maire  de  la  ville  ,  le  jour  de  l'ouverture  du  canal  , 
par  M.  Cadwalladeu  D.  Colden  ;  2°  d*nn  appendice  conte- 
nant la  relation  de  la  cérémonie  d'ouverture  du  canal  d'Érié 
par  la  corporation  de  la  ville  de  New-York,  avec  le  récit  des 
dispositions  faites  par  les  négocians,  les  citoyens  et  les  socié- 
tés pour  célébrer  dignement  cet  événement;  3°  d'un  rapport 
détaillé  des  comités  de  la  corporation,  par  le  général  Fleming, 
qui,  en  sa  qualité  de  grand-maréchal,  conduisit  le  cortège  à 
travers  la  ville;  et  par  M.  C.  Rhind,  qui  dirigea  les  opéra- 
lions  hydrauliques.  On  y  trouve  aussi  le  récit  succinct  de  toute 
la  cérémonie,  depuis  Buffaloe  jusqu'à  l'Océan,  et  de  celui-ci 
à  Buffaloe,  préparé  par  M.  W.  L.  Stone,  sur  l'invitation  du 
comité,  etc. 

«L'Océan  et  les  mers  méditerranéens  de  notre  continent, 
dit  M.  Colden,  sont  enfin  réunis.  Des  canaux  de  plus  de 
quatre  cents  milles  d'étendue  ont  été  construits  en  moins  de 
neuf  années,  aux  fiais  et  par  les  bras  des  citoyens  d'un  seul 
état,  sur  le  territoire  duquel  aucun  blanc  n'avait  encore  mis  le 
pied  an  commencement  du  17e  siècle.  Des  bâtimens  partant 
des  bords  du  lac  Érié  franchiront  les  collines  et  les  vallées 
intermédiaires,  et  les  navires  de  l'Océan  paraîtront  sur  un 
point  qui  ,  il  y  a  deux  cents  ans,  était  environné  d'un  désert, 
que  se  disputaient  des  tribus  sauvages  ennemies.  Ces  Indiens, 
comme  tous  lès  hommes  plongés  dans  la  même  barbarie,  pa 
laissaient   considérer   la  guerre   comme  leur  condition  natti- 


3;  i  LIVRES  ÉTRANGERS. 

relie 3  et  traitaient  tout  étranger  comme  un  ennemi.  Leur  igno- 
rance et  leur  superstition  leur  faisaient  envisager  comme 
surnaturel  tout  ce  qui  était  extraordinaire.  Lorsqu'ils  virent  le 
premier  navire  européen  s'approcher  de  leurs  côtes  ,  et  surgir, 
pour  ainsi  dire,  du  sein  de  l'Océan,  et  lorsqu'ils  aperçurent  à 
son  bord  des  êtres  de  forme  humaine,  ils  s'imaginèrent  que 
c'était  leur  grand  dieu  Maniilo,  accompagné  de  ses  esprits, 
qui  voguait  sur  les  eaux. 

«  La  rencontre  des  bateaux  des  lacs  et  des  vaisseaux  venus 
de  la  mer  aura  lieu  près  de  l'endroit  où  celui  qui  découvrit 
notre  fleuve  majestueux,  et  lui  donna  son  nom,  prit  terre  en 
1609.  La  première  terre  de  l'état  sur  laquelle  Hudson  posa  le 
pied  est,  à  ce  qu'on  croit,  l'île  de  Coney.  Quelle  différence 
entre  son  aspect  actuel  et  celui  qu'elle  présentait  alors!  On  y 
retrouve  les  mêmes  grands  ouvrages  de  la  nature  que  Hudson 
contempla  :  la  mer,  les  baies  spacieuses,  et  le  beau  fleuve  qui 
descend  des  montagnes.  Mais  les  huttes  de  sauvages  ont  fait 
place  aux  habitations  d'un  peuple  civilisé,  riche  et  libre.  Un 
désert  inculte  a  été  converti  en  riantes  campagnes,  produisant 
tout  ce  qui  est  nécessaire  aux  besoins  et  aux  jouissances  de 
l'homme.  Au  lieu  de  canots  remplis  de  ces  sauvages,  qui  firent 
retentir  les  airs  de  hurlemens  à  la  vue  du  vaisseau  d'Hudson , 
on  verra  des  barques  magnifiques,  somptueusement  ornées, 
et  portant  des  milliers  de  nos  concitoyens,  glorieux  de  l'ac- 
complissement d'un  ouvrage,  qui  atteste  l'immense  espace  qui 
sépare  l'homme  civilisé  de.  sauvage.  » 

Le  mémoire  de  M.  Colden ,  d'une  étendue  de  102  pages,  est 
enrichi  de  son  portrait,  d'une  carte  des  États  Unis,  d'une  autre 
de  l'état  de  New-Vork,  et  d'une  troisième  du  territoire  habité 
autrefois  par  les  Indiens  des  cinq  nations  ,  dont  Cadwallader 
Colden,  lieutenant-gouverneur  de  la  province  de  New-York, 
aïeul  de  l'auteur,  a  écrit  l'histoire  en  1724.  L' 'appendice,  de 
3o8  pages,  renferme  la  description  de  tout  ce  qui  s'est  passé  à 
l'occasion  de  l'ouverture  du  canal,  deux  cartes,  des  portraits 
de  l'honorable  Philip  Hone  ,  maire  de  la  ville  de  New- York  en 
1826-,  du  gouverneur  De  Witt  Clinton  ,  à  qui  l'état  de  New- 
York  est  particulièrement  redevable  de  cette  entreprise;  de 
Samuel  L.  Mitchill,  ancien  représentant  et  sénateur  au  con- 
grès, et  professeur  de  botanique  et  de  matière  médicale  à 
l'université  de  New- York;  des  honorables  JVilliam  Paulding, 
maire  de  New- York,  en  1824  et  i8a5;  et  Richard  Rire,  rap- 
porteur de  la  ville  de  New-York  pour  1826;  enfin,  trente-six 
vues,  soit  du  pays  que  parcourt  le  canal,  soit  de  ce  qui  a  eu 
lieu  à  la  fête  de  son  ouverture.  W. 


AVUi.u.s     EUROPE. 
Ouvrages  périodiques. 

îii. — ■  "  A tuiles  de  eie/iiias  ,  agrtcttlturû ,  eomeieio  y  a/tes- 
—  Annales  des  sciences,  de  l'agriculture ,  dll  commerce;  et  des 
;uts.  La  lla\ane,   i  8a^. 

Cet  ouvrage]  publié  par,  cahiers,  doit  être  un  recueil  de 
docunu'us  sur  L'île  de  Cuba,  s;»  géographie  physique,  sa  statis- 
tique, cic.  Le  principal  rédacteur  est  M.  J).  Hamon  de  l\ 
Sacra,  directeur  du  jardin  botanique  de  la  Havane.  On  trouve 
dans  le  premier  cahier  des  extraits  de  la  correspondance  de  ce 
savant  botaniste  avec  MM.  Base,  de  Candolle ,  Ztgrâ  et.  Cari 
Mditius.  D'autres  correspondances  avec  l'Europe  ou  les  Etats- 
l  ois  d'Amérique  seraient  aussi  fort  utiles  pour  donner  à  ce 
nouveau  recueil  le  caractère  que  doivent  avoir  aujourd'hui  les 
communications  entre  ceux  qui  cultivent  les  sciences,  ou  entre 
les  sa  vans  et  le  public.  La  minéralogie  et  la  géologie  de  Cuba 
sont  encore  peu  [connues;  mais,  pour  bien  observer  l'une  et 
l'autre,  et  pour  rédiger  convenablement  les  observations,  il  est 
indispensable  de  connaître  l'état  des  sciences  hors  des  lieux  où 
l'on  se  trouve,  leur  langage  actuel,  les  moyens  de  description 
et  de  mesure  qu'elles  ont  acquis.  Les  rédacteurs  savent  déjà, 
sans  doute,  qu'on  est  aujourd'hui  peu  curieux  de  faits  qui  se 
reproduisent  partout  avec  les  mêmes  circonstances  :  ils  au- 
raient pu  omettre  les  détails  qu'ils  donnent  sur  des  grottes 
calcaires  qui  n'ont  de  remarquable,  etc.  Ce  recueil  est  destiné 
à  prendre  un  rang  distingué  parmi  ceux  que  les  savans  s'em- 
pressent de  consulter;  il  faut  donc  en  bannir  ce  qui  ne  serait 
ni  important,  ni  recommandé  au  moins  par  quelque  nouveauté. 

F. 

EUROPE. 
GRANDE  BRETAGNE. 

1  11.  — *  Two  years  in  Ncw-South-ffales,  etc.  — Deux  années 
dans  la  Nouvelle  Sud-Galles;  par  P.  Cunningham  ,  chirurgien 
delà  marine  royale.  Londres,  1827;  Colburn.  1  vol.  in-8°  ; 
prix  ,  18  sh. 

Cet  ouvrage  est  le  plus  complet  que  l'on  ait  publié  jusqu'ici 
sur  la  Nouvelle  Sud-Galles.  L'auteur,  qui  a  passé  plusieurs  an- 
nées dans  ces  contrées,  donne  le  tableau  de  leur  situation  mo- 
rale, politique  et  agricole.  11  divise  en  quatre  portions  la  partie 
habitée  de  cette  colonie.  La  première  comprend  les  comtés  de 


376  LIVRES  ÉTRANGERS. 

Cumberland  et  de  Candem ,  remarquables  par  une  vaslc  étendue 
de  terrains  fertiles,  quoiqu'ils  soient  peu  arrosés. 'C'est  au  pre- 
mier de  ces  deux  comtés  qu'appartiennent  les  villes  de  Sidney, 
capitale  de  la  colonie,  de  Paramatta,  de  Windsor  et  de  Liverpool, 
dont  la  population  fait  des  progrès  immenses.  Aucune  ville  n'a 
été  bâtie  jusqu'ici  dans  le  comté  de  Candem.  La  seconde  divi- 
sion comprend  les  comtés  de  Westmoreland  et  d'drgyle ,  situés 
au  sud  de.  Sidncy,  et  dont  le  dernier  est  surtout  riche  en  gras 
pâturages.  Les  comtés  de  Northumberland  et  de  Durham ,  situés 
au  nord  de  Sidney,  forment  la  troisième  division  et  sont  princi- 
palement peuplés  de  colons  libres,  émigrés  volontairement  de  la 
Grande-Bretagne.  On  n'y  trouve  point  de  villes,  mais  beaucoup 
d'établisscmens  considérables  et  une  grande  quantité  de  terres 
cultivées  et  fertiles.  La  quatrième  division,  composée  des  com- 
tés de  Roxburgh  et  de  Londonderry,  offre  la  même  apparence 
et,  la  même  fertilité  que  la  précédente;  on  désigne  communé- 
ment ces  quatre  derniers  comtés  sons  le  nom  de  Bathurst. 
M.  Cunningham  entre  dans  des  détails  très-intéressans  sur 
l'aspect  du  pays,  sa  situation  topographique,  les  mœurs  de  ses 
habitans,  son  climat  et  ses  ressources  en  tout  genre.  Ses  con- 
seils aux  Européens  qui  désireraient  passer  dans  la  Nouvelle 
Sud-Galles  méritent  d'être  médités.  Selon  lui,  pour  commencer 
avec  avantage  un  établissement  dans  ce  pays,  il  faut  être  pos- 
sesseur d'un  capital  d'au  moins  1,200  livres  sterling  (3o,ooofr.). 

11 3. — *The  seccnth  Report,  etc.  —  Septième  Rapport  du  co- 
mité de  la  Société  pour  l'amélioration  des  prisons  de  discipline. 
Londres,  1827;  Arch.  In-8°  de  555  p. 

Ce  volume  est  rempli  de  détails  curieux  sur  l'état  des  maisons 
de  détention  dans  les  trois  royaumes  unis,  et  sur  quelques-unes 
de  celles  de  la  France,  de  la  Hollande,  de  l'Italie,  de  l'Alle- 
magne, de  l'Amérique  du  nord  ,  des  Indes  occidentales  et  de  la 
Nouvelle  Sud-Galles.  L'ami  de  l'humanité  voit  avec  plaisir  que 
presque  partout,  grâce  à  la  bienfaisance  des  particuliers,  bien 
plus  encore  qu'à  celle  des  gouvernails,  le  sort  des  prisonniers 
est  moins  misérable.  Les  lieux  où  ils  sont  renfermés  ont,  en 
général,  été  assainis,  leur  nourriture  est  meilleure;  leurs  travaux 
mieux  appropriés  à  leur  force  et  à  leur  constitution.  Dans  un 
appendice  placé  à  la  suite  du  rapport,  sont  passées  en  revue  toutes 
les  prisons  de  la  Grande-Bretagne,  d'après  l'ordre  alphabé- 
tique des  comtés.  Ce  tableau,  qui  occupe  a5^  pages,  fait  con- 
naître dans  toutes  ses  particularités  le  régime  suivi  dans  les 
prisons  de  l'Angleterre,  de  l'Ecosse  et  de  l'Irlande.  On  regrette 
que  la  Société  n'ait  pu  donner  un  travail  aussi  complet  poul- 
ies pays  étrangers.  L'ouvrage  est  terminé  par  des  tableaux  qui 


GftÀNDE-BRETÀGNE.  ^77 

offrent  le  nombre  des  personnes  emprisonnées  dans  les  trois 
royaumes  pendant  les  sept  dernières  années,  et  qui  indiquent 
la  nature  <\v>>  crimes  et  «les  délits,  le  nombre  des  condamnés  et 
des  absous.  [Voy,  ci-dessus,  page  r>. i/»,  section  des  Nouvelles, 

un  résumé  de  ces  tableaux.  ) 

114.  — *  The  further  progrès*  qf  colonial  reforma  etc. — 
Etat  des  progrès  récens  de  la  réforme  coloniale,  ou  Analyse 
des  communications  faites  au  Parlement,  à  la  fin  de  la  dernière 
session,  sur  les  mesures  à  prendre  pour  l'amélioration  de  la 
population  esclave  dans  les  colonies  anglaises.  Londres,  1827; 
Arch.  In-8°  de  78  p.;  prix,  2  sh.  6  d. 

Cette  brochure,  qui  a  pour  but  de  faire  connaître  la  situation 
réelle  de  la  population  esclave  des  colonies  anglaises,  et  par- 
ticulièrement de  celle  des  Indes  occidentales,  nous  a  révélé  ce 
fait  important  :  qu'à  moins  de  promptes  et  grandes  améliora- 
tions dans  les  lois  coloniales,  les  possessions  anglaises  des 
Antilles  seront  immanquablement  en  proie  aux  mêmes  boule- 
versemens  qui  enlevèrent,  au  commencement  de  ce  siècle,  l'île 
de  Saint-Domingue  à  la  domination  de  la  France.  «Il  vient, 
comme  l'a  dit  Gibbon,  une  époque  où  la  patience  des  plus 
timides  esclaves  se  change  en  fureur  et  en  vengeance.  »  Cette 
époque  approche,  et  les  insurrections  partielles  qui  ont  éclaté, 
il  y  a  peu  d'années,  à  la  Jamaïque  et  à  Démérari,  le  mécon- 
tentement qui  fermente  parmi  les  esclaves,  sont  les  symptômes 
précurseurs  de  la  révolution  dont  est  menacé  l'Archipel  amé- 
ricain. Comment  éteindre  ce  feu  révolutionnaire  qui  couve 
dans  la  poitrine  de  chaque  homme  de  couleur?  Les  abolitionistes, 
qui  publient  la  brochure  dont  nous  avons  donné  le  titre,  ne 
peuvent  sans  doute  vouloir  l'affranchissement  immédiat  de 
tous  les  esclaves,  qui  violerait  le  droit  de  propriété,  et  rédui- 
rait à  la  misère  tous  les  colons,  et  les  esclaves  eux-mêmes; 
personne,  excepté  peut-être  les  colons,  ne  pourrait  désirer 
qu'on  augmentât  l'autorité  des  maîtres  en  violant  ainsi  le 
droit  naturel  pour  retenir  dans  une  servitude  éternelle  leurs 
semblables  et  leurs  frères.  Mais  il  est  difficile  de  concilier  deux 
partis1,  extrêmes,  dont  l'un  ne  veut  rien  céder,  et  dont  l'autre 
voudrait  tout  obtenir;  dont  l'un  (celui  des  colons)  nous  pré- 
sente les  esclaves  comme  plus  heureux  que  la  plus  grande  partie 
des  paysans  d'Europe,  tandis  que  l'autre  les  regarde  comme 
plus  misérables  encore  que  les  Grecs  sous  le  joug  ottoman,  ou 
que  les  galériens  enchaînés  dans  nos  bagnes;  dont  l'un  ne  veut 
voir  que  les  actes  d'inhumanité  auxquels  sont  en  butte  les 
noirs,  et  dont  l'autre  n'a  de  pitié  que  pour  le  sort  déplorable 
qui  attend  les  infortunés  planteurs. 


3;S  LIVRES  ETRANGERS. 

Il  y  avait  un  moyen  d'arrangement,  une  voie  de  salut.  Le 
gouvernement  des  colonies  pouvait,  ainsi  qu'on  le  remarque 
dans  l'écrit  dont  il  est  ici  question,  en  adoptant  les  règlemens 
envoyés  par  le  ministère  anglais  (voy.  Rev.  Enc. ,  t.  xxix, 
p.  867  )  ,  apaiser  les  amis  des  noirs,  et  sinon  empêcher 
pour  toujours,  du  moins  retarder  pour  long-tems  la  révolu- 
tion qui  menace  les  Antilles.  Mais  la  voix  de  la  modération 
ne  fut  point  entendue.  Les  colons  virent  dans  l'abolition  de  la 
peine  du  fouet,  comme  stimulant  du  travail,  une  cause  de 
diminution  de  ce  travail,  et  ils  se  refusèrent  à  cette  abolition. 
Ils  craignirent,  en  admettant  en  justice  le  témoignage  des 
noirs,  de  devenir  les  victimes  de  fausses  accusations,  et  ils 
s'opposèrent  à  l'audition  des  nègres  comme  témoins.  Ils 
considérèrent  comme  une  atteinte  à  leur  droit  de  propriété 
la  manumission  forcée  des  esclaves,  et  ils  ne  voulurent  point 
consentir  au  rachat  légal  de  ces  malheureux.  Ces  refus  eurent 
lieu  dans  presque  toutes  les  colonies  qui  n'appartenaient  pas 
à  la  couronne;  les  colons  indisposèrent  le  gouvernement,  sou- 
levèrent l'opinion  publique,  et  leur  conduite  justilie,  jusqu'à 
un  certain  point,  les  plaintes  contenues  dans  la  brochure  dont 
nous  parlons,  et  les  appréhensions  de  ses  auteurs,  persuadés 
que  jamais  l'esclavage  ne  sera  aboli,  ni  même  allégé  par  la 
volonté  des  propriétaires  d'esclaves,  ni  par  les  législateurs  des 
Indes  occidentales. 

On  doit  convenir  néanmoins  que  la  condition  des  esclaves  a 
reçu  quelques  améliorations  depuis  les  dernières  années; 
comme  l'a  fait  observer  un  des  rédacteurs  de  la  Reçue  Ency- 
clopédique ,  et  comme  nous  aimons  à  le  répéter,  en  nous  ap- 
puyant des  aveux  contenus  dans  l'écrit  même  que  nous  annon- 
çons ,  a  les  châtimens  sont  aujourd'hui  plus  rares  et  moins 
sévères,  les  travaux  plus  doux;  les  noirs  sont  mieux  logés, 
mieux  vêtus,  mieux  nourris,  et  quand  ils  sont  malades,  ils 
reçoivent  tous  les  soins  que  prescrit  l'humanité  dans  des  in- 
firmeries convenablement  disposées,  et  que  visitent  régulière- 
ment des  médecins  attachés  à  ces  établissemens.  »  C'est  un 
fait  incontestable  qu'il  y  a  eu  des  adoucissemens  apportés  à 
la  condition  des  noirs;  mais  ces  adoucissemens  ne  sont  point 
suffisans  ,  et  les  règlemens  envoyés  par  le  ministère  anglais 
seraient  peut-être  maintenant  inefficaces.  Il  faut  absolument 
reconnaître  le  principe  que  l'homme  ne  saurait  avoir  le  droit 
de  propriété  sur  un  autre  homme;  que  la  différence  de  couleur 
ne  peut  être  une  barrière  entre  les  enfans  d'un  même  père-; 
il  faut  commencer  l'œuvre  de  l'émancipation  par  l'application 
de  ce  principe.  L'extinction  complète  de  l'esclavage  peut  ne 


GRANDE  BRETAGNE.  T7Î> 

pas  être  immédiate  ;  mais  L'œil*  te  de  l'affranchissement  graduel 
<loit  coiiiinciici'i'  dès  aujourd'hui.  Il  Tant  instruire  les  nègres, 

et  leur  faire  connaître  quels  sont  les  droits  et  les  devoirs  de 
l'homme,  avant  de  les  rendre  à  la  liberté.  Il  faut  aussi,  s'il  est 
possible,  iriénager  lès  intérêts  des  colons,  et  eri  conférant, 
Mr  exemple)  le  titre  de  citoyen  aux  trois  cent  cinquante  mille 
esclaves  de  la  Jamaïque,  faire  en  sorte;  de  ne  point  réduire  à  la 
misère  les  soixante  mille  blancs  aujourd'hui  leurs  maîtres,  et 
demain  leurs  égaux. 

Ge  n'est  point  par  le  moyen  des  missionnaires  que  l'Angle- 
terre envoie  en  si  grand  nombre  dans  ses  colonies  qu'on  ob- 
tiendra ce  premier  but  :  l'instruction  des  noirs.  Les  missionnaires 
souvent  trop  au  sort  des  esclaves  dans  l'autre  vie,  et  pas  assez 
à  leur  bien-être  dans  celle-ci.  C'est  une  éducation  religieuse  et 
spirituelle,  et  non  industrielle  et  sociale,  qu'ils  leur  donnent. 
Ce  n'est  pas  non  plus  par  l'exécution  des  règlemens  rédigés 
par  le  ministère  anglais  qu'on  éteindra  l'esclavage;  ces  règle- 
mens adouciront  le  sort  des  noirs,  mais  sans  produire  leur 
entier  affranchissement.  Si  l'on  veut  concilier  les  intérêts  des 
colons  avec  les  exigences  de  la  justice,  il  faut  imiter  ce  qui  se 
pratique  dans  la  Colombie  et  dans  plusieurs  autres  parties  de 
l'Amérique  du  sud.  Là,  les  enfans  des  esclaves  naissent  libres; 
ils  restent  à  la  charge  du  colon  jusqu'au  sortir  de  leur  enfance; 
ils  accordent  alors  à  celui-ci  un  certain  nombre  d'années  de 
leur  tems  pour  l'indemniser  àes  dépenses  qu'a  occasionées  leur 
éducation,  et  après  cet  intervalle  d'une  sorte  de  servitude  vo- 
lontaire, ils  rentrent  dans  la  classe  générale  des  citoyens  et 
dans  l'exercice  des  droits  civils  et  politiques.  Avant  un  quart 
de  siècle,  l'esclavage  aura  presque  entièrement  disparu  du  ter- 
ritoire de  la  Colombie,  et  cette  révolution  se  sera  accomplie 
sans  avoir  entraîné  la  ruine  de  la  population  blanche.  Telles 
sont  les  mesures  que  devraient  réclamer  les  véritables  amis  des 
noirs ,  parmi  lesquels  on  doit  compter  les  auteurs  de  la  bro- 
chure qui  a  donné  lieu  à  nos  observations. 

Frédéric  Degeorge. 

Xiiλ.  —  *  History  of  the  progress  and  suppression  qft/ie  Re- 
formation  in  Italy,  in  tlw  sixteenth  century ,  etc.  — ■  Histoire  des 
progrès  et  de  la  suppression  de  la  réformation  en  Italie,  pen- 
dant le  xvie  siècle  ;  par  Thomas  M'Crie  ,  D.  D.  Edimbourg  , 
1827  ;  Blackwood.  I11-80. 

Les  hommes  les  plus  versés  dans  les  annales  des  peuples 
modernes  ont  toujours  pensé  que  les  germes  de  la  réforme  , 
en  matière  de  religion,  existaient  en  Italie  avant  l'apparition 
de  Luther  et  de  Calvin.  Il  leur  paraissait  même  impossible  que 


38o  LIVJIES  ÉTRANGERS. 

les  abus  innombrables,  qui  s'étaient  introduits  dans  l'église 
pendant  les  ténèbres  du  moyen  âge  ,  fussent  restés  inaperçus 
dans  un  pays  où.  la  renaissance  des  lettres  et  des  arts  s'était 
accomplie  avec  tant  d'éclat,  et  d'où  les  lumières  s'étaient  en- 
suite répandues  dans  tout  le  reste  de  l'Europe.  Cependant  , 
cette  opinion  ,  quoique  fondée  sur  des  faits  incontestables  et 
sur  des  raisonnemens  solides  ,  n'avait  jamais  trouvé  une  plume 
savante  qui  s'occupât  de  la  développer  dans  toute  son  étendue. 
Uu  philosophe  éeossais  vient  de  remplir  cette  tâche  avec  bon- 
heur. Il  a  démontré,  le  flambeau  de  l'histoire  à  la  main,  que  , 
depuis  le  onzième  siècle,  tous  les  hommes  éclairés  de  l'Italie 
attribuaient  les  désordres  de  l'église  ,  d'abord  à  la  puissance 
temporelle  des  papes ,  soutenant  par  la  violence  des  préten- 
tions que  la  raison  repoussait  ;  ensuite,  à  leur  suprématie  spi- 
rituelle qui  avait  dépouillé  les  évèques  et  les  curés  de  leur 
mission  apostolique  directe  ;  entin  ,  à  l'immensité  des  richesses 
qui  avaient  amené  la  corruption  des  mœurs  dans  le  haut  clergé, 
et  altéré  la  sainteté  et  la  pureté  de  la  religion  primitive.  C'est 
alors  qu'un  cri  universel  se  fit  entendre  et  se  prolongea  pen- 
dant quatre  siècles,  pour  faire  cesser  des  scandales  aussi  ré- 
voltons ;  et  l'opinion  sur  ce  sujet  avait  fait  de  tels  progrès ,  était 
devenue  si  dominante,  que  ce  fut  en  Italie  que  les  réforma- 
teurs de  la  Suisse  et  de  l'Allemagne  puisèrent  le  principe  de 
leur  enthousiasme  et  trouvèrent  le  plus  grand  nombre  de  pro- 
sélytes de  leurs  doctrines.  On  doit  surtout  remarquer  que  les 
plus  ardens  défenseurs  de  la  réforme  étaient  tous  des  ecclésias- 
tiques éminens  par  leur  piété  et  parleurs  lumières  ,  et  que  des 
conciles  même,  tels  que  ceux  qui  se  tinrent  à  Pise,  à  Bâle  et  à 
Constance,  s'étaient  rangés  solennellement  de  ce  parti. 

L'auteur  a  suivi  le  développement  de  cette  grande  révolu- 
tion avec  beaucoup  de  précision  et  de  talent.  Il  a  puisé  aux 
sources  ,  et  a  consulté  les  documens  que  les  annales  politiques 
et  littéraires  de  l'Italie  présentent  sur  ce  sujet.  La  seconde  partie 
de  l'ouvrage  est  consacrée  à  décrire  les  moyens  employés  par 
la  cour  de  Rome  pour  extirper  la  réforme  de  cette  contrée;  et 
tout  ce  qu'on  sait  sur  de  semblables  catastrophes  arrivées  dans 
d'autres  parties  de  l'Europe  ,  se  reproduit  ici  sous  des  formes 
identiques.  Ce  sont  toujours  les  mêmes  ruses,  les  mêmes  vio- 
lences, les  mêmes  atrocités,  les  mêmes  massacres,  qui  ont 
déshonoré  la  religion  et  la  race  humaine.  La  seule  opinion  de 
l'auteur  que  nous  ne  partageons  pas,  c'est  qu'il  paraît  attri- 
buer à  un  manque  d'énergie  de  la  part  des  proîestans  italiens 
de  s'être  laissé  écraser  de  la  sorte ,  sans  opposer  aucune  ré- 
sistance efficace.  Mais  la  même  chose  n'arriva-t-elle  pas  en 


GRANDE-BRETAGNE.  38  r 

Espagne,  en  France,  et  dans  plusieurs  Etats  de  l'Allemagne, 
où,  comme  en  Italie,  les  gouvernèmens  se  déclarèrent  les  exé- 
cuteurs passifs  des  arrêta  exterminateurs  qui  leur  venaient  de 
Rome?   Les  protestans  n'eurent   pins  à  montrer  l'énergie  de 

leur  conviction  qu'au  milieu  des  toitures  et  en  présence;  de- 
là mort  qu'on  leur  préparait  sons  les  formes  les  pins  atroces;  et 
leur  courage  ne  resta  point  au-dessous  de  celui  des  premiers 
martyrs  du  christianisme.  I] — i. 

1 16. — *  The  life  and  correspondance of  major  Cartwikcht,  etc. 
— 'Vie  et  Correspondance  du  major  Cartwright.  Londres,  1826'; 
Colburn.  2  vol.  in-8°,  avec  gravures  et  cartes  ;  prix  ,  28  sh. 

«  Son  esprit  élevé  et  ses  profondes  connaissances  dans  le 
droit  constitutionnel  le  plaçaient  au  plus  haut  rang  parmi  les 
hommes  publics;  la  pureté  de  ses  principes,  l'inébranlable  fer- 
meté de  sa  conduite  politique  obtenaient  à  ses  discours  la 
plus  respectueuse  attention.  »  Ces  paroles  que  le  célèbre  Fox 
prononça  en  plein  parlemeut,  en  présentant  une  pétition  du 
major  Cartwright,  peignent  admirablement  les  qualités  pu- 
bliques du  citoyen  courageux  que  la  liberté  compta  au  nombre 
<le  ses  apôtres  les  plus  dévoués  pendant  plus  d'un  demi-siècle. 

John  Cartwright,  né  le  17  septembre  17^0,  fut  élevé  à 
l'école  de  Newark  et  passa  une  partie  de  sa  première  jeunesse 
à  Bel  ton.  ïl  s'engagea  de  bonne  heure  dans  la  marine  anglaise, 
et  servit  avec  distinction.  Lorsque  la  révolution  française  éclata  , 
et  quand  il  vit  la  guerre  s'allumer  entre  les  deux  pays,  il  donna 
sa  démission  pour  ne  pas  avoir  a  combattre  une  nation  dont 
il  adoptait  les  principes  de  réforme  et  de  liberté,  et  dont  il  par- 
tageait les  espérances.  Dès-lors,  il  s'engagea  dans  la  carrière 
des  affaires  publiques  où  il  ne  tarda  point  à  se  distinguer  parmi 
les  hommes  illustres  qui  travaillaient  pour  obtenir  une  réforme 
parlementaire.  Il  mourut  le  23  septembre  1824,  et  ses  amis 
décidèrent  qu'un  monument  serait  élevé  à  sa  mémoire. 

Le  major  Cartwright  a  composé  et  publié  un  grand  nombre 
d'écrits  politiques.  On  en  trouve  une  liste  de  quatre-vingt-un 
dans  ses  Mémoires;  plusieurs  furent  insérés  dans  les  papiers 
publics;  d'autres  imprimés  sous  la  forme  de  brochures;  ils 
traitent  principalement  de  la  composition  des  milices,  du 
système  du  jury,  et  de  la  réforme  parlementaire.  Le  plus  im- 
portant de  ses  ouvrages  fut  celui  qui  parut  vers  la  fin  de  sa  vie, 
en  1823,  sous  le  titre:  The  Constitution produced and illustrated; 
(la  Constitution  anglaise  retrouvée  et  mise  en  lumière).  Dans  cet 
écrit,  dont  on  a  publié  un  abrégé,  le  major  Cartwright  résume 
toutes  ses  opinions  politiques;  on  y  retrouve  reproduite  avec 
sagacité  ,  celte  opinion  partagée  d'ailleurs  par  Blackstone  et  par 


&4  LIVRES  ÉTRANGERS. 

d'autres  écrivains  estimables  :  que  l'Angleterre  jouissait,  sous 
les  dynasties  saxonnes ,  d'une  constitution  régulière  et  d'une 
portion  de  liberté  infiniment  plus  grande  qu'à  aucune  époque 
postérieure  de  son  histoire.  Le  major  Cartwright  accuse  Guil- 
laume-le-Conqucrant  d'avoir  détruit  par  la  force  cette  consti- 
tution toute  démocratique,  et  de  lui  avoir  substitué  les  formes 
féodales  qui  servent  de  bases  à  la  constitution  actuelle. 

Le  major  Cartwright  fut  lié  avec  les  personnages  les  plus 
importans  de  son  tems.  Les  Mémoires  qui  font  l'objet  des  deux 
volumes  que  nous  avons  sous  les  yeux,  et  qui  ont  été  rédigés 
par  miss  F-D.  Cartwright,  nièce  du  major,  renferment  des 
particularités  précieuses  sur  toutes  ces  personnes,  particulière- 
ment sur  le  comte  Jbingdon ,  Fox ,  lord  Holland ,  sir  Francis 
Burdett ,  sir  Samuel  Romilly,  le  président  Jefferson,  lord  John 
Russel  3  etc.  Ces  Mémoires  sont  rédigés  avec  soin  ;  le  style  en 
est  pur  et  simple,  et  l'on  y  remarque  un  air  de  bonne  foi  et 
de  vérité  :  miss  Cartwright  n'a  point  sacrifié  la  fidélité  historique 
au  désir  d'augmenter  la  gloire  de  son  vertueux  parent.     F.  D. 

117.  —  *  The  beauties  of  the  court  qf  Charles  the  second.  — 
Portraits  des  beautés  célèbres  de  la  cour  de  Charles  II,  avec 
des  Notices  biographiques  ;  par  D.  B.  Murphy.  Londres,  1827; 
Martin  Colnaghi,  Cockspur  street.  Paris,  Galiguani,  rue  "Vi- 
vicnne,  n°  18.  Prix  de  chaque  livraison,  petit  in-40,  a  1.  st.; 
grand  in-4°,  épreuves  sur  papier  de  Chine,  3  1.  st.;  grand 
in-folio,  premières  épreuves  sur  papier  de  Chine,  4  1.  st.  L'ou- 
vrage entier  se  formera  de  cinq  livraisons. 

Tout  le  inonde  connaît  les  femmes  célèbres  dont  les  grâces, 
l'esprit  et  la  beauté  firent  l'ornement  de  la  cour  brillante  et 
corrompue  de  Charles  II,  et  dont  l'influence  s'étendit  même  à 
la  littérature  du  tems  et  lui  prêta  ce  vernis  de  galanterie, 
ce  ton  badin  et  léger  qui  la  distinguent  par  un  contraste  si 
frappant  des  graves  écrits  qu'avait  vus  naître  l'Angleterre  avant 
et  sous  la  domination  de  Cromwell.  Les  mémoires  de  Pepys, 
Evelyn  et  de  plusieurs  autres  écrivains  contemporains,  con- 
tiennent une  foule  d'anecdotes  piquantes,  de  détails  curieux 
qui  jettent  un  grand  jour  sur  les  mœurs et  sur  les  habitudes  des 
personnages  marquans  de  cette  époque;  mais  personne  n'a 
compris  aussi  bien  et  n'a  rendu  avec  autant  de  vérité  le  ton 
et  le  caractère  d'une  cour  dont  lui-même  faisait  les  délices, 
que  le  spirituel  et  gracieux  Hamilton.  En  lisant  les  mémoires, 
qu'il  attribue  au  comte  de  Grammont,  on  ne  peut  se  défendre 
d'un  vif  désir  de  contempler  les  traits  des  beautés  dont  il  a 
célébré  les  charmes  et  l'esprit.  Chose  étonnante  cependant  ! 
ainsi  que  l'avait  remarqué  Horace  H'alpole ,  il  y  a  déjà  cin- 


GRANDE-BRETAGNE.  \S  ; 

tjuantc  ans,  personne  n'a  pensé  à  reproduire  les  véritables 
P orii aiis  de  ni  femmes  charmantes,  dune  manière  digne  de 
leur  célébrité  et  de  l'intérêl  quelles  inspirent,  d'après  les  pré- 
cieux originaux  el  ie$  portraits,  peints  par  le  fameux  sir  Pttei 
///),  el  par  les  plus  habiles  artistes  du  teins,  et  qui  font  encore 
partie,  au  nombre  de  vingt,  du  cabinet  du  roi  d'Angleterre, 
dans  le  château  royal  de  "Windsor.  Grâce  à  l'éditeur  de  l'ou- 
vrage que  nous  annonçons ,  les  beautés  de  la  cour  de  Chéries  II 
sont  enfin  réunies  dans  une  suite  complète  de  gravures  exécu- 
tées par  les  premiers  artistes  de  Londres. 

Mais  en  nous  offrant  des  portraits,  il  fallait  aussi  nous  initier 
aux  secrets  des  caractères;  il  fallait  prendre  le  ton  de  la  cour 
pour  bien  peindre  ses  manières  et  rendre  ces  nuances  délicates 
et  légères  qui  donnent  aux  personnes  et  aux  choses  l'indivi- 
dualité et  la  vie.  Cette  tâche  difficile  a  été  parfaitement  remplie 
dans  les  Notices  historiques  dont  les  portraits  sont  accompagnés, 
et  où  l'on  a  réuni,  avec  un  talent  remarquable,  les  anecdotes 
et  les  détails  les  plus  piquans,  dispersés  jusqu'ici  dans  les 
dilTérens  mémoires  de  l'époque,  Le  caractère,  l'esprit  et  les 
mœurs  de  la  cour  sont  décrits  avec  une  grâce  et  une  légèreté 
qui  rappellent  souvent  le  style  brillant  du  chevalier  de  Gram- 
mont. 

L'ouvrage  aura  cinq  livraisons,  dont  chacune  offrira  quatre 
portraits  avec  le  texte.  Sur  les  vingt  portraits  qui  composeront 
l'ouvrage,  quatorze  auront  été  gravés  pour  la  première  fois. 
Les  deux  premières  livraisons  ont  déjà  paru  et  justiGent  plei- 
nement nos  éloges.  Nous  voyons,  dans  la  première,  les  por- 
traits de  la  reine,  de  lady  Casdcmaine;  de  la  comtesse  de 
Grammont,  mieux  connue  sous  le  titre  mérité  de  la  belle  Ha- 
milton,  de  la  comtesse  (.YOssoty.  Dans  la  seconde,  les  portraits 
de  la  duchesse  de  Richcmond  (la  belle  Steu-art),  de  la  duchesse 
de  Somerset,  de  la  fameuse  Nell  Gwyn  et  de  miss  Laivson.  La 
troisième  livraison,  qui  paraîtra  incessamment,  contiendra  les 
portraits  de  lady  Bellasis,  de  lady  Rochester,  de  lady  Denham , 
et  de  lady  Southesh.  M. 

il 8. —  The  Forget  nie  not. — Ne  m'oubliez  pas,  par  Fre- 
derick Shobert.  Londres,  1828;  Ackermann.  Grand  in-18 
renfermé  dans  un  étui  orné  de  i3  gravures;  prix,  12  sh. 

119.  —  No  me  olvides.  —  Ne  m'oubliez  pas ,  par  P.  Mendibil. 
Londres,  1828;  A.ckermann.  Grand  in-i"8,  orné  de  i3  gra- 
vures; prix,  12  sh. 

120. —  The  literary  Souvenir ,  etc.  —  Le  Souvenir  littéraire, 
par  Alaric  Watts.  Londres,  1828;  Longman.  Grand  in- 18, 
01  né  de  12  gravures;  prix,  12  sh. 


384  LIVRES  ÉTRANGERS. 

i2i.  —  The  A mulet ,  etc.  —  L'Amulette ,  etc. ,  par  S.-C.  Hall. 
Londres,  1828;  Baynes.  Jn-18  renfermé  dans  un  étui,  orné  de 
14  gravures;  prix,  12  sh. 

122.  —  The  Bijou,  etc.  —  Le  Bijou,  par  fV.  Fraser. 
Londres,  1828  ;  Pickering.  Grand  in- 18,  orné  de  i5  gravures; 
prix  ,  12  sh. 

Nous  n'avons  rien  à  Paris  que  l'on  puisse  comparer  à  ces 
jolis  ouvrages  destinés  aux  présens  de  la  nouvelle  année.  Pieliés 
avec  élégance,  rédigés  avec  goût,  ils  sont  surtout  précieux 
par  la  beauté  et  le  grand  nombre  de  gravures  qu'ils  contien- 
nent. Composés  par  les  mêmes  auteurs,  enrichis  des  dessins  des 
mêmes  artistes,  ils  serait  assez  difficile  de  décider  lequel  parmi 
eux  mérite  la  préférence.  On  trouve,  dans  tous,  des  vers 
agréables,  des  nouvelles  intéressantes  et  des  gravures  exécu- 
tées avec  le  plus  grand  soin.  On  rencontre,  dans  chacun  d'eux  , 
les  noms  également  recommandables  de  Mme  Hemans ,  de  miss 
Milfort ,  de  miss  Tandon  s  et  ceux  de  MM.  Coleridge ,  Mont- 
gomery,  Barton,  Date ,  ete. 

Si  pourtant  nous  devions  faire  un  choix  entre  ces  recueils  , 
nous  ferions  pencher  la  balance  en  faveur  de  celui  qui  contient 
des   vers   de   Robert  Southey  et  de    Thomas   Campbell ,   de  la 
prose  de  JValter  Scotletde  Washington  Irving ,  des  dessins  de 
Thomas  Lawrence,  ou  un  paysage  de  Con stable  ;  alors  le  Bijou 
serait  préféré  à  ses  concurrens,  s'il  n'était  imprimé  d'une  ma- 
nière peu   correcte,  et  si  sa  reliure   mesquine  ne  contrastait 
avec  les  reliures  élégantes  du  Forget  me  not  et  de  l' Amitlet.  Les 
âmes  pieuses  préféreront  l'Amulette  aux  autres  recueils.  On  y 
trouve  à  la  vérité  quelques  pièces   faibles,  mais  d'autres  d'un 
vrai  mérite.  Pour  n'en  citer  qu'une,  nous  choisirons  celle  qui 
est  intitulé:   le  Héros  du    Colisée ,   par   miss   Jewsbury. — ■  Le 
Souvenir  littéraire ,  inférieur  dans  l'exécution  de  ses  gravures, 
sera  choisi  par  les  amis  de  la  bonne  poésie.  Il  contient  d'excel- 
lens  morceaux,  parmi  lesquels  nous  avons  remarqué  les  Ailes 
de  la  colombe,  par  Mme  Hemans. —  Enfin,  le  Forget  me  not ,  le 
plus  ancien  de  ces  ouvrages,  sera  préféré  par  les  personnes  qui 
attachent  un  grand  prix  à  la  beauté  des  gravures.  Celle  de  la 
Septième  plaie  d'Egypte  est  supérieure  à  tout  ce  que  nous  con- 
naissons  en   ce    genre.  Le   No  me  Olvides    n'est    en    grande 
partie  qu'une  traduction  du  Forget  me  not  anglais;  mais  M.  Men- 
dibil  a  embelli  les  morceaux  originaux  en  les  traduisant,  et 
l'on  peut  dire  de  son  travail  : 

Dans  ses  heureuses  mains  le  cuivre  devient  or. 

Ses  compositions  originales,  telles  que  Y  Esquisse  sur  Venise  , 


GR  V.NDE-BRETAC  S 

Derniers  momcns  de  Las-Cases,  V Espérance  du  Juste ,  font 
regretter  que  cel  auteur  n'ait  point  tiré  un  plus  grand  nombre 
de  pièces  <!<•  son  portefeuille.  F.  D. 

Ouvrages  périodiques. 

ia3.  —  *  The  hondon  weekly  review t  and  Journal  qf  Ute- 
rature  and  (hc  fine  arts. —  Revue  hebdomadaire  de  Londres, 
ou  Journal  do  la  Littérature  et  des  Beaux  Arts.  Londres,  1827; 
Westlcy.  Edimbourg,  Winkworth.  Dublin,  Wakeman. 

Trop  long -teins  les  journaux  anglais  ont  pain  dédaigner  les 
littératures  étrangères,  ils  en  parlaient  rarement ,  et  toujours 
avec  un  ton  de  supériorité  qui  dénotait  ou  beaucoup  d'igno- 
rance, on  beaucoup  de  mauvaise  foi.  Aujourd'hui  ils  semblent 
vouloir  s'amender:  du  moins  plusieurs  recueils  littéraires, 
nouvellement  fondés  en  Angleterre,  s'empressent  de  prendre- 
part  aux  communications  et  aux  échanges  de  vues  et  de  pen- 
sées qui  se  sont  établis  entre  les  peuples.  C'est  un  progrès 
important  pour  la  Grande-Bretagne,  peut-être  trop  concentrée 
jusqu'ici  en  elle-même.  Il  était  tems  qu'elle  prît  son  rang 
dans  le  vaste  mouvement  intellectuel  qui  s'étend  maintenant 
d'un  bout  de  l'Europe  à  l'autre.  Elle  l'a  senti,  et  on  doit  l'en 
féliciter. 

La  Revue  hebdomadaire  de  Londres  ne  date  pas  de  plus  de 
trois  mois,  et  déjà  elle  a  donné  plusieurs  articles  pleins  d'in- 
térêt, d'abord  sur  la  littérature  populaire  des  Suédois;  puis, 
sur  Y  Histoire  de  la  Révolution  d' Angleterre,  par  M.  Guizot.  Cet 
écrivain  si  remarquable  y  est  jugé  avec  beaucoup  d'impar- 
tialité, et  son  ouvrage  est  à  juste  titre  signalé  comme  le  plus 
complet  de  tous  ceux  qui  ont  paru  en  Angleterre  et  en  France 
sur  le  même  sujet.  Le  compte  rendu  de  l'Histoire  de  la  guerre 
de  la  Péninsule,  par  le  général  Foy,  laisse  beaucoup  à  désirer  : 
les  vues  n'ont  rien  de  large,  et  les  critiques  sont  souvent  dic- 
tées par  des  préjugés  nationaux.  Une  analyse  de  Six  mois  en 
Russie,  de  M.  Ancelot,  se  compose  plutôt  de  simples  extraits 
que  de  considérations  littéraires.  Nous  avons  remarqué  parmi 
les  articles  originaux,  i°  un  Mémoire  sur  Ugo  Foscolo  ;  i°  des 
notes  sur  l'Afrique  méridionale;  3°  l'intéressante  Notice  de 
M.  Ch.  Remnsat  sur  madame  Guizot,  insérée  dans  un  des  der- 
niers cahiers  de  la  Revue  Encyclopédique  (voy.  T.  XXXV,  p. 
567  ),  et  reproduite  dans  le  journal  anglais  avec  les  passages 
supprimés  par  la  c<  usure.  Il  y  aurait  encore  plusieurs  articles  de 
t.  xxxvi. —  Novembre  1827.  25 


386  LIVRES  ÉTRANGERS. 

sciences  et  de  beaux- arts  à  citer,  quoique  cette  partie  de  l'ouvrage 
ne  nous  ait  pas  paru  aussi  soignée  que  les  autres.  Nous  engageons 
les  auteurs  à  mieux  choisir  à  l'avenir  les  ouvrages  anglais  qu'ils 
annoncent ,  et  dont  la  plupart  sont  trop  peu  importans.  Il  ne  faut 
pas  que  leur  zèle  pour  explorer  les  richesses  étrangères  leur 
fasse  négliger  celles  qu'ils  possèdent.  L.  Sw.  B. 

RUSSIE. 

1 24.  —  *  Doumuiy  etc.  —  Méditaiions  ,  par  K.  Ryléef.  Mos- 
cou ,  i8a5  ;  imprimerie  de  Selivanovski.  In-8°  de  172  pages. 

Ce  recueil  remarquable,  dont  nous  devons  la  communication 
à  notre  correspondant  de  Moscou  ,  auteur  des  articles  signés 
des  initiales  P.  R.  E.  dans  la  Revue  Encyclopédique ,  contient 
21  pièces.  Le  mot  de  Méditations  réveille  pour  nous  des  idées 
de  poésie  :  M.  de  Lamartine,  qui,  le  premier  en  France  ,  a  ras- 
semblé ses  œuvres  sous  ce  titre  générique,  s'est  placé  au  plus 
haut  rang  de  nos  poètes  modernes  par  la  chaleur  et  l'inspira- 
tion ,  l'élégance  et  l'originalité  de  l'expression,  l'harmonie  du 
stvle,  et  quelquefois  la  profondeur  des  idées;  mais  de  graves 
défauts  se  font  remarquer  chez  lui  à  côté  de  ces  qualités,  et  les 
plus  grands,  à  notre  avis,  ceux  qui  l'empêcheront  de  faire 
école,  sont  la  trop  grande  uniformité  de  style  et  de  pensées, 
l'emploi  trop  fréquent  des  mêmes  formes  ,  l'obscurité  ,  un  néo- 
logisme outré,  l'affectation  de  principes  en  opposition  avec  les 
idées  nouvelles,  et  par  conséquent  le  manque  de  conviction,  si 
nécessaire  à  la  poésie. 

Ce  n'est  donc  point  au  chantre  de  lord  Byron,  mais  à  l'au- 
teur des  Messéniennes ,  qu'il  convient  de  comparer  M.  Ryléef; 
sa  vocation,  le  but  de  ses  écrits  et  quelquefois  leur  exécution, 
peuvent  autoriser  ses  compatriotes  à  le  mettre  sur  la  même 
ligne  ({lie  notre  poète  national.  Du  reste,  la  qualification  de 
Messéniennes ,  qui  n'a  pas  toujours  été  trouvée  exacte  à  l'égard 
des  pièces  de  M.  Casimir  Delavigne,  eût  été  peu  applicable, 
dans  son  sens  primitif  du  moins,  à  celles  du  poète   russe,  qui 
nous  offre  de  véritables  Méditations  poétiques  sur  l'histoire  de 
son  pays.  M.  Ryléef,  dans  un  avant-propos,  revendique  d'ail- 
leurs cette  qualification  pour  ses  anciens  compatriotes,  aux- 
quels les  Polonais,  et  d'autres  peuples  après  ceux-ci,  l'auraient 
empruntée.  C'est  donc  une  reprise  de  possession  qu'il  exerce 
en  s'emparant  de  ce  titre  pour  les  chants  historiques  qu'il  a  com- 
posés ,  à  l'imitation  du  célèbre  poète  polonais  Niemcewicz. 
Kappeler  à  la  jeunesse  les  exploits  de  ses  aïeux,  lui  rendre 


RUSSIE.  387 

familière  la  connaissance  des  époques  les  plus  remarquables  de 
l'histoire  nationale,  lui  faire  de  l'amour  de  la  patrie  le  premier 
besoin  etle  premier  devoir,  tel  est  le  but  de  tous  les  écrits  du 
poète  distingué  que  nous  venons  de  sommer;  tel  est  aussi  celui 

de  M.  Kvléel".  La  simple  indication  (les  sujets  qu'il  a  traités 
suffirait  pour  convaincre  les  lecteurs  russes  (le  ce  que  nous 
avançons;  nous  devons  aux  lecteurs  français  un  aperçu  de  ces 
mêmes  sujets  pour  leur  en  faire  sentir  l'importance  historique. 

Nous  puiserons  ces  détails  dans  les  sommaires  dont  l'auteur  a 
fait  précéder  chacune  de  ses  pièces. 

Le  fondateur  de  la  monarchie  russe,  IIurik,  lors  de  sa  mort 
arrivée  en  879,  avait  confié  la  tutelle  de  son  fils  Igor  à  son  pa- 
rent Oleg;  celui-ci  s'empara  du  pouvoir,  qu'il  garda  tant  qu'il 
vécut,  et  se  fit  pardonner  cette  usurpation  par  ses  talens.  Son 
règne  fut  fécond  en  victoires  remportées  sur  les  empereurs  de 
Bysance.  Ce  sont  ces  exploits,  célèbres  dans  l'histoire  russe, 
que  l'auteur  a  voulu  chanter  dans  sa  première  méditation,  in- 
titulée :  Oleg  le  Sage.  — Igor,  ayant  pris  les  rênes  de  l'empire 
à  la  mort  d()leg  en  912  )  ,  fut  tué,  en  945,  parles  Drévliens 
révoliés.  11  laissait  un  fils  (Sviatoslaf),  trop  jeune  pour  régner; 
sa  mère,  Olga,  placée  depuis  par  l'église  russe  au  rang  des 
saintes,  gouverna  l'empire  à  sa  place.  La  seconde  méditation, 
qui  a  pour  titre  Olga  au  tombeau  d'Igor,  contient  le  récit  de  la 
mort  de  ce  dernier,  fait  par  la  mère  à  son  fils,  en  l'engageant 
à  venger  son  père. — -  Sviatoslaf ,  assassiné  par  les  Petchénègues 
eu  ()-i ,  est  à  son  tour  le  héros  de  la  troisième  méditation,  qui 
porte  son  nom. —  Sviatopolh ,  petit-fils  de  celui-ci  et  fils  adop- 
tif  de  Vladimir-le-Grand ,  auquel  il  succéda,  après  avoir  fait 
assassiner  ses  frères,  en  ioi5,  mort  en  Bohème,  où  il  s'était 
réfugié,  en  1019,  à  la  suite  de  troubles  civils,  est  le  héros  de  la 
quatrième  méditation. — Rogneda, épouse  de  Vladimir-le-Grand, 
dont  elle  était  devenue  la  conquête  après  que  celui-ci  eut  fait 
périr  son  père  et  ses  frères,  fait  le  sujet  de  la  cinquième  médi- 
tation. Nouvelle  Judith  ,  elle  avait  voulu  profiter  du  sommeil  de 
cet  époux  ,  dont  elle  s'était  vue  abandonnée,  pour  Lui  trancher 
la  léte;  ce  projet  ayant  manqué,  elle  allait  périr  de  la  main  de 
Vladimir,  qui  fut  retenu  par  son  fils.  —  Boyane ,  qui  fait  le 
sujet  de  la  sixième  méditation,  surnommé  le  Rossignol  des  tems 
anciens,  fut  le  chantre  des  exploits  d'Igor. — Le  fils  de  Vladimir- 
le-Grand,  Mstislaf,  est  le  héros  de  la  septième  méditation, 
dédiée  à  M.  lîoulgarine.  —  La  huitième,  dédiée  au  même,  a 
pour  sujet  les  infortunes  de  Michel  Tterskaï  (Michel,  de  Tver) , 
auquel  son  neveu  ,  George  Danilovitch  (fils  de  Daniel),  disputa 
le  trône,  en  intéressant  à  sa  querelle  le  Khan  Usbeck,  qui,  étant 

*5. 


3SS  LIVRES  ÉTRANGERS. 

alors  maître  dv  la  Russie,  ht  mettre  à  mort  le  malheureux 
prince,  placé  depuis  par  l'église  au  rang  des  martyrs  russes. — 
Le  héros  (h*  La  neuvième  est  le  eélèbre  Dmitri  Donskoï (Dmitri, 
du  Don11,  qui,  en  i38o,  délivra  la  Russie  du  joug  des  Tatars  , 
et  dont  les  exploits  sont  consacrés  dans  l'histoire  de  ces  tems. — 
Glinski ,  oncle  de  la  grande  princesse  Hélène,  qui,  après  l'a- 
voir fait  délivrer  d'une  prison  où  il  avait  été  justement  enfermé 
pour  trahison  envers  l'état, l'y  fit  rejeter  parce  qu'il  voulait  s'op- 
poser à  ses déportemens, est  le  héros  de  la  dixième  méditation. 
- —  Le  brave  et  savant  Kourbski ,  qui  trahit  sa  patrie,  et  mourut 
loin  d'elle,  est  celui  delà  onzième.  —  La  mort cVlermak,  con- 
quérant de  la  Sibérie,  déjà  chanté  par  M.  Dmitrief ,  fait  le  su- 
jet de  la  douzième  méditation.  —  La  treizième  est  consacrée  à 
Boris  Godounof  ' >  élu  souverain  en  i5o,8,  après  la  mort  de  Fédor 
(  Théodore  )  Ivanovitch  (  fils  de  Jean  )  ,  et  auquel  l'histoire 
reproche  plusieurs  crimes  ,  entre  autres  là  mort  du  jeune  Dmi- 
tri. —  Dmitri  V  Usurpateur  (ou  le  faux  Dmitri  ),  reconnu  par 
presque  tous  les  historiens  pour  le  moine  Otrépief ,  ce  dont 
l'auteur  ne  paraît  pas  encore  très-convaincu,  est  le  héros  de  la 
quatorzième  méditation. — La  quinzième  est  consacrée  au  noble 
dévouaient  (¥ Ivcrn  Sousanin,  qui  préféra  la  mort  à  l'injonction  de 
découvrir  la  retraite  de  son  souverain  Mikhaël  (Michel)  Fédo- 
rovitch  (  fils  de  Fédor  ) ,  dernier  rejeton  de  la  branche  de  Ru - 
rik,  que  voulaient  faire  périr  les  Polonais,  alors  maîtres  de 
Moscou  (en  1S12)  ;  la  seizième  à  Bogdan  (  Dieu  donné  )  Khme- 
lnitsky ,  célèbre  par  ses  victoires  sur  les  Polonais,  de  1647  à 
i65r  et  la  dix-septième  au  dévoûment  & Artémon  Matvécf,  tué 
par  les  Stiélitz,  lors  de  leur  révolte  arrivée  en  1682,  sous  le 
règne  du  tsar  Fédor  Alekceïevitch  (  Théodore,   (ils  d'Alexis  ). 

p ierre-lc- Grand  est  le  héros  de  la  dix-huitième  méditation  , 

Volinskij  guerrier  diplomate,  qui  vivait  sous  son  règne,  celui 
de  la  dix-neuvième;  enfin  ,  Natalie  Dolgoroukova ,  célèbre  par 
son  dévoûment  conjugal ,  a  inspiré  la  vingtième  méditation,  et 
le  poète  lyrique  Derjavin,  une  des  plus  belles  lumières  de  la 
Russie,  la  vingt-unième  et  dernière. 

On  voit  que  tous  ces  sujets  se  rattachent  directement  à  l'his  • 
toire  nationale  ,  et  l'on  pressent  de  quel  intérêt  ils  doivent  être 
pour  les  Russes,  traités  avec  le  talent  qui  distinguait  Ryléef.  Ce 
poète  donnait  àsa  patrie  des  espérances  qu'Alexandre  Pouschkin 
est  chargé  aujourd'hui  de  réaliser;  peut-être  un  jour  eût-il  mérité 
d'être  chanté  à  son  tour,  comme  il  a  chanté  le  célèbre  Derjaviu. 
Nous  avons  à  regretter,  avec  tous  ses  compatriotes,  qu'un  talent 
oui  s'annonçait  sous  d'aussi  heureux  auspices,  ait  été  détourné  de 
la  carrière  des  lettres,  et  que  celui  dont  la  mission  était  de  celé- 


RUSSIE.  38g 

brer  toutes  les  gloires  nationales  ail  pu  \  oir  sou  nom  mêlé  dans 
les  discordes  civiles,  dont  il  ;i\;iii  fail  lui-même  un  tableau  si 
n  isi<<  ri  si  \  rai ,  dans  lequel,  par  une  sorte  de  fatalité ,  il  a,  pour 
ainsi  dire,  prophétisé  le  sortqui  l'attendait  (1).     E.  Ili-'.r.  eau. 

i  *>5.  -  Médaille  de  Mithridate  1 1 1 ,  /  oidu  Bosphore  (  ïmmét  ien, 
tt  de  la  reine  Ge/xie/n  ris  ;  par   J.  StEMPKOWSKT,  Odessa,   1827. 

In- 8°,  >>  pages. 

L'auteur  annonce  que  cette  Notice  est  l'abrégé  d'un  travail 
plus  étendu  qu'il  se  propose  de  publier  un  jour.  Elle  est  divisée 
en  six  paragraphes;  les  trois  premiers  on!  pour  objet  de  prou- 
ver que  la  reine,  connue  jusqu'à  présent  sons  le  nom  de  Pepae- 
pyris,  s'appelait  réellement  Gepaepyris ;  qu'elle  était  l'épousé 
de  Mithridate  III,  et  non  celle  de  Sauromate  1er,  ee  qu'il 
prouve  par  deux  médailles  découvertes  dans  l'île  de  Tendra. 
Le  v  (,i  le  5e  paragraphe  contiennent  un  aperçu  rapide  sur  les 
principaux  événemens  de  la  vie  de  Mithridate  et  quelques 
éclaircissemrns  sur  un  passage  de  Pline,  concernant  ce  person- 
nage; on  trouve  dans  le  6'"  plusieurs  remarques  sur  les  médailles 
de  Gepaepyris,  Mithridate  III  ,  Rhescnporis  II  et  Cotys  Ier. 

Les  preuves  dont  l'auteur  s'appuie  paraissent  assez  con- 
cluantes, et  nous  l'engageons  à  poursuivre  ses  recherches.     N. 

Ouvrages  périodiques. 

1  26.  — *  Odesskoï  JVestnik  ,  etc.  —  Journal  d'Odessa  ,  feuille 
périodique  publiée  en  russe  et  en  français.  Odessa,  1827.  Petit 
in-folio. 

La  ville  d'Odessa  possède  un  journal  depuis  le  Ier  avril 
1820.  Il  paraissait  d'abord  en  français;  format  petit  in-folio, 
sous  le  titre  de  Messager  de  la  Russie  méridionale ,  ou  feuille 
commerciale 9  publiée  avec  l'autorisation  du  Gouvernement,  et  il 
était  spécialement  consacré  au  commerce.  Il  contenait  la  liste 
des  bâti  mens  qui  arrivaient  au  port  d'Odessa  et  qui  en  par- 
taient, le  relevé  des  importations  et  des  exportations,  divers 
articles  et  annonces  touchant  le  commerce,  l'industrie  et  la 
navigation;  les  prix  courans,  cours  de  change,  publications 
du  gouvernement,  etc.  Cette  feuille  paraissait  tous  les  mardis 
ei  vendredis.  — Au  1 er  juillet  1821,  le  même  journal  parut 
aussi  en  langue  russe;  mais  cela  ne  fut  pas  continué.  A  celle 


(1)  Gravement  compromis  dans  la  dernière  conspiration  de  Russie, 
Rtlébf  a  payé  <!c  sa  *  ie  an  égarement  dons  lequel  sans  doute  l'avait 
entraîné  une  imagination  trop  ardente. 


3gft  LIVRES  ÉTRANGERS. 

époque,  on  y  insérait  quelques  articles  Je  théâtre,  et  quel- 
ques nouvelles  politiques  et  scientifiques.  En  1822,  on  com- 
mença à  v  donner  un  relevé  des  observations  météorologiques. 

Le  Messager  cessa,  en  novembre  1823,  et  fut  remplacé  par 
le  Journal  d'Odessa,  ou  Courrier  commercial  de  la  Nouvelle- 
Russie.  Cette  feuille,  qui  paraissait  aussi  deux  fois  par  semaine, 
format  in- 4°,  était  rédigée  sur  un  plan  plus  étendu,  et  offrait 
plus  d'intérêt  que  le  Messager.  Elle  fut  continuée  jusqu'à  la  fin 
de  1826,  époque  à  laquelle  elle  fut  entièrement  réorganisée 
pour  paraître  sous  la  forme  qu'elle  a  aujourd'hui. 

À  dater  du  commencement  de  l'année  1827,  le  Journal 
cC Odessa  est  imprimé  dans  les  deux  langues,  russe  et  fran- 
çaise, format  in-folio,  et  paraît  tous  les  mercredis  et  same- 
dis. Outre  les  Nouvelles  de  l'intérieur  et  de  l'extérieur,  emprun- 
tées aux  feuilles  périodiques  des  différentes  capitales,  ce  journal 
rapporte  les  nouvelles  des  provinces  qui  composent  la  Nou- 
velle-Russie, c'est-à  dire  des  gouvernemens  d'Ecathérinoslaw, 
de  Kherson,  de  Tauride,  et  de  Bessarabie.  Son  but  principal 
étant  de  faire  connaître  les  ressources  qu'offrent  ces  provinces 
à  l'agriculture,  à  l'industrie  et  au  commerce,  on  y  trouve,  re- 
lativement à  ces  objets,  des  notions  d'un  grand  intérêt,  et  re- 
marquables par  les  données  nouvelles  qu'elles  fournissent.  On 
y  rencontre  aussi,  de  tems  en  tems,  des  Notices  historiques , 
statistiques ,  géographiques  et  archéologiques ,  toujours  relatives 
à  la  Nouvelle-Russie,  pays  si  célèbre  dans  l'antiquité  par  les 
nombreuses  colonies  grecque  s  qui  y  étaient  établies;  des  an- 
nonces et  des  analyses  d'ouvrages  qui  traitent  de  ces  contrées, 
et  de  voyages,  des  articles  de  théâtre,  des  observations  météo- 
rologiques, etc.  Ce  Journal ,  continué  sur  le  même  plan,  peut 
intéresser  non-seulement  les  habitans  de  l'empire  de  Russie, 
mais  aussi  ceux  des  autres  contrées  de  l'Europe,  principale- 
ment de  celles  qui  entretiennent  des  relations  commerciales 
avec  le  midi  de  la  Russie,  soit  par  la  mer  Noire,  soit  par  les 
routes  de  terre.  S. 

DANEMARK. 

127.  —  Talc  ved Soroe  Académie,  etc.  —  Discours  prononcé 
à  l'ouverture  de  l'Académie  de  Soroe,  le  21  mai  1827,  par 
O.  Malling  ,  ministre  d'état ,  premier  membre  de  la  direction 
de  l'Université  et  des  collèges,  chevalier  des  ordres  de  l'Élé- 
phant et  de  Danebrog.  Copenhague,   1827  ;  Schultz.  In-40  de 

24  pag. 

La  détérioration  des  biens  de  campagne  et  un  funeste  in- 


DANEMARK.  3g  i 

candie  avaient  anéanti  une  des  plut  balles  institutions  du  l)a- 
nenaark  ,  X Académie  de  Soroe  ,  où  tant  d'hommes  célèbres 
avaient  été  formés.  Mais  le  souvenir  de  son  ancienne  splendeur 
riait  encore  trop  réceni  pouf  que  le  roi  ne  se  hâtât  pas  d'y 

porter  une  bienveillante  attention.  Les  mesures  les  plus  sages 
lurent  prises   pour   rétablir  et    augmenter  les  propriétés  dont. 

jouissait  autrefois  l'Académie ,  et  un  nouvel  édifice  s'est  relevé 

sur  les  ruines  de  l'ancien.  L'ouverture  en  a  eu  lieu  au  printems 
dernier,  et  c'est  à  celte  occasion  que  le  discours  (pie  nous  annon- 
çons a  été  prononcé.  L'orateur  y  présente  un  aperçu  rapide  de 
L'histoire  de  l'Académie.  Il  décrit  son  origine  ,  son  élévation  et 
sa  décadence;  il  parle  de  ses  célèbres  professeurs  et  de  ses  bien- 
faiteurs augustes,  et  il  nous  fait  enfin  pressentir  ce  que  peut 
devenir  cette  institution  sous  une  protection  aussi  favorable. 

Le  roi  Frédéric  II  jeta  les  premiers  fondemens  de  l'Aca- 
démie, et  son  successeur  Christian  IV,  qui  s'acquit  de  justes 
titres  à  l'admiration  des  Danois,  eut  la  satisfaction  de  la  voir 
devenir  florissante;  mais  avec  lui  l'Académie  tomba,  et  ce  ne 
fut  que  sous  Christian  VI  qu'elle  commença  à  se  relever.  Ce 
roi  adopta  et  mit  à  exécution  des  projets  qui  s'achevèrent  sous 
son  successeur  Frédéric  V.  Cependant ,  ce  qui  restait  des  biens 
de  l'Académie  n'eût  pas  suffi  à  la  rétablir,  si  le  célèbre  Holberg 
n'y  eût  contribué  avec  une  extrême  libéralité.  Cet  écrivain, 
qui  s'est  (ait  une  réputation  européenne  ,  offrit  à  l'Académie 
la  baronnie  qu'il  possédait,  ses  autres  biens  évalués  à  1 2,000  écus, 
et  sa  belle  bibliothèque.  Ainsi  dotée,  l'Académie  reprit  son  ac- 
tivité, et  acquit  bientôt  de  la  célébrité  :  elle  devint  l'école 
où  se  forma  la  langue  danoise.  Les  Guldberg ,  \esSucdorf,  les 
Kraft y  les  Sclijthe ,  les  Erichsen  et  les  Kongsler,  qui  vivaient 
alors  à  Soroe,  se  sont  rendus  immortels  dans  l'histoire  littéraire 
de  Danemark.  Après  cette  époque,  l'Académie  devait  déchoir 
encore  une  fois;  mais  le  roi  Frédéric  VI  vient  de  la  relever, 
et  la  sagesse  de  l'administration  actuelle  fait  espérer  qu'elle 
prospérera  long-Iems  pour  le  bien  de  l'état.  L'orateur  qui  a 
présidé  à  l'ouverture  de  l'Académie  sera  bientôt  octogénaire; 
mais  on  retrouve  dans  son  discours  tout  le  feu  de  sa  jeunesse , 
la  pureté  de  diction  et  l'harmonie  de  style  qui  ont  rendu 
classiques  ses  ouvrages  antérieurs. 

128. —  * Absalon  soin  Helty  etc.  —  Absalon  héros,  homme 
d'état  et  évèque  ;  essai  biographique,  par  H. -F.  Estrup  ,  pro- 
fesseur à  l'Académie  de  Soroe.  Soroe,  1826.  In-8°  de  187 
pages. 

L'Académie  de  Soroe,  située  au  milieu  de  l'île  de  Sélande, 
dans  une   des    plus   riantes  contrées    du    Danemark,  doit  son 


LIVRES  ÉTRANGERS. 

origine  à  la  sécularisation  des  terres  d'un  riche  couvent.  L'é- 
vêque  danois  Ab$alony  était  le  principal  fondateur  et  le  pro- 
tecteur paternel  de  ce  couvent.  Son  tombeau  existe  encore 
dans  l'église  du  monastère.  M.  Estrup,   professeur  d'histoire 

à  l'Académie  de  Soroe,  a  c\ù  ,  par  ce  fait  même  ,  prendre  l'en- 
gagement de  devenir  le  biographe  d'Absalon;  et  il  ne  pouvait 
guère  choisir  un  plus  digne  sujet,  car  Absalon  est. le  plus 
illustre  des  hommes  que  le  Dauemark  a  vus  naître  au  moyen 
âge  :  quelques  taches  dans  son  caractère  ne  sauraient  effacer 
l'éclat  de  la  bravoure  et  de  la  haute  sagesse  qu'il  déploya  à  la 
tète  de  l'armée  et  au  conseil  de  l'état,  où  il  ne  voulut  jamais 
que  la  gloire  et  ie  bien  de  son  pays.  Tout  ce  que  M.  Eslrnp  a 
mis  d'érudition,  de  profondeur  et  d'exactitude  dans  ses  ou- 
vrages antérieurs  se  retrouve  dans  ce  mémoire,  où  rien  ne 
parait  oublié.  Cette  biographie  peut  être  considérée  comme  le 
meilleur  traité  critique  de  l'importante  période  de  l'histoire 
de  Danemark,  de  u57  à  1201.  V.  B. 

ALLEMAGNE. 

î  ig.  —  Miniatargemàlde  aus  der  Lànder  und  V  ôlkerkunde.  — 
Tableaux  en  miniature,  propres  à  faire  connaître  les  pays  et  les 
peuples;  t.  XL VI,  XLVIII.  Pesth,  1827;  Hartleben.  3  vol.în-18 

Ce  sont  des  résumés  géographiques,  en  partie  traduits  des 
langues  étrangères,  en  partie  composés  en  Allemagne  même  ,  et 
ornés  de  cartes  et  de  vues.  Les  trois  derniers  volumes  qui  vien- 
nent de  paraître  contiennent  une  traduction  libre  de  la  Descrip- 
tion de  l 'Angleterre,  par  M.  Depping,  publiée  à  Paris  ,  en  1824, 
en  6  vol.  in-18.  Le  traducteur  est  M.  de  Gerle,  qui  a  composé 
lui-même  plusieurs  ouvrages  géographiques  sur  la  Bohème. 
Dans  les  volumes  précédeus,  l'éditeur  du  recueil  des  tableaux 
en  miniature  avait  également  donné  une  traduction  des  descrip- 
tions de  la  Suisse  et  de  la  Grèce,  publiées  par  M.  Depping.  N. 

i3o.  — *  Jllgemeines  Eandwôrterbuch  der  philosophisehen 
W issenscliaflen  ,  nebst  ihrer  Lileratar  und  Geschichte.  —  Dic- 
tionnaire général  des  sciences  philosophiques,  avec  leur  litté- 
rature (bibliographie)  et  leur  histoire;  par  fV.-T.  Krug, 
professeur  de  philosophie  à  l'université  de  Leipzig.  T.  I  :  A-E. 
Leipzig,  1827;  Brockhaus.  In-S°  de  755  pages. 

M.  Krug  est  connu  en  Allemage  comme  un  homme  d'un 
esprit  éclairé  ,  et  comme  un  partisan  zélé  de  la  liberté  de  penser 
et  d'écrire;  il  a  montré,  depuis  le  rétablissement  de  la  paix, 
une  activité  extraordinaire  à  combattre,  dans  des  brochures  et 
dans  les  journaux,  le  parti  des  obscurans,  qui,  en  Allemagne 


\    i  EMAGNE,  5g  : 

comme  ailleurs  lra\  aillent  sourdement  .1  ramener  la  servitude  de 
l'espril  el  du  corps.  Le  nouveau  Dictionnaire  philosophique,  qu  il 
vient  de  commencer,  est  rédigé  tout  à-fait  dans  les  principes  libé 
raux  qu'on  lui  connaît.  Ce  dictionnaire  s  pour  1  >mi  de  donner  la 
définition  des  termes  usités  dans  les  sciences  philosophiques, 
d'expliquer  brièvement  l<*s  systèmes  el  les  doctrines,  de  ren- 
\  oyer  aux  ou>  rages  qui  développent  ces  diverses  11  atières;  en  lin 
d'indiquer  les  principaux  événemens  de  la  vie  des  hommes  qui 
se  sont  fait  un  nom  par  Ictus  travaux  philosophiques.  Les  ar- 
ticles sonl  courts  el  précis  comme  ils  doivent  I  éti  e  dans  un  dic- 
tionnaire; c'est  un  avantage  que  l'ouvrage  de  Krug  a  sur  beau- 
coup de  dictionnaires  français,  dont  les  ai  ticles  sont  des  traites  , 
et  qui  s'étendent  souvent  a  une* quantité  énorme  de  volumes. 
1  indications  bibliographiques  ajoutées  par  l'auteur  mettent 
chaque  lecteur  à  même  de  se  procurer  des  renseigneinens  pins 
étendus  dans  les  livres.  <jni  traitentde  la  matière.  La  bibliographie 
est  le  côté  fort  des  savans  allemands.  Tel  ouvrage  fiançais  qui 
n'est  peut-être  pas  connu  de  vingt  savans  à  Paris ,  quoiqu'il  ait 
paru  au  milieu  d'eux,  est  cité  dans  le  dictionnaire  de  Leipzig 
comme  source  de  renseignemens ,  à  coté  d'une  foule  de  petits 
traités,  publiés  en  Allemagne  même,  sur  une  matière  quel- 
conque qui  se  rapporte  à  la  philosophie. 

Quoique  la  censure  pèse  sur  la  librairie  en  Saxe,  M.  Krug 
a  pu  développer  ses  idées  avec  une  entière  liberté,  comme  le 
prouve  l'article  Censure  même,  dans  lequel  l'auteur  flétrit  cette 
institution  comme  injuste  et  inutile.  «  Elle  n'est  pas  juste,  dit-il, 
parce  qu'on  ne  peut  accorder  à  un  homme  la  faculté  de  limiter 
la  manifestation  des  pensées  d'autrui.  D'ailleurs  les  opinions  sur 
ce  qui  est  nuisible  à  la  religion,  à  l'état,  aux  bonnes  mœurs, 
varient  au  point  que  personne,  sans  être  infaillible  comme 
Dieu,  ne  peut  se  permettre  de  prononcer  d'une  manière  déci- 
sive à  cet  égard  ;  aussi  partout  les  règlemens  de  censure  sont  si 
vagues,  qu'ils  laissent  une  carrière  presque  illimitée  à  l'arbi- 
traire. L'institution  se  fonde  sur  une  maxime  éminemment  in- 
juste, celle  qu'il  ne  faut  pas  laisser  parler  les  autres,  s'ils  ne 
parlent  pas  précisément  comme  nous.  Les  vues  partiales  et  bor- 
nées des  censeurs  s'opposent  à  la  propagation  des  idées  géné- 
reuses, et  en  cela  la  censure  arrête  le  développement  intellec- 
tuel du  genre  humain  ,  dont  la  manifestation  de  la  pensée  est  la 
condition.  Une  presse  libre  est  elle-même  le  meilleur  correctif 
de  la  licence,  etc.  »  L'auteur  renvoie  à  l'article  Liberté  de  penser, 
où  il  fait  \oir  que  l'état  n'a  que  le  di  oit  de  réprimer  ,  et  non  pas 
de  prévenir  ;  et  qu'il  n'y  a  qu'un  jury  qui  puisse  et  qui  doive 
prononcer   sur  les  délit-  de  la  presse.  Ce  4  avec  la  même  fran- 


}<)',  LIVRES  ÉTRANGERS. 

chise  c]ue ,  dans  l'article  Divorce ,  If.Krug  combat  l'opinion  de 
ceux  qui.  sous  un  prétexte  religieux,  veulent,  contre  la  nature 
des  choses,  au  méprisde  la  justice  et  de  la  saine  morale,  qu'un  ma- 
riage  malheureux  soit  un  esclavage  éternel.  «  On  s'est  fondé,  dit- 
il  ,  sur  ce  passage  de  la  Bible  :  Ce  que  Dieu  a  joint,  l'homme  ne 
doit  point  ledélier.  Mais,  dans  ce  cas,  il  ne  faud  rai  tja  mais  se  cou- 
per les  cheveux,  se  faire  des  amputations, etc.  :  car  les  membres 
du  corps  ont  été  unis  par  le  créateur,  bien  plus  intimement  que 
ne  le  sont  les  deux  époux.  En  suivant  strictement  ce  principe,  il 
ne  faudrait  pas  non  plus  prononcer  la  séparation  de  corps  et 
de  bien  :  car  c'est  aussi  une  manière  de  délier  les  mariés.  Toute 
l'erreur  vient  de  ce  qu'on  ne- veut  envisager  le  mariage  que 
comme  un  lien  divin  ;  on  ne  veut  pas  voir  qu'il  y  a  mariage  sans 
que  l'église  intervienne  ,  et  que  son  intervention  seule  le  fait 
envisager  comme  un  sacrement ,  etc.  »  Après  avoir  prouvé  que 
le  mariage  n'est  point  un  lien  indissoluble,  M.  Krug  discute  les 
questions  de  la  compétence  de  l'état  pour  prononcer  le  divorce, 
et  les  motifs  d'après  lesquels  les  tribunaux  doivent  se  décider. 
Un  des  articles  les  plus  étendus  de  ce  premier  volume  est  , 
comme  on  devait  s'y  attendre  ,  celui  qui  traite  de  la  philo- 
sophie allemande.  L'auteur  retrace  rapidement  l'histoire  de  cette 
philosophie.  Après  avoir  parlé  de  Wolf,  et  de  Yéclectismc  qui , 
vers  le  milieu  du  dernier  siècle,  devint  dominant  dans  la  phi- 
losophie allemande, il  continue: «Cet  éclectisme  disparut,  lors- 
que le  scepticisme  de  Hume  engagea  un  penseur  allemand  de 
la  première  force  à  soumettre  à  un  examen  plus  rigoureux  l'en- 
sembledes  facultés  intellectuelles.  Ce  penseur  était  Kant.  Ayant 
médité  long-tems  en  silence,  et  ayant  été  spectateur  de  la  lutte 
des  divers  partis  sur  le  terrain  de  la  philosophie  ,  il  se  présenta 
enfin  comme  réformateur  et  restaurateur  de  la  philosophie,  en 
publiant  son  principal  ouvrage  :  Critique  de  la  raison  pure.  Cet 
ouvrage  fut  d'abord  accueilli  froidement  :  peu  de  personnes  le 
lurent,  et  très  peu  le  comprirent.  Mais,  lorsqu'une  analyse  de 
ce  travail,  insérée  dans  la  Gazette  littéraire  de  Jéna ,  eût  fixé 
l'attention  du  public  allemand  ?x\v  le  grand  mérite  du  livre  de 
Kant,  il  opéra  une  révolution  dans  le  domaine  de  la  philoso- 
phie et  des  scien  ;es  en  général  ;  révolution  telle  que  l'histoire 
littéraire  en  connaît  peu  de  semblables.  On  dirait  qu'un  esprit 
critique  s'était  emparé  tout  à  coup  des  tètes  des  philosophes 
allemands  ,  et  même  des  autres  savans  de  cette  nation  ;  tous 
furent  animés  du  désir  de  rechercher  les  principes  fondamen- 
taux de  toutes  les  connaissances  et  la  source  de  notre  savoir  et 
de  notre  foi,  et  de  mettre  la  religion  à  l'abri  des  attaques  de 
"l'incrédulité,  en  la  liant  plus  intimement  avec  la  morale.  De- 


ALLEMAGNE.  3o5 

puisée  icms ,  il  sY  t  formé  en  Allemagne  une  philosophie  pai 
ticulière  qu'on  appelait  d'abord  critique t  mais  qui  ensuite  a 
subi  i.nii  de  modifications  4e  la  part  de  penseurs  plus  ou  moins 
originaux,  qu'il  est  difficile  <!<•  tracer  uue  esquisse  rapide  ci 
facile,  soit  de  cciic  philosophie  même  e*udes  écoles  qui  sont 

soi  hes  de  celle  de  K.inl,  soit  des  systèmes  des  adversaires  qui 
oui  combattu  celle  manière  de  philosopher.  Nous  renvoyons 
donc  aux  articles  Spéciaux  sur  haut,  Hcitt/iohl ,  I '  ic/ite  ,  Schel- 
ling  ,  Schulze ,  Bartjiti ,  Jacubi,  Piat/ier,  etc.  Ce  qu'il  ya.de 
certain ,  c'est  que  la  réunion  de  tant  de  penseurs  a  donné  aux 
recherches  philosophiques,  en  Allemagne,  une  activité  plus 
grande  que  dans  aucun  autre  pays.  Aussi  les  philosophes  étran- 
gers sont-ils  restés  fort  eu  arrière.  Mais  il  est  douteux  si  la 
philosophie  allemande  pourra  se  maintenir  à  cette  hauteur, 
aujourd'hui  que  beaucoup  de  penseurs,  d'ailleurs  estimables, 

se  livrent  à  nu  vague  mysticisme,  et  mettent  de  l'importance  à 
parler  un  langage  presque  inintelligible  pour  les  indigènes ,  à 

plus  forte  raison  pour  les  étrangers.  On  ne  peut  donc  point 
blâmer  ces  derniers,  s'ils  ne  se  montrent  pas  en  général  très- 
avides  de  connaître  Ja  philosophie  allemande,  et  s'ils  traitent 
souvent  de  rêveries  la  tendance  des  esprits,  en  Allemagne  , 
vers  les  recherches  abstraites. 

Nous  aurions  désiré  que  M.  Krng  qui  exprime  ses  idées  très- 
clairement,  fût  entré  dans  de  plus  grands  détails  sur  les  sys- 
tèmes philosophiques  des  Allemands,  et  qu'il  eût  misa  notre 
portée  leurs  opinions,  et  même  leurs  rêveries.  Peut  -  être  ces 
détails  se  trouveront-ils  dans  les  volumes  suivans. 

i3j.  —  *  Staatsreeht  der  constitutionellen  Monarchie.  — Droit 
public  de  la  Monarchie  constitutionnelle,  par  le  baron  u'Are- 
tin  ,  t.  I.  Altembourg,  1824;  t.  II,  part.  iie,  continuée,  après 
la  mort  de  l'auteur,  par  Ch.  de  Rotteck,  professeur  à  Fri- 
bourg.  Fribourg,  1827. 

Ces  deux  auteurs  ont  voulu  établir  les  principes  sur  lesquels 
doit  être  basée,  selon  eux,  la  monarchie  constitutionnelle. 
L'introduction  contient  l'histoire  du  droit  constitutionnel  depuis 
les  tems  anciens  jusqu'à  Montesquieu  ,  et  depuis  ce  grand  légis- 
lateur jusqu'à  notre  époque,  qui  a  vu  fonder  tant  de  consti- 
tutions nouvelles.  Viennent  ensuite  les  principes  du  droit 
((institutionnel  relatifs  an  chef  de  l'état,  aux  citoyens,  à  la 
nation  en  masse,  à  la  liberté  civile,  à  l'administ ration,  au 
culte,  à  la  force  armée  et  aux  affaires  étrangères.  M.  d'Areiin 
définit  Y  état  constitutionnel ,  celui  qui  est  gouverné  selon  la  vo- 
lonté universelle  ,  raisonnable  ,  et  e/ut  ne  tend  <juau  bien  général , 
c'est-à-dire  ,  à  la  plus  grande  liberté  et  sûreté  de  tous  les  membre* 


m,/>  LIVRES  ÉTRAiNGERS. 

</<•  lu  société,  La  représentation  <iu  peuple,  par  députés,  est 
une  condition  nécessaire  de  ce  mode  de  gouvernement;  la 
liberté  de  la  presse  et  le  jugement  par  jury  paraissent,  à  l'au- 
teur ,  également  indispensables  à  la  monarchie  constitutionnelle. 
-  Sans  la  liberté  dejé  (presse,  dit-il,  l'opinion  publique,  chargée 
de  veiller  à  l'inviolabilité  du  principe  fondamental  des  consti- 
tutions, c'est-à-dire  le  règne  de  la  loi,  serait  arrêtée  dans  son 
exercice;  sans  les  jurés,  les  citoyens  seraient  trop  exposés  aux 
persécutions,  »  II  n'est  pas  moins  nécessaire,  suivant  l'auteur, 
que  la  couronne  coopère  à  la  législation.  Il  accorde  au  chef  de 
l'état  toutes  les  prérogatives  qui  lui  sont  attribuées  dans  les 
principales  constitutions  d'Europe;  en  cas  d'une  guerre  injuste, 
il  impose  aux  ministres  le  devoir  de  se  retirer,  et  aux  chambres 
celui  de  refuser  les  subsides.  L'auteur  se  prononce  contre  les 
armées  permanentes;  il  veut  qu'en  tems  de  paix  les  monar- 
chies constitutionnelles  ne  conservent  que  des  cadres  militaires 
capables  d'exercer  la  milice  nationale  dans  les  armes.  A  l'égard 
delà  police,  le  continuateur  de  l'ouvrage  n'est  pas  du  même 
avis  que  le  premier  auteur;  M.  d'Aretin  veut  que  la  police  se 
borne  au  maintien  de  l'ordre  et  de  la  sûreté  publique;  M.  de 
Rotteck  veut  que  le  ministère  de  l'intérieur  agisse  par  la  police 
sur  le  bien-être  du  peuple,  et  que  la  police  continue  de  former 
une  section  de  ce  ministère.  D — g. 

i  32. — *  Stacdtcwesen  des  Mlttelcdters : — Villes  du  moyen  âge, 
par  Charles  DictrlcJi  Hullmann,  2  e  partie.  Bonn,  1827;  Adolphe 
Marcus.  In-8°. 

Nous  avons  rendu  compte  du  premier  volume  de  cet  ou- 
vrage, qui  intéresse  tous  ceux  qui  étudient  l'histoire.  Le  second 
se  divise  en  trois  parties  principales.  Dans  la  première,  l'auteur 
analyse  et  explique  les  ressorts  de  la  puissance  souveraine 
exercée  sur  les  villes;  dans  la  seconde,  il  traite  surtout  des 
personnes  qui  exerçaient  cette  puissance,  c'est-à-dire,  des  rois, 
des  princes  et  de  leurs  préposés  ;  enfin  ,  dans  la  troisième,  il 
est  question  des  familles  qui  se  sont  emparées  du  pouvoir  dans 
les  villes.  M.  Hullmann  expose  d'abord  comment  les  clercs 
surent  se  rendre  nécessaires  aux  peuples  et  aux  princes  pour 
toutes  les  affaires  financières,  et  comment,  malgré  l'éloigne- 
ment  du  clergé  pour  l'industrie  ,  il  se  vit  porté  à  la  protéger  en 
faveur  de  la  magnificence  dont  elle  entourait  le  culte.  Il  fut  ha- 
bile surtout  à  se  faire  donner  les  impôts  qui  frappaient  le  com- 
merce ;  et  plus  d'une  charte  révèle  les  moyens  honteux  par 
lesquels  le  clergé  obtenait  des  droits  sur  les  marchés,  sur  le 
change,  sur  l'entrée  des  marchandises,  sur  les  juifs,  etc.,  etc. 
Le  premier  prétexte  qui  donna  naissance   à  ces  prétentions  , 


(jiunt  aux  mai  clic- ,  vint  de  cette  ci i tance  qu'on  l<-s  tenail 

alors  a  cuir     i  ,  ou  même  dans  les  églises.  L'auteur 

s'appuie  d'un  document  qui  prouve  que  I  évéque*  du  Mans  joui 
suit,  dès  687,  d'un  droil  sur  les  n  1  I  en  conclut  que 

concessions  remontaient   peut-être  aux  désordres   civils 
auxquels  Pépin  mil  li;i  par  la  bataille  de  Textriacum;  mais  ce 
document,  attribué  n  Thierr}  [II,  n'est  pas  à  l'abri  de  toute 
<       que.  Nous  voudrions  pouvoir  rapporter  tou4  le  chapitre 
des  monnaies  ,  où  il  est  question  des  sociétés  d'entrepreneurs 
auxquelles  on   affermait   ce  droit,  et   ({ni,  le  plus  souvent, 
tient  aussi   le  droit  de  change  comme  conséquence  du 
monnayage.  M.  Efullmann  parle  ensuite  de  l'usure,  des  lois  sur 
l'intérêt  des  juifs  et  des  sommes  payées  par  eux  pour  obtenir 
protection,  des  vexations  qu'on  ne  cessa  d'exercer  contre  eux 
durant  le  moyen  âge.  Dès  le  commencement  du  vu*  siècle, 
cette  nation  se  répandit  sur  l'Europe  méridionale,  y  faisant  le 
métier  de  coût tier  et  y  exerçant  parfois  la  médecine.  Cicéron 
avait  prétendu  que  les  .luifs  sont  nés  pour  la  servitude  ;  on 
les   vit   dispersés   et   sans    lien   national  apparent,    quoiqu'ils 
fussent  toujours  intimement  liés  les  uns  aux    autres.  Les  per- 
sécutions ne  commencèrent  qu'à  l'époque  des  croisades;  bien- 
tôt on   regarda  les  Juifs  comme  une  propriété  susceptible  de 
vente,  et  les   chartes  du  xive  siècle  sont    assez   nombreuses 
pour  prouver  que  plus  d'une  fois  on  engagea  ou  l'on  aliéna  à 
tel  ou  tel  seigneur  les  Juifs  d'une  ou  de  plusieurs  communes. 
Le  système  de  l'impôt  termine  ce  chapitre.  Le  second  est  con- 
sacré à  l'état  militaire.  Le  souverain  s'était  réservé  le  droit  de 
faire  élever  des  murs  de  défense:  aussi   fallait- il  obtenir  sa 
permission  pour  fortifier  une  ville.  L'auteur  examine  quelles 
étaient  les  troupes  de  défense,  quels  hommes  étaient  obligés 
de  servir  à  cheval ,  et  à  quelles  conditions.   Si  quelque  chose 
doit  étonner,  c'est  la  multitude  de  faits  qu'il  a  rassemblés  ;  la 
France,  l'Italie,  l'Allemagne,  semblent  avoir  déroulé  à  ses  yeux 
tous  leurs  parchemins  et  toutes  leurs  chroniques;  et  cepen- 
dant, tout  marche,  dans  son  livre,  d'un  pas  facile.  Le  lecteur 
s'étonne  de  l'érudition   et  ne  s'en  fatigue  pas,  grâce  à  l'élé- 
gante simplicité  du  style,  à  la  clarté  et  à  Tordre  des  matières. 
Dans  le  chapitre  de  l'administration  et  de  la  justice,  M.  Hull- 
mann  s'applique  à  définir  ce  qu'on  entendait  par  bonnes  gens, 
bonnes  villes  ;  il  recherche  l'origine  des  noms  de  famille,  celle 
de  la  noblesse1  des  villes;  il  énumère  toutes  les  dignités  muni- 
cipales avec  des  détails  sur  les  fonctions  de  chacun  des  em- 
ployés. La  seconde  section  de  ce  volume,  dont  nous  avons  déjà 
indiqué  le  sujet  traite,  entre  autres  choses,  des  engagemens  du 


3g8  LIVRES  ÉTRANGERS. 

droit  de  souveraineté  transmis  aux  évèques  ,  puis  des  prévôts, 
des  podestats,  du  burggraf;  enfin  du  vicomte,  du  vicarius, 
du  bagulus,  du  gastaldus  et  du  prsepositus.  Nous  citerons,  dans 
la  troisième  section,  le  chapitre  où  sont  analysées  les  constitu- 
tions de  Cologne,  de  Soeft,  d'Àugsbo'urg,  de  Baie,  de  Spire,  de 
\\  orms  ,  de  Zurich  ,  de  Mayenee,  de  Magdcbourg ,  de  Genève, 
de  Marseille,  de  Totdouse  et  de  Barcelonne.  Pour  bien  faire 
connaître  toutes  les  richesses  de  ce  bel  ouvrage,  qui  déjà  fait 
autorité,  il  faudrait  étendre  cet  article  bien  au  delà  des  bornes 
qui  lui  sont  prescrites.  Pli.  de  Golréry. 

133. —  *  Dr  Martin  Luthcrs  IVcrhe. — Œuvres  du  Dr  Martin 
Luther,  choisies  conformément  aux  besoins  du  siècle.  Ham- 
bourg, 1826;  Perthes.  10  vol.  in- 12. 

i3  4-  —  *  -D''  Martin  Lut  lier  s  sammtliche  IVerhe. —  OE  livres 
complètes  du  D1-  Martin  Luther,  ire  livraison,  t.  i-iv.  Erlan- 
ç.en,  1826.  Heyder.  4  vol.  in-8°. 

Depuis  près  d'un  siècle,  on  ne  s'était  guère  occupé  en  Alle- 
magne à  faire  de.  nouvelles  éditions  des  œuvres  de  Luther, 
quoiqu'on  réimprime  souvent  quelques-uns  de  ses  traités  théo- 
logiques,  ses  catéchismes  et  ses  sermons.  L'édition  complète 
donnée  par  Walch ,  à  Hall,  1740-1753,  en  24  volumes  in-4°, 
est  la  dernière.  Au  milieu  du  xvme  siècle,  lorsque  I3  langue 
s'épurait,  et  lorsqu'on  voulut  être  classique  en  Allemagne,  on 
ne  fit  guère  cas  de  Luther  comme  écrivain;  les  théologiens 
seuls  étudiaient  ses  écrits.  Aujourd'hui  les  choses  sont  changées. 
L'anniversaire  séculaire  de  la  réforme  religieuse  a  ramené 
l'attention  des  Allemands  sur  l'auteur  de  cette  réforme.  Le  goût 
littéraire  de  la  nation ,  qui  n'a  point  de  système  exclusif  et  qui 
admire  le  génie  partout  où  il  se  rencontre  ,  a  commencé  à 
rendre  de  solennels  hommages  à  l'ardent  réformateur  à  qui 
Bossuet  même  reconnaît  du  génie,  et  une  éloquence  vice  et 
impétueuse  qui  entraînait  les  peuples  et  les  ravissait.  Il  y  a  dans 
les  écrits  de  Luther  de  la  véhémence,  une  franchise  qui  ^a 
souvent  jusqu'à  la  rudesse,  et  une  conviction  qui  ne  manque 
jamais  son  effet  sur  le  lecteur.  Quand  on  pense  qu'à  l'époque 
où  il  vivait,  la  langue  allemande  était  encore  barbare,  on 
s'étonne  du  style  de  Luther,  qui  souvent  diffère  peu  de  l'alle- 
mand de  nos  jours.  On  reproche  aux  protestans  de  n'avoir  pas 
de  prédicateurs  vraiment  éîoquens  ,  de  connaître  à  peine  cette 
véhémence  de  discours  qui  fait  le  mérite  de  l'éloquence  de  la 
chaire  en  France.  Ce  n'est  certainement  pas  à  Luther  que  ce 
reproche  peut  s'adresser:  Démosthènes  et  Bossuet  ne  sont  pas 
plus  véhémens;  d'ailleurs,  Luther,  à  l'instar  de  tous  les 
hommes  de   génie  ,  portait   une  vive  lumière  dans  toutes  les 


ALLEMAGNE.  ;.,., 

dise  tissions  auxquelles  il  se  livrait, el  l'on  «si  suuveul  étonné 
de  ses  rcQcxious  sur  des  matières  qui  semblaient  sortir  de  la 
sphère  de  ses  occupations.  Cependant  peu  de  personnel,  «le 
notre   teras,  oui  eu  le  courage  <lc   lire  la  collection  complète 
de  ses  œuvres,  et  il  faut  avouer  qu'elle  est  presque  illisible. 
Luther  ;>  employé  ,  comme  \  oltaire,  une  pai  tie  de  sa  i  te  à  com 
battre  tl<-->  contemporains,  des  eunemis,  des  institutions  vicieuses 
et  d'anciens  abus;  de  là  une  fouir  de  pamphlets    i  d'écrits  d'un 
intérêt  momentané,  perdu  pour  la  postérité  ;mais  du  moins  Vol- 
taire avait  toujours  de  f esprit;  Lnther  n'en  a  pas  toujours,  el 
il  écrivait  dans  un  siècle  grossier;  Luther  était  aussi  irascible, 
aussi  emporté  que  le  philosophe  de  Ferneyj  sa  bile  débordait 
sur  le  papier;  il  a  écrit  beaucoup  <le  choses  indignes  du  son 
génie,  et  qu'on  ne  pcul  lire  sans  dégoût.  Ce  se  ait  donc  plutôt 
un  choix  qu'un  recueil   d  (rimes  complètes  qu'il   faudrait  au- 
jourd'hui  au  public  allemand.  Aussi ,  le  premier  des  t\cux  ou- 
vrages annoncés  mériterait-il  la  préférence  sur  le  second,  si  le 
choix  était  fait  avec  goût;  malheureusement  l'éditeur  a  procédé 
avec  une  telle  négligence,  qu'il  est  permis  de  douter  qu'il  ait 
bien  lu  les  œuvres  de  Luther;  les  journaux  allemands  signalent 
des  mutilations  et  un  défaut  d'ordre  impardonnables.  On  espère 
(pie  quelque  éditeur,  plus  soigneux  de  la  gloire  de  Luther  et 
de  ses  propres  intérêts,  fera  un  meilleur  choix  dans  le  volu- 
mineux recueil  des  œuvres  du  grand  réformateur.        D — g. 

i35.  —  Cœcilii  iMinatiani  Apideï  de  orthographia  fragmenta. 
—  Fragmens  du  Traité  de  l'orthographe  de  Cœcilius  Apulée  ; 
édition  pnbliée  par  M.  Osann,  professeur  à  Giesen.  Darmstadt, 
1826,  in-8°. 

Voici  encore  une  découverte  de  M.  Angelo  Mai,  qui,  en 
1823,  a  fait  imprimer  ces  fragmens  ,  reproduits  aujourd'hui 
par  M.  Osann  avec  des  notes  archéologiques ,  grammaticales 
et  critiques.  Ce  nouvel  éditeur  pense  qu'Apulée  a  vécu  peu  de 
tems  après  Cassiodore,  qui  ne  le  cite  pas  parmi  ceux  qui  ont 
écrit  sur  l'orthographe.  Ce  qui  tendrait  à  établir  que  nous 
n'avons  pas  l'ouvrage  entier  de  ce  grammairien  ,  c'est  que 
Cœlins  Rhodoginus  en  cite  des  passages  qui  ne  s'y  trouvent 
pas,  et  qu'il  en  est  d'autres  encore  que  Tostellius  Aretinus 
rappelle  dans  un  ouvrage  peu  connu,  mais  que  l'on  chercherait 
également  en  vain  dans  celui-ci.  M.  Osann  a  réimprimé  la  pré- 
face de  M.  Mai  en  l'enrichissant  d'importantes  additions.  11  est 
un  autre  Apulée,  bien  moins  connu  encore  que  celui  dont  il 
est  ici  question,  et  que  M.  Osann  appelle  Apulée  le  jeune.  Il 
est  auteur  d'un  traité  de  nota  asphationis  et  de  diphtongis , 
joint  à  celui  de  l'orthographe,  contenu  dans  cette  édition,  el 


4oo  LIVRES  ÉTRANGERS. 

imprimé  d'après  quatre  manuscrits  dont  la  collation  a  été 
opérée  avec  beaucoup  de  soin.  M.  Osann  ne  croit  pas  que  cet 
écrivain  soit  antérieur  au  xe  siècle.  Il  a  ajouté  trois  tables  à 
son  travail:  l'une  est  celle  des  auteurs  nommés  par  les  deux 
Apulée;  l'autre  est  un  index  rerum  ;  [enfin ,  la  troisième  porte 
sur  les  notes.  Sans  doute  cette  publication  n'est  pas  d'une 
grande  importance  pour  la  littérature  ancienne,  mais  elle  ne 
peut  manquer  d'être  utile.  Nous  glanons  aujourd'hui  dans  le 
champ  où  moissonnèrent  les  philologues  d'autrefois;  il  n'est 
rien  qu'on  ne  recherche,  rien  qu'on  n'imprime;  cela  présente 
des  avantages,  car  il  arrive  parfois  que  les  matériaux  les  plus 
insignifians,  aux  yeux  de  l'homme  ordinaire,  fournissent  au 
génie  des  lumières  que,  sans  ces  maigres  découvertes,  il  n'aurait 
pu  faire  jaillir  de  ses  recherches. 

i36. — Dinmclii  orationcs  très. — Trois  discours  deDiNARQUE; 
publiés  de  nouveau  par  C.  A.  Schmidt,  avec  les  Notes  et  les 
Index  des  éditions  précédentes.  Leipzig,  1826.  In-8°. 

Dinarqne,  l'orateur,  était  disciple  de  Théophraste;  il  com- 
posa soixante  quatre  harangues,  dont  il  ne  nous  reste  que 
trois,  Il  intervint  dans  les  affaires  publiques,  et  nous  savons 
qu'il  fut  accusé  de  s'être  laissé  corrompre  par  les  ennemis  de 
sa  patrie,  et  qu'il  se  déroba  par  la  fuite  à  ses  accusateurs. 
M.  Schmidt  n'a  pas  fait  de  grands  efforts  pour  étendre  à  cet  égard 
le  cercle  de  nos  connaissances  ;  il  a  pensé  qu'après  Ruhnkenn 
Taylor ,  Bêcher  et  Schœma/m,  il  fallait  se  taire,  non  fere  habui 
quocl  addorcm.  Cela  est  d'autant  plus  fâcheux,  que  ces  célèbres 
philologues  n'ont  touché  ce  sujet  qu'en  passant.  L'histoire  lit- 
téraire a  besoin  de  dissertations  sur  les  points  qui  sont  de- 
meurés obscurs;  ce  n'est  qu'en  éclairant  les  faits  par  de  sa- 
vantes dissertations  sur  chaque  auteur,  que  nous  parviendrons 
à  les  compléter.  Au  surplus,  l'édition  que  nous  annonçons  est 
fort  bonne;  on  a  suivi  surtout  le  texte  de  Becker;  rien  n'a  été 
changé  aux  notes  de  Reiske  ,  dont  la  pagination  est  d'ailleurs 
marquée  en  marge.  M.  Schmidt  n'a  point  donné  place  dans 
son  livre  aux  discours  contre  Théocrinès,  que  quelques  auteurs 
anciens  et  modernes,  ôtent  à  Démosthènes  pour  l'attribuera 
Dinarque  :  son  motif  pour  l'exclure,  est  qu'il  ne  sait  à  qui  se 
faire  honneur.  Il  a  surpassé  ses  devanciers,  quant  à  la  clarté 
et  à  la  précision  de  l'interprétation;  souvent  il  signale  des  dif- 
ficultés qu'ils  n'avaient  pas  même  aperçues.  On  trouve,  après 
le  travail  sur  Dinarque,  deux  digressions  sur  l'authenticité  des 
deux  discours  de  Démosthènes  contre  Aristogiton.  L'auteur 
pense  ,  avec  Baekh  ,  que  l'un  de  ces  discours  a  été  composé  au 
tems  de  Démosthènes,  et  croit  que  le  second  n'est  qu'une  non- 


ALLEMAGNE.  /,<>. 

Vrille  imitation  de  l'autre,  rédigée  à  la  manière  des  sophistes. 
L'Index  de  Reiske  16  trouve  réimprimé  ici,  avec  ses  fautes  et 

ses  hernies  ;  il  valait  mieux  le  refaire  ,  on  n'en  pas  donner. 

/'//.    Dl   CoMJÉKY. 

Ouçragfi  périodiques* 

1.Î7.  —  NatuTwissenschaflliche  Âbhandîungen^  etc.  —  Mé- 
moires sur  les  sciences  naturelles,  par  une  société  de  savaris  du 
.n'nrtcrnhcrg.  Tnbingue,  1826';  II.  Laupp.  In-8°. 

Ce  journal,  qui  est  venu  satisfaire  à  un  besoin  généralement 
senti  par  les  hommes  instruits  du  Wurtemberg,  n'admet  que  des 
mémoires  originaux  sur  une  partie  quelconque  de  l'histoire  na- 
turelle. Les  1 1  >is  premiers  cahiers,  que  nous  avons  sous  les 
yeux,  contiennent  plusieurs  articles  fort  intéressans;  nous  si- 
gnalerons surtout  des  renseignemens  nouveaux  sur  la  géologie. 
Plusieurs  mémoires  de  MM.  C.-G.  Gmf.lin,  et  Hundeshagen, 
sur  la  composition  chimique  des  roches  de  la  Souabe,  semblent 
ouvrir  une  voie  à  peu  près  nouvelle,  et  méritent  aussi  d'être 
cités. Une  notice  sur  le  gisement  du  sel-gemme  en  Souabe,  par 
M.  G.  Schubler,  offrira  des  points  de  comparaison  aux  per- 
sonnes qui  recherchent  cette  substance  en  Suisse  ou  en  France. 
Nous  mentionnerons  aussi  d'intéressantes  dissertations  de 
M.  Rapp,  sur  le  mollusque  drgonauta  Argo ,  sur  l'anatomie  des 
cétacées,  et  sur  les  pierres  de  la  vessie;  de  M.  C.-G.  Gmelin 
sur  la  métamorphose  des  plantes,  sur  la  composition  chimique 
des  tourmalines,  et  sur  celle  de  l'eau  de  la  mer  Morte,  où  ce  sa- 
vant a  trouvé  le  brome  ;  enfin  des  recherches  physiques  de 
M.  Bohnenberger  sur  la  détermination  de  la  longueur  du  pen- 
dule simple,  et  sur  la  construction  d'un  baromètre  normal. 

A.  Perd.... 

SUISSE. 

N.  B.  Le  mouvement  religieux  si  remarquable  qui  s'est 
fait  sentir  dans  la  partie  la  plus  éclairée  du  monde  civilisé  a 
obtenu,  dans  le  canton  de  Vaud  ,  de  la  célébrité,  grâce  à  la 
loi  du  20  mai  1824,  destinée  non  -  seulement  à  comprimer 
des  sectaires  ,  mais  à  donner  un  démenti  aux  leçons  de 
l'histoire,  a  la  connaissance  de  la  nature  humaine,  aux  prin- 
cipes de  la  liberté  religieuse.  Ce  mouvement,  qui  s'était  déjà 
propagé,  sans  le  secours  de  la  fameuse  loi,  s'est  naturelle- 
ment  étendu  par  elle;  bien  plus,  malgré  elle,  il  s'est  épuré 
en  s'étendant.  L'esprit  religieux,  préparé  de  longue  main 
parle    tems  et   par   les  evénemens,   et   dont   l'empire   parmi 

t.  xxxvi.  —  Novembre  1827.  26 


/»02  LIAMES  ÉTRANGERS. 

nous  s'agrandit  et  s'affermit  ,  ne  se  renferme  ni  dans  les 
limites  étroites  d'une  seete  que  le  législateur  n'a  pas  même  pu 
définir  en  la  proscrivant,  ni  dans  cette  orthodoxie  roidement 
légale  qui  réclame  l'administration  de  tout  le  fonds  religieux 
de  la  nation  Vaudoise.  Il  unit  par  le  lien  de  la  charité  des 
hommes  différons  de  caractère,  d'opinion,  de  manière  de  voir, 
depuis  le  méthodiste  exclusif  jusqu'au  partisan  de  cette  liberté 
large,  la  seule  bien  entendue,  qui  repousse  toute  espèce  de  des- 
potisme ,  tout  monopole  exercé  sur  la  conscience  et  sur  la 
pensée. 

Cette  disposition  des  esprits  a  fait  naître  plusieurs  ouvrages 
qui  s'y  rapportent.  Nous  ne  citerons  quejes  cinq  suivans  : 

i38. — ■*  Feuille  religieuse  du  Canton  de  Vaud.  Lausanne, 
1826-1827  ;  Blanchard.  In-8°. 

Ce  journal,  publié  en  une  feuille,  d'abord  tous  les  quinze 
jours,  plus  tard  toutes  les  semaines,  a  obtenu  assez  de  vogue 
pour  compter  en  fort  peu  de  teins  plus  de  douze  cents  abon- 
nés. Il  renferme  des  explications  de  la  Bible,  des  instructions 
et  des  exhortations,  des  notices  et  d'autres  morceaux  sur  les 
missions  et  les  sociétés  bibliques,  un  petit  nombre  d'articles 
sur  l'histoire  ecclésiastique,  des  anecdotes  religieuses,  des  mé- 
langes, des  annonces  de  livres.  Un  esprit  de  profonde  piété  re- 
commande la  Feuille  religieuse ,  à  laquelle  travaillent  plusieurs 
jeunes  membres  du  clergé  vaudois.  La  variété  des  matières  et 
de  la  forme  n'est  pas  moins  un  des  élémens  du  succès  de  ce 
journal.  Plusieurs  entretiens  ou  dialogues,  écrits  avec  talent  et 
avec  une  grande  connaissance  du  peuple,  sont  particulière- 
ment propres  à  populariser  l'esprit  du  christianisme. 

1 3g.  —  *  Essais  sur  les  sujets  les  plus  importons  de  la  religion; 
par  Thomas  Scott;  avec  une  notice  historique  sur  t auteur  ;  tra- 
duits de  l'anglais  sur  la  dixième  édition ,  par  L.  Burnier  ,  pas- 
teur. Lausanne,  1825  ;  Fischer.  Paris,  Treuttel  et  Wurtx. 
2  vol.  in-8°. 

L'histoire  de  Thomas  Scott  est  fort  remarquable,  et  elle 
fournit  une  page  intéressante  de  plus  à  la  psychologie  reli- 
gieuse: la  notice  placée  en  tète  de  la  traduction  des  Essais 
sera  lue  avec  plaisir  par  les  personnes  de  toutes  les  opinions. 
La  théologie  de  Scott  était  à  la  fois  dans  son  cœur  et  dans  sa 
raison.  Croyant  soumis,  mais  logicien  rigoureux,  plein  de- 
piété,  mais  sévère  dans  sa  doctrine,  alliant  à  la  foi  une  grande* 
lucidité  d'esprit,  ce  théologien  a  exposé  le  système  de  l'ortho- 
doxie protestante  avec  le  plus  haut  degré  de  clarté  et  avec  l'en- 
chaînement le  plus  logique.  Il  est  permis  de  ne  pas  embrasser 
le  système  de  l'auteur  ;  mais  il  est  impossible  de  ne  pas  le  corn- 


si  tSSE.  4o"i 

prendre.  Si  Les  théologiens,  les   philosophes,  les  politiques 

avaient  toujours  exposé  leurs  opinions  avec  autant  de  précision 
et  de  uetlete,  il  y  aurait  eu  dans  le  monde  moins  de  disputes 
de  nuits  et  moins  de  livres  inutiles.  Présenter  la  doctrine  reeue 

dans  lu  plupart  des  églises  protestantes  avec  cette  parfaite 
lucidité,  est  un  grand  service  rendu  :  la  France  et  la  Suisse  fran- 
çaise doivent  des  reniereiemens  à  M.  le  pasteur  IJi;i;nikr,  qui 
a  fait  passer  dans  notre  langue  les  Essais  de  7'//.  Scott. 

i  ,'|0.  —  Coins  de  religion  chrétienne ,  par  ./.  F.  Ki  ai. ,  pasteur 
et  ancien  doyen.  Lausanne,  i&'iG;  Blanchard.  In-8°  de  vm  et 
388  pages. 

Comme  l'original  des  Essais  de  vScott  ,  le  Cours  de  religion 
chrétienne  a  été  composé  depuis  long -teins;  mais  sa  publica- 
tion n'en  a  pas  moins  le  mérite  de  l'à-propos.  Au  moment  où, 
dans  L'effervescence  d'une  ardeur  religieuse  dont  la  nouveauté 
les  étonnait  eux-mêmes,  des  jeunes  gens  et  des  hommes  jeunes 
en  prudence  dirigeaient  contre  l'église  nationale  du  canton  de 
Vaud  en  masse  des  attaques  virulentes  et  en  condamnaient  sans 
ménagement  la  discipline  et  la  doctrine,  rien  ne  pouvait  être 
plus  opportun  que  la  publication  du  système  théologique  d'un, 
pasteur  qui,  durant  une  longue  carrière,  avait  honoré  cette 
église  par  ses  vertus,  sa  piété,  ses  lumières  et  son  éloquence. 
Le  livre  de  feu  M.  le  doyen  Real  est  ce  que  fut  sa  vie,  une 
réfutation  éclatante  des  incriminations  si  injustement  généra- 
lisées dont  l'église  vaudoise  a  été  l'objet  dans  ces  derniers 
temps.  La  beauté  du  plan,  l'enchaînement  logique  des  idées 
capitales,  la  richesse  des  idées  de  développement,  une  étude 
profonde  du  christianisme,  tels  sont  les  mérites  principaux  du 
Cours  de  religion.  Divisé  en  paragraphes  écrits  avec  concision  , 
il  présente  dans  sa  forme  une  certaine  austérité  convenable 
dans  un  manuel  qui  suppose  des  développemens  ultérieurs, 
mais  ne  les  donne  pas.  On  n'en  est  que  plus  agréablement 
frappé  de  tant  d'onction  et  d'idées  belles  et  touchantes  que  le 
vénérable  auteur  a  répandues  dans  cet  ouvrage. 

i,|i. — Vie  de  M.  de  la  Fléchère,  de  Njon  ,  pasteur  de 
Madclcy ,  dans  le  Shropshire ,  en  Angleterre  ;  traduit  de  l'anglais. 
Lausanne,  1826;  Hignou.  In-8°  de  vin  et  435  pages. 

M.  de  la  Fléchère,  né  en  1729,  mort  en  1785,  auteur  d'un 
poème  français ,  la  Grâce  et  la  Nature ,  était  originaire  de  jVyon , 
dans  le  canton  de  Vaud.  Sa  vie,  entièrement  ascétique  et  mar- 
quée par  les  plus  touchantes  vertus  et  par  une  fervente  piété 
offre  au  croyant  un  modèle  difficile  à  suivre  ,  au  philosophe 
un  phénomène  psychologique  à  étudier.  Abrégée  d'un  bon  tiers, 

26. 


4*4  LIVRES  ÉTRANGERS. 

en  partie  par  le  retranchement  de  lettres  surabondantes,  celte 
biographie  intéresserait  plus  généralement. 

142.  —  *  Mélanges  évangélirjues.  Genève,  Abr.  Cherbuliez; 
Paris,  H.  Servier,  t.  I.  Considérations  chrétiennes  sur  divers 
sujets  de  doctrine  et  de  morale  ,  ire  édition,  1825  ;  2e  édition  , 
1826.  In- 12  de  3oo  pages.  —  T.  II,  Choix  de  Lettres  chré- 
tiennes. 1826.  In- 12  de  296  pages.  —  T.  III,  Méditations 
chrétiennes.  1827.  In  12  de  3oo  pages.  (Ce  tome  porte  le  nom 
de  l'auteur,  M.  Fr.-Aug.-Alph.  Gonthier,  ministre  du  Saint 
Évangile,  à  Nyon.) 

M.  Gonthier,  l'un  des  membres  les  plus  honorables  du  clergé 
vaudois,  et  qui  le  fut  long-tems  du  clergé  prolestant  de  France, 
condamné  à  une  retraite  absolue  par  une  santé  qu'ont  usée 
l'excès  du  travail  et  les  souffrances  du  cœur,  privé  par  là  de 
ses  fonctions  publiques,  fait  servir,  dans  la  solitude,  à  la  pro- 
pagation de  la  religion  chrétienne,  un  talent  et  une  âme  qu'il 
leur  consacra  dès  sa  jeunesse.  Les  Considérations  chrétiennes  ne 
sont  ni  un  ouvrage  ordinaire  de  doctrine,  ni  un  manuel  de 
dévotion,  comme  il  y  en  a  beaucoup;  c'est  un  livre,  comme 
malheureusement  on  en  voit  bien  peu  ,  dans  lequel  la  théologie 
et  la  piété  se  pénètrent  l'une  l'autre  avec  un  charme  touchant. 
Cette  fusion  a  même  un  attrait  d'originalité  dû  au  grand  nombre 
d'idées  neuves  et  fortes  que  l'auteur  produit  avec  aisance.  Il 
n'écrit  pas  pour  écrire,  mais  pour  dire  des  choses  qui  n'ont 
pas  été  dites.  Son  livre  offre  un  aliment  nouveau  à  la  méditation 
des  dévots  et  des  penseurs  qui  ne  le  sont  pas.  —  Les  Lettres- 
chrétiennes  sont  choisies  parmi  celles  des  pères  de  l'église,  de 
François  de  Sales ,  de  Duquet,  de  Fénélon,  deGellert ,  etc.,  etc. 
Il  y  en  a  de  récentes  qui  étaient  inédites.  —  Les  Méditations 
chrétiennes  ont  le  même  caractère  et  la  même  forme  que  les 
Considérations;  comme  celles  ci,  elles  sont  suivies  de  pensées 
diverses.  Faisons  des  vœux  pour  que  la  santé  de  M.  Gonthier 
lui  permette  de  continuer  une  publication  commencée  sous  de 
si  heureux  auspices. 

i4*£  —  Inscriptiones  in  Helvetia  ad  hue  repertas ,  etc. — Ins- 
criptions découvertes  jusqu'ici  en  Suisse,  recueillies  et  briè- 
vement éclaircies;  par/.  -G.  Orelli.  Zurich,  1826.  In-8°  de 
4o  pages; 

Beaucoup  de  notions  et  de  découvertes  relatives  à  l'histoire 
ancienne  des  peuples  sont  dues  à  l'étude  des  inscriptions,  l'une 
des  sources  monumentales  de  la  vérité  historique.  Comme  les 
inscriptions  s'expliquent  fréquemment  les  unes  par  les  autres, 
rapprocher  toutes  celles  qu'on  a  trouvées  dans  un  même  pays, 
c'est  bien  mériter  de  l'histoire.  M.  le   professeur  Orelli ,   de 


MISNK.— 1TAIJI  $o5 

Zurich  ,  s*es<  acquis  un  droil  incontestable  h  la  reconnaissance 
des  savons ,  eu  réunissant  dans  un  petit  volume  et  en  classant 
suiv.mt  les  localités  les  •/ >7  inscriptions  romaines  découvertes 
jusqu'à  ce  jour  en  Suisse.  L. attention  sérieuse  c j u<?  l'on  com- 
mence seulement  à  donner  au  cantop  des  Grisons  i  partie  de 

l'ancienne  Khclie,  fera  sans  doute  trouver  des  inonunicns  du 
même  genre  dans  ce  sol  foule  jadis  par  les  années  romaines, 
et  théâtre  de  leurs  exploits»  Jusqu'à  ee  jour,  on  n'y  a  pas  dé- 
terré une  seule  inscription. 

M.  Oielli  est  un  critique  U0U  moins  sévère  que  judicieux: 
dévoué  tout  entier  à  la  vérité  historique,  c'est  avec  le  sang- 
froid  qu'exige  l'examen  attentif  et  scrupuleux  de  documens 
obscurs  qu^l  étudie  et  discute  ces  anciennes  inscriptions, 
même  celle  de  Julia  Jlpinula  dont  lord  IJvron  disait  :  «  Je  ne 
connais  point  de  composition  humaine  plus  touchante  que 
celle-là.  »  C.  Monnaru. 

ITALIE. 

*  i.\f\.  — *  Istoria  civile del  rcg/io  di Napolc ,  etc.  — Histoire 
eivile  du  royaume  de  Naples,  par  P/t'/vr  Giannone.  Milan, 
1823-1824  ;  les  éditeurs 4es  classiques  italiens.  ilk  vol.  in-8°. 

Nous  avons  déjà  donné  quelque  idée  des  premiers  volumes 
de  cette  histoire,  qui  présente  le  tableau  le  plus  instructif  des 
conquêtes  et  des  prétentions  de  la  cour  romaine  sur  les  plus 
belles  provinces  de  l'Italie  (  voy.  Rcv.Enc,  t.  xxxiii,  p.  188). 
L'édition  complète,  aujourd'hui  terminée,  forme  14  volumes, 
dont  les  trois  derniers  comprennent  les  écrits  posthumes  de 
l'auteur.  Ce  sont  des  apologies,  ou  plutôt  des  attaques  sou- 
vent très-violentes  dirigées  par  Giannone  contre  ses  persécu- 
teurs et  ses  ennemis.  La  plupart  de  ces  opuscules  étaient  restés 
inédits  ;  et  à  peine  furent-ils  imprimés  après  sa  mort  qu'ils 
devinrent  très-rares,  sous  l'empire  de  cette  inquisition  qui, 
après  avoir  triomphé  de  l'auteur,  ne  cessait  de  poursuivre  sa 
mémoire.  Les  éditeurs  de  Milan  ont  bien  mérité  du  public 
pour  avoir  enfin  mis  au  jour  la  collection  entière  des  écrits 
de  ce  grand  publicité. 

On  y  trouve  :  i°  Y  Apologie  de  son  'Histoire  civile ,  divisée  en 
trois  parties.  La  première  donne  la  relation  de  toutes  les  dé- 
marches des  ennemis  de  Giannone  pour  le  faire  juger  et  con- 
damner sans  l'entendre;  dans  la  seconde,  sont  rapprochées 
les  imputations  les  plus  contradictoires  et  les  plus  absurdes*,, 
dont  il  fut  poursuivi,  surtout,  par  les  moines  qui  n'avaient 
d'autre  intention  que  de  le  rendre  odieux  a.ix  yeux  de  la  mul- 


/,o6  LIVRES  ÉTRANGERS. 

titude;  la  troisième  partie  contient  la  célèbre  profession  de  foi 
que  l'auteur  rédigea,  avec  l'ironie  la  plus  piquante,  contre  un 
jésuite,  le  père  Sanfclice ,  qui  dut  sa  célébrité  plutôt  aux  sar- 
casmes de  Giannone  qu'à  ses  propres  talens. 

Au  lieu  de  parler  de  plusieurs  opuscules  que  contient  le  der- 
nier volume  ,  nous  croyons  plus  utile  de  donner  ici  un  aperçu 
d'un  ouvrage  auquel  Giannone  avait  long-tcms  travaillé,  dont 
on  ne  connaît  guères  que  le  titre  ,  et  sur  lequel  on  a  débité  des 
choses  peu  exactes.  Nous  voulons  parler  de  son  Triregno. 
L'abbé  Pansini  fut  le  premier  qui  le  fk  connaître ,  dans  sa  Fie 
de  Giannone.  Les  éditeurs  de  Milan,  ayant  eu  sous  les  yeux 
un  exemplaire  complet  de  ce  manuscrit  curieux  qu'on  regret- 
tait généralement  comme  perdu  ,  en  ont  fait  un  extrait  encore 
plus  détaillé  ,  dont  voici  la  substance.  Le  Triregno  est  divisé  en 
trois  livres  :  le  premier  traite  du  règne  de  la  terre  ;  le  second  , 
du  règne  du  ciel  ;  et  le  troisième  ,  de  celui  des  papes.  Le  pre- 
mier livre  se  subdivise  en  trois  parties,  où  se  trouve  exposée 
la  doctrine  des  Hébreux  ,  sur  l'âme  du  monde  ,  sur  les  âmes 
des  individus  ,  sur  leur  immortalité  et  sur  la  nature  des  biens 
auxquels  ils  bornaient  leurs  vues.  Giannone  pensait  comme 
tant  d'autres,  que,  jusqu'à  Descartes,  on  s'était  éloigné  bien 
peu  de  la  doctrine  des  Hébreux  ,  en  ce  qui  concerne  la  création 
du  monde,  la  formation  de  l'homme,  et  la  nature  de  l'âme  et 
de  la  pensée.  Il  examine  spécialement  comment  les  Hébreux 
ont  pendant  long-tems  compris  la  résurrection  des  morts  ,  qu'ils 
croyaient  destinés,  dit  l'auteur,  à  un  royaume  qui  n'était  pas 
céleste  et  spirituel ,  mais  terrestre  et  matériel. 

La  connaissance  du  royaume  céleste  fut  l'ouvrage  de  Jésus- 
Christ ,  et  forme  le  sujet  du  second  livre.  Giannone  expose  la 
substance  de  cette  nouvelle  doctrine  évangélique  ,  dont  le  but 
est  la  perfection  de  l'esprit  et  du  cœur.  Pour  mieux  exécuter 
son  dessein  ,  il  divise  ce  livre  en  quatre  parties  ;  il  y  traite 
spécialement  de  la  nature  du  royaume  céleste  ;  de  la  résurrec- 
tion générale  des  morts,  article  bien  plus  important,  à  son 
avis  ,  qu'on  ne  le  croit  communément;  des  divers  lieux  où  les 
âmes  sont  retenues  avant  la  résurrection;  et  du  royaume  in- 
fernal, considéré  en  opposition  avec  le  royaume  céleste,  et 
sur  lequel  on  a  débité  de  tout  tems  les  puérilités  les  plus  ridi- 
cules. La  vision  béatifique  de  Dieu  ,  qui  a  tant  occupé  les  théo- 
logiens, n'est  pour  Giannone  que  la  connaissance  des  vérités 
de  tout  genre.  Il  s'efforce  d'expliquer  de  même  les  mystères  et 
les  rits  les  plus  imposans  de  la  religion  chrétienne;  et  il  n'est 
pas  toujours  entièrement  orthodoxe  ,  relativement  à  quelques 
opinions  et  à  quelques  pratiques  des  catholiques  ,  surtout  en  ce 


ITALIE.  |  ..7 

4 1 1 1 1  regarde  l«*s  prières  1  les  indulgences,  te  purgatoire,  la 
béatification  des  saints,  etc.  il  résulte  de  ses  recherches  que 
la  religion  chrétienne  fut  altérée  de  plus  en  plus,  à  mesure 
qu'elle  s'étendit  dans  l'empire  romain. 

Giannone  croyait  que,  sans  la  connaissance  préliminaire  des 
deux  régnes  terrestre  et  céleste,  on  chercherait  vainement  à 
expliquer  le  troisième,  c'est-à-dire  le  règne  des  papes  qui, 
selon  lui ,  comprend  dix  périodes  ou  époques  principales  , 
depuis  la  prédication  de  l'Kvangile  ,  jusqu'au  pontificat  de  Clé- 
ment XII,  ou  plutôt  jusqu'en  17^0.  Divers  sujets,  effleurés 
seulement  dans  Y  Histoire  civile  du  royaume  de  Naples ,  se.  trou- 
vent reproduits  dans  ce  troisième  livre,  et  traités  avec  plus 
de  soin  et  d'exactitude.  Aucun  publiciste  n'avait  mieux  déve- 
loppé, avant  Giannone  ,  les  maximes  et  la  politique  de  cette 
nouvelle  puissance  qui  s'est  insensiblement  élevée  au  milieu 
des  éîats  chrétiens  ,  aux  frais  des  peuples  et  des  princes. 

Ne  pouvant  donner  plus  d'espace  à  l'analyse  de  cette  his- 
toire, nous  ferons  remarquer  seulement  que  l'auteur,  en  com- 
muniquant au  prince  Trivulzi  ce  travail  auquel  il  avait  déjà 
consacré  douze  années  de  sa  vie,  pendant  son  séjour  à  Vienne, 
disait  que  Dieu  le  défendrait  lui  et  ses  écrits  ,  puisque  leur 
objet  n'était  que  la  recherche  de  la  vérité.  «  Il  songeait  peu  , 
ajoutait-il,  aux  pièges,  aux  proscriptions  et  aux  malédictions 
des  hommes  ,  pourvu  que  Dieu  protégeât  et  bénit  ses  travaux. 
MalcdicuM  illi  t  et  tic  benedices.»  Giannone  termina  son  Tri- 
regno  à  Genève  ;  ce  que  nous  venons  de  dire  peut  servir  à  cor- 
riger quelques  inexactitudes  de  l'article  Giannone ',  inséré  dans 
la  Biographie  universelle. 

i/j5.  —  Osscrvazioni  e  giudizj  sidla  storia  d'Italia  di  Carlo 
Botta.  —  Observations  et  jugemens  sur  l'histoire  d'Italie  par 
Charles  Botta.  Modènc,  1825  ;  G.  Vincenzi  et  Cie.  In-  8°. 

Cet  ouvrage  est  un  recueil  d'articles  sur  l'histoire  de  M.  Bot- 
ta, tirés  de  divers  journaux.  Il  peut  servir,  comme  tant  d'au- 
tres écrits  du  même  genre,  à  démontrer  le  peu  d'accord  qui 
existe  entre  les  opinions  des  hommes,  et  surtout  des  journalistes. 
La  plupart  de  ces  articles  critiques  appartiennent  à  des  Italiens  : 
les  uns  sortent  de  plumes  romaines;  d'autres  viennent  de  Tu- 
rin, ou  de  Florence;  mais  ceux  qui  se  font  le  plus  remarquer 
par  l'esprit  jésuitique  qui  les  a  dictés,  ont  été  publiés  à  Mo- 
dène,  dans  un  journal  intitulé  :  Mémoires  sur  la  religion,  la 
morale  et  la  littérature.  On  y  trouve  une  Lettre  du  comte  Para- 
disiy  et  des  Observations  du  marquis  Lucchesini ,  sur  plusieurs 
passages  de  l'histoire  de  M.  Botta;  ce  qui  nous  a  valu  une  ré- 
ponse de  cet  historien,  très-courte  et  très-spirituelle,  égale- 


/,o8  LIVRES  ETRANGERS. 

nient  insérée  dans  ce  recueil ,  et  qui  fournit  une  preuve  nou- 
velle île  la  modération  de  l'auteur  et  de  sa  supériorité. 

Eu  parcourant  ce  recueil,  on  s'aperçoit  aisément  qu'aucun 
des  critiques  n'a  abandonné  la  bannière  sous  laquelle  il  mar- 
chait; mais  ,  ce  qui  est  assez  plaisant,  c'est  qu'ils  veulent  tous 
se  faire  valoir  pour  l'objet  avec  lequel  ils  sont  le  moins  familia- 
rises. Ainsi ,  si  l'un  de  ces  rédacteurs  dont  l'article  même  prouve 
qu'il  connaît  peu  sa  propre  langue,  accuse  M.  Botta  de  man- 
quer de  correction  et  d'élégance,  un  autre  qui  paraît  étranger 
à  l'étude  du  droit  public,  se  félicite  d'en  avoir  puisé  les  prin- 
cipes dans  les  ouvrages  de  Charles  Gozzl  et  de  Métastase  ,  qui 
ne  professait,  comme  on  sait,  que  les  maximes  convenables  à 
un  poëte  courtisan  et  protégé. 

Ce  qui  peut  paraître  encore  plus  singulier,  c'est  que  ces  doc- 
teurs infaillibles  donnent  toujours  leurs  principes  comme  vrais, 
sans  les  avoir  discutés;  ils  les  proclament  avec  autant  d'assu- 
rance que  si  personne  ne  les  avait  jamais  révoqués  en  doute  ;  et 
ils  en  tirent  les  conséquences  les  plus  étranges.  Ils  s'appuient 
de  l'autorité  de  Y  Index  ,  et  l'on  sait  combien  cette  congrégation 
et  la  sainte  inquisition  se  sont  acquis  de  droits  sur  la  crédulité 
des  gens  qui  cherchent  la  vérité  sans  raisonnement,  depuis  le 
procès  de  Galilée.  M.  Botta  a  dû  se  trouver  victime  de  cette  lo- 
gique spéciale  que  l'on  s'efforce  de  rétablir  de  nos  jours.  On 
l'avait  signalé  comme  un  écrivain  beaucoup  trop  modéré,  rela- 
tivement à  certains  principes  politiques  qui  caractérisent  l'es- 
prit du  siècle  ;  mais  cela  n'a  pas  suffi  aux  partisans  du  despo- 
tisme absolu  et  du  fanatisme.  Ils  confondent,  selon  leur  habi- 
tude,  l'abus  avec  l'usage;  ils  attaquent  les  principes  adoptés 
par  les  publicistes  les  plus  éclairés  de  toutes  les  époques,  parla 
raison  que  des  personnes  qui  les  ont  professés  ont  commis  des 
désordres  plus  ou  moins  graves.  Mais,  en  raisonnant  de  la  sorte, 
on  serait  amené  à  rejeter  les  maximes  des  catholiques  qui  fai- 
saient la  guerre  aux  Albigeois,  à  cause  des  horreurs  que  les 
premiers  se  permirent  pour  convertir  ou  c>craser  les  autres. 
Combien  d'exemples  ne  pourrait-on  pas  alléguer  pour  repous- 
ser ces  subtilités  de  raisonnement,  qui  conviennent  plutôt  à  un 
'  prédicateur  qu'à  un  logicien  !  Ces  observations  se  rapportent  h 
l'esprit  qui  domine  dans  cet  écrit  et  qui  paraît  dirigé  contre  les 
progrès  des  lumières  et  de  !a  raison;  mais  nous  rendons  jus- 
tice en  même  tems  à  des  remarques  d'une  toute  autre  nature 
sur  l'histoire  de  M.  Botta.  Nous  ne  sommes  pas  toujours  d'ac- 
cord ,  sur  quelques  principes  ,  avec  cet  estimable  auteur;  et 
nous  avons  déjà  manifesté  notre  manière  de  voir  à  cet  égard. 
Au  reste,  nous  laissons  chacun  penser  à  sa  façon,  c'est  le  moyen 


ITALIE.  /,<>., 

d'approcher  de  La  vérité.  Mais,  pourquoi  M.  le  journaliste  de 
IModenc,  «|it i  se  montre  si  Sévère  sur  l'exactitude  historique, 
scsl  il  permis  de  mutiler,  dans  plusieurs  endroits  imporians  , 
l'article  de  noire  Revin-     \oy.  /ter.  l'.ne.  ,  t.  xxiv,  ]).(')■>('))  sansen 

avertir  ses  lecteurs?  Nous  protestons  ('outre  cette  altération 

des  faits  Cl  de  la  pensée,;  et  nous  déclarons  positivement  que 
l'article,  inséré  dans  le  Recueil  de  iModène  ,  comme  extrait  de 
la  Revue  Bucyclopédiquc  ,  n'est  pas  celui  qui  a  paru  dans  notre 

Recueil, 

il^G.  —  Istoria  délia  rivuluzione  dt  Irancia  ,  etc. —  Histoire  de 
la  révolution  de  France ,  depuis  la  convocation  des  états  géné- 
raux jusqu'à  l'établissement  de  la  monarchie  constitutionnelle; 
huit  livres,  par  Pierre  Manzi.  Florence,  1826  ;  Pczzati.  Tn-8°. 

Lorsque  tant  de  Français  ont  échoué,  en  écrivant  l'histoire 
d'une  révolution  dans  laquelle  ils  ont  été  acteurs  ou  témoins,  il 
peut  sembler  extraordinaire  qu'un  Italien  qui  ne  Ta  aperçue  que 
de  loin,  ait  ose  tenter  celte  difficile  entreprise.  Mais,  si  l'on  veut 
réfléchir  que  le  mouvement  qui  éclata  d'abord  en  France  avait 
des  ( 'démens  dans  le  rc%tc  de  l'Europe  civilisée,  et  cju  il  était 
plutôt  un  des  inévitables  produits  du  siècle  que  l'ouvrage  de 
quelques  hommes  ou  même  de  quelques  partis,  on  ne  sera  pas 
surpris  qu'un  Italien  ait  voulu  faire  connaître  à  ses  compatriotes 
quelles  furent  les  causes,  et  quels  sont  les  résultats  d'un  évé- 
nement qui  appartient  au  monde  entier  et  qui  nous  entraîne 
plus  qu'on  ne  pense.  M.  Manzi  est  bien  loin  de  pénétrer  dans  la 
profondeur  des  considérations  que  demandait  l'importance  de 
son  sujet  ;  mais  il  rachète  cette  imperfection  par  l'exactitude 
des  faits  et  par  la  modération  de  ses  principes.  Il  a  considéré  la 
révolution  française  comme  le  vœu  général  d'une  nation  éclai- 
rée sur  ses  intérêts,  et  non  comme  le  résultat  des  efforts  d'une 
faction.  Les  personnes  qui  liront  cette  histoire  pourront  en  tirer 
quelque  profit,  si  elles  y  ajoutent  la  lecture  des  excellent  ou- 
vrages de  M.  Mignet  et  de  M.  Thiers. 

147.  —  *  Gï  Italiani  in  Russia  ,  etc.  —  Les  Italiens  en  Rus- 
sie :  Mémoires  d'un  officier  italien.  T.  III.  Italie  (Florence), 
1827.  In  8°. 

Les  Italiens  qui  ont  partagé  le  sort  des  Français,  dans  les 
derniers  événemens  politiques  et  militaires  de  l'Europe,  ma- 
nifestent de  plus  en  plus  leur  noble  ressentiment  de  se  voir  non - 
seulement  dépouillés  de  leur  existence  politique,  mais  même 
oubliés,  dans  l'histoire  contemporaine,  par  des  écrivains  in- 
justes et  partiaux.  Déjà  M.  Vaccani  a  réparé  en  partie  ce  tort 
dans  son  Histoire  des  campagnes  et  des  sièges  des  Italiens  en  Es- 
pagne. Nous  nous  proposons  de  donner  une  analyse  détaillée 


/,io  LIVRES  ÉTRANGERS. 

de  l'ouvrage  dont  nous  annonçons  aujourd'hui  le  3°  volume,  et 
dont  les  deux  premiers  sont  déjà  connus  de  nos  lecteurs  (  voy. 
Rev.  Enc ,  t.  xxxm  ,  p.  189  ).  L'auteur  s'est  proposé  de  relever 
des  noms,  des  combats ,  des  vertus  militaires,  jusqu'ici  dépré- 
ciés ou  négligés.  Il  se  plaît  à  rappeler  et  à  décrire  ces  événe- 
mens  remarquables  auxquels  il  a  souvent  pris  part,  ou  dont  il 
a  été  témoin.  Tout  lecteur  à  qui  le  sentiment  de  la  gloire  na- 
tionale n'est  pas  étranger  partagera  l'intérêt  que  l'auteur  porte 
à  l'illustration  de  sa  patrie.  On  voit  dans  ses  récits  tout  ce  que 
les  Italiens  étaient  devenus  en  peu  de  tems  sous  l'influence 
française,  et  ce  qu'ils  pourraient  devenir  si  des  circonstances 
plus  favorables  secondaient  leurs  dispositions.  IV ous  regrettons 
de  ne  pouvoir  consigner  ici  les  noms  des  braves  Italiens  qui  se 
sont  le  plus  signalés  dans  cette  importante  et  malheureuse  cam- 
pagne de  Russie,  et  auxquels  l'auteur  a  rendu  une  pleine  jus- 
tice, en  rapportant  des  faits  honorables  pour  euxel  dontonne 
peut  contester  l'exactitude.  Les  Italiens  doivent  savoir  gré  à 
l'historien  de  son  zèle  patriotique,  et  profiter  de  son  ouvrage. 
Le  même  auteur  nous  promet  des  mémoires  sur  les  autres  cam- 
pagnes des  Italiens,  et  surtout  sur  celle  d'Espagne. 

i/|8.  —  Giornale  biogrqfîco  ,  etc.  —  Journal  biographique  de 
Vicence.  Vicence,  1827;  Pariso  et  comp.  In- 12. 

Le  premier  numéro  de  ce  journal ,  auquel  le  titre  cValmonach 
conviendrait  mieux,  commence  par  parler  des  Vicentins  dis- 
tingués dans  la  science  musicale.  On  trouve  ensuite  une  liste 
chronologique  d'Italiens  plus  ou  moins  célèbres;  puis  quelques 
tables  statistiques,  et  des  préceptes  d'agriculture.  Si  les  rédac- 
teurs veulent  se  rendre  utiles  aux  lettres,  ils  devront  s'occuper 
de  corriger  les  inexactitudes  et  les  omissions  que  l'on  rencontre 
dans  les  écrits  des  biographes  leurs  devanciers. 

1/J9.  —  Vita  ciel  cardinal  Gasparo  Contarini,  etc.  —  Vie  du 
cardinal  Gaspard  Contarini,  par  monseigneur  Lodovico  Becca- 
delli.  Venise,  1827;  Alvisopoli.  In-8°. 

Deux  traits  de  cette  vie  qui  nous  semblent  dignes  d'une  at- 
tention particulière,  suffiront  pour  faire  apprécier  le  degré 
d'intérêt  que  l'on  peut  prendre  au  cardinal  Contarini.  Envoyé 
à  la  diète  de  Worms  et  de  Ratisbonnc,  où  il  s'agissait  de  con- 
cilier les  protestans  et  les  catholiques,  les  protestans  dirent  de 
Contarini  que  s'il  se  fût  rencontré  six  autres  prélats  pareils  à 
lui,  toute  dissention  eût  cessé.  Malheureusement  on  préféra  la 
méthode  de  Baronius  et  de  Bellarmin.  Le  cardinal  Contarini 
protégea  constamment  les  Grecs  modernes  que  les  circonstances 
avaient  jetés  dans  la  misère.  Il  ne  pouvait  méconnaître  les  des- 
cendans  des  hommes  auxquels  le  monde  civilisé  devait  sa  litté- 


ITALIE.  /,n 

rature  el  sa  religion;  il  disait,  ei  ceci  est  fort  remarquable,  que 
nous  sommes  obligés,  par  reconnaissance  el  par  charité,  à  faire 
du  bien,  non  seulement  aux  Grecs  qui  sont  nos  frères,  mais 
encore  aux  pierres  de  leur  payr...  Combien  <!<•  nos  con tempo 
rains  pourront  rougir,  en  lisant  les  paroles  de  ce  véritable 
chrétien  ! 

l5o.  —  Discorso  dcl  haronc  lùndi/uinilo  rorro,  etc. —  Dis- 
cours du  baron  Ferdinand  Ponno,  prononcé  aux  funérailles  du 
comte  Dominique  Pino.  Lugano,  182G;  Vanelli  et  compagnie. 
In-8°. 

Le  nom  clu  général  Pino  est  trop  étroitement  lié  à  l'histoire 
politique  et  militaire  de  l'Italie,  pour  que  l'esprit  de  parti  puisse 
le  faire  condamner  à  l'oubli.  Pino  fut  l'ami  de  son  pays,  et  non 
des  gouvernemens  qui  l'opprimèrent  sous  quelque  dénomina- 
tion que  ce  fût.  Sa  bravoure  et  ses  services  militaires  arra- 
chèrent au  pouvoir  les  distinctions  qu'il  obtint;  mais  jamais  ces 
laveurs  ne  lui  firent  oublier  son  pays.  Il  fut  calomnié,  pour- 
suivi, proscrit;;  mais  l'histoire  impartiale  placera  toujours  le 
nom  du  général  Pino  dans  le  petit  nombre  de  ceux  des  Italiens 
qui  sont  restés  constamment  fidèles  aux  intérêts  de  la  patrie. 

Fr.  Salfi. 

i5i.  —  *  I  promessi  sposi,  etc.  —  Les  Fiancés,  fragment 
d'une  histoire  milanaise  du  xvne  siècle,  découvert  et  retou- 
ché par  Alexandre  Manzoni.  Milan,  1826;  Y.  Ferrario.  3  vol. 
in-8°. 

C'était  en  Tannée  162.8,  et  dans  un  village  de  la  Lombardie, 
aux  environs  de  Lecco  ,  que  Renzo  aimait  la  belle  Lucie;  leur 
tendresse  mutuelle  allait  être  couronnée  par  la  bénédiction 
nuptiale;  mais  la  jeune  personne  avait  inspiré  une  violente 
passion  au  seigneur  Rodrigo.  A  cette  époque  existait  dans  le 
pays  où  vivaient  nos  amans  une  foule  de  seigneurs  farouches, 
environnés  de  brigands  à  gages,  connus  sous  le  nom  de  bravi, 
que  la  justice  n'osait  et  ne  pouvait  atteindre  dans  leurs  châteaux 
fortifiés.  Rodrigo  était  de  ce  nombre,  et  sans  hésiter  sur  le 
choix  des  moyens  pour  satisfaire  sa  passion,  il  fit  signifier 
secrètement  à  don  Abbondio,  curé  du  village,  homme  faible 
et  craintif,  la  défense  de  célébrer  le  mariage  de  Lucie.  C'est 
ici  que  commence  à  se  développer  l'intrigue  sur  laquelle 
M.  Manzoni  a  fondé  le  roman  historique  qui  nous  occupe.  Un 
capucin,  le  père  Christophe,  parvient  à  soustraire  la  jeune 
Lucie  aux  poursuites  de  Rodrigo;  il  la  place  sous  la  protection 
d'une  religieuse  dont  le  caractère  fantasque  ne  présente  pas 
l'intérêt  qui  aurait  pu  le  faire  valoir.  De  son  côté,  Renzo  arrive 
à  Milan;  il  se  laisse  entraîner  dans  une  émeute  populaire,  dont 


4ia  LIVRES  ÉTRANGERS. 

la  famine  était  le  prétexte,  et  à  laquelle  pourtant  on  laisse  croire 
que  le  cardinal  de  Richelieu  n'était  pas  étranger:  il  faut  se 
rappeler  que  cet  impérieux  ministre  faisait  alors  la  guerre  en 
Italie  poui'  soutenir  contre  l'empereur,  l'Espagne  et  le  duc  de 
Savoie,  «es  droits  du  duc  de  Nevers,  appelé  à  succéder  à 
Vincent -de  Gonzague,  dernier  duc  de  Mantoue.  Renzo  se  ré- 
fugia à  Bergame;  sur  ces  entrefaites,  Lucie  avait  été  enlevée, 
à  la  sollicitation  de  Rodrigo,  par  un  seigneur  formidable,  qui, 
frappé  tout  à  coup  de  remords,  se  décide  à  la  rendre  à  sa  fa- 
mille. L'auteur  fait  intervenir  ici  le  cardinal  Borromée,  et  lui 
prête  des  paroles  constamment  dignes  de  ce  prélat  illustre,  et 
qu'on  ne  peut  lire  sans  émotion;  il  passe  ensuite  à  la  descrip- 
tion de  la  peste  qui  désola  Milan  en  i63o,  morceau  plein  de 
vérité  et  de  détails  touchans.  C'est  au  milieu  des  horreurs  de 
ce  fléau  et  dans  le  lazaret  des  pestiférés  que  Rodrigo  trouve  la 
mort.  Renzo  rencontre  dans  le  môme  hospice  le  vertueux  père 
Christophe  et  sa  bien-aimée  Lucie,  à  laquelle  il  est  enfin  marié 
dans  son  village  par  don  Abbondio,  que  deux  ans  auparavant 
lidée  seule  de  cette  union  faisait  frémir.  Une  multitude  d'aven- 
tures et  de  caractères  remplissent  le  cadre  de  cet  ingénieux 
roman.  Des  incidens  habilement  disposés,  une  peinture  fidèle 
et  animée  des  mœurs  de  cette  époque  ,  un  style  toujours  appro- 
prié aux  situations,  une  grande  variété  de  tons ,  telles  sont  les 
qualités  qui  ont  mérité  à  ce  bel  ouvrage  le  succès  éclatant  qu'il 
vient  d'obtenir  en  Italie,  et  qu'il  va  sans  doute  obtenir  en 
France  (i).  C.  Rossetti. 

i5-2.  —  *  Opère  varie  italiane  e  francesi ,  etc.  —  Divers  ou- 
vrages italiens  et  français  d'£.  Q.  Visconti,  recueillis  et  publiés 
par  le  Dr  Jean  Labus.  Milan,  1827;  typographie  des  classiques 
italiens.  In-8°. 

M.  Labus,  dont  le  zèle  pour  les  progrès  de  l'archéologie  est 
généralement  connu,  s'est  chargé  du  soin  de  réunir  et  de  pu- 
blier les  opuscules  et  les  mémoires  du  célèbre  E.  Q.  Visconti, 
jusqu'ici  dispersés,  ou  qui  n'étaient  pas  encore  imprimés.  L'édi- 
tion commence  par  les  morceaux  qu'il  a  composés  en  italien  ; 


(1)  On  annonce,  comme  devant  paraître  incessamment,  une  tra- 
duction française  de  ce  roman  ;  nous  saisirons  cette  occasion  de 
revenir  sur  une  production  littéraire  aussi  distinguée  ,  et  de  payer  un 
nouveau  tribut  d'estime  à  l'auteur,  déjà  célèbre  en  Italie  comme  écri- 
vain dramatique  et  comme  poète,  et  que  son  jugement  et  son  goût 
exercés  garantiront  sans  doute  des  écarts  où  pourrait  l'entraîner  une 
imagination  ardente  et  impatiente  de  toute  espèce  de  joug.     N.  du  B. 


ITALIE.— ESPAGNE.  4t1 

ccuxqiie  l'auleuravait  rédigés  Ml  franraislessiiivronl  .M.  LabdS  , 
daitS  une  s;iv;i rite  préface  ,  donne  plusieurs  renseignemens  sur  les 
écrits  dont  se  compose  celle  édition.  Il  V  .1  joint  un  précis  (lis 
critiques  dont  <piel<|iies  nioninnens  éelaircis.  péf  l'archéologue 

italien  ont  été  l'occasion.  L'édition  est  accompagnée  <lc  planches 

exécutées  avec  l'exactitude  nécessaire  à  cette  sorte  d  ouvrages. 

I  1..  Salfi. 

ESPAG1NK. 

1 53.  —  *  Diccionm io ,  etc.  —  Dictionnaire  géographique  et 
statistique  de  l'Espagne  et  du  Portugal,  dédié  à  S.  M.  (,'.  par 
le  IV  Sebastien  Mignano,  membre  de  l'Académie  royale  d'his- 
toire de  Madrid  ,  et  de  l;i  Société  géographique  de  Paris.  T.  I-V. 
Madrid,   182G.  5  vol.  in  4°. 

Ces  cinq  volumes,  les  seuls  que  l'on  ait  publiés  jusqu'à  ce 
jour,  nous  paraissent,  par'  leur  étendue,  sans  proportion  a\cc 
les  forces  d'un  seul  individu,  quels  que  soient  d'ailleurs  les 
talens  et  l'activité  laborieuse  de  L'auteur.  D'après  la  préface, 
cet  ouvrage  comprendra  plus  de  't6,ooo  articles.  La  méthode 
suivie  par  le  rédacteur  pour  chaque  article  le  conduit  à  donner 
d'abord  le  nom  et  les  désignations  principales  de  chaque  lieu  ; 
et  ensuite,  la  description  topographique,  les  différentes  pro- 
ductions, les  distances,  un  précis  desévénemens  remarquables, 
les  noms  des  hommes  célèbres  qu'il  a  vus  naître  ;  enfin  la 
quotité  de  la  contribution  dont  il  est  passible.  Ce  Dictionnaire 
se  fait  surtout  remarquer  par  les  renseignemens  exacts  qu'il 
donne  sur  la  nature  des  revenus  publics,  et  leur  produit.  La 
carte  générale  de  la  Péninsule  ne  marque  pas  seulement  les 
communications  existantes  par  terre  et  par  eau  ,  mais  encore 
celles  qui  sont  projetées,  et  celles  que  l'auteur,  d'après  ses 
propres  idées,  croit  convenable  d'indiquer  pour  un  système 
de  canaux  d'arrosage  et  de  communication  à  l'intérieur.  Les 
matériaux  qui  ont  servi  à  la  formation  de  cette  grande  entre- 
prise littéraire  sont  dus  à  la  fois  ,  comme  l'annonce  la  préface, 
aux  ouvrages  et  aux  travaux  déjà  publiés  sur  la  géographie  et 
surlastalistique  de  l'Espagne.,  soit  pardes écrivains  du  pays, soit 
par  des  étrangers,  et  aux  communications  obtenues  des  admi- 
nistrations de  la  capitale  et  des  provinces,  des  fonctionnaires 
publics,  des  savans  et  des  curés  de  paroisse,  à  chacun  desquels 
l'auteur  a  fait  demander  des  renseignemens  détaillés  sur  leurs 
villages  respectifs  et  les  villages  circonvoisins.  Toutefois, 
M.  Mignano  n'a  pas  manqué  de  trouver  des  antagonistes  qui 
ont  découvert  dans  son  ouvrage  des  méprises,  des  lacunes  ,  et 


414  LIVRES  ÉTRANGERS. 

bien  d'autres  fautes;  il  a  été  critiqué  avec  aigreur  par  M.  F. 
Cabaitero,  qui,  sous  le  nom  de  souscripteur  repentant ,  de  sous- 
crtptenr  semi-géographe  9  a  publié  ce  qu'il  appelle  des  correc- 
tions fraternel/es,  au  nombre  de  trois.  La  dernière  est  adressée 
au  docteur  presbytérien  ,  D.  Sébastien  Mignano  ,  rédacteur  dit 
Dictionnaire  géographique  de  l'Espagne  et  du  Portugal,  déjà  connu 
du  public.  Les  remarques  de  ce  critique  ne  sont  ni  légères  ,  ni  en 
petit  nombre;  mais  il  nous  permettra  de  n'être  point  de  son  avis, 
quand  il  qualifie  de  méprisable  le  Dictionnaire  que  nous  annon- 
çons. L'auteur  promet  de  réparerait  moyen  d'un  ou  de  plusieurs 
supplérnens  les  omissions  et  les  erreurs  qui  se  trouvent  dans 
cet  ouvrage;  et,  quoique  M.  F.  Caballero  en  ait  compté  plus  de 
quatre-vingt-dix,  dans  sa  troisième  correction  fraternelle,  elles 
nous  paraissent  dénature  à  être  facilement  rectifiées, en  suppo- 
sant qu'elles  existent,  car  ce  genre  d'ouvrages  est  nécessaire- 
ment incomplet  dans  tous  les  pays;  et  celui  de  M.  Mignano 
sera  très-recommandable,  surtout  lorsqu'il  aura  publié  le  sup- 
plément qu'il  annonce,  et  qui  est  destiné  à  compléter  son  im- 
mense travail»  P.  M. 

PAYS-BAS. 

i54. —  Over  de  Hcrfsthoortscn ,  etc.  —  Sur  les  Fièvres  de 
l'automne  à  Amsterdam,  particulièrement  sur  celles  de  l'an  1 826, 
par  M.  H. -F.  Thyssen,  d.  m.,  membre  de  la  première  classe 
de  l'Institut  royal  des  Pays-Bas,  etc.  Amsterdam,  1827. 
I11-80  de  128  p. 

L'auteur,  déjà  avantageusement  connu  par  sa  Notice  histo- 
rique sur  les  maladies  des  Pays-Bas  (Amsterdam,  1824),  a 
traité  le  sujet  indiqué  par  le  titre  de  cet  ouvrage,  en  présen- 
tant :  i°  des  observations  sur  la  situation  physique  d'Amster- 
dam (p.  1-19);  a0  sur  les  maladies  qui  ordinairement  s'y 
manifestent  dans  l'automne  (p.  20-42);  3°  il  s'est  attaché  à 
faire  connaître  les  circonstances  qui  ont  amené  les  maladies 
de  l'an  1826  (p.  43-102);  puis,  il  donne  les  détails  les  plus 
intéressais  sur  la  nature  et  le  caractère  de  la  maladie  qui  a 
régné  alors,  détails  puisés  presque, entièrement  dans  des  obser- 
vations qu'il  a  été  à  même  de  faire  et  de  rassembler  lui-même 
dans  sa  pratique.  Cet  ouvrage  mérite  l'attention  de  tous  ceux 
qui  étudient  la  médecine,  et  qui  s'occupent  des  moyens  propres 
à  conserver  la  santé  publique.  X. 

1 55. — ■  Résumé  d'une  nouvelle  théorie  des  caustiques ,  suivi  de 
différentes  applications  à  la  théorie  des  projections  stéréogra- 
phiques,   présenté  à  X Académie  royale  de  .Bruxelles,   dans  la 


PAYS-BAS. 

léanœ  da  5  novembre  i  >s  i  5 ,  par  M.  A.  Qui  nm.  Bi  ux< 
18*7.  in  ,"  de  15  |>.  et  une  planche  gravi 

li  question  d'optique,  traitée  d'une  manière  nouvelle  par 
M.  Quetelet  dans  différcus  Mémoires  qu'il  a  lus  su  ment 

à  l'Académie  royale .  dont  il  est  l'un  c!(  s  plus  illustres  membres, 
a  Tut  dès  long- teins  le  .sujet  des  recherches  des  savans:  ei 
dans  ces  derniers  teins,  MM.  Stttrm  .  G  g  /.//e  ,  eic.,  s'en 
occupés  avec  succès.  M.  Quetelet,  on  liant  cette  théorie  à  celle 
des  développées,  lui  donne  un  nouvel  intérêt  L'écrit  que  nous 
annonçons,  n'étant  lui -même  en  grande  partie  qu'un  résumé 
de  divers  mémoires,  n'est  pas  susceptible  d'être  analysé  ici 
avec  quelque  espérance  d'en  faire  comprendre  l'esprit,  attendu 
qu'il  ne  nous  est  pas  permis  de  donner  assez  d'étendue  à  notre 
article.  Nous  pensons  que  les  savans  liront  avec  plaisir  le  nou- 
veau mémoire  d'un  géomètre  si  digne  de  leur  estime. 

I  RAXCOFUR. 

1 56.  —  *  Esquisse  politique  sur  l'action  des  forces  sociales  dans 
les  (lift]  rend  •  i  de  gouvernement.  Bruxelles,  1827  ;  A.  L;i- 

crosse.  In  8°. 

Notre  génération  est  sérieuse,  on  ne  cesse  de  nous  le  ré- 
peter, et  cela  est  vrai  à  quelques  égards;  mais  il  ne  suit  pas 
de  là  qu'on  doive  s'étudier  à  débiter  sérieusement  des  pauvretés 
en  style  prétentieux.  Or,  il  s'est  établi  une  école  qui  ne  fait  pas 
autre  chose.  L'auteur  de  l'ouvrage  dont  on  vient  de  lire  le  titre  , 
n'est  point  de  cette  secte  morose  et  pédantesque,  aussi  a-t-on 
fort  peu  préconisé  son  livre.  Il  écrit  avec  conviction  et  avec 
franchise,  et  sans  affectation.  Persuadé  que  les  hypothèses  par 
lesquelles  les  anciens  et  les  modernes  tentent  d'expliquer  l'ori- 
gine de  la  société  sont  et  seront  toujours  dénuées  de  preuves; 
ne  se  décidant  ni  pour  l'âge  d'or,  ni  pour  l'état  de  nature,  il  a 
fort  bien  vu  que  quelle  qu'ait  été  la  condition  primitive  de  la  so- 
ciété humaine,  il  n'y  a  d'essentiel  à  rechercher  pour  nous  que 
sa  condition  postérieure,  dont  l'histoire  nous  a  laissé  le  témoi- 
gnage.  Des  troubles,  des  calamités,  des  révolutions  effrayantes 
l'ont  toujours  ébranlée,  agitée,  renversée  :  voilà  le  fait.  Quelle 
est  la  cause  immédiate  et  permanente  de  tant  de  désastres  ? 
voilà  le  problème.  L'auteur  a  cru  en  trouver  la  solution  dans 
l'action  toujours  constante  des  forces  réelles,  spontanées  el  per- 
manentes de  la  société  civile,  et  il  a  été  conduit  à  reconnaître, 
comme  un  axiome  fondamental  de  la  politique  :  que  la  force 
réelle  se  régit  par  elle-même,  se  protège  par  elle-même,  se  dé- 
veloppe par  elle-même;  que  telle  est  la  condition  de  son  exis- 
tn  caractère  est  absolu,  el  que  tout  dépend  d'elle, 
tandis  qu'elle  ne  dépend  de  personne.  On  conçoit  que  ,   dans 


416  LIVRES  FRANÇAIS. 

la  démonstration  de  cette  thèse,  il  peut  entrer  des  données 
fausses  ou  mal  posées ,  et  qu'en  traitant  de  politique  il  est 
impossible  de  ne  pas  subir  l'influence  des  événemens  que  Ton 
a  traversés  :  c'est  moins  le  tort  de  l'auteur  que  celui  de  la  na- 
ture humaine.  de  Reiffenberg. 

157.  —  *  Bydi  agen  totde  Geschiedenis  der  Ncdcrlanden.  — 
Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  Pays-Bas,  par  M.  J.-P. 
Van  Cappelle.  Harlem,  1827.  In-8°  de  4  2  4  P- 

Huit  Mémoires  sur  différens  sujets  remplissent  ce  volume. 
Le  premier,  qui  a  le  plus  d'étendue  (p.  1-204),  concerne 
Elbcrtus  Lconinus ,  chancelier  de  la  Gueldre,  né  en  i520,  et 
mort  en  1598.  Sa  vie  se  rattache  aux  événemens  de  ce  tems, 
et  particulièrement  aux  troubles  qui  existaient  alors  dans  sa 
patrie.  Non-seulemeat  comme  citoyen,  mais  aussi  comme  sa- 
vant jurisconsulte,  il  mérite  d'être  distingué.  En  1579  ,  il  parlait 
comme  conseiller  d'état  aux  états-généraux  rassemblés  à  Anvers  , 
et  se  portait  entre  autres  le  défenseur  intrépide  de  la  liberté 
des  cultes  (  voy.  p.  162).  —  Le  second  Mémoire  est  consacré 
au  bourguemestre  d'Anvers,  Anthonis  van  Slialen ,  une  des 
victimes  du  duc  d'Albe,  et  exécuté  à  mort  en  i568.  Quelques 
particularités  relatives  au  conseil  des  troubles,  qui  condamna 
aussi  Van  Shalen,  se  trouvent  dans  le  troisième  Mémoire, 
p.  25 1 -281.  Mais  c'est  avec  un  pénible  sentiment  que  nous 
avons  lu,  p.  277,  que  le  mode  de  procédure  qui  avait  lieu 
devant  ce  conseil,  de  terrible  mémoire,  a  été  maintenu  dans 
les  Pays-Bas  jusqu'en  1798,  la  seule  confiscation  des  biens 
exceptée.  Quoique  les  institutions  judiciaires  des  Pays-Bas  ne 
fussent  pas  exemptes  de  plusieurs  défauts,  pourtant  ce  que 
M.  Van  Cappelle  dit  contient  une  erreur  grave,  que  nous 
sommes  obligés  de  signaler.  Les  connaissances  en  mathéma- 
tiques du  prince  Maurice  de  Nassau  et  sa  familiarité  avec  le 
célèbre  Simon  Stevin  font  l'objet  du  quatrième  Mémoire.  Les 
détails  sur  là  carte  de  géographie  ancienne,  dite  carte  de 
Peutinger,  p.  3o3-335,  sont  peu  intéressans,  et  n'ont  que  très- 
peu  de  rapport  avec  l'histoire  des  Pays-Bas.  Deux  historiens 
célèbres  ont  écrit  l'histoire  des  Pays-Bas,  Hooft  dans  ses 
Nederlandsche  historien ,  et  Schiller  dans  sa  Geschichte  des 
A 'bj ails  der  f  ereinigten  Niedcrldnder  von  der  spanischen  Regie- 
rung  {  histoire  du  soulèvement  des  Pays-Bas  contre  le  gouverne- 
ment Espagnol),  M. Van  Cappelle  a  très-judicieusement  établi  uu 
parallèle  entre  ces  deux  écrivains ,  et  indiqué  les  différences  no- 
tables qui  s'offrent  dans  la  manière  dont  ils  ont  envisagé 
et  traité  le  même  sujet  (p.  338-363).  Le  discours  suivant,  de 
l'Influence  des  préjugés  sur  les  études  histoiiques ,  fait  honneur 


PAYStBA  ,. 

au  jugement  et  à  l'impartialité  de  l'auteur  qui,  comme  profes- 
seur d'histoire  nationale  à  l'Athénée  d'Amsterdam,  trouve 
l'occasion  de  montrer  par  sou  exemple  comment  il  faut  éviter 
les écueils  dangereux  des  préjugés,  dont  ne  savent  pas  toujours 
se  garantir  les  historiens)  môme  les  plus  consciencieux.  Ou 

lira  saus  doute  aussi  avec  beaucoup  de  satisfaction  le  discours 
!  le  dernier  du  volume)  sur  l'amour  de  la  patrie  chez  nos  an- 
cêtres* C'est  une  des  vertus  que  les  étrangers  cu> .-mêmes  se 
sont  toujours  plu  a  leur  reconnaître,  X. 

1 58.  -—  Gesc/uedexis  van  het  Slot  de  Muiden  ,  etc.  —  His- 
toire du  château  de  Muiden  ,  et  de  la  vie  qu'y  mena  Ilooft; 
par  J.  Konino  ,  membre  de  l'Institut.  Amsterdam,  1827  ;  Van 
(1er  Hcy.  I11-80  avec  fig. 

L'administration  des  domaines  avait  mis  en  vente  l'antique 
château  de  Muiden  ,  fameux  par  tant  de  souvenirs  historiques, 
et  surtout  par  le  séjour  qu'y  fit  Corneille  Hooft ,  le  Tacite  de  la 
Hollande.  Aussitôt,  les  amis  des  lettres  de  prendre  l'alarme. 
Le  roi,  cédant  à  leurs  sollicitations,  préserva  de  la  destruction 
le  gothique  édifice  ,  et  M.  Koning  prit  la  plume  pour  retracer 
les  traditions  qui  se  rattachent  à  ses  murs. 

159.  — Journal  fait  en  Grèce  pendant  les  années  1825  et  1826, 
par  M.  Eugène  de  Villenf.uve  ,  capitaine  de  cavalerie  dans 
l'armée  hellénique,  orné  du  portrait  de  l'auteur,  accompagné 
de  plusieurs  pièces  justificatives,  de  divers  fac  simile ,  etc. 
Bruxelles  ,  1827  ;  Tarlier.  In-8°. 

Le  nom  de  la  Grèce  a  quelque  chose  de  magique  :  c'est  un 
talisman  qui  fera  lire  avec  intérêt  la  relation  de  M.  de  Ville- 
neuve ,  quoiqu'elle  se  recommande  peu  par  le  mérite  du  style  ; 
ses  anecdotes  ,  en  général  assez  communes,  ajoutent  néanmoins 
quelques  traits  à  la  physionomie  d'hommes  célèbres  ;  et ,  à  ce 
titre  il  est  bon  de  les  recueillir. 

160.  —  Guillaume  Frédéric  d'Orange-Nassau,  avant  son 
avènement  au  trône  des  Pays-Bas,  sous  le  nom  de  Guillaume  Ier, 
par  un  Belge.  Bruxelles,  1827  ;  Tarlier.  In-8°  avec  fig. 

Quoique  je  sois  loin  d'approuver  les  biographies  d'hommes 
vivans  ,  et  surtout  celles  des  princes,  je  ne  puis  m'empècher  de 
louer  dans  celle-ci  l'amour  de  la  vérité  qui  l'a  dictée.  Le  roi 
des  Pays-Bas  est  un  monarque  pour  lequel  la  vérité  elle-même 
a  tout  l'air  de  la  flatterie  ,  et  qu'on  paraît  louer  outre  mesure 
en  ne  faisant  que  le  simple  exposé  de  ses  hautes  vertus.  Son 
historien  a  voulu  le  faire  connaître  aux  peuples  qu'il  gouverne, 
àuneépoque|oùses  bien  faits  ne  pouvaient  le  lui  révéler  :  c'est  en 
quelque  sorte  antidater  notre  reconnaissance,   de  Reiffenberg. 

161.  —  *  Histoire  générale  de   la  Belgique  ,  par  M.  Dbwes  . 
t.  xxxvi.  —  Novembre  1827.  27 


4i8  LIVRES  ÉTRANGERS. 

membre  de  l'Institut  des  Pays-Bas,  et  secrétaire  perpétuel  de 
l'Académie  des  sciences  et  belles  lettres  de  Bruxelles;  tom.  ni 
et  n.  Bruxelles,  1827.  H.  Tarlier.  1  vol.  in  8°,  formant  en- 
semble 81a  pages. 

En  rendant  compte  des  deux  premiers  volumes  de  cet  im- 
portant ouvrage  (  Voy.  Rcv.  Enc.t  t.  xxxm,  pag.  757  ) ,  nous 
avons  fait  remarquer  combien  cette  nouvelle  édition  est  supé- 
rieure à  la  première.  Les  changemens  introduits  dans  les  3e  et 
4e  volumes  ne  sont  pas  moins  nombreux  ;  le  chapitre  des 
Croisades  s'est  particulièrement  amélioré:  le  souvenir  de  ces 
guerres  avantureuses  où  brillèrent  avec  tant  d'éclat  les  princes 
et  les  seigneurs  belges  semble  avoir  électrisé  l'historien;  son 
style  en  a  pris  une  certaine  chaleur  qui  ne  lui  est  pas  ordinaire. 
Le  chapitre  sur  la  servitude  dans  les  provinces  belgicjucs  est  aussi 
très- remarquable,  mais  sous  d'autres  rapports:  c'est  une  dis- 
sertation fort  savante  et  fort  bien  raisonnée,  qui  jette  en  quel- 
que sorte  une  vive  lumière  sur  le  tableau  des  institutions  et 
des  mœurs  d'un  peuple  digne  à  toutes  les  époques  d'attirer  les 
regards  de  l'observateur  philosophe.  Le  récit  de  la  longue  et 
terrible  lutte  des  viiles  de  la  Flandre  avec  leurs  souverains  ren- 
ferme peut-être  trop  de  détails  insignifians,  et  ceux  qu'a  fournis 
le  chroniqueur  Meyer  ne  sont  pas  toujours  présentés  sous  leur 
véritable  point  de  vue.  Les  faits  se  classeraient  mieux  dans  la 
mémoire  du  lecteur,  s'ils  étaient  resserrés  avec  plus  d'art.  Le 
quatrième  volume  finit  à  la  mort  de  Philippe-le-Bon  en  1467. 
Voici  le  portrait  que  M.  Dewez  trace  de  ce  prince,  le  plus 
puissant  et  le  plus  riche  de  son  siècle.  «  Il  était  affable,  libéral; 
il  avait  les  manières  aisées,  l'air  ouvert;  il  avait  une  qualité 
qui  n'était  pas  ordinaire  chez  les  grands  :  il  savait  écouter, 
c'est-à-dire  qu'il  prenait  attention  et  intérêt  à  ce  que  l'on  disait; 
il  ne  se  fâchait  pas  souvent  :  mais,  quand  il  entrait  dans  un 
accès  de  colère...  Il  était  terrible;  il  était  religieux,  dit -on; 
mais  il  était,  comme  cela  se  voit  souvent,  plus  attaché  au  culte 
extérieur  et  aux  cérémonies  de  l'église  qu'à  la  morale  et  à  l'es- 
prit de  la  religion,  c'est-à-dire;  plus  à  la  forme  qu'au  fond... 
Il  était  brave,  mais  ambitieux,  possédé  d'un  désir  insatiable 
de  s'agrandir,  et  tous  les  moyens  lui  semblaient  bons  pour  par- 
venir à  ses  fins...  Il  était  bon,  dit-on  encore;  mais  peut-on 
bien  dire  sans  restriction  qu'il  était  bon ,  celui  qui  traita  si  du- 
rement et  si  inhumainement  les  Gantois  et  les  Dinantais?  Il 
faisait  de  grandes  largesses,  donnait  des  fêtes  magnifiques;  il 
traitait  le  peuple  avec  modération,  le  gouvernait  avec  sagesse, 
il  le  ménageait  dans  les  impôts:  voilà  sans  doute  les  motifs  qui 
lui  ont  valu  cette  dénomination  de  bon.  »  Stassart. 


PA.YS-BAS.— FRANCE.  419 

16a.  -  Le  gueux  de  mer,  ou  la  Belgique  sous  le  due  d'Albe. 
Bruxelles,  1827;  Sacré.  9  vol.  in- 12. 

L'essai  que  nous  annonçons  prouve  du  talent,  du  goût,  de 
l'imagination  :  quelques  scènes  produisent  uneffel  dramatique; 
mais  l'action  est  mal  nouée,  <i  rattachée  faiblement  au  grand 
tableau  de  nos  troubles.  Le  dirai-je?  La  vie  intérieure  des 
Belges,  leurs  idées  courantes  sonl  représentées  avec  peu  de 
fidélité;  néanmoins,  on  lira  ce  livre  avec  plaisir  :  il  est  gros 
d'espérances.  de  R. 

Ti VUES   FRANÇAIS. 

Sciences  physiques  et  naturelles. 

i63.  — *  Histoire  naturelle  des  mammifères ,  avec  des  figures 
originales  dessiuéës,  coloriées  d'après  des  animaux  vivans;  par 

MM.  C.F.ori roy-Sunt-Hilairk  tjl  Frédéric  Cuvier,  membres 
de  l' Académie  des  sciences.  Paris,  1827;  Bel  in,  vue  desMathu- 
rins-Saint- Jacques ,  n°  14;  ^e  livraison,  de  1  feuilles  in-40  et 
6  pi.  coloriées  ;  prix  ,  g  fr.  (  Voy.  Bec.  Enc,  t.  xxxtv,  p.  442.) 

Le  mangabejr  se  trouve  au  Congo  er  à  la  Côte  d'Or.  La  mé- 
nagerie de  Paris  a  possédé  un  très-grand  nombre  de  ces  singes; 
ils  étaient  tous  familiers  et  assez  doux  ,  malgré  leur  excessive 
pétulance»,  qui  paraît  surpasser  celle  de  la  plupart  des  espèces 
du  genre  guenon.  —  Le  genre  macaque,  qui  vient  ensuite,  corn 
prend  dix  espèces  publiées  par  M.  Frédéric  Cuvier.  Ces  singes 
sont  caractérisés  par  de  vastes  abajoues,  où  ils  mettent  en  ré- 
serve des  alimens;  la  nature  snpplée  ainsi  à  leur  défaut  d'agi  - 
lité.  Il  parait  que  les  macaques  seuls  ont  donné  à  Paris  des 
exemples  de  propagation.  «Les  petits,  après  une  gestation  de 
sept  mois  ,  naissent  avec  tous  les  sens  ouverts  ;  les  quinze  pre- 
miers jours,  ils  restent  continuellement  la  bouche  attachée  à 
la  mamelle  de  leur  mère.  Bientôt  ils  regardent  autour  d'eux, 
et,  dès  les  premiers  essais  qu'ils  font  pour  se  mouvoir,  ils  ont- 
une  adresse  et  une  force  qu'on  n'aurait  pu  attendre  que  d'un 
long  exercice  et  d'une  longue  expérience.  » 

Après  avoir  fait  connaître  les  caractères  communs  à  toutes 
les  espèces,  M.  Frédéric  Cuvier  fait  l'histoire  de  chacune  en 
particulier.  Il  donne  beaucoup  de  détails  sur  un  mâle  et  une 
femelle  de  macaques  proprement  dites,  élevés  dans  la  ménagerie. 
Là,  ces  animaux  s'accouplèrent  à  plusieurs  reprises;  la  femelle 
mil  bas  deux  (o:s  ,  et  laissa  périr  les  i\v\\\  femelles  qu'elle  avait 
produites.  Ce  défaut  de  soins  confirma  l'Opinion  de  M.  Cuvier 
sur  l'altération  que  l'esclavage  fait  éprouver,  chez  les  ani- 
maux, à  l'amour  de  la  progéniture.  Cette  espèce,  qui  est  la 
macaque  de  Buffon ,  paraît  être  assez  commune;    elle  arrive 


/,io  LIVRES  FRANÇAIS. 

fréquemment  en  Europe  aujourd'hui,  et  principalement  de 
Sumatra. 

Le  macaque  à  face  noire  s'unit  naturellement  à  la  macaque  de 
Buffou,  qui  a  la  face  d'une  couleur  très-claire;  c'est  à  M.  Al- 
fred Duvaueel  qu'on  doit  de  savoir  que  cet  animal  se  trouve  à 
Sumatra  :  il  paraît  avoir  le  caractère  des  autres  macaques. 

Le  toque,  ou  bonnet  chinois  de  Buffon,  est  surtout  remar- 
quable par  la  singulière  forme  de  sa  tète  et  de  son  museau, 
qui  est  mince  et  étroit,  tandis  que  celui  des  autres  macaques 
est  lourd  et  épais;  la  nudité  et  les  rides  de  son  front  sont  pour 
lui  des  caractères  exclusifs. 

Nous  ne  pouvons  donner  que  des  éloges  aux  planches  de  ce 
bel  ouvrage,  dont  l'exécution  se  poursuit  avec  les  mêmes  soins 
et  le  même  suceès. 

164.  —  *  Atlas  des  oiseaux  d 'Europe,  pour  servir  de  com- 
plément au  Manuel  d'Ornithologie  de  M.  Temminck ;  par  M. 
J.-C.  Werner,  peintre  d'histoire  naturelle;  6e  livraison.  Paris, 
1827;  Belin,  rue  des  Mathurins-Saint-  Jacques  ,  n°i4.  Un 
cahier  in-8°,  contenant  10  planches;  prix,  3  U\  fig.  en  noir;  et 
6  fr.  fig.  coloriées.  (  Voj.  Rev.  Enc.,  t.  xxx,  p.  462.) 

Cette  livraison  est  consacrée  auxpies,  aux  geais,  aux  pyr- 
rhocorax ,  aux  Jaseurs,  aux  voiliers  et  aux  loriots.  Les  planches 
sont  lithographiées  et  coloriées  avec  exactitude  et  avec  soin; 
et,  quoique  les  oiseaux  y  soient  rarement  représentés  de  gran- 
deur naturelle,  il  est  impossible,  après  avoir  vu  ces  dessins, 
de  ne  pas  reconnaître  les  espèces  qu'ils  figurent.  L'atlas  de 
M.  Werner,  le  plus  complet  qui  existe  en  ce  genre,  remplace 
donc,  on  peut  dire  avec  avantage,  une  collection  qu'on  ne 
seroit  pas  certain  de  se  procurer  avec  des  dépenses  considé- 
rables et  des  recherches  pénibles.  A.  M — t. 

i65.  —  Quelques  idées  sur  la  régénération  des  forets;  par 
M.  le  chevalier  Soulange-Bodin,  président  de  la  Société 
Linnéenne  de  Paris.  Paris,  1827;  an  secrétariat  de  la  Société 
Linnéenne,  rue  des  Saints-Pères,  n°  46.  L>8°  de  10  pages. 

Cet  écrit  est  le  discours  que  M.  Soulange-Bodin  a  lu  à  la 
séance  de  la  fête  champêtre  célébrée  par  la  Société  Linnéenne, 
le  24  mai  de  cette  année,  dans  les  bois  de  Bellevue,  près 
de  Meudon.  L'orateur,  bien  convaincu  de  la  nécessité  de  varier 
les  productions  végétales  confiées  au  même  sol ,  regarde  les 
terres  de  l'Europe  comme  épuisées  pour  la  production  des 
arbres  qu'elles  nourrissent  depuis  un  si  grand  nombre  de 
siècles;  il  pense  que  le  résultat  nécessaire  de  cet  appauvrisse- 
ment du  sol  est  la  dégénération  des  espèces  forestières,  dont  les 
dimensions etles qualités  décroîtront  sans  cesse,  à  moiusque  la 
prévoyance  de  l'homme  ne  vienne  au  secours  des  forêts.  Il  pro- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  4*i 

pose  de  remplacer  le  pins  tôl  p< >->^i I >l *■  ces  espèces  vieillies  par 
d'autres  qui  aient  toute  la  vigueui  de  Is  jeunease ,  el  que  l'Ame 
rique  peul  nous  fournir.  Il  v  a  certainement  des  vérités  dans  cei 
ici  ii;  mais  telle  esl  la  nature  de  l'intelligence  humaine',  que, 
pour  faire  admettre  les  vérités,  ci  sur  (oui  pour  les  rendre  ap- 
plicables ,  il  faut  qu'elles  se  présentent  avec  un  certain  appareil 
donl  la  raison  l'aii  les  apprêts.  Le  discours  de  I\ï.  Soulangc-Bodiu 
est  paré  (les  fleurs  de  l éloquence  :  il  reste  à  revêtir  ses  idées  des 
formes  simples  el  sévères  «lu  raisonnement.  C'est  une  disserta- 
tion dès  importante,  étendue,  pleine  de  laits  exposés  avec 
ordre,  qui  pourra  convaincre  lès  esprits,  et  déterminer  la  vo- 
lonté. Le  renouvellement  intégral  des  espèces1  forestières  est  nue 
entreprise  si  vas-le  el  île  si  longue  exécution  ,  (jne  l'on  ne  s'y 
décidera  point  sans  une  conviction  profonde,  impérieuse;  cette 
conviction  ne  peut  être  amenée  que  par  des  ouvrages  qui  ré- 
pandent l'instruction  et  le  désir  A\m  acquérir  encore  plus,  qui 
fassent  une  forte  impression  sur  les  esprits,  et  qui  fixent  une 
époque  dans  l'histoire  de  la  science.  F. 

i  (>(>.  -—  Mémoire  sur  l'éducation  classique  des  jeunes  médecins, 
par  le  docteur...  Paris,  1827  ;  Cosson  ,  rue  Saint-Germain-des- 
Prés,  u°.  9.  In- 8°. 

Cet  écrit,  adressé  en  forme  de  lettres  au  savant  docteur 
Clianssicr,  doit  servir  de  complément  à  deux  autres  mémoires 
publiés  par  l'auteur  en  1819.  Son  but  est  de  prouver  que  le 
texte  des  aphorismes  et  des  pronostics  d 'Hippocrate  est  fixé  pour 
toujours,  d'après  les  manuscrits;  et  comme  il  le  dit,  il  combat 
pro  mis  et  focis.  C'est  en  18 10  qu'il  a  rassemblé,  pour  la  pre- 
mière fois,  en  corps  de  doctrine  et  de  morale  les  préceptes 
du  père  de  la  médecine  ,  pour  les  offrir  à  la  génération  ac- 
tuelle; en  1  8 1  3 ,  époque  de  la  publication  de  son  travail,  le 
docteur  Bosquillon  donnait,  dans  son  cours,  les  plus  grands 
éloges  à  la  traduction  de  M.  Demercy  ;  jugement  qui  a  été  tour 
à  tour  confirmé,  combattu  ou  modifié.  Ce  dernier  parti  est 
celui  qu'adopta  l'auteur  de  l'article  Hippocrate ,  dans  la  Bio- 
graphie universelle;  quoi  qu'il  en  soit,  M.  Uemercy  (puisque 
son  nom  nous  est  révélé  par  ses  ouvrages)  a  bien  le  droit  de 
juger  à  son  tour  ceux  qui  se  présentent  après  lui  dans  la  car- 
rière ;  il  en  use  peut-être  avec  trop  peu  de  ménagement,  comme 
helléniste,  comme  médecin,  comme  ardent  zélateur  des  bonnes 
doctrines  et  des  études  classiques,  à  l'occasion  de  deux  livrai- 
sons qui  viennent  de  paraître  d'une  édition  nouvelle  des  œuvres 
complètes  d'Hippocrate.  «  On  distingue  facilement,  dit-il,  que 
le  but  de-  l'éditeur  a  été  de  puiser  dans  d'autres  ouvrages  ou 
traductions,  afin  de  faire  croire  à  ses  lecteurs  qu'il  se  serait 


4*3  LIVRES  FRANÇAIS. 

occupe  lui-même,  depuis  longues  années,  d'un  travail  de 
cetle  nature.  »  Douze  pages  sont  ensuite  consacrées  à  combattre 
pied  a  pied  ce  nouvel  éditeur.  «  S'il  avait  eu,  ajoute  le  docte  he'- 
léniste,  les  moindres  connaissances  en  littérature,  il  se  serait 
convaincu  par  l'examen  des  meilleurs  modèles ,  que  la  gloire 
de  corriger  un  texte  est  une  propriété  d'auteur,  que  l'on  ne 
peut  lui  ravir  impunément,  encore  que  les  manuscrits  anciens 
soient  des  sources  communes  où  il  est  permis  de  puiser;  que, 
si  quelquefois  on  parvient  à  faire  d'utiles  et  importantes  cor- 
rections au  texte  des  auteurs,  il  faut  bien  savoir  que  le  talent 
seul,  avide  d'une  juste  renommée,  ose  mettre  en  monnaie  cou- 
rante ces  trésors  de  sciences.  »  Voilà,  de  bon  compte,  des 
griefs  qu'un  auteur  ne  pouvait  passer  sous  silence  :  l'ignorance 
et  le  plagiat.  Nous  renvoyons  aux  nombreuses  citations  de 
M.  Demercy  les  personnes  qui  voudraient  acquérir  les  preuves 
de  ce  double  délit. 

Notre  critique  en  conclut  «  la  nécessité  de  fonder  une  chaire 
d'Hippocrate,  pour  pouvoir  y  enseigner,  expliquer  et  com- 
menter, sur  le  texte  grec,  les  chefs-d'œuvre  de  ce  père  de  la 
médecine;  c'est  là  précisément  le  commencement,  le  milieu  et  la 
fin  de  ce  mémoire.  »  En  effet,  ce  mémoire  s'ouvre  par  la  trans- 
cription de  lettres  patentes  de  Charles  IX,  ordonnant,  ce  qui, 
par  parenthèse,  se  pratique  encore  aujourd'hui,  de  soumettre 
à  un  examen  sévère  les  candidats  aux  places  vacantes  de  pro- 
fesseurs. La  création  du  Collège  royal,  par  François  Ier,  est 
opposée  à  la  contagion  actuelle  des  systèmes  et  des  fausses  doc- 
trines qui  se  sont  propagés,  s'il  faut  en  cioire  M.  Demercy,  au 
point  que  le  médecin  le  plus  instruit  sur  les  œuvres  d'Hippocrate, 
passerait  aux  yeux  des  novateurs  pour  le  plus  ignorant.  Nous 
observerons  que  Montaigne  ,  contemporain  de  François  Ier, 
prétendait  que  les  médecins  de  son  tems  sa\ aient  doctement 
Hippocrate  etGalien,  mais  qu'ils  ne  connaissaient  nullement  les 
malades.  L'accusation  était  un  peu  vive  :  celle  de  M.  Demercy 
l'est -elle  moins?  C'est  au  nom  d'Hippocrate,  et  en  faveur 
de  la  société  tout  entière,  qu'il  s'adresse  aux  contemporains 
et  qu'il  exhale  tous  ses  regrets  sur  la  négligence  que  l'on 
apporte  dans  l'explication  précise  des  sentences  du  père  de  la 
médecine.  Cette  seule  défection  (  nous  transcrivons  textuelle- 
ment ),  qui  provient  de  l'abandon  de  l'éducation  classique , 
coûte,  par  année,  la  vie  à  plusieurs  milliers  d'individus  ,  tandis 
que  l'on  enseigne  avec  profusion  aux  jeunes  gens  toutes  les 
sciences  accessoires  à  la  théorie  de  la  médecine.  La  règle  gé- 
nérale était  autrefois,  observe-t-il  enfin  ,  que  les  docteurs  en 
médecine  apprissent  le  grec.  Mais  le  grec  et  le  latin  ne  font-ils 


SCIENC1  S  PHYSIQUES.  ,  i  I 

l>as  encoi  e  aujourd'hui  la  base  des  études  classiques  ?  mais  est 
il  démontré  que  h  meilleur  helléniste  soil  toujours  le  meiMeiu 
médecin?  mais,  alors  qu'on  était  hérissé  de  grec,  la  vie  se 
prolongeait -elle  plus  que  sous  l'empire  des  systèmes?  Nous 
souscrivons  de  grand  coeur  à  la  propagation  des  bons  et  doctes 
euseignemens  et  de  l'étude  approfondie  des  langues  mortes;  el 
déjà  dans  toutes  les  langues  vivantes  il  y  a  plus  de  3 oo  édi- 
tions, traductions  et  commentaires  des  seuls  aphorismes.,  ce 
chef-d'œuvre  de  la  raison  humaine.  Ce  n'est  pas  assez  saris 
doute;  mais  l'observation  est  bien  aussi  quelque  chose.  llippo- 
crate  dur  beaucoup  à  la  famille  des  Asclépiaées  dont  il  fut  le 
membre  le  plus  distingué.  Dût-il  moins  à  son  génie,  à  cette 
science  infuse  avec  la  vie,  à  cette  patience,  à  ce  discernement 
(jui  l'accompagnaient  dans  ses  voyages?  Il  savait  «pie  la  vie  est 
courte  et  que  l'étude  en  absorbe  la  meilleure  partie.  Son  livre 
était  la  nature  et  l'homme.  Loin  de  nous  l'idée  de  nous  inscrire 
contre  l'érection  d'une  chaire  d'Uippocrate,  ne  dût-elle  servir 
qu'à  faciliter  la  séparation  de  l'or  pur  et  de  l'alliage,  en  ré- 
pandant la  connaissance  des  seuls  traités  qui  appartiennent 
réellement  à  ce  grand  maître.  R — n. 

167.  —  Exposition  de  la  doctrine  médicale,  allemande ,  par 
M.  UuRiNCE,  doct.  en  méd.  de  l'université  de  Gœttinguc,  etc. 
Paris,  1827;  Gabon.  In-8°  de  60  pages;  prix,  1  fr. 

Eu  Allemagne,  où  les  idées  philosophiques  occupent  plus 
les  esprits  que  dans  notre  pays,  on  a  souvent  essayé  de  les 
combiner  avec  les  faits  et  les  phénomènes  du  monde  matériel. 
Dans  les  divers  systèmes  où  cette  réunion  a  été  tentée,  ce  sont 
des  idées  spéculatives  et  conçues  à  priori  qui  servent  ordinai- 
rement de  fondement  à  l'édifice;  et  si,  par  suite,  les  sciences 
physiques  ne  s'y  trouvent  présentées  que  sous  un  faux  jour, 
afin  qu'elles  puissent  s'accommoder  au  besoin  des  doctrines 
philosophiques,  celles  ci  perdent  a  leur  tour  de  leur  élévation  , 
et,  dégradées  en  quelque  sorte  par  une  alliance  qui  les  rabaisse, 
ne  peuvent  plus  satisfaire  aux  besoins  de  l'âme  qui  les  ont 
inspirées. 

Les  systèmes  médicaux  de  cette  espèce  diffèrent  d'ailleurs 
entre  eux  en  raison  de  la  nature  des  idées  qui  leur  servent  de 
point  de  départ,  selon  qu'elles  remontent  pins  haut,  quelles 
sont  plus  ou  moins  transcendantes.  Ainsi,  par  exemple,  une 
doctrine,  dite  de  la  polarité,  est  particulièrement  professée 
dans  les  états  autrichiens;  elle  repose  surtout  sur  la  considé- 
ration de  ce  qu'elle  appelle  la  force  universelle  de  la  nature, 
force  primitive,  unique,  qui  cependant  se  compose  elle-même 
de  deux  forces  dites  polaires,  l'une  attractive  ou  COOtractive, 


4*4  LIVRES  FRANÇAIS. 

et  l'autre  tépulsive  ou  expnnsive,  en  opposition  constante,  ten- 
dant à  se  détruire  mutuellement,  et  qui,  agissant  partout  en 
se  Modifiant  sans  cesse,  produisent  tout,  animent  tout.  Au 
moyen  de  cette  première  donnée,  empruntée  à. une  hypothèse 
employée  par  les  physiciens  pour  se  rendre  raison  des  phéno- 
mènes électriques,  on  explique  la  nature  entière,  la  vie  elle- 
même  ,  et  les  innombrables  faits  de  détail  qui  en  dépendent. 
Mais,  quoiqu'on  soutienne  dans  cette  doctrine  que  tout,  dans 
l'univers,  est  animé  et  doué  de  vie,  jusqu'aux  pierres  des 
rochers,  et  qu'on  y  apprenne  comment  se  forme  la  matière  par 
le  simple  conflit  des  forces  répulsive  et  attractive,  qui  se  rendent 
sensibles  dans  f  espace  en  constituant  une  chose  (voy.  le  Journal 
des  Progrès  des  Sciences  et  Institutions  médicales ,  Paris,  1827  ; 
3?  vol.  ),  ce  n'est  cependant  là  que  de  la  hante  physique;  ce 
n  est  point  encore  de  la  véritable  métaphysique,  telle  que  celle 
qui  sert  de  base  à  la  doctrine  médicale  allemande  dont  M.  Du- 
ringe  se  rend  l'interprète. 

A  la  vérité  ,  beaucoup  de  choses  sont  communes  à  ces  deux 
doctrines.  Il  est  encore  question,  dans  celle-ci,  de  polarité- 
positive  et  négative,  d'une  force  productive,  de  deux  forces 
opposées  entre  elles,  etc.;  mais,  au  lieu  de  commencer  mo- 
destement par  l'attraction  et  la  répulsion,  elle  s'élève  au  monde 
intellectuel,  à  l'idéal  qui  a  précédé  le  monde  matériel,  enfin 
à  l'absolu.  «  C'est  du  principe  absolu,  dit  M.  Duringe,  cjue 
doivent  partir  toutes  les  recherches  dans  la  médecine;  car  on 
ne  peut  concevoir  l'existence  d'un  être  quelconque  qu'en  le 
considérant  par  rapport  à  son  origine,  à  sa  nature.  Ce  principe 
étant  la  source  de  toute  vie  organisée  et  inorganisée,  est  la 
base  de  la  physiologie  et  de  la  pathologie.  »  Si  le  sort  des 
sciences  médicales  était  lié  à  ia  connaissance  de  l'absolu,  à 
celle  de  l'origine  des  êtres,  elles  languiraient  encore  dans 
l'enfance,  tandis  qu'il  a  suffi  de  la  simple  observation  et  de 
l'expérience  bien  dirigées  pour  les  amener  au  degré  avancé 
de  développement  où  elles  sont  parwnues. 

Loin  de  nous  cependant  la  pensée  de  vouloir  jeter  de  la  dé- 
faveur sur  les  doctrines  de  la  philosophie  transcendante,  même 
sur  celles  qui  sembleraient,  au  premier  abord,  se  rapprocher 
du  mysticisme;  ce  que  nous  blâmons,  c'est  l'application  qu'on 
en  veut  faire  aux  sciences  physiques ,  application  qui  non 
seulement  égaie  ces  dernières  dans  de  fausses  routes,  en  invo- 
quant  des  analogies  superficielles,  de  prétendues  harmonies, 
d'apparens  contrastes;  mais,  nous  le  répétons,  ont  en  outre  le 
défaut  de  faire  perdre  de  vue  le  seul  but,  souvent  sublime  ,  des 
conceptions   philosophiques.  Ainsi ,  dans  la   doctrine  exposée 


SCIENCES  rinsioi  JvS.  4^ 

par  M.  Dminge,  «I«-  l'absolu  sort,  comme  deuxième  ordre  de 
choses ,  une  h  lade  formée  de  I  idéal  <>u  subjectif  et  du  réel  ou 
objectif)  puissances  contraires,  réunies  par  une  troisième, 
nommée  force  formatrice  ou  synthétique.  Qui  ne  croirait  re- 
trouver ici  eelte  an(i(|lie  allégorie,  celte  eelebre  triade  (pli 
domine  le  platonisme  et  y  a  été  expliquée  dans  Irois  systèmes 
différens,  Ahéologiquement ,  allégoriquemenl  ,  el  enfin  physi 
i]  ne  ; nent;  triade  que  Platon  avait  empruntée  à  Timée  de  I  «ocres, 
disciple  lui  même  de  Pythagore,  lequel  l'avait  trouvée  dans  la 
trimourti  des  Indiens.  i\oii>  savions  que  cette  mystérieuse  con- 
ception avait  beaucoup  occupé  les  philosophes  allemands  ,  qui , 
depuis  KLant,  ont  suivi  les  opinions  de  Schelling  ou  les  ont 
plus  ou  moins  modifiées;  mais  nous  ne  pensions  pas  qu'on  fût 
arrivé  an  point  d'eu  trouver  un  exemple  dans  le  kaliqui,  réuni 
à  l'avilit:  y  produit y  par  la  force  synt/it:ti</in' ,  un  sel.  C'est  partir 
de  bien  liant  pour  tomber  bien  bas.  Quand  il  y  aurait  quelques 
\nc>>  utiles  dans  ce  (pie  l'auteur  de  cette  brochure  dit  des 
lièvres,  comme  échantillon  de  sa  doctrine,  les  idées  étranges 
qu'il   y    mêle    en    détruiraient  toute   la    valeur, 

Rigollot  (ils,  D.-M. 

168.  —  *  Application  de  F  arithmétique  au  commerce  et  à  la 
banque,  d'après  les  principes  de  Bczout  ;  par  /.  -  B.  Juvigny. 
Tra  ù  irme  édition.  Paris,  1827;  Renard;  Bachelier.  In  -  8°  ; 
prix,  7  IV. 

L'Arithmétique  deBezout  est,  comme  les  autres  ouvrages  de 
ce  savant,  écrite  avec  un  ordre  et  une  clarté  que  personne  ne 
conteste;  et  le  reproché  qu'on  fait  à  la  rédaction  de  cette  par- 
tie de  la  science  est  seulement  d'être  incomplète  et  de  ne  pas 
traiter  les  questions  délicates  relatives  aux  propriétés  des  nom- 
bres et  à  leurs  combinaisons.  Mais  ces  lacunes  ne  sont  pas  un 
défaut,  lorsqu'on  destine  l'ouvrage  à  l'enseignement  de  la  par- 
tie des  calculs  qui  est  nécessaire  aux  commereans;  peut  -  être 
même  sont-elles  avantageuses,  parce  qu'elles  limitent  mieux 
rétendue  des  sujets  que  l'on  doit  considérer,  en  rejetant  tout 
ce  qui  n'est  pas  directement  utile.  On  doit  donc  louer  M.  Ju- 
vigny davoir  emprunté  à  Bezoutla  théorie  et  la  logique  sur  les- 
quelles l'art  du  calcul  est  basé.  C'est  une  amélioration  notable 
laite  ;t  une  entreprise,  déjà  couronnée  d'un  plein  succès.  L'au- 
teur a  réduit  les  deux  volumes  de  ses  précédentes  éditions  à  un 
seul  ;  c'est  un  livre  entièrement  refait,  et  qui  nous  a  paru 
beaucoup  meilleur  qu'il  n'était.  Les  exemples  de  Bczout  ont  été 
remplacés  par  d'autres  tiré-,  des  usages  et:  des  besoins  du  com- 
merce. Les  emprunts  faits  à  ce  savant  n'excèdent  pas  80  pages; 
le  reste  du  livre  est  consacré  à  l'application  des  principes  de 


,2(5  LIVRES  FRANÇAIS. 

l'arithmétique  à  toutes  les  règles  commerciales  :  tels  sont  les 
arbitrages,  les  négociations,  l'évaluation  des  comptes  cou- 
rans   et  des  prix  des  liqueurs,  les  escomptes  et  intérêts,  des 

notions  sur  les  monnaies  réelles  et  de  compte,  la  théorie  des 
opérations  sur  les  fonds  publies,  français  et  étrangers,  etc. 
Nous  recommandons  aux  praticiens  la  lecture  de  cet.  ouvrage, 
où  ils  trouveront  des  notions  exactes  présentées  avec  ordre 
et  discernement  ;  c'est  un  excellent  Traité  (l'arithmétique  com- 
merciale. 

169.  —  *  Supplément  au  Traité  de  Géodésie ,  contenant  de 
nouvelles  remarques  sur  plusieurs  questions  de  géographie  ma- 
thématique, et  sur  l'application  des  mesures  géodésiques  et  as- 
tronomiques à  la  détermination  de  la  figure  delà  terre;  par  L. 
Puissant,  lieutenant-  colonel  au  corps  royal  des  ingénieurs 
géographes,  etc.  Paris,  1827  ;  Bachelier.  In-4°  de  125  pages  , 
accompagné  de  tables;  prix,  7  fr.  5o  c. 

Les  dernières  opérations  géodésiques  faites  en  France  ont 
excité  les  recherches  des  savans  sur  le  parti  ie  plus  favorable 
à  tirer  des  résultats  obtenus,  pour  déterminer  l'aplatissement 
terrestre.  M.  Puissant  a  publié  sur  ce  sujet  plusieurs  mémoires 
insérés  dans  la  Connaissance  des  tems.  Ces  utiles  travaux  sont 
ici  reproduits  par  l'auteur.  Il  y  a  joint  divers  autres  écrits  dont 
le  but  est  de  rendre  les  applications  numériques  plus  faciles  , 
en  ce  qui  concerne  la  mesure  trigonométriquedes  hautes  som- 
mités, les  calculs  d'azimuts  et  de  latitudes,  la  détermination 
des  longitudes,  etc.  On  y  trouve  aussi  d'importantes  remarques 
sur  les  mesures  du  pendule  et  la  loi  de  décaissement  de  la  pe- 
santeur à  la  surface  terrestre.  Cette  nouvelle  production  de 
M.  Puissant  est  digne,  sous  tous  les  rapports,  de  cet  habile 
géomètre;  elle  complète  son  grand  Traité  de  Géodésie,  et  les 
personnes  qui  ont  cet  ouvrage  dans  leur  bibliothèque  doivent 
y  ajouter  celui  que  nous  annonçons. 

1  70.  —  *  Histoire  de  l'astronomie  au  dix-huitième  siècle  ;  par 
Delambke,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  sciences, 
professeur  d'astronomie  au  collège  de  France,  membre  du  bu- 
reau des  longitudes,  etc.  ;  publiée  par  M.  Mathieu,  de  l'Aca- 
démie des  sciences  et  du  bureau  des  longitudes.  Paris,  1827  ; 
Bachelier. In-4°  de  800  pages,  accompagné  de  planches  et  du 
portrait  de  Delambre;  prix,  36  fr. 

Les  savans  attendaient  avec  impatience  la  publication  d'un 
volume  qui  complète  l'histoire  de  l'astronomie,  que  la  mort 
douloureuse  de  son  illustre  auteur  semblait  devoir  laisser  im- 
parfaite. Le  savant  M.  Mathieu  a  bien  voulu  se  charger  de 
revoir  les  manuscrits  de  Delambre  dont  il  n'y  avait  que  huit 


SCIKNCES  PHYSIQUES.  ,77 

feuilles  imprimées,  à  l'époque  de  son  décès,  de  vérifier  sur 
mvrages  originaux  les  diverses  citations,  et  d'i  ajouter, 
[lie  cela  riait  nécessaire,  des  notes  explicatives.  Enfin,  ce 
beau  monument  élevé  à  l'astronomie  est  achevé,  e!  1rs  savans 
peuvent  jouir  des  immenses  travaux  qu'il  a  nécessités.  Cette 
période  du  xvniesiècle  esl  précisément  celle  où  cette  science  a 
lait  de  plus  grands  progrès,  et  où  les  génies  les  plus  célèbres 
ont  concouru  à  la  perfectionner  et  à  l'étendre.  C'est  à  Newton 
que  la  série  commence,  quoiqu'il  soit  né  au  milieu  «lu  siècle 
précédent,  parce  que  la  longue  et  illustre  cai  rière  <!e  cet  homme 
extraordinaire  a  donné  aux  découvertes  subséquentes  un  carac- 
tère particulier.  1  /ouvrage  rapporte  celles  qui  sont  spécialement 
dues  à  Newton ,  et  les  oppositions  qu'elles  ont  rencontrées.  On 
\  voit  (jne  la  douceur  et  l'amabilité  n'étaient  pas  des  vertus  que 
cet  astronome  recherchât;  car,  suivant  un  passage  de  AVhiston  : 

Newton  était  du  caractère  le  pi  us -craintif,  le  plus  cauteleux  et 
le  plus  soupçonneux  que  j'aie  jamais  connu  ;  et  s'il  eût  été  vi- 
vant, quand  j'écrivis  contre  sa  chronologie,  je  n'eusse  pas  osé 
publier  ma  réfutation;  car,  d'après  la  connaissance  que  j'avais 
de  son  caractère  ,  j'aurais  dû  craindre  qu'il  ne  me  Huit. 

L'auteur  rapporte  les  découvertes  astronomiques  de  Flams- 
teed  et  de  Halley  :  celles  de  Le  Marinier  et  des  descendans  Cas- 
sini  viennent  ensuite;  puis  les  travaux  des  académiciens' fran- 
çais pour  mesurer  un  arc  du  méridien  près  du  pôle  et  sous 
l'équatcur,  opérations  qui  ont  rendu  célèbres  Bougucr  et  AJau- 
pertuis ,  apôtres  l'un  de  Descartes,  l'autre  de  Newton ,  et  dont 
le  dernier  est  devenu  ridicule  par  ses  querelles  avec  Kœnig  et 
Voltaire,  en  se  faisant  peindre  dans  l'action  d'un  homme  qui 
aplatit  les  pôles  de  la  terre.  Les  travaux  de  Bradley,  de  Maycr  et 
de  LacaiUe  occupent,  dans  l'ouvrage  de  Delambre,  une  étendue 
proportionnée  à  leur  importance.  Viennent  ensuite  ceux  de 
Lata/ide  ,  Mashelyiw ,  Le  Gentil,  Dusé/our,  contemporains  de 
notre  jeune  âge  ;  et  ceux  de  l'infortuné  Baillj  qui  dut  à  son  im- 
mense savoir  l'honneur  d'être  de  trois  Académies  ,  et  une  célé- 
brité qui  lui  faisait  dire  que  tous  les  bonheurs  paraissaient 
avoir  été  faits  pour  lui }  peu  de  teins  avant  de  tomber  victime  des 
fureurs  des  factions.  Fràxcoeur. 

171.  —  *  Mémoire  sur  les  roues  hydrauliques  a  aubes  courbes, 
mues  par-dessous,  suivi  d'expériences  sur  les  effets  mécaniques 
de  ces  roues;  par  M.  PoHCELitT,  capitaine  au  corps  royal  du 
génie)  etc.  Nouvelle  édition,  revue,  corrigée  et  augmentée 
d'un  second  Mémoire  sur  tes  expériences  en  grand  relatives  à  la 
nouvelle  roue,  contenant  une  instruction  pratique  sur  la  manière 
de  procéder  h  son  établissement.  Metz,  18*27;  ^I",L  veuve  Thiel. 
In~4°  de  146  p;»gcs,  et  une  planche,  prix,  7  fr. 


:\±S  LIVRES  FRANÇAIS. 

Nous  espérions  qu'il  nous  serait  possible  de  consacrer  quel- 
ques pages  à  nue  analyse  de  l'important  mémoire  deM.  Poncelet, 
(  t  de  l'addition  qu'il  y  a  faite  :  mais  l'accumulation  toujours 
croissante  des,  ouvrages  dont  la  Revue  Encyclopédique  doit 
fendre  compte  renverrait  à  une  époque  trop  éloignée  l'article 
où  nous  aurions  développé  ce  que  nous  n'avons  encore  pu 
dire  qu  en  peu  de  mots  sur  le  premier  mémoire,  et  où  nous 
aurions  fait  mention  des  expériences  qui  sont  le  sujet  de  l'ad- 
dition. Ce  nouveau  mémoire,  qu'il  faut  regarder  comme  insé- 
parable du  premier,  est  celui  que  les  praticiens  consulteront 
le  plus  .souvent,  et  qui  aura  contribué  le  plus  à  faire  adopter 
la  nouvelle  roue  hydraulique  de  M.  Poncelet.  C'est  sur  une 
de  ces  roues  établies  sur  la  Moselle  pour  faire  mouvoir  une 
scierie  que  le  savant  auteur  a  fait  ses  expériences  :  les  résul- 
tats qu'il  a  obtenus  sont  des  données  que  l'on  peut  employer 
avec  une  entière  confiance.  M,  Poncelet  l'a  décrit  avec  soin, 
ainsi  que  les  moyens  dont  il  a  fait  usage  pour  déterminer  son 
effet  utile,  et  trouver  le  maximum  dont  il  est  susceptible.  Le 
détail  des  expériences,  et  les  observations  auxquelles  on  est 
conduit  par  l'ensemble  des  faits  sont  exposés  avec  une  netteté 
et  une  précision  remarquables.  M.  Poncelet  en  déduit  la  con- 
firmation de  ce  qu'il  avait  annoncé  dans  son  premier  mé- 
moire :  que  la  nouvelle  roue  appliquée  à  une  chute  d  eau  d'en- 
viron deux  mètres  était  capable  de  produire  un  effet  utile  égal 
aux  trois  cinquièmes  de  la  force  totale,  et  que  pour  les  chutes 
qui  n'excéderaient  pas  treize  décimètres,  l'effet  utile  pouvait 
s'élever  jusqu'aux  deux  tiers. 

L'instruction  sur  l'établissement  des  roues  à  aubes  était  d'au- 
tant plus  nécessaire,  que  le  calcul  doit  fixer  préalablement 
toutes  les  dimensions  de  ces  roues  et  de  leurs  accessoires. 
Après  ces  opérations  indispensables,  M.  Poncelet  fait  le  cal- 
cul de  la  vitesse  et  de  la  force  de  la  roue,  en  prenant  pour 
exemple  quelques-unes  de  celles  qu'il  a  citées  dans  son  mé- 
moire. Les  notes  que  l'auteur  a  mises  à  la  fin  ne  sont  pas 
seulement  des  additions  et  des  éclaircissemens  :  les  lecteurs 
les  regarderont  comme  une  partie  essentielle  des  deux  mé- 
moires. F. 

172. — *  Exposé  de  quelques  principes  nouveaux  sur  l'acous- 
tique et  la  théorie  des  vibrations,  et  leur  application  à  plusieurs 
phénomènes  de  la  physique;  par  M.  le  baron  Blein,  ancien 
officier  général  du  génie.  Paris,  1827;  l'auteur,  rue  desGrands- 
Augustins,  n°  9.  In-4°  de  44  pages,  avec  une  planche  et  un 
tableau. 

Ce  mémoire  a  été  soumis  au  jugement  de  l'Académie;  nua* 


ulCiftCES    J |      j 

les  commissaires  chai  gés  *  1  «  *  l'examiner  n'onl  pas  encoi  >•  énoncé 
leur  opinion.  En  effet,  les  questions  dont  M.  Blein  donne  In 
solution  sont  tellement  spéciales  el  bois  de  la  voie  des  re- 
cherches de  presque  ions  les  sa  vans,  que  ceux  qui  en  ont  fait 
l'objet  de  leurs  méditations  parviennent  difficilement  à  se  faire 
comprendre,  el  ne  peuvent  trouver  qu'un  très-peiit  nombre 
de  juges  compétens.  L'auteur  embrasse  ions  les  phénomènes 
de  la  nature  auxquels  la  théorie  des  vibrations  peul  être  ap- 
pliquée; celle  généralité  est  une  difficulté  de  pins.  Il  nous 
sérail  donc  impossible  d'exposer  en  peu  de  mots  des  doctrines 
sur  lesquelles  il  faut  que  l'attention  s'arrête  long-tems,  et  ne 
considère  l'ensemble  qu'après  s'être  assurée  que  chaque  partie 
est  suffisamment  connue.  Les  lecteurs  capables  de  cette  mesure 
d'attention  feront  très-bien  de  lire  le  mémoire  de  M.  Blein-;  la 
plupart  des  physiciens  paraissent  se  rapprocher  de  quelques- 
unes  de  ses  opinions;  c'est  un  motif  de  plus  pour  qu'on  les  mé- 
dite. Espérons  que  l'Académie  des  sciences  ne  perdra  pas  de 
vue  le  rapport  qui  doit  lui  être  fait  sur  ces  mémoires. 

«J'espère*  dit  M.  le  général  Blein,  dans  \\n  Avis  prélimi- 
rtaiie,c\ue  l'on  ne  me  blâmera  point  d'avoir  employé  quelques 
loisirs  à  des  recherches  yu\  peu  éloignées  de  mes  anciennes 
fonctions.  MM.  de.  Lacépède  et  Vrony  ont  composé  des  sym- 
phonies, des  chants  et  des  chœurs.  Le  général  Buloiv,  que  j'ai 
connu,  celui-là  même  qui  nout  battit  à  Dennewitz,  m'apprit 
qu'il  avait  composé  une  messe  à  grand  orchestre.  De  tels  exemples 
suffisent  pont  ma  justification.»  Y. 

173. —  Traite  de  physique  appliquée  aux  arts  et  métiers ,  et 
principalement  à  la  construction  des  fourneaux,  des  calori- 
fères à  air  et  à  vapeur,  des  machines  à  vapeur,  des  pompes;  à 
l'art  du  fumiste,  de  l'opticien,  du  distillateur;  aux  secheries, 
artillerie  à  vapeur,  éclairage,  bélier  et  presse  hydrauliques  , 
aréomètre  ,  lampes  à  niveau  constant,  etc.  Par  M.. T.  J.  V.  Gun.- 
i.oun,  professeur  de  mathématiques.  Paris,  1827;  Raynal, 
rue  Pavée-.St.  André  des-Arcs,  n°  i3.  Jn-12  de  484  pages, 
orné  de  160  ligures;  prix,  5  fv.  5o  c. 

Le  litre  énonce  le  but  de  l'auteur  et  les  sujets  qu'il  a  traités. 
11  faut  pourtant  dire  qu'il  promet  plus  de  choses  qu'il  n'en 
donne;  car  il  ne  dit  rien  sur  l'éclairage;  il  expose  des  principes 
trop  succincts  d'optique  ,  pour  que  les  constructeurs  de  lunettes 
puissent  y  trouver  les  règles  pratiques  de  leur  art;  le  fumiste 
n'y  puisera  non  plus  que  des  préceptes  généraux  dont  on  ne 
lui  donne  pas  les  moyens  de  faire  usage  dans  1rs  cas  particu- 
liers qu'il  doit  rencontrer,  etc.  Toutefois  ce  livre  peut  rendre 
des  services  à  l'industrie,  ne  fût-ce  qu'en  montrant  l'utilité  des 


43o  LIVRES  FRANÇAIS. 

calculs  avant  de  filire  des  entreprise:;,  bien  que  les  résultats 
numériques  qu'on  obtient  soient  ordinairement  imparfaits.  Je 
regrette  que  l'auteur  se  soit  interdit  l'usage  des  formules  algé- 
briques (ne  les  eût-il  données  qu'en  notes,  s'il  avait  craint  que 
ce  langage  fût  inconnu  de  plusieurs  de  ses  lecteurs)  :  il  aurait 
rendu  son  livre  plus  utile.  Du  reste,  on  reconnaît  aisément  que 
cet  ouvrage  est  écrit  par  un  des  auditeurs  du  cours  de  M.  Clé- 
ment, dont  il  transmet  toutes  les  opinions  systématiques.  Ce 
savant,  dans  ses  leçons ,  généralement  fort  intéressantes,  ob- 
serve la  même  marche  et  les  mêmes  procédés  de  calcul  :  ses 
nombreux  auditeurs  pourront  tirer  un  grand  parti  de  l'ou- 
vrage de  M.  Guilloud  pour  le  suivre  avec  plus  de  facilité. 
L'optique ,  l'électricité  ,  l'acoustique,  etc. ,  sont  traitées  beau- 
coup trop  succinctement  pour  que  cette  partie  du  livre  soit  de 
quelque  utilité.  On  remarque  aii^si  des  phrases  qui ,  pour  être 
exactes,  auraient  besoin  de  plus  de  développemens,  et  qui, 
dans  leur  énoncé  textuel,  pris  à  la  lettre,  sont  erronées;  assu- 
rément, l'auteur  ne  les  entend  pas  de  celte  manière;  mais  le 
lecteur  pourrait  s'y  tromper.  Il  serait  à  désirer  que  ,  dans  une 
prochaine  édition,  M.  Guilloud  donnât  plus  d'étendue  à  son 
ouvrage  ,  et  multipliât  les  exemples,  en  appliquant  les  théories 
qu'il  expose  aux  cas  variés  qui  se  présentent  le  plus  ordinaire- 
ment dans  les  arts. 

1 7  4-  —  Manuel  des  jeux  de  calcul  et  de  hasard  ou  Nouvelle 
Académie  des  Jeux,  contenant:  i°  tous  les  jeux  préparés 
simples,  tels  que  les  jeux  de  mots,  les  jeux  de  l'oie,  loto,  do- 
mino, etc.;  les  jeux  préparés  composés,  comme  dames,  tric- 
trac, échecs,  billard,  etc.;  i°  tous  les  jeux  de  cartes,  soit 
simples,  soit  composés  :  i°  les  jeux  d'enfant,  comme  la  bataille, 
la  brisque,  la  freluche,  etc.  ;  a0  les  jeux  communs,  tels  que  la 
bête,  la  mouche,  le  lenlurelu,  la  triomphe,  etc;  3°  les  jeux  de 
salon,  connue  le  boston,  le  reversis,  le  whiste;  4°  les  jeux  d'ap- 
plication, comme  l'ombre,  le  piquet,  etc.;  5°  les  jeux  de  dis- 
traction, comme  le  commerce,  le  vingt-et-un,  etc.;  6°  les  jeux 
spécialement  dits  de  hasard,  tels  que  le  pharaon,  le  trente-et- 
quarante,  la  roulette,  etc.;  un  Appendice  contenant  les  jeux 
étrangers,  comme  les  tarrots  suisses,  etc.,  et  les  jeux  de  com- 
binaison gymnastiques ,  comme  la  paume,  le  mail,  etc.;  avec 
des  recherches  sur  leur  origine  et  leurs  probabilités,  des  anec- 
dotes historiques  relatives  à  plusieurs  d'entre  eux  ,  et  les  déci- 
sions des  plus  habiles  joueurs  sur  les  coups  difficiles;  précède 
des  règles  générales  communes  à  tous  les  jeux,  et  suivi  d'un 
vocabulaire  de  tous  les  termes  usités  dans  les  jeux;  par  M.  Lr- 
kiiun,  de  plusieurs  académies.  Paris,  1M27;  Roret.  In-18  de 
365  pages;  prix,  3  fr. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  4Î1 

En  copiant  littéralement  le  litre  de  ce  petit  ouvrage,  nous 
nous  gommes  dispensés  de  l'analyser,  pince  qnon  y  trouve  des 
notions  fort  claires  de  tout  ce  qu'il  renferme.  Les  personnes  qui 
se  livrent  par  goût  aux  genres  de  délassemens  qui  v  sont  décrits, 
l<-  consulteront  avec  intérêt ,  lorsqu'il  s'agira  de  décider  du  ré- 
sultat de  quelque  circonstance  difficile.  En  fait,  c'est  une  aca- 
démie des  jeux  très  complète  et  parfaitement,  à  la  hauteur  du 
sujet.  Fa  INCOEUa. 

i7r>. —  L'art  de  fabriquer  la  porcelaine,  suivi  d'un  Vocabu- 
laire des  mots  techniques  ,  et  d'un  Traité  de  la  peinture  et  dorure 
sur  la  porcelaine  ;  par  F.  Bastenaire-Daudenart,  ancien  ma- 
nufacturier, etc.  Paris,  1827;  Malher.  a  vol.  in-12,  de  402- 
43a  pages,  avec  plusieurs  planches;  prix,  9  fr.  cartonne. 

RI.  Daudeuart  commence  par  une  revue  des  ouvrages  pu- 
bliés jusqu'à  présent,  en  France,  sur  l'art  de  fabriquer  la  por- 
celaine. Il  est  sévère  dans  ses  jugemens  sur  le  mérite  de  ses 
devanciers;  il  ne  se  reporte  peut  être  pas  assez  à  l'époque  où 
ils  écrivirent ,  et  ne  tient  pas  assez  compte  de  ce  qu'étaient  alors 
les  connaissances  chimiques  et  l'art  lui-même.  Il  s'est  donc 
imposé  l'obligation  d'offrir  au  public  un  livre  qui  mérite  les 
éloges,  non  seulement  de  la  génération  pour  laquelle  il  est  fait, 
mais  de  celle  qui  lui  succédera.  Comme  les  progrès  des  sciences 
et  des  arts  se  ralentissent  en  approchant  du  terme  de  leur  per- 
fection, ce  traité  sera  peut-être  assez  iong-tems  le  meilleur  (pie 
l'on  puisse  consulter;  l'auteur  s'est  attaché  à  le  rendre  clair, 
méthodique  et  complet;  on  y  trouvera  les  connaissances  du 
chimiste  unies  à  celles  du  manufacturier.  Dans  une  autre  édi- 
tion, il  sera  très-utile  de  mettre  des  échelles,  afin  de  faire  con- 
naître non  seulement  la  forme,  mais  les  dimensions  réelles  des 
objets  que  les  planches  représentent.  Cette  observation  peut 
s'appliquer  à  presque  tous  les  écrits  sur  les  arts.  !'. 

176. —  Abrégé  de  la  Nouvelle  Géographie  universelle ,  pliysi- 
que ,  politique  et  historique 3  d'après  le  plan  de  William  Gutiirie, 
rédigé  depuis  son  origine  (1800)  jusqu'à  ce  jour,  par  Hyacinthe 
Langlois;  onzième  édition ,  entièrement  refaite,  et  augmentée 
de  1,700  pages,  avec  les  nouvelles  divisions  conformes  à  l'état 
politique  de  l'Europe  et  des  autres  parties  du  monde,  les  der- 
nières découvertes;  les  sources  et  autorités  sont  citées  à  chaque 
article.  Paris,  1827;  Hyacinthe  Langlois  père,  rue  de  Bussy, 
n°  16.  3  très  forts  vol.  in-8°,  formant  ensemble  3, 370  pages, 
(210  feuilles);  prix,  36  IV.;  grand  in  8°  papier  vélin  grand-raisin, 
5o  fr.;  le  même,  avec  le  nouvel  Atlas  universel  portatif "de  géo- 
graphie ancienne  et  moderne,  contenant  3o,  cartes,  par  Ar- 
rowsmitîi   et  Danvii.le  ,    quatrième  édition   revue   et  corrigée 


,W  LIVRES  FRANÇAIS; 

d'après  les  nouvelles  divisions  des  états  de  l'Europe  et  des 
autres  parties  du  globe,  par  Frémin,  géographe,  i  vol.  petit 
in-folio,  cartonné  à  la  Bradel;  prix,  57  fr.  ;  papier  vélin  avec 
latins,  70  fr. ;  l'atlas  se  vend  séparément  25  fr. 

177. — *  Nouvelle  Géographie  méthodique  destinée  à  l'ensei- 
gnement, par  MM.  Achille  Meissas  ,  élève  de  l'abbé  Gaultier,  et 
Auguste  Michelot,  chef  d'institution,  ancien  élève  de  l'Ecole 
polytechnique  :  suivie  d'un  petit  Traité  sur  la  construction  des 
cartes,  par  M.  Charle ,  géographe  attaché  au  dépôt  de  la 
guerre;  accompagné  d'un  Atlas  in-folio,  dressé  par  le  même. 
Paris,  1827.  Brunot-Labbe;  Baudouin  frères.  In- 12  de  356  pag-, 
avec  2  planches  gravées;  prix,  2  fr.  5o  c,  le  texte  cartonné. 
Atlas  élémentaire ,  7  fr.  ;  id. ,  avec  5  cartes  muettes,  12  fr.  5o  c. 
Atlas  universel,  composé  de  onze  cartes  écrites,  12  fr.  5o  c. ; 
idem,  avec  les  5  cartes  muettes ,  18  fr. 

Nous  ne  ferons  qu'un  petit  nombre  d'observations  sur  cet 
ouvrage  dont  l'utilité  sera  mieux  appréciée  à  mesure  qu'il  sera 
plus  répandu.  Au  premier  coup-d'ceil,  il  semble  que  la  con- 
struction des  cartes  n'aurait  pas  dû  être  renvoyée  à  la  fin,  et 
que  la  connaissance  de  l'instrument  qu'on  emploie  est  indispen- 
sable pour  en  faire  un  bon  usage.  Mais  il  faut  remarquer,  et 
nous  aurons  plus  d'une  fois  l'occasion  de  le  répéter,  qu'il  s'agit 
d'enseigner  la  géographie  à  des  enfans,  et  que,  par  conséquent, 
sans  négliger  d'exercer  l'intelligence  autant  qu'il  est  possible, 
il  faut  confier  à  la  mémoire  tout  ce  dont  elle  doit  demeurer 
seule  dépositaire.  Ainsi,  après  les  définitions  et  l'exposition  des 
principales  divisions,  et  des  connaissances  encore  superficielles 
de  la  géographie  astronomique,  on  a  dû  placer  les  notions  élé- 
mentaires de  géographie  politique.  La  cosmographie,  qui  exige 
plus  d'efforts  d'intelligence,  a  dû  venir  ensuite,  et  fournira  la 
géographie  physique  des  connaissances  dont  elle  ne  peut  se 
passer.  Tandis  que  les  jeunes  élèves  parcourent  ces  divers  de- 
grés d'enseignement,  l'intelligence  se  fortifie  de  plus  en  plus, 
et  par  l'exercice  et  par  l'effet  de  l'âge  :  il  est  tems  alors  d'arriver 
à  la  construction  des  cartes,  notions  plus  difficiles  à  bien  com- 
prendre que  toutes  celles  qui  ont  précédé.  L'ordre  suivi  par 
les  auteurs  de  cet  ouvrage  est  donc  celui  dn  développement 
progressif  de  l'intelligence  des  enfants,  et  par  conséquent  le 
meilleur  pour  l'enseignement.  On  ne  sera  pas  moins  satisfait 
des  détails  que  de  l'ensemble;  les  auteurs  ont  réussi  à  rassem- 
bler dans  un  petit  volume  un  assortiment  de  connaissances 
toutes  applicables,  telles  qu'elles  sont,  et  dont  on  pourra  com- 
pléter par  la  suite  les  différentes  divisions,  sans  avoir  besoin 
de  faire  aucune  réforme  dans  ce  que  l'on  sait. 


SCIENCES  PHYS1Q1  ES.     SCIENCES  MORALES.     {11 

L'usage  des  caries  muettes  »  si  on  moyen  d'éludé  que  la  géo 
graphie  possède  aujourd'hui  beaucoup  mieux  cm  aucune  autre 
science ,  mais  «Ion;  on  de  v  rail  ci  cm  lie  1  usage  à  toutes  celles  qui 
peuvent  être  mises  sons  la  forme  de  tableaux;  et  les  science, 
qui  exercent  à  la  lois  l'intelligence  et  la  mémoire  sont  dans  ce 
c  is.  Espérons  que  cet  enseignement  aussi  agréable  que  facile 
fera  (les  progrès  :  il  est  sans  (Joute  inutile  de  le  recommander 
spécialement  à  ceux  qui  s'occupent  de  la  propagation  des  con- 
naissances usuelles.  1'. 

Scienees  religieuses,  morales ^  politiques  et  historiques. 

178. —  *  Restitue  de  C  histoire  des  traditions  morales  et  reli- 
gieuses citez  les  divers  peuples,  par    M.  j>k  S...  Seconde  édition 

revue.  Paris,  189.7;  Lecointe  et  Durey.  In-18;  prix,  3  fr. 

La  première  édition  de  ce  Résumé,  tirée  à  i  5oo  exemplaires, 
s'est  épuisée  en  très- peu  de  tems,  sans  aucune  réclamation  de 
la  part  de  l'autorité.  Il  n'en  a  pas  été  de  même  de  celle  que 
nous  annonçons  :  elle  a  été  déférée  aux  tribunaux,  et  l'on  connaît 
les  jugemens  qui  en  sont  émanés.  A  Dieu  ne  plaise  qu'il  entre 
jamais  dam  ma  pensée  d'affaiblir  le  respect  qui  leur  est  dû.  Pilais, 
je  l'avouerai,  je  crains  toujours  que  ces  poursuites  contre  ceux 
que  Ton  regarde  comme  les  adversaires  du  christianisme  ne 
nuisent  à  la  sainteté  de  sa  cause.  Ils  peuvent  nous  reprocher 
justement  que  nous  triomphons  tout  à  notre  aise,  et  qu'ils  n'ont 
pas  la  liberté  de  nous  répondre,  ce  qui  n'est  pas  un  préjugé 
favorable  pour  nous.  Ne  vaudrait-il  pas  mieux  combattre  par 
des  raisons  les  ouvrages  des  incrédules,  que  de  les  faire  con- 
damner par  des  magistrats,  ou  insulter  dans  des  pamphlets?... 

J'insiste  sur  ce  principe,  parce  qu'on  s'acharne  de  jour  en 
jour  à  le  méconnaître.  Le  christianisme  s'est  propagé  par  la 
conviction,  et  non  par  la  contrainte,  ou  plutôt  malgré  les  ef- 
forts que  l'on  a  faits  pour  arrêter  sa  marche  victorieuse.  11  n'est 
aucun  père  de  l'église  qui  n'ait  fait  valoir  cet  argument  comme 
une  des  preuves  les  plus  frappantes  de  sa  divinité.  Les  tems 
n'en  ont  point  changé  la  nature;  ce  qui  était  vrai  autrefois  in; 
peut  être  faux  maintenant.  Les  moyens  qui  ont  servi  à  répandre 
l'Évangile  sont  les  seuls  qui  doivent  être  employés  pour  en 
perpétuer  la  durée.  Entourez  la  révélation  de  tout  cet  appareil 
d'armes  et  de  supplices  qui  conservent  les  institutions  humai- 
nes ,  vous  la  confondez  avec  elles;  vouslui  enlevez  le  caractère 
qu'elle  tient  du  ciel,  celui  de  se  défendre  par  la  douceur  et  la 
charité,  à  l'exemple  de  son  divin  fondateur. 

Venons  au  Résumé  de  l'Histoire  des  traditions  morales.  On  v 
t.  xxxvi.  —  Novembre  182-.  28 


434  LIVRES  FRANÇAIS. 

remarque  des  idées  très-saines,  des  intentions  droites  et  une 
certaine  modération.  Cependant,  je  le  dis  sans  détour,  l'au- 
teur s'écarte  souvent  de  son  sujet;  au  lieu  de  l'approfondir,  il 
s'attache  avec  complaisance  à  des  objets  étrangers,  ou  qui 
n'ont  pas  un  rapport  direct  avec  les  mœurs  et  les  croyances 
des  nations.  Il  n'est  pas  assez  avare  de  réflexions,  et  il  en  fait 
parfois  qui  semblent  hostiles:  il  a  beau  déclarer  que  son  livre  est 
un  sommaire  où  il  ne  se  propose  que  de  réunir  un  certain 
nombre  de  renseignemens,  et  où  même  il  ne  peut  citer  en  général 
les  autorités;  on  lui  répondra  par  ses  propres  paroles,  que 
ce  dernier  soin  serait  cependant  très-convenable  dans  les  livres  qui 
ne  sont  pas  de  simples  ouvrages  d'agrément  ;  et  ensuite  qu'il 
faut  bien  choisir  les  renseignemens  que  l'on  donne,  et  recourir 
aux  sources  pour  n'être  pas  trempé.  Il  est  douteux  que  M.  de 
S  ••  ait  lu  avec  assez  d'attention  les  symboles  des  différens 
peuples  du  monde,  et  qu'il  ait  suffisamment  entendu  les  ex- 
pressions techniques  qui  y  sont  consacrées.  On  pourrait,  à 
l'appui  de  ce  soupçon,  citer  ses  explications  du  Zcnd-Avesta 
et  du  Sem  Hammaphorasch.  Je  lui  ferai  une  querelle  plus  sé- 
rieuse sur  la  manière  dont  il  résume  la  croyance  catholique; 
il  est  bien  rare  qu'il  ne  la  montre  sous  un  faux  jour,  ou  qu'il 
n'aille  chercher  dans  les  inepties  d'un  vulgaire  ignorant  les 
matériaux  qu'il  met  en  œuvre.  M.  de  S...  doit  savoir  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  la  doctrine  catholique  telle  qu'elle  est  en- 
seignée dans  l'Ecriture  et  dans  la  tradition ,  avec  la  doctrine 
catholique  telle  que  l'ont  faite  le  fanatisme  et  la  superstition. 
Certes,  je  suis  loin  de  le  blâmer  d'avoir  tourné  en  ridicule  les 
pratiques  et  les  abus  qui  déparent  la  religion;  mais  je  le 
prie  de  croire  que  tout  ce  qu'il  y  a  dans  le  clergé,  et  même 
parmi  les  fidèles ,  de  plus  vertueux  et  de  plus  éclairé,  les  dés- 
approuve aussi  formellement  qu'il  peut  les  désapprouver  lui- 
même.  J-  L. 

179.  —  *  Principes  de  littérature,  de  philosophie,  de  politique 
et  de  morale;  par  le  baron  Massias.  T.  iv  et  dernier,  Morale. 
Paris,  1827;  Firmin  Didot,  Delangle  frères.  In  18  de  vj-210  p.  -f 
prix,  3  fr.  (Voy.  Rev.  Enc,  t.  xxxm,  p.  244  et  t.  xxxv,  p.  44o.) 

Dans  ce  quatrième  volume  qui  renferme  708  aphorismes , 
l'auteur  s'est  proposé  un  but  d'une  grande  importance,  qu'il 
va  nous  expliquer  lui-même  :  «  Avant  de  finir,  je  ne  puis  résister 
à  la  tentation  de  faire  connaître  au  lecteur  (et  cet  aveu  sera , 
s'il  le  faut,  le  châtiment  de  ma  présomption)  que  dans  les  cent 
cinquante-quatre  principes  ou  théorèmes  qui  suivent,  j'ai  eu  la 
prétention  d'élever  la  morale  à  la  certitude  des  sciences  posi- 
tives. Et  comme  la  moralité  est  la  perfection  et  le  couronnement 


SCIENCES  MOR/YLKS.  4$| 

de  nos  autres  facultés,  il  s'ensuivrait,  si  j'avais  réussi,  que 
l'exercice  el  les  produits  de  toute  l'activité  humaine,  les  sciences, 
les  arts,  les  vertus  auraient  dans  mou  travail  «les  bases  inébran- 
lables el  leur  légitimité  philosophique.  Peut-être  me  suis-je  fait 
illusion  ;  peut-être  ai- je  pris  mes  désirs  pour  des  réalités,  nue 
le  lecteur  examine  el  juge.  »  (p.  v.) 

Par  quels  moyens  M.  Massias  a-t-il  cherché  à  obtenir  un 
semblable  résultat  ,  c'est-à-dire,  à  donner  à  la  morale  le  même 
dejyré  de  certitude  que  nous  accordons  aux  sciences  exactes? 
Simplifiant  l'hypothèse  delà  statue  animée  de  Condillac,  il  a 
supposé  un  être  humain  qui  ne  percevrait  son  existence  que 
par  un  seul  point  indivisible,  ainsi  réduit  au  minimum  du  sens 
du  toucher;  et  il  a  montré,  ou  essayé  de  montrer,  que,  dans 
cette  simple  perception  ,  est  tout  l'homme  organique,  intelli- 
gent, social  et  moral,  concluant  de  là  invinciblement  (les  pré- 
misses une  fois  accordées)  que  notre  certitude  morale  est  entière 
et  irréfragable,  puisque  l'homme,  de  quelque  manière  qu'il 
sente,  qu'il  perçoive,  ne  peut  être  conçu  sans  moralité  ;  que 
l'en  priver,  c'est  le  détruire;  et  que,  pour  ne  pas  y  croire,  il 
faut  qu'il  renonce  à  croire  à  lui-même.  Or,  ce  qui  est  inhérent 
à  notre  nature,  ce  que  le  genre  humain  est  forcé  de  croire,  est 
irrécusable,  est  vrai.  C'est  dans  les  i54  premiers  théorèmes 
qu'il  faut  suivre  et  juger  les  principes  qu'il  a  établis  et  les 
conséquences  qu'il  en  tire.  De  l'analyse  que  son  travail  l'a  forcé 
de  faire  de  tous  nos  modes  de  perception,  il  est  résulté  qu'en 
nous  sont  trois  principes  d'action,  le  plaisir,  la  douleur  et  le 
devoir;  ce  qui  attaque  par  ses  bases  la  doctrine,  souvent  très- 
spécieuse  de  ['utile,  du  célèbre  publiciste  et  philosophe  Jêrémie 
Bentham  et  de  son  école. 

Après  avoir  dit  quelles  sont  les  sources  de  nos  actions , 
M.  Massias  parle  de  leur  nature,  et  il  les  divise  en  organiques, 
intellectuelles,  sociales  et  morales. 

Le  devoir  est  la  loi  des  actions  morales.  «  Il  est  l'obligation 
de  sacrifier  la  sympathie  organique  à  la  sympathie  morale , 
l'utile  au  beau  et  au  sublime,  l'égoïsme  à  l'ordre,  l'injuste 
au  juste,  le  bien-être  au  bien,  l'individuel  à  l'universel.» 
(page  18.) 

Les  motifs  d'obéir  aux  exigences  de  cette  loi  sont  la  dignité 
de  notre  nature  ,  l'immatérialité  et  l'immortalité  de  notre  prin- 
cipe intelligent,  propriétés  que  l'auteur  démontre  par  l'exposi- 
tion et  la  comparaison  des  faits  physiologiques  et  des  faits  de 
conscience,  lesquels,  opposés  dans  leurs  principes  et  dans 
leurs  résultats,  doivent  aussi  être  opposés  dans  leur  nature, 
leur  destination  et  leur  fin. 

58. 


436  LIVRES  FRANÇAIS. 

La  classification  des  devoirs  le  conduit  à  ceux  qui  nous  lient 
à  la  Divinité;  il  établit  que  ia  morale  a  sa  sanction  dans  la 
religion,  mais  que,  sans  morale,  la  religion  n'est  que  féti- 
chisme. 

Le  livre  est  termiué  par  des  pensées  diverses  de  l'auteur, 
dont  un  bon  nombre  est  relatif  à  son  système  du  rapport  de  la 
nature  à  l'homme ,  et  de  l'homme  à  la  nature.  Si  la  dernière  est 
exacte,  il  s'ensuit  qu'aucune  philosophie ,  jusqu'à  ce  jour,  n'a 
pu  avoir  de  bases  légitimes.  «S'il  est  irrécusablement  vrai  que 
la  nature  agit  constamment  sur  notre  organisation  et  sur 
notre  intelligence  pour  en  solliciter  et  en  régler  les  opéra- 
tions, et  si  néanmoins  personne  jusqu'à  présent  n'a  tenu 
compte  de  cette  intervention ,  et  n'a  considéré  l'homme  que 
moins  cet  élément  primitif  de  son  être,  de  son  mode  d'être 
et  d'action,  il  s'ensuit  qu'aucune  philosophie  n'a  pu  résoudre 
le  problème  de  notre  moi,  et  donner  des  bases  certaines  à  la 
connaissance  humaine.  »  Z. 

180  —  *  Essais  de  Montaigne  :  Nouvelle  édition  ,  publiée 
d'après  l'édition  la  plus  authentique,  et  avec  des  Sommaires 
analytiques  et  de  nouvelles  Notes ,  par  Anmury  Du  val,  membre 
de  l'Institut.  Paris,  1827;  Rapilly,  passage  des  Panoramas, 
n°  /,3.  6  vol.  in-8°;  prix,  21  fr. 

Deux  siècles  et  demi  se  sont  écoulés  depuis  la  première 
publication  des  Essais  de  Montaigne.  Une  multitude  de  révo- 
lutions, depuis  cette  époque  ont  changé  la  face  du  monde  :  les 
sciences  et  les  arts  ont  fait  des  progrès  immenses;  un  nombre 
considérable  de  grands  écrivains  ont  paru;  et  cependant  Mon- 
taigne est  toujours  un  grand  philosophe,  et  même  un  grand 
écrivain.  Non  seulement  ses  écrits  ne  sont  pas  en  arrière  de 
l'époque  à  laquelle  nous  vivons;  ils  sont,  sous  beaucoup  de 
rapports,  au  niveau  des  hommes  les  plus  éclairés  de  nos  jours, 
et  par  conséquent  ils  sont  encore  bien  au-delà  du  point  auquel 
sont  parvenus  les  peuples.  Le  monde  vieillira  beaucoup  encore 
avant  que  les  masses  arrivent  à  ce  bon  sens  pratique  qui  fait 
le  fond  de  sa  philosophie.  Quelle  force  ne  fallut  il  point  à  l'es- 
prit de  cet  homme  extraordinaire  pour  devancer  son  siècle,  et 
même  la  plupart  des  écrivains  qui  sont  venus  près  de  trois 
cents  ans  après  lui'  Montaigne  n'est  pas  seulement  remar- 
quable par  la  force,  l'abondance  et  la  justesse  de  ses  pensées  ; 
il  l'est  aussi  par  la  simplicité  et  par  la  force  du  style.  Il  suffi- 
rait souvent,  pour  qu'un  grand  nombre  de  ses  pages  pussent 
être  mises  à  côté  de  celles  de  nos  plus  grands  écrivains,  de 
substituer  notre  orlogiaphe  à  celle  du  siècle  dans  lequel  il  vi- 
vait, ou  de  changer  quelques  mots  qui  ont  vieilli. 


.\UK\ci.s  MORALES.  fij 

Parmi  les  causes  < | ■  i i  contribuèrent  le  plus  à  faire  de  lui  un 
grand  philosophe,  il  Fàul  mettre  sans  doute  la  manière  dont  il 
fut  élevé.  Instruit  dans  les  langues  anciennes,  comme  chacun 

de  nos  tu f.ms  «-si  instruit  dans  s:i  langue  maternelle,  il  ne  vit 
presque  aucun  genre  de  mérite  à  lire  ou  même  à  parler  couram 
ment  la  langue  de  Cicéron  on  de  Virgile.  Il  employa  par  con- 
séquent, <lès  sa  pins  tendre  jeunesse^  le  teins  que  les  antres  met- 
taient à  apprendre  <ln  latin  ou  du  grec,  à  nourrir  son  esprit  des 
pensées  des  anciens  philosophes,  lyanl  appris  les  langues  an- 
ciennes de  très  bonne  heure,  et  en  quelque  soi  te  sans  s'en  aper- 
cevoir, il  fut  choqué  de  voirqnc  le  teins  le  pins  précieux  de  la 
jeunesse  n'était  employé  qu'à  apprendre  des  tiïots.t*e  savoir* faire 
rut  tout  à  ses  yeux;  le  sttvoir-dire ,  dégagé  de  tout  autre  mérite, 
ne  lui  parut  qu'une  frivolité.  Sons  ce  rapport,  Montaigne  doit 
être  l'homme  de  notre  siècle;  et  pins  nous  ferons  de  progrès, 
plus  son  nom  et  ses  écrits  deviendront  populaires. 

Les  écrits  de  Montaigne  sont  de  beaucoup  supérieurs  à  ceux 
de  la  plupart  des  écrivains  du  dix  huitième  siècle.  Des  pensées 
qui,  dans  ses  ouvrages,  sont  d'un  bon  sens  et  d'une  justesse 
admirables  ,  sont  souvent  devenues  de  misérables  sophismes 
dans  les  écrivains  qui  s'en  sont  emparés,  soit  parce  qu'elles 
ont  été  mal  entendues  ou  mal  appliquées,  soit  parce  qu'elles 
ont  été  exagérées  jusqu'au  ridicule.  J.  J.  Rousseau,  par  exemple, 
n'a  presque  pas  une  pensée  qui  ne  soit  prise  dans  Montaigne; 
mais  aussi  il  n'en  a  presque  pas  pris  une  seule  qu'il  n'ait  faussée, 
soit  dans  ses  développemens,  soit  dans  ses  applications.  Deux 
chapitres  des  Essais  sur  l'éducation  renferment  plus  d'observa- 
tions justes,  plus  de  vérités  utiles  que  tous  les  gros  livres  qu'où 
a  écrits  sur  le  même  sujet.  Ces  deux  chapitres  devraient  être 
le  manuel  de  tous  les  pères  de  famille,  de  tous  les  instituteurs; 
Us  peuvent,  du  reste,  être  résumés  en  deux  mots:  c'est  qu'/7 
ne  faut  apprendre  aux  en/ans  que  ce  qu'Us  doivent  faire  étant 
grands. 

Les  Essais  de  Montaigne  ne  sont  point  un  ouvrage  destiné  à 
des  hommes  d'une  profession  particulière;  ils  conviennent  éga- 
lement aux  hommes  de  tous  les  états  ou  de  toutes  les  condi- 
tions. Régler  sa  vie  de  la  manière  la  ping  avantageuse  aux 
autres  et  à  soi-même  est  la  science  que  l'auteur  enseigne,  et 
cette  science  doit  être  celle  de  tous. 

Rien  n'est  plus  propre  à  constater  les  progrès  du  bon  sens 
d'une  nation  que  la  diffusion  des  écrits  de  ce  philosophe. 
Le  libraire  qui  les  met  à  la  portée  des  fortunes  modestes 
fait  preuve  de  discernement,  et  mérite  que  ses  efforts  soient 
encouragés.  Espérons  (pie  \"\  bonne  opinion  qu'il  a  conçue  du 


438  LIVRES  FRANÇAIS. 

jugement  du  public  ne  sera  point  démentie  par  l'expérience. 
Nous  pouvons  assurer,  d'ailleurs,  que  cette  édition  des  Essais 
de  Montaigne  est  faite  avec  le  plus  grand  soin  et  sur  un  très- 
beau  papier.  Le  nom  de  M.  Amaury  Duval,  qui  l'a  enrichie 
d'un  grand  nombre  de  notes,  est,  au  reste,  une  garantie  qui 
pourrait  dispenser  de  toute  autre. 

181. —  *Dc  la  Sagesse,  trois  livres,  par  Pierre  Charron; 
Nouvelle  édition  publiée  avec  des  sommaires  et  des  Notes  expli- 
catives, historiques  et  philosophiques,  par  Amaury  Duval, 
membre  de  l'Institut.  Paiis,  1827  ;  Rapillv.  3  vol.  in-8°  sur 
beau  papier  satiné,  avec  portrait  \  prix,  io  fr.  5o  c. 

Cest  une  heureuse  idée  de  publier  à  la  ibis,  et  comme  dans 
un  seul  corps  d'ouvrage,  les  écrits  de  Charron,  et  ceux  de 
Montaigne.  Lorsque  deux  écrivains  ont  été  contemporains, 
qu'ils  ont  été  unis  par  une  étroite  amitié,  et  qu'ils  ont  écrit 
sur  des  sujets  analogues  ,  il  est  rare  que  les  hommes  qui  ont  de 
l'admiration  pour  les  écrits  de  l'un,  n'aient  pas  un  certain 
penchant  pour  les  écrits  de  l'autre.  On  traite  volontiers  les  li- 
vres pour  lesquels  on  a  du  goût,  comme  on  traite  ses  amis  :  on 
aime  à  placer  à  côté  d'eux  les  ouvrages  qui  ont  avec  eux  de 
l'analogie  et  qu'ils  ont  contribué  à  former.  C'est  une  espèce  de 
fraternité  à  laquelle  on  rend  volontiers  hommage. 

Montaigne  a  exercé  une  influence  immense  sur  la  plupart 
des  écrivains  français  qui  sont  venus  après  lui;  cette  vérité  n'a 
pas  besoin  d'être  démontrée  aux  personnes  qui  ont  lu  ses  écrits, 
et  qui  connaissent  les  ouvrages  de  nos  philosophes.  Mais  aucun 
ne  doit  autant  à  son  génie  que  le  moraliste  Charron  :  cet  écri- 
vain n'eût  jamais  été  qu'un  théologien  obscur  et  fût  mort 
ignoré,  s'il  n'eût  pas  été  particulièrement  lié  avec  l'auteur  des 
Essais.  Sa  liaison  avec  Montaigne  eut  une  telle  influence  sur  la 
nature  et  sur  la  direction  de  ses  idées,  qu'elle  lui  inspira  tout 
à  la  fois  îe  sujet  et  les  pensées  de  son  livre.  Ce  que  l'un  écri- 
vait et  pratiquait  en  quelque  sorte  comme  par  instinct,  était 
réduit  par  l'autre  en  théorie.  Les  écrits  de  Montaigne  sont 
ceux  d'un  sage  qui  observe  le  monde  et  qui  s'observe,  sans 
penser  à  en  tirer  d'autre  avantage  que  d'apprendre  à  régler  sa 
conduite ,  et  de  faire  connaître  un  homme  qui  diffère  des  autres 
sous  tant  de  rapports.  Les  écrits  de  Charron  sont,  au  contraire  , 
ceux  d'un  écrivain  qui  pense  principalement  à  ses  lecteurs,  et 
qui  veut  leur  communiquer  les  pensées  ou  les  sentimens  qu'il 
croit  les  plus  propres  à  les  rendre  sages  et  heureux. 

De  cette  différence  entre  les  deux  écrivains  est  résultée 
celle  que  nous  observons  entre  leurs  écrits.  Les  Essais  de 
Montaigne  renferment  une  multitude  de  sujets  divers,  qui  n'ont 


SCIENCES  MORALES.  439 

outre  eux  aucune  liaison  ;  tout  ee  qui  frappe  l'espt  it  de  l'au- 

lettr  es!  pour  lui  madère  à  observation.  Sa  plume  marche  tou- 
jours à  la  suite  lie  ses  idées,  cl  ne  l'arrête  que  quand  le  sujet 
est  épuisé;  peu  importe  d'ailleurs  à  l 'écrivain  l'ordre  dans 
lequel  les  sujets  Se  présentent.  Il  est  toujours  tout  entier  à  ce 
qu'il  écrit  et  ne  paraît  jamais  se  mettre  en  peine  ni  des  sujets 
qui  précèdent,  ni  de  ceux  qui  doivent  suivre.  Aussi,  son  ou- 
vrage demande  a  être  lu  de  la  même  manière  qu'il  a  été  écrit  : 
à  bâtons  rompus.  Il  est  impossible  d'avoir  un  meilleur  com- 
pagnon de  voyage.  On  le  prend  ,  ou  on  le  quitte,  selon  que  les 
affaires  le  permettent  :  on  y  revient  toujours  avec  plaisir, 
parce  qu'il  est  toujours  varie. 

Les  écrits  de  Charron  ,  ayant  été  composés  dans  un  but 
déterminé,  sont  moins  variés  et  plus  méthodiques.  L'écrivain 
ne  perd  jamais  de  vue  son  sujet  :  il  divise  et  subdivise  les  ma- 
tières qu'il  traite,  quelquefois  au-delà  de  ce  qui  est  nécessaire 
pour  bien  exposer  ses  pensées.  Dans  son  ouvrage,  on  voit 
moins  l'homme  que  l'auteur;  c'est  le  contraire  des  Essais  de 
Montaigne.  Charron  décrit  successivement  les  diverses  pas- 
sions dont  l'homme  est  susceptible,  et  il  prend  souvent  pour 
guides  les  philosophes  de  l'antiquité.  Il  décrit  aussi  les  divers 
états  dans  lesquels  un  homme  peut  se  trouver,  et  il  en  fait  voir 
les  inconvéniens  et  les  avantages.  Enfin,  il  expose  les  règles  de 
conduite  qu'il  est  bon  de  suivre  dans  chaque  circonstance  ,  et 
apprend  comment  on  peut  modérer  ses  passions.  Son  livre 
forme  donc  un  véritable  manuel  de  morale.  Tous  les  sujets  ne 
sont  pas  traités  sans  doute,  comme  ils  pourraient  l'être  aujour- 
d'hui; mais  ils  le  sont  néanmoins  d'une  manière  remarquable, 
lorsqu'on  se  reporte  surtout  au  tems  auquel  il  écrivait. 

L'ouvrage  de  Charron,  imprimé  dans  le  même  format,  sur 
un  même  papier  et  avec  les  mêmes  caractères  que  celui  de 
Montaigne  ,  accroît  la  valeur  de  celui-ci ,  les  acquéreurs  de 
l'un  ayant  la  faculté  de  les  acheter  ensemble  ou  séparément, 
selon  leurs  convenances.  Ch.  C 

182.  —  *  Discours  de  la  Méthode,  pour  bien  conduire  sa 
raison  et  chercher  la  vérité  dans  les  sciences ,  par  Descartes. 
Paris,  i825;  Ant. -Aug.  Renouard.  In-18  de  178  pages; 
prix,  2  fr. 

i83. — *  Méditations  métaphysiques ,  par  Descartes.  Paris, 
1825.  In-18  de  210  p.;  prix,  2  fr. 

Ces  deux  chefs-d'œuvre  du  père  de  la  philosophie  moderne 
auraient  dû  depuis  long-tems  être  offerts  à  la  jeunesse  des 
écoles  et  au  public  éclairé,  sous  cette  forme  élégante?  et  com- 
mode qui  invite  à  la  lecture,  qui  par  la  ténuité  du  volume 


/no  LIVRAS  FRANÇAIS. 

diminue  la  crainte  d'aborder  un  aussi  important  objet  que  La 
métaphysique  cartésienne,  et  qui  fait  ressortir  combien  les  plus 
belles  choses  peuvent  souvent  tenir  peu  de  place.  Les  i\cu\ 
petits  ouvrages  dont  il  s'agit  offrent,  en  effet,  un  mérite  sem- 
blable à  celui  de  ces  statues  antiques  de  moindre  proportion, 
mais  d'une  perfection  achevée,  d'un  modèle  unique,  où  la 
grâce  ne  le  cède  qu'à  la  force  et  à  l'élévation  du  style.  Le 
Discours  de  la  Méthode  surtout,  publié  en  français  en  1 637  ? 
presque  en  même  tems  que  le  Cid ,  et  une  vingtaine  d'années 
avant  les  Provinciales ,  est  un  phénomène  presque  aussi  remar- 
quable dans  l'histoire  de  notre  langue  que  dans  celle  de  la 
philosophie,  et  mérite,  même  comme  monument  littéraire, 
d'intéresser  vivement.  Les  Méditations  furent,  comme  on  sait, 
traduites  par  le  duc  de  Luynes  sur  le  latin  de  Descartes,  qui 
revit  lui-même  cette  traduction  plus  fidèle  qu'élégante.  C'est 
une  lecture  plus  forte  et  plus  difficile  que  celle  de  l'ouvrage 
précédent,  mais  à  laquelle  on  se  trouve  tout  préparé  et  comme 
entraîné  par  celui-là.  Cette  étude  progressive  de  deux  ouvrages, 
dont  l'un  est  la  répétition  agrandie,  mais  nullement  copiée  de 
l'autre,  est  un  des  plus  utiles  et  des  plus  nobles  exercices  qu'un 
homme  puisse  donner  à  sa  pensée  :  car  elle  offre  à  sa  contem- 
plation le  sublime  spectacle  d'une  théorie  pure  et  toute  ratio- 
nelle,  consacrée  par  le  génie  le  plus  original ,  le  plus  créateur 
et  le  plus  mathématique  de  son  siècle  à  la  démonstration  de 
Dieu,  de  la  double  substance  et  de  la  raison.  Ceux  qui  ont  une 
fois  goûté  cette  doctrine  peuvent  bien  entrer  dans  d'autres 
routes  philosophiques;  mais  les  Méditations  de  Descartes  sub- 
sistent toujours  pour  eux  comme  un  souvenir  sacré,  comme 
l'hymne  du  raisonnement  conçu  dans  le  sanctuaire  le  plus  in- 
time de  l'intelligence  et  de  la  conscience  humaines;  et  souvent 
sans  doute  il  leur  arrive  de  regretter  ce  dogmatisme  ferme  et 
rassurant  qu'ils  ne  sauraient  trouver  aussi  plein  ,  ni  aussi  élevé, 
dans  aucun  autre  système.  Y — g — r. 

X  184.  —  *  Histoire  physique ,  civile  et  morale  des  environs  de, 
Paris,  par  Dulaure;  XIe  livraison,  ou  première  partie  du 
tome  VI.  Paris,  1827;  Guillaume.  In  8°  de  2/jo  pages,  avec 
gravures  ;  prix  de  chaque  livraison,  7  fr.  5o  c.  ( Voy.  Rcv.  Enc> 
r.  xxxiv,  p.  2o5-2o6.  ) 

Cette  première  moitié  du  tome  iv  contient  le  chapitre  iv 
du  livre  Ier  de  la  huitième  partie  de  Y  Histoire  des  environs  de 
Paris;  ce  chapitre  est  consacré  à  la  description  de  Crécy , 
Coulommiers ,  la  Ferté- Gaucher  et  lieux  environna ns.  Le 
deuxième  livre  décrit  le  pays  d'entre  Seine  et  Marne;  le 
troisième,  les  lieux  qui  sont  sur  la  route  de  Paris  à  Provins:  et 


s(  IENCES  MORALES.  /,/,i 

le  quatrième,  ceux  nue  l'on  rencontre  sur  celle  de  Paris  à  Mrluu- 
[  n  coup  d'œil  rapide  jeté  sur  cette  Kvraison  nous  a  fait 
juger  (|ue  c'était  peui  être  une  des^plus  intéressantes  que  l'on 
eût  encore  publiées,  mais  nous  a  convaincus  en  même  teins 
qu'il  nous  serait  difficile  d'entrer  aujourd'hui  dans  beaucoup 
de  détails  sur  les  faits  qu'elle  renferme;  nous  nous  réservons 
d'y  revenir,  lorsque  les  éditeurs  publieront  la  seconde  partie 
du  même  volume.  E.   H. 

1 85.  —  *  Précis  de  l'histoire  de  la  constitution  d' 'Angleterre , 
depuis  Henri  l  II  jusqu'à  Georges  II  ;  d'après  QalLAM,  par 
si.  IL  Bo&ghbrs.  Paris,  1827;  Ponthieu.  In-8°. 

Le  titre  seul  de  cet  important  ouvrage,  dont  le  sujet  se  rat- 
tache par  des  analogies  remarquables  à  nos  plus  chers  intérêts 
du  moment,  et  le  nom  de  l'auteur,  sont  des  garans  de  succès. 
En  nous  empressant  de  signaler  son  apparition,  nous  nous  pro- 
posons de  lui  consacrer  une  analyse,  dans  l'un  de  nos  prochains 
cahiers. 

186.  — *  Histoire  de  la  contre- révolution  en  Angleterre ,  sous 
Charles  II  et  Jacques  II;  par  Armand  Carrel.  Paris,  1827; 
Sautelet.  In-8°  de  4^9  p-  ;  prix: ,  7  fr. 

Nous  consacrerons  plus  tard  un  article  de  quelque  étendue 
à  cet  important  ouvrage. 

187.  —  *  Histoire  de  la  garde  nationale  de  Paris,  depuis 
l'époque  de  sa  fondation  jusqu'à  l'ordonnance  du  29  avril  1827; 
par  M.  Cliarles  Comte  ,  auteur  du  Censeur  européen  ;  publié 
le  14  juillet  1827,  jour  anniversaire  de  la  prise  de  la  Bastille. 
Paris  ,  1827  ;  Sautelet.  In-8°  de  535  pag.;  prix,  6  fr. 

A  peine  l'ordonnance  funeste  du  29  avril  eut-elle  appris  à 
la  France  étonnée  que  la  garde  nationale  de  Paris  ,  composée 
de  l'élite  de  ses  citoyens  ,  était  licenciée  ,  qu'un  cri  d'indigna- 
tion s'éleva  de  toutes  parts  contre  l'opération  ministérielle  ;  et 
qu'au  milieu  de  la  douleur  produite  par  cette  mesure  irréflé- 
chie ,  on  éprouva  le  besoin  de  rendre  une  prompte  justice  aux 
sentimens  honorables  de  cette  milice  si  distinguée,  en  pu- 
bliant l'histoire  des  services  qu'elle  avait  rendus  à  la  patrie  et 
au  trône.  Il  fallait  se  hâter.  M.  Comte  ,  dont  le  talent  est  connu, 
et  dont  la  réputation  garantit  l'impartialité  ,  se  chargea  de  cette 
noble  tâche.  La  réparation  que  demandait  l'opinion  en  faveur 
de  la  garde  nationale  de  Paris  ne  fut  point  tardive  ,  et  son 
histoire  fut  livrée  au  public  impatient,  le  i/»  juillet  suivant , 
jour  anniversaire  de  la  prise  de  la  Bastille.  Il  faut  remarquer 
que  la  création  de  la  garde  bourgeoise  ,  qui  fut  l'origine  de 
la  garde  nationale,  date  également  du  i.\  juillet  1789. 

L'histoire  écrite  par  M.  Comte  est  divisée  en  cinq  époques. 
La  première  s'ouvre  par  un  précis  très-court ,  mais  très-re- 


442  LIVRES  FRANÇAIS. 

niarquable,  sur  l'état  ancien  de  la  France,  et  sur  les  causes  do 
la  révolution.  Les  États-Généraux  sont  convoqués;  la  force 
année  commet  des  violences  qui  exaspèrent  l'esprit  du  peuple; 
la  ville  de  Paris  témoigne  le  désir  de  se  passer  de  mercenaires 
pour  concourir  à  sa  propre  sûreté  ;  l'organisation  de  la  milice 
parisienne  est  arrêtée  ;  les  officiers  sont  nommés  ;  les  citoyens 
s'arment  de  toutes  parts  ;  bientôt  la  Bastille  est  prise  ,  et  M.  de 
Lafayette  proclamé  unanimement  commandant  de  la  garde 
nationale. 

La  seconde  époque  ,  qui  commence  par  le  tableau  inté- 
ressant, et  d'une  grande  vérité,  de  la  situation  politique  de 
Paris  dans  les  premiers  jours  qui  suivirent  la  prise  de  la  Bas- 
tille ,  contient  l'histoire  de  la  journée  du  6  octobre  ,  où  la 
garde  nationale  sauva  la  famille  royale ,  et  conduit  le  lecteur 
jusqu'au  départ  du  roi  pour  Varennes ,  et  à  la  seconde  fédé- 
ration. Le  surlendemain  de  cet  anniversaire  une  pétition 
ayant  été  portée  au  Champ-de-Mars ,  afin  d'y  être  signée  par 
des  personnes  qui  provoquaient  la  déchéance  de  Louis  XVI , 
on  vit  la  garde  nationale  tirer  sur  l'attroupement  qui  s'était 
formé  près  de  l'autel  de  la  patrie. 

A  la  troisième  époque  l'auteur  donne  un  aperçu  de  l'état 
des  partis  sous  l'assemblée  législative  ,  raconte  l'insurrection 
du  10  août,  le  renversement  du  gouvernement  monarchique , 
et  montre  combien  la  garde  nationale  eut  peu  d'influence  sur 
ces  événemens  ;  elle  disparut  en  quelque  sorte  par  le  fait  de 
l'insurrection  ,  et  une  loi  vint  bientôt  lui  ravir  jusqu'à  son  nom. 

La  quatrième  époque  est  consacrée  aux  détails  de  sa  nou- 
velle institution  ,  sous  le  nom  de  sections  armées.  Une  partie 
des  citoyens  qui  la  composaient  fut  alors  désarmée  et  empri- 
sonnée. Le  directoire  la  réorganisa. 

La  cinquième  époque  vit  la  destruction  de  la  garde  nationale 
par  les  ordres  de  Bonaparte  ,  et  son  rétablissement  au  moment 
où  les  puissances  coalisées  envahirent  la  France.  La  conduite 
de  cette  garde  fut  alors  digne  de  tous  les  éloges  ,  et  elle  rendit 
les  plus  éminens  services  à  la  cause  des  Bourbons ,  et  surtout 
à  l'ordre  public ,  maintenu  par  ses  soins  au  milieu  des  troupes 
étrangères  qui  avaient  envahi  notre  territoire. 

L'ouvrage  de  M.  Comte  ,  rempli  de  faits  intéressans ,  écrit 
avec  force  et  rapidité  ,  deviendra  un  livre  de  bibliothèque ,  et 
il  sera  considéré  parmi  les  mémoires  dont  on  se  servira  pour 
écrire  l'histoire  de  la  révolution  ,  comme  un  des  plus  importans 
et  des  plus  véridiques.  Une  seconde  édition  fera  sans  doute 
disparaître  quelques  expressions  et  quelques  locutions  triviales 
qui  sont  échappées  dans  la  chaleur  de  la  composition.         R. 

X  188. — Souvenirs  de  la  garde  nationale,  depuis  son  origine  en 


SCIENCES  imoiiaf.es.  44S 

1781)  ,  JUSQU'À  son  licenciement  en    18/7,  par  un  ex-capitaine  ; 

dédié  aux  défenseurs  de  la  barrière  de  Clicny.  Paris,  mai  1827; 
a  la  librairie  universelle,  rua  Vitienne,  n"  i  bis.  ln-8"  de 

.» 9    pages  ;  |>ri\  ,    1    fir. 

L'auteur  rappelle ,  dans  oe  petit  aombre  «le  pages,  les  traits 
les  plus  intéressans  de  l'histoire  de  cette  garde  civique.  Le 
o  juillet  1781),  [Mirabeau  demande  que  des  gardes  bourgeoises 
.soient  organisées  à  Taris  et  à  Versailles  ;  le  |3,  les  électeurs 
de  Paris,  formés  en  comité  permanent,  prennent  un  arrêté 
pour  l'organisation  de  la  milice  parisienne.  La  création  pro- 
yisoire  fut  de  3i,ooo  hommes,  dont  1000  officiers.  Les  ser- 
vices de  cette  garde  pendant  les  premiers  tems  de  la  révo- 
lution ,  les  solennités  de  la  fédération  ,  où  parurent  60,000 
députés  en  armes  ,  venus  de  tous  les  points  de  la  France  ,  la 
protection  dont  «lie  couvre  la  famille  royale  contre  les  sédi- 
tieux du  20  juin,  son  dévouaient  patriotique  contre  l'invasion 
étrangère,  et  ses  diverses  vicissitudes  ,  sous  la  convention  ,  le 
directoire  et  l'empire ,  jusqu'au  moment  où  on  la  voit  de  nou- 
veau reprendre  ses  armes  contre  l'étranger,  tels  sont  les  prin- 
cipaux faits  contenus  dans  cet  opuscule,  où  lc»3  membres  du 
corps  utile  qu'on  vient  de  détruire  trouveront  avec  satisfac- 
tion quelques-uns  de  leurs  titres  à  la  reconnaissance  nationale. 

M.  A. 

189.  —  *  Biographie  universelle  et  portative  des  contemporains , 
ou  Dictionnaire  historique  des  hommes  célèbres  de  toutes  les 
nations,  morts  et  vivans;  en  un  seul  volume  in-8° ,  avec  un 
atlas  de  200  portraits.  Paris,  1827;  Àucher  Éloi,  rue  Saint- 
André-des-Arcs,  n°  65.  Prix  de  la  livraison,  2  fr.  (  Voy.  Rcv. 
Enc.  t.  xxxi  11, p.  801.  ) 

Nous  sommmes  en  retard  sur  le  compte  de  cet  excellent  ou- 
vrage, dont  chaque  livraison  mériterait  un  article  particulier, 
L'éditeur,  pour  satisfaire  à  l'impatience  du  public,  a  imaginé, 
en  poursuivant  la  publication  de  la  première  partie,  de  com- 
mencer la  publication  de  la  seconde  à  partir  de  la  lettre  L  ;  il  a 
paru  trois  livraisons  de  celle-ci,  contenant  jusqu'à  la  série  LAN, 
incluse.  La  28e  livraison  de  la  première  partie  arrive  à  la  fin  de 
DEZ.  Une  parfaite  impartialité  préside  à  la  rédaction  de  cet  ou- 
vrage, de  mieux  en  mieux  fait,  et  à  laquelle  nous  donnons  des 
éloges  d'autant  plus  sincères,  que,  comme  les  auteurs  gardent  le 
pins  strict  incognito,  nulle  affection  n'en  peut  être  la  cause  dé- 
terminante. On  reconnaît  aisément  que  chaque  article  est  traité 
par  un  écrivain  de  la  profession  du  personnage  dont  il  devient 
l'historien.  Un  vaudevilliste  n'écrit  point  sur  lessavans  qu'il  ne 
comprendrait  pas;  un  faiseur  de  tragédies  ou  de  feuilletons. 


44 \  LIVRES  FRANÇAIS. 

sur  1rs  militaires  dont  les  opérations  lui  furent  toujours  étran- 
gères; un  romancier,  enfin,  sur  les  hommes  d'état.  Nul  doute 
que  la  distribution  des  matières  n'ait  été  soigneusement  faite 
entre  des  personnes  qui  s'entendaient  aux  choses  qu'il  était 
question  de  traiter.  Ainsi,  dans  les  notices  où  sont  retracés  les 
hauts  faits  de  nos  guerriers,  tels  que  Dampierre ,  Darricati , 
Decaen  ,  Défiance,  Delmas,  Desaix ,  etc.,  il  n'est  pas  question 
de  bronze  qui  vomit  le  trépas,  de  montagnes  de  morts  et  de 
inourans  élevées  sous  le  sabre  des  héros,  ni  d'autres  beautés 
du  même  genre,  dignes  du  mélodrame  et  entassées  dans  la  plu- 
part des  ouvrages  écrits  récemment  sur  le  métier  des  armes. 
On  trouve  un  compte  fidèlement  rendu  et  sans  emphase  des 
opérations  dont  l'histoire  doit  garder  le  souvenir.  Peut-éîre , 
dans  certains  articles,  s'est- on  montré  trop  concis. 

Dans  l'article  Davout,  nous  trouvons  qu'on  a  passé  un  peu 
légèrement  sur  la  fin  de  la  carrière  militaire  et  politique  de  ce 
maréchal;  et,  en  étendant  notre  réflexion  sur  l'article  Decrès, 
il  nous  paraît  que  le  degré  de  gloire  le  plus  élevé,  acquis  avec 
des  titres  pompeux,  ne  reflète  point  un  éclat  suffisant  pour 
faire  disparaître  les  fautes  dans  les  tableaux  de  l'historien.  Le 
respect  dû  aux  lauriers  de  l'empire  proscrit  sans  doute  une  criti- 
que amère  debeaucoupde  torts  graves;  mais  aucune  considéra- 
tion n'autorise  la  justification  de  ce  qui  ne  saurait  être  justifié. 
Pourquoi  donc  nous  peindre,  autrement  que  comme  un  mauvais 
minisrre  et  un  mauvais  Français,  un  homme  qui  n'eut  d'autre 
mérite  que  de  savoir  cacher  la  servilité  d'un  courtisan  sous  ces 
dehors  de  franchise  tant  soit  peu  grossière  des  gens  de  mer, 
qui  contribua  à  la  ruine  de  notre  marine,  et  qui  fut  la  cause  de 
de  la  perte  du  dernier  point  importanldont  la  possession  dans  les 
niersde  l'Inde  rappelât  le  nom  de  la  France  et  sa  gloire  navale? 

L'histoire  des  nommes  qu'on  peut,  à  proprement  parler, 
appeler  révolutionnaires,  est  en  général  très-bien  faite.  Les  ar- 
ticles Danton  et  Camille  Desmoulins,  particulièrement,  sont  très- 
remarquables.  Le  notice  sur  David  est  l'ouvrage  d'un  homme  à 
la  fois  connaisseur  dans  les  beaux- arts  et  dont  la  plume  est  fa- 
miliarisée avec  les  sujets  politiques.  Entre  les  notices  qui  con- 
cernent les  savans  ,  nous  recommandons  celles  qui  concernent 
De/ton,  Delambre,  Decandollc,  et  M.  Delamarek ,  en  remarquant 
que  ce  dernier  n'a  pas  été  traité  avec  toute  la  distinction  qui 
lui  était  due.  L'historien  de  ce  savant  n'a  pas  assez  insisté  sur 
le  mérite  émitient  de  celui  dont  on  peut  dire  qu'il  est,  de  tous 
les  naturalistes,  le  seul  qui  puisse  être  mis  en  ligne  avec  ce 
Linné  dont  la  Suéde  eut  le  bon  esprit  de  s'enorgueillir,  tandis 
qu'il  est  du  petit  nombre  des  naturalistes  qui,  s'occupant  philo- 


SCIENCES   MORALES.  j  j  3 

sophiquemenl  de  !.i  science  ,  n'en  font  j >.» s  un  véritable  enfan- 
tillage: la  Franco  connaît  i  peine  ce  génie  supérieur  dont,  elle 
devrait  poui  tant  s'enorgueillir  aussi.  Lngrangt  et  Lacépède  sont 
mieux  appréciés ,  et  nous  trouvons  qu'il  va  une  soi  te  de  cou 
rage  à  publier  que  le  second,  si  vanté  pour  sou  style,  n'est. 
qu'un  écrivain  d'un  rang  secondaire^  diffus  el  prolixe  outre 
mesure.  Les  articles  La  Harpe  et  Lalande  sont  fort  curieux,  et 
même  arausans.  , 

1  e  duc  Deçà  te  occupe  plus  d'une  vingtaine  de  colonnes ,  où 
l'augmentation  qu'il  fit  de  la  Chambre  des  pairs  se  trouve  sé- 
vèrement jugée.  I  ne  autre  célébrité  libournaise,  ou  dé  Sainte- 
l'oix,  près  Libourne,  se  trouve  oubliée;  les  biographies  s'oc- 
cupent des  grands  crimes  comme  des  grandes  vérités,  des 
grandes  nullités  même,  puisque  lé  Russe  1)...  trouve  place  dans 
celle  que  nous  annonçons.  Lacombe,  président  du  tribunal  ré- 
volutionnaire de  Bordeaux,  qui  (it  tomber  en  six  mois  quatre 
cents  tètes  notables  dans  cette  ville,  dont  l'audace  féroce  égala 
celle  de  Fouquier-Thinville,  qui  porta  enfin  à  son  tour  sa  tète 
sur  l'échafaiid  ,  est  omis  ,  et  devra  être  attaché  au  pilori  de 
l'histoire  dans  quelque  supplément,  L'article  Laine  (  non  pas 
le  chanteur  de  l'Opéra,  mais  le  ministre  d'état)  nous  paraît 
contenir  une  omission  importante  sur  le  commencement  de  sa 
carrière;  il  n'y  est  pas  dit  un  mot  de  son  origine  africaine  et 
du  voyage  qu'il  a  dû  faire  à  Saint-Domingue  ,  si  nous  nous  en 
rapportons  au  très-curieux  et  spirituel  ouvrage  de  M.  l'évèque 
Grégoire,  intitulé  De  la  noblesse  de  la  peau,  où  nous  lisons: 
«  Un  écrit  publié  récemment  nous  révèle  que,  dans  les 
premiers  lems  de  la  révolution  française-,  les  colons  du  Cap- 
Français  exclurent  de  leurs  rangs,  comme  homme  de  couleur, 
M.  Laine,  aujourd'hui  ministre  d'éiat  et  pair  de  Fiance,  le 
même  qui,  en  1819,  déploya  tant  de  fureur  contre  un  député 
de  l'Isère.  »  —  Nous  recommandons  encore  la  lecture  de  l'article 
qui  concerne  M.  Lqffitte  ,  où  le  rédacteur,  combattant  avec  un 
peu  de  vivacité  les  vues  de  cet  habile  financier,  quand  elles  se 
trouvèrent  une  fois  seulement  conformes  à  celles  d'un  ministre 
odieux  à  la  nation,  n'en  rend  pas  moins  justice  aux  vertus 
ainsi  qu'aux  talens  de  l'un  de  nos  plus  grands  citoyens,  de 
l'un  des  hommes  les  plus  aimables  et  les  plus  simples  dans 
ses  goûts,  (pie  n'aient  pas  corrompu  d'immenses  richesses ,  si 
bien  acquises,  et  mieux  employées  encore;  d'un  homme  au- 
quel, malgré  le  courage  qu'il  montra  en  sacrifiant  sa  popularité 
à  la  conviction  où  il  était  qu'une  opération  peut  ne  pas  être 
perverse  parce  que  des  hommes  pervers  la  proposent,  vient 
de    recevoir     des    habitans    de    la    capitale  un    nouveau    té- 


4/, 6  Livres  français. 

moignage  de  leur  haute  confiance.  En  nous  disant  que  M.  Laf- 
fite  n'a  pas  toujours  été  dans  l'opulence,  et  qu'il  est  l'unique 
artisan  de  sa  fortune,  son  biographe  n'a  sans  doute  point 
connu  une  particularité  d'une  si  belle  vie  ;  il  n'a  point  en- 
tendu ce  grand  citoyen  dont  aucune  spéculation  ne  compromit 
la  réputation,  que  l'envie  et  la  calomnie  attaquèrent  vainement, 
raconter,  avec  une  spirituelle  simplicité,  comment  il  fit  le 
voyage  de  Bayonne  à  Paris,  à  pied,  lorsqu'il  vint  pour  la 
première  fois  dans  cette  grande  cité  qu'il  devait  représenter  un 
jour.  On  peut  mettre  en  parallèle  avec  M.  Laffitte  ,  pour  les 
vertus  civiques  et  pour  la  manière  impartiale  dont  son  histoire 
est  traitée  dans  la  Biographie  portative,  le  vétéran  de  la  liberté 
des  deux  mondes  ,  l'illustre  général  Lafayette,  l'un  des  hommes 
de  nos  jours  les  plus  dignes  de  trouver  un  Plutarque. 

B.  de  Saint- Vincent. 

X  190. — *  Histoire  de  Louis  /X  (Saint  Louis),  par  M.  Pigault- 
Lebrun,  membre  de  la  Société  philotechnique.  Paris,  1827; 
Barba,  cour  des  Fontaines,  n°  7.  In- 12  de  204  p.;  prix,  3  fr. 

X  191. — *  Histoire  de  Charles  VI ,  par  le  même.  Paris,  1827; 
Barba.  In-12  de  3o3  pag.  ;  prix,  3  fr. 

M.  Pigault-Lebrun,  écrivain  spirituel ,  connu  par  des  romans 
remplis  de  joyeuses  descriptions  et  d'aventures  plaisantes,  dout 
la  relation  vive  et  animée  entraîne  le  lecteur,  a  voulu  consa- 
crer son  talent  à  des  travaux  d'un  ordre  plus  élevé  et  d'une 
nature  plus  sérieuse.  Il  a  pensé  que  l'histoire  de  France  n'a- 
voit  jamais  été  présentée  dans  cet  ensemble  qui  forme  un  tout 
de  plusieurs  parties,  et  qui  inspire  un  intérêt  soutenu;  avec  cet 
esprit  de  philosophie  qui  démêle  les  causes  et  qui  suit  leurs  ré- 
sultats de  siècle  en  siècle,  comme  les  détours  du  labyrinthe 
avec  le  fil  d'Ariane,  il  a  voulu  classer  les  faits  et  leurs  consé- 
quences avec  ordre  et  liaison;  il  a  négligé  les  incidents  oiseux, 
il  a  choisi  des  événemens  assez  importans  pour  que  leur  déve- 
loppement excitât  toujours  la  curiosité;  il  a  essayé  de  peindre 
à  grands  traits  les  hommes,  leurs  caractères,  l'abus  du  pou- 
voir, la  superstition,  l'aveuglement  des  peuples  et  les  ambi- 
tions éclatantes;  et  il  a  composé  une  Histoire  de  France ,  critique 
et  philosophique,  à  l'usage  des  gens  du  monde  (Voy.  Rcv.  Enc. 
t.  xxxi,  p.  477). 

M.  Pigault  a-t-il  convenablement  rempli  le  cadre  qu'il  s'était 
tracé?  nous  devons  le  croire,  si  nous  nous  en  rapportons  au 
succès  qu'il  obtient,  puisqu'avant  même  la  publication  totale 
des  huit  volumes  qui  doivent  compléter  son  ouvrage  ,  l'éditeur 
juge  à  propos  d'en  détacher  les  règnes  importans,  et  de  les 
réimprimer  séparément.  Les  deux  volumes  que  nous  annon- 
çons sont  de  ce  nombre  :  par  la  modicité  de  leur  prix,  et  par 


SCIENCES  MORALES.  /Il7 

leur  format  ,  ils  se  Iroiivcront  bientôt  sous  les  yeux  de  la  cl  a  ,-■• 

des  lecteurs  qui  ne  sauraient  Atteindre  au  coûteux  in-octavo. 
Nous  ne  connaissons  pas  le  grand  ouvrage  dont  ils  sont  déta- 
chés; mais  ces  fragmens  sont  complets,  el  doivent  en  donner 

une  idée  parfaite.  I.crits  avec  rapidité,  (l'un  style  facile  et  élé 

ganl ,  les  règnes  de  Louis  1\  et  de  (.liai  les  \  |  nous  rappellent 
tout  ce  que  les  historiens  et  les  chroniqueurs  ont  rapporté  sur 

eux  d'evenemens  remarquables  \  et  partout,  dans  ses  tableaux  , 
M-  Pigault  Sait' nous  faire  pressentir  avec  finesse,*  les  grandes 
leçons  qui  découlent  (\c>  belles  actions  connue  des  mauvaises, 
des  \  ices  des  princes  et  des  peuples  autant  que  de  leurs  vertus.  On 
voit  qu'il  a  souvent  lu  Voltaire;  qu'il  a  étudié  ta  manière  d'écrire, 
et  qu'après  un  récit  que  distinguent  la  clarté  et  la  simplicité,  il 
cherebe,  comme  lui ,  à  amener  le  trait  par  une  phrase  courte, 
énergique  et  profonde.  Celte  méthode,  qui  ne  peut  être  adoptée 
(pic  par  un  homme  de  beaucoup  d'esprit,  et  qui  sied  très-bien 
à  M.  Pigault,  a  aussi  son  écueil.  On  ne  déguise  pas  toujours 
avec  assez  d'adresse  une  imitation  long-tems  prolongée;  et 
lorsque  cette  imitation  dégénère  en  copie  servile,  l'auteur, 
quelque  talent  qu'il  ait  d'ailleurs,  risque  d'encourir  le  reproche 
de  plagiat.  Nous  craignons  que  la  mémoire  de  31.  Pigault  ne 
l'ait  quelquefois  trop  bien  servi;  et  nous  l'engageons  à  sup- 
primer, dans  une  troisième  édition,  des  phrases  peu  impor- 
tâmes sans  doute  par  elle-mêmcs,  mais  qui  nous  semblent  trop 
connues. 

Voltaire  a  dit  quelque  part  que  les  habitans  du  Khoracan, 
que  l'on  nommait  Corasmins,  pressés  par  les  Tartares,  s'étaient 
précipités  sur  la  Syrie,  et  qu'ils  avaient  égorgé  dans  Jérusa- 
lem Turcs  ,  juifs  et  chrétiens.  C'est  un  des  morceaux  que 
M.  Pigault  a  reproduits  presque  mot  à  mot.  Les  faits  ,  au 
reste,  appartiennent  à  tout  le  monde;  mais,  avant  de  se  les 
approprier,  il  faudrait  s'assurer  de  leur  réalité,  et  celui-ci 
nous  a  inspiré  plus  d'un  doute.  Nous  nous  croyons  certains  que 
les  habitans  du  Khoracan  n'ont  jamais  porté  le  nom  de  Coras- 
mins ,  et  que  ce  nom,  ou  à  peu  près,  était  celui  des  peuples 
de  la  Khoaresmie  ou  Kharismic,  situés  au  nord  du  Khoracan , 
au  sud  de  la  mer  d'Aral.  Mais,  avant  que  ces  peuples,  ou 
même  ceux  du  Khoracan,  pressés  par  les  Tartares,  se  préci- 
pitassent sur  la  Syrie,  ils  avaient  à  traverser  le  grand  désert 
salé  de  Naoubendjan  ;  puis  la  Perse  tonte  entière;  puis,  la 
chaîne  redoutable  des  monts  du  Louristan;  puis,  la  Mésopo- 
tamie et  ses  déserts,  et  le  Tigre  ,  et  l'Euphrate,  et  d'autres 
cours  d'eau  qui  ne  sont  pas  de  légers  obstacles;  ils  avaient  enfin 
à  parcourir  un  espace  de  plus  de  six  cents  lieues  sur  des  terri- 


448  LIVRES  FRANÇAIS. 

toircs  toujours  ennemis.  Cette  excursion  subite  nous  parait 
donc  peu  probable;  et  nous  eussions  désiré  que  l'historien  en 
recherchât  les  causes  et  nous  les  expliquât,  ou  qu'il  annonçât 
ses  doutes  sur  l'intervention  des  Corasmins  dans  les  affaires  de 
la  Palestine  ,  comme  il  l'a  fait  pour  la  prétendue  ambassade  du 
grand  khan  de  Tnrtarie  à  saint  Louis,  dans  l'île  de  Cypre. 

L'histoire  doit  être  positive  en  tout,  et  l'historien  qui  veut 
que  son  ouvrage  survive  à  une  première  apparition  doit  pos- 
séder une  grande  variété  de  connaissances.  H  s'exposerait  à 
perdre  une  partie  de  la  confiance  qu'il  aurait  inspirée  ,  en  pei- 
gnant avec  vérité  les  mœurs  et  les  coutumes  d'un  peuple,  s'il 
transportait  sous  son  climat  les  produits  et  les  phénomènes  na- 
turels d'une  autre  partie  du  globe.  Cette  réflexion  s'applique 
aux  préjugés  adoptés  par  l'ignorance  à  telle  ou  telle  époque. 
11  est  nécessaire  de  ue  les  reproduire  que  comme  des  préjugés. 
Ainsi ,  par  exemple  ,  il  ne  faut  pas  dire  aujourd'hui  que  le  se- 
cret du  feu  grégeois  est  perdu;  car  il  n'est  pas  un  chimiste  qui 
n'en  puisse  fabriquer. 

Nous  ne  pousserons  pas  plus  loin  ces  observations,  qui  n'ôte- 
ront  rien  au  mérite  de  l'ouvrage  de  M.  Pigault.  La  lecture  en 
est  attachante,  les  faits  s'y  pressent  sans  se  confondre,  et  l'on  y 
reconnaît,  avec  plus  d'énergie  et  de  dignité,  la  plume  élégante 
qui  traça  l'épisode  de  Tékéli.  Nous  ne  douions  point  de  son 
succès. 

Au  moment  où  nous  terminons  cet  article,  on  nous  remet 
les  règnes  de  Charles  VII  et  de  Louis  XI,  dont  nous  aurons 
soin  de  rendre  compte.  .  R. 

19?,.  —  *  y  le  politique  et  militaire  de  Napoléon ,  racontée  par 
lui-même  au  tribunal  de  César,-  Alexandre  et  Frédéric.  Paris, 
1827;  Anselin.  4  vol.  in  -8°  ;  prix,  3ô  fr. 

La  vie  d'un  homme  à  qui  la  France  fut  pour  un  moment 
redevable  de  la  paix  ;  mais  auquel  elle  reprochera  d'avoir  tout 
sacrifié  à  son  ambition,  qui  se  rendit  non  moins  célèbre  que 
Charlemagne  et  parut  mériter  de  former  la  souche  d'une  qua- 
trième dynastie ,  est  bien  digne  d'exercer  la  plume  des  écri- 
vains. Mais,  s'il  fallut  un  Robcrtson  pour  entreprendre  l'histoire 
de  Charîes-Quint ,  de  ce  monarque  si  inférieur  en  génie  à 
Napoléon,  ce  n'est  point  à  Walter  Scott,  qui  traduit  l'histoire 
en  roman,  qu'appartient  l'honneur  de  tracer,  en  caractères 
ineffaçables,  la  vie  de  ce  dernier.  Il  faiU  ,  pour  nous  trans- 
mettre les  hauts  faits  de  ce  héros  contemporain  ,  un  écrivain 
dépouillé  d'esprit  de  nationalité,  contempteur  des  doctrines  de 
la  féodalité  et  de  l'aristocratie,  qui  ait  compris  la  révolution 
et   qui  ne   soit  pas  prévenu  contre  les  beaux  génies  qu'elle  a 


SCIENCES  MORALES.  449 

enfantés  et  contre  les  institutioni  qu'elle  ■  fuit  naître;  qui  ait 

une  connaissance   approfondie  des   rapports   politiques  des 

puissances  de  l'Kurope  au  xiv  siècle,  et  qui,  versé  dans  les 
hautes  combinaisons  de  la  guerre,  soit,  à  même  d'analyser  les 
campagnes  mémorables  de  ce  grand  capitaine.  Sous  ces  divers 
••apports,  l'auteur  anonyme  de  la  lie  politiqUB  et  militaire  de 
Napoléon  a  des  avantages  incontestables  sur  l'historien  anglais. 
Une  lecture  rapide  nous  a  convaincus  qu'à  travers  quelques 
défauts,  il  avait  réussi  à  peindre  ce  grand  homme.  On  assure 
que  cet  ouvrage,  neuf  et  original^  est  dû  à  la  plume  du  général 
JoMiNi.  Nous  sommes  portés  à  le  croire  ;  on  reconnaît  sa 
touche  large  et  hardie,  son  style  inégal, mais  pittoresque,  sa 
précision  dans  le  récit  des  opérations  militaires,  ses  vues  pro- 
fondes en  politique;  et,  ce  qui  achève  de  nous  confirmer  dans 
cette  opinion,  c'est  que  nous  avons  trouvé,  dans  le  premier 
volume,  plusieurs  fragmens  de  l'Histoire  critique  des  Guerres 
de  la  Révolution.  L'auteur  seul  de  cet  ouvrage  avait  le  droit  d'en 
agir  ainsi.  K. 

X  io,3. — *  Réfutation  de  la  relation  du  capitaine  Maitland, 
commandant  le  Bellérophon,  touchant  V embarquement  de  Na- 
poléon à  son  bord;  rédigée  par  M.  Barthe  ,  avocat  à  la  cour 
royale  de  Paris ,  sur  les  docùmens  de  M.  le  comte  de  Las-Cases  ; 
augmentée  du  testament  original  de  Napoléon  ,  et  ornée  d'une 
jolie  vignette  ,  représentant  Napoléon  sur  le  rocher  de  Sainte.- 
Hélène.  Paris,  1827;  Charles  Béchet.  In-8°  de  iv  et  162  pages; 
prix,  4  fr-  5oc. 

C'est  ici  une  pièce  destinée  à  l'éclaircissement  d'un  des  grands 
procès  que  jugera  l'histoire;  la  conduite  du  gouvernement  bri- 
tannique à  l'égard  de  l'illustre  prisonnier,  durant  sa  captivité  , 
n'est  pas  la  seule  accusation  que  la  justice  de  la  postérité  sera 
en  droit  d'intenter  à  l'administration  anglaise  de  cette  époque; 
il  faudra  enfin  juger  cette  captivité  elle-même  ;  il  faudra  décider 
si  Napoléon  avait  consenti  à  se  livrer  à  la  merci  d'un  maître 
implacable,  ou  s'il  n'avait  entendu  se  confier  qu'à  un  ennemi 
généreux.  Or  il  résulte  des  propres  aveux  du  capitaine  Maitland, 
que  si  l'on  n'a  point  promis  formellement  un  asyle  à  Napoléon , 
on  s'est  expliqué  de  manière  à  lui  laisser  croire  que  cet  asyle 
lui  serait  accordé  ;  on  attachait  la  plus  haute  importance  à  se 
saisir  de  sa  personne  ,  et  un  piège  a  été  évidemment  tendu  pour 
y  parvenir.  M.  Barthe  a  très  bien  fait  ressortir  cette  circon- 
stance, dans  l'espèce  de  plaidoyer  qu'il  publie  sur  les  pièces 
qui  lui  ont  été  confiées  par  M.  de  Las-Cases.  Il  pense  que  Na- 
poléon, sorti  de  l'île  d'Elbe  pour  renverser  le  gouvernement 
t.  xxxvi.  —  Novembre  1827.  29 


456  LIVRES  FRANÇAIS. 

des  Bourbons,  pouvait  être,  en  Fiance  ,  accusé  de  conspiration. 
«  Mais  ,  ajoute-t-il ,  sorti  des  mains  de  ce  gouvernement ,  placé 
hors  de  tontes  les  nations,  roi  détrôné,  n'étant  le  sujet  d'aucun 
prince,  la  police  de  l'Angleterre  n'avait  sur  sa  personne  ni 
droit  ,  ni  juridiction  :  aucun  gouvernement  ne  pouvait  l'attein- 
dre désormais,  qu'autant  qu'il  violerait  les  lois  spéciales  de  ce 
gouvernement.  »  Et  plus  bas  :  «  Oui ,  la  vérité,  à  mes  yeux  , 
est  que  ,  sur  la  proposition  même  du  commandant  du  Belléro- 
phon  ,  il  fut  convenu  que  Napoléon  serait  conduit  sur  le  sol  de 
l'Angleterre  ,  pour  y  jouir  de  la  protection  de  ses  lois,  et  qu'un 
de  ses  ofliciers  recevrait  toutes  les  facilités  de  remettre  lui- 
même  une  missive  au  prince  régent.  »  Telle  sera  aussi  la  vérité 
pour  tous  ceux  qui  examineront  cette  affaire  sans  prévention  ; 
et  cependant  le  sol  anglais  fut  interdit  à  Napoléon  ,  et  la  plus 
horrible  captivité  fut  décrétée,  et  la  mort  prématurée  du  captif 
a  été  causée  par  les  tourmens  de  sa  prison.  Le  jugement  de  la 
postérité  à  cet  égard  sera  conforme  sans  doute  à  celui  de  la 
grande  majorité  des  contemporains.  Cet  opuscule,  auquel  les 
notes  fournies  par  M.  de  Las-Cases  donnent  beaucoup  de  prix  , 
forme  une  suite  nécessaire  au  Mémorial  tracé  par  le  fidèle  com- 
pagnon de  l'empereur  déchu.  M.  A.. 

19/1.  —  Mémoire  sur  l'ancienne  ville  des  Gaules  qui  a  porté  le 
nom  de  Samarobriva;  par  M.  J.  Rigollot  y?/.?.  Amiens,  1827; 
Caron-Duquenne.  In-8°  de  38  pages. 

M.  Mangon-Delalande  avait  adressé,  cette  année,  à  l'Aca- 
démie d'Amiens,  un  mémoire  tendant  à  prouver,  comme  il 
avait  déjà  essayé  de  le  faire,  dans  une  dissertation  publiée  en 
1825,  que  l'ancienne  ville  des  Gaules  nommée  Samarobriva 
était  Saint  -  Quentin  ,  capitale  du  Vermandois  ,  et  non  pas 
Amiens ,  comme  on  le  croit  généralement. 

L'Académie  d'Amiens  devait  ou  abandonner  ses  préten- 
tions ,  ou  justifier  de  ses  titres  ,  et  elle  chargea  M.  Rigoîlot  fils 
du  soin  de  les  faire  valoir.  La  tâche  était  difficile  ;  car  la  bro- 
chure à  réfuter,  dont  nous  avions  déjà  connaissance,  est  écrite 
avec  séduction ,  et  pouvait  persuader  tous  ceux  qui ,  dans  cette 
matière,  ne  s'en  rapportent  qu'au  dire  des  autres.  M.  Rigoîlot 
devait,  en  répudiant  tout  esprit  de  parti,  discuter  de  nouveau 
les  textes  dont  M.  Delalande  s'était  servi  pour  appuyer  ses 
prétentions  et  invoquer  ensuite  les  autorités  propres  à  con- 
firmer soit  une  opinion  ,  soit  l'autre.  Il  résulte  de  ses  recherches 
et  des  preuves  nombreuses  dont  il  accable  son  adversaire,  que 
la  ville  d'Amiens  est  réellement  l'ancienne  Samarobriva  ,  et 
que  c'est  vers  le  ive  siècle  qu'elle  changea  de  nom,  comme 
beaucoup  d'autres  villes  des  Gaules  ,  pour  prendre  celui  d'Am- 
bianum. 


SCIENCES  MO»  W.KS  -LITTÉRAL  l  !»  I  /,  m 

L'tillteiir  (ci  mine  son    mémoire   par  CCS  Iroia  VtTSj  lues   tirs 

\<ics  «lu  martyre  de  sainl  Quentin  \ 

hatereà  adgredieoa  urbetn  ,  que  floridfl  Galloi 
Extiteral ,  quondam  Dooien  Samarobria  ^  stans , 
Atnbianum  ,  quam  mine  mutato  uotaine  dietfnt. 

Nous  devons  dire  aussi  que  c'est  l'autorité  la  moins  authen- 
tique dont  il  se  soit  servi  pour  appuyer  ses  eonrlusions.      N.  L. 

Littérature. 

195.  — *  Dictionnaire  classique  de  fa  langue  française  ,  avec 
«les  exemples  tirés  des  meilleurs  auteurs  français,  et  des  notes 
puisées  dans  les  manuscrits  de  Riva  roi ,  publié  et  mis  en  ordre 
par  quatre  professeurs  de  l'université.  Deuxième  et  troisième 
livraisons.  CAQ — GUI.  Paris,  1827;  Brunot-Labbe.  2  cahiers 
in-8°  ;  prix  de  la  livraison,   3  fr. 

Nous  avons  annoncé  (voy.  Rev.  Enc,  t.  xxxv,  p.  4^5)  la 
première  livraison  de  cet  excellent  Dictionnaire.  Nous  lui  avons 
donné  les  éloges  qu'il  méritait,  et  nous  ne  pouvons  aujourd'hui 
que  les  répéter.  Mélons-y  cependant  une  critique  légère,  mais 
utile,  puisqu'elle  peut  faire  éviter  une  petite  faute  dans  un 
ouvrage  classique.  Nous  avons  surpris  quelques  définitions 
inexactes;  il  serait  urgent  de  les  rectifier.  En  voici  un  exem- 
ple :  Génitif  :  le  deuxième  cas  d'un  nom  dans  les  langues  qui 
ont  des  cas.  Est-il  bien  philosophique  d'abord  de  définir  une 
chose  par  la  désignation  de  la  place  tout-à-fait  arbitraire  que 
lui  assigne  l'usage?  Et  ensuite,  cette  définition  est -elle  bien 
juste  ?  Dans  le  sanskrit,  le  génitif  n'est  que  le  sixième  cas  ;  dans 
le  grec,  nous  ne  le  regarderons  bientôt  plus  que  comme  le 
troisième,  grâce  à  la  grammaire  de  M.  Burnouf. 

Plus  loin,  on  trouve  Gramme:  unité  de  poids,  un  peu  moins 
de  dix-neuf  grains.  Le  gramme  devait  porter  avec  lui  sa  défi- 
nition rigoureuse.  Le  définir  par  les  mesures  anciennes,  c'est 
tourner  dans  un  cercle  vicieux;  car,  pour  faire  connaître  exac- 
tement les  anciennes,  nous  serons  obligés  de  les  exprimer  en 
parties  des  nouvelles  mesures.  B.  J. 

196.  —  Tableau  historique ,  chronologique  des  concours 
généraux  de  l'Université,  ancienne  et  nouvelle,  depuis,  la 
fondation  des  concours  jusquen   1826  inclusivement  ;  suivi  du 

Tableau  de  la  distribution  des  prix  du  concours  général ,  et  des 
distributions  des  prix  des  huit  collèges  de  Paris  et  de  Versailles 
en  1827  ;  par  A.   J.   de  Mancy,   auteur  de    Y  Atlas  historique 

29. 


452  LIVRES  FRANÇAIS. 

des  littératures y  etc.  Paris,  1827;  L.  Hachette,  rue  Pierre- 
Sarrazin,  n°  12;  Jules  Renouard.  Une  grande  feuille  coloriée; 
prix ,  3  fr.  5o  c. 

Nous  avons  annoncé  la  première  édition  de  ce  tableau 
(voy.  Rev.  Enc. ,  t.  xxx,  p.  577),  où  figurent,  à  côté  de 
beaucoup  de  noms  devenus  célèbres  des  lauréats  de  l'ancienne 
université,  Thomas,  Delille ,  La  Harpe,  Dupuis,  Lebrun  (duc  de 
Plaisance),  Chain  fort,  Lavoisier,  Hauy,  le  chevalier  Berlin  ? 
Robespierre  ,  Camille  Desmoulins  ,  André  Chénier  ,  An- 
drieux ,  etc.  etc.,  ceux  des  élèves  de  la  nouvelle  université 
dont  plusieurs  ont  justifié,  par  d'utiles  travaux  ou  de  brillantes 
productions  ,  les  succès  qu'ils  avaient  obtenus  dans  leur  pre- 
mière jeunesse.  Nous  citerons  de  nouveau  MM.  Villemain, 
Naudct ,  Victor  Leclerc  ,  Cousin  ,  Charles  Dupin  ,  et  Casimir 
Delavigne,  etc.,  qui  ont  remporté  tour  à  tour  les  premiers  prix 
décernés  par  l'université  aux  élèves  des  collèges  de  Paris. 
M.  de  Mancy  a  donné,  de  plus,  la  liste  des  élèves  couronnés, 
cette  année,  à  la  distribution  des  prix  du  concours  général, 
et  il  promet  de  continuer  cette  entreprise,  en  ajoutant, 
chaque  année  ,  les  noms  des  nouveaux  lauréats ,  à  son  ta- 
bleau ,  qui  deviendra  ainsi  un  vaste  répertoire  où  l'on  aimera 
à  retrouver  la  trace  des  premiers  triomphes  d'un  grand  nombre 
d'hommes  qui  seront  devenus  illustres  dans  les  lettres ,  les 
sciences,  les  arts  ou  la  politique.  et. 

197.  — L'Enéide  des  gens  du  monde  ;  poëme  en  douze  chants. 
Ire  livraison.  Paris,  1827  ;  Levrault,  rue  de  la  Harpe,  n°  81. 
In-8°;prix,3fr. 

Encore  un  nouveau  travail  sur  Virgile  ;  mais  du  moins  ce 
n'est  aujourd'hui  ni  un  commentaire  perpétuel ,  ni  un  recueil 
de  notes  philologiques  et  géographiques  ,  ni  une  traduction  en 
vers  ou  en  prose.  Qu'est-ce  donc?  C'est  l'ouvrage  d'un  auteur 
qui,  s'étaut  formé  le  goût  à  l'école  de  nos  aristarques  mo- 
dernes ,  et  qui ,  épris  des  beautés  de  Virgile  ,  sans  s'aveugler 
sur  ses  défauts  ,  a  cru  qu'en  se  permettant  plusieurs  chan- 
gemens  dans  X Enéide  ,  et  en  substituant  à  propos  ses  idées  à 
celles  du  poète  latin,  il  ne  lui  serait  pas  difficile  d'en  rendre  la 
lecture  aussi  agréable  qu'intéressante  à  quelques  classes  de  la 
société,  surtout  aux  gens  du  monde. 

Son  plan  n'a  rien  de  la  servilité  d'un  traducteur  ordinaire. 
Dégagé  des  entraves  d'une  interprétation  rigoureuse  ,  il  ne 
traduit  pas  ,  il  imite  ;  et  cette  liberté  qu'il  s'est  permise  donne 
à  ses  vers  plus  de  douceur  et  de  naturel.  Il  fait  plus,  une 
imago  étrangère  à  l'original  ,  mais  qui  lui  semble  capable 
d'ajouter  un  nouveau  prix  à  la  copie ,  vient-elle  s'offrir  à  son 


LITTÉB  \Tt  RB.  /,« 

imagination ,  il  l'en  empara  avec  avidité  s  el  l'abandonne  .«  ses 

propres    inspirations.   C'est   ainsi    qu'ail    premier  livre,   aptes 
avoir  traduit  assez  fidèlement  le  sujet  des  chants  d'Iopas,    il 

ajoute: 

A  des  chanta  plus  joyeux  par  Didon  excité , 
D'un  délire  nouveau  toutrà-coup  transporté | 

Il  chante  ec  beau  jour,  premier  beau  jour  du  monde, 

Où  ,  brillante  d'attraits ,  Vénus  sortit  de  l'onde , 

De  sa  douée  chaleur  pénétra  l'univers, 

L'embellit,  le  peupla  de  mille  êtres  divers. 

Puis,  livrant  son  {'('•nie  à  d'aimables  eaprices. 

Il  chanta  de  l'amour  les  plus  chastes  délices, 

Ses  désirs,  ses  tourmens,  ses  rêves  enchanteurs, 

Et  l'instant  où  l'hymen  le  couronne  de  fleurs. 

Etonné  de  lui-même  ,  il  sent  qu'un  Dieu  l'inspire  , 

Et  parcourt  avec  lui  les  cordes  de  sa  lyre. 

Ce  n'est  plus  lui  qui  joue;  il  le  sent,  et  jamais 

Sa  lyre  n'a  produit  des  accords  si  parfaits. 

Il  ne  se  trompait  pas  :  l'enfant,  dieu  d'Idalie, 

Donnait  seul  à  son  luth  tant  dame  et  d'harmonie. 

Il  faut  l'avouer  :  il  n'y  a  pas  dans  Virgile  un  seul  mot  qui 
ait  pu  donner  l'idée  de  ces  vers  ;  et  cependant ,  ils  se  trouvent 
placés  en  cet  endroit  aussi  naturellement  que  s'ils  étaient 
l'œuvre  du  poète  original.  Virgile  lui-même  n'aurait  peut-être 
pas  dédaigné  une  pareille  inspiration  ,  qui  semble  faire  pres- 
sentir au  lecteur  la  destinée  future  de  la  malheureuse  Didon. 
J'espère  qu'on  saura  gré  ,  comme  nous ,  à  l'auteur  d'avoir 
ennobli  le  caractère  d'Achatc,  qui  a  plutôt  l'air  d'être  le  domes- 
tique d'Enée  que  son  ami.  En  élevant  à  une  condition  plus 
noble  \ejïdus  Jchatcs ,  souvent  insipide  dans  Virgile,  l'auteur 
l'a  mis  à  même  déjouer,  dans  la  suite  de  l'ouvrage,  un  rôle 
plus  digne  de  la  poésie  épique. 

Il  fallait  sans  doute  moins  de  mérite  pour  éviter  le  fatal 
longé  servet  vestigia  conjux.  Aussi  cette  faute  n'a  point  échappé 
au  nouvel  imitateur. 

Chargé  du  poids  d'un  père  , 

Jamais  charge  à  mon  corps  ne  parut  plus  légère; 

A  mes  côtés  marchaient  mon  épouse  et  mon  fils. 

Le  reste  de  la  troupe  ,  à  mes  ordres  soumis  , 

Par  des  chemins  divers,  au  sortir  de  la  ville  , 

Devait  d'un  bois  voisin  gagner  le  sombre  asyle. 

C'est  avec  plaisir  encore  que  nous  avons  vu  la  scène  dé- 
goûtante des  harpies  remplacée  par  une  description  gracieuse 
d'une  fête  de  Cérès. 


lM  LIVRES  FRANÇAIS. 

Les  changemens,  les  corrections  et  les  additions  que  «mis 
avons  remarqués  dans  ces  trois  premiers  livres,  nous  en  an- 
noncent de  plus  considérables  pour  les  suivans  ;  et,  s'ils  sont 
toujours  soutenus  par  des  vers  élégans  et  faciles  ,  l'ouvrage  ne 
pourra  manquer  d'exciter  la  curiosité  des  lecteurs.  L. 

10,8.  — *  La  Liberté,  poëmc  dithyrambique,  divisé  en  deux 
lyres  (ou  chants);  par  Nestor  de  Lamarque.  Paris,  1827;  les 
marchands  de  nouveautés.  I11-80  de  87  pages  ;  prix,  2  fr. 

La  poésie  reçoit  des  circonstances  où  nous  sommes  un  ca- 
ractère grave  et  sérieux;  elle  puise  souvent  paruti  nous  ses 
inspirations  dans  les  sentimens  qui  sont  communs  à  tous  les 
bons  Français,  et  qui  échauffent  les  cœurs  généreux.  M.  de 
Lamarque  a  suivi  cette  noble  impulsion  ,  en  chantant  la  liberté. 
Un  préambule ,  intitulé  spicilège,  reproduit  plusieurs  passages 
extraits  d'ouvrages  anciens  et  modernes  dans  lesquels  la  liberté 
est  présentée  comme  le  premier  des  droits  politiques,  comme 
la  condition  nécessaire  des  progrès  de  la  civilisation  et  de 
l'industrie,  comme  la  dette  des  gouvernemens  envers  les  na- 
tions. Tels  sont  les  textes  développés  par  le  jeune  poète  dans 
plusieurs  strophes  dont  nous  citerons  les  deux  suivantes  : 
elles  suffiront  pour  faire  désirer  vivement  de  lire  le  poèmeJ 
entier. 

Il  est  un  ncm  qui  roule  à  travers  tous  les  âges, 
Qui  de  l'homme  naissant  salua  le  berceau, 
Que  la  foudre  prononce  au  milieu  des  orages, 
Qui  plane  sur  les  grands  naufrages, 
Qui  malgré  les  tyrans  vit  dans  tous  les  langages, 

Que  l'on  grave  sur  leur  tombeau  ! 
Un  nom  que  sur  les  murs  où  l'oppresseur  habite 
Trace  pour  son  arrêt  une  invisible  main , 
Et  qui  fait  luire  encor  l'espérance  proscrite 
Dans  ces  cachots  obscurs  qu'entoure  un  triple  airain  ; 
Un  nom  qui  fait  germer  sur  le  sol  des  deux  mondes 
Des  plus  nobles  vertus  les  semences  fécondes  ; 
F  affermit  les  revers  ,  console  aux  jours  de  deuil, 
Et  rend  aux  peuples  noirs  ,  à  ces  races  humaines 
Dont  le  glaive  est  forgé  des  débris  de  leurs  chaînes  , 
Le  rang  que  parmi  nous  leur  disputait  l'orgueil. 


Liberté!  liberté  !  ce  nom  s'est  fait  entendre: 

11  vient  de  réveiller  votre  héroïque  cendre , 

Mânes  de  Thémistocle  et  de  Pélopidas  ! 

Nobles  enfans  de  Thèbe ,  et  de  Sparte  ,  et  d'Athènes  , 

Il  est  tems  de  briser  vos  chaînes 

A  la  voix  des  Léonidas!  N- 


LITTERATURE.  455 

190.— l es  Ixiins  de  met}  poème  1  par  IYI.  F.  Thueux.  l'aris  , 
18*7;  Ladvocat;  Boulogne-sur  Mer,  Leroy- Berger.  In- 8°  de 
59  page»;  prix,  2  !r. 

L'auteur  célèbre  l'établissement  qui  réunit  dans  sa  ville  na- 
tale un  grand  nombre  de  voyageurs;  il  amplifie,  à  la  manière 
des  poètes,  les  agrémens  -i  les  bienfaits  des  bains  de  mer;  et 
le  tableau  du  bonheur  dont  on  jouit  à  Boulogne  suffirait  sans 
doute  pour  y  attirer  up  grand  nombre  de  lecteurs,  si  l'on  nvaii 
ordinairemenl  beaucoup  de  foi  aux  paroles  des  portes.  Mais  il 
est  à  croire  <pie  la  moindre  ordonnance  du  médecin  aura  à  cet 

égard  plus  de  pouvoir  sur  (esprit  des  malades  que  les  vers  de 
M.  Thueux.  Ce  n'est  pas  que  son  poème  soit  sans  mérile  :  une 
invention  assez  riche,  un  Style  toujours  pur,  une  imagination 
riante,  voilà  les  qualités  qu'on  y  trouve;  m;iis  on  y  désire 
une  disposition  plus  beufeuse  ,  et  moins  de  vague  dans  les 
idées. 

IM.  Thueux,  en  adoptant  le  genre  que  les  rhéteurs  ont  nommé 
,/  rnonstr&tif,  et  qui  consiste  à  louer  pour  louer  ou  à  blâmer 
pour  blâmer,  a  senti  (pie  la  monotonie  est  l'écueii  presque  iné- 
vitable de  ce  genre;  il  a  voulu  y  échapper,  en  réunissant  dans 
son  ouvrage  les  divinités  de  la  Grèce  ancienne,  quelques  sou- 
venirs de  la  Grèce  moderne,  la  fondation  de  Boulogne  par 
César,  la  visite  de  la  duchesse  de  Berry,  et  deux  épisodes  assez 
intéressans.Tous  ces  efforts  n'ont  pu  couvrir  le  vide  du  poème, 
ni  donner  de  l'intérêt  à  un  recueil  de  vers  sans  action  et  sans 
unité;  mais  on  y  remarquera  des  détails  remplis  de  charme, 
et  les  vrais  amans  de  la  nature  en  retrouveront  les  couleurs 
véritables  dans  plusieurs  descriptions  de  l'auteur. 

200.  —  La  Corbicréide,  poème  en  quatre  chants,  par  Bar- 
thélémy et  Méry.  Paris,  1827;  Àmb.  Dupont;  In-8°  de  75  p. 
prix  ,  2  f.  5o  c. 

201.  —  La  Bacriade,  ou  la  guerre  d'Alger,  poëme  héroï- 
comique  en  cinq  chantsy  par  les  mêmes.  Paris,  1827.  Amb. 
Dupont;  In  -  8°  de  96  p.  prix  ,  2  U\  5o  c. 

Tout  ce  que  nous  avions  à  dire  sur  les  auteurs  de  ces  deux 
poèmes,  nous  l'avons  dit  depuis  long-tems.  Quelques  journaux, 
charmés  de  voir  en  eux  les  interprètes  de  l'opinion  de  la  majo- 
rité de  la  France,  appréciant  d'ailleurs  l'élégance  soutenue  de 
leur  style  et  la  tournure  heureuse  et  facile  de  leurs  vers,  n'ont 
su  leur  donner  (pie  des  éloges,  et  leur  ont  fait  un  mérite  de  la 
1  apidité  avec  laquelle  ils  composent.  Pour  nous,  plus  justes  ou 
plus  sincères  ,  nous  avons  soigneusement  distingué  le  talent 
littéraire  et  poétique  de  l'expression  d'une  opinion,  et  tout  en 
montrant  les  qualités  qu'on  devait  admirer  en  eu\,  nous  avons 


,',56  LIVRES  FRANÇAIS. 

cherché  à  les  prémunir  contre  l'ivresse  d'un  premier  succès, 
et  nous  les  avons  prévenus  des  dangers  que  leur  ferait  courir 
une  trop  grande  précipitation. 

Ils  n'ont  guère  profité  de  ces  conseils,  et  nous  ont  donné, 
à  la  distance  de  trois  mois,  la  Corblércide^  que  nous  n'avons  pu 
Annoncer  sous  le  régime  de  la  censure;  et  la  Bacriaclc,  publiée 
il  y  a  peu  de  jours. 

Dans  le  premier  de  ces  deux  poèmes,  le  ministre  des  finan- 
ces, effrayé  de  l'attitude  menaçante  de  la  garde  nationale, 
veut  faire  rédiger  au  ministre  de  l'intérieur  l'ordonnance  du 
licenciement;  il  l'invite  à  se  rendre  la  nuit  même  au  Champ- 
deMars,  où  il  se  trouvera  avec  son  collègue  Peyronnet.  INos 
auteurs  ont  cru  bien  faire  en  conduisant  les  ministres  sur  le 
théâtre  même  où  leur  avait  été  témoigné  le  mécontentement 
public;  ils  ont  trouvé  plaisant  de  faire  saisir  les  trois  héros 
par  un  essaim  de  mouchards  réunis  dans  les  cabarets  voisins. 
Cette  conception  bizarre  et  fausse  a  donné  naissance  à.  quel- 
ques détails  qu'on  lit  avec  plaisir,  mais  qu'on  est  fâché  de  voir 
commencer  par  ces  vers  : 

La  lune,  à  l'horizon  à  cette  heure  inclinée ,. 
Allonge  des  héros  l'ombre  indéterminée, 
Et  du  pont  d'Iéna  ,  leurs  pieds  en  traits  obscurs 
De  la  lointaine  école  escalade  les  murs. 

L'école  militaire  est  au  sud  du  pont  d'Iéna;  pour  que  la  descrip- 
tion eût  le  sens  commun  ,  il  faudrait  placer  la  lune  au  pôle  : 
pourquoi  donc  décrire  ce  qu'on  ne  sait  pas,  ou  ce  qu'on  n'a 
pas  vu  ? 

Les  ministres  font  leur  pacte  au  Champ-de-Mars;  puis,  ils 
sont  saisis  et  relâchés  par  les  mouchards;  enfin,  ils  retournent 
dans  leurs  hôtels,  d'où  ils  n'auraient  pas  dû  sortir:  mais,  Cor- 
bière, effrayé  de  son  ordonnance ,  monte  au  sommet  du  Pan- 
théon, d'où  il  observe  le  télégraphe  de  Saint-Sulpice,  qui  doit 
l'avertir  s'il  y  a  du  danger  pour  lui;  quand  il  n'y  en  a  plus,  il 
descend  et  va  chez  Villèle  qui  le  décore  du  cordon  bleu. 

On  se  demande  comment  deux  hommes  d'un  talent  incontes- 
table, quoique  trop  vanté  peut-être,  ont  pu  travailler  sur  un 
sujet  aussi  incohérent,  aussi  décousu  que  celui-là  :  on  regrette 
qu'ils  ne  se  donnent  pas  la  peine  d'imaginer  un  plan  raison- 
nable, et  de  chercher  quelques  idées  à  la  fois  originales  et 
sensées. 

La  Bacriade  n'est  pas  même  amusante  :  on  ne  pouvait  du 
moins  refuser  cette  qualité  à  leurs  précédens  ouvrages;  mais 
ici  ils  ont  bien  changé;   et  peut-être  la  faute  en  est-elle   au 


LITTÉRATURE.  /,'>: 

jnjet  qui  DO  leur  a  pas  permis  de  mettre  en  scène  les  minis- 
tres ,  objets  ordinaires  tic  leurs  sarcasmes  :  à  défaut  de  ces  per- 
sonnages, ils  ont  puisé  dans  les  petits  journaux  des  plaisante- 
ries sur  la  giraffe,  sur  la  justice  algérienne,  et  ils  ont  été , 
chose  inouïe  de  la  part  d'écrivains  qui  professent  des  idées 
vraiment  libérales,  jusqu'à  tourner  en  ridicule  l'établissement 
d'un  collège  égyptien  en  France.  Qui  ne  voit,  au  contraire, 
que  ecl  acte  d'un  pacha  vice-roi,  élevé  dans  les  habitudes  du 
despotisme,  indique  une  portée  de  vues  peu  ordinaire,  et  mé- 
rite les  éloges  des  amis  de  l'humanité.  Si  l'on  voulait  absolu- 
ment le  mettre  en  scène,  il  y  avait  sans  doute  dans  la  vie 
politique  d'un  chef  militaire  et  absolu  des  actions  qui  pou- 
vaient prêter  au  blâme  ,  el  même  inspirer  une  indignation 
généreuse;  mais  convenait-il  à  des  plumes  libérales  de  dénigrer 
une  institution  dont  les  plus  grands  princes  auraient  droit  de 
s'honorer  ? 

X  202.  —  *  Œuvres  de  M.  J.  P.  G.  Viennet.  Êpîtresct  Dia- 
logues des  morts.  Paris,  1827;  Ambroise  Dupont.  2  vol.  in-18  , 
ensemble  de  676  pages;  prix,  9  fr. 

Ces  deux  tomes  sont  les  premiers  de  la  collection  qui  doit 
réunir  les  œuvres  de  M.  Viennet;  il  annonce,  dans  sa  préface, 
qu'elle  sera  composée  de  huit  volumes,  dont  les  deux  derniers 
contiendront  la  Philippide. N'anticipons  pas  sur  les  publications 
suivantes;  nous  aurons,  il  faut  l'espérer  ,  l'occasion  de  rendre 
à  l'auteur  toute  la  justice  qu'il  mérite,  et  de  faire  apprécier  une 
épopée  dont  des  lectures  partielles  n'ont  pu  donner  jusqu'ici 
qu'une  idée    imparfaite.  Aujourd'hui ,   nous  avons    à  rendre 
compte  des  ouvrages  auxquels  il  doit  sa  grande  popularité,  et 
qui  lui  ont  marqué  une  place  si  haute  dans  l'estime  publique, 
je  veux  dire  ses  Epîtres. — Nées  des  événemens  contemporains, 
presque  improvisées,  comme  il  l'explique  lui-même  dans  une 
préface  pétillante  de  gaîté  ,  de  verve  et  souvent  d'indignation, 
à  mesure  que  les  circonstances  développaient  tel  ou  tel  carac- 
tère politique,  elles  ont  du,  et  ce  n'est  pas  un  des  moindres 
avantages  de  ce  genre  de   poésie,  porter  constamment  l'em- 
preinte du  moment  qui  les  avait  inspirées.  Toutes  les  fois  que 
des  pensées  grandes  et  généreuses,  ou  mesquines  et  injustes, 
semblaient  diriger  les  chefs  du  gouvernement,  M.  Viennet  sen- 
tait le  besoin  d'épancher  son  àme  dans  ses  vers ,  et  de  verser 
la  louange  ou  le  blâme  sur  les  actes  dont  il  était  le  témoin. 
Mais,  en  voyant  cesépîtres  au  nombre  de  trente- deux,  rangées 
par  ordre  chronologique,  on  ne  peut  se  dissimuler  que  le  talent 
de  l'auteur  a  grandi ,  comme  l'esprit  public,  depuis  l'établisse- 
ment  du  gouvernement  constitutionnel.  Avant  cette  époque, 


458  LIVRES  FRANÇAIS. 

les  Français  privés  de  liberté ,  mais  éblouis  par  la  gloire  des 
conquêtes,  donnaient  beaucoup  aux  mots,  fort  peu  aux  choses: 
le  nombre  était  petit  de  ceux  qui  savaient  bien  quelle  était  la 
politique  la  plus  désirable  pour  une  nation;  en  fait  de  gouver- 
nement, chacun  avait  sa  marotte.  Douze  années  de  paix,  de 
discussions,  d'examen,  ont  fait  remplacer  les  illusions  et  les 
théories  les  plus  séduisantes,  par  des  idées  positives.  On  s'est 
aperçu  que  la  forme  du  gouvernement ,  ni  les  qualités  per- 
sonnelles des  princes  n'offraient  pas  des  garanties  suffisantes 
pour  le  bonheur  des  peuples,  si  de  bonnes  lois,  bien  exécu- 
tées, n'assuraient  à  chacun  le  libre  exercice  de  son  industrie, 
le  libre  développement  de  son  intelligence.  C'est  donc  vers  cette 
liberté  que  se  sont  tournés  peu  à  peu  tous  les  désirs  des  Fran- 
çais ,  parce  que  tout  le  reste  en  doit  être  la  conséquence.  Pa- 
reillement, dans  les  premières  épîtres  de  M.  Viennet,  il  est 
beaucoup  question  de  gloire,  de  conquêtes,  d'illustrations, 
souvent  de  vers  et  de  littérature,  quelquefois  de  métaphysique. 
Mais,  dans  les  dernières,  et  à  partir  de  celle  que  fit  naître 
l'apparition  d'un  capucin  à  Paris,  en  1819  ,  des  considérations 
plus  sévères  prennent  la  place  des  idées  qui  avaient  brillé  dans 
les  autres. 

L'histoire  et  la  politique  surgissent  fout  entières  dans  la  poé- 
sie de  M.  Viennet.  Là,  il  ne  donne  presque  rien  à  l'arrange- 
ment des  mots  ;  mais  les  faits  ,  se  pressant  avec  rapidité,  forment 
une  masse  effrayante  de  preuves,  et  accablent  par  une  puis- 
sance plus  forte  encore  que  celle  des  raisonnemens.  Les  épîtres 
aux  Louangeurs  du  tems passé ,  h  Hqffman  ,  sur  les  Jésuites  ,  à 
l'abbé  de  La  Mcnnais  ,  et  surtout  aux  Chiffonniers  (  voy.  Rcv. , 
Enc.,  t.  xxxiii,  p.  257),  sont  des  chefs-d'œuvre  dans  ce  genre; 
là,  comme  dans  l'admirable  Dialogue  de  Louis  XI et  François  Ier , 
de  Voltaire  ,  Schwartz  et  Guttemberg ,  et  des  deux  rois  insensés 
Charles  FI  et  Georges  III,  l'auteur,  soutenu  par  une  profonde 
connaissance  de  l'histoire ,  renferme  dans  ses  vers  moins  de  mots 
que  de  sens  ;  et  je  ne  crois  pas  que,  parmi  nos  poëtes  contem- 
porains ,  si  l'on  excepte  peut-être  Béranger,  on  en  puisse  citer 
un  dont  la  pensée  soit  aussi  pleine,  aussi  riche,  aussi  variée 
que  celle  de  M.  Viennet.  Il  est  fâcheux  que  l'expression  n\  ré- 
ponde pas  toujours.  LTne  trop  grande  précipitation  lui  fait  quel- 
quefois négliger  la  facture  des  vers;  de  là  ,  des  expressions 
faibles,  des  lignes  traînantes  ,  quelquefois  même  des  obscurités. 
Mais  ces  fautes  ne  détruisent  point  les  qualités  précieuses  que 
nous  avons  fait  remarquer  dans  l'auteur:  qualités  dont  l'en- 
semble lui  a  valu  ,  et  lui  conservera  un  rang  très-distingué  sur 
notre  Parnasse ,  en  même  tems  que  son  caractère  le  place  au 


LITTÉKA1 1  RE.  45g 

nombre  de  ces  poètes,  nobles,  fidèles  interprètes  de  la  patrie, 
et  que  la  liante  reconnaît  pour  vraiment  Français.      B.  .1. 

•>(»'».  "  Almanaeh  des  Dames,  pour  l'an  i$a8.  Paris,  (  18*27); 
Treuttel  et  Wurtz.  In  18  de  a4<J  psgfiSj  orné  d'un  frontispice 
et  de  «S  gravures;  prix,  S  IV.  broché. 

2o/i.  —  *  Almanaeh  dédié  aux  Dames,  pour  l'année  iS^.tt. 
Paris,  1827;  Lefuel.  In-ivS  de  164  pages,  avec  un  frontispice, 
(>  gravures,  un  calendrier  et  un  souvenir;  prix,  /»  fr.  broehé. 

La  table  du  premier  et  du  plus  ancien  (le  ces  deux  recueils 
nous  offre  65  ailleurs  et  100  pièces,  dont  une  seule  en  prose; 
nous  trouvons  dans  l'autre  3o  auteurs  seulement  et  5'2  pièces, 
dont  /|i  en  vers.  On  aime  à  rencontrer,  dans  X Almanaeh  des 
Dames ,  les  noms  de  MM.  Andrieux,  Chauvet,  Demie-  Baron  , 
Delphine  Gay,  Halevy,  M.  A.  Jtdlicn,  Jules  Lefèvre ,  Lesguil- 
lons  ,  Mollevaut ,  Montémont ,  Soumet,  (te.;  dans  V  Almanaeh 
dédié  aux  Dames,  ceux  de  MM.  Ancelot,  Bignan ,  Brès ,  Vietor 
Hugo,  Tissât,  etc.;  et  dans  l'un  et  l'autre,  ceux  de  madame 
Tas  tu  ,  mademoiselle  Delphine  Gay  et  M.  Pongerville.  On  lit 
avec  plaisir  dans  le  premier  une  épigramme  de  M.  àndrieux; 
le  Charme,  élégie  de  M.  Boulay-Paty;  Y  Ode  a  Daphné ,  de 
M.  Denne  -  Baron';  X Ange  de  poésie ,  par  mademoiselle  Del- 
phine Gay;  un  Hommage  à  la  mémoire  de  M.  le  due  de  la  Ro- 
ehefoueauld-  Liancourt ,  par  M.  Jullien;  les  deux  Aveugles, 
par  M.  Jules Lefèvre;  dans  le  second,  une  pièce  de  M.  Brault, 
qui  a  pour  titre,  A  l'Europe,  et  V  Epure  à  la  Femme  que  je  cherclie, 
par  M.  Mazeins;  dans  tous  les  deux,  la  charmante  élégie  de 
madame  Tastu,  intitulée,  le  Dernier  jour  de  V Année.  A  ees^ 
pièces  il  convient  d'ajouter  les  stances  de  Fontanes  à  M.  de 
Chateaubriand  ;  YOrage,  par  M.  Edouard  D***. ,  et  l'élégie  in- 
titulée, aux  Mânes  de  ma  Fille,  par  M.  Lesguillons,  qui  se 
trouvent  dans  Y  Almanaeh  des  Dames;  Moïse  sur  le  Nil ,  ode  de 
M.  Victor  Hugo;  la  Fête-Dieu ,  par  M.  Brault,  et  le  Chant  du 
Cor/,  par  un  anonyme,  que  nous  offre  Y  Almanaeh  dédié  aux 
Dames;  mais  la  palme  nous  paraît  due  celte  année,  dans  ces 
deux  volumes,  à  M.  de  Pongerville,  dont  le  premier  a  re- 
cueilli la  pièce  (Y Atalante  et  Hippomène ,  et  le  second,  celle  de 
Ceyx  et  Alcyone.  On  voit  que  ces  deux  recueils  rivalisent  sous 
le  rapport  de  l'intérêt  poétique  ;  quant  aux  gravures  qui ,  pour 
bien  des  personnes,  sont  le  principal  mérite  des  almanachs, 
il  faut  reconnaître  qu'elles  sont  préférables  dans  le  premier,  qui 
fera  bien  de  chercher  à  conserver  cette  supériorité,  à  laquelle 
il  doit  en  partie  son  succès.  L'exécution  typographique  de  l'un 
et  de  l'autre,  confiée  au  même  imprimeur,  serait  irréprochable 
si  la  correction  en  avait  été  plus  soignée.  C'est  nu  reproche  que 


460  LIVRES  FRANÇAIS. 

nous  avons  déjà  eu  occasion  de  lui  adresser  Tannée  dernière, 
reproche  que  méritent  plus  ou  moins  aujourd'hui  nos  plus 
célèbres  typographes,  et  auquel  il  serait  tems,  pour  l'honneur 
de  leur  art,  qu'ils  voulussent  bien  attacher  plus  d'importance. 
L'auteur  de  cet  article  réclame  pour  sa  part  contre  l'omission 
de  deux  mots  [un  soir)  omis  à  la  fin  du  premier  vers  d'une 
fable  intitulée  :  le  Paon  qui  se  mire  (pag.  229  de  X Almanach  des 
Dames),  et  qui  étaient  sinon  nécessaires  au  sens,  du  moins  in- 
dispensables à  la  rime.  On  remarque  aussi  à  la  page  75  de  Y  Al- 
manach dédié  aux  Dames y  un  vers  (le  i3e)  qui  n'a  point  de 
rime  correspondante.  Cette  faute  doit-elle  être  reprochée  à  l'au- 
teur, nous  l'ignorons;  dans  tous  les  cas,  elle  doit  l'être  à  l'édi- 
teur et  à  l'imprimeur,  qui  sont  également  responsables  de  pa- 
reilles négligences.  E.  H. 

2o5. —  Joseph  Vcrnct,  ode  qui  a  remporté  le  prix  au  juge- 
ment de  l'Académie  de  Vaucluse;  par  M.  Bignan.  Paris  ,  1827  ; 
Hubert,  au  Palais  Royal.  In- 8°  d'une  demi- feuille  d'impres- 
sion ;  prix ,  1  fr. 

Cette  pièce  ,  où  l'on  remarque  un  petit  nombre  de  vers  heu- 
reux, n'ajoutera  pas  beaucoup  à  la  réputation  que  l'auteur  s'est 
acquise  par  sa  traduction  de  trois  chants  de  X Iliade  et  par  la 
publication  d'un  poëme  lyrique  sur  Napoléon ,  suivi  d'autres 
poésies,  recueil  auquel  nous  avons  accordé  de  justes  éloges 
(Voy,  Rev.  Enc.,  iom.  xxix,  pag.  714  et  suiv.),  et  dont  nous 
apprenons  que  M.  Bignan  a  fait  paraître  récemment  une  nou- 
velle édition.  E.  H. 

206.  —  *  Les  Loisirs  de  M.  de  Villeneuve,  ou  Voyage  d'un 
habitant  de  Paris  à  l'est  de  la  France,  en  Savoie  et  en  Suisse; 
publié  par  /.-/.  Lemoine.  Paris,  1827;  Ponthieu.  In-8°  de 
460  p.  ;  prix,  5  fr. 

La  composition  de  cet  ouvrage  est  assez  singulière.  L'auteur 
suppose  que  M.  de  Villeneuve,  son  ami,  lui  lit  au  coin  du  feu 
un  manuscrit  contenant  le  récit  de  son  voyage,  que  le  premier 
interrompt  de  tems  en  tems  par  ses  observations  et  par  ses 
critiques.  M.  de  Villeneuve,  victime,  à  ce  qu'il  paraît,  d'une 
destitution  ministérielle  ,  est  allé,  à  la  fin  de  1824 ,  accompagné 
de  sa  femme  et  de  sa  fille ,  chercher  des  distractions  dans  un 
voyage  en  Suisse.  Chemin  faisant,  il  recueille,  sur  la  situation , 
l'esprit  et  les  besoins  de  la  France,  des  détails  qui  lui  sont 
fournis  par  la  conversation  des  personnages  qu'il  met  en  scène; 
et,  quoique  les  opinions  qu'ils  expriment  sur  les  anciens  abus, 
sur  les  avantages  de  la  répartition  des  propriétés,  sur  les  bien- 
faits d'une  liberté  sage,  sur  la  marche  et  les  progrès  de  la 
société,  aient  été  souvent  développées  avec  plus  de  profondeur 


LITTÉRATURE.  qfh 

par  de  savans  économistes,  on  ne  DCUt  nier  qu'il  n'y  ait  clans 
le  récil  de  notre  voyageur  un  ton  de  vérité  et  de  bonhomie  qui 
plaît  et  qui  persuade.  Cette  observation  s'applique  également  à 

la    partie    descriptive    du   voyage,   <|iii  ,    malgré    beaucoup    de 

longueurs  et  de  détails  minutieux,  intéresse  encore,  après  tant 
de  peintures  de  la  Suisse;  et  des  Alpes.  Le  st\  le  de  cet  ouvrage, 
à  la  fois  élégant  et  naïf,  est  plein  de  je  ne  sais  quelle  onction 
qu'il  doit,  je  pense,  à  cette  union  de  la  religion  et  de  la  phi- 
losophie ,  qui  est  la  pensée  favorite  de  l'auteur.  Persuadé 
qu'//  n'j  a  point  de  sagesse  sans  religion,  ni  de  religion  sans 
sagesse;  M.  de  Villeneuve  nous  montre  une  sœur  de  Saint- 
Vincent  de  Paul  et  un  jeune  médecin  matérialiste  qui,  attirés, 
l'un  par  une  piété  tendre  et  bienfaisante ,  l'autre  par  un  excel- 
lent cœur  et  un  esprit  aimable,  conçoivent  une  affection  mu- 
tuelle et.  finissent  par  s'unir.  Cette  union  représente,  aux  yeux 
de  l'auteur,  le  grand  besoin  de  notre  époque,  et  l'on  doit 
avouer  que  son  ouvrage,  empreint  d'une  philosophie  douce 
et  d'une  religion  pure,  dispose  à  les  faire  chérir  toutes  deux. 

207.  —  *  L'Homme  du  monde,  par  M.  Ancelot.  Paris,  1827; 
Ambroisc  Dupont  et  Cie .  4  vol.  in-18  ;  prix,  12  fr. 

Je  vais  peu  dans  le  monde;  mais,  si  je  m'en  rapporte  aux 
nouvelles  que  j'en  reçois  de  tems  en  tems,  l'amour  y  tient  au- 
jourd'hui moins  de  place  que  dans  le  roman  de  M.  Ancelot. 
Sans  doute,  il  existe  encore  entre  les  deux  sexes  trop  de  rap- 
ports fondés  sur  les  passions  ou  sur  le  vice.  Mais,  comme  l'a- 
mour -propre  n'est  plus  guère  intéressé  dans  ces  rapports,  on 
préfère  généralement  à  la  séduction,  qui  est  lente  et  épineuse, 
la  corruption,  qui  est  prompte  et  commode.  Ainsi, un  homme  du 
monde ,  tout  occupé  du  désir  d'accumuler  les  honneurs  et  les 
richesses,  cherchera  peut-être  encore  à  obtenir  en  passant  les 
faveurs  de  certaines  dames  d'une  vertu  peu  rebelle,  ou  bien  , 
comme  le  marquis  Caracciolo,  n'ayant  pas  le  tems  de  faire  l'a- 
mour, il  l'achètera  tout  fait  près  de  quelque  grisette;  mais  il  n'ira 
point,  comme  le  comte  de  Sénanges,  séduire  la  fille  adoptive 
d'une  personne  du  même  rang  que  lui  et  d'une  intime  amie, 
dût  cette  victoire  ne  lui  coûter,  ainsi  que  dans  le  roman  nou- 
veau ,  qu'un  mois  de  séjour  à  la  campagne.  Il  sait  à  merveille 
que  les  suites  presque  inévitables  de  ce  triomphe,  qui  n'en  est 
plus  un  aux  yeux  du  public,  le  perdraient  de  réputation  ,  non- 
seulement  auprès  des  hommes  raisonnables,  devenus  plus  nom- 
breux, mais  encore  auprès  de  ces  gens  qui,  par  calcul  et  par  am- 
bition, couvrent  le  relâchement  de  leurs  mœurs  du  rigorisme  de 
leurs  principes.  Le  tems  est  passé,  où  l'homme  d'un  certain  monde, 


Ç6a  LIVRES  FRANÇAIS. 

entouré  crime  petite  société  de  ses  pairs  dont  l'opinion  était  pour 
lui  l'opinion  publique,  pouvait  impunément  tout  tenter  auprès  des 
femmes  qui  n'étaient  pas  absolument  ses  égales.  La  raison  publique 
est  plus  avancée  que  M.  Ancelotne  paraît  le  croire  dans  sa  pré- 
face; les  mœurs  font  aujourd'hui  partie  intégrante  du  caractère 
d'honnête  homme;  et  l'égoïste  Sénanges  ,  loin  d'être  retenu  par 
le  respect  humain  et  par  les  convenances ,  quand  la  main  de 
celle  qu'il  a  rendue  mère  lui  est  offerte  avec  une  dot  considé- 
rable, s'estimerait  trop  heureux  d'étouffer  à  ce  prix,  le  scan- 
dale. Si  ces  observations  sont  justes,  M.  Ancelota  mal  connu  le 
monde  de  notre  époque,  et  il  calomnie  en  quelque  sorte  l'opi- 
nion publique,  en  la  présentant  dans  tout  son  roman  comme 
l'auxiliaire  et  l'adulatrice  d'un  homme  aussi  corrompu  que  son 
héros.  Nous  nous  plaisons  ,  du  reste,  à  convenir  qu'en  mettant 
à  part  la  vérité  des  mœurs ,  ce  roman  offre  beaucoup  d'intérêt. 
C'est  une  idée  très-dramatique  d'avoir  donné  pour  défenseur  à 
Emma  un  fils  naturel  de  Sénanges,  Arthur,  qui  ne  le  connaît 
pas  pour  son  père.  Les  nobles  provocations  du  jeune  homme 
amènent  entre  les  deux  personnages  une  situation  terrible  et 
déchirante.  Le  dévoûment  d'Arthur  à  l'infortunée  Emma  est 
touchant  et  pathétique.  Peut-être  même  le  pousse-t-il  trop  loin, 
quand  il  offre  son  nom  et  sa  main  à  la  victime  des  séductions 
de  son  père.  Il  faudrait  du  moins,  pour  faire  passer  ce  qu'un 
tel  dessein  a  d'outré  et  de  choquant,  une  extrême  exaltation 
d'idées  et  une  brûlante  énergie  de  langage.  Or,  le  style  de 
M.  Ancelot  n'est  pas  ici  au  niveau  de  la  situation;  ce  style,  pur, 
élégant,  spirituel,  disert,  manque  en  général  de  rapidité,  d'en- 
traînement et  de  chaleur.  On  regrette  que  ,  dans  un  ouvrage  où 
les  plus  vigoureux  ressorts  de  l'âme  sont  sans  cesse  mis  en  jeu, 
la  sensibilité  du  lecteur  ne  soit  pas  plus  souvent  émue.  Peut- 
être  faut-il  s'en  prendre  au  caractère  de  Sénanges,  aussi  froid 
que  celui  de  Lovelace,  sans  avoir  la  même  profondeur.  Peut- 
être  le  personnage  d'Arthur  aurait  -  il  pu  recevoir  d'heureux 
développemens.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  remarques,  Y  Homme 
du  monde  n'en  mérite  pas  moins  un  rang  distingué  parmi  les 
romans  du  jour,  et  le  succès  que  l'auteur  a  obtenu  ,  en  le  trans- 
portant sur  la  scène,  prouve  que  la  fable  en  est  fortement 
constituée.  Ch. 

208. — *  Frédéric  Styndhall,  ou  la  Fatale  Année;  par  M.  Ri- 
ratry.  Paris,  1827;  Adolphe  Bossange.  5  vol.  in-  12;  prix, 
16  fr. 

De  ce  qu'on  peut  faire  abus  d'une  chose  ,  doit-  on  blâmer 
cette  chose  en  elle  -  même?  Nous  ne  le  pensons  pas,  et  nous 


LITTÉRATURE.  /,63 

<n>\  ons,  avec  M.  kératry ,  que  les  écrivains  moralistes  do  siècle 
dernier  ont  montré  de  la  sévérité,  citons  même  de  l'injustice  , 
<mi  proscrivant  les  romans.  Ce  u'esl  pas  l'emploi  de  ce  genre  de 
littérature  qui  était  dangereux,  c'était  la  fausse  direction  qu'où 
lui  donnait;  et ,  il  faut  bien  l'avouer,  quelques  romans,  publiés 
il  y  a  Soans,  pouvaient  en  quelque  sorte  motiver  la  réproba- 
tion dans  laquelle  on  voulait  Les  envelopper  ions.  Mais,  d'un 
autre  coté,  que  d'exceptions  honorables  dans  notre  siècle,  et 

dans  celui  même  qui  nous  a  précédés  ,  sont  propres  à  faire  mo- 
difier ce  jugement,  et  même  à  lui  en  (aire  substituer  un  tout-à- 
fait  opposé!  Les  teins  qui  ont  vu  naître  une  foule  de  romans 
licencieux  sont  jugés  par  ce  seul  fait.  Si  un  des  écrivains  les 
plus  ingénieux,  de  nos  jours  (i)  a  pu  dire,  sans  être  accusé  de 
trop  de  paradoxe,  que  l'on  retrouverait  au  besoin  l'histoire  d'un 
peuple  dans  celle  de  son  théâtre;  si  l'on  a  pu  étendre  cette  pro- 
position jusqu'au  genre  le  plus  futile  en  apparence,  jusqu'à  la 
chanson  ,  à  plus  forte  raison  peut  -  on  l'appliquer  au  roman  , 
qui,  par  sa  nature  même,  est  un  des  genres  de  littérature  qui 
doit  rendre  le  plus  fidèlement  l'expression  de  la  société.  Con- 
sidéré sous  ce  point  de  vue  ,  c'est-à-dire  comme  peinture  de 
mœurs,  et  comme  auxiliaire  delà  philosophie,  non-seulement 
ce  genre  devient  innocent,  mais  encore  il  est  appelé  à  rendre 
les  plus  grands  services.  Trop  d'auteurs  célèbres,  depuis  Le- 
sage  et  Richardson  jusqu'à  Walter  Scott  et  M.  de  Chateaubriand, 
se  sont  empressés  de  sanctionner  cette  opinion  par  d'excellens 
ouvrages,  pour  qu'il  y  ait  beaucoup  de  difficultés,  et  par  consé- 
quent beaucoup  de  mérite  à  la  soutenir.  A  nos  yeux,  M.  Kéra- 
try  est  donc  suffisamment  justifié  de  s'être  essayé  dans  un  genre 
moins  facile  qu'on  ne  croit. 

On  conçoit  quel  caractère,  quelle  physionomie  doit  prendre 
le  roman  sous  la  plume  d'un  écrivain  tel  que  M.  Kératry ,  sur- 
tout lorsqu'on  saura  que  ce  n'est  pas  un  délassement  à  d'autres 
travaux  qu'il  a  cherché  dans  ce  genre  d'occupation,  mais  un 
moyen  de  parler  plus  sûrement  à  la  raison,  en  intéressant  l'i- 
magination, et  de  rendre  populaires  les  plus  hautes  questions 
de  morale  et  de  philosophie  :  nous  disons  les  plus  hautes  ,  parce 
que,  dans  les  cinq  volumes  que  nous  annonçons  ,  on  trouve  des 
dissertations  lumineuses  sur  la  liberté  des  cultes  ,  l'organisation 
sociale  et  la  justice  criminelle,  la  peine  de  mort,  l'immortalité 
de  l'àme,  le  duel,  le  beau  dans  les  arts,  et  sur  d'autres  objets 


(i)  M.  Etienne,  dans  son  Discours  de    réception  à  V Académie fran- 


/,<S4  LIVRES  FRANÇAIS. 

d'une  égale  importance  aux  yeux  du  philosophe  et  du  mora- 
liste. La  juste  réputation  de  M.  Kératrypeut  faire  pressentir  le 
talent  avec  lequel  il  a  traité  ces  questions  ;  il  nous  suffit  de  dire 
qu'elles  nous  ont  paru  le  résumé  de  ce  que  l'auteur  a  écrit  de 
plus  neuf  et  de  plus  vrai  sur  ces  matières  importantes  dans  dif- 
férens  traités  publiés  à  diverses  époques  (i). 

Mais  M.  Rératry  n'aurait  satisfait  qu'en  partie  aux  exigences 
du  genre,  si,  comme  d'autres  auteurs  l'ont  fait,  il  s'était  borné 
«à  disserter  dans  un  roman.  Il  fallait  inventer  une  action  qui 
servît  de  cadre  aux  vérités  morales  qu'il  voulait  développer ,  et 
il  fallait  que  ce  cadre  présentât  de  l'intérêt,  à  part  la  haute  di- 
rection morale  qui,  selon  nous,  fait  le  principal  prix  de  son 
ouvrage.  Celui  qui  a  mérité^  qu'on  dît  de  lui  :  «  Un  carac- 
tère singulier  du  talent  de  cet  écrivain  philosophe,  c'est  que, 
sans  cesser  d'être  exact,  il  met  de  l'imagination  dans  la  méta- 
physique et  de  la  passion  dans  la  morale.»  ( Voy.  Rev.  Enc., 
t.  xviii,  p.  i5o),  un  tel  homme,  disons-nous,  était  en  fonds  pour 
contenter  les  lecteurs  les  plus  difficiles  à  cet  égard  ,  et  il  Favait 
prouvé  dans  un  autre  ouvrage,  Les  derniers  des  Beaumanoir 
(voy.  Rev.  Enc. ,  t.  xxv,  p.  216).  A  cet  intérêt  qui  s'attache  aux 
deux  principaux  personnages  de  son  nouveau  roman,  à  cette 
teinte  mystérieuse  qui  est  répandue  sur  tout  l'ouvrage,  et  que 
nous  craindrions  d'affaiblir  en  essayant  d'en  donner  une  ana- 
lyse,  à  cet  amour  si  pur  et  si  vrai  dont  il  a  fait  une  peinture 
si  touchante  et  si  neuve,  enfin  à  la  catastrophe  inattendue  par 
laquelle  se  termine  l'ouvrage,  ajoutons  la  couleur  historique  et 
locale  qu'il  a  su  lui  donner,  en  y  faisant  figurer  les  Van  -  Swic- 
tcn,  les  Jamery-Duval,  les  Métastase,  les  No  verre,  les  Haydn, 
les  Sperges,  les  Winckelmann,  à  côté  du  prince  de  Kaunitz  , 
du  cardinal  de  Rohan ,  de  François  Ier,  de  Joseph  II  et  de  Ma- 
rie-Thérèse, qu'il  a  fait  parler  et  agir  selon  le  caractère  res- 


(1)  Voici  les  titres  de  ceux  de  ces  ouvrages  sur  lesquels  nous  avons 
appelé  déjà  l'attention  de  nos  lecteurs  :  i°  Inductions  morales  et  philo- 
sophiques (voy.  Rev.  Enc.,  t.  Ier,  p.  193);  a0  Réflexions  soumises  au  Roi 
et  aux  Chambres  (  t.  V,  p.  1  22  )  ;  3°  Séance  du  i5  janvier  1820  (  ibid. , 
p.  3og);  ^° Annuaire  de  l'École  française  de  peinture  {ibid.,  p.  3oo,  )  ; 
5°  Lettre  à  M.  Mounier  sur  la  Censure  (t.  VI,  p.  184);  6°  Documens 
pour  l'intelligence  de  l'histoire  en  1S20  (t.  VII,  p.  596)  ;  70  La  France 
telle  qu'on  V  a  faite  (t.  IX,  p.  356);  8°  De  l'organisation  municipale 
(t.  X  ,  p.  186)  ;  9°  Examen  philosophique  des  considérations  sur  le  senti- 
ment du  sublime  et  du  beau  ,  de  K.ANT  (  t.  XVIII,  p.  i5o)  ;  io°  Du  beau 
dans  les  arts  d'imitation  (  ibid. ,  p.  1  9 3  )  ;  1 1°  Du  culte  en  général ,  et  de 
son  état,  particulièrement  en  France  (  t.  XXVII,  p.  193  et  5oo). 


LITTERATURE.  46$ 

n(  de  la  Dation  à  laquelle  ils  appartenaient  et  celui  queleuf 
donne  l'histoire,  et  l'on  n'aura  qu'une  faible  idée  de  l'ensemble 
d'un  tableau  dont  il  L'auJ  étudier  tons  !<•-,  détails  pour  bien  l'ap- 
précier. 

M;iis,  du  m  t-on,  n'y  a-l  il  aucune  ombre  défavorable  à  ce  ta* 
bleau,  el  La  critique  a  a-  t— elle  rien  à  y  reprendre  ?  Nous  sommes 
loin  de  l'affirmer;  mais  nous  ne  voyons  point  <!<•  reproche? 
graves  à  faire  à  l'auteur.  Tout  en  admirant  la  vérité  de  nm-ur.. 
et  de  | >  1 1 x  sionoinic  avec  laquelle  est  peinte  dans  cetouvrage  une 
nation  chei  laquelle  nous  avons  habile,  nous  avouerons  qu'un 
des  personnages  du  roman  nous  a  paru  autre;  ce  personnage 
c'est  le  baron  de  Steinn,  cet  intrépide  chasseur,  dont  certaine 
lettre  surtout  nous  a  paru  présenter  une  disparate  tropehoquante 
avec  la  situation  où  se  trouvent  les  autres  personnages  qui 
l'entourent,  dette  espèce  d'homme  est  peut-être  peinte  au 
naturel;  mais  nous  n'avons  pas  oublié  ce  précepte  : 

Le  vrai  peut  quelquefois  n'être  pas  vraisemblable; 

et  si  L'auteur  n'a  pas  voulu  appeler  le  mépris  sur  ce  personnage, 
nous  croyons  qu'il  en  a  exagéré  la  peinture;.  Le  style,  quoique 
beaucoup  plus  pur  et  plus  COfTect  que  celui  des  Beaumanoir , 
nous  a  paru  pécher  quelquefois  encore,  surtout  dans  le  premier 
volume,  par  un  néologisme  trop  hardi,  ou  par  des  alliances  de 
mots  malheureuses.  Une  chose  que  nous  avons  constamment 
remarquée  cependant,  c'est  que  les  phrases  dont  nousétions  dés- 
agréablement affectés  ne  se  présentent  jamais  dans  les  endroits 
les  plus  importans  de  l'ouvrage,  ni  dans  les  discussions  philo- 
sophiques, qui  sont  écrites  avec  autant  de  clarté  que  déraison. 
M.  Kératry,  dans  sa  préface,  parlant  des  critiques  adressées  à 
ses  Bcaumanoir ,  passe  si  aisément  condamnation  sur  ces  taches 
légères,  qu'il  s'engage  même  à  les  faire  disparaître  autant  qu'il  le 
pourra;  il  prend  une  attitude  si  modeste  devant  nos  confrères  , 
dont  la  plupart  pourraient  être  accusés  «  d'improviser  l'examen 
et  la  critique  d'ouvrages  qui  ont  coûté  beaucoup  de  tems,  d'é- 
tudes etdeméditationsà leurs  auteurs,  »  qu'il  vaurait,selonnous, 
une  affectation  ridicule  et  une  sorte  de  pédanterie  à  relever 
quelques  expressions  qui  pourraient  tout  au  plus  être  l'objet 
d'un  doute  soumis  à  son  auteur,  dans  un  entretien  familier  , 
mais  qui  ne  peuvent  nuire  à  l'intérêt  puissant  qui  s'attache  à 
son  nouvel  ouvrage.  E.  Hère  au. 

209.  —  Constantin,  ou  le  Muet  supposé;  nouvelle  imitée  de  l'al- 
lemand, de  M.  Kruse,  par  madame  la  baronne  Isabelle  de  Mon- 
tolieu.  Paris    1827;   Ai  thus-Bertrand.  In-12  de   209  pages, 
orné  d'une  jolie  gravure,  d'après.  Chasselat;  prix  ,  ->   Ir. 
t.  xxxvi.  —  Novembre  1827.  3o 


^56  LIVRES  FRANÇAIS. 

On  trouve  dans  cet  ouvrage,  qui  renferme  des  longueurs, 
quoiqu'il  n'occupe  qu'un  seul  volume,  un  jeune  homme  bien 
né  (  Constantin  W*  )  qui,  vivant  honorablement  du  professorat, 
consent  à  recevoir  un  présent  en  argent  d'un  homme  qu'il  n'a 
vu  qu'une  fois  et  qui  ne  lui  a  aucune  obligation,  qui,  sur  une 
simple  proposition,  lie  son  sort  à  celui  de  cet  homme  singulier, 
et  abandonne  tout  pour  le  suivre.  Un  anglais  [lord  Egleton) , 
le  héros  de  Constantin ,  dont  le  caractère  s'annonce  d'abord 
assez  bien  par  des  singularités  ,  qu'il  finit  par  pousser  jusqu'à 
l'extravagance,  qui  s'accused'un  crime  qu'il  n'a  point  commis, 
s'impose  par  pénitence  un  silence  éternel,  le  rompt  dans  une 
circonstance  critique,  devant  Constantin,  auquel  il  expose  en- 
suite dans  un  long  discours  les  raisons  qui  le  forcent  à  agir 
comme  il  le  fait;  et  qui,  lorsqu'une  découverte  qu'il  ne  pouvait 
pas  raisonnablement  espérer  le  relève  de  son  vœu,  pousse  la 
bizarrerie,  ou  plutôt  l'absurdité,  jusqu'à  prolonger  encore  son 
silence  volontaire  de  tout  le  tems  qu'a  duré  son  interruption, 
tems  qu'il  avait  exactement  noté,  en  tenant  sa  montre  sous  ses 
yeux  pendant  le  récit  de  ses  aventures  à  son  jeune  ami;  une 
femme  {lady  Eglcton),  qui,  sans  aimer  son  mari,  pousse  la 
jalousiejusqu'àla  fureur,  et  finit  par  en  être  victime;  un  homme 
[Stockwell),  ou  plutôt  un  spectre,  dont  le  teint  livide  et  cadavé- 
reux l'a  fait  regarder  partout  comme  une  espèce  de  monstre  et 
surnommer  le  diable ,  qui  n'a  été  aimé  qu'une  seule  fois,  au  clair 
de  lune ,  et  dont  le  jour  a  détruit  pour  jamais  toutes  les  illusions; 
qui,  fuyant  les  hommes,  dont  il  ne  peut  être  aimé,  a  concen- 
tré tonte  sa  passion  sur  la  soif  de  l'or  et  des  diamans,  qu'il 
prodigue  parfois  machinalement,  et  sans  intention  réelle  de 
faire  ie  bien;  une  petite  fille  (Sarah)  bien  sage,  bien  dévote  , 
bien  mystique,  unique  dépositaire  d'un  secret  important,  qu'un 
seul  mot  de  sa  bouche  pourrait  éclaircir,  mais  qui  persiste  à 
se  taire ,  on  ne  sait  par  quel  motif,  dont  la  jalousie  de  lady 
Egleton  a  failli  causer  la  perte,  à  laquelle  lord  Egleton  s'était 
réellement  un  peu  trop  intéressé ,  et  qui  finit  par  devenir  la 
femme  de  Constantin  ;  enfin  un  cousin  de  cette  jeune  fille  , 
[Elias),  espèce  de  garnement,  qui  paraît  propre  à  commettre 
tous  les  crimes ,  qui,  surpris  près  de  la  chambre  de  lady  Egleton 
au  moment  de  l'assassinat  commis  sur  la  personne  de  celle-ci,  est 
livré  par  son  époux  à  la  justice,  et  mal  gré  les  protesta!  ions  de  Sarah 
en  faveur  deson  innocence,  reste  en  prison  jusqu'au  momentoùle 
véritable  meurtriereslconnu,etydevicnthonnète  homme,  grâce 
à  la  lecture  assidue  de  la  Bible.  A  ces  personnages  principaux  du 
roman  viennent  se  joindre  quelques  autres  individus  d'un  ordre 
inférieur,  et  qui  contribuent  plus  ou  moins  à  l'action;  cette 


1.11  Tl.UATUli:.-     lU.AliX-YRTS.  fâ 

action  consiste  dans  un  mystère  horrible  et  impénétrable,  et 
l'auteur  D6  l'a  soutenue  aussi  long  -  lems  qu'à  force  d'invrai- 
semblances ,  de  mo\  eus  maladroits  <i  d'incidens  plus  mal  ame- 
nés i,.s  mis  (jue  les  autres.  Ce  mystère  qu'il  y  a  répandu  aurait 
pu  cependant  exciter  la  curiosité  de  quelques  personnes  qui  se 
complaisent  encore  à  la  lecture  des  noirs  romans  de  madame 
lladcli  ffc;  mais  l'auteur,  par  un  manque  d'artifice  impardonnable, 
a  dévoile  lui-même  une  partie  de  son  secret  dans  le  second 
titre  (îe  sa  nouvelle,  où  l'on  apprend  que  le  personnage  prin- 
cipal du  roman,  lord  Egleton,  et  non  Constantin,  n'est  qu'un 
muet  supposé. 

Regrettons  que  madame  de  Montolieu  n'ait  pas  été  mieux 
inspirée  dans  le  choix  de  son  dernier  ouvrage  ;  elle  a  fait  des 
efforts  souvent  heureux  pour  rendre  en  style  clair  et  intelli- 
gible tous  ces  petits  détails  communs  et  puérils,  et  surtout 
ces  passages  mystiques  dont  l'auteur  allemand  a  semé  sa  Nou- 
velle. Ce  volume  prendra  place  dans  la  galerie  de  l'habile  tra- 
ductrice, mais  il  ne  pourra  que  faire  ombre  aux  jolis  tableaux 
qu'elle  nous  a  offerts  précédemment.  E.  H. 

Beaux-  Arts. 

210.  — *  Voyage  à  Athènes  et  h  Constantinople  ;  ou  Collec- 
tion de  portraits,  vues  et  costumes  grecs  et  ottomans,  peints 
d'après  nature,  en  1 819;  lithographies  à  Paris  et  coloriés  par 
L.  Dupré,  élève  de  David.  Quatrième  et  cinquième  livraisons. 
Paris,  1827  ;  l'auteur,  rue  Cassette,  n°  2  3.  L'ouvrage  entier 
aura  dix  livraisons,  grand  in-folio,  composées,  chacune,  de 
quatre  planches  et  de  deux  feuilles  de  texte.  Prix  de  chaque  li- 
vraison, 20  fr. ,  et  25  fr.  pour  ceux  qui  n'ont  pas  souscrit, 
avant  la  cinquième  livraison. 

L'ordre  de  publication  suivi  par  M.  Dupré  ne  lui  a  pas  per- 
mis de  joindre  aux  planches  qui  composent  chaque  livraison, 
le  texte  qui  les  explique;  mais  cette  espèce  de  discordance  était 
inévitable;  elle  cessera  nécessairement  lorsque  l'ouvrage  étant 
terminé,  l'on  pourra  lire,  de  suite,  l'ensemble  de  sa  narra- 
tion, et  la  rapprocher  des  planches  dont  elle  augmente  l'intérêt. 

Les  planches  des  4mect5lU0  livraisons  représentent:  un  Grec 
logothète  et  une  Demoiselle  grecque  de  Livadie  ;  les  Météores 
de  The  s  salie  et  le  Pinde  ;  un  Page  de  Veli,  pacha  de  Tlie  s  sa- 
lie ;  un  Boucher  albanais;  le  Vaivode  d' Athènes  ,  le  Lion  de 
Chéronée  ,  près  duquel  un  Torture  lutte  avec  son  cheval  ;  enfin 
une  Vue  de  £  Acropolis  d  Athènes ,  prise  de  la  maison  de 
M.  Fauvel,  consul  de  France.  Cette  vue,  qui  réveille  tant  de 

3o. 


tfS  LIVRES  FRANÇAIS. 

souvenirs.  Me  semble  supérieure  à  celle  que  Stuart  et  Revei.t 
ont  donnée  dans  leur  descriplion  d'Athènes,  parce  qu'elle 
offre  un  plus  grand  développement.  C'est  laque,  tout  récem- 
ment encore  ,  un  de  nos  compatriotes  défendait ,  les  armes  à  la 
main,  la  cause  sacrée  des  Grecs. 

La  planche  qui  représente  les  Météores  de  la  Thessalie  , 
offre  un  exemple  curieux  et  bien  extraordinaire  de  l'état 
d'oppression  ou  sont  réduits  les  chrétiens  en  Grèce.  Ces  mé- 
téores sont  des  couvens  bâtis  sur  la  cime  de  rochers  inacces- 
sibles, et  qui  ressemblent  plutôt  à  des  «//es  qu'à  des  habitations 
humaines  :  on  ne  peut  y  parvenir  qu'en  se  mettant  dans  un  pa- 
nier attaché  à  une  corde ,  et  que  l'on  fait  monter  au  moyen 
d'une  poulie.  C'est  ainsi  que  les  pauvres  moines  grecs  mettent 
leur  demeure,  bien  plus  que  leur  personne,  à  l'abri  des  ava- 
nies des  Turcs;  au  reste  ,  un  seul  fait  pourrait  montrer,  dans 
tout  son  jour,  la  situation  déplorable  des  Grecs,  avant  qu'ils 
eussent  pris  les  armes  pour  essayer  de  se  soustraire  à  la  do- 
mination turque.  Après  avoir  peint  l'état  de  ruine  et  de  dégra- 
dation ou  sont  plongés  les  habitans  de  Larisse,  capitale  de  la 
Thessalie,  M.  Dnpré  ajoute  :  «  Mais  peut  -  on  s'en  étonner  , 
quand  on  apprend  qu'il  suffisait  à  un  janissaire  d'envoyer  un 
mouchoir  brodé  à  tout  chrétien  devenu  père,  pour  lui  signifier 
qu'à  l'instant  même  l'enfant  nouveau-né  devenait  son  raja.  » 

Dans  l'entrevue  que  notre  peintre  eut  avec  Veli,  fils  d'Ali- 
Tebelin,  et  gouverneur  delà  Thessalie  ,  un  mot  qui  lui  échappa 
prouve  que  les  Turcs  ne  respectent  que  le  pouvoir  des  armes. 
«  Autrefois,  dit-il  à  notre  jeune  compatriote,  parlant  du  tems 
où  Bonaparte  gouvernait  la  France,  un  barbier  français  qui 
venait  en  Grèce ,  faisait  plus  de  sensation  qu'aujourd'hui  un 
ambassadeur.  » 

Après  avoir  quitté  le  lâche  et  cruel  Veli,  M.  Dupré  parcourt 
les  bords  du  Pénée,  maintenant  tristes  et  dépouillés  ,  et  la 
vallée  poétique  de  Tempe.  Il  salue  l'Olympe,  et  arrive  aux 
Thermopyles  où  il  trouve  un  tumulus  bien  conservé.  «  Saisi 
de  respect  à  cette  vue,  dit  le  peintre,  je  me  persuadai  que  je 
marchais  sur  la  cendre  des  trois  cents  immortels  ;  je  déposai  sur 
ce  tertre  une  couronne  de  fleurs.  Ces  fleurs  avaient  été  cueillies 
dans  ce  lieu;  c'étaient  sans  doute  avec  des  fleurs  semblables 
que  les  guerriers  de  Sparte  avaient  orné  leurs  cheveux  au  jour 
du  combat.  Quels  souvenirs  !  » 

Comment  l'imagination  ne  serait  -  elle  pas  exaltée  dans  un 
pays  où  tout  réveille  eh  effet  un  souvenir  glorieux  ;  où  tout 
porte  un  nom  poétique;  où  les  habitans  donnent  encore  aujour- 
d'hui au  laurier  le  nom  de  Daphné. 


r.KU  \  -ARTS.  Vm 

Bientôt,  n< >i  ■  <-  jeuoe  peintre  quittera  la  terre  sacrée  de  l.i 
Hellade,  pour  visiter  la  ville  de  Constantin  :  là ,  d'autres  sou-» 

\erins,  d'an  1res  spectacles  l'ai  tendent  ;  la  manière  don  L  il  a  r<  ni 
pli  la  première  partie  de  la  làelie  qu'il  s'était  imposée,   est  un 

sur  garant  que  la  seconde  ne  sera  pas  moins  digne  du  succès 
que  cet  ouvrage  &  déjà  obtenu.  P.   A. 

21 1.  —  *  Le  Propriétaire- Architecte,  ouvrage  utile  aux  archi- 
tectes, aux  entrepreneurs,  cl  principalement  aux  personnes  (pli 
veulent  diriger  elles-mêmes  leurs  ouvrieis;  dessiné  et  rédigé  par 
/  rbain  Vitrt.  V'"'  livraison.  Paris,  11897;  Autlot.  In-/»"  de  254 
pages  avec  des  planches  ti  es  bien  gravées;  prix ,  8  ïr.  (Voy.  Kcv 
Eue,  t.   XXXVp.  473  ,  l'annonce  des  premières  livraisons.) 

Après  avoir  rassemblé-)  dans  ses  premières  livraisons,  des 
modèles  pour  les  nabi  talions  particulières,  M.  Vitry  traite  de 
leur  construction.  Plus  heureux  que  dans  nos  articles  précédens, 
nous  n'aurons  aujourd'hui  que  des  éloges  à   lui  décerner. 

L'auteur  n'a  point  voulu  faire  un  traité  complet  de  l'art  de 
bâtir;  mais,  après  avoir  passé  rapidement  sur  les  parties  les 
plus  élémentaires  de  la  construction,  il  consacre  de  plus  longs 
développe  mens  à  celles  que  recommandent  leur  importance,  ou 
h's  améliorations  récentes  que  les  progrès  des  sciences  y  ont 
l'ait  apporter.  C'est  ainsi  qu'il  donne  des  détails  instructifs  sur 
les  habitations  rurales,  sur  les  cheminées,  sur  l'assainissement 
des  cuisines  ,des  fosses  d'aisances,  etc.  Ces  parties  importantes 
de  l'art  des  constructions  ont  subi,  depuis  quelques  années, 
d'heureux  changemens;  l'ouvrage  de  M.  Vitry  pourra  contri- 
buer à  les  faire  connaître  dans  les  départemens,  où  ils  ne  sont 
point  encore  devenus  populaires  comme  à  Paris. 

On  trouve,  en  outre,  dans  cette  livraison  des  modèles  de  devis 
descriptifs  et  estimatifs,  etde  marchés  qui  nous  ont  paru  disposés 
avec  tout  le  soin  et  l'exactitude  désirables.  Vient  ensuite  un  dis- 
cours préliminaire  dans  lequel  l'auteur  combat  les  critiques  trop 
exigeant  qui  ont  blâmé  ses  projets  de  maisons  turques,  chi- 
noises, etc.;  il  se  plaint  de  l'enthousiasme  exagéré  de  quelques 
artistes  pour  tout  ce  qui  est  antique;  il  voudrait  que  l'on  adop- 
tât en  France  un  système  d'architecture  convenable  à  notre 
climat,  et  à  nos  usages  ;  et  en  cela,  nous  partageons  entièrement 
sa  manière  de  voir.  Mais  M.  Vitry  croit-il  arriver  à  cette  archi- 
tecture nationale,  en  copiant  servilement  des  peuples,  dont  sous 
tous  les  rapports  nous  différons  beaucoup  plus  que  des  Grecs 
ou  des  Romains  ?  L.  R. 

212.  —  *  Isegraphie  des  Hommes  célèbres,  ou  Collection  de 
fac-similé  de  lettres  autographes  et  de  signatures.  4',  5e  et 
6e  livraisons.   Paris,   1827;    Bernard  et   Delarue,   rue  Notre 


470  LIVRES  FRANÇAIS. 

Dame-des-Victoires  ,  n°   16.   3  cahiers  in-A°;  prix  de  la  li- 
vraison, 5  fr. 

Nous  avons  annoncé  les  trois  premières  livraisons  de  cet  ou- 
vrage qui  continue  d'être  publié  avec  exactitude.  (  Voy.  Re<>. 
Enc,  t.  XXXV,  p.  ao5.  )  Les  trois  nouvelles  livraisons  con- 
tiennent soixante-neuf  noms  célèbres  de  diverses  époques  et 
même  dedifférens  pays,  quoique  les  Français  y  soient  toujours 
en  majorité.  Nous  en  citerons  quelques-uns  pour  donner  une 
idée  de  la  variété  qui  rend  cette  collection  intéressante  pour 
toutes  les  classes  d'amateurs. 

On  peut  mettre  cet  ouvrage  au  nombre  de  ceux  qui  font 
penser.  Cette  collection  épistolaire.réveilie  beaucoup  de  sou- 
venirs; elle  flatte  par  l'intérêt  qu'inspirent  les  personnages  avec 
lesquels  on  se  trouve,  pour  ainsi  dire,  dans  l'intimité;  eiie  amusi 
par  la  diversité  des  styles,  et  par  l'espèce  de  causerie  dont  on 
se  trouve  le  confident.  Ce  mélange  des  noms  de  personnages 
qui  ont  joué  dans  le  monde  des  rôles  si  divers,  rappelle  cette 
égalité  de  la  mort  qui  confond  tous  les  rangs,  et  laisse  surnager 
pêle-mêle  toutes  les  célébrités  qui  échappent  momentanément  à 
l'oubli.  Il  est  assez  singulier  de  lire  de  suite  la  lettre  ç\  Eugène 
Beau  harnais ,  refusant  un  trône,  et  celle  de  d'Alembert,  remer- 
ciant un  journaliste  de  quelques  éloges.  Quels  contrastes  frap- 
pans,  que  Fléchier  gémissant  sur  les  massacres  des  chrétiens, 
et  le  brûlement  des  églises,  et  Gluck  se  plaignant  des  dégoûts 
qu'il  a  essuyés  à  l'Opéra;  Louis  JT^s'occupant  des  détails  mys- 
térieux du  baptême  d'un  enfant  naturel,  et  Cléry  demandant 
une  redingotte  pour  le  fils  de  l'infortuné  Louis  XVI;  Tronchet 
écrivant  au  Moniteur,  pour  faire  disparaître  d'un  discours  une 
légère  faute  de  style;  et  Guadel  écrivant  au  directoire  du  dé- 
partement, pour  faire  enlever  les  cadavres  qui  sont  répandus 
dans  les  environs  du  château  des  Tuileries  ! 

Il  est  fâcheux  que,  parmi  ces  lettres,  il  y  en  ait  quelques- 
unes  d'insignifiantes.  Cependant,  il  est  juste  de  dire  que  le  plus 
grand  nombre  peut  au  moins  satisfaire  la  curiosité.  On  ne  sera 
pas  peu  surpris  de  trouver  deux  hommes  tels  que  Voltaire  et 
Montesquieu  très- négligens  sur  l'orthographe:  Montesquieu 
supprime  presque  partout  les  doubles  lettres;  il  écrit,  abé, 
viene ,femes ,  et  ensuite  il  met  deux  t  au  mot  honctte ,  et  il  est  à 
remarquer  que  sa  lettre  est  adressé  à  l'abbé  d'Olivet.  Mais  on 
peut  avoir  un  grand  génie  et  n'être  pas  grammairien.  Quelqu'un 
disait  que  Voltaire  ne  savait  pas  L'orthographe;  je  crois  que  ce 
fut  Duclos  qui  répondit  :  «  Tant  pis  pour  l'orthographe.  » 

Quant  à  V Isographie ,  on  peut  être  fâché  d'y  rencontrer  cer- 
tains noms  peu  remarquables.  Il  est  des  célébrités  repoussantes 


BEAI  X-ARTS.— MÉMOIRES  ET  RAPPORTS.       471 

qui  cependant  sont  avouées;  mais  pourquoi  y  placer  le  marquis 
de  Sade?  H  h  est  célèbre  que  pour  ceux  qui  connaissent  ses 

torts  :   les   autres  ignoreront    pourquoi   SOU   nom  se  trouve  ici. 

On  remarquera  surtout  ceux  <le  Bajrle,  Descartes,  Desaix,  J>i- 
</>/■(>{,  Mirabeau,  Rollin,  Sicard,  Sterne  et  Taima;  et  les  signa- 
tures de  Georges  d'Amboise  et  de  Charlerfiagne.  Les  livraisons 
paraissent  tous  les  mois;  les  éditeurs  en  annoncent  encore 
dix-huit.  D.  M. 

Mémoires  et  Rapports  de  Sociétés  savantes. 

•2i3.  — *  Mémoires  de  la  Société  royale  d'agriculture  et  de 
commerce  de  Cae/i.  Caen,  1827,  Mancel ,  libraire,  rue  Saint- 
Jean  ;  Paris,  Lance,  rue  Croix-des-Petits-Champs,  n°  5o.  2  vol. 
in-o°. 

L'Espagne,  on  aurait  peine  à  le  croire  aujourd'hui,  offrit 
la  première  dans  l'Europe  moderne  les  modèles  i\u  vrai  ré- 
gime municipal  et  de  sociétés  patriotiques  qui  s'occupaient  des 
travaux  publics  et  particuliers  propres  à  hâter  les  progrès  de 
l'agriculture  et  du  commerce.  Si  Louis  XIV  avait  fondé  des 
sociétés  pour  les  arts  industriels  ,  comme  il  en  accorda  aux 
belles-lettres,  la  France  aurait  pu  voir  se  perpétuer  l'admi- 
nistration de  Colbert.  Ce  ne  fut  que  dans  la  dernière  moitié 
du  dix  -  huitième  siècle  que  le  gouvernement  permit  à  des 
agronomes  et  à  des  économistes  de  réunir  leurs  efforts  pour 
combattre  la  routine  et  pour  introduire  des  améliorations. 
Deux  ordonnances  de  1762  et  1763  autorisèrent  soixante-seize 
propriétaires  delà  généralité  de  Caen,  zélés  pour  le  bien  public, 
et  qui  voulaient  encourager  les  cultivateurs  par  leur  exemple ,  (le 
se  communiquer  leurs  observations  ,  et  d'en  donner  connaissance 
au  public ,  à  condition  que  cette  société  ne  pourrait  prendre 
connaissance  d'aucune  autre  matière. 

Mais  la  féodalité  et  l'inégalité  des  partages  subsistaient  encore  ; 
et  les  terres  que  ne  possédaient  point  des  gens  de  main-morte, 
étaient  en  général  la  propriété  des  grands  :  les  sciences,  malgré 
leurs  progrès,  n'avaient  pas  encore  été  appliquées  à  tous  les  be- 
soins de  la  société.  La  révolution  ouvrit  une  ère  nouvelle  pour 
l'agriculture.  Après  des  désastres  qui  n'avaient  épargné  per- 
sonne, une  administration  réparatrice  seconda  l'essor  natio- 
nal ,  et  favorisa  le  développement  des  idées  industrielles.  Les 
sociétés  d'agriculture  et  de  commerce  reconstituées  furent 
libres  de  provoquer  et  d'accueillir  tontes  les  vues  utiles  pour 
les  amender,  ou  les  appuyer  de  leur  recommandation;  et 
le    Consulat  choisit   des    magistrats,    même  des   dignitaires, 


47 1  LIVRES  FRANÇAIS. 

parmi  les  agronomes.  On  ne  craignit  plus  d'éclairer  la  popuîa- 
lion  agricole  ;  un  ministre  imagina  les  expositions  des  produits 
de  l'industrie;  les  préfets  consultèrent  les  sociétés  savantes, 
et  assistèrent  souvent  à  leurs  séances  :  la  centralisation  alors 
ne  dédaignait  pas  leurs  propositions,  et  ses  cartons  n'enve- 
loppaient pas  d'un  éternel  oubli  leurs  rapports;  et,  bien  loin 
de  décourager  le  patriotisme  par  la  calomnie,  le  zèle  par  l'es- 
pionnage, on  récompensait  des  travaux  aussi  généreux  :  l'agri- 
culture était  honorée. 

Caen,  jadis  capitale  d'une  province  essentiellement  agricole 
et  industrielle,  devenue  le  chef-lieu  du  département  du  Cal- 
vados ,  redemanda  sa  société  d'agriculture,  qui  ne  pouvait  plus 
être  contrainte  d'omettre  le  commerce.  Diriger  incessamment 
vers  un  but  honorable,  parce  qu'il  est  éminemment  utile,  le 
zèle  des  citoyens  ;  applaudir  aux  essais  heureux  avec  cette  cri- 
tique supérieure  dont  les  éloges  sont  aussi  des  conseils;  pro- 
pager les  méthodes  perfectionnées  :  telle  fut  la  tâche  que  cette 
société  s'imposa;  et  ses  Mémoires ,  recueillis  pour  la  première 
fois,  attestent  qu'elle  l'a  remplie  avec  succès.  Le  premier  vo- 
lume offre  le  précis  des  travaux  de  cette  société,  depuis  i8gi 
jusqu'à  1810;  le  deuxième  se  compose  de  Rapports  et  de  Mé- 
moires de  1810  à  1820. 

Depuis  des  siècles,  la  Basse-Normandie  possédait  un  grand 
nombre  de  manufactures  de  tous  les  genres  d'étoffes  de  laine, 
qu'alimentaient  les  troupeaux  qui  couvraient  son  territoire. 
Les  succès  obtenus  ailleurs  par  le  croisement  des  races,  les  ex- 
périences nombreuses  de  plusieurs  membres  de  la  société  et  ses 
instructions  excitèrent  les  cultivateurs  à  tenter  l'amélioration 
de  leurs  troupeaux.  La  pile  Polignac  a  acquis  une  réputation 
européenne,  et  le  Calvados  est  redevable  à  cette  grande  ré- 
génération du  perfectionnement  des  produits  de  ses  fabriques 
de  draps. 

Négligée  depuis  long-tems ,  la  race  des  chevaux  normands 
était  menacée  de  perdre  sa  supériorité  :  la  société  de  Caen 
éclaira  l'intérêt  des  nourrisseurs,  et  stimula  leur  zèle  par  des 
primes.  Il  reste  encore  beaucoup  à  faire;  mais  le  gouverne- 
ment dispose  seul  des  haras,  et  il  dépend  de  lui  de  réformer 
son  système  de  remontes. 

Un  cultivateur  essaya  d'acclimater  le  colza  dans  le  Calvados; 
Vautier  eut  bientôt  pour  imitateurs  Cavelier  et  Moisson, 
négocians  :  la  société  récompensa  leur  patriotisme,  et  propagea 
cette  culture.  A  présent,  plusieurs  arrondissemens  y  trouvent 
des  richesses  ou  des  moyens  de  lutter  sans  perte  contre  le  sys- 
tème   des    usines,    qui    tirent   des   colzas   de  la    Flandre,   de 


Mi.violKKS  ET  HAMORTS.  /,73 

l'Alsace,  et  même  de  l'Allemagne,  pour  fabriquer  des  huilai 
à  Caen.  et  alimenter  de  leurs  produits  h's  manufactures  de 

savon  de    "Marseille. 

J>a  soeiété  d'agriculture  de  Caen  tsi  encore  parvenue  à  dé- 
livrer une  partit;  du  Calvados  des  jachères.  Même  dans  la 
partie  appelée  le  Bocage,  le  froment  alterne  aujourd'hui  avec 
le  sarrasin;  le  trèfle  a  remplacé  le  varie  ;  des  entrais  divers  et 
plus  abondans  stimulent  le  sol  ,  et  des  cultivateurs  qui  vi- 
\  aient  misérablement  sur  des  fermes  de  trente  à  quarante 
arpens,  en  ont  triplé  les  produits.  Ainsi  se  réfute  l'opinion 
qu'il  n'existe  de  bonne  culture  que  sur  de  vastes  propriété»» 

Un  Anglais,  domicilié  à  Ardenncs,  près  Caen,  reçut  en 
1797  quelques  épis  du  blé  précoce  qu'on  récolte  en  Angleterre 
vers  le  ie;i  août,  jour  de  Lammas,  ou  de  Saint-Pierre-aux- 
Liens.  Ce  grain  (ut  confié  à  une  piate-bandc  de  jardin.  Bientôt, 
des  essais  en  grand  prouvèrent  à  la  société  de  Caen  que  l'on 
peut  semer  cette  espèce  de  blé,  même  au  printems;  qu'elle 
résiste  le  mieux  aux  variations  de  l'atmosphère,  produit  le 
plus  dans  les  terres  de  médiocre  qualité,  rend  plus  de  farine, 
et  que  son  chaume  est  le  meilleur.  M.  Lamouroux,  enlevé  si 
prématurément  aux  sciences  naturelles,  publia,  aux  frais  de 
la  société  d'agriculture,  un  Mémoire  qui  dissipa  toutes  les 
préventions  :  maintenant,  le  blé  lammas  est  cultivé  dans  tout 
le  royaume;  et  cependant  aucun  monument  n'a  conservé  le 
nom  de  feu  M.  Weatchroft. 

Le  déboisement  était  devenu  une  calamité  pour  le  Calva- 
dos ;  la  société  royale  n'a  cessé  d'y  porter  des  remèdes. 
MM.  d'Artuenay,  de  Magneville  ,  plusieurs  autres  de  ses 
membres  ,  ont  fait  d'immenses  plantations.  La  carrière  de 
pierre;  à  chaux  de  Litry  a  suffi  pour  enrichir  les  cantons  voi- 
sins ;  mais,  malgré  l'usage  général  du  plâtre  ,  de  la  marne 
et  de  la  poudrette ,  les  engrais  sont  insuftisans  :  il  serait  à  dé- 
sirer (pie  de  nouvelles  explorations  du  sol  procurassent  la  dé- 
couverte de  houillières  nécessaires  au  chauffage,  à  l'agricul- 
ture et  à  l'exploitation  de  mines  de  fer  dont  le  gisement  est 
bien  reconnu.  Les  arbres  fruitiers  qui  fournissent  la  boisson 
du  pays  ont  été  aussi  la  madère  de  plusieurs  Mémoires.  Mais 
le  choix  des  espèces  nous  semble  moins  important  que  la  fa- 
brication du  cidre,  qui  reste  encore  dans  toute  l'imperfe<  tion 
du  moyen  âge. 

A  l'exemple  de  la  Société  d'encouragement  pour  i industrie 
nationale,  établie  à  Paris,  qui  s'est  proposé  d'assurer  à  nos 
manufactures  une  supériorité  constante  sur  les  manujacturcs 
étrangères  y  la  Société  d'agriculture  et  de  commerce  de  Caen  s'est 


474  LIVRES  FRANÇAIS. 

appliquée  a  procurer  aux  fabriques  du  Calvados  un  rang  égal 
ou  supérieur  aux  autres  fabriques  de  France.  Des  Mémoires 
exposent  l'état  du  commerce  de  Caen,  depuis  le  onzième  siècle 
jusqu'au  quinzième;  ils  indiquent  les  découvertes  de  la  chimie 
industrielle  dans  ce  district,  et  divers  procédés  surpris  à  l'esprit 
inventif  des  étrangers.  Après  quelques  observations  sur  le 
chanvre,  par  MM.  Prtjdhomme  et  Nicolas,  on  lit  avec  plai- 
sir un  Rapport  sur  la  belle  fabrique  de  M.  Desktables,  à 
Vire  :  ce  citoyen,  est  parvenu  à  égaler  les  papiers  d'Annonay 
et  de  Hollande.  Le  parcage  des  huîtres  à  Courceulles  a  fourni 
à  M.  Lair  une  notice  fort  curieuse  sur  cette  branche  de  com- 
merce. 

Louis  XIV  avait  soupçonné  l'influence  heureuse  des  expo- 
sitions publiques;  mais  il  ne  demandait  guère  aux  manufactu- 
riers que  des  objets  capables  de  rehausser  le  faste  de  sa  cour. 
La  première  exposition  des  produits  de  l'industrie,  qui  hono- 
rera toujours  le  consulat,  suggéra  à  la  Société  de  Caen  l'idée 
d'en  préparer  une.  Nous  nous  rappelons  avec  un  vif  plaisir 
l'impresiosn  que  causa  cette  exposition  dans  tout  le  Calvados  : 
elle  révéla  aux  habitans  étonnés  des  genres  d'industrie  anciens 
ou  nouvellement  importés,  dont  ils  ignoraient  l'existence  dans 
leur  patrie.  L'émulation  se  répandit  dès  lors  parmi  les  fabricans. 
Ils  briguèrent  par  des  perfectionnemens  les  médailles  et  les 
mentions  décernées  solennellement  par  la  Société.  La  fabrique 
des  dentelles  prouva,  en  i8o3  ,  qu'elle  n'avait  rien  perdu  de  son 
ancienne  réputation  :  à  l'exposition  de  1806,  elle  la  dépassa.  Il 
en  fut  de  même  de  la  bonneterie  ;  et  la  coutellerie  dégénérée 
redevint  digne  de  la  ville  qui  avait  jadis  admiré  ses  produits. 
La  mécanique  exposa  des  chefs-d'œuvre;  la  draperie  de  Vire 
se  montra  rivale  de  celle  d'Elbeuf  ;  et  les  fabriques  de  toiles 
peintes,  de  mousselines  et  de  mouchoiws,  prouvèrent  qu'avec 
plus  de  capitaux  elles  égaleraient  au  moins  celle  de  Jouy,  de 
Saint-Quentin  et  de  Chollet. 

Les  Rapports  de  M.  le  secrétaire  sur  ces  expositions  ,  comme 
la  plupart  des  Mémoires  sur  les  diverses  parties  de  l'industrie 
agricole  et  commerciale,  professent  les  principes  vrais  et  sains 
qui  ne  sont  devenus  populaires  que  dans  ces  dernières  années. 
On  y  apprend  combien  sont  peu  regrettables  les  anciens  inspec- 
teurs des  fabriques;  et  l'on  y  voit  aussi  que,  «  si  les  manufac- 
turiers ont  craint  de  présenter  des  ouvrages  d'une  fabrication 
ordinaire,  ils  se  sont  trompés  sur  les  instructions  de  la  Société  : 
qu'elle  envisage  la  consommation  en  général;  et  que,  suivant 
elle,  le  meilleur  genre  de  travail  est  celui  qui  fournit  le  plus 
d'occupation  et  un  plus  grand  produit.  » 


MÉMOIRES  ET  RAPPORTS.  /,;5 

kucnne  <li-  nos  grandes  cirés  n'a  consacré  à  L'industrie  autant 
d'expositions  publiques.que  la  ville  de  Caen.  Ceiut  eu  18 1 1  que 
se  lit  la  troisième,  quand  Napoléon  v  séjourna  avec  Marie- 
Louise.  I  ne  aote  du  afl  volume  ors  Mémoires  annonce  (ju'il  n'a 
pis  été  publié  de  rapport  détaillé  sur-  cette  exposition.  Est-ce 
parce  qu'elle  fut  préparée  à  la  hâte?  Beaucoup  d'articles  attes- 
taient d'heureuses  améliorations.  Serait  -  ee  pour  éviter  de 
rappeler  le  gouvernement  impérial  ?  Nous  ne  pouvons  le  croire. 

C'est  du  voyage  du  premier  consul  dans  la  Seine-Inférieure 
que  datent  les  progrès  admirables  de  l'industrie  dans  ce  dépar- 
tement :  alors  le  génie  de  Napoléon  révéla  au  Havre  ses  liautes 
destinées.  L'histoire  de  l'ancienne  Normandie  n'offre  pas  d'é- 
poque aussi  brillante.  Plût  à  Dieu  que  le  conquérant  eût  ren- 
contré dans  chaque  cité  française  une  exposition  de  produits 
industriels!  Ce  mouvement  général  lui  eût  peut-être  rappelé 
des  devoirs  qu'il  n'était  que  trop  porté  à  oublier. 

En  1819,  la  quatrième  exposition  des  produits  des  arts  dans 
le  Calvados  devança  de  quelques  mois  l'exposition  de  l'indus- 
trie nationale  :  proximité  qui  stimula  l'émulation  des  fabricans 
et  contribua  à  rendre  très-honorable  la  place  que  le  Calvados 
occupa  dans  le  palais  du  Louvre.  La  vis  d'Archimède  à  double 
effet y  perfectionnement  dû  à  M.  Pattu,  ingénieur  en  chef,  et. 
dont  plusieurs  rapports  démontrent  l'utilité,  l'indigo  du  pastel 
cultivé  en  grand  auprès  de  Caen,  des  ruches  mieux  disposées, 
des  laines  mérinos,  des  huiles  épurées  se  partagèrent  les  éloges 
des  habitans,  avec  les  dentelles  de  Bayeux  et  de  Caen,  les  co- 
tons (liés  d'Aulnay,  les  retors  de  Coudé,  les  lacets  d'Orbec,  les 
draps  de  Vire,  les  cretonnes  de  Lisieux  ,  la  porcelaine  de 
Bayeux,  avec  la  bonneterie  de  Caen  et  celle  de  Falaise  :  cette 
variété  infinie  de  produits  perfectionnés  donna  à  cette  expo- 
sition un  éclat  que  pourraient  lui  envier  la  plupart  des  capitales 
étrangères. 

La  Société  royale  de  Caen  eût  méconnu  l'opinion  unanime 
dans  le  Calvados,  si  elle  n'eût  récompensé  le  patriotisme  et  les 
connaissances  profondes  de  son  secrétaire.  Après  des  remer- 
cimens  votés  aux  autorités  supérieures  et  à  un  négociant  géné- 
reux, elle  a  exprimé  ainsi  sa  vive  reconnaissance  :  «  A  M.  Picrre- 
Jimr  Lair,  pour  les  travaux  pénibles  auxquels  ils  s'est  livré, 
pendant  dix  huit  ans,  comme  secrétaire  de  la  Société.  Son  nom 
réveillera  toujours  le  souvenir  des  vertus  qui  distinguent  un 
véritable  ami  de  la  prospérité  de  la  France.  "  Hommage  bien 
digne  de  cet  écrivain  qui  a  loué  avec  une  piquante  variété  les 
services  et  les  talons  de  collègues  enlevés  par  la  mort  à  leur 
pjys,  et  qui  vient  d'acquérir  de  nouveaux  droits  à  l'estime  du 


/l76  LIVRES  FRANÇAIS. 

monde  savant,  en  prônant  une  part  considérable  à  la  publi- 
cation des  Mémoires  de  la  Société  de  Caen.  Tous  les  agro- 
nomes et  les  administrateurs  même  liront  avec  intérùt  et  profit 
les  Mémoires  et  les  rapports  composés  par  MM.  de  Mag/ieville  t 
Pattu ,    Duciieval ,    Marc  ,    îVheatcroft ,  Deschamps  ,  Le  San- 


i'ûge ,  etc 


Ces  écrits,  très-concis  d'ailleurs,  s'arrêtent  à  1820:  ce  qui 
nous  promet  une  suite  aux  deux  volumes  <|ue  nous  annonçons. 
Malheureusement  on  n'y  retrouvera  pas  le  précis  d'une  nou- 
velle exposition  de  l'industrie  départementale.  La  Société  a 
vainement  réitéré,  en  1826,  ses  sollicitations  pour  obtenir  de 
l'administration  supérieure  l'autorisation  exigée  pour  ces  solen- 
nités, qui  ne  coûtent  rien  au  budget  général,  et  qui  ont  déjà 
tant  contribué  à  l'enrichir.  En  1810,,  le  ministre  de  l'intérieur 
écrivait  :  *  Je  ne  puis  qu'applaudir  au  zèîc  qui  anime  la  Société 
royale  pour  faire  fleurir  et  prospérer  l'industrie  et  le  com- 
merce dans  un  département  aussi  intéressant.  »  En  1827,  l'in- 
dustrie du  Calvados  n'a  obtenu  qu'un  refus.  Ne  peut-on  attri- 
buer au  découragement  qu'elle  en  a  ressenti  le  peu  d'envois 
qu'elle  a  faits  à  l'exposition  du  Louvre,  où  néanmoins  ses  pro- 
duits-sont  tous  distingués  parmi  les  plus  importans? 

On  retrouve  dans  ces  Mémoires  les  vœux  et  les  projets 
amendés  que  les  hommes  supérieurs  et  le  commerce  de  Caen 
n'ont  cessé  de  présenter  pour  l'améiioration  de  la  navigation 
de  l'Orne  inférieur,  et  pour  la  jonction  de  cette  rivière  avec  la 
Sarthe  ou  la  Mayenne.  Mais  c'est  en  vain  que  des  plans  et  des 
devis,  dressés  depuis  le  xve  siècle,  ont  été  approuvés  par 
neuf  de  nos  rois.  Cependant,  voici  le  tableau  des  mouvemens 
de  la  navigation  dans  le  port  de  Caen  :  en  1820,  5o,5  navires 
entrés,  dont  65  étrangers,  total  du  tonnage  25, 00/,  ;  en  1821, 
565  navires  français,  et  70  étrangers ,  tonnage  24,668  ;  en  1  822  , 
navires  687,  dont  68  étrangers,  et  jaugeant  27,960  tonneaux; 
en  1823,  566  navires  et  23,212  tonneaux;  en  1824,  579  fran- 
çais, 54  étrangers  ou  24, 520  tonneaux;  en  1825,  838  navires 
du  port  de  31,760  tonneaux;  plus  de  900  navires  en  1826. 

Quelle  serait  la  prospérité  de  la  place  de  Caen  et  du  Cal- 
vados, si  l'Orne  avait  une  autre  embouchure  et  était  canalisé 
dans  tout  son  cours!  L'auteur  de  cet  article  vient  de  visiter  ia 
Sarthe  et  la  Mayenne  et  de  traverser  la  Bretagne  :  il  partage 
l'étonnement  que  causent  en  général  la  prédilection  du  gou- 
vernement pour  le  canal  «le  la  Rance  et  de  la  Vilaine,  et  l'oubli 
si  opiniâtre  où  il  laisse  un  projet  de  caualisation  qui  hâterait 
la  civilisation  dans  l'Orne  et  la  Mayenne,  ferait  fleurir  l'agri- 
culture et  l'industrie   dans   six    dcpartemens,   ouvrirait    une 


MÉMOIRES  M  uappokts.— 01  va.  PÉR.      /,:7 

conununieation    sûre    pendant    la   quelle,   (I    très  économique 

dans  tous  l<-s  teins,  entre  Cien,  Angers,  Tours,  Nantes,  et 
même  Bordeaux,  par  la  Hgne  de  la  bordogne,  et  qui ,  ea  un 
mot,  mira  il ,  en  deçà  de*nos  deux  presqu'îles,  la  Hanche  avec 
l'Océan.  Mais,  puisque  l'excellent  Mémoire  de  Al.  le  docteut 
1  wt.i.  sur  ci-  projet  es*  resté  inutile , on  doit  presque  déses- 
pérer d'obtenir  de  grand  bienfait  peatr  les  département  de 

!  (  )uesl.  I sillon-    \,\  nmiN. 

QwrQges  périodiques. 

9.  i/j.  —  *   Journal  de   V  Instruction   des    Sourds-Muets  et  (1rs 

.U'ru^lcs,  rédigé  par  M.  BÉBiAiit,  directeur  de  L'institution  spé- 
ciale des  Sourds-Muets.  Tom.  II  :  "vin®  numéro.  Paris,  1827;  an 

bureau  du. lit  journal,  boulevard  du  Mont- Parnasse,  n°  -il\  bis. 
Ce  journal,  spécialement  consacré  à  une  œuvre  de  bienfai- 
sance, est  destiné  à  apporter  quelques  rayons  de  lumière  à  des 
intelligences  long-lenis  délaissées,  à  relever  jusqu'à  la  dignité 
humaine,  une  nature  dégradée  par  la  plus  cruelle  des  infor- 
tunes. Il  s'adresse  à  la  fois  aux  instituteurs  et  aux  sourds-muets; 
ces  derniers  y  trouvent  des  historiettes  intéressantes,  fondées 
sur  des  circonstances  qui  peuvent  leur  devenir  communes;  les 
autres,  des  préceptes  utiles  à  l'art  qu'ils  professent,  et  des 
observations  qui  tendent  à  introduire  des  améliorations  dans 
les  méthodes  d'instruction.  Le  numéro  que  nous  annonçons 
contient  un  résumé  curieux  du  procès  de  Filleron  ,  sourd-muet 
accusé  de  vol,  et  de  celui  de  Pierre  Sauron ,  aussi  sourd-muet, 
accusé  d'assassinat;  le  premier  a  été  acquitté,  ie  second  a  été 
condamné  aux  travaux  forcés  à  perpétuité.  A  la  suite  du  récit 
de  ces  deux  affaires  se  présentent  des  remarques  sur  le  langage 
naturel  et  le  langage  conventionnel  des  sourds-muets.  L'auteur 
s'étonne  de  ce  que,  dans  une  séance  publique  de  l'Institution 
royale  de  Paris,  le  directeur  de  l'institution,  et  après  lui,  le 
plus  ancien  des  professeurs,  se  soient  trouvés  hors  d'état  de 
transmettre,  par  signes,  aux  élèves  quelques  paroles  bienveil- 
lantes qui  leur  furent  adressées  par  Mgr  l'archevêque  de  Paris, 
présent  à  la  séance.  Ce  fait  paraît,  en  effet,  assez  singulier; 
mais  il  faut  se  hâter  de  faire  remarquer  que  les  signes  qui  cons- 
tituent le  langage  des  sourds- muets  ne  leur  ont  pas  été  fournis 
par  les  instituteurs;  ils  les  inventent  eux-mêmes;  ils  les  modi- 
fient; ils  multiplient  les  signes  elliptiques,  et  leur  langage  figuré 
finit  par  s'éloigner  tellement  des  types  primitifs  qu'il  est  im- 
possible de  les  recon naître.  Cela  est  si  vrai,  qu'il  existe  dans 
toutes  les   institutions  de  sourds- muets   une   langue  de  signes 


,;8  LIVRES  FRANÇAIS. 

particulière,  que  savent  tous  lej  élèves,  au  moyen  de  laquelle 
ils  conversent  entre  eux,  même  en  présence  des  maîtres,  et  sans 
être  compris  de  ceux-ci.  C'est  aux  professeurs  à  intervenir 
continuellement  dans  le  langage  de  leurs  élèves,  à  l'apprendre 
sans  cesse,  à  suivre  ces  jeunes  gens  dans  le  travail  de  leur  in- 
telligence, à  s'approprier  leurs  découvertes,  à  s'identifier  avec 
leurs  pensées,  sous  peine  d'être  prornptement  laissés  en  arrière, 
et  de  ne  pouvoir  même  plus  comprendre  ceux  qu'ils  sont  chargés 
d'enseigner,  loin  d'avoir  la  possibilité  de  les  instruire. 

Le  Journal  de  £  Instruction  des  Sourds- Muets ,  rédigé  avec 
talent,  sera  recherché  avec  empressement  non- seulement  par 
les  infortunés  pour  lesquels  il  est  composé,  mais  par  toutes  les 
personnes  qui  s'intéressent  aux  progrès  de  l'art  qui  les  rend  à 
la  dignité  d'hommes. 

2i5.  — *  Gazette  des  Tribunaux;  journal  de  jurisprudence 
et  des  débats  judiciaires.  Troisième  année  Paris,  1827;  au 
bureau  du  journal,  quai  aux  Fleurs,  n°  11  ;  prix  de  l'abonne- 
ment, i5  fr,  pour  trois  mois;  3o  fr.  pour  six  mois,  et  60  fr. 
pour  l'année.  (  Voy.  Rev.  £nc.,  t.  XXVIII,  p.  929.  ) 

Il  existait  depuis  long-tems,  à  Paris,  divers  journaux  de 
jurisprudence;  mais  la  plupart,  graves  et  arides,  se  bornaient  à 
rapporter  les  arrêts  des  cours  et  à  les  discuter  dans  leur  géné- 
ralité et  leurs  rapports  avec  la  lettre  des  lois,  sans  sortir  des 
formes  adoptées  au  palais.  Ils  sont  très-utiles,  sans  doute,  aux 
jurisconsultes,  aux  avoués,  aux  notaires,  à  tous  les  membres 
de  l'ordre  judiciaire  ;  mais  la  sécheresse  du  style  et  l'absence 
de  tout  intérêt  dramatique  ne  les  rendant  guère  susceptibles 
d'être  lus  par  les  hommes  du  monde,  l'éloignement  qu'ils  ins- 
piraient aux  personnes  étrangères  au  barreau ,  dût  paraître 
extraordinaire  aux  observateurs,  qui  remarquaient,  en  même 
tems ,  avec  quel  empressement  toutes  les  classes  de  la  société 
se  portaient  aux  séances  des  cours  royales,  et  même  à  celles 
des  tribunaux  civils,  où  une  foule  de  causes  présentent  des 
incidens  romanesques,  touchans  ou  singuliers.  Frappés  de 
cette  anomalie,  plusieurs  avocats,  d'un  mérite  véritable,  se 
sont  réunis  pour  publier  un  journal  où  les  séances  des  tribu- 
naux sont  reproduites  avec  leur  physionomie,  leur  originalité, 
et  tout  l'intérêt  qui  doit  résulter  de  la  variété  des  passions  hu- 
maines mises  à  nu,  et  placées  entre  la  société,  l'honneur  et 
la  fortune  d'une  part,  et  de  l'autre  la  ruine,  le  déshonneur  et 
la  mort.  Tout  ce  que  les  hommes  ont  de  plus  cher  est  succes- 
sivement appelé  sur  les  bancs,  par  l'effet  inévitable  du  contact 
des  individus.  L'enfance  et  la  vieillesse  ,  le  crime  dans  ce  qu'il 
a  déplus  hideux,  l'innocence  avec  toutes  ses  grâces,  le  sexe 


<>(  vu  pkii.  -LIVR.  KN  LANG  ÉTft.  /,7o 

faible  et  te  sexe  énergique,  la  vertu  et  sa  candeur,  l'astuce  et 
ses  ruses,  comparaissent  tour  à  tour  el  arrachent  des  larmes 
d'attendrissement,  ou  excitent  des  sentimens  d'horreur.  I ,<-s 
scènes  tragiques  1rs  plus  imposantes  ne  causent  pas  des  im- 
pressions aussi  \  i\  <s;  la  comédie  n'a  rien  d'aussi  gai,  et  surtout 
d'aussi  naturel.  Ce  fui  donc  une  heureuse  i <!<*<•  <|uc  de  repro- 
duire, dans  une  feuille  périodique,  les  débats  les  plus  remar- 
quables des  tribunaux,  et  de  leur  laisser  l'allure  dramatique 
qu'ils  prennent  nécessairement  d'eux-mêmes.  Le  succès  dé- 
passa bientôt  les  espérances \  la  Gazette  des  Tribunaux  parais 

Sait  dans  l'origine  trois  fois  par  semaine  el  sous  un  petit  format  ; 

elle  n'avait  pas  six  mois  d'existence,  qu'elle  prit  le  parti  de 
paraître  tous  les  jours,  en  adoptant  le  format  des  plus  grands 
journaux  et  elle  se  vit  recherchée,  non-seulement  à  Paris, 
mais  dans  toutes  les  villes  des  départe  mens,  même  dans  les 
campagnes  et  dans  les  pays  étrangers.  Ce  n'est  pas  seulement 
l'intérêt  de  curiosité  qui  fait  le  succès  de  cette  feuille;  elle  a 
des  avantages  plus  réels,  et  qui  tendent  à  l'amélioration  suc- 
cessive de  la  jurisprudence  adoptée  par  les  cours  du  royaume, 
en  la  ramenant  à  une  unité  de  principes  qui  sera  le  résultat 
de  la  comparaison  desjugemens,  des  motifs  sur  lesquels  ils 
sont  fondés,  des  moyens  de  défense,  des  objections  des  pro- 
cureurs du  roi,  des  arrêts  rendus  sur  appels.  Déjà  l'exemple 
de  telle  c  :ir  a  été  objecté  à  telle  autre;  et  il  faut  espérer  que 
nous  ne  serons  plus  exposés  à  gémir  sur  des  jugemens  diamé- 
tralement opposés,  rendus  d'après  la  même  loi,  dans  des 
causes  identiquement  semblables.  La  Gazette  des  Tribunaux 
aura  puissamment  contribué  à  procurer  ce  grand  avantage , 
cette  unité  si  désirée,  qui  n'était  sans  doute  violée  que  parce 
qu'on  ne  connaissait  point  les  cas  où  déjà  la  loi  avait  reçu  son 
application  et  où  le  sens  en  avait  été  déterminé. 

La  Gazette  des  Tribunaux  rend  compte  de  toutes  les  affaires 
importantes  au  civil  comme  au  criminel,  pour  les  départe- 
mens  comme  pour  Paris;  elle  est  ouverte  aux  réclamations, 
dans  les  cas  où  la  jurisprudence  peut  être  douteuse,  et  dans 
tous  ceux  où  les  intérêts  généraux,  ceux  des  familles,  ceux  des 
particuliers  sont  compromis.  L'esprit  de  sagesse  qui  conduit  la 
plume  de  ses  rédacteurs  en  fait  un  ouvrage  de  mœurs  aussi 
utile  qu'intéressant.  R. 

Livres  en  langues  étrangères ,  imprimes  en  France. 

ai  G. —  La  Victoria  de  funîn,  etc.  La  Victoire  de  Junin,  chant 
à  Bolivar,  par  J.  J.  Oi.medo.  Paris,  1826  ;  Jules  Renoua rd.  In-12 
de  72  pag.,  avec  un  po? trait  de  Bolivar. 


A8o       L1VR.  EN  LANG.  ETR.,  IMP.  EN  FRANCE. 

S'il  est  une  langue  faite  pour  chauler  la  liberté  et  pour  dé- 
crire les  combats,  c'est  la  langue  espagnole;  il  n'en  est  point 
de  plus  imitative  pour  tout  ce  qui  tient  à  la  guerre;  la  seule 
magie  de  ses  mots  nous  fait  entendre  le  hennissement  des  che- 
vaux, le  cliquetis  des  armes,  le  roulement  des  tambours;  et  la 
noblesse,  la  vigueur ,  la  fierté,  qui  forment  son  caractère  dis- 
tinctif ,  la  rendent  digne  de  célébrer  une  nation  qui  rompt 
les  chaînes  du  despotisme,  et  qui  fait  rentrer  ses  citoyens 
dans  leurs  droits  naturels.  Toutes  ses  beautés  devaient  se  déployer 
dans  un  chant  à  Bolivar,  libérateur  de  sa  patrie.  L'auteur  y  a 
réuni  le  charme  des  beiles  images  et  des  nobles  pensées;  tout 
le  commencement  est  plein  d'enthousiasme  et  de  feu,  et  la  des- 
cription de  la  bataille  de  Junin  est  admirable;  nous  ne  pouvons 
donner  les  mêmes  éloges  à  la  prédiction  de  Huaina  Capac.  Si  cet 
inca  ne  paraissait  que  cinq  à  six  minutes,  et  ne  prononçait  que 
dix  ou  douze  beaux  vers,  pour  bénir  les  Américains  vainqueurs 
et  leur  annoncer  les  combats  et  les  triomphes  qui  les  attendent 
encore,  nous  n'aurions  qu'à  admirer;  mais  la  prédiction  occupe 
9.5  pages;  l'inca  y  raconte,  dans  le  plus  grand  détail,  la  future 
bataille  d'Ayacucho,  qui  doit  assurer  à  jamais  la  liberté  de  la 
Colombie.  Nous  disons  qu'il  la  raconte,  parce  qu'en  effet  on 
croirait  qu'il  parle  d'une  chose  passée,  et  non  d'une  chose  à 
venir.  Il  a  le  ton  si  tranquille,  il  s'arrête  avec  tant  de  complai- 
sance à  tous  les  incidens  de  la  bataille,  que  rien  ne  ressemble 
moins  à  ce  délire  prophétique  d'une  âme  qui  s'élance  dans  l'a- 
venir, aux  efforts  qu'elle  fait  pour  écarter  les  nuages  dont  les 
choses  futures  sont  enveloppées;  un  autre  tort  bien  grand  ,  est 
d'avoir  mis  dans  la  bouche  de  cet  adorateur  du  soleil  l'éloge 
de  la  religion  chrétienne,  qu'il  a  connue  à  peine,  et  de  le  faire 
parler  avec  horreur  de  celle  de  Mahomet,  dont  à  coup  sûr  il 
n'a  jamais  entendu  parler.  L'auteur  qui  a  prévu  cette  critique, 
dit,  dans  une  note  ,  qu'on  ne  doit  point  s'étonner  que  celui  qui 
habite  les  régions  de  la  lumière  et  de  la  vérité  ait   des  idées 

justes    sur  la   religion,     la   législation,   les   sciences Je  ne 

saurais  admettre  cette  excuse  du  poète  ;  une  ombre  ne  nous 
agite,  ne  nous  fait  tressaillir,  que  lorsque  nous  la  voyons  en- 
core sous  l'empire  des  préjugés  et  des  passions  qui  la  dominè- 
rent pendant  sa  vie.  Sans  cela,  c'est  un  autre  être  ;  si  elle  a  passé 
par  les  régions  de  la  lumière  et  de  la  vérité  ,  elle  a  été  modifiée 
par  un  ordre  de  choses  que  nous  ne  connaissons  pas  ;  elle  s'est 
élevée  à  un  état  de  sainteté  et  de  perfection  qui  ne  nous  per- 
met plus  d'avoir  des  rapports  avec  elle.  L.  L.   O. 


IV.  NOUVELLES  SCIENTIFIQUES 

ET   LITTÉRAIRES. 


AMÉRIQUE  SEPTENTRIONALE. 

Etats  -  Unis.  —  Floride  occidentale.  —  Benvenue  ,  dans 
le  Lock.ac.ray,  près  de  Tallahassee,  iG  juillet  1827.  —  Climat , 
sol,  productions  ;  avantages  (/ne  peuvent  se  promettre  les  colons 
européens  qui  voudraient  s'établir  dans  cette  contrée. — Plusieurs 
respectables  propriétaires  du  continent  européen  ,  appuyés 
de  la  recommandation  de  l'un  des  hommes  les  plus  distin- 
gués du  siècle  par  son  noble  caractère  et  son  ardent  amour 
de  l'humauité,  le  général  Lafayette,  ont  présenté  au  gou- 
verneur de  la  Floride  d'importantes  questions  sur  la  pos- 
sibilité et  les  avantages  de  la  colonisation  dans  cette  belle 
contrée.  Le  gouverneur  s'est  hâté  de  leur  répondre,  et  ses  ob- 
servations nous  ont  paru  d'un  tel  intérêt,  que  nous  n'hésitons 
pas  à  les  communiquer  à  nos  lecteurs. 

Les  questions  qui  lui  ont  été  adressées  sont  les  suivantes  : 
i°  Dans  quelle  partie  de  la  Floride  conseil leriez-vous  à  une 
société  d'agriculteurs  de  s'établir,  et  combien  coûteraient  deux 
ou  trois  mille  acres  de  bonnes  terres  vierges?  20  Si  une  co- 
lonie, composée  de  laboureurs,  de  vignerons  et  d'ouvriers 
avec  leurs  familles,  venait  s'établir  dans  la  contrée  désignée, 
aurait-elle  la  certitude  de  réussir  dans  ses  entreprises,  en  ad- 
mettant qu'elle  ne  compterait  dans  son  sein  que  des  hommes 
honnêtes  et  laborieux,  et  qu'elle  serait  dirigée  par  quelques 
propriétaires  ayant  des  capitaux  suflisans  à  leur  disposition  ? 
3°  Une  nouvelle  colonie  aurait-elle  plus  d'avantages  à  emmener 
avec  elle  des  travailleurs  européens,  qu'à  employer  des  na- 
tionaux ou  des  nègres  pour  préparer  la  terre?  4  e  Des  Français, 
des  Suisses  ou  des  Allemands,  pourraient-ils  supporter  la  cha  - 
leur  et  le  changement  de  climat?  5°  Quelles  sont  les  principales 
productions  des  parties  les  plus  élevées  de  la  contrée?  6°  Est- 
il  facile  d'en  vendre  les  produits  avec  avantage  ?  70  Peut-on 
y  élever  des  troupeaux  de  grand  ou  de  petit  bétail?  8°  Est-il 
prouvé  que  la  culture  de  la  vigne  puisse  y  réussir?  a-t-elle 
été  essayée?  et  quels  ont  été  les  résultats?  90  Quels  sont  les 
plants  d'Europe,  ou  d'autres  lieux,  qui  sont  le  plus  suscep- 
t.  xxxvi.  —  Novembre  1827.  3i 


ftftj  AMÉRIQUE  SEPTENTRIONALE. 

cibles  de  réussir?  ou  doit-on  préférer  les  plants  mêmes  dit 
pavs?  io°  Les  végétaux  et  les  arbres  à  fruit  d'Europe  ont- ils 
prospéré  ,  et  serait-il  convenable  d'apporter  un  choix,  d'échan- 
tillons pour  essais  ?  1 1°  Dans  quel  état  est  la  colonie  française 
de  Tombeckbee,  qui  acheta  cent  mille  acres  de  terres  du  gou- 
vernement en  1818?  Si  elle  n'a  point  réussi,  quelle  en  est  la 
cause?  A-t-elle  des  terres  à  vendre,  et  quel  en  est  le  prix? 
12°  Quels  sont  les  gages  des  ouvriers,  par  jour,  par  semaine, 
ou  par  an?  i3°  Quelle  est  la  meilleure  saison  pour  l'arrivée 
d'une  colonie?  140  Enfin,  quelle  est  la  population  blanche  , 
celle  des  Indiens  et  celle  des  nègres? 

Le  gouverneur  de  la  Floride  a  répondu  : 

1  °  Je  recommande  à  une  société  d'agriculteurs  de  s'établir  dans 
la  Floride  du  milieu;  et  j'atteste,  avec  connaissance  de  cause,  ce 
fait  important,  que  des  cultivateurs  européens  peuvent  endurer 
et  endurent,  dans  cette  partie  du  pays,  l'action  des  rayons  les  plus 
verticaux  du  soleil,  sans  en  éprouver  le  moindre  inconvénient. 
Je  parle  d'après  mon  expérience,  et  d'après  le  résultat  jour- 
nalier des  travaux  faits  sur  mes  propriétés.  Il  existe  dans  l'at- 
mosphère une  élasticité  causée  sans  doute  par  notre  élévation 
autant  que  par  notre  proximité  du  golfe  du  Mexique  (qui  nous 
soumet  à  l'influence  de  la  brise  de  mer),  élasticité  que  toutes 
les  personnes  nouvellement  arrivées  trouvent  extrêmement 
agréable,  et  à  laquelle  on  doit  attribuer  l'ardeur  et  le  plaisir 
que  montrent  les  fermiers  industrieux  et  les  ouvriers  dans  |ou£ 
leurs  travaux;  ces  faits  établis,  j'affirme  que  le  canton  de  Tal- 
lahassee  possède  un  plus  grand  nombre  de  ressources  qu'aucun 
autre  des  états  du  sud,  soit  qu'on  le  considère  sous  le  rapport 
du  commerce,  ou  sous  celui  de  l'agriculture.  Ces  ressources 
ne  demandent  qu'à  être  développées  par  l'industrie. 

Les  deux  grands  et  importais  produits  du  territoire  de  la 
Floride  sont  les  cotons  et  la  canne  à  sucre ,  qui  seuls  suffiraient 
pour  engager  les  planteurs  à  s'y  établir,  atin  de  les  cultiver. 
La  qualité  du  colon  est  supérieure  à  toutes  les  autres,  et  son 
prix  est  beaucoup  plus  élevé.  La  canne  à  sucre,  qui  y  ac- 
quiert une  batteur  et  une  grosseur  extraordinaires,  est  remar- 
quable par  la  quantité  de  matière  sucrée  qu'elle  contient.  La 
nature  a  semé  dans  cette  région  ,  d'une  main  libérale,  tous  les 
fruits  et  tous  les  produits  des  états  du  nord  et  du  milieu;  et 
rirn  ne  peut  être  comparé  à  l'abondance  de  l'indigo,  du  riz  et 
du  coton  que  l'on  y  recueille.  Nos  terres  les  plus  communes 
donnent  80  boisseaux  de  riz  par  acre  :  le  froment,  le  maïs, 
l'orge,  le  seigle,  l'avoine,  le  millet,  y  croissent  avec  autant  de 
vigueur   que  dans  les  meilleures  terres  des  états  du  milieu, 


ÉTATS  UNIS.  ',*> 

ivès  tic  la  nier;  le  sol  v  est  beaucoup  phis  facile  à  travailler,  et 
les  plantes  nuisibles  plus  aisées  à  extirper;  ce  qui  n'est  pas 
«l'une  médiocre  importance  pour  ceux  qui  veulentjcultiver  par 
eux  mômes. 

t."  Ou  ne  saurait  douter  qu'une  colonie,  composée  comme 
on  le  oit,  ne  réussit  dans  son  entreprise.  Aucune  partie  de 
■Amérique  du   non!  ,  sous  le  rapport  du  climat  et  du  sol , 
L'est  plus  propre  à  la  culture  de  la  vigne  que  le  district  de  la 
Floride  centrale.  L'observateur  !e  moins  habile  peut  reconnaître 
dans  nos  forets  huit  ou  dix  sortes  de   vignes   qui  croissent  et 
s'étendent  exlraordinairement ,    et  qui    portent  en  abondance 
des  raisins  sauvages.  Nos  bois  sont  remplis  d'un  grand  nombre 
d'espèces  de  vignes;  ce  qui  doit  faire   penser  que  leurs  fruits 
s'amélioreront   quand  les  plants  seront   soignés  et  dirigés  par 
des  ouvriers  expérimentés.  Ces  vignobles  naturels   n'ont  pas 
moins  de  quelques  centaines  de  siècles.  En  divers  endroits,  on  a 
greffe  le  grand  raisin  rouge  de  France sur  la  racine  de  la  vigne 
sauvage,  et  la  greffe  a  produit  dès  la  première  année;  la  seconde 
année  le  plant  a  donné  un  boisseau  de  grappes;  et  la  troisième, 
une  énorme  quantité.  Ainsi,  dans  aucun  lieu  du  monde,  le  vi- 
gneron   ne   peut   s'établir   avec  autant   de    facilité,  avec  une 
plus  grande  certitude  de  succès  et  une  moindre  dépense  com- 
parative. Mais   notre   population  ,  qui  peut  obtenir  du  raisin 
en  abondance,  n'entend  rien  à  la  fabrication  du  vin  (1).  On  n'a 
jamais  eu  l'occasion,  ou  du  moins  bien  rarement,  d'acquérir 
des  connaissances  pratiques  sur  cet  objet  important,  et  peu  de 
personnes  sont  disposées  à  commencer  un  essai  de  cette  nature, 
parce  qu'elles  supposent  qu'il  faudrait  un  teras  trop  long  pour 
conduire  leurs  travaux  à  des  résultats  avantageux  :  on  est  imbu 
du  préjugé  que  cinq  années  sont  nécessaires  pour  créer  un  vi- 
gnoble. Tous  les  plants  étrangers,    apportés  dans  cette  partie 
du  pays  ,  ont  parfaitement  réussi,  et  produisent  en  tems  utile 
quand  on  les  a  convenablement  soignés.  Cette  sorte  de  culture 


(ï)  Le  perfectionnement  des  méthodes  usitées  pour  la  fabrication  du  vin  a 
été  l'objet  de  longues  recherches  et  d'expériences  faites  par  M.Ger- 
VA.is.  Les  procédés  qu'il  emploie  avec  succès  pour  améliorer  et  con- 
server les  vins  de  toute  qualité,  procédés  pour  lesquels  il  a  un  brevet 
d'invention  ,  le  \\  octobre  1827  ,  ont  mérité  l'approbation  des 
Commissaires  de  plusieurs  sociétés  savantes  chargés  de  les  examiner 
et  une  société  commanditaire  vient  de  se  former  «à  Paris  pour  exploi- 
ter eette  découverte  qui  promet  de  grands  avantages  à  l'agriculture 
et  que  tous  les  pays  de  vignobles  ne  tarderont  pas  a  s'approprier. 

N.   du  R. 


l. 


484  'AMÉRIQUE  SEPTENTRIONALE. 

est  si  mal  entendue  ici ,  qu'elle  doit  devenir  une  source  de  grand 
profit  pour  les  personnes  qui  la  connaissent.  Le  premier  éta- 
blissement qui  se  fera  sur  une  échelle  convenable  doit,  en  peu 
d'années,  procurer  d'immenses  avantages. 

3°  Les  habitudes  particulières  et  le  caractère  des  Européens 
les  rendent  peu  capables  de  se  bien  servir  de  la  hache,  le  pre- 
mier des  instrumens  et  le  plus  utile  pour  le  nivellement  des 
forets;  ainsi,  quelles  que  soient  l'adresse  ,  la  force  du  corps  et 
l'industrie  des  ouvriers  que  l'on  amènera  d'Europe,  il  est  con- 
venable qu'ils  soient  dirigés  dans  ce  genre  de  travaux  par  les 
indigènes  ,  beaucoup  plus  habiles  nécessairement  dans  l'art 
d'abattre  les  arbres,  de  créer  des  palissades  de  défense,  etc. 
Ces  ouvriers  peuvent  être  employés  en  même  tems  à  défricher 
le  sol  ,  à  rouler  les  bûches  ,  et  à  brûier  on  à  détruire  les 
broussailles  dans  les  terres  nouvellement  acquises. 

4°  Les  babitans  de  la  France,  de  la  Suisse,  de  l'Allemagne, . 
et  même  les  Européens  du  Nord,  peuvent  supporter  facile- 
ment la  chaleur  et  le  changement  de  climat,  par  plusieurs  rai-  • 
sons.  La  ebaleur  commune  de  la  Floride  est  moindre  que  celle 
de  la  Suisse  méridionale;  le  thermomètre  de  Farenheit  ne  s'é-  I 
lève,  aux  époques  de  la  plus  grande  chaleur,  que  de  75   à 
90  degrés,  pendant  le  jour,  et  durant  la  nuit  de  60  à  75  (33  de-  *■ 
grés  Réaumur  à  40  le  jour,  et  24  à  33  la  nuit).  Sous  le  rap-  '• 
port  de  la  salubrité  et  de  l'agrément,  c'est  un  climat  délicieux, 
et  l'on  peut   regarder  Tallahassee,  capitale  de  la   Floride, 
comme  le  Montpellier  des  Etats-Unis.  A  l'époque  de  l'année  î 
où  les  vents  pestilentiels  soufflent  avec  violence  sur  les  côtes  1 
de  la  Méditerranée,  les  Floridiens  sont  rafraîchis  par  des  on- 
dées journalières  qui  se  prolongent  depuis  le  milieu  de  juil- 
let jusqu'à  l'équinoxe  d'automne.  On  ne  saurait  les  comparer 
aux  pluies  périodiques  des  latitudes  méridionales  :  elles  sont 
douces  et  paisibles,  et  elles  influent  puissamment  sur  la  végé- 
tation et  le  système  animal.   . 

5°  On  ne  peut  appeler  cette  contrée  montagneuse,  quoi- 
qu'elle soit  couverte  de  collines;  elle  a  tous  les  avantages  des 
plaines  champenoises,  avec  toutes  les  beautés  d'une  surface 
coupée  de  hauteurs  et  de  vallées.  Le  sol  se  compose,  en  quel- 
ques lieux,  d'une  terre  grise,  profonde,  molle  et  chaude,  et 
facile  à  travailler;  dans  quelques  autres,  d'une  terre  noire, 
profonde,  superposée  à  une  glaise  rougeâtre.  Quand  on  la 
retourne,  elle  présente  une  surface  lustrée;  et,  si  ou  la 
mouille,  elle  teint  en  rouge  le  doigt  dont  on  Ta  touchée.  On 
rencontre  encore  de  la  marne  pure,  avec  un  mélange  de 
glaise  et  de  sable,  profonde,  mais  non  pesante.  C'est  dans  ce 


i':t\  rS-1   US.  /«h;> 

sol  que  \  irut  générait tnenl  la  ?igne  indigène.  Je  dois  ajouter, 

aux  productions   et  BtIX   fruits  dont   j'ai    déjà  parlé,   l'orange 

vouée,  aigre  et  amère,  qui  réussît  à  merveille  dans  le  comté 
jft'Alachua,  fet  l'oronge  de  Chine,  cultivée  avec  succès  dans  le 
district  de  Saint-Augustin,  et  le  Pensacola.  Mais,  comme  nous 
parlons  de  contrées  réCetnmeni  annexées  à  la  Floride,  qui  les 
a  achetées  aux  aborigènes,  l'orange  de  Chine  n'a  pu  y  arriver 
(EtlCOre  à  maturité,  à  défaut  de  teins.  L'olive  doit  être  rangée 
parmi  les  productions  commerciales  de  ce  territoire.  Un  bois 
■'oliviers!,  créé  dans  l'intention  de  fabriquer  des  huiles  d'olive, 
donnerait  des  profits  énormes.  Les  arbres  que  j'ai  vus  dans  les 
jardins  de  quelques  propriétaires  de  Saint -Augustin  sont  plus 
grands  que  les  plus  beaux  oliviers  de  France,  et  ils  donnent 
des  fruits  exccllens  et  en  abondance.  On  rencontre  des  oli- 
viers sauvages  dans  les  forets;  je  les  ai  vus  chargés  de  fruits, 
et  je  ne  doute  pas  qu'ils  ne  puissent  être  greffés  avantageu- 
sement. Le  ver  à  soie  a  été  multiplié  avec  succès;  on  a  in- 
troduit le  mûrier  blanc,  et  il  a  bien  profité.  Le  mûrier  rouge 
est  commun  dans  nos  forêts;  il  y  devient  immense,  et  il  four- 
nirait une  abondante  nourriture  aux  vers  à  soie;  on  objectera 
seulement  que  la  qualité  de  la  soie,  lorsque  le  ver  a  été  nourri 
[avec  les  feuilles  du  mûrier  rouge,  est  inférieure  à  celle  des 
vers  nourris  avec  le  mûrier  blanc. 

6'°  Il  est  facile  de  vendre  et  d'exporter  les  produits  de  la 
Floride;  il  suffit,  pour  s'en  convaincre,  de  jeter  les  yeux  sur 
une  carte  de  l'Amérique  du  nord.  Notre  proximité  des  rives 
de  la  mer  et  l'étendue  de  nos  côtes,  découpées  de  baies  et  de 
hàVreS,  nous  donnent  de  grands  avantages  sur  toutes  les  outres 
parties  des  États-Unis.  Nous  avons  à  choisir,  pour  nos  appro- 
visionnemens  de  toute  nature,  entre  Cuba  et  la  Nouvelle-Or- 
léans; entre  New- York  et  tous  les  ports  du  sud,   pour  nos 
cotons,  nos  sucres  et  nos  fruits.  Taliahassce  n'est  qu'à  vingt 
milles  de  Saint-Marc,  port  de  mer  où  entrent  des  vaisseaux 
qui  tirent  treize  pieds  d'eau.  Vous  pouvez  facilement  arriver  au 
lieu  même  de  votre  établissement,  avec  tous  vos  colons,  dans  un 
vaisseau,  et  apporter  vos  ustensiles  d'aménagement.  On  trouve 
>t  plusieurs  milliers  d'acres  de  bonnes  terres  vierges  à  acheter  à  la 
1 1  distance  de  vingt  à  trente  milles  de  cette  place,  au  prix  de  deux 
a  à  cinq  dollars  par  acre,  et  dans  un  pays  qui,  pour  la  santé, 
3  la  bonne  eau,  la  variété   des  produits,  l'élévation  et  l'agré- 
[i   ment  de  la  situation,  l'étendue  de  la  vue,  la  fertilité  du  sol, 
e  la  facilité   des  labours  et  le  voisinage  de  la  mer,  n'est  sur- 
5   passé  par  aucune  portion  des  Etats  In.is  d'Amérique.  Le  dis- 
trict de  Taliahassce  est  situé  entre  le  3oe  et  4oe  degré  de  la- 
titude nord. 


486*  AMÉRIQUE  SEPTENTRIONALE. 

7°  Le  territoire  de  la  Floride  est  aussi  propre  à  élever  dit 
gros  et  du  petit  bétail  qu'aucun  autre  de  l'Amérique.  On  peut 
le  nourrir  sans  difficulté,  et  avec  peu  de  dépense.  Les  hivers 
sont  si  doux  et  les  gelées  de  si  courte  durée,  qu'ils  n'ont  au- 
cune influence  sur  les  herbages  sauvages  nommés  cattle-rangc. 
Nous  ne  sommes  donc  point  forcés  de  faire  des  provisions  de 
fourrage  pour  la  saison  froide.  Les  prairies  naturelles  sont 
abondantes,  extrêmement  nourrissantes ,  et  conservent  leur 
verdure  pendant  tout  l'hiver.  Les  prairies  artificielles,  telles 
que  la  luzerne,  le  sainfoin,  le  trèfle,  etc.,  n'ont  pas  encore  été 
essayées  ici,  quoique  l'on  ait  de  fortes  raisons  de  croire  qu'elles 
réussiraient  parfaitement,  et  surtout  si  on  les  semoit  de  trèfles 
dont  nous  connaissons  deux  espèces  indigènes,  l'orange  et  la 
blanche. 

L'herbe  de  Guinée  a  été  cultivée  avec  succès.  Je  ne  puis, 
douter  cependant  que  l'abondance  de  nos  foins  et  leur  qualité 
nutritive  ne  les  fassent  préférer  à  toutes  les  espèces  artificielle- 
ment produites.  Les  chèvres  et  les  moutons  sont  parfaitement 
acclimatés,  et  la  laine  des  derniers,  dans  les  races  les  plus  com- 
munes, devient  d'année  en  année,  et  probablement  à  raison 
de  la  douceur  du  climat ,  d'une  extrême  finesse.  C'est  un  fait 
que  je  puis  affirmer,  d'après  mes  observations  personnelles. 

8°  La  culture  de  la  vigne  donnerait  les  résultats  les  plus  avan- 
tageux, etc.  [Voy.  l'art,  i  ci-dessus.) 

9°  Tous  les  arbres  exotiques  réussissent  sans  difficulté,  ainsi 
que  ceux  du  pays.  Jusqu'à  ce  jour  aucun  essai  n'a  manqué. 

io°  La  végétation  est  excessivement  rapide.  Nous  avons  trois 
saisons  pour  l'horticulture.  Les  fruits  du  jardin  botanique  du 
prince,  à  New -York,  sont  tous  originairement  tirés  de  l'Eu- 
rope, et  ont  parfaitement  réussi,  particulièrement  les  pèches,  ' 
les  brugnons  et  les  abricots.  Les  prunes  ,  les  cerises,  les  mûres, 
les-oranges,  les  olives  et  les  pommes  sont  sauvages  dans  nos 
bois;  enfin,  je  ne  connais  pas  de  pays  au  monde  où  les  forêts 
soient  remplies  d'une  aussi  grande  variété  de  fruits  indigènes. 

ii°  Je  ne  saurais  dire  exactement  dans  quelle  situation  se 
trouve  la  colonie  française  de  la  rivière  de  Tombeckbee;  mais 
on  ne  s'y  est  pas  occupé  de  la  culture  de  la  vigne ,  comme  on 
l'avait  annoncé.  Elle  n'a  pas  été  non  plus  composée  du  nombre 
d'ouvriers  qui  lui  étaient  nécessaires,  et  la  plupart  de  ses  mem- 
bres n'avaient  point  l'habitude  du  travail  et  l'énergie  de  vo- 
lonté qui  sont  des  élémens  essentiels  de  succès.  La  contrée 
d'Alabama  d'ailleurs  n'est  point  saine,  et  les  fièvres  bilieuses 
attaquent  les  colons  avant  la  fin  de  l'année.  Il  est  très-différent 
de  coloniser  de  sa  pleine  volonté,  ou  d'y  être  forcé  par  les  évé- 


Il  ATS  l  NIS,— AFRIQUE.  .',87 

nemcns  politiques,  comme  des  émigrés,  «-te.  |  Le  reste  de  cet 

article  n'apprend  rien   «le  nouveau,   et  pose   seulement   en 

principe  que  Ions  les  membres  'l'une  colonie  naissante  doivent 

jouir  <le  l'entière  liberté  de  leur  personne  <'t.  de  leurs  opéra- 
bons,  et  qu'ils  n'ont  rien  de  mieux  à  faire  (lue  d'adopter  les 
inours  et  les  usages  de  la  république  américaine.  Les  distinc- 
tions de  rang  ne  ibnt  que  nuire  à  la  prospérité  de  l'établisse- 
ment.) 

12"  Les  gages  des  ouvriers  sont  tres-<  l<\  es.  Le  salaire  d'un 
travailleur  nègre  est  de  cent  shellings  par  année,  et.  à  propor- 
tion par  mois  et  par  semaine.  I  n  ouvrier  demande;  et  reçoit 
un  demi-dollar  par  jour  (  2  fr.  7>5  c.  ). 

1  >°  Toutes  les  saisons  sont  lionnes  pour  arriver  comme  co- 
lons dans  la  Floride  centrale,  à  l'exception  des  mois  pluvieux 
d'août  et  de  septembre. 

1-4°  La  population  de  la  Floride  est  d'environ  vingt  mille 
individus,  dont  dix  mille  blancs,  cinq  mille  noirs,  et  cinq  raille 
Indiens.  Ces  derniers  sont  établis  dans  la  partie  méridionale  de 
la  péninsule  de  l'est,  à  deux  cent  milles  de  Talahassee,  et  ils 
ne  se  permettent  point  de  passer  les  frontières.  L'intention  du 
gouvernement  général  des  États-Unis  est  de  les  renvoyer  au- 
delà  du  Mississipi  aussitôt  que  la  chose  sera  praticable.  C'est 
d'ailleurs  une  race  paisible  et  très-peu  portée  à  des  hostilités 
contre  les  blancs;  mais,  pour  plus  grande  sûreté,  et  pour  pré- 
venir toute  incursion  dans  ce  beau  pays,  ils  sont  surveillés  pat- 
un  cordon  militaire. 

Je  m'engage  volontiers  à  donner  toutes  les  informations  ul- 
térieures  que  pourraient  me  demander  sur  les  lieux  les  per- 
sonnes qui  voudraient  visiter  cette  contrée  avant  d'y  prendre 
des  arrangemens  de  colonisation  définitifs. 

David  B.  Macomb. 

AFRIQUE. 

Tripoli  de  Barbarie.  —  Publication  d'un  journal.  —  Expé- 
dition projetée  par  le  pacha  contre  les  Arabes  révoltés  du  Djebel. 
—  Renseigne  mens  sur  ces  Arabes.  —  Extrait  d'une  lettre  adressée 
a  M.  Barbie  nu  Bocage  par  M.  Rousseau,  consul  général 
de  France,  à  Tripoli .  en  date  du  1  août  1827. — Il  y  a  quel- 
que tems  que  plusieurs  de  mes  collègues  et  moi ,  nous 
avions  formé  le  projet  d'établir  ici  un  journal  mensuel  de  poli. 
tique  et  de  littérature.  Ce  projet  vient  d'être  mis  à  exécution. 
Le  premier  N°  de  Y  Investigateur  africains,  paru,  le  3i  juillet 
1827,  et  je  regrette  vivement  de  ne  pouvoir  vous  en  envoyer 
un  exemplaire ,  attendu  que  jusqu'à  présent  il  nous  a  été  im- 


4<S8  AFRIQUE., 

possible  de  le  publier  par  la  voie  de  l'impression.  Je  me  borne; 
donc  à  vous  soumettre  aujourd'hui  les  principaux  articles  que 
j'y  ai  fait  insérer  pour  ma  part ,  espérant  pouvoir  vous  en- 
voyer par  la  prochaine  occasion  une  copie  du  cahier  même 
dont  ils  ont  été  extraits. 

Un  camp  dont  le  personnel  sera  ,  dit-on ,  porté  ultérieu- 
rement à  25,ooo  hommes,  s'organise^  en  ce  moment  dans  la 
plaine  qui  s'étend  le  long  de  la  côte,  à  l'est  du  château.  Ce 
corps  d'armée,  que  Sidi-Ali,  troisième  fils  du  pacha,  doit 
commander,  est  destiné  à  attaquer  les  Arabes  révoltés  du 
Djebel,  qui  infestent  depuis  deux  ou  trois  mois  les  dehors  de 
la  ville  de  leurs  bandes  pillardes.  Ces  Arabes  appartiennent 
à  trois  tribus  distinctes,  nommées  Ssattou  ,  Assabè  et  Nouair, 
lesquelles  ont  pour  chef  principal  Muhammed-il  Marmouri, 
homme  astucieux  et  méfiant ,  qui  n'a  jamais  pu  se  résoudre  à 
venir  en  personne  rendre  hommage  au  prince ,  quoiqu'à  dif- 
férentes époques  il  se  soit  scrupuleusement  acquitté  de  ses 
devoirs  de  vassal  envers  lui.  On  dit  que  plusieurs  vénérables 
marabouts  travaillent  à  le  faire  rentrer  en  grâce  auprès  de 
S.  A.  qui ,  mécontente  des  nombreuses  trahisons  dont  il  s'est 
rendu  coupable ,  persiste  à  vouloir  le  réduire  par  la  force 
des  armes.  Cette  opération  n'est  pas  sans  danger  ;  car  les  lieux 
élevés  qu'habite  ce  chef,  sont  d'un  accès  si  difficile  qu'il  faut 
nécessairement  y  transporter  l'artillerie  à  dos  de  chameau,  et 
que  l'infanterie  ne  saurait  les  gravir  qu'avec  beaucoup  de 
peine. 

Nous  ferons  remarquer  que,  par  le  mot  Djebel ,  les  Arabes 
désignent  en  général  les  montagnes ,  et  que  celle  dont  il  est 
ici  question  a  reçu  l'épithète  d'il  Ssattou  du  nom  de  la  peuplade 
qui  l'habite;  ainsi,  par  Djebel-il  Ssattou,  il  faut  entendre  la 
montagne  des  Ssattous.  Toutefois,  dans  l'usage  ordinaire,  on 
se  b<>rne  à  l'appeler  simplement  Djebel.  Cette  montagne  com- 
mence à  deux  journées  de  marche  de  celle  de  Ghérian ,  et 
elle  s'étend  de  l'est  à  l'ouest ,  jusqu'au  territoire  de  Tunis.  Elle 
est  très-boisée,  et  se  divise  en  io3  districts  où  l'on  récolte 
abondamment  de  l'huile ,  des  raisins  et.  des  figues ,  que  l'on 
transporte  sur  les  divers  points  de  la  côte  de  Barbarie. 

Indépendamment  des  trois  tribus  dont  nous  avons  parlé , 
on  en  compte  plus  de  vingt  autres,  toutes  soumises  au  pacha, 
et  en  état  d'hostilité  avec  les  premières.  Leurs  richesses  terri- 
toriales consistent ,  en  arbres  fruitiers  et  en  bétail ,  dont  la 
laine  et  le  laitage  leur  offrent  les  moyens  de  faire  un  com- 
merce lucratif  avec  les  habitans  des  villes  et  des  bourgades 
maritimes  qui  les  avoisinent. 


r*"  AFRIQUE.  /,8<j 

Voici  la  liste  de  ces  peuplades1  dont  L'humeur  e.-,t  belii« 
gueuse,  qui  se  servent  d'armes  à  feu  ,  et  qui  montent  d'excel 
[eus  chevaux  habitués  à  la  fatigua  et  aux  Longues  courses. 
tfous  commençons  par  celles  qui  habitent  des  villages  murés 
et  des  hameaux  :  Zéntan~Redjeban ,  Kabaoœ,  Azaz-Zouatin  , 
Dek'hakenê ,  MutUn,  Sadàm-Ebliidli ,  Hhemadié.  Les  suivantes 
sont  en  partie  nomades  et  vivent  sous  des  tentes  :  Ghczaz- 
Sebiè,  //  oiil(i<l  bou-Zaif ,  Sonéiat ,  Rhcihhebat>  Semlousy  Guda- 
défé  ,  Messadédé* 

—  Origine  de  Tinbuktou  ,  d'après  les  auteurs  arabes.  — Dé- 
tails sur  les  tribus  qui  habitent  cette  ville.  —  Tombouctou  ,  ou 
plutôt  Tinbuktou  ,  est  pour  nous  ce  qu'était  pour  les  anciens 
Arabes  la  ville  enchantée  à'Ircm  Zat  il  Emad  (i) ,  ou  la  fon- 
taine de  Jomrnce  des  mythologues  orientaux  (2);  cette  capi- 
tale du  Soudan  a  échappé  jusqu'ici  aux  investigations  les  plus 
suivies.  Tout  le  monde  en  parle  ,  et  personne  ne  l'a  encore  vue. 
Mais  en  attendant  que,  dans  le  nombre  des  voyageurs  intré- 
pides qui ,  animés  d'une  généreuse  émulation  ,  ont  entrepris  de 
la  visiter,  il  se  trouve  un  homme  assez  heureux  pour  soulever 
le  voile  qui  la  dérobe  aux  regards  de  l'Europe  savante  ,  nous 
croyons  devoir  publier  le  peu  de  renseignemens  que  nous 
avons  recueillis. 

Il  paraît  qu'il  existe  une  histoire  détaillée  de  cette  ville, 
dont  l'auteur  se  nomme  Sidi-Ahhmed-Baba  ,  natif  d'Arawan  , 
bourgade  du  pays  des  K eûtes  ;  histoire  qui  fait  remonter  sa 
fondation  à  l'an  5 10  de  l'hégire  (11 16  de  J.-C). 


(ï)  Lieu  de  délices,  chef-d'œuvre  d'art  et  de  magnificence,  bâti 
dans  le  Hhadramaûtli  ,  pur  Vimp'ie  Scheddad  qui,  prétendant  partager  avec 
la  Divinité  l'encens  des  mortels,  croyait  s'être  pratiqué  un  séjour  sem- 
blable aux  palais  du  ciel.  Ce  lieu,  nommé  d'abord  Irem,  fut  sur- 
nommé Zat  il  Emad,  à  cause  du  grand  nombre  de  colonnes  d'or  mas- 
sif, incrustées  de  pierres  précieuses,  qui  décoraient  son  enceinte.  Il 
disparut  tout  à  coup,  lorsque  Scheddad  subit,  avec  son  peuple,  le 
châtiment  que  le  ciel  avait  réservé  à  ses  crimes.  Plusieurs  siècles 
après,  sous  le  règne  de  Moawia ,  un  Arabe,  nommé  Kolaba ,  qui 
cherchait  dans  le  disert  sa  chamelle  égarée,  découvrit  ce  mer- 
veilleux palais  ;  mais  on  ne  le  retrouva  plus  depuis  ,  malgré  les  per- 
quisitions que  fit  faire  le  kalife ,  frappé  des  choses  étonnantes  qu'il  en 
avait  entendu  raconter. 

(2)  Cette  fontaine,  nommée  en  arabe  DJà-ll-lihaiat ,  et  en  persan 
Abzcndigani  (source  de  vie) ,  est  située ,  disent-ils  ,  dans  le  Zlioulemdt, 
région  ténébreuse,  voisine  du  pôle,  et  vers  laquelle  plusieurs  mo- 
narques puissaus  ont  tour  à  tour  tenté  des  expéditions  hardies,  sans 
pouvoir  y  parvenir. 


i^o  AFRIQUE. 

Voici  comment  cet  ouvrage  raconte  la  circonstance  qui 
donna  lieu  à  la  fondation  de  Tinbuktou  :  «  Une  femme  de  la, 
horde  des  Touariks ,  nommée  Bidtou  ,  s'était  établie  sur  les 
bords  du  TSTil  des  nègres ,  dans  une  cabane  ombragée  par  un 
arbre  touffu  :  elle  possédait  quelques  brebis,  et  elle  exerçoit 
l'hospitalité  envers  les  voyageurs  de  sa  nation  qui  passaient 
près  de  sa  demeure.  Son  humble  habitation  ne  tarda  pas  à 
devenir  un  asile  sacré  ,  et  un  lieu  de  repos  et  de  délices  pour 
les  tribus  voisines  qui  l'appelèrent  Tin-BuAtou  ,  c'est-à-dire  , 
propriété  de  Biihlou  (tin  étant  dans  leur  idiome  un  pronom 
possessif  à  la  troisième  personne).  Par  la  suite  ces  tribus  vin- 
rent s'établir  autour  d'elle  et  y  tracèrent  un  vaste  camp  re- 
tranché, qui  fut  plus  tard  transformé  en  une  cité  populeuse.» 
Telles  sont ,  suivant  Sidi-Aklimct-Baba  ,  l'étymologie  du  nom 
et  l'origine  de  la  fondation  de  Tin-Buktou,  qui  perdra  proba- 
blement beaucoup  de  sa  célébrité  ,  dès  que  Ton  aura  sur- 
monté les  obstacles  qui  en  interdisent  l'accès. 

Diverses  races  ont  concouru  à  former  la  population  de 
Tinbuktou  :  celle  des  Kohhlaas  (elle  est  païenne)  qui  d'abord 
s'y  est  trouvée  dominante  ;  puis,  celle  des  Fellaas,  sectateurs 
du  prophète  arabe  ,  qui  y  exerce  aujourd'hui  une  grande  supé- 
riorité. Ces  derniers,  dont  le  sultan  actuel,  nommé  Beilo  >  de- 
meure à  Sahatou,  sont  parvenus  depuis  près  d'un  an  ,  par  leur 
bravoure  et  leur  force  militaire,  à  établir  leur  domination 
dans  la  totalité  du  Soudan,  en  subjuguant  la  plupart  des  na- 
tions qui  l'habitent.  Les  Touariks  forment  une  troisième  race. 
On  retrouve  cette  tribu  depuis  les  frontières  méridionales  de 
l'état  de  Maroc  jusqu'au  Bournou  :  elle  obéit  à  un  prince  qui 
porte  le  titre  de  maïné  (commandant) ,  et  qui  réside  à  Ghad , 
ville  située  à  douze  journées  ouest  de  Murzouk  ,  capitale  du 
Fezzan.  Une  quatrième  race ,  celle  des  Keutès ,  que  l'on  sup- 
pose originaire  du  Bambara ,  et  qui  est  réputée  étrangère  ,  ne 
jouit  par  cela  môme  ,  d'aucune  considération  dans  le  pays. 
Les  Touariks;  sont ,  après  les  Fellaas ,  les  plus  puissans  parmi 
les  peuples  de  l'Afrique  centrale.  Ils  sont  en  grande  partie  no- 
mades ,  vivent  sous  des  tentes  et  dans  des  cabanes,  ne  se  nour- 
rissent que  de  laitage,  et  se  servent  au  combat  de  lances  et  de 
flèches  empoisonnées;  ce  qui  donne  aux  Fellaas,  qui  possèdent 
des  armes  à  feu  ,  une  supériorité  incontestable.  Les  dialectes 
les  plus  usités  à  Tinbuktou  sont  ceux  des  Fellaas,  des  Touariks 
et  des  peuples  du  Bambara;  ils  diffèrent  essentiellement  entre 
eux. 


El  ROPE.  4y« 

EUROPE. 
îles  britanniques. 

Lomiiiks.  — Pont  sous  ld  Tamise.  —  Ce  pont  d'un  nouveau 
genre,  monument  déjà  célèbre,  ouvrage  d'un  ingénieur  fran- 
çais, M.  BhunBL,  dont  la  réputation  est  depuis  long-tems  ho- 
norablement établie  en  France  et  en  Angleterre)  est  destiné  à 
subvenir  aux  besoins  de  l'immense  population  qui  habite  les 
i\v\\\  rives  de  la  Tamise,  au  -dessous  du  pont  de  Londres, 
dont  il  sera  éloigné  de  trois  quarts  de  lieue.  Il  établira  une 
communication  facile  entre  la  rive  gauche  du  fleuve,  où  se 
trouvent  les  faubourgs  de  ffapping  et  de  JVhitc-Cliapcl ,  le. 
dock  de  Londres  (i),  ainsi  que  celui  de  Sainte- Catherine ,  et  la 
rive  droite  où  sont  placés  le  dock  du  commerce,  le  grand  canal 
de  Surrev,  la  grande  route  de  Kent,  et  une  innombrable  quan- 
tité d'usines  et  de  manufactures  de  toute  espèce. 

Déjà  en  1799,  on  avait  tenté  d'exécuter  à  Gravesend,  grand 
village  situés  à  vingt-un  milles  de  Londres,  des  travaux  qui  au- 
raient eu  pour  objet  d'établir  une  communication  souterraine 
entre  les  deux  rives  de  la  Tamise.  Ce  premier  essai  fut  infruc- 
tueux ;  on  le  renouvela  en  1  809  ,  à  Rothcrhitiie ,  près  du  lieu  où 
l'on  pratique  aujourd'hui  le  nouveau  passage;  mais  on  échoua 
encore,  faute  de  moyens  suffisahs  et  de  mesures  bien  concertées. 

L'entreprise  actuelle,  conçue  par  M.  Brunel,  s'exécute  sous 
les  yeux  et  par  les  soins  de  l'auteur.  Le  souterrain  aura  i3oo 
pieds  anglais  de  longueur  (ou  noo  pieds  de  France  environ). 
La  largeur  de  la  Tamise,  au  point  où  il  est  placé,  est  de  1000 
pieds  anglais  (  g3o  pieds  français  environ). 

Ce  fut  sans  doute  une  grande  idée  que  celle  de  construire 
un  passage  sous  la  Tamise  ,  au  Heu  même  où  de  nombreux  vais- 
seaux la  sillonnent  dans  tous  les  sens;  mais  ce  qui  la  complète 
et  lui  donne  toute  sa  valeur,  c'est  l'invention  des  moyens  et  des 
machines  propres  à  conduire  au  but  que  l'on  se  propose,  et 
surtout  la  création  de  ce  célèbre  bouclier,  qui  non-seulement  a 
rendu  l'entreprise  facile,  mais  qui  permettra  dorénavant  d'en 
exécuter  de  même  nature  avec  plus  de  sûreté  et  de  facilité. 

Les  travaux  actuels  furent  commencés  en  1825,  par  l'affais- 


(i)Les  docks  renferment  de  vastes  bassins  intérieurs  où  sont  reçus 
les  vaisseaux,  et  des  magasins  pour  leur*- cargaisons. 


4q*  EUROPE. 

sèment  progressif  d'un  mur  circulaire,  ou  espèce  de  tour  rondo 
en  briques.  La  hauteur  de  cette  tour  est  de  4o  pieds  anglais; 
son  diamètre,  de  5o ;  son  épaisseur,  de  3.  (Le  pied  anglais  est 
au  pied  français  comme  100,000  esta  106,575  ;  rapport  exact). 
Cette  tour  fut  construite  au  moyen  d'une  immense  charpente  ou 
tambour,  dont  les  pièces  furent  fortement  attachées  par  d'énor- 
mes boulons  en  fer  et  par  des  crampons.  On  enleva  peu  à  peu  la 
terre  sur  laquelle  reposait  cette  maçonnerie,  et  la  tour  s'enfonça 
graduellement  par  son  propre  poids.  Lorsqu'elle  fut  arrivée  à  la 
profondeur  déterminée,  on  commença  les  travaux  de  l'ouvrage 
en  briques.  C'est  un  massif  qui  a  la  forme  d'un  parallélo- 
gramme de  37  pieds  de  large  sur  22  de  hauteur,  percé  dans  sa 
longueur  par  deux  voûtes  qui  doivent  former  le  passage,  l'une 
pour  aller  et  l'autre  pour  revenir,  et  qui  communiquent  entre 
elles  par  des  arcades  pratiquées  de  distance  en  distance.  Ces 
voûtes  ont  16  pieds  10  pouces  dans  leur  plus  grande  hauteur; 
i3  pieds  9  pouces  dans  leur  largeur,  et  1 1  pieds  9  pouces  dans 
la  partie  inférieure,  au  point  où  le  plancher  est  établi.  L'épais- 
seur de  la  voûte  au  point  le  plus  élevé  est  de  2  pieds  7  pouces. 
Le  mur  qui  sépare  les  deux  voûtes  a  3  pieds  6  ponces  d'épais- 
seur vers  la  partie  moyenne  ,  et  4  pieds  6  pouces  à  sa  base. 
Il  entre  55oo  briques  dans  chaque  pied  courant  du  pourtour 
de  la  maçonnerie.  Le  bouclier,  qui  est  du  poids  de  120  ton- 
neaux (  le  tonneau  pèse  2  milliers  ou  mille  kilogrammes) ,  con- 
siste en  un  cadre  de  fer  de  même  hauteur  et  de  même  largeur 
que  le  massif;  il  est  composé  de  12  divisions  mohiles  qu'on  fait 
avancer  alternativement  et  indépendamment  l'une  de  l'autre; 
chaque  division  est  subdivisée  à  son  tour  en  trois  celiuies  ou 
cases  placées  l'une  au-dessus  de  l'autre  ,  et  qui  servent  d'éclia- 
faud  aux  mineurs  et  aux  maçons;  elle  est  supportée  par  des  es- 
pèces de  semelles  en  fonte,  sur  lesquelles  reposent  tout  le  poids 
de  la  division.  Ces  semelles  sont  armées  de  vis  horizontales 
posées  en  arcs-boutans  contre  la  maçonnerie  à  mesure  qu'elle 
est  faite,  et  sont  destinées,  lorsqu'on  les  met  en  jeu,  à  pousser 
et  à  maintenir  en  avant  chacune  des  divisions  à  laquelle  ell<js 
appartiennent.  Le  fond  des  divisions  est  formé  par  des  plan- 
ches épaisses,  mobiles,  connues  en  Angleterre  sous  la  déno- 
mination de  poHltig-boardsy  maintenues  dans  leurs  positions  par 
des  vis  mobiles  logées  dans  le  cadre  de  fer,  et  qui,  enlevées 
successivement  pour  l'excavation  des  terres  du  front  de  l'ou- 
vrage, et  immédiatement  replacées,  deviennent  des  supports 
fermes  etoonstans.  On  a  de  plus  adapté  au  service  du  bouclier 
deux  plates-formes  mouvantes  à  deux  étages,  qu'on  introduit 
dans  chacune  des  voûtes,  et  qui  sont  destinées  à  recevoir  1rs 


ILES  ItRITANiQl  i.S  /,,,', 

terres  provenant  de  l'excavation .  et  les  briques,  le  ciment  et 
le  sable  dont  les  maçons  ont  besoin  pour  l«')  construction. 

Malgré  les  accident  inséparables  «l'une  telle  entreprise,  l'ex- 

cavatioo  el  la  maçopnerie  du  passage  s'étendaient  déjà  à  4^o 

pieds  sous  la  rivière,  lorsque,  le  iS  mai  dernier,  une  irruption 
soudaine  des  eaux  de  la  Tamise  \\\\l  tout  à  coup  suspendre  les 
travaux.  Cette  irruption  eut  lieu  par  la  eluite  dans  le  souter- 
rain d'une  terre  molle  et  délire ,  qj|i  avait  rempli  un  creux  pré- 
cédemment fait  dans  le  lit  du  fleuve  par  des  dragueurs  de  lest 
pour  les  vaisseaux.  On  évalua  à  mille  tonneaux  les  terres  tom- 
bées dans  le  souterrain,  qu'elles  comblèrent  en  partie,  mais 
sans  attaquer  la  maçonnerie. 

Cet  accident  (it  suspendre  les  travaux.  Le  trou  ,  dont  l'ouver- 
ture était  de  5  pieds  sur  -i  pieds  G  pouces,  fut  complètement 
bouché,  et  lo  creux  qui  existait  dans  la  rivière  comblé  au 
moyen  de  sacs  d'argile  entremêlée  de  gravier,  que  l'on  y  coula 
avec  une  extrême  adresse,  qui  reposèrent  sur  la  tète  du  bou- 
clier, et  formèrent  bientôt  un  nouveau  lit  à  la  rivière.  Après 
avoir  donné  un  tems  suffisant  à  la  consolidation  de  ce  nouveau 
fonds,  on  s'occupa  de  vider  les  deux  passages,  et  l'on  parvint 
en  quelques  jours,  au  moyen  d'une  pompe  à  vapeur,  à  les  dé- 
barrasser de  toute  l'eau  qu'ils  contenaient.  Mais  un  nouvel  ac- 
cident succéda  bientôt  au  premier.  Près  du  trou  dont  nous  ve- 
nons de  parler,  le  sol,  que  depuis  quelques  jours  on  trouvait 
mou  et  sans  consistance,  céda  tout  à  coup,  et  laissa  de  nou- 
veau un  passage  aux  eaux  du  fleuve.  On  s'aperçut  que  la  pres- 
que totalité  des  terres  qui,  sur  une  étendue  de  10  pieds,  étaient 
restées  appuvées  sur  le  bouclier,  après  la  première  irruption, 
avaient  été  entraînées  par  le  flux  et  le  reflux  de  la  marée.  Le 
couronnement  du  bouclier,  dans  la  même  étendue,  se  trouvait 
couvert  de  sacs  d'argile  qui  formaient  une  masse  compacte; , 
impénétrable  à  l'eau.  Celte  cavité,  ou  les  trous  par  lesquels 
l'eau  pénétrait  dans  le  souterrain,  formait  une  sorte  de  carré  de 
5o  pieds  de  ct>té  qui  diminuait  de  largeur  en  descendant,  et 
constituait,  depuis  le  lit  de  la  rivière  jusqu'à  la  partie  supé- 
rii  ure  du  bouclier,  une  excavation  très-irréguiière  ,  mais  fort 
considérable  d'environ  20  pieds  de  long  sur  12  de  large. 

Le  souterrain  a  été  débarrassé  par  les  moyens  dont  on  avait 
fait  usage  lors  de  la  première  irruption,  et  les  travaux  ont  re- 
pris leur  activité.  Depuis  ce  dernier  événement,  aucun  nouvel 
obstacle  n'est  venu  arrêter  les  travailleurs.  11  convient  d'ajouter 
que  les  sacs  d'argile  jetés  en  grand  nombre  dans  le  fleuve  pour 
remplir  l'excavation  ont  été  recouverts  de  gravier,  et  ensuite 
garantis  par  un  épais  prélat  goudronné,  maintenu  par  un  tra- 


(!),  EUROPE. 

Vèrsin  de  fonte  sur  lequel  on  a  étendu  une  nouvelle  couche  de 
gravier,  pour  tenir  l'ensemble  aussi  comprimé  qu'il  était  pos- 
sible durant  le  tems  nécessaire  pour  que  l'argile  se  tassât  com- 
blétement  sur  le  couronnement  du  bouclier.  On  doit  encore 
observer  que,  jusqu'à  présent,  les  travaux  du  souterrain  n'ont 
nullement  attaqué  le  lit  primitif  de  la  rivière ,  et  qu'il  n'est  même 
pas  possible  que  la  chose  arrive,  puisque  la  terre  du  plafond 
est  constamment  et  fortement  soutenue  par  la  maçonnerie  ou 
les  portions  du  bouclier  qui  servent  à  la  poser,  ce  qui  prévient 
tout  affaissement  des  terres  continues.  H. 

RUSSIE. 

Saint-Pétersbourg.  — •  Société  d'économie.  —  Propagation 
de  la  vaccine.  —  Cette  société  s'est  beaucoup  occupée,  dans 
ces  derniers  tems,  de  la  propagation  de  la  vaccine.  Un  grand 
nombre  de  ses  membres  ont  souscrit  pour  des  dons  tempo- 
raires ou  annuels,  afin  d'établir  un  capital  pour  la  propa- 
gation de  cette  méthode  bienfaisante  dans  toute  la  Russie. 
Voici  le  résumé  du  rapport  présenté  à  la  société  sur  les  succès 
de  l'inoculation  :  i°  à  dater  du  mois  d'août  1824  jusqu'au  mois 
de  janvier  1825  ,  c'est-à-dire,  dans  l'espace  de  cinq  mois,  on  a 
préparé  et  envoyé  à  tous  les  comités  de  vaccine,  établis  dans  les 
gouvernemens  de  la  Russie,  jusqu'à  mille  lancettes;  de  plus, 
sept  mille  tubes,  avec  ou  sans' le  virus  de  la  petite-vérole,  et 
onze  mille  exemplaires  d'un  traité  sur  l'utilité  de  l'inoculation  ; 
20  les  quatre  élèves  de  l'hospice  impérial  des  Enfans-Trouvés  , 
envoyés  à  la  société  par  ordre  de  l'impératrice  Marie  ,  ont  ino- 
culé, dans  l'espace  de  quatre  mois,  1879  enfai>s  >  et  ont  ensei- 
gné ce  procédé  à  72  personnes.  M.  Vsévolojsry,  membre  de 
la  société ,  a  offert ,  à  cette  occasion  ,  de  faire  préparer  à 
ses  frais  2,5oo  étuis,  chacun  avec  deux  lancettes. 

Plusieurs  exemplaires  d'un  ouvrage  de  M.  Stoïkovitch, 
intitulé  :  Sur  la  sauterelle,  et  les  moyens  de  l'exterminer,  ont 
été  envoyés  par  la  société  dans  les  gouvernemens  méridionaux, 
qui  sont  le  plus  exposés  aux  ravages  de  cet  insecte.      P.  R.  E. 

Odessa.  —  Bateau  à  vapeur.  —  Une  communication  par 
bateau  à  vapeur  vient  d'être  établie  entre  Odessa  et  Kherson. 
A  dater  du  16  juillet  1827,  le  pyroscaphe  V Espérance  sert  au 
transport  des  passagers  et  des  marchandises;  en  revenant,  il 
remorque  les  radeaux  et  les  barques  qui  se  rendent  de  Kherson 
à  Odessa.  Il  fait  ce  trajet,  qui  est  de  70  lieues  marines,  en  -i~ 
heures,  en  remontant  le  Dnieper.  Dorénavant,  le  pyroscaphe 


Kl. SSII.. 

{'Espérance  partira  d'Odessa  pour  Khersou,  tous  les  mardis, 
a  <S  heures  du  mal  in. 

> —  Etablissemens  publics  pour  ?  éducation  de  la  jeunesse.  — 
Lé  journal d'Odessa  contient  des  détails  intcres&ans  sur  les  mai- 
sons d'éducation  qui  existent  dans  cette  ville.  I!  résulte  de  ces 
détails  qu'Odessa  possède  des  établissemens  pour  l'éducation 

des  jeunes  gens,  savoir  :  le  lycée  Hic/ielicu,  fondé  eu  1818;  IV- 
enle  grecque  pour  les  en/ans  des  négocions  ;  l'école  des  orphelins  ; 
/'<  cote  établie  par  l'église  grecque  ;  Cécole  allemande  évangéliqué; 
l'école  juive,  et  quatre  pensionnats  particuliers.  Les  élèves  de  ces 
écoles  sont  au  nombre  de  1018.  Les  établissemens  pour  l'é- 
ducation des  jeunes  personnes  sont  au  nombre  de  six,  savoir  : 
X institut  des  demoiselles  nobles,  fondé  en  1806;  l'école  nor- 
male ,  l'école  grecque  s  l'école  juive ,  et  deux  pensionnats  particu- 
liers pour  les  demoiselles!  Ces  établissemens  contiennent  /,-22 
jeunes  personnes.  Nombre  total  d'élèves  des  deux  sexes,  il\l\0. 

En  comparant  le  nombre  d'élèves  à  la  population  de  la  ville, 
population  qui,  d'après  le  recensement  de  cette  année,  monte 
à  32,740  âmes,  il  résulte,  que  le  premier  nombre  est  à  l'autre 
comme  1  à  22 ,  ou,  en  d'autres  termes,  on  compte  un  élève 
sur  22  habitans.  En  considérant  le  nombre  des  élèves  de  l'un 
et  de  l'autre  sexe  à  part,  il  se  trouve  un  élève  du  sexe  masculin 
sur  32  ,  et  un  du  sexe  féminin  sur  77  de  la  totalité  de  la  popu- 
lation. Dans  ce  calcul  ne  sont  pas  compris  les  enfans  élevés 
dans  la  maison  paternelle. 

Crimée.  — Symphkropol. —  Découverte  d'antiquités. — M.  de 
Blaramberg,  directeur  des  musées  d'antiquités  établis  à  Odessa 
et  à  Kerlch)  vient  de  découvrir  à  une  werste  an  sud  de  la  ville 
de  Sjmphéropol  les  restes  d'un  château  ancien.  On  a  tiré ,  des 
décombres  qui  y  sont  entassés,  des  bas-reliefs  et  des  inscrip- 
tions grecques,  dont  une  porte  cette  dédicace  :  à  Jupiter  Ataby- 
rius;suT  l'autre,  on  distingue  parfaitement  le  nom  du  roi  Scilu- 
rus.  C'est  probablement  ce  fameux  Scilurus  qui  lit  la  guerre  aux 
généraux  de  Mi  th  rida  té  Eupator,el  qui ,  au  rapport  de  Strabon, 
possédait,  dans  l'intérieur  de  la  Tauride,  les  châteaux de  Chavum, 
de  Néapolis  et  de  Palacium.  Les  vestiges  nouvellement  décou- 
verts peuvent  appartenir  à  une  de  ces  trois  places.  Parmi  les 
bas-reliefs  qu'on  a  déterrés,  il  s'en  trouve  un  qui  représente 
la  ligure  d'un  vieillard  ayant  une  barbe  épaisse,  et  coiffé  d'un 
bonnet  singulier.  Celte  même  figure  ,  parfaitement  ressem- 
blante, se  voit  sur  une  médaille  inédite  du  cabinet  de  M.  de 
Blarainberg,  au  revers  de  laquelle  on  lit  le  nom  du  roi  Scilurus. 
Le  bas-relief  offre  donc  indubitablement  les  traits  de  ce  roi  des 
Tawro-Sevtiies.  Cette  découverte  est  très-importante  pour  l'i- 
conographie ancienne. 


bgS  EUROPE. 

Kertch.  — Découverte  d'antiquités.  —  M.  de  Blaramberg, 
dans  sou  dernier  voyage  pour  la  recherche  d'antiquités  sur  les 
bords  de  l'ancien  Bosphore  Cimméricn ,  a  reconnu,  à  4  werstes 
de  Kertch  ,  près  de  la  batterie  Pawlowshy,  les  vestiges  de  l'an- 
cienne ville  de  Nymphée ,  colonie  grecque,  qui  dans  l'anti- 
quité avait  appartenu  quelque  tems  aux  Athéniens,  et  ensuite 
aux  rois  du  Bosphore.  M.  de  Blaramberg  y  a  retrouvé  les 
traces  des  murs,  et  de  grosses  dalles  de  pierre  dure,  dispersées 
sur  le  rivage  du  détroit,  lui  ont  indiqué  l'emplacement  de 
l'ancien  port  de  Nymphée,  mentionné  par  Strabon.         S. 

POLOGNE. 

Cracovie.  —  Société  philo  mat  ique  de  ? Université. —  Nomi- 
nation académique.  (26  janvier  1827.)  —  Le  recteur  de  l'Uni- 
versité des  Jagellons  et  président  de  la  Société  littéraire  de 
Cracovie,  et  le  président  de  cette  Société,  MM.  Girtléu  et 
P.  Czayrowski,  viennent  d'adresser  à  M.  Marc- Antoine  Jue- 
eien,  de  Paris,  le  diplôme  de  membre  correspondant  de  la 
Société  philomatique  de  V  Université  de  Cracovie ,  avec  un  exem- 
plaire de  ses  statuts.  Ils  lui  'annoncent  que  la  Société  a  voulu 
l'appeler  dans  son  sein,  non-seulement  à  cause  des  ouvrages 
utiles  et  importans  sur  t  Education  >  sur  V Emploi  du  tems  et  sur 
la  Philosophie  des  sciences ,  qu'il  a  publiés,  mais  aussi  en  mé- 
moire de  l'estime  et  de  l'amitié  que  lui  avait  accordées  leur  il- 
lustre compatriote  et  héros  immortel  dans  les  deux  hémi- 
sphères, le  générai  Kosciuzsko,  auquel  M.  Jullien  a  consacré 
une  Notice  biographique  et  historique ,  qui  a  été  traduite  et  pu- 
bliée en  langue  polonaise,  et  surtout  pour  reconnaître  les  ser- 
vices rendus  aux  sciences,  aux  lettres  et  aux  arts  par  la  fonda- 
tion de  la  Revue  Encyclopédique ,  qui  rapproche  et  unit  toutes  les 
nations. 

Plusieurs  membres  de  la  Société  littéraire  de  Cracovie,  que 
nous  prions  d'agréer  ici  l'hommage  de  notre  reconnaissance, 
expriment  l'intention  de  communiquer,  par  la  voie  de  notre 
Revue,  les  faits  nouveaux  et  importans,  et  les  annonces  des  pro- 
ductions scientifiques  et  littéraires,  dignes  d'attention,  qui  pour- 
ront signaler  la  marche  de  l'esprit  humain  en  Pologne.  La 
nation  polonaise,  toujours  animée  de  ces  nobles  sentimens  pa- 
triotiques qui  ont  survécu,  dans  l'âme  de  ses  meilleurs  citoyens, 
même  à  l'indépendance  de  leur  patrie,  ne  reste  point  en  arrière 
des  autres  peuples  dans  la  carrière  des  travaux  intellectuels,  et 
la  république  de  Cracovie,  en  particulier,  se  plaît  à  encourager 
dans  son  sein  et  au  dehors  tous  les  hommes  qui  servent  et  ho- 


POLOGNE.-    ALLEMAGNE. 

borenl  l'humanité  par  leurs  connaissances  et  leurs  vertus,  on 
par  leur  Bêle  pour  la  propagation  oes  lumières  et  pour  l<*  bien 

public.  7. — l- 

ALLEMAGNE. 

Bavikrk. — Wuin7,iioi;r,(;. —  Institut  orilh>j><:di(jii<',  dit  Cato- 

iuu  —  m.  j(.  D'Hbiwe,  fondateur  et  directeur  de  cet  institut 
justemenl  célèbre,  et  qui  a  obtenu  dos  personnes  1rs  plus  distin- 
guées en  Allemagne,  et  particulièrement  de  S.  M.  la  reine  douai- 
rière, des  témoignages  d'intérêt  ctdesencouragemcns,  a  présenté 
à  S.  M.  et  au  grand-duc  de  Saxc-Wcimar  trois  écrits  relatifs  aux 
bons  et  utiles  résultats  qu'a  déjà  produits  son  institut.  La  reine 
lui  a  fait  remettre  une  épingle  richement  garnie  de  brillans.  Le 
grand-duc  de  "Wcimar  lui  a  envoyé  la  médaille  du  mérite ,  avec 
une  lettre  autographe  très-flatteuse.  M.  Heine  passe  pour  être 
le  premier  qui  ait  traité  l'orthopédie  comme  une  science  qui  a 
des  rapports  nécessaires  avec  l'anatomie  ,  la  physiologie  et  la 
mécanique,  et  qui  l'ait  appliquée,  en  triomphant  de  beaucoup 
d'obstacles  ,  à  la  guérison  d'un  grand  nombre  de  difformités  ou 
d'infirmités  différentes. 

—  Munich.  —  Fondation  d'une  école  polytechnique.  —  Une 
ordonnance  royale,  du  27  septembre  dernier,  établit  à  Munich 
une  école  polytechnique,  destinée  à  former  des  chefs  et  sons- 
chefs  d'atelier,  et  même  des  ouvriers  pour  les  manufactures. 
Indépendamment  des  scienebs  naturelles  et  manufacturières  , 
on  y  enseignera  les  sciences  commerciales  et  l'architecture 
civile.  N. 

État  de  l'industrie  dans  le  Harz  ,  en  1826. —  L'éten- 
due de  pays,  appelée  Harz  (résine)  par  les  Allemands,  est 
déterminée  par  celle  d'un  groupe  de  montagnes  peu  '«levées , 
qui  est  situé  entre  la  vallée  de  l'Elbe  et  celle  du  Veser.  Elle  a 
reçu  son  nom  du  grand  nombre  d'arbres  résineux  qui  y  croissent. 
Depuis  plusieurs  siècles,  l'exploitation  de  riches  filons  d'ar- 
gent, de  plomb  ,  de  cuivre  et  de  fer,  produisant  même  un 
peu  d'or  et  de  zinc ,  a  rendu  le  Harz  célèbre.  Cette  industrie 
seule  à  peu  près ,  jointe  à  la  coupe  des  forêts,  fait  vivre  les 
habitans  de  cette  contrée.  C'est  une  source  d'observations  nou- 
velles pour  le  voyageur  que  la  vue  de  cette  population  presque 
entièrement  composée  d'employés  ou  d'officiers  ds  mines  et 
des  usines.  Les  mines  du  Harz  offrent  à  l'ingénieur  un  vaste 
champ  d'étude  ;  et  s'il  y  trouve  quelquefois  matière  à  critique, 
ce  n'est  que  sur  d'anciennes  constructions,  sur  d'anciens  pro- 
cédés auxquels  il  n'a  pas  encore  été  possible  de  rien  changer. 

ï .  xxxv  1 .  —  Norcm  bre  1827.  3  2 


498  EUROPE. 

On  admire  surtout  les  magnifiques  travaux  qui  ont  été  exécutés 
dans  le  but  de   rassembler  les  eaux  qui  font  marcher  les  ma- 
chines d'extraction  ci  d'épuisement.  M.  Hkrondk  Vjllefossp.  , 
ci-devant  commissaire  de  la  France  auprès  des  fpays  conquis, 
aujourd'hui  maître  des  requêtes  au  conseil  d'étal ,   et  inspec- 
leur  divisionnaire  des  mines,  a  réuni  ,  dans  son  bel  ouvrage 
sur  la  Richesse  minérale  y  tous  les  détails  techniques  relatifs  à 
cet  objet.  Nous  en  avons  reconnu  sur  les  lieux  la  parfaite  exac- 
titude; car,  depuis  la  publication  de  cet  ouvrage,  l'art  de  l'ex- 
ploitation   n'a   point   subi   au  Harz  de   notables  changemens. 
L'emploi  de  la  première  machine  à  colonne  d'eau  qu'on  y  ait  vue 
est  le  seul  fait  nouveau  qui  mérite  d'être  mentionné.  Cette  machine 
vient  d'être  placée  sur  une  mine  près  de  Clausthal,  M.  de  Ville- 
fosse  a  également  exposé  avec  soin  tout  ce  qui  se  rapportait  aux 
usines.  Les  minerais  d'argent,  de  plomb  et  de  cuivre  sont  tou- 
jours traités  de  la  même  manière,  avec  cette  seule  différence  qu'on 
►  e  sert  de  coke,  au  lieu  de  charbon  de  bois,  da  ns  la  fonte  des  mat  tes. 
Encore  cette  substitution  a  t-el.ïe.  été  rendue  nécessaire  par  la 
rareté  momentanée  des  bois  ,  et  il  n'est  pas  démontré  qu'elle 
soit  avantageuse.  Plusieurs  perfectionnemens  ont  été  apportés 
dans   le   travail    du  fer.    Le  Harz   présente   une   grande     va- 
riété de  minerais  de   fer;   ceux  qui    dominent    sont    les    fers 
oxidés  ,  rouges  et  bruns  en  roche,  et  le  fer  spatliiqne.  On  y  em- 
ploie presque  uniquement  comme  combustible  des  charbons  de 
sapin;  mais  on  brûle  aussi  dans  le  Bas-Harz  quelques  charbons 
de  vieux  chêne  et  de  hêtre.  Les  hauts  fourneaux  y  diffèrent, 
par  la  forme   et  les   dimensions,  de   ceux  de   la  plupart  des 
autres  pays.    Les  procédés  d'affinage  de    la    fonte,  d'étirage 
en  barres,  etc.,  nous  ont  paru  assez  arriérés;  on  s'occupe  de 
les  perfectionner. 

Non  seulement  on  remplace  dans  toutes  les  usines  du  Harz 
les  anciens  appareils  et  les  anciennes  machines  par  de  nouveaux 
appareils  et  par  de  nouvelles  machines  mieux  disposés;  mais, 
dans  quelques  localités,  on  rebâtit  les  établissemens  en  entier. 
Lorsque  nous  passâmes  à  Rothehiitte,  on  venait  d'achever, 
d'après  des  modèles  anglais ,  la  construction  de  superbes  bà- 
timens  qui  ne  sont  pas  moins  remarquables  par  la  convenance 
des  parties  que  parla  beauté  de  l'ensemble;  et,  dans  quelques 
années,  l'usine  de  Konigshiitte  (Bas-Harz)  nous  offrira , 
comme  celle  du  même  nom  en  Silésie  ,  l'aspect  de  grands  édi- 
fices dans  le  style  gothique. 

L'administration  des  mines  et  des  usines  du  Harz  est  aussi 
bien  digne  d'éloge.  Les  différentes  branchés  en  sont  confiées 
a  des  hommes  qui  n'obtiennent  leurs  places  qu'en  fournissant 


VLLEMAGNE.  495 

les  preuves  de  longue  études  pratiques  el  d'une  expérience 
proportionnée  à  l'importance  des  opérations  qu'ils  doivent  <lin 
ger.  Le  division  du  travail  surtout  est  parfaite.  Chacun  a  sou 
occupation  bien  distincte,  et  s'y  voue  exclusivement.  Ainsi, 
l'on  a  des  ingénieurs  spéciaux  pour  les  machines,  (les  ingé- 
nieurs spéciaux  pour  les  usines  à  fer,  des  ingénieurs  spéciaux 

pour  les  usines  à  plomb  ,  etc.  La  partie  commerciale  et  la  partie 
technique  forment  deux  département  tout-à  fait  séparés,  sur 
L'ensemble  desquels  e.n  seul  homme  a  l'inspection;  et  il  n'existe 
pas  ,  dans  ce  pays  comme  dans  beaucoup  d'endroits  en  France, 
une  prééminence  injuste  de  ('agent  débitant  sur  l'agent  fabri- 
cant. On  voit  au  Harz  peu  de  personnes  qui  parlent  de  tout 
sans  rien  savoir;  mais  on  n'y  rencontre  pas  un  employé,  pas 
un  ouvrier  qui  ne  réponde  avec  exactitude  et  précision  sur  tout 
ce  qui  le  concerne.  Peut-être  pourrait-on  seulement  reprocher 
aux  officiers  de  manquer  quelquefois  de  certaines  connais- 
sauces  scientifiques  et  de  notions  sur  l'état  de  l'industrie  des 
autres  pays  ,  qui  leur  seraient  nécessaires.  Quant  à  la  complai- 
sance, à  l'extrême  affabilité  des  mineurs  du  Harz,  on  ne  peut 
s'en  faire  une  idée  qu'après  en  avoir  éprouvé  les  elfets. 

Enfin  ,  ce  (pie  nos  lecteurs  n'apprendront  pas  avec  moins 
d'intérêt,  c  est  la  reconnaissance  que  conservent  au  commis- 
saire de  la  France  auprès  des  pays  conquis  ieshabitans  du  Harz. 
Jamais  concert  de  louang*  s  ne  fut  plus  général ,  et  ce  n'est  pas 
seulement  pour  les  immenses  services  qu'il  a  rendus  au  pavs, 
en  plaidant  sa  cause  auprès  du  gouvernement  républicain,  que 
31.  de  Villefosse  l'a  mérité;  pendant  un  assez  long  séjour  que 
nous  avons  fait  au  Harz,  nous  n'avons  vu  presque  aucun  indi- 
vidu dont  la  famille  ne  lui  eût  quelque  obligation  particulière, 
pas  un  qui  ne  voulût  aussi  acquitter  une  portion  de  la  dette 
nationale  envers  des  compatriotes  de  son  bienfaiteur.  Puisse 
un  tel  exemple  trouver  des  imitateurs!  Des  administrateurs 
aussi  éclairés  nous  eussent  conservé  les  pays  conquis  beaucoup 
mieux  que  nos  armées,  et  le  nom  français  serait  aujourd'hui 
aussi  aimé  qu'il  a  été  redouté. 

Aug.  Perdonnet,  anc.  élève  de  X École  Polytechnique. 

Nécrologie. — IJebel  [Jean-Pierre). — Il  y  a  déjà  une  année 
que  l'Allemagne  a  perdu  l'un  de  ses  poètes  les  plus  remar- 
quables par  la  profondeur  de  ses  vues  et  l'originalité  de  son 
style,  Hebel  ,  né  le  11  mai  1760,  dans  le  grand  duché  de 
Bade  ,  mort  le  1%  septembre  1826.  Le  petit  pays  renfermé  dans 
cet  angle  formé  par  le  Rhin,  dont  le  sommet  se  trouve  à  Baie,  fut 
.  le  théâtre  des  jeux  de  son  enfance  ,  comme  il  est  celui  des  per- 
sonnages et  des  moeurs  chantés  dans  ses  poèmes.  Il  eut.  le  double 

32. 


5oo  EUROPE. 

bonheur,  de  naître  dans  une  de  ces  conditions  humbles  qui, 
[approchant  l'homme  de  la  nature,  le  rerident  pins  accessible 
à  tons  les  senlimens  humains;  et  d'avoir  une  mère  tendre, 
ferme  et  pieuse,  qui  s'appliquait  avec  amour  à  former  l'âme  de 
son  fils.  Hebel  avait  perdu  son  père  de  fort  bonne  heure  ;  encore 
enfant,  la  pauvreté  le  contraignit  à  travailler  dans  les  mines 
de  fers,  principale  ressource  de  la  population  au  milieu  de  la- 
quelle il  vivait.  Envoyé  an  collège  de  Bâle ,  par  les  soins  de  sa 
mère  qu'il  eut  le  malheur  de  perdre  bientôt  après,  il  trouva 
dans  cette  ville,  et  particulièrement  dans  la  maison  du  briga- 
dier Iselix,  asile  et  protection.  Ses  progrès  répondirent  à  tant 
de  bienveillance.  Un  prélat  Badois,  ayant  fait  la  connaissance 
dn  jeune  Hebel,  sut  le  deviner,  l'adopta,  et  lui  fit  faire  d'excel- 
lentes études  de  collège  et  d'université.  A  l'âge  de  vingt  ans,  il 
subit  d'une  manière  brillante  des  examens  qui  le  firent  recevoir 
dans  le  clergé  badois.  Il  remplit  d'abord  les  fonctions  de  vicaire 
d'un  pasteur  et  de  précepteur  de  ses  enfans.  Mais  ses  connais- 
sances philologiques  lui  procurèrent  au  bout  de  trois  ans  une 
place  d'instituteur  au  collège  deLœrrach,à  deux  lieues  de  Baie, 
où  le  rappelaient  souvent  des  relations  d'amitié.  Depuis  1791  , 
Hebel  fut  attaché  à  l'instruction  publique  et  au  service  de 
l'église  ,  dans  la  ville  de  Carlsruhe,  qu'il  habita  jusqu'à  la  fin 
de  ses  jours.  Si  ses  fonctions  et  ses  titres  relevèrent  successive- 
ment en  dignité,  dans  cette  double  carrière,  il  grandit  encore 
plus  moralement.  C'était  avec  un  dévoûment  de  cœur  qu'il  se 
livrait  au  travail  que  lui  imposait  sa  situation.  Telle  était  sa 
carrière  publique,  lorsqu'une  maladie  d'entrailles,  dont  le 
principe  existait  depuis  long-tems  ,  le  conduisit  au  tombeau , 
six  jours  après  s'être  déclarée  d'une  manière  menaçante.  Les 
honneurs  touchans  rendus  à  sa  mémoire  dans  la  cérémonie  de 
ses  funérailles ,  ont  prouvé  l'amour  et  le  respect  qu'avaient 
voués  à  cet  excellent  homme  les  citoyens  de  toutes  les  classes 
et  de  tous  les  âges. 

Hebel  avait  mérité  ces  hommages,  non  seulement  comme 
fonctionnaire  public,  mais  par  son  caractère,  par  ses  vertus 
privées,  par  la  tendance  de  ses  écrits  et  par  son  génie  poé- 
tique. Chrétien  plein  d'une  foi  vive,  il  porta  dans  toutes  les 
relations  de  la  vie  la  noblesse  et  la  pureté  de  ses  sentimens , 
l'aménité  et  môme  l'enjoûment  d'une  âme  naïve  et  sereine.  Ses 
amis  ont  retenu  une  foule  de  traits  qui  attestent  la  bonté  de 
son  cœur  et  sa  gaîté  habituelle.  Ajoutez  à  tant  de  qualités  pré- 
cieuses, le  plus  aimable  caractère,  la  plus  heureuse  organisation 
intellectuelle,  un  coup-d'oeil  pénétrant,  une  mémoire  fidèle, 
des  saillies  originales  ,  le  talent  de  la  parole,  et  vous  concevrez 


ALLEMAGNE.  Soi 

l'ascendant  qu'il  exerçait  sur  ses  alentours  f  le  charme  irrésis 
lible  qui  faisait  faire  cercle  autour  de  lui ,  dès  qu'il  raeootaii 
une  histoire  populaire  ou  piquante ,  pu  lorsqu'il  parlait  sur  un 
sujel  instructif*  Sa  manière  d'être  et  ses  discours  portaieni  le 
cachet  d'une  simplicité  d'enfant,  d'une  naïveté  «le  sentiment 
qui  lui  gagnait  tous  les  cœurs. 

Comme  savant,  comme  écrivain ,  Eiebel  aurait  laissé  le  sou 
venir  de  son  passage  sur  la  terre»  lors  même  que  ses  poésies 

ne  lui  donneraient  pas  un  droit  assuré  à  l'admiration.  Passionné 
pour  les  diverses  brandies  des  sciences  naturelles,  il  l'était  sur 
tout  pour  la  minéralogie  et  la  botanique;  i\cux  plantes. rap- 
pellent son  nom  •  Ucbclia  allemunnica  t  ffeàelia  Col  lira.  Il  culti 
vait  avec  un  égal  succès  les   mathématiques,  les  littératures 
hébraïque,  grecque,  latine,  italienne  cl  allemande. 

Les  écrits  de  cet  homme  remarquable  appartiennent  à  di- 
verses classes.  Il  composa j  pour  l'éducation  religieuse  de  la 
jeunesse  ,  une  Histoire  de  la  Bible  (  Biblische  Geschichlen  :  fur 
die  Jugend  bearbeitet.  Stuttgart  et  Tubingue,  1822  ;  Seconde 
édition,  1824.  In-8°.  )  Écrit  avec  affectation,  et  destiné  prin- 
cipalement aux  écoles  de  la  campagne ,  ce  livre  a  déjà  porté  de 
bons  fruits  et  il  en  portera  encore. 

Hebel  avait  également  en  vue  l'éducation  du  peuple,  lors- 
qu'il prit  part  à  la  publication  de  V Almanach  populaire  badois 
[Der rheinlàndische Eausfreund. Cdi\\sv\\\\c  ,  1808-1811  ;  in-4°. 
Kkeinischer  Hau.sf reund.  lbiâ. ,  i8i4-i8i5).  Il  en  rédigeait  la 
partie  qui  devait  servir  de  lecture  et  d'amusement.  Là,  sous 
des  formes  tour  à  tour  plaisantes  et  sérieuses,  toujours 
agréables  ,  il  répandit  un  trésor  d'instructions  utiles  du  do- 
maine des  sciences  naturelles  et  de  l'économie  ,  de  la  morale 
et  de  la  religion.  Ceux  qui  ne  l'ont  pas  lu  se  feraient  diffici- 
lement une  idée  de  l'attrait  tout  particulier  de  ses  anecdotes 
et  de  ses  histoires  :  sa  manière  de  raconter  ne  ressemble  à 
celle  d'aucun  autre  écrivain.  Ses  articles,  insérés  dans  les 
quatre  premières  années  de  l'almanach,  ont  été  rassemblés 
en  1811,  et  réimprimés  en  1818  ,  sous  ce  titre  :  Schatzkàsdein 
des  rheinischen  Hausfreundes.  Tubingue.  In-8°  (Trésor  extrait 
de  X Ami  des  Jamilles pour  les  bords  du  Rhin). 

Les  siècles  futurs  pourront  ignorer  qu'Hebel  fut  prélat , 
docteur  en  théologie  ,.  conseiller  ecclésiastique  ,  etc.  ;  ils  n'en- 
tendront peut-être  point  parler  de  son  savoir  ;  peut-être  même 
auront-ils  oublié  ses  conte;; ,  qui  cependant  les  intéresseraient  ; 
mais,  à  coup  sûr,  si  beaucoup  de  noms  aujourd'hui  célèbres 
étaient  engloutis  par  les  flots  du  tems  ,  celui  d'Hebel  ,  poète  , 
survivrait   à   ce   grand    naufrage.    On  n'a    de   lui  qu'un  petit 


5o*  EUROPE. 

volume  de  poésies,  sous  ce  titre  :  Allcmannische  Gerfichte, 
iiir  Frcimde  iàndlicher  Nciîur  urul  SUlcn.  (  Poésies  allema- 
niques  ,  pour  les  amis  de  la  nature  et  des  mœurs  champêtres). 
Six  éditions  originales,  publiées  de  i8o3  à  1821  ,  n'ont  pas 
suffi  à  l'avidité  du  public;  les  pirates  de  la  librairie  allemande 
ont  encore  trouvé  à  faire  leur  profit  de  la  réputation  soli- 
dement établie  de  l'ouvrage  et  de  l'auteur.  Le  titre  Ciallema- 
niques  désigne  le  dialecte  dans  lequel  sont  écrits  'es  poèmes 
d'Hebel  ;  c'est  le  dialecte  de  la  partie  du  grand-duché  de 
Bade  qu'il  habita  dans  sa  jeunesse,  branche  de  l'idiome  parlé 
dans  la  Suisse  allemande  et  dans  les  provinces  d'Allemagne 
limitrophes,  où  dominèrent  les  Allemanni ;. ,  après  la  grande 
migration  des  peuples.  Cet  idiome  ,  qui  doit  paraître  barbare, 
lorsqu'il  n'a  pour  juge  que  l'oreille  ,  est  ravissant  de  grâce, 
d'énergie  et  de  naïveté.  Il  abonde  en  mots  et  en  tournures 
empreints  de  l'originalité  du  peuple  qui  le  parle. 

Ces  mots,  ces  tournures  ,  comme  tout  ce  qui  est  parfai- 
tement national,  sont  intraduisibles.  L'idiome  allemanique 
seconde  à  merveille  le  poëte  qui  se  plaît  dans  la  peinture  des 
mœurs  champêtres  et  qu'émeuvent  les  scènes  de  la  nature.  C'est 
dans  ce  cercle  d'objets  et  dans  ce  dialecte  qu'Hebel  s'est  placé 
au  niveau  des  plus  grands  poëtes  lyriques  ,  anciens  et  mo- 
dernes. La  nature  qu'il  peint  et  les  personnages  qu'il  met  en 
scène  appartiennent,  comme  son  langage,  à  la  contrée  où  fut 
placé  son  berceau.  Mœurs,  croyances,  industrie,  tournure 
d'esprit,  localités,  tout  est  pris  dans  le  monde  réel  qui  l'en- 
tourait ,  et  a  cependant  un  charme  idéal  et  un  sens  poétique 
très  -  profond.  Sous  les  formes  de  la  vie  simple  et  vulgaire, 
dont  la  fidèle  reproduction  est  déjà  une  source  de  plaisir,  le 
poëte  place  les  grands  intérêts  de  l'humanité,  les  sentimens  les 
plus  touchans  que  puisse  inspirer  le  christianisme.  Sous  l'en- 
veloppe du  pâtre  et  du  petit  marchand,  Hebel  voit  l'homme  et 
devine  ses  plus  secrètes  émotions.  A  ses  yeux  ,  la  nature  ina- 
nimée elle-même  est.  remplie  de  sublimes  symboles  de  la  des- 
tinée humaine.  De  là  l'étonnante  puissance  que  ces  petits 
poëmes  exercent  sur  l'âme. 

Voss,  dans  le  nord  de  l'Allemagne,  avait  déjà  porté  atteinte 
au  crédit  des  Philis,  des  Daphné ,  des  pastorales  de  salon; 
Hebel  ,  dans  le  midi,  acheva  de  les  discréditer.  Le  retour  de  la 
poésie  bucolique  allemande  vers  la  nature  est  en  grande  partie 
son  ouvrage.  Heureux  le  poëte  qui,  comme  Hébel ,  sait  aimer 
et  comprendre  la  nature ,  et  qui  n'a  besoin  ,  pour  trouver 
le  beau  idéal,  que  de  descendre  dans  son  propre  cœur! 

C.     MOSNARP. 


siiissr..  5o3 

SllSSI.. 

Ptwhenade  à  lloiw  y  i. ,  ou  Situation  <u  tucllc  des  établissement 
de  M.  Emmanuel  de  Fsllshbsro.  —  L'établissement  d'Iîofwyl 
<-st  à  un  peu  plus  de  trois  lieues  de  Berne.  On  s'y  rend  en 
voiture,  en  une  heure  et  demie,  par  un  chemin  très-beau  et 
très-agréable.  On  sort  de  la  ville  par  la  porte  du  nord,  et  l'on 
monte  assez  long-tcms  à  mi  -rôle,  sur  une  colline  de  verdure, 
dont  l'aspect  est  délicieux.  La  construction  de  cette  belle 
chaussée  fait  le  sujet  d'une  inscription  monumentale,  placée 
sur  la  gauche.  La  route  est  plantée  alternativement  de  frênes 
et  de  platanes;  elle  est  plus  large  que  les  routes  ordinaires 
de  la  Suisse  :  de  là,  on  voit  au  loin  sur  la  droite,  vers  le 
sud-est,  la  fungfrau  et  sa  sommité  éclatante.  Après  avoir 
traversé  une  belle  campagne  et  le  bois  de  Grauhbltz,  on  at- 
teint, en  s'élevant  toujours,  au  territoire  qui  dépend  de 
Hofwyl,  et  l'on  se  trouve  insensiblement  arrivé  à  l'établis- 
sement, sans  avoir  eu  à  franchir  ni  porte,  ni  enceinte.  Les 
abords  sont  suffisamment  annoncés  par  l'aspect  riant  des  cul- 
tures, et  par  les  bestiaux  superbes  qui  paissent  aux  environs. 
31.  de  Fellenberg  a  pris  soin  de  réunir  les  vaches  les  plus 
belles  de  l'Emmenthal  et  les  bœufs  de  l'Oberland.  Il  est  im- 
possible de  voir  de  plus  belles  espèces  que  celles  qui  servent 
à  l'exploitation  de  son  domaine. 

Un  premier  bâtiment  est  placé  à  gauche,  en  arrivant,  au 
bout  d'une  grande  esplanade  semi -circulaire.  A  l'autre  extré- 
mité du  diamètre  est  un  bâtiment  semblable  qui  fait  face  au 
premier;  à  droite  est  le  bâtiment  principal,  composé  de  deux 
étages,  et  dont  la  façade  a  plus  de  i5o  pieds.  C'est  là  que 
j'ai  été  reçu  et  introduit  par  le  fils  de  31.  de  Fellenberg.  L'in- 
térieur est  divisé  par  un  vaste  corridor;  les  salles  sont  très- 
éîevées  et  aérées.  C'est  la  partie  qu'occupent  les  jeunes  élèves 
de  la  classe  aisée,  et  où  ils  reçoivent  leurs  leçons.  Les  bâtimens 
qui  sont  de  l'autre  côté  de  l'esplanade  leur  sont  aussi  desti- 
nés; mais  c'est  pour  y  prendre  les  leçons  plus  bruyantes  de 
la  gymnastique,  de  l'escrime  et  de  la  danse,  qui  incommode- 
raient les  professeurs  des  sciences  et  des  lettres  et  distrai- 
raient les  étudians. 

Y  cinq  minutes  de  chemin,  dans  l'intérieur  du  parc,  est  le 
bâtiment  de  X Ecole  d'industrie,  appelée  aussi  V Ecole  des  enfans 
pauvres. Vins  loin  est  un  bâtiment  nouvellement  élevé  pour  l'école 
des  jeunes  filles,  que  Mme  de  Fellenberg  a  voulu  prendre  sous 
sa  direction.  Auprès  de  là  est  un  bâtiment  pour  l'école  proje- 


5o4     I  EUROPE. 

tée  en  faveur  des  classes  moyennes  de  la  société.  Dans. diffé- 
rons endroits  du  pare  sont  plusieurs  constructions  utiles  à 
l'exploitation  de  l'établissement,  les  ateliers  de  mécanique,  les 
laiteries,  les  vacheries,  etc. 

A  la  droite,  c'est-à-dire  derrière  le  grand  bâtiment,  est  un 
petit  lac,  avec  un  emplacement  pour  l'exercice  de  la  natation. 
Comme  on  reçoit  dans  l'institut  des  en  fans  extrêmement  jeunes , 
»  et  même  de  cinq  ans,  M.  de  Fellenberg  a  fait  construire  ail- 
leurs un  bassin  revêtu  en  pierre,  où  ils  peuvent  descendre 
graduellement,  par  des  marches  très-peu  élevées,  et  où  l'on 
soutient  l'eau  à  la  hauteur  que  l'on  veut. 

i°  Institut  pour  les  classes  élevées  de  la  société.  -*-  Le  nombre 
des  élèves  va  toujours  en  augmentant.  Aujourd'hui  ce  nombre 
est  de  cent.  En  1816  il  n'était  que  de  soixante.  Des  Anglais, 
des  Russes,  des  Polonais,  des  Italiens,  des  Espagnols  et  des 
Français  occupent  une  grande  partie  des  places;  le  reste  est 
composé  d'Allemands   et  de  Suisses:  Toutes  les  heures  sont 
remplies  alternativement  par  l'étude  des  langues   mortes  et 
vivantes,  des  mathématiques  et  de  leurs  applications,   de  la 
chimie,  de  la  physique,  de  l'histoire  naturelle,  de  la  musique, 
des  beaux-arts,  de  l'histoire,  de  la  philosophie  et  de  la  mo- 
rale, alternativement.  Les   professeurs  et  les  maîtres  ne  sont 
pas  épargnés,  et  sont  en  général  des  hommes  d'élite.  On  divise 
les  élèves  par  fractions  relatives  à  leur  degré  de  force,  mais  la 
classification  n'est  pas  absolue,  ou  rigoureuse,  comme  dans  la 
méthode  des  écoles  élémentaires;  le  grand  nombre  des  maîtres 
n'exige  peut-être  pas  qu'on  y  ait  recours.  Mais  les  élèves  étudient 
et  s'exercent  simultanément,  et  presque  toujours  devant  le  ta- 
bleau. Le  travail  est  de  huit  heures  par  jour.  Le  chant  inter- 
rompt les  études  abstraites,  de  la  manière  la  plus  heureuse; 
dans  le  cours  de  ses  promenades,  et  au  moment  où  il  s'y  attend 
le   moins,  le  visiteur  a  l'oreille  frappée  d'un  concert  de  voix 
harmonieuses,  qui  se  font  entendre  au  loin  dans  la  campagne. 
On  exerce  les  jeunes  gens  à  l'équitation ,  à  la   natation,  à  la 
danse  et  à  l'escrime,  et  aux  diverses  parties  de  ta  gymnastique. 
On  leur  apprend  même  diverses  professions  mécaniques.  Enfin 
ils  s'amusent  à  cultiver   de  petits   espaces  de  terre  qui  leur 
sont  abandonnés. 

J'ai  remarqué  sur  tous  les  visages  di>s  enfans  de  cette  nom- 
breuse école,  l'air  du  contentement  et  du  bien-êîre,  et  les  si- 
gnes de  la  santé  la  plus  prospère,  fruit  d'une  nourriture  aussi 
saine  que  le  climat,  et  surtout  d'une  régularité  admirable  dans 
l'emploi  des  heures  de  la  journée.  M  étant  informé  de  la  morta- 
lité qui  existe  parmi  les  jeunes  gens,  j'ai  été  surpris  d'apprendre, 


SUISSE.  Mi 

par  M.  le  comte  de  Ville  vieille,  ami  et  collaborateur  (Je  M.  Fel- 
lenberg, que,  depuis  dix  ans  qu'il  est  dans  l'institut,  aucun 
élève  n'y  est  mort  (1). 

JVmlant  les  leçons,  les  étrangers  ne  pénètrent  point  dans  les 
salles,  à  moins  d'y  être  autorisés  par  M.  de  Fellenberg. 

On  peut  demander  si  les  progrès  sont  bien  étendus  dans 
une  institution  où  le  ressort  de  l'émulation  n'est  presque  pas 
employé.  On  sait  (pie  c'était  un  des  principes  de  la  méthode 
de  Pestalozzi.  On  est  encore  divisé  sur  la  question  de  1  émula- 
tion envisagée  sous  le  rapport  moral;  mais  il  semblerait  que 
l'expérience  est  en  faveur  de  l'émulation,  employée  avec  les 
ménagemens  convenables,  comme  moyen  de  développer  l'ima- 
gination et  le  talent.  Si  elle  ne  contribue  pas  toujours  au  bon- 
heur des  individus,  elle  est  au  moins,  pour  la  société,  d'un 
avantage  incontestable.  Selon  moi  ,  c'est  là  que  la  question  se 
réduit.  Si  l'on  accorde  que  l'état  a  le  droit  de  diriger  l'éducation, 
il  faut  reconnaître  que  son  intérêt  commande  l'emploi  de  la  dis- 
cipline et  de  l'émulation  dans  les  écoles  publiques.  Mais  une 
question  si  grave  ne  doit  pas  être  traitée  dans  un  si  court 
aperçu. 

Autant  que  j'ai  pu  le  savoir,  l'enseignement  se  fait  en  langue 
allemande,  tellement  que  les  premières  leçons  données  à  un 
élève  étranger,  consisteraient  dans  l'élude  de  cette  langue.  Ce- 
pendant, tout  le  monde  entend  le  français.  On  fait  en  sorte  de 
conserver  les  élèves  le  plus  long-lems  qu'il  est  possible  à  l'éta- 
blissement, pour  leur  donner  une  éducation  complète. 

2°  Ecole  des  en/ans  pauvres,  ou  école  d'industrie.  —  C'est 
l'école  des  pauvres  que  je  désirais  principalement  connaître, 
'et  M.  le  comte  de  Villevieille,  en  l'absence  de  M.  de  Fellenberg, 
a  bien  voulu  m'exposer  d'abord  le  plan  qu'on  suit  à  leur 
égard  dans  la  maison.  Le  principe  fondamental  de  M.  de  Fel- 
lenberg est  que  le  bonheur  des  différentes  classes  de  la  société 
repose  sur  le  travail  en  général,  mais  surtout  sur  l'agriculture. 
Cette  vérité  n'est  pas  neuve;  le  grand  mérite  est  d'avoir  mis  le 
principe  en  expérience  et  en  application  journalière,  et  d'avoir 
fondu,  pour  ainsi  dire,  l'éducation  intellectuelle  avec  l'éduca- 
tion agricole.  Il  faut  connaître  ce  motif  du  fondateur  pour 
comprendre  l'école  des  pauvres  de  Rofwyl  :  car  on  se  trompe- 
rait si  l'on  croyait  pouvoir  la  visiter  à  toute  heure  de  la  jour- 
née, comme  on  visite  nos  écoles  gratuites.  J'avais  moi-même 
commis  cette  méprise,  et  l'examen  des  lieux  m'a  détrompé. 

(i)  Chaque  élève  paie  2,800  fr.  de  pension  annuelle. 


5o6  EUROPE. 

Les  élèves  travaillent  neuf  heures  par  jour  en  été;  huit 
heures  et  demie  en  hiver.  Il  n'y  a  que  deux  heures  consacrées 
à  l'étude  en  été,  et  une  heure  et  demie  seulement  en  hiver; 
tout  le  reste  du  tems,  c'est  à-dire  sept  heures,  sont  occupées 
au  dehors,  à  la  culture  des  terres,  ou  au  travail  manuel. 
Comme  les  jeunes  gens  doivent  séjourner  seize  ans  à  l'école, 
depuis  l'Age  de  cinq  ans  jusqu'à  vingt  et  un  ans,  on  a  calculé 
que  le  quart  du  tems  consacré  chaque  jour  à  l'instruction  mo- 
rale et  intellectuelle  était  suffisant.  Pendant  ce  tems,  ils  pren- 
nent des  habitudes  laborieuses  et  ils  profitent  alors,  même  au 
moral,  en  appliquant  leur  intelligence  à  des  combinaisons  tou- 
jours nouvelles.  Je  lésai  vus  labourer,  piocher,  traîner  des 
fardeaux,  etc.;  et  les  mêmes  enfans,  le  lendemain  matin,  ont 
écrit,  dessiné,  calculé  ou  étudié  une  leçon  de  géographie. 
Malgré  la  fatigue  qu'ils  ont  à  supporter,  le  mouvement,  l'ac- 
tivité, la  gaieté  sont  les  mêmes  que  dans  l'autre  institut. 

Cette  école  est  composée  aujourd'hui  de  cent  huit  élèves 
qui  ne  paient  absolument  rien.  Le  fondateur  en  élève  trente  à 
ses  frais  ;  le  reste  est  soutenu  par  dilférens  bienfaiteurs  et  sous- 
cripteurs. Jusqu'à  l'âge  de  quinze  ans,  le  travail  d'un  élève  n'est 
point  productif;  mais  après  cette  époque,  le  produit  de  son  in- 
dustrie couvre  les  frais  de  son  éducation  et  de  son  entretien. 

Dans  les  classes,  outre  la  lecture,  l'écriture,  les  leçons  mo- 
rales et  religieuses,  et  les  élémens  du  calcul,  ils  apprennent 
un  peu  de  géométrie,  le  chant ,  la  botanique,  et  toujours  une 
profession  mécanique.  On  leur  fait  dessiner  d'après  nature, 
non-seulement  les  .plantes,  mais  les  outils,  les  meubles,  les 
instrumens  et  les  machines.  J'ai  été  très-satisfait  de  leurs  des- 
sins. Ils  exécutent  aussi  des  reliefs  des  montagnes  de  la  Suisse, 
et  ils  font  des  herbiers.  / 

On  a  remarqué  qu'il  y  avait  très-peu  ou  point  du  tout  de 
voix  fausses  parmi  ces  jeunes  gens;  ce  qui  n'arrive  pas  dans 
l'autre  institut.  Peut-être  la  cause  en  est  qu'ils  sont  presque 
tous  Suisses  ou  Allemands. 

Rentrés  chez  leurs  parens,les  élèves  de  l'école  des  pauvres 
ont  une  conduite  exemplaire;  ils  contribuent  à  répandre  les  meil- 
leursinstrumens  aratoires,  les  méthodes  perfectionnées  pour  la 
culture,  et  les  arts  mécaniques.  Malheureusement,  les  familles 
les  retirent  souvent  avant  le  tems.  J'ai  vu  dans  la  classe  le 
directeur  immédiat  de  l'école  des  pauvres,  si  connu  sous  le 
nom  de  Wchrli  que  ce  nom  est  devenu  générique.  On  demande 
souvent  à  M,  Fellenberg  de  procurer  un  JVehrli,  c'est-à-dire 
un  sujet  capable  de  conduire  une  école  semblable;  dans  le 
nombre  des  élèves,  il  en  est  en  effet  que  l'on  forme  pour  cette 


SUISSE.  »<■-: 

honorable  destination.  .iVn  ;ii  vu  deux  destinés  pour  la  Franoe 

ri    demandes    par   S.  A.    Et.  le    duc  d'(  )rl<  ans  ;   six    autres  ont 

été  demandés  pour  le  même  paya.  Nous  dévoua  voir  avec 
joie  se  réaliser  l<-  vœu  que  forma i t ,  i !  y  a  <1  i x  ans,  un  généreux 
philantrope ,  lorsqu'il  rendait  compte  de  la  situation  des  insti- 
tuts d'Hofwyl ,  en  1H1G  (i),  dans  un  exposé  plein  d'intérêt  et 
de  vues  otites. 

Le  nombre  des  personnes  qui  dépendent  de  l'institut  d'édu- 

eation  est  de  trois  cents 

Sous  le  rapport  de  I -agtf ieulture ,  l'établissement  d'Hofwyl 
donne  de  très-beaux  résultats,  et  il  est  en  état  de  grande  pros- 
périté. Mais  je  n'ai  point  à  m'en  occuper  ici.  Le  domaine  a 
ui/|  arpens.  lia  jadis  appartenu  à  M.  d'Erlach.  C'est  en  1799 
que  M.  de  Fcllenberg  a  jeté  les  fondemens  de  l'institution. 

I.e  respectable  fondateur  est  le  premier  à  faire  l'éloge  de 
notre  ferme  expérimentale  de  Roville  et  de  M.  Mathieu  de 
Dombasle  ,  et  il  conseille  même  d'y  envoyer  des  élèves,  quand 
ou  n'a  pas  le  double  but  de  donner  en  même  Jems  de  1  édu- 
cation et  des  leçons  d'agriculture. 

L'école  intermédiaire,  pour  les  classes  moyennes  de  la  société, 
sera  bientôt  ouverte  à  Hofwyl;le  bâiiment  qu'elle  doit  occuper 
est  Uni.  Jïeaucoup  d'élèves  sont  déjà  inscrits.  Le  nombre  des 
places  sera  de  cinquante,  et  le  prix  total  de  la  pension  de 
1200  fr.  M.  de  Fellenberg  empruntera  aux  deux  autres  éta-, 
blissemens  tout  ce  qui  peut  convenir  aux  individus  que  leurs 
familles  destinent  au  cemmerce,  aux  manufactures,  et  aux 
professions  libérales.  Cette  institution  nouvelle  ne  peut  manJ 
quer  d'avoir  le  même  succès  que  les  deux  autres.        Jomard. 

Genève.  —  Nécrologie.  —  Henri  Boissier.  —  Cet  homme 
vertueux,  l'un  des  meilleurs  citoyens  de  Genève,  qui  est  l'objet 
des  regrets  universels  dans  sa  patrie,  a  consacré,  par  son  tes- 
tament, une  grande  partie  de  sa  fortune  à  des  œuvres  de 
bienfaisance  et  d'utilité  publique.  Il  a  laissé  une  somme  de 
11,800  fr.  pour  être  répartie  entre  diverses  classes  de  pauvres 
par  les  bureaux  de  bienfaisance  du  canton;  2,5oo  fr.  au  canton 


vi)  Voyez  le  Précis  sur  les  Instituts  d'éducation  et  d'agriculture  de 
M.  de  Ff.lleivberg  ,  par  M.  M. -A.  Jijllien,  dans  le  tournai  d'édu- 
cation ,  t.  m,  page  7  i.  En  comparant  les  deux  relations  ,  on  voit  quel 
accrois.sen.ent  a  pris  cet  établissement ,  qui  semble  avoir  presque  triplé 
en  dix  années.  Consultée  aussi  les  tomes  v ,  ix  ,  xi,  xvm  ,  xxn  , 
xv\it  wvir,  xxxrn  ci  xvxrv  de  la  Iicvuc  I .tu  tclo/xdiam\ 


5o8  EUROPE. 

de  Vaud,  moitié  pour  les  écoles- d'enseignement  mutuel, 
moitié  pour  les  incurables;  12,000  fr.  à  la  Confédération  suisse 
pour  des  travaux  d'utilité  publique  ;  5,ooo  fr.  pour  le  quai  du 
Rhône,  et  245,000  fr.  à  un  comité  d'utilité  cantonnait*  fondé 
par  des  dispositions  jointes  à  son  testament.  N. 

ITALIE. 

FIorence. — État  de t 'instruction publique.  (Extrait  d'une  lettre 
écrite  de  Londres,  en  date  du  2  novembre  1827,  par  un 
Italien.)  —  M.  Charles  Dupin,  dans  son  ouvrage  sur  les  forces 
productives  et  commerciales  de  la  France,  cite  la  Toscane 
comme  un  des  pays  dans  lesquels  l'instruction  populaire  est  le 
plus  répandue.  Les  faits  que  je  réunis  ici  et  qui  concernent  la 
ville  de  Florence,  pourront  servir  à  confirmer  cette  assertion. 
La  population  deFlorence  s'est  accrue,  pendant  les  dix  dernières 
années,  de  10  mille  habitans  à  peu  près;  elle  s'élève  aujour- 
d'hui à  92  milie  et  au  delà.  On  compte  dans  cette  ville  4  écoles 
d'enseignement  mutuel  soutenues  par  la  munificence  des  par- 
ticuliers; 3  écoles  élémentaires  (  où  l'on  suit  encore  l'ancienne 
méthode)  qui  sont  à  la  charge  de  la  commune,  et  un  nombre 
bien  plus  grand  d'institutions  primaires  dirigées  par  des  maîtres 
particuliers  qui  en  font  un  moyen  d'existence.  L'instruction 
classique  est  confiée  à  deux  écoles  publiques  régies  par  des 
moines,  et  à  plusieurs  instituteurs  particuliers.  Mais  le  coins 
d'études  qu'on  suit  dans  ces  deux  écoles  paraît  encore  bien 
défectueux.  Un  Conservatoire  d'arts  et  métiers  avec  des  cours 
de  mécanique  et  de  chimie  appliquées  aux  manufactures  et  aux 
métiers,  fait  partie  de  l'Académie  des  Beaux- Arts  ;  mais,  soit 
défaut  d'organisation  ou  de  méthode,  il  n'a  pas  atteint  jusqu'ici 
son  but,  c'est-à-dire,  l'instruction  de  la  classe  ouvrière.  Il  est 
inutile  de  vous  dire  que,  dans  cet  établissement,  l'enseigne- 
ment est  gratuit. 

Plusieurs  établissemens  offrent  aux  femmes  le  bienfait  d'une 
instruction  appropriée  aux  diverses  classes  de  la  société.  Le 
grand  duc  LéopoldIer,  dont  la  mémoire  est  encore  chère  à  la 
Toscane,  fonda  des  écoles  normales  pour  l'instruction  élémen- 
taire des  femmes.  On  compte  à  Florence  4  écoles  de  cette  espèce 
où  l'on  enseigne  à  lire,  à  écrire,  à  chiffrer,  et  les  travaux  de 
main.  On  n'y  suit  pas  encore  malheureusement  la  méthode  de 
l'enseignement  mutuel.  Des  revenus  affectés  à  leur  entretien 
garantissent  l'existence  de  ces  écoles  et  permettent  que  l'ins- 
truction y  soit  donnée  gratuitement.  Six  maisons  d'éducation 
sont  ouvertes  aux  besoins  des  classes  aisées.  Un  de  ces  établis- 


[TALIB.  Sog 

semens  vient  d'être  fondé  dernièrement.  Il  est  organisé  d'après 
les  meilleurs  principes,  et  sons  la  protection  de  S.  A.  K.  la 
grande-duchesse  régnante  qui  lui  porte  un  Intérêt  pressant  et  dos 
soins  éclairés.  Une  des  conséquences  immédiates  de  la  bonne 
organisation  de  ce  nouvel  établissement  a  été  l'amélioration  des 
maisons  d'éducation  qui  existaient  déjà. 

Quatre  bibliothèques  publiques  fournissent  de  larges  moyens 
d'instruction  aux  individus  de  toutes  les  liasses;  des  cabinets 
de  lecture  permettent  au  public  d'acquérir  la  connaissance 
immédiate  de  tout  ce  qui  se  passe  d'intéressant  dans  le  monde 
politique  et  littéraire.  Une  société  d'agriculture  mérite  bien  du 
pays  pour  la  propagation  de  bonnes  méthodes  parmi  les  pro- 
priétaires. 

Deux  journaux  se  publient  à  Florence.  L'Anthologie,  journal 
littéraire  et  scientifique,  est  peut-être  le  meilleur  qui  paraisse 
dans  la  péninsule  italienne.  Une  sage  liberté  domine  dans  toutes 
ses  discussions.  —  Un  journal  d'agriculture  vient  de  paraître, 
celte  année;  lors  de  la  publication  du  second  cahier,  il 
comptait  déjà  plus  de  600  abonnés  en  Toscane;  circonstance 
qui  fait  à  la  fois  l'éloge  de  ses  rédacteurs,  et  qui  dépose  en 
mêms  tems  en  faveur  d'un  pays  où  l'esprit  de  lecture  se  répand 
chaque  année  de  plus  en  plus.  À  ce  sujet  il  est  bon  de  remarquer 
que  le  nombre  des  imprimeries  a  doublé  à  Florence  depuis 
six  ans. 

Je  pourrais  citer  encore  d'autres  établissemens  littéraires  , 
comme  Y  Académie  de  la  Crusca ,  chargée  de  la  rédaction 
du  nouveau  dictionnaire;  de  la  Société  de  Statistique  qui  vient 
dernièrement  de  se  former,  et  de  plusieurs  sociétés  analogues; 
mais,  comme  toutes  ces  institutions  n'ont  pas  pour  but  direct 
l'instruction  de  la  jeunesse  des  i\cux  sexes,  je  me  dispenserai 
d'en  parier. — Si  j'avais  été  sur  les  lieux,  lorsque  je  traçai  ces 
lignes,  j'aurais  peut-être  pu  les  faire  suivre  de  résultats 
numériques,  qui  sont  toujours  très-concluans  dans  ces  sortes 
de  matières;  mais,  à  une  si  grande  distance,  cette  tâche  est 
impossible  à  remplir.  Il  serait  à  souhaiter  que  quelque  homme 
de  lettres  se  livrât  en  Italie  à  des  recherches  de  ce  genre  : 
la  statistique  est  l'état  civil  des  nations;  mundus  stat  in  numéro , 
pondère  et  mensurâ.  J'ai  1  honneur  d'être.  S***. 

Venise.  —  Monument  en  l'honneur  de  Canova.  —  Le  monu- 
ment consacré  à  Canova  est  presque  achevé.  On  sait  que  toutes 
les  contrées  civilisées  de  l'Europe  ont,  à  cette  occasion,  pavé 
leur  tribut  d'admiration  au  génie  d'un  grand  artiste  dont  les 
chefs-d'œuvre  honorent  notre  siècle.  D'après  la  relation  publiée 
à  Venise  [  //  monumento  a  Canova  cretto  in  Venczia.  Alvisopoli  , 


5  m  EUROPE. 

i  8 ia 7 .  Irt-$0.),  le  montant  des  souscriptions  s'élevait  à  la  somme 
♦le  8ooo  seqnins,  dont  pins  d' (in  quart  provient  de  l'Angleterre; 
un  autre  quart,  ou  à  peu  près,  est  dû  à  d'autres  pays  étrangers, 
et  principalement  à  la  France  et  à  l'Allemagne;  l'Italie,  et  sur- 
tout les  villes  vénitiennes,  ont  fourni  ie  surplus  de  cette  somme. 
L'Amérique  méridionale  y  a  aussi  contribué  par  un  don  de 
4o  sequins.  Le  monument  exécuté,  dans  l'espace  de  quatre  ans, 
et  d'après  les  dessins  de  Canova  lui-même  destinés  à  un  mo- 
nument en  l'honneur  du  Titien,  par  des  artistes  presque  tous 
vénitiens  et  regardés  comme  les  élèves  favoris  de  Canova  ,  est 
en  marbre  de  Carrare.  On  doit  surtout  des  éloges  au  zèle  de 
M.  le  comte  Cicognara,  l'auteur  de  X Histoire  de  la  Sculpture , 
l'un  des  amateurs  les  plus  éclairés  des  arts  en  Italie,  et  l'ami  le 
plus  intime  du  grand  artiste  auquel  il  vient  de  rendre  un  der- 
nier hommage.  Ce  monument,  élevé  dans  l'ancienne  église  des 
Frari ,  présente  une  pyramide  devant  Laquelle  est  une  porte  en 
bronze  ouverte;  au-dessus,  deux  renommées  soutiennent  l'ef- 
figie de  Canova  ,  entourée  d'un  serpent  ;  à  droite  ,  la  Sculpture, 
en  montant  les  degrés  de  la  pyramide,  porte  le  cœur  de  Ca- 
nova pour  le  déposer  dans  une  urne  cinéraire;  elle  est  suivie 
de  la  Peinture  et  de  l'Architecture,  accompagnées  par  leurs 
divers  génies.  A  gauche,  sur  le  seuil  de  la  tombe,  repose  le  lion 
vénitien,  interprète  de  la  douleur  de  la  patrie  de  Canova;  il 
soutient  sur  son  dos  le  génie  du  grand  artiste  qui  montre,  en 
versant  des  pleurs,  son  flambeau  éteint.  Le  socle  delà  pyra- 
mide offre  l'épigraphe  suivante  :  Antonio  Canovœ  —  Principi 
sculptorum  œtatis  suce  —  Collegium  venetum  bonis  artibus  exco- 
lend.  —  Sodali  maximo  —  Ex  conlatione  Europœ  universœ  — 
A.  MDCCCXXVII.  Quelques  accessoires  seulement  ne  sont 
point  encore  terminés.  On  frappera  une  médaille  qui  repré- 
sentera le  monument  et  le  portrait  de  Canova.  F.  S. 

PAYS  BAS. 

Académies  de  Louvain  et  de  Groningue.  —  Nous  avons 
sous  les  yeux  les  programmes  des  cours  de  ces  deux  célèbres 
Académies  pour  l'année  scolaire  de  1827  à  1828.  En  parcou- 
rant ces  feuilles,  nous  avons  remarqué,  avec  une  satisfaction 
qui  sera  partagée  par  tous  les  amis  des  lettres  et  de  la  philo- 
sophie, un  sage  enchaînement  d'études  successives,  et  l'insti- 
tution de  plusieurs  cours  que  l'on  s'étonne  de  ne  pas  trouver 
dans  toutes  les  contrées  qui  se  font  gloire  du  perfectionnement 
de  leur  instruction.  Us  manquent,  même  en  France.  Nous 
voulons  parler  d'une  chaire  pour  l'histoire  nationale  et  la  sta- 


PAYS-BAS.  f.n 

(isfique  spéciale  àtfs  Pays  Bas,  el  d*uhc  seconde  chaire  où  Foh 
professe  la  théorie  générale  «  1  < •  la  statistique  développée  paf 

des  exemples  er  l'histoire  de  celle  scieiuv.  D'autres  chaires 
encore  sont  Consacrées  a  renseignement  de   I  histoire  des   gon 

vcriii'inciis  de  l'Europe,  à  lVjiposition  des  doctrines  politiques 
et  à  la  comparaison  raisO^riéc  des  constitutions  du  rovanme 
des  Pays-Ras,  de  la  France,  de  l' Allemagne  el  de  l'Angleterre. 
Ces  institutions  appartiennent  spécialement  à  l'Académie  ds 
Louvaiti,  et  font  partie  de  sa  faculté  de  philosophie  el  belles* 
Icitres;  les  professent  s  sont  MM.  I)t  mkkc.k,  pour  l'histoire 
politique  de  l'Kurope  ;  (YTove,  pour  la  théorie  générale  de  la 
statistique  et  le  parallèle  des  constitutions,  et  Wissernui  ,  pour 
I  histoire  et  la  statistique  nationale.  \ï  Académie  de  Gf&rdngue 
se  distingue  par  renseignement  de  l'histoire  diplomatique  des 
peuples  de  l'Europe,  et  par  celui  des  antiquités  hébraïques  el 
de  la  littérature  orientale. 

Bruxeii.es.  —  Sorlrtr  pour  l* Utilité  publique.  —  La  section  de 
la  Société  pour  l'utilité  publique  (  Tôt  mit  vant  algcrneen  ) 
établie  à  Bruxelles,  a  tenu,  le  12  de  ce  mois,  à  la  Maison-de- 
Ville,unc  séance  solennelle  pour  la  distribution  de  médailles 
et  d'autres  récompenses.  M.  Orts,  conseiller  à  la  cour  supérieure 
de  justice,  président,  a  ouvert  la  séance  et  en  a  fait  connaître 
l'objet  et  le  but,  dans  un  excellent  discours  en  langue  natio- 
nale. On  a  procédé  ensuite  à  la  distribution  des  récompenses 
accordées  par  la  Société  pour  des  actes  de  courage  et  de  dé- 
rouillent. Deux  jeunes  gens,  MM.  WiUcr  et  Van  Erkclens ,  ont 
été  jugés  digne.)  de  cette  distinction  ,  pour  avoir  retiré  de  l'eau 
un  enfant  au  péril  de  leur  vie  :  et  c'est  le  père  même  de  cet 
enfant,  M.  Tctar  Van  Elvcn ,  membre  de  la  Société,  qui  a 
remis  la  médaille  aux  sauveurs  de  son  fils.  Les  discours  de 
MM.  Verbruggen,  avocat,  et  Gachard,  secrétaire  archiviste 
adjoint  du  royaume,  prononcés,  le  premier  en  langue  natio- 
nale, le  second  en  français,  ont  obtenu  l'approbation  générale. 
M.  Verbruggen  a  pris  pour  texte  l'amour  de  la  patrie,  l'obli- 
gation où  sont  les  citoyens  de  se  familiariser  avec  tous  les 
devoirs  qu'elle  impose.  M.  Gachard  a  offert  le  tableau  de  la 
prospérité  dont  jouissent  les  Pays-Bas  sous  le  gouvernement 
sage  et  paternel  d'un  roi  citoyen  et  ami  de  sou  peuple.  L'ora- 
teur, après  avoir  parlé  en  général  de  l'état  prospère  de  la 
Belgique,  comparativement  à  ce  qu'elle  a  été  sous  plusieurs 
règnes  précédées,  même  sous  celui  de  Marie-Thérèse,  le  plus 
riche  en  souvenirs,  a  démontré  tous  les  avantages  de  l'instruc- 
tion publique  et  ses  heureux  résultats,  attestés  par  les  DdticeS 


5ia  HA     EUROPE. 

statistiques  récemment  publiées  sous  les  auspices  du  gouver- 
nement. 

A  ces  discours  a  succédé  la  distribution  du  prix  proposé 
pour  la  meilleure  topographie  de  cette  ville,  à  l'usage  des 
écoles  primaires.  M.  le  président  a  fait  connaître  que  ce  sujet 
intéressant  ayant  été  traité  d'une  manière  satisfaisante,  dans 
un  style  et  avec  des  formes  qui  doivent  le  rendre  agréable 
et  utile ,  non-seulement  à  la  jeunesse ,  mais  à  toutes  les  classes 
de  lecteurs,  par  M.  Somerhausen,  docteur  en  philosophie  et 
membre  de  la  section ,  le  jury  lui  avait  décerné  le  prix  :  il  a 
remis,  en  conséquence,  à  M.  Somerhausen  une  médaille  d'or 
due  au  talent  de  M.  Braemt.  M.  B« 

Amsterdam.  —  La  Société  pour  l'amélioration  morale  des 
condamnés  a  tenu  sa  troisième  séance  annuelle,  le  26  du  mois 
d'avril  passé,  sous  la  présidence  de  MM.  C.  Van  Hall.  Les 
rapports  des  travaux  des  différentes  commissions  provinciales 
ou  locales  ont  présenté  plusieurs  détails  intéressans.  La  Société 
forme  les  vœux  les  plus  ardens  pour  l'érection  d'une  prison 
séparée,  destinée  aux  jeunes  condamnés ,  afin  de  pouvoir  tra- 
vailler avec  un  espoir  fondé  de  succès  à  leur  réforme.  Pendant 
cette  année,  la  Société  a  reçu  les  preuves  les  plus  convaincantes 
de  la  bienveillance  de  S.  M.  et  de  son  gouvernement  :  mais 
elle  n'a  point  trouvé  une  participation  aussi  active,  ni  aussi 
générale  qu'on  avait  lieu  de  l'espérer.  Peut-être  faut-il  attri- 
buer ce  fait  au  peu  de  publicité  qu'ont  obtenu  ses  travaux.  Le 
procès-verbal  de  la  séance,  publié  et  distribué  aux  membres, 
contient  des  preuves  irréfragables  de  la  sincérité  et  de  la 
véracité  des  rapports  communiqués,  puisque  les  différentes 
sections  font  mention,  tant  des  cas  où  leurs  efforts  n'ont  pas 
réussi ,  que  de  ceux  où  ils  ont  été  couronnés  par  des  succès 
satisfaisans.  La  Hollande,  où  le  célèbre  Howard  déclara  qu'il 
avait  trouvé  les  prisons  les  mieux  organisées,  prouvera  aussi 
bientôt  que,  quoiqu'il  existe  des  condamnés  assez  pervertis 
pour  que  tout  essai  de  réforme  devienne  infructueux  ,  il  y  en 
a  beaucoup  aussi  qui  ne  désirent  que  de  rentrer  dans  la  bonne 
voie,  aussitôt  qu'on  leur  tendra  la  main  pour  les  relever.     X. 

FRANCE. 

Sociétés  savantes  et  Etablissemens  d'utilité  publique. 

Arras  [Pas-de-Calais).  —  Société  pour  V encouragement  des 
sciences  ,  des  lettres  et  des  arts.  —  Prix  proposés.  —  La  Société 
propose,  pour  les  prix  à  décerner  en  1828,  les  sujets  suivans  : 


DÉPARTEMENT- -PARIS.  r,i  ', 

t°  Utilité  publique.  ■  Quels  seraient  Les  moyens  de  procurer 
à  la  ville  d'Àrras  des  eaux  salubres,  smi  par  des  pompes,  des 
fontaines  faillissantes,  ou  t<>ui  autre  procédé,  afin  de  faire 
disparaître  les  nombreux  înconvéniens  des  puits  actuels?» 
/'//.;•  .-  Médaille  d'or  de  9oo  lianes.  Les  Fonds  de  ce  pria 
vont  fournis  par  l'administration  municipale. 

2°  Economie  rurale,   i"  Mémoire  dans  lequel  on  combattra 

les  erreurs,   les    habitudes  routinières  et    les   préjugés  qui 

entravent  les  progrès  de  l'agriculture.  Prix  :  Médaille  d'or 
de    la  valeur  de  den\  cents  francs.   2°  Instruction  élémentaire 

sur  la  multiplication  et  le  bon  emploi  des  engrais,  ainsi  que 

sur  les  avantages  du  nouveau  système  de  culture;  :  les  asso- 
Icmens  raisonnes.  Prix  :  Médaille  d'or  de  cent  francs.  Les 
fonds  de  ce  second  prix  d'économie  rurale  sont  faits  par  un 

agronome  qui  a  voulu  garder  l'anonyme* 

3°  Morale,  rt  Serait-il  avantageux  de  commencer  l'enseigne* 
nient  des  sciences,  pour  les  enfans  ,  à  leur  sortie  des  écoles 
primaires,  par  l'étude  de  la  langue  française,  du  dessin,  de 
la  géographie  et  de  l'histoire,  et  de  renfermer  dans  celte 
dernière  un  cours  de  morale  et  de  religion,  en  renvoyant  à 
une  époque  plus  éloignée,  c'est-à-dire  ,  quand  les  enfans  au- 
raient atteint  au  moins  l'âge  de  douze  ans  ,  l'étude  des  langues 
latine  et  grecque  ?  Quels  seraient  les  avantages  ou  les  incon- 
xéniens  de  cette  nouvelle  méthode  ?  »  Prix  :  Médaille  d'or  de 
deux  cents  francs. 

4°  Discours  en  prose.  «  Examiner,  d'après  l'histoire  des  peu- 
ples anciens  et  modernes  ,  jusqu'à  quel  point  est  vraie  cette 
proposition  :  Les  siècles  les  plus  ignorans  et  les  plus  grossiers 
ont  toujours  été  les  plus  vicieux  et  les  plus  corrompus;  en 
écartant  avec  soin  toute  idée  qui  tiendrait  aux  paradoxes  sur 
l'inutilité  ,  ou  le  danger  des  sciences.  »  Prix  :  Médaille  d'or  de 
deux  cents  francs. 

t.es  ouvrages  envoyés  au  concours  pour  1828,  devront 
être  adressés  ,  francs  de  port ,  à  M.  le  Secrétaire  perpétuel  .  et 
être  parvenus  avant  le  ier  juillet,  terme  de  rigueur. 

PARIS. 

Institut.  —  académie  des  sciences.  —  Séance  du  11  oc- 
tobre 1827. —  MM.  Legendre ,  Lacroix,  Fourier  et  Damoiseau, 
font  un  rapport  sur  le  mémoire  de  M.  Binet,  relatif  à  la  dé- 
termination de  l'orbite  des  planètes  et  des  comètes. 
Du  29. — MM.  Desfontaines  et  MirbeliouX.  un  rapport  sur  le  tra- 
vail botanique  présenté  par  M.  Despréaux,  et  qui  a  pour  titre  : 
t.  xxxvi.  —  Novembre  1827.  33 


5i4  FRANCE. 

Essai  sur  les  luminaires  des  eôtes  de.  la  Normandie.  Le  genre  lu 
mineure  y  qui  appartient  à  la  grande  classe  des  hydrophytes, 
et  qui  a  donné  son  nom  à  la  famille  des  laminaires,  a  été  établi 
par  Roussel  et  perfectionné  par  MM.  Lamouroux ,  Agardt  et 
Bory-  de-Saint-Vincent.  Mais  il  importait  d'étudier  les  espèces 
avec  soin  et  de  les  définir  avec  précision;  c'est  ce  que  M.  Des- 
préaux  a  fait  pour  les  laminaires  des  côtes  de  la  Normandie. 
Il  résulte  de  ses  recherches  qu'il  n'existe  sur  les  côtes  que  cinq 
espèces  de  laminaires,  tandis  que  les  auteurs  en  indiquaient 
plus  de  quinze.  Il  eût  été  bien   facile  à  M.  Despréaux  d'al- 
longer encore  la  liste  des  espèces  dont  on  a  si  mal  à  propos 
gratifié  le  genre  laminaire  ;  il  lui  suffisait  pour  cela  de  donner 
des  noms  spécifiques  à  une  foule  de  variétés  qui  s'offraient  à 
lui;  mais  il  a  été  mieux  inspiré.  Il  n'a  pas  fait  d'espèces,  parce 
qu'il  n'y  avait  pas  lieu   d'en  faire,  et  il  a  rejeté,  au  moyen 
d'une  critique  judicieuse,  toutes  celles  dont  les  titres  étaient 
illégitimes.   C'est  particulièrement  sous  ce  point  de  vue  que  son 
travail,  auquel  il  a  joint  douze  excellentes  figures  coloriées, 
nous  paraît  mériter  l'approbation  de  l'Académie.  (Approuvé.) 
—  MM.  Cordicr  et  Brochant  de  Filliers  font  un  rapport  sur  un 
travail  envoyé  par  M.  Marcel  de  Serres  :  Note  sur  les  volcans 
éteints  du  midi  de  la  France,  dont  les  éruptions  ont  été  posté- 
rieures au  dépôt  du  deuxième  terrain  d'eau  douce  de  MM.  Cu- 
vier etlBrongniart.  «L'auteur  s'occupe  principalement  du  terrain 
d'eau  douce  des  départemens  des  Bouches-du-Rhône,  du  Rhône» 
du  Gard  et  de  l'Hérault,  qu'il  regarde  comme  ayant  élé  formé 
immédiatement  avant  les  produits  volcaniques  de  cette  partie 
de  la  France,  quoique  ces  produits  en  soient  réellement  re- 
couverts. Des  détails  qu'il  donne  sur  la  composition  du  terrain 
d'eau  douce,  M.  de  Serres  conclut  (et  c'est  là  ce  qu'il  regarde 
comme  le  point  essentiel  de  sa  Notice) ,  que  tantôt  les  matières 
volcaniques  arrivaient  de  l'intérieur  de  la  terre  avec  assez  de 
force  pour  se  répandre  à  la  surface  après  avoir  saisi  des  masses 
de  calcaire  d'eau  douce,  et  que  tantôt  elles  n'ont  pu  que  soulever 
la  grande  assise  de  calcaire  et  s'étendre  par  dessous.  »  L'auteur 
promet  d'appuyer  ces  conclusions  par  des  détails  convenables 
dans  l'édition  nouvelle  qu'il  donnera  bientôt.  Cette  promesse 
nous  dispense  de  manifester  aucune  opinion  sur  les  explica- 
tions de  M.  de  Serres.  Nous  remarquerons  seulement  qu'elles 
rentrent  dans  l'hypothèse  qui  a  été  présentée  par  Hutton,  il  y 
a  quarante  ans.  Nous  pensons  que  les  renseignemens  donnés  par 
M.  de  Serres  sur  les  produits  volcaniques  et  le  calcaire  d'eau 
douce  dont  il  s'agit,  offrent  un  véritable  intérêt,  et  qu'il  est  a 
désirer  que  ce  géologue  fasse  bientôt  connaître  au  public  les 


paiws.  r>.^ 

observations  nouvelles  qu'il  annonce  avoir  recueillies  sur  les 
volcans  éteints  du  midi  de  la  France.  »  (Adopté.) 

—  Du  5 novembre*  —  L'Académie  va  an  scrutin  pour  l'élec- 
tion d'un  membre  dans  la  section  de  physique  générale.  Sur 
/i9  votans,  IM.  Savart  réunit  ag  voix  ;  M.  Cagniûrt-Latour  <)\ 
M.  Potiïllet  6;  !M.  Desprett  5,  Bn  conséquence,  M.  Savart  est 
élu   par  l'Académie.  —  MM.   Bouvard  et  Mathieu    font;  uri 
rapport  sur  l'utilité  de  la  conservation  de  la  demi-lune  cons- 
truite en   1801   autour  de  la  pyramide   qui  marque  le  terme 
boréal  de  la  base  de  Melun.  «La  détermination  de  la  longueur 
de  l'arc  du  méridien  qui  part  de  Dunkerque  et  qui  traverse  la 
France  repose  sur  la  mesure  effectuée  sur  le  terrain  des  hases 
de  Melun  et  de  Perpignan.  Il  était  donc  d'une  grande  impor- 
tance de  bien  fixer  et  de  bien  conserver  les  extrémités  de  ces 
bases.  Les  points  extrêmes  de  la  base  de  Melun  sont  enfermés 
dans  des  massifs  de  pierre  de  taille  recouverts  d'une  pyramide 
très-éciasée.  Des  bornes  plantées  autour,  sur  une  circonférence 
de  plus  de  deux  .mètres  de  rayon,  empêchent  les  voitures  d'en 
approcher.  Le  terme  boréal  de  cette  base  se  trouve  à  l'entrée 
de  la  commune  de  Lieursaint,  et  la  pyramide  élevée  sur  l'acco- 
tement de  la  route  royale  n°  5  est  entourée  d'une  demi-lune. 
M.  le  comte  de  Nanteuil  ayant  demandé  dernièrement  la  res- 
titution du  terrain  occupé  par  cette  demi-lune,  le  préfet  de 
Seine-et-Marne,  avant  de  statuer  sur  cette   réclamation,    a 
consulté  l'Académie  pour  savoir  si  la  demi-lune  peut-être  sup- 
primée sans  inconvéniens,  ou  du  moins  son  emplacement  très- 
réduit.  »   L'Académie  décide  que  cette  pyramide ,  construite 
en  1801  par  les  Ponts-et-Chaussées,  doit  rester  dans  toute  sa 
grandeur.  — MM.  Gay-Lussac  et  Cordicr  font  un  rapport  sur 
le    Mémoire    de  M.  Gendrin,   médecin,    qui   a  pour   titre   : 
Quelques  expériences  sur  la  chaleur  des  eaux  thermales.  «  L'au- 
teur rapporte  plusieurs  expériences  fort  simples  qu'il  a  faites 
à  Plombières,  dans  la  vue  de  déterminer  les  effets  thermomé- 
triques des  eaux  chaudes  de  cette  localité,  comparativement  à 
ceux  de  l'eau  ordinaire  élevée  aux  mêmes  températures;  il  a 
trouvé  que  ces  effets  sont  à  très-peu  de  chose  près  les  mêmes. 
Ces  résultats,  connus  depuis  long- tems  ,  n'apprennent  rien  au 
chimiste  et  au  physicien  ;  maison   peut  les  envisager  comme 
offrant  une  application  utile  des  principes  de  la  science,  comme 
une  démonstration  directe  propre  à  dissiper  beaucoup  de  pré- 
juges populaires.  Dès  lors,  le  travail  de  l'auteur  n'est  pas  dé- 
pourvu d'intérêt.  Les  membres  de  l'Académie  qui  ont  récem- 
ment visité  des  établissemens  thermaux  doivent  avoir  remarqué 
qu'en   effet,  malgré  les  progrès  des  connaissances  exactes  j  1« 

33; 


5i6  FRANCE. 

vulgaire  est  loin  d'être  désabusé  d'une  foule  de  notions  fausses 
que  les  siècles  d'ignorance,amisdu  merveilleux,  luiont  transmises 
i elativement  aux  eaux  minérales.  En  attendant  que  ces  erreurs 
soient  dissipées,  on  doit  louer  les  tentatives  qui  seront  faites 
pour  éclairer  les  personnes  étrangères  aux  sciences  par  des  expé- 
riences à  leur  portée.  Accessoirement  à  son  travail,  M.  Gen- 
drin  fait  connaître  que  la  source  du  grand  bain  à  Plombières 
lui  a  offert  une  température  de  5o°Réaumur,  c'est-à-dire,  la 
même  que  celle  que  Nicolas  Martinet,  Saussure  et  M.  Jacquet 
lui  ont  trouvée  depuis  1778;  que  cette  constance  de  tempéra- 
ture a  lieu  pour  toutes  les  autres  sources  de  Plombières,  excepté 
deux  qui  varient  de  i°,  tantôt  en  plus,  tantôt  en  moins  ;  enfin, 
qu'ayant  jaugé  la  source  du  grand  bain,  il  en  a  trouvé  le  pro- 
duit semblable  à  celui  quia  été  constaté  en  1778,  à  un  peu 
plus  de  63  mètres  cubes  en  vingt-quatre  heures.  »  L'Académie 
approuve  le  Mémoire  de  M.  Gendrin. — M.  Cauchï  présente  un 
Mémoire  sur  quelques  propositions  fondamentales  du  calcul 
des  résidus. 

Du  ±1  novembre.  —  M.  Girard  lit  un  Mémoire  sur  quelques 
étalons  de  l'ancienne  coudée  égyptienne  ,  récemment  découverts. 
— MM.  Chaussier,  Duméril  et  Bayer  font  un  rapport  sur  deux 
Mémoires  relatifs  à  '.'iris  et  aux  pupilles  a  rtifitielles,  présentés  par 
M.  le  docteur  Faure.  «  Ces  mémoires  renferment  des  vues 
neuves,  desobservations  intéressantes,  des  expériences  curieuses 
et  des  préceptes  utiles.  Vos  commissaires  estiment  qu'ils  méritent 
l'approbation  de  l'académie.  Us  estiment  aussi  qu'il  est  à 
souhaiter  que  M.  Faure ,  qui  promet  un  travail  complet  sur 
l'iris  et  les  pupilles  artificielles,  accomplisse  sa  promesse,  »  — 
MM.  Pellctan  et  Boycr  font  un  rapport  sur  deux  observations 
qui  ont  été  adressées  par  M.  Barny,  médecin  à  Limoges,  et 
qui  ont  pour  titre  :  Deux  cas  de  luxation  des  vertèbres  cervi- 
cales avec  compression  de  la  moelle  épinicre.  —  M.  Frey- 
cinet  donne  lecture  dune  lettre  de  M.  Gaymard,  datée  de  la 
Nouvelle  Zélande,  le  4  mars  1827  ,  et  qui  fait  connaître  divers 
détails  de  l'expédition  de  la  corvette  1  Astrolabe.  —  MM.  Des- 
fontaines et  Coquebert- Mo ntbr et  font  un  rapport  verbal  sur  le 
premier  cahier  des  Annales  des  Sciences  de  la  Havane ,  publiées 
par  M.  Ramon  de  la  Sacra,  professeur  de  botanique  dans 
cette  ville  (Voy.  ci-dessus,  p.  375).  A.  Michelot. 

. — Académie  française. — Séance  du  i3  novembre  1827,  pour 
la  réception  de  M.  Royer  -  Collard.  —  L'Académie  française 
avait  à  remplacer  dans  son  sein  l'un  des  mathématiciens  les  plus 
distingués  du  siècle  dernier,  M.  de  Laplace  ,  dont  les  titres  à 
la  célébrité  reposaient  principalement  sur  son  Exposition  du 


PARIS.  5i  7 

syslcme  du  monde ,  ouvrage  où  l'asti 'OBOmic  se  trouve  réduite 

à  un  problème  de  mécanique,  et  qui  iii  admirer  la  simplicité  <1  c  r 

la  cause  dans  la  complication  infinie  de*  effets.  Mlle  avait  choisi 
à  L'unanimité  M.  Royk&-Colla&d  que  les  départemens  aujour- 
d'hui se  sont  dispute  l'honneur  d'avoir  pour  représentant ,  et  la 
séance  était  consacrée  à  la  réception  de  cet  orateur. 

La  salle  était  remplie  des  hommes  les  plus  recommandablcs 
de  la  capitale,  et  lorsque  M.  Iloycr-dollard  s'est  présenté,  il  a 
été  accueilli  par  des  acclamations  et  des  applaudisscineiis  re- 
doublés ;  on  s'était  levé  pour  lui  rendre  hommage;  et,  si  l'émo- 
tion delà  reconnaissance  a,  pour  un  moment,  troublé  ses  pre - 
miers  accens,  il  a  bientôt  retrouvé  cette  dignité  calme  ,  cette; 
élégante  gravité,  ce  caractère  dominateur  d'un  orateur  noble- 
ment conliant  dans  ses  forces,  qui  donnent  a  ses  paroles  tant 
d'autorité  et  qui  remuent  si  profondément  le.->  âmes. 

Le  discours  de  M.  l\oyer-Collard  a  été  souvent  interrompu 
par  des  applaudissemens ;  et  le  récipiendaire  en  a  été  couvert 
encore,  long-tems après  avoir  cessé  de  parler.  Nous  avons  retenu 
les  passages  suivans  de  son  discours  :  «■  Messieurs,  appelé  par 
vos  suffrages  à  m'asseoir  au  milieu  de  vous  à  la  place  d'un  de 
vos  membres  les  plus  illustres  ,  je  ne  dois  pas  me  défendre  de 
l'émotion  respectueuse  où  me  jette  d'abord  un  honneur  si  impo- 
sant et  si  imprévu.  Qu'y  a-t-il ,  en  effet ,  entre  l'Académie  fran- 
çaise et  moi  ?...  Jusqu'à  ces  derniers  tems,  ma  vie  ,  étrangère  à 
vos  travaux,  s'est  écoulée  loin  de  votre  commerce,  stérilement 
commencée  dans  les  agitations  de  nos  troubles  ou  cachée  dans  la 
retraite...  Il  est  donc  manifeste,  Messieurs,  qu'une  pensée  nou- 
velle vous  a  dirigés  dans  un  choix  qui  ne  vous  était  pas  indiqué 
par  vos  traditions  et  que  leur  autorité  ne  semble  point  con- 
firmer. — Du  sein  de  la  littérature,  de  ce  monde  intellectuel  où 
l'Académie  réside,  elle  ajeté  les  yeux  autour  d'elle,  et  elle  a  vu 
qu'à  travers  une  profonde  révolution  sociale,  la  délibération  pu- 
blique étant  devenue  la  loi  de  notre  gouvernement,  la  tribune 
s'est  élevée  au  milieu  de  la  France  attentive,  et  la  parole  a  pré- 
sidé aux  affaires.  Dans  ce  noble  champ  ouvert  à  la  parole,  nous 
voyons,  nous,  les  triomphes  de  la  justice  et  de  la  liberté,  lents 
peut-être  et  laborieux,  mais  assurés;  il  vous  appartient  à  vous, 
Messieurs,  d'y  voir  aussi  les  travaux  de  l'éloquence.  Tandis  que 
nous  célébrons  dans  notre  Charte  immortelle  la  restauration  de 
la  dignité  nationale,  le  gage  inviolable  de  la  concorde  et  de  là 
félicite  publique,  vous,  Messieurs,  il  vous  appartient  d'v  décou- 
vrir un  progrès  de  la  raison,  un  exercice  viril  de  nos  plus 
hautes  facultés  et  ,  par  conséquent ,  un  accroissement  de  la  lit- 
térature. (  Mouvement  marque  y  Quelque  imparfaits  fjue  soient 


5iS  FRANGE. 

mes  titres,  il  vous  a  plu  d'y  voir,  par  une  indulgente  fiction  , 
ceux  de  la  tribune  française;  et  en  m'adoptant,  c'est  avec  elle 
que  vous  contractez  ,  au  nom  des  lettres,  une  solennelle  al- 
liance. » 

Apres  quelques  observations  fort  spirituelles  et  fort  applau- 
dies sur  la  nature  du  beau  qui  se  sent,  mais  ne  se  définit  point , 
M.   Rover -Collard  ajoute  :  a  Entre  les  circonstances  qui  sont 
les  plus  favorables  à  la  littérature ,  la  liberté  politique  doit  être 
sans  doute  comptée  au  premier  rang...  Il  y  a  dans  la  liberté  un 
beau  et  profond   sentiment  d'où   jaillissent  ,  comme  de  leur 
source  naturelle,  les  grandes  pensées  aussi  bien  que  les  grandes 
actions...  Si  la  liberté  n'est  pas  dans  les  lois,  elle  vit  néanmoins 
dans  les  âmes,  elle  est  présente  aux  esprits  qui  la  regrettent  ou 
qui  l'appellent...  Les  saints  droits  de  l'humanité  étaient- ils  igno- 
rés de  Racine ,  ou  parlaient-ils  faiblement  à  son  àme  généreuse, 
quand,  par  la  bouche  sacrée  d'un  pontife,  il  dictait  à  un  en- 
fant roi  ces  sublimes  leçons  que  les  meilleures  institutions  ne 
surpasseront  pas?.,.  L'exemple  le  plus  frappant  de  la  force  pro- 
digieuse de  cette  sympathie  entre  la  liberté  et  les  lettres,  c'est 
qu'elle  a  triomphé  de  votre  fondateur.  Cet  esprit  superbe,  mais 
qui  comprenait  tout,  a  vu  qu'en  vain  il  destinait  l'Académie  à 
l'immortalité,  s'il  ne  lui  donnait  la  liberté.  De  la  main  de  Ri- 
chelieu vous  avez  reçu,  comme  les  privilèges  nécessaires  des 
lettres,  l'élection  et  l'égalité.  La  nation,  en  jouit  aujourd'hui; 
mais,  par  la  seule  nature  des  choses,  vous  en  avez  joui  avant 
elle.  »  (  Applaudissemens  et  acclamations  prolongés.  ) 

M.  Royer-  Collard  ayant  ajouté  que  la  liberté  a  enfin  passé 
des  esprits  dans  les  lois ,  commence  l'éloge  de  M.  de  Laplace 
son  prédécesseur.  On  ne  peut  louer  avec  plus  de  mesure,  de 
grâce  et  de  profondeur  ce  célèbre  géomètre.  Son  Exposition  du 
système  du  monde  n'est  point  considérée  comme  une  œuvre  litté- 
raire où  l'on  admire  une  belle  ordonnance  etun  excellent  style;  ici, 
le  talent  de  l'écrivain  ne  fait  que  réfléchir  le  génie  du  philosophe. 
«  Le  système  du  monde  que  M.  de  Laplace  donne  en  spectacle , 
il  ne  l'a  pas  trouvé,  il  est  vrai,  puisqu'il  était  trouvé  avant  lui; 
et  cependant  il  lui  appartient  en  quelque  manière;  c'est  lui  qui 
d'imparfait  l'a  élevé  à  la  perfection,  à  la  certitude,  à  la  sta- 
bilité, w 

Après  avoir  considéré  M.  de  Laplace  comme  géomètre,  l'o- 
rateur le  considère  comme  homme  d'état  :  «  il  voyait,  a-t-il  dit, 
dans  les  sciences  le  progrès  des  lumières  et  dans  les  lumières 
l,a  garantie  du  bonheur  public,  garantie,  hélas  !  insuffisante, 
et  qui  a  trop  souvent  besoin  qu'un  peu  de  vertu  vienne  à  son 
aide  contre  les  passions  ennemies  de  l'ordre  et  de  la  liberté. 


PARIS.  5ig 

i  Mouvement)  La  vive  préoccupation  de  iM.  de  Laplace  cm 
faveur  de  ses  hautes  études ,  sera  son  excuse,  s'il  eu  a  besoin  , 
d'avoir  traversé  silencieusement  n<»s  bonsel  dos  mauvais  jours  , 
sans  enthousiasme  el  sans  colère,  et  comme  supérieur  à  nos  es* 
pérances  et  à  n<>^  craintes...  u 

En  terminant  l'éloge  de  RE.  de  LaplaceM.  R.oyer-<Cbllarda 
été  accueilli  par  de  nouveaux  applaudissemens  < 1 1 1 ï  se  sont  ré- 
pétés à  plusieurs  reprises.  M.  Daru,  président  de  l'Académie, 
lui  a  répondu  : 

»  Monsieur ,  en  parlant  de  votre  admission  parmi  nous,  vous 
avez  oublié  de  dire  que  vous  y  avez  été  appelé  d'un  suffrage 
unanime.  Ce  concours  de  toutes  les  voix  n'atteste  pas  seule- 
ment votre  mérite;  il  prouve  que,  parmi  ceux  qui  cultivent  les 
lettres,  il  v  a,  quelle  que  puisse  être  (Tailleurs  la  diversité  de 
leurs  opinions,  de  nobles  sentimens  qui  leur  sont  communs. 
Telle  est,  je  ne  dirai  pas  l'élévation  de  vos  talens ,  mais  la 
noblesse  de  votre  caractère ,  cpie  tous  nous  avons  mis  quelque 
vanité  à  montrer  que  nous  étions  faits  pour  l'apprécier. 
M.  Daru  est  alors  entré  dans  un  très  -  grand  éloge  de  M.  de 
Laplaee,  et  a  cité  plusieurs  de  faits  intéressant  qui  concer- 
nent  ce  grand  géomètre.  Il  a  ensuite  rappelé  la  noble  desti- 
tution de  M.  Royer-Collard.  «  Vous  avez  su  ,  Monsieur  ,  a  -  t-  il 
dit,  quitter  cette  place  importante  aussi  noblement  que  vous 
l'aviez  occupée  ;  mais  vous  êtes  du  petit  nombre  de  ceux  à  qui 
la  perte  d'une  place  ne  fait  qu'ouvrir  une  nouvelle  carrière  de 
gloire.  »  (  Applaudissemens.)  Vainement  les  circonstances  ont 
été  diverses  et  les  tems  difficiles  ;  ni  votre  raison,  ni  par  consé- 
quent votre  fermeté,  n'ont  été  ébranlées.  Les  périls  ,  la  faveur, 
les  disgrâces,  l'inconstance  des  systèmes,  les  prévenances  des 
partis  rivaux,  les  acclamations  de  la  multitude,  rien  n'a 
pu  obtenir  de  vous  la  moindre  concession Une  na- 
tion policée  accueille  par  ses  acclamations  ceux  dont  elle  ad- 
mire les  talens  et  dont  elle  embrasse  la  cause  !  Eh!  qui  pourrait 
en  rendre  témoignage  mieux  que  vous ,  Monsieur,  qui,  en  des- 
cendant de  la  tribune,  avez  si  souvent  entendu  ce  murmure 
flatteur  dû  à  l'orateur  éloquent  et  surtout  à  l'homme  de  bien  ?  » 
!  Applaudissemens .  ) 

Cette  séance  mémorable  a  été  terminée  par  la  lecture  de  quel- 
ques scènes  d'une  tragédie  de  M.  Lava,  intitulée  :  Athènes 
sauvée. 

Société  d'horticulture. — Nous  avons  annoncé  la  fondation  et  la 
fête  d'inauguration  de  cette  nouvelle  Société.  (Voy.  Rev.  Eue. , 
t.  xxxv,  p.  509  et  799.)  —  L'horticulture  est  une  science, 
tandis  que  le  jardinage  n'est  qu'une  routine,  un  métier.  C'est 


520  FRANCE. 

une  idée  sage  et  utile  que  de  comparer  les  observations ,  Je 
combiner  les  vues,  de  mettre  les  expériences  et  les  méditations 
en  communauté,  et  de  les  livrer  à  des  discussions  paisibles  et 
profitables  pour  cette  partie  des  sciences,  comme  on  le  fait 
pour  beaucoup  d'autres. 

Le  premier  cahier  des  Annales  de  cette  Société  vient  d'être 
adressé  à  MM.  les  préfets  des  départcmens,  aux  agens  diplo- 
matiques et  commerciaux  de  la  France  dans  les  pays  étrangers, 
et  aux  présidens  des  Sociétés  agricoles,  nationales  et  étran- 
gères. Ces  personnes  recommandablcs,  et  dont  la  voix  est  puis- 
sante sur  l'opinion  générale ,  contribueront  sans  doute  à  étendre 
l'influence  que  les  travaux  de  la  Société  d'horticulture  peuvent 
exercer  sur  l'exploitation  générale  des  terres,  en  la  mettant  en 
relation  avec  les  Sociétés  analogues ,  avec  les  grands  établisse- 
mens  de  culture ,  avec  les  naturalistes  et  les  voyageurs.  Tous 
ceux  qui  s'intéressent  à  l'embellissement  et  à  l'amélioration  de 
la  terre  se  hâteront  de  faire  avec  la  Société  l'échange  de  leurs 
vues,  de  leurs  découvertes  et  de  leurs  expériences. 

A  cet  envoi  se  trouve  joint  un  petit  ouvrage  sur  la  régéné- 
ration des  forets  3  par  M.  Soulangc  Bodin  ,  qui  renferme  d'excel- 
lentes vues.  (Voy.  ci-dessus ,  p.  l^io.  ) 

Muséum  d'histoire  naturelle  au  Jardin  du  Roi  (1).  —  La  mé- 
nagerie royale  vient  de  s'enrichir  de  deux  jeunes  lions,  mâle 
et  femelle,  qui  ont  été  élevés  à  bord  du  bâtiment  monté  par 
M.  de  Rigny,  et  qu'elle  doit;»  la  générosité  de  cet  officier,  qui 
vient  d'acquérir  une  gloire  si  brillante  et  si  pure.  Ils  ont  la  fa- 
miliarité et  la  douceur  d'animaux  domestiques,  et  ils  la  doivent 
autant  à  la  liberté  dont  ils  jouissaient  à  bord  et  aux  bons 
traitemens  qu'ils  ont  éprouvés,  qu'à  leur  naturel. 

Llle  a  également  reçu  en  don  une  macaque  bonnet  chinois, 
une  petite  mangouste,  et  plusieurs  tortues  de  M.  Dussumieb  , 
qui  les  a  ramenées  de  la  côte  du  Malabar,  d'où  ces  animaux 
sont  originaires.  Ce  n'est  pas,  au  reste,  la  première  fois  que  la 
ménagerie  du  roi  s'enrichit  des  dons  de  M.  Dussumier.  Il  vient 
de  terminer  le  cinquième  de  ses  voyages  aux  Indes  orientales 
ou  à  la  Chine,  et  il  n'en  est  aucun  qui  n'ait  procuré  de  nou 
veaux  objets  aux  diverses  collections  de  cet  établissement.  Dans 
le  premier  il  rapporta,  outre  un  grand  nombre  d'oiseaux  rares 
et  de  fort  belles  coquilles,  une  espèce  nouvelle  de  singe,  dau- 


(1)  Noos  espérons  pouvoir  continuer  à  faire  connaître  dans  des  bul- 
letins périodiques  les  acquisitions  progressives,  importantes  pour  les 
sciences  ,  qui  viendront  enrichir  ce  bel  établissement. 


PARIS.  52i 

tant  plus  eùriotiàe,  qu'appartenant  au  genre  cynocéphale  et 

('tant  originaire  des  îles  Solo,  elle  modifiait  une  loi  géogra- 
phique qui  jusqu'alors  avoit  paru  constante  :  c'est  que  tous  les 
cynocéphales  étaient  originaires  de  l'Afrique*  ou  des  contrées 
voisines. 

Dans  un  second  vovage,  il  ramena  vivante  une  espèce  de  ci- 
vette, nommée  /ibeth,  peu  connue,  et  qu'on  ne  distinguait 
qu'imparfaitement  de  ses  congénères,  et  une  nouvelle  espère 
de  cerf  des  Philippines,  non  moins  remarquable  par  sa  grande 
taille  que  par  ses  couleurs. 

Dans  le  troisième  voyage  il  envoya,  au  Muséum,  avec  un 
grand  nombre  d'oiseaux  et  de  poissons  du  Gange,  plusieurs 
pieds  vivans  d'une  nouvelle  espèce  de  minier,  qui  a  sur  tous 
les  autres  l'avantage  de  se  reproduire  facilement  de  bouture, 
et  de  donner  des  feuilles  plus  tendres  et  plus  larges,  de  sorte 
qu'on  peut  facilement  renouveler  les  individus  qui  périssent, 
et  qu'il  fournit  aux  vers  à  soie  une  nourriture  plus  abondante 
et  plus  substantielle  que  le  mûrier  commun. 

Des  poissons  des  Séchelles,  tout-à-fait  nouveaux,  et  plu- 
sieurs oiseaux,  furent  les  fruits  du  quatrième. 

Mais  c'est  surtout  ie  cinquième,  que  M.  Dussumier  vient  de 
terminer  tout  récemment ,  qui  a  procuré  au  Muséum  une  des 
plus  belles  collections  que  depuis  long-tems  il  ait  reçues  :  elle 
consiste  en  plus  de  deux  cents  espèces  de  poissons  de  la  côte 
de  Malabar  et  du  royaume  de  Mysore.  Celles-ci  sont  surtout 
précieuses  en  ce  qu'elles  aideront  à  rendre  intelligibles  les 
descriptions  de  Buchanan,  travail  qui,  au  reste,  avait  déjà  été 
commencé  par  Alfred  Duvaucel,  enlevé  malheureusement  à 
l'histoire  naturelle  par  une  mort  trop  prématurée.  Plusieurs 
plantes  rares  accompagnaient  ces  poissons;  et  M.  Dussumier, 
profitant  de  ses  longues  navigations  pour  étudier  les  cétacées, 
a  recueilli  six  espèces  de  dauphin  dans  ce  dernier  vovage,  les- 
quelles ajoutées  à  deux  autres  de  ses  voyages  précédens,  con- 
tribueront à  éclaircir  l'histoire  de  ces  singuliers  animaux,  si 
peu  connus  et  cependant  si  intéressans  à  connaître  par  leur 
organisation  et  par  leurs  mœurs.  Ces  objets  nombreux  sont 
toujours  accompagnés,  de  la  part  de  M.  Dussumier,  de  notes 
très- détaillées  et  très-propres  à  en  faire  connaître  la  nature;  et 
il  faut  ajouter  que  l'amour  seul  de  la  science  soutient  le  zèle 
et  l'activité  de  ce  savant  voyageur,  et  que  tout  autre  intérêt 
lui  est  étranger  :  c'est  à  ses  frais  que  ces  collections  ont  été 
faites,  entretenues  et  expédiées,  même  jusqu'au  lieu  de  leur 
destination.  F.  C. 


)>i  FRANCE. 

Réclamation.  —  Nous  n'avons  jamais  refusé  d'insérer  une3 
réclamation,  même  quand  elle  ne  nous  était  pas  portée  par 
huissier.  Voici  celle  qui  nous  est  adressée  par  M.  Creuzé  de 
Lesser,  préfet  du  département  de  l'Hérault. 

Montpellier,  le  2 novembre  1827. — Monsieur, M.  J.-B.  Say 
a  inséré  et  signé,  dans  votre  cahier  de  septembre,  un  Mémoire 
sur  les  statistiques  où  je  trouve,  page  543,  le  passage  suivant  : 

<x  Les  dénombremens  sont  le  seul  bon  moyen  de  savoir  quel 
est  le  nombre  des  habitans  d'un  pays.  Mais  ce  moyen,  en 
même  tems  qu'il  est  le  plus  sûr,  est  le  plus  difficile  de  tous- 
Pour  un  dénombrement,  il  faut  avant  tout  le  concours  de 
l'autorité....  Les  magistrats  eux-mêmes  déguisent  quelquefois 
la  vérité,  soit  dans  leur  intérêt,  soit  dans  celui  de  leurs 
administrés.  On  m'a  assuré  qu'un  préfet  d'un  département 
de  France  (  de  l'Hérault),  à  une  certaine  époque,  avait  eu  le 
talent,  quoique  le  chef-lieu  ne  comptât  que  29,000  habitans, 
de  lui  en  donner  35,ooo,  en  comprenant  dans  la  ville  une 
commune  qui  en  est  à  une  petite  distance.  Ceux  qui  cher- 
chaient la  cause  de  cette  anomalie  remarquaient  que  le  trai- 
tement que  reçoivent  les  préfets  est  d'autant  plus  élevé  que 
la  ville  de  leur  résidence  est  plus  considérable.  » 

Comme  ce  n'est  que  sous  mon  administration  que  la  popu- 
lation de  Montpellier  a  été  officiellement  reconnue  et  portée 
à  35,ooo  habitans,  l'allégation  rapportée  par  M.  Say  ne  peut 
regarder  que  moi.  Voici  ma  réponse  :  i°  La  population  de 
Montpellier  était  déjà ,  en  1796,  de  32,897  habitans;  en  i8i5, 
de  33,692,  et  en  1821,  de  35,123.  20  Quand  elle  fut  portée 
à  ce  dernier  nombre  qu'elle  dépasse  aujourd'hui,  ce  fut,  non 
par  le  préfet,  mais  par  le  maire,  d'après  un  dénombrement 
authentique  dont  il  répond.  3°  Le  faubourg  de  Montpellier, 
qui  en  est.  à  une  petite  distance,  et  qui  d'ailleurs  n'est  que  de 
679  habitans ,  en  fait  partie  depuis  un  tems  immémorial.  On 
en  a  une  preuve  écrite,  à  la  date  de  i544-  4°  Le  préfet  de 
l'Hérault  n'avait  aucun  intérêt  à  exagérer  la  population  de 
Montpellier,  puisque  cette  ville  a,  depuis  plus  de  trente  ans, 
3o,ooo  âmes  et  au-delà,  et  qu'aujourd'hui  encore  plusieurs 
villes  de  25, 000  habitans  et  moins,  suffisent  pour  constituer 
des  préfectures  de  pareille  classe  et  de  pareil  traitement. 
5°  Enfin,  le  traitement  actuel  du  préfet  de  l'Hérault  est  abso- 
ment  le  même  qu'en  18 10. 

On  n'a  donc  rapporté  à  M.  Say  que  des  faussetés,  et,  par 
l'induction  qu'on  a  voulu  en  tirer,  des  calomnies,  dont  M.  Say 
a  eu  le  talent  de  se  rendre  l'interprète.  Je  me  réserve  tous  mes 
droits  à  cet  égard;  et,  quanta  présent,  je  vous  prie,   Mon- 


PARIS, 

sieur ,  si  au  besoin  je  vous  requiers,  conformément  à  l'article  i  « 
«le  la  loi  du  •/!">  mars  i8aa,  d'insérer  la  présente  réponse  dans 
votre  plus  prochain  cahier.  J'ai  l'honneur  détre,  Monsieur, 

votre  très-humble  et  très-obéissant  serviteur, 

Le  préfet  de  VHéràult,  maître  des  requêtes, 
Baron  Crevzf  de  Lessi  b 

Nous  avons  communiqué  à  M.  Sxxla  lettre  ci-dessus,  et 

nous  en  avons  reçu  la  réponse  suivante. 

A  Mr  M.  le  Directeur  de  la  Revue  Encyclopédique. 
Monsieur, 

Je  n'ai  rien  à  répondre  à  M.  Creuzé  de  Lesser,  préfet  actuel 
du  département  de  l'Hérault,  car  ce  n'est  pas  de  lui  que  j'ai 
entendu  parler  dans  l'article  dont  il  se  plaint.  Je  tiens  le  lait 
qui  m'a  servi  d'exemple  d'un  savant  respectable,  connu  de 
toute  l'Europe  ,  et  qui  m'inspire  une  entière  confiance.  Si 
M.  Creuzé  me  fournit  des  preuves  que  les  nombres  que  j'ai 
rapportés  ne  sont  pas  exacts,  je  les  rectifierai  volontiers;  car, 
dans  mes  recherches  scientifiques,  je  n'ai  à  cœur  (pie  la  vérité. 
Il  ne  s'agit  pas  seulement  de  savoir  quelle  est  la  quantité  d'ha- 
bitans  déclarée  par  l'administration,  mais  de  prouver  que  le 
dénombrement  a  été  bien  fait. 

Au  reste,  un  auteur  de  statistique  serait  excusable  de  croire 
à  une  légère  diminution  dans  la  population  de  Montpellier, 
par  suite  de  la  désertion  des  étudians  (je  cette  école  célèbre,  à 
l'époque  où  des  gendarmes  chargèrent ,  an  théâtre  de  cette 
ville  ,  les  spectateurs  qui  avaient  eu  le  malheur  de  ne  pas 
trouver  de  leur  goût  une  comédie  de  M.  le  préfet. 

J'ai  l'honneur,  Monsieur,  etc. 

J.  B.  Sat. 


Théâtres.  —  OnÉoxr. — Première  représentation  de  X Homme 
du  monde ,  drame  en  cinq  actes  et  en  prose,  par  MM.  Ancelot 
et  Saintine  (  jeudi  2  5  octobre  ).  —  Le  comte  de  Selmar  est  un 
homme  d'un  grand  nom,  et  auquel  les  malheurs  publics  ont 
enlevé  une  grande  fortune.  Parvenu  à  l'âge  de  4 2  ans ,  il  a  passé 
sa  vie  à  séduire  et  abandonner  des  maîtresses.  Un  jeune  homme, 
fruit  adultérin  d'une  de  ses  premières  séductions,  a  été  élevé 
parle  baron  de  Bléville,  sous  le  nom  d'Arthur.  Au  moment  où 
la  pièce  commence,  Selmar,  toujours  homme  à  bonnes  fortunes, 
commence  cependant  à  comprendre  qu'il  a  besoin  d'un  autre 
rang  dans  le  monde;  il  devient  ambitieux,  sans  cesser  d'être  li- 
bertin; il  songea  faire  adopter  un  vaste  plan  de  commerce,  et 


524  FRANCE. 

il  postule  un  emploi  diplomatique,  en  même  tems  qu'il  met  en 
jeu  tous  les  artifices  du  séducteur  pour  se  faire  aimer  de  la  jeune 
et  aaïve  Emma ,  fille  adoptive  de  Mme  de  Terny.  Cette  femme , 
déjà  sur  le  retour,  unit  à  de  bonnes  qualités  les  goûts  du  monde 
et  delà  dissipation;  elle  est  engouée  du  comte  de  Sclmar,  qui 
est  installé  dans  son  château,  et  qui  trouve  ainsi  le  moyen  de 
s'insinuer  dans  le  cœur  d'Emma  qui  l'aime  sans  le  savoir,  et  à 
laquelle  il  n'a  encore  parlé  que  d'amitié.  Cependant,  au  moment 
où  cette  jeune  fdle  commence  à  deviner  et  son  propre  amour  et 
les  sentimens  du  comte,  arrive  au  château  de  Terny  la  vicom-^ 
tesse  d'Orbigny,  femme  bonne,  mais  légère,  et  qui  aime  encore 
Selmar ,  dont  elle  a  été  abandonnée.  Elle  ne  tarde  pas  à  s'aper- 
cevoir de  l'amour  d'Emma;  son  innocence  la  touche,  et  elle  lui 
dévoile  l'abîme  où  veut  l'entraîner  Selmar.  Mais  bientôt  celui-ci 
use  de  tous  ses  moyens  de  tromper  pour  vaincre  les  scrupules 
d'Emma;  cette  scène  de  séduction  se  passe  pendant  un  violent 
orage;  Emma  effrayée  par  un  coup  de  tonnerre  s'arrache  des 
bras  de  Selmar  et  se  réfugie  dans  un  pavillon  où  l'on  devine  que 
Selmar  va  la  suivre,  et  la  toile  tombe.  Au  troisième  acte,  nous 
sommes  à  Plombières  ;  Selmar  a  repris  (  comme  on  disait  sous 
le  règne  de  Louis  XV)  la  vicomtesse  d'Orbigny,  qu'il  n'aime 
plus,  mais  dont  l'oncle,  devenu  ministre  ,  a  fait  adopter  ses  pro- 
jets ,  et  promet  de  lui  ouvrir  la  carrière  des  honneurs.  Cepen- 
dant, Emma,  plongée  dans  une  mélancolie  profonde,  arrive  à 
Plombières,  conduite  par  Mmede  Terny,  qui  vient  y  chercher 
pour  sa  fille  adoptive  le  secours  des  eaux.  Après  une  explica- 
tion entre  Emma  et  Selmar,  dans  laquelle  celui-ci  refuse  for- 
mellement de  l'épouser,  parce  que  ce  lien  pourrait  nuire  à  ses 
vues  d'ambition  ,  la  pauvre  jeune  fdle  perd  la  tête,  et  fait  l'aveu 
de  son  déshonneur  devant  la  vicomtesse  d'Orbigny ,  et  devant 
le  jeune  Arthur.  Arthur,  dont  les  sentimens  vertueux  forment 
un  contraste  assez  dramatique  avec  l'immoralité  de  son  père  , 
est  éperdûment  amoureux  d'Emma  ;  mais,  sa  naissance  équi- 
voque lui  ôtant  tout  espoir  d'obtenir  sa  main,  il  s'était  éloigné 
du  château  de  Terny  où  nous  l'avons  vu  pendant  les  premiers 
actes,  et  c'est  par  hasard  qu'il  retrouve  Emma  à  Plombières. 
Instruit  de  ce  fatal  secret,  Arthur  ne  songeplus  qu'a  contraindre 
le  comte  de  Selmar  à  rendre  l'honneur  à  la  victime  de  ses  sé- 
ductions. Mais,  après  avoir  employé  vainement  le  langage  de 
l'honneur  et  de  la  vertu  ,  il  le  provoque  publiquement  au  milieu 
d'un  bal ,  et  devant  une  députation  des  magistrats  de  Plom- 
bières qui  sont  venus  le  remercier  d'un  important  service  qu'il 
a  rendu  à  leur  ville.  Selmar  se  voit  réduit  à  accepter  cet  affreux 
combat,  et  le  rendez  -vous  est  pris  pour  le  lendemain  malin. 


PARIS.  ',/-, 

Pendant  que  foui  le  monde  j'est  rendu  à  la  fête  que  donne  le 
comte  de  Selmar*  Emma  seule,  abandonnée  à  son  désespoir, 
forme  l«-  projet  de  se  dérobera  tous  Les  regards.  Elle  s'échappe 
à  demi  vriiie  de  chez  M"":  de  Temy  ,  et  après  avoir  erré 
toute  la  nuit  au  milieu  des  champs,  elle  s'arrête  épuisée  de  dou- 
leur et  de  fatigue  à  la  porte  d'une  fermer  Le  hasard  l'a  conduite 

chez  Su/elle,  sa  SOSUf  de  lait .,  mariée  depuis  p<*u,  et.  que  l'auteur 
nous  a  déjà  l'ait  connaître.  Nu/etfeell  rayée  de  son  état  appelle  un 
médecin,  et  tandis  qu'on  lui  donne  les  premiers  soins,  arrivent 
Arthur  et  Selmar,  avec  leurs  témoins.  Le  lieu  du  rendez-vous 
lest  voisin  de  la  terme,  et  une  pluie  Oui  tombe  par  torrens  les 
oblige  à  se  réfugier  sous  l'espèce  de  hangar  que  représente  la 
scène.  Au  moment  où  ils  mettent  l'épée  à  la  main,  Bléville,cet 
ami  commun  qui  a  servi  de  père  à  Arthur ,  accourt  et  lui  révèle 
le  secret  de  sa  naissance;  Emma  S€  précipite  hors  de  l'appar- 
tement et  tombe  aux  pieds  d'Arthur,  en  le  conjurant  d'épargner 
Selmar.  dette  dernière  épreuve  achève  d'épuiser  les  forces  de 
l'infortunée,  et  elle  expire,  en  disant  :  Entendez-vous  lu  foudre? 
Le  tonnerre  gronde  en  effet,  comme  pour  lui  rappeler  la  scène 
fatale  du  pavillon. 

Les  trois  premiers  actes  de  cette  pièce  sont  communs,  sous 
le  rapport  de  l'action  et  des  caractères;  le  4e  et  le  5e  sont 
touchans;  la  scène  de  la  provocation  au  4e  est  fort  belle;  niais 
on  regrette  qu'il  faille  l'acheter  par  l'inconvenance  de  cette 
députation  municipale,  qui  tombe  comme  des  nues  au  milieu 
(l'un  bal  et  des  tables  de  jeu,  pour  faire  un  discours  officiel. 
L'homme  du  monde  est  un  égoïste  qui  sacrifie  tout  à  son 
plaisir,  à  son  ambition  et  aux  préjugés  de  la  société;  il  y  a 
sans  doute  des  hommes  dont  le  cœur  est  aussi  sec  que  celui  de 
Selmar  ,  il  y  en  a  qui  raisonnent  aussi  froidement  leur  immora- 
lité et  les  malheurs  qu'elle  cause;  ces  caractères-là  sont  de  tous 
les  temsj  mais  il  n'y  en  a  plus  qui  affichent  le  métier  d'homme 
à  bonnes  fortunes  et  pour  qui  ce  soit  un  moyen  de  réussir  dans 
le  monde.  Ce  sont-là  des  mœurs  qui  datent  de  cinquante  ou 
soixante  ans.  Avec  la  réputation  dont  jouit  Selmar  dans  cette 
pièce,  un  homme  du  monde  aujourd'hui  pourrait  encore  faire 
son  chemin  dans  les  places;  mais  il  serait  bien  sûr  de  n'obtenir 
aucune  estime  dans  la  société.  A  la  vérité  ,  les  personnes  qui 
l'entourent  ont  l'air  de  se  méprendre  sur  son  compte,  mais  on 
ne  conçoit  pas  cette  méprise,  et  les  spectateurs  sont  tous  de 
lavis  d'un  certain  Saint-Paulin,  personnage  épisodique,  fron- 
deur, parasite,  joueur ,  espèce  d'homme  du  monde  subalterne, 
et  qui  ne  se  gène  pas  pour  faire  les  honneurs  de  la  réputation 
du  comte  de  Selmar.  Nous  ajouterons  que,  si  l'on  considère  le 


ostf  FRANCE. 

héros  de  cotte  comédie  comme  une  copie  des  moeurs  d'autrefois, 
on  trouvera  encore  qu'il  manque  de  charme  dans  les  manières, 
et  de  profondeur  dans  la  séduction.  Les  autres  personnages 
sont  en  général  bien  tracés;  Emma  est  fort  touchante,  et  le  vif 
intérêt  qu'inspirent  plusieurs  situations  de  ce  roman  en  action 
lui  procurera  sans  doute  un  assez  grand  nombre  de  représen- 
tations. La  pièce  est  jouée  d'ailleurs  avec  beaucoup  d'ensemble. 
— Première  représentation  de  La  Sœur  ou  Les  deux  Riches , 
comédie  en  cinq  actes  et  en  vers,  par  M.  ***  (jeudi  i5  no- 
vembre ).  —  Nous  n'essaierons  point  de  faire  l'analyse  d'une 
pièce  dont  l'intrigue  est  si  embarrassée  que  nous  ne  nous  flatte- 
rions pas  de  la  débrouiller  ici  mieux  que  l'auteur  ne  l'a  dé- 
brouillée à  la  scène;  elle  a  paru  si  pénible  aux  spectateurs, 
qu'ils  ont  fini  par  ne  plus  chercher  à  la  comprendre  >  et  la 
dernière  moitié  de  la  pièce  a  été  assez  mal  écoutée.  Il  y  avait 
pourtant  dans  cet  ouvrage  quelques  situations  qui  méritaient 
plus  d'indulgence;  mais,  outre  l'obscurité  du  roman,  des  ca- 
ractères communs  ou  faux  et  un  style  dépourvu  d'élégance  ont 
trop  bien  justifié  les  rigueurs  du  parterre.  Cette  sœur ,  qui 
donne  le  titre  à  la  pièce,  n'y  joue  qu'un  rôle  fort  insignifiant  ; 
son  frère  est  un  artiste  comme  on  en  a  peint  bien  souvent , 
depuis  qu'on  a  pris  l'habitude  d'en  faire  des  modèles  de  con- 
duite et  de  vertu.  Jadis  on  les  peignait  de  préférence  un  peu 
mauvais  sujets  et  assez  originaux,  comme  Lantara  ,  ou  le  Fou- 
gères de  l'Intrigue  épistolaire  ;  je  ne  dirai  pas  si  cela  était  plus 
vrai  ;  mais  je  puis  affirmer  que  cela  était  plus  amusant.  Des  deux 
riches,  l'un  est  un  homme  très-vertueux,  mais  qui  ne  parle  que 
par  tirades  et  par  sentences;  l'autre  est  un  vil  coquin,  qui  no 
prend  aucune  peine  pour  déguiser  ses  inclinations  de  fripon  ; 
son  cynisme  à  cet  égard  n'a  pas  de  modèle  dans  la  société. 
L'auteur  s'est  fait  justice  en  retirant  sa  pièce;  c'est  un  homme 
d'un  esprit  distingué,  et  qui  entend  bien  le  théâtre;  mais  cotte1 
fois  il  s'est  complètement  trompé  ;  naguère  encore  il  avait  été 
plus  heureux,  et  la  scène  de  l'Odéon  a  souvent  retenti  dos 
applaudisscmens  mérités  par  quelques-unes  de  ses  produc- 
tions. M.   A.. 


Beaux-Arts.  —  Exposition  des  tableaux  en  1827. —  Pre- 
mier article  (1). — Les  arts,  comme  les  lettres,  consacrent  louis 

(1)  Cet  article  nous  arrive  trop  tard  pour  être  inséré  dans  notre 
première  section  ,  Mémoires  et  Notices,  où  son  étendue  et  l'importance 
du  sujet  lui  assignaient  une  place  ;  mais,  notre  quatrième  et  dernière 


PARI&  ->: 

productions  à  rappeler  les  tems  passés ,  ou  à  présenter  le 
tableau  «les  mœurs  actuelles.  La  tragédie,  l'épopée,  la  peinture 
historique,  en  retraçant  des  faits  connus!  doivent  s'appliquer 
à  peindre  fidèlement  des  événemens,  des  caractères,  des  cos- 
tumes, même ,  auxquels  il  n'est  plus  permis  de  rien  changer. 

I.a  comédie,  celle  qui  s'applique  à  La  peinture  des  caractères, 
a  cela  de  commuu  avec  la  tragédie,  L'épopée  el  la  peinture 
historique,  qu'elle  ne  peut  varier  que  dans  la  manière  de  les 
présenter,  et  non  dans  le  fonds  même  du  sujet;  mais  la  pein- 
ture de  genre,  comme  la  comédie  de  mirurs,  peuvent,  sans 
eesseï-  d'être  vraies,oiïrir  des  tableaux  toujours  nouveaux,  parce 
qu'elles  suivent  la  marche  de  leur  siècle. 

Tant  que  les  peintres  et  les  poètes  conservent  aux  mœurs 
anciennes  et  nouvelles  le  caractère  qui  leur  est  propre,  les 
lettres  et  les  arts  sont  dans  la  bonne  voie;  mais  il  y  a  perver- 
tissement,  du  moment  où  les  peintres  et  les  poètes  s'écartent, 
dans  leurs  créations,  de  la  vérité  historique,  soit  comme  ca- 
ractère moral ,  soit  comme  usages  reconnus,  soit,  même,  comme 
forme  matérielle. 

C'est  ainsi  que  l'on  a  reproché  à  Racine  d'avoir  sacrifié  au 
goût  de  son  tems,  en  faisant  d'Achille  un  amoureux  de  la  cour 
de  Louis  XIV,  au  lieu  de  le  représenter  tel  qu'il  est  connu  par 
l'histoire,  et  de  lui  donner  une  physionomie  conforme  aux 
mœurs  grecques  ;  c'est  ainsi  que  M.  Guérin ,  à  une  époque  ré- 
cente, s'est  également  écarté  delà  vérité  historique,  en  mettant 
sous  nos  yeux  un  Hippolyte  qui  ne  fut  jamais  le  fils  de  Thésée  et 
d'une  amazone,  mais  un  jeune  homme  élevé  mollement  et  auquel 
on  avait  donné  un  costume  héroïque.  C'est  ainsi,  enfin  ,  que  l'on 
a  vu  à  l'Opéra,  il  y  a  moins  de  cinquante  ans,  les  dieux,  les 
déesses  et  les  héros  venir,  sur  la  scène,  sous  des  costumes  où  le 
ridicule  des  modes  de  cette  époque  était  encore  exagéré. 

Dans  le  siècle  dernier,  l'école  française  avait  cédé  à  l'in- 
fluence du  mauvais  goût ,  tous  les  caractères  étaient  méconnus, 
et,  livrant  leurs  pinceaux  aux  caprices  de  la  mode,  les  artistes 


section  ^Nouvelles  relatives  aux  sciences ,  aux  lettres  et  aux  arts,  étant  des- 
tinée à  servir  de  complément  à  la  première,  comme  notre  troisième 
section  ,  Bulletin  bibliographique ,  ou  annonces  d'ouvrages  nouveaux  et 
choisis  ,  est  elle-même  le  complément  de  la  seconde  section  ,  Analyses 
d'ouvrages  importons ,  nous  comprendrons  dans  notre  Bulletin  mensuel 
des  Beaux  -  Arts  les  articles  sur  l' Exposition  des  tableaux  ,  afin  de  ne 
point  différer  de  mettre  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  les  divers  juge- 
mens  que  portera  noire  collaborateur  chargé  des  beaux-arts  sur  les 
productions  que  nos  artistes  auront  exposées  celte  année.         N.  du  B, 


5ȣ  FRANCE. 

lui  avaient  prostitue'  leur  talent.  David  lui-même  ,  ainsi  que 
je  l'ai  lait  remarquer,  dans  l'Essai  que  je  lui  ai  consacré  (i),  se 
montra  long -teins  attaché  au  système  alors  suivi;  il  fallut, 
pour  le  ramener,  la  vue  des  chefs-d'œuvre  de  l'Italie,  et  l'étude 
dos  admirables  créations  de  l'antiquité.  Son  retour  fut  complet, 
et  il  eut  la  gloire  d'entraîner  toute  l'école  à  sa  suite;  mais,  avant 
qu'il  eut  fermé  les  yeux,  déjà  l'on  avait  quitté  ses  traces.  Une 
génération  nouvelle  prétendit  que  l'école  de  David  man- 
quait d'originalité;  que  tous  ses  tableaux  se  ressemblaient; 
que  c'étaient  toujours  des  Grecs  et  des  Romains;  enfirij  que 
toutes  les  productions  de  cette  école  étaient  d'une  froideur 
désespérante.  Il  n'a  pas  manqué  d'écrivains  qui  ont  soutenu 
ce  système ,  sans  doute  de  bonne  foi ,  et  sans  s'apercevoir 
qu'ils  étaient  à  côté  de  la  question. 

Il  est  digne  de  remarque,  au  contraire,  que  les  élèves  de 
David,  doués  d'un  génie  qui  leur  est  propre,  diffèrent  autant 
entre  eux  qu'avec  leur  maître  lui-même.  Certainement,  Drouais, 
Girodet,  MM.  Fabre,  Gérard,  Gros  et  Ingres,  ont  suivi  les 
préceptes  de  David,  en  cela  qu'ils  ont  consacré  à  la  peinture 
historique  le  caractère  qui  lui  appartient;  mais,  leurs  produc- 
tions offrent  une  individualité  très-marquée.  Drouais  est  le 
seul  qui  chercha  à  reproduire  jusqu'à  la  manière,  jusqu'au 
faire,  pour  me  servir  de  l'expression  technique,  de  son  maître; 
et  l'on  se  rappelle  que ,  consulté  par  son  élève  chéri  sur 
l'agencement  d'une  composition,  David  lui  répondit  :  «  Le  tems 
est  venu,  mon  cher  ami,  où  vous  devez  essayer  de  voler  de 
vos  propres  ailes.  » 

Ainsi,  le  reproche  fait  à  l'école  de  David  manque  de  vérité; 
mais,  ce  qui  est  vrai,  c'est  que  les  peintres  qui  avaient  étudié  dans 
cette  école,  et  qui  n'étaient  pas  en  état  de  voler  de  leurs  propres 
ailes,  ont  voulu  ,  pour  rappeler  leur  maître  et  s'en  rapprocher, 
autant  que  cela  dépendait  d'eux,  traiter  les  mêmes  sujets,  pui- 
ser aux  mêmes  sources ,  et  les  Grecs  et  les  Romains  ont  eu 
bientôt  à  souffrir  de  la  faiblesse  des  moyens  d'artistes  impuis- 
sans  qui,  voulant  représenter  des  géans,  ne  pouvaient  faire 
que  des  pygmées. 

Les  novateurs  ont  pensé  qu'ils  cueilleraient  des  palmes 
nouvelles,  en  s'écartant  du  sentier  suivi  par  des  talens  qui 
n'avaient  pu  se  frayer  une  route.  Qu'ont-ils  fait?  Ils  ont  puisé 
leurs  sujets  dans  des  événemens  récens,  ou  dans  des  écrits  où 


(i)  Paris,   1827;  llenouard.  In-8°  Prix  ,    ï  fr.  5o  c. —Voyez  au.<«i 
Rev.  Eric ,  Notice  sur  David ,  t.  xxxiv,  p.  34, 


l'Ail!' 

l'on  invoque  l'histoire  pour  abuser  de  son  autorité.  On  a  vu 
les  Grecs  de  nouveau;  mais  ce  sont  les  Cires  modernes:  la 
foule  s'\  esl  arrêtée,  étonnée  que  les  personnages  que  Ton 
mettait  sous  ses  yeux  fussenl  si  loin  de  ses  souvenirs  et  de  ce 
que  lui  représentai.1  son  imagination. 

Si  celle  école  nouvelle  a\ail  essayé  de  mettre  dans  ses  ta- 
bleaux  ee  qui  l'ail  la  hase  de  tout  ait  :  l'étude  qui  produit  la 
virile  d'imitation,  et.  la  beauté  qui  fait  le  charme  de  toutes  les 
créations  de  l'esprit,  il  n'y   aurait  en   que  des  éloges  à    lui 

donner;  mais  il  n'en  a  pas  été  ainsi  :  elle  a  méconnu  les  prin- 
cipes qui  seuls  peuvent  produire  des  succès  durables.  C'est  en 
vain  que  l'on  chercherait  dans  les  productions  de  cette  école 
la  pureté  du  dessin  ,  l'élégance  des  formes,  l'heureuse  disposi- 
tion des  figures;  elle  a  tout  sacrifié  à  un  éclat  de  couleur  qui 
n'est  qu'un  des  moyens  matériels  de  l'art,  et.  à  la  force  et  à 
l'énergie  de  l'expression  qu'elle  a  quelquefois  rencontrées,  mais 
à  la  place*  desquelles  on  a  trop  souvent  trouvé  le  laid  et  le 
bizarre. 

Des  princes  ont  eu,  par  leur  caractère  personnel,  une  in- 
lluence  directe  sur  les  productions  de  l'esprit:  Périclès,  Au- 
guste, Léon  X,  Louis  XIV,  ont  vu  se  grouper  autour  d'eux  des 
hommes  qui  ont  immortalisé  leur  règne.  Ces  chefs  de  nations 
avaient  une  grandeur,  un  amour  du  beau,  qu'ils  ont  imprimés 
à  toutes  les  créations  de  leur  époque.  Les  grands  événemens 
éveillent  aussi  le  génie.  Certes,  notre  révolution,  d'ans  plusieurs 
de  ses  phases,  avait  bien  de  quoi  émouvoir  les  esprits,  et  les 
lettres  et  les  arts  ont  brillé  d'un  vif  éclat;  cependant  Bonaparte, 
mal  secondé,  a  plutôt  nui  qu'il  n'a  été  utile  aux  lettres  et  aux 
arts.  Dans  les  dernières  années  de  son  règne,  il  fallait  qu'il  fut 
l'objet  de  tous  les  travaux;  or,  l'adulation  est  presque  toujours 
in!»1  mauvaise  source  d'inspirations. 

C'est  en  cet  état  que  la  restauration  a  eu  lieu.  Louis  XVIII  a 
compris  qu'il  était  nécessaire  d'accorder  une  protection  spéciale 
aux  artistes;  il  l'a  fait,  autant  par  inclination  que  par  position, 
car,  non  seulement  c'était  un  homme  d'esprit,  mais  encore  il 
avait  senti  qu'il  était  d'une  politique  sage  de  se  faire  des  amis 
d'une  classe  d'hommes  qui ',  par  l'indépendance  de  ses  idées, 
n'est  pas  sans  influence.  On  répondit  à  un  Directeur  général  des 
musées  qui  demandait  comment  il  devait  employer  la  somme 
que  l'on  mettait  à  sa  disposition:  «Comme  vous  voudrez,  pourvu 
que  vous  nous  fassiez  des  amis.  >> 

En  suivant  cette  marche,  on  n'a  pas  tardé  à  fonder  une  na- 
tion d'artistes,  et  le  public  a  été  surpris   du   nombre  toujours 
croissant  de    tableaux  et  de  statues  qui  parai5  aient  à  ehaque 
t.  xxwi. —  Novembre  1827.  34 


53o  FRANCE. 

exposition.  Il  est  fâcheux  que,  dès  le  principe,  on  n'ait  pa» 
songé  à  employer  tous  ces  artistes  à  décorer  quelque  grand 
édifice,  par  exemple,  le  Louvre;  à  orner  de  peintures  les  prin- 
cipales églises  de  Paris  qui  sont,  en  général,  d'un  aspect  inté- 
rieur si  pauvre,  si  froid;  on  n'aurait  pas  éprouvé  cette  espèce 
de  fatigue,  de  satiété  même,  que  chaque  salon  a  fait  naître,  et 
l'on  aurait  abandonné  l'usage  des  tableaux,  sans  destination , 
pour  acquérir  celui  de  la  peinture  monumentale,  si  peu  cultivée 
en  France,  et  dont  on  sent,  enfin,  la  nécessité  et  l'importance. 

Je  dirai  plus  :  peut-être  eût-il  été  bien  vu  de  confier  le  dé- 
cor d'un  grand  monument  à  un  seul  artiste,  en  lui  donnant  les 
moyens  d'employer  ,  pour  le  seconder,  des  talens  qui  ne  sont 
véritablement  que  secondaires,  mais  qui ,  dirigés  par  une  main 
habile,  auraient  concouru  à  donner  à  l'ensemble  une  unité  que 
l'on  chercherait  en  vain  dans  une  collection  de  tableaux  distri- 
bués et  composés  au  hasard. 

On  s'est  aperçu  ,  enfin  ,  que,  bien  loin  d'encourager  les  arts, 
on  hâtait  leur  décadence,  en  continuant  de  confier  des  travaux 
à  des  hommes  qui  se  croient  peintres  par  cela  seul  qu'ils  savent 
manier  un  pinceau,  comme  si  l'exécution  manuelle  suffisait 
pour  faire  un  peintre  d'histoire.  Pour  arrêter  cette  espèce  de 
débordement,  on  s'est  donc  montré  sévère  au  jury  d'admission 
pour  l'exposition;  et,  cependant,  combien  de  tableauxauraient 
pu  être  justement  refusés!  On  s'est  décidé,  aussi,  à  confier  aux 
artistes  les  plus  habiles  le  soin  d'orner  de  peintures  une  partie 
du  Louvre. 

Au  moment  où  j'écris,  cette  partie  de  l'exposition  n'est  pas 
encore  ouverte,  et,  comme  ce  doit  être  la  plus  intéressante,  je 
ne  commencerai  l'examen  particulier  du  salon  que  lorsqu'elle 
aura  été  livrée  aux  regards  du  public,  afin  de  pouvoir  suivre 
l'ordre  que  j'ai  adopté  jusqu'ici.  Je  puis  dire,  cependant ,  que 
le  livret  contient  io58  numéros  pour  la  peinture;  i44  pour  la 
sculpture;  i38  pour  la  gravure;  73  pour  la  lithographie,  et  i3 
pour  des  dessins  d'architecture;  en  tout,  1426  numéros,  dans 
lesquels  il  en  est  plusieurs  qui  désignent  une  collection  d'objets. 
Il  faut  y  ajouter  les  peintures  des  salles  du  Louvre,  et  l'on  aura 
une  idée  juste  de  l'ensemble  des  productions  des  arts  qui  font 
l'objet  de  cette  exposition.  P.  A. 


53 1 


ERRATA 

Exigés  par  les  suppressions  partielles  <lc  la  Censure,  dans 

quelques  articles  des  Cahiers  de  Juillet,  r/'Aoùt,  de  Septembre  et 

<f Octobre  (i). 

T.  xxxv,  cahier  de  Juillet. 

P.  18,  1.  5,  après  ces  mots  :  Qui  avait  usurpé  le  pouvoir 
(ou  parle  de  Bonaparte),  rétablissez  ceux-ci  :  et  détruit  la  liberté 
en  France. 

P.  19,  1.  5,  où  il  est  question  du  collège  philosophique  de 
Louvain,  qui  fait  espérer  les  plus  heureux  résultats,  rétablissez 
ces  mots  :  et  doit  procurer  à  notre  pays  un  clergé  catholique , 
élevé  dans  l'esprit  d'une  tolérance  véritablement  chrétienne. 

P.  34)  1,6,  après  ces  mots  :  Il  (M.  Laujuinais  )  n'a  cessé  de 
défendre  les  libertés  publiques,  lisez:  souvent  compromises  ou 
menacées. 

P.  6i,l.  17,  après  ces  mots  :  mérinos  qui  dévorent  tout  sur 
leur  passage ,  lisez  :  Et  cjui  jouissent  du  privilège  de  brouter  tout 
champ  qui  ri  appartient  pas  à  l'église. 

P.  1 19,  1.  9,  rétablissez  ce  passage  entier  :  Les  seigneurs  de 
la  cour  prirent  le  nom  ridicule  de  Mississipiens ,  pour  mieux 
faire  des  dupes,  et  ils  amoncelèrent  des  richesses  illégitimes 
qui,  reprises  par  notre  révolution,  valent  à  leurs  descendans 
les  plus  riches  parts  dans  le  milliard  de  l'indemnité.  Le  régime 
colonial,  digne  émanation  du  despotisme,  continua  de  para- 
lyser la  production  sur  une  terre  vierge  encore;  et  la  Loui- 
siane devint  la  cause  et  le  gage  de  guerres  ruineuses.  Que  ne 
peut  une  sage  liberté!  et  comme  elle  sème  rapidement  ses 
bienfaits! 

P.  120,  1.  12,  rétablissez  ainsi  la  phrase  où  Ton  avait  re- 
tranché les  mots  que  nous  soulignons  ici  :  La  liberté,  si  con- 


(1)  Les  articles  entiers  que  la  Censure  avait  supprimés  ,  et  que  nous 
avons  enfin  la  liberté  de  reproduire,  sont  déjà  rétablis  en  partie  ,  à 
la  fin  de  notre  précédent  cahier,  en  partie  dans  celui-ci  ;  avec  la  marque 
suivante  X-  La  publication  de  ces  articles  et  des  passages  retranchés 
suffira  pour  faire  connaître  dans  quel  esprit  et  sous  quelle  influence 
était  exercée  l'inquisition  littéraire  ,  chargée  d'opprimer  ,  d'étouffer  f 
de  mutiler  la  pensée.  Il  est  donc  inutile  de  prévenir  les  réflexions  de 
nos  lecteurs.  N.  du  /?. 

34. 


\\-2  ERRATA  PROVENANT  DES 

(milite  sur  les  (tords  de  la  Seine,  règne  en  souveraine  sur  les  bord» 
du  Vîississi pi . 

P.  ia8,  1.  36,  après  ces  mots  :  Il  fut  tué  à  côté  de  Riégor 
ajoute/.  :  au  moment  même  où  ce  martyr  de  la  liberté  tombait 
entre  les  mains  des  royalistes  espagnols. 

P.  i3i,  1.  9,  rétablissez,  à  la  suite  de  l'alinéa,  le  passage  sui- 
vant :  Mais,  forts  de  l'autorité  des  évangélistes  Marc,  Luc  et 
Mathieu,  et  de  l'exemple  des  chrétiens  des-  deux  premiers 
siècles  de  l'église,  dont  la  grande  majorité  croyait  à  l'huma- 
nité de  Jésus-Christ,  des  unitaires  repoussent  par  des  articles 
insérés  dans  The  Monthlej  repositoiy,  The  Christian  reformer, 
The  Christian  refeetnr,  les  attaques  théologiques  de  leurs 
adversaires  et  voient  augmenter  sans  cesse  le  nombre  déjà  très- 
considérable  de  leurs  prosélytes. 

P.  i85,  1.  9,  rétablissez  le  passage  suivant  qui  terminait  le 
compte  rendu  d'un  ouvrage  de  M.  Madrolle  :  Après  cet 
humble  aveu,  nous  aurions  mauvaise  grâce  à  entrer  dans  une 
iulte  d'ailleurs  inégale,  et  nous  pensons  qu'il  n'y  a  lieu  ni  à 
réfuter,  ni  même  à  brûler  le  livre  de  M.  Madrolle.  Nous 
crovons  cependant  devoir  lui  faire  remarquer  une  erreur  im- 
portante et  fondamentale.  Il  raisonne  toujours  sous  l'empire 
de  la  crainte  de  la  révolution,  même  de  1789.  M.  Madrolle  et 
ses  partisans  ne  devraient  point  oublier  que  cette  révolution, 
qu'ils  regardent  encore  comme  si  menaçante,  n'est  point  à 
faire,  elle  est  faite.  M.  Madrolle,  au  reste,  n'est  nullement 
i'amiliarisé,  comme  on  le  voit,  avec  les  idées  actuelles;  mais 
il  est,  quant  à  la  durée  de  leur  triomphe  et  de  leur  résultat, 
un  juge  que  M.  Madrolle  invoque  (en  y  joignant  la  censure  , 
et  que  nous-mêmes  ne  craignons  pas  d'invoquer  seul ,  et  mal- 
gré la  censure;  c'est  le  tems. 

P.  190,  rétablissez  les  lignes  suivantes  qui  terminaient  un 
article  sur  un  Recueil  des  lettres  de  Jean  Sobieski  :  Le  recueil 
qui  les  renferme  est  précieux  pour  l'histoire;  et  dans  ce  moment 
surtout,  on  ne  le  lira  point  sans  y  puiser  d'utiles  réflexions. 

P.  191,1.  17,  après  ces  mots  :  A  la  victoire;  rétablissez  le 
passage  suivant  :  Le  retour  de  Ferdinand  ne  réalisa  point  les 
espérances  de  Van-Halen  et  de  ses  compagnons  d'armes.  A  la 
fin  de  181 5  ,  se  forma  une  association  patriotique  dont  le  but 
ét<ait  d'éclairer  le  monarque  égaré  par  les  intrigues  de  quelques 
courtisans,  et  d'obtenir  les  institutions  et  les  libertés  réclamées 
par  les  amis  sincères  de  la  patrie.  Don  Juan  Van-Halen,  comme 
la  plupart  des  militaires  éclairés  de  son  pays,  adopta  avec  en- 
ihousiasme  les  projets  et  les  espérances  que  les  progrès  tou- 
jours crofesans  de  cette  association  avaient  fait  concevoir  à  ses 


M  TKAN(.in;\n.\s  DE  LÀCKNSi  RE. 

im-mlu •<•>.  Train  par  nu  confident  infidèle,  il  fut  arrêté  a  IVIurcie 
où  il  commandait  un  corps  de  cavalerie,  et  conduit  à  Vladrid 
dans  les  prisons  de  l'inquisition. 

'li'inc  page ,  l.  * 'i  ,  ajoutes,  piour  terminer  l'article  sur  les 
Mémoires  de   />../.   i  un  Halen,  <•<•   passage:  Don  Juan  Van 
If. ilcn,   forcé  de  s'éloigner  de  ['Espagne  où  ses  persécuteurs 
continuaient  à  dominer,  vint  lui  consacrer  de  nouveau  son 

liras  et  ses  sert  i<-es,  lorsque  la  révolution  de  i  H/o  cul  ren\  ci  si 

le  système  contre  lequel  il  avait  conspiré.  Un  nduveau  vol  mue 

non-   promet   le  récit  irs  événement  dont  il  lut  alors  le  témoin, 

surtout  pendant  Les  années  1822  et  18VJ. 

Cahier  d\ -huit. 

P.  ')()(,:,  1.  a  à  Ç;  Ijsez  :  <  néanmoins  je  lui  a  Talma  connue 
une  réelle  constance  sur  quatre  objets.  .  .  son  regret  sincère  et 
profond  des  vertus  républicaines;  sa  reconnaissance  personnelle 
envers  1  homme  dont  le  pouvoir  extraordinaire  les  avait  oppri 
mecs,  mais  qu'il  regardait  comme  étant  son  généreux  bienfai- 
teur.» .  .  .  (Les  mots  imprimés  en  caractères  italiques  avaient  été 
supprimés  parla  censure  ,  protectrice  de  la  mémoire  de  Bona- 
parte; 

P.  /}38,  I.  3/i  ,  après  ces  mots:  On  trouve  dans  les  Lettres 
jM'/sanes  une  fine  critique  des  mœurs  françaises  à  cette  époque; 
ajoutes;  ceux-ci  :  Des  esquisses  d'hommes  vils  et  superbes,  le 
tableau  d'un  clergé  ambitieux,  celui  de  la  multiplicité  des  cou- 
vensqui  ne  se  peuplent  qu'au  détriment  de  l'État,  sans  donner 
à  Dieu  «  des  adorateurs, »  comme  le  dit  Condorcct,  (ont  encore 
pour  nous  un  livre  de  circonstance  de  cette  composition  ingé- 
nieuse et  originale,  où  l'on  reconnaîtra  plusieurs  vices  cou 
temporaii.s  dans  ceux  que  sa  plume  nous  retrace,  et  que  nous 
avions  du  croire  à  jamais  relégués  dans  les  vieux  souvenirs  de 
noSçiinnales. 

.Même  page,  I.  .'|0,  ajoutez  à  l'alinéa  ce  passage  :  Sa  Disser- 
tation sur  la  politique  de  ce  peuple,  dont  la  puissance  dominait. 
Mir  une  partie  de  ce  monde,  a  pour  objet  de  prouver  celle 
vérité  dont  les  gouvernemens  ne  sauraient  trop  se  pénétrer , 
<  que  la  religion  doit  être  employée  au  profit  et  au  service  de 
I  État,  et  non  l'État  être  sacrifié  à  la  religion  et  à  l'esprit  d'en 
vahissement  des  prêtres.  » 

P.  43c),  1.  35;  -placez  ici  l'alinéa  suivant,  retranche  en  cnt:<  t 

Parmi  ses  Pensées  diverses  [de  Montesquieu),  il  en  est  plusieurs 

qui  sont  très- remarquâmes-  Il  dit,  en  parlant  de  la  dévotion, 

qu'elle  trouve,  pour  faire  <ie  mauvaise?  action*,  des   raison 


534  ERRATA  PROVENANT  DES 

qu'un  simple  honnête  homme  ne  saurait  trouver;  »  en  parlant 
des  ecclésiastiques,  «  qu'ils  sont  trop  souvent  les  flatteurs  des 
princes ,  lorsqu'ils  ne  peuvent  être  leurs  tyrans;  »  en  parlant  des 
princes  et  des  peuples  :  «  Je  ne  puis  comprendre  comment 
les  princes  croient  si  aisément  qu'ils  sont  tout,  et  comment  les 
peuples  sont  si  prêts  à  croire  qu'ils  ne  sont  rien.  » 

P,  /j/ii,  I.  17;  rétablissez  l'alinéa  suivant,  retranché  tout  en- 
tier :  Si  l'auteur  se  plaît  à  proclamer  les  droits  de  la  royauté ,  il 
est  trop  ami  de  la  vérité  et  de  la  justice  pour  ne  pas  reconnaître 
en  même  tems  les  droits  des  peuples.  «  Les  peuples  doivent  être 
bien  légitimes,  puisque  c'est  d'eux  que  Dieu  fait  naître  les  rois.  » 
(Page  67».) 

P.  444 ,  1-  3 ,  dans  rénumération  des  titres  de  chapitres  d'un 
ouvrage  de  M.  Henrion  de  Penset,  intitulé  :  De  Vautoritè  ju- 
diciaire en  France ,  rétablissez  les  titres  snivans:  Du  parlement 
et  de  sa  participation  à  l'exercice  de  la  puissance  législative.  Du 
droit  de  faire  des  remontrances  sur  les  lois  qui  étaient  adressées 
et  des  lits  de  justice. 

Cahier  de  Septembre. 

P.  576,  1.  20,  dans  la  Notice  sur  Madame  Guizot ,  rétablissez 
l'alinéa,  retranché  tout  entier  :  Si  le  christianisme  n'était  que  la 
foi  dans  la  Providence  et  dans  le  céleste  avenir;  s'il  n'admettait 
d'autre  mystère  que  la  divine  origine,  la  divine  règle,  la  divine 
fin  de  notre  nature;  s'il  ne  voulait  d'autre  culte  quela  prière  et 
d'autre  tradition  que  la  révélation  sur  la  terre  de  l'éternelle 
vérité;  si,  enfin,  l'Evangile  interprété  par  la  raison  était  le 
christianisme,  on  pourrait  dire  que  madame  Guizot  était  chré- 
tienne. Quelle  qu'elle  fut,  sa  foi  n'était  point  une  simple  for- 
mule ;  elle  dominait  ses  pensées,  ses  sentimens,  sa  vie,  et  sa 
mort  vient  encore  de  l'attester.  Elle  a  désiré  être  ensevelie 
selon  le  rit  de  l'église  réformée.  C'était  la  religion  de  son  mari, 
à  qui  elle  voulait  en  tout  être  unie;  c'était  de  plus  le  seul  culte 
dont  les  cérémonies  funèbres  n'eussent  rien  de  contraire  à  sa 
croyance.  Il  lui  importait  de  n'être  pas  confondue  avec  l'in- 
crédule; elle  voulait  qu'on  sût  qu'elle  était  religieuse  :  peut-être 
est-il  singulier  que  les  hommes  aient  eu  besoin  d'être  quelque 
chose  de  plus. 

P.  59 1 , 1.  1 4  ,  après  ces  mots  :  La  vieille  routine  d'étude,  ori- 
ginaire des  tems  de  barbarie  scolastique,  lisez  :  et  de  la  super- 
stition de  l'Eglise  romaine. 

Même  page,  1.  20,  après  ces  mots  :  les  méthodes  de  la  roit- 
tine  et  de  l'autorité  dirigent  encore  l'enseignement  logique,,  lr- 


RETRANCHE  MENS  DE  LA  CENS  I  RE.     515 

ses:  ainsi qtt'à  Salamanqne  où  h  l<i  Sàpiencc  des  jésuites  lo- 
in, tins. 

P.  6ia,  I.  18,  rétablisses  l'alinéa  suivant,  retranché  tout  en- 
tier :  Les  [ndiens  ont  tons  été  convertis  au  catholicisme  es- 
pagnol :  c'est-à-dire,  qu'Us  sont  soumis  à  l'autorité  des  moines, 
et  qu'ils  prennent  part  bus  cérémonies  du  culte;  mais  leur 
nouvelle  religion  les  laisse  aussi  ignorans,  aussi  vicieux ,  aussi 
superstitieux  que  l'ancienne.  Cependant ,  elle  forme  un  lien 
entre  eux  et  les  peuples  civilisés;  la  connaissance  universelle- 
ment répandue  de  la  langue  espagnole  en  forme  »m  autre,  et 
l'on  sent  que  les  Indiens  peuvent  désormais  s'élever,  qu'ils 
peuvent  se  fondre  en  un  seul  corps  avec  leurs  conqnérans ,  et 
que  leur  condition  n'est  pas  plus  mauvaise  que  celle  des  classes 
inférieures  de  la  société  en  Europe.  L'influence  (\\\  gouverne- 
ment et  de  la  religion  était  mauvaise,  au  Mexique  comme  en 
Espagne  :  les  laboureurs,  les  artisans,  cpii  sont  lotis  Indiens, 
sont  indôlens,  adonnés  à  l'ivrognerie,  dépourvus  d'émulation; 
mais,  avec  un  changement  dans  les  lois,  ils  peuvent  se  relever; 
car  ce  n'est  pas  comme  caste  opprimée  qu'ils  sont  abrutis,  c'est 
comme  bas  peuple. 

P.  617  ,  rétablissez  le  passage  suivant  qui  commençait  l'ana- 
lyse de  la  Vie  de  N(i])o/eon,pav  Waltcr  Scott. 

Après  le  grand  événement  de  la  réformation,  la  révolution 
française  a  été  l'événement  le  plus  considérable  (les  tems 
modernes;  moins  sans  doute  par  ses  résultats  directs  et  rela- 
tifs à  la  France,  que  par  sa  prodigieuse  influence  sur  les  des- 
tinées générales  de  l'humanité.  Les  remparts  de  l'Océan,  et  plus 
encore  l'ignorance  et  l'inertie  politique  des  esprits  avaient 
tenu  les  principes  de  la  révolution  anglaise  renfermés  dans  une 
île;  les  principes  de  la  révolution  américaine  (autre  grande 
époque  pour  le  genre  humain  )  ne  semblaient  applicables  qu'aux 
colonies  qui  repoussaient  le  joug  récent  de  la  conquête,  et  le 
droit  mal  justifié  des  métropoles;  ces  (\ifux  révolutions,  d'ail- 
leurs, n'étaient,  pour  ainsi  dire,  qu'un  retour  à  un  état  plus 
ancien,  et  il  ne  s'agissait,  à  la  rigueur,  que  de  revendiquer  des 
titres  jadis  possédés  par  des  hommes  qui  en  avaient  été  dé- 
pouillés; on  invoquait  le  passé  pour  restaurer  l'avenir. 

Rien  de  pareil  ne  s'est  vu  dans  la  révolution  française  ;  elle 
a  attesté  des  titres  plus  anciens,  plus  universels,  plus  inbérens 
à  la  nature  humaine  :  les  droits  de  l'homme.  Elle  s'est  proposé 
un  but  plus  absolu,  plus  décisif,  plus  propre  surtout  à  servir 
d'exemple  :  une  complète  réorganisation  sociale,  fondée,  non 
sur  de  vieilles  chartes  exhumées  de  quelques  archives,  mais 


536  ERRATA  PilOY  ENA1NT  DES 

sur  le  droit  imprescriptible  qu'elle  reconnaissait  aux  hommes 
réunis  en  société  de  fixer  les  règles  de  leur  association. 

Et  ici,  ce  n'est  point  une  doctrine  que  nous  établissons, 
c'est  un  (ait  que  nous  voulons  simplement  expliquer.  Nous 
n'examinons  point  s'il  eût  été  plus  avantageux  \  our  la  France 
d'a\oir  des  droits  perdus  à  recouvrer,  d'antiques  libertés  à 
faire  revivre,  au  lieu  de  se  créer  des  droits  nouveaux,  et  de 
fonder  une  liberté  sans  titres  antérieurs,  et  dépouillée  du  respect 
que  se  concilient  d'ordinaire  les  vieilles  origines.  Londres  nous 
a  prouvé  qu'une  réforme  où  il  ne  s'agit  que  de  revendication 
peut  encore  être  terrible,  et  s'abreuver  aussi  du  sang  des  rois. 
Il  est  probable  cependant  que  ,  si  nous  n'eussions  eu  qu'à 
réparer,  si  notre  état  ancien  eût  pu  nous  fournir  des  bases 
assez  solides  encore  pour  soutenir  des  constructions  nouvelles y 
notre  réforme  eût  été  plus  facile,  plus  calme  et  plus  parfaite 
peut-être.  Mais  telle  n'était  point  notre  position;  il  a  fallu 
qu'une  complète  dissolution  de  notre  ancien  ordre  politique 
s'opérât,  pour  qu'un  ordre  nouveau  prît  naissance  ;  et  dans  ce 
prodigieux  travail  d'une  société  qui  se  régénère,  la  France 
restera  comme  un  grand  et  fatal  exemple,  capable  d'effrayer, 
mais  aussi  d'instruire  les  nations.  Comme  de  la  réformation 
date  le  principe  d'examen  dans  l'ordre  religieux,  de  la  révo- 
lution française  datera  le  principe  d'examen  dans  l'ordre  poli- 
tique ;  c'est  là  un  fait  dont  quelques  opinious  pourront  se 
plaindre,  mais  qu'aucune  ne  peut  nier,  et  qui  d'ailleurs  fut 
solennellement  proclamé  par  l'homme  qui  a  dit  que  de  la 
révolution  de  1789  commençait,  pour  le  monde,  l'ère  ôcù 
gouvernemens  représentatifs;  parole  mémorable,  et  qu'un  quart 
de  siècle  a  déjà  revêtue  d'une  grande  consécration. 

C'est  cette  révolution  ,  c'est  cet  homme  dont  Walter  Scott  a 
entrepris  d'écrire  l'histoire.  Nous  laisserons  à  d'autres  le  soin 
d'examiner  les  titres  de  cet  écrivain  à  entreprendre  cette 
grande  tâche;  que  Walîer  Scott  soit  Anglais,  qu'il  soit  tory, 
peu  nous  importe;  ses  opinions  ne  sauraient  être  une  autorité 
contre  nous,  si  elles  ne  sont  pas  conformes  à  l'opinion  la  plus 
générale;  sa  sentence  ne  saurait  être  définitive,  si  elle  n'est 
ratifiée  par  la  voix  des  contemporains  et  parcelle  delà  posté- 
rité. Ce  n'est  pas  d'ailleurs  à  un  étranger  accoutumé  dès  son 
enfance  à  envisager  sous  un  certain  point  de  vue  les  faits  qu'il 
raconte,  connu  par  les  témoignages  publics  d'une  grande  mal- 
veillance contre  le  pays  dont  il  écrit  l'histoire,  qu'on  ira  de- 
mander cette  rigide  et  majestueuse  impartialité  qui  d'ordinaire 
n'est  le  partage  que  d'une  âme  grande  et   forte,  dégagée   de 


HI/niAiNCliK.Ui-YS    DE    l.\  C.KYSUIW;.  V',: 

loues  les  préoccupations  nationales,  do  toutes  1rs  déceptions 
contcmpoi  aines. 

p.  6aa,  I.  •/> ,  rétablisses  le  passage  suivant  qui  terminait 
L'alinéa,  après  ce)  mc^it  i  sur  leurs  privilèges}   il  oublie  que  la 

courue  voulait  point  la  réfoime,  et  qu'on  ne  pouvait  réelle- 
ment l'accomplir  qu'avec  et  par  le  peuple.  C'est  et)  Continuant 
la  môme  cireur  que  Walter  Scott  prétend  qu'il  fallait,  à  l'ap- 
proche des  Ltats  de  1780,,  consolider  habilement  l'influence  de 
la  noblesse  et  du  clergé,  tandis  qu'il  est  bien  évident  que  ce  fut 
la  résistance  de  ces  d.-ux  corps  qui  de\inl  l'origine  de  tout  lo 
mal ,  en  faisant  comprendre  aux  partisans  de  la  révolution  la 
nécessite  d'une  attaque  violente,  en  inspirant  l'inimitié  bien 
plus  que  la  conciliation,  en  excitant  de  fatales  défiances  contre 
Le  g  mvernemeut  que  Ton  voyait  pencher  vers  les  ordres  privi- 
légiés. À  la  vérité,  Walter  .Scott  prétend  qu'il  fallait  en  même 
tems  «  prendre  des  mesures  pour  s'assurer  dans  le  tiers-état,  lui- 
même  quelques  partisans  de  la  monarchie,  »  conseil  de  tory, 
(pie  Walter  Scott  répète  plusieurs  fois,  sans  songer  que  ces 
pratiques  de  cori  uption,  faciles  dans  un  tems  d'égoïsme  ,  ne 
Le  sont  pas  à  une  époque  d'enthousiasme,  où  tous  les  intérêts 
di  paraissent  devant  le  triomphe  d'une  opinion.  Je  ne  crois  pas 
qu'après  la  séance  du  jeu  de  paume  tous  les  trésors  de  ia  France 
eussent  suffi  à  gagner  une  majorité  dans  le  tiers-état;  et  même 
auparavant ,  toute  tentative  de  ce  genre  n'aurait  obtenu  aucun 
succès.  Walter  Scott  ne  s'est  point  pénétré  de  l'esprit  du  tems 
qu'il  raconte;  à  tout  moment,  on  le  surprend  à  indiquer,  comme 
d'infaillibles  moyensde  maîtriser  la  tourmente  révolutionnaire, 
les  moyens  qui  avaient  servi  à  diriger  avec  succès  la  marche  du 
gouvernement  solidement  constitué  dans  son  pays;  il  ne  voit 
pas  que  des  argumens, justes  dans  un  certain  ordre  d'idées,  de- 
viennent  tout-à-fait  faux  dans  un  ordre  d'idées  opposé.  Il 
pousse  la  préoccupation  à  cet  égard  jusqu'à  comparer  la  révo- 
lution française  à  l'émeute  qui  agita  Londres  pendant  une  se- 
maine, en  1780,  et  il  a  l'air  de  croire  sérieusement  que,  pour 
en  finir,  Louis  XVI  n'avait  qu'à  faire  alors  ce  qu'avait  fait. 
Georges  III,  huit  ans  auparavant.  C'est  avec  la  même  légèreté 
que  Walter  Scott  affirme  qu'au  10  août,  «  si  la  sortie  des  Suisses 
eût  été  appuyée  par  un  corps  suffisant  de  cavalerie,  la  révolu- 
tion eût  pu  être  terminée  ce  jour-là.  »  C'est  avec  une  légèreté 
plus  incroyable  encore  qu'il  dit,  quelques  chapitres  après: 
«L'attaque  de  Nantes  offrait  aux  Vendéens  une  très- belle 
perspective;  le  succès  pouvait  peut-être  décider  du  sort  de  la 
révolution.  » 

1».  668,'1.  ii}  après  ces  mots    t.  xxv,  p.  245-i5o),  rétablisse/ 


!)3S  ERRATA  PROVENANT  DES 

le  passage  suivant  :  Nous  avons  regretté  de  ne  pas  trouver  dans 
Y  indication  des  événemens  remarquables  t  le  voyage  de  La  Fayette 
aux  Etats-  Unis  d' Amérique.  Il  faut  être  de  bien  mauvaise  foi 
pour  ne  pas  reconnaître  la  grandeur  et  la  majesté  du  spectacle 
d'un  peuple  entier  rendant  un  hommage  public,  spontané  et 
solennel,  à  l'homme  qui  a  contribué  à  fonder  la  liberté,  et  par 
conséquent  le  bonheur  de  ce  peuple.  C'est  un  grand  événement 
dont  les  annales  du  monde  n'ont  offert  jusqu'ici  aucun  exemple, 
et  qui  mérite  d'être  enregistré,  non-seulement  dans  la  série 
des  événemens  les  plus  remarquables  d'une  année,  ou  d'un 
siècle,  mais  parmi  les  faits  dignes  de  servir  de  leçon  aux  siècles 
à  venir. 

P.  674,1.  37,  après  ces  mots  :  Il  souscrivit  (le  roi  de  Saxe)  àl'af- 
faiblissementdeson  pouvoir,  lisez  :  Et  vitun  membre  de  la  Sainte 
Alliance  s'enrichir  de  ses  dépouilles.  Cette  faiblesse  de  sa  part 
prouve  au  moins  combien  ce  prince  aimait  la  paix  et  la  tranquil- 
lité. Du  reste,  son  gouvernement  ne  fut  point  remarquable  par 
de  grandes  vues;  il  laissa  la  constitution  de  son  royaume  dans 
l'état  imparfait  et  suranné  où  il  l'avait  trouvée, à  son  avènement. 
La  seule  concession  faite  à  l'esprit  du  siècle,  ce  fut  le  droit 
qu'il  accorda  aux  propriétaires  roturiers  de  biens  ci- devant 
nobles,  de  siéger  à  la  diète  du  royaume.  Les  journaux  poli- 
tiques de  Saxe  sont  insignifians,  parce  qu'ils  ne  jouissent  d'au- 
cune liberté,  et  les  journaux  littéraires  de  ce  pays  portent 
souvent  des  traces  cle  mutilations.  Ces  restrictions  de  la  liberté 
de  la  presse  n'existent,  il  est  vrai,  que  depuis  le  fameux  congrès 
de  Carlsbad,  qui  imposa  à  toute  l'Allemagne  l'esclavage  de  la 
pensée. 

Cahier  à' Octobre. 

P.  8,  1.  1 3,  dans  \&  Notice  sur  V  Exposition  publique  des  pro- 
duits des  manufactures  françaises ,  rétablissez  le  passage  sui- 
vant, supprimé  tout  entier  : 

Il  faut  avouer  que  l'on  ne  pouvait  choisir  plus  mal- 
heureusement les  circonstances  et  l'occasion  pour  sou- 
mettre un  tel  projet  au  jugement  du  public  éclairé. 
Vous  qui  rêvez  le  palais  de  ï industrie  ,  pensez  vous  donc 
qu'elle  ne  court  aucun  danger  ?  La  crise  commerciale 
que  l'Angleterre  vient  d'éprouver,  n'est-elle  donc  pas 
un  avertissement  salutaire?  L'horizon  politique  n'est  pas 
sans  nuages;  la  plus  vaste  partie  du  Nouveau-Monde 
est  encore  loin  de  l'état  de  repos  et  de  prospérité  dont 


ftETRANCHEMBNS  DE  LA  CENSURE.  53«j 

le  commerce  européen  profiterait;  L'Amérique  du  nord 

discute  la  grandi;  question  du   choix   des   manufactures 

qui  lui  conviennent;  et,  en  attendant,  plusieurs  des  Etats 

Confédérés  se  comportent,  comme  SI  leur  pays  avait  le 
projet  de  s'affranchir  de:  toutes  les  industries  étrangères. 

Des  Sociétés  d'encouragement  s'établissent  ;  elles  répan- 
dent 1  instruction  ,  favorisent  les  étahlisscmens  indus- 
triels ,  impriment  aux  capitaux  une  direction  vers  les 
manufactures.  Cette  tendance  ne  pouvant  être  consi- 
dérée comme  passagère,  le  teins  approche  où  le  nord 
de  l'Amérique  n'aura  presque  plus  rien  à  demander  à 
l'Europe,  sans  que  cette  sorte  d  indépendance  soit  réci- 
proque. Le  commerce  extérieur  de  la  France  est  donc 
menacé  de  pertes  dont  rien  ne  le  dédommagera.  Quant 
au  commerce  intérieur,  la  consommation  est  sa  mesure, 
et  pour  consommer  beaucoup  ,  il  faut  au  moins  de  l'ai- 
sance. Si  les  millions  que  doit  coûter  un  palais  de  l'in- 
dustrie sont  ajoutés  aux  contributions  actuelles ,  ils 
seront  pris  sur  les  consommations  ,  et  en  plus  grande 
partie  sur  celles  des  produits  des  fabriques  :  ce  sera 
donc  en  dernière  analyse  l'industrie  elle-même  qui  sup- 
portera presque  seule  la  dépense  du  monument  élevé 
en  son  bonneur.  Ce  ne  sera  pas  un  don  qu'on  lui  aura 
fait  ;  elle  pourra  se  croire  dispensée  de  reconnaissance- 
Ajoutons  encore  que  les  expositions  publiques  ,  de  quel- 
que manière  qu'on  les  fasse  ,  sont  complètement  inutiles 
à  quelques  fabriques  très-dignes  d'estime  :  les  directeurs 
de  ces  précieux  établissemens  ont  soin  de  se  tenir  cons- 
tamment au  niveau  des  connaissances  relatives  à  leur 
art  :  leurs  produits  passent  dans  les  boutiques  des  mar- 
chands sans  faire  un  long  séjour  dans  les  magasins  de 
la  fabrique,  et  le  consommateur,  dont  la  confiance  n'a 
jamais  été  trompée  ,  les  achète  de  préférence  a  tout  ce 
qui  est  recommandé  par  des  annonces  fastueuses.  A  me- 
sure que  l'instruction  se  répandra  ,  cette  disposition  des 
esprits  deviendra  plus  commune;  de  jour  en  jour,  on 
sera  moins  curieux  d'apprendre  quel  fabricant  a  obtenu 
des  médailles  ou  d'autres  récompenses;  on  se  conten- 
tera de  savoir  que  celui  dont  on  consomme  les  produits 


;> 4o  ERRAT.Y  PROVENAIT  DES 

fait  aussi  bien  qu'aucun  autre,  et  ne  vend  pas  plus  cher. 
Est-ce  déjà  pour  cette  raison  que  des  cités  manufactu- 
rières, des  départemens  renommés  par  leur  industrie 
se  sont  abstenus  de  paraître  à  la  dernière  exposition  ?  Et 
cependant,  cette  industrie  modeste,  consciencieuse, 
juste  appréciatrice  de  la  renommée,  est  celle  qui  élève 
par  degrés  la  prospérité  i\u  commerce ,  au- dehors  comme 
au -dedans  :  c'est  elle  qui  garantit  le  pins  sûrement  la 
portion  du  revenu  public  dont  le  commerce  est  la 
source.  Les  services  qu'elle  rend  méritent  une  haute 
estime  et  la  protection  spéciale  du  gouvernement;  mais 
ce  ne  serait  pas  pour  elle  que  l'on  construirait  le  palais 
de  l'industrie. 

Nous  l'avouons  sans  peine  ;  ce  projet  de  palais  nous 
tient  à  cœur.  Jamais  peut-être  l'extravagance  et  i'ina- 
propos  d'une  proposition  ne  fut  plus  remarquable.  On 
peut  comparer  ce  monument  gigantesque  à  celui  dont 
Bonaparte  ordonna  l'érection  ,  lorsqu'il  sentit  les  pre- 
mières atteintes  des  secousses  qui  devaient  bientôt  le 
renverser.  Le  colosse  aux  pieds  d'argile,  chancelant  sur 
sa  base,  essaya  de  la  raffermir  par  des  conceptions  im- 
posantes ;  il  n'imagina  rien  de  mieux  qu'une  pyramide 
de  granit,  élevée  au  sommet  des  Alpes,  dont  une  face 
tournée  vers  la  Baltique,  et  l'autre  vers  Rome  et  le 
Vésuve,  recevraient,  en  lettres  inaltérables,  les  noms 
de  toutes  les  parties  de  son  vaste  empire.  Certainement, 
aucune  catastrophe  imminente  ne  menace  le  commerce 
français  :  mais  on  ne  peut  dissimuler  que  sa  position  ac- 
tuelle exige  tout  autre  chose  que  ce  que  d  imprudens 
amis  demandent  en  son  nom.  Des  canaux  et  des  routes 
lui  seront  plus  utiles  que  des  palais.  Au  reste,  si  le  faste 
des  expositions  publiques  ne  peut  se  passer  de  nouvelles 
.  constructions  ,  la  voie  des  souscriptions  peut  y  pourvoir  : 
ceux  qui  seront  intimement  convaincus  des  bons  effets 
dont  cette  institution  est  regardée  comme  la  cause,  ne 
se  borneront  pas  à  lui  offrir  1  hommage  de  leurs  idées 
et  de  leurs  vues  ;  ils  seront  jaloux  de  réaliser  le  bien 
qu'ils  entrevoient,  et  d'en  faire  jouir  leur  patrie,  même 
au  prix  d  assez  grands  sacrifices  et  de  pénibles  efforts. 


lll'.TU  \\<  III  Ml  \S  DE  LA  CENSURE.  '>/,  i 

Il  ne  serait  point  équitable  d'obliger  les  incrédules  à 
venir  ;m  secours  «le  ceux  qui  ont  neçn  la  foi ,  à  partager 
des  travaux  dont  ils  n'attendent  aucun  boit  résultai.  Les 
souscriptions  sont  une  pierre  de  touche  avec,  laquelle 
ou  peut  reconnaître  l'utilité  réelle  d'une  entreprise  •'  ('elle 
dont  le  succès  est  assuré  supportera  toutes  les  épreuves  ; 
pense-t-on  que  l'entreprise  d un  palais  de  l'industrie 
put  y  résister  ? 

I\  80,  I.  'i ,  après  ces  mots  :  Qui  se  disputent  la  Grèce,  réta- 
blissez la  (in  de  l'alinéa  qui  avait  été  poupée  par  Ja  cen- 
sure :  F.u  voyant  ce  qu'est  aujourd'hui  !a  nation  ottomane, 
les  personnes  qui  n'avaient  eueore  qu'une  idée  confu-,c  de  la 
Turquie  pourront  mieux  s'expliquer  les  projets  et  les  voeux 
secrets  d'un  cabinet  chrétien-,  si  constant  défenseur  de  la 
sublime  Porte,  si  actif  à  la  secourir,  si  fertile  en  ressources 
pour  t  ntraver  la  pitié,  la  conscience  ou  la  raison  des  autres 
gouvernciuens.  Ce  bou  régime  turc  est  un  modèle  si  accompli 
<ie  l'art  d'abrutir  les  hommes!  Il  serait  si  doux  de  voir  tous  les 
peuples,  aussi  impassibles  que  les  musulmans,  regarder  comme 
un  don  du  ciel  tous  les  fléaux  de  l'espèce  humaine,  depuis  la 
peste  jusqu'aux  visirs;  et,  toujours  ivres  de  tabac,  d'opium  et 
de  fanatisme,  livrerai!  bon  plaisir  leurs  biens,  leurs  tètes,  leurs 
familles,  en  répétant  d'un  air  stupide  :  Dieu  le  veut!  On  sent 
combien  il  en  coûterait  de  permettre  qu'une  résignation  de  si 
bon  exemple  fût  rejetée  dans  l'Asie,  et  soustraite  à  rectifica- 
tion des  Autrichiens  et  des  Lombards  ! 

P.  118,  1.  6,  après  ces  mots:  Comme  le  Washington  de 
l'Amérique  du  sud,  lisez  :  Un  recueil  de  principes  sur  la  liberté 
des  peuples  pouvait- il  être  mieux  présenté  qu'au  libérateur 
d'une  des  plus  belles  parties  du  Nouveau -Mo  n  de? 

P.  a  1 8,  1.  a3,  après  ees  mots  :  Année  1826,  rétablissez  le 
passage  suivant,  supprimé  tout  entier  :  C'est  dans  ce  même 
numéro  que  le  prince  Viazkmsky  a  inséré  (p.  89-93)  un  article 
nécrologique  sur  le  grand  orateur  ravi  en  i8a5  à  la  France,  et 
regretté  par  les  hommes  de  bien  de  tous  les  pays.  Nous  re- 
produisons ici  quelques  lignes  de  cette  Notice,  qui  feront  juger 
favorablement  et  de  celui  qui  l'a  écrite,  et  du  rédacteur  qui 
l'a  admise  dans  son  journal  :  «  La  plus  douce  récompense  que 
le  gémral  Foy  put  espérer  pour  ses  services  et  pour  son  sang 
dans  le.-,  combats,  était  la  confiance  de  ses  concitoyens, 
man  1  lestée  par  sa  nomination  à  la  Chambre  des  députés  11 
déploya  dans  cette  nouvelle  carrière  des  talens  extraordinaires, 
et  se  distingua  par  une  éloquence  mâle,  vive  et  brillante,   par 


542  ERRATA  PROVENANT  etc. 

de  vastes  connaissances  dans  les  objets  relatifs  à  l'administra- 
tion civile  et  militaire,  et  à  l'économie  politique.  Combien  de 
fois  ce  représentant  de  la  gloire  des  armées  françaises  n'a-t-il 
pas  entraîné  ses  auditeurs  par  l'impétuosité  d'une  âme  ardente 
et  d'une  noble  indignation,  en  défendant  la  cause  de  ses  com- 
mettans!  Il  ne  lui  arrivait  pas,  il  est  vrai,  d'avoir  toujours  la 
victoire  de  son  côté  ;  mais  ses  paroles  retentissaient  dans  toute 
la  France,  et  sa  gloire  personnelle  fermait,  par  le  respect  in- 
volontaire qu'il  avait  inspiré,  la  bouche  de  ses  adversaires  qui 
devenaient  victorieux  à  leur  tour  par  la  majorité  des  voix.  » 
Ensuite ,  après  avoir  parlé  des  funérailles  de  ce  grand  citoyen  , 
du  deuil  général  de  toute  la  France,  spectacle  imposant  et 
nouveau  dans  les  annales  contemporaines ,  l'écrivain  russe 
termine  son  article  par  ces  paroles  :  «  C'est  ainsi  que  la  France 
et  ses  poètes  savent  honorer  la  mémoire  de  leurs  héros.  » 


TABLE  DES  ARTICLES 

CONTENUS 

DANS  LE  CEÇfT  SEPTIÈME  CAHIER. 
NOVEMBRE  1827. 


I.  MÉMOIRES,  NOTICES  ET  MÉLANGES. 

i.    Notice  sur  le   chlore  et  les  chlorures,  et  sur  leurs  divers 

emplois D.  IV.     Pag.  2j3 

2.  Voyage  de  Naple9  à  Amalfi(avec  4  pi.  lithogr.).  E.-G.  D'A.  278 

3.  Notice  biographique  sur  Pestalozzi C.  Monnard.  295 

II.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 

4.  Dictionnaire  d'agriculture  pratique N.   3o6 

5.  Voyage  métallurgique  en  Angleterre  ,   par  MM,  Dufrénoy 

et  Eiie  de  Beaumont Ferry.   3 14 

6.  OEuvres  de  Servan Parent-Réal.   320 

7.  Tableau  chronologique  des  événemens  rapportés  par  Ta- 
cite; par  M.  de  Fortia Charles  du  Rozoir.   3iy 

8.  Espagne  poétique  ;  choix  de  poésies  castillanes  ,  mises  en 
vers  français ,  par  Don  J.-M.  Maury.  Second  et  dernier 
article Muriel.   33o, 

9.  OEuvres  complètes  de  J.  Fenimore  Cooper B.  J.  346 

10.    L'enseignement  du  dessin  linéaire;   par  L.-B.    Francœur. 

de  Silvestre ,  de  l'Institut.   36 1 

III.  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

Annonces  de  108  ouvrages  ,  français  et  étrangers. 

Amérique  septentrionale.  —  États-Unis,  1 3^2 

Antilles.  —  La  Havane ,  1  ouvrage  périodique 375 

Europe.  —  Grande-Bretagne,  12,  dont  1  ouvrage  périodique,    ibid. 

—  Russie,  3,  dont  1  ouvrage  périodique 386 

—  Danemark ,   2.   . 3go 

—  Allemagne,  9  ,  dont   1    ouvrage   périodique 392 

—  Suisse,  6 4oi 

—  Italie,  9 4o5 

—  Espagne,  1 4i3 

—  Pays-Bas,   9 4i4 

France,   54,  savoir  :  Sciences  physiques  et  naturelles,  i5.   .    .   .  419 

—  Sciences  religieuses  ,   morales  ,  politiques  et  historiques,    17.   .    .    433 

—  Littérature,   i5 452 

—  Beaux-Arts ,   3 467 


54 /i  TABLE  UF.s  articles. 

—  Mémoires  et  Rapports  de  sociétés  savantes,    l 47  x 

—  Ouvrages  périodiques ,   a 477 

Livres  en  langues  étrangères ,  imprimés  en  France  ,  i .   479 

IV.    NOUVELLES  SCIENTIFIQUES   ET  LITTÉRAIRES. 

A  mÉkiquk  septentrionale.  —  Etats-Unis.  Floride  occidentale: 
Climat,  sol,  productions  ;  avantages  que  peuvent  se  promettre 
les  colonseuropéens  qui  voudraient  s'établir  clans  cette  contrée.  48  1 
Afrique.  —  Tripoli  de  Barbarie  :  Publication  d'un  journal  ; 
Expédition  projetée  par  le  pacha  contre  les  Arabes  révoltés 
du  Djebel  ;  Renseigneraens  sur  ces  Arabes  ;  Origine  de  Tin- 
buktuu  ,  d'après  Us  auteurs  arabes;  Détails  sur  les  tribus  qui 
habitent  cette  ville.  . - 4  >7 


EUROPE. 

Iles  Britanniques.  —  Londres  ;  Pont  sous  la  Tamise 49  r 

Russie.  —  Saint-Pétersbourg  :  Société  d'économie  ;  Propagation 
de  la  vaccine.  —  Odessa  :  Bateau  à  vapeur  ;  Etablissemens 
publics  pour  L'éducation  de  la  jeunesse.  —  Crimée.  Symphé- 
ropol  :  Découverte  d'antiquités.  —  Kench  :  Découverte  d'an- 
tiquités  494 

Pologne.  — Ci acovie  :  Société  philomatique  de  l'Université; 
Nomination  académique 49^ 

Allemagne.  — Bavièie.  Wnrtzbourg  :  Institut  orthopédique  — 
Munich  :  Fondation  d'une  école  polytechnique.  —  Etat  de 
l'industrie  dans  le  Harz  ,  en  1826.  —  Nécrologie  :  Hebel.   .    .   .   497 

Suisse. —  Promenade  à  Hofwyl ,  ou  situation  actuelle  des  eta- 
blissemens de  M.  de  Fellenberg. — Nécrologie  :  Hen:i  Boissier.    5o5 

Italie.  —  Florence:  Etat  de  l'instruction  publique.  —  Venise: 
Monument  en  l'honneur  de  Canova 5o8 

Pays-Bas.  —  Académies  de  Couvain  et  de  Groningue. —  Bruxelles  : 
Société  pour  l'utilité  publique.  —  Amsterdam  :  Société  pour 
l'amélioration  morale  des  condamnés 5  10 

France.  — Sociétés  sayaûtës  :  Ârras  (  Pas-de-C  lais):  Société 
pour  l'encouragement  des  sciences,  des  lettres  et  des  arts  : 
Prix  proposés 5 12 

Paris. —  Institut.  Académie  des  Sciences  :  Séances  du  22  octobre 
au  r2  novembre.  Académie  française  :  Séance  publique  au  i3 
novembre  pour  la  réception  de  M.  Bover  Collai  d. —  Société 
d'horticulture.  —  Muséum  d'histoire  naturelle  au  Jardin  du 
Roi.  —  Réclamation.  —  Théâtres.  Odéon  :  Premières  représen- 
tations de  l'Homme  du  monde,  drame,  et  de  la  Sœur,  ou  les 
Deux  riches,  comédie.  —  Beaux-Arts  .-Exposition  des  tableaux 
en    1827 5f3 

Ekrata  provenant  des  retranchtmens  de  la  Censure 53 1 


REVUE 

ENCYCLOPÉDIQUE, 

ou 

ANALYSES  ET  ANNONCES  RA1SONNÉES 

DES    PRODUCTIONS    LES    PLUS   REMARQUABLES 
DANS  LA  LITTÉRATURE,  LUS   SCIENCES  ET   LES  ARTS. 

I.  MÉMOIRES,  NOTICES, 

LETTRES  ET  MELANGES. 


PRECIS    HISTORIQUE    SUR    LA    SITUATION     ACTUELLE    DE      LA 
RÉPUBLIQUE   ARGENTINE  (BUENOS-AYREs). 

TROISIÈME  ET  DERNIER  ARTICLE. 

(Voy.  Rev.  Enc,   tom.  xxxv,  p.    5-  17  et  p.   553-567.) 

Il  nous  reste,  pour  compléter  les  renseignemens  que  nous 
avons  promis  sur  la  République  Argentine,  à  faire  connaître 
ses  relations  avec  les  pays  voisins  et  la  constitution  que  le 
congrès  actuel  lui  a  donnée.  Nous  terminerons  par  quelques 
détails  sur  les  motifs  de  la  continuation  de  la  guerre  avec  le 
Brésil  et  sur  les  changemens  que  cette  circonstance  paraît 
devoir  amener. 

Le  Chili  est  toujours  resté  en  bonne  intelligence  avec 
Buenos -Ayres,  et  il  a  montré  autant  de  sympathie  que  de 
reconnaissance  pour  le  peuple  auquel  il  est,  en  partie,  rede- 
vable de  sa  libération  du  joug  espagnol.  Car,  à  l'époque  où 
t.  xxxvi.  —  Décembre  189.7.  35 


546  PRÉèlS  HISTORIQUE 

la  République  Argentine,  à  peine  libre  elle-même,  avait  à 
lutter  contre  une  feule  de  difficultés  intérieures  et  contre  plus 
d'un  ennemi,  elle  créait  une  armée  qui,  sous  la  conduite  de 
San-Martin,  traversait  audacieusement  les  Andes,  affranchis- 
sait le  Chili  après  de  glorieux  combats,  pénétrait  dans  le 
Pérou,  et  faisait  la  conquête  de  Lima.  Cette  armée  aurait  dès 
lors  achevé  la  délivrance  du  continent  américain,  si  le  général 
eut  mis  à  profit  l'ardeur  et  le  courage  des  soldats  que  l'intrépide 
Français  Branzcn  avait  déclarés ,  avant  de  mourir,  au  milieu  de 
la  victoire  d'Ituzaingo,  dignes  d'être  comparés  aux  plus  braves 
de  l'ancien  monde.  Un  traité  de  commerce  et  d'alliance  offen- 
sive et  défensive  devait  resserrer  les  relations  amicales  entre 
ces  deux  pays;  on  doit  regretter  qu'il  n'ait  pas  été  ratifié,  mais 
peut-être  n'est-il  qu'ajourné  :  l'intérêt  commun  le   réclame. 

Quand  la  guerre  éclata  entre  le  Brésil  et  la  république  Ar- 
gentine, le  général  Freire ,  alors  président  du  Chili,  offrit 
ses  services  personnels  au  gouvernement  de  Buenos-Ayres,  et 
le  peuple  chilien  manifesta  les  dispositions  les  plus  favorables 
pour  le  seconder. 

Le  président  Rivadavia  eut  l'heureuse  idée,  en  entrant  en 
fonctions,  de  demander  au  Chili  ses  navires  disponibles,  en 
paiement  de  la  dette  contractée  envers  Buenos-Ayres,  lors 
de  son  émancipation.  Cette  petite  escadre  aurait  suffi  pour 
repousser  les  Brésiliens;  mais  elle  ne  put  doubler  le  cap  Horn, 
à  l'exception  d'une  corvette.  Malheureusement,  une  frégate, 
le  principal  navire  de  cette  escadre,  périt  avec  près  de  700 
hommes  d'élile,  parmi  lesquels  on  comptait  un  grand  nombre 
d'officiers  volontaires  et  Ventura  Vasqucz,  militaire  distingué, 
qui  avait  négocié  avec  bonheur  l'acquisition  de  l'escadre.  Cette 
perte  fut  d'autant  plus  désastreuse  pour  la  République  Argen- 
tine, que,  ne  possédant  pas  un  seul  gros  bâtiment,  elle  se 
trouvait  dans  l'impossibilité,  malgré  les  efforts  prodigieux  de 
l'amiral  Brown,  de  faire  lever  le  blocus  de  la  Plata. 

Ce  qui  a  empêché  le  Chili  d'aider  plus  efficacement  Buenos- 
Ayres,  c'est  l'état  de  désordre  qui,  depuis  quelques  années, 
se  perpétuedanscepays.Ilest  travaillé  d'une  fièvredémocratique 


SUR  LA  aÉPl  'BLIOLK  A  KC.KNTLNE  (Buenos  -Ayres).  r>47 
qui  le  prive  de  tout  moy<  n  d'aeîion,  et  fjnl  expose  sans  cesse 
le  gouvernement  à  la  rivalité  du  peuple  et  du  congrès;  aussi, 
la  première  place  de  l'et;it  n'y  lente  personne,  cl  tout  restera 
nécessairement  slaiionnairc  jusqu'à  ce  que  les  différens  pou- 
voirs soient  en  harmonie  entre  eux  et  avec  la  nation.  Si  un 
pareil  Ordre  de  choses  devait  se  prolonger,  le  défaut  d'ordre 
et  de  stabilité  rendrait  toute  espèce  de  progrès  impossible  au 
Chili.  Ce  sentiment  de  rivalité  entre  des  pouvoirs  nouvelle- 
ment établis,  et  dont  les  limites  ne  sont  pus  exactement  fixées, 
n'est  malheureusement  que  trop  commun  dans  les  Etats  affran- 
chis depuis  peu,  et  qui  n'ont  pas  une  organisation  définitive. 
Dans  le  Chili  ,  néanmoins,  ce  conflit  de  prétentions  n'établit 
pas  une  lutte  de  principes,  et  appartient  moins  au  peuple 
qu'aux  partis  qui  se  disputent  la  prépondérance.  Il  n'existe 
peut-être  pas,  en  Amérique,  de  nation  dont  le  caractère  soit  plus 
facile  à  diriger  vers  le  Lien  que  celui  des  Chiliens. 

Aucune  contrée  américaine  n'avait  plus  de  motifs  de  s'allier 
avec  Bucnos-Ayres  que  celle  qui  porte  le  nom  de  Bolivïa ,  jadis 
le  Haut-Pérou.  D'abord  comprise  dans  la  vice- royauté  du  Pé- 
rou ,  elle  avait  été  incorporée  à  celle  de  Buenos  -  Ayres,  long- 
lems  avant  la  révolution.  A  cette  dernière  époque  ,  elle  fut  aidée 
et  secourue  par  les  autres  provinces;  elle  fut  même  totalement 
délivrée  des  Espagnols  par  les  troupes  de  Buenos-Ayres;  mais, 
plus  tard,  celles  ci  essuyèrent  des  revers,  et,  après  une  lutte 
opiniâtre  et  des  sacrifices  considérables,  elles  ne  purent  empê- 
cher le  Haut-Pérou  de  retomber  sous  le  joug  de  ses  anciens 
maîtres,  qui  s'y  rassasièrent  de  vengeance  et  en  conservèrent  la 
possession  jusqu'à  la  bataille  d'Ayacucho,  qui  mit  fin  à  la  domi- 
nation espagnole  sur  le  continent  américain.  Le  général  Sucre 
envoya  demander  des  ordres  au  Congrès  réuni  à  Bucnos-Ayres. 
Par  un  désintéressement  qui  fait  honneur  ci  la  République  Ar- 
gentine, puisque  le  général  Arcnalcs  avait  énergiquement  con- 
couru à  sa  délivrance,  elle  voulut  que  les  provinces  nouvelle- 
ment affranchies  disposassent  librement  de  leur  sort,  soit  qu'il 
leur  convînt  de  faire  partie  des  provinces  unies  ,  ou  de  se 
rattacher  au  Pérou,  ou  de  se  constituer  État  indépendant.  Elles 

35, 


548  PRÉCIS  HISTORIQUE 

choisirent  ce  dernier  parti,  et  le  général  Sucre,  lieutenant  de 
Bolivar,  fut  chargé  par  lui  de  les  administrer,  avec  le  titre  de 
grand  maréchal  d'Ayacueho.  Bientôt  la  nouvelle  république  dé- 
créta l'érection  de  statues  pour  Bolivar  et  pour  Sucre,  prit  ou 
accepta  le  nom  de  Bolivia  ,  en  l'honneur  du  premier  ,  et  adopta 
îe  Code  Bolivien  qui ,  dans  un  pays  libre,  établit  un  président  à 
vie,  inviolable,  ayant  la  faculté  de  nommer  son  successeur,  et 
des  censeurs,  dont  on  a  généralement  blâmé  la  création  et  sur- 
tout les  attributions.  Après  avoir  adopté  la  constitution  boli- 
vienne ,  le  Congrès  du  Haut-Pérou  réclama  du  gouvernement 
de  Buenos-Ayres  la  reconnaissance  de  son  indépendance.  Celui- 
ci  ,  fidèle  à  ses  principes  ,  répondit  qu'il  ne  pouvait  adhérer  à 
ce  désir ,  avant  que  les  troupes  colombiennes  eussent  quitté 
Bolivia  ;  jusque-là,  cette  contrée  semblerait  toujours  sou- 
mise à  une  influence  étrangère.  Celte  réponse  fut  mal  reçue  par 
le  congrès;  il  rompit  sans  ménagement  toutes  ses  relations  avec 
la  République  Argentine,  prit  vis-à-vis  d'elle  une  attitude  hos- 
tile, et  préluda  aux  attaques  qu'il  préparait  en  décrétant  la 
réunion  au  territoire  du  Haut -Pérou  du  district  de  Tarija, 
qui  avait  toujours  appartenu  à  la  province  de  Salta.  Cette  con- 
duite était  d'autant  plus  contraire  aux  grands  intérêts  publics, 
qu'elle  avait  lieu  à  l'époque  où  la  guerre  avec  le  Brésil  aurait  com- 
promis plus  ou  moins  la  sûreté  des  autres  républiques  améri- 
caines, si  D.  Pedro  avait  pu  réussir  dans  ses  projets  de  conquête. 
Buenos-Ayres  ne  répondit  pas  à  ce  procédé  insul-tant.  Les  Brési- 
liens envahirent  la  province  de  C/iirjuitos,  qui  appai  tenait  à  la 
République  Argentine.  L'honneur  national  devait  s'en  trouver 
offensé;  mais  les  Boliviens  n'envoyèrent  aucun  secours  à  Buenos- 
Ayres,  quoique  les  soldats  colombiens  eussent  témoigné  le  désir 
de  ratifier  par  de  nouveaux  exploits  l'alliance  conclue  en  182*3 
entre  Buenos-Ayres  et  leur  patrie.  Bolivar,  à  son  tour,  refusa 
d'écouter  les  sollicitations  du  général  Alvcar,  chargé  près  de  lui 
d'une  mission  extraordinaire  par  le  gouvernement  de  Buenos- 
Ayres.  On  a  même  prétendu  qu'il  ne  s'était  point  contenté  de 
refuser  sa  coopération  contre  le  Brésil ,  et  qu'il  u'avaitpas  été 
étranger  aux  troubles  de  quelques  provinces  du  Rio  de  la  Plata, 


SUB  LA  RÉPUBLIQUE  ÀRGENTINE\Buenos  A.tees     V,.> 

soulevées  contre  1<'  gouvernement  central.  Les  données  nous 
manquent  pour  apprécier  une  accusation  aussi  grave,  et  non-, 
désirons  sincèrement  qu'elle  ne  M>it  point  fondée  (i). 

A  peine  Bolivar  eut-il  quitté  le  Pérou  pour  retourner  en  Co- 
lombie, qu'une  révolution  pacifique  rapprocha  dans  un  même 
but  les  habitansdu  pays  elles  militaires  colombiens  eux-mêmes, 
qui,  dans  cette  circonstance,  se  montrèrent  véritablement  sol- 
dats citoyens.  Inquiéta  sur  le  sort  de  leur  propre  constitution  , 
ils  concoururent  à  l'abolition  du  Code  Bolivien,  imposé  au  Pé- 
rou, et  après  avoir  assisté  au  rétablissement  d'un  gouverne- 
ment national,  ils  quittèrent  cette  contrée  dont  ils  avaient  mérité- 
la  reconnaissance  ,  et  se  hâtèrent  d'aller  défendre  leurs  institu- 
tions menacées. 

Le  peuple  péruvien  s'est  montré  digue  de  ses  destinées,  en 
choisissant  pour  chef  le  général  Lama?-,  l'un  des  hommes  les 
plus  modestes  et  les  plus  distingués  de  l'Amérique  méridio- 
nale; le  Congrès  s'honora  également  par  l'élection  à  la  prési- 

(i)  On  ne  peut  se  dissimuler  que  le  général  Bolivar  s'est  trompé ,  et 
qu'il  a  éveillé  contre  I«ui  la  juste  défiance  des  amis  sincères  de  la  liherté, 
en  voulant  faire  attribuer,  par  le  Code  Bolivien  ,  une  trop  grande  pré- 
pondérance ,  une  autorité  presque  monarchique  et  absolue ,  et  une 
sorte  de  stabilité  héréditaire  au  pouvoir  exécutif.  Mais  cette  erreur  ne 
doit  faire  méconnaître  ni  les  immenses  services  qu'il  a  rendus  à  la 
cause  de  l'indépendance  nationale,  ni  les  droits  qu'il  s'est  acquis  à 
l'estime  des  peuples,  et  auxquels  sans  doute  il  ne  voudrait  point  re- 
noncer, en  trahissant  sa  réputation  et  sa  gloire,  et  en  démentant  la 
hante  confiance  que  ses  compatriotes  lui  ont  accordée  avec  un  entier 
abandon  et  le  jugement  favorable  qu'une  sorte  de  postérité  anticipée  , 
en  Europe,  a  déjà  porté  sur  lui.  Pourrait-il  balancer  entre  le  rôle  de 
Washington  et  celui  de  Bonaparte?  On  remarque ,  d'ailleurs,  avec  une 
vive  satisfaction,  que,  depuis  son  retour  en  Colombie,  le  général 
Bolivar  s'est  empressé  de  renouveler  le  serment  solennel  de  respecter 
et  de  faire  observer  la  Constitution ,  et  de  maintenir  l'état  actuel  des 
choses  jusqu'à  la  décision  souveraine  de  l'assemblée  générale,  convo- 
quée au  mois  de  mars  1828  pour  examiner  s'il  convient  que  la  Cons 
titution  soit  modifiée. 

N.  du  R. 


55o  PRÉCIS  HISTORIQUE 

dence  du  vertueux  et  savant  ecclésiastique  Luna  Pizarro.  Le 
nouveau  gouvernement  ,  à  peine  installé,  donna  l'ordre  au 
chargé  d'affaires  du  Pérou  à  Rio- Janeiro  de  quitter  cette  capi- 
tale, pour  aller  féliciter  le  gouvernement  de  Buenos-Ayres  sur 
les  résultats  de  la  bataille  d'Ituzai/?go  ;  et  c'est  ainsi  que  le 
Pérou  satisfit  à  la  dette  de  la  reconnaissance. 

Les  institutions  adoptées  par  Buenos-Ayres  et  la  confiance 
qu'inspira  l'administration  de  D.  BernardinoRivadavia  valurent 
à  cette  contrée  d'être  reconnue  la  première  par  les  États-Unis 
de  l'Amérique  du  nord  et  par  l'Angleterre.  Dès  1822,  la  Prusse 
ouvrit  officiellement  des  relations  commerciales  avec  Buenos- 
Ayres,  et  s'engagea  à  une  réciprocité  complète  qui  ne  s'est 
jamais  démentie.  Ce  fut  vers  Buenos-Ayres  que  se  dirigèrent, 
sous  le  gouvernement  constitutionnel  de  l'Espagne,  les  députés 
chargés  de  négocier,  entre  la  métropole  et  ses  anciennes  co- 
lonies, un  traité  qui  unirait  aujourd'hui  les  deux  nations,  si 
le  rétablissement  de  l'autorité  absolue  n'avait  pas  eu  lieu. 
L'exemple  des  États-Unis  a  été  suivi  de  fait  par  d'autres 
puissances,  les  Pays-Bas,  la  Suède,  la  Bavière  et  le  Wurtem- 
berg. La  France  même  a  reconnu  implicitement  l'indépendance 
des  nouveaux  États  ,  puisqu'elle  admet  leurs  pavillons  dans  ses 
ports,  puisqu'elle  accorde  à  leurs  envoyés  le  droit  de  délivrer 
des  passeports  aux  Américains  du  sud  ,  et  puisqu'elle  a  nommé 
des  consuls  près  de  tontes  les  républiques  et  reçoit  les  leurs. 
Il  est  affligeant,  toutefois,  que  le  gouvernement  français  n'ait 
point  consenti  à  une  reconnaissance  franche  et  formelle  qui  eût 
assuré  au  commerce  français  une  grande  et  salutaire  influence 
dans  l'Amérique  méridionale ,  qui  eût  délivré  les  Américains 
du  sud  de  toute  inquiétude  sur  leur  avenir,  qui  leur  eût  permis 
de  licencier  des  armées  qui  absorbent  leurs  ressources,  et 
dont  la  présence  aux  drapeaux  nuit  à  une  bonne  organisation 
sociale,  et  prive  l'agriculture,  le  commerce,  l'industrie  d'un 
grand  nombre  de  bras  nécessaires.  Quels  que  soient  les  désor- 
dres intérieurs  et  l'agitation  qui  régnent  dans  les  nouveaux 
États,  leur  séparation  de  la  métropole  espagnole  n'en  est  pas 
moins  consommée,  et  aucun  effort  ne  saurait  rétablir  l'ancien 


SUIW  \  i;i.Pl  BLlOli:  AIU'.KIN  IINK  IJuinos  Ayrls;.  55  i 
ordre  de  choses.  Pourquoi  doue  balancer  encore  à  les  recon- 
naître définitivement  ei  légalement  ? 

r.u  annonçant  que  nous  examinerions  la  constitution  dé- 
crétée par  le  congrès  actuel  de  la  République  Argentine,  notre 
intention  n'était  pas  de  la  présenter  dans  tous  ses  détails. 
Nous  dirons  seulement  que ,  sous  le  rapport  des  garanties 
publiques  et  individuelles,  elle  ne  laisse  lien  à  désirer.  Puis, 
nous  indiquerons  les  points  par  lesquels  elle  se  distingue  des 
autres  codes  fondamentaux  adoptés  par  dircri  pays,  et  com- 
ment elle  concilie,  autant  que  le  permettent  les  localités,  les 
avantages  du  gouvernement  fédératif  et  ceux  du  gouverne- 
ment unitaire  ou  central,  sous  le  titre  de  gouvernement  repré- 
sentatif républicain  ,  consolide  par  l'unité. 

La  religion  de  l'état  est  la  religion  catholique,  apostolique 
et  romaine;  niais  elle  ne  jouit  d'aucun  privilège  particulier  et 
exclusif  :  tous  les  citoyens  sont  seulement  obligés  de  la  respecter, 
quel  que  soit  le  culte  qu'ils  professent.  Le  président  exerce ,  con- 
formément aux  lois,  une  surveillance  et  un  patronage  général 
sur  tout  ce  qui  se  rapporte  au  culte  et  sur  les  membres  du 
clergé  ;  il  nomme  les  archevêques  et  les  évoques  ,  sur  une  liste 
de  trois  candidats  présentés  par  le  sénat;  la  haute  cour  de 
justice  examine  les  brefs  et  les  bulles  du  pape,  et  donne  son 
opinion  au  pouvoir  exécutif  sur  leur  admission  ou  leur  rejet. 

Le  pouvoir  exécutif  n'est  point  limité  dans  le  droit  de  con- 
férerle  titre  de  citoyen  aux  étrangers,  et  quiconque  a  combattu 
pour  la  république  devient,  par  cela  même,  citoyen.  TJnecause 
qui  suspend  l'exercice  du  droit  de  citoyen,  c'est  de  ne  point 
savoir  lire  ou  écrire;  mais  cette  disposition  ne  sera  en  vigueur 
que  la  dixième  année  après  la  promulgation  de  la  constitution. 
Le  pouvoir  législatif  appartient  à  un  congrès  composé  de  deux 
chambres,  l'une  de  représentans,  l'autre  de  sénateurs.  Les  rc- 
présentans  sont  élus  directement  par  tous  ceux  qui  jouissent  des 
droits  de  citoyen,  à  la  simple  majorité  fies  suffrages,  dans  la 
proportion  d'un  député  pour  i5,ooo  habitans ,  ou  une  fraction 
au-dessus  de  huit  mille.  Les  conditions  nécessaires  pour  être 
représentant  sont  d'être  citoyen  depuis  7  ans,  d'avoir  a5  ans. 


55a  PRÉCIS  HISTORIQUE 

accomplis,  de  posséder  un  capital  de  4,000  piastres  (20,000  fr.), 
une  profession  indépendante  ethors  de  toutemploî  concédé  par 
le  gouvernement.  Cette  condition  ne  sera  de  rigueur  que  dans 
dix  ans.  Les  représentais  sont  pendant  quatre  années  en  fonc- 
tions ,  et  renouvelés  par  moitié  tous  les  deux  ans;  ils  ont  l'ini- 
tiative de  toutes  les  lois  financières ,  et  ne  peuvent  accepter 
d'emploi  sans  le  consentement  de  la  chambre;  autrement,  ils 
seraient  censés  avoir  donné  leur  démission. 

Les  sénateurs  sont  nommés,  dans  chaque  province,  par  une 
junte  d'électeurs  qui  réunissent  les  conditions  exigées  pour  être 
représentans ,  et  qui  sont  choisis  par  le  peuple.  Les  élections 
demeurent  secrètes  et  les  procès  -  verbaux ,  bien  régularisés  , 
sont  envoyés  au  sénat,  et  pour  la  première  fois,  au  congrès.  Si 
l'un  des  candidats  a  obtenu  la  majorité  absolue,  il  est  proclamé; 
sinon ,  le  sénat  procède  au  ballottage  entre  tous  ceux  qui  ont 
réuni  le  plus  de  voix.  Pour  être  sénateur,  il  faut  avoir  36  ans 
accomplis,  être  citoyen  depuis  o,  ans ,  et  posséder  un  capital  de 
10,000  piastres  (  5 0,000  fr.  ).  Les  sénateurs  sont  pendant  neuf 
années  en  fonctions,  et  on  les  renouvelle  par  tiers  tous  les 
trois  ans.  Ils  jugent  en  séance  publique  les  fonctionnaires  ac- 
cusés parles  représentans;  leur  jugement  ne  peut  ordonner  que 
la  perte  de  l'emploi  ;  l'accusé  est  ensuite  renvoyé  devant  les 
tribunaux  ordinaires.  Les  sénateurs  et  les  représentans  reçoi- 
vent un  traitement  fixe.  Le  congrès  a  seul  le  droit  de  déclarer 
la  guerre,  après  avoir  entendu  le  rapport  du  pouvoir  exécutif. 
Celui  -  ci  peut  proposer  des  amendemens  aux  lois  faites  par  le 
congrès ,  et  les  deux  tiers  au  moins  des  voix  dans  les  deux 
chambres  sont  nécessaires  pour  rejeter  ces  amendemens.  La 
loi  est  exécutoire  dix  jours  après  avoir  été  promulguée.  Les 
votes  ont  lieu  par  oui  et  non  ,  et  la  presse  publie  immédiatem  enl 
les  noms  et  les  motifs  des  votans,  ainsi  que  les  amendemens  ou 
les  objections  du  pouvoir  exécutif. 

Le  pouvoir  exécutif  est  confié  à  un  président  dont  les  fonc- 
tions durent  cinq  ans,  et  qui  ne  peut  être  immédiatement  réélu; 
il  doit  être  né  sur  le  territoire  de  la  république  et  réunir  les 
conditions  exigées  pour  être  sénateur.  Sa  nomination  est  con- 


SURI,  A  RÉPUBLIQUE  ARGENTINE  (Buenos- Aybes).  553 
fiée  à  une  junte  de  quinze  ('lecteurs,  nommés  danschaqiie  pro- 
vince par  les  citoyens,  dans  les  formes  voulues  pour  les  séna- 
teurs. Les  procès -verbaux  sont  envoyés  au  sénat ,  et  la  personne 
qui  réunit  les  deux  tiers  des  suffrages  au  moins  est  proclamée. 
Si  les  voix  sont  éparses,  le  congrès  procède,  dans  la  même 
séance,  au  ballottage  entre  les  citoyens  qui  ont  obtenu  le  plus 
grand  nombre  de  voix.  Dans  les  attributions  du  président  se 
trouve  le  droit  de  diriger  en  chef  les  forces  de  terre  et  de  mer  : 
mais  il  ne  peut  commander  en  personne  sans  l'autorisation  spé- 
ciale du  congrès,  donnée  par  les  deux  tiers  des  suffrages  dans 
l'une  et  l'autre  chambre.  Il  doit  soumettre  les  nominations  aux 
emplois  supérieurs  à  l'approbation  du  sénat,  excepté  celle  des 
ministres  secrétaires  d'état,  qui  ne  peuvent  être  en  même  tems 
représentais,  ni  sénateurs. 

Le  pouvoir  judiciaire  se  compose  d'une  haute  cour  de  justice, 
formée  de  neuf  juges  et  de  deux  membres  du  ministère  public  , 
de  tribunaux  supérieurs  et  de  tribunaux  inférieurs.  Les  membres 
de  la  haute  cour  doivent  avoir  reçu  leurs  degrés  en  droit  de- 
puis huit  ans,  être  âgés  de  [\0  ans  et  réunir  les  autres  qualités 
exigées  pour  les  fonctions  de  sénateurs.  Ils  sont  nommés  par  h; 
président  de  la  république,  sauf  l'approbation  du  sénat.  Le 
président  delà  haute  cour  reste  en  fonctions  durant  cinq  ans; 
mais  les  juges  sont  inamovibles  et  ne  peuvent  être  destitués  que 
par  un  jugement.  Ils  ne  peuvent  non  plus  être  sénateurs  ,  ni 
représentans,  sans  se  démettre  de  leur  emploi,  ni  accepter  d'au- 
tres fonctions,  sans  l'approbation  de  leur  cour.  Elle  prononce 
exclusivement  sur  les  discussions  de  province  à  province,  sur 
les  actions  auxquelles  peuvent  donner  lieu  les  actes  du  pouvoir 
exécutif,  sur  les  cas  de  forfaiture  ou  de  malversation  de  la  part 
des  fonctionnaires  publics ,  et  sur  les  affaires  dans  lesquelles  les 
agens  étrangers  sont  partie  intéressée.  Elle  se  forme  en  deux 
chambres  :  l'une,  composée  de  trois  membres,  juge  en  pre- 
mière instance;  l'autre,  composée  des  six  membres  restans  , 
prononce  en  dernier  ressort.  La  haute  cour  reçoit  les  appels 
des  tribunaux  inférieurs. 

Quant  aux  provinces,  chacune  est  administrée  par  un  gou- 


55*  PRÉCIS  HISTORIQUE 

verncur  placé  sous  la  direction  immédiate  du  président  de  la 
république  et  nommé  par  lui,  sur  une  liste  de  trois  membres, 
fournie  par  les  conseils  d'administration.  Ces  conseils,  compo- 
sés de  7  membres  au  moins,  et  de  i5  au  plus,  selon  les  loca- 
lités, sont  élus  directement  par  le  peuple,  dans  les  mêmes  formes 
que  les  représentans  de  la  nation,  et  chargés  de  tout  cequi  tend 
à  assurer  la  prospérité  des  provinces  ,  de  leur  police  intérieure, 
de  l'éducation  primaire  et  des  établissemens  d'utilité  publique. 
Ils  déterminent  le  nombre  et  la  nature  des  emplois  qu'ils  ju- 
gent nécessaires;  ils  établissent,  sauf  l'approbation  du  congrès, 
le  budget  de  la  province,  et  des  impôts  particuliers  pour  les 
dépenses  du  service  intérieur.  Ces  impôts  sont  directs;  toute 
contribution  indirecte  appartenant  au  trésor  national.  Si  les 
revenus  des  provinces  ne  suffisaient  pas  à  leurs  dépenses ,  il  y 
serait  pourvu  parle  trésor  de  la  nation,  d'après  un  compte 
ouvert  à  chacune  d'elles,  sauf  à  rembourser  les  avances  reçues. 
L'excédant  des  recettes  provinciales  est  employé  par  les  con- 
seils d'administration,  sauf  l'approbation  delà  législature.  Les 
membres  des  conseils  sont  élus  pour  deux  ans  et  renouvelés 
par  moitié,  chaque  année.  Ils  ne  sont  pas  responsables  des  avis 
qu'ils"  donnent ,  et  ne  reçoivent  aucun  traitement.  Le  président 
de  la  république  règle  le  régime  intérieur  de  ces  corps  ,  l'é- 
poque de  leur  réunion,  et  l'ordre  de  leurs  débats  et  de  leurs 
résolutions.  Les  gouverneurs  doivent  avoir  3o  ans  et  réunir  les 
conditions  exigées  pour  être  sénateurs.  Leurs  fonctions  durent 
trois  années,  et  ils  ne  peuvent  être  réélus  immédiatement  dans 
la  même  province.  Ils  sont  chargés  de  l'exécution  des  lois,  des 
ordonnances  du  président  et  des  règlemens  particuliers  faits 
parles conseilsd'administration.  Ils  nomment,  saufl'approbation 
desconseils  d'administration,  aux  emplois  salariés  de  la  province. 
Les  provinces  possèdent  des  tribunaux  inférieurs  et  un  tri- 
bunal supérieur  qui  reçoit  les  appel?.  Le  congrès  fixe  l'étendue 
de  la  juridiction  de  ces  tribunaux,  dont  les  membres  sont  com- 
posés déjuges  gradués  en  droit,  nommés  par  le  président  de  la 
république  sur  une  liste  de  trois  membres  présentés  par  la 
haute  cour  de  justice. 


SUR  LA  RÉPUBliQl  Ê  /UftGËNTÎNE  (Buenos-àyres).  555 

f.e  jugement  par  jury  sera  successivement  établi  dans  les 
provinces,  dès  qu'on  le  pourra.  Tout  jugement  par  commission 
est  interdit.  L'instruction  de  l'affaire  doit  avoir  lieu  dans  les 
trois  jours  (jiii  suivent  l'arrestation  des  individus.  La  vertu  et 
les  i  ilcns  seuls  obtiennent  des  distinctions  et  des  privilèges.  Il 
est  défendu  d'accorder  aucun  titre  de  noblesse.  L'esclavage  est 
aboli  pour  l'avenir,  et  les  enfans  des  esclaves  actuels  seront 
libres. 

Un  examen  attentif  de  cette  constitution  fait  apprécier  la 
sagesse,  la  bonne  foi  et  les  lumières  de  ses  auteurs.  Cependant, 
ils  ne  se  sont  point  dissimulé  que  leur  ouvrage  était  susceptible 
d'amélioration.  En  conséquence,  par  une  disposition  qui  e.*it 
évité  bien  des  maux  à  d'autres  contrées  ,  la  constitution  de  la 
République  Argentine  peut  être  modifiée  et  changée  dans  un  ou 
plusieurs  de  ses  articles;  mais  la  demande  de  modification  doit 
être  appuyée  par  le  quart  des  membres  présens  au  congrès;  la 
rectification  est  mise  ensuite  en  délibération,  dans  la  forme  ordi- 
naire, et  la  majorité  des  deux  tiers  des  voix,  dans  Tune  et 
l'autre  chambre ,  est  nécessaire  pour  l'obtenir.  La  résolution 
est  communiquée  au  pouvoir  exécutif.  S'il  ne  consent  pas  à 
la  réforme,  il  faut  que  les  trois  quarts  des  voix  du  congrès  dé- 
clarent sa  nécessité  ;  et,  dans  tons  les  cas,  on  délibère  de  nou- 
veau :  si  elle  réunit  une  seconde  fois  une  majorité  de  deux  tiers 
des  suffrages  ,  et  que  le  pouvoir  exécutif  la  rejette  encore,  les 
trois  quarts  des  voix  deviennent  nécessaires  ,  dans  chaque 
chambre  ,  pour  son  adoption  définitive.  Par  ces  précautions 
excessives  on  s'est  mis  en  garde  contre  la  précipitation,  sans 
priver  l'Etat  des  moyens  de  perfectionner  le  pacte  social,  quand 
l'utilité  des  changemens  proposés  est  généralement  reconnue  et 
devient  évidente. 

L'acceptation  des  deux  tiers  des  provinces  devait  donner 
force  de  loi  à  cette  constitution;  on  entretenait  des  relations  de 
bonne  intelligence  avec  celles  qui  avaient  différé  de  l'accepter. 
Malheureusement,  l'opposition  égoïste  et  les  vues  intéressées  de 
quelques  gouverneurs  ont  comprimé  ou  égaré  l'opinion  pu- 
blique, et  empêché  d'adopter  un  code  auquel  il  faudra  pour- 


556  PRÉCIS  HISTORIQUE 

tant  revenir.  Legouvernenementn'avaitvouîu  employer  d'autres 
moyens  que  ceux  de  la  persuasion  ;  la  guerre  une  fois  terminée, 
les  passions  auraient  fini  par  céder  à  l'évidence  et  à  la  raison  ; 
mais  le  résultat  si  triste  et  si  imprévu  de  la  négociation  de 
D.  Garcia  auprès  de  l'Empereur  D.  Pedro  a  remis  indéfiniment 
en  question  ce  qui  tient  à  l'organisation  du  pays,  et  forcé  de 
tout  sacrifier  à  la  pénible  nécessité  de  continuer  la  guerre  ac- 
tuelle. 

D.  Garcia,  nommé  ministre  plénipotentiaire  en  Angleterre  , 
devait  s'arrêter  à  Rio  -Janeiro  ,  et  s'informer,  par  l'intermé- 
diaire de  l'ambassadeur  anglais,  M.  Gordon,  delà  possibilité 
de  négocier  la  paix.  Il  était  autorisé  à  conclure  un  traité  prélimi- 
naire, pourvu  que  l'on  reconnût  l'indépendance  absolue  de  la  pro- 
vince de  Monte  video,  et  la  forme  degouvernementqu'elle  voudrait 
se  donner,  si  D.Pedro  persistait,  à  refuser  qu'elle  fit  partie  de  la 
République  Argentine.  Aucun  de  ces  États  n'eût  alors  payé  d'in- 
demnité à  l'autre  pour  les  frais  de  la  guerre.  Rien  n'était  plus 
clair  et  plus  précis  que  les  instructions  données  à  D.  Garcia. 
Lorsqu'il  arriva  à  Rio-Janeiro,  les  deux  chambres  venaient  de 
témoigner  avec  énergie  le  désir  de  la  paix ,  objet  de  tous  les 
vœux;  et  cette  unanimité,  jointe  à  l'influence  des  événemens 
arrivés  en  Portugal, ne  pouvait  manquer  de  frapper  l'empereur. 
Mais  le  négociateur,  qui  paraît  avoir  été  le  jouet  d'intrigues  an- 
glaises, souscrivit ,  au  mépris  de  ses  instructions,  le  plus  scan- 
daleux et  le  plus  déshonorant  des  traités  ,  puisque,  s'il  eût  été 
ratifié,  la  république  de  Buenos- Ayres  n'abandonnait  pas  seu- 
lement le  Banda  oriental,  mais  était  forcée  de  démolir  les  for- 
tifications élevées  pour  sa  propre  sûreté  dans  l'île  de  Martin- 
Garcia  qui  lui  appartient,  demeurait  responsable  des  pirateries 
commises  sous  son  pavillon,  et  n'avait  plus  qu'une  liberté  pré- 
caire de  navigation  dans  le  Rio  de  la  Plata.  Le  président  Riva- 
davia  rejeta  ces  conditions  avec  une  noble  indignation ,  et 
adressa  aussitôt  au  congres,  le  25  juin  1827,  la  résolution 
suivante  ,  signée  par  tout  le  ministère. 

«La  convention  préliminaire,  souscrite  par  l'envoyé  de  la 
république  auprès  de  la  cour  du  Brésil,  ayant  été  soumise  au 


SUR  LA  &ÉPUBLIQ1  E  ARGENTIN  E(Bueh  os- Atres).  557 
conseil  des  ministres  ,  et  otteodu  que  cet  envoyé  n'a  pas  seule- 
ment outrepassé  ses  pouvoirs  ,  mais  qu'il  a  mémo  agi  d'une  ma- 
nière contraire  à  la  lettre  et  à  l'esprit  de  ses  instructions,  et 
que  les  stipulations  de  la  convention  qu'il  a  signée  blessent 
l'honneur  national  et  attaquent  l'indépendance  et  tous  les  inté- 
rêts essentiels  de  la  république,  le  gouvernement  a  arrêté 
et  arrête  de  la  rejeter.  —  Cette  résolution  sera  communi- 
qua' au  souverain  congrès  Constituant,  dans  la  forme  accou- 
tumée. » 

Le  congrès  approuva,  à  l'unanimité,  la  conduite  du  gouver- 
nement, et  le  peuple  manifesta  la  résolution  la  plus  énergique 
de  s'exposer  à  tout,  plutôt  que  de  ratifier  l'indigne  traité 
rapporté  par  D.  Garcia.  Il  est  beau  de  voir  une  population 
entière,  appauvrie  et  épuisée  par  la  guerre,  préférer  les  sacri- 
fices les  plus  pénibles  à  une  paix  qui  devait  ramener  l'abon- 
dance, mais  qui  blessait  l'honneur  de  la  nation.  l'ourla  pre- 
mière fois,  peut-être,  tous  les  partis  se  réunirent  et  rivalisèrent 
de  zèle  pour  le  bien  général. 

Le  président  Rivadavia  ne  balança  pas  à  ôter  tout  prétexte 
aux  gouverneurs  qui  pourraient  encore  hésiter  à  seconder 
Buenos-Ayres  dans  la  guerre  que  cette  ville  soutenait  presque 
seule,  avec  la  province  de  Montevideo,  contre  l'empire  du 
Brésil.  Après  avoir  tout  fait  pour  introduire  dans  son  pays 
l'ordre,  le  bonheur  et  le  sentiment  de  la  dignité  nationale,  il 
prit  le  parti  de  se  démettre  sur-le-champ  de  ses  fonctions,  afin 
d'opérer  plus  promptement  l'union  des  provinces  avec  la  ca- 
pitale, malgré  l'injustice  de  l'opposition  dont  sa  présidence 
était  devenue  l'objet.  Il  annonça  cette  résolution  par  un  "mes- 
sage au  congrès,  le  27  juin  1827. 

«  Lorsque  je  fus  appelé  à  la  première  magistrature  de  la 
nation  par  le  vote  libre  de  ses  représentans ,  je  me  résignai  à 
un  sacrifice  très-pénible  pour  un  homme  qui  connaissait  trop 
bien  les  obstacles  qui,  dans  des  momens  si  difficiles  ,  ôtaient 
toute  illusion  au  pouvoir  et  engageaient  à  fuir  la  direction  des 
affaires.  J'entrai  avec  résolution  dans  la  nouvelle  carrière  que 
me  désignait  le  vœu  public;  et,  s'il  ne  m'a  pas  été  possible  de 


:>ï$  PRÉCIS  HISTORIQUE 

vaincre  les  difficultés  immenses  qui  se  sont  présentées  à  chaque 
pas,  j'ai  du  moins  la  satisfaction  de  m'ètre  efforcé  de  remplir 
mon  devoir  avec  dignité.  Entouré  sans  cesse  d'obstacles  et 
d'oppositions  de  tout  genre,  j'ai  procuré  à  la  patrie  des  jours 
de  gloire  qu'elle  pourra  se  rappeler  avec  orgueil,  et  j'ai  sou- 
tenu jusqu'au  dernier  moment  l'honneur  et  la  dignité  de  la 
nation.  Mon  zèle  pour  me  consacrer  sans  réserve  à^  son  ser- 
vice est  aujourd'hui  le  même  qu'au  premier  jour  où  j'ai  été 
chargé  de  la  présider.  Mais  malheureusement  des  difficultés 
d'un  nouvel  ordre  ,  qu'il  ne  m'avait  pas  été  donné  de  prévoir  , 
sont  venues  me  convaincre  que  mes  .services  ne  peuvent  plus 
lui  être  utiles.  Tout  sacrifice  de  ma  part  serait  désormais 
sans  résultat.  Dans  cette  conviction,  je  dois  résigner  !e  pou- 
voir, comme  je  le  fais  dès  ce  moment,  en  le  remeltant  au 
corps  national,  dont  j'en  ai  reçu  le  dépôt.  Il  m'est  pénible  de 
ne  pouvoir  exposer  à  la  face  du  monde  les  motifs  qui  justi- 
fient mon  irrévocable  résolution  ;  j'ai  du  moins  la  certitude 
qu'ils  sont  bien  connus  de  la  représentation  nationale.  Peut- 
être  ue  rendra-t-ou  pas  aujourd'hui  justice  à  la  noblesse  et  à  la 
sincérité  de  mes  sentimens;  mais  je  l'attends  quelque  jour  de  la 
postérité,  je  l'obtiendrai  de  l'histoire. 

«  En  descendant  du  poste  élevé  où  m'avaient  placé  les 
suffrages  des  représentans,  je  dois  leur  offrir  ma  profonde 
reconnaissance,  moins  pour  la  haute  confiance  dont  ils  oijt 
bien  voulu  m'honorer,  que  pour  le  zèle  constant  et  patriotique 
avec  lequel  ils  ont  soutenu  mes  faibles  efforts  pour  conserver 
jusqu'à  présent  sans  tache  l'honneur  et  la  gloire  de  notre 
république.  J'ose  maintenant  leur  recommander  de  pourvoir 
promplernent  à  la  nomination  de  la  personne  à  qui  je  dois 
remettre  une  autorité  qui  ne  peut  rester  plus  îong-tems  entre 
mes  mains.  L'état  des  affaires  l'exige  impérieusement;  et  ce 
sera  pour  moi  un  nouveau  motif  de  gratitude  envers  les  dignes 
représentans,  auxquels  j'ai  l'honneur  d'offrir  les  sentimens  de 
ma  haute  considération  et  de  mon  respect.  » 

Signé  Bernardino  Rivadavia. 

Le  Congrès  savait  bien  que  la  résolution  du  président  serait 


StJR  LA  aÉPUBLIQl  E  A  r.r,  E\TlNE(n<  bnos  Uei  i  r>  5g 
immuable,  el  qu'elle  n'avait  pas  lieu,  comme  d'autres  actes 
semblables,  pour  euttaver  la  marche  du  gouvernement  <•!  pour 
faire  sentir  davantage  le  besoin  qu'où  avait  de  ses  services. 
I!  accepta  donc  I.»  démission  du  président» 

h  Lis  motifs,  lui  dit-il  dans  sa  réponse,  par  lesquels  vous 
justifiez  voire  démission  ^  présentent  un  changement  dans  le 

pouvoir  exécutif  comme  un  fait  qui  peul.  être  avantageux  à  la 
patrie;  (lès  lors,  le  considérer  sous  le  même  point  de  vue  et 
s'en  rapporter  à  votie  témoignage,  ce  n'est  pas  seulement 
rendre  justice  à  vos  sentimens  et  à  votre  patriotisme,  mais 
c'est  encore,  pour  le  corps  national,  se  montrer  conséquent  à 
cette  confiance  qu'il  vous  a  montrée,  lorsque,  croyant  Votre 
Excellence  nécessaire  à  la  direction  des  affaires  publiques,  il 
l'a  placée  à  la  tète  de  l'Etat. 

«■  La  force  d'événemer.s  imprévus  et  une  combinaison  extra- 
ordinaire de  circonstances  pouvaient  seules  engager  Votre 
Excellence  à  quitter  le  commandement,  et  le  Congrès  national 
à  recevoir  votre  démission.  C'est  maintenant  que  le  Congrès 
devrait  justifier  son  choix,  en  rappelant  dignement  les  services 
distingués  que  Votre  Excellence  a  rendus  à  la  république  durant 
l'exercice  de  son  pouvoir;  mais  il  est  dispensé  de  cette  juste  et 
noble  tâche  par  l'évidence  des  faits,  et  par  l'existence  même  de 
la  patrie ,  par  ses  triomphes  et  par  sa  gloire.  » 

Don  liernardino  Rivadavia  se  retira  donc,  après  avoir 
adressé  au  peuple  une  proclamation  que  nous  croyons  devoir 
également  rapporter  ici,  pour  mieux  faire  apprécier  l'éiat  du 
pays  et  la  marche  des  événemens. 

«  Du  moment  où  l'Empereur  du  Brésil  eut  annoncé,  à  l'ou- 
verture de  la  session  actuelle  des  chambres,  que  la  paix  entre 
son  Empire  et  la  République  Argentine  dépendait  d'une  condi- 
tion aussi  contraire  à  l'honneur  qu'aux  intérêts  de  notre  patrie, 
je  fus  convaincu  de  la  nécessité  où  nous  étions  de  faire  les  der- 
niers efforts,  plutôt  que  de  subir  cette  condition.  Cependant, 
nos  armes  victorieuses  dans  tous  les  combats,  sur  terre  et  sur 
mer,  nous  plaçaient  dans  une  altitude  qui  nous  permettait  de 
proposer  la  p,tix,  sans  compromettre  notre  honneur,  et  de  la 


5oo  PRÉCIS  HISTORIQUE 

signer  sans  faire  de  sacrifices.  La  médiation  d'une  puissance 
respectable,  fondée  sur  une  base  honorable,  m'assurait,  d'un 
autre  côté  ,  que  le  Brésil  n'entamerait  point  une  négociation 
contraire  au  même  principe ,  et  ces  circonstances  ont  déter- 
miiié  la  mission  extraordinaire,  envoyée  au  Brésil  avec'les 
instructions  dont  le  public  a  été  instruit. 

«  Le  citoyen  auquel  cette  commission  a  été  confiée,  outre- 
passant les  pouvoirs  qu'il  avait  reçus,  nous  a  rapporté,  au 
lieu  d\sn  traité  de  paix,  la  sentence  de  notre  ignominie  et  le 
signal  de  notre  dégradation. 

«L'honneur  de  la  république,  identifié  avec  le  mien;  les 
triomphes  obtenus  par  notre  armée  et  par  notre  escadre,  du- 
rant ma  présidence;  les  relations  diplomatiques  de  cette  répu- 
blique avec  une  des  premières  puissances  de  l'Europe;  ma  vie 
entière  consacrée  à  la  cause  de  notre  indépendance  et  de  notre 
consolidation  ,  ne  me  permettent  point  d'autoriser  de  mon  nom 
l'infamie  et  le  vasselage  de  mes  concitoyens. 

«  D'un  autre  côté,  reconnaître  la  légitimité  de  la  domination 
du  Brésil  dans  la  province  qui  est  devenue  le  sujet  de  la  guerre, 
ce  serait  sanctionner  le  droit  de  conquête,  droit  opposé  à  la 
seule  politique  qui  convienne  à  l'Amérique  ;  cette  politique 
veut  que  chaque  peuple  s'appartienne  à  lui-même  sur  le  terri- 
toire qu'il  occupe.  Dans  ces  circonstances,  et  au  milieu  des 
difficultés  dans  lesquelles  m'a  placé  le  résultat  funeste  et  im- 
prévu d'une  négociation  suivie  long-tems  avec  tant  de  constance 
et  de  bonne  foi  de  notre  part,  la  démission  du  poste  que  j'ai  dû 
à  la  confiance  des  représentans  de  la  nation  est  le  seul  sacri- 
fice que  je  puisse  offrir  à  ma  patrie.  Je  me  crois  capable  de  lui 
faire  celui  de  ma  vie  avec  le  même  dévo  uement  ;  et  que  ne  puis- 
je  lui  éviter  ainsi  les  maux  dont  ne  pourra  peut-être  la  préser- 
ver mon  retour  à  la  vie  privée!  —  Citoyens ,  ne  répandez  point 
d'amertume  sur  ma  vie ,  en  me  faisant  l'injustice  de  me  suppo- 
ser arrêté  par  les  périls,  ou  découragé  par  les  obstacles  qui  en- 
vironnent la  magistrature  que  vous  m'avez  confiée.  J'aurais 
bravé  tranquillement  de  plus  grands  dangers  encore,  si  j'avais 
vu  pour  prix  de  cette  abnégation  la  sûreté  et  le  bonheur  de 
noire  pays. 


SI  R  Là  RÉPUBUQ1  V.  \i;c.K\Tl\  Lybes  . 

Consacrez  lui  entièrement  vos  efforts,  si  vous  voulet  d 

Q(  i  à  mOIl  /fie  et  à  mes   travaux  la  plus  douce  des  récompenses. 

Étouffes  la  voix    des  înu  i'"is  de  localité,  celle  «1rs  partis,  et 
sur  tout  celle  des  passions  ci  des  haines  personnelles,  aussi  con- 
traires au  bien  des  Ê&ajts  qu'à  l'affermissement  de  la  moraJ.< 

publique,  Réunissez  -  \ous  pour  faire  ("are  à  un  ennemi  exté- 
rieur, dont  la  domination  vous  préparerait  des  maux  infiniment 

plus  amers  el  plus  honteux  que  ces  privations  passagères  , 
exagérées  par  l'égoïsme,  accrues  par  l'avarice  de  L'agiotage. 
Fmbrassez-  vous  comme  des  frères,  et  accourez,  comme  des 
membres  d'une  même  famille,  à  la  défense  de  vos  foyers,  de 
VOS  droits  j  et  du  monument  que  vous  avez  élevé  à  la  gloire  de 
la  nation  ! 

«  Tels  sont  les  vœux  que  je  formerai,  dans  la  solitude  à  la- 
quelle je  vais  consacrer  ma  vie  ;  ils  me  consoleront  de  l'injus- 
tice des  hommes,  et  me  mériteront  peut-être  un  souvenir  ho- 
norable de  la  postérité.  Bcrncirdino  Rivadavia.» 

Maintenant  que  M.  Rivadavia  est  rentré  dans  l'obscurité  de 
la  vie  privée,  nous  ne  craindrons  pas  d'être  accusés  de  flatterie , 
en  reconnaissant  avec  la  plupart  des  feuilles  anglaises ,  que 
la  révolution  de  l'Amérique  du  Sud  n'a  peut-être  pas  produit 
d'hommes  plus  désintéressés,  plus  énergiques,  et  doués  d'une 
plus  haute  capacité,  réunie  aux  intentions  les  plus  patriotiques 
et  les  plus  pures.  Nous  citerons  aussi  le  témoignage  que  lui  a 
rendu  l'un  des  publicistes  dont  les  États  -  Unis  d'Amérique 
s'honorent  le  plus  aujourd'hui.  «  On  trouve  dans  tous  les  actes 
du  président  Rivadavia  ,  écrivait  dernièrement  M.  Evcrctt , 
une  vigueur  et  une  fermeté  de  pensée,  un  bon  sens  plein  de 
force  et  un  profond  sentiment  moral  qui  rappellent  les  plu:; 
nobles  auteurs  de  la  révolution  de  l'Amérique  du  Nord.» 

De  grands  éloges  ont  été  donnés  publiquement  à  cet  illustre 
citoyen;  mais  ils  ne  sont  point  suspects,  quand  ils  s'adressent 
à  l'homme  qui  a  cessé  d'être  puissant,  et  ils  font  également 
honneur  aux  hommes  qui  se  sont  rendus  les  organes  delà  re- 
connaissance publique. 

D.  Viccntc  Lopez,  en  faveur   duquel   tous  les  partisse  sont 
t.  xx xvi. —  Décembre  1897.  Vi 


562  NOT.  SUR  BUENOS- AYIVES.—  FORCES  PROD. 
réunis,  parce  qu'il  est  resté  toujours  étranger  à  chacun  d'eux  , 
remplace  provisoirement  M.  Rivadavia.  Les  excellentes  inten- 
tions dont  il  est  animé  font  espérer  qu'il  continuera  l'œuvre  de 
son  prédécesseur.  Le  nouveau  gouvernement  concentre  toute 
son  attention  sur  la  guerre,  qu'il  veut  pousser  avec  vigueur. 
Quant  à  l'organisation  intérieure,  tout  est  malheureusement 
remis  en  question.  Buenos-Ayres  a  cessé  d'être  la  capitale;  on 
a  rétabli  l'ancienne  province  qui  portait  ce  nom,  et  le  congrès 
est  remplacé  par  une  Convention  formée  du  nombre  trop  res- 
treint de  quinze  membres,  qui  doit  décider  quelle  sera  la  forme 
définitive  du  gouvernement  (i). 

Varaigne. 


Forces   productives  et  commerciales  du   midi  de 

la  france. 

(  second  article.  Voy.  Rev.  Enc,  t.  xxxv,  p.  27^-289.) 

Exposition  des  produits  de  V industrie  du  Languedoc, 

a  Toulouse. 

Un  lien  nouveau  m'attache  aux  prospérités  du  midi  de  la 
France.  Je  ne  doia  plus  simplement  les  chérir  et  les  étudier, 
comme  un  bon  Français  doit  étudier  et  chérir  les  prospérités 
de  toutes  les  parties  du  territoire  appartenant  au  royaume. 
Choisi  par  un  département  de  là  France  méridionale,  pour  dé- 
fendre ses  libertés,  ses  droits  et  ses  intérêts,  dans  la  Chambre 
des  députés,  c'est  un  devoir  sacré  pour  moi  d'étudier  tous  les 


(r)  Nous  avons  retranché,  dans  cet  article  ,  plusieurs  inculpations 
dirigées  contre  Bolivak  ,  parce  qu'il  nous  répugne  beaucoup  de  les 
croire  aussi  fondées  que  le  prétend  l'auteur  de  la  Notice  sur  Buenos- 
Ayres.  Nous  avons  également  supprimé  ce  qu'il  affirme  sur  le  rôle  peu 
honorable  que  les  Anglais  ont  joué ,  suivant  lui,  dans  la  négociation 
avec  le  Brésil.  La  Revue  Encyclopédique  tâche  de  ne  point  adopter  lé- 
gèrement des  asso  dons  qui  pourraient  être  téméraires  ou  inexactes. 

.V.  du  /?. 


Dl    MIDI  DE  LA  FRANCE.    j  563 

élémens  de  bien-être  dont  on  peut  découvrir  le  germe  dans 
cette  importante  pirtie  du  territoire  national.  Je  poursuivrai 

donc  avec  une  ardeur  nouvelle  l'examen  que  j'ai  commencé  des 

forces  productives  el  commerciales  du  midi  de  la  France.  Puis- 
sé-je,par  la  constance  de  mes  travaux  ,  acquitter  ma  dette 
envers  les  généreux  habitans  du  Languedoc  (i),  qui  m'ont  élevé 
au  rang  de  leurs  mandataires! 

Depuis  quelques  années,  plusieurs  villes  du  nord  de  la 
France  ont  adopté  L'excellente  coutume  de  faire  des  exposi- 
tions périodiques  des  produits  d'industrie  fabriqués  dans  les 
contrées  dont  elles  sont  les  chefs  -  lieux.  Jusqu'à  présent,  au- 
cune ville  du  midi  n'avait  suivi  cet  exemple.  Mais,  cette  an- 
née, nous  voyons  deux  des  cités  les  plus  illustres  de  cette  partie 
de  la  France,  Toulouse  et  Bordeaux,  adopter  celte  coutume  et 
fonder  une  exposition  des  produits  de  l'industrie.  Nous  allons 
commencer  par  rendre  compte  de  l'exposition  faite  à  Toulouse; 
nous  passerons  ensuite  à  celle  de  Bordeaux. 

Avant  la  révolution,  Toulouse  avait  des  expositions  pério- 
diques des  produits  des  beaux-arts;  elle  aura  maintenant  des 
expositions  périodiques,  où  l'on  réunira  non- seulement  les 
chefs-d'œuvre  des  beaux-arts,  mais  ceux  des  principaux  arts 
utiles. 

Toulouse  est  dans  une  admirable  position  pour  devenir  le 
centre  de  l'industrie  etde  l'activité  d'une  vaste  contrée  :  bâtie  sur 
les  bords  d'un  grand  fleuve,  à  l'endroit  même  où  ce  fleuve  com- 
munique avec  le  célèbre  canal  qui  joint  l'Océan  à  la  Méditer- 
ranée,  et  qui  traverse  des  contrées  fertiles,  Toulouse  a  tous 
les  avantages  qu'on  peut  désirer  dans  une  situation  commer- 
ciale. On  doit  donc  voir,  avec  un  extrême  intérêt,  toutes  les 
institutions  nouvelles  établies  dans  cette  ville,  et  susceptibles 
de  donner  une  grande  impulsion  aux  contrées  circon voisines. 

L'exposition  de  Toulouse,  commencée  le  i5  mai  dernier,  a 
duré  jusqu'au  1 5  juin.  Un  jury  d'examen,  choisi  parle  maire 
et  composé  d'hommes  habiles  dans  les  sciences  et  dans  les  arts, 


(r)  Département  du  Tarn,  arrondissement  de  Castres  e!  déLavaur 

36. 


fifi ',      FORCES  PRODUCTIVES  ET  COMMERCIALES 
a  soigneusement  étudié  les  divers  objets  exposés  ,  afin  de  les 
classer   suivant  leur  mérite  et  de  proposer  des  récompenses 
justement  méritées. 

Il  y  a  eu  108  exposons  dans  la  section  des  beaux-arts,  et  102 
dans  la  section  de  l'industrie.  Les  objets  relatifs  aux  beaux- 
arts  appartenaient  à  la  peinture,  à  la  sculpture  et  à  l'architec- 
ture. On  sera  certainement  frappé  de  voir  que  les  produits  des 
beaux-arts  soient  aussi  nombreux  ,  comparativement  aux  pro 
duits  de  l'industrie.  Mais  il  faut  remarquer  que,  depuis  long- 
tems,  les  arts  qui  prospèrent  surtout  par  l'imagination  sont 
cultivés  avec  soin  dans  la  ville  de  Toulouse,  et  qu'elle  a  beau- 
coup à  faire  encore  pour  arriver  à  la  perfection  dans  les  arts 
utiles  qui  se  fondent  sur  les  méthodes  de  calcul  et  de  précision. 

Dans  le  midi  de  la  France ,  il  existe  des  monumens,  des  ins- 
titutions et  de  simples  noms  qui  rappellent  la  puissance  romaine 
si  long-tems  florissante  dans  celte  partie  de  la  Gaule.  Ainsi,  les 
objets  d'art  présentés  par  les  exposans  ont  été  réunis  pour  être 
offerts  aux  regards  du  public  dans  la  salle  du  Capitule,  édifice 
connu  depuis  long-  tems  pour  la  distribution  qui  s'y  fait  des 
prix  décernés  dans  les  jeux  floraux.  C'est  aussi  dans  le  Capi- 
tole,  au  sein  de  la  salle  dite  des  Illustres ,  qu'on  a  fait  la  dis- 
tribution des  prix,  le  19  juillet  1827  ,  en  unissant  cette  céré- 
monie à  l'inauguration  du  buste  du  chevalier  Deville,  célèbre 
ingénieur  militaire. 

La  salle  des  Illustres  est  ainsi  nommée ,  parce  qu'elle  contient 
les  statues  ou  les  bustes  des  hommes  les  plus  célèbres  de  la 
ville  de  Toulouse.  Un  public  nombreux  et  brillant  s'est  réuni 
pourla  cérémoniedeîa  distribution  desprixet  de  l'inauguration 
du  buste  du  chevalier  De  ville,  qui  naquit  à  Toulouse  en  1696,  et 
qui  fut  le  précurseur  de  Vauban  dans  l'art  de  fortifier  les  places. 
M.  le  maire  de  Toulouse  a  fait  l'ouverture  de  la  séance  par  un 
discours  auquel  je  rendrai  d'autant  plus  de  justice  que  l'orateur 
a  cru  devoir  m'attaquer  dans  cette  production  ,  à  cause  de  ma 
figuration  de  la  France,  par  teintes  généralement  plus  foncées 
dans  le  midi  que  dans  le  nord  du  royaume. 

Même  après  avoir  lu  le  discours  que  je  vais  citer,  je  n'en 


hi    ^iidi  DB  LA  FRANCE. 

;u  pas  iiii)iiisc(iiicl(i,  quel  que  soit  l'éclat  des  litres  de  Toulouse, 

(jn<-,  si  l'on  prend  la  population  totale  du  vaste  département 
dont  ell*-  est  le  cluT-licu,  l'on  doit  être  aussi  surpris  qu'affligé  de 
voir  le  petit  nombre  d'enfant  instruits  dans  1rs  éeoles  primaires  , 
puisque  ce  nombre  est  simplement:  égal  au  soixante-sixième  de 
la  population  totale.  Je  suis  charmé  de  voir  cette  susceptibilité 
généreuse  des  liabitans  de  Toulouse,  et  je  désire  qu'elle  porte 
\\n  fruit  salutaire,  en  faisant  établir  dans  le  déparlement  de  la 
Haute-Garonne  un  nombre  d'écoles  primaires  suffisant  pour 
la  complète  instruction  des  enfans  du  peuple. 

Depuis  plusieurs  siècles,  l'administration  municipale  de 
Toulouse  encourage  avec  générosité  la  culture  des  beaux-arts  , 
pour  lesquels  elle  a  fondé  depuis  long-tcms  une  école  d'où 
sont  sortis  des  artistes  très-distingués.  Après  Paris,  il  n'y  a 
peut-être  aucune  autre  ville  du  royaume  qui  pût  présenter 
un  ensemble  d'ou\  ragé*  aussi  remarquable  que  celui  des  œuvres 
«K'  peinture,  de  sculpture  et  d'architecture  exposés  au  Capi- 
tole  de  Toulouse  en  1827  ;  mais  il  n'entre  pas  dans  l'objet  de 
nos  recherches  de  présenter  des  détails  à  cet  égard.  Je  me 
hâte  de  passer  à  l'exposition  des  produits  d'industrie. 

Nous  allons  suivre  l'ordre  adopté  par  le  jury  de  Toulouse. 
Le  premier  objet  qui  se  présente  est  l'amélioration  des  laines. 
Les  propriétaires  du  célèbre  troupeau  de  Naz,  MM.  Girod  , 
de  l'Ain,  et  Perrault  de  Jotemps  ont  présenté  des  tissus  dont 
la  beauté  est  reconnue  dans  toute  la  France.  MM.  Picot  de 
Lapeyrouse,  dont  la  famille  est  célèbre  par  le  nom  d'un  im- 
mortel navigateur,  possèdent  un  des  troupeaux  qui  ont  con- 
tribué îe  plus  puissamment  à  l'amélioration  des  laines  du  Midi. 
Ils  ont  prouvé,  par  leurs  succès,  que  les  mérinos  peuvent  être 
avantageusement  élevés  dans  les  pays  de  petite  culture.  Il 
serait  à  désirer  que  MM.  Picot  de  Lapeyrouse  fissent  part  au 
public  des  moyens  qu'ils  ont  employés  pour  obtenir  ce  résultat 
important,  afin  que  les  nombreux  départemens  où  la  petite 
culture  prédomine  pussent  jouir  du  même  avantage.  Trois  pro- 
priétaires du  département  de  l'Arriège  ont  mérité  des  distinc- 
tions. M.  Clauski.  ,  de  Mirepoix,  a  mémo  obtenu  une  médaille 
d'argent.  Il  est  remarquable  que  la  plupart  des  propriétaires 


566     FORCES  PRODUCTIVES  ET  COxMMERCIALES 

du  Midi ,  qui  veulent  atteindre  le  plus  grand  degré  de  perfec- 
tion pour  les  toisons  de  mérinos,  régénèrent  leurs  races  avec 
des  béliers  et  des  brebis  de  race  pure  de  Naz. 

Un  manufacturier  célèbre,  M.  Guibal,  de  Castres,  dépar- 
tement du  Tarn,  a  reçu  la  médaille  d'or  de  Toulouse,  comme 
il  l'avait  reçue  à  Paris,  lors  de  l'exposition  générale  de  1823. 
Ce  manufacturier  a  des  droits  particuliers  à  la  reconnaissance 
de  tout  Je  Midi,  qui  lui  doit  d'avoir  donné  aux  laines  de  cette 
partie  de  la  France  une  valeur  nouvelle  qui  excite  le  cultiva- 
teur à  soigner  et  à  perfectionner  leurs  troupeaux  de  mérinos. 
Les  ateliers  de  M.  Guibal,  établis  dans  la  ville  de  Castres, 
exécutent  toutes  les  opérations,  depuis  la  laine  en  suint  jus- 
qu'aux derniers  apprêts  de  l'étoffe.  Plus  de  huit  cents  ouvriers 
sont  employés  à  cet  ensemble  d'opérations. 

Le  jury  de  Toulouse  décerne  une  médaille  d'argent  à  MM.  Ar- 
mingaud  et  Mingaud,  de  Riols ,  département  de  l'Hérault, 
pour  les  draps  communs  qu'ils  fabriquent  aux  prix  les  plus 
modérés,  quoiqu'ils  aient  considérablement  amélioré  la  qualité 
de  leurs  tissus. 

Depuis  long-tems ,  Montpellier  fabrique  avec  une  supériorité 
remarquable  les  couvertures  de  laine  :  on  commence  à  prati- 
quer de  genre  d'industrie  à  Toulouse,  Plusieurs  produits  ont 
été  présentés  à  l'exposition  ;  ils  ont  mérité  une  mention  hono- 
rable. On  a  vu  figurer  à  l'exposition  de  Toulouse  le  duvet 
d'ijh  troupeau  de  chèvres  du  Thibet  possédé  par  M.  de  Gasc, 
maire  de  Canals,  département  de  Tarn-et-Garonne. 

Le  midi  du  département  de  Tarn-et-Garonne  possède  un 
çrand  nombre  de  chèvres  communes.  La  plupart  ont  un  duvet 
analogue  à  celui  des  chèvres  du  Thibet,  mais  en  petite  quan- 
tité. On  pense  que  ces  chèvres  communes ,  croisées  avec  les 
boucs  du  Thibet,  donneraient  une  race  nouvelle  précieuse 
pour  la  beauté  et  la  quantité  de  son  duvet. 

L'éducation  du  ver  à  soie  prend  une  extension  particulière 
dans  les  départemens  de  l'Hérault  et  des  Pyrénées-Orientales. 
Il  esta  désirer  que  les  départemens  de  Tarn-et-Garonne  et  de 
la  Haute -Garonne  se  livrent  à  cette  éducation. 

Remarquons  avec  plaisir  des  étoffes  mixtes  fabriquées  par 


1)1!  MIDI  DE  LA  FRANCE.  567 

M.  COMBIX  E09SEL  avec  de  l.i  soie  pour  chaîne  et  du  coton 
pour  trame.  Ces  étoffes  ont  l'avantage  d'avoir  l'aspect  des 
beaux  tissus  «le  Lyon  et  d'être  beaucoup  plus  économiques 
par  l'heureux  mélange  des  matières  premières*  M.  Combie 
Bosse!  a  reçu  une  médaille  d'argent.  On  voit,  par  le  rapport 
du  jury  d'examen,  que  les  linges  ouvrés  et  damassés  qui  se 
consomment  à  Toulouse,  proviennent  en  presque  totalité  des 
fabriques  du  Nord.  C'est  un  objet  digne  de  l'émulation  des 
habitans  du  Midi. 

La  fabrication  des  cordages  à  Toulouse  a  mérité  quelques 
mentions  honorables  en  faveur  des  artisans  qui  s'en  occu- 
pent. 

A.u  sujet  de  la  filature,  voici  comment  s'exprime  le  jury  de 
Toulouse:  «  Ce  ne  fut  guère  qu'en  1800,  sous  le  ministère  de 
M.  le  comte  Chaptal,  que  la  France  s'enrichit  du  véritable  sys- 
tème de  filature;  à  cette  époque  ,  de  grandes  manufactures  de 
coton  s'élevèrent  à  Toulouse;  mais,  pendant  que  cette  indus- 
trie a  f;  it  des  progrès  immenses  dans  toute  la  France,  elle  s'est 
presque  entièrement  éteinte  parmi  nous  ,  et  il  n'existe  plus 
dans  notre  ville  que  deux  filatures.  » 

Le  seul  produit  de  filature  que  le  jury  de  Toulouse  ait  cru 
devoir  encourager,  est  du  coton  filé  en  gros  au  n°  16,  par 
M.  Simon  Dalas,  qui  a  reçu  pour  ce  travail  une  médaille  de 
bronze. 

La  teinture  des  cotons,  d'après  les  procédés  d'Andrinople  , 
fut  importée  à  Toulouse  par  un  Grec,  M.  Manuel,  dont  les  fils 
exercent  encore  la  même  industrie  dans  cette  ville;  ils  ont  ob- 
tenu pour  récompense  une  médaille  d'argent. 

M.  Dkstrem,  qui  possède  à  Toulouse  une  fabrique  de  papiers 
peints,  a  mérité  la  médaille  d'argent  pour  de  grands  décors  de 
salon  ,  avec  décorations  d'architecture,  d'arabesques  et  de 
peinture. 

Le  jury  de  Toulouse  observe  qu'on  ne  fait  point  encore  dans 
cette  ville  usage  de  l'impression  par  le  cylindre  pour  les  pa- 
piers de  tenture.  C'est  un  perfectionnement  moderne  qu'il  im- 
porte de  propager  dans  le  Midi. 


FORGES  PRODUCTIVES  ET  COMMERCIALES 

[,o\  uni  ,  chapelier  à  Toulouse,  a  perfectionné  la  fabri- 
cation des  chapeau*  qu'il  donne  à  des  prix  très-modérés.  Le 
jurv  décerne  à  M.  Lourde  une  médaille  de  bronze  ,  pour  avoir 
amélioré  à  Toulouse  une  branche  d'industrie  qui  ,  jusqu'à  ce 
jour  ,  telles  sont  les  expressions  du  jury  ,  n'était  répandue  que 
dans  le  nord  de  la  France. 

Le  département  de  la  Haute-Garonne  comprend  une  portion 
considérable  de  la  chaîne  des  Pyrénées,  si  riche  en  matières 
minérales  précieuses  ,  et  particulièrement  en  marbres.  Les  Ro- 
mains, dont  il  reste  encore  de  si  beaux  monumens  dans  le  midi 
de  la  France,  employèrent  avec  succès  les  marbres  tirés  des 
Pyrénées.  On  en  retrouve  des  fragmens  plus  ou  moins  consi- 
dérables dans  les   ruines  des  anciennes  villes  de  l'Aquitaine. 
Plusieurs  de  nos  rois  ont  décoré  leurs  palais  avec  des  marbres 
tirés  des  Pyrénées;  mais,  depuis  Louis  XIV,  l'exploitation  de 
ces  majores  a  cessé  presque  totalement,  et  nous  n'avons  plus 
employé  pour  nos  monumens  d'architecture  et  de  sculpture  que 
des  marbres  étrangers.  Depuis  la  paix,  nous  avons  tourné  nos 
regards  vers  nos  richesses  minérales  avec  un  soin  nouveau  ,  et 
nous  avons  obtenu  les  plus  heureux  résultats  dans  la  recherche 
des  marbres. 

Un  marbrier  de  Toulouse,  M.  Layerle-Capel^  fait,  avec 
une  activité  et  une  persévérance  infatigables,  des  recherches 
dans  les  monts  Pyrénées;  il  a  découvert  des  marbres  superbes 
qui  d'abord  ont  été  présentés  à  l'exposition  de  Toulouse,  et 
peu  de  tems  après,  à  l'exposition  générale  des  produits  de  la 
France,  à  Paris.  On  doit  remarquer  particulièrement  les  su- 
perbes marbres  statuaires  qu'il  présente:  ils  sont  d'un  blanc 
parfait  et  susceptibles  d'un  b,eau  poli.  Le  jury  de  Toulouse  a 
décerné  la  médaille  d'or  à  M.  Layerle-Capel. 

Une  compagnie,  dans  laquelle  se  trouvent  MM.  Pugens  ,  a 
présenté  de  beaux  échantillons  de  marbres,  parmi  lesquels  on 
a  remarqué  surtout  le  marbre  d'Antin  et  le  vert  moucheté  de 
Signac. 

Le  travail  des  métaux  ,  et  spécialement  du  bronze,  s'exécute 
avec  une  perfection  remarquable  dans  la  fonderie  royale  de 


IX     M 1 1 >  1  DE  LA  FUAi\<  I 
Toulouse,  où  lèi  travaux  sont  dirigea  pàt  un  jeune  entrepre 

iiciir  plein  de  talent.  M.   !M\tiiik  a  établi  une  superbe  forer  ie, 
d'après  les  plan-,  de  M.  Ahadik,  excellent  mécanicien  de  'l'un 
louse.    De    itta/,  à  18/7,    M.    Mather   a  livré  au  gouvernemcnl 
,So  pièces  de  siège  et:  de  place  :  ces  travaux  lui  ont  mérité  la 
médaille  d'or. 

Il  existe  à  Toulouse  un  laminoir  qui  réduit  en  feuilles  en- 
viron 1  5o,ooo  kilogrammes  de  cuivre  par  année.  Cependant  , 
"us  machines  de  cet  établissement  laissent  encore  beaucoup  à 
désirer,  disent  les  membres  du  jury,  sous  le  rapport  de  leur 
ensemble  et  de  leur  construction.  Néanmoins,  cet  établissement 
soutient  la  concurrence  avec  ceux  de  Vienne,  de  Vaucluse , 
d'Iinpliv  et  de  Romilly  ,  les  seuls  que  la  France  possède. 
MM.  Mazaiun,  père  et  fils,  qui  dirigent  ce  laminoir,  ont  reçu 
la  médaille  d'argent. 

Un  établissement  déjà  célèbre,  et  très-digne  de  l'être,  est  la 
fabrique  d'étoffe  d'acier,  de  faulx  et  de  limes  ,  de  MM.  Garri- 
gou,  Massenet  et  Cie-  Cet  établissement,  formé  en  181 5,  dans 
l'ile  du  Bazacle,  attenante  aux  murs  de  la  ville,  est  le  plus  con- 
sidérable de  ce  genre  qui  existe  en  France.  Il  n'y  a  pas  trente 
années,  la  France  demandait  à  l'étranger  la  presque  totalité 
des  limes,  des  faulx,  des  outils,  des  aciers  dont  elle  faisait 
usage.  Plusieurs  aciéries  ont  été  successivement  établies  de  • 
puis  1800.  Néanmoins,  dans  l'année  qui  suivit  181 5,  on  im- 
portait encore  en  France  plus  de  1,200,000  kilogr.  d'acier. 
Aujourd'hui,  la  seule  fabrique  de  MM.  Garrigou,  Massenet 
et  Cie- en  produit  800,000.  En  1817,  la  France  tirait  de  l'é- 
tranger rz5o,ooo  kilogrammes  de  limes;  aujourd'hui  la  seule 
fabrique  de  Toulouse  en  produit  8o,ooo.  L'établissement  de 
Toulouse  est  encore  plus  remarquable  pour  la  fabrication  des 
faulx.  L'agriculture  en  consomme  600,000  chaque  année;  il 
y  a  doilze  années,  nous  n'en  fabriquions  pas  3o,ooo;  et  main- 
tenant la  fabrique  de  Toulouse  peut  en  exécuter  120,000;  et, 
quand  les  constructions  entreprises  maintenant  à  Toulouse  et 
sur  le  Tarn  seront  aehe\ées,la  compagnie  que  nous  citons 
sulïira  pour  exécuter  3oo, 000  faulx,  comparables  pour  leurs  ex- 


570  FORCES  PRODUCTIVES  ET  COMMERCIALES 
eellentes  qualités  à  celles  que  nous  tirons  de  Styrie.  Ajoutons 
que  lesfaulx  françaises,  par  la  concurrence  qu'elles  ont  élevée, 
ont  fait  baisser  les  prix  des  faulx  autrichiennes,  et  les  feront 
baisser  davantage,  quand  elles  seront  fabriquées  en  plus  grande 
quantité.  On  évalue  à  plus  d'un  million  de  francs  la  vente  an- 
nuelle des  produits  de  la  fabrique  de  MM.  Garrigou,  Massenet 
et  Cic-  Cet  établissement  fait  un  grand  honneur  aux  lumières  ,  à 
l'activité,  à  la  persévérance  de.  son  directeur  ,  M.  Garrigou. 

On  cite  une  construction  extrêmement  remarquable  que  l'on 
exécute ,  pour  ainsi  dire ,  au  milieu  du  lit  du  Tarn  ,  appelé  le 
Saut  du  sabot.  Les  talens  de  MM.  D'Aubuisson,  ingénieur  en 
chef  des  mines,  et  Abauie,  mécanicien,  ont  été  très-utilement 
employés  dans  cette  entreprise  difficile.  La  fabrique  dont  nous 
parlons  a  mérité  la  médaille  d'or,  aux  expositions  générales  de 
1819  ,  1823  et  1827. 

Des  travaux  de  serrurerie,  remarquables  pour  leur  préci- 
sion et  leur  fini,  ont  mérité  la  médaille  de  bronze  à  M.  Billon. 
On  a  donné  la  même  récompense  à  M.  Poisson  pour  sa  fabri- 
cation de  vis  à  grandes  dimensions  et  d'étaux  remarquables 
pour  leur  excellente  exécution.  Des  mentions  honorables  ont 
été  méritées  par  deux  couteliers  et  par  un  orfèvre. 

Le  jury  de  Toulouse  a  décerné  la  médaille  d'or  à  M.  Abadie 
que  nous  avons  déjà  cité.  Il  a  dû  particulièrement  cette  récom- 
pense à  la  conception  et  à  l'exécution  de  la  machine  hydrau- 
lique qu'il  a  faite  pour  élever  les  eaux  destinées  aux  fontaines 
publiques  de  Toulouse.  Depuis  plus  de  deux  années,  cette 
machine  est  en  activité,  sans  qu'elle  ait  éprouvé  aucun  accident 
qui  ait  forcé  d'en  interrompre  le  mouvement.  On  doit  au  même 
artiste  une  grande  horloge,  destinée  pour  le  Capitole,  et  un 
ingénieux  tourne- broche  à  vapeur;  c'est  une  application  du 
phénomène  de  l'éolipile.  Une  boîte  métallique  creuse  est  rem- 
plie (Venu  ,  qui  s'échappe  en  vapeur  lorsque  cette  boîte  est 
chauffée  ;  cette  vapeur  sort  par  un  étroit  orifice  avec  une  vitesse 
considérable,  et  fait  mouvoir  une  roue  dont  le  mouvement, 
par  le  moyen  d'un  engrenage  à  vis  sans  fiu,  fait  tourner  la 
broche.  lie  midi  de  la  France  doit  encore  à  M.   Abadie  des 


Dl    MIDI   DE  LA    FRANCE.  î>7t 

machines  considérables  pour  des  établissemens  de  toute  espèce* 
«les  forges  i  des  filatures,  *  1  *  *  s  foreries  de  canons.  Un  établisse' 
inenl  de  ne  genre  esl  d'autant  plus  remarquable,  qu'il  est, 
pour  ainsi  <liic,  unique  dans  cette  partie  de  la  France. 

1.  Boi  ssakd,  horloger  de  Toulouse,  a  reçu  la  médaille  d'ar- 
genl  et  mérité,  dit  le  jury,  la  médaille  d'or,  pour  un  système 
de  suspension  des  horloges  tjm  les  met  d'elles-mêmes  dans  une 
position  verticale,  et  dispense  des  soins  minutieux  par  lesquels 
on  s'assure  d'ordinaire  que  les  quatre  points  d'appui  sont  dans 
un  même  plan  horizontal. 

Un  atelier  important  pour  la  construction  d  instrumens  ara- 
toires a  été  formé  dans  Toulouse  par  M.  Lacroix  (ils.  Cet  ate- 
lier peut  avoir  la  plus  heureuse  influence  sur  les  progrès  de 
l'agriculture  c\u  Midi,  agriculture  qui  n'emploie  jusqu'à  ce 
moment  que  des  instrumens  très-imparfaits, 

M.  Lignières  avait  fondé  un  prix  de  3oo  fr.  pour  la  machine 
la  plus  propre  à  égraper  et  à  fouler  la  vendange,  prix  que 
devait  décerner  la  Société  d'agriculture  de  Toulouse.  Nul  con- 
current ne  s'étant  offert ,  M.  Lignières  présenta  lui-même  une 
machine  propre  à  remplir  cet  objet,  et  la  Société  d'agriculture 
lui  décerna  le  prix  que  lui-même  avait  fondé. 

Au  commencement  de  ce  siècle,  le  commerce  des  blés  à 
Toulouse  se  faisait  entièrement,  en  grains;  la  mouture  à  la 
grosse,  de  l'aveu  même  du  jury,  était  peu  perfectionnée.  Toutes 
les  opérations  du  nétoyage  des  grains  et  du  blutage  des  farines 
s'exécutaient  avec  des  instrumens  à  la  main. 

M.  Lignières,  que  nous  venons  de  citer,  a  le  premier  fait 
réussir,  dans  Toulouse,  le  commerce  des  farines.  Aujourd'hui, 
Toulouse  possède  six  minoteries  qui  convertissent  140,000  hec- 
tolitres de  grains  en  minots.  Cette  nouvelle  branche  d'industrie 
a  fait  introduire  dans  l'agriculture  du  Midi  plusieurs  variétés 
de  blés;  elle  a  fait  apporter  plus  de  choix  dans  les  semences;  on 
a  demandé  des  instrumens  plus  propres  à  nétoyer  les  blés;  on 
a  perfectionné  le  blutage  des  farines  ;  en  même  tems  ,  le  son  ré- 
sidu de  la  mouture  restant  dans  le  pays  permet  au  cultivateur 
de  nourrir  des  bestiaux  avec  plus  d'économie  qu'on  ne  faisait 
auparavant. 


57a      FORCES  PUOIH  CLIVES  ET  COMMERCIALES 

M.  Lanières  a  trouvé  !ë  moyen  de  conserver  la  farine  de 
maïs,  qu'il  envoie  dans  nos  colonies  des  Antilles.  Jusqu'à  ce 
jour,  nous  ne  pouvions  obtenir  un  pareil  résultat,  et  les  culti- 
vateurs des  États-Unis  pouvaient  seuls  envoyer  dans  nos  colo- 
nies des  farines  qui  supportassent  les  chaleurs  du  climat  sans 
s'altérer.  Cette  heureuse  invention  commerciale  a  mérité  la 
médaille  d'argent  à  M.  Lignières. 

C'est  depuis  1816  et  18 17  que  la  France  a  commencé  de 
fabriquer  avec  succès  le  vermicelle  et  les  pâtes  imitées  d'Italie. 
On  compte  maintenant  onze  fabriques  de  pâtes  et  de  vermi- 
celle dans  la  ville  de  Toulouse.  C'est  une  conquête  pour  notre 
agriculture. 

Parmi  les  objets  utiles  à  l'économie  domestique,  il  faut 
placer  dans  un  rang  très-distingué  ceux  qui  se  rapportent  à 
l'éclairage.  Le  jury  de  Toulouse  a  décerné  la  médaille  de 
bronze  à  M.Bernady  pour  ses  bougies  de  table  et  ses  bougies 
filées  ,  ainsi  que  pour  la  cire  en  plaques  qu'il  purifie  et  blanchit 
par  un  appareil  à  vapeur.  Des  mentions  honorables  sont  ac- 
cordées à  divers  fabricans  de  lampes  et  de  chandelles. 

On  doit  à  M.  Lignières ,  déjà  plusieurs  fois  cité,  l'établissement 
à  Toulouse  de  la  première  fabrique  de  cuirs  à  \a.  garouille, 
appelés  dans  le  commerce  cuirs  noisettes.  Les  cuirs  de  cette 
fabrique  ont  été  mentionnés  honorablement,  à  l'exposition 
générale  de  1823,  à  Paris.  Le  jury  signaleun  moyen  particulier 
de  tannage  dont  on  fait  usage  à  Narbonne  et  à  Pezenas,  en 
employant  pour  tan  la  plante  qu'on  nomme  oreille  de  lièvre,  et 
que  l'on  connaît  sous  le  nom  plus  scientifique  de  staticé.  Il  est 
à  désirer  qu'on  étudie  cette  fabrication  pour  voir  s'il  est  pos- 
sible de  se  passer  de  l'écorce  de  chêne,  et  de  la  remplacer 
par  une  simple  plante  herbacée. 

MM.  Sabatïer  et  Boinneau,  de  Toulouse,  ont  mérité  la 
médaille  d'argent  pour  des  maroquins  aussi  remarquables  par 
leur  bonne  préparation  que  par  le  brillant  et  la  variété  des 
couleurs.  Le  jury  fait  observer  avec  équité  que  la  fabrique 
de  MM.  Sabatier  et  Boinneau  a  été  fondée  par  M.  Roussille. 
Le  jurv  décerne  une  médaille  d'or  à  MM.  Fouqce  et   Ai; 


Dl    AUDI  DE  \.\  FRANCE. 

koi  \  pour  les  produits  variés  de  leur  manufacture  <!«•  faïence, 
lerre  de  pipe  en  blanc  <>u  peinte  ,  également  remarquable  pour 
la  bonne  exécution  el  pour  la  modicité  des  prix*  JLes  m£me* 
fabricans  font  des  vases  en  grès  rouge  el  noir,  à  limitation  des 
vases  étrusques ,  aussi  recommaudables  pour  leur  légèreté  que 
pour  leur  extrême  dureté.  Ils  font  aussi  des  creusets  et  des 
briques  réfractaires  pour  la  construction  des  fourneaux;  en- 
fin,  ils  confectionnent  des  poêles  eu  laïenee  de  ti  ès-grandes 
dimensions,  et  si  bien  ajustes  qu'on  les  dirait  moulés  d'une 
seule  pièce.  Ces  fabricans  ont  mérité  la  médaille  de  bronze, 
à  l'exposition  générale  des  produits  de  la  France,  en  182^. 

On  a  donné  la  médaille  de  bronze  à  M.  Delestaing  fils, 
pour  sa  fabrique  de  vases,  de  fontaines,  de  tuyaux,  de  car- 
reaux, de  briques  et  de  jarres  en  terre  cuite,  et  généralement 
de  toute  espèce  de  poteries  communes,  qu'il  possède  à  Castel- 
naudary.  Tous  ces  objets  sont  dune  bonne  fabrication  et  d'un 
prix  modéré. 

Des  ébénistes  de  Toulouse  ont  mérité  des  mentions  hono- 
rables pour  des  meubles  élégans  et  très-bien  exécutés  en  beaux 
bois  du  pays,  tels  que  le  peuplier,  le  frêne,  le  noyer  noir  et 
le  jujubier.  Le  jury  se  plaint ,  avec  raison,  que  ces  meubles 
soient  plus  coûteux  que  s'ils  étaient  faits  en  acajou. 

Le  jury  décerne  une  médaille  de  bronze  à  M.  Bonnet, 
tourneur  sur  métaux,  pour  des  produits  de  tournage  parfai- 
tement exécutés,  et  pour  l'exécution  particulière  d'un  tour 
en  l'air. 

Toulouse  possède  une  fonderie  de  caractères  dont  les  pro- 
duits estimables  ont  mérité  la  médaille  de  bronze  à  M.  Fenot. 
M.  Vieusseux,  imprimeur-  libraire  de  Toulouse,  a  mérité  la 
mention  honorable  pour  avoir  enrichi  ses  ateliers  d'une  col- 
lection de  caractères  hébraïques;  ce  qui  permettra  de  publier 
à  Toulouse  des  ouvrages  qu'on  n'y  a  jamais  imprimés. 

La  ville  de  Toulouse  jouit ,  depuis  peu  ,  d'une  école  de  chant, 
succursale  du  Conservatoire  de  musique  de  Paris.  Il  s'est  formé 
à  Toulouse  un  atelier  de  gravure  pour  la  musique;  il  est  dirigé 
par  M.  Mescadier  aîné,  qui  a  reçu  la  médaille  de  bronze  pour 
les  produits  de  son  industrie. 


574     FORCES  PRODUCT.  DU  MIDI  DE  LA  FRANCE. 

La  reliure  de  luxe  a  mérité  la  même  récompense  à  M.  Ba- 
diéjoi rx.  La  même  distinction  est  accordée  à  M.  Bâche,  pour 
des  registres  très-solides  parfaitement  confectionnés,  à  dos  élas- 
tiques et  à  papier  réglé  par  des  procédés  mécaniques.  Autre- 
fois,  il  fallait  faire  venir  de  Paris  de  semblables  registres  pour 
les  grandes  maisons  de  commerce  de  Toulouse,  qui  maintenant 
en  prennent  dans  les  ateliers  de  M.  Bâche. 

Toulouse  est  un  centre  d'industrie  pour  la  confection  des 
voitures  ;  elle  eu  fournit  presque  toutes  les  villes  du  Midi. 
Parmi  les  nombreux  objets  qui  entrent  dans  la  construction 
d'une  voiture,  il  en  est  encore  que  nous  sommes  obligés  de 
faire  venir  de  Paris  ,  disent  les  membres  du  jury;  ainsi,  les 
cuirs,  dits  vaches  de  capote,  ne  sont  généralement  pas  assez 
bien  fabriqués  à  Toulouse  pour  être  employés  à  cet  usage; 
en  revanche,  les  aciers  pour  ressorts  faits  par  M.  Garrigou 
sont  recherchés  ,  même  dans  la  capitale.  Peu  de  carrossiers  ont 
concouru,  et  M.  CALMETTsyVw/^aseul  mérité  une  médaille  de 
bronze.  On  mentionne  honorablement  des  travaux  de  sellerie 
exécutés  par  quatre  chefs  d'ateliers. 

On  a  donné  la  médaille  de  bronze  à  M.  Lagrange,  pour  les 
taffetas  et  les  toiles  gommées,  qu'il  rend  imperméables  en  leur 
donnant  une  grande  solidité  ,  qualités  dont  semblent  privés  les 
autres  taffetas  et  les  toiles  gommées  qu'on  fabrique  en  d'autres 
localités. 

La  partie  du  rapport  sur  l'exposition  de  Toulouse,  qui  se 
rapporte  aux  produits  d'industrie,  est  l'œuvre  de  M.  Urbain 
Vitry,  professeur  de  géométrie  et  de  mécanique  appliquées 
aux  arts  dans  cette  ville.  Ce  jeune  professeur  est  en  même  tcms 
un  architecte  distingué,  connu  par  un  ouvrage  utile,  publié 
sous  le  titre  du  Propriétaire- Architecte.  (Paris,  1827  ;  Audot. 
Voy.  ci-dessus  p.  469.  )  M.  Vitry  a  tracé  les  plans  et  les  devis 
d'un  abattoir  général  qui  tiendra  lieu  de  tous  les  abattoirs 
dispersés  dans  les  divers  quartiers  de  Toulouse.  Ce  projet , 
approuvé  par  le  gouvernement ,  est  maintenant  en  exécution. 
La  Section  des  beaux-arts  ,  indépendante  de  la  Section  d'in- 
dustrie,   a  décerné  la  médaille  d'argent  à  M.  Vitry  ,  qui  se 


ftOTICE|BIOGRA.PHIQl  ESI  II  MALTE-BRI  NT. 

recommande  aussi  pur  le  zèle  digne  d'éldges  avec  lequel  il  \e 
consacre  à  l'instruction  de  la  classe  industrielle. 

applaudissons  aux  efforts  delà  ville  de  Toulouse  pour  réu 
nirdansson  enceinte  tons  les  genres  de  gloire el  d'utilité.  Elle 
drarche  maintenant  à  grands  pas  dans  la  voie  récente  encore  de 
la  vraie  civilisation.  La  paii  intérieure,  le  bonheur  domes- 
tique', la  douceur  des  mœurs  privées  el  publiques  ,  le  bien-être 

clans  les  humbles  familles ,  cl  l'opulence  et  la   richesse ,  auno- 
blies  par  l'élégance  de  la  vie  dans  les  classes  supérieures,  seront 

les  fruits  des  nouveaux  efforts  tentés  par  les  habitans  de  celte 

ville. 

Charles  Du  pin,  membre  de  V  Institut. 


Notice  biographique  suit  Malte-  13 rux. 

En  annonçant,  vers  la  fin  de  l'année  dernière  (  voy.  Rev. 
Enc.y  t.  xxxii,  p.  857),  la  mort  de  M.  Malte-Brun,  nous 
avons  pris  l'engagement  de  consacrer  à  la  mémoire  de  cet 
écrivain  une  Notice  destinée  à  faire  apprécier  la  nature  et 
l'étendue  des  services  dont  les  sciences  géographiques  lui  sont  re- 
devables. «  Quelle  que  fût,  disions-nous,  la  célébrité  de  l'homme 
dont  le  Danemark  et  la  France  ont  également  à  déplorer  la 
perte  ,  nous  croyons  que  la  profondeur  et  la  variété  de  ses 
connaissances  lui  méritaient  plus  de  renommée.  C'est  un  fait 
que  nous  démontrerons,  en  essayant  d'exposer  les  causes  qui 
empêchèrent  de  lui  rendre  une  justice  entière.  » 

L'anniversaire  de  la  mort  de  M.  Malte-Brun  nous  paraît  une 
époque  favorable  pour  reporter  l'attention  publique  sur  sa 
mémoire.  Les  haines  violentes  dont  il  fut  l'objet  se  sont  calmées; 
les  personnes  qui  eurent  à  se  plaindre  de  l'amertume  de 
plusieurs  de  ses  écrits,  ne  s'inscriront  plus  en  faux  contre  les 
éloges  dus  à  son  rare  mérite;  et  la  bienséance,  qui  prescrit 
toute  autre  forme  que  celle  du  panégyrique  en  présence  d'un 
cercueil,  ne  nous  interdit  plus  de  signaler  les  égaremens  dans 
lesquels  M.  Malte-Brun  se  laissa  p!us  d'une  fois  entraîner. 


5:r»  NOTICE  BIOGRAPHIQUE 

Conrad  Maltk-Buun  naquit,  en  1775,  en  Danemark,  dans 
la  province  de  Jutland.  Il  appartenait  à  une  famille  honorable, 
dont  tous  les  membres  professaient  la  religion  reformée  de  la 
confession  d'Augsbourg ,  et  ses  parens  le  destinèrent  aux  fonc- 
tions de  ministre.  Envoyé  à  l'Université  de  Copenhague  pour 
y  prendre  ses  degrés,  les  arguties  théologiques  firent  éprouver 
lia  invincible  dégoût  à  son  esprit  solide  et  positif  ;  ce  fut  donc 
a  l'étude  des  langues  qu'il  s'adonna  avec  une  véritable  passion, 
et  c'est  à  l'heureuse  disposition  qui  l'y  porta,  qu'il  dut  plus 
tard  la  facilité  d'écrire  le  français  beaucoup  mieux  que  ne  l'ont 
fait  en  général  les  étrangers  qui  ont  le  mieux  possédé  cette 
langue.  La  poésie  était  un  délassement  pour  le  jeune  Conrad 
et  lui  procurait  déjà  des  jouissances  d'amour-propre,  lorsque 
l'influence  de  la  révolution  française,  qui  venait  d'éclater,  fit. 
péné'rer  les  doctrines  philosophiques  dont  elle  était  comme 
l'explosion  jusque  dans  un  royaume  où  le  despotisme  avait 
été  le  résultat  des  volontés  d'un  peuple  fatigué  de  la  tyrannie 
des  nobles. 

Le  despotisme  peut  ne  pas  être  le  plus  mauvais  des  gouver- 
nemens ,  quand  celui  qui  l'exerce  ne  délègue  pas  la  puissance  à 
d'insatiables  courtisans,  à  des  ministres  pervers,  à  des  agen* 
corrupteurs  qui  l'isolent  et  le  retiennent  captif  dans  ses  propres 
palais,  en  l'occupant  à  dessein  de  frivoles  délassemens,  de  pe- 
tites intrigues  et  de  futilités. 

En  Danemark,  comme  chez  tous  les  peuples  où  un  mode 
quelconque  de  protestantisme  forme  la  religion  du  pays,  il 
existe  pour  les  rois,  qui  n'ont  pas  de  confesseurs  habiles  à 
susciter  des  scrupules,  un  élément  de  communication  avec  le 
reste  des  hommes  qu'on  ne  retrouve  point  dans  les  Etats  où 
des  religions  exclusives  poussent  nécessairement  le  prince 
aveuglé  à  regarder  comme  des  rebelles  aux  lois  de  son  dieu 
les  hommes  qui  ne  servent  pas  ce  dieu  de  la  même  manière 
que  lui.  Les  fers  de  l'étiquette  n'y  sont  point  rivés  par  la  crédu- 
lité d'un  maître,  qui  peut  échapper  quelquefois  aux  flatteurs 
pour  interroger  par  lui-même  les  inférieurs  que  leurs  titres  et 
eurs  fonctions  n'appellent  pas  dans  ses  antichambres  ou  dans 


SUIl    M  Al   II.   BRUN. 

*es  conseils»  Le  roi,  dont  les  courtisans  el  les  prêtres  ne  peu»- 
vent  faire  une  soi  ir  de  grand  l.un.i,  cm  est  plus  homme;  <  i 
voilà  pourquoi,  sous  des  monarques  absolus ,  mais  <jn i  peuvent 
connaître  leurs  sujets  autrement  que  par  les  idées  que  leur  en 
donnent  des  valets-,  le  Danemark  fut  paisible  el  heureux.  Des 
ministres  dont  la  conduite  émit  sans  cesse  éclairée,  et  qui 
n'eussent  pu  tromper  facilement  le  prince,  devaient  rarement 
opprimer  les  contribuables  ;  car  c'est  a  la  condition  de  contri- 
buables que  sont  réduits  les  habitans  du  sol,  sous  un  mode  de 
gouvernement  où  il  n'existe  pas,  à  proprement  parler,  de 
citoyens.  L'un  de  ces  ministres,  M.  de  Bernstorff,  eut  le  bon 
esprit  de  ne  pas  se  prononcer  contre  les  idées  nouvelles.  Il 
seconda  les  vues  sages  d'un  roi  qui  sentait  la  nécessité  d'en 
tolérer  les  infiltrations;  on  essaya  même  quelques  réformes; 
malheureusement,  des  écrivains  exaltés  par  la  perspective 
d'une  émancipation  qu'on  laissait  entrevoir  dans  l'avenir,  gâ- 
tèrent la  situation  présente  par  leurs  prétentions  exagérées. 
Malte-Brun,  s'élançant  dans  la  carrière  de  la  politique,  fut 
de  ce  nombre.  Quelques  hommes  puissans  et  qui  vivaient 
d'abus  le  signalèrent  comme  un  révolutionnaire;  ses  idées  libé- 
rales, qui  ne  trouvèrent  d'abord  de  contradicteurs  que  dans 
l'aristocratie,  firent  quelques  progrès;  mais ,  trop  ardent  dans 
le  succès  et  menacé  de  la  sévérité  des  tribunaux,  le  jeune  pu- 
bliciste  crut  devoir  s'exiler  en  Suède;  il  fut  bien  accueilli  chez 
cette  nation  indépendante;  et,  rendu  au  culte  des  Muses,  il 
y  chanta  encore  la  liberté  et  l'égalité,  en  vers  qui  furent  cou- 
ronnés par  l'Académie  de  Stockholm. 

Les  motifs  de  prudence  qui  avaient  éloigné  Malte-Brun  do- 
sa patrie  ayant  perdu  une  partie  de  leur  force,  il  revint  en 
Danemark;  mais  il  y  renouvela  ses  premières  indiscrétions. 
Son  séjour  en  Suède,  et  la  comparaison  qu'il  avait  faite  des 
belles  institutions  de  ce  pays  avec  les  formes  du  pouvoir 
absolu  qui  régissaient  le  sien,  n'avaient  pas  affaibli  son  en- 
thousiasme pour  la  liberté.  Menacé  une  seconde  fois  de  perdre 
la  sienne,  il  repassa  chez  les  Suédois,  vint  ensuite  à  Hambourg, 
et,  pressé  par  le  besoin  de  se  choisir  une  patrie  où  l'on  put 
t.  xwvi.  —  Décembre  1827.  37 


5:S  NOTICE  BIOGRAPHIQUE 

pensrr  tout  haut,  il  se  décida  pour  la  France.  Nous  le  vîmes 
arriver  à  Paris,  vers  l'époque  où  le  coup  d'état  du  18  brumaire 
venait  de  tuer  ce  que  cherchait  le  patriote  hyperborêen.  Malte 
Brun  se  donna  lui-même  ce  titre,  en  nous  racontant  un  jour, 
peu  après  son  arrivée ,  les  vicissitudes  politiques  qui  l'avaient 
jeté  sur  les  bords  de  la  Seine.  Il  professait  alors  une  grande 
admiration  pour  l'homme  que  l'on  regardait  généralement 
comme  le  régulateur  de  la  révolution,  destiné  à  consoler 
l'Europe  et  des  abus  de  l'ancien  ordre  de  choses  et  des  fautes 
qu'avait  provoquées  une  résistance  maladroite  et  opiniâtre  à 
la  destruction  de  ces  abus;  mais  le  Consulat  à  vie  dessilla  bien- 
tôt les  yeux  de  Malte- Brun,  qui,  toujours  occupé  de  poli- 
tique, fit  insérer  des  articles  hostiles  dans  plusieurs  journaux. 
Ces  articles,  aussi  vigoureux  de  style  que  dépensée,  attirèrent 
l'attention  d'une  puissance  usurpatrice  et  ombrageuse,  et  l'au- 
teur fut  condamné  au  silence.  De  cette  époque  date  le  ressen- 
timent de  l'écrivain  danois  contre  Napoléon.  Ce  ressentiment 
se  déversa  de  tems  en  tems  jusque  sur  la  France  elle-même,  qui 
l'avait  pourtant  assez  dédommagé  par  son  accueil  des  actes 
oppressifs  d'un  gouvernement  qui  commençait  à  peser  aussi 
sur  elle.  De  celte  époque  date  également  l'assiduité  de  Malte- 
Brun  ù  l'étude  de  la  branche  des  connaissances  physiques  qui 
fonda  sa  réputation,  et  il  prit  un  rang  distingué  parmi  les 
géographes,  aussitôt  qu'il  lui  fut  interdit  de  s'occuper  d'intérêts 
auxquels,  après  tout,  on  pouvait  le  considérer  comme  étranger. 
Cependant,  les  premiers  écrits  publiés  par  Malte-Brun  dans 
une  langue  qui  n'était  pas  la  sienne,  et  qu'il  avait  même  rare- 
ment parlée,  firent  sensation,  non  -  seulement  par  la  force 
des  pensées,  mais  encore  par  une  facilité  d'expression,  un 
coloris  de  style,  une  variété  de  formes,  qui  n'appartiennent 
guère  qu'aux  écrivains  nationaux.  Il  s'y  trouvait,  à  la  vé- 
rité, de  graves  incorrections;  mais,  comme  une  révision  soi- 
gnée des  épreuves  faisait  aisément  disparaître  ces  taches,  les 
propriétaires  d'une  feuille  publique  fort  accréditée  jetèrent 
les  yeux  sur  le  jeune  étranger,  et  se  l'attachèrent.  Il  devint 
dès  lors  l'un  des  rédacteurs  essentiels  du  journal ,  qui ,  de- 


SI  R  M  LLTE  &RJ 
puis  sou  origioe,  et  quels  qu'aient  éèé  les  titres  et  les  nuances 

d'opinions  sons   lesquels   on   l'a  \n   paraître,  a    âté   sans  con- 
tredit   l'un     des    pins    habilement    diriges    et    le    mieux   écrit. 

pe  fui  vers  1806  que  Mette- Brun  se  vil  définitivement  attaché 

au  Journal  des  Jh/xits.  La  plupart  des  articles  qu'il  composa 
portaient  sa  signature,  ou  du  moins  les  initiales  de  son  nom; 
ils  eonsisîcnt  en  analyses  d'ouvrages  ,  en  considération 9  scien- 
tifiques, en  fragmeus  géographiques,  que  l'on  peut  considérer 
comme  des  matériaux  précieux,  en  notices  sur  les  contrées  peu 
connues  qu'un  événement  quelconque  Venait  signaler  à  l'atten- 
tion de  l'Europe  ,  en  traductions  de  fragments  curieux  des  livres 
étrangers  nouvellement  publiés,  et  qui  Seraient,  sans  lui,  de- 
meurés inconnus  à  la  France,  où  l'étude  des  langues  n'est  pas 
aussi  généralement  cultivée  que  dans  d'autres  pays.  «  Outre  les 
articles  que  nous  venons  d'indiquer,  Malte-Brun  en  rédigea 
beaucoup  d'autres  qui  furent  publiés  sous  le  voile  de  l'ano- 
nyme, et  dont  il  y  aurait  de  l'ingratitude,  dit  le  Journal  des 
Débats ,  à  ne  pas  lui  rapporter  la  gloire.  La  plupart  des  disser- 
tations relatives  à  la  politique  étrangère  sont  sorties  de  sa 
plume.  La  préférence  qu'il  réclamait  pour  ce  genre  de  travaux 
lui  était  facilement  accordée.  A  l'avantage  de  posséder  presque 
toutes  les  langues  de  l'Europe,  Malte  -  Brun  ajoutait  celui 
de  connaître  également  bien  le  personnel  des  cabinets,  les 
ac  es  de  la  diplomatie,  les  rapports  de  famille  et  d'intérêts  des 
différentes  cours.  L'étendue  de  sa  mémoire,  la  rectitude  de 
son  jugement  et  l'ordre  qu'il  savait  mettre  dans  l'ensemble  de 
ses  connaissances  ,  lui  rendaient  facile  l'analyse  des  faits  les  plus 
compliqués.  Il  résumait  en  peu  de  mots  et  en  peu  de  tems  les 
matériaux  dispersés  dans  les  immenses  colonnes  des  nombreux 
journaux  étrangers.  Dans  la  chaleur  de  la  composition,  il  lui 
échappait  encore  des  idiotismes  germaniques;  mais  ces  fautes 
légères,  qui  tenaient  aux  souvenirs  ineffaçables  des  premières 
habitudes,  disparaissaient  à  la  seconde  lecture.  » 

i  .es  occupations  du  journaliste  contribuèrent  à  développer 
le  talent  du  géographe.  A  force  de  consulter  des  ouvrage*. 
pour  l'intelligence  desquels  la  connaissance  de  la  surface  an 


58o  NOTICE  BIOGRAPHIQUE 

globe  riait  nécessaire,  Malte-  Brun  devint  bientôt  l'homme 
le  plus  au  fait  «les  livres  modernes  publiés,  soit  en  France, 
soit  dans  les  pays  étrangers  :  ayant  eu  le  soin  d'en  extraire 
avec  sagacité  les  faits  les  plus  intéressans ,  il  signala  son  début 
dans  la  carrière,  en  s'associant  à  M.  Mentelle  pour  la  publica- 
tion d'un  Traité  de  géographie  universelle ,  en  16  volumes  in-8°. 
A  cette  époque,  Mentelle  s'était  fait  une  sorte  de  réputation 
dans  la  science,  parce  que  son  nom  était  reproduit  dans  beau- 
coup d'entreprises  de  librairie;  et  il  était  assez  d'usage  que 
les  jeunes  savans  qui  voulaient  se  faire  connaître  essayassent 
leurs  premiers  pas  sous  l'égide  d'un  personnage  honorable. 
Malte-Brun,  qui  sentait  ses  forces,  eut  soin  d'en  choisir  un 
dont  le  talent  ne  brillât  pas  d'un  éclat  capable  de  l'éclipser.  Il 
se  réserva,  dans  le  Traité  de  géographie  universelle,  en  y  appe- 
lant la  collaboration  de  quelques  écrivains  moins  habiles  que 
lui,  les  généralités  et  les  introductions  avec  la  description  des 
pays  sur  lesquels  il  avait  des  connaissances  particulières. 
Ainsi,  la  presque  totalité  du  premier  volume  lui  appartient; 
et,  quoique  l'on  n'y  trouve  pas  toujours  l'ordre  désirable  dans 
la  disposition  des  matières,  et  que  la  forme  rappelle  un  peu 
trop  les  méthodes  abrégées  des  compilateurs,  il  n'en  doit  pas 
moins  être  considéré ,  en  géographie ,  comme  un  modèle  de 
traité  général  :  il  est  d'ailleurs  fort  agréable  à  lire,  l'auteur 
ayant  su  par  un  style  convenable  tempérer  l'aridité  du  sujet. 
Les  différentes  parties  de  la  science  s'y  trouvent  indiquées 
d'une  manière  claire  et  précise;  celles  que  nous  appelons  as- 
tronomiques et  physiques  y  sont  supérieurement  traitées,  rela- 
tivement à  l'époque.  On  peut  même  dire  que,  pour  la  seconde, 
Malte- Brun,  qui  ne  passait  pourtant  pas  pour  avoir  les 
connaissances  d'un  naluraliste,  sut  choisir  avec  discernement 
lés  bases  de  ses  théories  en  géologie  et  enliistoire  naturelle. 
C'est  après  avoir  lu  et  médité  cette  partie  des  écrits  du  savant 
Danois  que  nous  sentîmes  bientôt,  pour  régulariser  nos  pro- 
pres études,  la  nécessité  de  diviser  la  géographie  en  quatre 
sections.  On  n'en  avait  guère  indiqué  que  trois,  entre  les- 
quelles nous  avons  depuis  reconnu  des  limites  si  tranchées  que 


SUB  MALTE-BRUN.  58i 

chacune  pourrait)  à  la  rigueur,  «'tic  considérée  comme  une 

science   aussi   indépendante  des  antres  que   lé  SOnt   entre  elles 

la  minéralogie  el  la  métallurgie,  la  zoologie  et  l'économie;  ru- 
rale, la  botanique  et  l'agriculture. 

Les  grands  traités  généraux  do  géographie,  antérieurs  à 

celui  qui  lit  connaître  Malte-Brun,  étaient  des  espèces  d'en- 
cyclopédies OÙ  la  véritable  science  disparaissait  sons  un  amas 
de  détails  étrangers,  dépendant  des  branches  latérales  des 
connaissances  humaines.  On  eut  dit  que  leurs  auteurs  avaient 
voulu  tout  embrasser,  à  la  manière  de  Pline  ;  mais,  ce  qui  eût 
été  possible,  à  la  rigueur,  vers  le  tems  où  vivait  le  célèbre 
compilateur  romain,  parce  que  les  sciences  étaient  peu  avan- 
cées, ne  l'est  plus  aujourd'hui,  où  le  nombre  des  faits  est 
hors  de  proportion  avec  les  instans  qu'il  est  possible  de  con- 
sacrer «à  leur  recherche.  Il  faut  désormais,  pour  parvenir  à 
posséder  les  sciences  géographiques,  et  à  écrire  convenable- 
ment sur  elles,  y  procéder,  comme  pour  les  sciences  naturelles, 
qui  n'auront  plus  de  Linné;  c'est-à-dire,  qu'on  doit  première- 
ment en  bien  distinguer  les  grandes  parties,  el  s'attacher  à  la 
division  pour  laquelle  on  se  sent  le  plus  de  prédilection. 

Malheureusement  pour  Malte-Brun ,  il  crut  possible,  après 
avoir  judicieusement  classé  l'immensité  des  faits  ,  d'embrasser 
l'ensemble  et  les  détails  de  la  science,  et  il  se  laissa  entraîner 
à  une  prétention  d'universalité,  véritable  labyrinthe  où  il  s'é- 
gara ,  bien  qu'il  eût  tracé  la  route  à  suivre  pour  ne  pas  s'éga- 
rer. Il  dut  bientôt  à  la  réputation  qu'il  venait  de  s'acquérir, 
d'honorables  moyens  d'existence;  il  associa  fructueusement  son 
nom  à  plusieurs  spéculations  de  librairie.  Quelques  entrepre- 
neurs en  ce  genre  lui  demandèrent,  en  1816,  une  géographie 
universelle ,  et  il  reproduisit,  avec  quelques  additions  insuffi- 
santes pour  élever  cet  ouvrage  à  la  hauteur  des  connaissances 
de  l'époque  ,  le  travail  auquel  jadis  Mentelle  avait  aussi  mis  son 
nom.  Des  parties  entières  de  cette  grande  composition,  qui  sans 
doute  étaient  restées  invendues  dans  le  fond  de  quelque  maga- 
sin, portent  encore,  après  les  changemens  politiques  opérés 
en  France,  le  cachet  des  tems  glorieux  où  elles  ont  été  écrites, 


;>8a  NOTICE  BIOGRAPHIQUE 

taudis  que  d'autres  semblent  avoir  pour  but  de  flatter  des  opi- 
nions remises  en  favenr. 

Malte-Brun ,  dans  ses  articles  de  journaux  ,  était  rigoureux  et 
même  dur  envers  les  auteurs  que  ne  pouvait  défendre  leur  po- 
sition sociale.  Ayant  fait  preuve  d'une  judicieuse  sévérité  à  l'é- 
gard de  quelques  ouvrages  indignes  de  la  réputation  qu'on 
voulait  leur  faire;  ayant  su  réduire,  entre  autres,  l'anglais 
Pinkerïon  à  sa  mince  valeur,  sa  manière  spirituelle,  mais  acerbe, 
prit  faveur,  et  sa  plume  devint  une  sorte  de  sceptre  qui  pesa 
de  tems  en  tems  sur  les  productions  géographiques,  sur  les  re- 
lations de  voyages,  sur  les  statistiques,  en  un  mot,  sur  toute 
publication  qui  rentrait  dans  le  domaine  de  la  science  où  il 
n'avait  plus  de  rivaux.  C'est  du  faîte  de  cette  sorte  de  dictature 
qu'on  le  vit  (comme  si  tous  les  genres  de  domination  poussaient 
au  vertige)  entacher  ses  écrits  d'une  partialité  injuste  envers  des 
hommes  que  leur  conscience  eût  portés  à  se  déclarer  les  admi- 
rateurs de  son  talent,  autant  que  de  ses  vastes  connaissances. 
Le  moment  vint  où,  après  avoir  versé  des  flots  d'encens  sur  le 
gouvernement  impérial,  le  Danois  libéral  se  lit,  sans  la  moindre 
transition,  le  champion  bruyant  d'un  autre  système.  Les  injures 
qu'il  prodigua  lui  suscitèrent  une  sorte  de  persécution  de  la 
part  d'un  grand  nombre  de  gens  de  lettres;  et  cependant,  les 
personnes  qui  ont  connu  particulièrement  Malte  -  Brun  lui 
doivent  cette  justice  ,  qu'il  ne  fut  jamais  partisan  des  réactions 
ou  d'aucun  genre  de  despotisme.  Les  idées  les  plus  libérales 
étaient  au  fond  de  son  cœur;  elles  perçaient  à  travers  ses  bou- 
tades de  royalisme ,  comme  elles  avaient  percé  sous  le  régime 
militaire  du  héros  tombé.  Indépendant  par  nature,  n'ayant 
sollicité,  ni  obtenu  aucune  place,  ni  aucune  pension  ,  il  conti- 
nua de  se  faire  remarquer  dans  le  Journal  des  Débats ,  par  la 
prodigieuse  variété  de  ses  connaissances  et  par  l'originalité 
de  son  style  ,  toutes  les  fois  qu'il  n'écrivait  point  ab  irato. 

Indépendamment  du  grand  ouvrage  où  son  nom  se  trouvait 
à  côté  de  celui  de  Mentellc,  Malle-Brun  avait  fondé,  en  1808, 
an  recueil  qui  paraissait  chaque  mois  chez  le  libraire  Buisson  , 
saus  le  titre  &  Annales  générales  de  voyages ,  et  qui,  ayant  ob- 


SUB   MAI-TK  BRI  If,  S63 

tenu  un  succès  mérité,  lut   repris,  eu  1H19,  par  le  libraire 

(iule.  Plusieurs  cahiers  en  sonl  de\cuus  rares  ;  le  choix  des 
articles  est  excellent,  et  ceux  du  rédacteur  principal  s'y  font 
remarquer.  On  y  trouve  des  preuves  nombreuses, non-seule- 
ment de  ses  connaissances  en  géographie,  mais  encore  de  l'é- 
tendue de  son  savoir  en  histoire  et  en  philologie,  lin  Tableau 
de  la  Pologne  ancienne  et  moderne,  composé  sous  le  règne  de 
!N  apoléon,  et  un  Traité  de  la  légitimité.,  publié  sous  celui  de 
Louis  XVIII,  attestent  encore  la  souplesse  du  style  de  Malte- 
Brun,  malgré  son  apparente  inflexibilité  Cette  inflexibilité,  du 
reste,  n'était  un  défaut  chez  cet  écrivain  que  sur  le  champ  de 
bataille,  c'est-à-dire,  la  plume  à  la  main;  car  nous  avons  con- 
nu peu  d'hommes  qui  dans  leur  intérieur  eussent  des  mœurs 
plus  douces,  et  qui  fussent  d'un  caractère  moins  offensif  dans 
la  conversation.  Il  mettait  autant  de  douceur  dans  ses  relations 
sociales,  de  complaisance  à  écouter,  de  patience  dans  la  discus- 
sion ,  de  désintéressement  même,  quand  le  besoin  ,  fruit  d'une 
insouciance  trop  commune  parmi  les  savans,  ne  le  tourmentait 
pas  outre  mesure,  qu'il  était  incisif,  hautain,  avide  de  louanges 
pour  lui-même,  avare  d'éloges  pour  les  autres  dans  ses  écrits; 
et  l'on  ne  saurait  douter  que,  si  Malte-Brun  n'eût  pas  été  forcé 
de  se  servir  de  ses  talens  pour  subvenir  à  son  existence,  s'il  eût 
vécu  dans  une  position  indépendante,  il  n'eût  été  chéri  de 
ceux  même  qui  se  sont  déclarés  ses  ennemis,  et  qui  ont  souffert 
qu'une  sorte  de  clameur  publique  étouffât  la  voix  de  l'impar- 
tialité, quand  elle  voulut  faire  valoir  les  droits  qu'avait  à  faire 
partie  de  l'Académie  des  sciences  le  premier  géographe  de  l'é- 
poque. L'ouvrage  qui  devait  lui  ouvrir  les  portes  de  l'Institut» 
où  il  ne  fut  pas  même  présenté  comme  candidat*  est  son  Précis 
de  géographie  universelle.  Il  restait  un  seul  volume  à  publier  pour 
compléter  ce  grand  travail,  lorsqu'à  pareille  époque  de  l'an- 
née dernière,  Malte-Brun,  dans  la  force  de  son  talent,  entière- 
ment guéri  de  son  goût  pour  la  polémique,  uniquement  voué  à 
l'étude  de  la  science  dont  il  fut  un  des  principaux  réforma- 
teurs, descendit  tout  à  coup  dans  la  tombe.  Les  six  volumes  du 
Précis  de  géographie  universelle ,  déjà  publiés,  peuvent  être  con- 


58/,  NOTICE  BIOGRAPHIQUE 

sidérés  comme  une  encyclopédie  pour  laquelle  toutes  les  rela- 
tions de  voyages,  les  statistiques  locales,  les  recueils  de  Sociétés 
savantes,  les  traités  anciens  et  modernes,  et  les  moindres  jour- 
naux ont  été  mis  à  contribution.  Le  plan  de  l'ouvrage  est  sans 
doute  beaucoup  trop  vaste  pour  qu'un  seul  hommele  pût  exécuter 
sans  qu'il  s'y  trouvât  des  parties  faibles;  mais  nulle  part  on  n'a 
fait  mieux  jusqu'à  ce  jour.  Pour  élever  un  monument  impéris- 
sable à  la  géographie,  et  fixer  l'état  où  elle  se  trouvait  vers  le 
premier  quart  du  xixe  siècle,  Malte-Brun  aurait  dû  appeler  à 
son  aide  des  collaborateurs  à  chacun  desquels  il  eût  confié  un 
rameau  de  la  science,  en  se  réservant  le  soin  de  traiter  les  gé- 
néralités et  de  décrire  les  contrées  qu'il  connaissait  le  mieux; 
mais  il  a  voulu  se  charger  seul  du  poids  de  l'univers  sous  le- 
quel l'antiquité  nous  apprend  que  pliait  le  puissant.  Atlas.  Nous 
le  répétons,  personne  aujourd'hui  ne  saurait  prétendre  à  trai- 
ter l'universalité  des  sciences  géographiques,  qui  sont  réellement 
les  bases  et  le  résumé  de  toutes  les  autres;  il  faut  opter  entre 
l'une  des  quatre  divisions  principales  qui  toutes  se  prêtent  un 
mutuel  appui,  mais  qui  sont  telles  aujourd'hui  que  l'étude  d'une 
seule,  comme  nous  l'avons  avancé,  dans  Y  Encyclopédie  par  ordre 
de  matières ,  suffit  pour  occuper  exclusivement  l'écrivain  labo- 
rieux qui  veut  l'approfondir  et  qui  se  propose  de  l'enseigner. 
Ces  divisions,  parfaitement  indiquées  par  Malte-Brun,  et  dont 
la  distinction  doit  être  désormais  considérée  comme  la  classifi- 
cation indispensable  des  matières  dans  les  traités  généraux  de 
géographie,  sont  les  suivantes: 

1°  La    GÉOGRAPHIE     ASTRONOMIQUE    et  MATHEMATIQUE  ,    point 

de  contact  de  l'histoire  des  cieux  et  de  l'histoire  de  la  terre  ; 
elle  s'occupe  âes  rapports  qui  existent  entre  les  astres  et  notre 
globe,  dont  elle  apprend  à  figurer  la  croûte  superficielle  ;  elle 
donne  encore  les  moyens  de  voyager  sur  la  monotone  éten- 
due des  mers.  L'observation  des  corps  célestes  et  la  géodésie 
en  sont  les  flambeaux. 

i°  La  géographie  historique,  qui  se  lie  à  l'astronomie  par  la 
chronologie,  science  dont  l'évaluation  des  tems  durant  lesquels 
se  fondèrent  et  s'écroulèrent  les  dominations  humaines  est  le 


SUR  MALTE-BRUN.  î>85 

grave,  niais  fugitif  objet.  Elle  peut  se  partager  en  deux  S0U9  di- 
visions, la  géographie  ancienne,  et  la  géographie  Moderne.  Ué- 
poqUeOÙ  la  boussole  révéla  un  nouveau  monde  au  vieux  conti- 
nent nous  paraît  être  beaucoup  plus  propre  à  distinguer  ces 
deux  sous-divisions,  que  leur  concordance  avec  nos  ères,  avant 
et  après  Jésus-Christ. 

3°  La  géographie  politique  s'occupe  de  la  terre ,  dans  ses 
rapports  avec  les  hommes,  soit  qu'ils  commandent,  soit  qu'ils 
obéissent,  à  sa  surface.  La  statistique  en  est  la  véritable  base  ; 
non  cette  statistique  qui  serait  la  science  universelle,  si  on  la 
comprenait,  comme  le  font  certaines  personnes,  lorsqu'elles  en- 
tassent, dans  la  description  d'une  province  administrativement 
circonscrite,  le  catalogue  des  établissemens  industriels,  celui 
des  plantes  qui  croissent  dans  les  champs,  la  nature  des  ex- 
ploitations et  des  eaux  minérales  ,  etc.  Les  corps  naturels  n'ont 
de  rapport  avec  la  statistique  véritable  que  parles  applications 
que  l'homme  en  fait  à  ses  besoins  ;  sous  tout  autre  point  de  vue, 
c'est  dans  la  quatrième  division  des  sciences  géographiques  que 
leur  examen  doit  rentrer.  La  véritable  statistique,  supposant  le 
sol  d'une  contrée  quelconque  géodésiquement  et  physiquement 
connu  ,  se  renferme  dans  le  dénombrement  de  ses  habitans  , 
dans  ce  qui  touche  à  l'industrie,  aux  ressources  de  tout  genre 
que  fournit  le  sol,  ainsi  qu'aux  revenus  des  établissemens  pu- 
blics; en  un  mot,  elle  se  borne  à  ce  qui  peut  être  du  ressort  de 
administration;  elle  est ,  à  proprement  parler,  la  géographie 
sociale.  Quelques  mots  sur  les  lois  et  leur  origine,  les  coutumes, 
le  langage,  lesantiquités,  seraient  même  déplacés  dans  un  traité 
de  géographie  de  ce  genre;  c'est  à  la  deuxième  section  que  ces 
détails  doivent  trouver  place,  à  ce  qu'il  nous  semble. 

4°  La  géographie  physique  enfin  ;  cette  partie  de  la  science, 
telle  que  nous  la  concevons,  se  dégage  de  ces  délimitations 
factices  d'empires  et  de  royaumes,  qui ,  périssables  résultats 
d'une  antique  barbarie  ou  de  la  violence  des  conquêtes,  s'ef- 
facent souvent  dans  la  durée  d'une  révolution  de  ce  globe  où 
rien  ne  saurait  être  Stable  ,  car  l'imposante  marche  de  l'uni- 
vers a  aussi  ses  révolutions:  la  constitution  géologique  des  con- 


58Ô  notice  biographique 

tinens  et  des  iles,  la  circonscription  des  mers,  les  fleuves  ,  les 
rivières,  les  torrens  qui  fertilisent  ou  dépouillent  le  sol;  'les 
montagnes,  les  roches  et  les  volcans,  qui  sont  comme  la  char- 
pente île  la  terre  ou  qui  en  déchirent  le  seiu  ;  la  distribution 
des  plantes  que  nourrissent  les  divers  terrains  et  les  eaux,  à  des 
profondeurs  et  à  des  hauteurs  diverses,  et  selon  des  lois  si 
variées;  celle  des  animaux  qui,  vivant  de  plantes  ou  de  chair, 
ne  peuvent  avoir  de  patrie  que  la  patrie  même  des  corps  orga- 
nisés nécessaires  à  leur  subsistance;  en  un  mot,  l'histoire  entière 
des  corps  bruts  ou  doués  d'organisation  dont  se  compose  la 
planète  que  nous  habitons,  avec  tout  ce  qui  peut  donner  une 
idée  de  sa  physionomie,  est  du  ressort  de  cette  partie  de  la 
géographie  physique  dont  il  n'existe  pas  un  seul  traité  véri- 
table ,  dans  le  sens  que  l'on  doit  donner  au  mot  traité.  On  n'en 
trouve  même  les  matériaux  épars  dans  les  écrits  de  divers  na- 
turalistes, que  depuis  le  commencement  de  ce  siècle;  car  on  ne 
peut  regarder  comme  des  élémens  de  cette  branche  delà  science 
les  contes  populaires  sur  des  échos  prodigieux,  des  fontaines 
ardentes,  des  lacs  sans  fond,  des  tours  sans  venin  et  autres  cu- 
riosités naturelles  du  même  genre  qu'on  décrivait  autrefois,  à 
la  suite  de  chaque  contrée  comme  leurs  merveilles. 

Les  premiers  écrits  de  Malte-Brun  furent  les  sources  où  nous 
puisâmes  l'idée  des  divisions  fondamentales  que  nous  venons 
de  caractériser,  et  d'après  lesquelles  nous  avons  construit  nos 
ouvrages  sur  la  géographie  de  l'Espagne  et  du  Portugal.  Ce  serait 
donc  une  prétention  mal  fondée  que  de  vouloir  présenter  au  - 
jourd'hui,  comme  une  découverte  nouvelle,  une  route  tracée 
et  pratiquée  par  autrui.  Sans  nous  étendre  à  cet  égard,  il  nous 
suffira  d'avoir  réclamé  en  faveur  de  Malte-Brun  la  priorité 
d'une  idée  mère  et.  féconde,  et  pour  nous  l'exécution  de  son 
plan  perfectionné. 

Au  nombre  des  services  éminens  rendus  par  Malte- Brun  à 
la  science  géographique  ,  on  doit  compter  encore  sa  *oopéra- 
tion  à  l'établissement  de  la  Société  de  géographie  qui  fut  créée  , 
en  i8ai  ,  par  ses  soins  et  ceux  de  MM.  Langlès ,  Barbie  du  Bo- 
cage,  fomqrd,  JValchenaer ,  etc. ,  premiers  fondateurs  de  cette 


M  I  MALTB~BRUN.  f»87 

belle  et  importante  institution,  devenue  le  centre  de  réunion 
de  huis  les  faits,  <le  tontes  les  observations  qui  se'  rattachent 
à  cette  branche  essentielle  des  connaissances  humainees,  et  dont 

\&  Revue  Encyclopédique  fal  la  première  à  signaler  L'Apparition 

et  les  immenses  avantages  (  voy.  Ilci'.  Enc,  ,  t.  xn. — Année 
j8ai,  pages  2'i5,  4  Go  et  682).  Nous  terminerons  cette  No- 
tice par  un  trait  qui  fera  connaître  comment  Malte  -  Brun 
concevait  la  conscience  littéraire;  ce  trait  peint  également  l'é- 
poque où  plus  d'un  rédacteur  de  journal,  en  agissant  comme 
lui,  n'a  pas  le  genre  de  candeur  qui  caractérisait  le  savant 
Danois. 

L'auteur  du  présent  article  et  le  savant  à  la  mémoire  duquel 
il  est  consacré  avaient,  malgré  l'opposition  apparente  de 
leurs  opinions ,  conservé  des  relations  assez  intimes,  quoique 
fréquemment  interrompues.  Le  premier  avait  donné  des  preuves 
d'une  active  et  officieuse  sollicitude  à  Malte-Brun,  en  adoucis- 
sant ou  en  écartant  un  grand  nombre  de  traits  satiriques  aux- 
quels celui-ci  était  en  butte,  dans  un  recueil  de  spirituelles 
notices.  Par  une  exception  qui  honore  le  caractère  de  Malte- 
Brun,  il  en  montra  sa  reconnaissance  en  détournant,"  au  tems 
des  proscriptions,  les  attaques  qui  auraient  pu  être  dirigées 
contre  son  ami,  dans  le  journal  où  son  talent  lui  valait  quel- 
que crédit.  Il  eut  même  le  courage  de  donner  des  éloges,  dans 
plusieurs  de  ses  colonnes  ,  à  cet  ami  que  des  misérables  pour- 
suivaient jusque  dans  son  exil;  et,  lorsque  celui-ci  publia  vers 
i8a3  son  Guide  du  voyageur  en  Espagne  ,  quelques  pages 
flatteuses  des  Débats  recommandèrent  ce  livre  au  pnblic. 
En  1826,  l'auteur  ayant  retouché  son  premier  essai,  corrigé 
les  fautes  que  l'habile  critique  y  avait  signalées  avec  autant 
d'égards  que  de  raison  ,  et  composé,  pour  ainsi  dire  ,  un  traité 
tout  nouveau  destiné  à  servir  d'introduction  à  une  Collection 
de  résumés  géographiques,  Malte -Brun,  dans  un  dîner  où 
régnait  la  gaîté,  prié  d'annoncer  l'entreprise,  répondit  avec 
naïveté  :  «  Je  le  voudrais  bien,  je  suis  enchanté  de  votre  pé- 
ninsule ibérique;  mais  votre  Collection  de  résumés  peut  nuire 
considérablement  à  mon  Précis;  vous  ne  pouvez  exiger  que  je 


S 88     NOTICE  BIOGRAPHIQUE  SUR  MALTE-BRUN. 

casse  le  cou  à  mon  libraire  :  je  vous  promets  conséquemment , 
dans  l'impossibilité  où  ma  position  me  met  d'en  dire  du  bien, 
de  ne  pas  en  dire  de  mal.  »  Malte -Brun  tint  parole,  et  son 
silence  fut  considéré  comme  une  preuve  de  loyauté. 

Malte  -  Brun  était  devenu  très- instruit ,  parce  qu'il  était 
ce  qu'on  nomme  un  grand  travailleur ,  dans  la  force  du  terme. 
Il  n'entreprenait  rien  dans  une  science  quelconque  qu'il  ne 
Unît  par  y  réussir;  il  se  raidissait  contre  les  difficultés;  mais, 
dit  l'auteur  d'une  fort  bonne  Notice  nécrologique,  les  forces 
humaines  ont  des  bornes  :  Malte -Brun  ne  s'apercevait  point 
que  les  siennes  s'épuisaient;  ses  amis  furent  les  premiers  à  en 
faire  la  triste  observation.  Un  repos  absolu  de  quelques  se- 
maines aurait  probablement  suffi  pour  rétablir  sa  santé,  dont  le 
dépérissement  devenait  de  jour  en  jour  plus  sensible.  Ce  repos 
lui  fut  conseillé,  il  négligea  l'avis.  Bientôt,  le  mal  fit  des  progrès 
effrayans.  Il  était  le  seul  qui  ne  parût  pas  s'en  apercevoir.  La 
crise  se  déclara  :  depuis  trois  jours  seulement,  il  s'était  résigné 
à  garder  la  chambre;  mais,  dans  un  état  presque  désespéré,  il 
éprouvait  encore  le  besoin  de  se  rendre  utile,  et  une  mort  heu- 
reusement sans  agonie  a  pu  seule  faire  tomber  la  plume  de  sa 
main  glacée.  C'est  le  17  décembre  1826  que  mouru!  ce  célèbre 
géographe,  qui,  n'ayant  guère  songé  à  l'avenir  qu'à  raison  de 
la  gloire  que  lui  promettaient  ses  ouvrages,  n'a  laissé  à  ses  en- 
fans  d'autre  héritage  que  sa  renommée.  Son  nom  retentira  dans 
l'Europe  éclairée.  Le  Danemark,  qui  le  méconnut,  enviera  celte 
illustration  à  la  France.  Les  jeunes  rejetons  qui  doivent  porter 
ce  nom  célèbre  seront,  nous  n'eu  doutons  pas,  l'objet  de  la 
sollicitude  d'un  gouvernement  protecteur  des  sciences  et  des 
hommes  qui  travaillent  à  leur  avancement. 

Bory  de  Saint- Vincbnt. 


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II.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 


SCIENCES  PHYSIQUES. 

Rapport  lu  a  l académie  royale  de  médecine,  dans 
les  séances  des  i5  mal  et  19  juin  1827,  au  nom  de  la 
Commission  chargée  d'examiner  les  documens  de 
M.  Ghervin,  concernant  la  fièvre  jaune. 

ËCLAIRCISSEMENS      COMMUNIQUES     A      LACADÉMIE     ROYALE 

de  médecine,  dans  sa  séance  du  5  juin  1827,  par 
M.  Pariset  ,  en  réponse  aux  allégations  consignées 
dans  le  Rapport  précédent,  contre  la  commission  mé- 
dicale envoyée  à  Barcelone  en  1821  (1). 

La  question  traitée  dans  ces  deux  Mémoires  est  importante; 
il  ne  s'agit  de  rien  moins  que  de  décider  si  la  fièvre  jaune  est 
ou  non  contagieuse.  Dans  le  premier  cas,  celui  de  la  conta- 
gion ,  tous  les  efforts  d'une  administration  prudente  et  pater- 
nelle doivent  tendre  à  cii'conscrire  l'horrible  maladie,  à  la 
fixer,  à  l'arrêter  dans  la  ville,  dans  le  canton  assez  malheureux 
pour  en  être  attaqué.  Les  seules  mesures  que  l'on  puisse  em- 
ployer alors  avec  succès  sont  de  nature  à  faire  frémir  l'huma- 
nité. On  cesse  toute  communication  avec  la  province  ou  la 
ville  infectée;  on  prononce  la  peine  de  mort  contre  tout  habi- 
tant  qui  tenterait  de  fuir  le  péril  et  d'aller  au  loin  respirer  un 
air  plus  pur;  on  établit  un  cordon  de  troupes  chargées  de 
surveiller  jour  et  nuit  tous  les  passages,  et  de  tirer,  sans  misé- 
ricorde, sur  les  infortunés  que  l'esprit  d'obéissance  aux  lois 
n'aurait  pu  retenir  dans  leurs  foyers,  au  milieu  d'un  danger 

(1)  Paris,  1827;  Gabon  ;  Béchet  jeune.  In-4°. 


5go  SCIENCES  PHYSIQUES. 

toujours  croissant.  C'est  ainsi  que,  dans  un  grave  incendie,  on 
fait  la  part  des  flammes  pour  les  concentrer,  c*  que  l'on 
sacrifie  des  maisons  encore  intactes,  en  les  isolant  des  autres 
au  moyen  de  vastes  tranchées.  Mais  le  domaine  que  l'on  aban- 
donne à  la  contagion  est  habité  par  des  hommes;  en  les  sé- 
questrant de  la  société  générale,  on  les  livre,  sans  pitié,  au 
désespoir  et  à  la  mort!  Ils  l'auraient  peut-être  évitée,  s'ils 
avaient  été  libres  de  choisir  le  lieu  de  leur  résidence;  et,  dans 
l'affreuse  alternative  de  les  condamner  à  l'attendre  au  sein  de 
leurs  demeures,  ou  de  courir  le  risque  de  sacrifier  d'autres 
populations,  en  permettant  à  ces  malheureux  de  porter  au 
loin  le  germe  pestilentiel  qui  peut  les  suivre,  il  faut  au  moins 
que  la  nécessité  des  mesures  terribles  auxquelles  on  les  soumet 
soit  parfaitement  démontrée. 

Dans  le  second  cas,  celui  de  X infection  ,  la  tâche  de  l'autorité 
administrative  est  moins  cruelle.  Si  quelques  restrictions  sont 
encore  prescrites,  elles  n'atteignent  point  les  individus  pleins 
de  santé;  ils  sont  libres  de  fuir  la  mort  qui  les  frapperait 
inévitablement  dans  leur  patrie;  leur  présence  funeste  ne 
l'apporte  pas  aux  peuples  hospitaliers  qui  les  reçoivent;  et  les 
nobles  caractères  qui  se  consacrent  à  de  généreux  dévoûmens 
ne  sont  pas  inhumainement  repoussés  au  fond  du  cloaque  où 
les  ont  appelés  leurs  vertus,  quand  ils  éprouvent  le  besoin  de 
retremper  leur  courage  dans  une  autre  atmosphère. 

L'erreur,  dans  ce  grave  conflit,  est  presque  un  crime;  et 
les  gouvernemens  pénétrés  de  cette  vérité  ont  soin,  sans  doute, 
en  instruisant  une  cause  que  l'on  peut  appeler  celle  de  l'hu- 
manité, de  s'entourer  de  toutes  les  lumières,  et  de  recueillir 
tous  les  faits.  La  commission  médicale  qui  fut  envoyée  à  Bar- 
celone par  la  France,  en  182 1,  se  prononça  pour  la  contagion, 
et  par  une  conséquence  nécessaire,  pour  les  mesures  de 
rigueur.  Malheureusement,  la  politique  s'empara  de  cette 
opinion,  et  s'en  servit  comme  d'un  prétexte,  lorsqu'il  lui  con- 
vint de  réunir  des  troupes,  dont  la  destination  n'était  pas  celle 
<l'un  cordon  sanitaire.  On  ne  peut  se  dissimuler  que  la  guerre 
^'Espagne  n'ait  beaucoup  nui  à  la  confiance  que  devait  inspirer 


SCIENCES  PHYSIQUE».  5g I 

le  rapport  Je  la  commission  de  liarcelone;  m  is,  a  ver-  le  témS, 
on  a  séparé  ce  qui  riait  du  domaine  de  la  politique,  de  te  que 
l'on  devait  au  savoir,  au  caractère  et  au  courage  des  médecins 
qui  composaient  celle  commission,  et  on  leur  a  rendu  la 
justice  qu'ils  avaient  droit  d'obtenir. 

Toutefois  ,  la  question  n'était  pas  décidée  ;  et  dès  ce  moment, 
des  hommes  intrépides  conçurent  le  projet  de  se  rendre  dans 
tous  les  foyers  d'infection  de  la  fièvre  jaune  ,  afin  de  constater, 
par  leur  expérience  et  par  des  faits  nombreux,  la  réalité  ou 
la  nullité  de  l'aclion  contagieuse.  L'un  des  plus  infatigables 
est  M.  le  Dr  Chervin.  Il  a  visité  les  colonies  anglaises,  fran- 
çaises, hollandaises,  danoises,  suédoises  et  espagnoles;  il  s'est 
rendu  à  la  Guyane,  aux  Antilles,  sur  presque  tous  les  points 
de  l'immense  littoral  des  États-Unis  de  l'Amérique  du  nord  , 
dans  un  espace  de  plus  de  37  degrés  en  latitude,  depuis 
Caycnne  jusqu'à  Portland,  ville  de  l'État  du  Maine.  Il  a  con- 
sulté les  médecins  les  plus  estimes  et  ceux  qui  jouissaient  de  la 
confiance  de  leur  gouvernement;  il  s'est  adressé  aux  autorités 
locales,  à  toutes  les  personnes  capables,  par  leurs  connais- 
sances ou  leur  position,  de  lui  fournir  des  renseignemens 
dignes  de  foi  ;  il  a  consigné  dans  ses  notes  les  documens  con- 
traires à  son  opinion  ,  comme  ceux  qui  lui  étaient  favorables  ; 
les  uns  et  les  autres  portent  une  ou  plusieurs  signatures,  et  il 
a  eu  le  soin  de  les  faire  légaliser,  afin  de  les  rendre  authen- 
tiques. Ce  grand  travail,  mis  en  ordre  et  accompagné  de  ses 
observations  sur  l'origine  et  la  nature  de  l'effroyable  maladie 
que  l'on  nomme  la  lièvre  jaune,  a  été  communiqué  par  lui  à 
l'Académie  royale  de  médecine,  qui  a  jugé  convenable  d'en 
publier  l'analyse. 

Il  résulte  des  pièces  présentées  par  M.  Chervin  à  la  com- 
mission chargée  d'examiner  si  ses  documens  sont  de  nature  à 
modifier  les  idées  que  l'on  s'est  faites  jusqu'à  ce  jour  sur  la 
contagion  ou  la  non-contagion  de  la  fièvre  jaune,  que,  de 
54i  pièces  signées  par  53i  médecins,  /»8  seulement  admet- 
tent la  contagion,  mais  à  des  degrés  très-variés/  et  avec  des 
restrictions  plus  ou  moins  marquées.  C'est  là  le  point  capital 


592  SCIENCES  PHYSIQUES, 

de  la  question  ;  car  il  ne  S'agit  pas  de  savoir  s'il  existe  des  faits 
qui  repoussent  le  caractère  contagieux  de  la  maladie;  mais  s'il 
v  en  a,  au  contraire ,  qui  démontrent  clairement  son  existence. 
Pénétrée  de  cette  vérité,  la  commission  s'est  donc  attachée  à 
étudier  spécialement  les  48  documens  contagionistes.  Neuf  des 
médecins  qui  les  ont  fournis  n'apportent  aucun  fait  à  l'appui  de 
leur  opinion,  et  aucun  des  3o,  autres  ne  regarde  la  fièvre  jaune 
comme  essentiellement  contagieuse.  Quelques-uns  seulement 
pensent  qu'elle  peut  le  devenir  dans  des  circonstances  parti- 
culières ;  et  d'autres,  qu'elle  n'est  point  transmissible  entre 
les  tropiques,  mais  que  la  divergence  d'opinion  parmi  les 
médecins  leur  fait  croire  qu'il  n'en  est  pas  de  même  aux  États- 
Unis  d'Amérique  et  en  Europe. 

Parmi  les  non-contagionistes ,  qui  sont  au  nombre  de  4$3, 
les  uns  ont  exposé  les  faits  sur  lesquels  leur  opinion  s'est 
formée;  les  autres  ont  déclaré  qu'ils  n'ont  jamais  rien  vu  qui 
les  autorisât  à  penser  que  la  fièvre  jaune  est  une  maladie  con- 
tagieuse ;  et  la  plupart  de  ces  médecins  l'observent  depuis  20, 
3o  et  même  5o  ans,  entre  les  tropiques,  aux  États-Unis  et 
dans  la  péninsule  espagnole.  La  commission  fait  remarquer 
qu'il  n'est  pas  de  point  litigieux  en  médecine  en  faveur  duquel 
il  fût  possible  de  réunir  une  aussi  grande  majorité  de  suffrages 
que  ne  l'a  fait  M.  Chervin ,  sur  la  question  dont  il  s'agit;  et, 
ce  qui  est  vraiment  étonnant,  c'est  qu'il  ait  obtenu  des  témoi- 
gnages si  semblables  entre  eux  de  médecins  de  tant  d'écoles 
et  de  tant  de  nations  différentes,  qui  ont  observé  sous  des  lati- 
tudes si  variées  et  des  climats  si  opposés. 

L'examen  de  ces  documens  ,  qui  forme  la  première  partie  du 
rapport  delà  Commission,  fait  le  plus  grand  honneur  aux  mé- 
decins qui» les  ont  fournis.  Ils  ont  poussé  le  dévoûment  jusqu'à 
se  vêtir  des  habits  portés  par  des  individus  morts  de  la  fièvre 
jaune;  ils  ont  couché  dans  des  lits  imprégnés  de  sang  et  de  la 
matière  du  vomissement  noir,  trempé  leurs  mains  dans  cet  hor- 
rible fluide,  respiré  les  exhalaisons  fétides  qui  s'échappaient  de 
l'estomac  des  cadavres  disséqués;  ils  se  sont  inoculé  le  sang  , 
la  sérosité,  la  matière  même   du  vomito  tiegiv  ;  ils  en  ont  mis 


SCIENCES  PHYSIQUES.  5g3 

sur  leur  tangue;  ils  enonl  goûté  et  même  bu  souvent  t  sans  avoir, 

('piouvc  la  plus  légère  indisposition,  par  suite  de  ces  dégoû- 
tantes mais  courageuses  expériences.  L'ampur  de  la  science  et 
celui  tic  l'humanité  ne  sauraient  aller  plus  loin. 

La  seconde  partie  du  rapport  «Je  la  Commission  contient  l'a- 
nalyse des  docununs  relatifs  à  l'Espagne.  Les  rcclierches  de 
M.  Cliervin  ont  été  faites,  d'une  part,  depuis  Cordoue  jusqu'à 
Caduc, et,  de  l'autre,  depuis  È$ amonte  sur  la Goadiana  jusqu'à 
Canel-de-Mar  en  deçà  de  Barcelone.  Elles  embrassent,  par  con- 
séquent, les  provinces  de  Cordoue,  Scvillc,  Cadix,  Malaga  , 
Grenade,  Murcie,  Valence,  Aragon  et  Catalogne..  M.  Chervin 
passe  en  revue  les  diverses  épidémies  de  fièvre  jaune  dont 
l'Espagne  a  été  affligée  à  diverses  époques,  et  il  arrive  enfin  à 
celle  de  Barcelone,  en  1821.  Là,  il  interroge  les  faits;  il  s'a- 
dresse aux  magistrats,  aux  militaires,  aux  médecins,  aux  ec- 
clésiastiques, aux  gens,  instruits  de,  toutes  les  classes;  et  il  réunit 
228  doçumens  d'un  intérêt  plus  ou  moins  marqué.  Il  met  en 
lumière  des  faits  opposés  à  d'autres  faits,  publiés  par  la  Com- 
mission envoyée  en  Catalogne,  et  il  combat  ses  adversaires 
corps  à  corps.  La  Commission  de  l'Académie  de  médecine  n'a- 
vait pas  qualité  pour  se  rendre  juge  en  dernier  ressort  de  ces 
importans  débats  ;  elle  applaudit  au  zèle  infatigablede  M.  Cher- 
vin,  à  sa  persévérance  opiniâtre  dans  sa  noble  entreprise;  et 
sans  se  prononcer  définitivement  sur  le  fond  de  la  question,  elle 
déclare  que  la  lecture  d'un  si  grand  nombre  de  pièces  authen- 
tiques a  laissé  dans  l'opinion  unanime  de  ses  membres  nue  im- 
pression favorable  au  système  de  M.  Chervin  ;  que  ses  documens 
méritent  l'attention  la  plus  sérieuse,  et  qu'ils  peuvent  influer 
puissamment  sur  la  solution  négative  de  la  question  de  la  con- 
tagion de  la  fièvre  jaune.  Cette  déclaration  ,  si  honorable  d'ail- 
leurs pour  M.  Chervin,  n'a  pas  amené  la  même  conviction 
dans  l'esprit  des  membres  de  l'ancienne  Commission,  dite  de 
Barcelone;  et  M.  Patuset,  l'un  d'eux  ,  a  communiqué  à  l'Aca- 
démie de  médecine  des  éclaircissemens  en  réponse  aux  alléga- 
tions consignées  dans  le  rapport  dont  nous  venons  de  donner 
un  aperçu.  L'Académie,  dominée  par  un  grand  sentiment  de 
t.  xxxvi. —  Décembre  1827.  35 


r>94  SCIENCES  PHYSIQUES. 

justice,  a  jugé  convenable  de  faire  imprimer,  avec  le  rapport, 
les  réponses  de  M.  Pariset,  et  de  soumettre  ainsi  au  public  les 
deux  côtés  de  la  question. 

M.  Pariset ,  à  ce  qu'il  nous  semble,  a  cru  voir  delà  person- 
nalité dans  toute  cette  affaire  :  il  l'a  considérée  comme  une 
attaque;  et  il  donne  à  entendre  qu'il  faut  éviter  de  nuire  à  des 
hommes  qui  ne  cherchent  point  à  nuire.  Il  se  propose  de  s'ex- 
pliquer sans  amertume  ,  parle  de  sa  résignation ,  et  supplie 
l'Académie  de  l'écouter  sans  prévention.  Nous  eussions  désiré 
que  M.  Pariset,  dont  nous  admirons  le  talent,  dont  nous  esti- 
mons les  belles  qualités,  eût  écarté  tout  ce  qui  est  étranger  à  la 
question  en  général;  il  lui  appartenait  de  la  poser  nettement , 
sans  acception  d'individus.  Le  public  oublie  promptement  les 
petites  haines  et  les  jugemens  de  coteries.  La  palme,  en  dernier 
lieu,  revient  de  droit  à  celui  qui  fait  connaître  la  vérité. 

Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Pariset  conteste  les  faits  recueillis  par 
M.  Chcrvin,  ou  du  moins  il  combat  les  conséquences  que)  son 
adversaire  en  a  déduites.  Nous  n'avons  point  cité  les  faits;  nous 
ne  pourrions  discuter  convenablement  les  objections;  et  dans 
cette  série  d'assertions  d'un  côté,  de  dénégations  de  l'antre, 
nous  aurions  trop  à  gémir,  si  nous  étions  forcés  d'avouer  que 
la  lumière  disparaît  sous  le  triple  fardeau  des  contradictions  , 
de  l'ironie  et  même  de  l'aigreur.  Ce  n'est  pas  sur  M.  Chervin 
seul  que  tombent  les  reproches  de  M.  Pariset,  ils  s'adressent 
également  à  la  Commission  qui  a  fait  le  rapport.  Suivant  lui , 
«M.  Chervin  ne  s'arme  que  de  démentis  pour  détruire  des  preu- 
ves: Puis  ,  vient  la  commission  qui  sanctionne  le  tout,  sans  plus 
d'examen.  Cela  posé  ,  ajoute-t-il ,  à  quoi  bon  discuter  ?  » 

Selon  M.  Pariset,  la  situation  de  M.  Chervin  à  Barcelone 
était  bien  différente  de  la  sienne.  La  catastrophe  était  achevée 
depuis  trois  ans;  les  souvenirs  ont  pu  s'effacer  ;  mais  les  inté- 
rêts d'amour-propre,  de  dépendance,  de  considération,  d'es- 
prit de  parti  subsistent  comme  au  premier  jour.  M.  Chervin 
recueille  des  faits,  non  pas  au  profit  de  la  vérité,  mais  à  celui 
d'une  idée  préconçue;  il  reproduit  comme  non  jugées  des  ques- 
tions qui  l'ont  été  cent  fois.  Ce  n'est  point  à  la  lièvre  jaune  qu'il 


SCIENCES    PHYSIQUES.  î>o5 

en  veut,  c'est  au  travail  de  M.  Pariset  et  île  ses  honoraires  COU 
frères;  et,  s'il  les  a  trouvés  en  faute  sur  quelque  fait  de  détail . 
il  prétend  en  tirer  une  gloire  éclatante,  et  il  se  hâte  d'obtenir 
les  signatures  du  capitaine  général,  du  secrétaire  général,  i]u 
gouverneur,  de  l'intendant  militaire,  du  vicaire  général  ,  du 
consul  de  France,  du  président  de  l'ordre  de  Saint-Jean-de-Jé- 
rusalein.  IMnisà  quoi  bon  ce  faste  de  signatures?  Les  légalisations 
n'ajoutent  rien  à  la  valeur  des  certificats;  et  il  n'est  pas  témé- 
raire dépenser  que  les  paroles  des  médecins  de  la  Commission 
de  Barcelone,  qui  sont  des  certificats  en  action,  ont,  au  moins, 
autant  de  valeur  que  les  pièces  de  M.  Chervin.  Ce  docteur  était 
au  Nouveau-Monde,  à  l'époque  du  désastre.  Comment  peut -il 
contester  à  ses  adversaires  ce  qu'ils  ont  vu  de  leurs  yeux  ? 

Après  avoir  combattu  M.  Chervin  ,  M.  Parisct  s'occupe  du 
rapport  de  la  Commission  qu'il  déclare  fait  sans  critique  et  sans 
justice.  C'est,  dit-il,  un  acte  d'accusation  dtessé;  c'est  un  pro- 
cès à  soutenir,  et  rien  de  moins  académique.  Un  simple  com- 
mis aux  écritures  en  eût  fait  autant.  Du  reste,  l'impression  de 
ce  rapport  ne  le  gène  nullement  ;  il  demande  seulement  que  sa 
réponse  soit  publiée  en  même  tems  et  dans  le  même  nombre 
d'exemplaires. 

L'Académie,  comme  nous  l'avons  dit,  a  noblement  fait  droit 
à  la  demande  de  M.  Pariset  ;  elle  a  fait  imprimer  la  réponse  de 
Cet  honorable  médecin  à  la  suite  du  rapport  de  sa  Commission, 
lequel  est  signé  de  M.  Dubois ,  Orfila  ,  Rcnauldin ,  Double  , 
Husson  ,  Laubert,   Thillaye ,  Vauquelin  et  Coutanceau. 

Nous  nous  sommes  gardés  d'émettre  une  opinion  sur  ce 
grand  procès,  dont  nous  avons  essayé  de  rendre  un  compte 
fidèle  et  impartial.  Nous  devons  ajouter  qu'il  se  poursuit  et  se 
discute  devant  l'Académie  ,  qui  n'a  pas  cru  qu'il  fût  au-dessous 
de  sa  dignité  d'entendre  les  partisans  du  système  de  M.  Cher- 
vin, comme  ceux  de  M.  Pariset.  Nous  espérons  que  la  vérité 
sortira  de  ce  conflit  d'opinions  et  peut-être,  malheureusement  , 
de  passions  humaines.  R. 


38. 


5;)f)  SCIENCES  PHYSIQUES. 

Mouvement  de  la.  population  dans  le  royaume  des 
Pays-Bas ,  pendant  les  années  i8i5  a  1821  inclus  ; 
recueil  de  tableaux  publiés  par  la  Commission  de 
statistique,  etc.  (1). 

Développement  des  trente- un  tableaux  publies  par  la 
Commission  de  statistique  ,   par  M.  E.  Smits  (2). 

Recherches  sur  la  population  ,  les  naissances ,  les 
décès ,  les  prisons  ,  les  dépôts  de  mendicité  ,  etc. ,  dans 
le  royaume  des  Pays-Bas  ,  par  A.  Quetelet  (3). 

Rapport  sur  les  écoles  du  royaume  des  pays-bas  (4). 

Carte    figurative    de    l'instruction    populaire    des 

Pays-Bas  (5). 

Comme  l'objet  des  différens  ouvrages  dont  on  vient  de  lire 
les  titres  est  de  faire  connaître  l'état  de  la  population  et  de 
l'enseignement  dans  les  Pays-Bas,  nous  avons  cru  devoir  les 
réunir  dans  un  même  article.  Le  premier  de  ces  ouvrages  est 
le  recueil  de  tous  les  documens  fournis  par  les  gouverneurs 
des  provinces  sur  les  nombres  des  naissances,  des  décès  et  des 
mariages.  Ces  nombres ,  comparés  entre  eux  et  à  la  popula- 
tion de  chaque  province  en  particulier,  sont  exposés  dans 
trente  et  un  tableaux  numériques.  La  commission  a  pensé, 
avec  raison  ,  que  ces  publications  ne  devaient  embrasser  que 
des  chiffres,  ou  desfaits  authentiques,  abandonnant  à  la  science 
le  soin  de  tirer  les  conséquences  des  documens  officiels  qu'elle 
livre  à  l'investigation  du  public  et  de  faire  des  comparaisons 
entre  les  résultats  positifs  qu'elle  présente. 

M.  Smits,  dans  le  développement  qu'il  donne  des  tableaux 
précédens,  a  cherché  à  mettre  les  documens  officiels  à  la  portée 
de  la  partie  du  public  moins  habituée  à  saisir  des  résultats  an 

(i)La  Haye  ,  I827;  imprimerie  de  l'État.  In-4°. 
(a)  Bruxelles  ,  1827;  Tarlier.  In-8°. 

(3)  Bruxelles,  1827;  Tarlier.  In-8*. 

(4)  Bruxelles,  1827;  Weissenbruch.  In-8°. 

(5)  Bruxelles,  1827;  Jobard,  directeur  d'un  établissement  litho- 
graphique. 


SCIKNCI.S  PHYSIQUES.  5<j7 

milieu  d'une  série  de  nombres.  Peut  être  est-il  descendu  dans 
îles  détails  trop  minutieux;  et,  dans  l'examen  des  maxima  et 
îles  unimnui  qu'offraient  annuellement  les  provinces,  a-t  il 
perdu  de  vue  les  résultats  généraux  ,  en  considérant  des  cas 
trop  particuliers  ,  et  en  déduisant  des  conséquences  de  nombres 
trop  faibles.  Nous  pensons  aussi  qu'il  aurait  pu  omettre,  dans 
un  ouvrage  tel  que  le  sien,  l'analyse  des  travaux  statistiques 
<!e  31.  Ch.  Dupin,  puisqu'elle  ne  donne  lieu  à  aucun  rappro- 
chement avec  les  nombres  qu'il  discute. 

Nous  nous  abstiendrons  de  parler  du  troisième  ouvrage  qui, 
pour  le  fond,  est  une  nouvelle  édition  d'un  mémoire  analysé 
dans  notre  Revue  (août  1827,  t.  XXXV  pag  4o5.  ),  mais  aug- 
menté de  plusieurs  nouvelles  recherches  et  de  deux  tables  de 
mortalité.  Il  contient  aussi  des  recherches  sur  les  prisons,  les 
dépôts  de  mendicité  et  lesétablissemens  de  bienfaisance.  L'au- 
teur ne  se  dissimule  pas  que  les  nombres  qu'il  donne,  dans 
cette  seconde  partie,  sont  généralement  faibles.  Il  s'est  surtout 
proposé  d'attirer  l'attention  de  ses  compatriotes  sur  des  résul- 
tats dont  ils  se  sont  peut-être  trop  peu  occupés  jusqu'à  présent. 

Le  Rapport  sur  l'état  de  l'instruction  publique  a  fait  l'objet 
d'un  article  inséré  dans  un  de  nos  cahiers  (août  1827).  Nous 
ne  pensons  pas,  comme  le  dit  fort  bien  l'auteur  de  cet  article, 
que  l'on  puisse  se  servir  de  ces  données  pour  établir  des 
ntpprochcmens  avec  les  nombres  trouvés  pour  la  France  par 
M.  Ch.  Dupin.  Les  résultats,  en  effet,  ne  sont  pas  compa- 
rables et  n'ont  pas  été  réunis  dans  les  mômes  vues;  en  Bel- 
gique, d'ailleurs,  le  rapport  officiel  comprend  à  la  fois  dans 
ses  résultats  les  enfans  des  deux  sexes.  La  carte  figurative  de 
l'instruction  populaire  des  pays,  que  M.  Some^hausen  a  des- 
sinée, à  l'instar  de  celle  de  M.  Ch.  Dupin  pour  la  France,  est 
donc  défectueuse  sous  ce  rapport.  On  doit  cependant  savoir 
gré  à  l'auteur  de  l'avoir  produite;  elle  ramène  l'attention  du 
public  sur  un  point  des  plus  importans  et  signale  les  provinces 
qui  méritent  l'estime  ou  le  blâme  par  l'empressement  plus  ou 
moins  grand  qu'on  y  apporte  à  propager  l'enseignement  po- 
pulaire. Mais  il  faut,  à  cet  effet,  que  les  teintes  plus  ou  moins 
noires  soient  distribuées  avec  justice;   et   malheureusement,. 


59S  SCIENCES  PHYSIQUES. 

nous  avons  à  regretter  ici  qu'une  erreur  de  nombres  ait  eu 
un  fâcheux  résultat  pour  la  Flandre  occidentale  qui  a  totale- 
ment disparu  sous  une  couche  noire  dont  elle  est  couverte. 
Une  méprise  de  cent  mille  Ames  sur  l'estimation  de  la  popula- 
tion l'a  fait  descendre  au  dernier  rang  des  provinces  dans  le 
classement  par  degré  d'instruction.  Nous  relevons  cette  erreur 
(jui  ressort  des  documens  officiels  mêmes,  et  qui  pourrait 
donner  lieu  à  de  grandes  méprises.  Il  est  juste  de  dire,  du 
reste,  qu'elle  n'est  point  due  à  M.  Somerhausen. 

Nous  allons  essayer  maintenant  de  donner  un  extrait  de  ce 
que  les  ouvrages  précédens  renferment  de  plus  important, 
mais  en  nous  appuyant  toujours  sur  les  documens  officiels. 
Nous  espérons  qu'on  voudra  bien  nous  permettre  de  donner 
quelque  extension  à  cet  article  qui  tend  à  faire  connaître  les 
mouvemens  de  la  population  en  Belgique ,  mouvemens  dont 
on  s'est  peu  occupé  jusqu'ici.  Nous  croyons  nécessaire  de  faire 
précéder  cet  extrait  d'un  état  comparatif  entre  la  population 
de  chaque  province  et  son  étendue ,  évaluée  d'après  le  tableau 
officiel  présenté  aux  états-généraux  le  20  décembre  1826. 

POPULATION  FAR  CENT  HECTARES.  NOMBRE 

Provinces.  population      Etend,  delà  prov.  par 

au  ierjanv.i824.  en  hectares.  *°°  hectares. 

Flandre  orientale    ....  681,489  298,370  228,40 

Flandre  occidentale  .  .  .  557,871  317,42a  i^Srfb 

Hollande   septentrionale.  388,425  229,200  159,48 

Btabant  méridional  .   .   .  489,602  307,733  i5g,io 

Hollande  mér-idionale  .   .  432, o54  277,830  i55,5o 

Hainaut 538,o5o  377,390  142,57 

Liège 327,161  282,593  1J5,77 

Anvers 318,893  282,293  112,96 

Utreeht 115,042  127,617  90,63 

Zélande 127,659  i58,o36  80, 8x 

Frise 199,335  260,732  76,45 

Groningue 1 53, 860  2o5,o59  7^,o4 

Limbcurg 317,387  455,3i6  69,70 

Brabant  septentrional.  .   .  321,917  484,896  66,39 

X;imur 187,411  345,6io  54,23 

Overyssel  .    . i58,399  329,960  48,00 

Luxembourg 287,786  626,343  45,90 

Dienthe 52,383  223,852  23.40 

Totat 5,934,55o  6, 1 07,35  r      moy.      97,17 


SCIENCES  PHYSIQUES.  59g 

Ce  tableau,   BSSCl  curieux,  nous  montre  que  la  population 

moyenne  de  la  Belgique,  au  ifr  janvier  [8a4>  était  telle  qu'il 
fallait  compter  à  peu  pi  «-s  exactement  un  individu  par  hectare 
ou  bonnier.  Or,  si  l'on  considère  que  notre  royaume  est  un 
des  plus  peuplés  du  globe  ,  on  sera  moins  porté  à  partager 
les  craintes  des  personnes  qui  se  laissent  effrayer  par  l'ac- 
croissement de  la  population.  La  Flandre  orientale,  qui  était 
considérée  ci-devant  comme  l'un  des  départemens  les  plus 
populeux  de  l'empire  français,  est  aussi  la  province  la  plus 
peuplée  du  royaume,  relativement  à  son  étendue;  cependant 
on  n'y  compte  que  deux  individus  par  hectare.  On  voit,  d'une 
autre  part,  que  la  province  de  Drenthe  est,  relativement  à 
son  étendue,  neuf  fois  moins  peuplée  que  la  Flandre  orientale. 
Nous  n'insisterons  pas  sur  les  valeurs  de  ces  rapports;  le  ta- 
bleau que  nous  présentons  les  mettra  suffisamment  en  évi- 
dence :  nous  avons  eu,  d'ailleurs  ,  la  précaution  de  classer  les 
provinces  d'après  leur  grandeur  relative. 

Nous  nous  occuperons  maintenant  de  l'accroissement  que  la 
population  a  subi  dans  l'espace  de  dix  ans,  d'après  les  docu- 
mens  officiels.  L'estimation  de  la  population  pour  chaque  an- 
née a  été  faite,  depuis  181 5  jusqu'à  1819  inclus,  en  ajoutant  à 
la  population  de  l'année  précédente  l'excès  des  naissances 
sur  les  décès;  mais,  à  dater  du  ier  janvier  1820,  tout  en 
opérant  comme  précédemment,  on  a  fait  entrer  en  ligne  de 
compte  les  accroissemens  ou  les  diminutions  qui  proviennent 
deschangemens  de  domicile.  Nous  donnerons  aussi  les  nombres 
des  naissances  et  des  décès. 

ANNÉES.  POPULATION  NAISSANCES.  DECES. 

au  Ier  janvier. 

i8i5 5,424,5o2  195,360  137,599 

1816 5,482,263  196,602  i36,i23 

1817 5,542,742  177,555  i52,6o8 

1818 5,567,689  183,706  140,416 

1819 5,610,979  205,292  148,397 

1820 5,665,576  194,948  145,177 

1821 5,715,347  210,359  138,120 

1822 5,790,062  219,541  i47,553 

1823 5,861,147  213,617  140,692 

1824 5,934,55o  218,666  i34,9i5 

<  ^™" - — mmm —            ■ 

2,oi3,646  1,421,600 


6oo  SCIENCES  PHYSIQUES. 

Ainsi,  pendant  l'espace  de  neuf  ans,  la  population  a  aug- 
menté de  5 1 0,048  âmes,  c'est-à-dire  des  y-f-g  de  sa  valeur  ou  bien 
de  7^-g  par  an;  si  l'on  ne  tenait  compte  que  des  années  depuis 
1820,  l'accroissement  serait  plus  considérable,  comme  uous 
l'avons  fait  voir  ailleurs  (Recherches  sur  la  population).  On 
trouve,  du  reste,  que  le  nombre  moyen  des  naissances  a  été  an- 
nuellement de  201,365  âmes,  et  le  nombre  de  décès  de  142,160. 
Le  rapport  de  ces  nombres  est  à  peu  près  de  10  à  7:  ainsi, 
pour  10  naissances,  on  comptait  7  décès.  Il  est  à  remarquer 
que  l'année  1817  présente  le  minimutn  des  naissances  et  le 
maximum  des  décès;  c'est  l'année  qui  a  suivi  la  disette  que  le 
peuple  a  éprouvée  :  on  trouve  des  résultats  semblables  dans 
les  relevés  des  hospices  et  des  dépôts  de  mendicité,  que  l'on  a 
donnés  ailleurs.  Il  est  remarquable  encore  que  les  mariages 
ont  été  moins  nombreux  vers  celte  époque.  C'est  un  nouvel 
exemple  qire  l'on  peut  trouver  dans  des  tableaux  statistiques, 
dont  les  nombres  sont  recueillis  avec  soin,  les  traces  des 
grands  événemens  :  il  ne  s'agit  que  de  savoir  les  mettre  en 
évidence.  L'accroissement  ou  la  diminution  de  |  opulation  , 
selon  l'état  d'aisance  et  la  quantité  de  choses  produites,  se  font 
remarquer  partout  et  devraient  donner  de  nouveaux  motifs  de 
moins  redouter  une  population  trop  disproportionnée  pour 
le  sol  qui  doit  la  nourrir;  avant  d'en  venir  à  ces  extrémités, 
on  verrait  sans  doute  un  ralentissement  dans  la  fécondité, 
amené  par  la  force  même  des  choses. 

UNE 
ANNÉES.  NAISSANCE 

pour 

i8i5 ,"*    27,855 

1816 27,88 

1817 3l,2I 

1818 30,37 

1819 27,33 

1820 29,06 

1821 27,12 

1822 .  a6,37 

1823 27,44 

1824 27, i3 

Moyennes.  .  .      28,17      39,86     132,17      »,66 


UN 

UN 

ENFANS 

DÉCÈS 

MARIAGE 

PAR  MARIAGE. 

pour 

pour 

Fécondité. 

39,42 

1 1  r,oo 

4,00 

40,27 

i34,38 

4,42 

36,32 

109,09 

5,24 

39,58 

142,00 

4,68 

37,8i 

i32,3o 

4,84 

39,02 

i3i,io 

4,49 

41, 38 

127,07 

4,7°. 

39,24 

123,  o3 

4,68 

4i,66 

129,00 

4,70 

43,98 

132,90 

4,90 

SCIENCES  PHYSIQUES.  6ot 

(I  est  remarquable  <(ùc  les  naissances  iôrtl  |>his  nombreuses 

dallS  1rs  villes  que  dans  les  communes  rurales;  peut  être,  parce 
que  la  facilité  de  se  pi  oenrrr  des  secours  délei  mine  à  choisir 
les  villes  pour  lieu  des  couches.  Ou  compte,  d'uue  part,  une 
naissance  sur  a(î,07  individus,  et  de  l'autre,  une  sur  29,1/1; 
er  celle  différence  ne  s'est  pas  démentie  une  seule  fois  pen- 
dant dix  années.  La  disproportion  pour  les  décès  est  plus  pro- 
noncée encore;  car  on  compte  annuellement  dans  les  villes 
il  un  décès  par  32,6i  habitans,  et  un  seulement  par  /(  3,83,  dans 
les  communes  rurales.  Ainsi  les  générations  se  succèdent  plus 
îapidement  dans  les  villes  que  dans  les  campagnes.  Quant  à 
la  différence  entre  les  naissances  masculines  et  féminines,  le 
rapport  est  de  1  à  0,9480  dans  les  villes,  et  de  1  à  0,9375 
dans  les  communes  rurales. 

Nous  examinerons  maintenant  les  provinces  en  particulier, 
en  prenant  les  résultats  pour  la  durée  de  dix  ans;  car  les 
résultats  isolés  pour  chaque  année,  par  leurs  écarts  de  la 
moyenne  générale,  ne  pourraient  nous  fournir  que  des  ob- 
servations moins  intéressantes. 


PROVINTES. 


Zélande 

Hollande  septentrionale 
Hollande  méridionale.  . 

Utrocbt 

Flandre  occidentale  .   . 
Brabant  méridional  .    . 

Overyssel 

Flandre  orieutale  .   .    . 

Liège 

Limbourg 

H;iinaut 

Luxembourg 

Anvers 

Brabant  septentrional.    . 

Gueldre 

Groningue 

Frise 

Drentbe 

Namur 


UNE  NAISSANCE 

UN   DECES 

pour 

pour 

21,87 

28,53 

25,73 

3i,6o 

25,23 

33,o6 

27,78 

37,53 

28, r3 

38,84 

27,45 

38,99 

29,43 

3o>59 

29,60 

39,7i 

3o,io 

42,41 

29>73 

42,87 

27,85 

43, T7 

27*09 

43, 3o 

3o,i3 

43,35 

3o,o8 

44,5i 

3o,io 

45,53 

28,10 

49,23 

28,59 

49, 3o 

3o,52 

5o,4o 

30,07 

51,78 

Moyenne 38,17  39,86 


6oa  SCIENCES  PHYSIQUES. 

Ce  tableau  montre  encore  ce  singulier  résultat,  que  les  nais- 
sances sont  plus  nombreuses  là  où  la  mortalité  est  plus  forte, 
et  que  les  générations  s'y  succèdent  plus  rapidement.  On 
reconnaîtra  aussi  que  le  voisinage  de  la  mer  ,  l'abaissement  du 
terrain  et  la  grandeur  de  la  population  ont  une  influence  mar- 
quée. Quant  à  la  fécondité ,  on  pourra  la  déduire  du  tableau 
suivant ,  dans  lequel  les  provinces  sont  classées  d'après  la 
grandeur  des  nombres,  comme  elles  le  sont  dans  le  précé- 
dent ,  par  rapport  aux  décès. 

PROVINCES.  ENFA.NS  PAR  UN  MARIAGE 

mariage.  sur 

Zélande 5,23  ii3,i6 

Flandre  orientale 5,n  1 5 1,20 

Flandre  occidentale $,09  i43,5i 

Brabant  septentrional 5,o3  124,66 

Luxembourg 4,99  135,98 

Hollande  méridionale »  .  .   .   .  4,78  118,29 

Gueldre 4,72  141,61 

Liège 4,69  141, 14 

Namur 4,68  141, 33 

Hainaut 4,67  1 3 1,46 

Brabant  méridional 4,66  127,94 

Utrecbt 4,57  124,45 

Groningue 4,55  127,33 

Anvers 4,54  *37,4i 

Limbourg 4,53  i35,4o 

Overyssel 4,49  I29,I9 

Hollande  septentrionale .  4,33  uo,38 

Frise 4,29  122,77 

Drentbe 4,25  i25524 

Moyennes 4,66  132,17 

Nous  remarquerons  que  les  mariages  sont  moins  nombreux 
dans  les  provinces  catboliques,  et  surtout  dans  les  plus  popu- 
leuses, que  dans  les  provinces  protestantes.  Quant  à  ce  qui 
concerne  la  fécondité,  il  paraît  qu'elle  est  plus  grande  géné- 
ralement dans  les  provinces  méridionales.  Il  est  assez  remar- 
quable qu'elle  semble  être  en  raison  inverse  du  nombre  des 
mariages. 

Le  mois  de  janviera  présenté,  dans  l'espace  de  dix  ans,  cinq 
fois  le  maximum  des  naissances;  mars  trois  fois,  et  avril  et 


SCIENCES  PHYSIQUES.  6o3 

décembre  chacun  une  lois.  Il  eût  été  à  désirer  que,  dans  les 
tableaux  officiels  ,  00  eût  indiqué  les  naissances  pour  chaque 
bois  de  Tannée,  puisqu'on  avait  les  élémens  ,  et  qu'on  eût 
rendu  les  termes  comparables  en  faisant  tous  les  mois  d'une 
Egale  durée  de  trente  jours.  Par  exemple,  il  est  très-probable 
(pie  le  maximum  des  naissances  serait  retombé  alors  sur  le  mois 
de  février,  qui  se  trouve  entre  les  deux  mois  les  plus  chargés. 
Juin  a  présenté  six  fois  le  minimum  des  naissances;  juillet  trois 
fois,  et  avril  une  fois.  Ces  résultats  s'accordent  fort  bien  avec 
ceux  que  j'avais  indiqués  précédemment. 

Janvier  a  présenté  dix  fois  le  maximum  dc3  décès,  décembre 
deux  fois,  et  mars  également  deux  fois;  août  a  présenté  quatre 
fois  le  minimum  des  décès,  juin  et  juillet  chacun  deux  fois, 
octobre  et  novembre  une  fois.  Il  paraît,  d'après  cela,  très- 
probable  que,  si  l'on  avait  eu  égard  à  l'inégale  longueur  des 
mois,  les  maximum  et  minimum  auraient  eu  lieu  en  janvier 
et  vers  la  fin  de  juin,  comme  on  l'a  généralement  trouvé  par 
toutes  les  recherches  qui  ont  été  faites  depuis  quelque  tems. 

Le  gouvernement,  par  la  publication  des  documens  pré- 
cieux qu'il  possède  ,  rend  un  véritable  service  aux  sciences,  et 
il  donne  en  même  tems  une  nouvelle  preuve  de  sa  constante 
sollicitude  pour  le  bien-être  général,  en  soumettant  aux  médi- 
tations du  savant  et  de  l'homme  d'état  ce  qui  peut  convenir  à 
ses  observations  utiles  pour  l'avenir.  C'est  dans  cette  vue  que 
le  grand  Colbcrt  voulut  aussi  qu'on  fit  les  premières  recherches 
sur  le  mouvement  de  la  population  de  Paris. 

A.  QUETELET. 


SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES. 


De    la    religion  ,    considérée    dans   sa   source  ,   se 
formes  et  ses  développemens  ,  par  M.  B.  Constant 

—  Troisième  volume  (1). 

Cet  ouvrage,  que  doit  compléter  incessamment  le  quatrièm 
volume,  a  déjà  été  l'objet  de  deux  articles  dans  noire  Receui 
(voy.  Rev.  Enc. ,  t.  xxiv,  p.  3a i ,  et  t.  xxix,  p.  63.  )  L'impor 
tance  du  sujet,  le  nom  de  l'auteur  et  l'étendue  de  ses  re- 
cherches répandent  sur  chaque  partie  un  intérêt  nouveau 
Des  trois  livres  dont  se  compose  ce  volume  consacré  à  l'exa- 
men du  polythéisme  ,  deux  sont  relatifs  à  la  théogonie  ho 
mérique  dont  les  souvenirs,  rappelés  sans  cesse  dans  les  écoles 
sont  encore  en  possession  d'occuper  les  esprits. 

En  observant  sous  des  rapports  aussi  neufs  que  curieux  le 
progrès  de  cette  doctrine,  ou  plutôt  de  ces  croyances  popu 
laires  des  anciens  Grecs,  fauteur  y  trouve  une  confirmatioi 
de  son  hypothèse  sur  les  formes  successives  des  religions.  I 
distingue  deux  époques  pour  les  poèmes  attribués  à  Homère 
L 'Iliade  et  X Odyssée  n'appartenant  plus  à  la  même  génération 
nous  aurons,  par  une  sorte  de  nécessité  mythologique,  deu: 
Homère,  comme  on  admet  deux  Thot,  deux  Zerdust,  plu- 
sieurs Buddha  et  plusieurs  Vyasa.  Ces  détails  relatifs  au: 
Grecs,  à  ces  peuples  anciennement  illustres  qui  se  monlren 
jeunes  encore,  trouveront  un  grand  nombre  de  lecteurs.  Le: 
hommes  instruits,  et  surtout  ceux  que  des  gens  occupés  d« 
soins  plus  lucratifs  appellent  des  chercheurs  de  vérités,  b< 
parcourront  pas  avec  moins  d'empressement  les  chapitres  rela 
tifs  aux  traditions  hindoues. 


(i)  Paris,    1827;  Béchet  aîné,  quai  des  Augustius,  na  47.  In-S°  d< 
475  pages  ;  prix  ,  7  fr.  5o  c. 


SCIENCES  MORALES.  ffoâ 

Ces    doctes    commentaires    du    polythéisme    homérique  pu 

paissent  propres  à  confirmer  l'idée  que  l'auteur  se  Parme  du 
vrai  sentiment  religieux.  Il  le  voit  partout  comprimé  durant  de 

longs  siècles,  et  il  le  suppose  très-imparfait  aujourd'hui  même, 
neepte  dans  une  partie  des  deUX  anglefl  que  (orme  l'Atlan- 
tique, soit  avec  la  Méditerranée,  soit  a\ee  les  grands  lies. 
"l'Est  il  certain  pourtant  que  le  polythéisme  on  l'idolâtrie  ait  été 
le  culte  des  nations?  Aprè^  avoir  examine  l'inepte;  fétichisme, 
le  sabeisme  dégénéré,  le  panthéisme  peu  populaire,  des  allé- 
TJgories  moins  raisonnables  qu'ingénieuses,  enfin  la  mythologie 
si  vainc  et  si  rebattue,  n'y  a-t-il  pins  rien  d'important  à  con- 
naîtie,  particulièrement  dans  l'Orient  si  fécond  en  symboles 
religieux? 

('/est  dans  les    idées    fondamentales  des  livres   sacrés  d'nn 
peuple  qu'on   apprend   ce  que  sa   religion  était,  et  ce  qu'elle 
doit  être  encore  chez  les  esprits  les  moins  subjugués  par  les 
'"Coutumes  populaires.  Lorsque  la  multitude  est  asservie,  sou- 
vent elle  ignore  en  quelque  sorte  sa  religion.  Livrée  aux  en- 
scignemens  intéressés  de  bonzes  ignorans  eux-mêmes  ou  pré- 
varicateurs ,  le  vulgaire  s'accommode  des  moyens  d'adoration 
ïlrs  plus  ridicules,  et  ,  négligeant  de  siècle  en  siècle  le  principe 
'de  toute  sublimité,   il  parvient  à  se  prosterner   avec  amour 
devant  des  déités  immondes.  Mais,  lorsqu'un  voyageur  aper- 
1  çoit,  dans  quelque  village  des  Alpes  ou  du  Caucase,  de  pauvres 
ferétins  étendus  parmi  les  porcs  au  milieu  des  immondices,  en 
ï  conclut-il  que  la  nation  tout  entière  se  plaît  dans  la  boue,  et 
^que  dès  l'origine  elle  ne  s'était  pas  choisi  d'autres  demeures? 
Dans  des  questions  si  compliquées,  pour  mieux  démêler  ce 
qui  est,  formons-nous  d'abord   une  idée  de  ce  qui  doit  être. 
Sans    produire    en   nous   une  prévention  systématique,  cette 
donnée    nous  guidera    au  milieu  de   tant   de  récits  confus   ou 
d'interprétations  inconciliables.  Il  est  à  craindre  que  les  Eu- 
ropéens n'aient  appris  quelquefois  avec  moins  de  succès  que 
"de  patience,  de  vieux  idiomes  devenus  presque  inintelligibles, 
usons  le  rapport  métaphysique,  peur  la  caste  même  qui  croit 
en  garder  le  dépôt.   Ce  n'est  pas  en  observant  les  derniers  ca- 


-  p 


6o6  SCIENCES  MORALES. 

priées  d'une  dévotion  insatiable  qu'on  apprécie  l'œuvre  dea 
législateurs  (fui,  dans  la  haute  antiquité,  se  sont  dits  inspirés 
du  ciel.  Ils  n'eussent  pas  osé  conseiller  ce  que  bientôt  on  a 
fait  avec  enthousiasme  en  les  invoquant.  Le  vulgaire  ne  hail 
pas  la  démence,  mais  il  veut  y  être  conduit  par  degrés.  Inter- 
rogeons dans  cet  esprit  l'antiquité,  qui  en  général  n'a  su  se 
délivrer  ni  de  l'esclavage,  ni  de  la  superstition,  mais  que  les 
modernes  ont  encore  trouvé  le  moyen  de  calomnier. 

Il  ne  serait  plus  permis  aujourd'hui  de  s'arrêter  aux  pre- 
mières apparences.  Les  livres  zend,  les  vedah,  les  king,sont 
à  peu  près  connus,  et  il  n'est  pas  toujours  très-difficile  d'en 
saisir  l'esprit.  M.  B.  Constant  les  cite  dans  l'occasion  ;  mais 
quelque  habile  qu'il  soit  à  tirer  des  faits  de  justes  conséquences^ 
nous  différerons  de  lui  dans  le  résultat  général.  Nous  verrons, 
dans  le  polythéisme  une  dégénération,  un  abus,  dont  on  no 
savait  ou  même  dont  on  ne  voulait  pas  préserver  le  vulgaire,) 
et  non  une  forme  qui,  dans  aucun  âge  du  monde,  ait  été  adoptée 
expressément  par  une  grande  partie  du  genre  humain.  -[ 

Lorsque  le  théisme  reste  à  peu  près  inconnu  de  la  foule ,[ 
lorsqu'il  ne  règne  guère  que  chez  les  adeptes,  parce  que,  dans 
une  contrée  où  les  peuples  ne  lisent  pas,  on  n'ose  lutter  contre! 
l'effet  de  l'ignorance ,  lorsque  cet  aveu  se  trouve  dans  les  livresf 
sacrés,  M.  B.  Constant  fait  du  polythéisme  la  religion  de  cesj 
peuples  :  il  considère  surtout  le  nombre  des  hommes,  et  cette 
manière  de  voir  est  plausible.  Pour  nous,  au  contraire,   né- 
gligeant dans  l'histoire  raisonnée  des  cultes  la  multitude  qui  a 
des  terreurs  et  des  manies ,  mais  non  une    doctrine,  nous 
regardons  comme  la  religion  d'un  pays  celle  de  la  classe  où 
Ton  se  rend  compte  de  sa  foi.  La  croyance  des  Chinois,  par 
exemple,  est  à  nos  yeux  celle  du  corps  perpétuel  des  lettrés, 
et  non  celle  de  la  foule  courant  au  hasard  sur  les  pas  des 
ho-changs,  et  préférant  toujours  les  plus  insensés  d'entre  eux, 
ou  les  plus  cupides.  Ainsi  le  polythéisme  nous  paraît  avoir 
prévalu  dans  peu  de  contrées  comme  religion  générale,  bieni 
qu'il  se  soit  extrêmement  étendu  comme  superstition  populaire. 
Ce  n'est  pas  le  teins,  mais  l'usage  plus  répandu  de  l'écriture; 


SCIENCES  MORALES. 

ii  substitue  visiblement  le  théisme  au  polythéisme,  ou  l'an 
frpomorphisme  ru  fétichisme,   Insensiblement  la  doctrine 
et»'  devient  la  doctrine  vulgaire.  Sons  un  peu  d'instruction  dans 
utes les  classes,  le  polythéisme  se  perpétuerait  constamment, 

jadis,  au  contraire,  malgré  l'ignorance  de  la  multitude',  le 
léisme  se  conserva  toujours  avec  plus  ou  moins  de  pureté. 

Le  réformateur  hindou  Râm-Mohén-Roey  accuse  de  poly- 

léisme  ses  contemporains;  il  ajoute  que  les  idoles  ne  sont  pas 
leurs  yeux  de  simples  emblèmes,  et  qu'ils  croient  à  l'exis- 
nce  positive  des  dieux  ou  des  déesses.  Mais  que  faut-il  en 
melure  contre  le  théisme  antique  et  même  constant  d'une 
irtie  des  Hindous?  Râm-Mohén-Roey  n'observe- t-il  pas  1  ni  - 
éme  que  plusieurs  brahmes  voient  encore  avec  indignation 
*s  conceptions  erronées,  étrangères  à  la  vraie  doctrine  des 
eux  livrés  sacrés.  Il  s'efforce  de  ramener  la  multitude  à  l'idée 
îmitive  de  la  divinité  invisible.  Mohammed  ne  faisait  pas 
itre  chose,  lorsque,  renversant  les  statues  dont  on  avait  en- 
uré  la  sainte  Kabah ,  il  disait  à  ses  fidèles  :  «  La  parole  de 
ieu  est  antique,  c'est  l'idolâtrie  qui  est  nouvelle;  l'islam  a 
é  la  croyance  d'Abrahm  et  des  prophètes.  »  C'est  en  rappe- 
nt  aux  Hindous  le  vieux  texte  de  leurs  livres  sacrés,  que 
âm-Mohén-Roey  convertit  au  monothéisme  des  familles  Inn- 
oues de  Calcutta,  comme  on  peut  le  voir  dans  le  14e  volume 
'Asiatic  -Rcsearchcs^ 

Dans  le  Bhagavat-Ghita,  le  grand -dieu  est  seul  et  distinct  de 
fûtes  choses  périssables.  Dans  POupanishadah  ,  l'âme  émanée 
u  Dieu  éternel,  qui  est  le  commencement,  le  milieu  et  la  fin 
es  choses,  se  rapproche  de  son  principe  par  la  retenue, 
humilité,  la  tempérance,  et  en  prononçant  silencieusement  le 
îot  ineffable  ôm,  c'est-à-dire  ,  en  s'unissant  par  la  pensée  au 
ivin  formatcur-ennservatcur-mutateur.  Selon  l'Yadjour-Vedah, 
être  existant  par  lui-même  a  réglé  la  destination  de  chaque 
réature,  et  tout  ce  qui  existe  est  enveloppé,  pour  ainsi  dire, 
ar  cet  esprit  suprême.  Après  la  mort,  l'âme  qui  aura  désiré 
onnaître  cette  âme  éternelle  lui  sera  unie  pour  jamais.  Voilà 
i  inorale  rattachée  à  la  religion,  dès  les  premiers  tems  semi- 


6o8  SCIENCES  MORALES. 

historiques.  Sans  affirmer,  avec  un  savant  de  l'Allemagne,  que 
la  religion  primitive  des  Hindous  ait  été  éminemment  intellec- 
tuelle et  abstraite,  nous  y  reconnaissons  du  moins  le  senti- 
ment religieux.  Nous  le  retrouvons  chez  les  Perses,  ainsi  que 
les  conséquences  morales  que  la  plupart  des  législateurs  en 
faisaient  dériver.  Selon  Zeradocht,  rétablissant  l'Hoùchcnk  ou 
l'ancienne  loi  ,  Ahriman  et  Ormuzd  sont  soumis  à  Dieu  appelé 
le  Tems  sans  bornes,  et  Ormuzd  triomphera:  il  protège  les 
cœurs  bienfaisans.  Le  Ciel,  dit  le  Chu-king,  un  des  trois  livres 
les  plus  vénérés  dans  le  grand-empire,  le  ciel,  le  pouvoir  cé- 
leste ,  punit  ou  récompense,  et  il  est  souverainement  intelli- 
gent: l'homme  juste  s'efforcera  de  l'imiter.  On  ne  saurait  déter- 
miner le  moment  où  prévalut  chez  les  Chinois  le  sentiment 
religieux ,  où  le  théisme  commença  au  fond  de  l'Orient.  Pour 
reconnaître  qu'il  est  très-ancien,  il  suffit  de  parcourir  ce  qu'on 
possède  du  Chu-king,  et  des  vagues  commentaires  de  l'Y- 
king,  ou  bien  l'histoire  la  plus  authentique  qu'il  y  ait  sur  la 
terre  profane,  le  Tong-kien-kang-mou  traduit  par  les  mission- 
naires européens. 

Si  les  Hindous  sont  allégués  avec  plus  de  confiance  en  faveur 
de  l'hypothèse  de  la  succession  des  formes,  leur  histoire  reli- 
gieuse n'est-eile  pas  encore  un  chaos,  selon  l'expression  même 
de  M.  B.  Constant?  D'ailleurs,  les  hypothèses  métaphysiques  les 
plus  profondes  ou  les  plus  hardies  remontent  chez  eux  à  une 
époque  très-reculée.  Fétichisme,  antropomorphisme,  culte  des 
astres  et  astronomie  révélée,  théisme  tenant  de  la  théosophie, 
tout  y  paraît  contemporain.  Retrouver  aujourd'hui  les  premières 
traces  de  chaque  nuance,  serait  au-dessus  des  forces  mêmes  delà 
savante  société  de  Calcutta.  Chez  des  peuples  long-tems  divises 
en  castes  ,  et  très  -irrégulièrement  éclairés,  des  opinions  ou  des 
erreurs  contradictoires  peuvent  régner  eu  même  tems.  Le  po- 
Iv théisme  subsiste  encore  vers  le  Gange,  malgré  le  nombre 
i\e.^  siècles  écoulés  depuis  qu'un  illustre  novateur  y  accrédita 
fortement,  avant  de  mourir,  cette  pensée  de  plusieurs  vieux 
sages  de  l'Hindoustan,  que  le  monde  est  illusoire.  C'est  peut- 
être  la  seule  supposition  qui,  suivant  les  simples  lumières  de 


SCIENCES  MORALES.  ùo$ 

la  raison,  permette  d'échapper  facilement  au  matérialisme  <>w 
au  panthéisme,  entre  lesquels  nous  croyons  voir  plus  du  dif- 
férence que  l'auteur  n'en  indique. 

Nous  admettrons  volontiers  connue  assez  récente  la  belle 
inscription  de  Sais,  d'une  ville  qui  n'a  été  construite  vrai- 
semblablement qu'à  l'époque  où  l'on  bâtit  IVIemphis.  Riais  que 
prouveraient  contre  l'ancienneté  de  la  doctrine  la  date  de  l'ins- 
cription, et  surtout  le  silence  du  bon  Hérodote?  Sans  doute;  ce 
n'est  qu'en  perdant  une  partie  de  sou  pouvoir  que  la  théocratie 
abandonna  le  secret  qui  avait  fait  sa  grandeur;  il  n'était  pas 
dans  ses  principes  de  divulguer  volontairement,  d'exposer  à 
tous  les  yeux  le  mot  si  long-  tems  ineffable  de  ses  profonds 
mystères.  «  Rien  n'est  plus  compatible,  a  dit  l'auteur  même, 
que  l'affectation  exclusive  d'une  science  mystérieuse,  concen- 
trée dans  une  corporation,  et  le  dernier  degré  de  l'abrutisse- 
.ment  dans  tout  ce  qui  est  repoussé  de  cette  enceinte.  »  Quand 
on  construisit  des  villes  dans  la  Basse-Egvpte,  et  qu'on  y 
transféra  même  le  siège  de  l'empire,  l'autorité  civile  ou  mili- 
taire avait  remplacé  l'autorité  sacerdotale,  comme  cela  est 
arrivé  depuis  au  Japon,  et  elle  l'avait  remplacée  précisément 
parce  que  le  nombre  des  adeptes  s'était  accru.  Les  anciens 
mystagogues  ont  régné  par  l'étonnement,  et  en  cherchant  à 
rendre  inviolables  les  détours  du  sanctuaire.  Aussitôt  que  la 
loi  divine  cesse  d'être  cachée  humainement  parlant,  le  pouvoir 
temporel  du  sacerdoce  paraît  déraisonnable;  pour  en  retenir 
quelques  restes ,  les  anciens  maîtres  des  rois  n'ont  plus  d'autre 
ressource  que  l'intrigue,  c'est-à-dire  qu'il  leur  échappe  sans 
retour.  Ainsi  Thèbes,  la  capitale  des  prêtres,  fut  remplacée  par 
Memphis,  la  capitale  des  monarques  :  ils  voulurent  que  le  sort 
des  peuples  changeât.  Les  doctrines  élevées  du  théisme  n'ont 
jamais  été  inconnues  dans  les  pays  civilisés;  elles  restent  voi- 
lées durant  les  siècles  de  servitude,  mais  ensuite  elles  se  pro- 
pagent dans  toutes  les  classes.  Aujourd'hui  les  tribus  indépen- 
dantes des  Syk'hs  célèbrent  publiquement  dans  leurs  hymnes 
l'unité  du  pouvoir  suprême. 

Nous  nous  arrêtons  à  ces  remarques,  non  pas  précisément 
T.  XXXVI.  —  Décembre  1827.  3o 


6io  SCIENCES  MORA&E& 

pour  les  opposer  à  l'auteur,  niais  pour  rappeler  les  difficultés 
qu'il  lui  appartient  de  résoudre.  Son  système  ,  si  l'on  peut 
qualifier  ainsi  l'idée  dominante  dont  cet  ouvrage  contient  les 
riches  développemens ,  cette  manière  de  voir  paraît  justifiée  à 
l'égard  de  plusieurs  régions.  Toujours  ingénieuse,  elle  répandra 
en  général  beaucoup  de  lumière  sur  diverses  parties  del'histoire; 
mais  comment  étudier  aujourd'hui  la  haute  antiquité?  Malgré 
une  soi  te  de  constance  (pie  l'on  attribue  avec  raison  aux  peuples 
de  l'Orient,  cette  partie  du  monde  a  subi  des  changeincns 
nombreux,  et  l'on  ne  saurait  la  connaître  comme  on  connaît  la 
Grèce  qui  commença  pendant  la  décadence  de  l'Egypte.  Les 
vallées  occidentales  du  Nil ,  et  tout  le  midi  de  l'Asie  jusqu'aux 
bouches  du  Hoang ,  voilà  l'ancien  monde;  mais  il  est  en  partie 
fermé  à  nos  recherches.  Même  depuis  les  tems  historiques,  nos 
notions  sur  la  vieille  Asie  resteront  conjecturales  à  beaucoup 
d'égards;  elles  seront  cependant  très-utiles  quand  elles  seront 
examinées  avec  la  sagacité  ou  la  rectitude  dont  M.  B.  Constant 
donne  l'exemple.  Toutes  les  fois  que  l'esprit  s'exercera  sur  des- 
objets sérieux,  et  dans  l'intérêt  de  la  vérité,  n'arrivât -il 
qu'au  doute,  il  s'éloignera  de  l'erreur. 

De  tant  de  faits  qui  souvent  nous,  sont  transmis  avec  peu  de  fidé- 
lité résulteront  pour  le  génie  quelques  aperçus  presque  indubi- 
tables. On  a  dû  redouter  la  précipitation  du  faux  savoir;  mais 
la  morale  même  aura  pour  soutien  la  vraie  science  ,  la  science 
attentive  et  circonspecte,  dont  l'érudition  n'est  que  l'instru- 
ment. En  vain  on  désirerait  écarter  le  doute;  il  revient  sans 
cesse,  quand  on  aspire  à  l'exactitude.  C'est  avec  raison  ,  ce 
semble,  que  l'auteur  remarque  dans  les  Vedah  en  particulier 
un  mélange  de  théisme  et  de  panthéisme,  rapprochement  dont 
l'apparence  du  moins  doit  être  fréquente.  Un  étranger  ne 
regarderait-il  pas  comme  une  forte  trace  de  panthéisme  ce  prin- 
cipe deMallebranchc,  que  nous  voyons  tout  en  Dieu?  Le  senti- 
ment religieux  peut  toujours  être  dans  sa  force  là  où  se  trouve 
le  dogme  de  l'unité  divine.  Dès  que  la  Divinité  gouverne,  les 
conséquences  morales  sont  à  peu  près  les  mêmes,  soit  que  nous 
la  déclarions   indépendante  des  choses  périssables,   soit  que 


SCIENCES  MOKAXES.  Si . 

nous  réunissions  en  elle    Unit    CC   qui  riait,   tout  cm;  qui    m'i.i, 

tout  ce  qui  peut  exister  ou  apparaître. 

si  le  sentiment  religieuse  est  naturel,  il  a  dû  se  manifester 
toujours,  niais  diversement,  et  selon  retendue  de  nos  idées. 
Ces  différences  dans  les  facultés  de  l'esprit  ne  sont  pas  moins 
mandes  d'homme  à  homme,  que  de  peuple  à  peuple.  Les 
croyances  les  plus  nobles,  et  en  même  tems  les  plus  morales, 
pourraient  donc  être  aussi  anciennes  que  le  genre  humain 
dans  les  contrées  où  commença  la  civilisation.  Sous  la  forme 
homérique,  l'homme  abandonné  à  lui-même,  dit  l'auteur,  tirait 
de  sa  propre  pensée;  les  motifs  des  actions  qui  regardaient  les 
autres  hommes.  Tels  devaient  être  en  Grèce  les  esclaves,  et 
même  beaucoup  de  citoyens;  mais,  outre  que  dans  cette 
grande  question  ,  s'occuper  avec  prédilection  d'une  presqu'île 
étroite,  et  qui  d'ailleurs  n'a  pas  eu  de  religion  proprement 
dite,  ce  serait  laisser  la  règle  pour  l'exception,  les  adeptes 
du  moins  ont  admis,  dès  les  tems  orphiques,  la  protection 
divine  méritée  par  la  justice  envers  les  hommes.  Quant  à 
l'Orient ,  il  y  a  lieu  de  croire  que  vers  le  Nil ,  comme  vers  le 
Gange,  on  a  connu  ces  livres  religieux  plus  anciens  qu'Abrahm, 
qui  sont  cités  dans  le  Sepher.  L'écriture  étant  peu  usitée  chez 
les  anciens,  il  était  très-difficile  d'empêcher  que  la  religion 
populaire  ne  fût  puérile  ou  inepte,  tandis  que  d'autres  tradi- 
tions restaient  déposées  dans  le  sanctuaire.  Avant  Lucrèce 
plusieurs  poètes  avaient  blâmé  le  polythéisme  qui  n'en  parut 
pas  ébranlé.  Dix  siècles  avant  qu'il  cessât  chez  les  Hellènes,  les 
époptes  s'habituaient  à  le  mépriser.  Des  idoles,  dont  le  culte 
ne  peut  que  nuire  à  la  morale,  ont  encore  à  la  Chine  de  nom- 
breux adorateurs,  et  néanmoins  cent  générations  successives 
ont  lu,  dans  le  Chu-king,  appelé  la  Voix  de  V  Antiquité  :  «Le 
ciel  punit  l'injustice;...  le  bien  qu'il  envoie  aux  hommes  dé- 
pend de  leurs  vertus.  » 

En  rappelant  les  opinions  hardies  et  même  irréligieuses 
attribuées  à  des  castes  ,  ou  plus  vraisemblablement  à  des  sectes 
sacerdotales  de  l'ancienne  Asie,  l'auteur  observe  que  le  senti- 
ment religieux,  si  puissant  sur  les  esprits  restés  libres,  pou- 

3* 


Gi2  SCIENCES  MORALES. 

vait  ôlie  étouffe  chez  les  corporations  sacerdotales,  par  le 
projet  impie  de  faire  de  la  religion  un  instrument.  Cette 
observation  est  pleine  de  justesse  :  toute  vue  mondaine  dégrade 
lame  qui  aurait  pu  ne  s'attacher  qu'à  l'étude  des  choses  divines. 
Biais  ajoutons  que  le  premier  effet  de  l'indépendance  de  l'es- 
prit doit  être  de  jeter  dans  le  doute  sur  toute  chose  invisible, 
au  risque  d  incliner  vers  le  matérialisme.  On  sort  ensuite  de 
cet  aveuglement;  on  sent  qu'il  est  possible  d'expliquer  le  monde 
sans  la  matière,  mais  non  sans  l'intelligence.  Si  alors  on  n'ad- 
met pas  une  croyance  révélée,  on  peut  rester  incertain  entre 
le  théisme  et  une  sorte  de  panthéisme.  C'est  ainsi  qu'avec 
moins  de  légèreté,  selon  l'observation  d'un  célèbre  Anglais, 
on  redevient  religieux  :  le  sentiment  des  choses  célestes  n'était 
pas  éteint,  mais  combattu.  Les  castes  sacerdotales,  comme  les 
particuliers,  ont  pu  suivre  cette  marche.  Sans  pérjugés,  mais 
sans  profondeur,  on  sera  incrédule.  Avec  une  pénétration  plus 
vaste  et  des  considérations  d'un  ordre  plus  élevé,  on  découvre 
au-delà  de  toute  chose  la  secrète  action  de  la  puissance  divine. 
Elle  se  sera  manifestée  dans  tous  les  siècles  à  la  force  de  la 
raison,  à  la  jeunesse  de  l'âme;  mais  dans  tous  les  siècles  une 
raison  débile  ou  inculte  aura  été  superstitieuse,  et  les  cœurs 
affaiblis  auront  été  dévots. 

Ainsi  nous  n'admettons  pas,  avec  M.  B.  Constant, une  oppo- 
sition naturelle  entre  la  logique  et  le  sentiment  religieux.  L'abus 
du  raisonnement  a  frappé  des  hommes  d'un  grand  mérite; 
mais  n'y  a-t-il  pas  eu  quelque  précipitation  dans  les  consé- 
quences qu'ils  en  ont  tirées?  Il  vaut  mieux  s'efforcer  de  rendre 
le  raisonnement  exact,  que  de  lui  substituer  un  mobile  qui 
pourrait  être  plus  aveugle,  et  qu'on  n'aurait  aucun  moyen  de 
rectifier.  Ce  n'est  qu'à  l'auteur  des  Etudes  de  la  nature  qu'on 
pardonnait  de  récuser  le  raisonnement,  parce  que  chez  lui 
le  raisonnement  se  trouvait  très-faible.  Il  voulait  que  le  cœur 
fût  notre  guide,  comme  s'il  ne  fallait  pas  au  cœur  le  plus  pur  un 
tems  considérable  pour  persuader  des  cœurs  passionnés  ou  des 
cœurs  flétris.  Un  nouveau  trait  de  lumière,  un  raisonnement 
plus  juste  prouve  aussitôt  à  l'homme  impartial  que  des  rai- 


SCIENCES  MORALES.  fui 

BOnnemehs  trompeurs  l'avaient  égaré;  nuis  quand  le  sentiment 
est  seul  opposé  tu  sentiment,  le  désordre  est  sans  terme.  La 
règle  se  trouvant  dans  ce  qu'on  éprouve,  le  cœur  altéré  de 
vengeance  aura  raison  comme  le  cœur  compatissant,  et  le  cœur 
aride  comme  le  cœur  religieux  :  selon  le  mot  vulgaire,  chacun 
suivra  son  goût.  Xe  sentiment  est  l'instinct  qui  doit  nous  guider 
hors  de  la  civilisation;  mais  quand  la  raison  plus  instruite 
obtient  enfin  les  données  sans  lesquelles  elle  ne  pouvait 
s'exercer,  elle  juge  les  sentimens,  afin  de  les  autoriser,  ou  de 
les  réprimer.  Elle  parvient  à  relever  le  front  de  l'ignorant  qui 
se  prosternait  avec  le  zèle  du  cœur  devant  des  idoles,  et  elle 
abaissera  devant  le  Dieu  de  justice  le  regard  superbe  du 
prince  illettré  qui  prétendait  sentir  que  les  hommes  étaient  nés 
pour  l'accomplissement  de  ses  fantaisies. 

Même  avant  l'art  d'écrire  ,  les  effets  de  la  parole,  faculté  si 
puissante,  éclairèrent  quelques  personnages  dont  les  disciples 
devinrent  les  législateurs  des  tribus.  Peut-être  n'est -il,  par 
cette  raison,  aucune  opinion  religieuse  ou  morale  dont  on  ne 
doive  rencontrer  quelque  trace  antique.  Dans  une  contrée 
orientale  où  l'esclavage  n'est  pas  encore  aboli,  depuis  trente 
siècles  on  blâme  l'esclavage.  L'art  d'imprimer  a  propagé,  mais 
n'a  pas  fait  naître  le  principe  d'une  juste  fraternité  entre  les 
enfans  d'une  même  patrie,  ou  celui  d'une  égalité  primordiale 
entre  les  hommes.  Une  religieuse  horreur  de  l'esclavage,  et  le 
sentiment  d'une  équité  conforme  à  la  loi  première,  caractéri- 
saient, dit-on  ,  les  Shammanées,  dont  les  Esséniens  de  Jérusa- 
lem furent ,  en  quelque  sorte,  les  continuateurs.  Les  pays  ont 
différé  plus  que  les  âges  :  l'intelligence  des  hommes,  ainsi  que 
leur  physionomie,  est  variée  sans  cesse,  et  non  pas  nouvelle. 
Seulement  une  proportion  différente  commence  à  s'établir,  au 
moyen  des  livres,  entre  la  classe  instruite  et  la  classe  igno- 
rante. De  tous  les  mouvemens  humains  ce  sera  le  plus  rapide; 
mais  en  condamnant  des  abus  intolérables,  on  n'affaiblira  pas 
la  vraie  religion.  C'est  sur  une  base  indestructible  qu'on  avait 
élevé  opiniâtrement  de  fragiles  édifices  :  ce  qui  est  pur  subsis- 
tera, ce  qui  vient  de  l'homme  périra.  Heureux  l'écrivain  qui 


M 


'>  »  SCIENCES  MORALES. 

aimant  surtout  dans  la   célébrité   les   avantages  qu'elle  offre 
pour  soutenir  de  nobles  causes ,  veut  contribuer  à  ce  perfec- 
tionnement dont  un  jour  la  religion,  les  moeurs,  ou  même  hi 
politique  retireront  les  fruits  les  plus  durables!  S. 


De  l'éducation  des  sourds-muets  de  naissance,  par 
M.  Degérando  ,  membre  de  l'Institut,  administra- 
teur de  llnstitut  royal  des  sourds-muets  ,  etc.  (i). 

Rapport    fait    a    l'Académie   des   Sciences  ,    par    M.  Frédéric 

Cuvier  (2). 
Messieurs, 

Je  vais  avoir  l'honneur  de  vous  rendre  compte,  ainsi  que 
vous  m'en  avez  chargé ,  de  l'ouvrage  en  deux  volumes  que 
M.  Degérando  nous  a  adressé. 

Au  premier  abord ,  et  en  ne  considérant  l'Académie  des 
sciences  que  dans  les  limites  de  son  institution ,  on  pourrait 
ne  pas  apercevoir  de  rapports  entre  un  traité  d'éducation  de 
sourds  -  muets  et  les  sections  de  sciences  physiques  et  mathé- 
matiques dont  elle  se  compose,  et  se  demander  par  quel 
motif  et  sous  quel  point  de  vue  je  suis  appelé  à  lui  rendre 
compte  d'un  ouvrage  qui  n'a  pas ,  en  apparence  du  moins , 
d'analogie  directe  avec  ses  travaux. 

J'ai  donc  pensé  que  ma  tâche  ne  devait  pas  moins  consister 
à  exposer  sommairement  quelques-uns  de  ces  motifs,  que  les 
principes  sur  lesquels  repose  l'enseignement  des  sourds-muets, 
et  que  les  procédés  qui  conduisent  à  rendre  ces  malheureux  à 
la  société. 

(i)  Paris  ,  T827  ;  Méquignon  l'aîné  ,  rue  de  l'École  de  Médecine  , 
no  g.  2  vol.  in-8°  de  xv-Sgi  et  688  pages  ;  prix  ,  16  fr. 

(a)  Nous  n'avons  pas  cru  pouvoir  présenter  à  nos  lecteurs  une 
meilleure  analyse  de  cet  ouvrage  que  le  Rapport  dont  il  a  été  l'objet 
dans  l'Académie  des  sciences ,  et  que  son  auteur  a  bien  voulu  nous 
communiquer. 


SCIENCES  MORALES.  Ci5 

Je  pourrais  d'abord  m'appuycr  sur  des  antceédens  dont  per- 
sonne sans  dont»'  ici  ne  voudrait  méconnaître  l'autori'é.  C'est 
au  jugement  de  l'Académie  des  seienees  que  furent  soumis  les 
premiers  essais  faits  publiquement  on  lia  née  sur  l'éducation 
des  sourds-muets,  ceux  de  Pereira  (i)  et  d'Fanaud  {•>.)  ;  et  les 
commissaires  qu'elle  nomma  pour  les  examiner  furent  de  Mai- 
ran,  de  Iiuffon  et  de  Ferrain.  Cependant,  ce  qui  pouvait  paraître 
simple  à  une  époque  où  la  philosophie  n'était  point  séparée  de 
la  physique)  pourrait  ne  pas  le  paraître  également  aujourd'hui 
que  ces  deux  branches  des  connaissances  humaines  ont  pris  des 
directions  si  opposées,  sans  avantage  probablement  ni  pour 
l'une,  ni  surtout  pour  l'autre. 

Eli  effet,  si  l'homme  et  les  animaux  font  l'objet  du  zoologiste, 
de  l'anatomiste,  du  médecin  ,  ce  n'est  sans  doute  pas  nécessai- 
rement hors  de  cet  état  d'intégrité  ,  de  cet  état  normal,  où 
tous  les  organes  peuvent  jouer  en  liberté,  toutes  les  fonctions 
s'exercer  pleinement,  où,  en  un  mot ,  les  êtres  animés  peuvent 
accomplir,  sans  réserve,  l'influence  qui  leur  est  marquée  par  leur 
situation  sur  la  terre  :car  le  médecin  lui-même,  et  à  plus  forte 
raison  le  zoologiste  et  l'anatomiste,  n'aurait  que  des  notions  bien 
imparfaites  des  altérations  de  la  vie  animale,  s'il  ne  la  connais- 
sait pas,  du  moins  hypothétiquement  ,  dégagée  de  tout  ce  qui 
peut  mettre  obstacle  à  son  libre  exercice  :  or  a-t-on  une  con- 
naissance de  la  vie  de  l'homme  et  des  animaux,  si  l'on  n'a  pas 
aussi  bien  étudié  les  causes  des  actions  que  les  actions  elles- 
mêmes,  les  lois  des  fonctions  que  les  formes  des  organes ,  les 
phénomènes  de  toute  nature  qui  se  manifestent  dans  les  modi- 
fications cérébrales  que  les  phénomènes  qui  résultent  des  mo- 
difications de  l'estomac  ou  des  intestins  ?  Non  sans  doute  , 
l'animal  n'est  pas  seulement  un  composé  de  parties  matérielles 
soumises  aux  lois  du  monde  physique;  d'autres  lois,  plus 
puissantes,  dominent  en  lui,  et  c'est  de  l'intime  union  des 
unes  et  des  autres  et  de  leur  harmonie  mutuelle  qu'il  se  com- 


(i)  xi  juin   '74»J>  '3  janvier  r ?5 1 

'x     i7«8. 


616  SCIENCES  MORALES. 

pose  à  titre  d'être  animé.  Hors  de  là  il  n'appartient  plus 
qu'imparfaitement  à  son  espèce,  et  par  conséquent  à  l'histoire 
naturelle;  et  si  son  étude  alors  peut  être  encore  utile  à  la 
science  ,  c'est  comme  les  exceptions  sont  utiles  aux  règles  ;  elles 
les  confirment  et  ne  les  établissent  pas. 

Long-tems  la  zoologie  n'a  considéré  les   animaux  ques  par 
rapport  à  la  structure  de  leurs  organes  ,  et  c'était  peut-être 
une  nécessité  :  il  était  dans  l'ordre  naturel  d'étudier  la  machine 
avant  d'en  chercher  les  ressorts ,  de  s'attacher  à  ce  qui  était 
perceptible  aux  sens  avant  de  songer  à  ce  qui  n'est  accessible 
qu'à  l'intelligence.  Aujourd'hui  que  cette  science  veut  s'élever 
à  de  plus  hautes  considérations,  elle  a  besoin  ,  pour  ne  point 
s'égarer,  d'embrasser  son  sujet  dans  toute  son  étendue;  et  c'est 
l\inlropologie  qui  fait  le  plus  vivement  sentir  cette  nécessité. 
On  ne  peut  guère  attribuer  qu'à  la  direction  particulière  de 
la  zoologie  l'état  cù  se  trouve  encore  chez  nous  la  science  de 
l'homme.  Je  ne  parlerai  pas  des  tristes  résultats  auxquels  con- 
duisent dans  plusieurs  ouvrages  les  principes  de  cette  science; 
mais  c'est  sûrement  en  ne  voyant  l'homme  que  dans  l'ensemble 
de  ses  organes  et  de  leurs  fonctions,  que  de  Mairan  disait  à 
l'Académie  des  sciences   de  Pereira ,  que  «  par  une  heureuse 
métamorphose  il  tirait  les  sourds  muets  de  l'état  de  simples 
animaux  pour  en  faire  des  hommes;»  que  Condillac  refusait 
aux  sourds-muets  une  intelligence  qu'il  accordait  à  la  brute; 
que  Sicard  les  désignait  sous  le  nom  d'automates  vivans  ;  et 
qu'aujourd'hui  encore,  ainsi  que  M.  Degérando  nous  l'apprend , 
des  hommes  qui  s'occupent  de  l'éducation  des  sourds-muets 
les  considèrent  comme  dépourvus  de  tout  bon  sentiment ,  et 
comme    inférieurs  même   aux  animaux  qui   nous  servent  et 
nous  obéissent. 

Les  motifs  généraux  que  nous  venons  d'exposer  ne  sont  pas 
les  seuls  qui  rendent  nécessaire  l'étude  complète  des  êtres 
animés;  un  motif  particulier  très-puissant  vient  encore  ajouter 
à  leur  autorité.  En  effet,  les  actions,  chez  les  animaux  ,  nous 
sont  offertes  plus  simplement ,  plus  libres  d'associations  qui 
pourraient  déguiser  leur  caractère  et  faire  méconnaître  leur 


SCIENCES  MORALES.  617 

essence  qu'elles  ne  le  sont  ehei  l'homme;  elles  présentent  donc 

Une  sorte  d'analyse  naturelle  des  nôtres,  d'autant  pins  pré- 
cieuse, qu'il  n'est  aucune  branche  de  nos  connaissances  dont 
il  soit  plus  difficile  de  démêler  les  causes. 

El  qu'on  n'objecte  pas  que  ce  qui  n'est  point  soumis  à  l'obser- 
vation ne  peut  être  du  domaine  de  l'histoire  naturelle.  S'il  fut 
un  teniS  OÙ  une  philosophie  dogmatique  n'admettait  que  les 
conséquences  des  principes  qu'elle  imposait  ,  ce  tems  n'est 
plus  :  l'observation  ,  dans  le  point  qui  nous  occupe,  a  repris 
son  autorité  naturelle;  les  lois  de  la  pensée  lui  sont  aussi  en- 
tièrement soumises  que  celles  de  nos  fonctions  les  plus  méca- 
niques; et  si  ce  champ  d'observations  est  en  nous  au  lieu  d'être 
hors  de  nous  ,  s'il  est  dans  notre  conscience  au  lieu  d'être  dans 
notre  sensibilité  ,  c'est  une  raison  de  plus  d'y  avoir  confiance, 
et  de  regarder  comme  certaines  les  connaissances  qui  en  ré- 
sultent. 

Les  observations  qui  peuvent  nous  être  offertes  par  le  sourd- 
muet  ne  sont,  au  reste,  point  dans  ce  cas;  elles  frappent  en 
grande  partie  nos  sens ,  et  elles  ont  l'avantage  de  nous  pré- 
senter une  de  ces  simplifications  de  phénomène  que  nous  trou- 
vons dans  l'observation  des  animaux  ,  et  qu'on  aurait  dû  si 
vivement  désirer  si  la  nature  elle-même  ne  nous  l'avait  offert. 
Qui  ne  sait  à  quelles  erreurs  ont  été  conduits  ceux  qui ,  ayant 
senti  tout  ce  qu'on  obtiendrait  de  lumière  en  appréciant  celles 
que  nous  devons  spécialement  à  chacun  de  nos  sens,  ont  voulu 
suppléer  la  nature  par  des  conjectures  et  des  hypothèses  ?  Au 
surplus,  si  l'on,  conçoit  la  possibilité  de  séparer  absolument, 
dans  l'étude  des  animaux  ,  les  phénomènes  physiques  des  phé- 
nomènes psychiques,  je  ne  vois  pas  comment  dans  le  langage  on 
ferait  la  part  des  uns  et  des  autres;  car,  par  exemple,  soit  qu'on 
isole  les  articulations  de  la  voix  de  la  pensée,  ou  la  pensée  des 
articulations  de  la  voix  ,  le  langage  n'existe  plus,  et  qui  oserait 
affirmer  que  la  nature  des  signes  est  indifférente  aux  pensées, 
et  réciproquement,  et  surtout  que  le  langage  des  animaux  n'est 
pas  du  domaine  de  l'histoire  naturelle? 

Ce  n*est  donc  point  sans  des  raisons  puisées  dans  les  prin- 


Gi8  SGIEN.GB8   MORALES, 

cipes  mêmes  de  la  zoologie  que  je  suis  appelé  à  rendre  compte 
du  nouvel  ouvrage  de  M.  Degérando;  mais  quand  même  il 
serait  entièrement  étranger  à  nos  travaux,  vous  en  écouteriez 
encore  l'analyse  avec  intérêt. 

C'est  la  première  fois  qu'on  fonde  sur  une  psychologie  lumi- 
neuse, qu'on  débarrasse  de  toute  obscurité  l'art  d'instruire  les 
sourds-muets.  C'est  la  première  fois  qu'on  établit  les  principes 
d'après  lesquels  on  peut  apprécier  les  procédés  si  divers  qui 
ont  été  suivis  dans  cet  art,  et  choisir  dans  chacun  d'eux  ce 
qui  doit  contribuer  à  sa  perfection.  Dès  aujourd'hui  le  juriste 
ne  flottera  plus  incertain  entre  la  punition  ou  l'absolution  du 
sourd  muet  auteur  d'une  action  criminelle,  parce  qu'il  igno- 
rera s'il  entre  du  discernement  dans  les  déterminations  d'un  in- 
dividu privé  de  la  faculté  d'entendre  et  de  parler.  Enfin  avec 
des  idées  plus  justes  sur  l'instruction  des  sourds-muets  ,  des 
méthodes  plus  simples  et  plus  faciles,  une  marche  plus  di- 
recte et  plus  assurée,  on  doit  penser  que  le  bienfait  de  cette 
instruction  s'étendra  dans  la  proportion  des  besoins,  et  que 
la  société  verra  rentier  dans  son  sein  ,  pour  la  servir,  une  foule 
d'infortunés  (i)  qui  lui  étaient  à  charge,  et  dont  elle  ne  sup- 
portait qu'avec  peine  le  malheur  et  l'inutilité. 

Ce  traité  de  l'éducation  des  sourds-muets  de  naissance  est 
divisé  en  trois  parties.  Dans  la  première,  les  recherches  de 
l'auteur  ont  pour  objet  les  principes  sur  lesquels  doit  reposer 
l'art  d'instruire  ces  infortunés  ;  l'histoire  de  cet  art  fait  l'objet 
de  la  seconde;  et  la  troisième  consiste  dans  des  considérations 
sur  le  mérite  respectif  des  divers  systèmes  proposés ,  et  sur  les 
perfectionnemens  dont  ils  sont  susceptibles. 

Une  des  premières  choses  dont  on  est  frappé  à  sa  lecture 
est  la  force  des  préjugés  sous  le  poids  desquels  vécurent  les 
malheureux  sourds-muets  jusqu'au  milieu  du  xvie  siècle  :  car 
ce  ne  fut  qu'alors  que  l'idée  vint  de  cultiver  leur  intelligence  , 
et  de  fonder  sur  quelques  principes   l'art  nouveau  qui  devait 


(i)On   prut  estimer  à    l5,ooo  le  nombre  des  sourds-imieis  de  la 
France. 


m  IENOES  MOR  M.r.s  6i,g 

lis   instruire.  Ces  préjugés,  consacrés  en  quelque  sorte  par  le 

tern^,  par  les  lois,  cl  même  par  la    icligiou,   cédèrent au\  lu 
mières   qui    jaillirent    vers  <  clic  époque  ,  cl  ce  fut  un  de  1cm,  , 

premiers  bienfaits. 

Cependant  es  Rrancc  ces  préventions  subsistèrent  long  teins 
encore.  Outre  qu'on  né  s'y  occupa  que  beaucoup  plus  tard 
qu'ailleurs  des  sourds-muets,  l'abbé  de  l'Epée  nous  apprend 
que  des  théologiens  de  son  tems,  fort  respectables  d'ailleuis, 
condamnaient  ouvertement  son  entreprise.  1/liabitudc  de  voir 
la  communication  des  pensées  ne  s'établir  qu'il  l'aide  d'un  lan- 
gage  articulé  contribua  sûrement  à  maintenir  un  préjugé  aussi 
funeste;  il  faut  cependant  reconnaître  qu'il  avait  pu  s'établir 
sur  des  faits  propres  à  le  justifier,  car  il  n'est  pas  rare  de 
voir  l'idiotisme  accompagner  la  surdité  de  naissance,  et  par  con- 
séquent le  mutisme  ;  mais  il  est  beaucoup  plus  commun  de 
rencontrer  des  sourds-muets  pleins  d'intelligence,  qui  se  sont 
créé  un  langage  par  lequel  ils  communiquent  avec  les  autres 
hommes,  les  entendent  et  se  font  entendre  d'eux.  Or  l'étude 
de  ce  phénomène  conduisait  directement  aux  principes  sur 
lesquels  repose  l'art  d'instruire  les  sourds-muets.  Ce  sont  ces 
principes,  comme  nous  venons  de  le  dire,  que  M.  Degérando 
établit  dans  les  treize  chapitres  qui  composent  sa  première 
partie. 

Dans  l'impossibilité  où  je  suis,  faute  d'un  tems  que  je  ne 
puis  raisonnablement  vous  demander,  de  suivre  pas  à  pas 
M.  Degérando  dans  les  trois  parties  de  son  ouvrage,  je  me 
bornerai  à  extraire  d'abord  la  substance  de  la  première  et  de 
la  troisième  en  réunissant  les  principes  de  l'art  à  leur  appli- 
cation; de  la  sorte  j'indiquerai  à  la  fois  les  différens  procédés 
qui  ont  été  mis  en  usage,  et  l'influence  que  chacun  d'eux  est 
propre  à  exercer.  Je  terminerai  par  quelques  considérations  sur 
la  partie  historique. 

Ce  qui  importe  avant  tout  dans  l'instruction  du  sourd- 
muet,  c'est  d'adopter  des  signes  qu'il  puisse  percevoir,  de  lui 
en  enseigner  qu'il  puisse  transmettre,  et  enfin  d'attacher  à  ces 
signes,  dans  son  esprit,  les  idées  que  nous  y  attachons  nous 


6io  SCIENCES  MORALES,. 

mêmes;  car  il  doit  entendre  ceux  qui  lui  parlent,  être  entendu 
de  ceux  à  qui  il  parle,  et  parler  pour  exprimer  des  pensées. 
Ce  sont  ces  trois  points  qui  vont  successivement  nous  arrêter. 

Les  signes  de  nos  langues  articulées  étant  faits  pour  le  sens 
de  rouie,  ne  peuvent  être  perçus  à  ce  titre  par  le  sourd-muet. 
C'est  donc  à  d'autres  signes  que  nous  devons  avoir  recours  pour 
lui  parler,  et  à  un  autre  de  ses  sens  que  nous  devons  nous 
adresser;  et  c'est  sans  contredit  la  vue  qui,  pour  cela,  nous 
offre  le  plus  de  ressources  par  son  étendue  et  par  les  modifica- 
tions variées  dont  elle  est  susceptible.  En  effet,  on  a  fait  usage 
de  plusieurs  signes  visuels  :  les  plus  riches  et  les  plus  expres- 
sifs, ceux  de  la  mimique  ou  de  la  pantomime,  ont  reçu  de 
grands  développemens;  mais,  malgré  l'avantage  qu'ils  ont  d'être 
le  langage  naturel  des  sourds-muets,  et  d'offrir  jusqu'à  un  cer- 
tain point  une  représentation  des  idées,  ils  n'ont  pu  suffire  parce 
qu'un  des  premiers  besoins  du  sourd-muet  est  de  comprendre 
la  langue  de  son  pays  qui  n'est  point  représentée  par  la  mimique, 
et  que  tous  ceux  avec  qui  il  peut  être  en  relation  ne  sont  point 
exercés  au  langage  des  gestes.  Cependant  on  a  essayé  de  le 
soumettre  à  un  système  de  simplification  ,  d'en  faire  une  sorte 
de  tachygraphie  qui ,  pour  en  rendre  l'usage  plus  prompt ,  ne 
j'a  rendue  ni  plus  praticable  ni.  plus  claire. 

Le  dessin  est  aussi  très-propre  à  devenir  une  sorte  de  langue 
pour  le  sourd-muet;  mais  plus  embarrassant  encore  que  la  mi- 
mique, il  n'a  pu  être  employé  que  dans  des  cas  particuliers, 
quoiqu'il  ait  comme  elle  l'avantage  de  rendre  les  idées  sen- 
sibles. 

Pour  représenter  aux  yeux  nos  langues  articulées,  l'écriture 
venait  naturellement  s'offrir;  elle  en  est  une  représentation  à 
peu  près  rigoureuse;  aussi  a-t-elle  été  associée  à  tous  les 
systèmes  d'enseignement  des  sourds-muets  ,  et  pour  tous  elle 
est  devenue  fondamentale.  Afin  d'en  faciliter  l'usage,  elle  a 
éprouvé  une  modification  ingénieuse  :  on  s'est  exercé  à  re- 
présenter les  lettres  par  les  mouvemens  des  doigts,  ce  qui  a 
donné  naissance  à  la  dactylologie,  laquelle  a  été  elle-même 
modifiée  pour  la  rendre  plus  simple,  et  par  là  elle  est  aussi 


SCIENCES  MORALES.  6a i 

devenue  une  sorte  de  tachygraphie*  On  o  même  eu  l'idée  d'é- 
crire ilatis  l'air  li"-;  mois  avec  le  doigl ,  et  On  ne  l'a  pas  fait 
sans  quelque  succès*  An  moyen  de  ces  espèces  d'écritures  on 
peut  eu  tout  lieu  parler  an  sourd-muet,  ce  qui  est  impossible 
par  l'écriture  proprement  dite,  laquelle  nécessite  an  moins  des 
tablettes  et  des  crayons. 

Ces  diverses  espèces  de  signes  n'ont  cependant  pas  encore 
suffi;  la  rapidité  de  la  pensée  en  demandait  d'antres,  et  l'on  a 
imaginé,  pour  satisfaire  ce  besoin,  d'employer  les  monvemeus 
des  lèvres  dans  l'exercice  de  la  parole.  Les  mots  différant  les 
uns  des  antres  par  les  articulations  dont  ils  sont  formés,  diffè- 
rent conséqnemment  aussi  par  les  monvemens  des  parties  de 
la  bouche,  et  ce  sont  ces  monvemens  que  le  sourd-muet  doit 
percevoir,  ce  qu'il  parvient  facilement  à  faire  s'il  est  suscep- 
tible d'une  forte  attention;  dès  lors  il  possède  des  signes  qui 
ont  tons  les  avantages  de  ceux  de  la  parole  proprement  dite. 

Ces  signes,  de  nature  à  être  perçus  par  le  sourd-muet,  de 
ceux  qui  lui  parlent,  devaient  être  accompagnés  de  signes 
analogues  propres  à  être  transmis  par  lui  à  ceux  qui  l'écoutent. 
Or  le  sourd-muet,  pour  parler  aux  autres  hommes,  avait  la 
liberté  de  s'adresser  à  un  sens  dont  il  était  privé;  mais  de  lui- 
même  il  ne  pouvait  être  conduit  qu'à  parler  aux  yeux.  Aussi 
employa-t-il  le  plus  souvent  pour  transmettre  des  idées  les 
signes  qui  étaient  employés  pour  lui  en  communiquer.  C'est 
ainsi  que  Ja  mimique,  le  dessin,  l'écriture,  la  dactylologie, 
furent  les  systèmes  de  signes  dont  il  fit  le  pins  ordinairement 
usage;  et  il  put  les  employer  avec  les  autres  sourds-muets 
comme  avec  ceux  qui  n'élaient  pas  affligés  de  son  infirmité. 
Néanmoins  ces  moyens,  comme  nous  venons  de  le  voir,  pré- 
sentent des  difficultés,  des  lenteurs  qu'il  était  important  de 
surmonter  pour  certains  cas;  et,  comme  c'est  avec  des  hommes 
doués  de  la  faculté  d'entendre  que  le  sourd-muet  vit  habituelle- 
ment, on  a  cherché  à  le  faire  parler,  à  lui  faire  articuler  des 
sons,  et  cette  tentative  a  été  couronnée  de  succès;  car  l'on  a  vu 
des  sourds-muets ,  lisant  sur  les  lèvres  les  paroles  qu'on  leur 
adressait,  répondre  à  haute  et  intelligible  voix,  comme  auraient 


SCIENCES  MORALES. 

pu  le  faire  les  personnes  douées  de  l'ouïe  kl  plus  délicate  et 
les  plus  exercées  à  parler.  Cependant,  comme  le  sourd-muet 
n'entend  point  parler,  son  langage  articulé  s'altère,  ce  qui 
oblige  de  rectifier  de  lems  en  tems  les  divers  mouvemens  au 
moyen  desquels  il  le  forme. 

Jusqu'à  présent  nous  avons  supposé  que  le  sourd-muet  avait 
l'intelligence  du  langage  qu'on  emploie  avec  lui  et  de  celui 
qu'il  emploie  avec  les  autres,  qu'il  attachait  aux  signes  de  ces 
différentes  langues  les  idées  que  nous  y  attachons  nous-mêmes. 
Cela  cependant  n'est  vrai  que  pour  le  langage  naturel,  c'est- 
à-dire  pour  une  très-petite  partie  du  langage  mimique;  mais 
non  pas  pour  les  signes  dont  se  composent  ou  qui  représentent 
nos  langues  articulées,  lesquels  peuvent  tous  être  considérés 
comme  arbitraires.  Il  importe  donc  de  donner  au  sourd-muet 
l'intelligence  de  ces  signes;  autrement  l'écriture,  la  dactylo- 
logie, l'alphabet  labial,  etc.,  ne  seraient  pour  lui  que  ce  que 
sont  pour  le  perroquet  les  mots  qu'on  lui  apprend.  Ainsi  c'est 
en  ce  point  que  con-iste  véritablement  l'art  d'instruire  le  sourd- 
muet. 

Pour  cet  effet  plusieurs  choses  sont  à  considérer  :  toute 
langue  se  compose  de  la  signification  et  de  l'association  des 
mots  ;  on  n'a  pas  l'usage  d'une  langue  parce  qu'on  en  possède 
le  vocabulaire,  il  faut  encore  en  posséder  les  formes;  et  elle 
peut  être  enseignée  empiriquement  et  scientifiquement. 

Les  procédés  convenables  pour  attacher  des  idées  sensibles 
à  un  système  de  signes  quelconques  sont  simples.  Supposons 
que  l'écriture  constitue  les  signes  auxquels  ces  idées  doivent 
être  liées,  de  telle  sorte  que  les  unes  soient  réveillées  dans  l'esprit, 
à  l'apparition  des  autres.  On  conçoit  sans  peine  que  cette  associa- 
tion s'établira  en  traçant  le  nom  de  l'objet  sous  l'objet  lui  même 
0:1  sous  sa  peinture  ,  et  que  par  là  le  sourd-muet  apprendra  que 
le  mot  cheval,  par  exemple,  signifie  l'animal  qui  nous  est  connu 
sous  ce  nom;  et  comme  la  mimique  est  une  sorte  de  dessin, 
elle  pourra  dans  une  foule  de  cas  remplacer  les  objets  et  leur 
peinture;  il  est  en  effet  un  grand  nombre  d'objets  et  d'actions 
qu'elle  peut  représenter  avec  une  fidélité  parfaite.  Or  ce  que 


SCIENCES  MORALES.  r,y; 

nous   disons  do    l'écriture   est    Vrai    DOUr    toute    antre   espèce  (je 

ngnes. 

Tant  que  les  noms  s'appliquent  a  des  objets  sensibles,  ee  pro 

cedi'-  n'est,  ;'i  bien  dire,  accompagné  d'aucune  difficulté;  il  n'en 
est  plus  de  métire  pour  les  idées  de  di\<  rs  genres  (jui  n'ont 
point  d'objets  matériels;  aussi  ces  idées  seraient-elles  inacecs- 
s  blés  à  un  être  qui  se  bornerait  à  répéter  ce  qui  lui  serait  en- 
seigné. Le  sourd-muet,  n'est  heureusement  point  dans  ce  cas; 
il  apprend  avec  son  intelligence  comme  nous  le  faisons  nous- 
mêmes,  et  il  suffit  de  favoriser  OU  d'exciter  en  lui  l'exercice  de 
cette  faculté  pour  qu'elle  vienne  aider  le  maître  et  faire  ce  qui 
ne  peut  être  fait  que  par  elle.  Ainsi  le  sourd-muet  qui  com- 
prend bien  ces  mots  ciel  bleu,  fleur  bleue,  ruban  bleu,  habit 
bleu,  se  fera,  sans  peine  l'idée  générale  de  bleu ,  dès  que  vous 
fixerez  particulièrement ,  ou  dès  qu'il  fixera  lui-même  -son 
attention  sur  la  couleur  commune  à  ces  différens  objets,  et  il 
attachera  ensuite  une  forme  ou  un  signe  à  cette  idée. 

Je  ne  puis  vouloir  exposer  comment  le  sourd  muet  parvient 
à  acquérir  toutes  les  natures  d'idées  et  à  les  lier  à  des  signes 
qu'on  lui  impose:  on  sait  à  quel  point  le  sujet  de  l'origine  des  idées 
a  divisé  les  philosophes.  Qu'il  suffise  de  savoir  que  les  sourds- 
muets  acquièrent  ces  idées  comme  nous ,  et  que  la  mimique  elle- 
même  est  par  venue  à  leur  enseigner  toutes  les  difficultés  de  la 
grammaire. 

Connaître  la  signification  des  mots  ou  des  signes  d'une  langue, 
et  les  prononcer  ou  les  rendre  sensibles,  n'est,  comme  nous 
l'avons  dit,  point  encore  parler.  Pour  atteindre  ee  but  il  faut 
rassembler  ces  mots  suivant  un  ordre  déterminé  et  en  former 
des  propositions.  Deux  voies  pour  cela  étaient  ouvertes  :  l'usage 
ci  la  science;  l'une  est  celle  de  la  nature,  l'autre  celle  de  l'art. 
Sur  ce  point  les  instituteurs  des  sourds-muets  ont  été  partagés  : 
les  partisans  de  l'alphabet  labial ,  ceux  de  la  dactylologie,  ceux 
de  l'écriture,  etc.,  ont  donné  la  préférence  à  l'enseignement 
par  l'usage;  ceux  au  contraire  qui  ont  mis  en  première  ligne  la 
mimique  l'ont  donnée  à  l'enseignement  scientifique.  Pour  ceux, 
ci  |  leur  direction  était  inévitable  :  les  signes  mimiques  ne  repré- 


6*4  SCIENCES  MORALES. 

sentant  pas  immédiatement  ceux  de  la  langue,  soit  articulée, 
soit  écrite,  qu'il  importe  au  sourd-muet  d'apprendre,  ni  les 
formes  de  la  première  de  ces  langues,  celles  de  la  seconde: 
l'une  ne  pouvait  enseigner  l'usage  de  l'autre  que  par  la  gram- 
maire. Quant  aux  seconds  ,  l'usage  immédiat  leur  était  facile; 
les  signes,  dans  leur  méthode,  sont  les  signes  même  de  la 
langue  représentés  par  l'écriture,  qu'ils  ont  pour  but  d'ensei- 
gner, de  sorte  que  leur  usage  donne  sans  intermédiaire 
l'usage  de  celle-ci;  et  les  règles  d'une  langue  s'acquièrent  avec 
d'autant  moins  de  peine  que  son  usage  est  plus  familier.  Il 
résulte  donc  de  ce  qui  précède  que,  par  l'une  de  ces  méthodes  , 
on  ne  peut  apprendre  une  langue  sans  en  apprendre  la  science  ; 
et  que ,  par  l'autre,  on  peut  apprendre  la  langue  et  la  science 
séparément.  Or,  comme  un  grand  nombre  de  sourds-muets 
appartient  aux  classes  les  plus  pauvres,  on  comprendra  de 
quel  prix  serait  pour  ces  malheureux  une  méthode  qui  n'aurait 
pas  besoin  de  leur  enseigner  ce  qui  leur  est  inutile,  pour  leur 
faire  acquérir  ce  qui  leur  est  nécessaire. 

Toutefois  ne  croyons  pas  que  l'application  de  ces  idées  géné- 
rales, qui  s'expriment  ici  en  quelques  mots,  se  fasse  aisément. 
L'expérience  n'est  point  encore  suffisante,  comme  l'observe 
fort. bien  M.  Degérando  ,  pour  prononcer  en  définitive  entre 
les  opinions  qui  ont  été  émises  sur  ce  sujet ,  et  la  prudence 
veut  que  l'instituteur,  tout  en  adoptant  la  méthode  qui  aura 
obtenu  l'assentiment  de  la  raison ,  s'aide  toujours  de  ce  que 
chacune  des  autres  lui  présentera  de  facile  et  de  commode  daus 
l'application.  D'ailleurs  si  la  méthode  naturelle,  celle  de  l'usage, 
est  applicable  sans  inconvénient  aux  enfans  qui  entendent  et 
qui  sont  frappés  du  son  des  paroles  dès  les  premiers  instans  de 
leur  vie,  il  n'en  est  pas  de  même  pour  le  sourd-muet,  qui  ne 
peut  commencer  son  instruction  méthodique  qu'à  sept  ou  huit 
ans.  Si  alors  la  langue  lui  était  présentée  sans  ordre,  comme 
celle  que  l'enfant  apprend  de  sa  mère,  il  serait  obligé  de 
consacrer,  pour  se  familiariser  avec  elle,  un  tems  aussi  consi- 
dérable peut-être  que  celui  qu'exige  la  mimique.  Il  lui  faut 
donc  des  classifications  qui  abrègent  le  tems  en  le  conduisant 


SCIENCES  MORALES.  (>*r> 

graduellement  des  signes  <i  des  propositions  simples  aux  signes" 

et  aux  propositions  composées,   tellement  qu'il  ai  rive  par  une 

synthèse  rigoureuse  a  la  connaissance  usuelle  de  la  langue  tout. 
entière.  Mais  ces  nomenclatures,  ces  collections  de  phrases 
graduées,  ces  ouvrages  mêmes  propres  à  l'exercera  la  lecture, 
tout  en  l'instruisant,  n'existent  point  encore  pour  nous,  et  sans 
elles  cependant  rien  de  sage  ne  peut  être  fait.  L'enseignement 
scientifique  a  mieux  été  traité;  plusieurs  ouvrages  spéciaux  ont 
été  composés  pour  lui;  tels  sont  en  grande  partie  ceux  des 
abbés  de  l'Epée  et  Sicard  ;  mais  l'on  doit  surtout  distinguer 
le  Manuel  d'enseignement  pratique  composé  par  M.  Bébian  sur 
l'invitation  du  conseil  d'administration  de  l'Institut  royal  des 
sourds-muets  de  Paris. 

Il  me  resterait  a  parler  de  l'influence  de  chaque  système  de 
signes  sur  l'exercice  de  la  pensée,  car  c'est  une  considération 
importante  dans  le  choix  de  ces  signes;  mais  comme  ce  sujet 
m'entraînerait  à  de  longs  développemens  auxquels  le  tems  qui 
m'est  donné  ne  me  permet  pas  de  me  livrer,  je  suis  forcé  de 
me  borner  à  cette  simple  indication. 

C'est  donc  bien  à  regret  que  je  me  vois  obligé  de  renfermer 
en  quelques  pages  la  substance  entière  des  deux  parties  dont 
le  sujet  vient  de  nous  occuper.  J'aurais  voulu ,  par  des  détails 
suffisans,  porter  dans  les  esprits  la  conviction  et  le  sentiment 
debienveillanceetde  charité  pour  les  malheureux,  qui  naissent  à 
la  lecture  de  l'ouvrage.  J'aurais  voulu  montrer  quelle  ressource 
on  peut  tirer  d'une  bonne  méthode  pour  achever  l'éducation 
d'un  sourd-muet,  pour  lui  communiquer  des  notions  de  tout 
genre,  de  géographie  ,  d'histoire,  de  géométrie,  et  surtout  ces 
notions  de  morale  et  de  religion  sans  lesquelles  l'instituteur, 
en  l'instruisant,  n'aurait  rempli  que  la  moindre  partie  de  sa 
tâche.  Heureusement  ces  avantages  se  conçoivent  sans  efforts  : 
une  fois  la  communication  des  idées  rendue  facile,  l'instituteur 
peut  transmettre  son  instruction  à  son  élève  intelligent,  et  il  en 
est  des  sourds-muets  comme  des  autres  hommes  :  ce  sont  en 
général  les  plus  instruits  qui  apprennent  et  qui  remplissent  le 
plus  facilement  leurs  devoirs.  En  terminant,  je  me  bornerai, 
t.  xxxvi.  —  Déeembre  1827.  40 


626  SCIENCES  MORALES. 

comme  je  l'ai  dit,  à  quelques  considérations  sur  la  seconde 
partie  de  cet  ouvrage,  sa  partie  historique. 

On  est  à  la  fois  surpris  et  affligé  en  voyant  que  c'est  à 
l'Espagne  que  nous  devons  les  premiers  essais  dans  l'art  d'ins- 
truire les  sourds-muets,  et  que  le  seul  établissement  que  ces  mal- 
heureux aient  obtenu  dans  ce  pays  est  à  la  veille  d'être  dissous. 
L'idée  de  rendre  les  sourds-muets  à  la  société  naquit  à  peu 
près  en  même  tems  en  Angleterre,  en  Hollande,  en  Allemagne, 
en  France;  mais  dans  ces  contrées,  comme  en  Espagne,  ce3 
premières  tentatives  restèrent  sans  effets  ,  et  plus  d'un  siècle 
s'écoula  avant  qu'elles  fructifiassent. 

Cependant  l'Allemagne  éprouva  m  uns  long-tems  l'influence 
des  causes  qui  retardèrent  le  développement  de  ce's  précieux 
germes  :  aussi  c'est  la  partie  de  l'Europe  où  l'art  d'instruire  les 
sourds-muets  a  été  cultivé  avec  le  plus  de  zèle  et  de  succès,  où 
tous  les  procédés  ont  été  essayés  et  perfectionnés ,  et  où  les 
méthodes  qui  réunissent  le  plus  de  suffrages  ont  reçu  le  plus 
d'applications. 

La  France,  comme  le  dit  M.  Degérando,  fut  la  dernière  à 
voir  l'attention  publique  se  diriger  sur  l'art  d'instruire  les 
sourds-muets.  Quelques  hommes  d'un  esprit  étendu  avaient 
bien  entrevu  la  possibilité  de  cette  instruction,  mais  aucun 
ouvrage  didactique  n'avait  été  publié  sur  cette  matière.  Le 
premier  fut  celui  de  l'abbé  de  TÉpée,  qui  parut  en  1776.  A.  la 
vérité,  comme  dans  tous  les  cas  où  les  bons  sentimens  peuvent 
servir  de  véhicule  à  l'esprit,  la  pratique  a  toujours  devancé  la 
science,  on  a  la  preuve  que,  chez  nous,  dès  les  premières  années 
du  xvne  siècle,  des  sourds-muets  avaient  appris  à  lire  et  à 
écrire  par  les  soins  de  personnes  bienfaisantes  qui  n'ont  fait 
connaître  ni  leurs  noms  ni  leurs  procédés.  D'autres  vinrent 
ensuite  qui  firent  un  mystère  de  leur  science  ,  et  c'est  où  l'on 
en  était  au  moment  où  le  vénérable  abbé  de  l'Épée,  guidé 
par  une  charité  digne  de  son  beau  caractère,  et  voulant  que 
tous  les  malheureux  sourds-muets  participassent  à  ses  décou- 
vertes, publia  son  premier  ouvrage  intitulé  :  Institution  ries 
Sourds- Muets, 


SCIENCES  MORALES, 
L)aiM  cette  | >;« i-t i< *  tri  s  toi ique,  iM.  Degérando  expose  en  dé 

tail  ce  que  les  divers  prorédés  que  nous  avons  indiques  pré* 

cédera  ment  doivent  à  chaque  ann-iir  et  à  chaque  nation;  et 
une  chose  bien  digne  de  remarque  est  le  peu  de  progrès  que 

le  teins  a  l'ait  faire  à  l'ail  qui  nous  occupe,  à  en  juger  d\i  moins 

par  les  résultats.  DePooœet  Bonnet,  qui  les  premiers  s'occu- 
pèrent en    Espagne   d'instruire   les    sourds-muets ,  paraissent 

avoir  déjà  mis  en  usage  tous  les  movens  dont  nous  nous  ser- 
vons aujourd'hui,  la  mimique,  l'écriture,  la  dactylologie, 
l'alphabet  labial  et  L'alphabet  guttural,  etc.;  et  les  élèves  du 
premier  raisonnaient,  dit-on,  fort  bien  siu1  la  physique,  l'as- 
tronomie, l'histoire,  etc. 

IVreira,  par  qui  nous  commençons  à  apercevoir  en  France 
les  procédés  de  l'art,  employait  de  préférence  la  dactylologie 
combinée  avec  la  lecture  et  récriture,  et  en  exerçant  ses  élèves 
à  la  prononciation  des  mois;  il  paraît  que  c'est  sur  l'usage 
seul  qu'il  fondait  l'enseignement  des  formes  du  langage,  ainsi 
qu'Ernaud  qui  vint  après  Pereira,  et  qui  mettait  à  la  tète  de 
tous  les  procédés  l'alphabet  labial  et  l'alphabet  guttural,  con- 
damnant sans  réserve  l'alphabet  manuel  L'abbé  de  l'Epée 
s'attacha  principalement  à  la  mimique,  et  même  lui  donna  une 
existence  nouvelle  par  l'usage  étendu  qu'il  en  fit  pour  l'ensei- 
gnement de  la  grammaire  ,  sans  exclure  toutefois  les  procédés 
qui  avaient  été  employés  avant  lui.  Cependant  l'abbé  Des- 
champs rejetait  les  signes  mimiques  et  revenait  aux  procédés 
d'Ernaud.  Jusque-là  les  instituteurs  n'avaient  été  occupés  que 
d'éducations  particulières;  ils  ne  se  formaient  point  de  succes- 
seurs, et  la  tradition  de  leur  méthode  finissait,  ou  à  peu  près, 
par  se  perdre.  C'est  sans  doute  ce  qui  a  empêché  ces  méthodes 
d'obtenir  du  crédit  et  de  l'autorité,  comme  c'est  le  cas  contraire 
qui  a  donné  à  la  mimique  la  prépondérance  qu'elle  a  obtenue 
pendant  long-tems,  et  qu'elle  conserve  encore  aujourd'hui 
dans  nos  institutions.  En  effet,  l'abbé  de  l'Épée  se  forma  de 
nombreux  disciples  qui  portèrent  sa  méthode  dans  toute  l'Eu- 
rope, et  l'y  défendirent  avec  assez  de  succès  poiv  qu'elle  pût 
résislcr  aux  justes  critiques  qui  en  furent  faites.  L'abbé  Sicard 

4cs 


628  SCIENCES  MORALES, 

enrichit  encore  cotte  méthode,  et,  la  rectifiant  en  plusieurs 
points,  soutint  l'autorité  qu'elle  avait  obtenue;  mais  en  s'y 
livrant  exclusivement,  en  ne  considérant  les  procédés  des 
autres  méthodes  que  comme  des  moyens  dont  il  pouvait  être 
simplement  curieux  de  connaître  les  effets,  l'institution  qu'il 
dirigeait,  jugée  par  l'instruction  de  l'ensemble  des  élèves,  ne 
put  bientôt  plus  soutenir  la  comparaison  avec  celles  que  diri- 
geaient des  vues  plus  élevées,  des  principes  plus  généjraux  et 
une  science  plus  vraie. 

L'art  d'instruire  les  sourds-muets  n'est  cependant  pas  resté 
stationnaire  en  France,  quoiqu'il  n'ait  pas  encore  pu  se  sous- 
traire à  l'influence  exclusive  de  la  mimique  et  de  la  dactylolo- 
gie. M.  l'abbé  Jamet  a  proposé  un  système  de  signes  mimiques 
simplifiés;  mais,  en  diminuant  la  complication  de  ce  langage, 
il  augmentait  ce  qu'il  avait  d'arbitraire,  sans  faciliter  l'ensei- 
gnement de  la  langue,  qui  fait  le  premier  objet  de  l'instruction 
d'un  sourd-muet.  D'un  autre  côté,  M.  Bébian  cherchait  à  fixer 
le  langage  mimique  par  une  sorte  d'écriture,  et  à  le  soustraire 
par-là  à  l'arbitraire  des  instituteurs;  mais  cette  écriture  ,  arbi- 
traire elle-même  en  grande  partie,  ne  pourrait  être  imposée 
que  par  l'autorité  du  tems,  et  elle  date  d'hier.  C'est  en  sim- 
plifiant la  dactylologie,  que  M.  Recoing  a  essayé  de  perfec- 
tionner l'art  qui  nous  occupe;  il  a  transformé  ce  langage  des 
doigts  en  une  sorte  de  tachygraphie   dont  il  a  obtenu ,  dans 
l'éducation  de  son  fils,  les  effets  les  plus  heureux.  C'est  à  ces 
trois  points  que  se  bornent  les  essais  d'amélioration  qu'on  a 
tentés  chez  nous.  Par  là  on  voit  combien  d'efforts  il  nous  res- 
terait encore  à  faire  pour  porter  à  sa  perfection  l'art  d'instruire 
les  sourds-muets;   pour   introduire   dans  nos    institutions  les 
procédés  qui  ont  reçu  le  sceau  de  l'expérience,  et  qui  peuvent 
concourir  si   utilement,    avec   ceux  que   nous  employons,  à 
étendre    le  bienfait   de  l'instruction  de  ces  malheureux,  et  à 
abréger  le  tems  qu'ils  sont  encore  obligés  d'y  consacrer  chez 
nous.  Espérons  que  l'ouvrage  de  TM.  Degérando  encouragera 
ces  efforts  ;  il  en  montre  la  nature,  la  direction  et  le  buté;  et  si 
les  améliorations    dont    il  fait  si  bien  sentir  la  nécessité   ne 


SCIENCES  MORALES,  6-xg 

s'obtiennent  point,  ce  ne  sera  désormais  pas  la  science  que 
nous  devrons  en  accuser.  Si  au  contraire  ils  s'obtiennent,  nous 
saurons  du  moins  à  qui  la  gloire  et  la  reconnaissance  en  sont 
dues. 

Frédéric  Cuvikr  ,  de  l'Institut. 


Tue  life  of  Napoléon  Buonaparte.  —  Vie  de  Wa- 
poléon  -Buonaparte  ,  Empereur  des  Français,  pré- 
cédée d'un  tableau  préliminaire  de  la  révolution  fran- 
çaise ;  par  sir  Walter  Scott  (i). 

SECOND  ET  DERNIER  ARTICLE. 

(  Voy.  Rev.  Enc.y  t.  xxxv,   pag.  6 17-63 i-  ) 

L'homme  qui  a  consacré  quelques  jours  à  lire  de  suite,  et 
sans  aucune  distraction,  l'histoire  de  Bonaparte,  éprouve  une 
impression  singulière  et  vraiment  indéfinissable;  il  lui  semble 
qu'un  siècle  tout  entier  a  passé  sous  ses  yeux,  que  les  histoires 
de  vingt  héros,  qui  se  succèdent  dans  l'exécution  d'un  immense 
dessein,  ont  été  ajoutées  l'une  à  l'autre  pour  composer  la  vie 
d'un  seul  homme.  Ce  long  et  terrible  combat  de  tant  d'empires 
qui  luttent  de  force  et  de  perfidie;  ces  fêtes  de  la  victoire  qui 
illuminent  tant  de  cités;  ces  fleuves  de  sang  qui  baignent  tant 
de  champs  de  bataille;  ces  peuples  que  l'on  divise,  que  Ton 
agglomère,  que  l'on  vend  comme  des  troupeaux;  ces  grands 
codes  de  lois  qui  jadis  étaient  le  travail  des  siècles,  et  qui  sont 
devenus  l'ouvrage  de  quelques  années;  tant  d'actions  sublimes 
ou  criminelles,  tant  d'héroïsme  et  de  bassesse,  tant  de  gi- 
gantesques projets  exécutés  aussitôt  que  conçus  ,  des  cata- 
strophes simerveilleuses  et  si  profondes,  cette  vieenfin  qui,  dans 


(1)  Paris  ,  1827  ;  Treuttel  et  Wurtz,  Sautelet,  Ch.  Gosselin.  9  vol. 
in-8Q  ;  prix  ,  67  fr.  5o  c.  Les  mêmes  libraires  ont  publié  une  traduc- 
tion française  de  cet  ouvrage,  en  9  vol.  in-8°,  coûtant  63  fr. ,  et  en 
x8  vol.  in-  ia  ,  dont  le  prix  est  fixé  à  54  h  . 


6$o  SCIENCES  MORALES. 

sa  durée  de  vingt  ans,  a  vu  des  républiques,  des  royaumes, 
des  empires  commencer  et  finir  leurs  destinées,  tout  cela  vous 
enlève  à  vous-même  et  vous  transporte  pour  un  tems  hors  de 
la  sphère  des  événemens  naturels  et  possibles.  Il  semble  que. 
vous  ayez  été  soumis  à  l'empire  d'une  longue  vision,  tantôt 
magnifique  et  glorieuse,  tantôt  triste  et  poignante. 

Mais,  lorsqu'après  cette  étourdissante  et  magique  lecture, 
!e  calme  de  la  réflexion  vous  ramène  à  la  réalité,  vous  compre- 
nez que  ce  qu'on  n'a  sans  doute  jamais  dit  d'aucun  homme, 
on  peut  le  dire  de  Napoléon.  C'est  lui  qui  seul  fait  toute 
l'histoire  de  son  tems,  en  ce  sens  qu'aucun  grand  événement 
ne  s'est  accompli,  durant  sa  carrière  politique,  qu'il  n'ait  été 
suscité  par  lui  ou  à  son  occasion;  il  en  est  le  but,  s'il  n'en  est  le 
principe.  Supposez  Napoléon  emporté  par  un  boulet,  au  siège 
de  Toulon;  et  les  destinées  de  l'Europe  tout  entière,  aussi 
bien  que  celle  d'une  partie  du  reste  du  monde,  vont  prendre 
une  autre  face  \  il  n'y  a  qu'un  homme  de  moins,  et  l'univers 
est  changé. 

On  ne  saur  ait  se  défendre,  en  étudiant  ce  livre,  d'une  autre  im- 
pression qui,  bien  que  tout-à-fait  secondaire,  vous  domine  assez 
cependant  pour  vous  rendre  cette  étude  constamment  pénible 
et,  désagréable;  c'est  celle  que  l'on  éprouve  à  la  triste  contempla- 
tion d'un  écrivain  qui  se  dépouille  lui-même  de  toute  dignité 
morale;  d'un  homme  qui,  doué  du  sentiment  du  juste  et  de  l'in- 
juste lorsqu'il  apprécie  les  nations  étrangères,  fait  une  abdi- 
cation constante  et  volontaire  de  ce  sentiment  dès  qu'il  s'agit 
de  sa  propre  nation.  Cet  oubli  de  toute  probité  historique 
parmi  les  démonstrations  d'une  fastueuse  impartialité,  cette 
scandaleuse  prévarication  commise  par  l'homme  qui  s'est  assis 
sur  le  tribunal  où  l'on  juge  les  peuples,  attriste  profondément 
le  lecteur;  et  plus  il  se  sent  porté  de  cœur  à  applaudir  à  la 
sentence  sévère  qui  frappe  l'homme  extraordinaire  qu'égara 
l'ambition ,  plus  il  s'indigne  de  voir  justifier  tous  les  excès  d'un 
cabinet  non  moins  ambitieux  et  plus  perfide  peut-être. 

Auprès   de   ce  défaut  capital  (l'absence  de  toute  probité  ; , 
défaut  qui  suffirait  à  nos  yeux  pour  flétrir  la  plus  admirable 


SCIKNCI  S  MORALES.  69ê 

composition,  ce  sont  des  taches  Légère!  que  des  assertions 
fuisses  ou  hasardées,  des  jugeincns  mal  fondés,  des  opinions 

s. mis  jiisicssc,  et  quelquefois  une  ignorance  assez  visible  du 

sujet  duut  on  parle;  nous  n'entrerons  donc  point  dans  fout 
ce  détail,  fastidieux  dans  une  analyse,  et  qui  d'ailleurs  nous 
mènerait  loin  ,  si  nous  voulions  faire  une  justice  un  peu  exacte 
de  tout  ce  qui  est  écrit  dans  ces  neuf  gros  volumes.  Nous  nous 
contenterons  de  tacher  d'en  saisir  l'esprit  et  de  l'exposer  au 
grand  jour. 

La  vie  de  Napoléon  fut  une  lutte  perpétuelle  contre  l'An- 
gleterre; il  l'avait  en  vue  dans  toutes  ses  combinaisons  poli- 
tiques, il  la  cherchait  sur  tous  les  champs  de  bataille,  il  la 
frappait  dans  tous  ses  partisans,  il  la  ruinait  chez  tous  les 
associés  de  son  commerce;  c'était  encore  à  elle  qu'il  faisait  la 
guerre  lorsqu'il  allait  planter  ses  aigles  sur  le  Kremlin;  et 
il  semblait  vouloir  donner  aux  expéditions  continentales  qu'il 
dirigeait  contre  cet  implacable  ennemi,  quelque  chose  des  pro- 
portions gigantesques  des  expéditions  maritimes  dont  la  France 
était  frappée  sur  toutes  les  mers.  Napoléon  a  péri  dans  cette  lutte, 
et  c'est  un  général  anglais  qui  a  consommé  sa  ruine.  Or,  Walter 
Scott  se  présente  dans  l'arène,  bien  moins  en  juge  du  combat 
qu'en  champion  de  l'Angleterre;  il  fait  une  histoire  de  Napo- 
léon ,  bien  moins  qu'un  plaidoyer  pour  le  cabinet  de  Londres  : 
le  système  du  ministère  anglais  est,  à  ses  yeux,  une  espèce 
d'évangile  qu'il  faut  toujours  adorer,  parce  qu'il  sanctifie  tout 
ce  qui  est  utile  à  sa  politique.  On  comprend  ce  que  peut  être 
une  histoire  de  Bonaparte  écrite  dans  un  tel  esprit. 

"Walter  Scott,  en  avocat  subtil,  commence  par  beaucoup 
vanter  l'homme  qu'il  veut  offrir  plus  tard  en  holocauste  à 
l'habileté  de  son  gouvernement,  au  talent  de  son  général,  à 
la  valeur  de  ses  soldats.  Je  ne  crois  pas  que  jamais  le  génie  de 
Napoléon  ait  reçu  plus  d'éloges,  ait  été  plus  exalté  que  dans 
cette  histoire.  Walter  Scott  le  proclame  le  plu s  grand  person- 
nage militaire  dont  l'histoire  ait  jamais  fait  mention.  Remar- 
quables par  un  rare  génie,  les  manoeuvres  de  Bonaparte  ne 
Tétaient  pas  moins  par  la  nouveauté  <n  l'originalité  des  vues; 


63i  SCIENCES  MORALES. 

il  gagne  les  batailles  par  la  supériorité  de  ses  talens  militaires, 
et  non  par  ce  système  de  la  force  du  nombre  auquel  on  a 
souvent  attribué  ses  succès.  Personne,  plus  que  Napoléon,  n'a 
possédé  le  génie  de  calcul  et  de  combinaison  nécessaire  pour 
diriger,  ave*:  un  nombre  inférieur  de  troupes,  des  manœuvres 
décisives.  C'est  là,  en  effet,  qu'était  son  secret  (comme  on  l'a 
appelé  pendant  quelque  tems)  et  ce  secret  consistait  dans  une 
imagination  fertile  en  expédiens  qui  ne  seraient  jamais  venus 
à  l'idée  d'un  autre.  Sa  valeur  était  incon»parable,  et  cependant, 
dit  l'historien,  il  s'est  trouvé  des  gens  qui  ont  accusé  de  lâcheté 
ce  vainqueur  de  cent  batailles  dont  la  réputation  était  si  bien 
établie  parmi  ses  soldats,  les  plus  compétens  de  tous  les  juges, 
que  la  promesse  de  ne  pas  exposer  sa  personne  était  réclaméepar 
eux,  et  accordée  par  lui,  comme  une  faveur  précieuse  à  l'armée. 

Walter  Scott  montre  Napoléon  aussi  grand  dans  les  revers 
que  dans  les  triomphes;  il  dit  qu'au  passage  de  la  Bérésina, 
toutes  ses  résolutions  étaient  prises  avec  calme,  avec  fermeté, 
avec  le  sentiment  intime  de  ce  qu'il  se  devait  a  lui-même,  et 
de  ce  qu'il  devait  à  ceux  qui  l'accompagnaient.  A  Leipzig,  dit-il 
encore,  dans  le  cours  de  cette  journée  fertile  en  événemens , 
où  l'on  peut  dire  que  Napoléon  combattit  moins  pour  la  vic- 
toire que  pour  sa  sûreté,  cet  homme  extraordinaire  resta 
calme,  déterminé,  recueilli,  et  soutint  la  glorieuse  défense  de 
ses  escadrons  rompus  et  diminués,  par  sa  présence  d'esprit, 
et  un  courage  aussi  ferme  que  celui  qu'il  avait  souvent  montré 
en  dirigeant  la  victoire.  Peut-être  doit -on  plus  admirer  ses 
talens  militaires,  en  le  voyant  combattre  à  la  fois  contre  la 
fortune  et  la  supériorité  du  nombre,  que  dans  la  plus  glo- 
rieuse de  ses  victoires,  lorsque  la  déesse  inconstante  combat- 
tait à  ses  côtés. 

Si  du  champ  de  bataille,  l'historien  nous  conduit  dans  le  cabi- 
net de  Napoléon,  il  nous  dira:  Sa  conduite  fut  dans  bien  des 
circonstances  prudente  et  politique  au  plus  haut  degré  ,  tandis 
qu'en  même  tems  elle  était  conforme  aux  règles  de  la  justice 
et  de  la  modération.  Cette  modération  ,  ainsi  que  la  générosité 
de  Napoléon,  est  plusieurs  fois  célébrée  par  Walter  Scott.  Il 


SCIENCES  MORALES.  633 

absout  aussi  Bonaparte  de  cruauté,  lorsqu'on  condamnant  la 
sanglante  exécution  des  prisonniers  de  .la  fia,  il  ajoute  :  Tou- 
tefois, nous  ne  la  considérons  pas  comme  l'effet  d'un  instinct 
ne  cruauté;  rien,  dans  l'histoire  de  Bonaparte  i  ne  montre 

qu'un  tel  vice  existât  en  lui  :  plusieurs  traits  prouvent, au  con- 
traire, qu'il  était  né  naturellement  humain;  mais  il  était  am- 
bitieux, visait  a  d'immenses  et  gigantesques  entreprises,  et  il 
apprit  sans  peine  à  ne  compter  pour  rien  la  vie  des  hommes, 
quand  l'exécution  de  ses  projets  en  exigeait  le  sacrifice.  Un 
jour,  passant  sur  un  champ  de  bataille  d'où  l'on  n'avait  pas 
encore  relevé  les  blessés,  il  exprima  une  vive  sensibilité;  ce 
qui  n'était  pas  chez  lui  une  chose  extraordinaire,  car  il  ne 
pouvait  jamais  voir  souffrir  sans  montrer  de  la  compassion. 
Walter  Scott  vante  aussi  le  désintéressement  de  Bonaparte,  à 
l'occasion  des  premières  campagnes  d'Italie  (i).  Les  sentimens 
du  jeune  vainqueur,  dit-il,  étaient  d'une  nature  trop  élevée  pour 
qu'il  s'abaissât  à  acquérir  des  richesses;  sa  carrière,  à  cette 
époque,  ni  dans  aucune  autre  période  de  sa  vie ,  ne  fut  souillée 
par  ce  genre  d'égoïsme,  le  plus  dégradant  de  tous. 

Voici  comment  l'historien  apprécie  la  part  que  prit  Napoléon 
aux  discussions  dans  lesquelles  s'élaborait  le  Code  civil.  Mal- 
gré ses  nombreux  travaux,  il  suivit  assidûment  les  séances  du 
comité,  ainsi  que  celles  du  conseil  d'état,  qui  fut  chargé  de  la 
révision  des  lois;  et,  quoiqu'on  doive  croire  qu'il  ignorait 
complètement  la  science  compliquée  du  droit,  telle  était  la 
vivacité  de  son  esprit  calculateur,  et  sa  facilité  d'argumenta- 
tion; tel  était  son  talent  pour  généraliser  et  embrasser  un  sujet 
dans  son  ensemble  par  l'inspiration  du  génie  et  du  bon  sens, 
qu'il  fut  à  même  de  trancher  plus  d'une  subtilité  dont  les  ju- 
risconsultes de  profession  sont  souvent  embarrassés,  et  de 
briser,  comme  des  toiles  d'araignée,  des  difficultés  techniques 


(i)  On  voit  bien  que  le  jomancier  anglais  ne  s'est  donné  la  peine  de 
consulter  aucun  des  militaires  qui  ont  fait  les  premières  campagnes 
d'Italie  sous  Bonaparte.  ^    «a  R> 


634  SCIENCES  MORALES. 

ou  métaphysiques,  qui,  pour  les  hommes  de  loi ,  avaient  une 

apparence  de  sérieuses  entraves. 

Walter  Scott  signale  aussi  le  goût  de  Bonaparte  pour  ces 
momimens  publies  qui  rendent  un  monarque  populaire.  Selon 
l'historien,  son  esprit  était  trop  étendu  pour  chercher  quelque 
jouissance  dans  des  objets  purement  personnels,  et  celui  qui 
avait  fait  assez  pour  s'élever  pendant  sa  vie  au-dessus  des 
autres  hommes,  devait  naturellement  désirer  que  des  monu- 
mens  publics  servissent  à  perpétuer  son  nom  d'âge  en  âge.  En 
conséquence  ,  il  entreprit  et  fit  exécuter  quelques-uns  des  plus 
beaux  travaux  des  siècles  modernes  :  la  route  duSimplon  et  les 
bassins  d'Anvers  sont  de  gigantesques  monumens  de  son  esprit 
public. 

A  la  connaissance  des  choses,  Napoléon  joignait  au  plus 
haut  degré  celle  des  hommes;  est-ce  donc  parce  qu'il  les  a 
mieux  connus  qu'il  les  estimait  moins?  Walter  Scott  vante  ,  à 
cet  égard,  son  étonnante  pénétration  ;  il  revient  plus  d'une  fois 
sur  cet  éloge,  et  il  cite  plusieurs  circonstances  où  Napoléon 
«  montra  sa  profonde  connaissance  des  hommes  par  la  sagacité 
avec  laquelle  il  savait  découvrir  et  s'attacher  ceux  dont  les 
talens  méritaient  d'être  distingués,  et  qui  étaient  les  plus  ca- 
pables de  lui  être  utiles.  » 

La  conduite  privée  de  Napoléon  est  ici  l'objet  d'éloges  pres- 
que sans  restriction;  il  était  bon  époux,  bon  parent,  et ,  toutes 
les  fois  que  la  raison  d'état  n'intervenait  pas,  excellent  frère. 
C'était  le  meilleur  des  maîtres;  il  avait  de  la  douceur  et  même 
quelque  chose  de  plus  tendre  encore  dans  le  caractère. 

Aussi  a-t-il  exercé  sur  tous  ceux  qui  l'Giit  approché,  depuis 
les  l'ois  jusqu'à  ses  derniers  domestiques,  une  influence  presque 
magique.  Non-seulement  il  avait  le  don  d'inspirer  à  ses  soldats 
un  enthousiasme  qui  les  rendait  capables  d'exécuter  les  choses 
les  plus  incroyables,  mais  ses  ennemis  mêmes  n'échappaient 
pas  à  cette  espèce  de  fascination  qui  était  une  des  puissances 
dont  la  nature  l'avait  doué.  L'officier  anglais  qui  le  reçut  pri- 
sonnier sur  son  bord  a  déclaré  qu'il  possédait  au  plus  haut 
degré  ces  qualités  qui  séduisent  même  ceux  qui  sont  le  plus  en 


SCIENCES  MORALES.  £35 

nrckc  coi  tir  li  séduction,  il  lai  possédait  non-seulement  lors 
qu'il  i; lait  comblé  des  faveurs 4c  la  fortune,  mais  cncoie  quand 
il  fut  abattu  sous  le  |>oi(K  des  plus  (erriblei  revers;  et ,  connue  le 
remarque Wal ter Seoit,  la  puissance  de  son  génie  et;  L'influence 
qu'il  pouvait  exercer  sur  les  esprits  <les  autres  ne  parurent 
jamais  avee  autant  d'éclat  qu'à  la  fatale  époque  de  son  retour 
de  Russie. 

Toutes  ces  causes  réunies  avaient  fait  de  Napoléon  un  homme 
tel  qu'on  ne  peut  le  comparer  à  nul  autre;  il  n'exista  jamais 
sur  la  terre,  dit  l'historien,  et  l'on  doit  vivement  espérer  que 
la  Providence  ne  permettra  pas  qu'il  existe  jamais  un  pouvoir 
aussi  étendu  et  aussi  formidable  que  celui  de  Napoléon,  pou 
voir  qui  était  l'œuvre  de  son  propre  génie.  11  ne  faut  donc 
pas  s'étonner  que  d'autres  l'aient  regardé,  que  lui-même  se 
soit  considéré  comme  un  instrument  que  la  Providence  a 
choisi,  qui  ne  saurait  être  arrêté  dans  sa  marche,  et  dont  les 
armes  sont  invincibles. 

Cet  instrument  de  la  Providence,  Walter  Scott  examine  s'il 
était  légitime.  Il  n'a  pas  de  peine  à  prouver  que  ce  prétendu 
vote  du  peuple  français,  recueilli  sur  des  registres,  était  de 
toute  nullité,  soit  pour  les  citoyens  qui  renonçaient  à  leur 
liberté,  soit  pour  l'empereur  qui  acceptait  la  concession.  Pour 
les  uns,  il  était  illégal  de  se  dépouiller  de  leurs  droits  com- 
muns; pour  l'autre,  de  faire  usage  de  la  délégation. 

Assurément,  cela  est  incontestable  :  Napoléon  était  usurpa- 
teur et  des  libertés  publiques  et  du  trône  ;  mais,  quant  à  cette 
dernière  usurpation,  s'il  fallait  aller  rechercher  le  titre  de 
légitimité  des  princes  dans  le  vote  individuellement  exprimé 
de  chacun  des  sujets,  où  seraient  les  princes  légitimes?  Il  en  était 
Ici  de  Napoléon,  comme  il  en  a  été  de  presque  tous  les  autres 
souverains,  fondateurs  de  dynastie;  le  consentement  tacite, 
voilà  le  plus  souvent  leur  véritable  titre;  celui  de  Napoléon 
en  valait  bien  d'antres,  sauf  qu'il  était  plus  récent.  Toute  la 
discussion  de  Walter  Scott  sur  le  titre  originaire  de  Napoléon 
est  bieu  rebattue,  bien  inutile  et  bien  ennuyeuse;  il  se  donne 
beaucoup  de  peine  pour  prouver  ce  qui  est  vulgaire. 


636  SCIENCES  MORALES. 

Quant  aux  droits  de  l'ancienne  dynastie,  Walter  Scott  les 
défend  faiblement  :  «  Un  général  victorieux,  d'un  caractère 
plus  timide  (i),  d'une  conscience  plus  scrupuleuse  que  Napo- 
léon, aurait  pu,  dit-il,  essayer  la  restauration  des  Bourbons; 
mais  Napoléon  prévit  les  difficultés  qui  naîtraient  d'une  ten- 
tative pour  concilier  le  rappel  des  émigrés  avec  la  garantie 
des  ventes  nationales,  et  il  conclut,  avec  beaucoup  de  justesse, 
que  les  partis  qui  déchiraient  la  France  seraient  plus  aisé- 
ment réunis  sous  l'autorité  d'un  homme  qui  était  presque 
entièrement  étranger  à  chacun  d'eux.  » 

«  Arrivé  au  pouvoir  suprême,  à  cette  hauteur  où  tant 
<Vautres  sont  éblouis  et  saisis  de  vertige,  Napoléon  semblait 
occuper  la  place  pour  laquelle  il  était  né,  et  à  laquelle  ses 
éminentes  qualités,  aussi  bien  que  des  succès  inouïs,  lui  don- 
naient, dans  tous  les  cas,  un  droit  incontestable.  »  Et  plus  bas  : 
«  Si  Napoléon  se  fût  arrêté  là  (le  rétablissement  et  le  maintien 
de  l'ordre,  au  moyen  de  son  élévation  a  l'empire),  sa  conduite 
eût  été  inattaquable  et  inattaquée  (unblamable  and  unblamed) , 
excepté  par  les  plus  dévoués  serviteurs  de  la  maison  de  Bour- 
bon... Il  était  naturel  que  celui  qui  avait  relevé  le  trône  l'oc- 
cupât lui-même;  en  le  cédant  aux  Bourbons,  il  aurait  trahi 
ceux  des  mains  desquels  il  avait  accepté  le  pouvoir;  mais 
dépouiller  les  citoyens^des  privilèges  auxquels  ils  avaient  droit 
en  qualité  d'hommes  libres ,  c'était  l'acte  d'un  parricide.  » 

Tout  ce  jugement  sur  Napoléon  est  extrait  presque  mot  à 
mot  de  l'historien;  on  voit  qu'il  couronne  à  plaisir  de  toutes 
ses  gloires  la  victime  qu'il  va  immoler  à  l'Angleterre,  le  héros 

(t)  Of  a  character  more  tlmid.  Tom.  ix ,  pag.  343.  Dans  un  autre 
passage  où  Walter  Scott  allègue  toutes  les  raisons  qui  peuvent  justifier 
le  parti  que  prit  Bonaparte  ,  et  s'efforce  de  prouver  que  sa  conduite 
ne  pouvait  être  censurée  par  personne,  il  se  sert  d'une  expression  à  peu 
près  opposée;  il  prétend  qu'à  la  place  de  Bonaparte  ,  pour  agir  autre- 
ment qu'il  ne  l'a  fait  et  rétablir  les  Bourbons  ,  il  fallait  être  of  a  heroic 
pltch  of  character,  doué  d'un  caractère  héroïque  à  un  très  haut  degré. 
T.  iv,  p.  234-  Les  contradictions  de  ce  genre  r.e  sont  pas  rares  dans 
l'ouvrage  de  Walter  Scott. 


SCIENCES  MORALES, 
qu'en  itiaintc  occasion  il  compare  à  Wellington  avec  quelque 
désavantage.  Il  va  jusqu'à  invoquer,  sur  ce  point,  l'aveu  de  Napo- 
léon lui  même,  qui  doit  avoir  dil  au  général  Bertrand  ces  pro- 
pres paroles  :  «  Le  duc  de  Wellington  me  vaut  bien  pour  la  con- 
duite d'une  arir.ee,  et  il  a  sur  moi  l'avantage  de  la  prudence.  » 

Nous  ne  savons  si  en  effet  Napoléon  a  jamais  rien  dit  do  pareil; 
mais,  dans  tous  les  cas,  lui  seul  pouvait  faire  à  Wellington  un 
semblable  compliment  ;  e!  l'univers,  Walter  Scott  excepté ,  n'y 
verra  (prune  politesse  qu'il  serait  par  trop  ridicule  de  prendre 
u  sérieux.  C'est  cependant  au  sérieux  que  le  prend  Walter 
Scott;  il  appelle  cela,  tic  la  part  de  Napoléon,  de  la  droiture 
"t  de  la  franchise  ;  de  sorte  que,  dans  cette  histoire,  voilà 
M.  Wellington,  de  l'aveu  même  de  Bonaparte,  supérieur  au 
'dus  grand  personnage  militaire  dont  les  annales  de  tous  les 
peuples  aient  jamais  fait  mention  ! 

Mais,  en  montrant  dans  tout  son  éclat  le  rival  malheureux 
le  Wellington,  Walter  Scott  n'avait  rempli  que  la  moitié  de  sa 
àche.  La  part  du  général  anglais  était  faite,  il  fallait  encore 
aire  celle  du  cabinet  de  Londres.  Il  fallait  justifier  son  ambi- 
ion  ,  son  avidité,  son  obstination  à  souffler  partout  la  guerre, 
.es  crimes  politiques,  enfin  le  traitement  odieux  qu'il  a  fait 
Ilibir  au  captif  détrôné.  Pour  cela,  il  fallait  peindre  sous  les 
)lns  sombres  couleurs  les  excès  coupables  où  la  politique  a 
ntraîné  Napoléon;  il  fallait  mettre  toutes  les  guerres  qu'il  a 
ouîcnues  sur  le  compte  de  son  ambition ,  et  déguiser  quelque- 
ois  le  motif  réel  de  ses  conquêtes;  il  fallait  méconnaître  ce 
ru'il  pouvait  y  avoir  de  sagesse  et  de  longue  prévoyance  dans 
[uclques-unes  de  ses  entreprises;  montrer  comme  une  attaque 
toupable  ce  qui  n'était  peut-être  qu'une  légitime  résistance,  et 
iissimuler  les  avantages  qui  pouvaient  résulter  pour  l'Europe 
t  pour  la  Fiance  de  systèmes  dont  les  rigoureuses  conséquences 
e  sont  pas  toutes  imputables  à  Napoléon.  Il  fallait  enfin  avoir 
ecours  aux  faits  controuvés  et  au  ton  de  l'hypocrisie ,  jusqu'à 
iivoquer  la  conduite  chrétienne  de  l'Angleterre,  pour  justifier 
es  vexations  parfaitement  inutiles,  en  ne  s'en  rapportant 
îèn.e  qu'au  témoignage  de  l'historien. 


G3S  SCIENCES  MORALES. 

Certes  ,  ce  n'est  pas  nous  qui,  plus  que  les  habitans  d'aucune 
autre  contrée,  avons  souffert  de  la  tyrannie  de  Napoléon,  qui 
l'en  justifierons;  ce  n'est  pas  nous,  à  qui  sa  gloire  a  coûté  si  cher, 
qui  voulons  l'en  absoudre;  nous  sommes  amis  de  la  liberté  et 
de  la  patrie  :  c'est  dire  assez  qu'on  peut  nous  compter  parmi 
le.»  adversaires  de  Napoléon;  mais  nous  sommes  aussi  amis  de 
la  justice,  et  nous  n'avons  pas  appris  à  la  séparer  des  intérêts 
du  patriotisme  et  des  doctrines  de  la  liberté.  S'il  nous  était 
possible  de  recueillir  et  de  rassembler  ici  toutes  les  accusations, 
tous  les  reproches  disséminés  avec  profusion  dans  les  neuf 
volumes  de  cette  histoire,  nous  n'aurions  pas  de  peine  à 
montrer  combien,  sur  une  esquisse  quelquefois  assez  fidèle,  le 
peintre  a  passé  de  teintes  forcées  et  de  fausses  couleurs. 

Parmi  les  traits  les  plus  exacts  du  portrait  tracé  par  Walter 
Scott„  nous  avons  remarqué  ce  qu'il  dit  de  l'égoïsme  qui  faisait 
le  fond  du  caractère  de  Napoléon.  «  C'est  à  ce  principe  d'égoïsme  • 
eu  politique,  dit  avec  raison  Walter  Scott,  qu'il  faut  rapporte* 
une  grande  partie  de  ses  succès,  aussi  bien  que  de  ses  infor- 
tunes, et  presque  tous  ses  crimes  politiques...  Toutefois,  l'é-1 
goïsme  n'avait  pas  chez  Napoléon  ce  caractère  odieux  et  mém 
prisable  qu'il  a  d'ordinaire  dans  la  vie  privée;  il  était  dune 
nature  beaucoup  plus  noble  et  plus  élevée,  quoique  fondé  sur 
des   motifs    semblables.  »   Walter  Scott  a  consacré  quelques 
pages  de  la  conclusion  de  son  histoire  au  développement  de 
cette  idée,  et  il  a  mis  dans  cette  minutieuse  analyse  d'uu  des] 
traits  caractéristiques  de  son  héros   autant  de  justice  que  dej 
sagacité  (i). 


(i)  L'historien  avait  déjà  dit,  à  l'occasion  de  l'élévation  de  Napo- 
léon à  l'empire  :  «  L'égoïsme  qui  embrasse  tout  un  royaume  est 
d'une  nature  si  libérale,  si  vaste  ,  si  épurée  ,  qu'il  ressemble  beaucoup 
au  patriotisme.  »  (  Tom.  v,  ch.  7.  )  Et  ici ,  il  faut  avouer  que  s'il  v  a 
quelque  vérité  ,  il  y  a  aussi  beaucoup  d'indulgence  dans  la  pensée  de 
Walter  Scott;  assurément,  il  songeait ,  en  écrivant  cette  phrase ,  à 
l'égoïsme  du  gouvernement  anglais  ;  c'est  une  finesse  d'avocat ,  il  dé- 
fend d'une  manière  indirecte  ce  qu'il  évite  d'accuser  ouvertement. 


SCIENCES  MORALES.  63g 

Al. us,  pour  quelques  pages  marquées  au  coin  (l'une  sincm 
Impartialité,  combien  «laudes  011  pointait  eiter  dont  l'impar- 
tialité affectée  porte  le  caractère  «le  la  Contrainte ,  combien  dans 
1  im|i tel ic-%  l'a ul eur  semble  prendre  plaisir  à  se  dédommager,  par 
les  accusations  injustes,  les  insinuations  calomnieuse. s,  les  repro- 
ches adressés  avec  d'eu  tant  plan  de  \  iolence  qu'on  a  Inconscience 

de  les  mériter  soi-même! 

Pins  Napoléon  était  un  homme  extraordinaire,  et  plus  l'his- 
toire doit  lui  demander  un  compte  rigide  de  ces  merveilleuses 
qualités  dont  la  nature  l'avait  doué.  Aussi,  l'on  saurait  gré  à 
Walter  Scott  d'avoir  été  sévère  à  son  égard,  d'avoir  stigmatisé 
sans  pitié  l'ambition,  le  manque  de  foi,  la  cruauté,  qui  ont 
terni  quelquefois  un  des  plus  grands  génies  qui  aient  paru 
parmi  les  hommes,  si  l'on  pouvait  supposer  que  ces  reproches 
partissent  d'une  âme  profondément  juste,  et  enflammée  d'une 
sainte  colère  contre  la  tyrannie.  Biais,  lorsqu'on  voit  ce  même 
historien  justifier  l'ambition  quand  elle  est  anglaise,  vanter  les 
oppresseurs  quand  ils  oppriment  au  profit  de  l'Angleterre, 
applaudir  à  la  perfidie  quand  elle  détruit  ceux  que  les  Anglais 
peuvent  redouter,  alors,  au  lieu  du  respect  qu'inspire  toujours 
un  juge  consciencieux  et  impartial ,  on  n'éprouve  plus  que  cette 
indignation  due  au  prévaricateur. 

Un  patriotisme  étroit  et  une  conscience  large,  voilà  le  carac- 
tère distinctif  de  l'historien;  il  a  des  principes  particuliers,  une 
:aisonet  une  morale  particulières  pour  apprécier  les  hommes 
:t  les  choses  de  son  pays.  Non-seulement  il  justifie  le  cabinet 
Anglais  dans  tout  ce  qu'il  a  fait  de  plus  odieux,   de  plus  im- 
jïioral;  non-seulement  il  ose  vanter  Castlereagh  comme  un  grand 
îomme  et  son  système  comme  une  vertueuse  politique  ;  mais 
îoeore  il  cherche  constamment,  excepté  dans  de  rares  cir- 
jonstances,  à  établir  en  faveur  de  l'Angleterre  la  supériorité 
le  justice,  de  raison,  de  génie,  de  puissance.  A  cet  égard,  la 
naïveté  de  son  obstination,  l'intrépidité  de  son  amour-propre r 
ont  vraiment  curieuses.  Et  l'on  conçoit  bien  que  ce  n'est  pas 
eulemcnt  un  homme  qu'il  sacrifie  à  l'Angleterre;  ce  sont  encore 
es  autres  nations,  c'est  en  particulier  la  France. 


64o  SCIENCES  MORALES. 

Il  faudrait  un  livre  pour  montrer  combien  le  profond  égoïsme 
national  de  l'historien  anglais  est  fécond  et  varié  dans  ses 
développemens  ;  nous  allons  lâcher  d'en  donner  une  idée  en 
quelques  pages.  C'est,  nous  le  croyons,  le  meilleur  moyen  de 
faire  apprécier  cette  composition  historique;  car  c'est  là  que 
se  trouve  le  principe  de  la  plupart  des  défauts  qu'on  y  a  re- 
marqués, et  dont  Walter  Scott  aurait  été  garanti,  par  son  ta- 
lent, s'il  ne  se  fût  pas  fait  l'esclave  de  ce  patriotisme  aveugle  et 
mesquin. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  relever  tout  ce  qu'il  y  a  de 
faux  ou  d'exagéré  dans  les  rapprochemens  que  fait  l'historien 
entre  les  mœurs  des  deux  nations,  leur  législation,  leurs  ar- 
mées, etc.  Les  préjugés  nationaux  peuvent  excuser  bien  des 
choses;  mais,  lorsqu'ils  s'égarent  jusqu'à  outrager  la  morale 
publique,  il  n'est  plus  permis  de  les  tolérer;  et  laissant  de 
moindres  considérations,  nous  devons  signaler  ce  vice  capital 
de  l'ouvrage  que  nous  examinons. 

On  se  souvient  de  Copenhague;  le  cri  d'une  indignation 
unanime  s'éleva  chez  tous  les  peuples  de  l'Europe  à  la  nouvelle 
de  ce  grand  attentat.  En  pleine  paix ,  l'Angleterre  fait  pénétrer 
dans  les  Belts  un  armement  considérable  ;  elle  déclare  au  prince 
de  Danemark  qu'il  faut  qu'il  lui  remette  sur-le-champ  sa  flotte 
avec  toutes  ses  munitions  maritimes,  et  sans  même  attendre  le 
refus  formel  du  prince,  Copenhague  est  attaquée  et  bombardée 
pendant  trois  jours:  une  grande  partie  de  la  ville  devient  la 
proie  d'un  incendie  que  Walter  Scott  nomme  épouvantable 
(  dreadful  )  ;  beaucoup  de  familles  sont  ruinées,  plusieurs 
milliers  d'habitans  sont  massacrés;  et  les  Anglais  emmènent 
pour  trophées  de  cette  sanglante  et  facile  victoire  les  vaisseaux 
danois  ,  et  un  grand  nombre  de  transports  chargés  d'un  maté- 
riel considérable.  C'est  là  que  Wellington,  connu  alors  dans 
l'Inde  sous  le  nom  de  sir  Arthur  Wellesley,  fil  en  Europe  ses 
premières  armes. 

Eh  bien!  cette  infâme  trahison,  cette  violation  criante  du 
droit  des  gens  et  des  lois  de  l'humanité,  Walter  Scott  la  jus- 
tifie ;  il  la  célèbre  comme  un  grand  exemple  d'habileté,  comme 


m  li  \cks  MORALES.  641 

le  signal  du  réveil   de  la  politique  anglaise.  -'Tes  premien 
s\  Diplômes  de  ce  changement  d.uis  la  conduite  du  cabinet  an- 
glais, dit-il,  éclatèrent  dans  la  fameuse  expédition  de  Copen- 
hague, laquelle  manifesta  une  énergie  et  une  détermination  que 
l'on  ne  voyait  plus  depuis  quelque  teins  dans  les  opérations 
militaires  de  la  Grande-Bretagne  sur  le  continent...  En  ne  con- 
sidérant que  les  relations  ordinaires  entre  les  nalions,  la  pré- 
tention de  la  Grande-Bretagne  à   l'égard  du  Danemark  aurait 
été  s(:cric  et  impossible  à  justifier.  Mais  la  justification  sortait 
des ,  circonstances f  particulières  de  l'époque.  La  situation  de  l'An- 
gleterre était  celle  d'un   individu   qui,  menacé  de  l'approche 
des  forces  supérieures  d'un  ennemi  mortef-,  voit  tout  près  de 
lui  un  homme  armé  dont  il  a  droit  de  se  métier,  parce  qu'il  le 
croit  engagé  contre  lui  dans   une  alliance  à  laquelle  il   a  déjà 
accédé  deux.  fois.  Dans  ce  cas,  l'individu  menacé  aurait  droit 
de  contraindre  l'homme  dont  il  se  méfie  à  s'expliquer,  et  même 
de  le  désarmer,  s'il  a  la  force  de  le  faire,  et  de  retenir  ses 
armes  comme  un  gage  de  sa  neutralité.  *  Walter  Scott  devait 
ajouter,  pour  rendre  la  comparaison  complète  :«  De  s'approcher 
de  lui  en  traître  et  de  le  tuer,  s'il  refuse  de  se  laisser  désarmer.  » 
Si  le  principe  que  pose  ici  Walter  Sott  est  admis,  l'agression 
de    Bonaparte   contre   l'Espagne,  cette  agression    qui    sera   à 
jamais,  en  France,   une   tache  à   sa   mémoire,  est  pleinement 
justifiée  aux  yeux  de  la  politique  anglaise.  Napoléon  avait  les 
plus  fortes  raisons  de  se  délier  de  l'Espagne  ;  tandis  qu'il  était 
occupé  contre  la  Prusse,  des  troupes  espagnoles  avaient  été 
-   rassemblées  sous  les  armes,  une  proclamation  avait  déclaré  la 
patrie  en  danger,  et  fait  un  appel  manifestement  dirigé  contre 
la  France.  Celle-ci  avait  donc  le  droit  de  désarmer  cette  puis- 
sance, dont  elle  se  méfiait  ajuste  titre,  et  de  retenir  ses  armes 
comme  un  gage  de  sa  neutralité.  Voilà  la  politique   de  Walter 
Scott,  voilà  la  conséquence  rigoureuse  de  ses  odieux  principes, 
mais  il  ne  permet  qu'aux  Anglais  d'en  faire  usage;  et  en  même 
tems  qu'il  révèle  les  griefs  de  la  France  contre  l'Espagne,  il 
nomme  l'entreprise  de  Napoléon  «  une  trahison  sans  exemple 
dans  les  annales  de  l'Europe.  «  Nous  avons  le  droit  de  la  flétrir 
t.  xxxvi.  —  Décembre  1 827.  /,  1 


6*a  SCIENCES  MORALES. 

ainsi;  Waller  Scott  ne  l'a  plus;  il  faut  qu'il  se  taise,  ainsi 
que  le  cabinet  dont  il  s'est  fait  l'apologiste;  ceux  qui,  en 
pleine  paix,  ont  coulé  bas  les  gallions  espagnols,  ceux  qu1 
ont  biùlé  Copenhague  et  les  vaisseaux  danois,  ceux-là  se 
seraient  emparés  de  l'Espagne  et  du  Danemark,  s'ils  en  eussent 
eu  le  pouvoir. 

Cet  exemple ,  qui  met  dans  tout  leur  jour  les  principes  de 
"Waller  Scott,  montre  en  même  tems  assez  bien  quelle  est  sa 
manière  habituelle  de  raisonner  ;  dès  que  les  raisons  lui  man- 
quent, il  a  recours  aux  comparaisons,  et  l'on  voit  avec  quelle 
admirable  justesse  il  les  applique.  Il  résulte  de  cette  incroyable 
argumentation  que  la  morale  des  cabinets  doit  être  souple  et 
variable  comme  les  circonstances ,  et  que  la  règle  de  leur  con- 
duite, dictée  par  le  seul  intérêt,  est  tout-à-fait  indépen- 
dante du  droit.  Si  cette  argumentation  est  exactef  il  n'y  a 
presque  pas  de  crimes  politiques  qui  ne  puissent  être  commis 
le  front  levé,  et  avec  la  justification  en  main;  il  faut  franche- 
ment mettre  de  côté  tout  sentiment  du  juste  et  de  l'injuste, 
discuter  seulement  l'utile,  et  l'on  verra  alors  où  l'on  ira.  Le 
raisonnement  de  "Walter  Scott  est  l'excuse  universelle  de  tous 
les  crimes  politiques  commis  on  à  commettre;  car  il  n'en  est 
aucun,  excepté  ceux  des  tyrans  imbécilles,  qui  n'ait  pour  prin- 
cipe quelque  raison  d'utilité.  Walter  Scott  le  sait  bien,  mais 
ici  il  l'oublie  à  dessein;  il  s'en  souviendra  tout  à  l'heure,  lors- 
qu'à l'occasion  de  Bonaparte  qui  justifiait  Son  despotisme  par 
la  nécessité  des  circonstances,  il  dira:  «Ces  nécessités  d'état 
sont  l'excuse  ordinaire  des  tyrans  qui  cherchent  aiusi  à  en 
imposer  à  eux-mêmes  et  aux  autres  (i).  » 

Walter  Scott  a  la  bonté  de  pardonner  au  prince  de  Dane- 
mark sa  résistance  contre  les  Anglais:  «  Cependant,  dit-il,  il 
est  impossible  de  blâmer  un  homme  d'honneur  et  doué  de  sen- 
tîmes élevés,  pour  avoir  fait,  dans  ce  cas,  la  meilleure  défense 


(i)  Tom.  vi,  cluip.  i\   ce  chapitre  suit  immédiatement  celui  où 
Walter  Scotl  justifie  l'incendie  de  Copenhague, 


SCIENCES  MORALES.  64I 

qui    lui    était    possible    -    Il    pousse    k'oilbH   de    tOUte    pudeur 

jusque  vanter  V humanité  de  l'Angleterre  dans  l'immensité  dei 
préparatifs  fnits  pour  cette  expédition)  lotit  en  avouant:  qu'il  y 
aurait   eu    quelque   chose  d'ignominieux  de  la  part  dix   prince 

danois  à  livrer  sa  flotte  sur  la  menace  des  Anglais. 

Il  v  a  dans  tout  cela  un  cynisme  de  mauvaise  foi ,  une  effron- 
terie d'immoralité  qui  contriste  le;  lecteur.  Et  pour  achever, 
Walter  Scott  s'étonne  que  Bonaparte  se  soit  plaint,  dans  le 
Moniteur,  d'une  chose  si  naturelle,  d'un  événement  si  simple! 
«  La  violation  de  la  paix  et  du  droit  des  gens,  dit-il,  fut  sé- 
rieusement  Imputée  à  la  Grande-Bretagne)  comme  un  crime 
irrémissible,  par  celui  qui  ne  souffrit  jamais  que  sa  propre 
parole  ou  la  bonne  foi  ordinairement  observée  parmi  les  na- 
tions fût  un  obstacle  a  ses  désirs  ou  à  ses  intérêts.  » 

Voilà  donc  votre  véritable  pensée;  vous  êtes  obligé,  pour 
vous  justifier,  d'invoquer  l'exemple  d'un  homme  qui  a  man- 
qué à  la  foi  des  traités;  mais  comment  osez-vous  légitimer  chez 
vous  ce  que  vous  inculpez  chez  lui?  D'ailleurs,  qui  ne  com- 
prend que,  si  de  pareils  principes  n'ont  rien  d'étonnant  de  la  part 
d'un  politique  qui,  sétant  montré  peu  scrupuleux,  ne  prêche 
visiblement  que  la  morale  qui  lui  est  utile,  ils  sont  odieux 
dans  un  historien  qui  doit  se  tenir  au-dessus  de  la  morale  des 
intérêts,  et  se  dépouiller  du  bandeau  des  passions?  Dans  de 
telles  questions,  Napoléon  était  avocat  de  sa  propre  causé; 
Walter  Scott  est  juge  du  droit,  et  il  se  déclare  scandaleuse- 
ment prévaricateur,  quand  il  les  résout  comme  il  fait  ici.  C'est 
déshonorer  la  plume  indépendante  d'historien,  et  la  ravaler  au 
niveau  de  celle  des  écrivains  aux  gages  des  cabinets. 

Une  autre  violation  du  droit  des  gens,  non  moins  odieuse 
que  l'incendie  de  Copenhague,  fut  commise  envers  l'Espagne; 
c'est  l'affaire  des  gallions  que  nous  avons  mentionnée  tout  à 
l'heure.  Ces  vaisseaux  chargés  d'or  venaient  d'Amérique  à 
Cadix,  avec  la  sécurité  qu'inspire  une  paix  profonde;  tout  à 
coup  ils  sont  attaques  par  une  escadre  anglaise,  et  après  un 
combat  inégal,  trois  furent  pris,  le  quatrième  saula;  «c'est  un 
accident  qui  doit  causer  beaucoup  de  regrets  »,  dit  froidement 


6U  SCIENCES  MORALES. 

Walter  Scott,  et  la  soûle  raison  qu'il  donne  de  ce  guet-apens 
politique,  c'est  que  l'Angleterre  voulait  faire  cesser  la  neutra- 
lité équivoque  de  l'Espagne.  Deux  lignes  suffisent  à  l'historien 
pour  déclarer  le  motif  d'un  tel  attentat;  il  parle  avec  le  laco- 
nisme de  l'autorité,  il  semble  qu'il  n'y  a  rien  à  répondre,  et 
il  ne  daigne  pas  seulement  examiner  si  le  moyen  le  plus  légal 
et  le  plus  juste  de  s'éclaircir  des  véritables  intentions  d'un 
prince  est  de  massacrer  ses  sujets,  de  piller  ses  trésors,  et  de 
tomber  en  pleine  paix  sur  un  armement  couvert  par  la  foi  des 
traités,  sans  aucune  démonstration  hostile  préalable,  et  comme 
auraient  pu  le  faire  des  brigands  de  Maroc  ou  d'Alger. 

«  Cependant,  user  de  violence  sans  avoir  auparavant  énoncé 
ses  °riefs  ,  cela  est  contraire  à  toutes  les  idées  de  la  loi  qui 
régit  les  nations,  laquelle  décide  que  nulle  agression  ne  peut 
constituer  une  cause  légitime  de  guerre,  jusqu'à  ce  que  la 
réparation  ait  été  refusée.  »  Et  cette  autoiité  il  faut  espérer 
que  WaJter  Scott  ne  la  récusera  point;  c'est  lui-même  qui  a 
prononcé  cet  arrêt  (t.  vin,  p.  l\'$'±).  Il  est  vrai  que  là  c'est 
contre  Napoléon  que  le  principe  est  invoqué. 

Après  de  tels  exemples  de  mauvaise  foi  politique,  on  ne 
sera  pas  surpris  de  voir  l'historien  qui  s'est  constitué  l'avocat 
de  tous  les  excès,  de  toutes  les  passions  au  cabinet  de  son 
pays,  justifier  pleinement  l'ambition  anglaise,  en  même  tems 
qu'il  charge  celle  de  la  France  des  plus  violentes  accusations,. 

A  l'occasion  de  la  bataille  navale  d'Aboukir,  Walter  Scott 
dit  en  propres  termes  :  «  Nous  approchons  de  l'une  des  vic- 
toires les  plus  brillantes  de  la  marine  anglaise,  victoire  rem- 
portée par  l'amiral  dont  les  exploits  garantirent  si  incontesta- 
blement le  droit  de  la  Grande-Bretagne  à  la  souveraineté  de 
l'Océan  »  (  the  riglit  of  Biitain  to  the  dominion  of  tlic  Océan , 
t.  iv,  p.  81.)  Ainsi,  voilà  bien  la  prétention  la  plus  insolente 
qu'on  puisse  imaginer,  déclarée  sans  aucun  détour;  l'avidité 
de  conquêtes  tant  reprochée  à  Napoléon  n'avait  rien  de  plus 
insultant  pour  les  peuples;  la  lutte  de  Napoléon  et  de  l'Angle- 
terre pour  l'empire  du  continent,  d'une  part,  et  de  la  mer,  de 
l'autre,  était  donc  également  coupable,  également  hostile  contre 


SCIENCES  MORALES  G/,5 

les  droits  des  nations  et  les  intérêts  ite  l'humanité;  In  seule 
différence  qui  existail  entre  les  deux  cabinets  bolligérans  ne 
pouvait  donc  résulter  que  de,  l'agression;  et  souvent  il  faut 
l'imputer  à  r  Angleterre. 

Walter  Scott  explique  en  détail  ailleurs,  et  à  l'occasion  du 
système  continental ,  tout  le  système  maritime.  "De  son  côté, 
dit-il,  le  matin  saisit  les  vaisseaux  marchands  et  leur  can/ai- 
son  par  ce  même  dirait  du  plus  foi  t,  en  vertu  duquel  le  vainqueur 
sur  le  continent  a  pris  des  châteaux,  des  provinces,  et  peut- 
être  même  le  port  auquel  ces  vaisseaux  appartiennent.  Si  le 
conquérant  maritime  n'avait  pas  le  droit  d'agir  ainsi ,  il  ne  ga- 
gnerait à  sa  supériorité  que  des  coups,  lorsqu'il  rencontrerait 
des  forces  imposantes ,  et  serait  entièrement  privé  du  butin, 
récompense  delà  victoire.  Les  citoyens  innocens  et  désarmés, 
peut-être  même  les  neutres,  étrangers  à  la  lutte,  souffrent 
dan  s  les  deux  cas  ;  mais  l'état  de  guerre  est  ordinairement  un 
état  de  violence,  et  malheureusement  ses  désastres  ne  peuvent 
se  borner  à  ceux  qui  sont  actuellement  en  hostilité...  Par  ce 
système,  l'Angleterre  n'obtint  pas  sur  mer  des  avantages  plus 
considérables  que  Bonaparte  n'en  obtenait  sur  le  conti- 
nent. » 

Ainsi  les  conséquences  de  la  conquête  sont  légitimes,  quand 
c'est  une  puissance  maritime  qui  en  profite;   ainsi  ces  avan- 
tages  immenses,   si  amèrement   reprochés  par   vous   à  Bona- 
parte, vous  confessez  que  vous  en  avez  obtenu  de  pareils,  et 
vous  en  faites  gloire;  ainsi  vous  osez  invoquer  le  droit  du  plus 
fort ,   et  vous  l'invoquez   même  contre   les  neutres,  vous  qui 
avez  si  souvent ,  et  avec  raison  ,  dans  le  cours  de  votre  his- 
toire, jeté  des  cris  d'indignation  contre  la  violation  des  neu- 
tralités! Cessez  donc  de  vous  ériger  en  champion  des  droits  de 
l'humanité  et  des  libertés  du  monde;  quittez  ce  rang  élevé  du 
publiciste  qui  tient  la  balance  entre  les  ambitions  des  princes  et 
les  passions  des  peuples;  vous  n'êtes  que  l'avocat  "d'un  cabinet 
qui  fut  long-toms  sans  foi  comme  sans  modération;   vous  ne 
tromperez  personne,  tous  les  lecteurs  vous  ont  apprécié  ;  et,  si 
Quelque  chose  pouvait  justifier  le  système  envahisseur  de  INa- 


646  SCIENCES  MORALES. 

poléon,  c'est  la  manière  dont  vous  défende*  celai  de  son  plus 
redoutable  ennemi. 

Mais  il  arrive  quelquefois  que  Walter  Scott  n'a  pas  même 
ane  apparence  de  raison  à  invoquer  les  excès  de  Napoléon 
pour  justifier  ceux  du  cabinet  anglais.  Ainsi,  lorsqu'après  la 
bataille  de  Marengo ,  le  vainqueur  eut  donné  de  grandes 
marques  de  modération,  en  accordant  à  l'Autriche  «  des  con- 
ditions beaucoup  plus  favorables  qu'elle  n'était  en  droit  de 
l'espérer»,  il  fit  proposera  l'Angleterre  de  suspendre  par  un 
armistice  sur  mer  les  avantages  que  lui  donnait  sa  supériorité 
maritime,  de  même  que  le  premier  consul  interrompit,  sur 
terre,  le  cours  de  ses  conquêtes,  L'Angleterre  refusa,  et  Walter 
Scott  trouve  de  très-bonnes  raisons  pour  applaudir  à  ce  refus. 

Au  reste,  cette  ambition  de  régner  en  despote  sur  la  mer  et 
de  n'y  laisser  de  liberté  à  personne ,  l'Angleterre  ne  s'en  est 
jamais  départie  durant  sa  lutte  avec  [Napoléon;  et  lorsque  ce- 
lui-ci fut  abattu,  lorsque  le  conquérant  consentait  à  perdre 
toutes  ses  conquêtes,  et  stipulait  seulement  que  la  France  serait 
admise  à  la  liberté  du  commerce  et  de  la  navigation,  cette  clause 
lit  évanouir  tout  espoir  de  paix.  «  Car,  dit  Walter  Scott ,  elle 
impliquait  opposition  au  droit  maritime,  tel  que  l'Angleterre 
l'exerçait.  »  (t.  vin,  p.  io3.)  Preuve,  entre  mille,  que  ce  droit 
prétendu  que  s'arrogeait  la  Grande-Bretagne  était  exclusif  de 
tout  droit  et  de  toute  liberté  pour  les  autres  peuples. 

Voilà  plusieurs  points  historiques  d'une  grande  importance 
sur  lesquels  l'auteur  manque  visiblement  de  conscience  aussi 
bien  que  de  logique.  Signalons  encore,  en  feuilletant  rapide- 
ment son  livre,  quelques-unes  des  innombrables  preuves  de 
l'injustice  avec  laquelle  il  impute  à  la  France  les  excès  dont 
l'Angleterre  s'est  rendue  coupable;  de  son  obstination  à  excu- 
ser dans  son  propre  pays  ce  qu'il  blâme  chez  les  autres;  de  son 
penchant  à  ridiculiser  ce  qui  n'est  pas  conforme  aux  idées  an- 
glaises; enfin  de  sa  partialité  pour  tout  ce  qui  touche  à  l'An- 
gleterre, partialité  qui  se  manifeste  jusque  dans  les  moindres 
choses. 

On    sait  que  la  paix  d'Amiens  fut  rompue  par  les  Anglais; 


SCIENCES  MORALES.  r,.r 

vile  eût  continue,   dit  Walter  SCOtt,   ■  bi  Jinuapuilc  «ut   voulu 

la  maintenir.  »  (T.  v,  ch.  i,p.) 

Notre  historien  a  la  mémoire  courte;  il  oublie  que,  dans  lo 

dernier  chapitre  du  volume  précédent,  il  avait,  avoué  que  la 
poiX  n'avait  été  laite  pair  les  Anglais  quV>  contre  CCBttt  {umviUin- 
,;'/>'',  par  manière;  à* expérience t  et  qu'elle  devait  être  considérée 
comme  aussi  précaire  qu'une  trévè  armée.  Son  argumentation  à 

06  sujet  trahit  l'embarras  où  il  est  de  justifier  cette  rupture; 
elle  prouve  que  la  paix  avait  été-  faite  dans  l'intention  de 
la  violer  en  tems  opportun ,  et  (pie  l'Angleterre  s'était  pré- 
parée de  longue  main  à  cette  violation.  Sans  refuser  formelle- 
ment d'accomplir  les  conditions,  elle  ne  montrait  aucune 
promptitude  à  les  exécuter,  et  elle  s'obstinait  à  garder  1rs  prin- 
cipales possessions  qui  n'étaient  lestées  dans  ses  mains  que 
sous  la  condition  expresse  dé  les  restituer.  «Devant  un  tribunal 
ordinaire,  dit  Walter  Scott,  l'Angleterre  eût  été  obligée  de 
remplir  ses  engagemens;  devant  une  cour  d'équité,  elle 
avait  de  bonnes  raisons  pour  s'y  soustraire ,  dans  son  intérêt 
comme  dans  ce/aide  l'Europe.»  (T.  v,  ch.  a.)  Dans  son  intérêt, 
cela  est  vrai;  car  l'une  des  conditions  était  la  restitution  aux 
Hollandais  du  cap  de  Bonne-Espérance,  et  Walter  Scott  dit 
ailleurs  (t.  vi ,  ch.  ier)  :  «  Cette  possession  est  d'une  si  grande 
importance  pour  notre  commerce  dans  l'Inde,  que  nous  espé- 
rons bien  ne  jamais  la  rendre  à  X ennemi  (1).  »  Mais  l'intérêt 
de  l'Europe  n'est  pas  plus  facile  à  apercevoir  ici  que  cette 
équité  qui  autorise  les  Anglais  à  manquer  aux  conditions  for- 
melles d'un  traité.  Malte  est  une  autre  possession  qu'ils  ont 
gardée  au  même  titre.  Qu'un  cabinet  se  souille  de  pareils  man- 
quemens  de  foi,  cela  s'est  vu  trop  souvent  pour  qu'on  s'en 
étonne;  mais  qu'un  historien  s'en  déclare  ouvertement  le  pa- 
négyriste, c'est  une  honte  dans  laquelle  notre  auteur  a  peu  de 
rivaux. 


(r)  L'expression  est  remarquable;  il  ne  s'agit  pas  (11-  la  France  dans 
celte  phrase,  m-ais  tout  ce  qui  n'est  pas  Anglais  est  ennemi,  au*  yeux  de 
Walter  Scott. 


648  SCIENCES  MORALES. 

Colle  époque  de  la  lutte  entre  Napoléon  et  le  cabinet  an- 
glais est  digne  d'une  grande  attention;  car  In  politique  anglaise 
s'y  montre  plus  qu'ailleurs  peut-être  sous  son  véritable  jour, 
et  le  récit  de  l'historien  y  dévoile  aussi  plus  ouvertement  son 
peu  de  bonne  foi.  Aussi  est-ce  un  chnpiîre  bien  important, 
sous  ce  double  rapport,  que  celui  où  Waltcr  Scott  expose  les 
conférences  de  Napoléon  et  de  lord  Withworth,  et  les  cir- 
constances de  la  rupture  de  la  paix  d'Amiens.  Nous  devons  nous 
y  arrêter  encore  un  instant. 

«  Le  résultat  de  ces  conférences,  dit  l'auteur  (t.   v,  ch.  i). 
décida  du  destin  de  Bonaparte  et  de  celui  du  monde. «  Quoi- 
qu'on général  Walter  Scott  ait  en  politique  une  vue  bien  courte 
et  sans  aucune  portée,  il  est  impossible  qu'il  n'ait  pas  compris 
que   ces   conférences  n'ont   réellement  rien  décidé,   et   que, 
long-tems  avant,  la  guerre  était  résolue  de  la  part  de  l'Angle- 
terre. C'est  là  un  fait  si  notoire,  que  la  discussion  à  laquelle  il 
a  l'air  de  se  livrer  sérieusement  devient  tout-à-fait  ridicule;  il 
»e  peut  espérer  de  faire  prendre  le  change  à  personne.  C'est 
seulement  une  occasion  pour  lui  de  déclarer  que,  dans  sa  lutte 
avec  la  France,  l'Angleterre  n'a  jamais  voulu  que  le  bonheur  et 
Y  indépendance  dos  peuples  ;  Walter  Scott  sons  entend  et  le  mo- 
nopole du  commerce.  Les  griefs  contre  la  France  étaient  si  frivoles 
que  les,  ministres  anglais  n'osèrent  les  articuler;  ils  mirenten 
avant  des  prétextes,  et  des  prétextes  faux  (simulaled  grounds); 
l'historien  est  forcé ^de  l'avouer.  Nous  avons  dit  que  l'une  des 
raisons  véritables  du  refus  que  faisaient  les  Anglais  d'exécuter 
le  traité,   c'est  qu'ils  voulaient  garder   Malte  qu'ils  s'étaient 
formellement  engagés  à  restituer.  «  La  conservation  de  cette 
forteresse  par  les  Anglais,  dit  Walter  Scott,  n'avait  rien  qui 
dût  alarmer  la  France...  tandis  que  dans  les  mains  d'une  puis- 
sance neutre  elle  était  un  sujet  d'inquiétude  réelle  pour  l'An- 
gleterre, qui  regardait  Malte  comme  un  premier  pas  vers  une 
nouvelle  conquête  d'Egypte.»  Mais  cette  raison  existait,  lors- 
que l'Angleterre  s'était  obligée  à  restituer  Malte;  elle  s'enga- 
geait donc  uniquement  pour  gagner  du  tems,  et  avec  la  ré- 
solution   tacite  de   violer  son   engagement     L'Angleterre  ne 


SCIENCES  MOilALKN.  640 

craignait  plus,  en  18 1 '»,  une  nouvelle  conquête  d'Egypte  par 
la  France 5  ci  cependant  elle  a  gardé  Malte.  C'est  qu'en  181/, , 
comme  en  1 8o3,  l'Angleterre  était  avide  ,  ambitieuse,  et  voulait, 
à  tout  prix  étendre  mu-  la  Méditerranée  l'empire  qu'elle  atfcc- 
tait  sur  l'Océan.  Dire  que  la  possession  de  Malte  par  les  An- 
glais était  une  garantie  nécessaire  contre  une  nouvelle  conquête 
de  l'Egypte,  lorsque  la  France  n'avait  pas  un  vaisseau,  et  que 
l'armée  anglaise  possédait  Alexandrie  ,  ce  sont  là  de  ces  choses 
qu'on  mal  dans  des  notes  diplomatiques,  mais  qu'un  historien 

n'écrit  pas  quand  il  se  respecte  ci  quand  il  espère  cire  lu  par 
des  hommes  de  sens.  Dans  toute  celte  discussion,  la  mauvaise 
foi  de  l'historien  est  insigne,  comme  était  celle  du  cabinet  qu'il 
défend.  Les  raisons  de  la  rupture  de  la  paix  étaient  la  perfidie 
du  cabinet  qui  l'avait  souscrite  ,  et  le  projet  médité  de  s'empa- 
rer, sans  déclaration  préalable  et  sans  coup  férir,  de  nos  expé- 
ditions maritimes  et  de  nos  établissement  coloniaux  mal  prépa- 
rés à  une  attaque.  Waltcr  Scott,  qui  ne  peut  prouver  que  la 
France  eût  des  raisons  pour  rompre  la  paix,  et  qui  n'ose  articu- 
ler hautement  celles  de  l'Angleterre,  dit  qu'il  n'y  avait  pas  de 
cause  de  guerre  bien  déterminée  (  no  spécial  or  determinale 
cause  of  quarrel) ,  et  il  est  ici  en  contradiction»  avec  les  faits  et 
avec  son  propre  récit;  mais  je  ne  sais  par  quelle  distraction 
il  avoue  le  coup-de-main  sur  les  établissemens  qu'on  venait  de 
rendre  à  la  France,  ainsi  que  sur  ceux  qu'on  ne  lui  avait  pas 
encore  pris  ;  et  de  peur  que  nous  ne  nous  trompions  sur  le  sens 
de  la  pensée  et  de  l'acte  de  la  politique  anglaise,  il  écrit  en 
français  le  mot  coup-dc-main.  (  T.  v  ,  chap.  t\  ). 

Tout  acte  de  mauvaise  foi  qui  peut  profiter  à  l'Angleterre 
est  sûr  de  trouver  dans  cette  histoire  une  mention  favorable. 
Ainsi  ,  la  Russie  prend- elle  ses  mesures  pour  éluder  les  eoga- 
gemens  qu'elle  a  contractés,  et  pour  trahir  sous  main  la  foi  des 
traités,  Walter  Scott  admire  l'adresse  remarquable  avec  laquelle 
était  rédigé  l'ukase  du  3i  décembre  1810,  qui  favorisait  réelle- 
ment l'importation  des  marchandises  anglaises,  tandis  que  les 
termes  scmblaie/tt  en  confirmer  l'exclusion. 

On  sail  que,  pendant  la  campagne  de  Russie»  le  corps  au 


65o  SCIENCES  MORALES. 

trichien  commandé  par  Schwarzenberg  ne  donna  point  à  l'ar- 
mée française  l'assistance  qu'il  lui  devait,  aux  termes  des 
conventions;  mais  la  conduite  qu'il  tint,  après  les  desastres  de 
Moscou,  fut  une  véritable  trahison,  puisque  l'alliance  offen- 
sive et  défensive  entre  l'Autriche  et  la  France  existait  encore. 
Walter  Scott  n'y  voit  qu'une  preuve  de  l'humanité  du  général 
autrichien  qui  se  hâta  de  conclure  avec  la  Russie  un  armistice 
dont  les  conditions  portaient  qu'ils  feraient  toujours  mine  de 
se  battre,  mais  qu'ils  ne  se  bâtiraient  pas  en  effet,  et  se  con- 
tenteraient de  manœuvrer  comme  à  une  partie  d'échecs.  Malgré 
l'approbation  que  donne  l'historien  à  cette  violation  d'un  acte 
entre  souverains,  le  mot  de  défection  lui  échappe  un  peu  plus 
loin  à  lui-même. 

Une  autre  défection  plus  éclatante,  mais  qui  du  moins  ne  fut 
pas  souillée  d'hypocrisie,  ce  fut  celle  du  général  prussien  York; 
malgré  les  traités  qui  unissaient  encore  la  Prusse  à  la  France, 
Walter  Scoit  décide  que  cette  violation  d'alliance  fut  hono- 
rable, quoique  ce  général  se  fût  écarté  de  la  lettre  des  ordres 
de  son  roi  (t.  vu,  p.  /|38);  et  nous  notons  cette  expression 
comme  un  des  nombreux  exemples  de  cette  supercherie  de 
mots  par  laquelle  Walter  Scott  veut  nous  faire  prendre  le 
change  sur  les  choses;  il  appelle  s' écarter  de  la  lettre  d'un  ordre 
agir  d'une  manière  diamétralement  opposée  à  cet  ordre. 

Mais  l'immoralité  politique  de  Walter  Scott  est  telle  qu'il  se 
montre  encore  tout  disposé  à  faire  bon  marché  des  principes  , 
même  quand  l'Angleterre  n'a  rien  à  y  gagner;  ainsi  il  excuse 
de  son  mieux  l'empereur  Alexandre  d'avoir  reçu,  en  1807,  la 
province  de  Bialystock  des  mains  de  Napoléon,  et  de  s'être 
enrichi  des  dépouilles  de  son  allié  malheureux  (t.  v,  p.  /}3o). 
Il  est  vrai  que  Walter  Scott  voit  le  moment  où  Alexandre  va 
devenir  l'ami  de  l'Angleterre;  long-tems  auparavant ,  il  n'avait 
pas  montré  la  même  indulgence  pour  l'empereur  d'Autriche  , 
lorsqu'au  sujet  de  Venise  et  à  l'occasion  du  traité  de  Campo- 
Formio  il  disait  :  «Telle  est  la  reconnaissance  des  nations, 
telle  est  la  bonne  foi  des  politiques,  que  l'Autriche  parait  n'avoir 
conçu  aucun  scrupule  de  profiler  des  dépouilles  d'un  allié  qui 


SCIENCES  MORALES.  65i 

avait  reçu,  pour  la  défense  de  sa  cause,  une  mortelle  bles- 
sure. »  (T.  m ,  p.  37/1.  ) 

\\  aller  Scott  traite  avec  beaucoup  de  mépris  Paul ,  empereur 

de  Russie,  parce  qu'il  s'était  déclaré  ami  chaud  de  la  France, 

et  était  entré  dans  la  ligue  dont  le  but  était  de  garantir  la 
liberté  des  mers,  et  de  refuser  à  l'Angleterre  le  droit  de  visite 
qu'elle  s'arrogeait,  droit  de  brigand,  qui  consiste,  selon  la 
propre  définition  de  Walter  Scott,  «  à  arrêter  les  vaisseaux 
neutres  ou  amis,  et  à  leur  enlever  toute  propriété  appartenant  à 
l'ennemi,  y  Les  publicistes  dignes  de  quelque  estime  ont  tou- 
jours borné  ce  droit  à  la  saisie  de  la  contrebande  de  guerre. 
Ils  comprenaient  bien  que  le  système  soutenu  aujourd'hui 
par  Walter  Scott  est  une  véritable  piraterie.  Une  fois  que  ce 
principe  serait  reconnu,  toute  puissance  aurait  droit  d'aller 
chez  son  voisin  ,  en  pleine  paix,  prendre  ce  qui  appartiendrait 
aux  sujets  d'une  tierce  puissance  avec  laquelle  la  première 
serait  en  guerre;  car  il  tombe  sous  le  sens  qu'un  pareil  droit 
ne  peut  pas  être  un  privilège  maritime  ;  un  vaisseau  neutre  est 
1111  pays  neutre.  C'est  ce  qu'avait  bien  compris  Napoléon , 
lorsqu'il  enlevait  et  détruisait  1-es  marchandises  anglaises  par- 
tout où  il  avait  accès.  C'était  un  attentat  politique  contre  lequel 
Walter  Scott  se  déchaîne  violemment,  ce  qui  n'empêche  pas 
que  la  conduite  de  Napoléon  ne  fût  qu'une  imitation  rigoureu- 
sement exacte  de  celle  du  cabinet  britannique. 

Si  un  traité  pour  le  retour  de  l'armée  française  d'Egypte  est 
conclu  et  violé  parles  Anglais,  l'historien  donne  cette  explica- 
tion sans  le  moindre  signe  de  reproche.  «■  Le  prétexte  fut  que  le 
plénipotentiaire  anglais  avait  dépassé  ses  pouvoirs;  les  vrais 
motifs  étaient  les  succès  récens  de  Suwarow  et  la  crainte  des 
soldats  de  Kléber.  »  11  est  difficile  de  fournir  une  preuve  plus 
naïve  de  duplicité. 

L'occupation  du  Hanovre  par  les  troupes  françaises  est  un 
grand  sujet  de  colère  pour  Walter  Scott;  cet  opiniâtre  adver- 
saire du  droit  des  neutres,  quand  l'Angleterre  trouve  commode 
de  le  violer,  invoque  hautement  la  neutralité  en  faveur  d'une 
possession  du  roi  d'Angleterre,  au  moment  où  ce  roi  fait  à  la 
Franoe  une  guerre  à  mort  !  Il  invoque  le  vieux  droit  germa- 


65l  SCIENCES  MORALES. 

nique  qui  présentait  une  fiction  favorable  à  la  Grande-Bretagne  , 
en  ne  considérant  le  roi  d'Angleterre,  électeur  de  Hanovre, 
que  comme  un  prince  allemand.  Notre  auteur  se  serait  bien 
moqué  d'une  telle  fiction,  si  l'on  se  fut  avisé  d'en  faire  un  argu- 
ment contre  le  cabinet  britannique. 

Walter  Scott  reproche  à  Napoléon  d'avoir  manqué  de  respect 
pour  les  droits  des  gouvernemens  et  pour  l'ordre  social  établi? 
en  cherchant  à  tirer  avantage  des  dissensions  civiles  qui  agi- 
taient les  nations  avec  lesquelles  il  était  en  guerre,  et  en  ap- 
puyant ou  excitant  chez  elles  des  insurrections  (T.  vi ,  p.  364 
et  366.  )  C'est  là  un  crime  pour  Bonaparte;  pour  l'Angle- 
terre, ce  n'est  plus  que  de  la  politique  naturelle  [ncitural policj; 
t.  v,  p.  io5).  «La  paix  d'Amiens  étant  rompue,  dit  Walter 
Scott,  le  gouvernement  britannique,  se  conformant  aux  prin- 
cipes d'une  politique  naturelle,  résolut  de  se  prévaloir  de  la 
situation  de  l'esprit  public  en  France  ,  pour  exciter  les  parti- 
sans de  la  royauté  à  une  nouvelle  attaque  contre  le  gouverne- 
ment consulaire.  »  Et  un  peu  plus  bas,  p.  2/j3  ,  à  l'occasion  des 
intrigues  fie  Drake,  ce  résident  anglais  à  Stuttgart,  impliqué 
dans  la  conspiration  de  Georges,  Walter  Scott  écrit  :  «  Il  faisait 
tous  ses  efforts  pour  tramer  une  insurrection  de  royalistes  ou 
d'antres  ennemis  de  Bonaparte,  et  en  cela  il  agissait  confor- 
mément à  ce  qui  se  pratique  entre  puissances  belligérantes,  qui 
cherchent  toujours  à  se  ménager  des  intelligences  avec  les 
mécontens  du  pays  ennemi.  »  On  voit  que,  dans  le  livre  de 
Walter  Scott,  les  choses  ont  toujours  un  nom  différent  et  une 
double  appréciation,  selon  qu'elles  se  rapportent  à  U  nation 
anglaise  ,  ou  aux  nations  ennemies.  Malheureusement,  il  s'a- 
gissait ici  d'assassinat,  et  Walter  Scott  défend  assez  mal  l'en- 
voyé à  Stuttgart,  aussi  bien  que  l'envoyé  à  Munich  (Spencer 
Smith)  qui  se  trouvait  mêlé  dans  ces  odieuses  intrigues;  lhisto  - 
rien  anglais  n'y  voit  de  leur  part  que  de  l'imprudence.  «  Le  tort 
de  M.  Drake,  dit-il,  fut  de  se  confier  trop  légèrement  à  son 
correspondant;»  c'est-à-dire  que,  si  ce  correspondant  qui 
était  un  espion,  eût  été  véritablement  un  agent  de  la  conspiration 
ourdie  pour  assassiner  Bonaparte,  M.  l'envoyé  anglais  eût  été  en 
règle. Le  chancelier  de  l'échiquier  nia,  comme  ou  le  pense  bien, 


m  1;  yCES  MORALES, 
la  u  te  participation  aux  projeta  d'assassinat,  et  dit,  à  cette  occasion, 
(l.uis  une  séauce  (!<■  la  chambre  des  <  ommun^s  :  «  J'affirme  que 
nous  n'avons  autorisé  personne  à  tenir  nue  conduite  contraire 
à  l'honneur  de  ce  pays  cl  anx  principes  de  l'humanité.  » 
Walter,  Scott  donne  sérieusement  cette  déclaration  officielle 
d'un  ministre  en  parlement  pour  une  preuve  sans  réplique! 
Comme  si,  es  supposant  le  fait  véritable ,  le  ministre  an- 
glais pouvait  faire  autre  chose  que  de  le  nier.  On  voit  avec 
quelle  sévérité  Walter  Scott  choisit  ses  preuves  historiques. 

(l'historien  est  ici  bien  maladroit |  car,  en  avouant  que 
Drake  pouvait  légitimement  se  mêler  de  ces  complots,  il  ne  met 
pas  en  doute  le  résultat  sanglant  qu'ils  devaient  avoir.  «  Georges 
était  résolu,  dit-il,  à  commencer  l'entreprise  par  l'assassinat 
de;  Bonaparte;  et,  l'on  ne  peut  douter  que  Pichegru  n'eût  con- 
naissance de  ce  dessein,  plus  digne  cependant  d'un  féroce 
chef  de  chouans  que  du  conquérant  de  la  Hollande.  » 

Certainement,  le  projet  de  Georges  ne  pouvait  élre  un  mys- 
tère pour  ceux  qui  participaient  à  l'exécution;  aussi,  Walter 
Scott  blesse  des  intérêts  bien  autrement  respectables  que  ceux 
de  M.  Drake,  lorsqu'il  dit,  à  six  ligues  de  distance  de  la  phrase 
que  nous  venons  de  citer:  «Les  princes  français  attendaient 
sur  la  frontière  l'effet  de  ces  bouleversemens intérieurs,  »p.  107; 
et,  p.  114  :  «Nous  avons  remarqué  que  la  résidence  du  duc 
d'Enghien  sur  la  frontière  de  France  était,  jusqu'à  un  certain 
point,  liée  avec  l'entreprise  de  Pichegru.  »  Walter  Scott  ajoute 
cependant  que  le  prince  n'a  participé  en  rien  à  ce  qui  pouvait 
avoir  trait  à  l'assassinat  de  Bonaparte. 

La  violation  de   la  neutralité  suisse  par  le  Directoire  de  la 
république  est  justement  reprochée  à  la  France  dans  cette  his- 
toire, quoiqu'il  fût  de  notoriété  publique  que  les  ennemis  du 
I  gouvernement  français,  et  les  trames  qu'ils  voulaient  ourdir, 
1  étaient  protégés  dans  quelques-uns  des  cantons  (t.  iv,  ch.  5); 
1  mais  Walter  .Scott  a  perdu  toute  sa  morale  et  toute  sa  sévérité, 
lorsque,  en  i8i3,  ce  sont  les  ennemis  de  la  France  qui  violent 
cette  même  neutralité,  et  il  n'est  occupé  qu'à  chercher  des  rai* 
sons  de  justifier  celle  violation.  La  plus  spécieuse  qu'il  apporte, 


654  SCIENCES  MORALES. 

c'est  que  Napoléon  aussi  avait  viole  des  neutralités;  pitoyable 
raisonnement  qui  peut  servir  à  légitimer  l'injustice  jusqu'à  la  fin 
du  monde;  car,  depuis  qu'il  existe,  quelque  action  injuste  a  pu 
fournir  des  autorités  pareilles.  Une  autre  raison,  beaucoup  plus 
commode  encore,  sans  contredit,  c'est  V  extrême  facilité  d'entrer 
en  France  par  cette  frontière  ;  cela  suffit,  dit  l'historien,  pour 
engager  les  Autrichiens  et  les  Prussiens  à  mettre  de  côté  leurs 
scrupules.  (T.  vin,  p.  40.) 

Après  tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  on  ne  doit  pas  s'é- 
tonner que  Castîereagh  reçoive  de  grands  éloges  dans  celte  his- 
toire; ce  ministre  dont  les  doctrines  et  la  conduite  sont  dou- 
ble ment  inculpées  et  par  sa  propre  administration  ,  et  par 
l'administration  de  son  successeur;  ce  ministre  dont  la  fin 
tragique  n'annonce  d'ailleurs  ni  une  tête  bien  sensée ,  ni  une 
conscience  bien  tranquille,  est  un  grand  homme  d'état  aux  yeux 
de  Walter  Scott ,  qui  ne  manque  jamais  une  occasion  de  faire 
l'éloge  de  son  caractère  et  de  ses  principes. 

Castîereagh  était  l'âme  de  la  coalition  qui  a  renversé  Bona- 
parte ,  parce  qu'il  tenait  la  clef  du  trésor  où  elle  puisait  ses 
ressources.  Dirigée  par  le  ministre  anglais,  cette  coalition  s'est 
montrée  aussi  ambitieuse,  aussi  avide  qu'elle  l'a  osé;  et  elle  n'a 
rien  à  reprocher  à  Napoléon.  Comparons  les  deux  ennemis  : 
on  voit  d'abord  Napoléon  victorieux  offrir  constamment  la  paix 
à  des  conditions  assez  dures  pour  les  autres  et  fort  belles  pour 
lui;  mais,  après  les  grands  désastres  de  la  France,  les  rôles 
changent;  ce  sont  les  alliés  qui  offrent  la  paix  et  à  des  conditions 
plus  dures  encore;  et,  chose  singulière,  dans  l'un  et  l'autre  cas, 
ceux  qui  faisaient  des  offres  ne  se  souciaient  guère  qu'on  les 
acceptât;  et  les  alliés,  non  moins  que  Napoléon,  devenaient 
exi,Teans  et  déraisonnables  par  la  victoire.  L'intérêt  de  Bona- 
parte était  sa  politique ,  sa  morale  et  sa  loi,  on  ne  saurait  trop 
le  répéter;  mais  il  ne  faut  pas  taire  non  plus  le  profond  égoïsme 
que  montra  alors  le  cabinet  anglais.  Cet  égoïsme  n'était-il  pas 
depuis  long-tems  passé  en  proverbe  parmi  les  nations?  C'était 
un  axiome  dont  la  vérité  n'était  plus  contestée  qu'à  Londres; 
et  les  membres  de  l'alliance  prirent  l'exemple  du  chef.  Cepen- 


SCIENCES  MORALES  558 

dant  toutes  les  déclamations  <le  W'alter  Scott  sont  dirigeai 

CODtrti  nous  seuls.  Oui,  nous  avons  été  terribles:  oui,  nous 
vous  avons  humiliés  ;  oui,  nous  avons  tenu  l'Europe  à  nos  pieds; 
niais,  quand  l'Europe  relevée  nous  envahit  à  son  tour,  quand 
elle  rançonne  la  France,  avouez  donc  que  vous  vous  êtes  ven- 
des, et  ne  vantez  pis  votre  magnanimité  ,  quand  vous  nous 
avez  accablés.  Lorsqu'on  lit  de  pareils  ouvrages  ,  on  se  sent 
s;iisi  de  tristesse  en  contemplant  le  sort  des  peuples,  misérables 
jouets  dans  des  mains  égoïstes  et  ambitieuses,  victimes  con- 
sentes de  l'avidité  et  de  l'orgueil  des  cabinets. 

Nous  avons  trop  d'expérience  des  hommes  pour  nous  éton- 
ner que  l'Angleterre  ait  largement  profité  des  triomphes  delà 
coalition,  et  qu'elle  ait  gardé  tout  ce  qui  était  à  sa  convenance 
dans  les  dépouilles  des  nations,  le  cap  de  Bonne-Espérance  et 
l'Ile  de  Fiance  sur  la  route  des  Indes,  Malte  et  les  sept  îles 
dans  la  Méditerranée,  etc.  Mais,  de  qui  nous  étonne,  c'est  un 
historien  qui,  en  racontant  ce  partage  du  lion  ,  vante  la  géné- 
rosité de  la  puissance  qui  garde  pour  elle  la  plus  belle  part;  un 
historien  qui  dit  sèchement:  Tout  fut  rendu  à  la  France,  ex- 
cepté Tabago  et  Vile  Maurice',  c'est-à-dire,  excepté  ce  qui  va- 
lait quelque  chose;  et  notez  bien  que  les  Anglais  n'ont  gardé 
Maurice  que  pour  nous  nuire,  car  c'est  pour  eux  une  posses- 
sion sans  utilité  directe.  «Il  n'était  pas  au  pouvoir  de  l'Europe 
unie,  dit  "YValter  Scott,  d'ôter  à  l'Angleterre  une  seule  des 
conquêtes  qu'elle  avait  faites;  toute  la  question  se  réduisait 
donc  à  savoir  ce  que  l'Angleterre  consentirait  à  céder  volontai- 
rement. »  (T.  vin,  p.  322  ).  Ainsi,  pour  l'Angleterre,  le  droit 
de  conquête  est  légitime  ;  il  dépend  d'elle  de  rendre  ou  de  gar- 
der les  fruits  de  l'occupation  militaire.  Vingt  pages  plus  loin  , 
lorsqu'il  s'agit  de  la  France,  l'historien  parle  une  autre  langue; 
les  fruits  de  la  conquête,  c'est  de  V usurpation  militaire.  «  Le 
moindre  goujat  de  l'armée,  dit- il  à  l'occasion  des  malheurs 
éprouvés  par  la  France  en  181 4 ,  affectait  de  ressentir  sa  part 
du  désastre  national ,  pour  la  perte  de  provinces  sur  lesquelles 
la  France  n'avait  d'autre  droit  que  l'usurpation  militaire.  » 
(  p.  344  )•  Et  quel  autre  droit  avez-vous  sur  Malte  ,  sur  le  Cap, 


6j(»  sciences  morales. 

sur  l'Ile  de  France  et  sur  tant  d'autres  produits  de  la  conquête? 
Toujours  deux  poids  et  deux  mesures  !  toujours  deux  con- 
sciences ! 

Si,  au  lieu  d'un  article,  nous  faisions  un  livre,  nous  aurions 
à  développer  bien  d'autres  considérations  qui  achèveraient  de 
prouver  que  notre  historien  a,  lorsqu'il  est  nécessaire,  une  mo- 
rale fort  commode;  elles  ne  nous  manqueraient  pas  non  plus 
pour  établir  qu'il  a  souvent  la  vue  très  courte.  Ainsi,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit,  la  vie  de  Napoléon  n'a  été  qu'une  lutte 
contre  l'Angleterre,  lutte  reproduite  sous  mille  formes,  et  qui, 
commencée  à  Toulon,  n'a  fini  que  sur  le  rocher  de  Sainte-Hélène. 
Le  génie  de  cet  homme  extraordinaire  s'était  proposé  l'abaisse- 
ment de  l'Angleterre  non  moins  que  l'élévation  de  la  France;  et 
le  système  continental  était  l'un  des  principaux  moyens  qu'il  met- 
tait en  usage  pour  arriver  à  ce  but  ;  c'est  un  fait  notoire  dont  per- 
sonne ne  conteste  la  certitude.  Eh  bien  !  Walter  Scott  a  quelque 
peine  à  le  deviner;  il  n'en  parle  que  sous  la  forme  du  doute,  et 
quelquefois  il  ne  le  soupçonne  même  pas.  Ainsi,  à  l'occasion  de 
la  paix  de  Tilsilt,  Walter  Scott  dit  :  «  Il  semble  que  le  principal 
objet  de  Bonaparte  fût  de  donner  de  nouvelles  forces  à  ce  qu'il 
appelait  son  système  continental ,  pour  parvenir  à  détruire  en- 
fin le  reste  des  communications  précaires  que  l'Angleterre  en- 
tretenait encore  avec  les  nations  du  continent ,  par  son  com- 
merce extérieur.  »  Il  semble  !  lorsqu'il  s'agit  d'un  fait  si  positif, 
si  avéré,  et  d'une  importance  telle  qu'on  peut  le  considérer 
comme  le  fondement  de  toute  la  politique  de  Napoléon  ,  comme 
le  mobile  principal  de  toutes  ses  conquêtes!  Cette  clarté  dou- 
teuse qui  éclaire  encore  l'historien  va  même  s'éteindre  tout-à- 
fait,  lorsqu'à  l'occasion  de  la  guerre  de  Russie  il  s'étonne  que 
Napoléon  n'ait  pas  simpliQé  ses  opérations  en  cédant  à  l'Au- 
triche les  provinces  illyriennes  en  échange  de  la  Galicie.  Il  at- 
tribue cette  obstination,  qu'il  blâme,  à  la  ténacité  qui  empêchait 
Bonaparte  de  jamais  rien  abandonner  de  ce  qu'il  avait  une  fois 
possédé.  Mais  les  provinces  illyriennes  avaient  des  côtes  ;  et  par 
cette  cession,  Napoléon  se  mettait  directement  en  contradic- 
tion avec  lui-même;  il  ouvrait  des  ports  à  l'Angleterre,  tandis 


SCIENCES  MORALES.  Bfy 

qu'il  n'entreprenait  In  guerre  de  Russie  que  pour  lui  en  fermer. 
Walter  Scott  n'a  p:»s  I  air  de  s'en  douter»  et  c'est  avec  la  même 
ignorance  <>u  la  même  distraction ,  qn  il  prétend  que ,  dans  les 
négociations  préliminaires  qui  curent  lieu  entre  la  France  et 
la  Russie  «.  les  causes  originaires  de  la  querelle  étaient  uYjà  ar- 
rangées »  (  T.  vu',  p.  ao'5).  Ces  causes,  que  1  historien  ne  veut 
pas  voir,  c'était  la  violation  des  conventions  précédentes  au 
sujet  tlu  commercé  anglais;  et  les  deux  puissances  étaient  loin 
de  s'entendre  sur  ce  point.  Or,  cette  erreur  de  Walter. Scott  est 
d'autant  plus  étrange  que  tout  à  l'heure  il  va  rapporter  un  en- 
tretien de  Napoléon  et  de  "abbé  de  Pradt  où  il  transcrit  ces 
propres  paroles  de  l'empereur  :  «  Si  la  Russie  n'y  était  comprise, 
le  système  continental  ne  serait  qu'une  pure  extravagance.  » 
(  p.  a»  i  )'. 

C'est  faute  d'avoir  compris  cette  grande  affaire  de  la  vie  de 
Napoléon  ,  que  Walter  Scott  lui  reproche  l'instabilité  de  sa  po- 
litique ;  f<  fondée  sur  les  circonstances  du  moment,  dit  -  il ,  et 
non  sur  un  principe.  »  (  T.  vi  ,  p.  378  ).  Ce  principe  constant, 
invariable,  qui  a  toujours  guidé  Napoléon  et  que  Walter  Scott 
ne  voit  pas ,  nous  l'avons  dit,  tout  le  monde  l'a  connu. 

L'erreur  de  Walter  Scott  sur  ce  fait  capital  explique  bien 
d'an  1res  erreurs  de  moindre  importance.  Nous  l'avions  déjà 
remarqué  dans  !e  précis  sur  la  révolution  ,  et  l'histoire  de  Na- 
poléon nous  en  fournit  une  preuve  nouvelle  :  la  rectitude  de 
jugement  manque  à  l'historien  aussi  bien  que  la  droiture  de 
conscience. 

Nous  aurions  pu  faire  de  nos  articles  sur  ce  livre  un  plai- 
doyer pour  la  nation  française,  et  pour  quelques  particuliers 
assez  cruellement  blessés  dans  le  plaidoyer  de  Walter  Scott 
pour  le  cabinet  anglais;  nous  avons  dédaigné  toute  récrimina- 
tion contre  une  partialité  nationale  qui  nous  a  paru  souvent 
aveugle;  c'est  seulement  en  faveur  des  principes  que  nous 
avons  pris  la  plume;  et  malheureusement  pour  Walter  Scott 
il  n'a  fourni  qu'une  tache  trop  laborieuse  à  ceux  qui  voudront 
entreprendre  de  les  venger. 

M.  AvrvF.r. 
t.  nxxvt. —  Drccmbrc  189.7.  f%l 


LITTERATURE. 


Les  Amours  mythologiques  ,  traduits  des  Métamor- 
phoses d'Ovide ,  par  de  Pongerville.  Troisième 
édition y  revue,  corrigée  et  considérablement  aug- 
mentée (i). 

La  mythologie  est  usée,  nous  dit-on  chaque  jour.  Je  le  crois. 
Mais  d'où  vient  que,  lorsqu'un  homme  de  talent  reproduit  dans 
une  version  lieureuse  les  beautés  poétiques  dont  elle  fut  si 
féconde  sous  la  plume  des  anciens,  son  ouvrage  obtient  aussitôt 
un  succès  populaire?  D'où  vient  qu'il  efface  à  l'instant,  non- 
seulement  dans  l'opinion  des  gens  de  goût,  mais  dans  celle  du 
public  pris  en  masse,  la  plupart  des  compositions  fondées  sur 
les  croyances  contemporaines?  N'en  faut-il  pas  conclure  qu'il  y 
a  dans  le  merveilleux  mythologique  un  charme  auprès  duquel 
tout  autre  merveilleux  semble  triste  et  monotone?  .Sans  doute, 
celui  qui  voudrait  aujourd'hui,  dans  ses  propres  inspirations, 
adopter  les  croyances  du  paganisme,  ne  pourrait  se  promettre 
aucun  succès.  Il  faut  que  le  poëte  ait  foi  aux  divinités  qu'il 
invoque.  Il  faut  que  ces  divinités  puissent  raisonnablement 
prendre  part  aux  faits  qu'il  raconte;  et  la  déesse  d'Idalie, 
cherchant  à  subjuguer  un  héros  protestant  qui  se  fait  catho- 
lique au  dénoûment  du  poëme,  est  la  plus  froide  de  toutes  le$ 
fictions.  Mais  ces  moîifs,  qui  semblent  devoir  exclure  à  jamais 
les  divinités  de  la  fable  de  nos  compositions  originales,  n'exis- 
tent pas  pour  le  traducteur.  Tel  est  le  bonheur  de  sa  position 
que  les  riantes  superstitions  de  l'antiquité  sont  pour  lui  encore 


(i)Paris,  1828;  Dondey-Dupré.  1  vol.  in-18,  papier  vélin ,  de 
vij  et  2  3o  pages  ;  prix,  4  fr«  5o  c.  ,  avec  vignettes  et  gravure. — Voy. 
le  compte  que  nous  avons  rendu  des  deux  premières  éditions ,  liée. 
Enc. ,  t.  xxxii  ,  p.  778  et  t.  xxxiii  ,  p.  248. 


LITTÉAATURft 

vivantes;  et,  taudis  que  roi  autres  portes,  luttant  péniblement 

(•outre  les  ineon\  éniens  «l'une  croyance  rigide  et  tout  empreinte 
<le  spiritualisme,  n'ont  pour  animer  leilfi  paysages  (pie  la  \  [erge 
du  rocher  et  l'ange  (le  la  solitude,  il  voit  la  nature  encore 
peuplée  des  dieux,  passionnés  de  l'Olympe  et  du  Ménale;il  a 
encore  pour  patron.  Apollon  et  les  Muses. 

Telles  sont,  en  partie,  les  causes  du  succès  éclatant  qu'ob- 
tinrent dès  leur  apparition  les  Amours  mythologique? %  et  M.  de 
PoUgerville  le  reconnaît  lui-même  dans  sa  préface,  qu'il  ter- 
mine par  cette  remarque  :  «  Les  siècles  ont  changé  ou  modifié 
toutes  les  croyances;  la  mythologie  est  encore  la  religion  des 
arts.  »  Reconnaissons,  à  notre  tour,  qu'une  mine  si  épuisée  ne 
peut  plus  être  exploitée  avec  succès  que  par  un  grand  talent; 
et  pour  réussir  en  traduisant  Ovide,  il  ne  fallait  pas  seulement 
reproduire  avec  élégance  les  beautés  de  cet  ingénieux  écrivain, 
il  fallait  encore  laisser  loin  derrière  soi  la  version  estimable 
qu'en  a  faite  Desaintange.  A  la  vérité,  Desaintange  n'était  pas 
un  grand  poète.  Les  tableaux  les  plus  animés  ont  peine  à 
échauffer  sa  verve;  les  pins  brillantes  descriptions  l'excitent 
rarement  à  donner  de  l'éclat  à  son  coloris;  aucun  mot,  aucun 
tour  ne  paraît  trop  prosaïque  à  sa  perfide  fidélité.  Mais,  à 
force  de  travail  et  d'exactitude,  il  réussit  assez  bien  dans  les 
passages  qui  exigent  moins  de  luxe  poétique,  tels  que  les  ré- 
flexions de  l'auteur  et  les  discours  des  personnages.  Or,  dans 
ces  passages  même,  il  est  bien  rare  que  M.  de  Pongerville  ne 
lui  soit  pas  très-supérieur. 

Nos  lecteurs  voudraient  sans  doute  voir  comparer  ici  les 
deux  traductions.  Limités  par  l'espace,  nous  ne  pouvons  leur 
en  offrir  que  quelques  morceaux  fort  courts.  Ils  suffiront, 
j'espère,  pour  confirmer  le  jugement  que  nous  venons  de 
porter.  Voici  la  course  d'Atalante  et  d'Hippomène,  d'après 
Desaintange  ;  c'est  Vénus  qui  en  fait  le  récit  : 

Mais  la  trompette  sonne  :  ils  partent  ,   et  leurs  pas 
Effleurent  la  carrière,  et  ne  la  touchent  pas. 
Leurs  pieds  sans  se  mouiller  auraient  couru  sur  l'onde. 
Ils  auraient,  sans  courher  leur  chevelure  hlonde, 

kl. 


66o  LITTÉRATURE. 

Glissé  sur  les  épis,  ou  sur  la  gerbe  en  fleur. 

Hippomène  a  pour  lui  la  publique  faveur. 

On  lui  crie  :  Avancez,  qu'un  beau  feu  vous  enflamme. 

Courage!  vous  vaincrez.  Dans  le  fond  de  son  âme 

Peut-être  autant  que  lui  désirant  son  succès , 

Atalante  du  peuple  approuve  les  souhaits. 

Que  de  fois  trop  légère  elle  hésite  et  s'arrête  ! 

Que  de  fois  pour  le  voir  elle  tourne  la  tête  ! 

Hippomène,  déjà  de  fatigue  accablé, 

Commence  à  perdre  haleine  et,  de  crainte  troublé, 

Se  voit  bien  loin  encor  du  terme  de  la  lice. 

En  ce  pressant  danger,  il  use  d'artifice  , 

Et  lance  dans  l'arène  une  des  pommes  d'or. 

Atalante  s'étonne,  admire  ce  trésor, 

S'arrête  ,  se  détourne,  et  saisit  l'or  qui  roule. 

Il  la  laisse  en  arrière,  et  tout  le  cirque  en  foule, 

En  poussant  mille  cris,  l'anime  et  l'applaudit. 

Mais,  regagnant  bientôt  le  tems  qu'elle  perdit , 

La  nymphe  aux  pieds  légers  prend  sa  course  et  le  passe. 

Il  jette  un  second  fruit;  elle  y  court,  le  ramasse, 

Revole  et  le  devance.  On  approchait  du  but. 

Toi  qui  m'as  fait  ces  dons ,  Vénus  ,  sois  mon  salut , 

Dit-il,  et  bien  loin  d'elle,  à  travers  la  carrière , 

11  roule  obliquement  une  pomme  dernière. 

Atalante  incertaine  hésite  à  la  saisir. 

Je  vois  son  embarras;  j'excite  son  désir; 

Et  je  rends  dans  ses  mains  la  pomme  plus  pesante. 

Le  poids  et  le  détour,  tout  refarde  Atalante  , 

Et,  couronné  par  moi  du  myrte  le  plus  doux  , 

Hippomène  triomphe  et  devient  son  époux. 

Écoutons  maintenant  M.  de  Pongerville: 

Mais  déjà  dans  les  airs  sonne  l'airain  fatal. 

Atalante,  Hippomène,  attentifs  au  signal , 

Volent...  D'un  pas  léger  ils  effleurent  l'arène. 

Ils  pourraient  d'un  pied  sec  des  mers  franchir  la  plaine 

Ou,  des  jeunes  moissons  rasant  les  verts  tapis  , 

Courir  sans  les  courber  sur  leurs  mouvans  épis. 

La  foule  émerveillée  encourage  Hippomène  : 

•  Poursuis;  presse  tes  pas;  ta  victoire  est  certaine.  » 


LITTÉRATURE.  66  i 

Du  public  intérêt  peut-être  CU  06  moment 

Atalante  est  flattée ,  autant  que  son  amant 

Que  de  lois,  redoutant  un  triomphe  perfide, 

Elle  vont  modeler  son  essor  trop  rapide! 

Que  de  fois  ,  pour  le  voir  se  tournant  en  sceret. 

Timide  ,  elle  reprend  sa  course  avec  regret  1 

Ilippomène  lassé  n'exhalait  plus  qu'à  peine 

De  son  sein  haletant  une  hrùlante  haleine. 

Cependant  il  est  loin  du  terme  souhaité; 

Mais  U!i  des  fruits  hrillans  sur  le  sable  est  jeté; 

11  retentit  et  roule...  Atalante  s'élance, 

L'admire  ,  le  saisit...  son  amant  la  devance. 

Tout  le  peuple  applaudit}  et  de  ces  cris  joyeux 

Le  murmure  confus  s'élève  vers  les  cieux. 

Atalante  aussitôt  dans  la  lice  est  rentrée. 

La  perte  d'un  moment  est  déjà  réparée. 

Hippomène  vaiucu  lance  un  second  fruit  d'or. 

Elle  y  court,  s'en  empare,  et  le  devance  encor. 

«  Vénus  ,  protége-raoi  !  •  crie  alors  Hippomène , 

Et  son  dernier  fruit  roule  en  traversant  l'arène. 

Atalante  incertaine  hésite  à  le  saisir. 

(  On  approchait  du  but.  )  J'excite  son  désir. 

Elle  cède ,  poursuit  la  pomme  bondissante. 

La  pomme  est  dans  sa  main  ;  je  la  rends  plus  pesante. 

Poursuivre  leur  vitesse  enfin  dans  mes  récits, 

DTIippomène  vainqueur  Atalante  est  le  prix. 

Quelle  différence  entre  ces  deux  morceaux!  Combien  celui 
de  M.  de  Pongerville  l'emporte  par  le  mouvement,  la  grâce 
et  la  légèreté!  Qui  oserait  comparer  ces  vers  pleins  d'élé- 
gance , 

Ils  pourraient  d'un  pied  sec  des  mers  franchir  la  plaine,  etc. 
à  des  vers  tels  que  ceux-ci  : 

Leurs  pieds  sans  se  mouiller  auraient  couru  sur  l'onde,  etc. 

Autant  il  y  a  de  vivacité  dans  ces  acclamations, 
Poursuis  ,  presse  tes  pas  ,  ta  victoire  est  certaine! 


66*  LITTÉRATURE. 

autant  il  y  a  de  pesanteur  et  de  gaucherie  dans  celles-ci  : 

Avancez  !  qu'un  beau  feu  vous  enflamme. 
Courage!  vous  vaincrez. 

M.  de  Pongerville  n'est  pas  moins  supérieur  à  son  devancier 
dans  ces  passages  : 

Il  retentit  et  roule...  Atalante  s'élance  , 
L'admire,  le  saisit... 

Et  plus  loin  : 

Elle  y  court,  s'en  empare  et  le  devance  encor. 

Il  y  a  loin  de  cette  rapidité  imitative  à  l'allure  de  l'ancien  tra- 
ducteur! Un  seul  trait  me  semble  regrettable  dans  sa  version  : 
l'or  qui  roule ,  qui  rend  assez  heureusement  Vaarum  volubilc 
d'Ovide. 

La  description  qui  va  suivre  a  une  couleur  bien  différente. 
C'est  Térée  mutilant  Philomèle.  Desaintange  s'exprime  ainsi  : 

Le  coupable  ,  agité  des  horreurs  de  son  crime  , 
Saisit  par  les  cheveux  l'innocente  victime  , 
Lui  tord  les  bras  ,  l'enchaîne  et  tire  un  coutelas. 
Elle  lui  tend  la  gorge  et  ne  résiste  pas  ; 
Elle  espère  la  mort  ;  mais  ce  tigre  farouche , 
Pour  étouffer  les  cris  qu'exhale  encor  sa  bouche, 
Dans  un  transport  de  rage  et  de  crainte  à  la  fois  , 
Saisit  dans  son  gosier  l'organe  de  sa  voix  : 
Sa  langue  est  arrachée.  Elle  tombe  et  palpite 
Mutilé  par  le  fer,  tel  un  serpent  s'agite. 
Il  fit  plus  ,  il  osa ,  bourreau  dans  ses  plaisirs , 
Sur  sa  victime  encore  assouvir  ses  désirs. 

Desaintange,  dans  ce  morceau,  semble  avoir  été.  entraîné  par 
l'énergie  et  la  vigueur  de  son  modèle.  Il  y  a  dans  sa  version 
de  la  chaleur  et  du  mouvement.  Mais  combien  ici  encore  M.  de 
Pongerville  lui  est  supérieur: 

De  Térée  à  ces  mots  la  rage  se  ranime. 
Par  les  cheveux  épars  il  saisit  sa  victime , 


LITTÉRATURE.  661 

Tire  un  glaive  ,  m  fureur  lui  tord  tel  faibles  bras. 

Elle  lui  tend  la  gorge,  etpère  le  trépas. 

Aux  reproches  sanglans  que  sa  douleur  profère, 

Sa  langue  libre  encorjeini  le  doux  nom  de  père. 

F.e  barbare  la  tranche  ,  et  de  gang  dégouttant* 
Le  tronçon  vivant  crie  et  tombe  en  palpitant. 
Tel  le  corps  d'un  serpent  mutilé  sur  l'arène, 
Vers  sa  tête  en  mourant  se  replie  et  se  traîne. 
Le  monstre...  Ah  !  qui  croira  tant  de  perversités? 
Le  monstre  goûte  encor  d'horribles  voluptés. 

(''est  ici  que  l'on  reconnaît  toute  la  distance  qui  sépare  le 
versificateur  du  poète  :  l'un  satisfait  l'esprit  par  l'énergie  de  la 
description;  l'autre  fait  frémir  tous  les  sens  de  l'atrocité  du 
crime.  Je  m'abstiens  de  comparer  les  détails  des  deux  traduc- 
tions ;  le  lecteur  jugera  sans  peine  combien  la  dernière  est  à  la 
fois  plus  claire  el  plus  poétique;  et  il  me  saura  gré  de  consacrer 
l'espace  qui  me  reste  à  la  citation  d'un  troisième  fragment  des 
Amours  mythologiques.  Je  l'emprunterai  à  cette  même  fable  de 
Philomèle.  Le  poète  vient  de  peindre  cette  infortunée  délivrée 
par  sa  sœur  et  conduite  au  palais  de  Térée  sous  le  costume 
d'une  bacchante. 

La  douleur  est  captive  en  sa  bouche  muette; 

Mais  un  geste  éloquent  est  son  vif  interprète. 

De  courroux  transportée  et  d'un  front  menaçant  : 

«  Des  pleurs  !  lui  dit  Progné.  Des  pleurs  !  il  faut  du  sang. 

Prenons  le  fer,  la  flamme.  Au  crime  je  suis  prête. 

Vengeance!  dût  la  foudre  éclater  sur  ma  tête! 

Embrasé  par  mes  mains,  ce  palais  croulera. 

Sous  ses  brûlans  débris  le  tyran  périra. 

Mais  plutôt,  je  voudrais  le  massacrer  moi-même  , 

De  ses  yeux  arrachés  souiller  son  diadème, 

Éteindre  dans  son  sang  un  exécrable  amour, 

Sur  ses  membres  brisés  m'acharner  tour  à  tour, 

Et  par  mille  tourmens  déchirant  le  parjure, 

De  son  corps  en  lambeaux  chasser  son  ame  impure. 

Je  médite  un  grand  crime  et  j'ignore  ,  ô  ma  sœur, 

Quel  crime  assouvira  mon  immense  fureur.  » 


&$4  LITTÉRATURE. 

Ilys ,  le  jeune  Itys  accourait  vers  sa  mère. 

Cet  aspect  lui  sul/if.  «  Qu'il  ressemble  îi  sou  père  !  « 

Elle  se  tait,  sur  lui  jette  un  regard  cruel... 

Le  forfait  est  conçu  dans  son  coeur  criminel  j 

Je  m'arrête  ici  avec  regret.  Tant  de  beautés  de  genres  si 
divers  prouvent  la  flexibilité  du  talent  de  M.  de  Ppngerville. 
Conduit  par  l'analogie  des  sujets,  il  a  réuni  dans  les  Amours 
mythologiques 9  la  partie  la  plus  dramatique  des  Métamorphoses. 
Il  dépend  maintenant  de  lui  de  reproduire  en  entier  ce  beau 
poème  d'une  manière  digne  des  grands  maîtres  dont  il  suit  les 
traces.  Qu'il  continue  avec  courage  une  entreprise  si  heureuse- 
ment commencée,  et  la  France,  dont  ïes  suffrages  unanimes 
ont  été  le  prix  de  sa  belle  traduction  de  Lucrèce  ,  placera  avec 
joie  parmi  les  talens  dont  elle  s'honore  le  plus  celui  qui  lui 

aura  élevé  ce  nouveau  monument  littéraire. 

Chauvet. 

Commldie,  elc.  — Comédies  de  M.  Albcn  Nota.  Dixième 

édition  (1). 

Les  Italiens,  fiches  dans  tous  les  genres  de  littérature,  vou- 
lurent aussi  se  distinguer  dans  le  genre  comique.  Quoique  la 
plupart  de  leurs  poètes  du  xvie  siècle  se  fussent  contentés 
d'imiter  Plaute  et  Térence  ,  comme  ceux-ci  avaient  jadis 
imité  Diphylus ,  Apollodore  et  Ménandre;  parmi  ces  nom- 
breuses imitatious,  on  retrouve,  dès  cette  époque,  un  grand 
nombre  de  comédies  qui  présentent  un  intérêt  assez  neuf  pour 
être  regardées  comme  originales.  Il  en  est  qui  unissent  le 
comique  de  caractère  et  de  situation  au  comique  d'intrigue, 
et  dans  lesquelles  on  peut  louer  la  vivacité  du  dialogue  et  l'à- 
propos  des  saillies.  On  a  même  quelquefois  applaudi  sur  la 
scène  italienne  des  traits  piquans,  dirigés  contre  les  personnes 
et  les  classes  les  plus  considérées  de  la  société,  et  dont  la  har- 


(i)  Milan,  i8aj6j  G.  Siivestri.  i  vol.  m-12,  avec  le  portrait  de  l'au- 
teur. 


LPTTÉB  VVl  Kl..  66  » 

diesse,  malgré  lu  différence  des  temsetdeS  manu-,,  rappelait 
la  manière  el  presque  la  licence  d'Aristophane.  Enfin,  toui  en 
adoptanl  les  formes  sous  lesquelles  la  comédie  s'était  déjà 
montrée  dans  ses  j>4us  beaux  jours  parmi  les  anciens ,  plusieurs 
des  poètes  comiques  italiens- eurenl  le  talent  de  les  approprier 

AUX  gOÙtS  61  ailX  opinions  de  leur  siècle  el  de  l<in  imiioti.  Ils 
prenaient  souvent  dans  la  chronique  scandaleuse  du  jour  les 
caractères,  les  anecdotes  et  les  ridicules  dont  la  peinture  amu- 
sait et  intéressait  leurs  compatriotes.  IN  ous  rappellerons,  à  l'appui 
de  ce  que  nous  venons  d'avancer,  diverses  comédies  du  xvie 
siècle,  celles  de  Cccchi,  du  Lasca ,  de  Bcntivoglio,  de  François 
d'Ambra,  de  l'Arétin,  etc.  Toutes  ces  pièces  avaient  déjà  été 
devancées  par  les  comédies  de  l'Arioste,  par  la  Calandria  du 
cardinal  de  Bibbicna  et  la  Mandragora  de  Machiavel,  qui,  un 
siècle  avant  Molière,  donnèrent  à  l'Europe  l'exemple  de  la 
véritable  force  comique,  et  présentèrent  sur  la  scène,  bien  avant 
le  Tartufe,  un  frère  dominicain  et  ce  frère  Timothce,  si  empressé 
à  tirer  parti  de  sa  profession  pour  le  bien  de  son  couvent. 

Vers  le  commencement  du  xvne  siècle,  on  trouve  à  peu 
près  le  même  caractère  dans  diverses  pièces  de  J.-B.  de  la 
Porta,  napolitain,  qui,  occupé  des  recherches  les  plus  im- 
portantes de  la  philosophie ,  et  tout  en  contribuant  au  perfec- 
tionnement du  télescope  avec  Galilée,  ne  cessa  de  se  montrer 
aussi  original  dans  le  genre  comique  que  dans  ses  recherches 
et  ses  découvertes  physiques.  Le  défaut  qu'on  a  souvent  re- 
proché à  ces  poètes  est  d'avoir  donné  plus  d'importance  à 
l'intrigue  qu'au  développement  des  caractères;  tandis  qu'au- 
jourd'hui, d'après  l'exemple  de  Molière,  on  sacrifie  ordinai- 
rement l'intrigue  à  ce  développement.  Mais,  sans  prononcer 
sur  la  supériorité  de  l'un  ou  de  l'autre  genre,  pourquoi  se  pri- 
ver de  ces  moyens  de  plaire  et  d'instruire?  Ne  vaudrait-il  pas 
mieux  les  combiner,  et  faire  en  sorte  que  l'intrigue  se  prêtât 
davantage  à  développer  les  caractères?  Sans  approuver  l'abus 
que  l'on  a  fait  de  la  complication  de  l'intrigue,  nous  rendons 
volontiers  justice  à  ces  comédies  italiennes  dont  l'auteur  pré- 
pare et  amène  des  situations  comiques  et  inattendues  qui,  au 


G66  LITTÉRATURE. 

Lieu  d'étouffer  les  caractères,  les  font  encore  mieux  ressortir. 

Maigre  ces  nombreuses  productions  dont  les  défauts  étaient 
rachetés  par  des  beautés  du  premier  ordre ,  des  étrangers 
n'ont  jugé  le  théâtre  italien  que  d'après  des  pièces  monstrueuses 
et  des  bouffonneries  semblables  à  celles  dont  les  mimes  de 
tous  les  pays  amusent  la  populace.  Ce  qui  est  plus  étonnant, 
c'est  que  de  telles  erreurs,  répandues  sur  la  parole  de  Saint- 
Évremont  et  de  l'abbé  d'Aubignac,  par  Marmontel  et  La 
Harpe,  soient  adoptées  de  nos  jours,  même  après  les  ana- 
lyses et  les  recherches  critiques  de  Ginguené.  Avouons  néan- 
moins que  la  comédie  italienne,  qui  avait  tant  brillé,  avant 
Molière,  commença  à  dégénérer  à  l'apparition  de  cepoëte, 
qui  donna  à  son  art  une  perfection  qu'on  n'avait  pas  encore 
atteinte  et  que  l'on  n'a  point  surpassée.  Depuis  cette  époque, 
loin  de  profiter  de  ce  grand  modèle  ,  et  de  suivre  son  exemple, 
les  Italiens  se  laissèrent  entraîner  par  l'autorité  et  le  goût  deb 
Espagnols.  Les  règles  de  leur  théâtre  prévalurent  comme  les 
lois  de  leur  inquisition;  et  l'on  vit  les  ouvrages  les  plus  absurdes 
servir  de  distraction  et  d'auxiliaire  au  despotisme  le  plus  hu- 
miliant. La  seule  consolation  que  Ton  éprouve  en  parcourant 
cette  époque  littéraire,  c'est  de  voir  quelques  bons  esprits  faire 
des  efforts  pour  repousser  ce  nouveau  genre  de  conceptions,  ou 
pleurer  sur  la  servilité  de  leurs  contemporains. 

Lorsqu'on  s'est  engagé  dans  une  fausse  route,  et  qu'on  s'est 
long-tems  égaré,  il  en  coûte  beaucoup,  et  il  est  nécessaire  de 
tenter  de  nombreux  essais ,  pour  rentrer  dans  le  bon  chemin.  Ce 
fut  Charles  Goldoni  qui,  après  un  siècle  d'écarts  et  même  d'ex- 
travagances, rouvrit  la  carrière  en  luttant  contre  les  obstacles 
que  lui  opposaient  la  routine  et  le  préjugé.  Il  fit  reparaître  et 
triompher  la  bonne  comédie.  En  vain  les  plaintes  et  les  cris  des 
mimes  qui  improvisaient  la  comédie  de  l'art ,  en  vain  les  efforts 
et  même  les  talens  de  Charles  Gozzi  et  de  ses  partisans  cher- 
chèrent à  détourner  le  public  delà  réforme  goldonienne,  au 
moyen  des  fables  (fiabe)  tirées  des  régions  de  la  féerie  et  de  la 
magie.  Le  peuple ,  incertain  quelque  tems  à  la  vue  de  ces  spec- 
tacles qui  tendaient  à  corrompre  la  raison  et  à  maintenir  de 


LITTÉRATURE.  ^67 

yieux  préjugés  ,6ml  par  les  mépriser.  Il  lesméprise  encore ,  en 
dépit  des  assertions  contraires  de  quelques  critiques  étrangers. 

Les  comédies   (le  Coldoni  ont  été  généralement  applaudies;  la 

France  elle-même  reconnu!  leur  mérite,  ei  la  fécondité  et  le  natu 
ici  de  leur  auteur  lui  assignent  un  rang  distingué  après  Molière. 

La  comédie  italienne  éprouva  ensuite  une  crise  semblable  à 
celle  qui  s'était  déjà  manifestée  sur  la  scène  française.  Pur- 
gée de  toutes  ces  bouffonneries  et  de  ces  monstruosités  gro- 
tesques qui  convenaient  tout  au  plus  à  la  farce,  elle  crut  s'en- 
noblir en  se  rapprochant  de  la  tragédie.  On  vit  des  personnages 
comiques  prendre  le  ton  des  Atrée  et  des  Thyestc,  et  ce 
qui  n'était  qu'une  parodie  de  la  véritable  tragédie,  reçut  le 
nom  spécieux  et  bizarre  de  comédie  larmoyante  et  de  tragédie 
bourgeoise.  Je  ne  prétends  pas  restreindre  les  bornes  du  genre 
comique.  Que  les  auteurs  profitent  de  tout  ce  que  leur  pré- 
sentent de  plus  convenable  les  diverses  classes  de  la  société; 
qu'ils  choisissent  dans  tous  les  rangs  les  personnes  et  les  ca- 
ractères sur  lesquels  ils  peuvent  et  doivent  exercer  leur  juri- 
diction :  j'improuve  seulement  l'abus  ridicule  que  l'on  fait  des 
couleurs  tragiques  dans  des  pièces  où  elles  sont  déplacées.  Je 
l'improuve  d'autant  plus  que  des  écrivains,  d'ailleurs  estimables, 
s'efforcent  de  l'autoriser.  Les  Italiens  ont  été  entraînés  vers  ce 
nouveau  genre  dramatique  :  leur  scène  n'offrit  bientôt  plus  que 
la  représentation  des  drames  de  La  Chaussée ,  de  Diderot,  de 
Mercier,  de  Beaumarchais,  d1 Arnaud ,  etc.  ;  on  se  faisait  une  loi 
de  suivre  leur  exemple.  C'est  alors  qu'une  foule  de  poètes,  sans 
avoir  le  talent  de  leurs  modèles  ,  s'emparèrent  de  leurs  défauts, 
qu'ils  exagérèrent.  Tels  ont  été  JVilli,  Gamerra,  Avellnni , 
Gualzetti,  Grcppi ,  et  beaucoup  d'autres  qui  ont  fatigué  du 
poids  de  leurs  drames  lamentables  les  théâtres  de  l'Italie. 

Au  milieu  de  cette  décadence  du  goût ,  l'école  de  Goldoni 
a  produit,  de  tems  à  autre,  des  élèves  qui  ont  essayé  de  con- 
server sa  manière  par  leurs  préceptes  et  leurs  exemples.  IVous 
signalerons  entre  autres  le  marquis  A ' Ibcrgaù-Capacelli ,  de 
Bologne  ,  M.  Gherardo  de  Rossi,  de  Rome,  et  l'avocat  Sograji, 
.le  Venise.  S'ils  n'égalèrent  pas  leur  modèle,  ils  surent  du  moins 


668  LITTÉRATURE; 

se  faire  estimer.  Quelques-unes  de  leurs  pièces  sont  encore 
applaudies  sur  la  scène.  On  a  vu  successivement  paraître  dans 
la  même  carrière  M.  Marclùslo,  de  Turin,  et  le  comte  Giraud , 
Romain.  Bien  qu'on  ait  reproché  au  premier  un  genre  d'esprit 
trop  grave  et  trop  mordant  qui  nuit  au  ton  de  la  plaisanterie, 
il  se  fait  pardonner  par  l'intérêt  des  situations.  M.  Giraud 
semble  doué  plus  que  les  autres  de  cette  imagination  féconde 
et  gaie,  si  nécessaire  pour  le  choix  et  l'intelligence  des  sujets, 
la  création  des  plans  et  l'art  de  faire  naître  des  incidens  co- 
miques. La  plaisanterie  ne  manque  jamais  à  son  dialogue;  et 
il  provoque  encore  plus  le  rire  par  ses  situations  et  ses  ta- 
bleaux. Son  Précepteur  dans  l'embarras  suffirait  seul  pour  jus- 
tifier ce  que  je  viens  de  dire;  mais  d'autres  pièces  plus  inté- 
ressantes font  regretter  que  l'auteur  ait  abandonné  trop  tôt  le 
genre  de  littérature  qui  lui  avait  valu  tant  de  succès. 

Nous  avons  cru  nécessaire  de  donner  cette  rapide  esquisse 
des  progrès  de  l'état  de  la  comédie  en  Italie,  avant  d'entrete- 
nir nos  lecteurs  du  talent  comique  de  M.  Nota.  Il  fallait  signa- 
ler les  défauts  et  les  qualités  de  ceux  qui  l'ont  devancé  dans  sa 
carrière ,  pour  faire  apprécier  son  mérite.  Malgré  les  fréquentes 
vicissitudes  de  l'art,  et  les  caprices  de  la  mode,  la  bonne 
comédie,  connue  long-tems  avant  Goldoni,  a  conservé  tous  ses 
droits  jusqu'à  nos  jours ,  et  M.  Nota ,  fidèle  à  l'école  de  ce  poëte  , 
paraît  devoir  surpasser  tous  ses  contemporains  que  nous  avons 
nommés,  et  qui,  bien  loin  de  lui  disputer  sa  gloire  littéraire, 
semblent  s'y  associer  en  lui  rendant  hommage.  On  a  publié 
plusieurs  notices  biographiques  sur  cet  écrivain;  et  comme  il 
mérite  cet  honneur ,  nous  en  donnerons  un  résumé  d'après  celle 
qui  précède  l'édition  de  ses  Comédies,  que  nous  annonçons. 

Albert  Nota  est  né  à  Turin  en  177$;  il  a  donc  atteint  sa 
cinquante-deuxième  année ,  et  peut  encore  prolonger  sa  car- 
rière. Sa  famille,  déchue  de  la  fortune  dont  elle  jouissaitautre- 
fois,  conserva  néanmoins  assez  de  moyens  pour  lui  procurer 
une  bonne  éducation  :  elle  voulait  en  faire  un  docteur  en  droit; 
mais  la  nature,  qui  ne  se  plie  pas  si  facilement  aux  desseins 
des  hommes,  en  avait  déjà  fait  un  poëte  comique.  Ses  pre- 


UTTl.lWTl  Ul..  66g 

mières  lectures  furent  les  pièces  de  Molière  et  de  Goldoni;et, 
dans  les  jeux  de  son  enfonce,  ii  essaya  «le  les  adapter  a  nn 
petil  théâtre  de  marionnettes*.   A  dix  ans,  il  composait  déjà 

(les  canevas   de  comédies  qu'il  faisait   ensuite  improviser  à   ses 

compagnons  d'école.  Ses  études  dans  l'art  dramatique  ne  l'em- 
pêchèrent pas  d'exercer  «les  emplois,  soit  à  la  cour  criminelle 
de  Tmin,  soi t  dans  quelques  parties  de  l'administration  pu- 
blique. Kn  i8ii,il  fut  nommé  substitut  du  procureur  impérial 

de  Yereeil.  Nous  rappelons  ces  circonstances  pour  l'aire  re- 
marquer que  M.  Nota  les  a  mises  à  profit  et  qu'il  s'est  servi  de 
sa  situation  dans  le  monde  pour  approfondir  certains  carac- 
tères qu'il  a  retracés  avec  naturel  et  vérité  dans  ses  comédies. 
Quel  que  fût  cependant  son  mérite,  il  se  vit  oublié  pendant 
deux  années,  et  obligé  de  recourir  à  sa  profession  d'avocat. 
Enfin  ,  après  qu'il  eut  éprouvé  beaucoup  d'injustices  et  de 
revers  de  fortune  ,  on  lui  confia  successivement  l'adminis- 
tration de  plusieurs  districts  ;  il  dirige  aujourd'hui  celle  de  San* 
Remo,  qui  faisait  autrefois  partie  de  la  république  de  Gènes. 

L'accomplissement  de  ses  devoirs  ne  lui  a  pas  fait  négliger  se  s 
études  dramatiques.  Depuis  1802,  il  n'a  cessé  d'enrichir  la 
scène  italienne.  Ses  premiers  essais  lui  avaient  mérité  les  en- 
couragemens  de  deux  célèbres  littérateurs ,  Paradai  et  Monti. 
M.  Nota  a  justifié  la  bonne  opinion  qu'ils  avaient  de  lui,  par 
les  diverses  comédies  qu'il  a  successivement  publiées*.  De  1816a 
1826,  on  a  fait  jusqu'à  dix  éditions  de  ses  ouvrages,  dont  la 
meilleure  est  celle  de  Turin  ,  18 18.  Mais  la  dernière,  que  nous 
tenons  sous  les  yeux,  a  sur  toutes  les  autres  l'avantage  de  com- 
prendre trois  pièces  nouvelles,  composées  depuis  cette  époque. 
Elles  sont  intitulées  :  La  Pace  domestica,  la  Paix  domestique, 
en  trois  actes;  /  Dilcttanti  comici ,  les  Amateurs  comiques  ;  et 
Y  A  m  or  timidà,  l'Amour  timide,  tous  les  deux  en  un  acte. 

Sans  nous  appesantir  sur  chacune  de  ses  pièces,  nous  pou- 
vons assurer  que  les  plans  en  sont  tracés  avec  régularité,  que 
l'action  se  noue  et  se  développe  avec  vraisemblance,  que  les 
situations  principales'  et  les  incidens  dérivent  de  la  nature  des 
caractères  et    des   circonstances   où    ils  sont  placés  ,    et    que 


r,:o  LITTÉRATURE. 

tout  marche  rapidement  vers  le  but.  Le  style  n'a  pas  cette 
élégance  que  pourraient  réclamer  quelques  puristes;  mais 
peut-être  eût-elle  nui  à  la  chaleur  et  au  naturel  qui  brillent 
dansle  dialogue.  Écrivant  pour  toutes  les  provinces  de  l'Italie, 
M.  Nota  n'a  dû  rechercher  que  cette  correction  qui  pouvait  le 
rendre  facilement  intelligible  pour  tous.  Il  ne  puise  pas  sa  verve 
comique  dans  quelques  expressions  proverbiales,  ou  dans  une 
triviale  gaîté,  mais  dans  la  souplesse  de  son  talent,  dans  le 
choix  habile  des  caractères,  et  dans  les  situations  neuves,  où  il 
place  ses  personnages.  Ses  portraits  et  ses  tableaux  de  mœurs 
ne  sont  jamais  sacrifiés  aux  complications  d'une  intrigue  pé- 
nible ,  et  l'on  voit  qu'il  a  étudié  les  classes  de  la  société  où  il 
choisit  ses  originaux.  Il  attaque  avec  énergie  les  préjugés  et 
les  vices  du  tems,  et  réveille  dans  tous  les  cœurs  le  sentiment 
des  vertus  sociales  et  domestiques.  Telle  est,  du  moins,  l'im- 
pression que  nous  avons  reçue  de  la  lecture  des  comédies  dont 
nous  rendons  compte. 

Il  ne  serait  pas  difficile  de  signaler  dans  ces  pièces  quel- 
ques situations,  quelques  caractères  déjà  ébauchés  par  d'autres; 
mais  il  nous  semble  qu'imiter  ainsi ,  c'est  créer.  Un  reproche 
plus  grave  serait  de  n'avoir  choisi  que  des  caractères  parti- 
culiers à  une  seule  ville,  au  lieu  de  s'adresser  aux  ridicules 
de  toute  la  nation.  Mais  Molière  a-t-il  jugé  indigne  de  son 
talent  la  peinture  des  Femmes  savantes  et  des  Précieuses  ridi- 
cules ,  dont  le  travers  se  bornait  à  une  certaine  classe  de  la  so- 
ciété des  dames  de  Paris?  Les  caractères  nationaux,  ceux  qui 
sont  de  tous  les  tems,  comportent  sans  doute  un  intérêt  plus 
général;  mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  renoncer  à  corriger 
des  défauts  particuliers  à  une  province  ou  même  à  une  ville. 

Il  convient  maintenant  de  donner  à  nos  lecteurs  une  idée 
de  l'ensemble  de  quelques-unes  des  pièces  de  M.  Nota.  /  Primi 
passi  al  mal  costume,  les  Premiers  pas  dans  la  corruption  des 
mœurs,  est  une  de  ses  premières  comédies.  Dona  Camilla, jeune 
épouse  deD.  Fulgenzio,  vient  de  paraître  dans  ce  qu'on  nomme 
le  grand  monde.  Son  mari  qui  l'aime,  est  instruit  des  dangers 
qu'elle  peut  courir;  mais,  en  la  surveillant  avec  discrétion,  il 


LITTÉRATURE.  671 

attend  une  circonstance  favorable  pour  L'éclairer  sur  ses  de-* 
voirs  et  la  détromper  par  sa  propre  expérience.  Entourée  de 
ces  femmes  et  de  ces  chevaliers  qui  oe  cherchent  quà  se 
tendre  des  pièges  cl  à  se  décrier  mutuellement,  pressée  sur- 
tout par  un  jeune  officierj  nommé  Guglielmi,  habile  dans  l'art 
de  faire  des  conquêtes,  Camilla  s'est  trouvée  flattée  de  la 
galanterie  de  ses  expressions.  11  parvient  a  obtenir  d'elle,  on 
plutôt  à  lui  arracher  son  portrait,  et  elle  lui  permet  de  l'ac- 
compagner Le  même  soir  à  eu  bal.  l'ulgen/io,  qui  apprend  ou 

qui  soupçonne  le  projet  de  sa  femme,  ne  la  quitte  point  et  se 
rend  à  cette  fête  avec  elle.  Tous  les  dvu\  sont  masqués.  C'est 
là  que,  gardant  Y  incognito,  la  jeune  épouse  rencontre  son 
nouvel  amant,  et  l'entend  se  vanter  de  ses  diverses  conquêtes 
et  surtout  de  la  plus  récente.  Guglielmi  nese  fait  aucun  scrupule 
de  montrer  le  portrait  de  Camille.  Elle  parvient  à  le  lui  arracher, 
mais  son  mari  est  présent)  et  tout  ajoute  à  sa  confusion.  Ful- 
genzio  feint  de  vouloir  se  séparer  d'elle  à  jamais;  résignée  à 
son  destin,  elle  déplore  sa  faute,  congédie  l'officier,  et  se 
dispose  à  subir  la  peine  qu'elle  croit  avoir  méritée;  mais 
D.  Fulgcnzio  l'embrasse  et  lui  pardonne. 

Ce  sujet  n'est  pas  neuf.  On  l'avait  déjà  adapté  à  la  scène 
avant  1808,  époque  où  parut  la  comédie  de  M.  Nota;  il  a 
même  été  reproduit  sur  le  théâtre  de  Paris.  Il  nous  semble , 
toutefois,  que  la  pièce  de  M.  Nota  est  plus  véritablement 
comique  que  l'imitation.  Si  les  caractères  de  Camilla  et  de 
Fulgenzio  sont  sérieux,  on  se  déride  avec  le  bon  colonel 
Odoardo,  qui  s'apaise  aussi  facilement  qu'il  s'emporte;  avec 
une  belle -sœur  de  Camilla  bigote  ,  tracassière  et  médisante; 
avec  une  belle  dame  qui  brille  aux  dépens  de  ses  adorateurs; 
et,  ce  qui  mérite  d'être  remarqué,  c'est  que  jamais  l'auteur 
ne  sacrifie  la  vérité  au  désir  d'intéresser  ou  d'amuser. 

//  Progettista ,  l'Homme  à  projets,  est  une  comédie  amu- 
sante. Son  principal  personnage  est  un  de  ces  hommes  qui, 
sans  cesse  occupés  de  réformes,  ruinent  toutes  les  affaires  dont 
ils  se  mêlent.  Il  ne  faut  pas  confondre  son  Malade  imaginaire , 
X Ammalalo  pcv  immaginazionc,  avec  la  comédie  française  qui 
porte  le  même  titre.  Le  Malade  de  M.  Nota  est  un  homme  in- 


G  72  LTTTÉRATUPlE. 

téressant  et  mélancolique,  qui,  se  croyant  trop  languissant 
pour  se  marier ,  se  trouve  livré  aux  ruses  intéressées  d'une 
méchante  sœur.  Celle-ci  a  l'espoir  de  s'emparer  de  sa  for- 
tune, dont,  par  un  incident  singulier,  il  ne  peut  plus  jouir, 
s'il  ne  se  marie  dans  la  journée.  Les  projets  hypocrites  de  cette 
femme  qui  semble  consacrer  tous  ses  soins  à  la  santé  de  son 
frère,  amènent  le  développement  du  charlatanisme  de  plusieurs 
médecins  qui  se  prêtent  à  seconder  ses  vues.  Un  médecin  res- 
pectable démasque  ces  imposteurs ,  guérit  à  tems  son  malade 
et  l'arrache  au  piège  qui  lui  est  tendu. 

Dans  toutes  ses  autres  pièces,  plus  ou  moins  originales,  et 
malgré  les  légères  imperfections  qui  s'y  font  remarquer,  l'au- 
teur fait  preuve  d'un  assez  beau  talent  pour  racheter  ses  défauts 
et  désarmer  la  critique. 

Il  fera  bien  de  publier  les  autres  comédies  qu'il  a  compo- 
sées, et  dont  plusieurs  ont  été  jouées  sur  des  théâtres  de 
l'Italie  ,  telles  que  la  Vedova  in  solitudine  ;  la  Costanza  rare/  ; 
la  Fiera;  le  Rcvolazioni  in  amore,  etc.  Cet  auteur,  dans  une  de 
ses  pièces  inédites  [Torquato  7Yw.ro),  a  traité  le  sujet  que 
M.  A.  Duval  a  depuis  transporté  sur  la  scène  de  Paris  avec  tant 
de  succès.  M.  Nota  avait  déjà  fait  lecture  de  sa  pièce  à  Florence, 
dans  un  cercle  d'hommes  choisis, rassemblés  chez  le  comte  Jé- 
rôme de  Bardi,  et  l'on  s'accorde  à  en  faire  un  grand  éloge  :  c'est 
la  pièce,  dit-on,  de  prédilection  de  l'auteur.  On  assure  qu'il  a  été 
fidèle  à  la  vérité  historique  dans  les  incidens  et  dans  le  choix 
de  ses  personnages;  qu'il  a  bien  saisi  et  retracé  les  momens 
les  plus  intéressans  de  la  passion  et  de  la  folie  du  grand  poëte , 
et  que  la  pièce  se  termine  lorsque  l'infortuné  Torquato,  surpris 
par  un  perfide  courtisan ,  et  dénoncé  au  duc  de  Ferrarc,  comme 
amoureux  de  la  princesse  Éléonore,  sa  sœur,  est  forcé  de  quitter 
la  cour  et  la  femme  qu'il  aime.  Nous  ne  pouvons  qu'inviter 
l'auteur  à  soumettre  ce  drame  au  jugement  du  public,  qui  l'ac- 
cueillera sans  doute  favorablement,  si  nous  en  jugeons  par  le 
succès  dont  le  recueil  que  nous  annonçons  a  déjà  été  honoré. 

Fr.  Saïti. 


III    BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 

LIVHKS  ÉTRANGERS ù\ 


AMÉRIQUE  SEPTENTRIONALE. 
ÉTATS-UNIS. 

217.  —  Shetches  of  a  tour  to  thc  lakes,  etc.  —  Esquisses  d'un 
voyage  aux  lacs,  notes  sur  le  caractère  et  les  usages  des  Irt'- 
riiens  chipewas,  particularités  relatives  au  traité  du  fond  du 
lac;  par  Thomas  L.  M'Kenney,  du  département  des  Indiens, 
commissaire  adjoint  à  S.  Exe.  le  gouverneur  Coss,  pour  la  né- 
gociation du  traité.  Baltimore,  1827  ;  TV.  Lucas.  In- 8°. 

Quoique  les  lieux  visités  par  M  MKenney  aient  déjà  été 
décrits  plusieurs  fois,  sa  relation  sera  lue  avec  intérêt,  non- 
seulement  à  cause  des  événeniens  rapportés  par  l'auteur,  mais 
parce  qu'il  ajoute  aux  connaissances  géographiques.  La  lec- 
ture Je  cet  ouvrage  peut  être  utile  sous  un  autre  aspect;  on  y 
trouvera  des  faits  pour  établir  une  comparaison  exacte  entre 
la  vie  sauvage  et  celle  de  l'homme  civilisé;  les  hommes  tour- 
mentés du  besoin  de  sortir  des  sociétés  actuelles  seront  aver- 
tis; ils  sauront  cjnel'les  sont  les  misères  de  cette  sorte  de  liberté 
dont  ils  se  font  une  si  belle  image.  Dans  un  établissement  in- 
dien, sur  le  bord  de  la  rivière  Ontonagon  ,  le  voyageur  vit 
I  habitation  dim  Français  qui  avait  épousé  une  femme  sau- 
vage. Le  mari  était  mort,  et  la  cabane,  d'une  douzaine  de  pieds 
de  diamètre,  était  occupée  par  la  femme,  cinq  enfans ,  que! 
ques  servantes  ou  patentes,  un  vieux  chef,  six  chiens,  une  cor- 
neille. Depuis  dix  jours  ,  lui  dit  le  vieillard,  je.  n'ai  pour  toute 
nourriture  que  du  jus  d'herbes. 


(1)  Nous  indiquons  par  un  astérisque  (*)  ,  placé  à  côté  du  titre  de  chaque 
ouvrage,  ceux,  dus  livres  étrangers  ou  français  qui  paraissent  dignes  d'une  atten- 
tion particulière  ,  et  nous  en  rendrons  quelquefois  compte  dans  la  seetîon  df  s 
Analyses. 

t.  \xwi.  —  Décembre  1827,  ;x\ 


67/»  LIVRES   ETRANGERS. 

218.  —  *  Constitution  and  Uuws  qf  Rensselaer-Scliool,  etc. — 
Constitution  et  règleuiens  de  l'école  de  Rensselaer  établie  à 
Troy,  dans  l'état  de  New-York,  adoptés  le  3  avril  1826  par 
le  bureau  des  curateurs.  Albany,  1826  ;  Imprimerie  de  Pac- 
kard et  Vanbenthuysen.  In-8°  de  28  pages. 

Le  but  spécial  de  l'école  de  Rensselaer  est  Y  application  des 
sciences  naturelles  aux  arts.  Il  est  donc  nécessaire  que  les  élèves 
V  arrivent  munis  des  autres  connaissances  dont  l'industrie  ne 
peut  se  passer.  On  sentira  peut-être  un  jour  le  besoin  d'étendre 
le  premier  plan ,  de  réunir  d'autres  enseignemens  à  ceux  de 
la  physique,  de  la  chimie  et  de  l'histoire  naturelle.  Un  gou- 
vernement fédératif,  tel  que  celui  des  États-Unis  ,  tend  naturel- 
lement à  fortifier  et  à  concentrer  chacun  des  États  particu- 
liers, à  lui  créer  des  ressources  dont  on  croit  pouvoir  se 
contenter  :  si  on  laissait  trop  d'ascendant  à  cette  impulsion 
naturelle,  les  États  finiraient  par  devenir  étrangers  les  uns  aux 
autres ,  et  une  grande  nation  se  trouverait  presque  réduite  aux 
ressources  d'un  petit  peuple.  Ne  serait-il  pas  utile  aux  États 
d'avoir  une  grande  école  où  la  jeunesse  pût  acquérir  toutes  les 
connaissances  industrielles?  Dans  l'état  actuel  de  la  popula- 
tion, un  seul  établissement  de  cette  espèce  suffirait,  et  l'école 
de  Rensselaer  pourrait  en  être  le  noyau.  L'influence  morale  de 
ces  établissemens  centraux  n'est  pas  moins  précieuse  que  l'in- 
struction dont  ils  sont  la  source;  les  amitiés  durables  que  les 
élèves  y  contractent  fortifient  le  lien  fédéral,  entretiennent 
l'esprit  républicain,  font  aimer  la  patrie  et  ses  institutions. 
L'école  de  Rensselaer  est  en  bonnes  mains,  dirigée  avec  sagesse, 
confiée  à  deux  hommes  distingués,  MM.  les  professeurs  Amos 
Eaton  et  Lewis  Beck;  mais  son  plan  aurait  besoin  de  plus 
d'étendue,  et  ne  peut  suffire  à  l'enseignement  de  toutes  les 
applications  des  sciences  aux  arts. 

219. —  Eulogium  in  commémoration  of  the  honorable  Wil- 
liam Tilghman,  etc.  —  Éloge  de  l'honorable  William  Tilghman, 
chef  de  la  cour  suprême  de  justice  de  Pensylvanie,  et  président 
de  la  Société  philosophique  américaine  établie  à  Philadelphie 
pour  la  propagation  et  le  perfectionnement  des  connaissances 
usuelles,  prononcé  dans  la  séance  de  cette  société,  le  11  oc- 
tobre 1827,  par  Pierre -Etienne  Duponceau  (correspondant  de 
l'Institut  de  France),  l'un  de  ses  vice  présidens.  Philadelphie, 
1827;  R.H.  Small,  n°  i65,  Chesnnt  street.  In-8°  de  46  pages. 

Avant  de  parler  de  l'homme  vertueux,  du  magistrat  et  du 
savant  jurisconsulte  auquel  41  rendait  un  hommage  acadé- 
mique, M.  Duponceau  a  rappelé  en  peu  de  mois  la  mémoire  de 
MM.  Wistar  et  Patterson,  les  deux  premiers  présidens  de  la 


i  in. s  i:\is.  075 

Société  philosophique  de  Philadelphie.  Quoique  M.  Tilghmai», 
né  en  1 756 »  ail  traversé  tonte  la  révolution  qui  assura  l'indé- 
pendance «le  >;i  patrie,  il  ne  put  y  prendre  part  comme  fonc- 
tionnaire public;  sa  carrière  avait  été  fixée  par  son  propre 
choix,,  il  la  suivit  avec  persévérance  el  à  la  satisfaction  «le  ses 

concitoyens  :  il  a  laisse  l'exemple  d'une  vie  pleine,  dont  tous 
les  mnmens  furent  employés  utilement  :  il  vivra  dans  la  mé- 
moire de  ses  contemporains  et  de  la  postérité,  et  méritait 
d'avoir  un  biographe  tel  que  M.  Dujtonocao.  Y. 

Ouvrages  périodiques. 

110. —  *  The  Nortli- American  Reviav. —  Revue  nord  amé- 
ricaine. Boston  1827;  F.  T.  Gray,  74,  Washington  street. 

Le  cahier  d'octobre  de  cette  importante  publication  pério- 
dique (  57e  de  la  collection,  3ie  de  la  nouvelle  série)  est  un 
des  mieux  remplis  que  nous  ayons  eus  sous  les  yeux,  et  nous 
donne  à  nous-mêmes  d'utiles  avertissemens.  Peu  d'articles, 
discussions  instructives  sur  chacun  des  sujets  traités,  choix 
scrupuleux  et  difficile  des  matières  :  voilà  ce  que  demandent 
les  lecteurs  pour  lesquels  il  est  honorable  d'écrire,  dont  l'opi- 
nion forme  l'opinion  publique,  et  qui  peuvent  seuls  contribuer 
à  la  propagation  des  connaissances  utiles.  Ce  n'est  pas  que 
nous  soyons  constamment  du  même  avis  que  les  rédacteurs  de 
cette  Revue  :  nous  n'inclinerons  pas  aussi  fortement  qu'eux  en 
faveur  des  tardives  réclamations  contre  l'auteur  présumé  de 
Gil  Blas  ;  nous  ne  dirons  point  qu'il  y  a  cent  à  parier  contre  un 
que  ce  chef-d'œuvre  n'appartient  pas  à  Le  Sage.  Mais  nous 
avons  pensé  du  Voyage  d' Orembourg  à  Bouhhara  par  M.  de 
Mayendorf  tout  le  bien  que  les  reviseurs  américains  en 
disent. — Le  voyage  de  M.  MKenney  au  lac  Supérieur  méri- 
tait la  place  qui  lui  est  assignée  dans  ce  recueil;  l'observateur 
a  bien  vu  et  bien  décrit  les  beaux  sites  de  cette  partie  de  l'Amét 
rique,  ses  habitans  et  leurs  mœurs.  Pour  nous  autres  Français, 
il  n'est  point  sans  intérêt  de  reconnaître  les  vestiges  presque 
effacés  de  nos  compatriotes  dans  le  Canada  ,  et  d'apprendre 
que  Charlevoix  fut  uu  voyageur  exact  et  véridique,  consulté 
encore  avec  confiance  par  les  possesseurs  actuels  de  ces  con- 
trées. Nous  profiterons  de  cette  occasion  pour  exprimer  le 
désir  que  les  voyageurs  américains,  généralement  munis  de 
diverses  sortes  d'instruction,  aient  toujours  avec  eux  des  baro- 
mètres et  des  thermomètres,  et  qu'ils  les  observent  chemin 
faisant.  Il  est  aussi  à  désirer  que  les  hauteurs  des  montagnes  et 

4^. 


G76  LIVRES  ÉTRANCxKRS. 

des  rochers  soient  évaluées  avec  plus  de  précision  que  par  une 
simple  estime.  —  Les  poésies  serviennes  peuvent-elles  être  bien 
jugées  par  un  Anglais?  et  le  jugement  de  cet  Anglais,  analysé 
par  un  Américain,  se  rapporte  -  t- il  ou  s'éloigne -t- il  de  la 
vérité?  Ces  questions,  très-difficiles  à  résoudre,  font  sentir  de 
plus  en  plus  le  besoin  d'une  correspondance  centrale  et  immé- 
diate entre  tous  ceux  qui  cultivent  les  lettres  et  les  diverses 
branches  des  connaissances  humaines.  On  regrette,  par  exemple, 
qu'un  poëte  polonais  ou  hongrois  ne  se  soit  pas  chargé  de  nous 
faire  connaître  les  poésies  serviennes.  — Ce  qu'on  lit  ici  de  la 
fie  et  correspondance  du  major  Cartwrïght  ,  publiée  par  sa 
nièce  miss  F.-D.  Cartwright  ,  fait  sentir  le  mérite  et  l'utilité 
de  ces  biographies  consciencieuses  où  l'on  trouve  les  meilleurs 
matériaux  pour  l'histoire  de  l'esprit  et  du  cœur  de  l'homme. — 
L'analyse  des  leçons  de  M.  Cooper  sur  l'économie  politique,  au 
collège  de  la  Caroline  du  Sud,  fait  voir  que  les  doctrines  de 
M.  Malt  h  us  ont  traversé  l'Océan,  et  s'établissent  dans  le  Nou- 
veau-Monde, comme  en  Europe  :  ne  faudrait-il  pas  renverser 
un  jour  cet  immense  édifice,  sans  avoir  ni  plan,  ni  matériaux 
pour  lien  construire  à  sa  place? — Deux  ouvrages  relatifs  à 
l'histoire  des  États  -  Unis  devaient  trouver  place  dans  ce 
recueil.  —  L'ouvrage  de  M.  William  Fowle  sur  les  vrais  prin- 
cipes d«:  la  grammaire  anglaise,  dont  on  lit  ici  une  analyse, 
peut  avoir  pour  résultat  de  préparer  dans  l'avenir  la  séparation 
de  l'idiome  américain,  de  le  rendre  aussi  différent  de  la  langue 
de  la  Grande-Bretagne  que  le  portugais  l'est  aujourd'hui  de 
l'espagnol.  Mais  le  grammairien  obtiendra  bien  difficilement  les 
réformes  qu'il  propose,  quoique  la  bonne  logique  les  sollicite 
depuis  long-tems. 

On  voit  que  ce  cahier  n'est  pas  moins  instructif  pour  les 
Européens  que  pour  les  habitans  des  États-Unis;  on  doit  rendre 
la  même  justice  à  toute  la  collection. 

221.  — *  The  Philadelphia  monthly Magazine ,  etc. — Magasin 
mensuel  de  Philadelphie,  consacré  à  la  littérature  et  aux  beaux- 
arts.  Prix  de  l'abonnement ,  5  dollars  (  îj  fr.)  par  an.  Grand 
in-8°;  chaque  cahier  de  5op.au  moins,  imprimées  sur  deux 
colonnes. 

Nous  n'avons  encore  entre  les  mains  que  le  premier  cahier 
de  ce  nouveau  journal,  où  l'on  trouve  une  satisfaisante  va- 
riété, un  bon  choix  de  matériaux.  Nous  ferons  cependant 
quelques  observations  sur  le  premier  article,  qui  est  Un  paral- 
lèle entre  l'Angleterre  et  les  États-Unis  :  c'est  à  des  étrangers 
totalement  désintéressés  et  bien  instruits  qu'il  faut  laisser  le 
soin  de  discuter  ces  questions;  les  peuples  n'ont  pas  plus  que 


ÉTATS  UNIS.-  ■EURQPE.^GIL-BftETAGNE.         r,:i 

1rs  individus  le  droil  de  se  juger  eux-mêmes,  et  il  leur  sied 
aussi  bien  qu'aux  individus  de  ne  parler  d'eux  ni  en  bien,  ni 
cm  mal.  —  Lue  analyse  très-bien  faite  de  l'ouvrage  de  M.  le 
docteur  EluSB  sur  la  voix  btunaine  inspirera  sans  doute  le  désir 
de  lire  cet  auteur,  et  d'étudier  ses  doctrines. 

On  trouve,  dans  le  même  cahier,  une  Notice  sur  les  schtvcnch- 
feldiv.ns ,  secte  chrétienne  bannie  autrefois  de  la  Silésie  par 
l'intolérance,  et  qui  se  réfugia  dans  le  nouveau  monde.  Fré- 
déric essaya  de  réparer  cette  injustice  :  par  un  édit  dont,  la 
traduction  est  publiée  pour  la  première  fois,  il  rappela  les 
exilés,  leur  promit  protection,  secours,  emplois;  ils  ne  revin- 
rent point.  Telle  est  la  malheureuse  condition  du  pouvoir 
absolu,  que  l'on  ne  croit  point  à  ses  promesses  :  on  sent  qu'il 
est  soumis,  plus  que  la  nature  de  l'homme  ne  le  comporte,  à 
toutes  les  causes  d'instabilité;  qu'aucune  confiance  raisonnable 
ne  peut,  lui  être  accordée.  La  secte  dont  il  s'agit  est  du  nombre 
de  celles  qui  se  sont  formées  en  grand  nombre  dans  l'Alle- 
magne, dirigées  par  l'esprit  et  les  habitudes  de  la  nation  alle- 
mande, et  par  conséquent  par  l'amour  de  l'ordre  et  la  simplicité 
des  mœurs.  Ces  croyances  ou  ces  pratiques  religieuses  ne 
contribuent  pas  toujours  à  rendre  les  hommes  plus  utiles  à  la 
société  ;  mais  elles  tendent  évidemment  à  les  empêcher  d'être 
nuisibles.  F. 

EUROPE. 

GRANDE  BRETAGNE. 

111. — *  77/6'  Eléments  of  gymnastics,  etc. —  Elémeiis  de 
gymnastique  pour  les  garçons,  et  de  càlisthénique  pour  les 
jeunes  filles,  par  Gustave  Hamii.ton.  Londres,  1827;  Richard 
Phillips  et  compagnie.  In- 12  de  m  et  72  p.  avec  43  gravures; 
prix,  5  sh. 

La  gymnastique,  qui  fut  en  honneur  chez  les  Grecs  et  chez 
les  Romains,  qui  constituait  presque  seide  l'éducation  des 
nobles  chevaliers  du  moyen  âge,  était  depuis  long-tems  bannie 
de  nos  collèges,  où  l'on  accordait  à  peine  aux  écoliers  le  triste 
plaisir  de  se  promener  et  de  s'ébattre  entre  quatre  murs.  Dans 
le  dernier  siècle,  les  jeunes  gentilshommes  qui  avaient  suivi, 
sous  la  direction  d'un  précepteur,  les  cours  d'humanités  et  de 
rhétorique  à  Louis-le-Grand  où  à  Mazarin  ,  préludaient  à 
leur  entrée  dans  le  monde  et  dans  l'armée  par  ies  exercices  du 
manège,  des  salles  d'armes  et  de  danse.   Mais,  à  cela  près, 


678  LIVRES  ÉTRANGERS. 

l'éducation  physique , «qui  devrait  prendre  l'enfant  au  sortir 
des  bras  des  femmes  pour  développer  ses  facultés  corporelles, 
tandis  que  l'éducation  morale  et  intellectuelle  tend  à  déve- 
lopper les  forces  de  1  àmc  et  de  l'esprit,  était  presque  entière- 
ment négligée.  C'est  en  Allemagne  qu'est  née  la  gymnastique 
moderne.  Le  pédagogue  Salzmann  l'établit  le  premier  dans  les 
instituts  d'éducation,  et  lui  consacra,  il  y  a  quarante  ans  environ, 
un  ouvrage  encore  estimé;  après  lui,  le  célèbre  Jahn  l'adopta 
pour  base  d'une  association  politique,  dont  le  but  était  la 
régénération  morale  et  physique  de  l'Allemagne  ;  mais  ses  pro- 
jets déplurent  au  gouvernement  prussien,  qui  fit  suspendre  les 
exercices  salutaires  dont  il  avait  su  inspirer  le  goût  à  la  jeu- 
nesse de  Berlin.  Moins  ambitieux  et  peut-être  plus  sages  , 
M.  Clias,  de  Berne,  et  M.  Amoros,  se  sont  bornés  h  demander 
et  à  propager  une  heureuse  réforme  dans  l'éducation.  Le  der- 
nier continue  à  s'occuper  d'introduire  la  gymnastique  dans  les 
écoles  civiles  et  militaires  de  la  France,  avec  une  courageuse 
persévérance  que  ne  rebutent  point  les  obstacles  de  tout 
genre  ,  suscités  par  l'indifférence  ou  par  les  préjugés.  Quant  à 
M.  Clias,  après  avoir  établi  dans  la  Suisse,  sa  patrie,  plusieurs 
gymnases  où  d'habiles  maîtres,  autrefois  ses  élèves,  continuent 
avec  succès  l'enseignement  dont  il  a  donné  les  premières 
leçons,  il  a  réussi  complètement  à  naturaliser  la  gymnastique 
en  Angleterre,  où  elle  est  déjà  considérée  comme  une  partie 
essentielle  de  l'éducation.  Nous  avons  fait  connaître,  il  y  a  peu 
d'années,  un  traité  de  gymnastique  dû  a  sa  longue  expérience 
et  à  ses  utiles  recherches,  et  qui  a  paru  successivement  en 
allemand  ,  en  français  et  en  anglais  (voy.  Rev.  Enc,  t.  XXVIII, 
p.  79^).  Le  petit  ouvrage  que  nous  annonçons  aujourd'hui  paraît 
être  la  répétition  abrégée,  et  sous  un  format  plus  commode 
et  plus  portatif,  du  livre  de  M.  Clias.  Il  pourra  être  fort  utile 
aux  maîtres  et  aux  élèves;  il  se  fait  surtout  remarquer  par  une 
addition  importante,  intitulée:  Cahsthc nique  (kccXoç,  beau,  et 
rfovoç,  fort),  et  consacrée  à  la  gymnastique  des  dames,  qui 
pourront  obtenir,  au  moyen  des  exercices  de  M.  Clias,  des 
grâces  nouvelles  et  de  nouvelles  forcés  pour  supporter  les  maux 
et  les  fatigues  auxquels  leur  sexe  est  souvent  exposé.  *. 

ii'S.  —  *  Tlie  past  and  présent  statistical  state  of  Jrcland. 
—  Statistique  de  l'Irlande,  considérée  dans  sa  situation  passée 
et  clans  sou  état  actuel,  en  une  série  de  tableaux  formés  d'après 
des  documens  officiels,  par  M.  César  More  au.  Londres,  1827  j 
Tr«'uttrl  et  Wùrtz.  In-fol.  de  56  pages; prix  ,  3u  sh. 

Ainsi  que  les  précé<?ens  ouvrages  publiés  par  M.  Moreau, 
celui  ci  contient  une  foule  de  faits  et  de  renseignemens  impor- 


eu  an  ni.  BRETAGNE.  679 

tans,  dans  une  brochure  de  56  bag.  in  Pol. ,  <\u  plus  lin  carac- 
tère. I.cs  travaux  <!»•  cei  écrivain  laborieux,  quoiqu'ils  soient 
en  général  miles  aux  personnes  qui  s'oècupent  de  statistique, 
mériteraient  plus  d'éloges  si  l'ou  y  trouvait  moins  de  confusion 
et  une  classification  plus  méthodique. 

dette  brochure  sur  l'Irlande  abonde  en  doen mens  précieux 
sur  ce  pays  intéressant  et  peu  connu,  même  en  Angleterre. 

On  y  apprend  que  son  étendue  territoriale  ,  en  milles  carrés 
anglais  ,  est  dé  32,202,  et  le  nombre  d'acres  de  terres  c 1 1 1 1 i \  ées, 
de  i  1,0,43*000.  L'Irlande  est  divisée  en  4  provinces  ,  subdi- 
visées en  3-2  comtés.  On  y  trouve  294  baronnics,  2,278  pâ> 
roisscs,  1,142,602  maisons;  en  1 791  ,  on  n'en  comptait  que 
702,00/).  La  population  de  1  Irlande,  qui  en  i652  n'était  que 
de  K5o,00o  habitans,  s'élevait,  suivant  le  recensement  de  1821, 
à  6,8o  1,8/7;  ct  1  en  182",  suivant  les  calculs  de  M.  Moreau  , 
a  9,o5o,ooo  ,  dont  3,341,926  hommes  et  3,459,901  femmes. 
Dans  ce  nombre  sont  compris  1,138,069  agriculteurs,  1,1  70,044 
commerçans  et  manufacturiers,  628,702  improducteurs,  et 
environ  16,000  domestiques.  Cette  population  forme  i,3i2,o3a 
familles;  6,145  familles  ayant  chacune  1  domestique;  1,200,  2; 
600,  3  ;  i5o  de  5  à  8;  32  de  8  à  10;  et  20,  10  et  au-dessus. 
Les  taxes  seules  sur  les  domestiques  maies  montaient,  en  1817, 
à  la  somme  énorme  de  55, 200  livres  st.  (i,38o,ooo  francs).  Le 
nombre  des  criminels  condamnés,  pendant  l'année  1826,  a 
été  de  5,377. 

L'Irlande  est  représentée  au  parlement  par  100  individus 
nommés  par  2io,43i  électeurs.  Toute  la  noblesse  consiste 
seulement  en  212  personnes,  dont  1  duc,  14  marquis,  76 
comtes,  48  vicomtes,  et  4  pairesses.  Les  importations,  pendant, 
l'année  1 826,  se  sontélevéesà  8, 032,700  liv.  st.  (200,817,500  fr.), 
dont  6,385,534  pour  marchandises  importées  d'Angleterre  ou 
d'Ecosse.  Les  exportations  ,  pendant  la  même  année,  se  sont 
élevées  à  7, 992, 485  liv.  slcrl  (199,812,125  fr.)  dont  7,359,55g 
pour  marchandises  exportées  en  Angleterre  et  en  Ecosse.  Le 
revenu  n'a  jamais  couvert  les  dépenses.  La  totalité  de  la  valeur 
des  propriétés  particulières  et  du  gouvernement  s'élève  à 
563, 660, 000  iiv.  sterl.  (  14,091,500,000  fr.  )  ;  savoir  :  pro- 
priétés productives  des  particuliers,  467,660,000  liv.  sterl. 
(1  1,691,500,000  fr.  )  ;  propriétés  non  productives  87,000,000 
liv.  Sièrl.  (2,175,000,000  fr.  ),  et  propriétés  publiques  9,000,000 
liv.  sterl. (225, 000, 000  fr.). L'argent  monnayé  en  circulation  dans 
toute  la  province  de  l'Irlande  ne  s'élève  pas  au-delà  de  4,000,000 
liv.  sterl.  (100,000,000  fr.)  L'émission  des  billets  par  la  banquedç 
Dublin  est  de  la  valeur  de  5, 000, 000  liv.  ster.  (  i2  5,ooo,ooofr.  ) 


GSo  LIVRES  ÉTRANGERS. 

L'ouvrage  de  M.  Moreau  contient  encore  de  nombreux  dé- 
tails sur  l'état  de  l'éducation,  i\\\  commerce  et  des  manufactures 
en  Irlande;  mais  nous  avons  déjà  présenté  ces  faiî:>  dans  la/tew/e 
Ençrrb/Jédiqtie ,  et  quelques  autres  qui  remplissent  encore  son 
volume  sont  trop  peu  impôt  tans  pour  que  nous  nous  y  arrêtions. 

22/t>  —  *  Rambling  notes  and  réfections  suggested  du  ring  a 
vîsit  to  Paris f  etc. — Notes  et  réflexions  écrites  pendant  une 
visite  à  Paris,  dans  l'hiver  de  1826  à  i8'27,  par  sir  Arthur 
Broohe  Faulkner,  Londres,  1  827  ;  Longman.  In-8°. 

L'auteur  de  cet  ouvrage  est  un  liomtne  instruit,  amateur 
éclairé  des  beaux  arts,  ami  de  l'humanité,  et  qui  certainement 
n'a  point  débarqué  à  Calais,  comme  la  plupart  des  voyageurs 
anglais  qui  viennent  visiter  la  France,  avec  des  opinions  toutes 
formées  et  des  jugemens  préparés  à  l'avance  et  renfermés  dans 
son  portefeuille  de  voyage.  M.  Faulkner  a  vu  de  ses  propres 
yeux,  et  son  livre,  s'il  était  traduit  en  fiançais,  obtiendrait  à 
Paris  le  même  succès  qu'il  a  eu  à  Londres. 

Dans  cet  ouvrage,  les  objets  importans,  ceux  qui  font  le 
bonheur  et  la  vraie  gloire  d'une  nation,  obtiennent  une  atten- 
tion marquée  et  des  éloges  sincères.  L'auteur  a  abandonné  la 
sotte  t.ictique  adoptée  par  quelques  écrivains  de  son  pays  qui 
se  plaisent  à  dénigrer,  à  rapetisser  les  grands  établissemens 
d'utilité  publique  qui  existent  en  France,  et  à  censurer  les 
mœurs  et  le  caractère  de  leurs  voisins.  Ainsi,  b'il  critique  nos 
écoles  de  beaux-arts,  s'il  accuse  nos  prêtres  d'intolérance,  il 
loue  sans  restriction  nos  bibliothèques  et  nos  musées  ,  où  chacun 
est  admis  gratuitement ,  tandis  qu'il  déplore  la  sordide  cupidité 
et  l'insolence  communes  aux  gardiens  des  établissemens  ana- 
logues que  possède  l'Angleterre.  «  Lorsque  nous  réfléchissons  , 
dit- il,  à  l'extrême  facilité  avec  laquelle  toutes  les  classes 
obtiennent  en  France  un  libre  accès  dans  les  bibliothèques, 
dans  les  cours  publics,  dans  les  musées,  etc.,  nous  pouvons , 
je  pense,  nous  rendre  raison  de  la  cause  qui  fait  que  la  nation 
française,  en  général,  surpasse  en  civilisation,  en  lumières  et 
en  urbanité  toutes  les  autres  nations  du  monde.  »  Parmi 
nos  hôpitaux,  dont  la  grandeur  l'étonné,  et  dans  lesquels  il 
admire  la  propreté,  l'ordre,  les  soins  prodigués  aux  malades, 
il  cite  la  Salpêtrière,  «  ce  gigantesque  établissement,  sans  rival 
dans  le  inonde.  »  En  parlant  de  nos  sœurs  de  charité  :  «  On  ne 
saurait  trop  louer,  dit-ii,  l'humanité  désintéressée  de,,  ces 
excellentes  (illes,  qui  sont  le  plus  glorieux  ornement  de  l'espèce 
humaine.  Le  respect  quelles  inspirent  généralement  est  tel  , 
que  leur  seule  présence,  comme  autrefois  celle  des  vestales  à 
Rojne,  calmerait  les  monvemens  populaires  les  plus  violens.  » 


GRANDS  KKI'TAdNE.  68l 

M.  Faulkner  loue  nos  établissement  d<-  charité  et  de  secours 
a  domicile;  nos  dispensaires,  qui,  sans  être  aussi  vantés  que 
peux  de  l'Angleterre ,  spnl  plus  apprçpi  >rs  à  leur  véritable  bul , 
et  dans  lesquels  surtout  les  égards  «lus  au  malheur  sont  plus  re- 
ligieusement observés.  Aussi  ajoute  ;  il  :  «  Lorsqu'un  Français 
voudra  louer  sa  cation,  qu'il  n'oublie  pas  ses  établisçemens 
de  charité  publique,  car  ils  sont  admirables.  »  L'organisation 
de  nos  académies  scientifiques  lui  semble  bien  propre  à  assurer 
les  progrès  dos  lumières,  L/Aca  démis  de  médecine  a  surtout 
fixé  son  attention.  Sir  Arthur  Faulkner  est  médecin,  et  déplore  , 
avec  tous  ses  confrères  éclairés,  la  fausse  marche  suivie  encore 
de  nos  jours  par  la  Faculté  de  médecine  de  Londres.  Il  aime 
nos  écoles  et  nos  cours  publics,  dans  lesquels  «  laideur  des 
disciples,  dit-il,  est  si  bien  secondée  par  le  zèle  et  la  noble 
activité  des  professeurs.  »  Enfin,  après  avoir  approuvé  l'orga- 
nisation judiciaire,  «  Le  Code  criminel  français,  dit  sir  Arthur, 
est  de  beaucoup  supérieur  au  notre;  »  et  l'auteur  nous  paraît 
avoir  tort  de  comprendre  dans  ses  éloges  noire  procédure 
criminelle,  organisée  par  le  despotisme  pour  tuer  la  liberté. 

On  trouve  dans  cet  ou\  rage  beaucoup  d'éloges  de  la  France, 
mêlés  à  de  justes  critiques.  «  J'ai  quitté  Paris,  dit-il,  très-satisfait 
de  ma  promenade  de  quelques  semaines,  ayant  eu  beaucoup  à 
admirer  et  beaucoup  à  blâmer.  »  Quand  ce  blâme  n'atteint  que 
les  travers  de  notre  caractère  national,  lorsqu'il  ne  s'attache 
qu'aux  abus  que  certains  hommes  font  des  idées  et  des  choses 
saintes,  quand  il  attaque  seulement  nos  prétentions  à  une  supé- 
riorité ,  au  moins  contestable,  dans  les  beaux-arts ,  nous  sommes 
de  l'avis  de  sir  Arthur  ;  mais  notre  gravité  nous  abandonne  à 
la  lecture  d'une  accusation  semblable  à  la  suivante  :  «  On  doit 
reprocher,  dit  notre  auteur,  à  la  révolution  française  une 
faute  énorme,  celle  d'avoir  proscrit  les  perruques.  Pour  moi, 
je  n'aurais  jamais  pu  concevoir,  avant  de  visiter  la  cour  d'as- 
sises de  Paris,  à  quel  point  une  perruque  est  nécessaire  à  la 
majesté  d'une  tète  humaine.  « 

2  25. — Lettres  su?-  la  cour  de  la  chancellerie  et  sur  quelques  points 

de  la  jurisprudence  anglaise ,  écrites  et  adressées  par  M àson 

frère  ,  avocat  à  la  Cour  royale  de  Paris  ,  publiées  par  un  avocat 
deLincoln's  Inn.  Londres,  1827,  Longman.  In-8°  de  294  pages. 

Ces  lettres,  attribuées  à  un  avocat  français,  traitent  de  la 
cour  de  la  chancellerie  d'Angle  tei  rc  ,  de  la  chambre  des  pairs, 
comme  tribunal  d'appel,  et  de  plusieurs  points  importans  de 
la  jurisprudence  des  trois  royaumes.  Si  les  détails  nombreux 
et  vraiment  instructifs  que  ces  lettres  renferment  sur  la  légis- 
lation, et  sur  l'organisation  et  le  personnel  du  baireau  anglais, 


GSi  LIVRES  ETRANGERS. 

peuvent  faire  croire  qu'elles  ne  sont  point  l'œuvre  d'une  per- 
sonne étrangère  à  la  Grande-Bretagne  ;  d'un  autre  côté,  l'idiome 
dans  lequel  elles  sont  écrites  et  leur  genre  de  style  laissent  peu 
de  doutes  sur  leur  origine  française.  On  y  trouve  ,  en  effet,  ce 
ton  tant  soit  peu  frondeur,  inhérent  aux  habitans  de  notre 
pays  ,  et  un  franc-parler  sur  les  hommes  et  sur  les  choses,  peu 
d'accord  avec  la  circonspection  habituelle  des  avocats  anglais. 
Nous  recommandons  la  lecture  de  ces  lettres  aux  membres  du 
barreau  français;  elles  leur  fourniront  des  détails  très  peu 
connus  sur  les  chefs  de  la  magistrature  anglaise,  et  de  précieux 
éclaircissemens  sur  les  usages  abusifs  introduits  dans  leurs 
tribunaux.  Si  quelques  erreurs  ont  été  commises  par  l'auteur 
fiançais,  on  les  trouve  relevées  dans  des  notes  savantes  qu'un 
avocat  à  la  Cour  de  chancellerie  a  jointes  à  cet  utile  ouvrage. 

F.  D. 

116.  —  *  Wibor  Poezyi  Polshiey. —  Spécimens-  ofthe  Polish 
Poets.  — Choix  de  poésies  polonaises,  avec  des  Notes  et  des 
Observations  sur  la  littérature  polonaise;  par  John  Bowring. 
Londres,  1827.  In- 19.. 

Au  milieu  des  événemens  mémorables  dont  l'Europe  est  de- 
venue le  théâtre,  à  la  fin  du  xvme  et  au  commencement  du 
xixe  siècle,  la  Pologne  se  fit  connaître  comme  une  puissance 
guerrière.  Le  bruit  de  ses  malheurs  et  de  ses  vertus  retentit 
dans  toutes  les  parties  du  monde;  mais  la  Pologne  littéraire  n'é- 
taiteonnue  que  très-imparfaitement.  Aujourd'hui,  plusieurs  écri- 
vains profitent  delà  tranquillité  générale  pourappeler  l'attention 
publique  sur  les  principales  productions  d'une  littérature  qui 
a  droit  aussi  à  quelque  intérêt.  M.  Bowring,  après  avoir  repro- 
duit dans  sa  langue  maternelle  les  poésies  de  plusieurs  autres 
peuples  du  Nord,  vient  de  consacrer  sa  plume  à  la  propagation 
de  la  gloire  littéraire  de  la  nation  généreuse  qui  peut  citer  un 
Niemccwicz  et  un  Kosciuszko.  L'asservissement  de  la  presse  en 
Pologne,  et  la  difficulté  des  communications  entre  cette  con- 
trée et  les  pays  étrangers,  sont  les  obstacles  qui  ont  dû  entra- 
ver l'exécution  complète  de  l'entreprise  de  M.  Bowring.  Il  s'est, 
par  conséquent,  borné  à  la  traduction  des  poésies  populaires  et 
originales. 

Après  avoir  tracé,  dans  l'introduction  ,  le  tableau  politique 
de  la  Pologne  avec  une  énergie  toute  patriotique,  l'auteur  pré- 
sente un  essai  historiqueet  critique  sur  la  littérature  et  la  langue 
de  ce  pays.  Il  passe  en  revue  toutes  les  époques  mémorables 
du  perfectionnement,  de  la  décadence,  et  enfin  delà  renais- 
sance des  arts  et  des  sciences; il  fait  rénumération  des  auteurs 
les  plus  distingués  dans  toutes  les  parties  des   connaissances 


GRANDE-BRETAGNE.  — RUSSIE.  883 

humaines,  et  donueune  critiqué  i  aisontrée  de  leurs  productions. 

Apres    1rs  biographies  des  poêles  KocflCMOWski ,  Szymonowicz^ 

y.imonmucz  ,   Sarhicwsfii ,    ÙOtvinski ,   Krùiicki  ,     IVciigicsi  l,i  , 

Ifiemcetvicz,  Brodtinski  et  Lac/,  Szyrnta  s  M.  Bowring  offre  Ja 
traduction  en  vers  anglais  de  plusieurs  morceaux  choisis  parmi 

leurs  meilleures  compositions ,  el   SCS  essais  nous  ont  paru  re 
produire  la  poésie  originale  aussi  e\;ieieiuent  que  Ifi  Comportait 

le  génie  d'une  langue  tout  -à  -fait  différente  ne  l'idiome  polo- 
nais. C — o. 

227.  —  *  Gcrtnafi  Storics  >  etc.  —  Nouvelles  allemandes,  re- 
cueillies dans  les  ouvrages  de  Mmr  Pichler,  de  Hoffmann,  de 
La  Motte  Fouqué,  de  Kruse ,  etc.  ;  par  R.-P.  Gillies.  Edim- 
bourg, i8a6.  !\  vol.  in-8°;  prix,  \  liv.  st.  16  sh. 

Si  personne  n'a  fait  encore,  en  France,  ce  que  M.  Gillies 
vient  d'exécuter  pour  l'Angleterre,  son  recueil  de  Nouvelles 
allemandes  engagera  sans  doute  quelques  hommes  de  lettres  à 
transporter  aussi  dans  ta  langue  d'Hamilton  et  de  Marmontel 
ces  aimables  et  légères  productions,  qui  n'ont  peut-être  d'autre 
mérite  littéraire  que  la  facilité  de  la  composition.  La  traduction 
anglaise  est  toujours  aisée,  souvent  élégante;  et  cependant,  on 
sent  que  ce  n'est  point  là  un  livre  anglais.  Aucun  écrivain  an- 
glais n'oserait  entreprendre  de  remplir  trois  volumes  de  ces 
aventures  extravagantes,  de  ces  événemens  improbables  el  de 
ces  caractères  contraires  à  la  nature,  qui,  sous  la  plume  des 
romanciers  allemands  ,  séduisent  le  lecteur  et  l'entraînent,  sans 
lui  permettre  de  remarquer  les  fautes.  Le  bon  sens  est  outragé 
à  chaque  instant,  le  bon  goût  est  presque  totalement  oublié; 
mais  l'imagination  ,  abandonnée  sans  frein  à  sa  course  vaga- 
bonde, se  montre  pleine  de  vigueur  et  de  verve;  et,  lors  même 
qu'elle  s'écarte  du  droit  chemin,  elle  ne  fait  jamais  de  faux  pas. 
On  trouve  pointant  dans  ce  recueil  une  nouvelle  d'un  genre 
différent.  Mademoiselle  de  Scudéri,  dont  les  romans  furent 
jadis  célèbres,  en  est  l'héroïne;  la  scène  est  à  Paris,  et  tous  les 
détails  sont  présentés  sous  ces  formes  simples  et  exemptes 
d'exagération  qui  semblent  être  les  garans  de  la  vérité  histo- 
rique. Ce  récit  est  arrangé  avec  un  art  infini,  et  pourrait 
fournir  le  sujet  d'un  drame  fort  intéressant. 

Fanny  Seymour. 

RUSSIE. 

228.  —  *  Trouai  obschestva  istoru  i  drevnostcï.  —  Travaux 
de  la  Société  d'histoire  et  d'antiquités  russes.  T.  II.  Moscou  , 


6fi  ,  LIVRES  ÉTRANGERS. 

182/4  ;  imprimerie  de  l'Université.  In-  8°  de  1 12  et  238  pages  ; 

Celte  Société,  fondée  à  Moscou  ,  il  y  a  plus  de  vingt  ans,  et 
dont  le  but  est  d'éclaircir l'histoire  ancienne  de  la  Russie,  avait, 
depuis  i8ir>,  époque  où  elle  mit  au  jour  le  Ier  volume  de  ses 
mémoires,  suspendu  cette  utile  publication.  Elle  vient  de  la  re- 
prendre, en  faisant  imprimer  le  volume  que  nous  annonçons. 
Après  quelques  mémoires  sur  les  travaux  de  la  Société,  depuis 
le  mois  de  février  181 5  jusqu'en  février  1820,  ce  2e  volume 
contient  des  articles  dont  rémunération  intéressera  sans  doute 
nos  lecteurs,  en  leur  faisant  connaître  les  objets  dont  la  Société 
s'est  spécialement  occupée:  i°  Notices  bibliographiques  sur  la 
vie ,  les  travaux  scientifiques  et  la  collection  cl' antiquités  russes 
du  comte  Alexis  Moussine-Pouchkïne,  par  Constantin  Ralaï- 
l>ovitch.  L'auteur  s'attache  à  décrire  les  morceaux  d'antiquités 
quise  trouvaient  danslabibliothèquedu  comte Moussi ne-Pouch- 
kine ,  réduite  en  cendres  dans  l'incendie  de  1812,  et  il  rend 
ensuite  un  compte  détaillé  des  ouvrages  et  des  manuscrits  de 
cette  précieuse  bibliothèque. —  20  Remarque  sur  les  anciens  ca- 
lendriers slavon  s.  L'auteur  de  cet  article,  dont  le  but  est  de 
prémunir  les  personnes  qui  s'occupent  de  l'histoire  russe  contre 
les  erreurs  de  la  chronologie  ancienne  ,  établit  que  jusqu'en 
1347  on  comptait,  en  Russie,  l'année  à  partir  du  mois  de  mars  ; 
qu'à  dater  de  i347 ,  on  la  compta  du  mois  de  septembre  et  de 
la  création  du  monde,  selon  la  Genèse;  et  qu'enfin,  depuis 
1700,  on  la  compte  du  mois  de  janvier  et  de  la  naissance  de 
Jésus-Christ.  —  3°  Conjecture  sur  les  motifs  qui  déterminèrent 
V invasion  des  Normands  chez  les  Slavons  ,  par  Eroussilof.  L'au- 
teur suppose,  sans  aucun  fondement,  que  l'objet  principal  de 
la  conquête  de  la  Russie  par  les  Varègues  ou  Normands  était 
d'arriver  à  la  ville  de  Bysance.  Les  Varègues  ne  cherchaient  que 
le  pillage  dans  leurs  excursious  :  ils  ne  formaient  pas  un  corps 
de  nation  ;  mais  ils  habitaient  en  familles  séparées  et  souvent 
fort  éloignées  les  unes  des  autres,  sous  l'administration  de  leurs 
chefs.  Par  conséquent,  si  quelques  -  uns  d'entre  eux  connais- 
saient l'existence  de  Constantinople,  d'autres  pouvaient  n'en 
avoir  aucune  idée.  Leurs  invasions,  sans  combinaisons,  sans 
système  et  sans  ordre,  étaient  inspirées  par  la  nécessité  d'aller 
chercher  au  loin  les  alimens  qui  leur  manquaient.  L'auteur, 
pour  appuyer  son  assertion,  prétend  que  Rurik,  après 
avoir  conquis  Novgorod,  envoya  Askold  et  Dira  Kief;  mais 
les  annales  russes  assurent  le  contraire.  Askold  entreprit  l'ex- 
pédition de  Bysance  contre  la  volonté  de  Rurik,  beaucoup 
plus  disposé  à  s'affermir  dans  les  possessions  qu'il  avait  ac- 


RUSSIE. 

quises-,  qu'à  tenter  de  nouvelles  conquêtes.-  -  4°  i)('s  anciennes 
relations  commerciales  des  Stavons  russes  avec  les  autres  peuples  t 
et  de  la  route  qui  conduit  en  Grèceparla  Russie.  L'auteur  de  c< 
ticle  a  voulu  prouver  que  le  commerce  des  Slavons  avec  les  Grecs 
n'est  pas  d'une  date  aussi  aùdienue  qu'on  le  croit,  el  n'a  pas  été 
aussi  florissant  <|iir  le  supposent  StOecb  el  Kischib  dans  leurs 
ouvrages  :  il  changera  sans  doute  d'opinion  en  lisant  les  re- 
cherchée de  Fraeha  sur  les  monnaies  arabes.  ">°  d perçu  des 
anciens  Usages  russes,  par  Alhtzïbachef  ;  article  forl  curieux. 
mais  qui  ne  renferme  pas  tous  les  documens  que  l'on  pourrait 
désirer. — 6°  Des  anciennes  monnaies  russes ,  bar  le  même;  no- 
tieequi  contient  des  recherches  importantes  sur  les  monnaies 
dont  On  se  servait  jadis  en  Puisse. —  70  Des  monnaies  d'argeni 
de  Tarostaf,  par  Bkkktof;  l'auteur  essaie  de  prouver  que  les 
pièces  frappées  sous  le  règne  de  larostafj  ne  constituaient 
point  une  monnaie  courante,  à  cette  époque.  —  8°  Description 
des  monnaies  russes  présentées  à  la  Société;  article  de  Baous- 
silof.  —  90  Fragment  sur  les  anciens  monumens  de  Kief  et  les 
palais  des  princes  (  kniaze),  détruits  ou  tombés  en  ruines,  par 
Pissarf.f,  président  de  la  Société.  —  io°  Du  drapeau  de  Vla- 
dimir, duc  de  Kief,  conservé  à  Gfouzino,  maison  de  campagne 
du  comte  Araktcheef.  —  n°  Des  portes  korsonniques  à  Novgo- 
rod, par  Sanglin.  L'auteur  combat  l'opinion  de  M.  Adelung, 
dont  nous  avons  annoncé  un  ouvrage  sur  ce  sujet,  publié  en 
allemand:  Die  korsunnischen  Thùren  (voy.  Rcv.  Eue  ,  avril  1 82/,, 
t.  xxii  ,  p.  1  46-1  /|7). —  1  20  Mémoire  sur  une  croix  de  SviatoslaJ\ 
à  lourief-  Polsky,  ville  du  gouvernement  de  Vladimir,  par  Snî- 
guiref. —  i3°  Sur  la  Horde  d'Or ,  extrait  de  Schildberher ,  par 
Dmitri  Yazikof,  avec  des  remarques.  Ce  morceau  est  d'autant 
plus  curieux  qu'il  explique  l'ordre  de  succession  des  Khans  , 
qui,  pendant  le  séjour  de  l'auteur  parmi  les  Tatars,  se  chassè- 
rent mutuellement  du  trône.  —  i/,°  enfin,  Dissertation  sur  les 
monnaies  ou  médailles  du  tems  de  Pierre  I ,  dans  laquelle  il  ne 
s'agit,  en  effet,  que  d'une  seule  médaille  de  cette  époque  :  les 
autres  appartenant  toutes  au  règne  de  sa  fiile,  l'impératrice 
Elisabeth. 

Nous  ne  pouvons  qu'engager  la  Société  à  continuer  ses  re- 
cherches, si  utiles  à  l'histoire  de  la  Russie;  et  en  lui  donnant 
les  éloges  qu'elle  mérite,  nous  l'inviterons  aussi  à  soigner  un 
peu  plus  la  partie  typographique,  assez  négligée  dans  ce  second 
volume  de  ses  mémoires. 

229.  —  " Prostonàrodnia  Pcsni,  etc.  —  Chants  populaires  des 
Grecs  modernes,  traduits  envers  russes ,  accompagnés  du  texte 
grec ,  d'une  Introduction ,  d'un  Parallèle  avec  les  chants  natio- 


686  LIVRES  ÉTRANGERS. 

naux  des  Russes,  et  de  Notes;  par  Nicolas  Gnéditch.  Saint- 
Pétersbourg,  1825  ;  Imprimerie  de  Gretch.  In -8°  de  xl  et 
52  pages,  avec  une  gravure  représentant  un  Klcphte  ;  prix  , 
6  roubles. 

Les  exploits  militaires  des  Grecs,  en  excitant  l'intérêt  des 
amis  des  lumières,  de  l'humanité  et  de  la  liberté,  ont  engagé 
beaucoup  d'écrivains  à  s'occuper  de  la  recherche  de  tout  ce 
qui  a  composé  l'existence  politique  de  ce  peuple,  pendant  les 
trois  derniers  siècles,  c'est-à-dire,  depuis  l'époque  de  la  chute 
de  l'empire  d'Orient.  L'histoire  de  ces  tems  offre  des  tableaux 
affligeans  d'asàervissement  et  d'avilissement ,  quelquefois  aui 
mes  par  les  tentatives  des  Grecs  pour  reconquérir  leur  an- 
cienne indépendance.  Mais,  tandis  que  les  Grecs  de  Constan- 
tinople,  et  en  général,  les  habitans  des  villes  maritimes  et  des 
vallées,  gémissaient  sous  le  joug  despotique  des  Turcs,  plu- 
sieurs peuplades  des  montagnes  de  Souii,  de  l'Olympe,  de  la 
Thrace ,  remplies  de  courage  et  soutenues  par  un  esprit  de 
vengeance,  se  réunissaient,  formaient  des  détachemens  sous 
le  nom  d'Armatoles  et  de  Klephtes,  et  défendaient  ainsi  leur 
sauvage  indépendance  dans  des  montagnes  inaccessibles  ,  au 
milieu  des  marais  et  des  bois.  Il  serait  impossible  de  recueillir 
une  histoire  complète  de  celte  lutte  continuelle  de  trois  siècles, 
comme  il  serait  très -difficile  de  fixer  l'époque  des  événe- 
mens  les  plus  remarquables  et  de  tracer  un  tableau  fidèle  de 
tant  d'exploits  isolés.  Les  Grecs  livraient  des  batailles,  et  n'é- 
crivaient pas  leurs  victoires.  Les  Turcs  dérobaieut  leurs  pertes 
à  la  connaissance  du  Divan ,  en  exagérant  les  avantages  qu'ils 
avaient  remportés.  Le  souvenir  des  exploits  des  Grecs  et  de 
leurs  héros  n'a  donc  pu  être  conservé  que  par  les  traditions 
nationales,  dans  les  chants  populaires,  qui ,  en  retraçant  leurs 
exploits  et  leurs  succès,  portent  en  même  tems  l'empreinte  fi- 
dèle des  mœurs.  Ces  chants,  pleins  de  véritables  beautés  et 
précieux  par  le  motif  que  nous  venons  d'énoncer,  ont  été  re- 
cueillis et  traduits  en  français  par  M.  Fauriel  (voy.  Rev.  Eue., 
juin  1824,  t.  xxii,  p.  699).  M.  Lemercier  en  a  donné  depuis 
une  traduction  en  vers  français  ,  qui  a  été  le  sujet  d'une  ana- 
lyse dans  deux  articles  fournis  à  notre  Recueil  par  M.  P.  F. 
Tissot  (  voy.  Rev.  Enc. ,  décembre  1824,  t.  xxiv,  p.  680-694  , 
et  octobre  1825,  t.  xxvm,  p.  120-1 34  ).  «  Grâce  à  MM.  Le- 
mercier et  Fauriel  (  dit  noire  collaborateur)  nous  savons  que 
les  Hellènes  combattent  et  chantent,  comme  leurs  pères,  et 
qu'il  est  chez  eux  plus  d'un  Achille  qui  se  console  avec  la  lyre, 
quand  il  ne  peut  combattre.  »  Grâce  à  M.  Gnéditch,  connu 
par  des  traductions  d'Homère  et  de  Virgile,  la  littérature  russe 


RUSSIE,— POLOGNE.  68) 

•  esl  aussi  enrichie  de  ces  chants,  dans  une  tradttction  en  vas  , 
expressive,  élégante  et  fidèle,  précédée  d1 une  introduction  ,  qui 
offre  une  courte  histoire  des  krmatoles  ei  des  KJephtes ,  <t  des 

notices  sur  leur  poésie  Cl  s">r  leurs   chant  S  nationaux,    En  cm 

[nuniani  à  JM.  Faune]  plusieurs  détails  relatifs,  à  ce  sujet,  le 

traducteur  russe  a  rectifié  diverses  iin  xaetitiides,  et  il  y  a  joint 

ses  propres  remai  qw  s. 

Dans  la  seconde  partie  de  l'int  I oduction,  M.  Gnéditeh  com- 
pile  ces    chants  aux  chants   nationaux  des    liesses;   et,  après 

avoir  démontré  qu'il  existe  quelques  ressemblances,  dans  les 
régies  générales  de  la  composition  chez  ces  peuples,  i!  trouve  l'ori- 
gine dans  les  relations  que  les  Slaves  ont  eues  av<  c  les  Grecs  de- 
puis le  vie  siècle.  M.  Gnéditeh  a  traduit  \1  chants  qu'il  a  pu- 
bliés en  regard  de  l'original  grec,  et  qu'il  a  accompagnés 
d'un  exposé  sommaire  et  de  notes  explicatives.  D'après  le 
jugement  des  personnes  qui  possèdent  le  mieux  la  langue 
grecque  moderne,  nous  pouvons  assurer  que  la  traduction 
russe  est  faite  avec  une  grande  exactitude.  En  triomphant  des 
difficultés  de  la  langue,  M.  Gnéditch  a  transporté  ces  chants 
sur  le  sol  de  la  Russie,  dans  leur  séduisante  simplicité  ,  avec  la 
vivacité  d'une  riche  et  brillante  imagination,  et  il  a  eonservé 
toute  l'énergie  des  pensées  et  la  force  des  expressions  origi- 
nales. Ces  poésies,  qui  auraient  mérité  une  place  distinguée 
dans  les  archives  de  la  littérature,  lors  même  qu'elles  auraient 
été  privées  de  leur  importance  historique,  acquièrent  un  double 
prix  à  nos  yeux.  Nous  aimons  à  faire  remarquer  que  la  France 
et  la  Russie  se  sont  empressées,  les  premières  parmi  les  nations 
européennes,  de  faire  passer  dans  leurs  langues  ce  Recueil  des 
chants  populaires  de  la  Grèce,  contrée  chère  à  nos  souvenirs, 
et  sur  laquelle  se  dirigent  aujourd'hui  tous  les  regards. 

P.  R.  E. 

POLOGNE. 

2^0. —  *  H  (s  tory  a  Phnstcea  RossyisAicgo.  —  Histoire  de  Russie 
de  Nicolas  Karamzine,  traduite  du  russe  en  polonais,  par  G.  Buc- 
zynski.  T.  I  et  II.  Varsovie,  182/i;  Zawadzki  et  YVecki.  2  vol. 
in-8°,  le  ierde  xxxiv,  234  Paoes  de  texte  et  174  pages  de  notes; 
le  2e,  de  289  pages  de  texte  et  210  pages  de  notes  avec  un 
portrait  lithographie  de  Karamzine,  et  une  carte  de  l'ancienne 
Russie. 

Que  nos  lecteurs  ne  s'en  prenuent  point  à  nous,  si  la  litté- 
rature polonaise  semble  être  négligée  dans  la  Revue  Encyclopé- 
dique, et  si  elle  n'y  est  point  représentée  ,  comme  elle  mérite  de 


688  LIVRES  ETRANGERS. 

l'être.  Nous  déplorons  nous  -  mêmes  la  lacune  qui  existe  (tans 
nos  Tablettes  bibliographiques  el  dans  nos  Nouvelles  littéraires, 
relativement  à  la  Pologne,  et  nous  regrettons  vivement  de  no 
pouvoir  obtenir  des  renseignemens  exacts  sur  l'état  et  les  pro- 
grès des  sciences  dans  ce  pays,  où  nous  voudrions  trouver  un 
correspondant  disposé  à  nous  communiquer  sans  interruption 
et  avec  fidélité  des  notions  sur  tout  ce  que  les  sciences  et  la  , 
littérature  offrent  d'intéressant  en  Pologne.  Les  journaux  même 
de  la  Russie,  qui ,  à  cause  de  son  voisinage  et  de  ses  relations 
avec  la  Pologne,  devraient  offrir  des  données  à  peu  près  com- 
plètes sur  la  littérature  polonaise,  n'en  font  mention  que  rare- 
ment, et  avec  trop  peu  de  détails.  La  littérature  polonaise 
s'est  enrichie,  depuis  quelques  années,  comme  les  littératures 
française,  allemande  et  italienne ,  de  l'ouvrage  historique  de 
Karamzine,  dont  le  traducteur  polonais  a  publié,  en  1824,  les 
deux  premiers  volumes.  P.  R.  E. 

DANEMARK. 

23 1.  — *  Vnionshrigene  og  Borgcrhrigcnc,  etc.  —  Guerres  de 
l'union  des  trois  états  Scandinaves  et  guerres  civiles  de  cette 
époque;  ouvrage  appartenant  à  l'histoire  des  guerres  du  Da- 
nemark, par  H.  J .  Blom,  premier  lieutenant  au  régiment  du 
roi.  Copenhague,  1826;  Gyldendatl.  In-8°  de  5i2  pages,  avec 
une  introduction  de  xxvi  pages  et  une  carte. 

L'histoire  de  la  guerre  peut  être  d'une  grande  utilité  aux 
militaires.  Elle  leur  fournit  les  movens  de  mieux  connaître, 
de  mieux  juger  des  exploits  de  leurs  ancêtres;  elle  leur  montre 
quels  ont  été  les  progrès  de  l'art  de  la  guerre,  aux  différentes 
époques  de  l'histoire,  et  comment  l'état  actuel  du  soldat  a  été 
préparé  par  les  tems  précédens;  elle  leur  offre  dans  les  détails 
particuliers  des  récits  historiques,  un  commentaire  instructif 
sur  la  géographie  de  leur  pays  voisin  (1).  Pour  composer  une 
pareille  histoire,  il  ne  suffit  pas  de  posséder  le  savoir  ordi- 
naire de  l'historien:  celui-ci  se  trouve  souvent  embarrassé, 
lorsqu'il  est  question  de  plans  de  campagne,  d'opérations  mi- 
litaires et  de  dispositions  stratégiques.  S'il  n'a  pas  des  connais- 
sances spéciales,  il  commettra  nécessairement  de  grandes  er- 
reurs;  d'une  autre  part,  l'homme  de  guerre,  privé  des  études 


(1)  L'ouvrage  géographique  intitule:  Krigcns  Skueplads ,  le  Théâtre 
de  la  guene,  par  //.  O.  V.  Scheei.  ,  a  depuis  long  -temps  offert  d'u- 
tiles renseignemens  aux  militaires  du  Danemaïk. 


DANEMARK.  C>S0 

premières  sur  les  lois,  les  retations  politiques  des  peuples,  les 
mœurs,  lesusages,  etc.,  se  trouvera  également  incapable  d'écrire 
une  bonne  histoire  militaire.  Il  est  indispensable  à  l'historien 
de  réunir  les  connaissances  el  les  talens  de  l'homme  d'état  à 

la  science  des  camps  et  des  batailles.  Nous  ne  pouvons  douter 
que  M.  Blom  ne  possède  ces  deux  qualités,  malgré  la  mo- 
destie avec  laquelle  il  s'annonce  lui-même;  Il  déclare  dans  sa 
préface  qu'il  n'a  songé  qu'à  ses  compagnons  d'aunes;  mais 
nous  pensons  que  les  savans  trouveront,  aussi  dans  son  ou- 
vrage des  vues  neuves  et  intéressantes. 

L'ouvrage  est  précédé  d'une  introduction  qui  contient  des 
observations  historiques  sur  le  premier  usage  qu'on  a  fait  à  la 
guerre  de  la  poudre  à  canon  et  des  armes  à  feu.  Il  se  divise  en 
deux  parties  principales,  La  première^  qui  traite  des  guerres 
occasionnées  par  l'union  des  trois  contrées  Scandinaves,  se 
partage  en  deux  périodes ,  l'une  de  i3o8  à  1488;' l'autre,  de 
1488  à  i53'2.  La  période  de  i3o8  à  1488  se  subdivise  en  trois 
sections  :  la  première  contient  le  récit  des  guerres  soutenues 
par  la  reine  Marguerite  de  Danemark  contre  Albrcct,  roi  de 
Suède,  l'histoire  de  la  captivité  de  ce  prince  et  celle  de  la 
réduction  de  la  Suède;  on  trouve  dans  la  seconde  section  le  dé- 
tail des  démêlés  longs  et  peu  honorables  du  roi  Érick  et  des 
comtes  de  Holstein,  qui  demandèrent  l'investiture  du  duché  de 
Sleswig,  propriété  de  leur  père  ;  la  troisième  donne  l'histoire  de 
l'insurrection  des  Suédois  qui  amena  la  chute  du  roi  Érick, 
en  1439.  Son  successeur,  le  roi  Christophe,  s'occupa  d'apaiser 
une  révolte  excitée  en  Jutland  par  les  partisans  d'Érick.  Son 
règne  fut  tranquille  et  prospère.  La  période  de  1488  a  i53-2  se 
divise  en  cinq  sections.  La  première  décrit  les  guerres  de 
Christian  Ier  contrôles  Suédois  révoltés  qui  se  refusaient  à  le 
reconnaître;  la  seconde  contient  le  récit  des  efforts  du  roi  Jean 
pour  soumettre  le  duché,  efforts  qui  furent  couronnés  de  succès 
en  1497  ;  mais,  après  une  guerre  malheureuse  contre  les  Dit- 
marchois  en  i5oo,  le  duché  fut  perdu  de  nouveau  pour  le 
Danemark.  Les  guerres  du  roi  Jean  entreprises  pour  le  recon- 
quérir, font  le  sujet  de  la  quatrième  section,  et  l'on  en  retrouve 
les  suites  dans  le  dernier  chapitre,  sous  son  fils  et  successeur 
le  roi  Christian  II,  qui  fut  chassé  de  Suède  à  cause  de  sa 
cruauté,  et  détrôné  parla  noblesse  de  Danemark  et  de  Nor- 
vège. Il  se  réfugia  en  Hollande.  Une  branche  cadette  de  la 
maison  royale  d'Oldenbourg  monta  sur  le  trône  de  Danemark 
et  de  Norvège,  et  les  Suédois  choisirent  leur  roi  Gustave  Vasa. 
Mais  le  parti  de  Christian  était  encore  nombreux.  Ce  roi 
détrôné  n'épargna  rien  pour  reconquérir  les  royaumes  qu'il 
t.  xxxvi. —  Décembre  1827.  44 


G90  LIVRES  ÉTRANGERS. 

avait  perdus.  Le  récit  des  guerres  civiles  qui  en  résultèrent 
remplit  la  seconde  partie  de  l'ouvrage.  La  première  finit  avec 
l'année  i53>,  époque  où  Christian  II  fut  lait  prisonnier  par 
le  roi  Frédéric.  La  seconde  décrit  les  guerres  que  le  parli  de 
Christian  II,  composé  des  basses  classes  du  peuple  et  soutenu 
par  les  Lubeckois,  soutint  contre  le  parti  de  la  noblesse  et  du 
roi  Christian  IV.  L'auteur  a  ajouté  aux  deux  parties  de  son 
ouvrage  un  aperçu  de  l'état  militaire  à  l'époque  dont  il  est 
question.  Le  style  est  généralement  pur  et  correct;  la  narra- 
tion est  vive  et  rapide,  intéressanteet  animée.  Y.  R. 

1 3  2. —  *  Krakas  Maal  t  ellcr  Kvadom  Kong  Ragnar  J.nd- 
broks  Krigsbedrifler  og  Eeltedœd.  —  Krakumael ,  ou  Chant  sur 
les  exploits  et  la  mort  héroïque  du  roi  Regnar  Lodbrok;  pu- 
blié d'après  plusieurs  manuscrits,  avec  des  traductions  en  da- 
nois, latin  et  français,  des  variantes  et  des  notes  philologiques, 
par  C.  C.  Rafn.  Copenhague,  1826;  Schulzc.  I11-80. 

On  regarde  le  chant  de  Regnar  Lodbrok  comme  une  des 
plus  anciennes  productions  de  la  littérature  islandaise;  en 
France,  on  ne  le  connaît  guère  que  par  la  traduction  ou  plutôt 
par  l'imitation  de  Mallet,  qui  s'est  borné  à  rapprocher  les 
principales  idées  de  cette  antique  pièce  de  vers,  et  à  leur 
donner  une  forme  moderne.  Ceux  qui  jugeraient  de  la  poésie 
islandaise  d'après  Mallet  n'en  auraient  qu'une  idée  très-im- 
parfaite, ou  plutôt  en  prendraient  une  trop  haute  opinion.  La 
poésie  d'un  peuple  qui  sort  à  peine  de  la  barbarie,  et  qui  ne 
connaît  point  de  bons  modèles,  peut  être  énergique  et  pleine 
d'imagination;  mais  elleesl  peu  châtiée, elle  est  diffuse,  elle  ac- 
cumule les  images,  elle  affecte  des  formes  bizarres,  qui  choquent 
un  goût  épuré;  enfin,  elle  ne  ressemble  nullement  à  la  poésie 
moderne.  C'est  ce  dont  on  peut  se  convaincre  en  lisant  le 
texte  et  les  traductions  du  Krakumael,  ou  du  chant  de  Regnar 
Lodbrok,  que  vient  de  nous  donner  M.  Rafn.  Suivant  la  tra- 
dition, le  roi  danois  Regnar  Lodbrok,  en  guerre  contre  un 
roi  d'Angleterre,  fut  fait  prisonnier  et  jeté  dans  une  tour  rem- 
plie de  serpens  et  d'animaux  venimeux  qui  lui  rongèrent  les 
entrailles,  et  Regnar  Lodbrok  périt  l'an  817,  dans  les  douleurs 
les  plus  horribles,  et  en  proférant  le  chant  funèbre  et  sauvage 
qui  nous  occupe  ,  et  que  Thomas,  dans  son  Essai  sur  les  éloges, 
cite  en  preuve  de  l'enthousiasme  poétique  des  Scandinaves. 
Thomas  ne  connaissait  probablement  cette  pièce  que  par  l'imi- 
tation de  Mallet.  Mais  en  lisant  le  texte  on  reconnaît  à  l'ins- 
tant que  le  héros  Scandinave  n'a  pu  composer  ce  dithyrambe. 
Il  comprend  vingt-neuf  strophes  qui  toutes,  à  l'exception  de 
la  vingt-neuvième  ,   rappellent  les  exploits  du  héros  et  ses 


DANEMARK— ALLEMAGNE.  69k 

cinquante  combats.  La  dernière  seule  se  rapporte  aux  tour* 
mens  du  roi  expirant.  En  voici  la  traduction  littérale:  -  Il  me 
tarde  à  présent  de  finir.  Les  déesses  que  m'a   envoyées  Odin 

m'invitent  à  entrer  dans  son  palais.  Plein  de  joie,  je  vais  boire 

de  la  bière,  assis  avec  les  ases  aux  premières  places.  Les  heures 
de  la  vie  touchent  à  leur  fin  :  je  meurs  a\  ëc  joie.  Si  la  tradi- 
tion de  la  mort  de  ilejotar  Lodbrok  peut  être  vraie,  il  n'est. 
pas  vraisemblable  aue  pe  roi  ait,  en  mourant,  composé  une 
pièce  i\r  vers  en  vin:;! -neuf  strophes,  dont,  la  dernière  seule 
fasse  mention  de  son  supplice.    vl.  Kaf'u  regarde  le  Krakumael 

comme  un  chant  belliqueux,  que  ftegtyar  Lodbrok,  au  tems 
de  sa  prospérité,  composa  pour  ses  guerriers,  et  il  pense  que 
la  dernière  strophe  a  été  ajoutée,  après  sa  mort,  soit  par  sa 
femme  Kru/,a,  soit  par  un  scalde  ou  guerrier  de  sa  suite.  Dans 
tous  les  cas,  ce  morceau  est  fort  curieux,  et  M.  Rafn  pense  que 
c'est  le  plus  ancien  chant  islandais  qui  soit  parvenu  tout  entier 
jusqu'à  nous.  Il  fonde  cette  opinion  sur  des  arguroeas  très- 
plausiblcs,  en  réfutant  ceux  qui  ont  cru  reconnaître  la  trace 
d'une  main  moderne  dans  le  texte.  M.  Rafn  passe  en  revue 
toutes  les  éditions  du  KrùkXWtaéi et  ses  principales  traductions 
ou  imitations.  Il  y  joint,  un  commentaire  grammatical,  ainsi 
que  \v  far  sinule  d'une  page  du  manuscrit  islandais  dont  l'au- 
teur s'est  servi  pour  rectifier  le  texte;  enfin,  M.  Rafn  donne, 
d'après  Y  Estai  sur  la  musique  de  Larorde,  l'air  sur  lequel, 
dans  le  dernier  siècle,  se  chantait  encore  en  Islande  l'une  des 
strophes  du  Kra/autiael>  et  que  Laborde  a  heureusement  re- 
cueilli. Ainsi  il  ne  manque  rien  à  celte  édition,  et  les  amateurs 
de  la  poésie  du  nord  trouveront  dans  le  volume  publié  par 
M.  Rafn  le  texte  môme  de  son  plus  vieux  monument  littéraire, 
enrichi  par  l'éditeur  de  tout  ce  qui  peut,  contribuer  à  la  clarté 
du  texte ]et  à  l'agrément  de  l'ouvrage.  Deppiîïg. 

ALLEMAGNE- 

233.  •— *  Ucbcr  den  gege/ifvàrtigen  Zustand  des  Acherbaus  , 
des  Handcls  und  der  Gaverbe  im  Kœnigreieh  Hannover.  —  De 
l'état  actuel  de  l'agriculture,  du  commerce  et  de  l'industrie  dans 
le  royaume  de  Hanovre;  par  Gustave  de  Gùlich.  Hanovre,  1827; 
Hahn.  In-8°  de  122  pages* 

Le  commerce  et  l'industrie  du  Hanovre  ne  sont  pas  d'une 
haute  importance.  On  fabrique  dans  ce  royaume  beaucoup  de 
toiles.  On  y  brasse  de  la  bière  ;  on  fait  do  papier,  de  l'eau-de- 
vie,  tic.  ;  et  les  produits  agricoles  sont  plus  que  suffisans  pour 

44. 


692  LIVRES  ÉTRANGERS. 

la  consommation.  Le  Hanovre  a  un  tarif  de  douanes  si  modéré, 
que  l'importation  des  marchandises  étrangères  éprouve  peu 
d'obstacles  ;  mais  les  douanes  prussiennes  sont  là  pour  empê- 
cher que  les  marchandises  qui  arrivent  en  Hanovre  n'en  dé- 
passent les  frontières;  et  c'est  ce  qui  paralyse  le  commerce  de 
transit.  M.  de  Giïlich  indique  bien  quelques  moyens  pour  rele- 
ver l'industrie  nationale,  et  faire  refleurir  le  commerce;  mais, 
comme  il  a  dédié  son  livre  au  comte  de  Munster ,  ministre  di- 
rigeant, entièrement  dévoué  aux  intérêts  de  l'Angleterre  ,  l'au- 
teur n'a  pas  eu  le  courage  de  dire  que  le  Hanovre  a  reçu  du 
roi  d'Angleterre,  par  la  faute  de  ce  ministre,  une  constitution 
très-défectueuse,  qui  comprime  l'esprit  national,  met  la  popu- 
lation des  campagnes  dans  la  dépendance  absolue  de  la  no- 
blesse,  et  n'accorde  pas  aux  citoyens  les  droits  auxquels  ils 
pouvaient  prétendre. 

Ce  que  l'on  remarque  de  plus  intéressant  dans  cet  ouvrage, 
c'est  une  introduction  qui  contient  un  aperçu  historique  sur 
le  commerce  et  l'industrie  de  l'Allemagne  septentrionale  pen- 
dant les  cinquante  dernières  années  ;  j'en  présenterai  les  prin- 
cipales données.  Pendant  la  guerre  de  l'indépendance  des 
colonies  anglaises  en  Amérique,  le  commerce  du  nord  de 
l'Allemagne  prit  un  essor  extraordinaire  :  les  nouveaux  dé- 
bouchés qui  lui  furent  ouverts  firent  promptement  écouler 
les  toiles,  les  lins  ,  les  grains,  et  les  autres  productions  du 
pays,  dont  l'expédition  enrichit  les  villes  anséatiques.  Après 
le  rétablissement  de  la  paix,  ces  débouchés  restèrent  ouverts  ; 
mais  la  concurrence  fut  plus  grande,  et  les  bénéfices  devinrent 
beaucoup  moindres.  Une  nouvelle  époque  d'activité  et  de  pros- 
périté pour  le  commerce  allemand  commença  avec  la  guerre 
de  la  révolution  française;  grâce  à  leur  neutralité,  les  villes 
anséatiques  firent  des  expéditions  immenses,  surtout  depuis 
que  la  Hollande  ,  subjuguée  par  les  troupes  républicaines,  vit 
son  commerce  anéanti;  les  toiles,  les  fils,  les  grains ,  et  en  gé- 
néral tout  ce  que  peut  fournir  le  nord  de  l'Allemagne,  était 
embarqué  en  masses  énormes  à  Hambourg  pour  l'Angleterre  ; 
en  échange  ,  les  Anglais  inondaient  l'Allemagne  par  la  même 
voie  de  leurs  productions  coloniales.  Ce  teins  de  calamités  et  de 
guerres  désastreuses  fut  un  âge  d'or  pour  l'Allemagne  septen- 
trionale. Le  séjour  des  émigrés,  les  subsides  de  l'Angleterre  ,  les 
dépenses  faites  par  les  grandes  armées  qui  occupaient  les  pays 
voisins,  répandaientplus  d'argent  dans  ces  contrées  naturellement 
pauvres ,  qu'elles  n'en  avaient  vu  depuis  des  siècles.  La  classe 
moyenne  surtout  se  ressentit  de  cette  nouvelle  aisance  ;  les  pay- 
sans en  eurentVissi  leur  part,  et  l'agriculture  y  gagna  ;  mais  l'in- 


ALLEN  V.GNE-  (></» 

dufttrie,  iclonla  i  (.'m  ii  que  de  l'auteur,  resta  a  peu  près  station- 
n.iiir.  Au  lieu  d'employer  dos  capitaux  à  L'établissement  des 
manufactures  ,  beaucoup  d<-  personnes  les  prêtèrent  aux  gou- 
vernemens  qui  de  tous  côtés  faisaient  des  emprunts,  et  dont 
plusieurs  ont  Uni  par  des  banqueroutes.  Ce  dernier  fait  ne  se 
trouve  pas  rappelé  dans  l'ouvrage  de  M.  de  Gûlich  ;  mais  il  n'en 
est  pas  moins  certain*  L'auteur  convient  que,  tandis  qu'en 
France  et  en  Angleterre  l'industrie  faisait  les  progrès  les  plus 
rapides,  l'Allemagne  septentrionale  semblait  prendre  à  tache 
de  ae  point  avancer,  et  qu'elle  se  trouva  par  conséquent  bien- 
tôt fort  arriérée.  Dans  les  \illcs  anséatiques,  le  goût  des  Spé- 
culations hasardeuses  causa  la  ruine  de  beaucoup  de  maisons 
de  commercet  Les  avantages  que  les  ports  allemands  avaient 
tirés  de  leur  neutralité  pendant  les  guerres  de  la  révolution 
cessèrent  avec  ces  guerres ,  et  les  événemens  des  premières  an- 
nées de  ce  siècle  les  placèrent  dans  une  position  toute  diffé- 
rente. Les  Français,  en  occupant  le  Hanovre  et  quelque  lerns 
après  les  villes  ansénntiques,  mirent  fin  au  commerce  maritime, 
.surtout  avec  l'Angleterre;  mais  l'industrie,  réduite  à  ses  propres 
ressources,  et  délivrée  de  la  concurrence  étrangère,  se  déve- 
loppa librement  et  les  manufactures  se  multiplièrent ,  principa- 
lement en  Saxe  et  dans  le  pays  de  Berg.  L'auteur  prétend  que 
le  paysan  était  accablé  d'impôts,  de  fournitures,  de  logemens 
militaires,  et  que  le  pays  fut  singulièrement  appauvri  par  les 
dotations  que  Napoléon  accordait  aux  généraux  fiançais  dans 
les  pays  conquis;  ce  qui  faisait  passer  les  revenus  des  terres  en 
France,  sans  indemnité  pour  l'Allemagne,  Cette  réflexion  a 
quelque  chose  de  spécieux;  mais,  pour  être  impartial ,  il  aurait 
fallu  mettre  aussi  dans  la  balance  les  avantages  que  le  régime 
français,  introduit  dans  le  Hanovre  et  ailleurs,  procurait  à 
toutes  les  classes  de  la  société,  comme  l'aboi issement  des  cor- 
vées ,  l'égalité  des  droits,  la  liberté  des  cultes,  etc.  On  voit  que 
l'auteur  ose  à  peine  parler  de  cette  époque,  tant  il  paraît  craindre 
de  se  compromettre.  Lorsqu'enfin  l'Allemagne  fut  affranchie 
du  joug  étranger,  le  commerce  maritime  reprit  son  cours;  les 
toiles  allemandes  pénétrèrent  dans  l'Amérique  du  sud  ;  les  grains 
furent  attirés  en  Angleterre,  ainsi  que  les  fils  et  les  laines;  les 
années  1817  et  1818  furent,  selon  l'auteur,  les  plus  heureuses 
pour  l'agriculture  allemande.  Les  fermiers  firent  des  bénéfices 
considérables;  on  se  pressait  pour  avoir  des  fermes;  les  baux 
haussèrent  rapidement  de  prix,  tous  les  biens  fonciers  augmen- 
tèrent de  valeur.  Mais,  dès  Tannée  18 19  ,  cet  état  prospère 
changea;  l'Angleterre  cessa  de  tirer  ses  blés  de  l'Allemagne  » 
les  prix  des  grains  et  des  laines  baissèrent;  les  banqueroutes 


6*9  4  LIVRES  ÉTRANGERS. 

se  multiplièrent ,  et  la  Prusse,  par  son  tarif  de  douanes,  porta 
un  coup  mortel  au  commerce  de  transit  qui  avait  été  si  profi- 
table pour  le  Bord  de  l'Allemagne.  Ce  n'est  pas  que,  depuis 
cette  époque,  l'exportation  de  quelques  articles,  notamment 
celle  des  laines  ,  n'ait  été  avantageuse  ;  la  Grande-Bretagne  % 
qui,  en  1800  ,  avait  tiré  de  l'Allemagne  seulement  4,120  quin- 
taux de  laine;  en  181 4,  34,3^4,  ct  cn  1818,  84,322  ,  en  a  tiré  , 
en  1824?  la  masse  énorme  de  154,122  quintaux,  et  il  paraît 
qu'en  1825  l'exportation  a  été  plus  forte  encore;  mais  les  laines 
sont  à  trop  bas  prix  ,  et  les  gens  de  la  campagne  se  sont  accou- 
tumés aux  aisances  de  la  vie,  ce  qui  les  force  à  tirer  ôa  dehors 
des  quantités  considérables  de  denrées  coloniales  ,  d'objets  ma- 
nufacturés, d'étoffes,  etc.  On  avait  conçu  l'espoir  de  faire 
écouler  beaucoup  de  toiles  dans  les  nouveaux  États  d'Amé- 
rique; mais  les  marchés  de  cette  partie  du  monde  ont  été  bien- 
tôt encombrés  d'objets  arrivés  de  toutes  parts  ,  et  la  gène  qui 
en  est  résultée  pour  le  commerce  anglais  lui-même,  s'est  com- 
muniquée à  celui  de  l'Allemagne.  Les  réflexions  par  lesquelles 
l'auteur  termine  son  aperçu  ne  sont  rien  moins  qu'encoura- 
geantes pour  l'agriculture  et  le  commerce  de  ses  compatriotes; 
de  quelque  côté  qu'il  porte  ses  regards,  il  n'aperçoit  que  le 
système  prohibitif;  partout  on  veut  exporter  des  marchandises, 
nulle  part  on  ne  veut  en  recevoir;  et  les  contrées  où  il  serait 
possible  d'en  envoyer  sont  justement  celles  qui  ne  peuvent  les 
payer.  M.  de  Gùlich,  dans  un  tableau  ajouté  à  son  ouvrage,  met 
en  parallèle  les  tarifs  de  quelques  grands  états  de  l'Europe  et 
de  l'Amérique,  où  l'on  voit  que  certaines  marchandises  paient 
un  droit  d'entrée  plus  élevé  que  leur  propre  valeur,  et  que 
d'autres  sont  totalement  prohibées.  L'auteur  se  borne  à  con- 
stater cet  état  de  choses,  sans  indiquer  les  moyens  de  le  changer. 

234.  • —  Ueber  den  Obscurantismus  der  das  deutsehe  Vater- 
land  bedrokt.  —  De  l'obscurantisme  qui  menace  la  patrie  alle- 
mande, par  J.-G.  Pahl.  Tubingue ,  1826;  Osiander.  In-8°. 

En  Allemagne  comme  en  Fiance,  la  lutte  est  engagée  entre 
les  lumières  et  les  ténèbres,  entre  les  partisans  de  la  liberté 
légale  et  les  amis  de  la  servitude  en  tout  genre;  et  comme  les 
Allemands  sont  plus  flegmatiques  que  les  Français,  la  discus- 
sion entre  les  deux  partir,  est  anssi  plus  calme,  et  les  brochures 
plus  méthodiques.  M.  Pahl  range  les  obscurans  en  diverses 
classes;  dans  la  première,  il  passe  en  revue  les  obscurans 
politiques,  qui  prêchent  le  régime  absolu,  sous  le  prétexte 
d'éviter  les  révolutions;  il  nomme  MM.  de  I  aller ,  Dabeloiv , 
Sluhr ,  Gœnner,  Frédéric  Schlegel ,  Stourdza ,  et  quelques  autres. 
Il  s'adresse  ensuite  aux   obscurans  ultramontains,    partisans 


ALLEMAGNE.  <'></> 

aveugles  de  l'autorité  papale  illimitée* ;  il  fait  voir  quels  sont 
les  efforts  lentes  par  ce  parti  redoutable  en  France  et  eu 
Bavière,  afin  vie  s'emparer  <ln  pouvoir;  de  l'éducation  de  la 
jeunesse  et  de  l'esprit  du  peuple.  Après  lui,  viennent  les 
obscurs ns  protestans,  qui  prêchent  l'intolérance  et  s  enveloppent 
de  mysticisme.  Dans  un  de  sos  derniers  chapitres,  il  fait  voir 
qu'on  n'a  tant  déclamé  contre  1rs  Universités  allemandes,  qu'afin 
d'avoir  occasion  de  détruire  ces  foyers  de  linnière  et  de 
science,  contre  lesquels  ont  échoué  jusqu'à  présenties  sourdes 
menées  des  obscurans  de  la  Germanie*. 

a'35.  —  Erstcr  Steg  des  LichtS   uhrr  die  Finsterniss   in  der 

•  * 

katliolisehen  Kirclic  Se  hic  siens.  —  Première  victoire  de  la  lu- 
mière sur  les  ténèbres  dans  l'église  catholique  de  la  Silésie. 
Hanovre,  i8>.G;  Ilahn.  In-8"  de  !\>  pai:. 

Si  l'on  ne  savait  ce  qui  se  passe  dans  la  Silésie,  on  ne  devi- 
nerait jamais  l'énigme  renfermée'  dans  ce  titre. 

La  Silésie  est,  comme  on  sait,  un  pays  en  grande  partie 
catholique  qui  obéit  à  un  prince  protestant,  le  roi  de  Prusse. 
Le  rapprochement  des  deux  cultes  a  fortement  influé  sur  les  ca- 
tholiques qui  sentent  le  besoin  d'opérer  quelques  réformes  dans 
leurs  usages  religieux,  et  de  rejeter  ce  qui  ne  s'accorde  plus 
avec  les  mœurs  et  les  lumières  du  siècle.  Tout  récemment,  un 
prêtre  anonyme  a  demandé,  dans  une  brochure,  l'abolition  du 
célibat,  des  messes  commandées  et  payées,  etc.  Dans  la  bro- 
chure qui  fait  le  sujet  de  cet  article,  on  publie  la  pétition  que 
onze  prêtres  ont  adressée  à  leur  évèque,  pour  le  supplier  de 
réformer  les  abus  du  culte,  de  substituer  la  langue  allemande 
au  latin,  incompréhensible  pour  le  peuple,  de  faire  rédiger 
un  missel  moins  absurde  que  celui  dont  on  se  sert  dans  les 
églises  de  la  Silésie,  etc.  «Nous  autres  Allemands,  disent  ils,  nous 
voulons  non  seulement  prêcher  en  allemand  à  notre  nation, 
mais  nous  voulons  aussi  prier,  pour  elle  et  avec  elle ,  dans  la 
langue  nationale.  Tant  que  le  latin  ne  sera  pas  banni  de  la 
liturgie,  il  n'y  aura  pas  de  culte  vraiment  religieux  et  édi- 
fiant. »  On  apprend  que  lcveque  a  répondu,  avec  un  peu  d'hu- 
meur, qu'il  n'avait  pas  le  pouvoir  de  changer  les  rits  de  l'église , 
et  qu'il  infligerait  des  peines  ecclésiastiques  à  ceux  de  ses  su- 
bordonnés qui  se  permettraient  des  innovations  non  autorisées. 
On  n'insiste  pas  moins,  dans  d'autres  brochures  et  dans  quel- 
ques journaux  allemands  ,  sur  la  nécessité  d'une  réforme  du 
culte  romain.  On  veut  que,  dans  les  églises  catholiques,  le  tems 
du  service  divin  soit  consacré  en  grande  partie  à  chanter  des 
cantiques  en  langue  nationale,  comme  cela  àe  pratique  chez 
les  protestans,  au  lieu  de  réciter  de  vieilles  formules  latines, 
dont  plusieurs  n'ont  guère  de  sens.  D — g. 


696  LIVRES  ETRANGERS. 

236. —  *  Thaddàus  Kosciuszko ,  dargcstellt ,  etc. —  Thaddée 
Kosciuszko,  ou  histoire  de  sa  vie,  par  Charles  Falkenstein, 
secrétaire  attaché  à  la  Bibliothèque  royale  de  Dresde  ,  etc. 
Leipzig,  1827  ;  Brockhaus.  In-8°  de  294  p. 

On  connaît  déjà  plusieurs  notices  biographiques  sur  Kos- 
ciuszko, parmi  lesquelles  les  Polonais  ont  distingué  celle  de 
BI.  Jullien,  traduite  dans  leur  langue  (voy.  Rev.  Enc. ,  t.  1, 
p.  32.5.  Février  18 19),  et  remarquable  par  le  sentiment  qui  l'a 
dictée  et  par  la  véracité  des  faits  que  l'auteur  avait  recueillis, 
concernant  le  héros  polonais.  M.  Falkenstein  a  su  profiter  du 
travail  de  ses  devanciers;  mais  sa  biographie  est  conçue  sur  un 
plan  plus  vaste  que  les  précédera,  et  s'est  enrichie  des  matériaux 
nombreux  qu'il  a  dus  à  ses  relations  avec  Kosciuszko  lui-même 
et  avec  d'autres  Polonais,  Désirant  éclaircir  les  moindres  cir- 
constances de  la  vie  privée  et  publique  du  grand  homme  dont 
il  veut  transmettre  à  la  postérité  une  fidèle  ressemblance,  il 
cite  près  de  quarante  ouvrages  qui  ont  servi  à  ses  recherches , 
mais  dont  la  plupart  contiennent  fort  peu  de  détails  sur  Kos- 
ciuszko. Toutefois  il  est  à  regretter  que  M.  Falkenstein  ne  men- 
tionne point  ceux  où  il  a  puisé  le  récit  des  circonstances  qui  se 
rattachent  tant  au  voyage  du  jeune  Kosciuszko  à  l'Ecole  mili- 
taire de  Paris,  qu'à  ses  premières  amours  avec  la  belle  et  inté- 
ressante SosnowsAa.  Quant  au  premier  fait,  on  ne  trouve  dans 
biographie  de  Kosciuszko,  par  le  comte  Alexandre  C/iod- 
hiewiez,  citée  par  l'auteur ,  que  la  date  de  l'année  1 769 ,  époque 
du  départ  du  jeune  Polonais  pour  voyager  dans  les  pays 
étrangers,  et  le  récit  de  l'aventure  amoureuse  dont  nous  avons 
parlé  diffère  beaucoup,  dans  la  nouvelle  histoire,  de  la  manière 
dont  elle  est  rapportée  dans  les  Mémoires  du  contemporain 
Zenowicz.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  au  tems  à  dévoiler  les  secrets 
de  la  première  jeunesse  de  Kosciuszko., 

Le  talent  et  les  soins  consciencieux  que  M.  Falkenstein  a  con- 
sacrés à  son  ouvrage  lui  donnent  des  droits  assurés  à  la  recon- 
naissance des  Polonais  et  de  tous  ceux  qui  voudront  connaître 
l'homme  généreux  dont  le  dévoûment  patriotique,  les  mal- 
heurs et  la  gloire  appartiennent  déjà  à  l'histoire. 

Notre  auteur  se  montre  observateur  judicieux,  éclairé  et  nar- 
rateur impartial  :  ses  affections  n'altèrent  point  l'équité  de  ses 
jugemens.  Après  avoir  indiqué  avec  précision  les  causes  de  la 
décadence  de  la  Pologne,  de  cette  noble  contrée  où  le  sentiment 
national  et  patriotique  a  survécu  dans  les  cœurs  de  ses  habitans 
à  l'indépendance  même  de  la  nation  et  à  l'existence  politique 
de  la  patrie,  il  arrive  à  la  mémorable  époque  de  l'année  179/1  » 
dans   laquelle  Kosciuszko,   trahi  par  beaucoup  d'événemens 


ALLEMAGNE.  fi|>7 

funestes ,  10  montra  supérieur  à  la  fortune  el  digne  de  la  grande 

mission  (jn'il  fut  appelé  à  remplir.  Cette  époque  est  traitée 
avec;  tous  les  développement  convenables,  par  Rf.  Falkenstein  , 
(jni  a  piis  soin  de  recueillit'  et  de  consacrer  par  d'honorables 
éloges  tons  les  noms  des  généreux  Polonais,  compagnons  de 
fCosciuszko,  en  même  tems  qu'il  voue  au  mépris  et  à  l'indigna- 
tion dos  gens  de  bien  les  noms  de  quelques  nommes  dénaturés 
<|ni  furent  traîtres  à  leur  pays. 

Dos  pièces  justificatives  ,  réunies  à  la  fin  du  volume,  donnent 
a  la  narration  un  nouveau  degré  d'authentieité  qui  augmente 
encore  l'intérêt,  C — o. 

237.  —  Solder' s  nachgclasscnc  Schrlften  und  Bfiefwechsel.  — 
OEuvres  posthumes  et  correspondance  de  Solgf.r;  publiées 
par  L.  Tif.ck.  et  Frid.  dï  Raumer.  Leipzig,  iSiG  ;  Brockhaus, 

I  vol.  in- 8°  de  780  et  784  pag. 

On  demandera  quel  est  ce  Solger  dont  on  publie  les  œu- 
vres posthumes  en  deux  forts  volumes.  Le  nom  de  ce  professeur 
de  philosophie  est  tout- à- fait  inconnu  en  France;  mais  il  a 
quelque  célébrité  en  Allemagne.  Solger  était  né  en  1780;  il 
mourut  en  1819,  après  avoir  professé  la  philosophie,  d'abord 
à  l'Université  de  Francfort-sur-l'Oder ,  puis  à  celle  de  Berlin. 

II  étoit  ami  intime  du  poëte  Ticck  et  de  l'historien  Raumer;  ces 
deux  littérateurs  ont  recueilli  ses  œuvres  posthumes  et  sa 
correspondance  avec  eux;  ils  ont  même  ajouté  leurs  propres 
lettres,  ce  qui  grossit  un  peu  le  bagage.  Cette  correspondance 
occupe  presque  tout  le  premier  volume.  Le  second  est  rempli 
de  morceaux  de  métaphysique  et  de  philosophie,  d'articles 
critiques  sur  Sophocle,  sur  l'art  dramatique,  sur  la  mythologie 
des  anciens,  etc.  La  correspondance  entre  les  trois  amis  roule 
en  grande  partie  sur  leurs  travaux  littéraires;  ils  se  consultent, 
se  font  des  complimens,  ajoutent  timidement  quelques  remar- 
ques critiques,  et  parlent  d'eux-mêmes  comme  si  l'immortalité 
leur  était  déjà  assurée.  Cette  correspondance,  quoique  froide- 
ment écrite,  a  néanmoins  de  l'intérêt;  elle  nous  met  dans  la 
confidence  des  travaux  et  des  projets  de  quelques  littérateurs 
allemands  qui,  au  moins  dans  leur  tems,  ont  passé  pour  des 
esprits  distingués.  Leur  correspondance  est  précédée  d'un 
journal  ou  recueil  de  notes  que  Solger  a  tenu  pendant  son 
voyage  en  Allemagne  et  à  Paris,  dans  l'année  1800.  On  trouve 
dans  ce  journal  des  remarques  piquantes,  et  des  critiques  plus 
ou  moins  justes,  telles  que  les  fait  un  voyageur  qui  ne  voit  les 
choses  qu'en  passant.  L'auteur  refuse  le  goût  de  la  musique 
aux  Français  ,  parce  qu'on  a  mutilé  à  Paris  la  wFldtc  cricJiantte 
de  Mozart,  et  qu'on  applaudit  à  l'Opéra  les  tris  effroyables  des 


69S  LIVRES  ÉTRANGERS. 

chanteurs.  11  blâme  M.  Alex.  Lcuoir  d'avoir  restauré  et  réuni 
les  anciens  nïonumens  qui  étaient  au  Musée  des  Petits-Augus- 
tins  :  «Un  Allemand,  dit-il ,   aurait  eu  trop  de  respect -pour 
toucher  à  ces  antiquités  ,   et  pour  prétendre    les  remettre   à 
neuf.  »  M.  Solger  appelle  cela  un  délit  commis  envers  les  arts. 
Du  reste,  il  rend  justice  au  zèle  de  notre  compatriote;  et  nous 
saisirons  ici  l'occasion  d'exprimer  à  M.  Lenoir  la  reconnaissance 
des  amis  des  arts,  et  le  sentiment  commun  d'affliction  que  leur  a 
fait  éprouver  l'acte  de  vandalisme  qui  a  supprimé  le  M  usée  qu'il 
avait  fondé  ,  et  qui  a  dispersé  les  monumens  que  ses  laborieuses 
recherches  lui  avaient  permis  de  recueillir.  L'auteur  fut  intro- 
duit aux  soirées  de  Millin;  il  en  parle  avec  une  sorte  d'humeur: 
«  Le  maître  de  la  maison,  dit-il,  se  croyait  en  droit  de  ne  s'em- 
barrasser de  personne,  et  chacun  se  tourmentait  à  sa  manière 
pour  arracher  une  parole  à  son  voisin  :  c'était  une  espèce  de 
cour  que  Millin  se  faisait  faire  :  il  tournait  dans  la  salle,  et  de 
tems  en  tems  il  commençait  une  conversation  en  faveur  de  toute 
la  compagnie,  en  avançant  quelque  chose  de  paradoxal,  afin 
de  fournir  une  matière  à  la  discussion  :  aussi  le  combattait-on 
bravement;  mais  il  finissait  par  rester  vainqueur.  Millin  parle 
beaucoup,  et  aussi  superficiellement  qu'on  peut  le  désirer.  L'en- 
nui d'une  telle  société  vient,  je  crois ,  de  ce  que  chacun  s'ima- 
gine qu'il  faut  y  étaler  de  l'esprit  et  du  savoir:  par  malheur, 
la  plupart  des  personnes  réunies  étaient  des  étrangers  qui  ne 
savaient  que  faire  l'un  de  l'autre.  »  Il  y  a,  selon  moi,  une  sorte 
d'ingratitude  à  parler  avec  cette  malveillance  devant  le  public, 
des  réunions  d'un  savant  estimable  qui  n'avait  d'autre  but  que 
d'être  agréable  aux  étrangers,  et  de  leur  fournir  un  point  de 
réunion;  mais  peut-être  Solger  ne   destinait-il  pas  ces  notes  à 
la  publicité  :  c'est  ce  que  les  éditeurs  auraient  dû  faire  savoir. 
Le  second  volume  a  moins    d'intérêt    que  le  premier.  Les 
morceaux  philosophiques  et  métaphysiques  peuvent  être  pro- 
fonds; mais  quand  on  les  a  lus,  il  en  reste  dans  l'esprit  très- 
peu  de  chose.  Ces  morceaux  sont  écrits. d'ailleurs  avec  séche- 
resse, et.  dépourvus  de  tout  agrément  de  style,  quoique  Solger 
écrive  du  reste  très-purement.  Il  y  a  plus  de  mérite  et  d'intérêt 
dans  les  articles  sur  Sophocle,  sur  l'art  dramatique  ,  sur  la  mv- 
thologie  des  anciens  ;  l'auteur  y  fonde  au  moins  ses  remarques 
sur  quelque  chose  de  réel,  et  on  voit  qu'il  a  fait  une  étude  pro- 
fonde des  auteurs  de  l'antiquité.  On  trouve  aussi  dans  ce  second 
volume  des  réflexions  sur  l'enthousiasme  patriotique,  réflexions 
inspirées  par  les  grands  événemens  qui ,  en  1 8 1 3  et  1 8 1  .'i ,  tirent 
reconquérir  l'indépendance   nationale  aux  Prussiens.  On  voit 
sque  l'auteur  n'était  pas  entraîné  par  le  mouvement  général  de 


ALLEMAGNE*  $99 

5.1  nation;    toutefois    il  l'ait   de   lionnes  remarques    sur  cet  élan 

patriotique  que  les  nations  ne  manifestent  que  dans  les  grandes 
circonstances  1  et  qu'après  une  Longue  et  humiliante  oppression. 

D-o. 
•>'kS.  —  *  Quettioaes  Hewdotrce. —  Questions  twv  Hérodote 

par   Charles  -  Louis  lh\sr.  I"'  partie:  delà  \  ie  et  des  voyages 
d'Hérodote.  Berlin,  1827.  In- 8°. 

La  préfaœ  de  cet  intéressant  travail  annonce  beaucoup  de  ju- 
gement et  de  modestie  :  il  a  semble  à  l 'auteur  que  l'on  tranchait 
souvent  trop  facilement  les  questions  les  plus  délicates  ;  que  trop 
souvent  on  se  constituait  juge  en  dernier  ressort  sur  des  sujets 
peu  OU  mal  explores:  et  il  déclare  qu'il  a  mieux  aimé  avouer 
quelquefois  ses  doutes,  que  de  présenter  comme  certaines  des 
opinions  qui  ne  pouvaient  être  tout  au  plus  que  des  conjec- 
tures. M.  lleyse  indique  pour  la  date  de  la  naissance  d'Héro- 
dote la  première  année  de  la  74e  olympiade,  la  /|8/|e  avant 
Jésus-Christ  :  six  ans  s'étaient  écoulés  depuis  la  bataillede  Mara- 
thon. Né  à  Halycarnassc,  Hérodote  eut  pour  père  Lyxès ,  pour 
mère  Rhœo  ou  Dryo;  il  comptait  parmi  ses  païens  le  poëtc 
épique  Panyasis.  En  examinant  ce  qui  concerne  ce  poète  et  ses 
écrits,  M.  Heyse  combat  les  opinions  émises  à  ce  sujet  par 
M.  le  professeur  ]\Tiaeke.  La  question  qu'il  discute  ensuite  a  pour 
but  de  déterminer  si  Hérodote  a  lu  son  histoire  aux  jeux 
olympiques  :  ce  fait  se  rapporterait  à  l'olympiade  8i.  L'autorité 
la  plus  ancienne  pour  l'affirmation  est  celle  de  Lucien.  On  est 
allé  plus  loin  après  lui ,  car  on  a  dit  que  Thucydide  avait  en- 
tendu la  lecture  de  l'ouvrage  d'Hérodote.  D'abord  ,  M.  Heyse 
restreint  avec  raison  ces  assertions;  puis,  il  se  déclare  pour 
elles,  après  avoir  cherché  à  démoulier  que  celte  lecture 
n'avait  embrassé  que  des  fragmens;  et  il  combat  d'une  manière 
ingénieuse  les  objections  de  Dahlmann  sur  les  invi  aissemblanccs 
qui  résultent  de  la  nature  même  de  la  chose  et  du  peu  de  poids 
de  l'autorité  de  Lucien,  qui  parait  même  s'en  être  rapporté  à 
une  simple  tradition.  La.  seclio/i  suivante  est  consacrée  à  la  \  ie 
d'Hérodote  jusqu'en  l'olympiade  8/»,  douze  ans  après  cette 
lecture,  époque  à  laquelle  il  passa  àThusium  avec  une  colonie. 
Hérodote  avait  alors  quarante  ans;  et  il  termina  dans  celte 
ville  son  histoire  par  le  soulèvement  des  Modes  comprimé  par 
le  second  Darius,  la  première  année  de  l'olvmpiade  r)3.  Il  fyut 
donc  qu'Hérodote  soit  mort  plus  tard,  âgé  de  plus  de  quatre- 
vingts  ans;  il  mourut  à  Thusium.  M.  lleyse  pense  qu'il  ne  se 
maria  point.  Quant  à  ses  voyages,  il  visita  l'Asie,  la  Crète, 
Cypre,  la  Phénicie.  la  Syrie,  l'Arabie,  la  Mésopotamie,  l'As- 
syrie et  la  Médie.  On  ne  sait  s'il  vint  à  Suze  ;  mais  il  ne  vit  point 


7oo  LIVRES  ÉTRANGERS. 

l'Arcane,  la  Bactriane,  ni  l'Inde.  En  Afrique,  il  parcou- 
rut l'Egypte  et  ne  pénétra  point  dans  la  Lybie  intérieure.  Sa 
présence  à  Cyrène  est  affirmée  par  l'auteur,  qui  doute  qu'il 
soit  allé  à  Carlhage.  Enfin,  en  Europe,  Hérodote  a  voyagé 
en  T h race,  en  Macédoine,  en  Italie  et  probablement  en 
Sicile ,  sans  que  l'on  puisse  préciser  l'époque  d'aucun  de  ses 
voyages. 

23g.  — '  *  Àlcœi  Mitylenœi  reliquiœ.  —  Les  Fragmens  d'Alcée 
réunis  et  enrichis  de  notes,  par  Aug.  Mathijs.  Leipzig,  1827. 
In-8°. 

L'un  des  plus  grands  poètes  lyriques  a  disparu  du  Parnasse 
grec.  Nous  ne  connaissons  d'Alcée  que  des  fragmens  épars 
dans  les  œuvres  des  divers  auteurs  qui  nous  ont  parlé  de  lui. 
Alcée  de  Mitylène  montrait  de  grandes  dispositions  pour  les 
armes  et  les  combats;  mais  il  prit  la  fuite  à  la  première  occa- 
sion, et  les  Athéniens  vainqueurs  suspendirent  ses  armes  au 
temple  de  Minerve  à  Sigée.  Ce  poëte  ne  fut  pas  plus  heureux 
dans  sa  carrière  politique  :  il  se  joignit  avec  ses  frères  à  Pittacus 
pour  chasser  le  tyran  de  Mitylène;  puis  il  se  mita  la  tête  de 
ceux  que  l'administration  de  Pittacus  mécontentait,  et  composa 
contre  lui  des  vers  où  régnait  le  ton  le  plus  injurieux.  Alcée 
fut  banni;  puis,  il  tenta  de  rentrer  dans  sa  patrie  avec  les 
exilés,  et  tomba  entre  les  mains  de  Pittacus,  qui  usa  de  clé- 
mence envers  lui.  On  veut  qu'ii  ait  été  l'amant  malheureux  de 
Sapho,  et  l'on  rapporte  à  ce  sujet  beaucoup  de  détails  qui  ne 
peuvent  trouver  ici  leur  place.  La  collection  de  M.  Mathiae  est 
accompagnée  d'une  dissertation  sur  la  vie  et  les  ouvrages  d'Alcée. 
Ce  n'est  pas  la  première  fois  qu'on  recueille  ses  poésies  ; 
même  dans  les  derniers  tcms,  elles  ont  été  publiées,  d'abord, 
par  Juni  et  Stange;  puis,  par  Blomfield.  L'édition  actuelle  était 
destinée  aux  Analecles  de  Wolf ,  auquel  le  manuscrit  fut  en- 
voyé en  18  19;  mais  ce  savant  étant  mort  sans  en  faire  usage, 
M.  Mathiae lepublie  aujourd'hui  séparément,  et  y  ajoute  quatre 
fragmens  puisés  dans  un  écrit  d'Hérodien  ,  conuu  depuis  peu. 
Il  y  en  a  en  tout  cent  cinquante-neuf,  qui  sont  divisés  ainsi 
qu'il  suit:  i°  chants  guerriers  ou  politiques  ;  i°  hymnes  (à 
Apollon ,  à  Mercure,  à  Vulcain  );  3°  chansons  de  table;  4°  chants 
héroïques.  Il  y  a  encore  deux  sections;  l'une  intitulée  :  Inccrtœ 
sedis  fragmenta ,  ce  qui  signifie  qu'on  ne  sait  à  quelle  classe 
les  assigner  ;  l'autre  ne  contient  que  des  mots  isolés.  Il  n'est 
pas  besoin  de  dire  que,  sobre  de  paroles,  M.  Mathiae  a  été 
prodigue  de  choses.  Il  réunit  en  78  pages,  des  variantes,  des 
remarques  grammatica les,  historiques  et  critiques.  Nous  indi- 
querons deux    additions  fort  importantes;  la  première  est  une 


ALLEMAGNE.  —SUISSE.  701 

discussion  où  l'on  réfute  ceux  qui  veulent  enlever  à  Théocrito 
y  idylle  pour  l'attribuer  à  Ucée  ;  la  seconde  comprend  les 
imitations  d'Horace ,  soigneusement  rapportées  chaque  fois  que 
l'occasion  s'en  présente.  Cet  ouvrage  doit  naturellement  faire 
partie  de  toutes  les  bibliothèques  philologiques. 

]\  DE  Goi.ut;ny. 

SUISSE. 

2 4o.  —  *  Notice  sur  Pestalozzi,  par  M'»e  Adèle  Duthon*  ,   au- 
teur de  Y  Histoire  <le  la  série  des  ami*.  Genève,  1827;  A.  Cher 
bu  liez;  Taris,  Paschoud.  [n-8°  de  'M)  pages.  {Voy.  ci-dessus, 
pag.  *2()5,  la  Notice  sur  Pestalozzi ,  par  M.  Monnard,  de  Lau- 
sanne. 

L'un  des  moyens  les  plus  efficaces  de  réformer  un  peuple, 
le  seul  peut-être  dont  le  succès  soit  certain,  c'est  l'éducation. 
Cette  vérité  n'est  plus  contestée;  et  cependant,  la  plupart  des 
hommes  qui  se  vouent  à  la  noble  fonction  d'instruire  leurs 
semblables  n'y  voient  absolument  qu'un  moyen  de  gagner  de 
l'argent,  une  simple  spéculation  mercantile. 

'Dans  cette  situation  des  choses,  un  philosophe  qui,  comme 
Pestalozzi,  a  consacré  toute  sa  vie,  avec  un  désintéressement 
sans  exemple,  à  l'éducation  publique,  est  un  phénomène  d'au- 
tant plus  extraordinaire  que  cet  homme  généreux  était  porté 
an  bien  par  un  instinct  naturel,  bien  plutôt  que  par  une  raison 
éclairée  et  par  des  études  approfondies.  Tout  ce  qui  tend  à 
honorer  la  mémoire  de  ce  bienfaiteur  de  l'humanité  et  à  le 
faire  mieux  connaître  doit  donc  être  rendu  public,  afin  d'of- 
frir d'utiles  exemples  et  d'encourager  ses  imitateurs.  C'est  par 
ce  motif  que  nous  annonçons  la  Notice  sur  Pestalozzi,  par 
Mmc  Duthon.  Quelques  phrases  sur  la  philantropic  et  sur  les 
paysages  de  la  Suisse,  une  critique  un  peu  vive  des  voyages 
en  Helvétic,  publiés  par  MM.  Simond  et  Pvaoul-Rochette,  des 
réflexions  sur  le  système  de  gène  et  d'oppression  que  plusieurs 
puissances  voisines  de  la  Suisse  font  peser  sur  elle,  des  obser- 
vations sur  la  honte  qui  devrait  flétrir  le  service  à  l'étranger, 
et  sur  les  causes  qui  amènent  l'expatriation  en  général,  tel  est 
le  contenu  des  premières  pages  de  cet  opuscule.  Mmc  Duthon 
arrive  enfin  à  Pestalozzi  :  elle  jette  d'abord  un  coup  d'œil  sur 
la  situation  politique  de  l'Helvétie  à  l'époque  où  il  com- 
mença sa  carrière  philantropique. 

Il  était  convenable,  sans  doute,  de  célébrer  à  cette  occa- 
sion l'héroïsme  avec  lequel  les  petits  cantons  défendirent  leur 
indépendance  contre  l'agression  étrangère. Mais,  à  quel  propos 


7C2  LIVRES  ÉTRANGERS. 

la  phrase  suivante?  «  Les  Français  ,  pendant  cette  guerre,  quoi- 
qu'ils employassent  tous  les  moyens  de  corruption,  ne  purent 
trouver  ni  un  espion  ,  ni  une  maîtresse;  entre  la  mort  et  l'igno- 
minie, les  Suisses  n'hésitèrent  pas »  Et  pourquoi  y  joindre 

cette  note  ?  «Le  canton  de  Vaud  ne  peut  être  compris  dans  ce 
qui  vient  d'être  dit,  les  Français  y  furent  reçus  en  amis.  »  Ne 
semblerait -il  pas  quelesVaudois,  alliés  des  Fiançais,  leur  firent 
le  sacrifice  de  leur  honneur  et  de  leurs  vertus  domestiques? 
Nous  aimons  à  croire  que  Mme  Duthcn  n'a  pas  voulu  injurier 
gratuitement  sa  patrie.  Quoiqu'il  soit  pénible  de  revenir  sui- 
des questions  depuis  long-tems  décidées,  et  qui  peuvent  ré- 
veiller des  haines  assoupies,  lorsque  l'union  est  si  nécessaire, 
nous  rappellerons  ici,  pour  les  personnes  irréfléchies  que  de 
fausses  allégations  pourraient  séduire,  que  le  canton  de  Vaud 
n'était,  en  1798,  que  le  pays  de  Vaud,  et  les  habitans  du  pays 
de  Vaud  que  les  sujets  des  Suisses.  Il  importe  peu  que  les  Ber- 
nois eussent  octroyé  aux  Vaudois  le  faible  avantage  de  se  parer 
du  même  nom  qu'eux.  Ce  qui  constitue  en  réalité  la  qualité 
de  citoyen,  c'est  la  jouissance  de  tous  les  droits  politiques  du 
citoyen.  Jusqu'au  moment  de  leur  émancipation, les  Vaudois  ne 
furent  pas  plus  Suisses,  que  les  Grecs  ne  sont  Turcs.  Placés 
sous  une  honteuse  tutelle  par  la  force ,  ils  n'ont  pu  s'en  affran- 
chir que  par  la  force,  et  on  ne  saurait  les  blâmer  d'avoir 
accueilli  les  offres  de  secours  des  Français,  à  l'époque  où, 
inférieurs  en  nombre  et  en  puissance  à  leurs  maîtres,  ils  ne 
pouvaient  seuls  secouer  le  joug.  N'ont-ils  pas,  au  contraire, 
mérité  des  éloges  pour  la  modération  avec  laquelle  ils  ont  usé 
de  la  victoire  envers  les  oligarques ,  que ,  depuis  plusieurs 
siècles,  ils  étaient  habitués  à  considérer  comme  leurs  ennemis? 

Pour  revenir  à  Pestalozzi,  l'auteur  le  suit  dans  les  différentes 
phases  de  sa  vie.  Toujours  bon ,  toujours  prodique  de  sa  per- 
sonne et  de  sa  fortune  pour  obliger  les  indigens,  Pestalozzi 
s'occupe  à  Stanz  de  l'éducation  de  malheureux  orphelins.  A. 
Burgdorf,  riche  de  la  réputation  qu'il  vient  d'acquérir,  il 
s'entoure  de  collaborateurs ,  afin  de  répandre  et  de  perfec- 
tionner sa  méthode  qui  compte  déjà  beaucoup  de  partisans; 
mais  bientôt,  àYvcrdun,  il  cesse  d'être  secondé  par  les  hommes 
qu'il  s'était  associés,  et  qui,  selon  l'auteur,  étaient  aussi  ambi- 
tieux de  fortune  que  Pestalozzi  l'était  de  bonnes  œuvres;  la 
chute  de  son  institut  en  est  la  conséquence. 

Les  faits  rapportés  sur  Pestalozzi  ne  sont  pas  tous  exacts. 
Une  personne  qui  a  vécu  vingt  ans  près  de  lui  nous  assure 
qu'il  n'a  jamais  eu  de  cure  dans  le  canton  de  Zurich,  et  que, 
parmi  les  instituteurs  d'Yverdun,  un^seul  avait  été  du  nombre 


SUISSE.  —ITALIE.  :<>'> 

de»  pauvres  de  Stanz.  Les  observations  de  !Wmo  Duthon  sur  sa 
méthode  nous  paraissenl  assez  justes,  quoique  sujettes  à  con- 
testation*. Vous  sommes  d'autant  mieux  placés  pour  les  appré- 
cier que  non-,  axons  nous  mêmes  eu  le  bonheur  de  passer 
deifx  années  de  notre  enfance  auprès  du  respectable  vieillard. 
M™*  Duthon  termine  sa  brochure  en  disant  qu'elle  ne  veut  se 
permettre  aucune  observation  sur  In  conduite  des  collabora- 
teurs de  IVstalo/./.i.  Mais  elle  cite  un  passage  d'une  lettre  de 
celui-ci  à  M.  et  à  AI"10  Nicderer  qui  semblerait  rejeter  sur  eux 
beaucoup  de  blâme.  Quand  on  veut  rester  neutre  dans  un 
procès,  il  ne  faut  en  faire  connaître  aucune  pièce  détachée,  ou 
bien  il  faut  les  publier  toutes.  Auguste  Pkrdonnet. 

ITALIE. 

'i\i.  —  *  Brcvc  cennn,  etc.  —  Précis  sur  l'hospice  de  la  Ma- 
ternité de  Florence,  et  compte  rendu  de  la  pratique  dans  cet 
établissement,  depuis  sa  fondation  (en  >8i5)  jusqu'au  mois  de 
mars  1824,  par  M.  le  Dr  J.  Biosschi,  professeur  d'accouche- 
mens.  Florence,  1824.  In-8{\ 

Le  but  principal  du  grand-duc  Ferdinand,  en 'fondant  cet 
hospice,  a  été  de  former  pour  l'Etat,  et  spécialement  pour  les 
provinces,  des  sages- femmes  instruites  dans  l'art  qu'elles  sont 
appelées  à  exercer.  Pour  l'instruction  pratique  des  élèves  sages- 
femmes  ,  cet  établissement  n'a  que  quatre  lits  destinés  à  recevoir, 
dans  les  derniers  jours  de  leur  grossesse,  des  femmes  pauvres 
et  mariées.  Une  telle  disposition  nous  porterait  à  croire  que  les 
malheureuses  filles  victimes  de  la  séduction  se  trouveraient 
exclues  du  bienfait  de  cet  établissement;  mais  nous  savons 
qu'elles  sont  accueillies  dans  un  local  à  part,  et  qu'elles  y  re- 
çoivent les  secours  et  les  soins  dus  par  l'humanité  au  malheur. 
Parmi  d'autres  hospices  du  même  genre,  qui  ont  été  fondés 
sur  divers  points,  en  Europe,  nous  aimons  à  citer  l'hospice  de 
Milan,  dit  de  Sainte-Catherine,  qui  réunit  depuis  long-tems 
tous  les  avantages  désirables  ,  soit  sous  le  rapport  de  l'instruc- 
tion ,  soit  sous  le  rapport  de  la  police  médicale. 

M.  Bigcsehi  expose,  dans  son  livre,  le  mode  adopté  pour 
l'admission  des  élèves,  la  méthode  suivie  pour  leurs  études,  les 
formalités  à  remplir  avant  de  se  livrer  à  la  pratique,  et  enfin  tout 
ce  qui  concerne  l'instruction  des  sages-femmes.  11  donne  ensuite 
la  description  et  le  dessin  exact  d'un  lit  mécanique  pour  les 
accouchemens,  à  la  fois  très-commode  pour  la  femme  en  travail 
et  pour  l'opérateur,  et  dont  la  construction  ingénieuse  et 
économique  doit  le  faire  préférer  à  tous  ceux  que  l'on  emploie 


, 


7o4  LIVRES  ÉTRANGERS. 

dans  les  hospices  de  France  et  d'Angleterre  pour  le  même  objet. 
L'auteur  rend  compte  du  résultat  des  accouchemens  de  cinq 
cents  femmes  ,  en  ajoutant  des  détails  et  des  notices  d'un  grand 
intérêt  pour  les  personnes  de  l'art.  Ce  livre,  écrit  avec  clarté 
et  précision ,  est  rempli  d'observations  curieuses  et  de  faits 
instructifs. 

'il\i.  —  *  Saggio  dî  sperimenti ,  etc.  —  Essais  d'expériences 
sur  les  propriétés  chimiques  et  médicinales  des  eaux  thermo- 
minérales  du  temple  de  Sérapis  à  Pouzzole  :  ouvrage  pério- 
dique qui  contient  les  observations  de  sept  années,  par  le 
Dr  Cajetan  Conte,  directeur  de  cet  établissement.  Premier 
volume  pour  l'année  1823.  Naples,  1826.  In- 8°. 

Dans  une  dédicace  au  roi ,  l'auteur  signale  à  S.  M.  la 
nécessité  d'appliquer  à  toutes  les  sources  d'eaux  minérales, 
qui  abondent  dans  le  royaume  de  Naples,  des  dispositions 
analogues  à  celles  que  son  auguste  père  a  fait  prendre  relati- 
vement aux  eaux  de  Sérapis.  Certainement  le  gouvernement 
ne  pourrait  employer  les  deniers  publics  d'une  manière  plus 
honorable,  ni  plus  utile  pour  le  pays. 

La  préface  contient  un  essai  historique  sur  l'emploi  des  eaux 
minérales  par  les  anciens,  semblable  à  ce  que  l'on  trouve  dans 
la  plupart  des  livres  écrits  sur  le  même  sujet.  Nous  aimons  à 
reconnaître  que  l'auteur  est  animé  des  plus  nobles  sentimens 
pour  la  gloire  de  sa  patrie,  et  pour  le  bonheur  de  l'espèce 
humaine.  Après  la  préface ,  vient  un  hymne  du  professeur 
Ciampi  en  l'honneur  des  eaux  minérales  de  Sérapis,  puis  un 
rapport  de  l'auteur  à  S.  E.  le  prince  de  Ottajano ,  intendant  de 
la  province  de  Naples.  Dans  cet  intéressant  rapport,  présenté  à 
l'autorité  un  an  avant  la  publication  de  l'ouvrage,  M.  le  doc- 
teur Conte  expose  l'état  des  bains  de  Sérapis,  et  indique  les 
améliorations  dont  ils  sont  susceptibles.  Nous  apprenons  avec 
plaisir  que  le  prince  de  Ottajano  a  donné  des  ordres  pour  leur 
exécution.  Les  essais  sont  divisés  en  deux  parties  :  la  première 
contient  les  observations  faites  conjointement  avec  M.  le  pro- 
fesseur Cassola  sur  les  propriétés  physiques  et  chimiques  des 
eaux  de  Sérapis ,  d'où  il  résulte  que  leur  température  est  de 
34  à  35  degrés  deRéaumur,  et  qu'elles  sont  salines,  analogues 
à  celles  de  Montpellier,  du  Mont-d'Or,  etc.  La  seconde  partie, 
plus  étendue,  embrasse  les  observations  de  l'auteur  sur  leurs 
effets  médicinaux.  Il  s'occupe  particulièrement  des  cas  de  ma- 
ladies du  système  nerveux  :  nous  ne  pouvons  pas  être  d'accord 
avec  lui  dans  ses  divisions  ,  lorsqu'il  reconnaît  deux  espèces 
de  fonctions  dans  le  système  nerveux  :  la  sensibilité  et  la  con- 
traetilitë.  La  sensibilité  n'est  pas  une  fonction ,  mais  une  qua- 


ITAXîE. 


/' 


lité,  une  propriété  de  tous  les  nci  ù ;  la  contractilité  appaj  tient 
iu  système  fibreux ,  et  aux  muscles  en  particulier,  ei  les  nerfs, 
dans  ce  cas  ,  ne  font  que  leur  communiquer  un  genre  propre 
d'irritation,  <>u  de  stimulation.  Ainsi,  les  divisions  et  les  sub- 
divisions des  maladies  de  l<i  tensibilité ,  h  de  la  molilité,  et  de 
Leurs  complications  ne  sont  point  philosophiques.  L'auteur,  du 
reste,  a  fait  preuve  de  connaissances  très-étendues  en  méde- 
cine, ci  surtout  en  nosologie.  Fossati,  D.  M. 

'i.l\'\.  —  *  Relazione  storica  dello  stato  civile t  etc. —  Tableau 
historique  de  l'étal  politique!  des  sciences  et  des  arts  élu-/  les 
Indiens  avant  L'époque  d'Alexandre ,  par  M.  l'abbé  N.  Mav- 
i  ai  m  ,  ancien  missionnaire  apostolique  au  Malabar.  Crémone. 
i8a5;  31. mini.  In-8°  de  64  pages. 

Cet  ouvrage  d'un  savant  qui,  pendant  quatorze  ans,  a  prê- 
ché l'Évangile  aux  Indiens  dans  leur  langue,  et  qui  maintenant 
recueille  avec  autant  de  modestie  que  de  bonne  foi  les  souve- 
nirs de  son  paisible  apostolat,  ne  doit  pas  être  confondu  avec 
les  dissertations  purement  spéculatives  d'un  érndit  qui  ne 
connaît  les  langues  de  l'Inde  que  par  des  vocabulaires,  et  le 
pays,  ses  mœurs,  ses  monumens,  que  par  des  relations  qu'il 
n'a  pu  mettre  en  parallèle  avec  la  réalité.  M.  Manfredi  croit, 
comme  beaucoup  d'autres,  que  l'Inde,  un  des  plus  anciens 
berceaux  de  l'espèce  humaine ,  a  vu  naître  aussi  dans  son  sein 
les  premières  connaissances,  les  premiers  arts;  mais,  s'il  le 
prouve  par  les  nombreux  témoignages  de  l'antiquité,  et  surtout 
du  siècle  d'Alexandre,  il  semble  qu'il  le  prouve  encore  mieux, 
lorsqu'il  parle  ainsi  d'après  ses  propres  impressions:  «Les  pays 
les  plus  facilement  cultivés,  et  qui  produisent  en  abondance 
toutes  les  choses  nécessaires  à  la  vie  sociale  de  l'homme,  ont 
été  naturellement  les  premiers  peuplés.  L'Inde  est  une  belle 
et  fertile  contrée,  où  l'homme  ne  trouve  rien  de  nuisible;  la 
chaleur  y  est  tempérée  par  des  vents  continuels  et  divers,  par 
l'ombre  épaisse  des  arbres,  par  les  fleuves,  les  torrens,  les 
rosées  périodiques  ;  dans  les  vallées  et  autres  endroits  propres 
à  recevoir  la  semence,  il  se  fait  deux,  trois,  et  souvent  quatre 
récoltes  annuelles;  les  pluies  tiennent  presque  lieu  des  soins 
de  la  culture;  des  fruits  exquis  se  succèdent  toute  l'année;  le 
cocotier,  arbre  merveilleux,  qui,  dans  le  voisinage  de  Bom- 
bav,  se  couvre  de  fruits  mûrs  quatre  ou  cinq  fois  l'an,  devient 
plus  fécond,  à  mesure  qu'il  approche  du  midi,  de  sorte  que 
sur  la  côte  de  Travancore,  où  je  suis  resté  dix  ans,  il  donne 
chaque  mois  de  nouveaux  fruits;  là  s'élève  aussi  l'arbre  qui 
produit  un  coton  excellent  pour  toute  espèce  de  travaux;  en 
un  mot,  ce  pays  égale  et  surpasse  peut-être  les  plus  belles 
t.  xxxvi.  —  Décembre  1827.  45 


7o<5  LIVRES  ÉTRANGERS 

contrées  du  monde  en  richesse  et  en  fécondité,  etc.  »  Lorsqu'on 
voit  l'auteur  appuyer  ensuite  ces  réflexions  générales  par  les 
plus  savantes  citations  ,  rapprocher  ctes  historiens  d'Alexandre 
les  livres  indiens  sur  l'art  militaire,  analyser  le  code  de  lois 
recueillies  sous  les  auspices  de  lord  Hastings;  nous  faire  con- 
naître le  livre  malabar  Kerulufpatti,  et  le  vocabulaire  brama- 
nique  [J  nuiras  in  ha  m),  qu'il  a  lui-même  rapporté  en  Europe; 
apprécier  avec  tout  le  goût  d'un  Italien  la  sculpture  et  la 
musique  de  ces  peuples,  pénétrer  dans  les  secrets  de  leur 
astronomie,  décrire  et  interpréter  le  Nuli  ou  cordon  mysté- 
rieux des  brames,  s'empresser  enfin  de  faire  partager  à  toutes 
les  nations  éclairées  le  fruit  de  ses  longues  recherches,  il  est 
impossible  de  ne  pas  se  montrer  reconnaissant  pour  des  con- 
fidences si  importantes  et  si  neuves;  il  est  juste  surtout  de  re- 
commander à  tous  ceux  qui  s'occupent  de  la  littérature  de 
l'Indoustan  un  livre  peu  connu  en  France,  et  que  distinguent 
la  certitude  des  renseignemens ,  la  précision  des  détails ,  la 
simplicité  et  la  candeur  du  style.  On  voit  que  l'Italie  est  bien 
loin  de  négliger  les  études  orientales,  et  que  le  P.  Paulin  de 
Saint-Barthélemi,  un  des  plus  célèbres  indianistes  du  dernier 
siècle ,  a  parmi  ses  disciples  des  successeurs  dignes  de  lui. 

J.  V.  L. 
2/j4-  —  Dell'  origine  de'  selte  e  tredici  comuni  et  di  alire  popo- 
lazioni  alcmanne ,  abitanti  fia  l'ddige  e  la Brcnta ,  etc.  —  De 
l'origine  des  sept  communes  et  des  treize  communes,  et  dès 
autres  populations  de  race  allemande,  qui  se  sont  fixées  entre 
l'Adige  et  la  Brenta,  sur  les  territoires  de  Trente,  de  Vérone  et 
de  Vicence  :  Mémoire  du  comte  Benoit  Giovanelli.  Trente , 
1826;  Monanni.  In-8°. 

On  rencontre  au  pied  des  Alpes  du  côté  de  l'Allemagne,  mais 
sur  le  sol  de  l'Italie,  certains  villages  dont  les  habitans  con- 
servent un  langage  particulier,  et  des  mœurs  étrangères  aux 
populations  qui  les  entourent.  Les  savans  et  les  géographes 
cherchent  en  vain  depuis  long-tems  quelle  a  pu  être  l'origine 
de  ces  peuplades.  Ou  les  fait  descendre  des  races  rhéliques,  des 
Cimbres,des  Liguriens, ou  des  Allemands.  L'auteur  du  mémoire 
qui  nous  occupe  voit  en  eux  des  colons  venus  de  la  Souabe.  Il 
appuie  son  opinion  sur  des  observations  ingénieuses  et  savantes 
que  les  amateurs  de  ce  genre  de  recherches  pourront  consulter 
utilement.  Fr.  Salfi. 

2/j5. —  Cenni  istorici ,  etc.  —  Observations  historiques  sur 
la  ville  et  la  citadelle  de  Turin  ,  depuis  14 18  jusque  en  1826, 
par  M.  An'.oine  Milanesio,  géomètre  roval.  Turin,  1826;  J. 
Favale.  Iu-8°. 


ITALIE.  707 

M.  Milanesio  a  divisé  son  ouvrage  en  deux  parties.  Après 
«voir  rappelé  que  Turin  passa  sous  la  domination  des  comtes 
de  Savoie  pat- le  mariage  a  Adélaïde,  femme  d'Othon,  troisième 
fils  d'Humbert  aux  blanches  mains ,  dont  elle  eut  Amédée  H 
(jui  succéda  à  l'héritage  long-tems  contesté  des  marquis  de 
Suse,  il  expose,  dans  sa  première  partie,  les  secroissemens  et 
les  changemens  que  cette  ville  a  subis,  depuis  Amédée  VIII 
jusqu'à  l'année  i8i/|.  Il  marque  parmi  ses  plus  anciens  monu  ■ 
mens  1rs  tours  dites  d'Ovide,  que  le  vulgaire  croit  avoir  été 
habitées  par  le  porte  romain,  supposition  dont  on  a  fait 
justice  depuis  long-tems.  Il  passe  de  ces  tours  au  rempart 
nommé  le  bastion  de  Saint-Laurent,  dont  il  fait  remonter  l  ori- 
gine à  l'année  1461,  sous  le règne  de  Louis,  fils  d'Amédée  VIII j 
mais  il  ne  s'attache  pas  à  fournir  les  preuves  d'un  fait  qui,  s'il 
était  constaté,  établirait  en  faveur  des  Italiens  la  priorité  de 
l'introduction  en  Europe  de  ce  genre  d'architecture  militaire. 
Il  cite  ensuite  la  citadelle  de  Turin,  construite  sous  Emmanuel 
Philibert,  ain^i  que  les  canaux,  les  églises,  les  hôpitaux,  les 
théâtres  et  un  grand  nombre  d'autres  monumens  qui  ont  placé 
la  capitale  du  Piémont  au  rang  des  plus  belles  villes  du  monde. 
M.  Milanesio  n'oublie  pas  de  mentionner  le  pont  que  les  Français 
y  ont  bâti  sur  le  Pô  pendant  leur  dernier  séjour  en  Italie.  La 
seconde  partie  du  livre  est  consacrée  à  l'analyse  des  embellis- 
semens  que  Turin  a  reçus  depuis  i8i/j.  Cette  ville  renferme 
actuellement  1 10,000  liabitansdans  une  enceinte  de  7, 3o,8  mètres 
de  tour.  Sa  position  au  centre  d'une  province  riche  et  floris- 
sante, l'accroissement  rapide  de  sa  population,  et  l'impulsion 
donnée  par  le  gouvernement,  y  ont  favorisé  la  rapide  multi- 
plication des  établissemens  et  des  édifices  de  tous  genres. 
M.  Milanesio  fait  rarement  la  part  de  la  critique  et  ne  recherche 
*  pas  avec  assez  de  soin  si  ces  constructions  nouvelles  ont  été 
dirigées  d'après  les  règles  d'un  goût  sévère.  On  doit  cependant 
meltre  au  nombre  des  innovations  utiles  et  dignes  d'éloges 
l'agrandissement  du  palais  des  sciences  dans  lequel  on  a  placé 
le  Musée  des  antiquités  égyptiennes  formé  par  M.  Drooetti,  qui 
l'a  cédé  récemment  au  gouvernement  piémontais.  M.  Milanesio 
a  fait  paraître  séparément  une  carte  de  Turin  gravée  par 
M.  Bordiga  ,  habile  artiste  de  Milan  ;  elle  contient  des  tableaux 
chronologiques  et  statistiques  qui  sont  un  véritable  résumé  de 
l'ouvrage.  C.  Rossettt. 

i!\6.  —  *  Mcmoric  intorno  alla  vita  cd  aile  opère  di  Werncr 
ed  Hauy  ,  etc.  —  Mémoires  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Werner 
et  de  Haùy,  par  l'abbé  Louis  Configi.iacchi,  professeur  d'his- 
toire naturelle  à  l'Université  de  Padoue.  Padoue,  1827.  In-8°, 

45. 


7oS  LIVRES  ÉTRANGERS. 

M.  Configliacchi  a  voulu  montrer,  dans  cet  ouvrage,  combien 
Werner  et  Haùy  ont  contribué  aux  progrès  de  la  minéralogie. 
Ils  ont  créé,  en  quelque  sorte,  deux  sciences  nouvelles,  l'un 
eu  considérant  les  masses  minérales  dans  leur  ensemble  , 
et  l'autre  en  déterminant  leurs  moindres  caractères  physiques. 
En  écrivant  la  vie  de  ces  deux  illustres  minéralogistes,  l'auteur 
suit  avec  exactitude  l'ordre  de  leurs  recherches  et  de  leurs  dé- 
couvertes. Il  a  principalement  signalé  l'attachement  extraor- 
dinaire que  Werner  a  toujours  montré  pour  sa  science  favorite. 
Étant  professeur  à  Ereyberg,  il  lui  sacrifia  sa  petite  fortune,  et 
n'épargna  aucun  moyen  pour  communiquer  à  d'autres  les 
connaissances  précieuses  qu'il  avait  acquises.  Tandis  que  Wer- 
ner éclairait  d'un  côté  l'Allemagne,  Haùy,  de  l'autre,  soumet- 
tait en  France  à  un  calcul  plus  rigoureux  les  lois  de  la 
cristallisation ,  et  déterminait  les  caractères  spécifiques  des 
minéraux.  M.  Configliacchi,  en  appréciant  les  connaissances 
profondes  de  ces  deux  hommes  célèbres,  donne  des  preuves 
nouvelles  de  son  savoir,  et  son  exemple  atteste  que  les  Italiens 
savent  rendre  justice  au  mérite  des  étrangers. 

2/J7. — * Frasologia  itallana  ,  ossia  racctlta  di  20,000  frasi,  etc. 
—  Phraséologie  italienne,  ou  Recueil  de  20,000  phrases  ran- 
gées par  ordre  alphabétique,  et  suivie  d'explications,  etc. 
Milan,  1826;  Rusconi.  In-8°. 

Ces  sortes  de  livres  ont  ordinairement  je  ne  sais  quoi  de 
spécieux  aux  yeux  d'une  certaine  classe  de  lecteurs  qui  leur 
trouvent  beaucoup  plus  d'importance  qu'ils  n'en  ont  réellement. 
Il  ne  faut  pas  chercher  la  véritable  richesse  d'une  langue  dans 
cette  abondance  de  phrases  qui  décèle  souvent  la  pénurie  des 
idées.  On  doit  s'attacher  à  la  clarté,  à  la  précision,  fixer  le 
sens  qui  convient  exclusivement  à  chaque  mot,  et  surtout  la 
différence  réelle  que  l'on  reconnaît  entre  ceux  que  l'on  regarde 
comme  synonymes.  C'est  en  observant  avec  soin  ces  nuances 
qu'un  écrivain  peut  donner  à  son  style  toute  la  précision  con- 
venable, et  ce  genre  de  recherches  n'a  pas  encore  été  l'objet 
d'un  travail  complet  pour  la  langue  italienne.  Elle  paraît  souvint 
pauvre  au  milieu  de  ce  luxe  de  phrases  qui  séduit  beaucoup 
d'écrivains  italiens.  On  doit  toutefois  reprocher  ce  défaut 
plutôt  aux  auteurs  qu'à  la  langue  elle-même  :  distinction  essen- 
tielle qui  paraît  avoir  échappé  à  des  critiques  étrangers,  d'ail- 
leurs judicieux.  L'ouvrage  que  nous  annonçons  peut  cependant 
être  utile,  si  l'on  ne  perd  point  de  vue  les  principes  que  nous 
venons  d'indiquer. 

248.  —  *  Prose  inédite,  etc.  —  Discours  en  prose  inédits, 
de  Gabriel  Chïabbeba.  Gênes,  1826;  Pagano.  In-8°. 


ITALIE.  7o«j 

Si  nous  appelons  l'attention  sur  n  s  discours  d'un  des  plus 

grands  poètes  italiens  (lu  \vne  siècle,  c'est  qu'ils  nous  paraissent 
devoir  servir  a  détromper  la  plupart  des  étrangers  qui  répè- 
tent trop  souvent  qui  les  Italiens,  remarquables  par  le  t.'ilent 

d'écrire  en  vers,  sont  restés  au  •»  dessous  du  médiocre  dans  l'art 

décrire  en  prose.  Chiabrera  commande  également  l'admiration 
comme  poète  et  comme  prosateur.  Dans  le  premier  doses  dis- 
cours, il  fait  l'histoire  du  marquis  J.-J.  de  Médicis;  il  raconte 
les  efforts  tentés  par  ce  seigneur  pour  détruire  la  liberté  de 
Sienne,  (pie  défendit  avec  énergie,  mais  sans  succès,  le  célèbre 
Strozzi.  Bien  que  Chiabrera,  comme  poète,  ait  souvent  chanté 
les  Médicis  de  son  tems,  comme  historiographe  il  n'a  pas  hé- 
sité à  retracer  les  crimes  des  oppresseurs  de  la  Toscane,  et  les 
vertus  du  dernier  citoyen  dont  se  soit  honoré  ce  pays.  Après  la 
vie  du  marquis  de  Médicis,  on  trouve  un  Eloge  d'Alexandre 
Farnèse ;  puis,  trois  Dialogues  sur  l'espèce  d'ode  que  les  Ita- 
liens nomment  canzoni ,  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les 
chansons  françaises.  Chiabrera  sut  garder  un  juste  milieu  entre 
limitation  servile  des  petrarquis  (es  et  la  licence  des  metrinistes  ; 
il  mit  à  profit  les  travaux  de  ses  devanciers,  anciens  et  mo- 
dernes; en  marchant  sur  les  traces  des  poètes  grecs,  il.  fonda 
une  nouvelle  école;  il  imita  surtout  Pindare,  ainsi  que  l'avait 
fait  Horace,  et  fit  connaître  aux  Italiens  des  beautés  dont  on 
n'avait  pas  encore  songé  à  tirer  parti.  Aucun  poète  ue  Va  sur- 
passé dans  le  genre  anacréontique. 

249.  —  Leonida ,  etc.  —  Léonidas,  tragédie  de  G.-JB.-ll. 
Moreno.  Gènes,  1827;  Ricci.  In— 8°. 

Un  journal  italien,  en  annonçant  cette  tragédie,  a  déclaré 
qu'elle  rappelle  le  génie  de  l'immortel  Allleri.  Malheur  à  ce  poète, 
si  l'on  se  formait  une  idée  de  son  génie  par  le  Léonidas  de 
M.  Moreno.  Il  n'existe  aucun  rapport  entre  les  tragédies  de 
l'uu  et  les  pièces  de  l'autre.  Plan,  méthode,  caractères,  versifi- 
cation, style,  tout  est  différent.  Il  n'y  a  même  aucune  appa- 
rence que  l'auteur  de  Léonidas  ait  voulu  prendre  Al fieri  pour 
modèle.  Sa  tragédie  compte  plus  de  dix  personnages,  des  inci- 
dens  nombreux,  compliqués,  et  peu  vraisemblables;  sa  diction 
est  peu  concise,  et  parfois  peu  correcte...  Qu'y  a-t-il  de  commun 
entre  ces  fautes  graves  et  les  beautés  d'Alfieri  ?         F.  Salfi. 

Ouvrages  périodiques.  s 

»5o. — *  Jntologia,  ete. — Anthologie,  ou  Journal  de  sciences, 
lettres  et  arts.  ISTO  79.  Florence  ,  1827.  In-8°. 

Le  cahier  que  nous  annonçons  renferme,  comme  ceux  qui 


7io  LIVRES  ÉTRANGERS. 

ont  précédé,  des  articles  d'un  grand  intérêt.  On  y  trouve  d'a- 
bord un  long  et  savant  mémoire,  signé  Patrophile,  qui  forme  la 
première  partie  d'un  ouvrage  inédit  sur  la  Publicité  des  jugcmcns 
en  matière  criminelle.  L'auteur  examine  avec  une  sage  modéra- 
tion tout  ce  qu'on  a  avancé  ou  hasardé  jusqu'ici  à  cet  égard  ;  il 
ajoute  même  aux  considérations  des  autres  publicistes,  et  sur- 
tout à  celles  de  MM.  /.  Bcntham  ,  Et.  Dunwnt,  et  P.  Rossi.  L'au-  * 
teur  prouve  que  le  secret ,  dans  la  poursuite  et  le  jugement  des 
affaires  criminelles,  peut  favoriser  la  corruption  des  juges  et 
des  témoins  ,  etrendre  difficile  la  découverte  de  la  vérité;  qu'il 
nuit  à  li  liberté  civile,  s'oppose  au  véritable  but  des  lois  pé- 
nales ,  etc. — Un  autre  article,  remarquable  par  l'esprit  qui  l'a 
dicté,  est  une  Lettre  cVÉt.  Mayer,  adressée  à  M.  Benci ,  sur  l'é- 
tude des  anciens  et  sur  les  rapports  de  cette  élude  avec  la  lit- 
térature italienne.  Un  troisième  article,  non  moins  curieux 
qu'instructif,  est  la  Relation  d'un  voyage  qu'un  citoyen  de  Li- 
vourne  a  fait  dans  le  Canada.  On  trouve  aussi  dans  ce  même 
cahier  une  description  fort  détaillée  et  pleine  de  vie  du  mo- 
nument élevé  à  la  gloire  de  Canovaà  Venise,  et  dont  nous  avons 
déjà  parlé  (  voy.  ci-dessus ,  page  509  ).  F.  Salfi. 

PORTUGAL. 

a$i.  — *Memoria  historien  sobre  as  obras  doreal  mosterio  de 
Santa  Maria  da  Victoria,  etc. —  Mémoire  sur  les  ouvrages  d'arts 
renfermés  dans  le  monastère  royal  de  Sainte-Marie  de  la  Vic- 
toire ,  nommé  vulgairement  de  la  Bataille  ;  par  don  Fr.-Fran- 
cisco  de  S.  Luiz,  évêque  coadjuteur  de  Coimbre,  comte  d'Ar- 
ganil ,  président  de  la  Chambre  des  députés  de  la  nation  por- 
tugaise, membre  de  l'Académie  royale  des  sciences.  Lisbonne, 
1827  ;  imprimerie  de  l'Académie  royale  des  sciences.  Petit  in-(° 
de  72  pages. 

Ce  mémoire  est  plein  d'une  érudition  que  le  plus  grand 
nombre  des  lecteurs  trouvera  de  son  goût  ;  car  plusieurs  sortes 
de  curiosités  y  seront  satisfaites.  Le  monastère  dont  l'auteur 
donne  ,  non-seulement  la  description,  mais  l'histoire,  fut  fondé 
par  le  roi  Jean  Ier ,  en  exécution  du  vœu  qu'il  avait  fait  à] la 
sainte  Vierge,  le  14  août  i  385 ,  au  moment  de  livrer  aux  Es- 
pagnols la  bataille  d'Aljubarrota  ,  où  les  Portugais  remportè- 
rent une  victoire  complète.  On  s'attachera,  principalement 
ailleurs  qu'en  Portugal ,  au  quatrième  chapitre,  011  M.  deSaint- 
Liriz  parle  des  monumens  historiques  déposés  ou  construits 
dans  le  couvent  de  la  Bataille  ,  d'après  la  chronique  de  Fr.  Luiz 
de  Souza.  Parmi  les  documens  historiques  insérés  à  la  fin  de  ce 


PORTJJGA.L,   -PAYvi;.\s.  7u 

inéiooire,  il  y  en  9  deugqyj  font  connaître  le  latin  du  xv*  siècle  > 
en  Portugal,  el  donnenl  le  moyen  de  le  comparer  à  ce  que  la 
même  langue  était  en  Allemagne,  à  la  même  époque.  Ai:  reste, 
le  latin  n'était  pas  moins  altéré  el  déformé  à  Pai  Lsqu'à  Lisbonne, 
ainsi  qu'on  le  voii  par  une  citation  très-curieuse  intitulée  :  Au- 
thentica  dus  reliquias,  insérée  à  la  lin  de  ees  documens.      Y. 

PAYS-BAS. 

2 5 2.  —  *  Mémoire  et  observations  sur  la  perforation  de  la 
membrane  du  tympan,  pour  rétablir  l'ouïe  chez  les  sourds- 
muets,  par  M.  de  Neuborg,  D.  M.  Bruxelles,  1827  ;  Tarlier. 
In-8°, 

L'auteur  de  cette  brochure,  ci-devant  chirurgien-major  à 
l'armée  des  Pays-Bas,  où  il  a  donné  des  preuves  de  son  talent 
et  île  sa  philanlropie  ,  exerce  depuis  quelques  années  l'art  de 
guérir  à  Bruxelles.  A  l'exemple  de  M.  le  Dr  Deleau  ,  de  Paris, 
il  s'applique  avec  zèle  à  rétablir  l'ouïe  chez  les  sourds-muets, 
et  la  réputation  qu'il  s'est  acquise  en  Belgique  par  ses  succès 
obtenus  en  perforant  la  membrane  du  tympan  dans  la  surdi- 
mutité ,  fera  sans  doute  rechercher  son  Mémoire,  dans  lequel 
il  a  déposé  le  fruit  de  son  expérience  et  consigné  plusieurs  faits 
qui  parlent  fortement  en  faveur  d'une  opération  qui  est  encore 
loin  d'être  investie  de  cette  confiance  qu'elle  semble  mériter. 

Dans  sa  brochure ,  M.  de  Ncuborg  cherche  à  prouver  l'in- 
nocuité de  la  perforation  du  tympan,  explique  les  cas  où  elle 
est  indiquée,  rapporte  plusieurs  observations  que  sa  pratique 
lui  a  fournies  sur  la  réussite  de  l'opération,  décrit  la  manière 
de  la  pratiquer,  et  donne  la  description  de  l'instrument  dont 
il  se  sert,  et  qui  est  figuré  à  la  fin  de  son  écrit. 

De  Kirckhoff. 

2 5 3.  —  C.  J.  C.  Reuvens,  Oratio  de  archœologiœ  cum  artibus 
recentioribus  conjunctionc.  —  Discours  sur  les  rapports  de  l'ar- 
chéologie avec  les  arts  modernes.  Leyde,  1827.  In-4°  de  25  p. 

L'auteur,  professeur  ordinaire  à  la  faculté  des  lettres  de 
l'Université  de  Leyde,  s'efforce  de  démontrer,  par  des  doeu- 
mens historiques  ,  combien  l'étude  de  l'art  des  anciens  a  exercé 
d'influence  sur  les  arts  modernes.  Il  lui  attribue  les  progrès 
qu'ont  faits  les  beaux  arts,  surtout  depuis  le  tems  de  François  Ier. 
.Mais  M.  Reuvens  ne  s'occupe  pas  de  tous  les  arts,  il  se  borne  à 
traiter  de  l'architecture;  aussi,  le  titre  de  son  discours  aurait-il 
peut-être  dû  l'annoncer-,  il  a  été  traduit  en  langue  nationale  par 
M.  P.-O.  Vander  Chts  (Amsterdam,  1827.  In  8°  de  7/»  p.)      X. 

.>.  5/(. —  Les   principaux    tableaux   du   Musée   à  La  Haye  t 


;  12  LIVRES  ÉTRANGERS. 

gravés  au  trait ,  avec  leur  description.  La  Haye,  1826;  impri- 
merie du  gouvernement. 

La  première  partie  de  ce!  ouvrage  contient  s5  gravures  au 
trait,  exécutées  avec  une  grande  perfection.  On  y  trouve 
l'expression  des  physionomies,  les  nuances  des  distances  dans  le 
fond  des  tableaux,  une  correction  de  dessin  et  une  finesse  cîe 
trait  admirables.  Cet  ouvrage  est  publié  par  les  soins  du  direc- 
teur même  du  musée,  M.  /.  Steengracht  ,  van  Oostkapellc , 
qui  a  donné,  dans  l'introduction,  une  courte  histoire  de  la 
galerie,  et  qui  a  ajouté,  pour  chaque  tableau,  une  notice 
biographique  sur  le  peintre  et  une  description  du  tableau  des- 
siné qui  annonce  de  vastes  et  profondes  connaissances  dans  les 
beaux-arts.  Nous  espérons  que  cette  publication  sera  conti- 
nuée, et  nous  engageons  l'auteur  à  livrer  au  public  en  même 
tems  et  de  ia  même  manière  les  tableaux  de  sa  propre  galerie  , 
enrichie  de  plusieurs  chefs-d'œuvre  des  peintres  anciens  et 
modernes.  Fossati,  d.-m. 

Ouvrages  périodiques. 

255.  —  *  Correspondance  mathématique  et  physique ,  publiée* 
par  A.  Quetelet,  membre  de  l'Académie  royale  des  sciences 
et  arts  de  Bruxelles  ,  etc.  T.  III.  Bruxelles,  18*27  ;  Hayez,  im- 
primeur de  l'Académie,  rue  de  la  Montagne,  n°  102 3. 

Les  recueils  périodiques  consacrés  exelusivementaux  sciences 
mathématiques  et  physiques  sont  assez  nombreux  en  Europe; 
ce  qui  atteste  plutôt  le  zèle  des  savans  que  celui  des  lecteurs. 
Nous  apprenous,  par  cette  Correspondance  ,  que  le  Tournai  de 
mathématiques ,  publié  en  Prusse  par  M.  Crelle,  aurait  suc- 
combé sans  les  eucouragemens  queS.  M.  a  donnés  au  rédacteur. 
En  France,  les  Annales  mathématiques  de  M.  Gergonne  ont 
aussi  éprouvé  le  besoin  dessecoursdu  gouvernement,  et  les  ont 
obtenus.  Plus  heureux  que  MM.  Crelle  et  Gergonne,  M.  Que- 
telet n'a  pas  encore  éprouvé  celte  nécessité  que  le  savant  ne 
supporte  point  avec  résignation,  quand  il  s'agit  des  moyens  de 
propager  la  science.  Mais,  ajoute-t-il ,  «  notre  gouvernement 
nous  a  témoigné  la  même  bienveillance  que  MM.  Gergonne  et 
Crelle  ont  trouvée  près  des  gouvernemens  français  et  prussien  : 
et,  si  nous  étions  dans  le  cas  de  devoir  faire  des  sacrifices,  il 
ferait  en  sorte  que  nous  n'en  fussions  du  moins  que  pour  nos 
peines ,  sans  compter  les  désagi  émens  que  fait  éprouver  la  né- 
gligence des  libraires,  qui  sont  peut-être  les  plus  puissans  auxi- 
liaires que  puissent  avoir  ceux  qui  craignent  lesjournaux  scien- 
tifiques. » 

L'usage  de  proposer  des  problèmes  et  d'en  publier  les  solu- 


PAYS-BAS-  71 3 

nous  remonte, comme  on  sait,  box  plus  beaux  teins  de  l'histoire 
des  mathématiques.  Newton  lui- même  «  dans  toui  l'éclat  de  sa 
renommée,  ne  dédaigna  point  de  prendre  part  à  ces  exercices. 
Les  questions  proposées  el  résolues  dans  cette  Correspon- 
dance se  présentent  sons  «nie  forme  attrayante;  cfeat  In  curio- 
sité qu'elles  excitent  et  satisfont.  On  ne  manquera  certainement 
pas  d'y  entremêler  quelques  applications  non  moins  dignes  de 
l'esprit  de  recherche  que  les  difficultés  des  mathématiques 
pures.  Et  pourquoi  ne  proposerait-on  pas  aussi  des  problèmes 

de  physique?  Il  en  est  dont  la  solution  n'exige  presque  point 
d'appareils   et  d'expérience  ;  de  pins,  la  faculté  qui  découvre 

les  moyens  d'expériences  j  les  rouies  les pinscourtes  et  les  plus 
faciles  pour  arriver  à  la  connaissance  des  faits,  cette  faculté  se 
développe  et  se  fortifie  par  l'exercice  :  il  est  donc  1res  utile  de 
soutenir  son  activité,  et  de  l'augmenter,  s'il  est  possible. 

L'analyse  des  ouvrages  sur  les  Sciences  mathématiques  ctphy- 
siques  est  une  partie  importante  de  cette  Correspondance.  On 
ne  sera  pas  surpris  d'y  trouver  partout,  desjligemetts  équitables, 
médités  avec  soin,  exprimés  avec  modération  :  s'il  est  aujour- 
d'hui, dans  la  république  des  lettres,  une  contrée  paisible  et 
amie  de  l'ordre,  c'est  celle  qui  est  assignée  aux  sa  vans;  et  dans 
cette  contrée,  le  quartier  des  sciences  exactes  est  le  plus  calme  : 
résultat  nécessaire  de  la  nature  des  choses.  Nous  ne  louerons 
donc  pas  M.  Quetelet  de  tout  ce  qui  est  digne  d'estime  dans 
cette  partie  de  son  travail  ;  il  n'était  pas  en  son  pouvoir  de  s'en 
acquitter  autrement.  Profitons  de  cette  occasion  pour  placer  ici 
une  remarque  relative  aux  plaintes  de  quelques  auteurs  mé- 
contens,  car  il  y  en  a  dans  les  sciences  comme  dans  les  lettres. 
Il  arrive  de  terns  en  tems  qu'une  critique  bienveillante  et  miti- 
gée avec  précaution  paraît  très- dure  à  l'auteur  qui  l'éprouve, 
et  aux  amis  qui  prennent  sa  défense.  Mais  comment  faire?  Ne 
faut  -  il  pas  en  venir  à  prononcer  le  mot  fatal,  et  s'énoncer  de 
manière  a  être  bien  compris  du  lecteur?  Si  la  critique  devenait 
hostile,  elle  changerait  de  nature  et  d'action;  elle  ne  serait  plus 
une  discussion  raisonnée,  de  bonne  foi,  et  par  conséquent  tou- 
jours utile.  Au  reste,  ces  observations  ne  tendent  point  à  faire 
l'apologie  de  ce  qui  peut  se  présenter  sous  une  apparence  de 
critique,  dans  la  Correspondance  de  M.  Quetelet  :  on  n'appel- 
lera point  de  ses  jugerai  ns.  Il  pousse  la  complaisance  jusqu'à 
démontrera  un  résoluteur  de  la  quadrature  du  cercle  que  la 
solution  expérimentale  qu'il  propose  est  fort  éloignée  de  la  pré- 
cision que  peuvent  atteindre  les  approximations  indiquées  par 
le  calcul. 

La  Statistique  est  mise  aujourd'hui,  et  à  bon  droit,  au  rang 


7»  \  LIVRES  ÉTRANGERS. 

des  principales  applications  (les  mathématiques*  Malheureuse- 
ment, la  science  est  nouvelle,  ses  méthodes  n'ont  pas  encore 
été  discutées  sous  lous  les  aspects,  ni  peut-être  complétées  ;  il 
est  a  craindre  que  Ton  ne  veuille  aller  trop  vite  et  trop  loin.  On 
trouve  dans  cette  Correspondance  des  essais  sur  l'influence 
des  saisons  ,  des  climats,  des  institutions  et  même  des  heures 
sur  les  deux  extrémités  de  la  vie  humaine,  la  naissance  et  la 
mort.  Les  lecteurs  un  peu  timides  éprouvent  quelque  embar- 
ras ,  en  suivant  les  recherches  de  cette  nature  ;  ils  doutent  qu'un 
nombre  quelconque  de  faits  et  d'années  comprennent  toutes 
les  données  de  ces  sortes  de  questions,  dans  les  rapports  né- 
cessaires pour  que  l'on  puisse  en  déduire  le  fait  général ,  la  loi. 
Si  l'on  fait  le  dénombrement  exact  des  causes  dont  il  s'agit  de 
combiner  les  effets,  et  les  lois  diverses  de  l'action  de  chacune, 
on  conservera  peu  d'espoir  de  parvenir  à  débrouiller  ce  chaos. 

La  météorologie  trouve  aussi  sa  place  dans  cette  Correspon- 
dance ;  et  en  effet,  cette  division  de  la  physique  a ,  plus  qu'au- 
cune autre,  besoin  de  communications  rapides  entre  tous  ceux 
qui  s'occupent  de  ses  progrès.  Dans  le  second  cahier ,  page  9.5, 
on  lit  la  description  d'une  grêle  extraordinaire  tombée  à  Maes- 
tricht,  sur  laquelle  les  sectateurs  des  paragrèîes  regretteront 
peut-être  de  n'avoir  pas  fait  quelques  expériences;  cependant, 
il  est  fort  douteux  que  le  résultat  eût  été  favorable  à  leur  doc- 
trine; des  appareils  qui  ne  s'élèvent  qu'à  quelques  mètres  au- 
dessus  du  sol  n'auraient  pu  exercer  aucune  action  sur  des 
nuages  formés  à  une  hauteur  prodigieuse,  d'où  les  masses  con- 
gelées se  précipitaient  sur  la  terre  avec  une  vitesse  d'autant 
plus  grande  qu'elles  étaient  plus  grosses. 

Une  Correspondance  telle  que  celle-ci  prend  soin  de  faire 
une  ample  provision  de  matériaux  pour  l'histoire  des  sciences 
dont  elle  s'occupe.  M.  Quetelet  a  profité  de  la  publication  tïnn 
Tableau  historique  et  chronologique  de  V  Ecole  polytechnique  par 
M.  de  Mancy,  pour  donner  un  abrégé  de  l'histoire  de  cette  pé- 
pinière de  savans,  d'ingénieurs,  de  militaires  les  plus  instruits 
de  toute  l'Europe;  de  cette  institution  qui  ne  sera  jamais  éga- 
lée que  par  l'école  de  JVcstpoint  aux  Étals-Unis  et  dont  la  vigou- 
reuse constitution  a  soutenu  le  choc  des  passions  politiques  et 
des  ennemis  de  l'instruction. 

Ii  est  consolant  pGur  les  amis  des  sciences  de  penser  que 
l'excellent  recueil  de  M.  Quetelet  est  assuré  d'une  longue  du- 
rée. Comme  le  rédacteur  a  soin  qu'il  réponde  constamment  à 
sa  destination,  il  devient  nécessaire  à  toutes  les  bibliothèques 
qui  ne  sont  pas  étrangères  aux  sciences.  Ferry. 

2  56. —  *  Byclraegcn  tôt  Rcgtsgclccrdheid  en  JVctgeving, — 


PAYS   BAS.  7i5 

Recueil  périodique  consacré  à  la  science  du  droit  el  a  la  légis- 
lation, par  MM.  C.  ./.  Deh  Tei  et/  Van  Hall.  Amsterdam, 
1 8a(i  1 6 17  ;  les  héritiers  1  tartman. 

A  peu  près  à  la  même  <'  |  »  *  >  «  1 1 1  <  *  où  MM.  Birnbaum  ,  afe  Coster, 
Destrivcaux ,  Ernst,  lî<>lttit\  el  ff'amkœnig ,  professeurs  des 
l  niversités  de  Liège  el  de  Louvain,  commencèrent  à  publier, 
sous  le  ti're  tl<*  Bibliothèque  du  Jurisconsulte  et  du  publiciste  , 
un  recueil  qui  peut  être  considéré  comme  l'expression  des 
doctrines  juridiques  de  la  partie  méridionale  du  royaume  des 
Pays-Bas(i),  MM.  Den  Texel  Van  Hall  firent  paraître  à  Ara» 
sterdam  le  premier  cahier  d'un  autre  recueil  dont  le  cadre  est 
à  peu  près  semblable,  el  qui  doit  nous  faire  connaître  l'état  de 
la  science  du  droit  dans  les  provinces  septentrionales  du  même 
royaume.  Si  le  nombre  des  abonnés  correspond  au  mérite  de 
ces  deux  nouvelles  publications,  on  n'aura  qu'à  se  féliciter  des 
obstacles  qui  ont  empêché  l'union  d'abord  projetée  entre  les 
savans  auteurs  de  l'une  et  de  l'autre;  mais,  lorsque  d'un  côté 
nous  réfléchissons  à  la  concurrence  (pie  devra  soutenir  le  recueil 
publié  à  Liè^c,  non  seulement  avec  la  Thémis  française  (2), mais 


(r)  Il  faut  cependant  observer  que  la  plupart  des  professeurs  char- 
gés d'enseigner  le  droit  dans  les  provinces  méridionales  ayant  été 
appelés  des  pays  étrangers  ,  on  ne  peut  rien  conclure  de  leurs  doc- 
trines, qui  seront  sans  doute  celles  de  la  nouvelle  magistrature  et  du 
nouveau  barreau.  Quant  à  la  science  des  anciens  jurisconsultes  de  la 
Belgique,  parmi  les  derniers,  les  uns  sont  élèves  de  l'ancienne  uni- 
versité de  Louvain,  où  l'histoire  du  dro.it  avait  fini  par  être  beaucoup 
trop  négligée;  les  autres  appartiennent  à  l'école  établie  à  Bruxelles 
sous  la  domination  française,  école  où  l'enseignement  du  droit  était 
misérablement  circonscrit  dans  les  mêmes  limites  qui  s'opposent  en- 
core aujourd'hui  dans  toute  la  France  aux  progrès  des  études  jnri- 
diques. 

(a)  Nous  saisissons  cette  occasion  pour  recommander  de  nouveau 
à  nos  lecteurs  le  seul  recueil  périodique  qui  soit  véritablement  con- 
sacré en  France  à  la  science  du  droit.  La  Thémis ,  ou  Bibliotlièque  du 
jurisconsulte  (  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  compilations  qui 
ne  renferment  que  des  décisions  judiciaires  ),  est  par^nue  à  la  fin  de 
son  8e  volume;  nous  engageons  les  éditeurs  à  ne  point  se  iaissci  dé- 
courager par  la  perte  qu'ils  ont  faite  de  leursavantetzélé  collaborateur, 
M.  Jourdab  ,  et,  si  la  périodicité  proprement  dite,  en  rendant  leur 
tâche  plus  pénible,  devait  les  détourner  de  la  continuation  de  leur 
travail,  nous  les  engagerions  à  suivre  l'exemple  de  MM.  Uugoy  de 
Savigny  et  C.rolman  t  dont  les  recueils  paraissent  par  livraisons,  mais 
non  a  époques  fixes.  F.n  sacrifiant  cet  avantage  ils  en  obtiendraient  un 
autre  qui  a  bien  soi!  importance,  savoir,  de  n'être  pas  réduit fl  à  pu- 


-  :  0  LIVRES  ETRANGERS. 

avec  une  Thémis  bâtarde  vivant  à  Bruxelles  aux  dépens  de  la 
Thémis  légitime;  et  lorsque  d'un  autre  côté  nous  considérons 
combien  est  peu  répandue  la  langue  dans  laquelle  MM.  Den 
Tex  et  Yan  Hall  publient  leurs  Bydraegcn  y  nous  ne  sommes 
pas  sans  crainte  sur  la  durée  de  ces  deux  entreprises  si  utiles, 
et  nous  voudrions  bien  n'avoir  à  redouter  d'autre  événement, 
fâcheux  que  leur  fusion;  dût-elle  s'opérer  par  le  moyen  devant 
lequel  on  a  reculé,  de  l'impression  d'un  double  texte  (hollan- 
dais et  français),  à  l'imitation  du  Journal  officiel  (ou  Bulletin 
des  lois)  des  Pays-Bas. 

Une  comparaison  établie  entre  les  deux  recueils,  à  l'effet  de 
déterminer  tes  caractères  distinctifs  de  l'école  hollandaise  et 
de  l'école  belgique,  serait  certainement  un  travail  aussi  inté- 
ressant qu'utile.  Mais,  à  raison  de  son  étendue,  ce  travail  ne 
convient  qu'à  un  ouvrage  spécialement  consacré  à  la  science 
du  droit;  nous  le  recommandons  aux  éditeurs  de  la  Thémis. 

Nous  nous  contenterons  défaire  ici,  pour  les  Bydracgen ,  ce 
que  nous  avons  déjà  fait  depuis  long-tems  pour  la  Bibliothèque 
du  jurisconsulte,  c'est-à-dire,  d'indiquer  les  principaux  articles 
des  livraisons  qui  nous  sont  parvenues. 

Dans  les  cahiers  ier  et  4e  de  1826,  et  2e  de  1827,  nous 
trouvons  une  dissertation  de  M.  Bâcher,  avocat  à  La  Haye , 
sur  l'importante  matière  des  conflits,  ou  plutôt  sur  les  limites 
qui  séparent  la  compétence  des  autorités  judiciaires  de  la 
compétence  de  l'administration.  Dans  le  2e  cahier  de  1826, 
M.  Huidecoper  ,  avocat  à  Amsterdam ,  a  essayé  de  poser  de 
nouveau  les  principes  de  ce  qu'on  appelle  la  rétroactivité  des 
lois.  D'intéressantes  questions  relatives  au  Droit  commercial 
sont  discutées  par  MM.  Van  Hall  et  Bondt  dans  les  cahiers 
iev  de  1826  et  2e  de  1827.  Les  fragmens  nouvellement  décou- 
vert du  Code  Théodosien  ont  été  l'objet  de  remarques  critiques 
présentées  par  MM.  Fan  Hall  et  Den  Tex ,  dans  les  ier  et  3e 
cahiers  de  1826.  Plusieurs  questions  intéressantes  de  droit 
privé,  et  notamment  celle  du  privilège  accordé  au  vendeur 
d'immeubles,  sont  traitées  par  MM.  Uitwerf  Sterling  et 
Groen  Van  Prinsterer.  Enlin,  le  droit  des  gens,  le  droit  public , 
notamment  le  droit  ecclésiastique ,  le  droit  pénal ,  la  médecine 
Irgale,  ont  offert  à  MM.  Den  Tex,  Berg,  Dejonghe,  Schui.l, 


blier  quelquefois  des  morceaux  faibles,  ou  incomplètement  élaborée; 
—  Les  8  volumes  qui  forment  la  collection  de  la  Thémis  se  vendent 
56  fr.  aux  personnes  qui  souscrivent  pour  le  9e  volume  ,  au  bureau  de 
rédaction  ,  rue  Soufflet ,  ou  place  Sainte -Genoièvc  ,  D*  2. 


rAYS-BAS.  —  LIVRES  FRANÇAIS.  7i7 

Mkyf.ïv  et  Tuyssk.v  des  sujets  de  dissertations  plus  ou  moins 
étendues. 

Dans  la  partie  du  Recueil  qui  a  pour  objet  l'examen  des 
ouvraj.es  nmiviaiix,  et  qui  appartient  presque  en  tofalilé  à 
MM.  ^  in  Hall  et  Df.n  Tix,  nous  avons  remarque*  les  Notices 
sur  le  projet  de  code  pénal  dû  la  Louisiane t  sur  les  annotations 
ad  Caïum  de  M.  Van  Assen,  sur  deux  Mémoires  de  M.  de 
Savigny,  sur  le  dernier  ouvrage  de  M.  Locke,  sur  l'ouvrage 
de  Mn.ii.n  intitulé  :  An  i/njuiry  into  the  présent  state  oj  the  ci.v-1 
laiv  of  England ,  etc. 

On  remarque  dans  tous  les  jugemens  que  les  éditeurs  des 
fljrdraegen  ont  porté  sur  les  ouvrages,  autant  de  sagacité  que 
d'indépendance;  et  les  mêmes  qualités  se  retrouvent  dans  le 
compte  rendu  par  M.  Van  Hall  de  la  jurisprudence  de  la 
cour  supérieure  de  La  Haye,  et  des  travaux  exécutés  dans  les 
Pays-Bas  à  l'égard  des  sources  récumment  découvertes  de 
l'ancien  Droit  romain. 

Il  paraît  chaque  année,  !\  livraisons  des  Bydraegcn ,  formant 
ensemble  au  delà  de  5oo  pages  in-8°;  les  livraisons  de  1826 
ont  été  publiées  avec  régularité;  mais  nous  n'avons  encore 
reçu  que  2  livraisons  de  1827.  D. 

LIVRES  FRANÇAIS. 

Sciences  physiques  et  naturelles. 

25  7.  —  *  Encyclopédie  populaire ,  ou  les  sciences  ,  les  arts  et 
les  métiers  mis  à  la  portée  de  toutes  les  classes.  Paris,  1828; 
Audot,  éditeur.  Cette  collection  sera  composée  de  volumes 
in- 18  ,  qui  se  vendront  séparément  au  prix  de  1  fr. 

Cette  nouvelle  entreprise  bibliographique  est  une  traduction, 
ou  plutôt  une  imitation  des  cahiers  publiées  en  Angleterre  par 
la  société  des  connaissances  usuelles  ,  dont  M.  Brougham  est  pré- 
sident. Pour  approprier  à  notre  usage  cette  œuvre  des  savans 
anglais,  on  a  senti  qu'il  fallait  quelques  modifications;  que  d'ail- 
leurs, lorsqu'il  s'agit  de  sciences  ou  d'arts,  le  devoir  d'un 
traducteur  est  d'améliorer  ce  qu'il  veut  mettre  à  la  disposition 
de  ses  compatriotes.  Il  vient  plus  tard  que  l'auteur  qu'il  traduit, 
et  par  conséquent,  il  est  tenu  de  faire  mieux  que  l'original ,  de 
rectifier  ses  inexactitudes,  de  compléter  ses  lacunes  :  on  attend 
de  lui  le  travail  que  l'auteur  lui-même  se  serait  imposé  ,  dans 
une  seconde  édition  de  son  ouvrage.  Il  n'en  est  pas  ainsi ,  lors- 
qu'il est   question  de   transporter  dans  une  autre  langue  un 


;i3  LIVRES  FRANÇAIS. 

ouvrage  d'imagination  :  la  fidélité  la  plus  scrupuleuse  est  alors 
imposée  au  traducteur;  ce  qu'il  retrancherait  serait  un  vol,  et 
ce  qu'il  ajouterait  une  falsification.  Il  faut  du  savoir  et  beau- 
coup de  savoir  pour  bien  traduire  un  ouvrage  de  sciences ,  et 
un  talent  remarquable,  pour  être  sans  reproche,  quand  on 
traduit  un  ouvrage  de  littérature.  Presque  toujours,  les  traduc- 
tions sont  confiées  à  l'ignorance  et  aux  manœuvres  littéraires  : 
Ja  Bibliothèque  des  connaissances  usuelles,  transformée  en 
Encyclopédie  populaire,  n'a  pas  eu  cette  mauvaise  fortune. 
M.  Boquillon,  traducteur  des  volumes  que  nous  avons  sous 
les  yeux,  a  satisfait  honorablement  aux  obligations  qu'il  avait 
contractées,  en  se  chargeant  d'être  l'interprète  des  rédacteurs 
anglais.  Le  style  est  convenable,  les  idées  sont  Exposées  avec 
clarté  :  c'est  tout  ce  qu'il  était  possible  de  faire,  et  par  consé- 
séquent,  tout  ce  que  l'on  pouvait  espérer.  Quant  à  l'utilité 
réelle  de  chacun  des  ouvrages  qui  formeront  cette  Encyclo- 
pédie, c'est  l'expérience  qui  choit  nous  l'apprendre;  mais, 
dans  le  résultat  de  cette  expérience,  quel  qu'il  soit,  comment 
séparer  ce  qui  appartient  à  un  livre  et  à  la  forme  particulière 
de  sa  rédaction,  de  ce  que  les  circonstances  et  les  influences 
extérieures  viennent  y  mêler?  Comment  fixer  le  point  du  dé- 
part, le  degré  d'influence  des  causes  favorables  ou  contraires, 
évaluer  les  résistances  ?  Aucune  étude  n'est  plus  difficile  que 
celle  de  l'homme:  et,  si  l'on  avait  eu  le  bonheur  de  surmonter 
tous  les  obstacles,  et  d'arriver  à  une  connaissance  assez  com- 
plète de  notre  nature,  il  resterait  encore  à  faire  usage  de  cette 
connaissance  pour  perfectionner  l'art  social,  autre  travail  d'une 
extrême  difficulté.  Les  sociétés,  dont  l'instruction  populaire  est 
l'objet,  proposent  des  prix  pour  la  rédaction  d'ouvrages  à  la 
portée  du  peuple  ;  elles  rédigent  avec  soin  les  programmes  de 
ces  compositions,  jugent  les  concurrens  avec  une  judicieuse 
bienveillance,  et  trouvent  de  tems  en  tems  l'occasion  de  dé- 
cerner des  couronnes.  Cette  première  partie  de  leur  tâche  est 
facile  ;  mais  la  seconde  l'est  beaucoup  moins.  Il  s'agit  de  cons- 
tater, par  des  observations  très-attentives  et  philosophiques, 
que  les  questions  ont  été  bien  posées  et  bien  résolues  ;  et ,  si 
l'on  découvre  que  le  but  n'est  pas  atteint,  il  faut  se  remettre 
sur  la  bonne  voie,  et  recommencer.  Ce  zèle  philantropique  ne 
préserve  point  de  l'erreur  :  il  mérite  doublement  notre  recon- 
naissance et  nos  éloges,  lorsqu'il  revient  sur  ses  pas  ,  et  fait 
le  sacrifice  de  tout  amour-propre  aux  grands  et  nobles  intérêts 
de  l'humanité.  Quelque  bien  que  l'on  ait  à  dire  des  ouvrages 
populaires  publiés  jusqu'à  présent  par  les  sociétés  les  plus 
éclairées,  on  ne  peut  les  considérer  que  comme  une  première 


SCIENCES  PHYSIQUES.  719 

('•prouve  dont  il  s'agit  de  connoître  le  résultat ,  il  Tant  constater 
ce  résultai  par  «les  moyens  donl  la  recherche  est  un  objet 
digne  des  plus  sérieuses  méditations. 

Ces  réflexions  préliminaires  mou.  <»m  mené  si  loin,  qu'il  te- 
nons reste  pins  assez  d'espace  pour  rendre  compte  des  trois 
premières  livraisons  qui  onl  déjà  pan1,  el  que  l'empressement 
du  public  n'a  pas  laissé  séjourner  long-tems  dans  les  magasins 

de  l'éditeur.  Nous  les  joindrons  aux  livraisons  suivantes,  qui 
sans  doute  ne  tarderont  pas  à  paraître.  F. 

a58.  — ■  *  Annuaire  du  jardinier  et  de  l'agronome  pour  1828, 
renfermant  les  descriptions  et  la  culture  de  toutes  les  plantes 

utiles  OU  d'agrément  qui  Ont  été  décrites  pour  la  première 
fois  en  1  S •  > -  ;  les  nouvelles  d  horticulture  de  la  même  année; 
des  considérations  sur  l'acclimatation  et  la  naturalisation  des 
plantes;  les  principes  généraux  de  la  greffe,  et  la  description 
de  toutes  les  greffes  herbacées  ;  enfin,  un  tableau  des  meilleures 
espèces  et  des  variétés  d'arbres  fruitiers  entrant  dans  la  com- 
position d'un  jardin  ou  d'un  verger,  etc.;  suivi  d'une  table 
alphabétique  renvoyant  à  toutes  les  plantes  décrites  dans  les 
Annuaires  du  jardinier  des  années  précédentes;  par  un  jàrdi* 
nier  agronome.  Paris,  1828;  Roret.  In- 18  de  2i/}  pages;  prix, 
1  i\\  5o  c. 

On  regrette  que  M.  Boitard,  rédacteur  de  cet  ouvrage, 
comme  l'avertissement  nous  l'apprend,  entretienne  ses  lec- 
teurs de  contestations  qui  se  sont  élevées  dans,  le  sein  de  la 
Société  d'horticulture ,  et  dont  le  public  raisonnable  refusera 
certainement  de  prendre  connaissance.  Un  Annuaire,  essen- 
tiellement destiné  à  renfermer  des  annonces  utiles,  des  don- 
nées et  des  indications  à  l'usage  de  tous,  peut-il  être  une  lice 
pour  ces  joutes  oiseuses,  auxquelles  les  assistans  ne  s'intéressent 
guère  que  par  une  malicieuse  curiosité  ?  Les  lecteurs  sensés 
composent  le  public  des  écrivains  jaloux  de  se  faire  une  répu- 
tation durable,  et  ce  public  exige  qu'on  le  respecte. 

Après  cette  boutade,  venons  à  V Annuaire  du  jardinier.  Il 
parait  que  la  censure  n'étend  point  jusqu'à  l'empire  de  Flore 
sa  malfaisante  influence.  L'année  1827  n'a  pas  été  moins  fé- 
conde que  les  précédentes,  plus  heureuse  que  l'esprit,  la  ma- 
tière a  suivi  paisiblement  les  lois  générales  qui  la  régissent,  et 
les  directions  que  les  arts  de  l'homme  lui  tracent,  conformé- 

iment  à  ces  lois.  L'imagination  s'étonne  à  la  vue  des  catalogues 
de  plantes  nouvelles  introduites  dans  les  cultures,  de  variétés 
obtenues  et  conservées  par  les  soins  du  jardinier  :  il  semble 
que  nous  soyons  menacés  d'un  débordement  de  richesses  bo- 
taniques auxquelles  il  sera  difficile  d'opposer  des  digues  assez 


:ao  LIVRES  FRANÇAIS. 

fortes.  Toutefois,  que  ce  danger,  encore  éloigné,  ne  nous  effraie 
pas  :  d'autres  soins  beaucoup  plus  pressans  sollicitent  notre 
attention;  que  les  jardiniers  poursuivent  leurs  agréables  re- 
cherches. Nous  acceptons  avec  reconnaissances  les  fruits  de 
l'horticulture  de  18-27,  dont  M.  Boitard  nous  donne  le  cata- 
logue et  la  description,  et  nous  espérons  que  l'année  1828 
s'enrichira  de  nouvelles  conquêtes  en  ce  genre ,  et  que  le  même 
écrivain  prendra  soin  de  nous  les  faire  connaître. 

259.  — *  De  la  culture  du  mûrier,  par  Mathieu  Bonafous, 
directeur  du  jardin  royal  d'agriculture  de  Turin,  etc.  Troisième 
édition.  Paris,  1827.  Mme  Huzard.  Barret,  à  Lyon.  In-8°  de 
62  pages  avec  une  planche.  Prix,  1  f.  25  cet  1  fr.  5oc.  par  la  poste. 

On  ne  peut  trop  multiplier  les  éditions  d'un  ouvrage  tel  que 
celui-ci,  car  l'intérêt  des  cultivateurs  de  la  plus  grande  partie 
du  sol  français  est  de  savoir  tout  ce  que  M.  Bonafous  leur 
apprend  en  quelques  pages,  et  surtout  de  le  pratiquer.  Le  dé- 
partement du  Rhône  a  bien  senti  la  grande  utilité  de  cette 
instruction,  et  une  médaille  d'or,  décernée  à  l'auteur,  prouve 
que  les  administrateurs  de  ce  département  savent  apprécier  et 
récompenser  les  services  rendus  à  leur  pays.  En  joignant  à  ce 
petit  écrit  ceux  du  même  auteur  sur  l'éducation  des  vers  à 
soie,  on  a  tous  les  documens  nécessaires  pour  tirer  le  meil- 
leur parti  de  la  culture  du  mûrier;  espérons  que  la  culture 
de  cet  arbre  précieuxs  e  propagera  dans  tous  les  lieux  qui  lui 
conviennent.  Des  écrits  tels  que  celui-ci  sont  très -propres  à 
hâter  cette  grande  amélioration  de  notre  agriculture.       Y. 

260.  —  *  Manipulations  chimiques ,  par  Faraday,  professeur 
de  chimie  à  X 1  nstitut  royal  de  Londres  ;  traduit  par  M.  Maisf.au, 
traducteur  de  V Enquête  du  parlement  anglais  sur  l'industrie  ; 
revu,  pour  la  partie  technique  par  M.  Bussy,  professeur  de 
chimie  à  f  Ecole  de  pharmacie  de  Paris,  etc.  Paris,  1827; 
Sautelet.  2  vol.  in-8°  de  l^oo  p.;  prix,  14  fr. 

Cette  traduction  est  l'œuvre  de  deux  associés  dont  l'un  a 
fourni  la  connaissance  de  la  langue,  et  l'autre  celie  de  la 
science.  Notre  époque  est  celle  des  associations  pour  faire  le 
bien;  le  plus  grand  nombre  de  celles  dont  l'histoire  fait  men- 
tion n'avaient  d'autre  but  que  l'intérêt  des  associés,  aux  dépens 
des  intérêts  généraux. 

L'ouvrage  le  plus  complet  que  l'on  ait  publié  sur  les  mani- 
pulations chimiques  est ,  à  coup  sûr,  celui  de  M.  Faraday,  et 
un  professeur  aussi  habile  ne  pouvait  composer  un  ouvrage 
médiocrement  bon.  Remercions  donc  les  deux  écrivains  qui 
l'ont  fait  passer  dans  notre  langue.  Si  désormais  les  chimistes 
fie  sont  pas  en  état  de  tout  faire  dans  un  laboratoire,  de  se 


SCIENCES  PHYSIQUES.  ;-,r 

passer  au  besoin  d'aides,  d'ouvriers,  de  secours  de  toute  |  01  te, 
de  suppléer  an\  instrumens  qui  leur  nwinqucnt  ou  de  les  00 

truire  eux-mêmes,  ce  ne  sera  pas  la  faute  de  M.  Faraday.  Si 
cet  ouvrage  avait  étécooiposé  par  des  chimistes  français,  on  y 
trouverait  quelques  procédés  qui  paraissent  inconnus  en  An- 
gleterre ;  réciproquement,  nos  chimistes  les  plus  instruits 
acquerront  la  connaissance  de  quelques  manipulations  pro- 
pres aux  chimistes  Bnglais  :  heureux  résultats  des  communica- 
tions scientifiques.  Des  gravures  en  bois  achèvent  d'éclaircir 
ce  (pie  les  explications  n'auraient  pas  fait  assez  bien  Comprendre: 
l'auteur  et  ses  interprètes  n'ont  rien  négligé  pour  que  l'ouvrage 
fut  en  état  d'exercer  une  influence  remarquable  sur  la  science 
et  ses  applications;  espérons  qu'il  obtiendra  le  succès  qu'il 
mérite  à  tant  d'égards.  H.  Dussard. 

261.  —  *  Traité  des  membranes  en  général  et  des  diverses 
membranes  en  particulier,  par  Xav.  Nichât.  Nouvelle  édition  , 
re\  ue  et  augmentée  de  Notes  par  M.  Magendie,  de  l'Académie 
des  sciences,  médecin  de  l'hôpital  de  la  Salpètrière,  etc. 
Paris,  1827;  Gabon;  Méquignon  Marvis.  I11-80  de  xxxiv  et 
3/,()  pages  ;  prix  5  fr.  5o  c 

Bichat  lut,  en  1798,  à  la  Société  médicale  d'émulation  de 
Paris,  deux  Mémoires  sur  la  structure  et  la  distinction  des 
membranes  :  ils  furent  publiés,  en  1799,  dans  le  2e  volume  du 
recueil  de  celte  Société.  A  cette  première  ébauche  déjà  remar- 
quable succéda,  en  1800,  le  Traité  des  membranes,  production 
pleine  de  vues  nouvelles  et  de  brillantes  inspirations.  Mais 
bientôt,  fécondant  les  germes  qu'il  avait  déposés  dans  cet 
ouvrage,  riche  de  plus  d'expérience  ,  d'observations  plus  nom- 
breuses, embrassant  l'ensemble  de  l'économie,  la  totalité  de 
nos  organes,  Bichat  donna  au  monde  savant,  en  1801,  son 
A natomie  générale ,  œuvre  impérissable  d'un  des  plus  beaux 
génies  qui  aient  éclairé  la  médecine,  et  en  1802,  le  22  juillet, 
il  mourut  à  l'âge  de  trente-un  ans! 

Le  Traité  des  membranes,  dont  nous  annonçons  la  réimpres- 
sion, ayant  été  refondu  dans  X Anatomie  générale 3  doit  être 
surtout  considéré,  ainsi  que  le  dit  avec  raison  M.  Magendie, 
son  éditeur  ,  comme  un  monument  biographique  propre  à  faire 
bien  juger  le  talent  dont  était  doué  Bichat.  Pour  cire  mis  au 
niveau  de  l'état  actuel  de  la  médecine,  il  eût  fallu  en  quelque 
sorte  le  refaire;  mais  ce  travail  n'était  pas  ce  que  devait  se 
proposer  M.  Magendie.  Il  s'est  contenté  d'indiquer  çà  et  là,  par 
quelques  notes,  ce  qui  eût  pu  induire  en  erreur,  et  celles  des 
prévisions  de  Bichat  que  le  tems  n'a  pas  confirmées.  Peut-être, 
cependant,  au  lieu  de  ce  borner  à  des  remarques  destinées 
t.  xxxvi. —  Décembre  1827.  46 


72*  LIVRES  FRANÇAIS. 

seulement  a  rectifier  le  texte,  eût- on  dû  aussi,  pour  rendre  à 
Bichat  on  hommage  mérité,  montrer  quels  développemens  il 
avait  lui-même  donnés  à  ses  premières  idées ,  et  comment  il  les 
avait  perfectionnées,  soit  dans  son  Anatomie ,  soit  dans  ses 
Recherches  sur  la  vie  et  la  mort,  qui  succédèrent  à  son  Traité 
des  membranes.  Ce  qui,  dans  ce  dernier  ouvrage,  est  de- 
meuré original,  c'est  la  description  de  l'arachnoïde;  mais, 
dans  ce  sujet  difficile,  il  était  resté  bien  des  points  encore 
controversés.  Il  était  nécessaire  qu'ils  fussent  éclaircis,  et  per- 
sonne n'était  plus  capable  de  le  faire  que  M.  Magendie  qui , 
s'étant  occupé  spécialement  des  fonctions  de  cette  membrane, 
pouvait  donner  sur  sa  structure  le  résultat  de  ses  propres  re- 
cherches. RlGOLLOT  fils  ,  D.-M. 

262.  —  *  Traité  sur  les  gastralgies  et  les  entéralgies  ,  ou 
Maladies  nerveuses  de  l'estomac  et  des  intestins;  par  le  docteur 
Barras.  2e  édition,  revue,  corrigée  et  augmentée.  Paris,  1827; 
Béchet  jeune.  In- 8°;  prix,  5  fr.  5o  c. 

Un  médecin,  long-tems  malade,  vient  de  publier  l'histoire 
de  ses  longues  souffrances.  Il  nous  apprend  quelles  erreurs 
ont  été  commises  à  son  sujet,  quels  résultats  ont  eus  les  con- 
seils de  la  plupart  des  médecins  dont  il  a  réclamé  les  secours; 
enfin  ,  il  nous  montre,  en  dernière  analyse,  ce  que  chacun  peut 
concevoir,  que  l'air  pur  des  champs,  un  régime  doux  et  sub- 
stantiel sont  les  seuls  moyens  qui  aient  apporté  quelque  adou- 
cissement à  ses  maux.  Voilà  pour  les  gens  du  monde  une  belle 
leçon,  sans  contredit.  En  profiteront-ils?  Cet  exemple  devrait 
les  frapper;  car  la  maladie  dont  il  s'agit  est  de  celles  qui  atta- 
quent particulièrement  les  citadins,  les  riches,  ou  les  hommes 
livrés  aux  travaux  du  cabinet.  A  Paris,  surtout,  ces  maladies 
sont  communes.  Nulle  part,  on  n'abuse  autant  de  toutes  ses 
facultés;  nulle  part,  f  estomac ,  dont  il  est  ici  question,  n'est  mis 
à  de  plus  rudes  épreuves  :  les  uns,  uniquement  occupés  de 
satisfaire  un  appétit  qu'excitent  à  chaque  instant  la  gourman- 
dise ou  l'occasion,  semblent  ne  vivre  que  pour  manger;  d'au- 
tres ne  considèrent,  pour  ainsi  dire  ,  l'alimentation  que  comme 
un  moyen  de  soutenir  des  forces  qu'incessamment  les  excès  de 
tout  genre  épuisent;  d'autres,  enfin,  et  ceux-là  sont  les  seuls 
auxquels  le  médecin  philantrope  puisse  porter  un  véritable  in- 
térêt, emportés  par  l'émulation  la  plus  noble,  voulant  se  dis- 
tinguer dans  la  carrière  qu'ils  parcourent,  pensent  à  peine  qu'ils 
ont  un  corps.  Ils  oublient  que  le  corps  éprouve  des  pertes  pro- 
portionnées à  leurs  travaux,  et  qu'il  faut,  pour  les  réparer, 
non-seulement  user  d'alimens  sains,  mais  encore  les  prendre 
en  tems  opportun  et  laisser  à  l'estomac  le  tems  de  les  digérer. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  7*1 

Cet  organe,  que,  dans  une  des  fables  de  La  Fontaine,  1rs 
membres  accusent  de  paresse  et  d'inactivité ,  est  presque  BOSSI 
injustement    traité   par   la   plupart   des   homme-,.    Lui  seul    doit 

|nr  toujours;  il  doit  constamment  eiciter  l'alimentation  et  sa 
voir  s'arranger  de  celle  qu'on  lui  donne,  pour  lui,  jamais  <lo 
pepos  ;  et ,  si  quelque  excès  ou ,  ce  qui  est  encore  plus  fréquent) 
quelque  modification  atmosphérique  |  ou  quelque  peine  morale, 

trouble  ou  suspend  ses  fonctions,  après  avoir,  pendant  plu- 
sieurs siècles,  crié  à  la  dyspepsie ,  nous  crions  maintenant  à  la 
gastralgie  ,  et  l)ien  plus  généralement  à  la  gastrite. 

Le  docteur  Barras,  toutefois,  homme  sage  et  plein  de  pro- 
bité ,  en  cherchant  à  prouver  que  la  plupart  des  affections  de 
l'estomac  ne  sont  nullement  inflammatoires  et  tiennent  seule- 
ment à  l'exaltation  ou  bien  à  la  dépravation  de  la  sensibilité  de 
cet  organe,  ne  prétend  pas  que  la  gastralgie  doive  faire  entière- 
ment oublier  la  gastrite.  Il  n'a  point  la  prétention  de  faire  secte. 
Praticien  modeste,  il  se  borne  à  combattre,  par  les  faits  qu'il 
a  été  à  même  d'observer,  les  abus  d'une  doctrine  exclusive 
dans  ses  dogmes  et  séduisante  par  sa  simplicité.  Pour  le  dite, 
en  un  mot,  ce  médecin  écrit  sous  la  dictée  de  la  raison  et  de 
l'expérience.  Le  succès  de  cet  ouvrage  annonce  que  le  public 
commence  à  ne  plus  se  payer  de  mots.  Il  prouve,  ce  que  tant 
d'autres  faits  prouvent  également,  que  la  raison  publique  s'é- 
claire en  s'exerçant.  Qui  aurait  pensé  ,  en  France  ,  il  y  a  qua- 
rante ans,  à  demander  compte  à  son  médecin  de  l'état  de 
la  médecine  et  des  motifs  qui  le  portaient  à  agir?  Quel- 
ques mots  échangés  sur  la  pituite  ou  sur  la  bile  eussent  satis- 
fait les  plus  curieux.  Nous  vivons  aujourd'hui  sous  l'empire  des 
faits  ;  chacun  réclame  le  pourquoi ',  en  toute  chose.  Le  tems  est 
à  jamais  passé  où  l'on  croyait  sur  parole  ,  où  l'on  jurait  sur  la 
foi  d'autrui  ;  et,  si  d'habiles  jongleurs  occupent  quelquefois  en- 
core la  scène  du  monde,  leur  règne  est  de  courte  durée. 

La  dernière  doctrine  médicale  qui  a  pri-s  vogue  dans  nos 
écoles  rapportait  toutes  les  maladies  à  une  série  de  phénomènes 
à  peu  près  identiques,  quels  que  fussent  ses  rapports,  les  fonc- 
tions ou  la  structure  des  organes  qui  en  étaient  le  siège;  quels 
que  fussent  l'âge,  le  sexe  et, les  dispositions  particulières  de 
l'individu  qui  en  était  le  sujet.  Rien  n'était  plus  facile  à  conce- 

Ivoir,  ni  plus  commode  à  établir.  Une  génération  naissante,  im- 
bue de  ces  principes,  croyait  avoir  tout  appris;  mais  l'expé- 
rience a  bientôt  prononcé. 
La  pratique  ,  en  montrant  chaque  jour  de  nouveaux  faits  :?a 
signalé  des  rapports  différons,  a  prouvé  ce  qu'un  médecin  ne 
devrait  jamais  perdre  de  vue,    que  tout  est  varié  dans  la  na- 

46". 


7i/,  LIVRES  FRANÇAIS. 

tare.  Partout  il  n'existe,  en  effet,  que  des  individus;  et  quant 
aux  modifications  que  le  corps  humain  éprouve  ,  elles  sont  tel- 
lement diversifiées ,  que,  pour  un  observateur  attentif,  il  est 
impossible  d'en  trouver  deux  qui  présentent  une  véritable  parité. 

Les  modifications  dont  le  système  nerveux  est  susceptible 
sont  incontestablement  les  plus  nombreuses  et  les  plus  difficiles 
à  classer.  De  tout  tems  elles  ont  exercé  la  patience  et  la  saga- 
cité des  médecins  les  plus  habiles  De  tout  tems  aussi,  les  tra- 
vaux de  ces  observateurs  n'ont  eu  pour  résultat  que  de  pré- 
parer des  matériaux;  pas  une  main,  que  je  sache,  n'a  été  assez 
hardie  pour  oser  prétendre  a  les  coordonner.  La  direction  des 
esprits  et  l'état  de  la  science  veulent  impérieusement  que  cha- 
cun paie  son  tribut,  en  indiquant  les  résultats  de  son  expé- 
rience; mais  sans  imposer  aux  autres  une  opinion  et  surtout 
sans  torturer  les  faits.  Or,  le  travail  du  docteur  Barras  réunit  ces 
deux  conditions  importantes;  l'estime  de  ses  confrères 'et  celle 
du  public  ont  déjà  récompensé  ce  médecin  de  la  réserve  judi- 
cieuse qu'il  a  su  garder  et  des  efforts  qu'il  ne  cesse  de  faire 
pour  détruire  une  opinion  trop  accréditée.  J.  B.  F.,  d.  m. 

2Ô3.  —  *  Lettre  a  M.  le  chevalier  Vincent  de  Kern ,  premier 
chirurgien  de  S.  M.  l'empereur  d'Autriche,  en  réponse  à  un 
écrit  ayant  pour  titre  :  Réflexions  sur  la  nouvelle  méthode  de 
MM.  Civiale  et  Leroy ,  pour  broyer  et  extraire  les  calculs  vési- 
caux ;  par  le  Dr  Civiale.  Paris,  1827  ;  Béchet  jeune.  In  8°  de 
76  pages  avec  une  planche;  prix,  1  fr. 

Nous  avons  parlé  plusieurs  fois  de  la  méthode  du  Dr  Civiale 
pour  le  broiement  et  l'extraction  des  calculs  vésieaux  par  les 
voies  naturelles,  et  des  résultats  extraordinaires  que  ce  chirur- 
gien obtient  chaque  jour.  Cette  révolution  chirurgicale  s'est  si- 
gnalée par  une  polémique  animée,  et  dans  laquelle  les  antago- 
nistes de  M.  Civiale  n'ont  pas  toujours  fait  preuve  de  justice. 
Comme  les  découvertes  les  plus  utiles,  la  lithotritie  fut  d'abord 
traitée  de  chimère.  Lorsque  les  résultats  eurent  constaté  son  im- 
portance, on  voulut  refusera  son  auteur  le  mérite  de  l'invention: 
d'abord,  en  lui  opposant  des  prétentions  rivales,  ensuite,  en 
attribuant  à  la  chirurgie  allemar.de  une  découverte  qui  est  toute 
française.  Après  être  resté  long-tems  étranger  à  cette  discussion 
qui  n'a  point  eu  tout  le  succès  auquel  prétendaient  ses  adver- 
saires, M.  Civiale  a  consenti  enfin  à  faire  valoir  ses  droits  de- 
vant le  public. 

Nous  avons  fait  connaître  son  premier  ouvrage,  publié  il  y 
a  plusieurs  mois  (1),  dans  lequel  cet  habile  praticien  a  exposé 

(1)  De  la  Lithotritie ,  ou  Ilroiement  de  la  pierre  dans  la  vessie.  Paris  , 
1827;  Béchet  jeune.  In-8°;  prix.  6  fr.(Voy.  Rev.Enc,  t.  xxxiv,  p.  187  ) 


SCIENCES  PHYSIQUES. 

la  nature  de  ses  travaux  dool  le  but  était  de  substitue!  .1  I  ;.n.- 
des  opérations  les  plus  graves  et  les  plus  terribles  de  la  chirur- 
gie, une  opération  peu  douloureuse  el  exempte  <1<'  dangers. 
|f,  Civiale  indique  les  tentatives  infructueuses  une  l'on  avail 
('.nies  pour  soustraire  1rs  calculeux  à  l'opération  de  la  taille  ,  et 
il  fait  connaître,  par  «les  relevés  de  statistique,  les  chances  de 
succès  que  la  cystotomie  peut  offrir.  Il  fait  ensuite  rhistoire 
de  ses  propres  recherches  |  trace  la  marche  qu'il  a  suivie  pour 
parvenir  à  broyer  la  pierre  dans  la  vessie,  et  publie  les  résul- 
tats qu'il  a  obtenus  par  une  opération  que  Y  Académie  des 
Sciences  a  désignée  par  le  nom  de  méthode  Civiale ,  et  que  ce 
corps  savant  a  déclarée  glorieuse  pour  la  chirurgie  française , 
ftonorable pour  son  auteur  et  consolante  pour  l'humanité 9  en  dé- 
cernant à  son  inventeur  le  grand  prix  de  chirurgie  de  dix  mille 
francs,  fondé  par  M.  de  Mtantyon. 

La  brochure  que  nous  annonçons  aujourd'hui  est  une  ré- 
ponseanx  attaquesd'un  nouvel  adversaire,  le  premier  chirurgien 
de  S.  M.  l'empereur  d'  Autriche.  M.  Civiale  fait  connaître  les  an- 
técédens  de  la  lithotritie,  discute  le  mérite  desdiverses  tentatives 
qui  ont  été  faites  ,  et  combat,  par  des  faits  et  par  des  argumens 
sans  réplique,  les  suppositions  et  les  assertions  inexactes  aux- 
quelles avaient  eu  recours  les  détracteurs  de  cette  belle  décou- 
verte. Il  termine  cette  partie  de  sa  réponse  à  M.  de  Kern  par  un 
parallèle  de  l'ancienne  opération  et  de  celle  qu'il  a  inventée , 
prouve  par  des  faits  nombreux  la  grande  supériorité  de  celle- 
ci.  Après  avoir  démontré  combien  sont  imaginaires  les  incon- 
véniens  que  l'on  a  cru  trouver  dans  l'emploi  de  sa  méthode, 
M.  Civiale  aborde  la  question  de  la  priorité  d'invention,  et  ses 
recherches  établissent  que  l'idée  première  de  la  possibilité  de 
broyer  la  pierre  dans  la  vessie  se  trouve  exprimée  dans  quel- 
ques auteurs  arabes,  qu'elle  a  été  souvent  reproduite,  que 
l'on  a  même  présenté  des  projets,  mais  qu'ils  w'ont  pas  été 
exécutés,  et  que  cette  idée  était  restée  stérile  pour  la  science 
et  pour  l'humanité. 

Quant  à  ia  discussion  des  prétentions  rivales  que  l'auteur 
présente  avec  autant  de  clarté  que  de  franchise,  l'ouvrage 
renferme  tous  les  éclaircjssemens  nécessaires*.  Z. 

264.  —  Astronomie  des  Demoiselles ,  ou  Entretiens  entre  un 
frère  et  sa  sœur,  sur  h:  mécanique  céleste,  démontrée  et  rendue 
sensible  sans  le  secours  des  mathématiques,  augmentés  d'idées 
puisées  dans  les  découvertes  les  plus  nouvelles,  et  d'après  les 
meilleurs  astronomes;  suivis  de  problèmes  dont  la  solution  est 
aisée,  et  enrichis  de  plusieurs  ligures  ingénieuses,  servant  à 
rendre  les  démonstrations  plus  claires;  par  James  Fkuguson, 


7i6  LIVRES  FRANÇAIS. 

professeur  d'astronomie,  et  membre  de  la  Société  royale  de 
Londres  :  ouvrage  traduit  de  l'anglais»,  revu  et  augmenté  par 
M.  Quétrin,  professeur  et  auteur  de  divers  ouvrages  sur  l'as- 
tronomie et  la  géographie.  Paris  1827;  Raynal,  rue  Pavée- 
Saint  -  Amlré-des-Arcs,  n°  i3.  In-12  de  232  pages,  avec  six  plan- 
ches gravées  et  coloriées  ;  prix,  3  fr.  5o  c. 

Le  livre  anglais  que  M.  Quétrin  a  traduit  ne  m'est  pas  connu; 
mais  le  nom  de  Ferguson  me  semblait  devoir  promettre  quel- 
que chose  de  mieux  que  la  traduction  qu'on  publie  :  c'est  tout 
simplement  un  exposé  de  la  sphère,  à  peu  près  comme  on  en 
met  en  tète  des  géographies  élémentaires  à  l'usage  des  pension- 
nats de  demoiselles.  Il  est  vrai  que  l'on  y  trouve  les  données 
numériques  exactes  qui  servent  de  base  au  système  planétaire; 
mais  comme  ces  nombres  ne  sont  amenés  par  aucun  raisonne- 
ment qui  puisse  permettre  {{'entrevoir  comment  la  science  les 
obtient,  ce  sont  des  hors-d'œuvre  tout- à- fait  hors  de  la  portée 
des  personnes  auxquelles  le  livre  est  destiné,  et  ces  tableaux 
délémens  astronomiques  ne  seront  certainement  pas  lus  par 
elles.  Je  doute  encore  que  les  vieilleries  proposées  par  Pluche 
pour  exprimer  la  signification  des  constellations  zodiacales 
soient  données  dans  le  livre  anglais  de  Ferguson  :  ce  savant  est 
trop  instruit  pour  ignorer  que  ces  signes,  imaginés  par  les 
Égyptiens,  dans  des  tems  très-reculés  ,  ne  s'accordent  qu'avec 
des  phénomènes  physiques  propres  à  cette  contrée,  et  qui  sont 
tout-à-fait  différens  de  ceux  qu'on  expose  dans  l'ouvrage.  Pour- 
quoi remplir  la  tête  des  jeunes  gens  d'idées  fausses  et  générale- 
ment reconnues  pour  telles?  Mais  il  y  a  bien  d'autres  erreurs  : 
par  exemple,  page  226,  le  nombre  d'or  est  6,  et  l'épacte  25, 
en  182c),  au  lieu  des  nombres  cités  :  page  190,  on  voit  Sirius 
au  ciel  vers  la  gauche  d'Orion,  et  plus  ha  s  ,  et  non  pas  à  droite; 
page  161  ,  l'auteur  veut  prédire  l'heure  de  la  haute  mer,  jus- 
qu'à tenir  compte  de  deux  minutes,  et  oublie  de  dire  que  les 
distances  de  la  lune  à  la  terre  influent  jusqu'à  retarder  d'une 
heure  ou  avancer  de  40  minutes  l'instant  de  la  marée  ;  page  i63, 
l'action  solaire  sur  l'heure  et  la  grandeur  du  phénomène  est 
mal  désignée;  page  178,  l'année  civile  n'est  pas  égale  à  l'année 
tropique  :  page  108,  ce  n'est  pas  à  l'aide  des  circumpolaires 
qu'on  obtient  l'heure  ,  pas  même  en  mer,  etc.  Quant  à  la  forme 
du  dialogue  que  l'auteur  a  préférée  peur  rendre(ses  explications 
plus  claires,  il  est  permis  de  croire  qu'il  s'est  abusé  à  cet  égard. 
Lorsqu'on  veut,  en  un  petit  nombre  de  pages  in-j  2  ,  démontrer 
la  multitude  des  faits  d'une  science  aussi  vaste  que  l'astronomie, 
on  n'a  pas  de  pages  à  perdre;  et  l'on  ne  voit  pas  ce  que  peuvent 
apprendre  au  lecteur  des  phrases  comme  celles  ci  :  «  Que  fîtes- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  7i7 

sous  hier,  Jenny,  après  le  déjeuner  ?  Je  vous  si  attendue  dao  » 
ma  chambre,  mail  vous  n  êtes  point  venue.  Je,  suis  enchanté  de 

voit-  le  lèli  que  vous  nielle/,  à  étudier,  ele.  <■  ,  et  initie-,  propos 

«le  lueine  utilité.  Il  faut  pourtant  dire  qu'en  général  le  peu 
d'explications  que  ce  livre  contient  est  fait  avec  clarté;  que  les 
figures  sonl  très-ingénieusement  ajustées,  et  que  la  jeunesse 
pourrait  eu  tirer  quelque  fruit ,  m  l'on  en  supprimait  les  choses 
oiseuses  et  les  erreurs  :  ce  serait  alors  un  fort  bon  traité  de  la 

sphère,  pour  servir  de  préliminaire  à  l'étude  de  la  géogra- 
phie. JKUANC.OEUR. 

265.  —  Note  sur  les  diverses  etpècei  de  frottement  qui  peu- 
vent erister  entre  den.v  coitrbt ts  et  r/ei/.r  sulfures,  par  Théodore 
OiiviKK,  ancien  élève  de  l'Ecole  polytechnique ,  ancien  offi- 
cier d'artillerie,  membre  de  l'Académie  royale  des  sciences 
militaires  de  Stockholm,  etc.  Paris,  1827;  Imprimerie  de  Plas- 
san.  In-8°  de  i3  pages;  prix  ,  1   h\ 

Quand  même  on  ne  saurait  point  en  quel  lieu  M.  Olivier  a 
reçu  son  éducation  mathématique,  on  l'apprendrait  en  lisant 
cet  écrit.  Aucune  école  philosophique  n'obtint  jamais  l'in- 
tluence  que  l'École  polytechnique  a  exercée  sur  les  élèves 
qu'elle  a  formés  :  elle  seule  a  possédé  le  secret  d'imprimer  aux 
esprits  une  direction  qui  ne  change  plus,  une  forme  et  un 
caractère  toujours  reconnaissables.  D'où  lui  vint  un  ascendant 
aussi  remarquable,  et  comment  pourra-t-elle  le  conserver?  On 
ne  peut  traiter  ces  questions  sans  desdéveloppemens  qui  seraient. 
hors  de  place,  au  sujet  d'une  courte  brochure;  nous  y  revien- 
drons lorsqu'il  nous  sera  possible  de  donner  à  nos  lecteurs 
l'analyse  de  l'ouvrage  de  M.  le  capitaine  Madelaine,  intitulé  : 
Introduction  à  l'étude  de  l 'artillerie ',  etc. 

M.  Olivier  donne  au  mot  frotte  m ent un  sens  plus  étendu  que 
l'acception  ordinaire.  Ce  qu'il  nomme  frottement  de  roulement 
direct  pourrait  être  regardé  comme  nul;  car  il  serait  inutile  de 
le  faire  entrer  dans  le  calcul.  Cependant  la  théorie  devient 
plus  complète,  en  le  plaçant  au  nombre  des  effets  dont  il  est 
une  limite.  L'auteur  détermine  quelles  sont  les  conditions  aux- 
quelles les  surfaces  développables  doivent  satisfaire  pour  rou- 
ler l'une  sur  l'autre  sans  autre  frottement  que  celui  de  roule- 
ment direct.  Quoique  cette  théorie  ne  soit  pas  nouvelle ,  elle 
est  inédite,  et  doit  eesser  de  l'être.  Quant  aux  engrenages  co- 
niques et  cylindriques  présentés  par  White  au  concours  décen- 
nal de  18 10,  il  est  étonnant  que  cette  invention  ait  pu  passer 
pour  nouvelle;  on  avait  démontré  rigoureusement,  plusieurs 
années  avant  cette  époque,  que  les  surfaces  cylindriques  et 
coniques  sont   les  seules  qui  jouissent  des  propriétés  que  ce 


728  LIVRES  FRANÇAIS. 

mécanicien  leur  attribue.  En  ce  qui  concerne  les  engrenages, 
cette  partie  si  importante  de  l'art  des  machines,  les  géomètres 
ont  achevé  ce  qui  est  de  leur  compétence;  la  tâche  du  physi- 
cien et  celle  du  machiniste  praticien  n'est  pas  terminée:  il  reste 
à  tenir  compte  de  toutes  les  propriétés  des  corps  que  l'on  em- 
ploie, soit  pour  en  tirer  parti,  soit  pour  empêcher  qu'elles  ne 
diminuent  Ja  durée  des  machines,  ou  l'effet  dont  elles  sont 
capables.  Nous  profitons  de  cette  occasion  pour  rappeler  aux 
amis  des  arts  et  de  l'industrie  que  l'enseignement  de  la  phy- 
sique est  un  besoin  presque  aussi  pressant  que  l'instruction  sur 
les  mathématiques,  qu'il  est  indispensable  de  bien  connaître  la 
rçature  des  matériaux  que  l'on  emploie,  et  par  conséquent  d'en 
faire  une  étude  spéciale.  Ferry. 

266.  —  Mémoire  sur  la  puissance  mécanique  de  la  vapeur 
d'eau,  par  A.  Fourier,  ancien  élève  de  l'École  polytechnique  , 
ingénieur  des  Ponts-et-Chaussces.  Paris,  1827;  Bachelier. 
In-8°  de  29  p.  ;  prix,  1  fr.  5o  c. 

Cet  opuscule  est  divisé  en  deux  sections  :  dans  la  première, 
l'auteur  mesure  la  force  élastique  de  la  vapeur,  son  poids 
spécifique,  sa  chaleur  spécifique,  enfin  la  vitesse  de  la  vapeur 
qui  se  dégage  d'une  chaudière,  sous  différentes  circonstances 
physiques  données,  et  en  ayant  égard  aux  contractions  des 
veines  fluides  qui  s'échappent  par  des  orifices.  Les  formules  et 
les  résultats  numériques  cités  sont  connus  de  tous  les  physi- 
ciens ;  mais  ils  sont  ici  rapprochés  et  comparés  dans  ïe  but  que 
le  Mémoire  veut  atteindre.  Dans  la  deuxième  seeîion,  M.  Fou- 
rier analyse  la  puissance  mécanique  de  la  vapeur  dans  les 
machines  les  plus  usitées,  et  particulièrement  dans  celles  de 
Woolf  et  Edwards,  où  la  vapeur  se  développe  avec  expansion. 
Le  Mémoire  est  terminé  par  une  table  des  forces  élastiques 
sous  différentes  températures  de  100  à  173  degrés.  Cet  opus- 
cule m'a  paru  rédigé  dans  de  très-bons  principes,  sans  pourtant 
offrir  d'idée  neuve.  Il  est  fâcheux  que  l'impression  ait  été 
confiée  à  un  atelier  où  l'on  n'est  pas  exercé  à  ce  genre  de  texte. 
Les  formules  y  sont  estropiées,  et  les  parangonnages  mal  faits; 
ce  qui  rend  le  Mémoire  difficile  à  lire.  Francoeur. 

267.  —  *  L'Art  du  maître  de  forges ,  ou  Traité  théorique  de 
l'exploitation  du  fer,  et  de  sou  application  aux  différents  agens 
de  la  mécanique  et  des  arts;  par  M.  Pelouze  ,  employé  dans 
les  forges  et  fonderies.  Paris,  1827;  librairie  scientifique  de 
Malher.  2  vol.  in  -  12  de  370  4^5  pages,  avec  10  planches  et 
leur  explication  ,  en  un  volume  séparé  ;  prix,  cartonné  ,  9  fr. 

Nous  serons  très-courts  sur  cet  ouvrage,  parce  que,  pour  en 
donner  à  nos  lecteurs  une  idée  assefc  juste,  il  faudrait  en  faire 


SCIENCES  PHYSIQUES. 

une  analyse  beaucoup  plus  étendue  que  ne  le  permet  le  peu 

(l'espace  qui  nous  est  accorde.  Noua  v  reviendrons  quelque 
jour,  lorsqu'il  s'agira  de  nouveaux  progrès  de  l'art  de  travail 
1er  le  fer,  ail  qui  ne  peul  manquer  de  faire  d'importantes  ac- 
quisitions, à  mesure  qu'il  embrasse  plus  d'objets,  qu'il  occupe 
])!us  de  bras  et  <!e  tét<  s.  Tout  ce  que  nous  pouvons  dire  en  ce 
moment  du  travail  de  iM.  Pelouze,  c'esl  qu'après  l'avoir  examiné 
avec  beaucoup  d'attention, il  nous  a  paru  méthodique ,  instruc- 
tif, complet,  et  que  nous  n'y  avons  remarqué  qu'un  très  -  petit 
nombre  d'erreurs  purement  historiques,  et.  qui  n'ont  aucun 
rapport  avec  les  notions  dont  l'art  peut  profiter.  Nous  ne  crai- 
gnons donc  point  de  recommander  cet  ouvrage  comme  le  fruit 
précieux  d'un  tems  bien  employé.  Il  est  à  désirer  que  la  librai- 
rie scientifique  et  industrielle  de  M.  Malheren  publie  beaucoup 
de  ce  mérite.  F. 

268.  —  *  Manuel  du  fondeur  sur  (nus  métaux  ,  ou  Traité  de 
toutes  les  opérations  de  la  fonderie >  contenant  tout  ce  qui  a  rap- 
port à  la  foute  et  au  moulage  du  cuivre,  à  la  fabrication  des 
pompes  à  incendies  et  des  machines  hydrauliques;  la  manière 
de  construire  toutes  sortes  d'établissemens,  pour  fondre  le 
cuivre  et  le  fer  ;  la  fabrication  des  bouches  à  feu  et  des  pro- 
jectiles pour  l'artillerie  de  terre  et  de  mer,  la  fonte  des  cloches, 
des  statues,  des  ponts,  etc.,  etc. ,  avec  des  exemples  de  grands 
travaux,  propres  à  aplanir  les  difficultés  du  moulage  et  de  la 
fonte  ;  par  M.  Launay,  fondeur  de  la  colonne  de  la  place  Ven- 
dôme, directeur  de  la  fonte  des  Ponts  de  Paris,  etc.,  etc. 
Paris,  1827;  Roret.  1  vol.  in-8°,  ornés  de  planches;  prix,  7  fr. 

Pendant  que  de  nombreuses  éditions  des  premiers  ouvrages, 
qui  ont  assuré  le  succès  delà  collection  des  manuels  de  M.  Roret, 
se  succèdent  rapidement,  et  que  chacune  d'elles  atteste  le  soin 
qui  préside  à  leur  révision,  de  nouveaux  ouvrages  viennent 
chaque  jour  compléter  cette  Encyclopédie  des  sciences  et  des 
arts. 

Le  manuel  du  fondeur  sur  tous  métaux,  que  nous  annonçons 
aujourd'hui ,  nous  a  semblé  remarquable  par  le  grand  nombre 
de  faits  et  d'observations  que  M.  Launay  y  a  consignés  :  c'est 
désormais  un  complément  indispensable  de  l'ouvrage  du  célèbre 
Monge  sur  la  fonte  des  canons,  et.  de  la  Sidéroteciinic  de  Hasen- 
fratz.  Les  détails  donnés  par  l'auteur  du  manuel,  sur  le  mou- 
lage en  sable  et  sur  son  application  à  la  fonte  des  pièces  de 
gros  calibre  en  ivv  et  en  bronze,  ses  notes  sur  la  construction 
des  fourneaux  et  la  conduite  des  bains  de  fonte,  sont  d'un 
intérêt  d'autant  plus  réel  pour  les  officiers  d'artillerie,  qu'ils 
(trouveront   dans  les  expériences    faites  par  M.  Launay,  une 


73o  LIVRES  FRANÇAIS. 

discussion  toujours  raisonnée  et  souvent  la  solution  des  ques- 
tions que  l'on  a  de  tout  tems  agitées  sur  les  fontes. 

Les  ouvriers  fondeurs  profiteront  à  peu  de  frais,  par  l'ac- 
quisition de  ce  manuel ,  de  l'expérience  que  l'auteur  avait  chè- 
rement acquise  par  ses  travaux  dans  les  grandes  entreprises 
des  ponts  en  fer  sur  la  Seine  et  des  bronzes  de  la  colonne  de 
la  place  Vendôme. 

Les  planches  sont  bien  gravées;  et,  quoique  l'auteur  n'ait 
pu  lui-même  mettre  la  dernière  main  à  son  ouvrage,  ces  deux 
volumes  font  vivement  désirer  la  continuation,  qui  doit  traiter 
de  la   fonte  des  statues  et  des  grands  monumens. 

A  Vergnaud. 

269.  —  *  L'Art  de  fabriquer  la  faïence  recouverte  d'un  émail 
blanc  et  coloré ,  suivi  de  quelques  notions  sur  la  peinture  au  grand 
feu  et  à  réverbère  ,  et  d'un  Vocabulaire  des  mots  techniques  ;  par 
F.  BASTENAiRE-DAunENART  ,  ex-propriétaire  de  la  manufacture 
de  Saint-Amant- les- Eaux  ,  etc.  Paris,  1827  ;  librairie  scienti- 
fique et  industrielle  de  Malher.  In- 12  de  480  pages  ,  avec  deux 
planches  ;  prix ,  k  fr.  5o  c.  cartonné. 

Cet  ouvrage  doit  être  associé  à  celui  que  M.  Daudenart  a 
consacré  à  X  Art  de  fabriquer  la  porcelaine  ,  art  plus  simple  ,  à 
quelques  égards  ,  que  celui  du  faïencier,  quoique  l'auteur  l'ait 
décrit  en  deux  volumes ,  tandis  que  les  procédés  de  l'art  plus 
vulgaire  ou  plus  modeste  n'obtiennent  que  la  moitié  de  cette 
étendue.  Les  simples  amateurs,  car  les  arts  industriels  n'en 
manquent  pas,  ne  seront  pas  moins  satisfaits  de  ce  nouvel  ou- 
vrage qu'ils  ne  l'ont  été  du  précédent  ;  et ,  ce  qui  est  plus  es- 
sentiel ,  la  pratique  y  trouvera  de  l'instruction.  Suivant  son 
habitude,  l'auteur  est  sévère  dans  ses  jugemens,  et  n'épargne 
pas  plus  les  modernes  que  les  anciens,  les  vivans  que  les  morts. 
Dès  les  premières  pages  ,  il  reproche  aux  fabricans  actuels  de 
s'occuper  beaucoup  plus  d'embellir  leurs  produits  que  de  les 
rendre  solides  et  durables.  Il  se  présente  ici  une  question  d'é- 
conomie publique  et  domestique  ,  et  même  de  morale  ,  dont  les 
données  et  les  moyens  de  solution  ne  sont  point  faciles  à  trou- 
ver :  Jusqu'à  quel  point  est- il  utile  de  prolonger  la  durée  de  nos 
vêtemens,  de  nos  meubles ,  de  nos  habitations  ?  Si  cette  durée 
ne  peut  être  obtenue  que  par  une  considérable  augmentation 
de  prix  ,  l'économie  réelle  et  le  maximum  de  bien-être  ne  sont- 
ils  pas  du  côté  de  la  consommation  plus  rapide  ?  Nous  nous 
garderons  bien  d'entamer  ici  cette  discussion  qui  exige  de  longs 
préparatifs,  du  tems  et  de  l'espace  ;  mais  ,  à  coup  sûr  ,  elle  ne 
peut  être  jugée  par  un  simple  coup  d'œil ,  ni  tranchée  par  un 
seul  mot.  Du  reste,  l'extrême  sévérité  de  M.  Daudenart  n« 


SCIENCES  PHYSIQUES.  73i 

I'empéch6  pas  de  rendre  justice  à  Bernard  de  Polissy  :  on  lira 
avec  intérêt  ce  qu'il  dit  de  C6  célèbre  artiste. 

9,70. —  TYaité  des  falsifications  $  ou  Expoèé  des  diverses  ma- 
nières de  constater  la  pureté  des  substances  premières  employées 
en  médecine ,  dans  les  arts  et  dans  V économie  domestique  ;  par 
M.  Dismarbst,  pharmacien ,  ancien  élève  de  ['École polytech- 
nique* Paris,  1827  ;  Malher. In-12  de  36-/j22  pages  ;  prix  ,  car- 
tonné ,  l\  fr.  5o  c. 

Cet  ouvrage  est  fait  avec  soin  et  avec  une  méthode  que  le 
lecteur  saisit  facilement.  On  peut  reprocher  à  l'auteur  de  sortir 
quelquefois  de  son  sujet,  de  s'élever  jusqu'au*  hauteurs  de  la 
philosophie  spéculative,  pour  redescendre  ensuite  à  des  objets 
purement  matériels;  mais,  quand  il  est  sur  la  bonne  voie,  il 
s'y  tient,  et  c'est  alors  que  l'on  peut  et  que  l'on  doit  juger  son 
livre.  M.  Desmarest  commence  par  une  Introduction  qui  est  plu- 
tôt un  résumé  ,  et  dont  la  lecture  pourrait  être  recommandée 
après  celle  du  Dictionnaire  qui  la  suit  ;  car  les  matières  suscep- 
tibles d'être  falsifiées  y  sont  rangées  par  ordre  alphabétique. 
Mais  l'introduction  est  véritablement  à  sa  place  :  l'ouvrage  est 
tel  qu'on  doit  l'employer  plus  facilement,  et  en  faire  un  meil- 
leur usage,  lorsqu'on  a  pris  d'avance  une  idée  de  son  ensemble. 
Le  Dictionnaire  ne  peut  être  lu  de  suite;  sa  destination  ,  la  seule 
fonction  qui  lui  convienne,  est  de  répondre  quand  on  l'inter- 
roge; il  faut  donc  se  mettre  d'abord  au  fait  de  son  langage, 
afin  de  n'être  pas  exposé  à  se  méprendre  sur  le  sens  de  ses  pa- 
roles. 

La  tache  que  M.  Desmarest  s'était  imposée  est  réellement 
immense  :  le  savoir  chimique  n'était  que  la  moindre  partie  des 
connaissances  dont  il  fallait  s'aider;  l'histoire  naturelle,  les 
arts  ,  le  commerce  et  ses  habitudes  devaient  fournir  les  autres. 
Cet  ouvrage  pourra  tenir  lieu  de  plusieurs  volumes  où  les  no- 
tions qu'il  renferme  sont  disséminées,  souvent  incomplètes, 
présentées  sous  une  forme  qui  a  vieilli,  dans  une  langue  qui 
n'est  plus  celle  de  la  science.  Le  travail  de  M.  Desmarest  mérite 
donc,  à  tous  égards,  le  bon  accueil  qu'il  ne  peut  manquer  de 
recevoir.  F. 

271.  —  *  Nouvelles  séances  nautiques ,  ou  Traité  élémentaire 
du  vaisseau  dans  le  port  ;  par  P-M.-G.  de  Bonnefoux,  capi- 
taine de  frégate  ,  sous-gouverneur  du  collège  royal  de  marine. 
Paris,  1827;  Bachelier.  In-8°  de  367  pages  avec  une  planche; 
prix,  5  fr.  et  6  fr.  5o  c.  par  la  poste. 

L'analyse  de  cet  ouvrage,  telle  qu'il  nous  serait  possible  de 
la  placer  ici ,  est  toute  dans  Y  avant-propos  f  où  le  modeste  au- 
teur expose  les  circonstances  qui  ont  interverti  l'ordre  de  corn- 


:3a  LIVRES  FRANÇAIS. 

position  des  deux  ouvrages  dont  les  marins  lui  sont  redevables. 
«  11  est  remarquable  ,  dit-il,  que  le  Traité  élémentaire  du  vais- 
seau dans  le  port,  qui  aurait  paru  devoir  précéder  le  Traité  élé- 
mentaire du  vaisseau  à  la  mer,  l'ait  au  contraire  suivi;  on  en 
voit  la  cause  dans  les  positions  diverses  où  le  service  m'a 
placé,  pendant  l'intervalle  de  mes  campagnes Dans  ce  nou- 
veau traité,  il  ne  m'a  pas  été  possible  de  supposer,  comme 
dans  le  précédent,  que  les  termes  et  le  langage  de  marine  fus- 
sent connus;  il  m'a  fallu  tout  expliquer,  afin  que  tout  pût  être 
compris.  Pour  en  faciliter  encore  davantage  l'intelligence  ,  et 
quoique  j'aie  la  preuve  que,  tel  qu'il  est,  il  ne  s'y  trouve  rien 
d'incompréhensible  pourqui  n'ajamaisvu  d'arsenal,  ni  de  vais- 
seau, des  planches  auraient  peut-être  paru  convenables;  mais 
j'ai  cru  que  c'eût  été  compliquer  l'ouvrage,  en  entraver  la  lec- 
ture et  accroître  les  frais  sans  un  but  bien  fondé.  »  L'auteur 
indique  ensuite  par  quels  moyens  on  peut  suppléer  à  ces 
planches,  soit  pour  une  première  étude  de  son  livre,  soit  pour 
les  recherches  que  l'on  peut  y  faire  par  la  suite.  Mais  citons 
encore  quelques  extraits  ,  pour  mieux  faire  connaître  le  but 
de  l'auteur,  ses  espérances  pour  notre  patrie. 

«  Nous  sommes  arrivés  au  moment,  où  la  mai'ine  acquiert, 
dans  l'enceinte  des  chambres  législatives,  comme  dans  toutes 
les  classes  de  la  société,  une  faveur  chaque  jour  plus  marquée. 
Ce  serait  donc  se  proposer  un  but  noble  et  utile,  afin  d'éclai- 
rer, et  par  conséquent  d'accroître  cette  protection,  que  de  tra- 
cer avec  assez  de  clarté  pour  être  compris  des  hommes  étran- 
gers à  notre  état  le  tableau  des  opérations  du  vaisseau  ,  que 
de  dérouler  sous  leurs  yeux  les  détails  de  cette  imposante  con- 
struction. J'ai  senti  mon  insuffisance;  mais  il  n'a  pas  dépendu 
de  moi  de  ne  pas  être  dominé  par  le  désir  d'essayer  d'v  par- 
venir :  car  tel  est  l'empire  d'une  pensée  généreuse,  que  je  n'ai 
peut-être  pas  tracé  une  ligne  de  ce  tableau,  je  n'ai  pas  fait  une 
seule  de  ces  arides  recherches  qui  m'étaient  indiquées  par  le 
sujet,  sans  entendre  une  voix  intérieure  me  dire  :  Il  est  plus 
que  tems  de  propager  parmi  nos  compatriotes  les  connaissances 
nautiques  ;  il  faut  faire  comprendre  la  marine  ;  il  faut  la  mettre 
à  la  portée  de  tous;  chacun  doit  apporter  son  tribut,  et  par 
elle  bientôt  la  France  atteindra  tous  les  genres  de  gloire  et  de 
prospérité.  » 

Un  ouvrage  écrit  dans  des  vues  aussi  louables  vient  fort  à 
propos,  tandis  que  le  bruit  du  canon  de  Navarin  retentit  encore 
dans  les  cœurs  véritablement  français.  L'auteur  y  a  joint  un 
appendice  contenant  :  i°  un  Vocabulaire  français-anglais  de 
ternies  de  marine  ;  2°  un  choix  de  commandemens  employés  à 


SCIENCES  PHYSIQUES.  733 

bord|  avec  la  traduction  anglaise;  3°  un  recueil  français  an- 
glais tle  phrases  nautiques,  il  est,  eu  effet,  très-convenable  et 
très-utile -que  les  deux  nations  les  plus  puissantes  par  leur  ma 
rine  puissent  s'entendre  sur  L'élémenl  OÙ  «'Iles  exercent  leur 
pouvoir,  de  même  que,  dans  les  armées  de  terre,  les  officiers 
instruits  ont  soin  de  se  mettre  en  état  de  Comprendre  la  langue 
des  ennemis  qu'ils  auront  le  plus  souvent  à  combattre. 

27a.    —    Observations  sur  l'expédition  de   1827  pour  le  paie 

Nord;  par  M.  Cadet,  de  Metz,  membre  de  plusieurs  sociétés 

savantes,  etc.  Paris  ,  1827;  l'auteur,  rue  de  JJerry  (au  Ma- 
rais), n°  10;  Victor  Thiercelin ,  libraire.  In  -  8°  de  27  pages; 
prix,  1  IV. 

Quoique  le  sujet  traité  par  M.  Cadet  ne  me  soit  pas  tout-à- 
fait  étranger,  je  doute  que  j'aie  bien  compris  ce  qu'on  lit  dans 
cette  brochure  sur  les  mouvemens  des  mers  polaires  (1). 
D'autres  lecteurs  éprouveront,  sans  doute,  le  môme  embarras, 
et  craindront  que  la  lumière  ne  soit  point  arrivée  jusqu'à  leur 
intelligence  :  ainsi,  rien  ne  peut  me  dispenser  de  réclamer,  au 
nom  du  public  dont  je  fais  partie,  plus  de  lucidité  dans  une 
discussion  qui  lui  est  soumise.  Je  réclamerai,  de  plus,  au  nom 
des  sciences  physiques  et  géographiques ,  des  notions  précises 
sur  ce  qui  est  susceptible  de  précision,  et,  puisqu'il  s'agit  d'une 
cause  mécanique  bien  connue,  le  calcul  de  l'effet  qu'on  lui 
attribue.  Au  point  où  les  sciences  sont  arrivées,  on  ne  peut 
plus  leur  être  utile  que  par  des  découvertes  de  faits  inconnus, 
ou  en  appliquant  la  mesure  à  tout  ce  qui  est  mesurable.  Si  les 
questions  de  physique  et  de  mécanique  céleste  n'avaient  jamais 
été  traitées  autrement  qu'elles  ne  le  sont  dans  cette  brochure, 
nous  n'aurions  rien  de  certain  sur  le  système  du  monde  ;  la 
loi  générale  de  la  gravitation  ne  serait  tout  au  plus  qu'une 
hypothèse  dénuée  de  preuves.  La  Revus  Encyclopédique  a  eu 
malheureusement  plus  d'une  occasion  de  signaler  ce  défaut  de 
méthode  :  on  abandonne  trop  souvent  la  voie  courte  et  sûre 
des  calculs  ,  parce  qu'elle  est  aride  et  pénible;  on  se  jette  dans 
celle  des  dissertations  et  des  raisonnemens  vagues  ,  parce  qu'on 
y  est  à  l'aise  ,  et  que  l'imagination  peut  être  du  voyage  ;  mais  , 
en  cheminant  ainsi ,  ce  n'est  pas  au  but  que  l'on  arrive. 

M.  Cadet  va  quelquefois  trop  vite.  De  la  position  de  quel- 
ques iles  et  de  quelques  hauts  fonds  ,  il  déduit  l'étendue  et  la 


(1)  L'auteur  aurait-il  voulu  donner  à  entendre  que  les  eaux  ,  les 
glaçons,  l'atmosphère  et  les  substances  aériformes  ,  etc.  ,  ne  suivent 
qu'avec  une  lenteur  variable  les  mouvemens  de  notre  globe?  .V.  du  R. 


754  LIVRES  FRANÇAIS. 

direction  des  vallées  sous-marines;  c'est  à  peu  près  comme  si 
l'on  imaginait  une  carte  de  l'Europe,  d'après  la  position  de 
quatre  ou  cinq  montagnes.  S'il  était  question  de  déterminer  le 
mouvement  de  l'Océan  sur  un  fond  bien  connu,  et  dont  toutes 
les  inégalités  seraient  indiquées  sur  une  carte  exacte  ,  le  pro- 
blème ne  serait  point  facile  :  comment  donc  le  problème  inverse 
peut-il  être  résolu  d'un  coup  d'œil ,  avec  des  données  incom- 
plètes et  que  l'on  ne  vérifie  point  ?  Encore  une  fois,  ce  n'est 
pas  ainsi  que  l'on  peut  contribuer  aux  progrès  des  sciences 
physiques  et  géographiques.  Ferry. 

273.  —  *  Itinéraire  descriptif  de  t 'Espagne ,  par  M.  le  comte 
Alexandre  de  Laborde.  Paris,  1827;  Firmin  Didot;  4e  édition 
in  8°,  devant  former  5  vol.  au  moins,  6  vol.  au  plus.  Prix  de 
chaque  livraison,  5  fr.  pour  Paris;  et  franco,  5  fr.  75  c.  pour  les 
déparlemens.  h' atlas  in— 4°  sera  délivré  gratis  aux  souscripteurs  ; 
toute  livraison,  excédant  le  nombre  douze,  sera  aussi  délivrée 
gratis. 

Ce  bel  ouvrage  ne  pouvait  reparaître  plus  à  propos  qu'à 
cette  époque,  où  l'Europe  entière  a  les  yeux  fixés  sur  la  mal- 
heureuse contrée  dont  il  présente  la  description.  Les  deux  pre- 
mières livraisons,  que  nous  avons  sous  les  yeux,  donnent  une 
idée  très-avantageuse  de  l'ouvrage. 

La  première  livraison  comprend  :  1  °  une  introduction  ;  i°  une 
notice  de  M.  de  Htjmboldt;  3°  un  aperçu  sur  la  géographie 
physique  de  l'Espagne,  par  M.  Bory  de  Saint  -  Vincent; 
4°  un  abrégé  historique  de  l'Espagne  depuis  son  origine  jus- 
qu'à nos  jours;  5°  une  notice  sur  les  voyages.  Dans  son  intro- 
duction, M.  de  Laborde  témoigne  sa  reconnaissance  aux  savans 
qui  l'ont  aidé  dans  son  travail,  qui ,  grâce  à  leur  concours, 
offre  les  sciences  de  la  géographie  et  de  la  statistique,  unies  à 
celles  de  l'histoire  et  de  la  politique.  L'auteur  a  su  embel- 
lir un  résumé  de  faits  statistiques,  et  une  nomenclature  de 
routes,  qui  ne  paraissaient  comporter  que  des  détails  secs  et 
arides,  de  tous  les  charmes  d'un  style  pur  et  élégant,  et  de 
descriptions  intéressantes  et  animées. 

La  notice  de  M.  de  Humboldt,  courte,  mais  digne  de  ce* 
illustre  savant,  donne  la  configuration  de  l'Espagne  et  sa  tem- 
pérature. 

Dans  son  aperçu  ,  M.  Bory  de  Saint- Vincent  nous  expose  la 
géographie  physique  de  cette  contrée,  qu'il  connaît  si  bien 
jous  tous  les  rapports,  et  sur  laquelle  ses  écrits  sont  devenus 
classiques,  parce  qu'il  a  enrichi  son  travail  de  faits  importans , 
recueillis  avec  soin  ,  et  de  considérations  nouvelles  d'un  ordre 
très-élevé.  Il  divise,  pour  l'intelligence  de  l'histoire  et  de  la 


SCIENCES  PHYSIQUES.  7V, 

politique,  la  Péninsule  m  versans  généraux  et  en  systèmes 
très* distincts  de  montagnes  qu'il  décrit  avec  autant  oY  clarté 
que  d'élégance.  Passant  ensuite  aux  considérations  zoologiques 
et  botaniques ,  il  établit  quels  son!  les  clim'ats  naturels  d'un 
pays  qu'il  pense  avoir  été  uni  à  l'Afrique.  La  démonstration  do 
cette  conjecture  est  d'un  grand  intérêt 

L'abrégé  historique  de  la  monarchie  espagnole,  qui  suit. 
êSt écrit  d'un  style  clair  et  rapide:  c'est  un  récit  animé,  pres- 
que dramatique. 

La  Notice  sur  les  voyages  fournit  des  renseignemens  précieux 
à  ceux  qui  veulent  visiter  l'Espagne.  On  y  trouve  le  tarif  des 
postes  et  celui  des  voilures  publiques;  on  y  indique  les  bonnes 
auberges,  qui  sont  très-rares;  les  lieux  où  il  ne  faut  point  s'ar- 
rêter, dans  la  crainte  des  mauvais  repas  et  des  mauvais  gîtes; 
la  manière  de  voyager  avec  économie;  les  monnaies  qui  ont 
cours  dans  le  pays;  en  un  mot,  tout  ce  qui  peut  apprendre  au 
voyageur  ses  droits,  lui  procurer  ses  commodités,  et  le  pré- 
server de  l'avidité  des  muletiers  et  des  aubergistes. 

La  seconde  livraison  contient  la  description  des  provinces 
Vascongades  du  royaume  de  Navarre,  de  la  Vieille-Castille  et 
du  royaume  d'Arragon.  L'auteur  a  divisé  ainsi  son  travail  : 
i°  observations  générales;  2°  routes  diverses;  3°  la  capitale  et 
ses  environs,  considérés  sous  les  rapports  suivans  :  situation, 
étendue,  population,  clergé,  édifices  publics,  promenades, 
fabriques,  manufactures,  hommes  célèbres,  4°  un  abrégé  de 
la  statistique  de  chaque  province. 

Il  faut  remarquer  que  ,  depuis  les  premières  éditions  de  cet 
ouvrage,  'l'Espagne,  parcourue  dans  tous  les  sens  par  les 
Français,  beaucoup  plus  qu'elle  ne  l'avait  jamais  été,  était  si 
connue,  que  les  moindres  erreurs,  échappées  dans  la  rapidité 
de  la  première  composition,  frappaient  les  yeux* de  tout  le 
monde,  et  nuisaient  aux  excellentes  choses  auxquelles  elles 
étaient  mêlées.  Les  écrits  d'Antillon  et  de  M.  Bory  de  Saint- 
Vincent  surtout  avaient  fait  vieillir  le  premier  itinéraire. 
M.  de  Laborde  ,  profitant  des  nouvelles  lumières  jetées  sur  son 
sujet,  a  tellement  rajeuni  son  livre,  qu'il  ne  ressemble  presque 
plus  à  ce  qu'il  fut  d'abord.  L'ordre  géographique  en  a  même  été 
totalement  changé ,  ainsi  qu'il  est  facile  de  s'en  convaincre  au 
premier  coup-d'œil. 

Ce  bel  ouvrage,  comme  on  le  voit,  n'a,  d'un  itinéraire ,  que 
la  forme.  Le  papirr  et  l'exécution  typographique  répondent  à 
l'importance  de  l'entreprise  et  à  la  célébrité  de  son  auteur. 
Nous  croyons  donc  pouvoir  prédire  à  cette  quatrième  édi- 
tion un  succès  au  moins  égal  à  celui  de  ses  aînées,  auxquelles 
elle  est  très-supérieure.  Z. 


:36  LIVRES  FRANÇAIS. 

Sciences  religieuses ,  morales ,  politiques  et  historiques. 

i~k>  —  *  Bibliothèque  choisie  des  Pères  de  l'Eglise  grecque 
et  latine,  ou  Cours  d'Éloquence  sacrée ,  par  M.  N.-S.  Guillon, 
professeur  d'éloquence  sacrée  dans  la  faculté  de  théologie  de 
Paris,  etc.;  troisième  partie ,  suite  des  Pères  dogmatiques: 
t.  XVII,  XVIII,  XX,  XXI.  Paris,  1827;  Méquignon-Havard. 
4  vol.  in-8°;  prix  du  vol.,  6  fr.  (Voy.  Rcv.  £nc,  tom.  xxx, 
pag.  761  ). 

Nous  devons  à  nos  lecteurs  un  compte  succinct  des  dernières 
livraisons  de  cet  important  ouvrage. 

Les  tomes  xvn  et  xviii  renferment  la  morale  de  saint  Jean 
Chrysostome.  Aucun  père  n'en  a  prêché  une  plus  sublime  et 
plus  pure.  Il  commence  par  établir  que  la  charité  est  la  plus 
excellente  de  toutes  les  vertus,  la  source  de  tous  les  biens,  la 
plénitude  de  la  loi.  Il  se  demande  ensuite  en  quoi  consiste  la 
charité.  N'est  -  elle  qu'un  commerce  de  politesse?  Non,  ré- 
pond-il, «  elle  exige  des  services  réels,  une  affection  qui  se 
manifeste  par  les  œuvres.  Par  exemple,  venir  au  secours  du 
pauvre,  soulager  la  souffrance,  courir  au-devant  des  dangers 
qui  menacent  le  prochain ,  l'assister  dans  ses  tribulations, 
s'associer  à  ce  qui  lui  arrive  de  fâcheux  ou  de  favorable;  car 
ce  sont,  là  les  fruits  de  la  charité.  »  On  l'entend  s'écrier  dans 
un  autre  endroit  :  «  Si  la  charité  régnait  sur  la  terre ,  quelle 
source  féconde  de  bienfaits  s'y  répandrait,  avec  elle  !  plus  de 
tribunaux,  plus  de  jugemens  ni  d'arrêts,  puisque,  tous  étant 
unis  par  un  mutuel  amour,  il  n'y  aurait  plus  personne  qui 
fît  tort  à  un  autre;  plus  de  meurtres,  ni  de  guerres,  ni  de 
séditions;  plus  de  rapines  ni  d'avarice;  plus  de  calamités 
parmi  les  hommes  ,  puisque  le  nom  même  du  crime  y  devien- 
drait étranger.  » 

Personne  ne  s'avisera,  sans  doute,  d'aller  chercher  des  no- 
tions exactes  sur  la  liberté  et  sur  les  droits  de  l'homme,  dans 
les  ouvrages  d'un  citoyen  d'Antioche,  devenu  patriarche  de  la 
ville  impériale  de  Constantinople ,  sous  les  successeurs  de 
Théodose-le- Grand.  Je  pense  néanmoins  qu'on  ne  sera  pas 
fâché  de  connaître  les  sentimens  de  l'illustre  docteur  sur  ces 
matières  importantes.  «  On  me  demandera,  dit  il,  si  la  servi- 
tude est  dans  la  nature,  et  comment  elle  s'est  introduite 
dans  la  société  :  question  en  effet  curieuse,  et  qui  se  produit 
fréquemment  dans  les  conversations.  Je  réponds  ,  sans  hésiter, 
qu'elle  a  pris  naissance  dans  l'avarice,  dans  l'amour  du  gain, 
passion  abjecte  qui  ne  dit  jamais  :  C'est  assez.  On  ne  nous  dit 


SCIENCES  MORALES.  7V 

pas  que  îNoé,  qu'Abel,  Loih  et  les  mitres  patriarches  nient  pu 
des  esclaves.  L'origine  de  la  servitude,  c'est  dans  le  péché 
qu'il  faut  la  chercher ,  dans  la  révolte  des  (ils  contre  leurs 


ncres. 


a  La  société  humaine  n'est  tout  entière  (jn'nn  échange  de 
services;  elle  est  tonte  fondée  sur  la  communauté'  de  besoins 

et  de  secours.  Voua  êtes  riche  :  c'est  pour  soulager  le  pauvre, 
pour  assister  le  riche.  Vous  ne  pourriez  rien  l'un  sans  l'antre. 
Membres  du  même  corps,  il  est  impossible  que  vous  vous 
isoliez  sans  que  tout  le  système  de  l'harmonie  sociale  ne  soit 
en  souffrance.  Que  le  ventre,  ou  l'œil,  Oll  le  pied  vînt  à 
dire  :  Je  reçois  les  alimens,  la  lumière,  le  mouvement,  je  les 
garde  pour  moi  :  que  deviendrait  le  reste  ?  Ils  ne  les  reçoivent 
(pie  pour  les  distribuer.  Les  professions  utiles,  c'est  la  classe 
pauvre  et  laborieuse  qui  les  donne  à  la  société  ;  elles  n'existent 
que  par  les  riches  ,  qui  alimentent  leurs  travaux  et  leurs 
ressources;  les  riches  enx-mèines  n'existent  que  par  les  pau- 
vres, qui  fournissent  à  leurs  besoins  on  à  leurs  plaisirs 

«  Ne  dites  pas  :  tel  homme  est  de  la  lie  du  peuple.  Tout  faible 
qu'il  est,  il  est  membre  du  corps  social,  et  membre  tellement 
nécessaire,  que,  s'il  n'y  était  pas,  il  n'y  aurait  point  de  corps. 
Ce  qui  le  constitue  tel ,  ce  n'est  point  parce  qu'il  s'y  trouve  des 
membres  pins  ou  moins  nobles,  c'est  parce  qu'il  y  en  a  pin- 
sieurs  et  de  différens.  Vous,  pour  être  plus  grand,  vous  ne 
formez  pas  le  corps,  pas  plus  que  moi  pour  être  moindre. 
Dans  un  édifice  qui  se  compose  de  parties  diverses,  les  pins 
petites  n'entrent  pas  moins  que  les  pins  grandes  dans  l'ensemble 
de  la  construction,  et  ne  peuvent  s'en  détacher  impunément. 
Qu'il  faille  diversité,  la  chose  est  incontestable;  si,  dans  le 
corps  humain,  tout  était  œil  ou  tète,  il  n'y  aurait  plus  qu'un 
monstre.  ...  * 

J'ignore  pourquoi  le  xix«  volume  n'a  point  encore  paru  et 
ce  qu'il  contiendra.  Le  xxc  est  réservé  à  saint  Epijdiane,  arche- 
vêque de  Salamine;  à  Ruffin  y  prêtre  d'Aquilée;  à  saint  Jérôme, 
un  des  plus  savans  docteurs  de  l'église;  à  saint  Paulin ,  évèque 
de  Noie;  à  l'historien  Sulpicc- Sévère.  M.  Guillon  a  consacré  à 
chacun  de  ces  écrivains  ecclésiastiques  une  notice  particulière, 
dans  laquelle  on  n'a  rien  à  désirer  qu'un  peu  plus  de  déve- 
loppement. Ce  volume  est  terminé  par  quelques  documens  sur 
les  poètes  Ausnnne ,  Prudence ,  Scdulius  y  Juvcntus ,  Fovtunat 
Sidoine- Apollinaire ,  Mamcrt  Claudien  et  Damase ;  sur  l'ictorin 
d'Afrique  et  sur  le  pape  Célestin  Ier. 

Le  xxie  volume,  divisé  en  six  conférences,  roule  tout  entier 
sur  la  personne  et  les  éciits  de  saint  Augustin^  évêque  d'Hip- 
•r.  xx\ vi.  —  Décembre  18-17.  /,- 


738  LIVRES  FRANÇAIS. 

pone.  L'éloquent  professeur  se  montre  appréciateur  éclairé  t!o 
ce  père  ,  que  les  conciles  et  les  écrivains  ont  surnommé  le  doc- 
teur des  docteurs  et  le  père  des  pères.  Il  commence  par  une 
Notice  sur  la  vie  du  saint  prélat;  il  examine  ensuite  successi- 
vement ses  Traités  de  Philosophie  ,  ses  Livres  de  Littérature ,  de 
Critique  chrétienne  ,  d' Erudition ,  etc.  ;  ses  Traités  contre  les 
Païens  ;  ses  Livres  sur  l'ancien  et  le  nouveau  Testament ,  dont  il 
donne  une  analyse  suivie  de  fragmens  très-intéressans.     J.  L. 

275.  — -  *  Concordat  de  V Amérique  avec  Rome ,  par  M.  de 
Pradt,  ancien  archevêque  de  Malines.  Paris,  1827;  Béchet 
aîné.  In-8°  de  3 10 pages; prix,  5  fr.  60c,  et  6  {v.  parla  poste (1). 

Tout  ce  qui  sort  de  la  plume  de  M.  de  Pradt  appelle  l'at- 
tention; et,  quoiqu'une  grande  partie  de  ses  écrits  soient  des 
ouvrages  de  circonstance,  ils  seront  consultés  avec  fruit  par 
les  historiens  qui  retraceront  les  événemens  dont  nous  sommes 
contemporains. 

l'auteur  débute  par  une  dédicace  au  congrès  mexicain  , 
suivie  d'un  avertissement  et  d'un  avant-propos  ;  puis  il  ouvre 
une  discussion  sur  les  schismes  en  général,  sur  celui  des 
Grecs,  sur  le  grand  schisme  d'Occident,  et  il  commence, 
page  86,  à  traiter  l'objet  de  son  ouvrage  par  un  aperçu  de 
l'état  réel  de  la  question  entre  Rome  et  l'Amérique.  Tout  ce 
qui  précède  nous  paraît,  sinon  en  totalité,  du  moins  en  partie, 
un  hors  d'œuvre. 

L'assembjée  constituante  de  France  supprima  les  dîmes, 
les  moines,  les  bénéfices  sans  office,  les  résignations,  permu- 
tations, préventions,  dévolus,  courses  à  Rome  :  M.  de  Pradt 
approuve  cet  abatis  d'un  échafaudage  d'abus  invétérés;  il 
approuve  également  les  circonscriptions  diocésaines  adaptées 
aux  démarcations  administratives;  mais  il  censure  le  serment 
exigé  des  ecclésiastiques,  et  cela  n'est  point  surprenant:  sur 
cet  article,  M.  de  Pradt  est  juge  et  partie.  Ce  n'est  point  ici  le 
cas  d'examiner  cette  question,  qui  a  été  si  longuement  débat- 
tue. Nous  remarquerons  seulement  qu'à  travers  les  orages  de 
la  révolution,  et  lorsque  les  églises  étaient  fermées,  les  fidèles, 
comme  ceux  des  premiers  siècles,  étaient  réduits  à  se  réunir 
dans  les  cryptes,  les  souterrains.  Le  culte  était  exercé  par  le 
clergé  assermenté.  L'église  gallicane  ,  affligée  par  les  divisions 


(1)  Cet  ouvrage  a  paru  ,  dans  les  premiers  mois  de  cette  année  ;  mais 
rétablissement  de  la  Censure  nous  a  empêché  de  l'annoncer  à  une 
époque  plus  rapprochée  de  sa  publication  r  ainsi  que  nous  Paurion» 
désiré. 


SCIENCES  MORALES  ;3o 

sur  le  serment,  ravagée  en  >7;/>  par  la  persécution  la  plus 

cruelle,  était  dans  une  sorte  d'anarchie;  quelques  évèques 
assermentés,  réunis  à  Paris  eu  179/1,  arrachèrent,  pour  ainsi 
dire,  à  la  convention  la  liberté  du  culte,  consolèrent  leurs 
collègues  épars  sur  le  territoire  français;  tinrent  des  syuodes, 
des  conciles  ;  réorganisèrent  les  diocèses j  tellement  que,  d'à  - 

près  un  relevé  fait  à  l'administration  des  domaines,  en  ven- 
démiaire an  v  (170,0),  avant  l'arrivée  deBonaparle  au  consu- 
lat, quatre  ans  avant  son  concordat,  trente-deux  mille  deux 
cent  quatorze  paroisses,  presque  toutes  desservies  par  des 
préires  assermentés  ,  avaient  repris  l'exercice  du  culte,  et 
quatre  mille  cinq  cent  soixante -onze  étaient  en  réclamation 
pour  obtenir  le  même  avantage.  D'après  cela,  on  peut  appré- 
cier l'imposture  adulatrice  d'évéques,  de  préfets,  d'académi- 
ciens, et  de  tant  de  gens  qui  ont  préconisé  Bonaparte,  comme 
ayant  relevé  les  autels,  tandis  que  plus  de  trente-deux  mille 
églises  étaient  ouvertes  avant  son  règne.  Les.  hommes  de 
bonne  foi  avouent  que  si,  au  lieu  d'immoler  ce  clergé  asser- 
menté (épuré  et  trié  par  la  persécution)  aux  ressenlimens  de 
la  cour  de  Rome  et  des  émigrés  rentrés,  on  l'avait  maintenu, 
comme  l'exigeaient  la  justice  et  la  reconnaissance,  aujourd'hui 
la  France  ne  serait  pas  inondée  par  le  jésuitisme  et  l'ultra- 
tnonlanisme. 

Dans  les  mesures  proposées  par  le  sénat  mexicain,  un  article 
porte  que  le  métropolitain  confirmera  Xclection  des  évèqucs 
snffragans.  M.  de  Pradt  voit  dans  cet  article  :  i°  le  rétablisse- 
ment de  l'ancienne  discipline  par  le  retour  aux  élections  des 
évèques;  i°  l'abandon  de  la  nomination  aux  évèchés  par  le 
souverain.  Voilà  une  contradiction  évidente;  car,  si  c'était  le 
rétablissement  de  la  discipline  antique,  les  évèques  seraient 
nommés  de  concert  par  le  clergé  et  le  peuple,  et  non  par  le 
gouvernement.  Choisir  les  pasteurs  auxquels  on  confiera  la 
direction  des  consciences,  c'est  un  droit  naturel.  Le  célèbre 
Genebrand,  dans  son  Traité  sur  les  élections,  ayant  établi,  en 
1596,  que  le  concordat  n'avait  pu  les  abroger,  parce  qu'elles 
sont  d'institution  divine  et  de  tradition  apostolique,  le  parle- 
ment d'Aix  fit  brûler  son  livre,  ce  qui  était  plus  facile  que  de 
le  réfuter.  Or,  le  parlement  de  Paris,  dans  une  remontrance 
au  roi  François  Ier,  avait  prévenu  Genebrand,  en  soutenant 
avec  toute  l'antiquité  chrétienne  que  l'élection  est  de  droit 
divin.  Supposons  (et  l'hypothèse  peut  devenir  un  fait)  qu'un 
diocèse  étant  vacant,  le  chef  de  l'état,  en  vertu  d'un  concor- 
dat, nomme  un  évèque,  et  que  le  pape  lui  donne  l'institution 
canonique,  tandis  que,  d'un  autre  côté,  le  clergé  et  les  fidèles 

47. 


7/,o  LIVRES  FRANÇAIS. 

(lisent  un  évêque,  que  le  métropolitain  institue,  quel  sera  le 
légitime,  ou  celui  qui,  pour  garant  de  ses  titres,  ne  peut 
citer  qu'une  transaction  illégale  des  parties  contractantes,  ou 
celui  qui,  en  remontant  au  droit  naturel,  au  droit  divin  ,  à 
la  tradition  apostolique,  produit  en  sa  faveur  les  aveux  et  la 
décision  unanime  des  conciles  et  des  papes  de  l'antiquité  chré- 
tienne? 

On  trouve,  page  262,  une  assertion  qui ,  dans  sa  généralité, 
n'offre  pas  un  sens  exact.  Il  est  de  principe,  dit  M.  de  Pradt, 
dans  l'église  (parce  qu'elle  ne  doit  pas  périr  )  que  tous  ses 
pouvoirs  se  trouveraient  concentrés  sur  la  tète  du  dernier 
catholique  vivant,  fût-ce  une  femme.  Remarquons  :  i°  que 
l'hypothèse  est  un  être  de  raison;  i°  dans  cette  supposition, 
quels  seraient  les  pouvoirs  concentrés  sur  la  tête  d'une  femme? 
tout  au  plus  celui  d'administrer  le  baptême,  et  à  qui? 

L'auteur  démontre  très-bien  ,  p.  1Z1  et  suiv. ,  que  le  recours 
d'Amérique  à  Rome  pour  l'institution  canonique  est  une  chose 
d if ficul tueuse,  quelquefois  même  impraticable;  mais,  si  Rome 
s'obstine  à  retenir  un  droit  qu'elle  a  envahi  sur  les  métropo- 
litains, que  faire?  L'auteur  répond  sans  détour  et  avec  justesse, 
qu'il  faut  passer  outre.  Ceci  résout  la  difficulté,  si  l'on  trouve 
quelque  évêque  assez  éclairé  et  zélé  pour  sentir  que  l'épis- 
copat  est  solidaire  et  que  les  obstacles  opposés  par  Rome 
sont  une  injustice  évidente;  il  faudra  bien  recourir  à  ce  moyen 
extrême ,  car  tenez  pour  certain  que  Rome  ne  relâchera  rien. 
A-t-elle  jamais  rétracté  une  seule  des  prétentions  de  Boni- 
face  VIÏI ,  de  Grégoire  VII?  W'a-t-elle  pas,  jusque  dans  le 
siècle  actuel,  envoyé  au  cardinal  Cambacérès,  archevêque 
de  Rouen  ,  des  pouvoirs  pour  absoudre  de  prétendues  cen- 
sures encourues  pour  infraction  à  la  bulle  In  cœna  Domini ',  la 
plus  attentatoire  aux  droits  de  l'autorité  civile?  Voyez  sa 
conduite  envers  l'église  épiscopale  de  Hollande;  voyez  la  con- 
duite de  l'émissaire  romain,  actuellement  à  Paris,  que  Rome 
avait  expédié  au  Chili,  et  les  prétentions  de  cet  agent  à  s'im- 
miscer dans  le  gouvernement  politique  de  ce  pays.  Elle  vient 
d'instituer  des  évoques  pour  la  Colombie;  et  cependant  elle 
a,  dit-on,  repoussé  l'agent  que  lui  avait  adressé  Guatimala 
pour  le  même  objet,  et  traité  celte  république  comme  pays 
révolte  contre  Ferdinand  VII. 

La  conduite  de  Rome  envers  l'Amérique  est  absolument 
celle  qu'elle  tint  au  xviic  siècle,  quand  le  Portugal,  affranchi 
du  joug  castillan,  éleva  au  pouvoir  suprême  la  maison  de 
Bragance.  Rome,  craignant  de  se  brouiller  avec  l'Espagne 
qui,  pour  elle,   est  le  Pactole ,    repoussa    toutes  les  instances 


SCIENCES  MORALES.  7',  1 

faites  pour  instituer  les  évèques  portugais,  jusqu'au  moment 
où  elle  vit  qu'où  allait  se  passer  d elle. 

D'après  les  canons,  UB  siège  ne  doit  pas  cire  vacant  pins 
de  trois  mois.  Cette  règle,  établie  dans  la  primitive  église,  est 
dictée  par  le  besoin  des  fidèles.  Celte  considération  puissante 
n'est  rien  pour  Rome,  quand  il  s'agit  de  maintenir  ses  usurpa- 
tions, et  surtout  de  ménager  ses  intérêts  temporels.  N'a-t-elle 
pas  laissé  long-lems  les  diocèses  napolitains  gémir  dans  la 
viduité,  uniquement  parce  qu'on  leur  refusait  de  lui  offrir  une 
haquenée?  N'a-t-elle  pas,  de  nos  jours,  laissé,  pendant  dix  ans, 
vingt  ans,  des  diocèses  sans  évèques,  surtout  en  Allemagne? 

On  assure  que,  dans  les  républiques  américaines,  on  a 
conçu  une  forte  animadversion  contre  Rome.  Cette  assertion 
vient  d'être  confirmée  de  nouveau,  dans  Y  Essai  historique  sur 
le  Paraguay,  par  MM.  Rkngger  cILongchamps. 

Que  fera  Rome?  ce  qu'elle  a  fait  pour  Haïti,  où  elle  avait 
expédié  un  M.  de  Glori,  évêque  de  Maori,  dont  l'étourderie 
obligea  le  gouvernement  à  l'expulser.  Elle  enverra  dans  le 
Nouveau-Monde  des  vicaires  apostoliques,  des  préfets  apos- 
toliques, des  évèques  in  partions.  Déjà  il  y  en  a  un  à  Mexico. 
Serait-il  possible,  comme  on  l'a  dit,  qu'un  moine  assassin  ,  venu 
d'outre-mer  en  Italie  pour  obtenir  son  absolution,  ait  trompé 
l'autorité  ecclésiastique,  au  point  d'obtenir  même  une  mitre 
inparlibus?  Le  fait  est  tellement  révoltant  que  nous  nous  refu- 
sons à  le  croire. 

Nous  venons  de  signaler  les  daugcrs  qui  menacent  les  nou- 
velles républiques.  Conserver  l'union  avec  le  saint- siège  et  le 
successeur  de  saint  Pierre,  est  leur  résolution  prononcée; 
mais  qu'elles  montrent  la  même  unanimité  pour  repousser  les 
invasions  uîtramontaines. 

Ainsi  agissait  l'illustre  église  d'Afrique,  dont  les  canons,  qui 
devinrent  communs  aux  églises  d'Espagne,  prohibaient  les  ap- 
pels transmarins.  L'église  d'Afrique  n'envoyait  pas  de  pléni- 
potentiaire à  Rome,  et  n'avait  pas  de  nonce  résidant  chez  elle. 
Gouvernée  par  les  antiques  et  précieuses  règles  de  l'église,  elle 
créait  des  diocèses,  élisait  ses  évèques  et  les  sacrait,  sans  au- 
cune intervention  romaine. 

Le  retour  à  la  discipline  primitive  sera  encore  un  des 
moyeiïs  les  plus  efficaces  pour  rappeler  à  l'unité  les  sectes 
dissidentes. 

Ui\  article  non  moins  essentiel  est  de  ne  pas  faire  de  con- 
cordat; car  on  peut  appliquer  à  tous  ce  qu'on  a  dit  de  celui 
de  Louis  X  et  de  François  Ier  :  ce  sont  des  transactions  où 
les  parties   respectives  se  donnent  ce  qui  ne   leur  appartient 


74*  LIVRES  FRANÇAIS. 

pas,  et  qui  dès  lors  sont  frappées  de  nullité  légale;  pendant 
douze  cents  ans  on  n'a  pas  connu  les  concordais;  pendant  près 
«le  quinze-cents  ans,  on  n'avait  pas  recours  à  Rome  pour  l'insti- 
tution canonique. 

Avant  de  finir  cet  article,  nous  recommandons  aux  lecteurs 
de  l'ouvrage  de  M.  de  Pradt  la  note  sixième  concernant  le 
sermon  de  Bossuet  sur  l'unité,  qui  déjà  avait  subi  une  critique 
raisonnée  par  le  canoniste  Maultrot. 

L'ouvrage  de  M.  de  Pradt  contient  d'excellentes  réflexions 
sur  le  inonachisme,  sur  l'avidité  du  fisc  romain  qui  a  étendu 
le  protestantisme.  II  prouve  jusqu'à  l'évidence  les  inconvéniens 
qui  résultent  du  mélange  du  spirituel  avec  les  choses  tempo- 
relles et  la  politique  astucieuse  de  la  cour  de  Rome  qui  exis- 
tera tant  que  le  chef  de  l'église  sera  prince  temporel.  C'est  un 
amalgame  qui  n'est  plus  en  harmonie  avec  l'état  actuel  de  la 
chrétienté. 

Dans  ce  nouvel  ouvrage  de  l'ancien  archevêque  de  Malines  , 
comme  dans  tous  ceux  qu'il  publie,  on  remarque  quelquefois 
un  style  inégal ,  et,  pour  ainsi  dire,  haché;  s'il  avait  autant 
d'érudition  que  de  brillant,  ses  raisonnemens  auraient  encore 
plus  de  force;  car,  dans  les  matières  de  ce  genre,  la  tradition 
des  faits  puisés  dans  l'histoire  ecclésiastique  est  précieuse;  mais 
de  légers  défauts  sont  abondamment  compensés  par  les  choses 
utiles  que  renferme  ce  livre,  qui  assure  à  M.  de  Pradt  de  nou- 
veaux titres  à  l'estime  publique.  G. 

276.  —  Lettre  à  Sa  Majesté  Charles  X }  roi  de  France,  contre 
le  couronnement  de  Buonapartc.  Paris ,  1 827  ;  Ponthieu  ;  Lecau- 
dey  ;  Lecointe  etDurey.  In-8°  ;  prix,  75  c. 

Le  Mémorial catholique ,  en  rendant  compte  de  l'éloge  funèbre 
de  Pie  VII,  par  le  père  Ventura,  théatin  de  Rome ,  avait  dit 
dans  son  numéro  du  mois  d'août  dernier:  «Le  couronnement  de 
Buonaparte,  ce  second  acte  de  Pie  VII,  que  l'irréflexion  a  pu 
lui  reprocher,  n'en  fut  pas  moins  un  exercice  admirable  de  la 
puissance  pontificale,  et  une  haute  et  éclatante  protestation 
contre  toutes  les  usurpations  de  l'impiété.  »  Ces  expressions 
sentent  l'ultramontanisme  le  plus  prononcé.  M.  l'abbé  de  La 
INeufville  en  prend  occasion  de  rappeler  les  doctrines  gallicanes 
qui  n'accordent  point  au  chef  de  l'église  catholique  le  droit  de 
disposer  des  couronnes  en  faveur  de  qui  bon  lui  semble.  Si  le 
vénérable  ecclésiastique  se  fût  attaché  à  établir  solidement  cet 
article,  on  n'a  lirait  que  des  éloges  à  lui  donner;  mais  c'est  là 
ce  qui  l'occupe  le  moins.  L'excès  de  ses  affections  l'entraîne  dans 
des  divagations  qu'il  est  impossible  d'approuver,  et  qu'il  con- 
damnera sans  doute  lui-même,  quand  il  y  aura  réfléchi. 


SCIKNC1&3  MORALES.  74^ 

Le  Mémorial  avait  dil  aussi  que  «  le  couronnement  de  Buo* 

■sparte   fut  la   restauration  des  souverains    légitimes,  et   que 

Pie  VII  ,  éclairé  d'une  lumière  supérieure,  pressentit  le  résul- 
tat de  sa  condescendance.  »  A  merveille  !  M.  de  La  Neufville 
avait  beau  jeu  contre  de  pareilles  assertions  ;  mais  ceux  qui  li- 
ront sa  Lettre  au  roi  auront  à  regretter  qu'il  ne  se  soit  pas  plus 
fortement  attaché  à  en  faire  ressortir  le  ridicule.  J.  L. 

277.  —  *  Du  perfectionnement  moral  ou  de  l'éducation  de  soi- 
même  ;  par  M.  Deo&lanoo,  membre  de  l'Institut  de  France, 
ouvrage  auquel  l'Académie;  franeaise  a  décerné,  en  1825,  le 
prix  fondé  par  M.  de  Montyon ,  pour  le  livre  le  plus  utile  aux 
mœurs;  seconde  édition,  revue  et  corrigée.  Paris,  1826;  Jules 
Renouard.  2  vol.  in- 8°  ensemble  de  807»  pages.;  prix,  12  fr.,  et 
14  fr.  par  la  posle.  (Voy.  Rev.  Eue.  t.  xxvi  pag.  671  le  compte 
rendu  de  la  Ier édition  inséré  dans  notre  section  des  analyses^ 

Quelles  que  soient  les  différentes  manières  d'envisager  l'exis- 
tence humaine,  l'idée  fondamentale  de  cetouvrage  sera  regardée 
par  tout  le  monde  comme  essentiellement  morale  et  très-propre 
à  éclairer  notre  conduite  dans  la  carrière  terrestre  que  nous 
devons  parcourir.  Selon  M.  Dcgérando,  le  but  de  l'homme  est 
de  tendre  sans  cesse  au  perfectionnement.  Cherchant  les  forces 
dont  nous  pouvons  disposer  pour  arriver  à  ce  but,  il  voit  dans 
notre  nature  le  germe  de  deux  puissances  dont  l'emploi  bien 
dirigé  suffit  pour  nous  y  conduire  invariablement  :  i°  V empire 
de  soi,  qui  donne  l'énergie  nécessaire  pour  réunir  en  un  même 
faisceau  l'action  de  toutes  nos  facultés;  i°  C  amour  du  bien,  qui 
nous  indique  à  chaque  instant  la  marche  à  suivre  dans  la  voie 
de  notre  amélioration  morale. 

Afin  de  rendre  plus  faciles  les  règles  de  conduite  qu'il  tire  de 
l'étude  de  ces  deux  principes  et  de  leurs  conséquences,  il  con- 
çoit la  vie  humaine  sous  cinq  aspects  divers,  ou  vies  différentes 
présentant  à  ses  yeux  autant  de  modes  spéciaux  d'existence,  et 
il  enseigne  à  fortifier,  dans  chacune  d'elles,  l'empire  de  soi 
et  l'amour  du  bien,  en  appelant  à  son  secours  les  trois  grands 
mobiles,  guides  ordinaires  de  nos  actions,  savoir:  la  person- 
nalité, l'autorité  et  l'amour.  Ces  cinq  vies  sont  :  i°  la  vie  sen- 
suelle ,  fondée  sur  la  sensibilité  physique,  qui  sert  de  prépa- 
ration aux  suivantes,  et  nous  est  commune  avec  les  animaux; 
i°  la  vie  affective ,  à  laquelle  nous  élève  une  sensibilité  d'un 
ordre  supérieur,  dont  les  effets,  par  les  relations  de  bienveil- 
lance ou  de  haine  qu'elle  établit  entre  les  hommes  ,  jouent  un 
si  grand  rôle  dans  la  société  humaine;  3°  la  vie  intellectuelle, 
qui  prédomine  chez  les  savans,  les  littérateurs,  les  artistes, 
qui  remplit  presque  exclusivement  les  heures  d'étude  ,  et  pré- 


:,♦  LIVRES  FRANÇAIS. 

aide  à  nos  méditations;  ^°  la  vie  morale  ou  cou  silencieuse  9 
fondée  sur  la  loi  du  devoir,  tirée  elle-même  de  la  conscience 
du  ijciire  humain;  et  5°  enfin  la  vie  religieuse ,  qui,  ralliant  et 
couronnant  toutes  les  autres,  forme  le  degré  le  plus  élevé  de 
l'échelle  du  perfectionnement  moral. 

Cette  décomposition ,  peut-être  arbitraire,  de  l'action  con- 
tinue de  notre  activité,  a  du.  exiger,  dans  le  classement  et 
l'enchaînement  des  matières,  des  considérations  psychologiques 
dont  l'effet  est  de  rendre  quelques  pages  un  peu  abstraites  pour 
les  lecteurs  étrangers  à  l'étude  de  la  métaphysique.  Cet  incon- 
vénient, si  c'en  est  un,  était  inévitable,  puisque  M.  Degérando 
s  était  proposé  de  faire  accorder  les  leçons  de  l'expérience  avec 
les  principes  donnés  par  l'observation  des  phénomènes  de  la 
conscience,  en  un  mot;  la  morale  pratique  avec  la  morale 
théorique;  et  ce  soin  ne  saurait  paraître  superflu.  Combien  de 
fois,  en  effet,  avec  les  plus  beaux  préceptes  dans  l'esprit, 
n'appliquons  -  nous  pas  notre  morale  sublime  au  gré  de  nos 
convenances!  Une  lecture  faite  dans  un  esprit  de  critique  peut 
fournir  les  moyens  d'adresser  à  l'auteur  quelques  reproches  , 
par  exemple,  de  laisser  apercevoir  trop  souvent  du  vague 
dans  sa  pensée;  mais,  à  très-peu  d'exceptions  près,  cet  ou- 
vrage, semé  de  maximes  ingénieuses  et  profondes ,  est  écrit  avec- 
clarté,  avec  élégance,  on  peut  même  dire  avec  onction.  Un 
sentiment  de  calme  et  de  bienveillance  y  règne  d'un  bout  à 
l'autre  :  il  rend  meilleur  en  faisant  penser,  privilège  réservé 
aux  bons  livres.  Ad.  G. 

»78.  —  Almanach  des  bons  conseils,  pour  l'an  de  grâce  1828; 
publié  par  L.  S.  T.  R.  [ta  Société  des  Traités  religieux)  de 
Paris.  IIIe  année.  Paris,  1827;  H.  Servier,  rue  de  l'Oratoire, 
n°  6.  In- 18  de  72  pages;  prix,  25  cent. 

279.  —  Annuaire  du  peuple ,  pour  l'année  bissextile  1828,  ou 
Petite  Bibliothèque  populaire ,  contenant  l'abrégé  chronologique 
des  principaux  événemens  de  l'histoire,  des  inventions,  décou- 
vertes et  progrès  de  la  civilisation;  un  calendrier  indiquant , 
pour  chaque  jour  de  l'année,  le  nom  d'un  Français  célèbre; 
des  observations  détaillées  sur  les  divers  travaux  de  la  campagne 
à  faire  dans  chaque  mois;  des  pronostics  indiquant  les  change- 
mens  de  teins  qu'i  l  importe  aux  agriculteurs  de  connaître  d'avance; 
une  biographie  des  hommes  vertueux  et  des  bienfaiteurs  du 
peuple  ;  des  élémens  d'hygiène  populaire;  des  observations  sur 
les  habitations,  sur  la  basse-cour  et  sur  le  soin  que  l'on  doit 
prendre  des  animaux  domestiques,  des  préceptes  d'économie 
rurale;  la  description  de  divers  instrument  d'agriculture  per- 
fectionnés, leur  prix  et  l'adresse  où  l'on  peut  se  les  procurer; 


SCIENCES  MORALES.  :',"> 

des  maximes,  pensées  morales,  etc.,  dédié  à  IU.  ( ha/les  Dttpùt, 
par  Gihault,  de  Saint  -  Fargeau.  Paris,   18-27;   Renard,  rue 

Sainte- Anne,  n"  71  ;  prix,  1  IV.  5oc. 

Trompés  par  le  vif  éclat  des  lumières  qui  éclairent  autour 
•  le  nous  la  population  de  notre  brillante  capitale,  nous  avons 

peine  à  nous  faire  une    idée  juste   de    l'état   d'ignorance  et   de 

stupidité  dans  lequel  languit  le  peuple  des  campagnes,  où  ies 
prédictions  de  Mathieu  Laensberg  sont  encore  recueillies  avec 

avidité,  et  OÙ  chaque  jour  les  tribunaux  ont  à  juger  de  pré- 
tendus sorciers,  escortés  de  dupes  imbéciiies,  ou  de  supersti- 
tieux accusateurs. 

Qll'a-t-on  (ait,  et  que  fait-on  encore  pour  détruire,  dans 
la  France  du  dix-neuvième  siècle,  ces  restes  déplorables  de  la 
barbarie  du  moyen  âge? 

On  détruit  peu  à  peu  les  écoles  d'enseignement  mutuel  que 
l'honorable  philantropie  de  quelques  hommes  de  bien  avait 
réussi  à  propager  dans  beaucoup  de  petites  villes  et  de  villages; 
on  contrarie  leur  zèle  éclairé  par  tous  les  moyens  qu'a  su  se  ré- 
server un  gouvernement  jaloux  d'exercer  son  autorité  en  toutes 
choses;  c'est  peu  d'avoir  ainsi  tari  la  source  de  l'instruction  et 
bonheur  du  public  :  on  laisse  publier  et  répandre  un  Almanach 
catholique  des  villes  et  des  campagnes  pour  l'an  de  grâce  1 828  , 
où  l'on  insulte  les  institutions  établies  par  Louis  XVIII,  où 
l'on  prône  l'ignorance  comme  agréable  à  Dieu,  etc.  (Voyez  le 
Constitutionnel  du  vendredi  3o  novembre  1827.) 

Les  deux  almanachs  que  nous  annonçons  ne  doivent  être 
confondus  ni  avec  celui  de  la  faction  ultramontaine,  ni  avec  les 
étrennes  que  nous  offrent  annuellement  les  successeurs  de  l'as- 
trologue de  Liège.  Ils  sont ,  au  contraire  ,  destinés  à  combattre 
leur  fâcheuse  influence,  à  continuer  auprès  des  hommes  faits  la 
tache  du  perfectionnement  moral  et  intellectuel  que  les  écoles 
commencent  à  préparer  parmi  lesenfans.  Lepremier  est,  comme 
la  plupart  des  institutions  utiles  dont  s'enrichit  aujourd'hui 
la  France,  le  produit  d'une  association  d'hommes  de  bien  ;  le 
second  est  le  résultat  des  travaux  d'un  écrivain  isolé.  Tous 
deux,  entrepris  dans  un  but  et  avec  des  intentions  louables, 
nous  paraissent  devoir  donner  lieu  à  quelques  observations. 
—  L' Almanach  des  bons  conseils,  publié  par  une  société  reli- 
gieuse, se  ressent  de  son  origine;  il  est  empreint  de  quelques 
idées  mystiques  qui  sont  encore  étrangères  à  bien  des  esprits. 
Pourquoi  affecter  un  langage  que  la  masse  ne  peut  comprendre? 
Pourquoi  entourer  les  préceptes  de  la  raison  de  cet  appareil 
de  mots,  souvent  vides  de  sens,  qui  peuvent  tout  au  plus  char- 
mer les  oreilles  de  quelques  initiés?  Ce  n'est  point  ainsi  que  le 


746  LIVRES  FRANÇAIS. 

sage  Franklin  rédigeait  les  conseils  du  bonhomme  Richard, 
dont  l'éloquente  simplicité  et  l'énergique  bon  sens  devraient 
être  pris  pour  modèles  par  tous  les  écrivains  qui  s'adressent  au 
peuple.  Mais,  hàtons-nous  de  le  reconnaître:  le  Tonds  vaut  ici 
mieux  que  la  forme,  et  les  conseils  de  la  société  des  Traités 
religieux  pourront  porter  d'heureux  fruits.  —  L' Annuaire , 
publié  par  M.  Girault,  nous  paraît#bien  rempli,  mais  peut-être 
a-t-il  été  rédigé  avec  trop  de  précipitation  :  je  ne  sais  pour- 
quoi il  n'a  placé  que  des  Français  parmi  les  nommes  illustres 
auxquels  il  consacre  chaque  jour  de  l'année,  et  je  ne  puis  sur- 
tout m'expliquer  comment  certains  noms  d'hommes  vivans  , 
fort  estimables  d'ailleurs,  mais  fort  étonnés  sans  doute  d'y 
figurer  à  côté  de  saint  Vincent  de  Paul ,  de  /.-/.  Rousseau,  de 
Catinat ,  ou  de  Bufjon ,  y  occupent  une  foule  déplaces  que 
l'on  aurait  pu  consacrer  à  la  mémoire  d'un  Luther ,  d'un  New- 
ton, d'un  Howard  ou  d'un  Franklin.  Nous  conseillerons  donc 
à  l'auteur,  s'il  veut  rendre  son  livre  plus  digne  du  but  hono- 
rable auquel  il  est  destiné ,  de  le  revoir  avec  un  soin  scrupu- 
leux ,  et  surtout  de  résister  à  la  tentation  de  flatter  l'amour- 
propre  de  quelques  amis  ou  de  quelques  protecteurs.  Mais 
exprimons  aujourd'hui  le  regret  que  personne  n'ait  encore 
parfaitement  rempli  la  tâche  éminemment  utile ,  qu'une  société 
(  la  Société  d'éducation  )  a  déjà  désignée  plusieurs  fois  pour 
sujet  des  prix  qu'elle  décerne.  «. 

a  80.  — *  Dictionnaire  universel  de  droit  français,  par  /.  B.  J. 
Pailliet  ,  avocat  à  la  cour  royale  d'Orléans.  Toni.  IV.  Paris, 
1827;  Tournachon-Molin.  In-8°;  prix,  du  vol.,  10  fr.(Voy.  ci- 
dessus,  p.  177.  ) 

Ce  nouveau  volume  du  Dictionnaire  de  M.  Pailliet  com- 
mence par  le  mot  Alignement  et  se  termine  par  Anlidicoma- 
riantes.  Beaucoup  de  nos  lecteurs  ne  comprendront  sans  doute 
pas  la  signification  de  ce  dernier  mot.  L'ouvrage  que  nous 
annonçons  leur  apprendra  que  l'on  appelle  ainsi  des  hérétiques 
qui  nient  la  virginité  perpétuelle  de  Marie.  L'article  consacré 
à  ces  hérétiques  justifie,  selon  nous,  le  reproche  que  nous 
avons  déjà  eu  occasion  d'adresser  à  M.  Pailliet  de  faire  entrer 
dans  son  Dictionnaire  des  sujets  qui  n'ont  aucun  rapport,  ou 
seulement  un  rapport  bien  indirect  avec  la  législation.  Cette 
légère  critique  ne  doit  pas  cependant  rendre  injuste  envers  ce 
grand  travail,  dont  la  plupart  des  articles  sont  fort  soignés  et 
traitent  des  plus  hautes  questions  du  droit.  A.  T. 

281.  —  *  Atlas  commercial ,  ou  Exposition  méthodique  du 
droit  commercial ,  comprenant  le  Code  de  commerce  rapproché 
des  lois,  règlemens,  ordonnances,  arrêts  et  opinions  des  juris- 


SCIENCES  MORALES.  7/,7 

consultes,  qui  le  complètent,  le  modifient  ou  l'expliquent  : 
ouvrage  compose-  de  douze  ou  quatorze  tableaux  synoptiques , 
sur  feuille  dejésUS  déplovée,  (lisjM)sés  et  coloriés  de  manière  à 
en  rendre  l'étude  plus  facile;  dédie  au  Conseil  de  perfectionne" 
ment  de  VEcole  spéciale  de  commerce  et  d'industrie  ,  par  Poux- 
I'iwnki.in,  avocat  à  la  Cour  royale,  inspecteur  des  études  et 

professeur  de  législation  commerciale  à  l'Ecole  spéciale  de 

commerce.  I10  livraison.  Paris,  18*28;  l'auteur,  rue  .Saint- 
Antoine,  ii°  i/,3.  Renard,  libraire. 

Le  coup-d'œil  que  nous  avons  jeté  sur  le  tableau  qui  cons- 
titue la  première  livraison  de  cet  utile  ouvrage,  nous  a  dé- 
montré que  la  méthode  suivie  par  l'auteur  est  éminemment 
claire,  correcte  et  facile.  Ses  tableaux  doivent  obtenir  un  grand 
succès  près  des  commerçans  ,  près  des  jeunes  gens  qui  cherchent 
à  puiser  aux  Sources  les  principes  de  la  profession  qu'ils  veulent 
embrasser,  et  près  de  toutes  les  personnes  qui  désirent  con- 
naître, sans  de  longues  études,  les  règles  essentielles  de  la  légis- 
lation commerciale,  et  les  opinions  des  auteurs  quionteontribué 
à  fixer  le  sens  de  celles  qui  présentaient   quelque  obscurité. 

L'usage  des  tableaux  synoptiques  de  M.  Poux-Franklin  con- 
vient spécialement  aux  négocians  éloignés  des  grandes  villes 
qui  ne  peuvent  consulter  des  jurisconsultes  distingués  sur  les 
difficultés  qui  s'élèvent  dans  leurs  transactions.  Les  lois,  les 
arrêts,  les  ordonnances,  les  décisions  dans  les  cas  particuliers, 
les  interprétations  importantes,  se  trouvent  classés  de  manière 
qu'une  légère  attention  suffit  pour  en  faire  embrasser  l'en- 
semble et  les  applications.  Cel  ouvrage  paraît  devoir  contri- 
buer à  rendre  populaire  la  science  du  droit  commercial.     R. 

282. —  Manuel  du  créancier  hypothécaire ,  par  /.  Zanole, 
avocat.  Paris,  1828;  Malher  et  Cic.  In- 18  de  3 12  pages;  prix, 
3  fr.  5o  c. 

C'était  une  idée  heureuse  que  celle  de  chercher  à  rendre  , 
en  quelque  sorte,  populaire  la  connaissance  de  notre  système 
hypothécaire, qui,  tout  imparfait  et  tout  ignoré  qu'il  est,  a  déjà 
rendu  de  si  éminens  services.  Mais  on  doit  regretter  que  l'ou- 
vrage de  M.  Zanole  ne  soit  pas  conçu  sur  une  base  assez  large. 
»  J'ai  voulu  ,  dit-il ,  mettre  tout  créancier  hypothécaire  à  même 
de  conserver  ses  droits...»  Ce  but  est  évidemment  trop  restreint. 
Il  fallait  songer  à  faire,  non  pas  seulement  le  manuel  du  créan- 
cier inscrit,  mais  celui  de  l'emprunteur,  du  préteur,  du  capi- 
taliste :  un  tel  point  de  vue  convenait ,  en  effet ,  beaucoup 
mieux  à  la  collection  dont  le  livre  que  nous  annonçons  fait 
partie,  et  qui  a  pour  objet  de  répandre  le  plus  d'instruction 
possiblen  peu  de  frais  et  sous  un  très-petit  volume.  L'exiguité 


J48  LIVRES  FRANÇAIS. 

du  plan  a  d'ailleurs  ici  un  double  inconvénient.  Elle  nuil  à  la 
lois  à  L'utilité  du  livre  et  au  mérite  de  son  exécution.  L'ou- 
vrage de  M.  Zanole  renferme,  à  quelques  omissions  près,  les 
élémens  d'un  bon  livre;  mais  cette  suite  de  dispositions  qu'il 
présente  ne  sera  bien  comprise,  et  les  notions  qui  en  résultent 
ne  pourront  être  utilement  appliquées  que  par  des  lecteurs  et 
des  créanciers  instruits.  Cet  ouvrage,  en  un  mot,  nous  paraît 
propre  seulement  à  remplir  pour  cette  partie  l'office  d'un  bon  , 
Code  annoté.  Ce  n'est  pas  là  le  genre  de  mérite  que  devrait 
offrir  un  livre  véritablement  élémentaire.  M.  Zanole  entre  en 
matière  par  cette  définition  :  L'hypothèque  est  un  droit  réel 
sur  les  immeubles  affectés  à  l'acquittement  d'une  obligation.» 
C'est,  en  effet,  la  définition  du  Code;  mais,  pour  les  per- 
sonnes auxquelles  l'auteur  s'adresse,  ne  valait-il  pas  mieux 
en  présenter  une  un  peu  moins  abstraite,  et  dire,  par  exemple: 
l'hypothèque  est  une  sûreté,  etc.  ?  Le  législateur  lui-même  pro- 
cède par  des  idées  plus  simples  et  plus  générales.  «  Les  biens 
du  débiteur  sont,  dit-il,  le  gage  commun  de  ses  créanciers... 
Les  causes  légitimes  de  préférence  sont  les  privilèges  et  hypo- 
thèques. »  Du  reste,  je  n'ai  insisté  sur  cette  critique  que  parce 
que  l'auteur  me  paraît  s'être  égaré  dans  une  bonne  voie.  Mais 
c'est  un  mérite  que  d'avoir  senti  la  nécessité  et  même  la  pos- 
sibilité d'y  entrer.  Rien  de  mieux  pensé  et  de  mieux  exprimé  à 
cet  égard  que  ce  qu'il  dit  dans  sa  préface.  Tel  qu'il  est,  son 
livre  est  un  excellent  résumé  des  lois,  des  autorités  et  des  déci- 
sions de  la  jurisprudence  sur  cette  matière;  il  est  terminé  par 
des  modèles  de  toute  espèce  de  bordereaux  d'inscription. 

Bouchené  Lefer,  avocat. 

'283.  —  *  Défense  de  l'usure,  ou  Lettres  sur  les  inconvéniens 
des  lois  qui  fixent  le  taux  de  î  intérêt  de  l'argent;  par  Jérémie 
Bentham  ,  traduit  de  l'anglais  sur  la  quatrième  édition;  suivi 
d un  Mémoire sur les  prêts  d argent,  parïuRGOT,  etc.  Paris,  1828; 
Malher  et  comp.  In-8°  de  29'i  pages;  prix,  4  fr. 

Ce  volume  est  destiné  à  répandre  beaucoup  de  lumière  sur 
l'importante  question  de  morale,  de  législation  et  d'économie 
publique  qui  se  rattache  à  l'intérêt  de  l'argent.  Les  plus  habiles 
économistes  ont  regardé  l'argent  comme  une  marchandise  dont 
l'intérêt  ne  peut  être  fixé  par  la  loi ,  sans  un  grave  préjudice 
pour  le  commerce  et  sans  une  violation  évidente  des  véritables 
principes  d'économie  politique  ;  les  théologiens  et  les  juriscon- 
sultes, au  contraire,  se  sont  élevés  avec  force,  tantôt  contre 
toute  espèce  d'intérêt,  quel  qu'en  soit  d'ailleurs  le  taux;  tantôt 
contre  celui  qui  dépasse  une  limite  arbitrairement  tracée  par  le  lé- 
gislateur. Nous  sommes  encore  de  fait  sons  l'empire  de  cetteder- 


S(  h  v  |  s    '<•:;  ILES. 

BÎère  opinion;  et  ,    s'il  est  vrai  qu'à  1106  certaine  époqtlC  on  ;i,t 

lente  de  faire  déclarer  par  la  loi  le  principe  que  l'argent  '-si  une 
marchandise,  1rs  désordres  qui  régnaient  alors  n'ont  pas  tardé 
à  rendre  nécessaires  des  clfatigemens  dans  cet  état  de  cho 
lans  qu'on  puisse  m  rien  induire  aujourd'hui  contre  la  légiti- 
mité  du  principe.  Lois  donc  nue  nous  voyons  ions  les  [ours  les 
tribunaux  applicpjcr  avec  rigueur  1rs  lois  contre  I  usure,  il  est 
Utile  que  cette  question  soit  examinée  avec  profondeur  et  bonne 
foi.  Les  lettres  du  célèbre  Bentham,  publiées  en  1787,  et  dont 
un  anonymes  entrepris  la  traduction,  serviront  à  éclaircir  la 
doctrine  qui  y  est  traitée,  et  qui  est  conforme  à  celle  des  éco- 
nomistes les  pins  distingués  de  notre  ép'oqne.  M  Dumowt,  en 
caractérisant,  dansée  recueil)  les  divers  ouvrages  de  Bentham, 
n'a  pas  hésité  à  dire  que  cette  dissertation  est  un  chef-d'œuvre, 

par  la  force  du  raisonnement  comme  par  la  manière  de  f  exposer. 
(  Voy.  Hev.  Eue. ,  t.  xxxi,  p.  3oo.)  Nous  adoptons  entièrement 
cet  avis,  et  nous  ne  Saurions  trop  louer  le  traducteur  d'avoir 
hais  les  lecteurs  français  à  même  d'étudier  cet  intéressant  ou- 
vrage. I>e  Mémoire  de  TurgOt,  qui  termine  le  volume,  écrit 
dans  le  même  but,  ne  pouvait  qu'être  fort  convenablement 
placé  à  la  suite  des  lettres  de  Bentham.  Ces  <\vu\  documens 
viendront  ajouter  encore  à  l'autorité  morale  d'une  théorie  si 
habilement  développée  par  des  écrivains  tels  que  MM.  J.  B. 
fie-y  et  de  Tracy. 

284.  —  *  Causes  célèbres  étrangères  ,  publiées  en  France  pour 
la  première  fois,  et  traduites  de  l'anglais,  de  l'espagnol,  de 
l'italien,  de  l'allemand,  etc.,  par  une  société  de  jurisconsultes 
et  de  gens  de  lettres. T.  III.  Paris,  1827;  C.-L.-F.  Panckoucke, 
éditeur.  In-8°  de  ij  et  390  pages  ;  prix  de  chaque  vol.,  6  fr. 

Trois  volumes  de  cet  important  recueil  ont  été  publiés  en 
moins  d'une  année  ;  c'était ,  sous  ce  rapport ,  tout  ce  qu'on  pou- 
vait demander  à  l'éditeur.  Nous  avons  déjà  donné  deséloges  aux 
deux  premiers  (voy.  Rcv.  Enc. ,  t.  xxxm,  p.  787,  et  t.  xxxv, 
p.  444)i  etnousne  pouvons  qu'en  ajouter  de  nouveaux  pourcelui 
que  nous  annonçons  aujourd'hui.  Six  procès  criminels  com- 
posent ce  troisième  volume.  Parmi  eux,  il  y  en  a  trois  qui 
concernent  des  affaires  de  haute  trahison ,  jugées  en  Angle- 
terre :  ce  sont  les  procès  de  lord  William  Russell,  d' Alghcrnon- 
Sidneyet  de  l'archevêque  Laud.  Les  noms  de  ces  personnages 
suffisent  pour  démontrer  combien  cette  partie  de  la  collection 
présente  d'intérêt,  sous  le  point  de  vue  historique.  Parmi  les 
autres  affaires,  deux  ont  occupé  les  tribunaux  espagnols.  On 
remarquera  le  procès  de  dona  Maria  Vicenta  de  Mendicta  et 
de  don  Santiago  San- Juan ,  accusés  tous  les  deux  d'assassinat. 


:5o  LIVRES  FRANÇAIS. 

I,o  ministère  de  fiscal  fut  rempli,  dans  cette  cause,  par  Melen- 
c/i'z  Yaldez,  poëte  célèbre  ,  qui  s'est  aussi  acquis  une  juste 
réputation,  comme  orateur.  Le  volume  est  terminé  par  le  pro- 
cès, ou  plutôt  par  le  récit  des  aventures  bizarres  du  capitaine 
James  Hind ,  l'un  des  plus  fameux,  voleurs  de  grands  chemins 
qu'ait  produits  l'Angleterre.  Ce  brigand,  qui Jlorissait  vers  le 
milieu  du  xvne  siècle,  dirigeait  surtout  ses  exploits  contre  les 
individus  qui  avaient  marqué  par  leur  républicanisme  dans  la 
révolution  anglaise.  Ilavaitdes  habitudeschevaleresques  et  ap- 
portait une  sorto  de  courtoisie  dans  la  manière  de  dévaliser  les 
vovageurs.  Aussi  pouvons- nous  assurer  que  les  anecdotes  qui 
lui  sont  attribuées  offrent  tout  à  la  fois  un  intérêt  piquant  et 
dramatique,  qui  varie  agréablement  la  teinte  un  peu  sombre 
des  autres  procès  qui  forment  ce  volume.  A.  T. 

285.  —  *  Observations  sur  les  prisons ,  hospices  ,  écoles  des 
départemens  et  des  pays  étrangers;  par  B.  Appert.  Paris,  1827; 
chez  les  principaux  libraires.  Brochure  In-8°  de  44  pages. 

M.  Appert  poursuit  avec  courage  le  cours  de  ses  oeuvres  de 
charité.  Aucun  obstacle  ne  l'arrête;  aucun  dégoût  n'a  le  pou- 
voir de  restreindre  son  zèle.  Le  Journal  des  prisons  ,  dans  le- 
quel ce  philantrope  appelait  l'attention  de  tous  les  hommes 
vertueux  et  des  administrateurs  qui  connaissent  leurs  devoirs , 
sur  le  régime  intérieur  des  maisons  de  détention  et  sur  les 
grandes  questions  pénales,  cessa  de  paraître  sous  le  régime 
odieux  et  ignoble  de  la  censure.  M.  Appert  ne  tardera  pas  sans 
doute,  ainsi  qu'il  l'a  promis,  à  nous  rendre  cet  excellent  re- 
cueil; en  attendant,  il  a  publié  des  observations  sur  le  sujet 
habituel  de  ses  investigations  et  de  ses  travaux.  On  lit  avec 
plaisir,  dans  cette  courte  mais  intéressante  brochure,  que 
depuis  une  année  environ  ,  le  ministère ,  ou  du  moins  les  ordres 
émanés  de  ses  bureaux,  ne  s'opposent  plus  avec  autant  d'achar- 
nement à  l'amélioration  des  maisons  de  détention.  Il  est  vrai 
qu'on  n'a  obtenu  cet  avantage  qu'à  force  de  réclamations ,  que 
par  la  publicité  active  des  abus.  On  peut  apprécier  combien 
le  mal  était  grand,  en  songeant  qu'on  est  forcé  de  trouver  pas- 
sable ce  que  nous  allons  rapporter. 

A  ^itryy  la  prison  est  d'une  architecture  convenable;  mais 
les  salles  du  rez-de-chaussée  sont  humides  et  sans  jour,  les 
cachots  malsains,  et  les  malheureux  qu'ils  contiennent  couchés 
pêle-mêle  sur  de  la  paille  placée  sur  le  sol.  M.  Apport  y  re- 
marqua deux  enfans,  l'un  de  neuf  et  l'autre  de  dix-sept  ans, 
couchés  sur  la  paille  avec  un  homme  fou,  détenu  depuis  trente 
ans,  sans  autre  motif  que  sa  folie!  Ainsi,  il  est  prouvé  qu'à 
Vitry ,  «w  France,  chez  une  nation  qui  se  dit  civilisée  et  qui 


SCIENCES  MORALES.  75i 

fait  la  guerre  aux  barbares,  oo  jette  un  homme  dans  les  j>n 

sons,  parce  qu'il  n'a  pas  sa  laison  ,  et  on  l'accouple  a  deux  en- 
fans  auxquels ,  certes ,  il  ne  donne  point  des  leçons  «le  moi  aie  ! 
K  Saint- Diûert  an  Buisson ,  à  /V/.v.v>-,  les  administrateurs  ont 
mérité  des  éloges;  on  en  peui  dire  autant  deeeux  âeSrousval, 

de  Jninvillr.  Les  prisons  de  7bil/  ont  fait  une  perle  irréparable 
par  la  mort  de  AI11'.  Drruo  <jiii  se  livrait,  depuis  beaucoup 
d'années,  au  soulagement  des  détenus,  et  qui  B  emporté  les  re- 
grets universels  des  geilS  de  bien.  L'hospice  général  du  Havre 
pontient  5oo  lits,  et  pourrait  en  avoir  davantage!  Par  une 
cruelle  exception,  certaines  maladies  y  sont  mises  hâsrs  de  la 
tharilè  humaine;  c'est  ainsi  que  le  eagotisme  parvient  à  gâter 
les  plus  saintes  institutions.  On  se  plaint  aussi  de  ce  que  la 
conduite  de  la  pharmacie  est  confiée  à  une  religieuse  seule; 
il  y  a  cependant  des  études  qu'une  religieuse  ne  peut  faire,  des 
connaissances  médicales  qu'elle  ne  peut  acquérir.  Les  fonctions 
de  ces  femmes  respectables  devraient  cesser,  là  où  s'arrêtent 
leurs  forces  et  leurs  moyens.  L'hospice  de  Dieppe  se  fait  re- 
marquer par  une  propreté  extrême,  et  par  les  vertus  des 
dames  qui  le  dirigent.  L'hospice  de  Fécamp  est  bien  tenu  ,  et 
l'on  y  admet  des  vieillards  et  des  infirmes;  mais  on  se  plaint 
des  difficultés  que  l'on  oppose  à  ceux  qui  se  présentent,  et  dont 
plusieurs  sont  morts  de  faim  et  de  douleur  sur  un  fétide  gra- 
bat, pour  n'avoir  pu  fournir  la  masse  de  certificats  que  l'on  en 
exigeait.  L'hospice  général  de  Rouen  contient  2,000  lits;  mais 
les  salles  sont  trop  basses,  l'air  ne  circule  point,  et  l'ordre 
n'est  pas  tout-à-fait  ce  qu'il  pourrait  être.  On  ne  donne  point 
aux  enfans  qui  y  sont  admis  l'éducation  qui  leur  serait  si  pré- 
cieuse. Il  existe  aussi  à  Rouen  une  maison  de  fous;  mais  le  di- 
recteur n'a  pu  prendre  sur  lui  d'y  laisser  pénétrer  M.  Appert 
sans  une  permission  du  préfet. 

Le  vovage  de  M.  Appert  s'arrête  à  la  ville  d'Jrniens.  Les 
hospices  et  les  prisons  y  sont  assez  bien  tenus,  et  l'éducation 
élémentaire  a  fixé  l'attention  des  hommes  estimables  de  cette 
ville;  il  y  existe  des  écoles  d'enseignement  mutuel  fort  bien 
dirigées,  ainsi  que  dans  les  petites  villes  voisines  ;  mais  on  gé- 
mit quand  on  voit  combien  de  préjugés  les  partisans  de  l'ob- 
scurantisme ont  cherché  à  répandre  contre  ces  utiles  institu- 
tions   Ils  ont  souvent  trop  bien  réussi. 

La  brochure  de  M.  Appert  et  terminée  par  le  règlement  de 
la  prison  pénitentiaire  de  Genève.  Il  serait  bien  désirable  que 
l'on  adoptât  en  France  des  mesures  de  cette  nature,  si  bien 
disposées  pour  punir  à  la  fois  et  corriger  les  hommes  les  plus 
pervers.  R. 


:r>2  LITRES  FRANÇAIS. 

•28 G.  — *  Recherches  et  considérations  sur  Venlèvemcnt  et  l'em- 
ploi des  chevaux  morts,  et  sur  la  nécessite  d'établir  à  Paris 
un  clos  central  d'équarrissage  :  ouvrage  exécuté  à  la  demande  de 
l'autorité,  par  une  commission  du  Conseil  de  salubrité ,  ayant 
pour  rapporteur  M.  le  Dr  Parent-Duchatelet.  Paris,  1827; 
Bachelier.  In -4°  de  124  pages,  avec  fig.  ;  prix,  8  fr. 

De  graves  et  étranges  infirmités,  inconnues  à  nos  ancêtres, 
sont  produites,  il  faut  l'avouer,  par  l'immense  accroissement, 
des  sociétés  modernes ,  et  môme  par  les  progrès  de  la  civilisation. 
Certes,  aucune  ville  de  l'Europe  n'était,  il  y  a  deux  siècles, 
infectée,  comme  Paris  l'est  aujourd'hui,  par  le  voisinage  d'un 
lac  d'éjections  humaines,  profond  de  Ho  pieds  ,  grand  de  /j 
arpens,  et  alimenté  annuellement,  par  1,800,000  pieds  cubes  de 
matières  stercorales.  Mais,  alors ,  comme  il  en  est  encore  à  Lis- 
bonne et  à  Madrid,  les  rues  et  les  places  publiques  tenaient 
lieu  de  ce  lac,  et  lui  donnaient  en  étendue  ce  qu'il  a  mainte- 
nant en  profondeur.  Sans  doute,  il  y  a  cent  ans,  aucune  capi- 
tale n'avait  à  ses  portes,  comme  à  présent  la  métropole  de  la 
France,  un  charnier  empesté,  recevant,  chaque  année,  les 
cadavres  de  1 2,700  chevaux ,  qui  forment  une  masse  de  matière 
animale  du  poids  de  11,280,000  livres.  Il  est  vrai  que,  si  nos 
aïeux  n'étaient  point  encombrés  par  un  pareil  résidu,  c'est 
qu'ils  n'avaient  guère  d'autres  chevaux  que  ceux  de  leurs 
hommes  d'armes,  qu'ils  allaient  en  chaise  à  porteurs  ou  en 
brouette,  qu'ils  cultivaient  leurs  terres  à  la  houe,  et  qu'ils 
étaient  obligés  de  transporter  chaque  chose  à  dos  ou  à  bras, 
ce  qui  a  bien  aussi  ses  inconvéniens. 

Toutefois,  hàtons-nous  de  le  dire,  malgré  leur  horrible  in- 
fection et  leur  aspect  hideux,  ces  cloaques,  ces  voiries  ne  sont 
pas  seulement  des  dépôts  d'immondices;  ce  sont  encore  des 
fabriques  utiles,  auxquelles  se  rattachent  des  branches  d'in- 
dustrie et  de  commerce  qui  ne  sont  pas  sans  importance  !  Une 
grande  partie  des  légumes  et  des  fruits,  qui  servent  à  la  con- 
sommation de  Paris,  croissent  avec  le  secours  du  fumier  animal 
que  fournit  Montfaucon.  La  voirie  de  ce  lieu  donne  annuelle- 
ment aux  tanneries  de  la  capitale  10,000  peaux  de  chevaux  ; 
elle  pourrait  livrer  annuellement  un  million  de  livres  d'os. 
broyés  pour  engraisser  les  terres,  ou  carbonisés,  pour  servir 
aux  raffineries.  C'est  de  ce  golgot/ia  que  sortent  les  matières 
premières  du  bleu  de  Prusse  de  nos  peintres  ,  du  sel  ammoniac 
de  nos  flacons,  de  la  colle-forte,  qui  lie  les  parties  des  pianos 
d'Erard  ou  du  violon  de  Lafond.  C'est  de  là  que  proviennent 
les  matériaux  qui  servent  à  faire  les  éventails  de  nos  dames,  cl 
quelquefois  même  leurs  peignes  élégans.  Enfin,  plus  d'un  poisson 


SCIENCES   MORALES.  755 

délicat  ne  parait,  à  la  satisfaction  des  convives,  sur  In  table 
des  grands,  que  parce  qu'il  sY^t  laissé  prendre  à  L'appâl  qu'of 
firent  à  s.»  voracité  les  vers  édos  dans  la  putréfaction  de  la 
voirie  d<-  Rfontfaucon. 

Ou  voit  que  ces  réceptacles  appartiennent ,  comme  1rs  égoutd 
et  les  abattoirs,  aux  objets  éPéconomic  publique,  dont  il  im- 
porte à  la  société  de  diminuer  ou  de  faire  disparaître  les  irteon- 
vénieas,  en  mettant  à  profit  toutes  les1  ressources  que  possè- 
dent la  science  et  l'administration.  Frappé  de  retteidée,  tin 
disciple?  du  savant  et  illustre  docteur  Halte,  M.  Parent-Ducha- 
telc!  s'est  voué,  depuis  dix  ans,  à  l'étude  pénible  des  moyens 
de  faire  participer  cet  ordre  dr  choses  aux  perfectionnemens 
progressifs  de  l'état  social.  Il  avait  déjà  publié,  en  1824,  un 
fort  bon  ouvrage  sur  les  égoùts  de  Paris.  Il  vient,  comme  rap- 
porteur d'une  commission  spéciale  ,  d'e\ami:ier,  avec  beaucoup 
de  soin  et  de  sagacité,  les  mesures  qu'il  faudrait  prendre  pour 
transformer  le  hideux  charnier  de  Monlfaucon  en  un  établis- 
sement régulier,  désinfecté,  assaini,  dont  le  voisinage  serait 
bien  moins  fâcheux  et  les  produits  beaucoup  plus  considérables. 
Ge  travail  intéressant  est  précédé  de  recherches  histoiiques  fort 
curieuses  sur  l'écarissage,  ou  écorcherie  des  chevaux,  sur 
I'usairede  la  chair  de  ces  animaux  et  son  innocuité,  et  sur  l'état 
actuel  de  ces  branches  d'industrie  peu  connues.  Il  est  vivement 
à  désirer  que  le  travail  de  M.  Duchatelet  ne  soit  pas  seulement 
Uri  document  important  sur  i<i  situation  de  quelques  parties 
oubliées  de  l'économie  publique,  mais  encore  qu'il  devienne, 
comme  on  a  lieu  de  l'espérer,  le  guide  utile  d'améliorations 
que  réclament,  au  nom  de  la  civilisation,  notre  siècle  et  notre 
pays.  Moreau  de  Joisnès. 

2.87.  —  *  Dictionnaire  historique ,  ou  Histoire  abrégée  des 
hommes  qui  se  sont  fait  un  nom  par  leur  génie,  leurs  talens, 
leurs  vertus,  leurs  erreurs  ou  leurs  crimes,  depuis  le  commen- 
cement du  monde  jusqu'à  nos  jours;  par  l'abbé  F.  X.  de  Fel- 
ler.  Septième  édition ,  enrichie  el'un  grand  nombre  d'articles 
nouveaux  ,  intercalés  par  ordre  alphabétique;  corrigée  sur  les 
observations  de  nos  meilleurs  biograph.es,  et  ornée  du  portrait 
de  l'auteur.  T.  III  et  IV.  Paris ,  1827;  IYléquignon-  Havard.  2 
vol  in-8°  de5i5  et  5o8  pages;  prix  élu  vol.,  G  fr. 

A  peine  avons-nous  annoncé  les  deux  premiers  volumes  de 
cet  ouvrage  (voy.  Rev.  Enc.,  t.  xxxv,  pag.  447),  qu'avant  la 
fin  de  l'année,  nous  en  avons  encore  deux  sous  les  yeux  ,  qui 
viennent  de  paraître.  On  ne  peut  trop  encourager  les  éditeurs , 
déjà  si  exacts,  à  ne  pas  faire  attendre  au  public  la  suite  d'uu 
dictionnaire  qui  ne  peut  être  consulté  que  lorsqu'il  est  complet. 

t.  xxxvi.  —  Décembre  1827.  48 


754  LIVRES  FRANÇAIS. 

Ces  deux  volumes  commencent  par  l'article  du- jésuite  Bettinelli, 
qui  est  nouveau,  et  finissent  par  celui  du  vieillard  Cimon ,  con- 
damné à  mourir  de  faim  et  nourri  en  prison  par  sa  fille. 

Un  grand  nombre  de  personnages  figurent  pour  la  première 
fois  dans  ces  deux  volumes,  où  l'on  corrige  des  auteurs,  dis- 
tingués du  reste  par  leur  exactitude.  Ainsi,  à  l'article  du  cha- 
noine régulier  Jean  Blampain  ,  on  fait  voir  que  le  Dictionnaire 
des  anonymes  l'a  confondu  avec  un  religieux  de  la  congrégation 
de  Sàint-Maur,  qui  portait  le  même  nom.  Celui  de  Ccrisantcs 
avertit  que  l'auteur  de  l'ouvrage  publié  sous  le  nom  du  duc  de 
Guise  a  Commis  une  erreur  grave  qui,  ainsi  que  plusieurs  au- 
tres, prouve  que  Sainctyon  est  l'auteur  de  ce  roman  ,  peu  digne 
d'avoir  été  réimprimé  dans  la  collection  de  M.  Pctitot.  L'article 
Bûonaparte  est  exact  et  sans  passion.  Il  ne  pouvait  mieux  finir 
que  par  un  portrait  tracé  de  la  main  de  M.  de  Chateaubriand. 
Ceux  du  marquis  de  Bouille ,  de  l'abbé  Boulogne ,'  évéque  de 
Troyes,  au  maréchal  de  Broglie ,  de  l'évèque  de  Gand,  du 
même  non),  et  des  autres  hommes  distingués  qui  l'ont  aussi 
porté,  celui  de  la  duchesse  d'Orléans,  à  l'article  Bourbon  ,  et 
de  deux'  infans  d'Espagne  de  ce  nom;  enfin,  celui  de  Charles  iv, 
roi  d'Espagne,  sont  entièrement  neufs.  Celui  de  Charles  111 , 
aussi  roi  d'Espagne,  l'un  des  meilleurs  princes  de  la  maison  de 
Bourbon,  aurait  mérité  des  développement  plus  étendus  :  une 
simple  lecture  de  la  continuation  de  fart  de  vérifier  les  dates  au- 
rait pu  les  fournir.  Mais  cet  article  aurait  dû.  ètte  demandé  à 
don  Arches  Muriel,  dont  les  mémoires  sur  l'histoire  d'Espagne 
nous  font  si  bien  connaître  cette  nation,  fVby.  Biev.  Enc. ,  tome 
xxxiv,  p.  745.)  En  général,  nous  ne  consultons  pas  assez  les 
étrangers  sur  les  faits  qui  les  concernent.  Si  les  éditeurs  du  dic- 
tionnaire qui  nous  occupe  ici  avaient  montré  à  un  Anglais  un 
peu  instruit  l'article  Canning ,  placé  en  forme  de  supplément  à 
la  fin  du  quatrième  volume,  ils  auraient  su  que  la  fille  de  ce 
ministre  célèbre  n'a  pas  épousé  le  duc  de  Portland,  mais  le 
marquis  de  Clanricarde;  peut-être  aussi  n'auraient-ils  pas  fait 
un  mérite  à  M.  Canning  de  sa  naissance,  mais  plutôt  du  talent 
qui  l'a  fait  parvenir  «nu  premier  rang  de  la  société  avec  si  peu 
d'avantages  sur  ce  point,  que  sa  mère  était  une  blanchisseuse 
et  son  père  de  l'origine  la  plus  obscure. 

L'article  du  nègre  Christophe ,  entièrement  neuf,  et  plusieurs 
autres  qu'il  serait  trop  long  de  citer,  rendent  ce  dictionnaire 
nécessaire  à  consulter,  surtout  pour  l'histoire  moderne.  F-a. 
2S8.  — Abrège  d'histoire  universelle  ;  première  partie,  com- 
prenant l'histoire  des  Juifs,  des  Assyriens,  des  Perses,  des 
Egyptiens  et  des  Grecs  Jusqu'à  la  mort  d  Alexandre-le-Grand, 


SCIENCES  MORALES.  7V» 

avec  îles  tableaux  de  syochronismes  ;  par  M.  Bounoon  ,  pro- 
fesseur d'histoire  à  l'Académie  de  Besançon.  Paris,  1827; 
Brunot-Labbe.  In-ia  de  n  <•'   [9g  pag.;  prix, 3  fr. 

Il  est  facile  de  reconnaître  sous  quelle  inspiration  a  été  fait 
cet  abrégé  :  l'auteur  semble  avoir  évité  avec  le  plus  grand 
soin  toutes  les  questions  morales  et  politiques  auxquelles  l'étude 
de  l'histoire  doit  nécessairement  donner  lieu;  il  reproduit, 
sans  discussion  ,  les  contes  les  [>!us  insignifians  ;  il  ne  voit  sou- 
venl  l'histoire  des  grands  hommes  que  dans  quelques  mots  plus 
ou  moins  heureux  que  les  historiens  leur  ont  prêtés  ;  enfin  , 
son  livre  est  dépourvu  de  toute  critique*  Il  admet  à  priori 
des  jugemens  qu'il  ne  se  donne  point  la  peine  de  motiver.  A 
l'entendre,  Alexandre  (p.  i<):V)  n'était  pas  seulement  un  ambi- 
tieux ,  c'était  un  extravagant  :  l'opinion  de  Plutarque  ,  de  Mon- 
taigne, de  Voltaire,  de  .Montesquieu,  peut  consoler  le  fils  de 
Philippe  de  l'anathcrae  du  professeur  de  Besançon.  Mais  ,  nous 
ne  saurions  conseiller  h  nos  lecteurs  d'étudier  l'histoire  an- 
cienne dans  un  livre  si  peu  propre  à  en  donner  une  idée  juste 
et  fidèle.  Nous  aimons  en  même  teins  à  reconnaître  que  les 
tableaux  de  synchronisâtes  dont  l'auteur  a  enrichi  son  ouvrage, 
peuvent  être  d'une  grande  utilité  ,  et  nous  engageons  ceux  qui 
veulent  étudier  cette  science  à  user  de  ce  moyen  mnémonique 
dont  les  avantages  sont  incontestables.  B.  .T. 

289.  —  *  Collection  des  Mémoires  relatifs  à  la  révolution  fran- 
çaise. Cinquième  livraison  :  Mémoire  du  marquis  de  Bouille 
[comte  Louis)  ,  lieutenant-général ,  sur  le  départ  de  Louis  X FI \ 
au  mois  de  juin  1791  ,  avec  des  Notes  et  des  Observations  en 
réponse  à  la  relation  de  M.  le  due  deChoiscul,  pair  de  France, 
extraite  de  ses  mémoiresmédits.  Seconde  édition.  Paris,  182^; 
Baudouin  frères.  In-8°.  ;  prix  2  fr.  5o  c. 

Le  voyage  de  Louis  XVI  à  Varennes  a  donné  naissance  à 
plusieurs  écrits.  Comme  il  arrive  presque  toujours  quand  une 
entreprise  importante  échoue,  les  personnes  qui  furent  appe- 
lées à  servir  les  projets  du  roi  ne  s'accordent  pas  sur  toutes 
les  circonstances,  et  diffèrent  principalement  sur  les  causes  qui 
empêchèrent  le  succès.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  décider  entre 
ces  diverses  opinions.  Nous  nous  bornerons  à  dire  que  le  vo- 
lume qui  fait  le  sujet  de  cet  article  renferme  des  pièces  d'une 
grande  importance  pour  l'éclaircissement  de  ce  point  d'histoire. 
Outre  le  mémoire  du  marquis  de  Bouille  (alors  le  comte  Louis), 
fils  du  général,  outre  les  nombreuses  notes  et  les  pièces  justi- 
ficatives jointes  à  ce  Mémoire y  on  y  trouve  un  Exposé  delà 
conduite  de  M.  le  comte  Charles  de  Raigccourt  à  l'affaire  de  Va- 
rennes  ,    le  Rapport  de   M.  le  comte  Charles  de  Damas,  corn- 

48. 


7 56  LIVRES  FRANÇAIS. 

mandant  du  détachement  posté  à  Clermont,  et  un  Précis  histo- 
rique du  voyage  entrepris  par  S.  M.  Louis  Xfl  ,  le  21  juin  1791 , 
de  l'arrestation  de  la  famille  royale  à  Varennes  et  de  son  retour, 
par  le  comte  de  Falory.  Ces  écrits  se  fortifient  réciproquement, 
et  racontent  de  même  les  principaux  faits.  Quant  au  mémoire 
de  M.  de  Rouillé  ,  il  n'est  pas  seulement  intéressant  comme 
morceau  de  polémique;  il  offre,  en  outre,  des  notions  pré- 
cieuses sur  les  intentions  du  roi,  sur  le  plein  pouvoir  donné  par 
Louis  XVI  au  baron  de  Rreteuil  pour  traiter,  en  son  nom  , 
avec  les  puissances  étrangères,  sur  les  dispositions  des  diffé- 
rentes cours,  sur  les  divers  plans  de  voyage  qui  furent  succes- 
sivement discutés.  L'auteur,  qui  fut  mis  dans  la  confidence  du 
projet,  dès  l'instant  où  le  roi  en  conçut  l'idée,  qui  fut  chargé 
par  son  père  de  venir  à  Paris,  pour  s'entendre ,  sur  tous  les 
points  ,  d'abord  avec  l'évéque  de  Pamiers,  et  plus  tard  avec  le 
comte  de  Fersen,  était  parfaitement  à  portée  de  connaître  tout 
ce  qui  précéda  le  départ  de  la  famille  royale. 

290.  — *  Collection  des  Mémoires  relatifs  à  la  révolution  fran- 
çaise. Sixième  livraison  :  Mémoires  de  Charles  Rarbaroux,  dé- 
puté à  la  Convention  nationale;  avec  des  éclaircissemens  histo- 
riques, par  MM.  Rerville  et  Rarrière.  Paris,  1827  ;  Raudouin 
frères.  In-8°;  prix  ,  2  fr.  5o  c. 

Rarbaroux  écrivit  ses  mémoires,  tandis  qu'il  errait  de  re- 
traite en  retraite,  moins  pour  dérober  sa  tète  à  l'échafaud  que 
pour  susciter  des  ennemis  à  ses  oppresseurs.  Au  moment  où  il 
quitta  la  Rretagne,  avec  le  projet  de  tenter  de  nouveaux  efforts 
contre  la  montagne  dans  les  départemens  du  midi,  il  remit  entre 
les  mains  d'un  ami  dévoué  son  manuscrit  encore  incomplet  ; 
mais  la  proscription  atteignit  cet  ami  inutilement  fidèle,  et  la 
première  partie  des  Mémoires  est  perdue.  Heureusement,  les 
cinq  chapitres  qui  nous  restent  renferment  le  morceau  le  plus 
important,  le  récit  de  la  journée  du  Dix  -  Août  et  des  événe- 
mens  qui  la  préparèrent.  Quelque  jugement  qu'on  porte  de  la 
part  qu'y  prit  Rarbaroux,  on  doit  être  curieux  de  l'entendre 
exposer  lui-même  ses  actions  et  ses  motifs,  ses  intentions  et 
son  but.  On  trouvera  dans  son  livre  d'autres  passages  qui 
présentent  aussi  de  l'intérêt.  La  peinture  de  l'état  de  Marseille 
pendant  la  seconde  législature,  et  de  l'expédition  des  Marseil- 
lais contre  la  ville  d'Arles,  le  tableau  des  assemblées  où  les 
électeurs  des  Rouches-du-Rhône  nommèrent  leurs  députés  à  la 
Convention,  peuvent  fournir  des  lumières  à  l'histoire.  L'au- 
teur s'exprime  toujours  avec  le  ton  de  la  sincérité,  avec  l'ac- 
cent du  courage  et  du  patriotisme.  On  se  croit  sûr ,  en  le  lisant, 
que  si  son  esprit  put  accueillir  des  idées  fausses,  son  cœur  n'é- 


SCIENCES  MORALES.  7^7 

coula  jamais  la  voix  de  L'intérêt  personnel.  Son  Style,  en  géné- 
ral, rapide,  clair,  ei  quelquefois  énergique,  nom  parait,  mal- 
gré des  défauts,  bien  préférable  .1  relui  de  beaucoup  d'ouvrages 
du  même  genre  ;  et  ses  fragmens  doivent  être  distingués  au 

milieu  de  (elle  fo'.ile  de  documens  qu'on  «A  publiés  de  nos  jours 
pour  aider  la  postérité  dans  son  arrêt  sur  notre  révolution. 

Les  éditeurs  ont  joint  aux  Mémoires  des  nièces  officielles 
utiles  aussi  à  conserver.  La  première  est  une  proclamation  pleine 
d'indignation  et  d'énergie ,  par  laquelle  Barbaroux  appelle  les 
Marseillais  aux  armes,  non  pour  faire  de  la  France  une  répu- 
blique fédéra tive,  mais  pour  venir  à  Pans  sauver  de  la  tyran- 
nie de  Robespierre  la  république  u/ic et  indivisible.  Celte  procla- 
mation, datée  de  Caen  le  18  juin  1  79^  ,  est  infiniment  remar- 
quable, quand  on  songe  que  celui  qui  l'écrivit  a  été  accusé  de 
fédéralisme.  L.  Z. 

2c)  1 .  —  *  Mémoires  du  lieutenant-général  PuGET-BAURANTANr, 
publiés  par  lui-même.  Paris,  1827;  Pichon  -Béehet,  quai  des 
Augustins,  n°  47.  In-8°  de  36o  pages.  ;  prix  5  fr. et  6  fr,  25  c.  par 
la  poste. 

Le  général  Puget  -  Barbantane  est  un  des  caractères  hono- 
rables qui  appartiennent  essentiellement  à  la  révolution,  et 
dont  elle  est  fière;  né  d'une  famille  très-ancienne  et  fort  riche 
du  midi  de  la  France,  marquis  et  colonel,  il  se  plaça  ,  dès 
1789,  dans  les  rangs  de  cette  fraction  de  l'aristocratie  française 
qui  se  dévoua  tout  entière  aux  intérêts  nationaux  et  populaires. 
Il  est  difficile  de  faire  une  plus  complète  abnégation  de  tout 
intérêt  et  de  tout  orgueil  de  caste  que  M.  Puget  -  Barbantane  ; 
on  n'en  retrouve  pas  la  moindre  trace  dans  tout  le  volume  dont 
se  composent  ses  Mémoires;  et  partout,  au  contraire,  on  y 
reconnaît  un  homme  dont  les  vues  simples  et  droites  ne  ten- 
dent qu'au  bonheur  et  à  la  gloire  de  son  pays ,  et  qui  lui  a  fait 
bien  généreusement  tous  les  sacrifices  qu'il  pouvait  lui  faire. 
M.  Puget-Barbantane  ne  dissimule  point  que  le  gouvernement 
républicain  est  celui  qui  lui  a  toujours  paru  le  plus  conforme 
à  la  véritable  dignité  comme  à  la  raison  avancée  des  peuples. 
Toutefois,  il  avoue  qu'une  foule  de  motifs  doivent  faire  préfé- 
rer pour  la  France  la  monarchie  représentative.  Ses  Mémoires 
présentent  d'abord  des  détails  sur  une  affaire  où  s'essaya  pour 
la  première  fois  cette  influence  marseillaise  qui  devint  ensuite 
si  fatale  à  la  France  :  c'est  le  désarmement  du  régiment  suisse 
d'Ernest  à  Aix,  où  commandait  alors  le  général  Puget-Barban- 
tane. Vient  ensuite  l'organisation  du  comtat  d'Avignon  dont  il 
fut  chargé,  et  celle  de  l'armée  des  Pyrénées  orientales,  dont 
le  commandement  en  chef  lui  fut  quelque  tems  confié.  Il  y  fut 
très-utile,  par  ses  connaissances  théoriques,  à  des  officiers  qui 


758  LIVRES  FRANÇAIS. 

n'avaient  encore  que  du  courage,  et  ce  fut  assez  pour  arrêter, 
avec  8  à  10,000  hommes,  une  aimée  espagnole  de  36, 000.  Il  y 
a  peu  de  faits  importans  clans  le  reste-de  la  carrière  de  l'au- 
teur, à  qui  la  faiblesse  de  sa  santé  interdit  souvent  un  service 
trop  actif;  mais  le  règne'  du  Directoire  est  assez  bien  retracé 
dans  la  seconde  partie  de  ses  Mémoires,  quoiqu'on  y  désirât 
un  plus  grand  nombre  de  ces  anecdotes  et  de  ces  particularités 
que  les  relations  du  général  avec  Barras,  Sieyes,  Carnot ,  doi- 
vent l'avoir  mis  à  même  de  recueillir.  M.  Puget-Barbantane  fit 
quelque  teins  partie  de  cette  armée  d'Italie  qui  laissera  un  sou- 
venir de  gloire  impérissable,  et  il  vécut  assez  familièrement 
avec  son  illustre  chef.  11  était  présent  à  l'audience  fameuse  que 
Bonaparte  accorda  aux  députés  de  Venise,  et  dans  laquelle  il 
leur  annonça  qu'il  allait  renverser  l'autique  drapeau  de  Saint- 
Marc.  Entre  autres  circonstances,  il  raconte  qu'il  trouva  un 
jour  le  général  victorieux  dansant  une  allemande  dans  un  bos- 
quet avec  sa  femme,  au  sortir  d'une  conférence  où  il  dictait 
la  paix  de  Léoben;  action  qui  lui  semble  le  calcul  d'un  homme 
supérieur  qui  affecte  de  paraître  se  jouer  au  milieu  des  plus 
grandes  affaires.  Le  volume  est  terminé  par  des  pièces  justifi- 
catives. P.-A.  Dufau. 

292.  ■ — *  Souvenirs  d'un  militaire  des  armées  françaises  dites 
de  Portugal  ;  par  l'auteur  de  Y  Essai  sur  l'état  militaire  en  1826. 
Paris  ,  1827  ;  Anselin;  In-8°  ;  prix,  6  fr.  5o  c. 

Déjà  plusieurs  mémoires  ont  paru  sur  cette  armée  d'Espagne 
dont  les  travaux  pénibles  ,  les  dangers,  et  les  fatigues  sans 
cesse  renaissantes  ont  toujours  été  peu  connus  et  surtout  mal 
appréciés  d'une  nation,  dès  long-tems  accoutumée  à  voir  toutes 
ses  entreprises  guerrières  couronnées  par  de  brillans  succès. 
L'ouvrage  que  nous  annonçons  ,  écrit  par  un  officier  qui  a  pris 
part  aux  opérations  qu'il  retrace,  ajoute  une  nouvelle  page 
aux  annales  militaires  de  ce  siècle.  Non-seulement  l'auteur  s7v 
montre  juge  éclairé  des  plans  suivis  par  le  maréchal  duc  de 
Dalmatie,  chargé  du  commandement  du  corps  d'armée  dont  il 
raconte  spécialement  les  travaux  ;  mais  il  y  ajoute  encore  des 
considérations  d'une  haute  importance ,  surtout  en  matière 
d'administration  militaire  ,  et  qui  décèlent  un  esprit  d'obser- 
vation et  de  judicieuse  critique. 

Il  jette  d'abord  un  coup  d'œil  sur  l'état  général  de  la  Pénin- 
sule, en  1 809 ,  et  nous  place  au  milieu  de  cette  guerre  d'Espagne 
que  le  grand  capitaine  qui  présidait  alors  aux  destinées  de  notre 
patrie,  ne  pouvait  envisager  sans  un  profond  sentiment  de 
dépit  et  d'irritation  secrète ,  parce  que  les  événemens  y  trahis- 
saient ses  espérances  et  ses  calculs.  Il  nous  montre  les  braves 


SCIENCES  MORALES.  75o 

charges  de  la  soutenir,  au  milieu  de  privations  de  toute  nature , 
ci  moins  heureux  que  Leurs  frères  d'armes  qui  combattaieni 
sous  les  veux  du  chefsuprôme  ,  rie  pou  va  ni  obtenir  pour  prix 
de  leur  sang  el  de  tous  les  maux  qu'ils  enduraient,  les  mêmes 
récompenses  que  d'autres  recueillaienl  dans  tes  plaines  d'Alle- 
magne. Puis,  abordaul  le  sujel  qu'il  s'est  proposé  de  traiter 
d'une  manière  plus  particulière,  l'auteur  des  souvenirs  rend 
compte  des  opérations  de  l'armée  en  Galice  el  <!<•  l'invasion  du 
royaume  de  Portugal.  Non  style  généralement  rapide  et  animé 
nous  représente  les  cruelles  vengeances  d'un  peuple  à  demi. 
barbare,  qu'exaspéraient  toutes  les  passions  politiques  et  reli- 
gieuses, et  qui  avait  pour  lui  la  justice  de  sa  cause,  puisqu'il 
défendait  l'indépendance  nationale  contre  une  agression  injuste 
et  impie.  Heureusement,  l'horreur  que  font  éprouver  desserres 
tle  désolation  et  de  carnage  fait  souvent  place  à  l'admiration 
qu'inspirent  des  actes  d'un  généreux  dévoùment,  à  une  tendre 
pitié  pour  les  victimes  infortunées  de  cette  guerre  d'extermi- 
nation. Un  esprit  de  parfaite  impartialité  paraît  avoir  présidé 
à  la  rédaction  de  cet  ouvrage.  Partout  où  l'auteur  a  reconnu 
du  talent  ,  il  l'a  signalé  ;  partout  où  il  a  trouvé  de  belles 
actions,  il  s'est  plu  à  les  retracer,  soit  dans  nos  rangs,  soit 
dans  ceux  des  adversaires  que  nous  opposaient  l'Angleterre, 
l'Espagne  et  le  Portugal.  Ainsi,  à  côté  du  dévoùment  inlré- 
pide  du  caporal  Guérin  à  la  prise  d'Oporto,  du  soldat  Baudry 
au  passage  du  Doùro,  nous  remarquons  la  charité  toute  chré- 
tienne du  curé  de  Carhallinos. 

Une  partie  réellement  pittoresque  de  cet  ouvrage' est  surtout 
celle  où  l'auteur  décrit  à  grands  traits,  et  avec  une  énergie 
remarquable,  le  dénuement  absolu  de  nos  troupes  et  les  mer- 
veilleuses ressources  qu'elles  puisent  dans  leur  industrie  et  leur 
intelligence  naturelles,  dans  l'excès  même  de  leurs  misères  et 
dans  leur  inébranlable  fermeté.  Les  généraux  trouvent  aussi 
dans  le  simple  récit  des  opérations  leurs  droits  à  la  reconnais- 
sance nationale  ;  plusieurs  ont  reçu  depuis  une  illustration 
méritée.  Parmi  les  noms  qu'on  y  lit,  nous  aimons  à  retrouver 
celui  de  ce  général  Fot,  dont  l'éloquence,  aux  jours  d'un 
glorieux  repos,  défendait  à  la  tribune  les  droits  sacrés  de  ses 
concitoyens,  que  son  épée  avait  cessé  de  guider  dans  le  chemin 
de  la  victoire. 

En  un  mot,  les  Souvenirs  dont  nous  rendons  compte  méri- 
tent de  fixer  l'attention,  non-seulement  des  militaires,  mais 
encore  dé  ceux  qui  voudront  recueillir  des  matériaux  pour 
l'histoire  d'une  époque  si  fertile  en  événemens.  L.  Du. 

293. — *  Esquisses  des  mœurs  turques  au  XI A*  siècle ,  par 


7  Go  LIVRES  JFRANÇÀIS. 

Grcgoirc  Palaiologue,  né  à  Constantinople.  Paris,  1827  ;  Mou- 
tardier. In-8°;  prix,  6  fr. 

Les  circonstances  actuelles  ajoutent  beaucoup  d'intérêt  à  cet 
ouvrage  dans  lequel  l'auteur,  natif  de  Constantinople,  a  peint 
d'une  manière  vive  et  animée  les  mœurs  U.vques.  Fils  d'un 
ancien  chargé  d'affaires  de  l'hospodar  de  Valachie  auprès  de 
la  Porte  ottomane,  la  position  et  les  relations  de  sa  famille  lui 
ont  permis  d'étudier  de  bonne  heure  et  à  fond  la  nation  qu'il 
veut  nous  faire  connaître  (1).  Il  passe  tour  à  tour  en  revue  les 
divers  usages,  les  coutumes  singulières,  les  préjugés  grossiers 
du  peuple  ottoman.  Pour  initier  davantage  son  lecteur  dans  les 
sujets  qu'il  a  entrepris  de  traiter,  M.  Palaiologue  a  employé 
la  forme  de  dialogue.  De  cette  manière,  tantôt  il  nous  fait 
assister  à  une  conférence  de  graves  docteurs  de  l'islamisme  sur 
différens  points  théologiqnes  de  leur  croyance,  et  nous  voyons 
:jue  là  aussi  on  a  horreur  des  livres  et  de  l'imprimerie;  tantôt 
il  nous  introduit  dans  une  aimable  société  de  jeunes  femmes,  qui 
nous  racontent  leur  genre  de  vie,  la  manière  dont  elles  sont 
traitées  par  leurs  maris,  comment  elles  s'en  vengent,  etc.  Ces 
conversations  naïves  et  piquantes  ont  l'avantage  de  dérouler 
à  nos  yeux  le  tableau  exact  des  mœurs  turques.  Cependant, 
on  ne  saurait  nier  que  cette  forme  n'est  pas  toujours  aussi 
heureuse,  et  ce  qui  le  prouve,  c'est  que  l'auteur  est  obligé  de 
rejeter  dans  un  grand  nombre  de  notes  les  faits  et  les  détails 
qu'il  ne  pourrait  faire  entrer  dans  le  dialogue.  Il  résulte  de  là 
que,  pour  obtenir  un  renseignement  indispensable  à  l'intelli- 
gence du  sujet,  il  est  nécessaire  d'abandonner  momentanément 
la  conversation  d'un  personnage  pour  recourir  à  l'interpréta- 
tion donnée  par  l'auteur  dans  une  note  placée  à  la  fin  du  volume. 
Ces  notes  sont  cependant  très- instructives  et  n'offrent  pas 
moins  d'intérêt  et  d'agrément  que  les   autres  parties  de  l'ou- 


(1)  M.  Palaiologue  est  venu  en  France  pour  étudier  la  théorie  et  la 
pratique  de  l'agriculture.  Après  avoir  passé  deux  ans  à  la  ferme  mo- 
dèle de  Roviîle  ,  dirigée  par  M.  Mathieu  de  Dombasle  ,  où  il  a  suivi 
avec  succès  les  leçons  de  ce  célèbre  agronome  ,  il  se  propose  de  re- 
tourner en  Grèce  pour  y  établir  une  ferme  et  une  école  semblables 
a  celles  de  Rovillc,  et  destinées  à  propager  dans  son  pays  la  connais- 
sance des  procédés  perfectionnés  de  l'agriculture.  Un  pareil  établis- 
sement, placé  sous  la  direction  d'un  homme  instruit,  pourra  rendre 
d'importans  services  à  la  Grèce,  où  cet  art  de  première  nécessité  est 
aujourd'hui  presque  entièrement  négligé,  par  un  triste  effet  des  lonj;- 
malheurs  qui  ont  étouffe  momentanément  dans  ce  pays  l'essor  de 
toute  industrie. 


SCIENCES  MORALES-  UTTERATURE.        761 

vrage.  L'auteur,  pour  appuyer  ce  qu'il  a  avance  dans  les 
dialogues,  invoque  1<"  témoignage  des  voyageurs  les  plus  dignes 

tic  loi;  il  cite  des  fragmens  histoi  w|mcs,  (les  passades  tires  de-, 
codes  turcs  et  du  Coran,  cl    «les  anecdotes  curieuses. 

l'.n  résumé,  h*  livre  de   M-  Palaiologue  nous  parai!  j)roj)r(>  à 

faire  bien  connaître  cette  nation  orgueilleuse,  fanatique  et 
ignorante  que  l'Europe  civilisée  aura  peut-être  bientôt  à  com- 
battre ,  et  nOUS  en  conseillons  la  lecture  à  tous  ceux  qui  vou- 
dront se  faire  une  idée  exacte  des  vexations  auxquelles  les 
malheureux  Crées  ont  été  en  butte  pendant  plusieurs  siècles, 
et  bien  comprendre  la  politique  arrogante  et  barbare  du  ca- 
binet de  Constantinople.  Y. 

Littérature. 

29  4-  —  *  Dictionnaire  classique  de  la  langue  française  ,  avec 
des  exemples  tirés  des  meilleurs  auteurs,  et  des  Notes  puisées 
dans  les  manuscrits  de  Rivarol.  IVe  livraison:  gui-mon.  Paris , 
1827;  Brunot  Labbc.  In-8°  de  160  p.  (  481-640  j;  prix  de  la 
livraison  ,  3  {v. 

Nous  avons  annoncé  les  trois  premières  livraisons  de  cet 
ouvrage  (  voy.  ci-dessus,  p.  45i  )  :  la  quatrième  mérite  les 
mèmeséloges  que  les  premières;  elle  conduitjusqu'au  mot  Mon- 
ter inclusivement;  et  par  conséquent,  si  l'on  établit-la  propor- 
tion de  ce  Dictionnaire  sur  celle  de  l'Académie,  les  souscrip- 
teurs ont  déjà  les  quatre  septièmes  de  l'ouvrage  entier  , 
à  moins  que  les  éditeurs  n'ajoutent,  comme  Boiste  a  fait  à  la 
fin  de  son  Panlexicjue ,  les  listes  très-uliles  des  noms  propres, 
des  noms  géographiques,  etc. 

'j.(j 5  — Alphabet  phonomctricjuc  et  découverte  de  huit  lettres 
nouvelles  ,  par  Yirakd.  Grenoble,  1827  ;  imprimerie  de  Viallel. 
In-8°  de  3a  p. 

L'auteur  avait  envie  de  réformer  l'orthographe  française  et 
de  rendre  l'écriture  plus  conforme  à  la  prononciation,  lorsqu'il 
a  rencontré  les  huit  lettres  qu'il  livre  aujourd'hui  à  l'étude  des 
savans  Ce  sont  les  suivantes  :  ar ,  er,  ir ,  or ,  ur ,  eur ,  our,  et 
le  t  mouillé,  c'est-à-dire,  suivi  d'un  y. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  l'expérience  sur  la- 
quelle l'auteur  se  fonde  pour  trouver  des  voix  simples  dans  le 
son  de  ces  voyelles  suivies  de  I'r,  est  aussi  fautive  que  celle 
qui  lui  représente  le  ty  comme  un  son  élémentaire.  Comme  la 
solution  de  cette  difficulté  dépend  entièrement  de  la  délicatesse 
de  l'ouïe,  on  ne  peut  pas  faire  que  M.  Virard  entende  autre- 
ment qu'il  n'entend.  Mais,  ce  qui  sans  doute  est  plus  impor- 


76a  LIVRES  FRANÇAIS. 

tant,  el  ce  qui,  je  l'espère,  pourra  être  d'autant  plus  utile  à 
M.  Virard  qu'il  parait  dans  son  ouvrage  l'avoir  totalement  ou- 
blié ou  igroré,  c'est  que  parmi  les  lettres  ,  i°  les  eonsonnes  ont 
été  classées  par  Duiuarsais,  Court  de  Gébclin,  et  Beàuzée,  et 
je  pense  aussi  par  M.  Dcstutt  deTracy,  selon  l'organe  qui  les 
forme  :  classification  extrêmement  importante  pour  qui  voudra 
réformer  notre  orthographe,  puisque  de  là  peuvent  dépendre 
toutes  les  étymologies;  2°  les  voyelles  ont  été  rangées  moins 
souvent  ,  et  plus  arbitrairement  peut-être,  entre  autres  par 
M.  Leterrier,  dans  sa  grammaire  française.  Maisle  travail  à  faire 
sur  les  voyelles  est  bien  autrement  complexe  que  celui  qui  re- 
garde les  consonnes,  puisque  celles-ci,  du  moment  que  leur  pro- 
nonciation est  fixée,  n'en  peuvent  plus  changer,  à  moins  qu'elles 
ne  deviennent  quiescentes  dans  le  corps  ou  à  la  fin  des  mots.  Les 
voyelles,  au  contraire,  reçoivent  diverses  inflexions  de  circon- 
stance, de  timbre,  de  durée,  d'accent,  de  ton,  de  langage. 
C'était  en  classant  ces  circonstances  dans  un  ordre  naturel ,  et 
en  les  représentant  par  des  signes  simples  et  analogues, plutôt 
qu'en  formant  un  tableau  long  et  incomplet  de  nos  voix,  qu'on 
pouvait  espérer  un  résultat  tout-à-fait  utile.  Mais  M.  Virard 
ou  ne  la  pas  voulu  ,  ou  ne  Ta  pas  pu  ;  et,  malgré  le  désir  que 
nous  aurions  de  voir  s'établir  un  système  d'écriture  en  rapport 
avec  notre  lângifé,  nous  sommes  forcés  de  repousser  de  tous 
nos  vœux,  et  nous  l'espérons,  avec  tout  le  monde,  la  nouvelle 
orthographe  de  M.  Virard.  B.  J. 

296.  —  *  Classiques  français ,  ou  Bibliothèque  portative  de 
l'amateur.  32e  et  33e  livraisons,  composées  de  Y  Esprit  des  Lois, 
par  Montesquieu,  en  6  vol  ;  34e  et  dernière  livraison  formée 
des  OEuvres  diverses  du  même  auteur,  en  2  vol.  Paris,  1827  ; 
L:  Debure,  éditeur.  8  vol.  in  -  32  ;  prix  des  6  premiers ,  18  fr. 
et  des  2  derniers,  5  fr.  (  voy.  Rev.  Enc.  ,  t.  xxxu,  p.  484  )• 

Cette  jolie  collection,  qui  avait  d'abord  été  annoncée  en 
soixante  volumes,  et  qui  avait  été  portée  depuis  à  cent ,  en 
renferme  aujourd'hui  cent  trois.  L'éditeur  a  cru  devoir  s'arrê- 
ter avec  la  trente-quatrième  livraison;  mais  nous  espérons  que 
le  succès  qu'il  a  mérité  d'obtenir  l'engagera  plus  tard  à  nous  li- 
vrer encore  quelques  auteurs  qr,i  manquent  dans  sa  galerie  et 
que  nous  avons  indiqués  dans  l'article  rappelé  en  tète  de  celui-ci. 
Les  huit  volumes  qu'il  publie  aujourd'hui,  réunis  aux  trois  qu'il 
avait  déjà  consacrés  aux  Lettres  persanes  et  à  La  grandeur  et  la 
décadence  des  Romains  ,  par  Montesquieu  ,  complètent  les 
œuvres  de  cet  auteur  célèbre  (1).  Le  tome  icr  de  VEsprit  des 


(1)  Le  même  éditeur  a  fait  paraître  les  OEuvres  complètes  de  Montes- 


LITTÉRATURE.  :'<  I 

/..  m  contient  m  tète  YÉloge  de  Montesquieu  par  d'Alembert  ; 
X  Analyse  de  <<-t  ouvrage  immortel  par  le  même  académicien) 
puis,  l* Avertissement  et  la  Préface  de  l'auteur; à  la  lin  du  t.  v 
se  irouveut  la  Défense  de  l'Esprit  des  Lois,  les  Eclaircisscmem 
et  le  Remcrctment  sincère  à  un  homme  charitable  ,  attribué  à  Vol- 
taire; le  tome  vi  esl  entièrement  consacré  aune  table  analytique 
très-bien  laite  de  l'ouvrage.  E.  11. 

307.  —  *  Œuvres  posthumes  <lc  Boilcau  :  Satins  de  Perse  et 
deJuvénal,  expliquées)  traduites  et  commentées  par  ce  poëte 
français)  avec  le  texte  en  regard;  publiées  d'après  son  ma- 
nuscrit autographe;  par  L.  Parki.le.  Paris,  1827;  Lcievre, 
nie  de  l'Éperon,  n.  6*.  2  vol.  in-18,  de  xi  ,  280  et  a33  pages; 
prix,  7  fr. 

I  n  heureux  hasard  a  rendu  M.  Parelle  possesseur  de  ce 
travail  inédit  de  Boileau  sur  Perse  et  Ju vénal,  écrit  entière- 
ment de  la  main  de  l'auteur,  et  (pic  l'éditeur  offre  de  montrer 
aux  personnes  qui  désireraient  s'assurer  elles  mêmes  de  l'au- 
thenticité du  manuscrit  (1).  Une  pareille  annonce  eût  suffi 
jadis  pour  mettre  tout  le  monde  savant  en  campagne;  à 
peine  a-t-clle  éveillé  l'attention  de  quelques  anciens  amateurs 
des  lettres  qui  sont  restés  fidèles  au  culte  des  Muses,  au  t^oût 
et  aux  bonnes  études.  De  graves  intérêts  politiques  réclament 
sans  doute  une  grande  partie  de  notre  tems  et  nous  arrachent 
aux  doux  loisirs;  mais  on  ne  doit  point  se  faire  illusion  sur 
l'indifférence  des  gens  de  lettres.  Pour  beaucoup  d'entre  eux  , 
le  satirique  français  par  excellence,  le  législateur  du  Parnasse 
enfin,  n'est  plus  aujourd'hui  que  le 

Boileau  ,  correct  auteur  de  quelques  bons  écrits. 

Toutefois,  ils  pourraient  puiser  d'utiles  leçons  dans  la  lec- 
ture des  deux  volumes  inédits  que  nous  annonçons;  ils  y 
verraient  que  le  génie,  que  le  talent,  que  la  gloire  littéraire 
enfin,  ne  s'improvisent  pas,  et  sont  le  fruit  de  longues  études 
et  de  profondes  méditations,  de  la  part  même  du  poète  livré 
à  la  culture  du  genre  le  plus  facile  en  apparence.  Aujourd'hui, 
où  l'on  semble  si  pressé  d'accumuler  ce  que  l'on  nomme  des 
titres  littéraires,  il  est  douteux  que  beaucoup  de  nos  poètes 
voulussent  se  livrer  au   travail   que  Boileau  avait  entrepris, 

(/tii<  u  en  ivol.  in-S°;  prix,  sur  papier  vélin,  imprimé  à  deux  colonnes, 
3i  francs.  11  a  publié  également,  en  r  vol.  grand  in-8°,  mit  deux 
colonnes,  les  Œuvres  complètes  de  Voltaire ,  prix ,  36'  fr. ,  et  celles  de 
Molière ,  prix  ,  3o  fr.  —  Ces  3  volumes  sont  ornés  chacun  d'un  beau 
portrait  de  l'auteur  sur  papier  de  Chine. 

(i)  Il  demeure  à  Passy,  rue  Basse,  n°  t.  \ 


7r,4  LIVRES  FRANÇAIS. 

pour  donner  à  qin-lques-unes  de  ses  satires  toute  la  perfection 
dont  elles  étaient  «susceptibles.  Parmi  le  petit  nombre  d'excep- 
tions que  nous  pourrions  indiquer,  nous  nous  faisons  un  devoir 
et  un  plaisir  de  citer  l'habile  traducteur  de  Lucrèce,  dont  les 
ouvrages  resteront  bien  long- tems  après  que  les  œuvres  éphé- 
mères de  la  plus  grande  partie  de  nos  poètes  modernes  auront- 
été  oubliées.  C'est  qu'il  a  long-tems  essayé  ses  forces,  c'est 
qu'il  a  mûri  son  talent  dans  le  silence  de  l'étude  et  de  la  ré- 
flexion, avant  de  produire  un  ouvrage  qui  l'a  placé  tout-à- 
coup  au  premier  rang  de  nos  littérateurs,  dont  il  était  à  peine 
connu  quand  il  s'élança  dans  la  carrière  où  il  devait  laisser 
tant  de  rivaux  derrière  lui. 

Pour  revenir  à  Roileau,  après  avoir  lu  avec  attention  les 
deux  volumes  de  ses  oeuvres  posthumes,  nous  dirons  avec  l'é- 
diteur :  «  qu'on  peut  conjecturer  avec  assez  de  vraisemblance 
qu'entraîné  par  son  penchant  pour  la  satire,  il  s'était  efforcé 
d'éclaircir  chaque  ligne,  chaque  mot  d'un  texte  dont  il  voulait 
se  rendre  compte  à  toute  heure,  et  qu'ayant  déposé  le  résultat 
de  ses  veilles  dans  un  volume  contenant  les  deux  satiriques 
latins,  il  s'en  était  fait  un  livre  de  poche,  un  vade  meeiun, 
qui  lui  tenait  lieu  de  toutes  les  gloses  et  de  toutes  les  interpré- 
tations connues  jusqu'à  lui.  »  Ce  travail  mérite  bien  aussi  d'être 
le  vade  mecum  de  tous  ceux  qui  voudront  se  livrer  au  genre 
difficile  et  dangereux  de  la  satire,  dont  peut-être,  à  certains 
égards,  aucun  siècle  ne  réclama  davantage  l'emploi  que  celui 
dans  lequel  nous  vivons.  En  suivant  les  indications  de  M.  Pa- 
relle,  ils  retrouveront  dans  ces  études  àw  maître  les  traces  et 
les  germes  heureux  des  principales  beautés  qu'il  a  semées  de- 
puis dans  ses  satires;  mais  il  leur  restera  encore  un  beau 
champ  à  exploiter  et  une  mine  inépuisable  de  richesses  poé- 
tiques qui  n'attendent  plus  que  la  rime;  et,  sous  ce  rapport 
surtout,  la  traduction  de  Boileau  nous  paraît  préférable  à  celles 
que  nous  connaissons,  parce  qu'elle  est  faite  par  un  poète. 
Perse  et  Juvénal  seront  désormais  à  la  portée  d'un  plus  grand 
nombre  de  lecteurs,  et  les  poètes  français  qui  voudront  les 
imiter  auront  un  bon  guide  de  plus.  Nous  engageons  donc  nos 
jeunes  auteurs  à  se  mettre  à  l'ouvrage,  en  ne  perdant  pas  de 
vue  ce  précepte  de  morale:  dicere  de  vitiis  ^parcerc  personis. 
Perse  et  Juvénal  sont  encore  de  bons  modèles,  dont  nous  pou- 
vons mettre  les  richesses  à  profit,  malgré  l'éloignement  des 
tems  où  ils  ont  vécu  et  les  nombreux  changemens  survenus  dans 
la  forme  extérieure  des  mœurs  :  les  passions,  les  vices  et  les 
folies  des  hommes  sont  de  tous  les  tems  et  de  tous  les  pays. 

E.  Hkrfai. 


LITTÉRATURE.  7r>ri 

9<^8 — * Olluvrcs  Complète*  de  M.  h  vicomte  de  Cuatkaubbiani), 

pan-  do  France,  membre  <lc  l'Académie  française,  to*  livrai- 

son,  tonus  III  el  \\\  .  Paris,  18275  Lad  vocal.  2   vol.  in-8°  ; 
prix,  i5  fr.  (  Voy.  ci-dessus  ,  p.  <j\  .) 

le  tome  111  ,  faisant  partie  des  mélanges  historiques,  con- 
tient les  mémoires  sue  le  duc  de  Berry  .  accompagnés  de  pièces 
justificatives,  les  écrits  intitulés:  Le  toi  est  mort,  vive  le  roi  l 
vide  la  l'endèe,  et  les  Notices  biographiques  sur  I ai  Harpe  y 
Suitit-MarccUiii ,  Fontanes  et  le  général  Nansoaty. 

Le  tome  XXV,  qui  appartient  aux  mélanges  politiques-, 
renferme  le  traite  de  la  Monarchie  selon  la  Charte  et  les  écrits 
intitulés  :  ihi  Système  politique  suivi  par  le  ministère,  Remarques 
sur  les  affaires  du  moment,  Première  <  t  Seconde  Lettre  à  un  pair 
de  France. 

Nous  consacrerons  bientôt  un  3mo  article  ,  dans  notre  section 
des  Analyses ,  à  cette  grande  entreprise  littéraire. 

299.  —  *  Examen  des  Œuvres  complètes  de  M.  le  vicomte  de 
Chateaubriand,  par  A.  -  J.  -  ('.  Saint  Prosper,  auteur  d  une 
Fie  de  Louis  XVI  et  de  Y  Observateur  au  xixe  siècle ,  etc.  ior  et 
2me  numéros.  Paris,  1826  et  1827;  Pichard.  Deux  brochures 
in-8°  de  27  et  7'.}  pages  ;  prix  ,  2  fr.  et  2  fr.  25  par  la  poste. 

La  première  de  ces  deux  brochures  est  consacrée  à  l'examen 
de  X  Essai  sur  les  révolutions;  la  seconde,  à  celui  du  Génie  du 
Christianisme.  L'auteur  est  un  homme  de  beaucoup  d'esprit  et 
de  talent,  déjà  connu  par  des  ouvrages  remarquables.  Ayant 
entrepris  moi-même  de  rendre  compte  des  œuvres  de  M.  de 
Chateaubriand,  je  crois  devoir  m'abstenir  d'entrer  dans  aucun 
détail  sur  le  jugement  qu'en  porte  M.  Saint  -  Prosper.  Je  me 
bornerai  à  une  observation  générale  :  vivement  frappé  des 
beautés  de  l'écrivain  qu'il  examine,  M.  SaintsProsper  semble 
vouloir  lutter  avec  lui  de  chaleur  et  d'enthousiasme.  Cette  exal- 
tation répand  sur  plus  d'un  passage  de  X Examen  un  vague  et 
une  obscurité  que  l'on  trouve  bien  plus  rarement  dans  le  mo- 
dèle. C'est  bien  assez  que  l'exagération  et  la  recherche  du  style 
couvrent  aujourd'hui  de  nuages  la  plupart  des  compositions 
littéraires.  Tachons  au  moins  iVen  préserver  le  langage  de  la 
critique,  et  que  l'emphase  du  plaidoyer  ne  s'introduise  pas 
dans  le  résumé  du  juge.  0. 

300.  —  *  Poésies  diverses  de  M.  Cliarles  Nodier,  recueillies 
et  publiées  par  N.  Delangle.  Paris,  1827;  Delangle  frères, 
éditeurs-libraires,  rue  du  Baîtoir-Saint-André-dcs-Arts,  n°  iq. 
1  vol.  in-18  tle   187  pages.  Papier  velin;  prix,  4  fr. 

Au  milieu  du  fatras  prétendu  poétique  qui  surgit  de  toutes 
parts,  c'est  une  bonne  fortune  que  d'avoir  à  rendre  compte 


766  LIVRES  FRANÇAIS. 

d'un  recueil  de  vers  de  M.  Charles  Nodier.  Le  plaisir  de  les 
lire,  et  la  douce  jouissance  de  dispenser  des  éloges  mérités, 
font  alors  du  devoir  de  critique  une  tache  facilectagreabie.il 
admire  de  belles  pensées;  il  puise  de  la  chaleur  à  leur  foyer, 
son  ame  s'élève  avec  elles;  il  relit  les  vers  qui  l'ont  frappé,  il 
les  répète;  puis  il  cite,  et  c'est  encore  un  nouveau  bonheur 
qu'il  ajoute  au  premier. 

Le  succès  des  poésies  que  nous  annonçons  n'est  point  à  faire; 
il  ne  nous  reste  réellement  qu'à  le  constater,  et  rien  n'est  plus 
aisé.  Nous  engageons  à  lire  le  morceau  intitulé  :  C  Aigle  Céleste. 

Contemporain  du  jour  ,  créé  pour  la  lumière, 
Il  se  baigne  à  son  gré  dans  les  feux  du  soleil. 

La  romance  charmante  du  Rendez-vous  de  la  trépassée  ,  dont  le 
rhythmeestsi  élégant  à  la  fois  et  si  simple,  et  dans  laquelle  une 
jeune  coquette  dit  à  l'infidèle  Paulin  qui  regrette  la  pauvre 

Claire  : 

La  joie  est  si  vite  ravie 

A  nos  désirs! 
Faut-il  consumer  notre  vie 

En  déplaisirs? 
Viens  à  la  fête  qu'on  dispose 

Finir  le  jour, 
Et  tu  recevras  de  ta  Rose 

Merci  d'amour, 

Et  la  Blonde  J.saare ,  et  la  Violette  ,  imitée  de  Goethe,  et 
que  l'on  prendrait  pour  une  création;  et  V Hymne  à  la  Vierge , 
d'où  s'exhale  un  sentiment  si  pur,  si  poétique,  si  religieux  ,  et 
où  l'auteur  a  mis  quelque  chose  du  charme  ineffable  de  la  Di- 
vinité. 

Ainsi ,  cette  vierge  ingénue, 

Pleine  de  grâce  et  de  beauté, 

S'élance,  et  plonge  dans  la  nue 

Son  front  rayonnant  de  clarté. 

Le  chœur  mystérieux  des  anges 

Mêle  le  hruit  de  ses  louanges 

Aux  concerts  des  mondes  ravis  ; 

La  terre  frémit  devant  elle, 

Et  sous  les  pas  de  l'immortelle 

Les  cieux  abaissent  leurs  parvis. 


C'est  à  toi  que  la  voix  des  sages 
Promit  ces  destins  éclatans  , 
Que  leur  regard  ,  vainqueur  des  âges , 
Lisait  dans  les  fastes  du  tems. 


LITTÉRATURE.  767 

Tel  le  plongeur  penche*  rar  l'onde, 
D'une  vue  errante  el  profonde, 
[nterroge  le  lein  des  nuis , 
I'.i ,  sous  la  vague  blanchissante, 
[Vlarque  la  perle  éblouissante, 
Secret  trésor  <\v*  floti  amers. 

Les  vers  de  AI.  Nodier  sont  du  nombre  de  ceux  que  l'on  sait 
après  les  avoir  lu-.,  et  qu'on  désire  ne  point  oublier.  On  sera 
de  noire  avis  quand  on  aura  parcouru  les  morceaux  intitulés: 
V  Epoux  et  l'Epouse,  C  Inscription  ,  le  Bengali,  le  Poète  malheu- 
reux : 

Ce  bruit  qu'on  entendait,  c'est  celui  de  mes  fers  ! 

et  même  la  Napoléone,  qui  valut  tant  de  persécutions  à  l'auteur, 
et  qui  est  si  belle  d'amour  pour  la  liberté. 

Nous  ajouterons  que,  dans  la  préface,  due  à  la  plume  de 
M.  Delangle ,  et  dans  les  notes,  on  remarque,  avee  une  douce 
satisfaction,  que  le  cœur  de  M.  Nodier  est  ouvert  à  la  recon- 
naissance comme  à  l'amitié.  Il  y  parle  de  M.  Jean  Debry,  cet 
exilé,  toujours  victime  d'une  incroyable  fatalité  ,  comme  s'il 
était  encore  au  faîte  des  honneurs.  C'est  une  bonne  action  : 
cela  va  bien  avec  de  beaux  vers.  R. 

3oi.  —  *  Mélodies  helvétiques  ,  par  Charles  Didier.  Paris, 
1828;  Ambroise  Dupont  et  Cie  ,  rue  Vivienne,  n°  16;  Genève; 
Barbezat  et  Delarue.  In- 18.  Prix,  3  fr.  5o  c. 

Accueille/,  à  Français  Y  une  muse  étrangère 
Qui  se  présente  à  vous  sans  f.iste  et  sans  orgueil  ; 
File  a  pour  tout  trésor  l'expérience  amère 
De  vingt  ans  de  vie  et  de  deuil. 

C'est  ainsi  que  commence  le  volume.  L'auteur,  né  dans  un 
pays  où  les  poètes  n'attirent  guère  l'attention  du  public , 
cherche  an  refuge  parmi  nous.  C'est  de  vous,  nous  dit-il, 

C'est  de  vous  que  j'implore  un  généreux  appui. 

Il  est  jeune,  il  exprime  avec  dignité  son  amour  pour  la 
France  et  de  nobles  sentimens  :  il  obtiendra  facilement  la 
bienveillance  qu'il  demande.  Mais  les  qualités  précieuses  qui 
se  font  remarquer  dans  son  style  méritent  quelque  chose  de 
mieux  qu'un  bienveillant  accueil;  elles  doivent  lui  concilier 
cet  intérêt  véritable  qui  ne  craint  point  de  mêler  aux  éloges 
d'utiles  conseils.  On  trouve  dans  ses  vers  des  impressions  et 
des  images  poétiques,  le  sentiment  de  l'harmonie,  et  l'en- 
ente  de  la  période.  Il  a  reçu  de  la  nature  tout  ce  qui  est  né- 


76S  LIVRES  FRANÇAIS. 

cessaire  pour  s'avancer  assez  loin  dans  la  carrière  des  arts. 
Seulement,  il  a  pris  de  mauvais  guides;  qu'il  se  hâte  d'en 
changer.  Depuis  dix  ans,  on  a  délayé,  dans  des  volumes  de 
vers  anglais  et  de  rimes  françaises  une  ou  deux  pensées  sur 
le  néant  et  le  malheur  de  la  vie  humaine;  pensées  aussi  vieilles 
que  le  monde,  et  que  les  poëtes  de  l'antiquité  avaient  rendues 
avec  tant  d'énergie  par  un  seul  trait.  Ces  recueils  d'innom- 
brables variations  sur  un  seul motif ont  fait  fortune.  Déjeunes 
écrivains  pensent,  en  suivant  la  même  route,  parvenir  au 
même  succès.  Ils  se  trompent.  Dans  les  succès  de  ce  genre, 

L'ouvrage  est  peu  de  chose,  et  le  nom  seul  fait  tout. 

D'ailleurs,  sont-ce  les  applaudissemens  de  la  mode  que  doit 
ambitionner  l4e  vrai  talent? Non;  il  lui  faut  des  triomphes  du- 
rables ;  et  pour  mériter  d'en  obtenir,  il  doit  chercher  à  parer 
ses  ouvrages  de  beautés  qui  soient  de  tous  les  tems  et  de  tous 
les  lieux,  c'est-à-dire,  de  sentimens  vrais  et  de  grandes  pen- 
sées. La  poésie  vit  d'impressions  ,  va-t-on  me  répondre. 
Sans  doute,  mais  d'impressions  qui  achèvent  la  pensée,  qui 
approfondissent  le  sentiment.  Si  elle  n'avait  exprimé  que  des 
sensations  vagues,  des  rêveries  sans  but  et  sans  suite,  au  lieu 
de  l'appeler  la  langue  des  dieux,  on  lui  eût  donné  un  tout 
autre  nom.  Pourquoi  les  vrais  poëtes  sont-ils  placés  si  haut  dans 
l'opinion  des  peuples?  Parce  que  les  vrais  poëtes.,  doués  d'une 
force  extraordinaire  de  pensée,  ont  su  donner  une  autorité 
nouvelle  à  toutes  les  idées  qui  doivent  guider  la  civilisation , 
imprimer  une  nouvelle  énergie  à  tous  les  mouvemens  de  l'ame 
qui  constituent  la  dignité  de  l'espèce  humaine.  Il  semblerait 
que,  dans  un  siècle  qui  se  dit  éminemment  philosophe,  on 
devrait  plus  que  jamais  chercher  de  la  raison  dans  les  vers. 
C'est  le  contraire  qui  arrive,  j'en  conviens  :  mais  cela  ne  peut 
durer.  Que  les  hommes  d'un  véritable  talent  s'empressent  donc 
de  mépriser  des  préjugés  éphémères ,  qu'ils  reviennent  aux 
modèles  éternels  dont  le  public  n'a  pu  se  détacher  que  pour 
peu  de  tems.  M.  Didier  nous  paraît  du  petit  nombre  de  ces 
écrivains  qu'on  verrait  avec  peine  rester  dans  une  fausse  route. 
On  sent  qu'il  a  fait  une  étude  approfondie  de  tous  nos  versifi- 
cateurs mis  à  la  mode  par  la  contagion  du  spleen  et  la  prédi- 
cation de  l'illuminisme ,  et  qu'il  n'a  jamais,  ou  presque  jamais , 
pendant  son  travail ,  jeté  les  yeux  sur  nos  poëtes  dont  le  tems. 
a  confirmé  la  gloire,  ni  sur  ceux  qui  marchent  aujourd'hui 
sur  leurs  traces.  De  là,  dans  ses  vers  la  même  pénurie  dïdées 
et  de  sentimens,  la  même  monotonie  que  dans  les  ouvrages, 
qu'il  imite.  De  là,  trop  souvent,  le  même  défaul  de  goût;  la 


M!  Il.UATLTUv 
même  incohérence  d'images,  le  même  déluge  de  mots  non 

peux   qui    m*    nous  (lisent    rien.    \oici,    par    <x<:m  j>lc ,   quatre 

strophes  d'une  ode  sur  la  ohote  du  ReieimèeçA  i 

Renaissante  agonie J  ô  masse  intarissable 2 
De  ses  rugissement  étottrdissanl  les  bois. 
Le  gouffre  haletant  tressaille  sont  le  poids 
De  la  colonne  in  dvocable. 

Caucase  ,  quelle  voix  a  jeté  ces  claincui  s  ?... 
C'est  la  voix  du  lit  nu  tpii  pour  renaître  expire; 
Le  vautour  acharné  fond  sur-  lui,  le  déchire  , 
Et  se  nourrit  de  ses  douleurs!... 

D'une  aveugle  fureur  l'onde  ainsi  transportée 
Plonge  au  fond  de  l'abîme,  et  l'abîme  écumant , 
Par  les  flots  toi  turc  ,  souffre  éternellement 
Les  angoisses  de  Prométhée  !... 

O  désolation!  ébranlement  de  l'air, 

Vapeurs,  brouillards  mouvahs, froids  lour/)i/lons ,  ténèbres  , 
Lugubres  profondeurs,  ircmblcmcns ,  voix  funèbres  !... 
C'est  un  chaos...  non  ,  c'est  l'enfer! 

Si  c'était,  en  effet,  le  rôle  d'un  poète  d'aller  se  placer  de- 
vant une  cascade,  pour  réunir  péniblement  dans  sa  tète  tant 
d'idées  bizarres  et  de  figures  plus  bizarres  encore,  pour  ac- 
coupler tant  de  mots  vides  de  sens,  certes,  la  Suisse  n'aurait 
pas  grand  tort  de  rire  des  pactes ,  comme  le  dit  notre  auteur. 
Il  est  vraiment  déplorable  de  voir  un  jeune  écrivain  doué  des 
plus  heureuses  dispositions,  mais  séduit  par  de  fausses  doc- 
trines et  de  dangereux  exemples ,  perdre  tout  le  talent  de  fac- 
ture qui  se  montre  dans  l'avant-dernière  strophe,  à  nous 
peindre  l'abîme  où  tombe  une  cascade,  sous  la  figure  de  Pro- 
mrlhée.  Il  est  inconcevable  que  de  funestes  modèles  aient  pu 
faire  croire  à  un  homme  d'esprit  que  voir  dans  une  chute 
d'eau  d'abord  le  chaos  et  puis  l'enfer,  c'était  montrer  du  génie 
poétique.  On  en  est  d'autant  plus  fâché  que,  dans  d'autres 
passages,  il  fait  preuve  de  bien  plus  de  talent  encore,  quoique 
l'influence  de  l'école  s'y  fasse  toujours  sentir.  Telles  sont  les 
stances  suivantes  : 

Cédant  «à  la  mélancolie 

Que  le  soir  répand  sur  les  eaux  , 

Won  Ame  calme  ,  recueillie  ,  * 

Et  dans  soi-même  ensevelie, 

Se  livre  à  des  désirs  nouveaux. 

Plaisir  sans  nom  ,  joie  ineffable  , 

T.  xxnvi. —  Décembre  1827.  49 


7  7o  LIVRES  FRANÇAIS. 

O  sentiment  vague  et  profond  ! 
Par  un  charme  indéfinissable , 
Le  flot,  en  mourant  sur  le  sable  , 
Semble  m'entendre  et  me  répond. 

De  ces  accens  la  langue  humaine 
Peut-elle  peindre  les  douceurs? 
Comme  un  captif  hors  de  sa  chaîne  r 
O  Léman  !  quel  pouvoir  m'entraîne 
Dans  tes  limpides  profondeurs! 

Sous  tes  abîmes  qu'on  ignore  , 
Est-il  un  Eden  réservé 
Pour  le  poëte  qui  t'adore , 
Et  son  œil  y  voit-il  éclore 
Un  bonheur  qu'il  n'a  pas  rêvé? 

Jadis  Glaucus ,  épris  de  l'onde  * 
A  son  appel  mélodieux, 
Disparut  dans  la  mer  profonde , 
Où  l'attendaient  l'oubli  du  monde 
Et  la  félicité  des  Dieux. 

Sans  doute,  les  personnes  qui  aiment  la  poésie  pourront 
prendre  de  l'humeur,  en  voyant  prêter  au  poëte  de  si  singu- 
lières fantaisies,  un  enfantillage  si  peu  naturel.  Mais  c'est  la 
faute  de  cette  école  qui  semble  avoir  pris  à  tâche  de  repré- 
senter les  poètes  comme  des  espèces  de  fous.  Ce  qui  appartient 
à  l'auteur,  c'est  la  grâce  exquise,  l'harmonie,  le  charme  de  ces 
élégantes  strophes.  La  seconde  est  pleine  d'expressions  poé- 
tiquement heureuses  :  la  dernière  relève  un  peu  la  pensée  pre- 
mière de  la  pièce  et  semble  l'ennoblir.  Quelque  frivole  que  soit 
cette  peinture,  nous  ne  la  blâmons  point;  mais  nous  voudrions 
en  rencontrer  moins  souvent  du  même  genre  dans  le  recueil 
de  M.  Didier.  La  seule  pièce  où  il  ait  mis  une  action  intéres- 
sante est  la  Prédiction.  Là,  il  ne  s'agit  plus  seulement  de  cas- 
cades, de  crépuscules,  de  montagnes,  ou  de  lacs;  c'est  Rigas, 
livré  par  l'Autriche,  léguant  à  ses  compatriotes  sa  vengeance  et 
ses  grands  desseins.  Voilà  les  sujets  que  doit  traiter  la  poésie , 
si  elle  ne  veut  point  descendre  du  haut  rang  qui  lui  appartient. 
M.  Didier  a  prouvé  qu'il  savait  revêtir  de  couleurs  poétiques 
des  idées  justes  et  des  sentimens  élevés,  soit  lorsqu'il  peint  le 
bonheur  de  l'enfance  par  ce  vers  exquis  : 

Un  sourire  toujours. brille  à  travers  nos  pleurs  ; 

soit  lorsqu'il  rappelle  ces  citoyens  qui,  gardiens  des  droils  des 
nations, 

Proclament  fièrement  devant  la  tyrannie 


L1ÏTI.U  \!'IHK.  77  ï 

La  liberté  des  ans ,  de  L'homme  01  <lu  génie , 

Bt  ,  inaiehmt  avee  ralnie  aux  sentiers  du  devoir, 

Méprisent  mm  orgueil  Ici  chaînée  du  pouvoir « 
Dans  une  pièce  très-courte,  et  que,  pour  cette  raison,  je 

puis  citer  toute  entière,  il  a  montré  aussi  qu'il  savait,  rajeunir 
des  idées  vieillies  par  une  imagé  qui  lin  appartient.  Ce  morceau 
est  intitulé  le  Mois  de  mai. 

Le  mois  de  mai ,  paré  de  guirlandes  nouvelles  , 
Et  bercé  mollement  au  Souffle  des  zéphyrs  , 
Couvrant  les  bois  fleuris  de  ses  Légère!  ailes, 
Au  monde  rajeuni  promet  de  longfl  plaisirs. 

Mais,  à  peine  des  bois  courbant  la  chevelure, 
1  a  brise  doucement  glisse  dans  le  vallon  , 
Que  des  arbres  en  fleurs  l'éclatante  parure 
Blanchit ,  en  s'cffeuillant ,  les  tapis  de  gazon. 

Au  printems  de  nos  jours,  notre  âme  «à  peine  éclose 
Voit  ainsi  l'avenir  rayonnant  de  bonheur, 
Et  sur  un  doux  espoir  sans  crainte  se  repose 
Comme  le  papillon  sur  le  sein  d'une  fleur. 

D'un  avide  regard  dévorant  l'existence, 

Elle  y  voit  le  plaisir,  l'amour,  la  volupté; 

Mais ,  hélas  !  chaque  jour  ,  les  fleurs  de  l'espérance 

Tombent  au  souffle  amer  de  la  réalité. 

On  ne  peut  guère  blâmer  ici  que  les  mots  (^existence  et  de 
réalité  y  qui,  complètement  anti  -  poétiques,  nuisent  à  l'effet 
de  l'image.  L'auteur  doit  encore  cette  tache  légère  à  l'influence 
de  la  nouvelle  école  qui  remplit  ses  vers  des  expressions  les 
plus  métaphysiques,  comme  Xétre,  X espace,  X infini,  etc. 

Nous  le  répétons,  que  M.  Didier  se  sépare  de  cette  école  qui 
ne  peut  donner  que  des  succès  d'un  jour;  qu'il  étudie  les 
grands  poètes,  qu'il  rassemble  des  idées  dignes  d'être  expri- 
mées en  vers;  qu'il  ne  regarde  la  peinture  des  scènes  de  la 
nature  et  des  impressions  vagues  qu'elles  produisent  que  comme 
un  brillant  accessoire;  qu'il  mette  dans  ses  poèmes  de  l'action 
et  de  la  variété.  S'il  suit  ce  conseil,  il  ne  tardera  pas  à  nous  en 
remercier.  Alors, l'harmonie  de  son  style,  l'éclat  de  ses  images, 
produiront  tout  leur  effet  :  il  satisfera  l'esprit  et  le  cœur  en 
charmant  l'oreille.  Les  idées  qu'il  aura  puisées  dans  ses  propres 
méditations  donneront  à  ses  écrits  le  caractère  de  L'originalité. 
Il  pourra  laisser  loin  derrière  lui  les  modèles  qu'il  imite  et  qu'il 
égale  quelquefois.  Un  jour  peut-être  la  France,  non  contente 
de  l'accueillir,  honorera  son  talent.  L.  Z. 

A9- 


-:*  LIVRES  FRANÇAIS. 

3oi.  —  *  Loisirs  poétiques,  ou  Recueil  de  chants  élégiaques  , 
par  Eugène  L'Ebràlv.  Paris ,  1827;  Bocquet  et  comp.  In-18 
de  212  pages;  prix,  4  fr- 

Dans  notre  cahier  de  janvier  dernier  (tom.  xxxui,  p.  a$4')> 
(Mi  portant  un  jugement  sévère  sur  trois  Chants  héroïques  pu- 
bliés par  M.  L'Ebraly ,  j'ai  laissé  entrevoir  que  ce  jeune  pàeïè 
donnait  quelques  espérances.  J'annonce  aujourd'hui  avec  plai- 
sir qu'elles  sont  en  partie  confirmées  par  les  élégies  qu'il  vient 
de  mettre  au  jour.  Le  style  de  M.  L'Ebraly,  plus  naturel,  et 
plus  pur  dans  ces  dernières  compositions  ,  n'a  pas  moins  gagné 
sous  le  rapport  de  l'élégance.  Ce  style  ,  plein  d'une  douce  sen- 
sibilité, ne  manque  ni  de  grâce,  ni  d'harmonie.  On  en  pourra 
juger  par  ces  vers,  les  premiers  du  recueil.  C'est  le  commence- 
ment d'une  épître  dédicatoire  que  l'auteur  adresse  à  sa  mère  : 

O  toi!  de  qui  je  tiens  le  jour, 

Toi  dont  l'ineffable  tendresse 
Des  soins  les  plus  touchans  entoura  ma  jeunesse, 
Et  dont  l'amour  pour  moi  devança  mon  amour! 
Ma  mère,  il  te  souvient  que,  dès  mon  premier  âge, 
Loin  du  bruit  des  cités  ,  avec  ma  jeune  sœur, 
Des  plus  pures  vertus  pratiquant  la  douceur, 
Je  vis  de  mes  beaux  jours  s'embellir  ton  veuvage. 
Avec  toi  je  versai  des  pleurs  délicieux... 
Que  la  nature  alors  était  belle  à  mes  yeux! 
Oui,  si  le  vrai  bonheur  n'est  pas  une  chimère, 
J'ai  dû  le  rencontrer  dans  les  bras  de  ma  mère. 

Toutefois,  les  deux  derniers  Vers  rappellent  un  peu  trop 
deux  vers  bien  connus  du  Mérite  des  Femmes.  Ce  penchant 
aux  réminiscences  est  bien  plus  remarquable  dans  d'autres  pas- 
sages du  recueil  de  M.  L'Ebraly.  Lorsque  son  Adolescent  ma- 
lade s'écrie  : 

Je  suis  jeune  et  je  prie  ,  et  voilà  que  je. meurs! 
Je  meurs,  sans  avoir  vu  dix-huit  printems  encore. 

Qui  ne  retrouve  aussitôt  dans  sa  mémoire  les  admirables 
adieux  de  Gilbert  à  la  vie,  et  la  jeune  fille  mourante  d'André 
Chénier?  Comment,  dans  ces  vers  de  la  fille  du  Tage  : 

Ils  répétaient  en  chœur  leur  chanson  la  plus  belle; 
Moi...  je  me  suis  prise  à  pleurer, 

ne  pas  reconnaître  un  mouvement  touchant  de  la  Pauvre  fille 
de  M.  Soumet?  Comment  lire,  dans  X Enfant  de  l'Occitanie  : 

J'irai  mourir  loin  de  ma  mère, 


UIÏÏ  il  \Tl  ItF.. 

El  loin  d'elle  étr»  ■  rut  veli , 
Pour  que  le  pâtre  goUtaii  t 
Poule  seul  l'aride  brui fcre 

(  )('i  mu  midi  doit  peter  L'oubli. 

Sans  songer  aussitôt  à  la  Chute  des  Feuilles  de  Rfillevoye?  L'élé- 
gie, intitulée  Y  Orphelin ,  c^t  idiii  à  fail  semblable,  pour  le  fond 
au  sujet  »  .1  I1 'Anniversaire  du  même  auteur.  Que  M.  L'I.braly 
se  persuada  bien  qu'il  n'a  rien  à  gagner  à  de  pareils  rappro- 
chemens.  Je  ne  m  appesantirai  poînl  ici  sur  quelques  fautes 
contre  la  langue  ou  contre  la  mesure,  sur  quelques  rimes  in- 
suffisantes ou  mal  croisées;  je  mets  volontiers  ces  négligences 
sur  !<'  compte  de  la  distraction-  Mais  je  ferai  à  l'auteur  un  re- 
proche plus  sérieux  de  cette  affectation  «le  simplicité  qui  le 
conduit  quelquefois  à  un  prosaïsme  maussade.  Qui  pourrait 
reconnaître  le  langage  tics  inuses  dans  ce  début  de  la  Jeune 
Varice  : 

Si  vous  gagnez  les  lieux  où  N;irl)onne  apparaît, 
A  peu  près  tout  au  bas  des  liantes  Pyrénées  , 
Vous  devez  voir  surgir  d'une  antique  forêt 
Deux  ou  trois  tours  abandonnées. 

Et  dans  ces  vers  de  l'élégie  intitulée  Notre-Dame  des  Alpes  : 
Il  se  rend  à  Paris  pour  gagner  de  l'argent. 

Malgré  tous  ces  défauts,  nous  nous  plaisons  à  le  répéter,  le 
style  de  ce  recueil  prouve  que  M.  L'Ebraly  a  souvent  le  senti- 
ment de  la  poésie.  Mais  des  qualités  non  moins  essentielles 
mauquent  encore  à  ce  jeune  écrivain  :  dans  presque  toutes  ses 
élégies,  |e  sujet  est  faiblement  conçu  ;  la  composition  ,  à  la  fois 
diffuse  et  incomplète,  flo'te  dans  un  vague  où  l'esprit  du  lec- 
teur a  bien  de  la  peine  à  suivre  l'idée  du  poëte.  Remarquons, 
pour  être  justes,  que  ce  défaut  n'est  point  particulier  à  M.  L'E- 
braly, qu'il  a  été  érigé  en  système  par  une  école  de  jeunes  lit- 
térateurs qui  supposent  que  ces  traits  iucertains  et  vaporeux, 
ces  contours  nébuleux  comme  les  premiers  essais  de  la  litho- 
graphie, ont  un  certain  charme  pour  le  h'eteur  dont  l'imagina- 
tion se  plaît  à  achever  le  tableau.  VTaiues  espérances!  quand 
le  dessin  le  plus  vigoureux  laisse  rarement  une  empreinte  du- 
rable dans  I esprit  distrait  et  oublieux  du  public;  que  sera-ce 
de  ces  images  fugitives  déjà  presque  effacées  sous  la  main  qui 
les  trace  ?  Telles  sont  malheureusement  les  peintures  de  M.  L'E- 
braly. Plusieurs  de  ses  sujets  :  X Ermite  de  la  vallée  tyrolienne , 
la  Fille  du  Tage ,  la  Fiancée  de  Ih'narès ,  l'Odalisque  ,  la  Jeune 


7:4  LIVRES  FRANÇAIS 

mariée,  ne  sont  pas  dénués  d'intérêt.  Et  pourtant,  le  souvenir 
de  ees  pièces  est  prompt  à  s'effacer. Qu'il  s'applique  à  mettre  à 
l'avenir  dans  ses  compositions  plus  de  clarté,  plus  île  précision, 
de  vigueur  et  d'effet  dramatique.  Qu'il  se  défende  en  même 
teins  de  celte  mélancolie  banale  qui  va  puiser  des  inspirations 
dans  les  infortunes  les  plus  vulgaires.  Les  mendians  sont  dignes 
d'intérêt  dans  l'ordre  moral;  mais  ils  n'offrent  point  aux  arts 
d'imitation  une  nature  assez  choisie.  Le  cri  du  besoin  est  déchi- 
rant; mais  la  poésie  ne  sait  bien  exprimer  que  les  belles  dou- 
leurs. 

M.  L'Ebraly  qui  paraît  fort  mécontent  des  critiques,  verra, 
je  l'espère  ,  dans  mes  observations  ,  l'intérêt  que  je  prends  aux 
progrès  de  son  talent.  Ce  talent  s'annonce  à  plusieurs  égards 
d'une  manière  assez  heureuse  ;  mais,  pour  briller  d'un  véritable 
éclat ,  il  faut  qu'il  s'élève  ,  par  de  courageuses  études  ,  de  l'imi- 
tation des  défauts  à  la  mode  à  celle  des  beautés  de  tous  les 
tems.  Ch. 

3o3.  —  * Le  Chansonnier  des  Grâces ,  pour  1828.  Paris,  1827; 
Fr,  Louis,  éditeur.  In- 18  de  3oo  pag.  de  texte, 40 pag.  de  mu- 
sique, une  jolie  gravure  et  un  frontispice,  d'après  Chasselat; 
prix,  3  fr.;  et  par  la  poste,  3  fr.  5o. 

Ce  charmant  recueil  soutient  son  ancienne  supériorité  par  le 
nombre,  la  variété  et  le  bon  choix  des  pièces  qu'il  renferme; 
et,  s'il  a  dû  sa  réputation  à  quelques  auteurs  connus  depuis 
long-tems  ,  chaque  année,  quelque  nouvelle  Muse  lui  doit  à 
son  tour  la  sienne.  On  aime  à  voir  concourir  à  sa  rédaction  les 
mainterieurs  de  la  gaie  science  et  ses  jeunes  adeptes  ,  à  com- 
parer les  dernières  lueurs  d'une  gloire  parvenue  à  son  apogée 
avec  les  premiers  rayons  d'une  gloire  naissante.  On  compte, 
dans  le  Chansonnier  des  Grâces  de  1828,  i85  pièces  et  plus  de 
cent  auteurs;  on  doit  penser  que  tous  les  goûts  y  trouveront  à 
se  satisfaire,  et  l'on  en  est  convaincu  d'avance,  quand  on  lit  à 
la  table  les  noms  de  Mmes  Desbordes-  Valmore ,  Tastu  et  Céleste 
Vicn  y  et  de  MM.  Ândrieux ,  Arnault ,  Brazier ,  Creusé  de  Les- 
sert,  Casimir  Delavigne ,  Désaugicrs  ,  Justin  Gensoul ,  Edmond 
Gè'rauii ,  Hippolytc-Louis  Guérin  ,  Léon  Halevy,  Victor  Hugo , 
Naudet ,  Eusèbe  Salvertc ,  Scribe  et  Théauhn.  Parmi  les  plus 
jolies  pièces  ,  on  remarque  celles  qui  portent  les  titres  suivans  : 
A  mes  amis  ,  la  Fille  du  Rosier,  la  Consigne,  les  Conseils  du 
Vieillard,  Glissez,  n'appuyez  pas  ;  Si  j'étais  roi  pour  un  Jour! 
Voyez  un  peu  la  médisance  !  Dagobert  à  la  chasse ,  Mes  châteaux 
en  Espagne  y  etc.  Nous  citerons  comme  11  ri  modèle  de  la  vraie 
chanson,  de  la  chanson  telle  que  l'entend  notre  poëte  national 
Jhérangcr,  la  Loi  du  Baron,  par  M.  Hippolylc- Louis  Guéri:», 


IJTTKKATLIŒ.  77λ 

Ut)  des  plus  aimables  auteurs  dont  le  Chansonnier  de*  Grâces  ait 
révélé  le  talent.  E.  II. 

3o£.  —  *  Cromweli,  drame;  par  /  ictor  Hugo.  Paris,  1828, 
(18/7);  Amb.  Dupont  el  comp.  En  8°  de  ucivet  /t 7 G  pages; 
prix,  8  fr. 

L'intérêt  du  sujet,  la  tiogiilarité  de  l'exécution,  le  talent 

original  de  l'auteur,  four  dans  cet  ouvrage  est  fait  pour  piquer 

la  curiosité  publique,  Nous  nous  proposons  d'eu  rendre  inces- 
samment un  compte  détaillé  dans  notre  section  des  Analysas. 

Cir. 

3o5. —  Conradin,  tragédie  en  cinq  actes  et  en  vers,  par 
M.  le  chevalier  dk  Cuzky  ,  avec  une  gravure  d'après  une 
statue  d'Elisabeth ,  mère'  de  Conradin.  Paris,  1827;  Mmc'  Vergne, 
place  del'Odéon,  n°  1.  In-8°;  prix,  2  fr. 

1J  est  peu  de  contrées,  durant  le  moyen  âge  ,  qui  offrent  un 
aussi  grand  nombre  de  sujets  intéressons  à  la  scène  tragique 
que  le  royaume  de  Naples  et  de  Sicile.  L'établissement  de 
Charles  d'Anjou,  à  qui  le  pape  donna  ce  beau  pays,  à  l'exclu- 
sion des  successeurs  de  l'empereur  d'Allemagne,  ne  se  lit  point 
sans  effusion  de  sang.  L'usurpateur  s'étant  emparé  du  jeune 
Conradin,  héritier  légitime  de  l'empereur  Frédéric  II,  le  fit 
mettre  à  mort  au  milieu  de  la  place  publique,  ainsi  que  plusieurs 
jeunes  seigneurs  qui  s'étaient  associés  à  ses  dangers  :  ce  fut 
en  vain  qu'Elisabeth,  mère  de  ce  malheureux  prince,  accourut 
dans  l'espoir  de  l'arracher  à  la  mort.  Voilà,  sans  doute,  un 
sujet  propre  au  poème  dramatique.  Voici  ce  que  l'abbé  Vély 
raconte  des  derniers  raomens  de  Conradin  :  «  On  vit  alors  dans 
Conradin  ce  mélange  de  force  et  de  faiblesse  que  devaient  na- 
turellement produire  dans  un  enfant  les  semences  d'un  grand 
courage,  à  la  vue  d'une  mort  indigne  et  prématurée.  Il  ramasse 
.  la  tête  de  son  généreux  ami,  !a  baise  tendrement,  lui  demande 
mille  fois  pardon,  si,  pour  prix  de  son  amitié,  il  n'a  pu  lui 
procurer  qu'une  fin  si  tragique...  Puis,  jetant  son  gant  au 
milieu  de  l'assemblée,  pour  marque  d'investiture,  il  déclare 
qu'il  cède  tous  ses  droits  au  royaume  de  Sicile  à  qui  le  vengera 
d'un  vainqueur  barbare,  etc.  » 

Tel  est  le  sujet  de  la  tragédie  de  M.  de  Cuzey.  Cette  pièce 
n'a  pas  été  représentée ,  et  nous  ne  pouvons  prononcer  sur 
l'espèce  de  mérite  que  le  jeu  du  théâtre  peut  seul  faire  appré- 
cier. Toutefois,  elle  inspire  à  la  lecture  un  véritable  intérêt. 
Auprès  du  faible  et  ambitieux  Charles  d'Anjou  et  des  ministres 
italiens  qui  l'excitent  à  la  cruauté  ,  on  aime  à  voir  le  vertueux 
Desporcelet,  chevalier  français,  qui  ne  cesse  d'employer  son 
éloquence  pour  empêcher  l'usurpateur  de  commettre  un  crime 


7:G  LIVRES  FRANÇAIS. 

inutile;  on  aime  à  l'entendre  dire  à  Frangipani,  ministre  dt* 
Charles,  qui  rengage  à  concourir  à  la  perte  de  Conradin,  cl 
le  flatte  de  voir  payer  sa  condescendance  par  de  grandes 
largesses  : 

Seigneur,  qu'avez-vous  dit? 

Un  chevalier  français  ne  connaît  de  richesses 

Que  celles  qu'il  acquiert  sans  crime  et  sans  bassesses. 

Parmi  les  biens  qu'il  cherche  avec  avidité, 

lia  valeur,  les  vertus  font  sa  félicité  ; 

La  justice  est  sa  loi;  l'honneur  est  sa  fortune; 

Il  maudit  des  flatteurs  la  parole  importune; 

Sert  son  roi ,  fait  le  bien  ,  et  n'attend  que  de  Dieu 

Le  fruit  dé  ses  bienfaits  qu'il  répand  en  tout  lieu... 

Plusieurs  parties  de  Cet  ouvrage  prouvent  du  talent  pour  in 
versification;  toutefois,  quelques  vers  faibles  se  font  d'autant 
plus  remarquer  qu'il  semble  facile  de  leur  donner  un  tour 
poétique.  M.  de  Cuzey  a  fait  des  études  profondes  dans  les 
arts  du  dessin.  Il  se  délasse  de  la  peinture  par  la  poésie,  et  de 
la  poésie  par  la  peinture,  et  personne  ne  peut  apprécier  mieux 
que  lui  le  précepte  d'Horace  :  Ut  pictura  pocsis  erit...  et  celui 
d'Alphonse  Dufresnoy  :  Similisque  poesisit  pictura.  (Voyez,  à 
l'article  Beaux-arts ,  dans  la  section  des  Nouvelles  de  France.  ) 
Les  amateurs  de  tableaux  ont  remarqué,  dans  l'église  de  Saint- 
Sulpice,  à  Paris,  celui  qui  représente  le  martyre  de  sainte 
Perpétue  :  la  tête  de  la  jeune  vierge  est  d'une  grande  élévation 
de  style.  Nous  aimons  à  signaler  cette  réunion  si  rare  du  talent 
du  peintre  et  de  celui  du  poëte.  Brès. 

3o6.  —  *  Les  Chroniques  de  la  Cano/rgafe ,  par  sir  Walter 
Scott;  traduites  de  l'anglais  par  A.-J.-B.  Defauconpret,  avec 
des  Notes  explicatives.  Paris,  1828  (1827);  Gh.  Gosselin.  4  vol. 
in-12;  prix,  12  fr. 

Voilà  donc  Walter  Scott  hors  de  l'histoire  et  rendu  à  fa 
vérité  par  le  roman.  Plus  de  ces  étroits  préjugés  de  nation  et  de 
parti  qui  loi  ont  fait  défigurer  les  annales  contemporaines,  il 
reparaît  avec  cette  science  profonde,  cette  expression  impar- 
tiale du  passé  qui  donnaient  à  des  compositions  légères  et  re- 
gardées généralement  comme  frivoles  un  caractère  singulier 
d'importance  et  de  gravité.  Cette  nouvelle  production ,  sans 
égaler  les  chefs -d'oeuvre  de  l'auteur,  se  place  toutefois  parmi 
ses  meilleurs  ouvrages  dans  un  rang  honorable;  elle  se  dis- 
tingue par  des  mérites  absolument  semblables,  par  l'heureuse 
création  des  caractères,  la  fidélité  du  costume  et  du  langage, 
là  verve  spirituelle  du  style.  Si  la  décadence  s'y  fait  sentir, 
cVst  txMit  au  phïs  dans  la  prolixité  négligée  de  certains  détails. 


MTTKK  vniw..  -:: 

Ce  reproche  s'adicsse  particulièrement  an  premier  volume  du 
livre,  qui  lui  sert  dé  préface  cl  décadré.  Leê  aventures  de 
!\I.  Ùpftà/ffpy,  nouv.au  membre  de  celle  famille  ée$  C entier* 
/>{((•/>,  des  Clcisbotliam  ,  des  Car^ill ,  si  connue  des  lecteurs  de 
\\  aller  Scott,  offre  une  peinture  pleine  de  îiaîurel,  et  à  laquelle 
il  ne  manque  qu'un  dessin  plu-,  eorreel  et  plus  soigné,  pont 
incritt fi  l'honneur  qu'on  lui  a  fait,  dans  un  de  nos  Meilleurs 
journaux  littéraires  (  le  Clobe  ),  en  la  rapprochant  des  tableaux 
achevés  de  l.esage.  La  Fille  du  Chirurgien  ne  serait  qu'un 
icinan  vulgaire,  si  l'on  n'y  trouvait,  au  début  cl  au  denoù- 
incnt,  représentés  avec  inliniinent  de  naïveté  Ou  d'éclat,  l'inté- 
rieur d'un  pauvre  médecin  de  campagne,  et  la  cour  des  mo- 
narques de  l'Inde.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  vraiment  remarquable 
dans  Cfette  espèce  de  recueil,  ce  sont  les  deux  histoires  qui  com- 
posent le  second  volume,  la  Veuve  du  montagnard  et  les  Dee.e 
Bouviers;  je  ne  crains  pas  ,  malgré  leur  peu  d'étendue ,  de  les 
comparer,  pour  la  vérité  de  la  peinture  et  l'intérêt  pathétique 
des  situations,  à  ce  que  l'auteur  a  écrit  de  plus  beau.  On  y 
trouve  surtout  admirablement  exprimé  le  contraste  de  la  civili- 
sation récente  de  l'Ecosse  avec  ses  anciennes  mœurs.  Je  m'éten- 
drais davantage  sur  ces  deux  morceaux,  si  je  n'avais  eu  souvent, 
dans  ce  Recueil,  l'occasion  de  rendre  hommage  au  génie  de 
Waller  Scott  (voyez  particulièrement  Bec.  Eric. ,  t.  xviii,  p.  33 1; 
t.  xix,  p.  /,/48  ;  t.  xxi,  p.  /,33).  K.  P. 

307.  —  *  Le  Corsaire,  rouge,  roman  américain,  par  James 
Fenimore  Coopeu;  traduit  de  l'anglais,  par  A.-J.-B.  Defaucon- 
pret.  Paris,  1828;  tiosserin.  \  vol.  in- 12,  formant  ensemble 
xi  et  102 5  pages;  prix,  12  fr. 

Le  pins  redoutable  des  flibustiers,  le  Corsaire  rouge,  se 
trouve  commandé  par  un  nomme  que  l'auteur  ne  nomme  qu'une 
seule  fois  du  nom  de  Waller.  Cet  homme  a  été  irrité  de  l'in- 
solence qu'affectaient  les  Anglais  à  l'égard  de  l'Amérique,  sa 
patrie;  et  dès  lors,  il  a  juré  de  la  venger.  Devenu  le  chef  d'un 
vaisseau  de  pirates,  il  laisse  à  ses  compagnons  le  sang  et  le 
pillage  :  pour  lui ,  il  ne  vent  qu'arracher  et  fouler  aux  pieds  le 
pavillon  anglais.  Du  reste  ,  plein  de  talent ,  de  fermeté  ,  de  cou- 
rage et  de  générosité,  il  jouit  sur  son  bord  d'une;  autorité 
absolue,  et  paralyse,  à  force  de  grandeur  d'àme,  les  désirs 
d'un  jeune  marin  qui  ne  s'était  introduit  sur  son  navire  que 
pour  le  livrer  aux  croiseurs  royaux.  Enfin  ,  vainqueur  dans  un 
dernier  combat  contre  un  vaisseau  anglais,  il  reconnaît  son 
neveu  dans  ce  jeune  marin  que  son  équipage  veut  faire  périr, 
sa  sieur  et  sa  nièce  dans  deu\  femmes  qu'il  a  Vécues  abord. 
Alors,  il  abandonne  ses  trésors  aux  flibustiers ,  met  en  sûreté 


::8  LIVRES  FRANÇAIS. 

tons  les  prisonniers,  brûle  son  vaisseau,  et  ne  reparaît  ehez  son 
neveu  ,  pour  y  rendre  le  dernier  soupir,  qu'après  une  vingtaine 
d'années,  c'est-à-dire  lorsque  la  lutte  entre  l'Angleterre  et 
L'Amérique  étant  terminée,  les  États-Unis  peuvent  déployer 
sur  toutes  les  mers  un  pavillon  indépendant. 

Ce  nouvel  ouvrage  est  un  de  ceux  où  M.  Cooper  a  porté  au 
plus  haut  degré  l'intérêt  qui  rend  si  attachante  la  lecture  de 
tous  ses  romans.  Une  exposition  peut-être  un  peu  embarrassée  , 
une  imitation  trop  scrupuleuse  des  manières  de  parler  de  ceux 
qui  vivent  habituellement  sur  mer,  et  dont  l'éducation  a  été  né- 
gligée; enfin  ,  quelques  longueurs  dans  le  dialogue:  voilà  les  seuls 
reproches  que  l'on  puisse  faire  à  cette  composition  ,  qui  ne  peut 
d'ailleurs  qu'ajouter  à  la  réputation  de  l'auteur.  Les  lecteurs  n'y 
verront  pas  sans  étonnement  une  multitude  de  scènes  maritimes, 
toutes  différentes  de  celles  qui  les  ont  déjà  frappés  dans  le  Pilote, 
et  qui  prouvent  que  M.  Cooper  a  étudié  la  mer  sous  tous  ses  as- 
pects, et  comme  pourrait  le  faire  un  peintre.  On  admire  le  talent 
prodigieux  avec  lequel  l'auteur  sait  concentrer,  varier,  sou- 
tenir l'intérêt,  sur  une  scène  très-resserrée ,  dans  l'étroite  en- 
ceinte de  deux  vaisseaux,  et  en  n'y  faisant  apparaître  que  deux 
principaux  personnages,  éminemment  doués  d'une  grande  no- 
blesse de  caractère  dans  des  situations  qui  sembleraient  exclure 
ce  mérite,  et  deux  personnages  accessoires,  avec  un  petit 
nombre  de  figures  laissées  dans  l'ombre  et  qui  complètent  l'en- 
semble de  ce  tableau  historique  et  dramatique,  tout-à-fait 
digne  de  fixer  l'attention.  B.  J. 

3o8. — *  Les  O'Ericn  et  les  O' Flaherty ,  ou  l'Irlande  en  1793, 

histoire  nationale,  par  Lady  Morgan;  traduit  de  l'anglais  par 

Jean  Cohen,  ancien  censeur  royal.  Paris,  1827;  Charles  Gos- 

selin  ,  rue  Saint  -  Germain  -  des  -  Prés,  n°  9.  6  vol.  in- 12;  prix, 

1 8  francs. 

Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  Lady  Morgan  consacre  sa 
plume  à  l'Irlande  ,  sa  patrie.  Déjà ,  dans  deux  romans  que  le 
public  anglais  et  français  avait  accueillis  avec  faveur [O'Don- 
nelet  Florence  Maccarthy),  le  spirituel  auteur  des  Lettres  sur  la 
France  et  sur  C  Italie  avait  éloquemment  plaidé  la  cause  des  li- 
bertés et  de  l'indépendance  irlandaises,  retracé  dans  de  pi- 
quantes esquisses  les  traits  principaux  de  la  physionomie  origi- 
nale de  ses  compatriotes,  ou  dépeint,  avec  les  couleurs  brillantes 
que  leur  prête  une  admiration  vivement  sentie,  les  sites  variés 
et  pittoresques  de  Vile  dEmeraude.  Des  critiques  ont  trouvé 
mauvais  qu'une  femme  osât  se  mêler  de  politique,  et  lui  ont 
conseillé  de  réduire  désormais  ses  fictions  romanesques  aux 
proportions  moins  ambitieuses  des  événemens  de  la  vie  privée. 


LITTÉRATI  IUv  77g 

Lad?  Morgan  n'écoutera  sans  doute  ces  avis  officieux  que  pour 
les  inscrire  parmi  1rs  nombreux  témoignages  de  I  influence  en- 
core toute  -  puissante  des  préjugés  et  de  I  esprit  départi;  (\\i 
moins,  nous  désirons  siccèi cmeui  qu'ils  ne  parviennent  point 
à  l'éloigner  de  la  carrière  où  elle  s  est  engagée,  et  on  elle,  a 
certainement  rendu  des  services  réels  à  la  noble  cause  dont  elle 

est  un  des  plus  habiles  défenseurs. 

Passons  rapidement  sur  les  premiers  chapitres  de  ce  nouveau 

roman  ;  ils  compromettent  gravement  les  intérêts  de  l'auteur  et 
les  plaisirs  du  public.  NOUS  ne  serions  pas  étonnés  qu'ils  déci- 
dassent plus  d'un  lecteur  à  mettre  de  côté  les  volumes  suivons  ; 

et  cependant ,  ceux  ci  sont,  assez,  abondamment  pourvus  d'épi- 
sodes attnclians  pour  faire  Complètement  Oublier  l'insipide  cor- 
respondance entre  le  comte  O'Flaliertv  et  son  cousin  l'abbé, 
qui  leur  sert  d'introduction.  L'époque  choisie  par  Lady  Mor- 
gan pour  y  placer  les  événemens  et  les  personnages,  créés  en 
grande  partie  par  son  imagination ,  fut  marquée;  par  cette  fer- 
mentation générale  des  esprits  qui  précéda  l'insurrection  de 
1794.  L'arrogance  et  la  corruption  du  parti  dominant  étaient 
portées  à  leur  comble;  du  sein  des  fêtes  et  des  orgies  partaient 
les  décrets  de  la  tyrannie  pour  frapper  tous  ceux  qui  ne  subis- 
saient pas  son  ignoble  joug  avec  résignation  et  en  silence;  déjà 
les  hommes  les  plus  éclairés  et  les  plus  vertueux  s'étaient  ral- 
liés pour  aviser  aux  moyens  de  régénérer  l'Irlande,  en  la  déli- 
vrant de  ses  oppresseurs;  Murrogh  O'Brien,  le  héros  du  roman, 
est  conduit,  dans  un  des  quartiers  les  plus  obscurs  de  Dublin, 
à  une  assemblée  des  Irlandais-Unis ,  dont  la  description  pourra 
donner  une  idée  de  la  manière  brillanteet  dramatique  de  l'auteur. 
<  En  jetant  les  yeux  sur  ce  petit  sénat  rassemblé  à  ses  pieds, 
il  y  vit  un  tableau  pittoresque  :  car  ses  membres  semblaient 
déjà  groupés  pour  une  conspiration.  Une  seule  lampe  suspen- 
due au  sommet  de  la  pièce  ,  et  qui  ne  faisait  que  dissiper 
faiblement  l'obscurité  ,  concentrait  ses  jaunes  rayons  sur  des 
tètes  et  des  bustes  qui  rappelaient  le  gran  quaclro,  l'orgueil  et 
la  gloire  de  Salvator  Rosa.  Au  haut  bout  de  la  table  placée 
au  centre  de  l'appartement,  et  sur  un  fauteuil  élevé  sur  des 
gradins,  était  assis  le  président  de  la  Société  des  Irlandais- 
l  nis.  Lui  seul  était  couvert  ;  et,  quoique  vêtu  avec  une  grande 
simplicité,  il  avait  l'air  fort  distingué  et  fort  bien  élevé.  Son 
sourire  gracieux  montrait  la  physionomie  aimable,  ouverte  et 
douce  qui  est  encore  la  marque  distinctive  des  descendans  des 
grands  seigneurs  anglo-normands  établis  en  Irlande...  Ce  pré- 
sident était  l'honorable  Simon  Butler.  A  côté  de  lui,  sur  un 
siège  plus  bas,    était  le  secrétaire.  Sa  tète  découverte  et  son 


780  LIVRES  FRANÇAIS. 

iront  chauve  recevaient  en  plein  la  lumière  tic  la  lampe.  Cette 
tète  bien  taillée  était  une  de  celles  qui  fixent  l'imagination  et  qui 
semblent  avoir  été  créées  pour  porter  témoignage  de  la  vérité 
de  lascirnccphysiognomonique.  Son  costume  étudié  contrastait 
singulièrement  avec  sa  tournure  athlétique  et  le  maintien  an- 
tique de  sa  personne.  Car,  quoique  ses  cheveux  non  poudrés  et 
son  cou  plein  de  muscles  ,  couvert  à  moitié  seulement  par  une 
cravate  de  soie  négligemment  nouée,  offrît  un  peu  de  simpli- 
cité républicaine,  cependant  le  beau  diamant  qui  brillait  à  sa 
chemise  et  l'éclat  de  deux  chaînes  de  montre  à  breloques,  ce 
qui  était  alors  la  mode  la  plus  recherchée,  montraient  dans  sa 
toilette  une  aristocratie  qui  contrastait  un  peu  avec  les  grâces 
de  Backlane  :  le  secrétaire  des  Irlandais-Unis  s'appelait  Archl- 
bald  Harnilton  Rowan.  De  l'autre  côté  du  président  était  assis 
un  homme  petit,  bien  fait,  d'une  physionomie  animée,  qui 
parlait  dans  ce  moment,  avec  une  singulière  vivacité  de  regards 
et  de  gestes,  à  une  personne  dont  les  manières  étaient  extraor- 
dinairement  douces  et  même  cérémonieuses.  Le  premier  était 
le  gai,  vaillant  et  patriotique  fondateur  de  la  Société,  Théobald 
Wolfe  Tone  ;  l'autre,  l'habile  et  célèbre  Dr  Drennan  ,  excel- 
lent médecin  et  écrivain  plein  d'élégance,  qui  aurait  pu  passer, 
à  sa  mine,  pour  le  grave  ministre  presbytérien  de  quelque  vil- 
lage écarté  de  l'Ecosse.  Un  homme  de  haute  taille  ,  d'une  tour- 
nure élégante  et  sentimentale,  était  assis  près  d'eux  ,  el  semblait 
porter  une  attention  particulière  à  ce  que  disait  la  personne 
qui  avait  la  parole,  et  à  qui  il  se  préparait  à  répondre  :  c'était 
Thomas  Addas  Emmet ,  fils  du  dernier  médecin  de  la  cour  d'Ir- 
lande. Il  était  alors  avocat;  jeune  encore ,  il  jouissait  déjà  d'une 
grande  réputation,  et  il  est  maintenant  procureur  général  à 
New- York.  Le  vifetbeaudocteur  Mackenna,  un  des  écrivains  les 
plus  populaires  de  son  tems,  et  Oliver  Bond ,  représentant  de  la 
classe  la  plus  honorable  des  négoeians,  avaient  groupé  en  avant 
leurs  tètes  intelligentes,  tandis  qu'un  homme  dont  la  figure 
n'offrait  aucun  de  ces  agrémens  physiques  qui  inspirent  de  l'in- 
térêt dans  toutes  les  causes,  James  Napper  Tandy ,  tenait  à  la 
main  un  paquet  de  lettres  qu'il  avait  reçues,  en  sa  précédente 
qualité  de  secrétaire  de  la  Société...» 

L'ouvrage  est  riche  en  tableaux  et  en  scènes  de  ce  genre,  pleins 
de  vie,éclatans  de  coloris.  La  revue  des  volontaires  dans  le  parc  du 
Phénix,  le  tumulte  nocturne  de  la  taverne  des  Lutteurs  ,  la  fête 
donnée  dansle  palais  du  vice-roi, la  réunion  du  conseil  de  disci- 
pline de  l'Universitéde  Dublin, la  description  de  la  tranquille  re- 
traite des  pères  jésuites  de  Cong,  le  jour  du  pot  qui  réunit  dans 
le  manoir  antique  et  délabré  de  Bog-Moy,  tous  les  nobles  rejetons 


I.ITTKIU  II  KL.  781 

de  la  rtoc  miiéstenno,  le  tableau  pittoresque  de  la  vallée  de  Moy- 

CtllleO  el  du  saiul  nion.istci  c  qui  s'élève  sur  la  rive  de  ses  eaux 
paisibles |  nous  initient  Joui    a   tour  AUX  opinions  et  aux  habi- 

tudes  des  divers  partis  (jui  composaient  alors  la  population  de 
L'Irlande,  Quelques  figures  originales  se  devinent  ftvee,  avan- 
tage sur  le  Fond  bnilant  d.  la  partie  pittoresque  et  descriptive  ; 

Tcrificc  ()' llricii,  it)rcl  Ai  ranninrc  ,  qui  des  humbles  fonction-, 
d'enfant  de  cincur  s'élève,  en  embrassant  la  religion  toutc-j > uis - 
saule, à  l'opulence  d'un  riche  procureur  ;  puis  saenlie  sa  for- 
tune et  son  repos  au  désir  de  recouvrer  le  titre  de  ses  ancêtres, 
de  racheter  par  une  rude  pénitence  le  crime  de  sa  conversion  ; 
Shaiu\  victime  des  persécU  !  unis  de  l'Anglais,  reste  infortuné  des 
Rappmreea  qui  désoièrenl  long- teins  l'Irlande,  et  modèle  de  l'a t- 
tachemeul  grossier  mais  inaltérable  d'un  ignorant  vassal  pour 
le  chef  de  sou  clan;  les  miss  M<ic-'i(iafc .,  gothiques  représcu- 
tans  de  l'hospitalité  irlandaise,  de  L'orgueil  nobiliaire  et  des 
ridicules  provinciaux.  Biais  les  caractères  principaux  sont  loin 
d'être  tracés  avec  cette  profondeur  et  cette  fidélité  qui  laissent 
à  jamais  le  souvenir  des  personnages  d'imagination  dans  l'es- 
prit du  lecteur.  LïJhicn  est  un  jeune  homme  aux  yeux  pcre,:re  , 
au  front  noble  et  élevé,  à  la  iadle  élégante,  plein  d'enthou- 
siasme pour  la  liberté,  mais  qui  agit  d'après  l'impulsion  d'opi- 
nions mal  arrêtées  et  de  sentimens  presques  inexplicables.  Il 
est  aimé  de  deux  femmes,  dont  lune  appartient  à  l'oligarchie 
par  ses  alliances  et  par  ses  passions  désordonnées,  dont  l'autre 
apparaît  toujours  enveloppée  de  mystère  et  sous  vingt  dégui- 
semens  plus  fantasques  les  uns  que  les  autre».  Mais  le  récit,  quoi- 
que plein  d'invraisemblance,  quoique  souvent  ralenti  par  f}cs 
longueurs  fatigantes,  bien  que  chargé  d'une  abondance  de  cita- 
tions françaises,  italiennes  ou  irlandaises  qui  prouvent  l'éru- 
dition de  l'auteur  et  son  désir  d'en  faire  part  au  public,  excite, 
surtout  dans  les  trois  derniers  volumes,  un  intérêt  véritable , 
qui  n'a  pas  seulement  pour  objet  les  opinions  politiques  dont 
Lady  Morgan  et  son  héros  O'Brieu  sont  les  éioquens  inter- 
prètes. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  signaler  quelques  anachro- 
nismes  ,  quelques  erreurs  relatives  au  culte  catholique,  que  le 
traducteur  a  eu  soin  de  noter,  avec  une  sorte  d'aigreur,  et  qui 
semblent  l'avoir  assez  mal  disposé ,  contre  l'usage  des  traduc- 
teurs, à  l'égard  de  l'ouvrage  dont  il  devient  en  quelque  sorte  le 
second  père.  M.  Cohen  parait  ne  poiut  partager  les  opinions  de 
lady  Morgan.  Dans  ce  cas,  nous  le  plaignonssiucèrement  d'avoir 
eu  à  lire  et  à  reproduire  si  souvent  l'éloge  des  principes  de  la 
resolution  française,  et  la  satire,  d'ailleurs  fort  modérée,  des 


7g*  LIVRES  FRANÇAIS. 

abus  du  catholicisme,  abus  que  l'auteur  retrouve  en  partie  et 
blâme  également  dans  l'église  protestante  établie,  l'un  des 
fléaux  les  plus  intolérables  de  sa  patrie.  Peut-être  cette  antipa- 
thie du  traducteur  pour  les  idées  libérales  explique-t-elle  aussi 
la  négligence  qu'il  a  mise  quelquefois  à  la  rédaction  d'un  livre 
destiné  à  les  propager,  négligence  qui  ne  nous  aurait  point 
aussi  vivement  frappés,  si  le  nom  de  M.  Cohen,  déjà  connu  par  de 
bonnes  traductions,  nenous  avait  point  rendus  trop  difficiles,     a. 

309.  —  Histoire  des  quatre  fils  d'Aymon,  par  M.  Brès.  Paris, 
1827  ;  Louis  Janet.  In-18  de  îx  et  276  pag. ,  avec  un  frontispice 
et  4  grav.;  prix,  5  fr. 

Les  romans  de  chevalerie,  qui  ne  nous  semblent  aujourd'hui 
qu'un  jeu  de  l'imagination  des  auteurs,  ont  eu  pour  fonds  la 
peinture  de  mœurs  réelles;  il  n'y  a  guère  d'autres  fictions  dans 
la  plupart  d'entre  eux  que  les  enchantemens  et  les  géans,  qui 
sont  les  accessoires  obligés  de  ces  sortes  de  compositions.  Du 
reste,  comme  l'a  fort  bien  observé  un  critique  célèbre  (La 
Harpe),  «  au  tems  de  l'anarchie  féodale,  les  forteresses  étaient 
en  effet  le  repaire  du  brigandage;  tout  noble  qui  avait  pu  bâtir 
sur  un  rocher,  ou  s'entourer  de  fossés,  était  impunément  op- 
presseur ou  ravisseur.  L'avantage  de  la  taille,  la  force  du  corps, 
l'armure  de  fer,  les  tours  à  créneaux  ne  servaient  trop  souvent 
qu'à  écraser  le  faible  ,  à  dépouiller  le  pauvre ,  à  violer  l'inno- 
cence. Celui  qui,  ayant  les  mêmes  moyens  de  puissance,  ne  s'en 
servait  que  pour  défendre  la  faiblesse  et  repousser  l'injustice, 
était  un  digne  chevalier,  et  les  premiers  sermens  étaient  tou- 
jours faits  au  sexe  le  plus  exposé  à  l'insulte.  »  De  pareils  tems , 
quoi  qu'aient  prétendu  certains  apologistes,  ne  sont  guère  re- 
grettables ,  et  nous  devons  nous  féliciter  de  vivre  à  une  épo- 
que où  la  punition  des  méchans  et  la  sûreté  des  bons  ne  repo- 
sent pas  dans  le  courage  et  la  vertu  de  quelques  hommes,  mais 
sont  garanties  par  les  lois.  Aussi,  les  romans  de  chevalerie  sont 
décrédités  de  nos  jours;  on  ne  les  lit  plus  que  par  simple  curio- 
sité, et  il  faut  autant  de  prudence  que  de  talent  à  l'écrivain 
moderne  qui  cherche  à  cueillir  encore  quelques  palmes  dans  ce 
champ  devenu  désert. 

De  toutes  les  réputations  chevaleresques  que  nous  offre  l'his- 
toire du  moyen  âge,  il  en  est  peu  qui  soit  aussi  répandue  que 
celle  des  Quatre  fils  d'Aymon;  et  toutefois,  leur  origine  et 
leurs  faits  d'armes  sont  enveloppés  d'assez  d'obscurité  pour  se 
prêter  favorablement  à  la  fiction.  Huon  de  Villeneuve  s'en  est 
emparé,  et  l'on  connaît  de  lui  l'ancien  roman,  intitulé  :  His- 
toire des  quatre  fils  d'Aymon.  C'est  cette  histoire  ou  ce  roman 
que  M.  Brès  a  entrepris  de  rajeunir,  en  le  mettaut  en  français 


littérature:  78 1 

plus  modartie,  en  faisant  disparaîtra  les  nombreux  anachro- 
nisme? <|'i'v  avaient  successivement  introduits  plusieurs  éditeurs 
ignorans ,  et  surtout  en  effaçant  du  rôle  de  Charlcmagne  tous 
les  traits  que  les  lecteurs  éclairés  devaient  regarder  comme  au- 
tant d'outrages  à  sa  gloire.  Mais  l'auteur  n'a  pas  oublié  qu'il 
avait  à  peindre  les  mœurs  du  huitième  siècle  de  l  ère  chrétienne, 
et  il  a  cru  devoir,  pour  caractériser  ces  mœurs,  conserver  des 
Bedons  dont  l'origine  peut  être  reportée  à  ces  teins.  C'est  ainsi 
que,  sans  donner  dans  son  ouvrage  uu  rôle  actif  à  la  fée  Mé- 
lusine,  il  a  cru  pouvoir  admettre  son  influence,  s'appUyant  sur 
les  récits  fabuleux  qui  sont  parvenus  jusqu'à  nous  et  dont  la 
tradition  se  conserve  encore  dans  le  Poitou.  Plusieurs  traits  de 
bravoure,  plusieurs  faits  d'armes  des  quatre  frères  auront  be- 
soin de  cette  influence  pour  être  expliqués;  et  peut-être,  en 
jugeant  l'ouvrage  avec  sévérité,  lui  reprochera  t-on  de  n'être 
ni  assez  vrai,  ni  assez  rempli  de  fictions.  Quoi  qu'il  en  soit, 
nous  pouvons  dire  que  la  lecture  en  est  agréable  et  répond  à  la 
réputation  que  M.  Brès  s'est  acquise  dans  un  genre  de  littéra- 
ture où  il  recherche  surtout  le  plaisir  de  ses  lecteurs,  sans  né- 
gliger leur  instruction. 

De  charmantes  gravures,  dont  les  dessins  sont  dus  sans 
doute  aux  crayons  de  l'auteur  et  qui  ont  été  reproduites  par 
l'habile  burin  de  M.  Roucrgue ,  et  une  impression  soignée  ,  pla- 
cent d'ailleurs  ce  livre  sur  le  premier  rang  de  ceux  que  l'on 
peut  offrir  en  étrennes,  à  l'époque  de  l'année  à  laquelle  nous 
sommes  arrivés.  ,  E.  Rkreau. 

3 10. —  Une  nouvelle  par  mois  y  ou  Lecture  pour  la  jeunesse  , 
depuis  l'âge  de  10  à  16  ans,  par  Mmela  comtesse  de  Bradi.  Pa- 
ris ,  1828;  Fr.  Louis,  i  vol.  in-18,  formant  environ  600  pages  ; 
prix  5  fr.  et  6  fr. 

jVjme  de  Bradi  est  auteur  de  plusieurs  ouvrages,  parmi  les- 
quels on  a  remarqué  quelques  poésies,  et  surtout  de  charmantes 
stances,  sous  le  titre  de  la  Nymphe  Egérie ,  insérées  dans  le 
Chansonnier  des  Grâces  pour  1826.  On  peut  relire  dans  notre 
recueil  (tom.  xxvn,  pag.  55 1  et  871  )  le  compte  que  nous  avons 
rendu  de  Y  Héritière  corse ,  de  Colonna  et  de  ses  Nouvelles.  Ces 
dernières,  au  nombre  de  six,  ont  été  signalées  comme  «  remar- 
quables par  une  finesse  d'observation  ,  une  vérité  de  peinture  , 
un  naturel  et  une  originalité  dans  les  caractères  qu'il  est  rare 
de  voir  réuuis  à  un  style  toujours  facile  et  correct.  »  Ces  éloges, 
auxquels  quelques  légères  critiques  donnaient  encore  plus  de 
poids,  étaient  d'un  présage  heureux  pour  l'ouvrage  que  nous 
annonçons  aujourd'hui  ,  et  que  l'auteur  a  entrepris  à  la  sollici- 
tation d'une  mère  qui  soigne  elle-même  l'éducation  de  ses  en- 


1.1YUKS  FRANÇAIS. 

fans,  et  qui  se  plaignait  du  peu  délivres  amusansque  l'on  a  faits 
pour  l'âgq  de  10  à  i  5  ans.  M1111'  de  Kradi  a  pris  tous  les  tons  dans 
ces  douze  nouvelles,  qu'elle  a  consacrées  à  chacun  des  mois  de 
Tannée  :  nous  avons  surtout  distingué,  dans  deux  genres  op- 
posés ,  le  Bal  masque  et  la  FciUee  du  jour  des  morts ,  dont  l'une 
\eite  le  sourire  et  l'autre  fait  verser  de  douces  larmes.  Dans 
toutes,  la  morale  est  mise  en  action  avec  une  heureuse  adresse; 
dans  toutes,  elle  est  présentée  à  la  jeunesse  sous,  des  formes 
attrayantes,  et  toutes  enfin  seront  de  charmantes  étrennes  , 
quoique  la  première  porte  exclusivement  ce  titre.  E.  H. 

3 ii.  —  Samuel  ou  la  Pauvre  famille ,  nouvelle;  par  A.  J. 
Sanson.  Troisième  édition.  Paris  ,  j  827  ;  Sanson ,  Palais  -  Royal. 
In -12;  prix,  1  fr.  5oc. 

Cet  opuscule,  écrit  dans  un  but  tout-à-fait  moral,  se  dis- 
tingue par  une  simplicité  convenable  au  sujet.  Un  honnête  père 
de  famille,  dont  la  probité  est  un  instant  combattue  par  le  sen- 
timent impérieux  du  besoin,  retrouve  l'qscendant  que  conserve 
toujours  la  vertu  sur  un  cœur  pur.  11  perd  accidentellement 
une  somme  d'argent  qui  lui  a  été  confiée,  son  honneur  vient  à 
être  suspecté,  l'auteur  nous  le  montre  livré  aux  angoisses  du 
désespoir;  mais  bientôt  il  prend  le  parti  courageux  de  pour- 
voir, par  le  travail  de  ses  mains,  aux  besoins  de  sa  nombreuse 
famille,  et  cet  incident  amène  le  dénoûment  de  ce  petit  drame, 
dont  la  morale  ,  facilement  saisie,  est  mise  ainsi  en  action  d'une 
manière  intéressante.  ~  L.  Dh. 

Beaux- Arts. 

3i2.  —  *  Notice  descriptive  des  monumens  égyptiens  du,  Mu- 
sée Charles  X;  par  M.  Chamfollion,  le  jeune,  conservateur  des 
antiques  du  Musée  royal  du  Louvre.  Seconde  division.  Paris  , 
1827;  imprimerie  de  Crapelet.  Se  vend  dans  l'intérieur  du 
Musée. 

Une  collection  de  monumens  antiques  doit  avoir  pour  pre- 
mier objet  d'instruire,  et  non  de  flatter  les  regards.  Fidèle  à  ce 
principe,  M.  Champollion  devait  sacrifier  toute  convenance  de 
goût  à  la  nécessité  d'une  classification  rigoureusement  métho- 
dique; chaque  monument  devait  prendre  sa  place ,  d'après  le 
sujet  qu'il  représentait  et  d'après  sa  destination  spéciale,  sans 
égard  aux  proportions  ni  à  la  matière.  Voici  les  divisions  qu'il 
a  adoptées  dans  cette  notice  : 

j°  Salle  des  dieux.  — A,  Images  de  divinités  égyptiennes; 
B,  Emblèmes  de  divinités,  animaux  symboliques  et  animaux 
sacrés;  C,  Scarabées  représentant  des  divinités  ou  des  em- 
blèmes de  divinités. 


BEAI  \   1RTS.  785 

%*  Salle  civile,  D ,  Statuettes ,  figurines  et  amulettes  re- 
présentant desfwj  égyptiens}  K,  Scarabées  portant  des  imagci 
ondes  légendes  de  rois  de  >  ptienne;  F,  Contrats  origi- 

naux portant  desdates  «lu  règne  de  rois  gréa  d'Egypte  ;  G,  Fi- 
gurines, statuettes  el  statues  représentant  des  membres  «les 
diverses  castet  égyptiennes}  II,  Ustensiles  et  instrumens  du 
culte;  I  ,  Objets  d'habillement  ;  .1 ,  Ustensiles  de  toilette;  K, 
Bijoux  et  objets  de  parure  ;  L,  Ustensiles  domestiques  ;  M,  lus- 
trumens  et  produits  des  arts  et  métiers. 

3 °  Salles fanéraines,  —  N  ,  Momies  humaine-,;  () ,  Cercueils 
de  momies  ;  P,  Ornemens  funéraires;  Q,  [mages  funéraires; 
11,  Coffrets  destinés  à  renfermer  ces  images;  S,  Vases  funé- 
raires; T,  Manuscrits  funéraires;  I  ,  Statuettes  ayant  servi 
d'étuis  aux  manuscrits  funréairesj  V,  Tableaux  funéraires; 
\  ,  Stèles,   id.  ;  /,  Tessères  grecques,  id. 

Ainsi,  chaque  division  porte  une  lettre  de  l'alphabet,  et 
chaque  lettre  contient  une  série  particulière  de  numéros,  à  par- 
tir du  chiffre  i  ;  les  étiquettes  qui  accompagnent  les  monu- 
mens  se  composent  dune  lettre  et  d'un  nombre;  il  est  facile 
de  trouver  dans  la  Notice  la  description  du  monument  que 
l'on  a  sous  les  yeux.  Nous  croyons  inutile  de  nous  étendre  sur 
le  mérite  de  ce  catalogue,  qui  a  dû  exiger  beaucoup  de  travail 
et  de  patience;  il  servira  de  guide  à  tous  ceux  qui  visiteront 
le  Musée  Charles  X,  et  fera  voir  en  même  tems  que  si  les 
recherches  de  M.  Champollion  ont  déjà  fait  faire  un  si  grand 
pas  à  l'archéologie  égyptienne,  nous  avons  droit  de  tout  espé- 
rer des  recherches  ultérieures  de  cet  infatigable  savant  (voyez 
ci-après,  à  la  section  des  Nouvelles ,  page  828,  Y  Ouverture  du 
Musée  des  antiquités  égyptiennes  ).  N.  Lu. 

3i3.  —  *  L'Inde  française  ,  ou  Collection  de  dessins  lithogra- 
phies, représentant  les  divinités,  temples,  costumes,  phy- 
sionomies, meubles,  armes,  ustensiles,  etc.,  des  peuples  hin- 
dous qui  habitent  les  possessions  françaises  de  l'Inde,  et  en 
général  la  côte  de  Coromandel  et  le  Malabar,  publiée  par 
MM.  Géringer,  Marlet  et  Chabrelie;  avec  un  texte  expli- 
catif, par  M.  Eugène  Burnouf.  ire,  2  e  et  3e  livraisons.  Paris, 
1827  ;  les  éditeurs,  rue  du  Roule ,  n°  i5;  rue  de  Seine,  n°  1; 
et  rue  du  Bouloi ,  n°  19.  3  cahiers  in-folio,  sur  très-beau  pap. 
vélin.  Prix  de  la  livraison ,  i5  fr.  pour  Paris,  et  18  fr.  pour  les 
départemens. 

On  n'a  peut-être  jamais  étudié  avec  plus  de  soin  que  de  nos 

jours  cette  terre  célèbre   de  l'Inde  qui,    depuis  la   plus  haute 

antiquité,  n'a  cessé  d'attirer  les  regards  de  l'Europe.  Depuis 

vingt  ans  surtout,  une   louable  curiosité  a  dirigé  les  efforts 

t  .  xxxvi.  -r-  Dec  cm  bre  1 S  2  7 .  5  0 


7$6  1.1  \  H  ES   FRANÇAIS. 

des  savans  vers  la  connaissance  de  ce  peuple  dont  la  religion 
et  les  longues  offrent  avec  celles  de  l'ancien  continent  de  si 
nombreux  rapports.  En  France,  sa  littérature  commence  à  être 
plus  connue;  et  bientôt,  grâce  au  zèle  des  personnes  qui  se 
livrent  à  ces  études,  nous  pourrons  rivaliser  en  ce  genre  avec 
l'Angleterre,  à  laquelle  sa  vaste  puissance  dans  l'Inde  a  donné 
jusqu'ici  une  incontestable  supériorité.  Mais  on  manquait  jus- 
qu'à présent  d'un  ouvrage  qui  présentât  le  tableau  vivant  de  la 
civilisation  de  ce  pays ,  qui  en  lit  connaître  l'état  actuel  et. 
donnât  le  moyen  de  le  comparer  à  celui  dont  on  retrouve  la 
description  dans  les  ouvrages  indiens  parvenus  jusqu'à  nous. 
On.  n'avait  que  les  collection  de  Daniel  et  de  Solvyns,  dont 
l'une  peu  étendue  ne  donne  des  détails  que  sur  l'architecture,  et 
dontl'autre,  quoique  très-volumineuse,  n'offre  souvent  que  la  re- 
pétition des  mêmes  sujets,  et  par  là  même  est  très-incomplète. 
M.  Géringer,  qu'un  long  séjour  à  la  côte  de  Cororpandel  et 
au  Malabar  à  mis  à  même  d'observer  les  Hindous,  s'est  oc-" 
cupé.  de  rassembler  des  dessins  reproduisant  leurs  coutumes, 
leurs  mœurs,  leurs  cérémonies,  en  assez  grand  nombre  pour 
présenter  l'ensemble  de  leur  civilisation.  La  collection,  bornée  à 
ce  qu'il  y  a  de  plus  caractéristique,  et  cependant  encore  assez 
étendue,  puisqu'elle  se  composera  de  il\  livraisons,  a  été  con- 
fiée au  crayon  d'habiles  artistes,  et  elle  paraît  aujourd'hui, 
accompagnée  de  tout  le  luxe  typographique  qui  est  devenu  un 
besoin  de  nos  jours,  et  qui  ajoute  un  nouveau  prix  aux  ou- 
vrages de  cette  importance.  Cette  collection,  la  première  qui 
soit  exécutée  en  France  par  des  Français  ,  et  d'après  des  maté- 
riaux entièrement  originaux,  nous  paraît  l'emporter  de  beau- 
coup sur  les  Hindous  de  Solvyns,  tant  par  la  perfection  avec 
laquelle  les  sujets  sont  lithographies  et  coloriés,  que  par  l'in- 
térêt et  la  nouveauté  des  notices  rédigées  par  M.  Eugène  Beu-  ' 
nouf.  Elles  se  distinguent  par  une  élégance  soutenue,  et  par  le 
soin  très-visible  qu'a  pris  l'auteur  de  n'y  faire  entrer  que  les 
notions  absolument  nécessaires  à  l'intelligence  de  la  planche. 
Les  trois  livraisons  qui  ont  paru  font  connaître  les  mœurs 
des  brahm^s  ,  et  donnent  la  représentation  des  trois  personnes 
de  la  trinité  indienne,  telles  que  les  adorent  les  Hindous.  On 
y  remarque  aussi  trois  portraits  hindous  faits  d'après  nature, 
l'un  du  chef  des  brahmes  de  Pondichéry ,  l'autre  de  sa  femme, 
et  le  troisième  de  l'intendant  de  la  police  de  cette  ville  ;  selon 
nous,  ces  portraits ,.  qui  seront  au  nombre  de  vingt-quatre, 
sont  une  des  parties  les  plus  importantes  de  cette  belle  col- 
lection, û- 

3  1 4.  —  *  La  Chine  :  mœurs ,  costumes  ,  mis  et  métiers ,  peines 


BEAI  \ -AllTS.—  IMÏ.M    ET  RÀPP.  7K7 

•  n'i/ea  r/  militait  es,  cén  montes  religieuses,  tnnnuMens  et  paysages; 
lithographies  coloriées,  d'après  l<-s  dessins  de  MM.  Aubry  /, 
Comte  y  /■crcna,  Grévedon  t  Régnier.  Schaal ,  Sehtnit ,  Thênot, 

t  /(/(//,  <  /,  .  ;  a\ec  une  introduction  el  des  notices;  par  M.   /A    />'. 

de  J\lAi.ni.ui:.  i  :,  livraison,  l'aiis,  i8'J7;  l'éditeur,  rue  Saint- 
Dénis,  u"  18S.  l'iriniii  Didot,  PonthieU,  etc.  I  n  cahier  grand 
in-.'i";  prix  de  chaque  livraison ,  i  5  IV. ;  pour  tel  louaci  ipteur* , 

\  >  lr.  [  t Oy.  lia-.  Enc.y  I.  \\\v,  p.  /17/J 

Cette  quatorzième  livraison  complète  le  ïm  Volume  de  In 
collection.  Une  entreprise  aussi  longue  et  aussi  dispendieuse 

est  ainsi  parvenue  au  tiers  de  sa  mai  (lu.  Le  /«Me  des  éditeurs, 

loin  de  se  ralentir,  a  paru  prendre  a  chaque  publication  ait?» 

forces  nouvelles.  La  livraison  que  nous  aVOnS  sous  les  veu\ 
contient  une  planche  de  plus  que  les  autres;  et  Cette  plan 
elic,  représentant  un  enterrement  chinois,  doit  servir  à  rem- 
placer le  dessin  semblable,  déjà  donné  dans  la  septième  livrai- 
son, mais  dont  l'exécution  laissait  quelque  chose  à  désirer.  I, a 
publication  de  la  deuxième  série,  annoncée  en  même  tems  que 
la  première  livraison  (\n  second  volume,  qui  paraîtra  dans  !e 
courant  de  ce  mois,  est  une  nouvelle  preuve  (\u  succès  qu'Ob- 
tiennent les  travaux  de  M.  Malpière.  On  doit  au>si  des  éldgë9 
aux  artistes  distingués  qu'il  s'est  associés,  peur  les  soins  qu'ils 
apportent  à  l'exécution  de  dessins,  souvent  d'une  grande  oii- 
ginalité,  mais  qui  exig<  ut  des  rectifications  difficiles  et  sévères. 

Z. 

Mémoires  et  Rapports  de  Sociétés  savantes. 

3i5.  —  *  Bulletin  delà  Société  d'encouragement  pour  V  indus- 
trie nationale.  Paris,  1827;  Mm0  ITuzard ,  rue  de  l'Eperon,  tt°  7. 
Recueil  mensuel  dont  les  cahiers  in-4°  sont  presque  tous  ac- 
compagnés de  planches  ou  de  figures. 

aucune  publication  n'a  été  plus  profitable  à  l'industrie  que 
pelle  de  ce  Bulletin,  où  les  connaissances  sont  présentées,  telles 
qu'il  les  faut  pour  l'application.  Il  est  actuellement  à  sa  26'' 
année,  et  forme  une  collection  précieuse  dont  toute  biblio- 
thèque industrielle  devrait  être  pourvue.  Nous  avons  déjà  eu 
pins  d'une  occasion  de  parler  des  services  que  la  Société  d:en- 
i  "uragement  pour  l'industrie  nationale  a  rendus  à  nos  arts,  de 
ia  salutaire  influence  qu'elle  exerce ,  de  la  direction  quelle 
Imprimé  aux  recherches,  de  l'activité  qu'elle  entretient  dans 
les  esprits  capables  d'inventer  et  de  perfectionner;  mais,  parmi 
les  moyens  d'action  dont  elle  fait  un  si  heureux  usage,  son 
iniHctin  est    un  des   plus  efficaces.   Dans  les  cahiers  de  c.  il  • 

Sa. 


-SS  LIVRES  FRANÇAIS. 

année,  nous  devons  citer  la  description  des  moulins  à  blé  cons- 
truits (Taures  le  système  anglais,  et  employés  dans  l'établissement 
de  mouture  de  M.  Benoist,  à  Saint- Denis,  près  Paris.  Trois 
planches  annexées  à  cette  description,  et  construites  avec 
soin  sur  une  assez  grande  échelle,  donnent  une  idée  très-juste 
du  mécanisme  de  ces  moulins,  et  suffisent  pour  que  les  artistes 
puissent  les  faire  exécuter. 

Les  arts  et  métiers  ne  sont  pas  les  seuls  objets  dont  la  So- 
ciété s'occupe;  l'agriculture,  que  l'on  continue  à  mettre  à 
part,  attire  aussi  l'attention  qu'elle  mérite  à  tant  de  titres. 
Dans  le  même  cahier,  où  l'on  trouve  le  mémoire  sur  les  mou- 
lins de  M.  Benoist,  on  a  inséré  les  tableaux  de  M.  Martinee  , 
où  les  propriétés  des  diverses  variétés  de  pommes  de  terre  sout 
mises  sous  les  yeux  des  cultivateurs  et  distribuées  dans  l'ordre 
le  plus  propre  à  déterminer  le  choix,  soit  pour  l'abondance 
et  les  bonnes  qualités  du  produit,  soit  pour  préparer  les  terres 
destinées  à  produire  des  céréales.  Les  observations  de  M.  Mar- 
tinel  ont  été  faites  sur  cent  variétés  de  pommes  de  terre,  aux 
environs  de  Lyon,  dans  un  sol  très-léger.  Les  réflexions  par 
lesquelles  il  termine  ce  Mémoire  sont  de  la  plus  haute  impor- 
tance. Il  a  constaté,  ainsi  que  plusieurs  autres  agronomes., 
que  les  variétés  de  pommes  de  terre  ne  sont  point  constantes, 
et  ont  besoin  d'être  fréquemment  renouvelées;  que  les  don- 
nées recueillies  en  ce  moment  seront  fautives  après  quelques 
années,  et  que,  par  conséquent,  aucune  culture  n'a  plus  besoin 
d'être  observée  assidûment,  afin  de  connaître  ses  variations  et 
de  s'y  conformer. 

La  Société  d'encouragement  est  peut-être  le  meilleur  modèle 
des  réunions  d'hommes  formées  pour  un  but  d'utilité  nationale, 
et  nous  ne  craignons  pas  de  dire  que  son  Bulletin  est  le  meil- 
leur écrit  périodique  que  l'on  ait  publié  sur  les  arts.  F. 

3 1 6. — *  Séance  publique  de  la  Société  académique  d'Aix,  tenue 
le  1 4  juillet  1827.  Aix,  1827;  imprimerie  de  Pontier  fils  aîné. 
In-8°  de  43  pages. 

La  Société  académique  d'Aix  a  tenu,  le  14  juillet  1827,  sa 
dix-huitième  séance  annuelle,  et  le  compte  que  M.  de  Mont- 
meyas ,  son  secrétaire  perpétuel  adjoint,  a  rendu  de  ses  tra- 
vaux, annonce  que  cette  Société  marche  d'un  pas  ferme  à  son 
but  »  qu'elle  honore  l'industrie,  et  qu'elle  accueille  tous  les  peiv 
fectionnemens  qu'amènent  dans  notre  belle  patrie  les  lumières 
et  les  progiès  de  l'instruction  publique.  M.  de  Castellet  a 
présenté  des  leçons  de  statique  qui  peuvent  servir  d'introduc- 
tion  à  un  cours  de  physique.  M.  l'abbé  Davin  a  communiqué 
ses  recherches  sur  les  eaux  thermales  de  la  ville  d'Aix.  M.  Icard 


MÉMOIRES  ET  RAPPORTS.-— 0UVR.  PÊR.       :*<j 

fait  connaître  les  résultats  de  l'analyse  chimique  d'un  calcul 
nrinaire,  résultats  qui  auraient,  suivant  lui,  l'avantage  do 
fournir  aux  médecins  des  moyens  cnratifs,  indiqués  par  cette 
analyse.  M.  l'abbé  Castbllak  el  M.  Poste  se  sonl  occupés  de 
l'histoire  des  monumens  de  la  Provence,  et  M.  Rouchow  < •<> n i — 
pose  un  résumé  de  l'histoire  <lr  cette  province*  IM.  d'Asteos  a 
unité  en  vers  pro.i  ençaux  les  fables  de  La  Fontaine»  M.  le  secré- 
taire adjoint  n'avait  point  voulu  parler  de  lui-même;  mais  ses 
collègues  ont  exigé  <|u  il  rendit  compte  de  deux  lettres  destinée 
à  combat  ire  une  des  idées  fondamentales  sur  lesquelles  reposent 
fessai  sur  V indifférence  en  matière  de  religion  ^  par  RI.  de  La 
M  en  nais,  et  la  doctrine  du  même  écrivain  sur  le  pouvoir  poli- 
tique et  religieux,  doctrine  dont  les  inconvéniens  et  les  dangers 
ont  paru  à  la  Société  mériter  qu'on  les  signalât. 

l.a  séance  avait  été  ouverte  par  un  discours  de  M.  d'Arlatan 
m  LauRIS,  président;  discours  bien  écrit  et  sagement  pensé,  où 
l'auteur  a  développé  avec  talent  le  principe  que  l'édifice  social 
s'appuie  aujourd'hui  sur  le  concours  simultané  des  lumières  et 
l'industrie,  et  que  la  puissance  des  états  se  mesure  sur  la  civili- 
sation des  peuples.  R. 

Ouvrages  périodiques. 

317.  —  *  Journal  de  pharmacie  et  des  sciences  accessoires  , 
rédigé  par  MM.  Bouillon  -  Lagrange  ,  J.-J.  Virey,  Planche, 
Bouloy ,  Pelletier  et  Autres  pharmaciens  et  chimistes  ;  et  Bulletin 
des  travaux  de  la  Société  de  pharmacie  de  Paris,  rédigé  par 
M.  Henry  et  par  une  commission  spéciale.  i3e  année.  Paris  , 
1827;  Louis  Colas  fils,  rueDauphine,  n°  32.  Prix  de  l'abonne- 
ment ,  i5  fr.  par  an. 

Le  dernier  cahier  de  ce  Recueil  (  novembre  )  est  remarquable 
par  une  analyse  de  l'eau  minérale  de  Bourbonne,  et  par  des 
recherches  sur  les  charançons  du  blé,  qui  prouvent  que  ces 
insectes  ne  renferment  aucun  principe  vésicant,  et  qui  donnent 
à  penser  qu'il  serait  possible  de  les  détruire  parla  vapeur  de 
l'ammoniaque,  en  disposant,  au  milieu  des  tas  de  blé,  des  pots 
de  grès  contenant  un  mélange  de  sel  ammoniac  et  de  chaux,  et 
recouverts  d'un  parchemin  criblé  de  trous.  Plusieurs  analyses, 
telles  que  celles  de  l'épidermc  du  bouleau,  avec  des  réflexions 
sur  l'usage  qu'on  en  pourrait  faire  dans  les  arts,  de  la  tige  du 
pêcher,  à\\  calcul  biliaire,  des  thés  les  plus  célèbres  de  la 
Chine,  sont  suivies  d'un  extrait  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance  de  l'Académie  royale  de  médecine,  de  quelques  annonces 
bibliographiques  et  du  bulletin  des  travaux  de  la  Société  de 


-<)o       LIVRES  FRANÇAIS.  —  LIV.  EN  LANG.  ÉTK. 

j)lun ■  ;uacie  de  Paris'.  Ce  recueil  convient  spécialement  aux  phar- 
maciens des  villes  éloignées  delà  capitale,  et  aux  chimistes  qui, 
appliquant  la  science  au  soulagement  de  l'humanité ,  éprou- 
vent le  besoin  d'être  constamment  au  niveau  des  découvertes 
modernes.  Les  noms  des  sa  vans  collaborateurs  de  ce  journal 
sont  les  garans  de  la  confiance  qu'il  doit  inspirer.  R. 

Livres  en  langues  étrangères ,  imprimes  en  France. 

3i8.  —  *  Historia  de  la  revolucion  de  la  republic.a  de  Colonr- 
hia ,  etc.  — Histoire  de  la  révolution  de  la  république  de  Co- 
lombie, par  José  -  Manuel  Restrepo ,  ministre  de  l'intérieur. 
Paris  ,  1827;  librairie  américaine,  rue  du  Temple,  n°  6\). 
10  vol.  in  -  12,  faisant  en  tout  environ  2000  pages,  avec  un 
Atlas,  contenantla  carte  séparée  de  chaque  département,  et  une 
Carte  générale  de  la  Colombie. 

M,  Restrepo  a  divisé  son  ouvrage  en  trois  grandes  parties. 
La  première,  qui  vient  de  paraître,  renferme  l'histoire  de  la 
Nouvelle- Grenade  jusqu'en  1819.  La  seconde  présentera  l'his- 
toire de  Venezuela  jusqu'en  1822  ;  et  la  troisième,  celle  de  ces 
deux  Etats  réunis  sous  le  nom  de  Colombie,  jusqu'au  moment 
où  cette  république  sera  reconnue  par  l'Espagne.  Cette  pre- 
mière partie  que  l'auteur  publie  aujourd'hui,  fait  augurer  fa- 
vorablement des  deux  qui  doivent  suivre.  Elle  est  précédée 
d'une  Introduction  contenant  une  esquisse  rapide  du  climat,  des 
productions  et  de  l'aspect  de  la  Colombie;  des  mœurs  et  des 
usages  de  ses  habitans,  avant  la  révolution;  enfin,  du  système 
d'après  lequel  elle  était  gouvernée  ,  système  si  défectueux  , 
qu'un  simple  exposé  suffit  pour  faire  juger  de  ses  pernicieux 
effets  sur  les  contrées  où  il  a  trop  long-tems  régné.  Ace  ta- 
bleau l'auteur  oppose  celui  du  môme  pays  sous  le  régime  actuel . 
Au  lieu  d'un  despotisme  cruel  et  avilissant,  nous  trouvons  une 
constitution  qui  reconnaît  les  droits  de  l'homme  et  qui  eu  con- 
sacre et  en  garantit  la  jouissance;  au  lieu  d'un  troupeau  d'es- 
claves abrutis,  prosternés  devant  l'inquisition  et  le  système 
colonial ,  nous  voyons  une  nation  indépendante  agissant  et  se 
gouvernant  par  elle-même.  La  nouvelle  république  n'a  pas  en- 
core atteint,  sans  doute,  le  degré  de  prospérité  que  l'on  pour- 
rait souhaiter:  la  liberté  n'a  pu  s'établir  encore  dans  toute  sa 
force  et  dans  tout  son  éclat  au  milieu  de  cette  nation  courbée 
sous  trois  siècles  de  superstition  et  d'esclavage,  et  il  a  fallu  lais- 
ser subsister  quelques  abus  auprès  du  monument  qu'on  lui  a 
élevé  ;  mais  tout  fait  espérer  qu'on  pourra  réformer  peu  à  peu 
wsabus,  que  les  lumières  pénétreront  chaque  jour  davantage 


IMPUIMKS  KN  FRANCE.  :ui 

dans  les  ddï'éi entes  classes  (lu  peuple,  et  que  les  Colombiens 
<  I  leurs   frères  (les  BUtrea  États  de  |  Amérique  du  sud  marehe- 

ront  à  grands  pas  dans  la  carrière  d  uidependanee,  rie  Légista- 
lion  et  d'administration  perfectionnées  et  de  civilisation  qti*iîè 

M  sont  OU  Verte,  ;i|>r .'•  ;  lant  d'efforts  héroïques.  Cette  belle  in- 
troduction el  des  docUflRCM  statistiques  1res  -  curieux  sur  la 
Colombie ,  considérée  soit  avant  la  révolution,  soit  dans  son 
état  actuel,  rempli  seul    tout  le  premier  volume.  Sur  les  neuf 

autres,  M.  ftestrepn  en  a  consacré  six  à  la  relation  des  événe- 

iiicns  qui  OCttCOBdoit  ses  compatriotes  (le  l'esclavage  a  la  liberté. 
Nous  y  Voyons  L'agitation  Secrète  qui  commençait  à  se  répandre 
parmi  eux,  vers  la  lin  i\\\  \vin':  siècle;  leur  première  révolte, 
en  1781  ,  habilement  calmée  par  l'archevêque  de  Ciongora  ;  le 
soin  avec  lequel  l'Espagne  les  préserva  de  la  contagion  des 
principes  républicains,  lorsqu'ils  prévalurent  momentanément 
en  Franco.  Bientôt,  l'ambition  d'un  homme  accomplit  ce  que  la 
révolution  française  elle-même  n'avait  pu  faire;  elle  brise  les 
chaînes  de  PAmérique  ,  en  travaillant  à  l'asservissement  de 
l'Europe.  Les  habitons  de  la  Nouvelle-Grenade,  étonnés  de  leur 
indépendance  inattendue,  préoccupés  par  de  vaines  théories, 
égarés  par  des  rivalités  fatales  ,  tournent  d'abord  contre  eux- 
mêmes  les  armes  qui  n'auraient  dû  être  trempées  que  dans  le 
sang  de  leurs  ennemis  ;  et  ce  tems  précieux  que  la  position  cri- 
tique de  l'Espagne  leur  permettait  d'employer  utilement  pour 
leur  liberté  et  pour  leur  nouvelle  organisation  sociale,  est  en- 
tièrement perdu  dans  des  guerres  civiles  entre  la  province  de 
Cundimarca  et  les  autres  provinces  de  la  Nouvelle  -  Grenade  , 
représentées  l'une  parle  président  Narino,  les  autres  parle 
congrès  des  provinces  unies.  À  peine  Cundimarca  est-eile  sou- 
mise, Carthagcne  se  révolte  à  son  tour  contre  le  gouvernement, 
et  refuse  de  fournir  a  Bolivar  les  secours  qu'il  réclamait  pour 
défendre  la  patrie.  Cependant,  les  événemens  avaient  marché 
en  Europe.  Déjà  Ferdinand  VII  était  remonté  sur  son  trône, 
et  Morillo  arrivait  en  Amérique.  Il  obtint  de  faciles  victoires 
sur  des  peuples  divisés  en  partis  armés  les  uns  contre  les  au- 
tres, et  il  put ,  sans  beaucoup  d'efforts,  leur  imposer  un  nou- 
veau joug  ensanglanté  chaque  jour  par  de  cruelles  exécutions. 
L'auteur  s'arrête  ici,  en  nous  montrant  de  loin  Bolivar  s'ap- 
prètant  à  opérer  la  délivrance  de  ce  pays,  pour  lequel  il  avait 
déjà  combattu  avec  tant  de  constance  et  de  dévoûment.  Les 
trois  derniers  volumes  renferment  des  pièces  historiques  et  jus- 
tificatives, rassemblées  sous  le  litre  de  Documcns.  On  y  trouve 
X  Acte  de  fédération  des  provinces  unies  de  la  Nouvelle- Grenade  ; 
l'Acte  d'union  delà  Nouvelle- Grenade  et  de  Venezuela  ;  diverses 


:[)i         LIVRES  EN  LANGUES  ÉTRANGÈRES. 

proclamations  dos  généraux  espagnols,  et  un  grand  nombre 
d'antres  pièces,  également  authentiques  et  intéressantes.  Le 
style  de  cet  ouvrage  ne  nous  a  point  paru  au-dessous  d'un  des 
plus  beaux  sujets  que  les  révolutions  po'itiques  aient  jamais 
offerts  à  un  historien;  et  c'est  assez  faire  l'éloge  de  M.  Reslrepo 
que  de  dire  qu'il  a  peint  dignement  ces  premières  époques  de 
l'affranchissement  d'une  grande  nation  ,  travaillée ,  il  est  vrai, 
par  des  discordes  intestines ,  mais  où  l'on  voit  cependant  bril- 
ler une  ardeur  généreuse,  un  enthousiasme  patriotique,  une 
passion  pour  l'indépendance ,  présages  glorieux  et  certains  de 
la  réaction,  favorable  à  la  liberté,  qui  suivit  de  près  le  triom- 
phe momentané  des  suppôts  de  la  tyrannie.  L.  L.  O. 

N.  B.  Nous  annonçons  avec  plaisir  que  l'un  de  nos  collabo- 
rateurs a  commencé  une  traduction  française  de  l'important 
ouvrage  dont  nous  venons  d'exposer  le  plan  ;  cette  traduction 
sera  publiée  dans  le  second  trimestre  de  l'année  1828,  et  nous 
mettrons  à  la  disposition  de  l'auteur  tous  les  documens  que 
nous  avons  reçus  depuis  peu  et  ceux  qui  nous  parviendront 
encore,  pour  l'aider  à  compléter  cette  histoire  et  pour  la  con- 
duire, par  une  relation  supplémentaire  abrégée  ,  jusqu'au  mo- 
ment actuel  où  les  destins  de  la  Colombie  vont  sans  doute  être 
fixés  et  sa  liberté  intérieure  fortement  garantie  par  le  concours 
du  congrès  national  qui  va  être  convoqué,  et  du  général  libé- 
rateur Bolivar  ,  qui  sera  fidèle  à  sa  gloire  et  aux  engagemens 
solennels  qu'il  a  contractés  à  la  face  du  monde  civilisé. 

N.  d.  R. 


IV.  NOUVELLES  SCIENTIFIQUES 

ET    LIT  IKK  AIRES. 


AMÉRIQUE  SEPTENTRIONALE. 

État  s-TJwis.  —  Vehmowt.  — Mécanique.  —  Invention  nou- 
velle, —  i\I.  /.  M.  Coopf.r,  de  Gintdhall,  vient  d'inventer  une 
mécanique  d'une  force  extraordinaire,  et  dont  il  a  présenté  le 

modèle  :  c'est  un  cylindre  de  huit  pouces  de  longueur  sur  huit 
de  diamètre,  avec  une  manivelle  dont  les  deux  extrémités  sont 
attachées  à  un  pivot.  La  force  de  quatre  hommes  est  suffisante 
pour  lui  faire  jeter  continuellement  une  colonne  d'eau  de  trois 
quarts  de  pouce  d'épaisseur  à  120  pieds  de  distance  en  ligne 
horizontale,  et  à  plus  de  90  pieds  en  ligne  perpendiculaire. 

On  dit  que  cette  mécanique  est  construite  sur  un  principe  tout 
nouveau.  L'inventeur  lui  a  donné  le  nom  de  piston  à  rotation; 
mais  elle  n'a  en  réalité  ni  piston,  ni  valve  ;  elle  a  plutôt  l'appa- 
rence d'une  roue  qui  forme  un  vide  d'un  côté,  et  produit  une 
forte  compression  de  l'autre.  Le  volume  d'eau  qu'elle  enlève 
dans  une  seule  révolution  surpasse,  à  ce  qu'on  assure,  celui  de 
toute  la  machine.  On  croit  qu'elle  va  remplacer  les  pompe*  or- 
dinaires, aussi  bien  que  les  pompes  à  feu.  On  a  déjà  établi, 
pour  sa  construction  ,  une  fabrique  sur  une  échelle  assez  éten- 
due, et  des  agens  ont  été  envoyés  en  Europe  pour  préparer 
son  introduction  en  Angleterre  et  en  France.  Z. 

— Philadelphie. — Atlas  maritime  d'Amérique. — M.  Cortès, 
ancien  capitaine  de  vaisseau  au  service  d'Espagne,  fut  chargé 
par  cette  puissance  de  faire  le  relevé  de  toutes  les  côtes  des 
anciennes  possessions  et  des  îles  espagnoles  dans  l'Amérique 
et  dans  les  Antilles.  Cette  opération  a  été  faite  avec  tout  le  soin 
et  toute  l'exactitude  qu'on  pouvait  attendre  de  l'habileté  du 
capitaine  Cortès,  un  des  meilleurs  officiers  de  la  marine  espa- 
gnole. Aujourd'hui ,  cet  important  travail  se  publie  sous  la  di- 
rection même  de  M.  Cortès  ,  devenu  contre-amiral  du  Mexique. 
La  gravure  n'ayant  pu  en  être  faite  au  Mexique,  le  contre- 
amiral  a  été  envoyé  à  Philadelphie,  en  1824,  pour  en  diriger 
lui-même  la  publication.  Déjà  la  première  partie  de  cet  ouvrage, 


794       AMKHIQli:  SEPTENTR.—  AMER.  MÉRID. 

1res  important  pour  la  marine  et  pour  la  géographie,  a  vu  ic 
jour.  Bile  se  compose  de  42  planches,  format  petit  in-folio. 

G.  B.  du  B. 

—  A.lbany.  —  L1 Institut,  créé  en  mai  182/,,  sous  la  présidence 
iln savant  et  philantrope  Stcphen  Van  Rknsselaer ,  n'a  point 
tardé  à  prendre,  par  ses  travaux  ,  un  rang  distingué  parmi  les 
académies  du  Nouveau-Monde.  Il  est  divisé  en  trois  classes  :  la 
première  embrasse  les  sciences  mathématiques  et  physiques  et 
les  arts;  la  seconde  est  consacrée  aux  sciences  naturelles;  et  la 
troisième  à  l'histoire  et  à  la  littérature  en  général..  D'après  les 
derniers  rapports,  le  musée  et  la  bibliothèque  de  cet  Institut 
ont  (ait  en  peu  de  teins  de  grandes  acquisitions.  I!  vient  de 
nommer  parmi  ses  associés  un  de  no  collaborateurs,  M.  le 
chevalier  de  Kirckhoff,  membre  de  la  plupart  des  Académies 
et  Sociétés  savantes  de  l'Europe  et  de  l'Amérique  ,  et  dont  les 
ouvrages ,  ainsi  qu'où  le  voit  dans  les  journaux  américains,  ne 
sont  pas  moins  bien  traités  aux  États  Unis  que  dans  sa  patrie. 

G-— N. 

—  Boston.  —  Instruction  publique. —  Extrait  d'une  lettre  datée 
de  Boston  (3i  octobre  1827  ).  —  Monsieur,  je  relis  dans  la  Revue 
Encyclopédique  (cahier  de  février  1826,  t.  xxix,p.  566-569)  quel- 
ques notes  sur  l'état  de  l'instruction  publique  dans  cette  ville,  que 
j'avais  écrites  de  mémoire  ,  pendant  mon  séjour  à  Paris  :  j'y  re- 
marque aujourd'hui  des  erreurs  que  je  m'empresse  de  vous  signa- 
ler. Ainsi,  le  nombre  des  écoles  dites  de  grammaire  n'est  point 
de  sept,  maisder//jc,  dont  l'une  est  exclusivement  destinée  aux 
enfans  noirs;  et  dans  ces  écoles,  on  enseigne,  avec  la  lecture, 
l'écriture  et  le  calcul  dont  je  parlais  dans  mes  notes ,  la  gram- 
maire et  la  géographie.  Outre  la  haute  École  anglaise  (  English 
high  School)  qui  est  ouverte  aux  garçons,  il  en  existe  une  pour 
les  jeunes  filles,  établie  d'après  le  système  d'enseignement 
mutuel  (monitorial System).  Les  écoles  destinées  aux  enfans  de 
quatre  à  sept  ans  sont  au  nombre  de  soixante,  et  le  nombre 
d  écoliers,  dont  l'instruction  est  ainsi  pavée  par  les  deniers 
publics,  ex;ède  7,000.  Boston  compte  une  population  de 
liO  à  5o,ooo  âmes  tout  au  plus.  Il  y  a  encore  dans  cette  ville 
environ  i5o  écoles  ou  pensions  particulières,  qui  contiennent 
ensemble,  selon  l'estimation  la  phib  générale,  3,5oo  jeunes  gens , 
pour  lesquels  la  dépense  s'élève  annuellement  à  100,000  dollars 
(  55o,ooo  fr.).  John  G.  Pat,frey. 

AMÉRIQUE  MÉRIDIONALE. 

Bijknos-Ayres.   —  Instruction  publique. —  Ecole  normale.— 


WÉRIQUE  MÉRipiONALE. 

Etudes  primaires.  —  Etudes  préparatoires.  —  Université  ;  I  > 
partemens  divers  dont  elle  se  compose*  ■-—  Ecoles  de  filles. — Biblio- 
thèque nationale.   -  Les  renseigneraens  sur  l'état  de  l'instruction 
publique  dan  a  ce  pays,  que  noua  .nous  offerts  à  nos  Lecteurs 

\ aj.Rev. l'./ic,  t.  \\w,  p. 5  > 3  £67)1  sciaient  incomplets,  et  inex - 
acts,  si  nous  n'v  ajoutions  les  détails  suivans.  Il  existe,  à  Buenos 
\vres,  mu'  Ecole  normale  aT enseignement  mutuel  t  et  quarante 
.pitres  écoles,  établies  dans  la  ville  ei  dans  les  rampagnes  voi- 
sines, placées  sous  la  direction  et  la  surveillance  de  l'université 
et  composant  le  département  des  études  primaires  :  les  études 

préparatoires ,  qui  forment  un  département  séparé,  comprennent 

deux  classes  de  latin  et  de  grec;  i\r\\\  autres  classes,  l'une  de 
français,  l'autre  d'anglais;  un  cours  de  dessin;  âc\ix  cours  d'i- 
déologie, un  de  mathématiques,  un  de  chimie  et  un  de  phy- 
sique expérimentale.  Le  département  de  la  médecine  est  com- 
posé d'une  chaire  d'anatomie  et  de  physiologie,  à  laquelle  on 
a  provisoirement  attaché  un  professeur  d'accouchemens  ;  d'une 
de  clinique  chirurgicale;  d'une  de  matière  médicale  et  de  phar- 
macie, et  d'une  de  clinique  médicale.  Le  département  des  sciences 
exactes  se  compose  d'une  chaire  de  sciences  physiques  et  ma- 
thématiques. Le  département  de  jurisprudence }  des  chaires  de 
droit  civil ,  de  droit  naturel  et  des  gens,  de  droit  public  ecclé- 
siastique, d'économie  politique.  Le  département  des  sciences 
sacrées  est  momentanément  suspendu  ,  faute  d'élèves.  lies  deux 
collèges  de  l'université  sont  fréquentés  aujourd'hui  par  36  jeu 
nés  gens  des  provinces  de  l'intérieur.  Les  cours  de  sciences 
phvsiques  et  de  médecine  sont  pourvus  abondamment  de  tout 
ce  qui  peut  servir  aux  études.  La  Bibliothèque  publique  est  la 
plus  riche,  la  meilleure  et  la  plus  ancienne  des  nouveaux  États 
américains.  L'université  prend  chaque  jour  plus  d'importance 
sous  la  direction  de  D.  Valentin  Gomcz  ,  ecclésiastique  non 
moins  recommandable  par  son  caractère  que  par  son  instruc- 
tion. Buenos-Ayres  possède  déjà  d'habiles  professeurs  de  mé- 
decine, qui  se  sont  formés  dans  les  écoles  de  leur  patrie.  Il  ne 
faut  pas  omettre  de  mentionner  les  services  rendus  par  Y  aca- 
démie de  jurisprudence ,  théorique  et  pratique ,  fondée  en  182  5, 
et  qui  a  déjà  produit  des  magistrats  et  des  administrateurs  dis- 
tingué?. Ses  succès  sont  dus  en  grande  partie  au  zèle  de  son 
fondateur  D.  Manuel  Antonio  cfe  Castro,  président  actuel  du 
tribunal  suprême  de  justice. 

Les  écoles  des  jeunes  filles ,  placées  sous  la  direction  de  la 
Société  de  bienfaisance  ,  et  conduites  ,  comme  toutes  les  autres 
écoles  élémentaires,  d'après  la  méthode  d'enseignement  mutuel, 
renferment  5oo  élèves  dans   la  ville  de  Buenos  Avres,  et  3oo 


-c)ii  AMERIQUE  MERIDIONALE.— AFRIQUE. 

dans  les  campagnes  environnantes.  On  y  enseigne  tout  ee  qui 
constitue  l'instruction  la  pins  utile  pour  les  femmes. 

Dans  les  provinces  de  l'intérieur,  suivant  le  rapport  fait  par 
AI.  /ornes  Thomson  à  la  Société  des  écoles  britanniques  et  étran- 
gères ,  à  Londres ,  l'état  de  L'enseignement  est  très-arriéré,  ex- 
cepté dans  les  provinces  de  Mendoza ,  et  de  San  Juan,  grâces 
au  gouverneur  de  la  première  et  à  D.  Salvador  Carril  qui, 
avant  d'être  nommé  au  ministère  des  finances  delà  république, 
avait  administré  la  seconde  avec  une  rare  habileté,  et  qui  a  la 
gloire  d'avoir  fait  adopter  pour  cette  province  de  San  Juan  la 
tolérance  religieuse,  le  ô  juin  1825,  avant  tous  les  autres  Etats 
américains.  Buenos-Ayres  même  ne  prit  une  mesure  semblable 
que  quelque  tems  après,  en  proclamant  l'inviolabilité  du  droit 
qu'a  chaque  individu,  d' adorer  la  Divinité,  selon  les  formes  du 
culte,  qu'  il  professe. 

«  Je  dois  déclarer,  dit  M.  James  Thompson,  dans  son  rap- 
port (  fait  à  Londres  le  25  mai  1826  ) ,  que  c'est  à  D.  Bernardin 
Rivadavia  que  l'on  doit  l'état  avancé  de  l'instruction  élémen- 
taire à  Buenos  -  Ayres.  C'est  par  ses  leçons  et  ses  exemples  de 
sagesse  politique,  par  sa  constance  à  répandre  les  connaissances 
ntiles  et,  l'instruction  populaire  ,  qu'il  a  contribué  puissamment 
à  élever  sa  patrie  au  premier  rang  parmi  les  États  américains. 
Son  nom  sera  toujours  associé  à  l'époque  la  plus  glorieuse  de 
la  révolution  argentine,  et  on  le  regardera  toujours  comme  le 
premier  de  ses  bienfaiteurs.  »  V. 

AFRIQUE. 

Egypte.  —  Alexandrie.  —  Publication  prochaine  d'un  Jour- 
nal français.  —  On  vient  de  publier  ici  le  prospectus  d'un 
journal  qui  aura  pour  titre  VÈcho  des  Pyramides.  L'éditeur 
et  principal  rédacteur,  M.  Bousquet-Deschamps  ,  se  propose 
d'y  servir  avec  ardeur  la  cause  de  la  civilisation  dans  un 
pays  où  elle  s'introduit  peu  à  peu  sous  les  auspices  même 
d'un  prince  élevé  dans  les  habitudes  du  despotisme ,  mais  ca- 
pable de  comprendre  les  besoins  nouveaux  du  pays  qu'il  gou- 
verne. Quelques  passages  de  ce  prospectus  feront  connaître 
l'esprit  qui  paraît  devoir  présider  à  la  rédaction  de  l'Echo  des 
Pyramides.  En  citant  ces  passages,  nous  sommes  loin  de  nous 
associer  aux  éloges  obligés  que  l'auteur  prodigue  au  pacha  dont 
la  condescendance  politique  pour  le  sultan  l'a  rendu  complice 
du  vaste  plan  d'extermination  formé  et  en  partie  exécuté 
contre  la  nation  grecque. 

«  Une  ère  nouvelle  a  commencé  pour  l'Egypte;  un  chef  ha- 


Al  RIQ1  l.  79g 

bile,  doué  (l'une  .une  forte,  dégagé  de  préjugés,  imbu  d'idées 
grandes,  consacre  s.»  vie  à  la  régénération  de  ces  contrées.  Se 
coodé  par  quelques  hommes  «!<•  mérite,  il  avance  sans  relâche 
vers  le  1  > ■  1 1  qu'il  s'est  proposé ,  «1  recueille  déjà  le  fruit  de  ses 
efforts.  La  civilisation  étend  ses  conquêtes  parmi  ses  peuple!  . 
et  plusieurs  des  arts  utiles  qui  (bnl  la  gloire  de  l'Europe  sonl 

Cultivés  avec  SUCCès  sur  les  bords  du   "Nil. 

0  l'ne  armée  instruite  et  disciplinée,  nue  marine  nombreuse 
formée  comme  par  enchantement ,  un  commerce  étendu,  l'in- 
troduction de  cultures  savantes,  l'industrie  et  les  arts  encou- 
ragés ,  font  présager  de  hautes  destinées  à  cette  intéressante 
nation.  T,a  philosophie  et  l'humanité  doivent  applaudir  à  ce 
triomphe  de  la  raison  sur  l'ignorance,  de  la  vérité  sur  l'erreur, 

et  les  gens  éclairés  de  tous  les  pays,  quelles  que  soient  d'ail- 
leurs leurs  opinions,  encourageront  par  leurs  vœux  et  par 
leurs  suffrages,  quelques-uns  même  par  une  coopéra tion,  di- 
recte et  active,  l'achèvement  de  celte  honorable  entreprise. 

«  Nous  avons  pensé  que,  dans  de  semblables  circonstance-., 
UU  journal,  en  rendant  plus  faciles  et  plus  intimes  les  commu- 
nications de  l'Egypte  avec  les  peuples  polices,  pouvait  accélérer 
l'impulsion  donnée  à  cette  contrée.  C'est  principalement  dans 
ce  but  que  nous  publions  l'Lcho  des  Pyramides ,  journal  con- 
sacré aux  progrès  de  l'instruction,  au  développement  de  l'in- 
dustrie, a  l'examen  des  découvertes  utiles,  et  à  l'accroisse- 
ment du  commerce. 

«  Destiné  à  seconder  l'élan  donné  à  une  population  entière, 
ce  journal  respectera  toutes  les  opinions;  il  ne  combattra  que 
l'ignorance  et  les  préjugés  qu'elle  traîne  après  elle.  Notre  pro- 
jet n'étant  point  d'établir  une  polémique  inutile  et  de  sortir  des 
bornes  d'une  sage  modération,  nous  répondrons  aux  raison- 
nemens  erronés  par  des  faits,  aux  mensonges  par  la  vérité,  aux 
injures  par  le  silence.  » 

Telles  sont  les  intentions  exprimées  par  l'éditeur  de  ce  nou- 
veau journal  ;  il  semble  qu'elles  n'auraient  dû  trouver  que  des 
approbateurs,  et  pourtant  il  n'en  a  pas  été  ainsi;  on  oppose 
à  son  entreprise  des  obstacles  qu'il  n'a  pas  encore  pu  vaincre 
entièrement.  Il  avait  été  question,  il  y  a  quelques  mois,  d'une 
subvention  de  3, 000  talaris  qui  devait  lui  être  fournie  par  le 
vice-roi;  les  correspondances  d'Alexandrie  avaient  même  an- 
noncé que  cette  subvention  avait  été  payée;  nous  apprenons 
aujourd'hui  qu'il  n'en  est  rien,  que  l'éditeur  n'a  sollicité  aucun 
secours  de  ce  genre,  qu'il  demande  seulement  l'autorisation  de 
paraître.  Espérons  qu'il  obtiendra  bientôt  cette  légère  faveur, 


7$8  AIRIQIE.  — EUROPE. 

et  que  le  génie  de  l'obscurantisme  ne  l'emportera  pas  datas 
celte  circonstance  sur  celui  de  la  civilisation.  [  Extrait  du 
Spectateur  orientai ,  journal  commercial,  politique  et  littéraire, 
imprime  à  Smyrne,n°  du  '29  septembre  1827.) 

EUROPE. 

ILES  BRITANNIQUES. 

Liverpool.  —  Passage  souterrain  creusé  dans  cette  ville.  — 
Dans  un  article  inséré  dans  la  90e  livraison  delà  Revue  Encyclo- 
pédique (juin  1826,  t.  xxx,  p.  841),  nous  avons  donné  un 
aperçu  des  avantages  que  les  actionnaires  et  le  commerce  de- 
vaient retirer  du  chemin  de  1er  que  l'on  établit  entre  Liverpool 
et  Manchester.  La  création  de  cette  route  d'un  nouveau  genre 
venait  à  peine  d'être  autorisée,  lorsque  nous  en  avons  entretenu 
le  public  ;  aujourd'hui  que  ses  travaux  offrent  déjà  une  foule  de 
détails  dignes  d'attention,  nous  allons  signaler  ce  qui  nous 
frappe  le  plus  dans  cette  construction  grandiose. 

Afin  de  niveler  l'étendue  que  doit  traverser  le  chemin  de  fer, 
on  a  coupé  plusieurs  collines  et.  rempli,  sur  d'autres  points  , 
les  profondeurs  du  terrain  ;  le  plus  considérable  des  terrasse- 
mens  a  été  élevé  près  de  Chat-Moss,  à  une  hauteur  de  10  pieds, 
sur  une  ligne  de  près  d'un  mille.  Biais  de  toutes  les  difficultés  , 
celle  d'obvier  au  passage  du  chemin  par  la  ville  même  de  Liver- 
pool était  certainement  la  plus  grande.  Afin  de  vaincre  cet  ob- 
stacle, on  a  percé  un  passage  souterrain,  en  ligne  directe,  sous 
toute  la  longueur  de  la  ville  ,  d'orient  en  occident  ;  son  entrée 
se  trouve  près  du  port ,  à  la  jonction  des  bassins  du  roi  et  de  la 
reine,  et  sa  sortie  près  du  village  à'Edge-Hill ,  situe  sur  une  pe- 
tite éminence,  d'où,  parune  petite  graduelle  de  trois  quarts  de 
pouce  par  verge,  le  chemin  gagnera  le  niveau  de  la  mer. 

En  parlant  du  lit  de  la  rivière  de  Mersey,  nous  avons  eu  déjà 
l'occasion  de  citer  un  roc  immense  qui  règne  sur  ce  point  de 
l'Angletene.  Cette  masse  solide  s'est  rencontrée  sur  presque 
toute  la  ligne  du  passage  souterrain  que  l'on  a  taillé  en  demi- 
cercle  ,  dans  une  largeur  de  '21  pieds  et  une  hauteur  de  16  sur 
une  longueur  de  2,2uo  verges.  En  plusieurs  endroits,  le  grain 
du  roc  s'est,  trouvé  trop  tendre  pour  former  la  voûte  saas  ma- 
çonnerie ,  et  quelquefois  aussi  des  couches  sablonneuses  de 
nature  rougeâtre  ont  exigé  des  soutènemens  en  briques. 

Les  travaux  sont  poussés  nuit  et  jour  avec  une  extrême  ac- 
tivité, et  à  mesure  que  la  voûte  s'achève,  on  construit  le  che- 
min de  fer.  On  calcule  que  les  mineurs,  partis  des  deux  extré- 
mités opposées,  se  rencontreront  à  peu  près  dans  trois  mois; 


ILES  BRITANNIQUES.  79g 

ils  ont  déjà  pénétré ,  dans  un  espace  de  plus  de  600  verges  de 
longueur,  1800  pieds  anglais  (  1  ). 
La  quantité  immense  de  déblais,  sortis  de  cette  excavation, 

reçoit  une  destination  appliquée  an x  h  a\  an\  extérieurs  du  ohe 
min  de  fer, 

La  pierre  solide ,  coupée  en  grands  carrés,  forme  l'assiette 

OQ  sont  livres  les  côtes  en  fer  sur  lesquelles  poseront  les  roues; 
les  portions  moins  dures ,  on  trop  petites,  ser\  eut  à  !a  construc- 
tion d'un  mur  qui  borde  le  chemin  des  (\<i\x  côtés  ;  les  éclats  et 
le  saMe  sont  employés  à  consolider  les  trois  espaces  compris 
entre  les  quatre  lignes  de  fer,  qui  représentent  da\x  voies  pa- 
rallèles avec  de  beaux  trottoirs  à  droite  et  à  gauche.  Celte  pieri  e 
servira  également  à  la  construction  des  maisons  que  l'administra- 
tion placera  de  distance  en  distance  pour  le  service  de  la  route. 

On  estime  que  l'achèvement  complet  de  cette  belle  entreprise 
ne  demandera  pas  plus  de  sept  mois,  à  compter  de  novembre  der- 
nier. Dès  que  la  première  voiture  aura  parcouru  la  longueur 
de  cette  route  extraordinaire ,  noua  nous  empresserons  de  faire 
part  aux  lecteurs  de  la  Revue  des  résultats  de  cette  belle  cons- 
truction. U.  Alrert. 

Suite  delà  1Vevue  sommaire  des  Sociétés  savantes,  litté- 
raires et  des  beaux-arts  dans  la  Grande-Bretagne.  (  Voy. 
t.  xxxin,  p.  -280-284  ,  606-607,  846-848;  t.xxxiv,  p.  249; 
et  t.  xxxv,  p.  488  489  et  773-776.) 

Beaux-arts. 

Jca demie  royale  de  peinture.  —  Cette  Société  fut  instituée 
le  ier  décembre  1768  ,  sous  la  protection  particulière  de 
S.  M.  George  III;  sir  Joshua  Reynolds ,  qui  reçut  l'ordre  de  la 
chevalerie  à  cette  occasion,  en  fut  nommé  président.  L'Aca- 
démie royale  a  été  fondée  dans  l'intention  de  donner  des  en  - 
couragemens  aux  études  du  dessin  ,  de  la  peinture  et  de  la 
sculpture.  Elle  est  composée  de  quarante  membres  ,  élus 
parmi  les  artistes  les  plus  distingués  de  <:es  trois  branches,  et 
dont  neuf  sont  choisis  chaque  année  pour  diriger  les  études 
des  nombreux  élèves  qui  suivent  les  leçons  des  cinq  profes- 
seurs de  peinture,  d'architecture,  d'anatomie ,  de  perspective 
et  de  sculpture  attachés  à  l'Académie.  La  Société  est  admi- 
nistrée par  un  conseil,  dont  sir  Thomas  Lawrence  ,  peintre, 
est  aujourd'hui  le  président. 


(1)  Ces  travaux  souterrains  sont  placés  sous  la  direction  de  M.  Ste- 
phknson,  ingénieur  civil  d'un  mérite  distingué. 


Soo  EUROPE. 

—  Société  des  artistes  anglais.  —  Cette  Société  formée  le  21 
mai  i8'2'3  s'est  élevée  en  opposition  à  l'Académie  royale.  Elle 
est  composée  de  soixante  membres;  savoir  :  trente-cinq  pein- 
tres ,  six  sculpteurs  ,  sept  architectes  et  douze  graveurs.  Chaque 
membre  pave  dix  livres  sterling  pour  droit  d'admission.  Cette 
Société  n'a  point  de  cours  publics  comme  l'Académie  royale  ; 
mais  elle  a ,  comme  elle  ,  des  salles  d'exposition ,  ouvertes 
ehaque  année  pendant  les  quatre  mois;  d'avril,  mai,  juin  et 
juillet,  et  où  les  artistes  anglais  et  étrangers  envoient  leurs 
tableaux  pour  y  être  vendus  au  public.  La  Société  est  admi- 
nistrée par  un  comité  choisi  parmi  ses  membres. 

—  Société  des  dessins  à  l'aquarelle.  —  Les  salles  de  l'Aca- 
démie royale  destinées  à  recevoir  les  dessins  à  l'aquarelle 
n'étant  pas  assez  grandes ,  les  peintres  de  ce  genre  fondèrent 
en  1804,  the  IVater-colour-drawings  Society,  et  chaque  année 
font  une  exposition  de  leurs  ouvrages  ,  que  le  public  peut  se 
procurer  de  la  même  manière  que  les  tableaux  de  la  Société 
des  artistes  anglais ,  avec  laquelle  celle-ci  a  d'ailleurs  beau- 
coup de  ressemblance  ,  soit  sous  le  rapport  de  son  adminis- 
tration, soit,  sous  le  rapport  de  l'admission  de  ses  membres. 

—  Académie  royale  de  musique.  ■ —  Le  but  principal  de  cet  ( 
établissement  est  d'encourager  l'étude  de  la  musique  parmi 
les  habitans  de  la  Grande-Bretagne ,  et  de  former  des  élèves 
dans  l'art  musical.  La  Société  a  des  professeurs  habiles  qui 
donnent  des  leçons  gratuites.  L'École  est  soutenue  par  des 
dons  volontaires  et  par  des  souscriptions  annuelles.  Un  co- 
mité composé  de  vingt-einq  directeurs  est  chargé  de  l'admi- 
nistration et  de  l'emploi  des  fonds. 

—  Institution  harmonique.  —  Cette  Société  diffère  peu  de  la 
précédente  ,  si  ce  n'est  qu'elle  a  moins  pour  but  de  former  des  ' 
élèves  que  de  donner  des  encouragemens  aux  compositeurs. 
Elle  donne  des  cours  de  musique ,  possède  une  bibliothèque 
assez  considérable ,  et  une  riche  collection  de  pianos  ,  har- 
pes ,  etc. ,  offerts  au  public  sous  la  garantie  des  meilleurs 
maîtres.  L'institution  est  sous  la  direction  d'un  comité  d'ar- 
tistes et  d'amateurs.  F.   D. 

RUSSIE. 

Saint-Pétersbourg.  — Académie  des  Sciences.  —  Dans  le 
cours  de  l'année  i8a5 ,  les  membres  de  l'Académie  dés  Sciences 
de  Pétersbourg  ont  présenté  vingt-huit  mémoires,  dont  sept 
en  latin,  de  MM.  Fess,  Zagorsky,  Fraehn,  et  Trixics;  six  en 
allemand,  de  MM.  Gréfe,  Fuss  ,  Collins,  Krug,  Koeler  et 


nussir.     roi.or.NE.  8 


Oï 


Pahder;  quatre  enrusi  MM.  TarehaHO*  et  Sivkaoi  im. 

Les  Mémoires  en  langue  française  <>nt  été  au  nombre  de  onze, 
savoir  :  i.  Des  sections  coniques  rapportées  à  L'angle  au  som- 
met <iu  cône,  par  li  ^:  a.  Longitude  du  port  Gonorouro  dans 
I  île  de  Wagok,  déterminée  par  l'observation  <l<\s  occultations 
des  étoiles  B  <lu  Taureau  el  X  de  la  Vierge,  par  Taejlsanof; 
\.  De  L'accroissement  des  diamètres  apparens  du  soleil  et  de 
la  Lune,  causé  par  la  réfraction,  par  Schi  bert;  \.  i)es  effets 
d'un  papier-monnaie  déprécié,  dont  la  valeur  se  relève,  par 
Sior.en;  5.  Longitude  de  Jaroslav  le,  déterminée  par  L'obser- 
vation des  occultations  des  étoiles,  u°  10a  et  Cdu  Cancer,  par 
Vichnkvski  ;  (>.  Mémoire  sur  les  lies  et  les  courses  consacrées 
h  Achille  dans  le  Pont-Euxin,  avec  des  éelaireisseinens  sur 
les  antiquités  du  littoral  de  la  Sarmalie  et  des  recherches  sur 
les  honneurs  que  Les  Grées  ont  accordés  à  Achille  et  aux  autres 
héros  de  la  guerre  de  Troie,  par  Roelbb.  «Ce  Mémoire,  dit 
l'auteur,  sous  le  rapport  géographique,  est  ternriné  :  il  ne  l'est 
pas  dans  ce  qu'on  y  dit  sur  l'apothéose  chez  les  Grecs.  Il  sera 
donc  suivi  d'un  second  mémoire,  qui  embrassera  les  tems  an- 
térieurs à  La  guerre  de  Troie  jusqu'à  la  destruction  de  la  liberté 
en  Grèce.  »  7.  De  l'état  actuel  de  la  population  tatarc  en  Tau- 
ride,  par  Hermakn;  8.  Recherches  sur  les  puissances  frac- 
tionnaires, par  Collins;  9.  Longitude  du  port  de  Petropa- 
vlovsk  (au  Kamtchatka,  en  Asie)  déterminée  par  l'observation 
de  l'occultation  de  l'étoile  K  des  Gémeaux,  par  Tarkhanof ; 

10.  Extrait  des  observations  météorologiques  faites  à  Saint- 
Pétersbourg,  pendant  l'année  1822,  d'après  le  nouveau  style, 
par  l'académicien   Vichnevsry  ,    rédigé    par    Tarkhanof;  et 

1 1.  Nouvel  examen  de  cette  question  :  les  services  sont-ils  pro- 
ductifs de  richesses?  par  Storch.  Plusieurs  de  ces  vingt-huit 
Mémoires  font  partie  du  tome  xe  des  Mémoires  de  ilAcadémie 
(publié  en  1826,  in-4°),  dans  lequel  se  trouve  aussi  la  Disser- 
tation ,  en  langue  française,  de  M.  Ouvarof,  président  de 
l'Académie,  sur  les  trou  tragiques  grees  (Eschyle  ,  Sophocle  et 
Euripide).  Une  traduction  russe  de  cette  dissertation  a  été  in- 
sérée dans  le  Fils  de  la  patrie  (1825,  n°s  10  et  11.)       P.  R.  E. 

POLOGNE. 

Varsovie.  —  Civilisation  des  Juifs.  —  Grammaire  et  diction- 
naire en  langue  juive.  —  Gazette  juive.  —  Les  juifs  disséminés 
dans  les  provinces  polonaises  ,  commencent  à  cultiver  les 
sciences  et  les  lettres,  surtout  dans  le  royaume  de  Pologne. 
Une  Gazette  juive  a  été  publiée,  il  y  a  quelque  tems,  à  Vatso- 
T.  xx xvi.  —  Décembre  1827.  5i 


802  EUROPE. 

vie,  où  l'on  a  imprimé  aussi  une  Grammaire  polonaise  en  langue 
juive  populaire  ;  cette  langue  est  un  mélange  de  mois  polonais., 
allemands  et  hébreux.  —  L'auteur  de  cette  grammaire  est 
M.  Lesselroth.  Un  autre  écrivain  Israélite,  M.  Tougendhold, 
travaille  à  la  composition  d'un  Dictionnaire  polonais  juif,  qui 
sera  suivi   de  Principes  de  la  langue  polonaise. 

— Littérature  polonaise. —  Traductions  des  Odes  de  Lomonossov 
et  ^Derjavine,  poètes  russes. — On  s'occupe  beaucoup,  à  Varso- 
vie, à  traduire  en  polonais  les  productions  les  plus  remarquables 
de  la  littérature  russe.  M.  Krouchinsry,  poëte  distingué,  a  lu 
dans  une  des  séances  de  la  Société  des  Sciences  de  Varsovie , 
tenue  en  t825,  une  traduction  de  l'Ode  de  Lomonossov,  inti- 
tulée :  Réflexion  du  matin  sur  la  grandeur  de  Dieu.  Cette  traduc- 
tion, d'ailleurs  pleine  de  poésie,  se  distingue  surtout  par  l'usage 
du  mètre  combiné  avec  celui  des  rimes.  C'est  une  innovation 
dans  la  littérature  polonaise,  tentée  jusqu'alors  plusieurs  fois, 
mais  sans  succès.  L'Ode  deDERJAViNE,  intitulée:  Dieu,  a  été 
traduite  en  vers  polonais  avec  beaucoup  de  talent  par  Kassia- 
novitch,  et  publiée  dans  un  journal  de  Varsovie.  C'est  déjà  la 
septième  traduction  polonaise  de  cette  Ode.  Les  six  premières 
sont  dues  à  Koublitzry,  Trojanovsry,  Litinsry,  Zguérsry, 
Kostrovitzry  et  Chidlovsky.  Il  existe  une  traduction  latine 
de  cette  Ode,  faite  par  Schersry.  La  Revue  encyclopédique 
a  successivement  annoncé  des  traductions,  en  quatre  langues 
différentes,  de  cette  Ode,  que  le  poëte  russe,  mort  en  1816, 
a  publiée,  pour  la  première  fois,  en  1784. — Voyez  l'annonce  de 
la  traduction  chinoise  (  Rev.  Enc.  Avril.  1820.  T.  VI.  p.  204, 
et  Mai  1821.  T.  X.  p.  359  );  française  due  à  M.  Chopin,  Auteur 
du  Coup  d'œil  sur  Pétersbourg.  (  Mars  1821.  T.  IX.  p.  586- 
587-etMai  1821,  T.  X.  page  359);  anglaise,  due  à  M.  Bowring. 
(  Mai  1821.  T.  X.  p.  359.  )  Enfin  le  recueil  de  M.  Borg,  dont 
il  a  été  fait  mention  dans  le  cahier  de  novembre  1 824,  de  la  Revue 
(  T.  XXIV.  p.  391-394  ),  contient  une  traduction  allemande  de 
l'Ode  de  Derjavine.  P.  R.  E. 

SUÈDE. 

Stocrholm.  — Ecoles  de  navigation. — Le  roi  a  ordonné  l'éta- 
blissement de  plusieurs  écoles  de  navigation  dans  différens 
ports  du  royaume.  Des  maîtres  habiles  donneront  aux  élèves 
les  connaissances  théoriques  et  pratiques  nécessaires  pour  for- 
merde  bons  capitaines  marchands,  et  les  élèves  seront  partagés 
en  deux  classes  :  l'une  comprendra  ceux  qui  ne  voudront  navi- 
guer que  dans  la  mer  Baltique  et  dans  les  mers  voisines;  on  re- 


SUÈDE.—  ALLEMAGNE.  8o3 

cevra,dans  la  seconde,  les  jeunes  gens  qui  se  destinent  aux 
v<>\  âges  de  long  cours,  a  compter  <lu  i  "janvier  1829 ,  le  droit 
de  bourgeoisie  ne  sera  accordé  qu'aux  capitaines  marchanda 
qui  auront  été  examinés  par  les  directeurs  d'une  des  écoles,  ou 

par  un  officiel-  de  marine. 

ALLEMAGNE: 

Prusse.  —  Extrait  du  Journal  d*  un  voyageur:  Administration 

des  postes  ;  Observations  sue  Berlin  ;  Etal  de  (industrie  dans  cette 
ville  ci f  dans  la  Basse- Silésie. — Dès  qu'on  a  quitté  les  montagnes 
du  llarz,  on  trouve  une  excellente  mute  pour  se  rendre  à  lier- 
lin,  et  on  voyage  vite  et  commodément  par  la  sc/mell  -  post. 
C'est  une  justice  à  rendre  au  gouvernement  prussien,  en  faveur 
duquel  uous  n'étions  pas  prévenus  ,  que  de  dire  que  nous  avons 
souvent  eu  occasion  de  reconnaître  son  heureuse  influence. 
Nous  avons  traversé  plusieurs  fois  les  lignes  de  douanes  et  nous 
avons  toujours  rencontré  dans  les  employés  beaucoup  de  po- 
litesse ,  et  jamais  de  sévérité  déplacée.  Pendant  près  de  six  mois 
de  séjour  en  Prusse  ,  on  ne  nous  a  pas  demande  une  seule  fois 
notre  passe-port  ,  même  à  l'entrée  des  places  fortes.  Partout 
nous  avons  vu  réparer  les  anciens  chemins  et  en  construire  de 
nouveaux.  L'administration  des  postes  paraît,  surtout  depuis 
qu'elle  a  été  confiée  à  M.  de  Naglo,  avoir  subi  les  changemens 
les  plus  utiles.  Le  gouvernement ,  quoiqu'il  ait  le  monopole  du 
transport  des  voyageurs,  en  use  avec  infiniment  de  discrétion; 
car,  pour  la  valeur  d'environ  5o  centimes  par  lieue,  on  par- 
court, dans  une  très-bonne  voiture  ,  ne  contenant  pas  au-delà 
de  six  personnes  et  toujours  peu  chargée,  un  espace  de  deux 
lieues  par  heure.  Depuis  une  année  ,  à  chaque  relai  ,  une 
chambre  garnie  de  fauteuils  et  de  canapés  sert  de  lieu  de  repos 
aux  voyageurs.  Ils  peuvent  s'y  arrêter,  même  plusieurs  heures, 
sans  rien  consommer,  ou,  s'ils  le  désirent ,  y  prendre  des  rafraî- 
chissemens  dont  le  prix  est  déterminé.  On  y  trouve  aussi  un 
livre  dans  lequel  on  peut  déposer  des  plaintes  contre  les  em- 
ployés de  la  poste,  et  qui  est  envoyé  toutes  les  vingt  -  quatre 
heures  à  la  direction  générale.  Le  conducteur  porte  une  montre 
qui  est  placée  dans  une  boite  fermée  de  manière  qu'il  ne  puisse 
l'ouvrir  pour  changer  les  aiguilles.  Cette  montre,  réglée  par  les 
employés  de  l'administration  au  moment  du  départ  de  chaque 
station,  sert  à  fixer  le  tems  qu'il  lui  est  permis  de  rester  en 
route. 

Nous  avons  fait  un  court  séjour  à  Berlin.  Lorsque  nous  y  ar- 
rivâmes ,  on  venait  d'y  essayer   avec  succès  l'éclairage  par  le 

5i. 


5o4  EUROPE. 

gaz.  On  avait  inauguré ,  peu  de  tenis  avant ,  la  statue  de  Biùcher 
qui  est  fort  belle.  En  la  voyant,  on  partage  l'ardeur  militaire  du 
héros  qui  semble  guider  ses  compatriotes  au  combat.  J'ai  dit 
le  héros,  car  ce  n'est  pas  le  général  d'armée  brûlant  du  désir 
de  venger  ses  défaites  que  le  sculpteur  av  représenté  ;  c'est 
l'homme  généreux  sur  la  figure  duquel  respire  le  noble  enlhou- 
siasme  qu'inspire  la  haine  de  la  domination  étrangère.  L'artiste, 
le  célèbre  Rauch  s'est  déridé  non  sans  peine  à  conserver  au 
général  prussien  le  costume  de  l'époque;  mais  il  a  profité  ha- 
bilement de  la  permission  qui  lui  a  été  accordée  de  le  couvrir 
d'un  manteau. 

Nous  avons  été  affligés  de  trouver  des  journaux  censurés 
qu'on  lit  à  peine,  et  c'est  avec  regret  que  nous  avons  cru  remar- 
quer généralement  beaucoup  d'insouciance  pour  les  affaires 
politiques.  D'un  autre  côté  ,  nous  avons  admiré  la  tenue  des 
troupes  et  nous  avons  aimé  à  penser  que  ce  devait  être  un 
sentiment  de  confiance  dans  l'amour  de  ses  sujets  qui  avait 
pu  décider  le  gouvernement  prussien  à  armer  les  citoyens  en 
les  appelant  tous  sans  distinction  au  service  militaire  ,  et  à 
mettre  de  cette  manière  le  peuple  dans  la  position  la  plus  favo- 
rable pour  user  de  sa  force  ,  s'il  lui  en  prenait  fantaisie. 

On  ne  rencontre  pas  demendians  à  Berlin;  on  en  voit  beau- 
coup à  Paris.  La  Prusse  est  pauvre;  la  France  est  riche  :  com- 
ment concilier  ces  faits  ? 

Des  découvertes  et  des  travaux  fort  importans  ont  révélé  à 
l'Europe  savante  la  présence  à  Berlin  d'hommes  d'un  rare  mé- 
rite. Nous  avons  été  étonnés  de  trouver  dans  plusieurs  d'entre 
eux  les  Mltscherllch  y  les  Rose,  les  Vôkler,  \esKarsten,  des 
jeunes  gens  qui  promettent  de  reculer  encore  beaucoup  les  li- 
mites de  la  science;  et  le  gracieux  accueil  que  nous  en  avons 
reçu  nous  a  permis  de  croire  qu'ils  ne  dédaignaient  pas  de  la 
propager.  Un  savant  que  nous  nous  étions  habitués  à  regarder 
comme  Français,  quoiqu'il  soit  né  en  Prusse,  M..  Alexandre  de 
Humboldt,  vient  aussi  de  fixer  son  séjour,  du  moins  pour  une 
partie  de  l'année  ,  dans  la  capitale  de  la  Prusse.  C'est  d'un 
heureux  augure  pour  la  prospérité  de  l'instruction  dans  cette 
partie  de  l'Allemagne. 

Nous  avons  visité  la  fonderie  royale  qui  produit  chaque  jour 
un  grand  nombre  de  bijoux  en  fer.  On  y  a  coulé  en  fonte  plu- 
sieurs grands  monumens.  Tout  ce  qui  en  sort  est  d'un  fini  par- 
fait. Nous  avons  vu  dans  une  fonderie  particulière  qui  en  est 
voisine  une  machine  à  vapeur  prêtée  par  le  gouvernement.  Nous 
signalons  ce  fait  comme  une  des  preuves  de  la  protection  éclai- 
rée qu'il  accorde  à  l'industrie.  Ce  n'est  pas  la  seule  que  nous 


ALLEMAGNE.  ft<>'-> 

&  y  on  a  eu  lieu  de  remarquer,  Enfin,  nous  ne  quitterons  pai 
Berlin  sans  parler  d'un  établissement  très  utile  de  cette  ville, 
et  qui,  transporté  à  Paris,  y  obtiendrait  peut-être  le  même  suc- 
cès :  Les  bains  russes.  Le  baigneur  passe  à  plusieurs  reprises 
d'une  atmosphère  «le  vapeur  très-chaude,  sous  un  jet  d'eau 
froide,  tin  grand  nombre  de  personnes  en  ontéprouvéun  heu- 
reux effet  sanitaire;  d'autres  y  trouvent  leur  agrément. 

La  fabrication  de  la  chaux  avec  la  tourbe  brute, h  Rûders- 
dorf,  à  quatre  milles  de  Berlin,  est  déjà  connue  en  Fiance, 
mais  paraît  susceptible  d'être  appliquée  dans  un  grand  nombre 
de  localités.  Les  fourneaux  employés  à  Riidcrsdorf  son  t  chauf- 
fés au  moven  de  foyers  latéraux.  Leur  forme  intérieure  est 
celle  de  deux  troncs  de  cône  à  base  commune,  dont  l'un  est  ren- 
versée Les  foyers  sont  placés  au  niveau  de  la  base  commune. 
('es  fourneaux  sont  en  grand  nombre.  Leur  hauteur  va  jusqu'à 
35  pieds  du  Rhin.  On  en  a  fait  de  /|5  pieds;  mais  ils  n'ont  pas 
paru  avantageux.  La  quantité  de  chaux  fabriquée  annuellement 
est  considérable  De  magnifiques  bassins  et  des  canaux  ont  été 
creusés  pour  la  transporter  jusqu'à  l'Oder. 

La  Basse-Silésie,  dans  le  voisinage  des  montagnes  des  Rie  ■ 
sengebirge  (montagnes  dcsGéans)  qui  la  séparent  de  la  Bohème, 
offre  des  sites  très- pittoresques.  On  est  étonné  de  l'état  de  ci- 
vilisation auquel  sont  parvenus  les  habitans  de  ces  pays  recu- 
lés; mais,  si  l'on  pénètre  plus  avant  dans  la  Bohème,  le  spec- 
tacle change;  l'état  des  routes  et  la  superstition  des  habitans 
annonceraient  assez  qu'on  est  dans  les  provinces  autrichiennes, 
si  la  visite  des  douanes  et  la  soigneuse  inspection  des  passe- 
ports ne  vous  en  eussent  déjà  averti.  D'après  M.  Ch.  Dupin, 
l'instruction  serait  cependant  assez  répandue  en  Bohême.  J'a- 
voue que  rien  n'a  pu  nous  le  faire  penser  dans  la  partie  que  nous  * 
en  avons  visitée. 

Au  pied  des  Riesengebirge,  du  côté  de  la  Silcsie,  sont  situées 
un  grand  nombre  de  maisons  de  bains  qui  réunissent  tout  ce  qui 
peut  contribuer  à  l'agrément  des  étrangers.  Elles  sont  très- 
fréquentées  par  les  nobles  russes  et  polonais.  La  contrée  est 
couverte  de  fort  beaux  châteaux,  entourés  de  magnifiques  jar- 
dins anglais.  La  fabrication  de  la  toile  et  la  taille  des  cristaux 
en  font  -vivre  la  population.  Lors  de  notre  passage  en  Basse- 
Silésie  (  septembre  1826),  la  première  de  cesindustries  était 
en  état  de  souffrance ,  et  il  ne  nous  a  pas  été  permis  de  visiter 
les  ateliers.  L'exploitation  de  la  houille  à  Waldenbourg  est 
aussi  une  source  de  richesse  pour  le  pays. 

Ang.  Perdonxet. 


SoG  EUROPE. 

SUISSE. 

—  Extrait  dune   lettre  de   Lausanne.    (  ier  décembre  1827.) 
—  Journaux  ;   Sociétés   de  bienfaisance  et  autres  associations  ; 
Législation  sur  la  presse  ;  Révision  des  lois  civiles  et  pénales;  Nou- 
velle maison  de  forée  établie  à  Lausanne  ;  Navigation  par  la  va- 
peur; Pajagrélcs.  —  Je  puis  vous  assurer  que  tout  ce  qui  pense 
dans  nos  contrées  rend  à  la  Revue  Encyclopédique  la  justice 
qu'elle  mérite.  On  la  trouve  dans  presque  toutes  les  sociétés 
de  lecture  qu'on  a  fondées;  et  probablement,  elle  se  répandrait 
encore  davantage  dans  la  Suisse  allemande,  si  elle  accordait  à 
l'article  Suisse  un  peu  plus  de  place,  et  si  ses  correspondais, 
pour  cette  partie,  la  tenaient  avec  plus  d'exactitude  et  d'im- 
partialité au  courant.  La  Nouvelle  Gazette  de  Zurich  ,  la  Chro- 
nique helvétique  ,    la    Feuille  du  canton  de  Vaud  de  M.  Cha- 
vannes,  et  le  Nouvelliste  vaudois,  pourraient  lui  être  utiles  à  cet 
égard.  — Nous  avons  eu  sur  le  cœur  les  éloges  vraiment  incon- 
cevables, accordés  dans  le  tems  au   libelle  que  M.  R**  R**  a 
publié ,  sous  le  nom  d'Histoire  de  la  révolution  helvétique ,  pro- 
duction  qui  n'a  eu  d'autre  but  que  de  flatter  les  absolutistes 
aux   dépens  des  gens  de  bien,  et  que  nous  avons  méprisée, 
malgré  tout  ce  qu'avait  dit  l'un  des  membres  de  l'Institut, 
confrère    de   l'auteur,   pour  la  recommander.  Nous   pensons 
ici  que  les  mensonges  et  les  calomnies  doivent  être  traités  avec 
une  juste  sévérité,  quelque  sonore  que  soit  le  langage  de  celui 
qui   les  débite.  Au  reste,  il  en  sera  fait  justice,  quand  cette 
partie  de  notre  histoire  deviendra  l'objet  des  travaux  d'un  véri- 
table historien. — Les  gazettes  et  les  journaux  que  je  vous  citais 
rendent  compte  des  travaux  de  nos  associations  :  malheureuse- 
ment,  les  rapports  sont  presque   tous  en  langue   allemande. 
Voici  l'énumération  de  quelques-uns  :  a.  Pour  la  Société  helvé- 
tique des  sciences  naturelles  :  Verhandlungcn   der  allgemeinen 
Schweizergcsellscliaft  fur  die  gesammten  Naturwissenschaftcn.  b. 
pour  la  Société  helvétique  d'utilité  publique  :  Neue  Verhandlungcn 
der  schweizerischen  gemeinniitzigen  Gesellschaft  ûber  Erzichungs- 
ivesen  y   Gewerbflciss  und  Armcnpflegc.  c.   Société  bâloise  pour 
l'avancement  du  bon  et  de  l'utile  ,    fondée  par  Isaac  Iselin  : 
Geschichte  der  baslerischen   Gesellschaft  zur  Befôrderung    des 
Guten  und  Gemeinniitzigen.  La  Société  helvétique  de  Schinznach , 
la  Société  de  médecine ,   dans   le  canton  de  Zurich,   publient 
aussi  des  rapports.  La  Société  helvétique  des  sciences  naturelles 
va  bientôt  faire  paraître  un  premier  volume  des  Mémoires  qui 
ont  eu  son  approbation  ;  mais  ce  recueil  ne  renfermera  pas 


SUISSE.  So7 

ceux  qui  se  trouvent  déjà  dans  les  recueils  de  quelques  Sociétés 
cantonales,  par  exemple  à  Genève.- — Les  associations  qui  ont 
pour  but  les  perfectionnemens  de  noire  étal  militaire  reçoivent 
et  publient  aussi  des  Mémoires.  La  Société  de  musique  ne  pro- 
duit que  des  chansons  ;  celle  ('rs  Ciutnteuft  des  Alpes  publie  du 
tems  en  tems  des  hymnes  patriotiques  qu'on  chante  dans  les 

réunions   annuelles.    Il    en    est    de   même  pour   la    Relation  des 

étudions  catholiques  et  protestant ,  < j u  1  a  lieu  chaque  année  à 

Zolïinguc,  sous  les   veux   (le  tous  les  pries   de   famille,  heureux 

i\\\  spectacle  de  l'union  et  de  L'aimable  g.iîté  de  leurs  enfans. 

Long-tcms  on  voulut  confondre  celle  réunion  avec  celles  que 
la  Sainte- Alliance  poursuivait  ailleurs,  et  il  y  eut  des  Suisses 
assez  éhontés  pour  solliciter  contre  eux  la  malveillance  étran- 
gère; mais  on  laissa  dire,  et  les  hymnes  composés  pour  ces 
réunions  continuèrent  à  être  chantes  et  publiés. 

Le  Nouvelliste  vaudois  renferme  dans  ses  derniers  numéros 
un  compte  aussi  fidèle  qu'intéressant  de  la  réunion  de  la  Société 
helvétique  d'utilité  publique ,  qui  a  eu  lieu  à  Baie,  les  12,  j3 
et  14  septembre.  Il  s'y  trouvait  120  membres  des  divers  can- 
tons; j'eus  beaucoup  de  plaisir  à  y  assister.  La  réunion  de  la 
Société  helvétique  des  sciences  naturelles  aura  lieu  en  juillet  1 828, 
à  Lausanne. 

Sur  la  demande  des  grandes  puissances,  la  diète  a  dû  renou- 
veler annuellement  le  décret  qui  soumet  la  presse  à  la  censure. 
Il  y  a  des  cantons  où  cette  mesure  serait  rendue  éternelle,  si 
l'on  n'écoutait  que  les  gouvernans;  nous  serons  peut-être 
du  nombre;  car  le  démon  du  pouvoir  habile  aussi  la  maison  du 
cultivateur.  Depuis  l'année  1822,  nous  avons  une  mauvaise  loi 
sur  la  presse,  qui  cependant  n'a  pas  suffi;  il  a  fallu  accorder 
au  gouvernement  des  pouvoirs  extraordinaires,  qui  se  renou- 
vellent chaque  année,  et  nous  avons  été  heureux  de  nous  ré- 
server le  droit  de  publier,  sans  que  la  censure  puisse  l'empêcher, 
tout  ce  qui  tient  à  nos  affaires  intérieures,  législatives,  admi- 
nistratives et  judiciaires.  Pour  tout  le  reste,  nous  subissons  le 
joug  de  la  censure  ;  ce  qui  nous  empêche  de  toucher  librement 
à  ce  qui  se  passe  dans  les  autres  cantons,  qui  fourniraient  ma- 
tière à  de  nombreux  et  intéressans  articles. — Vous  comprenez  , 
Monsieur,  comment  on  ne  peut  vous  tenir  au  courant  de  ce 
qui  se  fait  dans  notre  petite  Suisse,  où ,  depuis  plusieurs  siècles, 
on  est  habitué  à  regarder  les  affaires  publiques  comme  l'arche 
du  Seigneur.  —  C'est  probablement  ce  qui  a  forcé  le  rédacteur 
de  la  feuille  argovienne, intitulée  Vnterhaltungs  Blàtter (Feuilles 
pour  la  conversation),  à  la  faire  paraître  hors  de  la  Suisse,  et  le 
jurisconsulte  qui  a  critiqué  sévèrement  l'ordre  judiciaire,  dans  la 


M  EUROPE. 

brochure  allemande,  intitulée  :  Aphorisme*  sur  F  ordre  judiciaire 
du  canton  d'Jrgovie  {  Aphorismcn  ùber  die  Justiz-  Einrichtungen 
des  K.  Aarmi,  i  S2 1\  a  dû  aussi  recourir  aux  presses  étrangères. 
— <  Le  canton  du  Tésin,  menacé  par  le  gouvernement  lombard, 
va  probablement  profiter  de  l'occasion  pour  entraver,  par  une 
loi,  la  liberté  delà  presse. — On  serait  mal  venu  à  médire  des 
jésuites  dans  le  canton  de  Fribourg ,  sorte  d'Espagne  helvétique , 
dans  le  Valais,  et  même  dans  les  petits  cantons.  Cependant  la 
vérité  parvient  de  tems  en  teins  à  se  faire  jour,  et  l'on  en  profite. 

On  commence  dans  plusieurs  cantons  à  s'occuper  de  la 
révision  des  lois  civiles  et  pénales.  Les  Bernois  ont  suivi  les 
premiers  l'exemple  du  canton  de  Vaud,  et  dans  un  bon  esprit  ; 
c'est  le  professeur  Schnell  qui  a  été  chargé  par  eux  des  ré- 
dactions. Le  scandale  donné  par  la  procédure  dirigée  contre  la 
bande  Wendcl  fera  sentir  l'urgence  de  réformer  la  procédure 
criminelle:  vous  ignorez  peut-être  qu'il  existe  des  cantons, 
où,  lors  de  la  restauration  du  fédéralisme,  on  s'empressa  de  re- 
mettre en  honneur  la  torture,  pour  mieux  prouver  l'excellence 
des  anciens  tems.  Le  grand  conseil  du  canton  de  Vaud  exprima, 
en  1826,  son  voeu  en  faveur  du  jury;  cette  année,  il  s'est  pro- 
noncé en  sens  inverse ,  et  sernpre  benc.  La  vérité  est  que  les 
membres  ne  savaient  point  ce  qu'on  voulait  entendre  par  là. 
Peut-être  reviendra- t-on  au  premier  vœu,  en  1828?  La  ques- 
tion a  été  présentée,  dans  le  Nouvelliste  vaudois ,  en  1826  et 
1827,  et  Y  sera  encore  traitée. 

La  Feuille  du  canton  de  Vaud  contient  un  rapport  exact  et 
très-bien  fait  sur  l'organisation  de  la  nouvelle  maison  de  force 
de  Lausanne ,  établissement  remarquable  par  l'ordre  et  la  bonne 
tenue,  et  vraiment  digue  d'être  visité  par  les  voyageurs  qui 
cherchent  à  bien  voir. 

L'établissement  de  M.  Fellenberg  continue  à  prospérer. — On 
a  établi,  dans  les  cantons  de  Genève  et  de  Zurich ,  deux  écoles- 
de  pauvres;  on  va  probablement  aussi  en  fonder  une  à  Lau- 
sanne. 

On  compte  quatre  bateaux  à  vapeur  employés  sur  le  lac  de 
Genève.  L'un  d'eux,  le  Léman ,  est  d'une  grande  beauté.  La 
circulation  est  devenue  plus  rapide  entre  Lausanne  et  Genève , 
sans  cependant  nuire  à  celle  qui  avait  lieu  par  le  roulage.  Sur 
le  lac  de  Neufchâtel,  il  en  existe  un  qui,  lorsque  les  eaux  ne 
sont  pas  trop  basses,  ,v a  par  la  Thielle  et  le  lac  de  Bienne , 
jusqu'à  Nidau.  On  en  compte  deux  sur  le  lac  de  Constance,  et 
un  sur  le  lac  Majeur. 

Les  paragrêles  ont  perdu,  depuis  l'an  dernier,  leur  crédit 
dans  ce  pays.  Comme  on  nous  a  transmis,  néanmoins,  des  en- 


SUISSE.-  ITALIE.  809 

Cirons  de  Montméltan  des  résultats  contradictoires  très  singu- 
lîers,  nous  croyons  devoiT  attendre  des  renseignemens  ulté- 
«  uurs,  avanl  de  prononcer  définitivement.  X — n. 

Publication  prochaine.  (  Die  gclchrte  Schweit.  J.a  Suisse  sa- 
vante ou  les  écrivains  du  \\\r  siècle:  Prospectus  in  -  8°  de  H 
pages.) — Ce  que  Hambergérei  son  continuateur  Meusel  ont  fait 
pour  leur  patrie,  dans  leur  Allemagne  savante,  M.  Mf.ykr  de* 
Trogen ,  canton  d'Appenzel ,  médecin  ci  bibliothécaire,  se  pro- 
pose de  le  faire  pour  ia  Suisse,  s'il  trouve  chez  les  littérateurs 
des  divers  cantons  une  coopération  assez  active.  Il  désire  plu- 
blier  successivement  une  sorte  de  registre  des  écrivains  suisses 
encore  vivans  et  de  ceux  qui  sont  morts  depuis  1801.  Il  y  con- 
signera Ie,  leur  nom  ,  la  date  et  le  lieu  de  leur  naissance;  2°  les 
fonctions  qu'ils  ont  remplies  OU  qu'ils  remplissent  ;  3°  les  livres. 
brochures,  articles  de  journaux,-  etc.,  qu'ils  ont  publiés,  avec 
des  indications  détaillées  et  précises;  l\°  leur  notice  biographi- 
que et  leur  portrait,  s'il  existe.  Le  prospectus  est  terminé  par 
deux  notices  de  cette  espèce,  qm  doivent  servir  de  modèle; 
elles  concernent  un  écrivain  de  la  Suisse  française  et  un  écri- 
vain de  la  Suisse  allemande  ,  M.  Ch.  Monnard ,  professeur  à 
l'académie  de  Lausanne  et  l'un  de  nos  collaborateurs,  et  M. 
Pierre  Scheitlin,  pasteur  et  professeur  à  Saint-Gall.  M.  Meyer 
sera  sans  doute  secondé,  comme  il  le  désire  ,  pour  le  monument 
qu'il  projette  d'élever  à  l'honneur  national.  *  * 

ITALIE. 

Florence.  — Académie  des  Géorgophiles. — Séance  du  idj'uin. 
—  Le  professeur  Antoine  Targioni  Tozzetti  lit  un  rapport 
sur  un  Mémoire  de  M.  Joseph  Rossi ,  de  Pise,  sur  l'utilité  que 
la  Toscane  pourrait  tirer  de  la  culture  du  sésame.  L'huile  qui 
provient  de  la  graine  de  cette  plante,  coûterait  beaucoup 
moins  que  l'huile  d'olives.  —  M.  l'avocat  Aldobrand  Paolini 
présente  quelques  observations  sur  le  contrat  colonique  qui  est 
en  usage  dans  toute  la  Toscane.  Il  y  trouve  quelques  restes  de 
ce  qui  constituait,  en  d'autres  tems ,  la  servitude  de  la  t'Ièbe, 
et  il  indique  les  moyens  de  le  rendre  plus  conforme  aux  prin- 
cipes de  la  justice  et  de  l'économie  publique.  —  Le  professeur 
Taddei  donne  l'analyse  de  l'eau  de  ï'Arno  quia  paru  troublée, 
pendant  quelques  jours  du  mois  de  mai.  Il  en  a  extrait  un  dé- 
pôt (argillo  silico-ferugineux) ,  et  il  démontre  de  quelle  utilité 
cette  eau  pourrait  être  pour  les  terrains  stériles  ou  maréca- 
geux. —  M.  Jean  Bettoni  présente  une  table  de  réduction 
des  anciennes  mesures  de  Florence  et  de  celles  qu'on  emploie 


8  io  EUROPE. 

aujourd'hui  dans  la  Toscane.  —  M..  Joseph  Locatelm  propose 
d'appliquer  la  trombe  de  Du  puis  à  une  eau  stagnante  qui,  après. 
le  mouvement  qu'elle  lui  communiquerait,  continuerait  dans  la 
suite  à  se  mouvoir  d'elle-même. 

—  Société  pour  la  propagation  de  l'enseignement  mutuel.  — 
Séance  du  i5juin.  — De  tous  les  Italiens,  ce  sont  les  Toscans 
qui  ont  montré  le  plus  de  zèle  pour  les  progrès  de  cette  mé- 
thode, que  des  barbares  ou  des  hypocrites  ne  cessent  pas  ail- 
leurs de  persécuter  ou  de  calomnier.  Des  étrangers  avaient 
fondé  une  école  d'enseignement  mutuel  à  Pise,  où  des  citoyens 
se  sont  chargés  de  la  maintenir.  On  a  introduit  la  même  mé- 
thode dans  l'école  communale  de  Saint-Gemignano.  Une  école 
pareille  a  été  organisée  à  Figline,  pour  les  jeunes  filles.  Une 
autre,  établie  à  Sienne,  a  donné  les  preuves  les  plus  satisfai- 
santes de  sa  prospérité.  M.  le  marquis  Charles  Pucci,  surinten- 
dant de  ces  écoles,  en  rendant  un  compte  exact  de  leur  état, 
a  fait  voir  que,  tout  en  suivant  l'esprit  de  la  méthode,  on  n'a 
pas  manqué  de  profiter  de  l'expérience  pour  la  réformer  et  l'a- 
méliorer dans  quelques  parties.  Le  système  d'Hamilton  a  été 
adopté  pour  les  exercices  de  lecture.  M.  Braccioliki,  qui  se 
distingue  par  son  activité  et  par  ses  connaissances  ,  se  propose 
de  donner  un  tableau  statistique  des  progrès  de  ces  écoles,  de- 
puis l'époque  de  leur  fondation  jusqu'à  ce  jour.  On  remarque 
que,  depuis  le  ier  de  mai  1819,  c'est-à-dire,  dans  le  court  in- 
tervalle de  huit  ans,  2,124  individus,  la  plupart  appartenant 
à  la  classe  la  plus  indigente,  ont  reçu  l'instruction  élémentaire 
dans  la  seule  ville  de  Florence.  Pourquoi  les  autres  provinces 
d'Italie  n'imitent-elles  pas  un  si  bel  exemple  ? 

Pistoja. — Académie  des  lettres  et  des  arts.  —  Séance  extraor- 
dinaire du  20  mai  1827.  —  Cette  académie  naissante  s'est  pro- 
posé de  célébrer  la  mémoire  des  grands  hommes  qui  honorent 
le  plus  l'Italie.  Elle  a  consacré  sa  dernière  séance  à  Christophe 
Colomb.  On  y  a  lu  des  discours  en  prose  et  en  vers  qu'on  aurait 
tort  de  confondre  avec  ceux  dont  la  futilité  rendait  ridicules 
la  plupart  des  académies  des  siècles  précédens.  Les  auteurs  ont 
considéré  la  découverte  du  Nouveau-Monde  dans  ses  rapports 
avec  les  progrès  de  la  civilisation.  Soit  l'effet  du  hasard  ,  ou 
plutôt  par  suite  d'un  accord  prémédité,  tous  les  morceaux  qui 
ont  été  lus  formaient  un  ensemble  bien  ordonné.  31.  Nicolas 
P ucc in i  avait  ouvert  la  séance  par  un  discours,  dans  lequel  il 
rappelait  les  particularités  les  plus  remarquables  relatives  au 
voyageur  italien  ,  et  liait  à  cette  histoire  des  considérations  sur 
les  événemens  qui  se  passent  aujourd'hui  dans  l'Amérique  mé- 
ridionale. Après  lui,  divers  poètes  commentèrent  successive- 


ITALIE.— PAYS-BAS.  Bu 

ment  dans  leurs  \ers  les  traita  les  plus  taillant  tic  ce  tableau 
historique  :  ainsi,  1M.  $$rfa*i  signale  te  hardiesse  de  ce  navi- 
gateur (jui  cherche  un  inonde  que  Ini  seul  connaît;  M.  Trinçi 

mêle  ses  applaudisseinens  au\  hommages  que  lui  rendent,  à  son 

arrivée,  les  habitant  étonnés  de  ce  nouveau  paya;  M.  Giuntt 
célèbre  son  reloue  en  Europe;  M.  Odaldi  évoque  ie  génie  de  In 
mer  Atlantique,  qui  prédit  les  maux  que  les  Européens  appor- 
teront aux  Américains  ,  et  Colomb ,  par  ton  tilenoe  mystérieux, 

semble  annoncer  les  bienfaits  que  les  siècles  à  venir  devront  a 
sa  découverte.  M.  Odaldi  avait  aussi  composé  une  espèce  de 
mélodrame,  représentant  Colomb  au  moment  où  les  matelot* 
espagnols  révoltés  menacent  de  le  jeter  à  la  mer.  M.  Louis  Ghe- 
rardcsclii  est  l'auteur  de  la  musique  ajoutée  à  cette  pièce,  dans 
laquelle  M.  Cccchcrini  a  chanté  le  rôle  de  Colomb  avec  l'ex- 
pression la  plus  bouchante.  M.  Dinia  ensuite  tracé,  dans  un 
discours  ,  l'état  actuel  des  sciences  et  des  arts  dans  l'Amérique  ; 
puis,  M.  Conirttcci  a  décrit ,  en  ottave  rima  ,  l'entrée  triomphale 
de  Colomb  à  Barcelone;  enfin,  MM.  L.  Lconi  et  Cassicn  Zur- 
cagni/ii  oui  prétenté,  l'un,  Colomb  en  prison  chargé  de  chaînes, 
et  l'autre,  Colomb  mourant  mais  consolé  par  la  gloire. 

Cette  espèce  de  spectacle  a  été  exécuté  avec  un  grand  succès. 
Le  jour  suivant,  M.  Puccini  offrit  un  repas  hospitalier  à  tous 
ceux  qui  avaient  concouru  à  cette  solennité  ;  il  les  reçut  dans  ses 
jardins  peu  ioin  de  Pistoja  ,  avec  une  aimable  affabilité  :  c'était 
une  image  des  festins  philosophiques  des  anciens.  Au  milieu 
au  repas,  on  n'oublia  pas  les  Italiens  vivans  les  plus  distingués: 
divers  toasts  leur  furent  consacrés. 

Turin.  — Théâtre.  —  M.  l'avocat  Nota,  qui  continue  à  enri- 
chir de  ses" pièces  la  scène  italienne,  a  fait  paraître,  le  il\  avril , 
sur  le  théâtre  Carignano,  sa  nouvelle  comédie,  intitulée  la  No- 
vella  Sposa ,  l'Épouse  nouvelle.  Elle  a  obtenu  un  grand  succès; 
et,  bien  que  l'auteur  eût  caché  son  nom  ,  il  fut  généralement  re- 
connu à  la  régularité  du  plan,  à  la  vérité  des  caractères  et  du 
dialogue.  Nous  avons  consacié,  dans  ce  cahier,  aux  comédies 
de  cet  écrivain  ,  une  analyse  où  nous  avons  essayé  de  faire  ap- 
précier les  titres  sur  lesquels  s'est  établie  sa  réputation  (voy.  ci- 
dessus,  pag.  66/1-672.)  Nous  la  compléterons  par  le  compte 
rendu  de  cette  nouvelle  comédie,  aussitôt  qu'elle  nons  sera  par- 
venue. F.   Salfi. 

PAYS-BAS. 

Recherches  sur  l'histoire  des  Pays-Bas.  —  Une  commission 
présidée   par  le  ministre  de   l'intérieur  et  l'administrateur  de 


8i»  EUROPE. 

rinstrtlClioD  publique,  et  composée  de  MM.  De  Reiifenberg, 
Raoul,  "Willems  ,  Van  Hulthem,  Van  de  Weyer  et  Ber- 
nhardi  ,  s'est  assemblée  deux  fois  pour  délibérer  sur  les  docu- 
mens  historiques  inédits  qu'il  conviendrait  de  publier,  ainsi 
que  sur  le  mode  de  publication.  Il  a  été  décidé  qu'il  serait  im~ 
primé  une  collection  de  chroniques  sous  le  titre  de  Scriptorcs 
rerum  bclgicarum.  La  première  série  se  composera  d'environ 
trente  volumes  et  contiendra  :  i°  Nicolas  De  Clercq,  auteur 
d'une  chronique  rimée  du  Brabant  (en  flamand);  i°  Jean- 
Van  Heelu,  qui  a  également  écrit  en  vers  flamands  sur  des 
événemcns  relatifs  à  la  même  province;  3°  Pierre  à  Thymo, 
auteur  d'une  histoire  diplomatique  du  Brabant  en  latin,  fla- 
mand et  français  mêlés  ;  4°  Dinterus,  autre  historien  du  Bra- 
bant; 5°  Jean  Molinet,  déjà  bien  connu;  6°  la  relation  des 
troubles  de  Gand  sous  Charles-Quint,  par  un  témoin  oculaire; 
7°  le  Journal  des  voyages  du  môme  empereur  par  Vandenest  , 
ouvrage  que  Leibnitz  avait  songé  à  mettre  au  jour;  8°  le  Voyage 
de  Philippe  Lebeau  en  Espagne  ,  écrit  par  Antoine  de  Lalain  ; 
9°  la  chronique  de  Mucidus;  io°  une  partie  de  celle  de  Brandoj 
ii°  enfin,  les  Chroniques  de  Saint- Bavon...  Chaque  éditeur 
parlera  la  langue  de  l'auteur  original,  et  ajoutera  an  texte  des 
discours  préliminaires,  des  notes,  des  appendices  et  des  tables. 
Le  prospectus  de  cette  vaste  entreprise  doit  paraître  inces- 
samment. X. 

Institut  royal  des  Pays-Bas. — Nominations  académiques. — Le 
roi,  par  un  arrêté  du  3  novembre  1827  ,  n°  o,5  ,  a  approuvé 
les  choix  faits  par  la  première  classe  de  l'Institut  royal  des 
sciences,  lettres  et  beaux-arts  ,  de  MM.  Fan  Reynsbergcn  ,  pro- 
fesseur à  l'école  royale,  d'artillerie  et  de  génie  à  Delft;  A.  Quc- 
telet ,  professeur  à  Bruxelles;  C.  Sœtcrmeer ,  constructeur  au 
département  de  la  marine  à  Flessingue;  D.  Mentz ,  ingénieur 
en  chef  du  Waterstaat,  à  Harlem;  U.  Huguenin ,  directeur  de 
la  fonderie  royale  de  canons  à  Liège;  A.  Numan  ,  professeur  à 
l'école  vétérinaire  royale  à  Utrecht;  et  /.  -  G.  -S.  Fan  Brcda , 
professeur  à  Gand,  comme  membres  :  et  de  MM.  Hump/irey 
Davy ,  à  Londres  ;  G.-L.-C.-F.-D.  Cuvier ,  à  Paris  ;  J.-F.  Blu- 
menbach ,  à  Gœttingue;  G.  Olbers ,  à  Brème  ;  A.  de  Hum- 
boldt,  à  Berlin  ;  et  A.  P.  Decandolle,  à  Genève,  comme  associés. 

La  première  classe  a,  en  outre,  nommé  correspondans 
MM.  G. -M.  Roentgen,  à  Rotterdam;  C.-J.  Glavimans  ,  sous- 
constructeur  de  la  marine,  à  Rotterdam;  C-  L.  Blume ,  à  Leyde; 
/.  -  C.  Rick ,  capitaine  de  la  marine,  à  Rotterdam;  J.-P.  Del- 
praty  capitaine  du  génie,  à  Delft;  jR.  Van  Rees ,  professeur  à 
l'université  de  Liège;  A.  Lipkens ,  ingénieur  vérificateur   du 


PATS-BAS.— FRANCE.  Si  1 

cadastre,  a  Luxembourg;  f.  tiragos  à  Paris;  L.-J.  Gajr-Lustac, 
à  Paris;  F,  Tiedemann  ,  professeur  à  l'université  d'Heidelberg  ; 
/*'.-//'.  Bessel ,  à  K.œDigsberg;  Robert  Browti ,  à  Londres;  7%b- 
■tas  Young t  Philip  Astley  Cooper  ,  à  Londres,  et  y.  Berzelius, 
à  Stockholm. 

ru  anci;. 

Sociétés  sapantes  et  Êtahlissemens  d'utilité  publique, 

Avignon  (  Vaucluse). — Société  des  amis  des  arts.  —  «  Le  but 
de  cette  Société  est  d'encourager  les  nouvelles  entreprises, 
d'exciter  cette  noble  émulation  sans  laquelle  chacun  reste  dans 
la  route  qu'il  a  trouvée  tracée,  et  voit  avec  indifférence  les 
progrès  de  nos  voisins.  »  Dès  que  le  projet  de  cette  institution 
a  été  conçu  et  proposé,  les  souscriptions  sont  arrivées  en  foule  : 
on  a  donc  une  certitude  bien  fondée  qu'elle  est  à  sa  place,  con- 
venablement organisée,  et  qu'elle  fera  du  bien.  L'administra- 
tion est  formée,  et  le  bureau  nommé;  M.  le  baron  de  Mont- 
faucon  est  président,  et  M.  Croze  vice-président:  le  secré- 
taire et  le  vice-secrétaire  sont  MM.  Bon  et  Richard.  Le  conseil 
d'administration  est  composé  de  trente  membres.  Comme  la 
Société  limite  son  action  au  département  de  Vaucluse,  on  ne 
peut  la  comparer  à  la  Société  pour  l'encouragement  de  f  indus- 
trie nationale t  dont  l'influence  est  si  bienfaisante;  mais  la  car- 
rière du  bien  est  immense,  et  attend  encore  un  grand  nombre 
d'explorateurs.  Si  une  louable  rivalité  pouvait  s'établir  entre 
les  déparîemens  français,  si  chacun  ambitionnait  l'éclat  que 
peuvent  lui  donner  une  industrie  perfectionnée,  une  agriculture 
complètement  développée,  l'instruction  répandue  dans  toutes 
les  classes  et  sur  tout  le  territoire,  que  notre  belle  France  se- 
rait encore  embellie  ! 

La  Société  des  amis  des  arts  d'Avignon  a  fait,  dès  cette  an- 
née ,  une  exposition  publique  des  produits  des  beaux-arts  et  de 
l'industrie  avignonnaise  et  vauclusienne ,  depuis  le  ier  jusqu'au 
ao  octobre.  Mais  ce  moyen  d'émulation  ne  sera  pas  le  seul  dont 
elle  fera  usage  :  les  fonds  provenant  des  souscriptions  seront 
employés,  conformément  aux  statuts  :  i°  à  aider  les  jeunes 
artistes  qui  annoncent  des  dispositions  remarquables,  afin 
qu'ils  puissent  se  perfectionner  dans  les  arts  auxquels  ils  se 
destinent;  2°  à  des  distributions  de  prix  pour  l'invention,  le 
perfectionnement  ou  l'exécution  de  tout  ce  qui  peut  concourir 
à  propager  les  arts,  ou  à  influer  sur  les  progrès  de  l'industrie 
dans  le  département;  3°  à  introduire  dans  la  ville  d'Avignon 
les  procédés  établis  avec  avantage  dans  les  autres  département 


8r4  FRANCK. 

ou  dans  les  pays  étrangers;  ft°  à  répandre  l'instruction  relative 
aux  arts  et  à  l'industrie,  par  l'établissement  de  nouveaux  cours 
publics  et  gratuits,  par  l'acquisition  des  meilleurs  ouvrages 
publiés  sur  les  arts,  des  gravures,  plâtres,  machines,  etc.; 
5°  à  faire  les  expériences  nécessaires  pour  apprécier  les  pro- 
cédés utiles  et  les  inventions;  6°  enfin,  à  décerner  des  récom- 
penses à  ceux  qui  les  auront  méritées  par  des  succès  remar- 
quables, et  à  donner  une  impulsion  efficace  qui  se  manifeste 
par  de  nouveaux  efforts  du  génie  et  de  nouvelles  productions 
des  arts.  N. 

Marseille  (Bouches- du- Rhône).  —  Société  de  la  morale 
chrétienne.  —  Séance  du  27  septembre  1827.  —  La  Société  de 
la  morale  chrétienne ,  établie  à  Marseille,  et  auxiliaire  de  celle 
de  Paris,  n'est  fondée  que  depuis  i5  mois;  et  dans  un  aussi 
court  espace  de  tems ,  son  inépuisable  charité  a  rendu  d'im- 
portans  services  à  l'humanité  souffrante.  Étrangère  à  tout 
esprit  de  parti,  indifférente  sur  toutes  les  rivalités  de  nations, 
ne  s'enquérant  point  des  opinions  religieuses,  elle  marche 
silencieusement  à  la  découverte  et  à  la  pratique  du  bien, 
uniquement  occupé  de  ce  qui  peut  procurer  quelque  améliora- 
tion morale  ou  physique  à  l'espèce  humaine.  Cette  Société 
n'aspire  qu'à  un  seul  but,  le  bonheur  des  hommes;  et  ses 
généreuses  intentions,  qui  embrassent  à  la  fois  le  guerrier 
comme  le  littérateur,  l'ouvrier  comme  le  savant,  le  juif  comme 
le  chrétien,  sont  tellement  connues,  tellement  évidentes, 
qu'aucune  personne  raisonnable  n'a  pu  élever  le  moindre 
doute  à  cet  égard. 

Cette  déclaration  des  principes  qui  la  dirigent,  renouvelée 
par  M.  Chasson,  l'un  de  ses  secrétaires,  dans  la  séance  du 
27  septembre  dernier,  a  été  suivie  d'un  rapport  sur  la  situation 
de  la  Société  et  sur  les  résultats  qu'elle  a  déjà  produits.  Affligée 
de  la  fureur  avec  laquelle  on  se  livre  aux  excès  du  jeu  et  des 
malheurs  causés  par  cette  détestable  passion,  elle  a  fondé  un 
prix  pour  le  meilleur  ouvrage  contre  ce  vice  honteux.  Le 
nombre  des  concurrens  a  été  considérable  ;  mais  le  prix  n'a 
pas  été  décerné,  et  la  Société  a  doublé  sa  valeur  pour  l'année 
prochaine.  Ce  prix  sera  de  3oo  fr. 

La  Société  avait  conçu  le  projet  de  former,  sur  le  sol  de  la 
Provence,  une  colonie  composée  de  Grecs  expulsés  de  leur 
patrie ,  et  désormais  sans  ressource  et  sans  asile.  Toutes  les 
bases  de  l'établissement  étaient  posées,  les  conditions  de  son 
existence  prévues;  mais  des  circonstances  qu'il  est  impossible 
de  déduire ,  ont  fait  ajourner  cet  intéressant  projet  ;  la  Société 
conserve  l'espérance  d'y  revenir  l'année  prochaine.  En  atten- 


DÉPARTEMENS.-  PARIS.  *iri 

(lant,  elle  a  pris  soin  de  placer  de  jeunes  Hellènes  orphelins ,  et 
elle  évalue  à  i',',,<><>o  lr.  le  capital  nécessaire  à  cette  œuvre 
charitable  dans  l'année;  mais  cette  somme  est  bien  faible,  si 
on  la  compare  au  nombre  «les  infortunés  qu'elle  permettrait 
«le  soulager,  et  la  Société  de  Marseille  appelle  les  autres  habi- 
tans  «le  l.i  France  o  concourir  a  cette  «envie  <le  miséricorde.  1». 
Smn  r  Qi  i  n  i  in.  Aisne  ).  — Une  Société  deé  sciences t  arts, 
belles  lettres  et  d'agriculture  s'est  formée  à  Saint -Quentin, 
l'une  d<*<  villes  de  France  les  pins  distinguées  par  son  esprit 
public  et  par  son  industrie  ;  cette  compagnie,  qui  s'étend  dans 
tout  le  département  de  l'Aisne,  compte  déjà  beaucoup  de 
membres  et  de  correspondans  éclairés;  ses  premiers  pas  dans 
la  noble  carrière  où  elle  v>t  ennée  sont  heureux,  et  nous  fe- 
rons connaître  le  résultat  de  ses  travaux.  L.         / 

PARIS. 

Institut.  — Académie  des  sciences.  —  Séances  des  irj  et 
26  novembre.  —  M.  Legendre  annonce  une  découverte  de  M.  Ja- 

fcOBï,  de  Krenigsberg ,  qui  a  perfectionné  notablement  l'impor- 
tante théorie  des  fonctions  elliptiques.  Il  remet  une  note  dé- 
taillée à  ce  sujet,  dans  laquelle  il  indique  quelques  résultats 
principaux  des  théorèmes  de  M.  Jacobi,  et  fait  mention  des 
recherches  de  ce  jeune  géomètre  sur  la  théorie  des  nombres.  — 
M.  de  Mirrel  lit  un  mémoire  sur  l'origine,  le  développement  et 
l'organisation  du  liber  et  du  bois.  —  M.  Cagniart  de  Latour 
donne  lecture  de  nouvelles  recherches  expérimentales  et  théo- 
riques sur  les  propriétés  du  son. 

Du  3  décembre. —  MM.  Duméril ,  Girard  et  Frédéric  Cuvier 
font  un  rapport  sur  le  mémoire  de  M.  Chabrier,  concernant 
les  mouvement  progressifs  de  l'homme  et  des  animaux.  En  voici 
les  conclusions  :  «Vos  commissaires  reconnaissent  que  le  travail 
de  M.  Chabrier  renferme  beaucoup  d'idées  justes  sur  la  méca- 
nique des  principaux  mouvemens  qu'exécutent  les  animaux  ; 
qu'il  a  fait  preuve  de  connaissances  exactes  sur  beaucoup  de 
points  d'anatomie  comparée;  mais  que  ce  mémoire  ne  renferme 
pas  des  observations  nouvelles  ,  ainsi  que  son  titre  semble  l'an- 
noncer; que  l'auteur  y  a  seulement  développé  une  opinion 
différente  de  celle  qui  est  généralement  admise  dans  le  mode 
d'action  des  muscles;  mais  que  cette  théorie,  pour  être  dé- 
montrée et  adoptée,  devrait  être  appuyée  sur  des  observations 
positives;  tandis  que  l'aoatomie  fait  connaître  que  la  fibre 
charnue  d'un  muscle  agit  le  plus  ordinairement  sur  l'extrémité 
à  laquelle  adhère  son  tendon  qui  est  sa  terminaison.  Nous  pro- 


Si6  FRANCE. 

posons  cependant  à  l'académie  d'engager  l'auteur  a  publier 
son  mémoire  qui  présente  quelques  vues  nouvelles.  «  (  Adopté.) 
—  M.  Biot  lit  un  mémoire  sur  la  figure  de  la  terre.  Les  obser- 
vations de  l'auteur,  confirmant  les  résultats  auxquels  étaient 
déjà  arrivés  plusieurs  observateurs,  l'ont  conduit  à  reconnaître 
que  faction  de  la  pesanteur  n'est  pas  la  même  sur  tous  les  * 
points  d'un  même  parallèle,  et  ne  varie  pas  uniformément  le 
long  d'un  même  méridien.  Il  a  découvert  qu'à  Paris  en  parti- 
culier la  variation  annuelle  est  assez  forte  pour  déterminer  une 
différence  de  cinq  secondes  par  jour  sur  la  marche  des  hor- 
loges. M.  Biot  pense  qu'on  peut  trouver  dans  la  variation  de 
l'action  de  la  pesanteur  sur  un  même  parallèle  la  cause  des  dif- 
férentes mesures  données  de  l'aplatissement  de  la  terre.  Il  in- 
dique la  manière  dont  il  convient  désormais  de  diriger  les  ob- 
servations sur  la  longueur  du  pendule  pour  les  rendre  aussi 
utiles  que  possible.  Toute  observation  isolée  serait  désormais, 
selon  lui,  peu  importante,  à  moins  que,  par  un  hasard  sur  le- 
quel on  ne  peut  guère  compter,  elle  ne  se  trouvât  faite  sur 
un  point  où  l'action  de  la  pesanteur  serait  un  maximum  ou  un 
minimum.  En  général,  on  doit  désormais  s'attacher  à  répéter 
les  observations,  soit  le  long  des  mêmes  parallèles,  soit  sur  un 
même  méridien,  afin  d'arriver  à  connaître  les  lois  (en  cas  qu'il 
en  existe  )  suivant  lesquelles  ont  lieu  les  variations  dont  l'exis- 
tence ne  peut  plus  être  contestée.  L'auteur  termine  son  mé- 
moire en  faisant  remarquer  que  les  Anglais  ont  eu  tort  de 
prendre  la  longueur  du  pendule  pour  base  de  leur  système 
métrique,  cette  longueur  pouvant  varier  suivant  des  causes  qui 
ne  dépendent  en  aucune  manière  de  la  position  topographique 
et  qui  peuvent  ne  pas  rester  constantes  pour  un  même  point 
dans  le  cours  des  siècles.  Sous  ce  rapport,  la  base  du  système 
métrique  français  n'offre  pas  le  même  inconvénient  au  même 
degré. 

Du  10  décembre.  —  MM.  Gay-Lussac,  Vauquclin  et  Chcvrcul 
font  un  rapport  sur  le  travail  de  MM.  Dumas  et  Boulay  fils, 
ayant  pour  titre  :  Mémoire. iur  la  formation  de  téther  sulfurique. 
*  Il  résulte  de  ce  rapport,  i°  que  les  auteurs  ont  déterminé  la 
composition  élémentaire  de  l'huile  douce  du  vin;  i°  qu'ils  ont 
fait  voir  que  cette  substance,  unie  à  l'acide  hyper-sulfurique, 
constitue  l'acide  sulfurique;  3°  que  ces  connaissances  com- 
plètent la  théorie  de  1  ethérification  de  l'alcool  par  l'acide  sul- 
furique; 4°  que  MM.  Dumas  et  Boullay  fds  ont  confirmé  par 
de  nouvelles  analyses  la  composition  de  l'alcool  et  de  l'éther. 
Le  résumé  de  ce  travail  en  fait  sentir  l'intérêt  et  justifie  la  pro-  1 
position  que  les  commissaires  font  à  l'académie  de  l'approuver 


PARIS,  8ij 

ci  d'en  ordonner  l'impression  dans  le  recueil  des  savans  étran 
gers.  (  Adopté.  )  —  MM.  Dupuytrenei  Diunéril (oui  un  rapport 
sur  le  mémoire  de  M.  le  docteur  Sktfir,  de  Genève,  relatif  à 
une  nouvelle  application  dé  la  lai yngo ■trachéotomie.  Nous  ri 
grattons  que  ce  rapport}  plein  de  faits  intéressans,  soit  trop 
étendu  pour  en  placer  l'analyse  dans  cette  notice.  —  M.  Geoi  - 
mov  Saint -HiiiAiai  lit  ira  mémoire  sur  une  petite  espèce  de 

crocodile  vivant  dans  le  Nil,  sur  sot»  organisation  ,  ses  habi- 
tudes, et  le-,  motifs  qui  l'ont  (ait  adopter  dans  l'antiquité  et 

honorer   sons  les    noms   de  crocodile  sacre,    de  souk  (suchus). 

—  M.  Cai  chv  lit  un  mémoire  sur  le  développement  des  fonc- 
tions en  fractions  rationnelles,  A  ce  sujet,  M.  Lacroix  rappelle 
Un  mémoire  d'Kuler  inséré  dans  les  steta  académies  petropoli- 
t.iriir ,  avant  pour  titre:  Nora  mèthodus  fonctiones...  infractiotics 
sin/plices  resolcendt  ;  1780,  p.  H2. 

—  Du  17  décembre. — D  es  fontaines  ^  Mirbclcï  Cassini  font  un 
rapport  sur  le  mémoire  de  M.  Ad.  Buongniaut,  intitulé  :  Non- 
cet  h  s  Observations  sur  les  granules  spermatiqu.es  des  végétaux. 
M.  Brongniart  considère  les  granules  renfermés  dans  le  pollen 
comme  analogues  aux  animalcules  spermatiques  des  animaux  , 
et  il  repousse  l'opinion  de Kœlrenter  et  de  la  plupart  de  ses 
successeurs  qui  attribuent  la  fécondation  à  un  fluide  très-subtil 
et  invisible.  En  conséquence,  il  a  pensé  que  les  granules  sper- 
matiques  des  végétaux  méritaient  d'être  étudiés  avec  soin,  et  il 
a  procédé  à  ses  recherches  de  la  manière  suivante.  M.  Brong- 
niart  fait  éclater  dans  une  goutte  d'eau,  sur  le  porte-objet  du 
microscope,  quelques  grains  de  pollen  ;  il  divise  avec  la  pointe 
d'une  aiguille  les  traînées  qui  en  sortent,  et  il  les  observe  à 
l'aide  des  deux  plus  forts  grossissemens  du  microscope  achro- 
matique d'Amici,  évalués,  l'un  à  63o,  l'autre  à  io5o  dia- 
mètres; enfin,  il  dessine  ces  granules  au  moyen  de  la  caméra 
lucida  adaptée  à  l'instrument;  et  ces  dessins  rendent  sensibles 
aux  yeux  les  diverses  formes  et  dimensions  des  granules  de 
seize  espèces  de  plantes.  Ces  granules  sont  ou  sphériques  ou 
ellipsoïdes,  ou  Cylind racés,  ou  presque  lenticulaires.  Les  va- 
riations de  grandeur  sont  comprises  entre  des  limites  fort  éten- 
dues; car  tandis  que  M.  Brongniart  évalue  à  ^  de  millimètre 
le  grand  diamètre  des  granules  cylindriques  de  X hibiscus  sy- 
riacus,  il  ne  donne  que  7~-0  de  millimètre  aux  granules  sphé- 
riques  du  cèdre  du  Liban;  ainsi  la  grandeur  des  granules  sper- 
matiques  n'est  pas  plus  que  celle  des  embryons  en  rapport  avec 
la  grandeur  des  végétaux  qu'ils  produisent.  Nous  n'exposerons 
pas  les  idées  systématiques  de  M.  Bronguiart  sur  l'analogie 
qui  existe  entre  la  forme  des  granules  des  espèces  du  même 
t.  xxxvi.  —  Décembre  1827.  5a 


818  FRANCE. 

genre,  idées  qu'il  ne  présente  qu'avec  réserve  et  qui  doivent 
être  fortifiées  par  de  nouvelles  observations  ;  mais  son  mémoire 
renferme  des  faits  exacts,  intéressans,  bien  observés,  bien  dé- 
crits, bien  analysés,  mais  peu  nombreux.  M.  Brongniart,  qui 
sait  mieux  que  personne  que  ce  sont  là  les  seules  solides  ri- 
chesses de  la  science,  ne  manquera  pas  de  multiplier  ses  ob- 
servations, et  de  mériter  ainsi  de  plus  en  plus  les  suffragessde 
l'Académie,  qui  lui  ont  été  récemment  accordés  de  la  manière 
la  pins  éclatante  pour  son  premier  travail,  et  que  nous  vous 
proposons  de  lui  continuer,  pour  celui-ci,  en  l'insérant  dans  le 
recueil  des  savans  étrangers.  »  (approuvé.  )        A.  Michelot. 

Addition  à  la  séance  du  lundi  ier  octobre  (voy.  ci-dessus ,  pag. 
244.)  —  M.  Julia-Fontenelle  a  présenté  une  tête  parfaite- 
ment conservée  d'un  sauvage  de  la  Nouvelle-Zélande  qu'il  rap- 
porte à  la  2e  espèce  de  la  race  neptunienne  de  M.  Bory  de  Saint- 
Vincent.  Les  dents  sont  toutes  saines  et  complètes,  les  cheveux 
très-noirs,  rudes,  longs  et  bouclés;  la  couleur  delà  peau  est 
d'un  jaune  fauve,  et  le  tatouage  est  noir  et  très-régulier  ,  sans 
présenter  aucune  aspérité ,  comme  en  offre  celui  qu'on  prati- 
que après  la  mort  des  individus.  Cette  tête  paraît  être  celle  d'un 
homme  de  trente-cinq  à  quarante  ans.  Malgré  cela,  les  sutures 
du  crâne  y  sont  parfaitement  ossifiées  en  dedans,  comme  elles 
le  seraient  dans  le  crâne  d'un  vieillard. 

La  région  occipitale  est  énorme  ;  sa  crête  en  saillie  est  fort 
prononcée,  tandis  que  la  cavité  frontale  est  étroite.  Mais  ,  une 
remarque  fort  importante  qu'on  doit  à  M.  Julia-Fonteneîle  et 
qu'aucun  anatomiste  n'avait  encore  faite  avant  lui ,  c'est  qu'une 
cloison  osseuse  verticale  de  plus  de  deux  lignes  de  hauteur  q?ie 
les  membres  de  l'académie  ont  vérifiée,  se  trouve  dans  l'inté- 
rieur de  ce  crâne.  «  Cette  particularité  anatomique ,  poursuit 
M.  Julia  Fontenelle,  n'avait  été  jusqu'ici  observée  que  chez  les 
animaux  »;  d'où  il  conclut  que  l'angle  facial  de  cette  tête  et  de 
celle  des  autres  habitans  de  la  Nouvelle-Zélande,  étant  très- 
étroit  ,  de  même  que  la  cavité  frontale,  et  leur  intelligence  étant 
des  plus  bornées  ,  cette  race  d'hommes  peut  être  considérée 
comme  un  anneau  qui  sert  de  passage  entre  le  genre  homme  et 
le  genre  orang. 

La  tête  présentée  par  ce  chimiste  n'est  point  tannée,  ainsi 
qu'il  s'en  est  convaincu;  elle  n'a  été  que  trempée  dans  une  solu- 
tion de  chlorure  de  sodium  (sel  marin) ,  et  séchée  ensuite  gra- 
duellement; c'est  ce  qui  résulte  tant  du  témoignage  de  M.  Les- 
son ,  qui  a  séjourné  dans  la  Nouvelle-Zélande ,  que  des  expé- 
riences de  M.  Julia- Fontenelle.  Cette  manière  d'embaumer  les 
cadavres  l'emporte  beaucoup,  suivant  ce  dernier,  sur  les  em- 


PARIS.  819 

bauincuie fi»  de*  Kgvplii'iis.  A  l'appui  de  cette  opinion  ,  il  pré- 
sente à  L'académie  divers  morceaux  île  chair  A*  bœuf  qu'il  garde 
ainsi  depuis  six  ans  dans  un  état  de  conservation  parfaite,  et 
qui  n'ont  subi  d'autre  préparation  que  le  dessèchement  graduel, 
sans  recourir  même  à  la  salaison,  al.  .1  nli.i-I 'ontenelle  annonce 
à  ce  sujet  un  travail  qu'il  prépaie  sur  les  embaumemens. 

Conservatoire  des  arts  et  métiers.  —  Ouverture  du  cours  nor- 
mal de  géométrie  et  de  mécanique  appliquées  aux  arts  ;  par  M.  le 
baron  ('/utiles  Dupin.    (  Dimanche,    16  décembre  1827.  )  —  Le 
savant  professeur  a  présenté  le  tableau  de  l'industrie  parisienne 
et  du  sort  de  la  classe  ouvrière,  envisage  comparativement  dans 
les  divers  arrondisseincns  de  cette  grande   capitale.    Il  a  fait 
sortir  de  ses  comparaisons  des  leçons  d'une  haute  morale  ,  écou- 
lées avec  un  silence  et  un  recueillement  extraordinaires  par  un 
immense  auditoire.  Malgré  la  vaste  étendue  de  l'amphithéâtre, 
environ  six  cents  personnes  sont  restées  dans  les  couloirs  et  les 
vestibules,  sans  pouvoir  trouver  place  parmi  les  auditeurs.  Il  y 
avait  une  affluence  encore  plus  considérable,  dans  la  séance  du 
dimanche  suivant  25,  où   le  professeur  expliquait  l'industrie 
comparée  des  divers  départemens  de  la  France,  d'après  sa  carte 
si  connue  et  si  digne  de  l'être ,  qui  représente  par  des  teintes 
plus  ou  moins  claires  le  degré  plus  ou  moins  grand  d'instruc- 
tion populaire  des  divers  départemens  de  la  France.  M.  Charles 
Dupin  a  parcouru  successivement  les  diverses  branches  d'indus- 
trie qui  ont  mérité  des  récompenses  de  différens  ordres,  en 
montrant  partout  la  supériorité  de  l'industrie,  de  ses  inventions 
et  de  ses  perfectionnemens,  comme  proportionnelle  à  l'étendue 
de  l'instruction  populaire.  Il  nous  suffira  de  citer  le  résumé  nu- 
mérique de  ces  considérations  ,  si  favorables  à  l'enseignement 
des  classes  inférieures  de  la  société.  Pour  faciliter  les  comparai- 
sons que  M.  Dupin  a  présentées  dans  sa  seconde  leçon  ,  il  a  mis 
sous  les  yeux  du  public  une  très-grande  copie  de  sa  Carte  figu- 
rative de  ï instruction  populaire.  Les  teintes  diverses  appliquées 
sur  les  départemens  permettaient  aux  personnes  les  plus  éloi- 
gnées d'apprécier  distinctement  et  complètement,  avec  la  vue, 
les  divers  degrés  d'instruction  des  départemens  de  la  France , 
et  de  vérifier  par  leurs  propres  yeux  les  faits  expliqués  par  le 
professeur  sur  nos  différentes  espèces  d'industrie. 

En  adoptant  la  séparation  tracée  par  l'auteur  au  moven 
d'une  ligne  presque  droite  menée  de  Genève  à  Saint-Malo  ; 
puis  ,  en  appelant  France  septentrionale  la  partie  qui  se  trouve 
au  nord  de  cette  ligne  et  qui  comprend  Zi  départemens,  et 
France  méridionale  celle  qui  se  trouve  au  midi  de  la  même 

5a. 


8ftfi  FRANCE. 

ligne  et  qui  comprend  54  départemeus  ;  voici  le  résumé  des 
récompenses  accordées  par  le  Roi,  d'après  l'exposition  de 
1827. 

Francb  septentrion.     France  méridion. 
32  départemens.  54  départemens. 

Médailles  d'or 3  9 10 

Médailles  d'argent  ...127 25 

Médailles  de  bronze  .  .   186 34 

352  6g 

Élèves  des  écoles  primaires.   740,846  323,073 

De  pareils  rapprochemens  sont  d'une  haute  importance;  ils 
répondent  victorieusement  à  tous  les  sophismes  :  ils  réduisent 
au  silence  les  ennemis  les  plus  acharnés  de  l'enseignement  po- 
pulaire. 

On  a  observé,  dans  le  discours  de  M.  Ch.  Dupin,  le  soin 
avec  lequel  il  signale  à  la  reconnaissance  de  ses  concitoyens 
les  efforts  des  chefs  de  notre  industrie  pour  propager  l'ins- 
truction dans  la  classe  ouvrière.  L'auditoire  a  surtout  remar- 
qué le  tableau  plein  de  charme  que  le  professeur  a  présenté 
de  la  bienfaisance  éclairée  des  jeunes  demoiselles  de  Mulhouse, 
♦nu  forment  une  association  pour  donner,  durant  le  tems  de 
leurs  récréations,  des  leçons  aux  jeunes  personne^  indigentes. 

Des  applaudissemens  ont  souvent  interrompu  le  professeur, 
et  des  témoignages  unanimes  d'enthousiasme  ont,  à  trois  re- 
prises, montré  les  sentimens  de  son  auditoire,  après  chacune 
des  deux  séances  mémorables  .dont  nous  rendons  compte.    Z. 


Plan  en  relief  de  Saint-Pétersbourg ,  exposé  à  Paris  ,  rue  de 
Rivoli ,  n°  1 8.  La  création  de  la  ville  de  Saint  Pétersbourg est  un 
des  plus  remarquables 'phénomènes  du  siècle  dernier.  Des  eaux, 
des  marais,  des  plaines  incultes,  un  climat  rigoureux,  un 
peuple  sauvage  constituaient  les  élémens  dont  un  homme  à 
volonté  forte  s'est  servi  pour  élever,  malgré  la  nature,  une 
des  plus  belles  villes  du  monde  et  des  plus  civilisées.  Deux 
femmes,  toutes  deux  étonnantes,  en  lui  succédant  au  trône, 
ont  achevé  ce  que  Pierre  Ier  avait  si  bien  commencé;  et  le 
xixe  siècle,  avec  ses  arts,  son  goût  exquis,  sa  raison  supé- 
rieure, est  venu  polir  tout  ce  qui  se  ressentait  encore  de  la 
barbarie  ou  de  l'ignorance  des  fondateurs  de  la  capitale  des 
Russies. 

Nous  avons  eu  sous  les  yeux  des  plans  de  cette  ville,  des 
dessins  particuliers,  des  vues  de  ses  principaux  monumens; 


PARIS.  8*i 

mais  t'es  détails,  quelque  nombreux,  quelque  exacts  qu'ils 
fussent,  ne  pouvaient  nous  donner  l'idée  (le  l'ensemble  et  de 
l'effet  générah  Le  plan  en  relief,  qui  se  trouve  exposé  rue  <  1  «  - 
Rivoli,  n"  iH,  conçu  et  préparé  par  M.  de  Kossi,  noble  des 
états  vénitiens ,  nui  ;>  obtenu  pour  cet  objet  un  privilège  de 
S.  M.  l'empereur  Alexandre,  et  exécuté  par  les  meilleurs  ar- 
tistes de  Russie,  d'Allemagne,  d'Italie  et  de  France,  sous  la 
direction  du  célèbre  architecte  et  ingénieur  vénitien  Albert 
<  ;  v\  os ,  représente  cette  grande  el  belle  \  ille  avec  une  extrême 
vérité.  Pour  se  former  une  idée  du  travail  immense  qui  a  pro- 
duit cet  ouvrage  intéressant,  il  faut  savoir  que  les  parties  les 
plus  délicates  ont  été  copiées,  connue  les  plus  massives,  sur 
les  monumens  originaux;  le  cours  de  la  Neva  et  les  canaux 
sont  coulés  en  fonte,  les  toits  couverts  en  métal,  les  statues 
exécutées  en  albâtre  ou  en  bronze,  les  vaisseaux  soignés  dans 
tous  leurs  détails  par  des  ingénieurs  de  la  marine,  les  profils 
même  de  l'architecture  parfaitement  imités  et  modulés.  11  n'esl 
pas  un  Russe  de  la  capitale  qui  ne  puisse  distinguer  sa  mai- 
son, sa  cour,  ses  jardins  et  leurs  dépendances. 

Les  suffrages  les  plus  honorables,  et  particulièrement  ceux 
des  empereurs  Alexandre  et  Nicolas,  et  du  roi  de  Prusse  qui 
avait  fait  donner  gratuitement  un  local  à  l'Académie  des  Beaux- 
Arts  de  Berlin  pour  l'exposition  du  plan  de  Saint-Pétersbourg, 
ont  accueilli  ce  bel  ouvrage,  et  l'auteur-  a  obtenu  le  même  succès 
dans  tous  les  lieux  où  il  l'a  transporté.  Il  n'a  pu  trouver  à  Paris 
un  local  assez  étendu  pour  l'exposer  d'un  seul  morceau,  et  il 
s'est  vu  forcé  de  le  diviser  par  quartiers  qu'il  a  placés  dans  au- 
tant de  salles  séparées  :  on  en  compte  six,  toutes  remarquables 
par  le  nombre,  la  régularité  et  l'élégance  des  monumens 
qu'elles  renferment. 

Beaucoup  de  personnes  distinguées  ,  des  savans,  des  artistes, 
des  gens  du  monde  ont  déjà  visité  celte  curieuse  exposition  ,  qui 
ne  peut  manquer  d'attirer  et  d'intéresser  vivement  tout  ce  que 
la  société  de  Paris  compte  de  plus  recommandable.  B. 


Théâtres. — Théâtre  Français. — Première  représentation  de 
Blanche  d'Afjiiitainc ,  ou  le  Dernier  des  Carlovingicns ,  tragédie 
en  cinq  actes,  par  M.  Hippofjfe  Bis  (lundi  29  octobre).  —  C'est 
une  des  grandes  époques  de  notre  histoire  que  celle  où  cette 
dynastie  de  Charlemagnc  s'éteint,  non  faute  de  rois,  mais  faute 
d'hommes  dignes  de  porter  la  couronne;  où  les  grands  feuda- 
taires,  unis  au  clergé,  donnent  à  la  France  une  organisation 
nouvelle  ,  et  font  régner  la  féodalité  jeune  et  forte  sur  les  débris 


$**  FRANCE. 

d'un  régime  qui  tombe  de  vétusté.  Cette  grande  révolution, 
que  l'histoire  nous  apprend  plutôt  par  les  résultats  que  par  les 
événemens  qui  l'accompagnèrent,  et  qui  sont  restés  fort  obs- 
curs, aurait  pu  offrir  à  un  pinceau  énergique  et  profond  une 
vaste  composition  historique;  le  poète  s'est  borné  à  peindre 
une  scène  d'intérieur.  Ce  n'est  point  ce  peuple  prêt  à  changer 
de  destinée  ;  c'est  le  roi  de  Laon  (  car  les  Carlovingiens  étaient 
réduits  à  ce  petit  domaine),  c'est  celte  famille  de  princes  obscurs 
qu'il  a  voulu  ressusciter  sur  la  scène;  c'est  donc  à  nous  de  ne 
demander  à  son  pinceau  que  ce  qu'il  nous  a  promis,  tout  en 
regrettant  qu'il  n'ait  pas  osé  davantage. 

Jeune  et  faible  héritier  du  nom  de  Charlemagne,  Louis  V 
ne  porte  plus  qu'un  triste  débris  de  la  couronne  de  ses  pères, 
et  jusque  dans  sa  petite  cour,  Charles  son  oncle,  duc  de  Lor- 
raine, et  Hugues  Capet,  comte  de  Paris,  lui  disputent  encore 
ce  lambeau  de  bandeau  royal.  L'un  veut  régner  à  sa  place,  et 
l'autre  en  son  nom.  A  ces  grands  débats  se  joignent  des  intri- 
gues domestiques ;- Blanche  d'Aquitaine,  épouse  de  Louis  V, 
déteste  l'ombre  de  mari  qu'on  lui  a  donné,  et  confie  à  sa  sœur 
Isabelle  l'amour  adultère  qui  porte  tous  ses  vœux  vers  le  comte 
de  Paris.  On  voit  qu'elle  ne  reculerait  pas  devant  un  crime  qui 
mettrait  Hugues  sur  le  trône  et  dans  son  lit.  Mais  le  comte  de 
Paris  n'est  point  amoureux  de  Blanche,  et  ne  consentirait  pas 
à  porter  une  couronne  sanglante.  Toutefois ,  les  intrigues  du 
duc  Charles  et  du  ministre  Gontran  remplissent  de  soupçons  et 
de  fermens  de  haine  la  cour  du  jeune  Carlovingien ;  Louis, 
convaincu  que  Hugues  Capet  est  l'amant  de  la  reine,  s'emporte 
à  des  violences  qui  fte  font  qu'irriter  le  caractère  de  cette  épouse 
coupable  en  espérance.  Outre  la  passion  qui  la  dévore,  Blanche 
a,  pour  s'enhardir  au  crime ,  des  exemples  domestiques.  Emine, 
mère  de  Louis,  a  empoisonné  Lothaire,  son  époux.  La  jeune 
reine  a  surpris  cet  affreux  secret  dans  une  scène  de  somnam- 
bulisme, dont  elle  a  été  témoin ,  un  jour  que  les  remords  de  la 
reine-mère  l'avaient  arrachée  de  son  lit  pour  la  traîner  sur  le 
tombeau  de  l'époux  qu'elle  a  tué.  Mais  trop  bien  éclairée 
par  sa  propre  expérience,  Emine  pénètre  les  secrets  desseins 
de  Blanche,  et  veille  siïr  les  jours  de  son  fils.  C'est  dans  cette 
situation  que  les  deux  reines  ont  une  entrevue.  Emine  ne  dis- 
simule passes  soupçons,  et  Blanche  y  répond  par  de  terribles 
allusions  à  la  mort  de  Lothaire. 

Emine,  confondue,  laisse  échapper  l'aveu  de  son  crime;  le 
spectacle  de  sa  profonde  douleur  et  de  ses  remords  déchirans 
émeut  le  cœur  de  Blanche,  qui  abjure  ses  sinistres  desseins  et 
va  se  réconcilier  avec  son  époux.  Le  duc  de  Lorraine  n'a  pas 


PARIS.  Ha** 

de  peine  à  jeter  «les  nuages  sur  cette  réconcdiation  ;  il  réveille 
les  soupçons  du  nu,  et  lui  conseille  d'offrir  la  main  d'Isabelle 
au  COmtê  (le  Paris.  C'est  III.iik  In-  (jue  le  roi  charge  de  celle 
pénible  mission  ;  cl  les  relus  (le  Hugues  Capet  font  naître  une 
joie  secrète  dans  l'âme  de  Blanche,  et  <le  nouveaux  soupçons 
dans  celle  de  Louis.  Ce  prince,  pour  connaître  enfin  la  vente  , 

imagine  un  moyen  pris  dans  les  meanm  du  teins;  il  veut  que, 

le  jour  niriiic,  sa  femme  apj)roclie  avec  lui  de  la  table  sainte; 
si  le  tribunal  de  la  pénitence  lui  interdit  cette  terrible  «preuve  , 
tous  les  doutes  d\\  roi  seront  éclaircis,  et  le  crime  de  Blanche 
sera  prouvé  à  ses  yeux.  Mais  celle-ci  triomphe  de  toutes  les 
craintes  de  l'enfer;  elle  ment  au  tribunal  de  la  pénitence,  elle 
profane  le  plus  saint  des  mystères  de  sa  religion,  et  en  com- 
muniant avec  le  roi,  elle  mêle  du  poison  au  vin  consacré, 
dépendant,  au  moment  ou  Louis  est  convaincu  de  l'innocence 
de  Blanche  et  de  celle  de  Hugues,  qui  vient  de  refuser  la  cou- 
ronne que  lui  offraient  les  vassaux  révoltés,  il  commence  à 
ressentir  les  atteintes  du  poison,  et  expire  dans  des  douleurs 
qui  lui  rappellent  la  mort  de  son  père.  Blanche,  dédaignée  par 
le  comte  de  Paris,  se  poignarde ,  et  le  poëte  nous  laisse  entrevoir 
que  Hugues  Capet  va  recueillir  ce  sanglant  héritage. 

Nous  l'avons  déjà  dit,  toutes  les  grandes  questions  politiques 
sont  négligées,  et  l'auteur  n'a  pas  prétendu  peindre  la  révolution 
nationale  de  l'époque;  c'est  une  intrigue  de  famille  qu'il  a  re- 
tracée, et  sa  pièce  ressemble  à  beaucoup  d'autres  ouvrages  du 
même  genre  ;  ce  n'est  pas  avec  cette  timidité  qu'on  fera  faire  à 
l'art  des  progrès  que  la  génération  actuelle  réclame.  L'ouvrage 
a  d'ailleurs  le  malheur  de  n'inspirer  qu'un  faible  intérêt;  il  offre 
cependant  des  parties  qui  annoncent  un  talent  distingué  :  l'in- 
cident de  la  communion  est  tragique  et  empreint  des  couleurs 
du  teins;  il  ne  faut  s'en  prendre  sans  doute  qu'aux  entraves 
dont  notre  système  théâtral  est  embarrassé,  si  l'auteur  n'en  a 
pas  tiré  un  plus  grand  effet.  La  scène  entre  les  deux  reines  est 
fort  belle;  elle  a  paru  aussi  neuve  que  dramatique,  et  elle  a 
déterminé  le  succès  de  hi  pièce  que  l'on  verra  quelque  tems 
avec  plaisir  ;  elle  ajoute  aux  espérances  qu'avait  déjà  données 
l'auteur  &  Attila  ,  et  que  sans  doute  un  troisième  ouvrage 
viendra  bientôt  réaliser  entièrement. 

—  Première  représentation  <\u  Mariage  d'argent,  comédie 
en  cinq  actes  et  en  prose  ;  par  M.  Scribe  (Lundi,  3  décembre.) 
— Il  fallait  tout  l'esprit  dont  M.  Scribe  est  doué,  toutes  les  res- 
sources ingénieuses  et  fécondes  qu'une  longue  pratique  du 
théâtre  a  mises  à  sa  disposition  ,  pour  ne  pas  échouer  complè- 
tement  dans  une  grande  comédie  de  mœurs  dont  la  donnée 


&<i/t  FRANCE. 

principal  est  entièrement  fausse.  Un  homme  qui  aime  passion- 
nément depuis  son  enfance;  qui  retrouve,  après  une  longue 
séparation,  la  femme  adorée  qu'il  croyait  perdue  pour  lui;  qui, 
au  moment  de  voir  combler  tous  ses  vœux,  est  un  instant  in- 
quiété par  des  soupçons  jaloux ,  et  dans  ce  mouvement  de  dépit 
se  laisse  engager  dans  un  mariage  impertinent,  mais  fort  riche, 
et  dans  une  affaire  de  finance  où  la  dot  de  sa  future  est  com- 
promise ,  cet  homme  peut  se  rencontrer  sans  doute;  mais  lors- 
qu'il reconnaît  à  tems  ses  soupçons,  lorsqu'on  lui  donne  toutes 
les  preuves  de  la  plus  tendre  indulgence  et  de  l'amour  le  plus 
vif,  il  ne  signera  point  un  contrat  qui  le  désespère  ,  il  avouera 
tout  naturellement  l'embarras  de  sa  position  à  cette  femme  si 
bonne,  si  franche  dont  il  est  aimé;  ou,  s'il  persiste  à  subir  son 
mariage  d'argent,  il  conviendra  qu'il  y  est  forcé  par  la  néces- 
sité de  se  tirer  d'une  mauvaise  affaire  où  on  l'a  engagé  plus 
vitequ'il  n'aurait  voulu;  mais,  à  coup  sûr,  il  n'imaginera  jamais 
d'aller  dire  à  cette  femme,  aux  pieds  de  laquelle  il  jurait  le 
matin  même  un  amour  éternel  :  «  Je  me  moquais  de  vous  tan- 
tôt, je  ne  vous  aime  pas  du  tout;  celle  que  j'aime  c'est  cette 
petite  bégueule  que  vous  avez  vue  ici,  c'est  elle  seule  que 
j'adore,  et  je  l'épouse  ce  soir  :  »  Cette  conduite,  contraire  au 
bon  sens,  ne  l'est  pas  moins  à  l'intérêt  dramatique;  car  elle  est 
opposée  à  la  marche  ordinaire  de  la  passion.  Et  notez  bien  que 
l'amour  de  l'argent  est  pour  peu  de  chose  dans  ce  démenti 
donné  au  cœur  humain.  Poligny  (  l'homme  dont  il  est  ici  ques- 
tion )  n'a  point  la  passion  des  richesses ,  il  n'a  que  la  manie  de 
briller;  et  ii  fait  un  mariage  d'argent,  non  par  avarice  ou  par 
l'amour  de  l'or,  mais  pour  sauver  son  honneur  qu'il  croit  en- 
gagé par  des  spéculations  embarrassées,  qu'on  a  entreprises 
sous  son  nom  et  presque  malgré  lui.  Toute  cette  combinaison  , 
nous  le  répétons,  manque  de  vérité  aussi  bien  que  d'intérêt;  on 
voit  que  l'auteur  n'a  pas  osé  aborder  franchement  son  sujet , 
c'est-à-dire  l'idée  de  mettre  un  homme  d'honneur,  et  doué  de 
qualités  aimables,  aux  prises  entre  un  amour  profondément 
senti  et  la  tentation  de  faire  un  mariage  riche,  mais  inconve- 
nant, tentation  à  laquelle  il  succombe.  M.  Scribe  s'est  vu  dans 
l'impossibilité  de  concilier  son  but  moral  avec  l'intérêt  drama- 
tique. Il  a  appelé  au  secours  les  petites  précautions  ;  il  a  adouci, 
défiguré  son  idée  première,  et  il  a  composé  un  ouvrage,  privé 
à  la  fois  de  moralité  et  d'effet  théâtral. 

Mme  de  Brienne,  cette  femme  qui  aime  Poligny  et  qui  en  est 
aimée,  est  un  caractère  charmant,  plein  de  grâce  et  de  no- 
blesse, de  décence  et  d'abandon;  elle  peut  faire  avec  dignité 
certaines  avances  à  l'homme  qu'elle  chérit  depuis  sa  première 


PARIS.  Ô»5 

jeunesse,  et  (jui  doit  bientôt  être  son  époux.  Ici  brille  ta  finesse 
du  talent  de  M.  Scribe;  il  a  1  > i < * r »  senti  qu'il  fallait  peindre 
ainsi  une  femme  qu'il  incitait  en  présence  d  un  amant  auquel  sa 
fable  ne  permettait  presque  jamais  que  des  démonstrations  uo 
peu  froides.  M11*. Marsest excellente  dans  ce  rôle;  elle  l'a  joué 
comme  il  est  écrit  :  c'est  faire  l'éloge  du  poëte  et  de  l'actrice. 
M"1"  de  Brienne  est  aimée  d'un  jeune  peintre*  camarade  d'études 
de  Poligny,  qui  a  de  grandes  obligations  à  l'époux  que  Mme  de 
Brienne  a  perdu,  et  dont  l'amour  esi  reste,  dans  son  cœur,  un 
profond  secret,  tant  que  celle  qu'il  aime  n  a  pas  été  libre.  Cet 
amour  si  pur,  si  désintéressé,  et  qui  est  couronné  au  dénoue- 
ment par  une  douée  union,  contraste  avec  la  passion  plus  tiède 
de  Poligny,  et  Ton  comprend  que  M""' de  Brienne,  qui  a  pour 
son  protégé  une  amitié  fort  tendre,  finira  par  l'aimer,  et  par 
être  heureuse  de  ee  mariage  de  raison.  Toutefois,  la  nécessité 
de  fixer  le  sort  des  personnages  à  la  fin  du  drame  a  engagé 
l'auteur  à  lui  faire  prendre  un  parti  dont  s'étonne  un  peu  le 
spectateur  qui  sympathise  difficilement  avec  ces  unions  impro- 
visées. Le  caractère  du  jeune  peintre,  tout  entier  aux  idées  de 
gloire  et  de  renommée,  plein  de  franchise  et  de  générosité, 
n'est  pas  bien  neuf;  mais  il  se  trouve  heureusement  jeté  parmi 
ces  âmes  intéressées  dont  l'orgueil  est  le  dieu. 

Le  véritable  homme  à  argent  de  la  pièce,  c'est  un  certain 
banquier  nommé  Dorbeval,  autre  ami  de  collège  de  Poligny 
et  du  peintre.  C'est  un  millionnaire  qui  n'estime  guère  les 
hommes  que  par  les  mérites  de  leur  coffre-fort,  et  qui  ne  con- 
çoit point  qu'il  y  ait  des  gens  qui  ne  possèdent  pas  cent  mille 
écus  ;  du  reste,  sot  et  ridicule,  quoique  parfaitement  tranquille 
sur  les  qualités  de  son  esprit  et  le  bon  ton  de  ses  manières. 
L'auteur  lui  fait  débiter  mainte  impertinence  avec  un  aplomb 
imperturbable,  et  lui  fait  dire,  sur  lui-même,  des  choses  qui 
seraient  beaucoup  plus  comiques  dans  la  bouche  d'un  autre, 
parce  qu'elles  y  seraient  mieux  à  leur  place.  C'est  chez  Dorbe- 
val que  se  passe  l'action  de  la  pièce  ;  c'est  lui  qui  force  presque 
Poligny  a  faire  un  mariage  d'argent,  qui  lui  donne  sa  pupille  , 
petite  folle  dont  cinq  cent  mille  francs  de  dot  font  tout  le  mé- 
rite :  c'est  lui  enfin  qui  l'engage  dans  cette  affaire  de  finances 
dont  Poligny  ne  trouve  d'autre  moyen  de  se  tirer  que  de  rom- 
pre avec  Mmede  Brienne.  Dorbeval  a  une  femme  qu'il  rend  fort 
malheureuse;  comme  il  l'a  prise  sans  fortune,  il  pense  qu'il  n'a 
besoin  de  se  donner  aucun  soin  pour  être  aimé  délie,  et  qu'elle 
lui  doit  de  l'amour  pour  son  argent.  Aimable  et  faite  pour  plaire, 
M me  Dorbeval  a  trouvé  dans  le  monde  des  adorateurs  disposés 
à  faire  près  d'elle  plus  de  frais  que  son  ridicule  mari.  Il  en  est 


826  FRANCE. 

un  pour  qui  elle  n'est  pas  insensible;  M.  de  Nantis,  auquel  elle 
n'a  laissé  paraître  aucune  tendresse,  lui  écrit  cependant  des 
lettres  bien  tendres.  Au  moment  où  elle  en  confie  une  à  Mme  de 
Brienne ,  avec  qui  elle  est  liée,  Dorbeval  les  surprend,  et  se 
dispose  à  lire  la  lettre,  lorsque  Mme  de  Brienne,  effrayée  du 
danger  que  court  son  amie  ,  déclare  que  la  lettre  est  pour  elle. 
Cet  incident  du  3e  acte  est  dramatique  et  noue  la  pièce ,  en 
inspirant  à  Poligny  les  soupçons  qui  le  brouillent  avec  Mme  de 
Brienne.  Le  public  a  vivement  applaudi  cette  situation ,  et  la 
pièce  n'a  commencé  à  éprouver  sa  mauvaise  humeur  qu'au 
moment  où  Poligny  prend  la  résolution  peu  naturelle  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut.  L'amour  de  Mme  Dorbeval  pour  M.  de 
Nangis  ,  personnage  qui  ne  paraît  pas  dans  la  pièce  ,  et  que  les 
froideurs  apparentes  de  celle  qu'il  aime  éloignent  enfin  de  Pa- 
ris, nous  a  paru  traité  avec  toutes  les  bienséances  qu'exige  la 
scène.  Mais  il  laisse,  aussi  bien  que  le  dénoûment,  une  impres- 
sion assez  triste  ,  et  peu  d'accord  avec  celles  que  nous  sommes 
habitués  à  recevoir  de  la  comédie.  Sans  doute,  on  voit  dans  le 
monde  beaucoup  de  passions  qui  blessent  le  devoir  et  rendent 
malheureux  ceux  qui  les  éprouvent;  il  y  a  beaucoup  de  ma- 
riages dictés  par  l'intérêt,  d'autres  où,  en  obéissant  à  certaines 
convenances  ,  le  cœur  n'en  est  pas  moins  contrarié.  Il  est  bon 
dépeindre  toutes  ces  choses;  il  y  a  du  mérite,  et  un  mérite 
assez  rare  à  chercher,  avant  tout,  la  vérité,  à  rendre  à  la  scène 
plus  de  naturel,  en  échange  du  romanesque  dont  elle  a  vu  si 
long-temps  farder  les  peintures  de  la  vie  réelle  ;  mais  il  faudrait 
s'arranger  de  manière  à  allier  la  vérité  et  l'intérêt.  La  vérité 
seule  dans  les  arts  ne  suffit  pas  ;  il  faut  une  vérité  qui  nous 
plaise  et  nous  charme.  Ce  ne  serait  guère  la  peine  de  sortir  de 
ce  monde  où  nous  nous  plaisons  quelquefois  si  peu ,  pour  aller 
cherchera  la  scène  des  impressions  parfaitement  semblables  à 
celles  qui  nous  fatiguent  dans  la  société  et  nous  font  sentir  le 
besoin  de  nous  en  distraire. 

On  a  remarqué  avec  raison  qu'il  y  a  d'assez  fréquentes  ré- 
miniscences dans  le  Mariage  d'argent;  mais  il  faut  dire  aussi 
que  c'est  souvent  de  lui-même  que  M.  Scribe  s'est  souvenu  ,  ce 
qui  atténue  beaucoup  le  reproche. 

La  comédie  de  M.  Scribe  est  pétillante  d'esprit  :  ce  n'est  pas 
toujours  de  l'esprit  de  bon  aloi,  ni  bien  neuf,  ni  bien  à  sa  place; 
mais  une  grande  partie  des  spectateurs  n'y  regarde  pas  de  si 
près ,  et  cette  verve  intarissable  de  pensées  fines ,  délicates ,  spi- 
rituelles, exerce  sur  le  public  assemblé  une  inévitable  influence. 
On  sera  plus  sévère  à  la  lecture ,  et  M.  Scribe  fera  bien  aussi 
d'être,  à  l'impression,  plus  sévère  pour  lui-même.  Il  a  déjà  fait 


PARIS.  827 

quelques  coupures  assez  heureuses  :  aussi  la  pièce  ,  dont  le  suc- 
ers  a\ait  élé  vivement  contesté  pendant  les  deux  derniers  actes, 
le  jour  de  la  première  représentation  ,  est  maintenant  accueillie 
avee  faveur. 

Cette  première  représentation  a  éié  une  leçon  sévère  pour 
l'auteur;  nous  portons  trop  d'intérêt  à  son  rare  (filent  pour  ne 

pas  espérer  qu'elle  lui  profitera.  Il  comprendra  qu'une  comédie 
en  OÎnq  actes,  une  pieee  de  mœurs  demande  une  conception 
plus  fortfi  et  plus  raisonnable,  des  combinaisons  plus  judi- 
cieuses et  plus  solides,  .lusuu'ici,  ce  n'est  pas  l'esprit  qui  a  man- 
qué à  M.  Scribe;  mais  (  il  faut  avoir  le  courage,dcle  lui  dire) 
c'est  un  peu  la  raison.  Il  compte  trop  sur  son  talent  pour  duper 
son  spectateur;  la  magie  des  détails  a  soutenu  souvent  chez  lui 
un  fonds  ruineux  ;on  ne  s'arme  point  d'une  grande  sévérité  con- 
tre un  vaudeville. 

Dans  un  roman  frivole  aisément  tont  s'excuse; 

mais  il  est  fait  pour  aspirer  à  de  plus  durables  succès,  et  la 
première  comédie  qu'il  composera  pour  la  scène  française,  le 
mettra  sur  cette  scène  au  rang  qu'il  mérite  d'y  occuper.  M.  A. 
— Odéon.  —  Le  comité  de  VOdéon  vient  de  recevoir  une  tra- 
gédie ùefValstctn,  imité  de  Schiller,  par  M.  Villenave  fils,déja 
connu  par  une Epîtrc aux  Grecs  et  par  d'autres  poésies.  Suivant 
l'opinion,  depuis  long-tems  émise  dans  uu  assez  grand  nombre 
de  journaux,  cette  pièce  réunirait  au  mérite  d'un  style  ferme 
et  brillant,  l'intérêt  dramatique  et  les  conditions  difficiles  d'un 
succès  mérité. 

Beaux-arts.  —  Ouverture  du  Musée  dt  antiquités  égyptiennes 
au  Louvre.  (  i5  décembre  1827.  )  — Le  palais  du  Louvre  offre 
à  l'Europe  un  nouveau  spectacle ,  digne  de  son  admira- 
tion. La  riche  collection  d'antiquités  égyptiennes,  acquise  de 
MM.  Drovetti  ,  Salt  et  Durand,  aux  frais  du  roi,  et  réunie 
dans  les  magnifiques  salons  du  musée  Charles  X,  est  exposée 
aux  regards  du  public. 

Le  premier  sentiment  que  l'on  éprouve,  à  la  vue  de  ces 
antiques  débris,  c'est  l'étormement  qu'ils  aient  pu  franchir, 
presque  dans  leur  intégrité ,  une  si  longue  suite  de  siècles  ,  et 
que  cet  éîtat  de  conservation  permette  de  juger  aujourd'hui  de 
ce  que  furent  les  arts  à  une  époque  aussi  reculée. 

Ils  attestent  que  le  peuple  qui  nous  les  a  légués  avait  atteint , 
av-ant  même  les  tems  qui  sont  pour  nous  les  teins  héroïques  de 
la  Grèce  ,  un  deçré   de  civilisation    très-avancé ,    et  l'on  est 


S*S  FRANCE. 

forcé  d'avouer  que  le  seul  avantage  dont  nous  puissions  nous 
prévaloir,  est  celui  d'avoir  perfectionné  par  notre  industrie  ce 
que  l'industrie  égyptienne  avait  ébauché,  et  d'avoir  ajouté 
quelques  inventions  nouvelles  à  toutes  celles  qu'elle  nous  avait 
transmises.  Quelle  haute  idée  ne  doivent-ils  pas  nous  inspirer 
des  Egyptiens ,  ces  débris ,  qui ,  après  avoir  résisté  pendant 
quarante  siècles  aux  ravages  du  tems  et  de  la  barbarie  ,  nous 
prouvent  que  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  la  vie  ,  et  tout  ce 
qui  peut  la  rendre  agréable  était  depuis  fort  long-tems  inventé 
et  mis  en  usage  par  eux  ;  qu'ils  surent  approprier  à  leurs  besoins 
toutes  les  productions  du  sol ,  et  y  borner  leurs  désirs ,  sans 
les  étendre  au  delà  des  limites  de  leur  territoire.  Certes  ,  il  y 
avait  de  la  sagesse  chez  ce  peuple  qui  sut ,  tant  que  la  bar- 
barie n'eut  pas  porté  sur  ses  rivages  une  main  dévastatrice , 
conserver,  pendant  une  longue  succession  d'années,  la  stabi- 
lité dans  son  gouvernement ,  maintenir  dans  toute  leur  vigueur 
ses  vieilles  institutions,  et  se  consacrer  à  la  pratique  des  arts 
et  des  sciences,  aune  époque  où,  sur  d'autres  points  du  con- 
tinent ,  des  peuplades  encore  sauvages  s'entr'égorgeaient  et 
disputaient  aux  bêtes  féroces  de  grossiers  alimens. 

Recueillir  et  interroger  les  vieilles  annales  de  ce  peuple 
primitif  pour  y  puiser  des  notions  propres  à  éclairer  l'histoire 
de  ces  tems  obscurs  qui  semblent  toucher  à  l'origine  du  monde, 
c'était  un  soin  digne  des  spéculations  de  la  philosophie  et  des 
recherches  des  savans.  Au  point  où  sont  aujourd'hui  portées 
les  études  égyptiennes,  il  appartenait  à  un  gouvernement  ami 
des  arts  de  réunir  et  d'exposer  aux  yeux  du  public  éclairé  une 
suite  nombreuse  de  monumens  écrits,  et  de  charger  du  soin  de 
leur  conservation  le  savant  qui  les  avait  traduits.  Les  sciences 
et  les  lettres  ont  applaudi  à  cette  grande  idée  dont  les  résultats 
donnent  les  espérances  les  mieux  fondées. 

Avant  d'examiner  avec  quelque  détail  les  objets  qui  com- 
posent cette  riche  collection  ,  jetons  un  coup  d'œil  sur  le  local 
qui  lui  est  affecté  et  sur  sa  décoration  intérieure. 

Neuf  grandes  salles  ,  enrichies  d'énormes  panneaux  de  mar- 
bre et  décorées  de  peintures  ,  communiquent  entre  elles  par 
de  larges  ouvertures  en  pilastres  ioniques  et  cintrées ,  qui 
permettent  de  saisir  d'un  seul  coup  d'œil  l'ensemble  du  musée 
Charles  X.  Les  quatre  premières  salles  ,  en  entrant  par  l'es- 
calier de  la  colonnade  ,  forment  le  musée  d'antiquités  égyp- 
tiennes ;  les  autres  renferment  une  riche  collection  de  vases 
grecs ,  des  statuettes  en  bronze  antiques  ,  des  peintures  en 
émail  du  xvie  siècle,  et  d'autres  objets  précieux  par  leur  ma- 
tière, leur  perfection  oti  leur    rareté.    Des    peintures    allégo- 


PARIS.  Ho.,) 

iriciucâ  du  plus  grand  effet  décorent  tous  1rs  plafonds;  i<  j 
voussures  ,  don'  les  couleurs  sont  bien  choisies  et  les  orne- 
knens  bien  ajustés,  représentent  des  emblèmes  et  «les  sujets 

relatifs  à  cëUX  des  plafonds  ;  des  bas- reliefs  peiutseii  grisaille 
ornent  les  panneaux.  On  a  place  devant  les  fenêtres  de  (lia 
que  salle  ,  et  le  long  des  boiseries  qui  en  forment  le  fond  T  des 
montres  et  des  armoires  d'acajou,  vitrée-,  et  garnies  de  bronze 
doré;  c'est  dans  ces  meubles  que  sont  renfermées  les  anti- 
quités formant  cette  collection. 

Le  plafond  de  la  première  salle,  peint  par  M.  Gros,  re- 
présente le  roi,  donnant  le  musée  (/unies  X  aux  arts,  qui, 
personnifiés  et  portant  leurs  différens  attributs,  s'avancent  pour 
y  pénétrer.  La  Justice.  l'Abondance  et  la  Paix  entourent  le 
monarque.  Ce  tableau,  qui  n'est  encore  qu'ébauché,  nous  a 
paru  d'une  belle  composition;  on  ne  pourra  le  juger  défini- 
tivement que  lorsqu'il  aura  été  achevé  ;  toutefois  ,  on  doit 
tenir  compte  à  M.  Gros  du  noble  sacrifice;  qu'il  a  fait  de  ses 
intérêts  d'artiste,  en  permettant  que  le  tableau  fût  placé  tel 
qu'il  est ,  afin  de  ne  pas  causer  de  retard  à  l'ouverture  du 
Musée.  Les  voussures  sont  ornées  de  figurés,  de  festons  et 
d'attributs  divers;  six  bas-reliefs,  peints  en  grisaille  par 
M.  Fraconard  ,  représentent  les  Arts  rendant  hommage  au 
monarque  qui  les  réunit  dans  son  palais. 

M.  Horace  Verivet  a  peint  le  plafond  de  la  deuxième  salle. 
C'est  Jules  II  ordonnant  les  travaux  du  Vatican  et.  de  Saint- 
Pierre  au  Bramante ,  h  Michel'- /érige  et  à  Raphaël.  Ce  tableau, 
dans  lequel  on  trouve  de  grandes  beautés,  affermit  encore  la 
juste  réputation  de  l'auteur  ;  on  admirera  surtout  la  vérité 
touchante  et  la  pose  naturelle  du  pape.  Les  voussures  sont 
belles,  et  d'un  goût  qui  rappelle  plutôt  les  peintures  élégantes 
de  Pompcïa,  que  la  dignité  et  l'austérité  qui  caractérise  si 
éminemment  le  siècle  de  Jules  II  ;  elles  auraient  dû  ,  selon 
nous  ,  donner  une  idée  plus  satisfaisante  "du  génie  des  arts 
qui  dirigea  les  travaux  des  grands  artistes  de  cette  époque  ; 
des  médaillons  en  grisaille  ,  peints  par  M.  Abel  de  Pujol  , 
représentent  plusieurs  hommes  célèbres  du  xve  siècle. 

Le  plafond  de  la  troisième  salle  est  exécuté  par  M.  de 
Pujol  ;  le  sujet  est  Y  Egypte,  sauvée  par  Joscjj/i.  A  l'angle  gauche 
du  tableau  ,  Syrius  vomit  ses  feux  dans  le  Nil ,  le  dessèche  , 
et  de  ses  noires  vapeurs  naissent  les  sept  années  de  famine  qui , 
figurées  par  des  mégères  pâles  et  décharnées,  se  précipitent 
sur  l'Egypte  pour  la  dévorer  ;  l'Egypte  se  réfugie  dans  les 
bras  de  Joseph  qui  la  protège.  Dans  le  fond  et  sous  le  por- 
tique de  son  palais,  Pharaon  ,  entouré  de  ses  principaux  sujets  j 


83o  FRANCE. 

semble  admirer  dans  Joseph  le  génie  libérateur  de  son  royaume. 
Ce  tableau,  peint  largement  et  avec  chaleur,  produit  de  l'effet; 
uous  avons  admiré  le  talent  avec  lequel  l'artiste  a  rendu  la 
physionomie  nationale  de  l'Egypte  personnifiée  ,  et  l'abandon 
mêlé  d'espoir  avec  lequel  elle  se  jette  dans  les  bras  de  Joseph; 
les  traits  de  ce  dernier  et  la  fraîcheur  de  sa  carnation  le  font 
peut-être  participer  un  peu  trop  du  sexe  féminin  ;  mais  cette 
légère  observation  n'ôte  rien  du  mérite  de  cette  production  , 
bien  digne  ,  sous  tous  les  rapports ,  de  figurer  au  Louvre. 
Quatre  bas-reliefs ,  peints  en  bronze  dans  les  voussures  ,  re- 
présentent les  quatre  principaux  traits  de  la  vie  de  Joseph; 
on  y  a  également  peint  les  seize  coudées  du  Nil ,  figurées  par 
autant  d'enfans  qui  tiennent  des  guirlandes  de  fruits  et  de 
fleurs  ;  le  nilomètre  en  décore  l'intervalle.  Onze  bas-reliefs , 
représentant  des  scènes  de  la  vie  civile  des  Égyptiens ,  déco- 
rent les  boiseries. 

M.  Picot  a  peint  le  plafond  de  la  quatrième  salle  :  l'Egypte 
est  assise,  entourée  de  divers  attributs  ;  des  enfans  soutiennent 
le  voile  épais  dont  elle  était  couverte  ;  derrière  elle  ,  on  voit 
le  Nil  appuyé  sur  son  urne  ;  le  sommet  des  pyramides  ,  des 
nuages  et  la  voûte  des  cieux  dans  laquelle  on  distingue  les 
signes  du  zodiaque,  forment  le  fond  du  tableau.  Vers  Y  Egypte 
s'avance  d'un  pas  timide  une  jeune  femme ,  pleine  de  grâce  et 
de  modestie;  c'est  la  Grèce ,  conduite  par  l'Étude  et  le  Génie  ; 
la  curiosité  ,  modérée  par  une  douce  retenue  ,  ont  été  parfai- 
tement exprimées  par  le  peintre.  Des  guirlandes  de  fruits  et  de 
fleurs,  soutenues  par  des  statues  égyptiennes  peintes  en  bronze; 
le  globe  ailé ,  l'ibis ,  l'épervier  et  les  autres  oiseaux  révérés 
par  les  Égyptiens  sont  peints  dans  les  voussures.  Huit  bas-reliefs 
en  grisaille  ornent  les  panneaux;  on  y  voit  un  sculpteur  grec 
copiant  une  statue  égyptienne  ;  Apelles  peignant  d'après  nature  ; 
Phidias  sculptant;  un  poëte  dramatique  faisant  répéter  un  rôle 
à  un  acteur;  la  décadence  des  arts  dans  la  Grèce  ;  l'origine  du 
dessin,  et  la  prétendue  origine  du  chapiteau  corinthien  ;  Calli- 
maque  et  sa  corbeille. 

La  collection  d'antiquités  égyptiennes,  réunie  dans  ces  quatre 
salles,  ne  consiste  qu'en  objets  de  petites  proportions ,  à  l'excep- 
tion des  momies  et  de  leurs  cercueils  ;  mais  elle  est  riche  par 
la  quantité  et  la  variété  des  objets  qu'elle  renferme.  L'histoire 
civile  et  religieuse  de  l'Egypte  doit  en  retirer  des  éclaircis- 
semens  inappréciables. 

Des  difficultés  infinies  devaient  naturellement  s'offrir  pour 
classer  avec  méthode  des  monumens  aussi  nombreux,  su- 
jets habituels  de  tant  d'erreurs,  et  que  l'on  avait  si  long-Unis 


PARIS.  83i 

considéré  comme  inexplicables  M.  Cuampollion  jeune  pou- 
vait seul  être  charge  d'une  telle  entreprise!  et  ses  nombreuse! 

découvertes  sur  l'histoire  des  Égyptiens  et  sur  le  système  gra- 
phique lui  fournissaient  l<s  moyens  d'y  parvenir;  car  presque 
tous  les  monumens  de  l'art  égyptien  sont  accompagnés  d'ins- 
criptions hiéroglyphiques  qui  en  indiquent  le  ftujet  et  la  desti- 
nation, facilité   qui  ne  se    rencontré    presque  jamais    sur    les 

monumens  grecs  ou  romains.  Jusqu'alors  les  Collections  de 
monumens  égyptiens}  formées  dans  le  but  d'éclairer  l'histoire 
de  l'art,  d'étudier  les  procédés  delasculpture  et  d<:  la  peinture 

chez  les  différons  peuples  el  d'en  suivre  la  direction,  ne  pou- 
vaient être  classées  (pie  d'après  l'ordre  des  matières,  et  en  quel- 
que SOTlC  arbitrairement  Ici,  puisqu'il  s'agissait  d'éclairer  l'his- 
toire entière  de  l'Egypte*  M.  Champollion  devait  avoir  égard 
à  la  fois  an  sujet  de  chaque  monument  et  à  sa  destination  spé- 
ciale, et  déterminer,  d'après  cette  connaissance,  la  place  qui  lui 
serait  réservée;  il  fallait  présenter,  aussi  complète  que  possible,  la 
série  des  divinités,  celle  des  souverains,  etclas  eravec  méthode 
tous  les  objets  relatifs  à  la  vie  publique  et  privée  des  Égyptiens; 
de  cette  manière  se  trouvaient  réunis  systématiquement  les 
monumens  civils  et  religieux. 

La  Collection  a  donc  été  divisée  en  trois  parties  :  théologique  , 
civile,  funéraire.  —  i°  Dans  la  salle,  dite  des  Dieux  (  qui  est 
la  4e  du  musée  Charles  X),  on  voit  les  images  des  divinités 
égyptiennes,  leursemblèmes,  lesanimaux  symboliques  et  sacrés 
et  les  scarabées  représentant  des  divinités  ou  leurs  symboles. 
2°  la  salle  civile  (  2e  du  musée  )  renferme  tous  les  objets 
appartenais  à  la  classe  civile  et  aux  diverses  castes  égyptiennes  ; 
ce  sont  des  statuettes  et  des  figurines  de  rois,  de  prêtres  et 
de  simples  particuliers;  des  instrumens  du  culte,  des  bijoux, 
des  ustensiles  domestiques  et  les  produits  des  arts  et  métiers. 
3°  Dans  les  deux  salles  funéraires  (  i re  et  3e  du  musée),  sont 
les  momies  humaines,  les  cercueils  des  momies,  des  images 
funéraires,  des  coffrets  et  statuettes  en  bois,  des  stèles,  des 
manuscrits  funéraires,  etc.  Ces  derniers  ont  été  encadrés  et  pla- 
cés contre  les  boiseries. 

A  l'admiration  qu'excite  la  vue  de  ces  précieux  monumens  se 
joint  un  sentiment  de  reconnaissance  pour  le  savant  qui  nous 
les  a  rendus  intelligibles.  Celui  qui,  à  force  de  recherches,  a 
dévoilé  à  la  postérité  les  annales  d'un  peuple  oublié  pendant 
vingt  siècles  a  bien  mérité  du  monde  savant ,  et  le  nom  de 
M.  Champollion  sera  désormais  inséparable  de  celui  d'une 
nation  dont  il  s'est  rendu  l'interprète.  N.  L'h. 

—  Deux  têtes ,    d'après  des  fresques  de   Giovanni  Antonio 


83a  FRANCE. 

d'à  Vercelli,  représentant  Alexandre  et  Roxanc ,  gravées  ;( 
la  roulette  sur  les  dessins  de  M.  le  chevalier  de  Cuzey,  par 
M.  François  Girard.  (Paris  ,  chez  le  graveur  éditeur  ,  rue  Mi- 
gnon ,  faubourgSaint-Germain.  Prix,  5  fr.  la  pièce.)  —  Parmi 
les  peintres  contemporains  de  Raphaël  et  de  Michel -Ange, 
Vercelli  mérite  d'être  remarqué.  C'est  peut-être  de  tous  les  ar- 
tistes de  cette  époque  célèbre,  le  peintre  dont  le  style  approche 
ie  plus  de  celui  de  Raphaël.  M.  le  chevalier  de  Cuzey,  durant 
son  séjour  en  Italie,  a  copié  plusieurs  des  plus  belles  tètes  qu'of- 
frent les  fresques  dont  Vercelli  avait  orné  le  palais  de  la  Far- 
nesimij  et  on  doit  savoir  gré  à  M.  Girard,  qui  occupe  un  rang 
distingué  parmi  nos  graveurs,  d'avoir  reproduit  les  dessins  de 
M.  de  Cuzey.  Il  est  peu  de  têtes  ,  destinées  à  l'étude  ,  qui  offrent 
un  caractère  plus  noble  et  un  modelé  pins  agréable;  et  nous 
désirons,  dans  l'intérêt  des  arts,  que  ces  deux  artistes  con- 
tinuent d'associer  leurs  taîens  pour  reproduire  les  autres  belles 
figures  de  Vercelli  que  M.  de  Cuzey  possède  dans  son  porte- 
feuille (voy.  ci-dessus,  pag.  775,)  J.  P. 

Réclamation. — A  M.  le  Directeur  delà  Revue  Encyclopédique. 
—  Paris ,  16'  octobre  189,7.  —  Monsieur  ,  comme  la  plupart  des 
articles  de  la  Revue  Encyclopédique  portent  la  signature  de  leurs 
auteurs,  chacun  des  collaborateurs  ne  répond  que  de  ses  pro- 
pres œuvres.  Cependant,  aucun  d'eux  ne  peut  voir  avec  indif- 
férence qu'un  article  où  certaines  convenances  sont  beaucoup 
trop  méconnues  ait  pu  trouver  place  à  côté  de  tant  d'autres  qui 
donnent  l'exemple  d'une  sage  réserve.  Dans  l'intérêt  de  votre 
recueil,  essentiellement  ami  de  tout  ce  qui  est  honnête  et  vrai, 
j'ai  pensé  que  l'un  de  vos  collaborateurs  devait  se  charger 
d'exprimer  la  désapprobation  publique  justement  encourue  par 
l'article  Beaux- Arts ,  Ponts  de,  Paris ,  inséré  dans  le  cahier  de 
juin  dernier,  page  816.  J'examinerai  cette  page  singulière  où  les 
décisions  les  plus  étranges  sont  prononcées,  comme  les  arrêts 
d'un  tribunal  suprême;  je  ne  pourrai  me  dispenser  de  discuter 
la  question  de  compétence,  parce  qu'elle  tient  au  fond  même, 
et  (pie  c'est  une  des  premières  que  le  public  ait  faites  :  et  comme, 
après  m'avoir  lu,  vous  ne  pourrez  point  vous  tromper  sur  les 
motifs  de  ma  démarche;  comme  vous  savez  que  j'évite  soigneu- 
sement, dans  toutes  les  occasions,  jusqu'aux  plus  légères  ap- 
parences de  personnalités,  j'entre  en  matière. 

L'auteur  de  l'article  parle  d'une  prétendue  querelle  entre 
les  architectes  et  les  ingénieurs  des  ponts-et-chaussées  :  «  Ceux- 
ci  ,  dit-il,  à  la  faveur  de  leur  titre,  réclament  le  droit  de  cons- 
truire les  ponts  ;  les  autres  prétendent  que  ,  pour  bâtir  un  pont 
et  lui  donner  le  caractère  convenable,  il  ne  suffit  pas  de  con- 


PAULS.  833 

naître  la  portée  d'une  voûte,  Je  me  range  sous  la  bannière  des 
architectes.  Pour  qu'us  édil'n  <•  <!<■  cette  nature  remplis**  toutes 
le.  conditions  données,  il  ne  .suffit  pas,  en  effet,  qu'il  soil  solide; 
il  r;mt  encore  que  la  disposition  de  la  masse  et  les  détails  soient 

«•aïeules  de  m  uiiere  à  lui  donner  un  aspect   véritablement   in<> 

numeutal.  »  L'auteur  expose  ensuite  quelques  observations  sur 

l.i  solidité  des  différentes  formes  de  voûtes,  et  sur  la  durée, 

qui  est,  à  ses  yeux  ,  la  première  condition  à  i  emplir. 

Je  ne  suis  ni  ingénieur,  ni  architecte,  non  plus  que  lauteur 
de  l'article;  niais  les  principes  générai**  qui  doivent  guider  la 
pensée  de  l'administrateur  et  de  l'artiste  dans  la  direction  et 

['exécution  des  travaux  publics  ne  nie  sont  point  absolument 
inconnus.  Est  il  bien  vrai  que  le  soin  de  notre  dignité  natio- 
nale nous  impose  l'obligation  de  bâtir  pour  l'élo  nilé  ?  Une 
nation  ne  incia  t  point  ;  sans  doute  :  mais  SCS  be  ■;  ■  .;  ,  SCS  goûts, 
le  centre  de  son  action  cl  de  sa  grandeur  changent  avec  le  teins. 
Sans  chercher  dans  L'histoire  des  preuves  de  celle  vérité,  le 
mouvement  de  Paris  de  l'est  à  l'ouest  nVst-ii  pas  assez  rapide 
pour  qu'une  partie  de  la  population  actuelle  en  ait  suivi  le 
progrès?  Et  qui  pourrait  affirmer  que  des  considérations  poli- 
tiques ne  déplaceront  point  la  capitale  de  la  France,  que  l'en- 
ceinte de  Parissera  toujours  aussi  vaste  et  aussi  remplie  qu'elle 
l'est  aujourd'hui,  que  quelques  uns  de  ses  ponts  ne  devien- 
dront pas  inutiles  ?  «  On  oublie  que  ce  qui  nous  donne  une 
grande  idée  des  Égyptiens,  des  Romains,  des  Grecs,  ce  sont 
les  inonumens  qui  leur  ont  survécu.  »  Si  l'auteur  parle  des  mo- 
numens  d'architecture,  il  est  dans  l'erreur;  les  Carthaginois 
dont  il  ne  reste  que  la  mémoire  ne  seront  mis  au-dessous  des 
Romains  que  parce  qu'ils  furent  vaincus,  et  l'auréole  de  Sparte 
sans  industrie  est  plus  brillante  que  celle  de  la  ville  de  Mi- 
nerve, ornée  de  tant  de  chefs-d'œuvre.  Que  notre  nation  s'oc- 
cupe des  moyens  d'être  grande  et  heureuse,  florissante  au 
dedans  et  respectée  au  dehors,  et  non  du  soin  puéril  de  laisser 
un  jour  à  ses  vainqueurs  des  témoins  durables  de  sa  gloire  éva- 
nouie. Il  faudrait  une  dissertation  spéciale  pour  développer 
cette  vérité  si  féconde  en  applications  importantes,  et  je  ne 
puis  lui  consacrer  qu'un  petit  nombre  de  lignes...  Mais  nous 
ne  sommes  plus  au  teins  où  les  vérités  de  c<  t  ordre  avaient 
besoin  d'être  établies  par  un  grand  appareil  de  preuves;  la 
pensée  de  l'homme  raisonnable  y  supplée.  Accoutumons-nous, 
s'il  est  possible,  à  trouver  beau  ce  qui  est  d'une  bonté  réelle  : 
ou,  si  d'anciennes  habitudes  ne  nous  permettent  point  de  con- 
tracter celle-ci,  renonçons  à  donner  sur  des  constructions  dont: 
t.  xxxvi.  —  Décembre  1827.  53 


834  FRANCE. 

les  formes  sont  déterminées  d'après  les  règles  sévères  du  bon , 
des  avis  qu'on  ne  doit  ni  suivre,  ni  écouter. 

«  Les  uns  veulent  que  l'on  emploie  les  arcs  surbaissés  ,  par- 
ce qu'il  en  résulte  une  plus  grande  ouverture  des  arches,  con- 
séquemment  une  difficulté  moindre,  pour  les  bateaux  ,  de 
franchir  le  pont  en  remontant.  »  Cet  avantage  est  -  il  donc  le 
seul,  ou  du  moins  le  plus  grand  que  procurent  les  voûtes  sur- 
baissées? —  L'auteur  compare  la  stabilité  du  plein  cintre  à  la 
grande  poussée  des  anses  de  panier  ;  et,  quoiqu'il  n'en  dise  que 
peu  de  mots,  il  fait  voir  clairement  que  les  conditions  de  la 
solidité  des  voûtes  n'ont  point  fait  partie  de  ses  études  :  mieux 
aurait  valu  n'en  rien  dire.  A  propos  d'anses  de  panier,  il  ne  sera 
pas  hors  de  propos  de  remarquer  que  le  seul  pont  de  Paris  où 
l'on  voie  des  arches  de  cette  forme  (  le  Pont-Royal  )  est  une 
œuvre  du  célèbre  Mansard.  Ajoutons  que  ce  grand  architecte 
eut  besoin,  pour  fonder  les  piles  du  pont,  du  secours  d'un 
moine-ingénieur,  le  frère  Pozzo,  que  l'on  fit  venir  exprès  d'I- 
talie pour  maîtriser  les  filtrations  d'eau  qui  s'opposaient  aux 
travaux  de  fondation. 

«  Je  condamne  donc  impitoyablement  le  pont  d'Austei  litz  , 
d'un  effet  désagréable  ,  et  qui  ne  paraît  pas  parfaitement  solide, 
puisqu'on  a  été  obligé  de  le  dépaver.  »  C'est  prononcer  légère- 
ment sur  un  genre  de  construction  qui  n'a  pas  même  un  demi- 
siècle  d'expérience  en  grand.  La  cause  du  défaut  de  solidité 
que  l'auteur  soupçonne  dans  le  pont  d'Austerlitz  affecterait  tous 
les  ponts  en  fer,  surtout  dans  les  pays  du  nord  où  ce  métal 
devient  cassant  pendant  l'hiver.  Cependant,  les  ponts  de  cette 
espèce  qui  traversent  les  canaux  de  Pétersbourg  annoncent  une 
durée  sans  limites.  Encore  une  fois,  il  faut ,  dans  tout  procès, 
que  l'instruction  précède  le  jugement. 

<'  Je  consens,  au  reste,  que  l'on  construise  des  ponts  en 
chaînes  ou  en  fils  de  fer,  là  où  Ton  ne  pourrait  pas,  sans  in- 
convénient, établir  un  pont  en  pierre.  *  On  usera  probable- 
ment de  cette  condescendance  de  l'auteur.  On  pourrait  même 
prédire  dès  aujourd'hui  que  les  hideux  ponts  suspendus  figu- 
reront un  jour  dans  les  vues  pittoresques,  et  n'y  déplairont  point. 

L'auteur  de  l'article,  si  bon  juge  quand  il  prononce  sur  les 
matières  dont  il  s'est  occupé  spécialement  ,  a  mal  servi , 
dans  cette  circonstance,  la  cause  qu'il  embrasse  ;  son  zèle  in- 
fructueux sera  peut-être  blâmé  par  les  architectes  mêmes.  En 
effet,  on  connaît  trop  bien  le  danger  des  secours  imprudens  , 
pour  ne  pas  redouter  l'approche  de  ceux  qui  viennent  prendre 
part  au  combat,  hors  de  tems  et  de  place,  et  avec  des  armes 
qui  ne  résisteront  point  au  premier  choc. 


PARIS,  855 

On  devait  s'attend'  <•  qu'aucun  ingénieur  des  ponts  et  chaus- 
sées ne  réclamerait ,  ni  pour  Lui-même,  ni  pour  le  corps  dont 
il  est  membrej  contre  de  pareilles  attaques:  le  respect  <!<■  soi- 
même  prescrit  un  silence  raisonnable;  mais  la  Repue  Encyclo- 
pédique n'a  pas  besoin  qu'on  lui  demande  d'être  juste;  il  lui 
convient  d'aller  au  devant  des  réclamations  ,  lorsqu'elle  n'a  pu 
et  iter  d'y  donner  lieu. 

In  autre  article  relatif  aux  ponts  et  chaussées  (  voy.  ci- 
jUessus  ,  page  3o'  )  m'a  paru  sortir  aussi  des  bornes  qu'une 
critique  raisonnable  ne  doit  jamais  franchir.  Les  ingénieurs 
anglais,  bons  juges  en  ces  matières,  ont  plus  d'estime  pour  le 
corps  des  ponts  et  chaussées  de  France,  et  la  témoignent  par 
des  égards  mérités.  Votre  recueil  a  déjà  donné  tant  de  preuves 
de  la  scrupuleuse  équité  ,  de  l'esprit  de  modération  qui  le  diri- 
gent, qu'on  est  frappé  d'étonnement,  lorsqu'on  y  trouve  des 
formes  hautaines,  des  décisions  tranchantes  auxquelles  un  lec- 
teur raisonnable  ne  souscrit  point.  Si  le  critique  veut  bien  ap- 
précier l'auteur  d'un  ouvrage  ,  qu'il  le  regarde  de  bas  en  haut, 
et  non  du  haut  en  bas;  qu'il  se  fasse  son  disciple,  au  lieu  de  le 
régenter.  La  justice  est  toujours  pins  près  de  l'indulgence  que 
des  rigoureuses  condamnations.  L'auteur  a  médité  long-tems 
et  à  loisir;  quelquefois,  le  critique  s'occupe  pour  la  première 
fois  de  ces  questions  qu'il  résout  si  lestement  :  cette  observation 
n'échappe  point  à  un  lecteur  attentif,  et  suffit  souvent  pour  qu'il 
prenne  le  parti  de  l'auteur  contre  le  critique.  Enfin,  n'oublions 
pas  qu'outre  les  intérêts  de  la  vérité  qui  nous  sont  communs  et 
chers  à  tous,  nous  avons  à  soigner,  en  tout  ce  qui  peut  être  à 
notre  portée ,  les  intérêts  de  notre  patrie  et  de  la  gloire  de  no- 
tre nation  ,  et  que  des  dissentimens  et  des  animosîtés  apparentes 
entre  des  hommes  faits  pour  s'estimer  les  uns  les  autres  pour- 
raient donner  aux  étrangers  une  idée  fausse  de  notre  situation 
morale ,  et  de  la  tendance  de  l'esprit  public  dans  la  classe  la  plus 
influente  et  la  plus  éclairée. 

J'ai  l'honneur  d'être  ,  etc.  Ferry. 


Nécrologie.  —  J.-B.  Launay,  fondeur  de  la  colonne  de  la 
place  Vendôme,  né  à  Avranches  (Manche)  le  20  mars  1768, 
mort  à  Savigny-sur-Orgc,  près  Paris ,  le  23  août  1827.  Des- 
tiné de  bonne  heure  par  sa  famille  à  l'état  ecclésiastique  ,  il  fut 
placé  chez  les  jésuites,  qui  étaient  seuls  alors  en  possession  de 
l'instruction  dans  sa  ville  natale.  Les  événemens  politiques  de 
1789  changèrent  sa  destination  et  ses  projets.  Son  père  le  rap- 
pela chez  lui,  et  il  y  exerça  pendant  quelque  tems  les  arts  mé- 


*v36  FRANCE. 

caniques  pour  lesquels  il  avait  toujours  en  un  goût  particulier. 
Il  lut  bientôt  obligé  de  partir  pour  Tannée  comme  simple  sol- 
dat. Honoré  peu  de  temps  après  du  grade  de  capitaine,  il  ren- 
dit de  grands  services,  non-seulement  à  son  corps,  mais  encore 
h  une  ville  qui  soutenait  un  siège,  et  qu'il  sauva  par  ce  génie 
inventif  qui  ne  l'abandonnait  jamais.  Attaché  au  matériel  de 
l'armée,  il  fut  chargé  ,  avec  d'autres  officiers,  de  diriger  la  fonte 
des  canons  et  des  projectiles.  Un  accident  affreux,  dont  il  faillit 
être  victime,  vint  interrompre  ses  travaux.  Une  pièce  de  canon 
devait  être  fondue;  le  sable  du  moule  avait  conservé  une  légère 
humidité.  Cette  circonstance  fit  rejaillir  la  matière  enflammée 
qui  couvrit  les  assis  tan  s  d'une  pluie  de  feu.  Plusieurs  périrent 
sur  la  place  ou  furent  gravement  blessés.  M.  Launay,  qu'au 
premier  moment  on  crut  mort,  ne  put,  malgré  les  soins  les 
plus  assidus,  être  guéri  qu'après  une  anuée  des  brûlures  qu'il 
avait  reçues. 

En  Tan  xi  (  i8o5),  il  fut  chargé  delà  direction  de  la  fonderie 
du  pont  d'Austerlitz,  sous  l'inspection  de  M.  Béquey  de  Beau- 
pré, ingénieur  en  chef  du  département  de  la  Seine.  Ce  pont  fut 
terminé  le  ier  juin  1806.  Trois  années  auparavant  il  avait  aussi 
dirigé  la  fonte  du  pont  des  Arts ,  et  celle  des  ponts  à  bascule. 

Sur  la  fin  de  1806,  on  lui  confia  la  direction  de  la  colonne  qui 
s'élève  sur  la  place  Vendôme.  Occupé  sans  relâche  de  ce  beau 
monument,  il  donna  tous  ses  soins  à  ce  que  l'exécution  en  fût 
parfaite.  La  statue  qui  surmontait  la  colonne  devait  être  fondue 
en  deux  parties.  Il  proposa  de  la  fondre  d'un  seul  jet,  et  réussit 
au-delà  des  espérances  des  savans  et  des  artistes,  au  nombre 
desquels  on  comptait  M.  Chaudet,  l'auteur  de  la  statue,  qui  en 
témoigna  sa  satisfaction  et  sa  reconnaissance  à  M.  Launay.  Ce 
fut  le  i5  août  1809  que  la  colonne  fut  mise  à  découvert.  Pour 
se  distraire  de  ses  nombreux  travaux  et  de  beaucoup  de  tracas- 
series dont  il  fut  l'objet,  M.  Launay  conçut  et  exécuta  dans 
ses  ateliers  le  modèle  de  la  coupole  de  la  halle  aux  blés,  que 
plus  tard  un  autre  artiste  fut  chargé  d'exécuter.  Abreuvé  d'in- 
justices et  de  dégoûts,  il  cessa  de  concourir  aux  travaux  du 
gouvernement,  et  s'occupa  d'un  projet  de  fonderies  ambulantes, 
qui  fut  soumis  au  chef  de  l'état.  Il  fit  ses  essais  sous  les  yeux  de 
plusieurs  officiers  d'artillerie,  au  nombre  desquels  étaient 
MM.  le  général  Neigre,  le  colonel  Collet-Marion ,  et  plusieurs 
savans,  qui  tous  lui  prodiguèrent  de  justes  éloges.  Cette  utile 
conception  ne  put  être  réalisée;  nous  étions  alors  à  la  fin  dei8i3. 

En  mars  181/4,  les  alliés,  voulant  faire  disparaître  la  statue 
qui  surmontait  la  colonne  de  la  place  Vendôme,  et  ne  pouvant 
réussir  à  la  descendre,  envoyèrent  chercher  M.  Launay,  et 


PARIS.  S3? 

avant  lait  conduire  devant  le  monument  * 1 1 1 'i l  avait  élevé,  lui 
lignifièrent  que  si,  dans  trois  jours,  la  statue  n'était  pas  cnle 
■te,  il  sciait  passé  par  les  armes,  ils  lui  donnèrent  cependant 

m  ordre  si:;n<'  S(u/,e/i ,  pièce  que  sa  famille  conserve,  et.  qu'elle 

a  déjà  montrée  aux  ennemis  de  cet  artiste  qui  l'accusaient  de 
'avoir  l'ait  descendre  de  sa  pleine  volonté.  D'antres  personnes 
plu-»  équitables  ont  rendu  hommage  an  talent  et  a  L'adresse 
qui!  déploya  dans  cette  conjoncture  critique. 

I  ne  maladie  longue  et  douloureux-  ,  OCCa.sionée  par  les  nom- 
breux et  amers  chagrins  qui  n'ont  cessé  de  l'assiéger,  a  enlevé, 
le  a3  août  dernier,  cet  habile  artiste  à  sa  famille  et.  à  sa  pat]  te. 
pVoy.  ci-deSSUS,  p.    729,    l'annonce  du  Manuel  dit  fondeur  sur 

mus  métaux ,  ouvrage  laisse  par  M.  Lauxay.)  II.  T. 

—  \iiii;;  ni  II  vin  r.oeiu  .  — La  société  a  perdu  ,  au  moi-> 
le  novembre  dernier,  dans  la  personne  de  M.  de  Hauteroche, 
un  de  ces  hommes  (pie  les  sciences  n'ont  pas  moins  à  regretter 
que  la  vertu,  et  qui  méritent  que  Ton  revienne  jeter  quelques 

fleurs  sur  leur  tombe  :  triste  et  dernière  prérogative  de  l'amitié 
qui  survit! 

M.  Louis  Allies  de  Hauteuoche,  chevalier  des  ordres  de 
Saint-  Jean  de  Jérusalem  et  du  Saint-Sépulcre,  était  issu  d'une 
famille  noble  de  Lyon.  La  tourmente  révolutionnaire  le  jeta  , 
dès  son  jeune  âge,  à  Constantinople,  où  il  se  trouvait  à  l'épo- 
que de  la  célèbre  ambassade  du  général  Aubert  du  Bayet.  Les 
événemens  dont  sa  famille  et  lui  avaient  souffert,  avaient  donné 
plus  de  gravité  à  son  caractère  à  la  fois  sérieux  et  doux.  Il 
fallait  à  cet  esprit  une  occupation  positive;  et  l'étude  de  la 
chronologie  lui  sembla  peut-être  moins  ingrate  que  celle  du 
cœur  humain. 

Ce  fut  à  Constantinople  même  que  M.  de  Hauterochc  se 
mit  à  former  une  collection  de  médailles  grecques,  qu'il  aug- 
menta beaucoup  dans  le  cours  de  ses  voyages  dans  l'Attique  et 
en  Egypte.  Il  revint  en  France  en  1800,  mais  le  Levant  n'avait 
point  cessé  de  l'intéresser;  et  il  se  trouva  heureux  d'être  suc- 
cessivement employé  par  le  département  des  affaires  étran- 
gères, d'abord  comme  consul  à  Héraclée,  dans  la  mer  Noire, 
et  à  Cos,  dans  l'Archipel  ;  ensuite  comme  attaché  au  consulat 
général  de  Smyrne,  et  à  l'inspection  générale  du  Levant.  C'est 
en  cette  dernière  qualité  qu'il  accompagna  M.  le  baron  Félix 
de  Beaujour,  son  ami,  dans  la  tournée  que  cet  inspecteur  général 
lit,  en  1817,  pour  visiter  tous  les  établissemens  français  en 
(Turquie.  M.  de  Hauterochc  eut,  pendant  ce  voyage,  l'occasion 
et  le  loisir  d'augmenter  sa  collection  ,  où  l'on  a  vu  figurer  le 
Prisée  de  Macédoine  et  le  Démétrius  Poliorcète,  qui  enrichis- 
sent  aujourd'hui  le  cabinet  de  la  bibliothèque  royale.  De  rc- 


«S  38  FRANCE. 

tour  à  Paris,  il  s'occupa  de  mettre  de  l'ordre  dans  ses  trésors 
d'archéologie;  tl  classa  ses  médailles,  les  décrivit,  et  il  avait 
commencé  à  les  faire  graver  :  la  mort  l'a  surpris  au  milieu  de 
ce  travail.  Il  a  laissé  la  collection  la  plus  complète  de  médailles 
grecques  qu'il  y  ait  peut  être  en  Europe,  dans  les  cabinets  par- 
ticuliers, non-seulement  par  l'assortiment  des  pièces,  fruit  pré- 
cieux %  mais  pénible,  d'une  infinité  de  recherches  et  d'échanges, 
mais  surtout  par  leur  beauté  et  par  leur  conservation.  Les 
écrits  qu'il  méditait  sur  la  science  numismatique  eussent  bientôt 
mis  le  dernier  sceau  à  sa  réputation  ;  mais,  s'ils  eussent  achevé 
de  justifier  l'estime  que  tous  les  savans  lui  portaient  déjà,  tant 
en  France  que  dans  les  pays  étrangers,  ils  n'eussent  pu  rien 
ajouter  à  la  tendre  affection  qu'il  savait  inspirer  à  ceux  qui  le 
fréquentaient.  Il  avait  déjà  préludé  par  quelques  dissertations 
intéressantes  ,  composées  pour  les  sociétés  savantes  dont  il 
était  membre,  telles  qu'un  Mémoire  sur  une  médaille  anecdote 
dePolémon  Ier,  roi  de  Pont,  imprimé  à  Cambrai  en  juillet  1826; 
une  Notice  sur  les  deux  Sapho,  lue  dans  le  mois  d'août  1822  à 
la  Société  asiatique  ;  et  un  Essai  sur  l'explication  d'une  Tessère 
antique,  portant  deux  dates,  qu'il  publia  en  1820,  et  qui  fixe 
une  époque  importante  dans  l'histoire  de  Syrie. 

M.  A.  de  Hauteroche ,  en  instituant  sa  légataire  universelle 
une  nièce,  digne  à  tous  égards  de  sa  tendresse,  a  mérité  aussi 
que  sa  mémoire  restât  éternellement  chère  à  la  science  et  à  son 
pays.  Il  a  légué  au  Cabinet  du  roi  deux  morceaux  extrêmement 
précieux;  savoir,  la  Tessère  syrienne  à  double  date,  dont  il 
vient  d'être  parlé,  et  une  médaille  en  or  de  Persée,  roi  de 
Macédoine  ,  pièce  jusqu'à  présent  unique.  Il  a  en  outre  fondé, 
en  faveur  de  l'Académie  royale  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres, 
une  rente  perpétuelle  de  quatre  cents  francs,  pour  être  annuel- 
lement employée  en  un  prix  à  décerner  au  meilleur  ouvrage 
de  numismatique.  C'est  en  1825  qu'il  avait  fait  ces  actes  de 
dernière  volonté.  Depuis  ce  jour  surtout  il  a  pu  se  dire  :  Non 
omnis  moriar ,  et  il  a  goûté  en  paix  cette  satisfaction  intérieure 
qui  fait  la  première  récompense  de  l'homme  de  bien. 

Je  fus  aussi  l'ami  de  M.  de  Hauteroche.  Notre  intimité,  for- 
mée à  Constantinople,  et  qui  n'a  cessé  d'être,  jusqu'au  dernier 
jour,  également  vive  et  douce,  m'a  rendu  plus  d'une  fois  le 
confident  des  vœux  de  cet  excellent  homme,  pour  que  le  fruit 
de  ses  laborieuses  recherches  ne  fût  point,  après  lui,  dispersé 
et  perdu  pour  la  France.  Soulange-Bojdix, 

Secrétaire  général  de  la  Société  dHorticulture  de  Paris, 
l'un  des  exécuteurs  testamentaires. 


TABLE  DES  ARTICLES 

CONTENUS 

DANS  LE  CENT  HUITIÈME  CAHIER. 

DÉCEMBRE   1827. 


I.  MÉMOIRES,  NOTICES  ET  MÉLANGES. 

i.   Précis  historique  sur  L'étal  actuel  de  la  République  Ar- 
gentine (  Buenos-Ayres  )  ;  troisième  article.  Varaigne.  Pag.  546 
a.    Forces  productives  el  commerciales  du  midi  de  la  France; 

second  article  :   Exposition  des  produits  de  l'industrie  du 
Languedoc,  à   Toulouse.  .  .   Charles   Dupin,  de  l'Institut.  56a 
3.    Notice  biographique  sur  Malte-Brun.  Borj  deSaint-Fincent.  5j5 

IL  ANALYSES  D'OUVRAGES. 

4-    Rapport  sur  les  documens  île  M.  Chervin,  concernant  la 
fièvre  jaune  ,  et  éclaircissemens  de  M.  Parisct,  en  réponse 

aux  allégations  consignées  dans  ce  rapport R.  590 

|  5.    Cinq  ouvrages  sur  la  statistique  des  Pays-Bas.  A.  Quételet.    596 

6.  De  la  religion,  par  M.  B.  Constant  :  IIIe  volume.   .   .   .  S.  604 

7.  De  l'éducation  des  sourds-muets  de  naissance,  par  M.  De- 
gérando Frédéric  Cuvier,  de  l'Institut.  614 

8.  "Vie  de  Napoléon  Euonapai  te  ,    par  sir  Walter  Scott  (ou- 
vrage anglais);  second  article M.  Avenel.   629 

9.  Les  Amours  mythologiques,  par  de  Pongerville.    Chauvet,   658 
10.    Comédies  de  M.  Albert  Nota  (ouvrage  italien  ).   .   F.  Sal/î.  664 

III.  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

Annonces  de  102  ouvrages  ,  français  et  étrangers . 

Amérique  septentkionale.  —  Etats-Unis,  S,  dont  2  ouvrages 

périodiques 673 

Eukope.  —  Grande-Bretagne,  6 677 

—  Russie,  2 683 

—  Pologne,    1.  —  Danemark,    2 687 

—  Allemagne,  7 691 

—  Suisse,  1 701 

—  Italie,   10,  dont   1  ouvrage  périodique 7o3 

—  Portugal ,    1 710 

—  Pays-Bas ,  5,  dont    2  ouvrages  périodiques 711 

France,    62,  savoir    :   Sciences  physiques  et  naturelles ,  17.    .    .    .  717 

—  Sciences  religieuses  ,  mcrales  ,  politiques  et  historiques,   20.    .    .  736 

—  Littérature,    18 761 

—  Beaux-Arts  ,3 784 

—  Mémoires  et  Rapports  de  sociétés  savantes  ,  2 787 

. —  Ouvrages  périodiques ,  1 789 

—  Livres  en  langues  étrangères ,  imprimés  en  France ,  1 790 


8/|0  TABLE  DES   ARTICLES. 

IV.    NOUVELLES  SCIENTIFIQUES  ET  LITTÉRAIRES. 

Amérique  srptentkionalk. — Etats-Unis,  l'ermont  :  Mécanique  ; 

Invention  nouvelle. —  Philadelphie:  Atlas  maritime  d'Amérique. 

—  Jlba/iy  :  Institut.  —  Boston  :  Instruction  publique yg3 

Amérique  méridionale. — Buenos- Ayres :  Instruction  publique: 

Ecole    normale;   Études    primaires;   Etudes    préparatoires; 

Université   et    départemens   di\ers   dont    elle   se    compose; 

Écoles  defîlles  ;  Bibliothèque  nationale ç5 

Afrique.  —  Egypte.   Alexandrie  :   Publication   prochaine  d'un 

journal  français yp( 

-EUROPE. 

Iles  Britanniques.  —  Liverpool  :  Passage  souterrain  creusé 
dans  cette  ville.  —  Suite  de  la  Revue  sommaire  des  Sociétés 
savantes  ,  littéraires  ,  etc.  de  la  Grande-Bretagne  :  Académie 
royale  de  peinture;  Société  des  artistes  anglais;  Société  des 
dessins  à  l'aquarelle;  Académie  royale  de  musique;  Institu- 
tion harmonique 798 

Russie.  —  Saint  Pétersbourg :  Académie  des  sciences 800 

Pologne.  — Varsovie:  Civilisation  des  Juifs;  Grammaire  et 
Dictionnaire  en  langue  juive;  Gazette  juive. — Littérature 
polonaise 803 

Suède.  —  Stockholm  :  Écoles  de  navigation ibid. 

Allemagne.  —  Prusse.  Extrait  du  journal  d'un  voyageur: 
Administration  des  postes  ;  Observations  sur  Berlin  ;  Etat  de 
l'industrie  dans  cette  ville  et  dans  la  Basse-Silésie 8o3 

Suisse. — Lausanne.  Extrait  d'une  lettre:  Journaux;  Sociétés 
de  bienfaisance  et  autres  associations;  Législation  sur  la 
presse;  Révision  des  lois  civiles  et  pénales  ;  Nouvelle  maison 
de  force  établie  à  Lausanne;  Navigation  à  la  vapeur  ;  Para- 
grêles. —  Publication  prochaine 806 

Italie.  —  Florence  :  Académie  des  Géorgophiles  ;  Société  pour 
la  propagation  de  l'enseignement  mutuel.  —  Pistoja:  Aca- 
démie   des  lettres  et  des  arts.  ■ —  Turin  :  Théâtre 80g 

Pays-B\s.  —  Recherches  sur  l'histoire  des  Pays-Bas. — Institut 
royal  des  Pays-Bas 811 

France.  —  Sociétés  savantes  :  Avignon  (  Vancluse)  :  Société  des 
amis  des  arts.  —  Marseille  (Bnuches-du-Rhône)  .'Société  de  la 
morale  chrétienne.  —  Saint  -  Quentin  (  Aisne  )  :  Société  des 
sciences,  arts,  belles-lettres  et  agriculture 8 1 3 

Paris.  —  Institut.  Académie  des  Sciences:  Séances  dû  19  no- 
vembre au  17  décembre.  Addition  a  la  séance  du  lundi  Ier  oc- 
tobre.—  Conservatoire  des  arts  et  métiers:  Ouverture  du 
cours  normal  de  géométrie  et  de  mécanique  appliquées  aux 
arts,  par  M.  Charles  Dupin. —  Plan  en  relief  de  Saint-Pé- 
tersbourg.—  Théâtres.  Théâtre-Français  :  Premières  représen- 
tations de  Blanche  d'Aquitaine,  tragédie,  et  du  Mariage 
d'argent,  comédie. — Beaux-Arts  .-Ouverture  du  Musée  d'anti- 
quités égyptiennes  au  Louvre.  Deux  têtes  ,  d'après  des  fresques 
de  G.-A.  de  Vercelli. — Réclamation.- —  Nécrologie  :  J.-B.  Lau- 
nav;  Allier  de  Hauteroche.  . 8i5 


TABLE 

ANALYTIQUE   ET  ALPHABÉTIQUE 

DES  MATIÈRES 

m    TRENTE  SIXIÈME  VOLUME 

DE  LA  REVUE  ENCYCLOPÉDIQUE. 

Octobre,  Novembre,  Décembre  1827  (*). 


On  a  n'uni  aux  quatre  motl  indicatifs  des  quatri:  cran  DES  divisions  de 
ce  Reçu  cil  : 

I.  MÉMOIRES,  NOTICES  ET  MÉLANGES; 

IL  ANALYSES  ET  EXTRAITS  D'OUTRAGES  CHOISIS; 

III.  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE; 

IV.  NOUVELLES  SCIENTIFIQUES  ET  LITTÉRAIRES; 

le  détail  et  le  renvoi  des  articles  qui  s'y  rapportent;  puis,  on  a  caractérisé  ces 
articles,  à  la  suite  du  nom  de  leurs  auteurs,  par  l'une  des  quatre  abréviations 
ci-après:  M.  (  mémoires  et  notices)  ;  A.  (analyses)  ;  B.  (bulletin  biblio- 
graphique); N.  (nouvelles  scientifiques  et  littéraires).  La  désigna- 
tion C,  après  les  noms  propres,  indique  les  collaborateurs  de  la  Revue,  lorsqu'il 
s'agit  des  articles  qu'ils  ont  fournis. 

Au  lieu  de  comprendre  sous  la  dénomination  générale  sciences  et  arts 
(comme  dans  nos  quatre  tables  des  matières  de  l'année  1819),  l'indication  des 
différentes  sciences  dont  traite  ce  volume,  on  a  cru  devoir,  pour  rendre  les  re- 
cherches plus  faciles,  et  pour  mieux  caractériser  le  but  philosophique  de  la 
Revue  Encyclopédique,  ouvrir  un  compte  particulier  et  spécial,  en  lettres  ca- 
pitales, non-seulement  à  chacune  des  branches  des  connaissances  humaines, 
agriculture,  anatomie,  etc.;  à  chacun  des  élémeus  essentiels  de  la  civili- 
sation et  des  moyens  principaux  de  communication  entre  les  hommes  :  acadé- 
mies et  sociétés  savantes;  dictionnaires;  enseignement  mutuel; 
instruction  ruBLiQUE  ;  journaux;  THEATRES ,  etc.  ;  mais  encore  à  chacun 
des  Days  dout  il  est  fait  mention  dans  ce  Recueil  :  de  manière  qu'on  puisse  rap- 
procher et  comparer  tour  à  tour,  soit  l'état  des  sciences  et  des  élemens  de  la 
civilisation  dans  chaque  pays ,  soit  les  nations  elles-mêmes,  sous  les  différeus 
rapports  sous  lesquels  on  a  eu  occasion  de  les  considérer. 


A 


.bsalon.  Voy.  Estrup. 
Académies.     Voy.    Sociétés     sa- 
vantes. 


Acoustique.  P'oy.  Bleîn. 
Adrien- Lafasge  (  J.).  Poy.  Can- 
tiques religieux. 


(*)  Ou  souscrit,  pour  ce  Recueil  scientifique  et  littéraire,  dont  il 
paraît  uu  cahier  de  quatorze  feuilles  d'impression,  tous  les  mois,  au  Bureau 
central  d'abonnement,  rue  d'Enjer-Sainl-Michel ,  n°  18;  chez  Arthus 
Bertrand,  rue  Hautefeuille,  n°  28,  et  chez  Renouard,  rue  deToumon,  n°  6. 
Prix  delà  souscription  :  à  Paris,  46  fr.  pour  un  an:  dans  les  départemens, 
53  fr.  ;  60  fr.  dans  l'étranger. 

T.  XXXV I.  5.; 


84a 


TABT.K    ANALYTIQUE 


\i  i;  !j .  B  ,   187,  796. 

Agoub.  La  Lyre  brisée  ,  dithy- 
rambe, traduit  en  vers  arabes 
par  Réhafa ,  v>.o8. 

Agriculture,  236,  23q, 3o6,  47  r, 

(u)  t. 

All>ert  (D.),  C  — N .,  799. 

Albert  -  Montémont.  Voyage  aux 

Alpes  et  en  Italie,  194. 
Alcée.  Voy.  Mathiïe. 

ALLEMAGNE,     12$,   226,    392,497, 

691,  8o3. 

—  (L'),  ou  Lettres  d'un  voyageur 
allemand,  128. 

Ajlma.xa.cii  des  Dames,  4^9- 

■ —  dédié  aux  Dames ,  ibid. 

— des  bons  conseils,  parL.S.T.R, 

744. 

Alphabet  phonométrique  et  décou- 
verte de  huit  lettres  nouvelles  , 
par  Virai  d,  761. 

Amalfi  (  ville  d'  )  ,  291. 

Amélioration  de  la  population  es- 
clave dans  les  colonies  anglai- 
ses, 3.77. 

Amérique  méridionale  ,   109  , 

794- 

SEPTENTRrONALE,   106,  210,372    , 

481,673,793. 

Ami  (L')  de  tout  le  monde  ,  comé- 
die en  prose  ,261. 

Amours  (Les)  mythologiques,  tra- 
duits dès  Métamorphoses  d'O- 
vide, par  de  Pongerville  ,  A, 
658. 

Amulette  (  L'  ) ,  par  S.  C.  Halle  , 

384. 
Analyses  (II)  d'ouvrages  alle- 
mands :  Histoire  du  soulève- 
ment des  Pays-Bas  sous  Phi- 
lippe II  ,  par  F.  Schiller  , 
traduite  en  français  par  Châ- 
teaugiron  {Crussolle-Luini) ,  69. 

—  d'ouvrages  anglais  :  Essai  sur  la 
construction desrouteset  des  voi- 
tures ,  par  R.  L.  Edgeworth,  tra- 
duit en  français (7.  /.  Baude).36. 
—  Vie  de  Napoléon  Bonaparte, 
par  Walter  Scott  {Avenel),  629. 

—  d'ouvrages    anciens  classiques  : 


Bibliothèque  des  classiques  la- 
tins ,  avec  la  traduction,  pu- 
bliée par  Jules  Pierrot  (  /.  J. 
ChampoUion -Figeac),  9  2 . 

-  d'ouvrages  belgques  -  français  : 
Mouvement  delà  population  des 
Pays-Bas. — Développement  des 
tableaux  publiés  par  la  commis- 
sion de  statistique,  par.Smits. 
—  Recherches  sur  la  popula- 
tion ,  etc.  des  Pays-Bas ,  par  A. 
Quetelet.  —  Rapport  sur  les 
écoles  des  Pays  -Bas.  —  Carte 
figurative  de  l'instruction  po- 
pulaire des  Pays-Bas  (  A.  Que- 
telet), 596. 

-d'ouvrages  espagnols  :  Espagne 
poétique,  choix  de  poésies  castil- 
lanes, mises  en  vers  français,  par 
J.  M.  Mauty  (  Muriel),  98,  33g. 

-  d'ouvrages  des  Etats  -  Unis  : 
Œuvres  complètes  de  J.  Feni- 
more  Cooper  (  B.  J .  ),  346. 

-d'ouvrages/m/ica»  :  Manuel  du 
juré,  par  Victor  Guichard  et 
J.  J.  Dubochet  {Charles  Comte), 
45.  —  Histoire  de  Bretagne  par 
Daru  (Drppitig), 58. — Voyage  de 
la  Grèce,  par  F.  C.  H.L.Pcuque- 
ville;  Histoire  delà  régénéra- 
tion de  la  Grèce  ,  par  le  même 
{Auguste  Fabre),  74.  —  Diction- 
naire d'agriculture  pratique(  A7), 
3o6.  —  Voyage  métallurgique 
en  Angleterre,  par  Dufrénoy  et 
Élie  de  Beaumont  {Ferry),  3i4- 
OEuvrcs  de  Servan  (  Parent- 
liéal),  320. —  Tableau  chrono- 
logique des  événemens  rappor- 
tés par  Tacite,  par  de  Fortia 
{Charles  du  Rozoir),  327. — L'en- 
seignement du  dessin  linéaire, 
par  L.  B.  Francœur  (  de  SU- 
vestre  )  ,  36 1.  —  Rapport  lu  à 
l'Académie  royale  de  médecine, 
sur  les  documens  de  M.  Ctier- 
vin  concernant  là  fièvre  jaune; 
Éclaircissemens  de  M.  Pariset 
en  réponse  aux  allégations  con- 
signées dans  le  rapport  précé- 


Dl  S     MATIERES. 


843 


vient  (/f.  ), 589,  -  lh-  Lu  reli- 
gion» etc. ,  pa i'  lî.  CoustaptG?.), 
(>  1  » .     Del'éducation  des  Sourdi 

muets  de  naîssau<  e ,  par  Degé- 

îandi)  (/'/<•</.  Cihut),  (>i\. —  I  itt 
Amours  ni\  tlmlogiques  ,  par  de 
Pongei  ville  ((  'h.un-et),  658. 

—  d'ouvrages  italiens  «  Comédies 

d'Albert  Nota  (/''.  .W//),  664. 

Ajn  v ruM  1 1' ,  72  I  ,  81  5. 

—  de  l'homme,  etc.,  par  .Iules 
Cliquet,  publiée  parC. deLas- 
teyrie,  i6r. 

Anceh.t.    L'Homme    du    monde  , 

4"'i ,  5  a  3. 
Anecdotes,  lai. 
Anévrysme.  J'oy.  Brescbet. 

ANGLETERRE.  Voy.  Gil  AN  DE  BltE- 
TAGNE. 

Annuaire  du  jardinier  et  de  l'a- 
gronome ,  pai'Boitardj  719. 

— du  peuple,  etc.,  par  Girault,  de 
Saint-Fargeau,  744- 

Antilles,  1x1,  3j5. 

Antiquités,  248,  827. 

— découvertes  par  M.  de  Blareirt- 
berg,  d'Odessa, aux  envirousde 
Symphéropol,  49^. 

—  découvertes  par  le  même  sur  les 
bords  del'ancien  Bosphore  Cim- 
mérien,  496. 

Apology  [Ail)  for  the  pursuit  of final 
béatitude,  etc.,  by  liam  -  Mohuin- 
Roy,   110. 

Appeal  (  An  )  to  the  Christian  pu- 
blic ,  etc.  ,  by  Ram-Mohuiri- Roy  , 
1 10. 

— (Final),  etc.,  ibid. 

Appert  (  B.  ).  Observations  sur  les 
prisons,  hospices  ,  écoles  des 
départemens  et  des  pays  étran- 
gers, 750. 

Apulée  (Caecilius  ).  Fragmens  du 
Traité  de  l'orthographe  ;  édi- 
tion publiée  par  Osann,  399. 

Arabes  (Les)  auprès  de  Tours,  ro- 
man allemand,  par  A.  Ugewild, 
i3a. 

Ara  go.  ^/.Nominations  acadé- 
miques. 


AlW.lll  OI.OOI  J'.,    171),    jo  j,     j:  7,711, 

7«.i- 

(   RappOl  !s    de  V    )  avec  les  Bit! 

modernes ,  par  Ç.  J.C.Reuvens, 
711. 

Aki.ii  1  1  1  (  il   11 1-,  ,    l45,  248,  /\d[). 

— moderne  <!<•  la  Sicile,  etc.,  paj 
J.  Jlittoif  et  L.  Zanth,  200. 
antique  de  la  Sicile  ,  par  les 

mêmes,  20  r . 
Aretin  (Von).  StaCLtSrecht  der  cn/is- 

tiluliiiK  lieu  Monarchie ,  3o5. 
Ahitiumi'iioi;!  ,  i(i:7. 
— (Application  del')  au  commerce 

et  à   la  banque,  par  J.  B.  Ju- 

vigny,  4  2  5. 

ART  Mf  LITAIRE,    I  5  r ,   l()5. 

VKTÙ1IK  AIRE,  3oo\ 

— (L')  de  fabriquer  la  porcelaine  , 

par  F.  Baslenaiie  -  Daudenai  t  , 
4  3 1 . 
— (  L' )  du  maître  de  forges,  par 
Pelouze,  7  2  8. 

—  de  fabriquer  la  faïence  recou- 
verte d'un  émaii  blanc  et  coloré, 
par  F.  Bastenaire-Daudenart  , 
73o. 

AktS    INDUSTRIELS    ,      1 26    ,     167, 

168,  43i,  73o,  819. 
Ascétique.    Voy.  Sciences  eeei- 

gieuses. 
Astronomie,  420". 

—  des  Demoiselles  ,  par  James 
Ferguson  ,  traduite  en  français 
par  Quélrin,  725. 

Asie,  810. 

Athénée  de  Brescia,   142. 

Atlas  universel  de  la  géographie 
physique,  etc.  de  toutes  les  par- 
ties du  monde,  par  Ph.  Van- 
der  -  Maelen,  i52. 

— géographique  de  l'Egypte  et  de 
la  Nubie,  par  Fréd.  Caillaud, 

174. 

—  et  statistique  des  départemens 
de  la  France,  174. 

—  commercial,  ou  Exposition  mé- 
thodique du  droit  commer- 
cial, etc  ,  par  Poux  -  Franklin  , 
747- 


B44 

—  maritime  d'Amérique,  par  Cor- 

tès,  793. 
— des  oiseaux  d'Europe,  etc.,  par 

J.  C.  Weruer,  420. 
Austral asie,  212. 
Avenel  (M.).  C— A. ,  629. 
Aveugles,  477- 


B 


Ba- 


Art 


Bacriade  (  La  ),  ou  la  Guerre  d'Al- 
ger ,  poëme  héroïque  eu  cinq 
chants,  par  Barthélémy  et  Méry, 
455. 

Bains  de  mer  (Les),  poëme,  par  F. 
Thueux,  455. 

Banquet  mensuel  de  la  Société  de 
la  Revue  Encyclopédique, 255. 

Barbarie,  487. 

Barbaroux  (  Charles  ).  Mémoires 
756. 

Barras.  Voy.  Gastralgies. 

Barthe.  Voy,  Réfutation. 

Barthélémy    et    Méry.    Voy. 
criade. 

Voy.  Corbiéréide. 

Bastenaire  -  Daudenart.  Voy 
de  fabriquer  la  faïence. 

Bateau  à  vapeur  établi  entre  Odes- 
sa etKherson,  494- 

Baude(J.J.),  C.  —A  ,36.—  B.  , 
174. 

Beaumont.  Voy.  Hernies. 

Beauties  (  The)  ofthc  court  of  Charles 
the  second,  by  D.  B.  Murphy  , 
382. 

Beaux-arts,  200,  247,  264,  36i  , 
467,  526,710,711  ,784,  799. 

Bébian.  Journal  de  l'instruction 
des  Sourds-muets  et  des  Aveu- 
gles, 477. 

Beccadelli  (  Lodovico*).  V'ua  dcl  car- 
dinal Gasparo  Contarini,  4 10. 

Bégaiement  (  Nouvelle  méthode 
pour  guérir  le  ),  25o. 

Belles  -Lettres.  Voy.  Littéra- 
ture. 

Bentham  (Jérémie).  Voy.  Défense 
de  l'usure. 


TABLE    ANALYTIQUE 

Berlin  (  Observations  d'un    voya- 
geur sur  ),  8o3. 
Berzelius  (J.).  Voy.  Nominations 

ACADÉMIQUES. 

Bessel  (F.  W.).  Voy.  ibid. 
Bibliographie,  106, 37  2, 3  92, 67  3. 
Bibliothèque  nationale  de  Bue- 
nos-Ayres,  704. 

—  des  classiques  latins,  avec  la 
traduction  en  regard,  par  Jules 
Pierrot,  A.,  92. 

— des  connaissances  usuelles,  etc. 
ji3. 

— choisie  des  Pères  de  l'Eglise 
grecque  et  latine,  par  N.  S., 
Guillon  ,  736. 

Bichat(Xav).  Traité  des  mem- 
branes ,  etc.  Nouvelle  édition  , 
revue  par  Magendie,  721. 

Bigeschi  (J.).  Précis  sur  l'hospice 
delà  Maternité  de  Florence,  etc. 
703. 

Bignan.  Voy.  Joseph  Vernet. 

Bijou  (Le),  par  W.  Fraser  ,  384. 

Biographie  ,  3o,  120  ,  1 65  ,  290  , 
38i ,  382  ,  391 ,  4o3,  410,  4n  , 
417,  448,  575,  629,  674,  696, 
701,  707,  753. 

—  universelle  et  portative  des 
contemporains,  en  un  seul  vo- 
lume, 443- 


Biot.  Mémoire  sur  la  figure  de  la 
terre,  716. 

Bis.  Voy.  l'ouvrage  ci-après. 

Blanche  d'Aquitaine  ,  ou  le  der- 
nier des  Carlovingiens,  tragé- 
die, par  Hippolyte  Bis,  821. 

Blachette.  V.   l'ouvrage   ci-après. 

Blanchiment  (Traité  du)  des  toiles 
de  lin  ,  etc.  ,  par  L.  J.  Bla- 
chette, 167. 

Rlaremberg.  Voy.  Antiquités. 

Blein.  Exposé  de  quelques  prin- 
cipes nouveaux  sur  l'acousti- 
que ,  etc.,  428. 

Blom  {H.  J.).  Unionskrigene  og  Bor- 
geikrigene ,  etc.  ,688. 

Blume  (CL.).  Voy. Nominations 
académiques. 

Blumenbach  (J.  F.).  Voy.  ibid. 


I»KS     MATIERES 


Boileau.  (  lEuvres  posthumes ,  pn- 
bliées  ptr  L.  Parelle,  j(i3, 

Bois-Duval.  Essai  d'une  monogra- 
phie de  la  tribu  des  sygén ides, 
a  \j. 

Boissier  (  Henri  ).  v<>y.  Ni kobolo 

G  il'. 

Boitard.  f'oy.  Annuaire  du  jardi- 

nier. 
Boivin  (Mma  veuve).  Por,  Molcvé- 

siculaire. 
Bonafous  (Mathieu).  Vor,  Mûrier. 

Bonnefoux  (  P.  M.  G.  de  ).  Nou- 
velles séances  nautiques,  73 1. 
Borghers.    Précis    de     l'histoire 

de     la    constitution    d'Angle- 
terre, etc. d'après  Ilallani,  4  ir- 
Bory  de  Saint-  Vincent,  C.  —  M. 
570.  —  B.,  160,  44^- 

—  Essai  monographique  sur  les 
oscilla  ires,  ifïo. 

Bossuet.  Voy.  Éloge. 

Botanique,  m,  i59,  202,  247  , 
5i3. 

— (  Nouveau  Manuel  de  ) ,  par  S. 
Girardin  et  J.  Juillet,  i5o,. 

■ — du  droguiste,  etc.,  ouvrage  tra- 
duit de  l'anglais  par  E.  Pelouse, 
ifio. 

Botta  (Charles).  Voy.  Osservàzioni. 

Boucliené-Lefer,  C. — B.,  748. 

Bouille  (M.  de).  Mémoires,  755. 

Bourgon.  Abrégé  d'histoire  uni- 
verselle, 754- 

Bowring  (John).  Voy.  Poésies  po- 
lonaises. 

Boyard.  Des  droits  et  des  devoirs 
de  la  magistrature  française  , 
i83. 

Biadi  (  Mme  la  comtesse  de  ).  Une 
nouvelle  par  mois,  783. 

Brès,  C. — B.  ,  776. 

—  Histoire  des  quatre  fds  d'Ay- 
mon,  782. 

Breschet.  Mémoire  concernant  l'a- 
névrysme  faux  consécutif  du 
cœur  et  l'anévrysme  vrai  des  ar- 
tères, 245. 

Brismontier  (  G.  L.  ).  Voy.  Phar- 
macie élémentaire. 


Brongniart  (  Ad.  ).  Nouvelles 
Observations  sur  les  granules 
ipermatiques  des  végétaux,  817. 

Brown  (  Robert  ).  Poy.  Nokijia- 

llovs    \(.  \DI.  MIQUES. 

Bnczynski  (G.).  Voy.  Histoire  d< 
Russie. 

Bus  nos-Ayiîi.s  ,  5  j"),  7f)4- 
Bullstih  l'.iM.i'M. ■:  \ pa en  e  (III  ) 

Allemagne,  17.cS,  '\\y>  ,  09 r.  — 

Antilles,  >7>. —  Colombie,  109. 
— Danemark,  126,390,  687. — 
Espagne,  4 f  3.  —  Etats-  Unis  , 
106,  372,  673.  —  France,  i58, 
419,  717.  — Grande-Bretagne, 

111,375,(177.  —  Indes  orientales, 
1  ro. — Italie,  1  3q,  4(>5  ,  703.  — 
Pays  -  Bas  ,  i5i  ,  4*4  »  7*T<  — 
Pologne,  GSy. — Portugal,  148, 
710.  —  Russie,  123,  389,  683. 
— Suisse,  i33,  4«i  »  701. 

Bnrnier  (L.).  Voy.  Scott. 

Burnouf  (  E.  ).  Voy.  Inde  fran« 
çaise. 


Cadet,  de  Metz.  Observations  sur 
l'expédition  de  1827  pour  le 
pôle  du  Nord  ,  733. 

Caillaud  (F.).  Voy.  Atlas  géogra- 
phique. 

Calculs  vésicaux.  Voy.  Civiale. 

Canal  de  New  -  York.  Voy.  Me- 
moirs. 

—  pour  joindre  la  Marne  à  la 
Seine.  Voy.  Cordier. 

Canova.  Voy.  Monument. 

Cantiques  religieux  et  moraux  , 
mis  en  musique,  par  J.  Adrien 
Lafasge,  2o3. 

Carre!  (  Armand  ).  Histoire  de  la 
contre  -  révolution  en  Angle- 
terre, 44 r- 

Carte  figurative  de  l'instruction 
populaire  des  Pays-Bas,  A,  59(5. 

Cartwright  (Major).  Hislife  and  cor- 
respondance, 38  r. 

Cassette  (  La  ) ,  comédie  en  prose , 
262. 


S46  TAULE    AN 

Catilina  ,  tragédie  imitée  de  l'an- 
glais de  Ben  Johnson,  1  g3. 

(."anses  célèbres  étrangères  ,  749- 

— premières  (Résumé  des  opinions 
des  philosophes  anciens  et  1110 
dernes  sur  les  ) ,  etc. ,  par  L.  A. 
Gruver,  1 53- 

Caustiques.  Voy.  Qnelelet. 

Cendrier  (F.  A.).  L'Académie  des 
beanx-arts  de  Paris  lui  décerne 
le  second  grand  prix  d'architec- 
ture, 2  48. 

Censure  ,  807.  Voy.  Errata. 

Cervantes-Saavedra.  El  ingenioco  hi- 
dalgo don  Quijote  de  la  plan- 
cha, etc. ,  207. 

Chabrier.  Mémoires  sur  les  mou- 
vemens  progressifs  de  l'homme 
et  des  animaux,  8i5. 

Champollion-Figeac  (  J.J.  ).  C. — 
^  A., 92. 

Champollion  le  jeune.  Voy.  Mo- 
numens  égyptiens. 

Chansonnier   (  Le  )  des  Grâces , 

774- 

Chants  populaires  des  Grecs  mo- 
dernes ,  traduits  en  vers  rus- 
ses ,  etc.  par  Nicolas  Gueditch, 
685. 

Charpentier.  Voy.  Valentin. 

Charron  (  Pierre  ).  De  la  Sagesse. 
Nouvelle  édition  publiée  par 
Amaury  Duval,  4^8. 

Chateaubriand.  OEuvres  com- 
plètes ,  191,  765. 

—  Voy.  Examen. 

Châteaugiron  (M.  de),  Voy.  Schil- 
ler. 

Chauvet, G. — A.,  658. 

Chervin.  Voy.  Rapport. 

Chiabrera.  Prose  inédite  ,  etc.  708. 

Chimie,  242,273,720,816. 

Chine  (  La  )  :  mœurs  ,  costumes  , 
arts  et  métiers,  etc.  Lithogra- 
phies coloriées,  avec  des  notices, 
par  D.  B.  de  Malpière,  786. 

Chirurgie.  Voy.  Sciences  mé- 
dicales. 

Chlore  (Notice  sur  le)  et  les  chlo- 
rures, M.,  273. 


\LYTJQUE 

Chroniques  (Les) delà Canongate, 
par  Walt  or  Scott ,  traduites  en 
français  par  A.  J.  B.  Defaucon- 
pret',  776. 

Chronologje,  327. 

Civiale.  Lettre  en  réponse  aux  Ré- 
flexions de  M.  Kern  sur  la  nou- 
velle méthode  pour  broyer  les 
calculs  vésicaux,  724. 

Classiques  français  ,  ou  Biblio- 
thèque portative  de  l'amateur  , 
762. 

Cloquet  (Jules).  Voy.  Anatoinie  de 
l'homme. 

Code  pénal  (Projet  du)  du  royaume 
des  Pays-Bas,  1 54* 

Cohen  (J.).  Voy.  O'Brien. 

Collection  des  Mémoires  relatifs  à 
la  révolution  française,  755  , 
756. 

Collin.  Voy.  Garance. 

Colomb  (Christophe).  L'Académie 
des  lettres  et  des  arts  célèbre  la 
mémoire  de  ce  grand  homme  , 
810. 

Colombie,  109.,  790. 

Colonial  reform  (The  further  pro- 
grès s  of),  etc.,  377. 

Comédies  d'Albert  Nota,  A.,  664. 

Commentari  dell'  Ateneo  di  Drescia, 

i42> 
Commerce,  106,  i34> 236,  25 1  , 

471,691. 
Communication    entre  Baltimore 

et  les  états  de  l'ouest,  106. 
Comte  (Charles),  C. — A.,  45. 

Voy.  Philipps. 

Histoire  de  la  garde  natio- 
nale de  Paris,  44 *• 
Concordat    de    l'Amérique   avec 

Rome,  par  de  Pradt,  738. 
Conférences ,  etc.  by  Ram  -  Mohum- 

Roy,  1 10. 
Coajigliacchi  {L.).  Memorie  intorno 

alla  i>ita  ed  aile  opère  di  JVerner 

ed  Ha/iy,  707. 
Conradin  ,  tragédie  en  vers  ,  par 

de  Cuzey,  775. 
Conservatoire  des  arts  et  métiers 

de  Paris,  819. 


Iil   s     V\ 

Cou  i  si.  f'"i .  Rom  v ■*. s. 

Constant  (B.).  /'.»».  Religion. 

Constantin,  ou  le  Muei   luptJ 
nouvelle  imitée  de  l'allemand  , 
de  ELrnfce ,  par  M  «>•  de  ftfooto- 

lieu,    îo5. 

Constitution  andlav\  *  <»/  ffenssèlàBr- 
Schoolf  etc.  ,  (>~~  \. 

Constructions  des  routes.  /'">. 
Edgeworth, 

Contariui(Cardinal  Gaspard)  For. 
Betccadélli. 

Conte  (  Cajetan).  Essais  d'expé- 
riences sur  les  propi  iétés  <l  ts 

eaux  thermo-minérales  du  tem- 
ple  de  Sérapis   a    Ponxzotes , 

Com'ito  di  Dante  Alighieri,  etc.   1 4  2 . 

Coopcr  (  J.  Fenhnbre  ).  OMuvres 
complètes,  traduites  eu  fran- 
çais par  A.  J.  B.  Defaueonpret, 
A.,  346. 

Voy.  Corsaire  rouge. 

Cooper  (  J.  M.  ).  Voy.  Mécanique. 

Cooper  (Philip  Astley).  Voy.  No- 

MIiVAT(0.\S     VGA  l)lbl  IQU  ES. 

Corbiéréide  (L.a),  poème  en  quatre 
chants,  par  Barthélémy  et  Mé- 
ry,  455. 

Cordier  (F.)  Mémoire  sur  les  pro- 
jets présentés  pour  la  jonction 
de  la  Marne  à  la  Seine,  169. 

Corsaire  rètfgé  (  Le  ),  roman  amé- 
ricain ,  par  James  Fenimore 
Cooper,  traduit  en  français  par 
A.  J.  B.  Defaueonpret,  777. 

Cortès.  Voy.  Atlas  maritime. 

Courtin.  Voy.  Encyclopédie  mo- 
derne. 

Ckaniologie,  2  j 4,  8(8. 

Creuzé  de  Lesser.  Voy.  Réclama- 
lions. 

Crivelli,C. — B.,  206. 

Cromwel ,  drame,  par  Victor  Hu- 
go» rA- 

Crussolle-Latui,  C. — A.,  69. 

Culte.  V .  Sciences  religieuses. 

Cunningham  (  P.  ).  Deux  années 
dans  la  Nouvelle -Galles  méri- 
dionale, 375. 


III   Kl  s.  8/,  7 

Cuvier  (  Prédéric      Voj  .  Histoii 

iiatui  elle. 
C.     \.,  fii .;. 

Voy.    Nniiiwin^s    \(   vit*  - 

m  moi  as, 
( iu/ry    \ )c ;.  Voy, Conradin 


I) 


Daily  (  N\  ).  Voy.  Gtammaire  gé 

nera  l<  ». 

D\m  muik,  ra6,  a>6,  390,  f>88. 
Dante  (Le  Banquet  du  ),  i4a. 
D.nu.    Histoire   de    Bretagne,  A  , 

58. 
Daudenart  (  F.  Baateoeife  ),  Voy. 

Porcelaine. 

Dans  (John  }.  New- En  glana"  s  Mé- 
morial, by  Nothanivl  Morton,  108. 

Davy  (  Hnmpbrey).  Voy.  NOMINA- 
TIONS AC.VDI-  m  101;  ES. 

Decandolle  (  A.  P.  ).  Voy.  ibid. 

Defaueonpret  (A.  J.B.).  Foy.  Coo- 
per. 

Défense  de  l'usure,  etc.,  par  Jëré- 
niie  Bentham  ,  traduite  en  fran- 
çais, 748. 

Dcfense(À)  of/ii/idoo-theisrn,clc.,  by 
Ram-  Mo  h  it  m  -  Roy,  1 1  o. 

Degeorge  (Frédéric),  C. — B.,  379. 

Degérando.  De  l'éducation  des 
sourds-muets  de  naissance,  A., 
614. 

—  Du  perfectionnement  moral  , 
ou  de  l'éducation  de  soi  même, 
743. 

Déisme  des  Indous.   Voy.  Défense. 

Delambre.  Histnirede  l'astronomie 
au  xvine  siècle,  publiée  par 
Mathieu,  426. 

Delangle(N.).  Voy.  Nodier. 

Delprat  (  J.  P.  ).  Voy.  NOMINA- 
TIONS ACADÉMIQUES. 

Demi-lune  construite  autour  de  la 
pyramyde  qui  marque  le  terme 
boréal  de  la  base  de  Melun  , 
5(5. 

Depping,  C.  —  A.,  58. —  B.  (Soi,  et 
les  articles  signés  D — g. 


S  ,8 


TABLE     ANALYTIQUE 

Discours.    Voy 


Descartes.    Vo) 

Méditations. 

Desmarand  (Jouvet).  L'Industrie 
française,  poème,  193. 

Desmarest.  Voy.  Falsifications. 

Despréaux.  Essai  sur  les  laminai- 
res des  côtes  de  la  Normandie  , 
5 14. 

Despréaux  (  G.  R.  ).  L'Académie 
des  beaux  -arts  de  Paris  lui  dé- 
cerne le  second  grand  prix  de 
composition  musicale,  248. 

Df.ssin,  800. 

—  linéaire  (  L'enseignement 
du  ) .  etc.,  parL.  B.  Francœur, 
A.,  36i. 

Deutschland ,  oder  Briefe  eines  in 
Den  tsch  land  reisen  den  Deutschen , 
128. 

Développement  des  trente-un  ta- 
bleaux publiés  par  la  commis- 
sion de  statistique  des  Pays- 
Bas  ,  par  E.  Smits,  A   596. 

Dewez.  Histoire  générale  de  la 
Belgique  ,  4*7- 

Dictionnaire  universel  de  droit 
français,  par  J.  B.  J.  Pailliet, 
177,  746. 

—  d'agriculture  pratique  ,  par 
François  de  Neufchâteau  ,  A.  , 
Poiteau  et  autres,  A.,  3o6. 

—  polonais- juif ,  par  Tougend- 
hold,  802. 

—  classique  de  la  langue  fran- 
çaise, etc.,  publié  par  quatre 
professeurs  de  l' Université  , 
45 1,  760. 

—  (  Nouveau  )  de  la  langue  fra  n- 
çaise,  par  F.  J.  Mayeux,  190. 

—  géographique  et  statistique  de 
l'Espagne  et  du  Portugal ,  par 
Sébastien  Mignano,  4*3- 

—  historique  ,  etc.  ,  par  l'abbé 
F.  X.  deFeller,  753. 

—  général  des  sciences  philoso- 
phiques ,  par  W.T.  Krug,  392. 

Didier  (Charles).  Mélodies  helvé- 
tiques, 787. 
Dieudé  (  Armande  ) ,  C.  —  B.  121. 


Dinarque.  Voy.  Schmidt. 

Dionis  Cassii  Cocceiani  historiarum 

romanarum   quce   supersunt.  Ed. 

Sturz,  i3o. 
Diorama  de  Paris,  264. 
Discours  de  la  Méthode  pour  bien 

conduire  sa  raison ,  etc.  ,  par 

Descartes,  43y. 

—  prononcé  à  l'ouverture  de  l'A- 
cadémie de  Soroe,  par  O.  Mai- 
ling, 3oo. 

—  en  prose  inédits  de  Gabriel 
Chiabrera,  708. 

Distribution  d'eau  dans  l'intérieur 

de  Paris.  Voy.  Genieys. 
Doctrine  médicale.  Voy.  Duringe. 
Don  Quichotte.    Voy.    Cervantes. 
Droguiste.  Voy.  Guide-Manuel. 

—  Voy.  Botanique. 

Droit.  Voy.  Jurisprudence. 

—  commercial.  Voy.  Atlas  com- 
mercial. 

FRANÇAIS,    177,   l83,    746. 

PÉNAL,   45^  l54,  182. 

PUBLIC,    148. 

de  la  monarchie  constitu- 
tionnelle ,  par  le  baron  d'Are- 
tin  ,  395. 

Dubochet  (J.  J.).  Voy.  Manuel  du 
juré. 

Dubrunfaut,  C. — B.,  168. 

Dufau  (P.  A.),C— B.  ,758. 

Dufrénoy.  Voy.  A7oyage  métallur- 
gique. 

Dulaure.  Histoire  des  environs  de 
Paris  ,  44°- 

Dumas  et  Pouley  fils. Mémoire  sur 
la  formation  de  l'éther  sulfuri- 
que,  816. 

Dupin  (  Charles  ).  Cours  normal 
de  géométrie  et  de  mécanique 
appliquées  aux  arts,  819. 

Forces  productives  et  com- 
merciales delà  France,  ï52. 

C— M.,  562. 

Duponceau  (Pierre  Etienne).  Voy. 
Eulogium. 

Du  pré  (L.).  Voyage  à  Athènes  et 
à  Constantinople,  4^7» 

Dupré  (  F.  X.  ).  L'Académie  des 


r>ES  mati/kks. 


S 


in 


beaux-arti  de  Parla  l>o  dé<  ei  m 
le  premier  grand  i  >  i  î  x  de  pein- 
ture, >  \~- 

Duringe.  Exposition  de  la  doc- 
trine médicale  allemande,  iv».3. 

Dossard  (H.),  C.—B.,  711. 

Duthon  (  M|nc  Adèle  )•  Notice  wr 

Pestalo/.zi,  701  . 
Duval(Amaury).  Voy.  Montaigne. 

Voy.  Charron. 


E 


Eau*  thermales.  >  <>>.  Gendrin. 

thermo-minérales    du    temple 

de  Sérapis  à  Pou/.zoles.  /  oj . 
Conte. 

Écîaircissemens  de  M.  Pariset,  en 
réponse  aux  allégations  contre 
la  commission  médicale  en- 
voyée à  Barcelone  en  i8ai.  A., 
589. 

École  normale  ,  et  écoles  de  filles 
à  Buenos-Ayres,  794- 

polytechnique  fondée  à  Mu- 
nich, 497- 

—  de  Rensselaer  établie  à  Troy, 
dans  l'état  de  New- York,  674. 

Écoles  de  navigation  dans  diffé- 
rons ports  du  royaume  de  Suède, 
802. 

—  (Rapport  sur  les)  du  royaume 
des  Pays-Bas,  A. ,  5g6. 

l.CONOMIE  DOMESTIQUE,    3o6. 

—  politique  ,  56a. 

—  RURALE  ,  239  ,  3o6  .  5o3. 
Ecosse.  Voy.  Grode-Bretagjne. 
Edgeworth  (R.  L.  ).  Essai  sur  la 

constitution  des  routes  et  des 
voitures,  traduit  de  l'anglais, 
A.  ,36. 

Édifices  sépulcraux  (Des)  de  l'E- 
trurie  moyenne,  etc.,  par  Fran- 
çois Orioli,  i45. 

Éducation,  i5j,  495,614. 

Egypte, i3g , 174, 796- 

Ehrenherg.   Voyez    Nominations 

ACADÉMIQUES. 

Élie  de  Beaumont.  Voy.  Voyage 
métallurgique. 

T.    XS.X.V1. 


Eloge  de  Boseuel ,  1 90. 

Ki. uni  1  \(  1  ,  1  go,  4°o. 

—  pi  i.v  oh  \  rai ,  736. 

1  \\k.\  «  1. or idii.  ,  1 1  ! ,  1 3a, 
]>;ii  ordre  des  matières  ,  9H,  li- 
vraison ,  i58. 

—  moderne,  par  Courtin,  187. 

—  populaire  1  ou  les  sciences,  les 

art!  et  1rs  inétiris  mis   ;'i  la  por- 
ter île  toutes  les  classes  ,  717. 
Enéide  (  L'  )  (\f>  gens  du  monde, 

poème  en  donze  «hauts,  45a. 

I'.NSI.I<;>  UCIIZ  INDUSTRIEL,  ^5l  , 

5o3  ,  67/,. 
Entomologie,  1  \  \. 
Épicurien  (L'),parThom  as  Moore, 

traduit  en   français   par  A.  A. 

Renouard ,  i()5. 
Épouse  (L')     nouvelle,    comédie 

italienne,  par  A.  Nota,  811. 
Errata  exigés  par  les  suppressions 

partielles  de  la  censure,  dans 

quelques  articles  de  la   Revue 

Encyclopédique,  53 1. 


Ers  ter  Sicg  des  Lichts  ïiber  die  Fms- 

terniss  ,   etc.  ,  695. 
Esclavage,  377. 
Espagne  ,  4  »3  ,  734- 
—  poétique.  Choix  de  poésies  cas- 
tillanes, mises  en  vers  français 
par  Juan  Maria  Maury,  A. ,  98  , 
33y. 
Esprit  et  conférences  des  lois  d'in- 
térêt général,  206. 
Esquisse  politique  sur  l'action  des 
'  forces  sociales   dans  les  diffé- 
rentes   espèces    de     gouverne- 
ment, 41 5. 
Esquisses   pittoresques,    géogra- 
phiques, statistiques,  par  Segato 
et  Masi ,  139. 
Essais  poétiques  :  trois  Napoiéo- 
nides,  par  J.  J.  Lesergent  des 
Vosges,   193. 
Establishment  {The)  ofthe  Turks  in 

Europe  ,   118. 
Estrup  (//.  T.).  Absalon  sora  Ilcll  , 

391. 
Établissèmens   puhlics   d'Odessa 

r  f 
0  0 


Etilogin, 


S5o  TABLE    A?» 

pour  l'éducation  delà  jeunesse , 

,  495. 
États-Unis,  106,  210,  372,  481, 

,  673>793-. 

Éther  sulfurique.  Voy.  Dumas. 
Ethnographie  ,  758 , 786. 
Etrennes  littéraires,  383,  384, 

45o,  774- 

in     commémoration     of 

William    Tilghman  ,  etc.  ,  by  P. 

E.  Duponceau ,  f>74- 
Examen  des  OEuvres  complètes 

du  -vicomte  de  Chateaubriand, 

par  A.  J.    C.  Saint  -  Prosper , 

765. 
Expédition  pour  le    pôle  Nord. 

Voy.  Cadet. 

—  projetée  par  le  pacha  deTripoli  i 
contre  les  Arabes  du  Djebel , 
487. 

Exposition  publique,  à  Paris,  des 
produits  des  manufactures  fran- 
çaises, M.  ,  5. 

—  des  produits  de  l'industrie  du 
Languedoc,  à  Toulouse,  M., 
5fi2. 

—  des  produits  des  beaux-arts  et 
de  l'industrie,  à  Avignon,  8i3. 

—  des  tableaux,  à  Paris,  5 26. 


F 


Fabre  (Auguste) ,  C.  A. ,  74. 

Faikenstein.  Voy.  Kosciuszko. 

Falsifications  (Traité  des),  etc., 
par  Desmarets,  731. 

Faraday.  Voy.  Manipulations  chi- 
miques. 

Faulkner  (Arthur  Brooke.).  Notes 
et  réflexions  écrites  pendant 
une  visite  à  Paris,  680. 

Faure.  Mémoires  sur  l'iris  et  sur 
les  pupilles  artificielles  ,  5  16. 

Fazy-  Cazal  (  E.  J.  ).  Voy.  Kast- 
hofer. 

Fellenber^  (Emmanuel  de).  Voy. 
Hofwyl. 

Feller  (  F.  X.  de).  Voy.  Diction- 
naire historique. 


ALYTIQUE 

Fergusson  (  James  ).  Voy.  Astro- 
nomie des  demoiselles. 

Ferrv,  C.-M. ,  5.  —  A.,  3i4.— 
B.\  714,  728,  734.  — N.,  255. 

Voy.   RÉCLAMATION. 

Fiancés  (Les),  fragment  d'une 
histoire  milanaise,  etc.,  par 
Alex.  Manzoni,  4u- 

Fièvre  jaune,  58y. 

Fièvres  (sur  les)  de  l'automne  à 
Amsterdam  ,  etc. ,  par  H.  F. 
Tychsen,  414. 

Fléchère  (De  la).  Vie,  4<>3. 

Fleurs  (Choix  des  plus  belles),  par 
P.  J.  Redouté,  202. 

Floride  occidentale.  Avantages 
que  peuvent  se  promettre  les 
colons  européens  qui  voudraient 
s'établir  dans  cette  contrée , 
48i. 

Folchi.  Analyse  d'une  plante  mé- 
dicinale, a3i. 

Forces  productives  et  commer- 
ciales du  midi  de  la  France, 
M.:,  562. 

Forces  sociales.  Voy.  Esquisse  po- 
litique. 

Forêts.  Voy.  Soulange-Bodin. 

Forget  me  not  (The) ,  383. 

Formulaire  pour  la  préparation 
et  l'emploi  de  plusieurs  nou- 
veaux médicamens  ,  par  F.  Ma- 
gendie,  i6"4- 

Fortia  (  M.  de  ).  Voy.  Tableau 
chronologique. 

Foscolo  (Ugo).  Voy.  Notice." 

Fossati,  C. — B. ,  146,  705,  71a. 
—  N.,  23i. 

Fougères.  Voy.  Icônes. 

Fourier  (A.).  Mémoire  sur  la  puis- 
sance mécanique  de  la  vapeur 
d'eau ,  728. 

France,  i58  ,  239,  4]9>  5ia, 
717, 8i3. 

Francœur  (L.  B.).  Voy.  Dessin  li- 
néaire. 

—  C.  B.,  4 1 5 ,  427,  43i,  727, 
728. 

François  de  Neufchàteau.  J'or. 
Dictionnaire  d'agriculture. 


DES    MAiii.ur.s. 


b'i  usât  's  Bijou ,  38  \ . 

Fmsologia  iuUiana  ,  oisia  rttotolta 

di  20,000  frasi ,  etc.  708. 
Frédéric  Styndhall,  ou  In  Fatale 

année,  par  Ivratry  ,  .J62. 
Fumer  (L'art  de)  et  de  priser  HD( 

déplaire  aux  belles,  168. 


Galerie  systématique  de  dessins 
lithographies  pour  servir  à  l'En- 
cyclopédie de  Brockhaus  ,  1 3a. 

Garance  (  substances  colorantes 
de  la  ),  par  Robiquet  et  Collin, 

Garde  nationale.  Voy.  Comte. 

Voy.  Souvenirs. 

Garnier  (Adolphe).  Voy.  Peine 
de  mort. 

Gastralgies  (Traité  sur  les)  ,  etc., 
par  Barras ,  722. 

Gauppe  (  Theod.)  De  prnfessoribns  et 
medicis   120 

Gay-Lussac  (L.  J.)  Pop  Nomi- 
nations ACADÉMIQUES. 

Gendriu.  Quelques  expériences 
sur  la  chaleur  des  eaux  ther- 
males, 5i5. 

Genieys.  Note  sur  un  projet  de 
distribution  générale  d'eau 
dans  l'intérieur  de  Paris,  172. 

Géodésie  ,    816. 

—  (supplément  au  Traité  de),  etc., 
par  L.  Puissant ,  426. 

Geoffroy-Saint- Hilaire.  Voy.  His- 
toire naturelle. 

Géographie,  139,  i5a,  ij4i  227, 
392 , 4*3. 

—  (Abrégé  de  la  nouvelle)  uni- 
selle,  par  Hyacinthe  Langlois  , 
43i. 

—  (Nouvelle)  méthodique  desti- 
née à  l'enseignement ,  par  A. 
Meissas  et  A.   Michelot  ,  432. 

—  moderne  (système  nouveau  de), 
parSidnev  E.  Morse,  107. 

Géologie,  5i4- 

Géométkib,  818. 

Gervais.     Perfectionnement    des 


85 1 

méthode!  asitéei  pour  la  fabri- 
cation du  vin,  .{83. 

Giannone  (  P.  ).  litoria  civile  del 
rogno  <li  NapoKf  4°5. 

Gilbei  1  (  A.  ).  L'Académie  des 
beaux -arts  de  Parii  lui  décei  ne 
le  deuxième  second  grand  prix 
de  composition  musicale  ,  1^0. 

Gillies  (  R.  P.  ).  German  stoiies  , 
683. 

Gingina-1  «aasaras  (  Fréd.  de).  His- 
toire naturelle  des  lavandes  , 
i33. 

Giovanelli  {IL).  Dell'  origine  de'  selle 
e  tredici  cotnmuni ,  etc. ,  abitanti 
fra  V  Adiçc  e  la  H  renia  ,  706. 

Girard  (François).  Deux  têtes, 
d'après  des  fresques  de  Gio- 
vanni Antonio  d'Avercelli,  gra- 
vées à  la  roulette,  83 1. 

Girardin  (S.).  Voy.  Botanique. 

Girault  de  Saint  -  Fargeau.  Voy. 
Annuaire  du  peuple. 

Gîavimans  (C.  J.).  Voy.  Nomina- 
tions ACADÉMIQUES. 

Gneditch  (  N.  ).  Prostonarodnïa 
Pesni ,  etc.  ,  685. 

Goblin  (D.  J.).  Manuel  du  den- 
tiste ,  162. 

Goethe.  Voy.  Hommage. 

Golbéry  (PlT.),  C— B.,  i32,  3o8, 
701,  et  les  articles  signés  Ph.  G. 

Gouroff  (De).  Voy.  Influence. 

Grammaire,  399. 

—  générale  (Essai  de)  ,  etc.,  par 
N.  Daily,  i56, 

—  polonaise  en  langue  juive  po- 
pulaire ,  par  Nesselroth,  802. 

Grande-Bretagne,   ni,  214, 

375,  44i,  49r>  677»798. 

Granules  spenna tiques  des  végé- 
taux. Voy.  Brongniart . 

Gravure, 200,  201  ,  202  ,  382, 
83i. 

Grèce,  74,  124,  233,  417. 

—  (  situation  morale  de  la)  ,  233. 
Guerres  de  l'union  des  trois  états 

Scandinaves,  par  H.  J.  Bloin., 
688. 


,V*5'2  TABLE    ANALYTIQUE 

Guillon  (N.  S.).  Bibliothèque  des 
Pères  de  l'Kglise,  736. 

Guiraud  (J.B.  ).  L'Académie  des 
beaux-arts  de  Paris  lui  décerne 
le  premier  grand  prix  de  com- 
position musicale,  248. 

Greville.   Voy.  Icônes  fdicum. 

Gruyer  (  L.  A.  ).  Voy.  Causes  pre-  j 
mi  ères. 

Gueux  (Le)  de  mer,  ou  la  Belgique 
sous  le  dtic  d'Albe  ,419. 

Guichard  (Victor).  Voy.  Manuel 
du  juré. 

Guide  des  jurés ,  par  Tougard , 
181. 

—  Manuel  de  l'épicier  droguiste , 
166. 

Guilloud  (J.  J.  V.).  Voy.  Phy- 
sique. 

Guillaume  Frédéric  d'Orange- 
Nassau  ,  avant  son  avènement 
au  trône  des  Pays-Bas,  4*7' 

Gïdich  (  G.  von  ).  Ueber  den  gegen- 
wàrtigen  Zustand  des  Aeker- 
baus  ,  etc. ,  irn  Koenigreich  Han- 
noverf  691. 

Guthrie.  Voy.  Langlois. 

Gymnastique  (Elémens  de)  pour 
les  garçons ,  et  de  calisthénique 
les  jeunes  filles,  par  Gustave 
Hamilton ,  677. 


H 


Halevy  (Léon).  Poésies  europé- 
ennes ,  192. 

Hall' s  A 'mulet ,  384« 

Hallam.  Voy.  Borghers. 

Hamel ,  the  Obeahman  ,  122. 

Hamilton' s  Eléments  of  gy'mnas- 
tics  ,  etc. ,  677. 

Hanovre  (De  l'état  actuel  de  l'a- 
griculture, etc. ,  dans  le  royau- 
me de),  par  Gustave  de  Gù- 
lich ,  691. 

Hauteroche  (Louis  Allier  de).  Voy. 

NÉCROLOGIE. 

Haiiy.  Voy.  Confïgliacchi. 
Hebel(Jean  Pierre).  Voy.  Nécro- 
logie. 


Hérenu  (E.),  C  — B.,  i95,  389, 
465  ,  764  ,  783  ,  et  les  articles 
signés  E.  H. 

Hernies  (Notice  sur  les),  et  sur 
une  nouvelle  manière  de  les 
guérir,  par  Beaumont,  162. 

Hérodote.  Voy.  l'ouvrage  ci-après. 

Heyse  (  C.  L.  )  Questiones  Herodo- 
teœ  ,  699. 

Histoire,  22,  108,  118,  120,  124, 
r3o  ,  148  ,  327  ,  396  ,  407  ,  409  , 
4i6,  417,  442,  449,  /f5o,  545, 
629 ,  688 ,  705  ,  706 ,  755 ,  756, 
757,  758,  811. 

—  universelle  (Abrégé  d'  )  ,  par 
Bourgon ,  754- 

—  de  la  révolution  de  Colombie, 
par     José    Manuel     Restrepo, 

79°;  . 

—  (Précis  de  1')  delà  constitution 

d'Angleterre  ,  etc.,  d'après  Hal- 
lam ,  par  Borghers,  44i- 

—  De  la  contre-révolution  en  An- 
gleterre, sous  Charles  II  ,  par 
Armand  Carre! ,  441- 

—  de  Bussie  de  Nicolas  Karam- 
.zin  ,  traduite  en  polonais,  par 
G.  Buczynski ,  687. 

"—d'Italie.  Voy.  Osservazioni. 

—  civile  du  royaume  de  Naples , 
par  Pierre  Giannone  ,  4°5. 

—  de  la  régénération  de  la  Grèce , 
par  F.  C.  H.  L.  Pouqueville, 
A,  74. 

—  générale  de  la  Belgique  ,  par 
Dewez,  417. 

—  du  soulèvement  des  Bas-Bas 
sous  Philippe  II ,  par  Schiller, 
traduite  en  français  par  Cha- 
teaugiron  ,  A. ,  69. 

—  du  château  de  Muiden,  etc., 
J.  Koning,  4X7- 

—  de  Bretagne,  parDaru,  A.,  58. 

—  de  Louis  IX  ,  par  Pigault-Le- 
brun,  446- 

—  Charles  VI,  par  le  même, 
ibid. 

—  de  la  révolution  de  France ,  par 
Pierre  Manzi,  4°9- 

—  militaire  des  Français  par  cam- 


.1.  I>.  (. 


DBS    M  \  l  M  r.  !  s 

\    leilliet 


851 


pagnes ,  poi 

c65. 

de  Napoléon  ,  par  de  Norvius 

186. 

—  physique i  oWileci  moraledes 

environs  de  l'ai  is,  par  Dulauie. 

il". 

—  de  la  garde  nationale  de  Pa- 
ris ,  etc. .  pw  ('liai  les  Comte, 
44t. 

—  (Précis  de  V)  générale  des  jé- 
snites ,  iB  \. 

—  (Résumé  de  1')  dos  traditions 
morales  et  religieuses  chei  Les 
divers  peuples,    par    de   S..., 

-,  ;;. 

—  des  quatre  fit*  d'Aytaon  ,    par 

15 lès  ,783. 

• — de  l'astronomie  au  xvuic  siècle, 
par  Detambre ,  i'.o. 

ECCLESIASTIQUE  ,  379. 

—  naturelle,  ib'o,  a44f947> 
520,  817. 

des  mammifères  ,  par  Geof- 

froy-Saint-Hilaire  et  Frédéric 
Cuvier  ,  4r9- 

. des  lavandes  ,  par  Fréd.  de 

Gingins-I.assaraz,  i33. 

Hittorff  (  J.  ).   Architecture  mo- 
derne de  la  Sicile  ,  200.  . 
antique  de  la  Sicile  ,  201. 

Hofvvyl  (Promenade  à),  ou  situa- 
tion actuelle  des  étahlissemens 
de  M.  Emmanuel  de  Fellenherg, 
5o3. 

Hommage  rendu  par  le  roi  de  Ba- 
vière à  l'illustre  Goethe,  228. 

Homme  (1')  du  monde,  par  An- 
celot  ,4^i. 

drame  en  prose ,  par  Ance- 

lot  et  Saintine,  523. 

Hooker.  Voy.  Icônes Jilicuin. 

Horticulture,  5 19  ,  719,  720. 

Hospice  de  la  Maternité  de  Flo- 
rence. Voy.  Bigeschi ,  703. 

Huerlado  de  Mendoza  (  Diego).  La 
vida  delLazarillo  de  Tonnes,  etc., 
207. 

Hugo  (Victor).  Voy.  Cromwell. 


Il  11;; n en  111  [\\.)Voy.  NoMIHATfOm 
\  <  :  \  1  »  1 .  M  I  Q  1  1 

llnltmriiin     Cari  Dietrich]   Stâi 

tenez/   (foj  Mittrhillcr    .  3gfi. 

Bumboldl  (Alexandre  de    Comi 
de  géographie  ouvert  à  Bei  lin  , 
227. 

Voy.  NoMl  n  v  Ctoks  KC4DB- 

M  \Q\  BS. 

Ilnsson    (  H.  .1.  ;    I,' \e. .demie    d<- 

beaux-aï  i^  de  Par  is  lui  décerne 

le  second   grand  prix  de  senlp 

tare ,  *  |8. 

Un  n  n  wu.ioi;  1  ,    16g  ,  172. 
Il  i  DROOl  \  1*111  Si  ,     I  '*>[)■ 

Ilvpatia,  ou  des  sectes  philoso- 
phiques ,  poème  italien  ,  pai 
M|nc  Diodata  Suluzzo  Roero , 
i43. 

I 

Icônes  filicnm  ,  etc. ,  par  Hooker  et 
Greville  , 

Iconographie,  496- 

Ile  Melville.  Situation  de  cette 
colonie ,  ai3. 

Inde  (L')  française,  ou  Collection 
de  dessins  lithographies,  avec- 
un  texte  explicatif  par  Eugène 
Burnouf,  785. 

Indes  orientales,  110,189,  705, 
785. 

Industrie  ,  5  ,  i3,  236,  25i,  4"*9, 
562, 691  ,  7H7. 

—  (État  de  1')  à  Berlin  et  dans  la 
Basse-Silésie,  8o3. 

—  (État  de  l1)  dans  le  Harz  ,  en 
Hanovre  ,  497- 

—  (L')  française,  poésie  à  l'occa- 
sion de  l'exposition  de  1827  , 
par  Jouvet  Desmarand  ,  193. 

Influence  (De  1')  des  lumières  sur 
la  condition  des  peuples,  par 
de  Gouroff ,  123. 

—  de  l'air  et  du  sol  de  l'Amérique 
sur  la  taille  des  animaux  ,  jio". 

Inscriptions  découvertes  jusqu'ici 
en  Suisse  ,  recueillis  par  J.  G. 
Orelli  ,  4°4- 

Institut.  Voy.  Sociétés. 


854 

Institut  orthopédique,  dit  Carolin, 

à  Wurtzbourg,  497- 
Instruction  des  eu  f au  s  ,   aïo. 

—  élémentaire ,  en  Danemark, 
226. 

—  populaike  des  Pays-Bas  ,  A.  , 
596. 

PRIMAIRE  ,    238. 

—  publique,     157,    2lG,    236 , 

495. 

à  Boston  ,  794. 

à  Buenos-Ayres  ,  794. 

(État    de  V)  à  Florence, 

5o8. 

Irlande.  Voy.  Grande  -  Bre- 
tagne. 

—  (  Statistique  de  1') ,  considérée 
dans  sa  situation  passée  et  dans 
son  état  actuel ,  par  César  Mo- 
reau,  678. 

Isographie  des  hommes  célèbres , 

ou  Collection  de  fac  simile  de 

lettres,  etc. ,  4^9- 
lia  lia  ni  (GP)  in  Russia  ,  4°9- 
Italie ,  139,  a3 1 ,  4°5  »  4°7 ,  5o8 , 

703  ,  809. 
Itinéraire  descriptif  de  l'Espagne, 

par  le  comte  Alex,  de  Laborde , 

734. 

J 

Jardinage.  Voy  Horticulture. 

JÉSUITES,    184. 

Jeux  (  Nouvelle  académie  des  )  , 
par  Lebrun  ,  43o. 

Jomard  ,  C. — N. ,  507. 

Jonction  de  la  Marne  à  la  Seine. 
Voy.  Cordier. 

Joseph  Vernet ,  ode  par  Biguan  , 
46o. 

Journal  fait  en  Grèce  pendant  les 
années  i8a5  et  1826,  par  Eu- 
gène de  Villeneuve,  4*7- 

JoUKNAUX  ET  RECUEILS  PERIO- 
DIQUES : 

—  publiés  en  Allemagne  :  Natur- 
wiisenchaftliche  Abhandlungen , 
à  Tubingue,  4oi. 

—  publiés  en  Angleterre  :  The 
London  weekly  review ,  385. 


TABLE    ANALYTJOUK 


—  publiés  aux  Antilles  :  Anales 
de  ciencias  ,  agricultura  ,  etc., 
à  la  Havane,  375. 

—  -  publiés  en    Danemark  :  Maga- 

zin  for  Kunstnere  ,   à  Copenha- 
gue ,126. 

—  publiés  en  Egypte  :  l'Écho  des, 
Pyramides  ,  journal  français  , 
à  Alexandrie,  796. 

—  publiés  aux  Etats-Unis  :  The 
North- American  review,  à  Boston, 
675.  — The  Philadelphia  monthly 
Magazine ,  676. 

—  publiés  en  France  :  Esprit  et 
conférences  des  lois  d'intérêt 
général,  à  Toulouse,  206.  — 
Journal  de  l'instruction  des 
sourds-muets  et  des  aveugles, 
à  Paris,  477-  —  Gazette  des 
Tribunaux,  à  Paris,  478  — 
Journal  de  Pharmacie  ,  789. 

—  publiés  en  Italie  :  Biblioteca 
italiana,  à  Milan,  146.  —  Gior- 
nale  biografco,  à  Vicence5  4ao. 
4'io. —  Antologia,k  Florence, 

7°9-  \ 

—  publiés  dans  la  Nouvelle-Galles 
méridionale  :  Sydney  Gazette  ; 
How' s  Express  ;  The  Australien  , 
2l3. 

—  publiés  dans  les  Pays-Bas  :  Bi- 
bliothèque des  instituteurs ,  a 
Mons  ,  157.  —  Correspondance 
mathématique  et  physique  ,  à 
Bruxelles,  712.  —  Bydrogen  tôt 
RcgtsgeUerdheid  en  Wetgev'wg , 
à  Amsterdam  ,  714. 

—  publiés  en  Pologne  :  Gazette 
juive,  à  Varsovie,  801. 

—  publiés  en  Russie  :  OdessÂoi 
Wcstnik ,  ou  Journal  d'Odessa, 
en  russe  et  en  fiançais,  389. 

—  publiés  en  Suisse  :  Feuille  reli- 
gieuse   du    canton    de    Vaud  , 

4°2- 

—  publiés  à  Tripoli  de  Barbarie  : 
L'Investigateur  africain ,  487. 

Juifs  (  Civilisation  des  )  dissémi- 
nés dans  les  provinces  polo- 
naises ,801. 


Juillet (J.)  l'oy.  Botanique. 

Julia-Fontenelle  présente  à  l'A- 
cadémie dei  sciences  de  Pariai 
une  tête  parfaitement  conservée 
(l'un  sauvage  de  la  Nouvelle- 
Zélande  ,  ■' î  i ,  «s  iS. 

Jullien  (  1M.  A.) ,  fondateur-direc- 
teur de  la   Revue  Encyclopé 
dique,  C. — N.,  a36,  et  les  ar- 
ticles signés  M.  A.  J. 

Vùy.  No  MI  NATION  s    \<  :.\Di  - 

MIQU)  S. 

Jurés.  i'o\.  Manuel 

—  Voy.  Phillips. 

—  Voy.  Guide. 
JuRISPBUDBSTCB  .    129,    178,  l8f, 

183  ,  ao6,  478  ,681,  714 1  74^\ 

7  «7  .  7.49- 

—  anglaise  ,  Voy.  Lettres. 

Juvigny  (  J.  B.  ).  Voy.  Arithmé- 
tique. 

K 


Karamzin  (  Nicolas  ).  Voy.  His- 
toire de  Russie. 

Kasthofer.  Voyage  dans  les  petits 
cantons  ,  etc. ,  traduit  de  l'alle- 
mand par  Fazy-Cazal,  i36*. 

Kératry.  Frédéric  Styndhall,  462. 

Kirckhoff(De),C.-B.,7ri. 

Voy.  NOMINATIONS  ACADÉMI- 
QUES. 

Kou'tng  (7.).  Geschiedenis  i>an  het 
Slot  de  Mitiden,  417- 

Kosciuszko  (Tliaddâus)  dargestclU 
von  Karl  Falkenstein ,  (Sufi. 

Krakumael ,  ou  Chant  irlandais 
sur  les  exploits  du  roi  Regcar 
Lodbrok,  publié  avec  des  tra- 
ductions ,  par  C.  C.  Rafn  ,  690. 

Krug  (  W.  T  ).  Allegemeines  liand- 
fvorterbuch  der  philosophischcn 
Wïssenschaften  ,  392. 

Ki  use.  Voy.  Constantin. 


Laborde  (C.  Alex,    de  ).  Voy.  Iti- 


DBS   MvriïnKS.  ,SV> 

La  brous  té(  Th.  ).  L'Académie  des 
beaux-ai  ts  de  Paris  lui  décerne 
le  premier  prix  d'architecture. 

248. 

La  bus    (  Jean  ).    Divers   ouvrages 

italiens  et  fi  ançais  d'E.  Q.  Vis- 
ci  Mit  i  ,    ',  I  'A. 
LadoUCettfl  (J.  C.  F.  de).  Voy.  Rc- 

beii  et  Léontinei 
La  m  arque  (  Nestor  de  )'•  Voy.  Li- 
berté. 

Laminaires.  Voy.  Despréaux. 

LangloiSi  (A.).  Voy.  Monumens 
littéraires. 

Langlois  (  Hyacinthe).  Abrégé  de 
la  nouvelle  géographie  univer- 
selle, d'après  le  plan  de  Wil- 
liam Gnthrie,  43 1. 

L  vng  uk  italienne.  Voy.Frasologia. 

—  polonaise  juive.  Voy,  Diction- 
naire et  grammaire. 

—  française.  Voy.  Maycux. 

voy.  Dictionnaire  classique. 

Lanno  (G.  A.).    L'Académie  des 

beaux-arts  de  Paris  lui  décerne 
le  premier  grand  prix  de  sculp- 
ture ,   247. 

Lasteyrie  (  C.  de).  Voy.  Anatomie 
de  l'homme. 

Launay  (J.  B.).  Voy.  Manuel  du 
fondeur, 

—  —  Voy.  NÉckologie. 
Lavandes.  Voy.  Gingins-Lassaraz. 
Lazarillo  de  Tonnes.   Voy.  Hur- 

tado  de  Mendoza. 

L'Ebraly  (E.).  Voy.  Loisirs  poé- 
tiques. 

Législation,  45,  i54>  206, 714, 
748,  806. 

Lebrun  (Isidore)  C.-B.  /\77- 

Voy.  Jeux. 

Lehmann  (Théophile).  Voy.  Lu- 
cien. 

Lemoine  (  J.  J.  )  Voy.  Loisirs. 

Léonidas ,  tragédie  italienne  de 
G.  B.  R.  Moréno,  709. 

Lesergent  des  Vosges.  Voy.  Es- 
sais poétiques. 

Lettre  à  S.  M.  Charles  X,  contre 


856 


TABLE    ANALYTIQUE 

de    Buona 


le    couronnement 
parte,   742. 

—  (Extrait  d'une)  de  Lausanne, 
806. 

Lettres  sur  la  cour  de  la  chancel- 
lerie et  sur  quelques  points  de 
la  jurisprudence  anglaise,  etc., 
681. 

Liberté  (la),  poëme  dithyrambi- 
que, par  Nestor  de  Lamarque, 
454. 

Library  of  useful  knowledge ,  etc., 
1 1 3 . 

Lipkens  (A.).  Voy.  Nominations 

ACADÉMIQUES. 


Lulhers  {Dr  Martin   Werher) ,  398" 
Sainmtliche  Werke ,  ibid. 

M 

Mac  Crie  {Thomas).  Historyof  the 
progress  and  suppression  of  the 
rejormation  in  llalj ,  etc.,   879. 

Mac  Kenny  {Th.  L.).  Sketchcs  of  a 
tour  to  thelakes,  etc.  673. 

Macomb  (David  B.  ).  Renseigne- 
mens  sur  la  Floride  occidentale, 
483. 
j  Magendie  (F.  ).  Voy.  Formulaire. 


Lithographie,    i3a,    161,  385, 
467,  785,  786. 

Littérature  allemande ,  i32, 
196,  9.28,  4^3,  683,  827.  — 
ancienne -classique,  92,  658, 
699,700-  —  anglaise,  122,  193, 
i95,  262,382,  383,384,  385, « 
776,  778.  —  arabe,  208.  — 
belgique-françaisé,  419-  —  es- 
pagnole,  98,  207,  339,  479- 

—  des  États-Unis,  346,  675, 
676,  777. — française,  190, 191, 
192,  193,  194,  T98, 261, 262, 
452  ,  454  >  455  ,  457,  459  ,  460, 
461,  462, 463, 523,526,658, 
761,  762,  763,  765,  767,  772, 
774,775,782,  783,  784,821, 
823  ,  827.  —  grecque  moderne, 
685.  —  helvétique-allemande, 
809.  —  islandaise,    22,    690. 

—  italienne,  i42,  i4^,  146, 
23 1,  4  r ' »  664, 708,  709,  811. 

—  polonaise  ,219,  682  ,  802  , 

—  portugaise,  148.  —  russe, 
216,  386,  685.  —  sanscrite, 

189. 
Loisirs  (les)  de  M.  Villeneuve,  ou 

Voyagea  l'est  de  la  France,  etc., 

par  J.  J.  Lemoine,  460. 
—    poétiques ,    ou     Recueil     de 

chants  élégiaques  ,  par  Eugène 

L'Éhraly,  772. 
Lncia/ii  Samosatensis  Opéra. Ed.  Th. 

Lehmann ,  1  3 1 . 
Lucrèce.  Voy.  Ponger  ville. 


Voyez 


Voy.  Bichat. 

Magistrature     française. 
Bayard. 

Maiseau.  Voy.  Manipulations  chi- 
miques. 

Mailing  (  O.).  Taie  ved Soroe  Aca- 
démie ,  390. 

Malpière  (D.  B.  de).  Voy.  Chine. 

Malte-Brun.  Voy.  Notice  biogra- 
phique. 

Manci  (A.  J.  de).  Voy.  Tableau 
historique. 

Manfredi  (N.).  Tableau  de  l'état 
politique,  des  sciences  et  des 
arts  chez  les  Indiens  avant  l'é- 
poque d'Alexandre,  705. 

Manifesto  que  el  poder  ejecutivo  de 
Colombia  présenta  d  la  republica 
y  al  mundo,  109. 

Manipulations  chimiques,  par 
Faraday,  traduites  en  français 
par  Maiseau  ,  720. 

Manuel ,  ancien  député.  Voy.  Né- 
crologie. 

Manuel  de  Botanique,  par  Gi- 
rardin  et  Juillet ,  159. 

—  du  Charpentier,  par  Pli.  Va- 
lentin,  168. 

—  du   Créancier  hypothécaire, 
par  J.  Zanole,  747. 

—  du  Dentiste  ,  par  D.  J.  Goblin  , 
162. 

—  du  Fondeur  sur  tous  métaux  , 
par  Launay ,  729. 

—  des  jeux  de  calcul  et  de  ha- 


* 


sard,    etc.  ,    par   I  ,ebi  un  ,     \  !<>. 

—  du  jure,  ou  exposition  <ie  lé- 
gislation criminelle,  etc.:   par 
\  ictor  Guichard   et   '•  J.  Du 
bochet,  A.,  /p. 

Ma  MiiweruHKS  ,  5. 
M  vNusintirs  (  Notice  dei)  relatifs 
au  droit  public,   à   l'histoire  et 

à  la  littérature  de  Portugal, etc., 

par    le  vicomte  de  Santaretn  , 

148. 
Manzi   (  P.  ).    llistoria    délia  rivo- 

luzione  di  Francia  ,  4(,|)- 
Manzoni  (A.).  I promessi  sposi,  etc., 

4ti. 

Marcel   de   Serres.   Note  sur  les 

volcans  éteints  du  midi  de  la 

Fiance,  etc.  ,  5  i/\. 
Mariage  (  Le  )  d'argent ,  comédie 

en  prose,  par  Scribe  ,  8*3. 
Masi.  Voy.  Segato. 
Massias(B.).   Voy.  Principes  de 

littérature. 
Mathiœ   [A u g.).   Alcœi    Mitylenœi 

reliquiœ  ,   700. 

Mathématiques,  241  »  »4?»  4l4  » 
712,  727. 

Mathieu.  Voy.  Delambre. 

Maury  (Juan  Maria).  Voy.  Es- 
pagne poétique. 

Maximes  de  guerre  de  Napoléon» 
i65. 

Mayeux  (  F.  J.  ).  Nouveau  diction- 
naire de  la  langue  française, 
190. 

MÉCANIQUE,    427,    8l8. 

—  d'une  force  extraordinaire , 
nouvellement  inventée  aux 
Etats  •  Unis  par  J.  M.  Cooper, 

Médaille  de  Mithridate  III,  roi 
du  Bosphore  Cimmérien,  etc.  , 
par  J.  Stempkowsky  ,   389. 

Médailles  historiques  destinées  à 
retracer  les  événemens  les  plus 
remarquables  des  Pavs  -  Bas  , 
238. 

Médecine.  Voy.  Sciences  médi- 
cales. 

T.    XXXVI. 


DBI   M  \TI  MUS.  fl  5  ) 

Médecina    (  Education   <  lassiqne 


(les  )  ,    f\-X  I. 

—  français  (  Les)  contemporains  , 
parJ.L.  II.  P. 

Méditations    métaphysiques ,    par 

Descartes ,  4  3«j. 

par  K.  liiléef,    386. 

Edeitsai  (  Achille  )  et  Auguste  Mi- 
chelot.  Nouvelle  géographie 
méthodique  ,  etc. ,  43*< 

Mélanges  évangéliques ,  4<>4- 

Mélodies  helvétiques,  par  Charles 
Didier,  707. 

Membranes  (Traité  des),  par 
Bichat ,   721. 

Mémoire  sur  l'éducation  classique 
des  jeunes  médecins,  4*f< 

Mémoire  sur  l'ancienne  ville  des 
Gaules  qui  a  porté  le  nom  de 
Samarohriva,  par  Rigollot  fils, 
45o. 

Mémoires,  Notices  et  Mélan- 
ges (I.)  :  Exposition  publique 
à  Paris  des  manufactures  fran- 
çaises (Ferry),  5. — DesSaga's, 
ou  de  l'ancienne  littérature  du 
Nord  (  X.  ),  22.  —  Notice  sur 
Ugo  Foscolo  (Fr.  Salfi),  3o. 
—  Notice  sur  le  chlore  et  les 
chlorures,  et  sur  leurs  divers 
emplois  (D.  A7.),  273.  — Voyage 
de  Naples  à  Amalfi  (E.  G.  d'A.)y 
278.  —  Notice  biographique 
sur  Pestalozzi  (  C.  Monnard)  , 
.  295.  —  Précis  historique  sur  la 
situation  actuelle  de  la  Répu- 
blique Argentine.  Troisième  ar- 
ticle (  Varaigne),  545.  —  Forces 
productives  et  commerciales  du 
midi  de  la  France  (  Ch.  Du  phi), 
56*2.  —  Notice  biographique 
sur  Malte-Brun  (  Bory  de  Saint- 
Vincent),  5yS. 

—  et  Rapports  de  sociétés  sa- 
vantes et  d'utilité  publique  en 
France,  204,   471,  787. 

—  relatifs  à  la  rivalité  des  maisons 
d'York  et  de  Laneastre,  par 
miss  Emma  Roberts  ,  lao. 

—  sur  l'histoire  et  la  théorie  des 

6G 


858  TABLE     AN 

eortès  générales  de  Portugal , 
par  le  vicomte  de  Santarem,  148. 

—  pour  servir  à  L'histoire  des 
Pays-Bas,  par  J.  P.  Van  Ca- 
pelien ,  410^ 

—  du  marquis  de  Bouille  ,  sur  le 
départ  de  Louis  XVI,  etc.,  j55. 

—  de  Charles  Barbaroux,  756. 

—  du  lieutenant- général  Puget- 
Barbantane,  76  7 . 

Memoirs  on  the  canal  of New-York , 
373. 

Memoria  historica  sobre  as  obras  do 
real  mosterio  da  Santa  Maria  da 
Victoria  ,   etc.  710. 

Mentz  (  D.  )    Voy.  Nominations 

ACADÉMIQUES. 

Merkes  (  J.  G.  W.).  Mémoire  sur 
l'importance  des  places  for- 
tes ,  etc. ,  i5i. 

Méry.  Voy.  Barthélémy. 

MÉTALLURGIE,    3l4,    497»    72$  » 

7a9- 

MÉTAPHYSIQUE,    l4^,     l53,    4^9. 
MÉTÉOROLOGIE,     2  11. 

Meyer.  Die  gelehrte  Schweiz  ,    809. 

Meyer  ( S.  J.).  Voy.  Voyage  pit- 
toresque. 

Michelot  (  A.  ) ,  G.  -  N. ,  247  , 
5i6,  818. 

—  Voy.  Meissas. 

Mignano  (Sébastien).  Voy.  Dic- 
tionnaire géographique. 

Milanesio  (  Antoine  ).  Observa- 
tions historiques  sur  la  ville  et 
la  citadelle  de  Turin  ,  706. 

Miniaturgemalde  ans  der  Lcinder 
und  Volherkunde ,  392. 

Miracle  de  Migné.  Voy.  Neufville. 

Mœurs  turques  (Esquisses  des) 
au  xtxc  siècle,  par  Grégoire 
Palaiologue  ,  759. 

Mole  vésiculaire  (Rechercbes  sur 
l'origine,  la  nature  et  le  traite- 
ment de  la  ) ,  ou  grossesse  hyda- 
tique,  par  Mme  veuve  Boivin, 
i63. 

Montaigne  (  Essais  de),  nouvelle 
édition  ,  publiée  par  Amaury 
Duval,    436. 


AL  Y  TIQUE 

Monnard  (C.  ),  C.  -M.,  2g5.B., 
i33,   r3o/,  4o5.  —  N.  5o2. 

Montesquieu.  Esprit  des  Lois,  762. 

Moutolieu  (  M™  Isabelle  de), 
Voy.  Constantin. 

Monumens  égyptiens  (  Notice 
descriptive  des  )  du  Musée  de 
Charles  X,  par  Champollion 
le  jeune.    784. 

—  littéraires  de  l'Inde,  ou  Mé- 
langes de  littérature  sanscri- 
te, etc. ,  par  A.  Langlois  ,  189. 

Monument,  érigé  à  Venise,  en 
l'honneur  de  Canova,  409. 

Moore  (Thomas).  Voy.  Épicu- 
rien. 

Morale,  116,  175,  743. 

Moreau  de  Jonnès  (  A.),  C.-B.  , 
753.  —  N.  212  ,   2r4- 

Moreau  (César).  The  past  and 
présent  statistical  state  of  lrelandj 
678. 

Moreno{0.  B.  R.).  Leonida,  709. 

Morse' s.  New  system  of  modem 
geography ,    107. 

Morton  (Nathaniel).  Voy.  Davis. 

Muiden  (Château  de).  Voy.  Ko- 
ning. 

Mûrie!,  C.-A.,  98,  339. 
Mûrier  (De  la  culture  du),   par 
Mathieu  Bonafous ,   720. 

Murphy  (  D.  B.  ).  Portrait  des 
beautés  célèbres  de  la  cour  de 
Charles  II  d'Angleterre,  382. 

Musée  (Ouverture  du)  d'antiqui- 
tés égyptiennes  de  Paris,  827. 

Muséum  d'histoire  naturelle  au 
Jardin  du  Roi,  à  Paris,  520. 

Musique,  2o3,  248,  800. 


N 

Naples  ,  4o5. 
Napoléon.      Voy. 
guerre. 

—  Voy.  Norvins. 

—  Voy.  Vie  politique. 

—  Réfutation. 

—  Scott  (Walter). 

—  Voy.  Lettre. 


Maximes     de 


DES    M  l  il  ERES. 


Niirrateur  français  (Le),  <>u  Choix 
d'Anecdotes ,  etc* ,  par  A.  l'><>\. 
lai. 

N  kl  IG  vtion,  j3i,  733,  71)  <,  80a. 

—  par  la  vapeur  ,    j<)  j. 

N '1  UROX.OG ix.   Ugo   Fo  .<>/<>,  Imic- 

r.ttcur  italien,  à  Londres,  '!<>. 
Sir  Thomas  Stamforà  Baffles  , 
siiviint  anglais,  ai(>.  —  Manuel , 
ex-membre  de  la  Chambre  des 

députes  de  France  ,  2(>y.  — 
Jean-Pierre  Hebel ,  poëte  alle- 
mand ,  4i)9-  —  Henri  Boissiert  à 
Genève,  607, —  ./.  D.  Latinajr , 
fondeur  de   la  colonne   de  la 

place  Vendôme,  à  Savigny-sur- 
Orge,  près  Paris,  835.  —  Allier 
de  /(anicroche,  savant  archéolo- 
gue ,  a  Paris,  837. 

Nègres  (Essai  idéologique  et  phy- 
siologique sur  les),  etc.,  par  Ca- 
jetan  Pesce,  142. 

Nborama  de  Paris,  2r>4- 

Neuborg  (  De  ).  Mémoire  et  Ob- 
servations sur  la  perforation  de 
la  membrane  du  tympan  ,  etc.  , 
711. 

ISeufville  (  L'abbé  de  la  ).  Le  faux 
miracle  de Migné,  près  Poitiers, 
17e». 

No  me  olviclcs ,  38.3. 

Nodier  (  Charles  ).  Poésies  diver- 
ses ,  publiées  par  N.  Delangle, 
765. 

Nominations  académiques  :  Le 
ministre  d'état,  baron  de  Stein  , 
membre  honoraire  de  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Berlin  ; 
les  professeurs  de  Ruumer  et 
d'Ehrcnbcrg ,  membres  résidans 
de  la  même  Académie  ,  227.  — 
M.  A.  Jnllien,  de  Paris,  membre 
correspondant  de  la  Société 
philomatiqué  de  l'Université  de 
Cracovie  ,  4y6.  —  Savart ,  mem- 
bre de  l'Académie  des  sciences 
de  Paris  ,  5 1 5.  —  Royer- Col  lard, 
membre  de  l'Académie  fran- 
çaise, 5 16.  —  De  Kirchhoff , 
membre  correspondant  de  l'In- 


85g 

stilul    d'Albanv  ,    r(j  \.  l'an- 

Keyntbergen ,  <1<-  Délit;  ,7.  Que* 
telet ,  de  i i  1  uxellea  ;  ('.  8ceter- 
meer,  de  Flessingue;  D,  Menti  , 
de  Harlem  j  U,  duguenin  ,  <l<- 
I  iègej  A.  Nutnan ,  d'Utrecht; 
J.  G,  S,  fan  Breda  ,  de  Gand  , 
membres  de  L'institut  royal  des 
Pays-lias  ;  Uumphrer  Jhuy ,  de 
Londres;  G,  /-.  ('.  F.  D.  Cavier , 
de  Paris;  J.  F.  Blumenbach  ,  de 
Goettingue;  G.  OlBers,  de  Brè- 
mej  A.  de  iltimboldt,  de  Berlin; 
A.  A.  P.  Deeandolfe ,  de  Génère, 

membres  associés  du  même  In- 
stitut; G.  M.  Roentgen,  de  Rot- 
terdam; C.  J.  Glavimans ,  de 
Rotterdam;  C.  L.  Ultime,  de 
Leyde  ;  /.  C.  Rick,  de  Rotter 
dam  ;  /.  P.  Delprat,  de  Delft  ;  R. 
Van  Rees ,  de  Liège;  A.'Lopkens, 
de  Luxembourg  ;  Ara  go,  de  Pa- 
ris; Gaj-Lussac ,  de  Paris;  F. 
Tiedemann  ,  d'Heidelberg  ;  F. 
IV.  IJessel ,  de  Kœnigsberg  ;  Rc- 
beri  Brown,  Thomas  Young,  Phi- 
lip A stley  Cooper,  de  Londres, 
et  Berzeliui ,  de  Stockholm  , 
correspondais  du  même  Insti- 
tut ,  812. 

Norvins.  Histoire  de  Napoléon  , 
186. 

Nota  (Alberto).  Commedie ,  A.  66*4- 

La  Novella  Sposa  ,811. 

Notice  sur  Ugo  Foscolo  ,  M.  3o. 

—  sur  le  chlore  et  sur  les  chlo*- 
rures  ,  M.  273. 

—  biographique  sur  Pestalozzi 
M.  295.  —  B.  701. 

—  biographique  sur  Malte-Brun, 
M.  575. 

Nouvelle  (  Une  )  par  mois,  ou 
Lecture  pour  la  jeunesse,  par 
la  comtesse  de  Bradi ,  783. 

Nouvelle-Angleterre  (  Mémo- 
rial de  la  ) ,  par  N.  Moi  ton  , 
108. 

Nouvejlle-Galle  méridionale. 
Situation  de  cette  colonie,  21^. 

—  Voy.  Cunningham. 


86o 


TABLE    ANALYTIQUE 


Nouvelles  ,  Voy.  Romans. 

—  allemandes  ,  traduites  en  an- 
glais par  R.  P.  Gillies,  683. 

Nouvelles  scientifiques  et 
littéraires  (  IV.  )  :  Afrique  , 
487,  79(1.  —  Antilles,  211.  — 
Australasie  ,  212.  —  Buenos- 
Ayres,  795.  —  Danemark,  226. 

—  Egypte,  796.  États-Unis, 
210  ,  481 ,  793. — France  ,  289, 
5 12,  81 3.  —  Grande-Bretagne, 
214,  491»  798. —  Grèce,  233. 

—  Italie,  23i,  5o8,  809.  —  Pa- 
ris ,  241,  5i3,  8i5.  —  Pays- 
Bas,  2  36,  5 10,  811.  —  Pologne, 
219,  496,  802.  —  Russie,  216, 
494»  800.  —  Suède,  802.  — 
Suisse,  229,  5o3,  806. 

Numan  (  A.  ).  Voy.  Nominations 

ACADÉMIQUES. 

Numismatique  ,  38g. 

o 

Obscurantisme  (  Sur  1-  )  qui  me- 
nace la  patrie  allemande  ,  par 
J.  G.Pahl,  694. 

O'Brien  (Les)  et  les  O'  Flaherty, 
par  lady  Morgan  ,  traduit  de 
l'anglais  par  Jean  Cohen,  778. 

Observations  générales  sur  la  lit- 
térature italienne,  23  r. 

Ode  du  roi  de  Bavière,  228. 

Odes  de  Lomonossov  et  de  Der- 
javine,  poètes  russes  ,  traduites 
en  polonais,  802. 

OEnologie,  483. 

OEuvres  de  Lucien  de  Samosate, 
en  grec  et  en  latin.  Nouvelle 
édition  ,  par  Théophile  Leh- 
mann,  i3i. 

—  de  Servan.  Nouvelle  édition  , 
par  X.  de  P01  têts  ,  A.,  320. 

—  de  J.  P.  G.  Viennet.  Épitres  et 
Dialogues  des  morts,  4^7- 

—  du  Dr  Martin  Luther,  398. 

—  complètes  du  même,  ibid. 

de  J.  Fenimore  Cooper,  tra- 
duites en  français  par  A.  «F.  B. 
Defauconpret,  A.,  346. 


—   —  du   vicomte   de  Chateau- 
briand, 191,  765. 
■ —  posthumes  de  Boileau,  763. 

de  Solger,  697. 

Olbers  (G.).  Voy.  Nominations 

ACADÉMIQUES. 

Olivier  (Théodore).  Note  sur  les 
frottemens  qui  peuvent  sub- 
sister entre  deux  courbes  et 
deux  surfaces,  727. 

Olmedo.  La  Victoria  de  Junin,  etc., 

479- 
Orelli  (/.  G.).  Inscription  es  in  Hel- 

vetica  adhuc   reperças  ,  etc.,  4o4- 

Origine  (De  1  )  des  populations  de 
race  allemande  qui  se  sont 
fixées  entrel'Adigeetla  Brenta, 
par  le  comte  Benoît  Giovanelli, 
706. 

Orioli  (  F.  ).  Dei  sepolcrali  edifizj 
dell'  Et  ru  ria  média ,  1 4  5 . 

Ornithologie,  42o. 

Orthopédie,  497- 

Osages  (Notice  sur  les),  255. 

Osann.  Cœcilii  Minutiani  Apuleide 
o rth ograp hiâ  fragnt enta,  3 9 9 . 

Oscillaires  (  Essai  monographi- 
que sur  les  ),  par  Bory  de  Saint- 
Vincent,  160. 

Osservazioni  e  giudizj  sulla  storia 
d'Italia  di  Carlo  Botta,  407. 


Pahl  (J.  G.  ).  Ueber  den  Obscuran- 
tisrntis  der  das  deutsche  Vater- 
land  bedroht ,  694. 

Pailliet  (  J.  B.  J.  ).  Voy.  Diction- 
naire de  droit  français. 

Palaiologue  (  Grégoire  ).  Voyez 
Mœurs  turques. 

Palfrey(  John  G.  ).  Rectification 
de  quelques  erreurs  dans  un  ar- 
ticle de  la  Revue  Encyclopé- 
dique, relatif  à  l'instruction 
publique  à  Boston,  794- 

Paragrèle, 806. 

Parelle  (L.).  Voy.  Boileau. 

Parent  -  Duchatelet.  Recherches 
et  considérations  sur  l'enlève- 


nient   et   l'emploi  des    eliev.mx 

morts,  etc.,  y5a. 
Parent-Réal,  C.     A.,  320. 
Paris,  >4r,  440,  5i3,  68o,  8i5. 
Pariset.  /  <>> .  Eclaireissemens. 
Passage  souterrain  creusé  dans  la 

ville  de  Li  ver  pool,  798. 
Pai b-Bas,  6g  ,  i5i  ,  a3o  ,  \\\  , 

|  tfi,  ï  1 77,  5 10,  711,  811. 

—  (  Etat  moral  et  social  des  ), 
9  16. 

—  (Recherches  sur  l'histoire  des), 
Su. 

Peine  de  mort  (De  la),  par  Adol- 
phe Gai  nier,  182. 

Peinture,  247,  264,  $26. 

Pelouse  (  E.  ).  Voy.  Botanique  du 
droguiste. 

Pelouze.  L'Art  du  maître  de  for- 

•  ges,  728. 

Perdonnet  (Aug.).,  C.  —  B. ,  70J. 

—  N.,  499»  8o$- 

Perfectionnement  moral  (  Du  ) , 
par  Degérando,  743. 

Perforation  de  la  membrane  du 
tympan.  Voy.  Neuhorg. 

Pesce  (C.).Saggio  ideologico  ejisio- 
logico  su  i.Aegri,  etc.,  142. 

Pesîalozzi.  Voy.  Notice  biogra- 
phique. 

Pétersbourg  (  Plan  en  relief  de  ), 
exposé  à  Paris,  820. 

Pharmacie,  164,  789. 

—  élémentaire  en  24  leçons  ,  par 
G.  L.  Brismontier,  i63. 

Phénomènes  météorologiques  , 
an. 

Philips'  (  Richard  )  Golden  Rides  of 
social  philosophy,   116. 

Des  pouvoirs  et  des  obliga- 
tions des  jurys  ,  traduits  de 
l'anglais  par  Charles  Comte  , 
178. 

Philologie,  92,  T29,  i3o,  i3i  , 
191,  827,399,400,699,700. 

Philosophie,  123,  320,  392,  4 3 4  , 
436,438,  604,  f>97- 

—  sociale.  Voy.  Phillips. 
Physiologie,  142. 
Physique,  226, 245  ,  712,  728. 


I>I„S    MAI  IÈ  II  ES.  86l 

Physique  (Traité  de)  appliquée 
:in  \  artS  et   métiers,  etc.,  par  ,J. 

J.  V.  Gruillond,  4&9< 

Pierrot  (  Jules  ).  Bibliothèque  des 
classiques  latins ,  A.,  9a. 

Pigaull  -  Lebrun.  Histoire  de 
l >ouis  IX  ,  44^- 

—  Histoire  de  Charles  VI  ,  ibid. 

l'nio  (  C.  Dominique),  V.  Porro. 

Places  fortes.  Pojr.  M ehkiîs. 

Pobsib,  98,  143,  193,  339,  383  , 
384,  38o,452,  454.  45*5,  457  , 
459,  460,  479  ,  058 ,  682,  685  , 
690,  767, 77a,  774. 

DRAMATIQUE  ,    ^3,   26  I  ,  262  , 

523,  526.  664,  709,  775  ,  8l  I  , 

82  1   ,    89.3,   827. 

Poésies  européennes  ,  par  Léon 
Halevy,  102. 

—  diverses  de  Charles  Nodier, 
765. 

—  polonaises  (  Choix  de),  par  J. 
Bowring  ,  682. 

Poids  et  mesures,  2  38. 
Police,  762. 

Politique  ,  4  i5  ,  694,  738,  742. 
Pologne,  496,  687,  Soc. 

—  (Etat  de  la  littérature  histo- 
rique en  ),  219. 

Polygala  nnrginiana.   Analyse    de 

cette  plante,  23 1. 
Pompéïa,  285. 
Poncelet.  Mémoire  sur  les  roues 

hydrauliques  à  aubes  courbes, 

427. 
Pongerville.  Traduction  en  vers 

du  poëme  de  Lucrèce,  191. 

—  Les  Amours  mythologiques  , 
A.,  658. 

Ponts  et  chaussées  ,  36,   106  , 

i34,  798. 
Ponts  sous  la  Tamise,  49 r- 
Poppo  (  Ernest  Frédéric  ).  Voyez 

Thucydide. 
Population  du  canton  de  Zoug  , 

229. 

—  (  Mouvement  de  la  )  dans  le 
royaume  des  Pays  -Bas,  A.  , 
596. 

—  (  Recherches  sur  la  ),  les  nais- 


86a 


sauces ,  les  décès ,  etc.  dans  le 
royaume  des  Pays-Bas,  par  A. 
Quetelet,  ibid. 

Porcelaine  (  L'Art  de  fabriquer 
la  )  ,  etc. ,  par  F.  Bastenaire- 
Daudenart,  4^i. 

Porro  (Ferdinand).  Discours  pro- 
noncé aux  funérailles  du  comte 
Dominique  Pino,  /\\i. 

Portets  (X.  de).  Voy.  OEuvres  de 
Servan. 

Portugal,  t/\$,  412,  710. 

Pouqueville(F.  C.  H.  L.).  Voyage 
de  la  Grèce,  A.,  74. 

—  Histoire  de  la  régénération  de 
la  Gi  èce,  ibid. 

Poux  -  Franklin.  Voy.  Atlas  com- 
mercial. 

Pradt  (  De  ).  Etablissement  agri- 
cole, 239, 

—  Concordat  de  l'Amérique  avec 
Rome,  738. 

Precepts  (  3'he)  of  Jésus  ,  etc.  by 
Ram-Mohum-Roy,  110. 

Presse  (  Législation  sur  la  )  en 

Suisse,  806. 
Principes  de  littérature  ,  de  phi- 
losophie, de  politiqueet  de  mo- 
rale ,    par   le  baron   Massias, 

434. 

Prisons,  376. 

— (Observations  sur  les),  etc.,  par 
B.  Appert,  750. 

Prix  décernés  :  par  l'Académie 
royale  des  beaux  -arts  de  Pa- 
ris, 247.  —  par  la  Société  pour 
l'utilité  publique  de  Bruxelles, 
611. 

—  proposes  :  par  l'Académie  des 
sciences  de  Berlin,  326.- — par 
la  Société  académique  d'Aix  , 
240.  —  par  la  Société  pour  l'en- 
couragement des  sciences  ,  des 
lettres    et  des    arts    d'Arras  , 

5l2. 

Procedings  of  s  an  dry  citizen  s  of 
Baltimore  ,  etc.,  106. 

Professeurs  (  Des  )  et  des  méde- 
cins, etc.,  par  Théodore  Gaupp, 
129. 


TABLE    ANALYTIQUE 

Propriétaire-Architecte  (Le);  ou- 
vrage dessiné  et  rédigé  par 
Urbain  Vitry,  469. 

Puget  -  Barbantane.  Mémoires  , 

757- 
Puissant  (L).  Voy.  Géodésie. 


Quetelet  (A.). ,  C — A. ,  596. 

—  Voy.  Nominations  académi- 
ques. 

—  (A.).  Résumé  d'une  nouvelle 
théorie  des  caustiques,  etc., 
4i4. 

—  Recherches  sur  la  popula- 
tion ,  etc. ,  du  royaume  des 
Pays-Bas ,  A.,  596. 

—  Correspondance  mathématique 
et  physique,  712. 

Quétrin.  Voy.  Astronomie  des  de- 
moiselles. 

R 

Raffles  (Thomas  Stamford).  Voy. 

Nécrologie. 
Rafn  (C.  C.)  Voy.  Krakumael. 
Rambling  notes  and  reflections  sng- 

gested  duving  a  visit  to  Paris  ,  by 

Arthur  Brooke  Faulkner,  680. 
Rambur.   Notice    sur    un    enfant 

monstrueux,  245. 
Ram-Mohum-Roy,  auteur  indien. 

Onze  divers  écrits,  110. 
Rapport  (septième)  du  comité  de 

la   société  pour  l'amélioration 

des  prisons  de  discipline  ,  376. 

—  lu  à  l'Académie  royale  de  Mé- 
decine, au  nom  de  la  commis- 
sion chargée  d'examiner  les  do- 
cumens  de  M.  Chervin  ,  con- 
cernant la  fièvre  jaune,  A.,  58u. 

Ra urner  (F.  de).  Voy.  Solger. 

—  Voy.  Nominations  académi- 
ques. 

Réal(J.  F.).  Cours  de  religion 
chrétienne,  4o3. 

Réclamation  au  sujet  d'un  ar- 
ticle de  la  Revue  Eucyclopcdi- 


DBS    MATIERES. 


863 


que  sur  les  poètes  de  la  Russie  , 
a  16. 

—  de  INI.  Creuzé  de  Lesser  au  su- 
jet d'an  article  de  La  Revue  En- 
cyclopédique sur  l'utilité  des 
statistiques,  par  M.  .T.  IJ.  Say, 
5ai. 

—  de  M.  Ferry!  au  sujet  d'un  ar- 
ticle de  la  Revue  Encyclopé- 
dique  sur    les  ponts   de  Paris, 

83a. 

Récompenses  accordées  à  l'occa- 
sion de  L'exposition  publique, 

a  Paris,  des  produits  des  ma- 
nufactures françaises,   i3. 
Recueils     périodiques.      Voyez 

JOUUNAUX. 

Redouté  (  P.  J.  ).  Choix  des  plus 
belles  fleurs  prises  dans  diffé- 
rentes familles  du  régne  végé- 
tal ,  202. 

Réformation  (Histoire  des  pro- 
grès et  de  la  suppression  de  la  ) 
en  Italie,  par  Thomas  M' Crie, 

379- 

Réfutation  de  la  relation  du  ca- 
pitaine Maitland  touchant  rem- 
barquement de  Napoléon  a 
bord  du  Bellérophon,  par  Bar- 
the,  44g. 

Réhafa.  Voy.  Agoub. 

Reiffenberg(Ue)  ,  C— B. ,  416, 
4t7- 

Religion.  Voy.  Sciences  reli- 
gieuses. 

—  (de  la  ),  considérée  dans  sa 
source,  ses  formes  et  ses  déve- 
loppemens ,  par  B.  Constant, 
A.  ,   604. 

—  (Essais  sur  les  sujets  les  plus 
importans  de  la  )  ,  par  Thomas 
Scott ,  402. 

—  (Cours  de)  chrétienne,  par 
J.  F.  Real,  4o3. 

Remarks  (  Brief)  etc.,  by  Ram-Mo- 

hum-Roy,  110. 
Renouard  (A.  A.).  Voy.  Epicurien. 
Renouard    (  Charles)  ,    C.  — B.  , 

184. 

RÉPUBLIQUE    ARGENTINE    (  Précis 


historique  sur  la  situation  ac- 
tuelle de  l.i ),  troisième  article, 
M.,  5jr>. 
Bestrepo  (<'/•).  Hittoria  de  la  revalu* 
cion  de  l,i  repubîioa'de  Colombia, 
79°-  , 

lu  m   mis  d'histoire.  Voyez  le  mot 

Histoire. 
Reuvens  (  C.  J.  C.  ).    Oratio  de  ar- 

ckevologitê  en  m  ai  (1 bris  recentiori- 

bns  eonjunctione  ,711. 
Révision  des  lois  civiles  et  pénales, 
dans   plusieurs   cantons  de    la 
Suisse,  808. 

RÉVOLUTION  FR  VNÇAISE,  409,  "55, 

<j56,  757. 

Revue  Encyclopédique.  Voyez 
Banquet  mensuel. 

Revue  sommaire  (suite  de  la)  des 
sociétés  savantes  dans  la  Gran- 
de-Bretagne, 799. 

Rick  (J.  C).    Voy.  Nominations 

ACADÉMIQUES. 

Rigollot  fils,  C. — B.,  425,722. 

Mémoire  sur  l'ancienne  ville 

des  Gaules  qui  a  porté  le  nom 
de  Samarobriva ,  45o. 

Robert  et  Léontine  ,  histoire  du 
xviR  siècle,  par  J.  C.  F.  de  La- 
doucette  ,  198. 

Roberts  (  Miss  Emma  ).  Memoirs  of 
the  rival  houses  of  York  and  Lan- 
castery  120. 

Robiquet.  Voy.  Garance. 

Roentgen  (G.  M.).  Voy.  Nomina- 
tions ACADÉMIQUES. 

Romans,  la»,  i32,  196  ,  198, 
207,  346,  41 1  ?  4*9  1  4^1 ,  4°"3> 
463,683,776,  777,778,782, 
783,784. 

—  historiques  de  Van-der-Velde, 
traduits  en  français,  196. 

Rossetti  (C).  C. — B.,  412,  707. 

Roues  hydrauliques.  Voy.  Pon- 
celet. 

Rousseau  ,  consul  général  de 
France  à  Tripoli.  Extrait  d'une 
lettre  adressée  à  M.  Barbier  du 
Bocage,  4$7- 

Roy  (A.).  Voy.  Narrateur  français. 


864 

lvover-Collard.A'oj.  Nominations 

ACADÉMIQUES. 

Rozoir  (Charles  du),    C. — A., 

3a7. 
Russie,   ia3,    216,    386,    494» 

683,  8oo. 
Ryleef{K.).  Doumui,  386. 


Saga's  (Des),  ou  de  l'ancienne 
littérature  du  Nord  ,  M. ,  22. 

Saint-John  (A.).,  C.  —  B.  ,   120. 

Saint-Luiz.  Mémoire  sur  les  ou- 
vrages d'art  dans  le  monastère 
de  Sainte  -  Marie  -  de  -  la  -  Vic- 
toire, etc. ,  710. 

Saint-Prosper  (  A.  J.  C.  ).  Examen 
des OEuvres complètes  de  M.  le 
vicomte  de  Chateaubriand  , 
765. 

Saintine.  Voy.  Homme  (L')  du 
monde. 

Salfi  (Fr.).  C— M.,  3o.— A. ,  66-4- 
—  B. .  i43,  148,  4 n»  4*3,706, 
709,  710.  —  N. ,  233,  811. 

SaUtzzo  Roero  (  s  ignora  Diodata  ). 
Ipazia,  ovvero  délie  fûoso fie  y  etc., 
143. 

Samarobriva.  Voy.  Rigollot. 

Samuel  ou  la  pauvre  famille,  nou- 
velle ,  par  A.  J.  Sauson,  784. 

Sanson.  Voy.  l'ouvrage  précédent. 

Santarem.  Memorias  para  a  historia 
e  theoria  das  cortes  geraes  ,  etc. , 
i48. 

—  Noticia  dos  manuscriptos  perten- 
centes  ao  direito  publico  ,  etc. , 
148. 

Santé  publique,  752. 

Savart.  Voy.  Nominations  aca- 
démiques. 

Say  (  J.  B.  ).  Réponse  à  la  récla- 
mation de  M.  Creuzé  de  Lesser, 
523. 

Sciences  médicales,  162,  i63, 
164»  x65,  23 1 ,  245  ,  25o,  4M» 
421 ,  4*3,  589,  711 ,  722  ,  724, 
789- 


table   analytique 


MORALES   ET  POLITIQUES,   f\rô  , 

175,   320,    433,  6o4,  736. 

—  physiques,  36,  i58,  3o(S,  401, 

559,717. 

RELIGIEUSES,    110,-176,    3y8  , 

402  ,  4o3 ,  404,  433  ,  604 ,  695, 
7 36,  7 38,  742. 
Schiller.  Histoire  du  soulèvement 
des  Pays-Bas  sous  Philippe  II, 
traduite  en  français  par  Cha- 
teaugiron  ,  A. ,  69. 

—  Voy.  Walstein. 

Schmidt  (C.  A.).  Dinarchi  orationes 

très ,  400. 
Scott  (  Thomas  ).  Essais  sur  les 

sujets  les  plus  importans  de  la 

religion  ,  traduits   en   français 

par  L.  Burnier,  402. 
Scott  (JValter).  The  lifeof  Napoléon 

Bonaparte ,  A. ,  629. 

Voy.  Chroniques. 

Scribe.  Le  Mariage  d'argent,  823. 

Sculpture,  247. 

Séances  nautiques.  Voy.   Bonne- 

foux. 
Segato  e  Masi.  Saggi  pittorici,  geo- 

grafici ,  etc. ,  139. 
Servan.  Voy.  OEuvres. 
Seymour  (Me.  Fanny  ) ,  C. — B.  , 

123,  683. 
Silvestre  (De),  de  l'Institut,  C. — 

A.,  36i. 
Smits(E.  ).  Voy.  Développement. 
Sociétés  savantes  et  d'utilité 

publique  : 

—  aux  États-Unis  :  Société  philo- 
sophique américaine,  établie  à 
Philadelphie  pour  hâter  les  pro- 
grès des  connaissances  usuelles, 
372.  —  Institut  nouvellement 
fondé  à  Albany,  794. 

—  en  Angleterre  :  Société  formée 
à  Londres  pour  répandre  des 
connaissances  usuelles,  n3.  — 
Société  pour  l'amélioration  des 
prisons  de  discipline  de  Lon- 
dres, 376.  —  Académie  royale 
de  peinture  de  Londres,  799. 
—  Société  des  artistes  anglais, 


DES    M  vi  i  i  r.  ES. 


800. —    Société    des    dessins    à 

l'aquarelle,  800.  —  Académie 
royale  de  musique ,  800.  —  Ins- 
titution harmonique,  800. 
-  eu  Russie  :  Société  d'économie 
de  Saint-Pétersbourg ,  [94*  — 
Société  a  histoire  el  a  antiquité! 
russes  de  Moscou ,  683.  —  Aca- 
démie des  sciences  de  Saint- 
Pétersbourg,  800. 
—  en   Pologne  :  Société  philoma 


tique  de  l'Université  de  Craco- 
vie,  49Û- 

—  en  Allemagne  :  Académie  des 

sciences  de  Berlin  ,  226. 

.    ,.      A       , ,     •     -,      n,       /Sourds-muets,  477,  711. 

—  en  Italie:  Académie  des  Geor-  y       ,■&  1        ,•        ,  ?/\l        1 

,..,-,.  0  — (éducation  des)  dans  le  tan 

gophiles  de  Florence  ,  809.  —         ^  ^^    mM 

Société  établie  à  Florence  pour 


l'industrie 


courngement    pour 
nationale;  ,  787. 

Soetermeer  (('-.).  Voy.  No,nr.\- 
riojri  \1.vn1  ekzqi  ; 

Soi W  (lia)  ou  les  deux  RîcheSj 
comédie  en  vers,  par  .M***, 
5ao\ 

Solgcr  s  nachgelasscne  Schriften,  lie- 
rausg»gebtn  von  L.  Ticch  und 
Frit  cl.  von  liaurncr,  607. 

Somof  (O.).  Voy.  Vautier. 
Soulange-Bodin*  Quelques  idées 
sur  la  régénération  des  forétl  , 

4*o. 

—  C— N.,838. 


la  propagation  de  l'enseigne- 
ment mutuel,  810.  —  Académie 
des  lettres  et  des  arts  de  Pis- 
toia,  810. 

—  dans  les  Pays-Bas  .'Société  pour 
l'utilité  publique,  de  Bruxelles, 
5 11.  —  Société  pour  l'amélio- 
ration morale  des  condamnés 
d'Amsterdam,  5ia.  —  Institut 
royal,  81  a. 

—  en  France  (dans  les  départe- 
mens  )  :  Société  académique 
d'Aix  ,  240,  788.  —  Société  de 
lecture  de  Dijon  ,  240.  —  So- 
ciété royale  d'agriculture  et  de 
commerce  de  Caen,  471.  —  So- 
ciété pour  l'encouragement  des 
sciences  ,  des  lettres  et  des  arts 
d'Arras  ,  5 12.  Société  des  amis 
des  arts  d'Avignon,  81 3.  — 
Société  delà  morale  ebrétienne 
de  Marseille  ,  81 4- 

(à  Paris  )  :  Institut  royal  > 

Académie  des  sciences,  241  : 
5i3,  8i5.  —  Académie  fran- 
çaise, 5 16.  —  Académie  des 
beaux-arts,  247. — Société  phi- 
lantropique,  204.  —  Société 
royale  des  antiquaires  de 
France  ,  248.  —  Société  d'hor- 
ticulture ,  5 19.  —  Société  d'en- 

T.  XXXVI. 


Ion 

de  Berne,  229. 
(  De   l'éducation  des  )  de 

naissance,  par  Degérando  ,  A.  , 

614. 
Souvenir    littéraire,    par    Alaric 

Watts,  383. 

—  de  la   garde  nationale,   etc., 
par  un  ex-capitaine,  442« 

—  d'un  militaire  des  armées  fran- 
çaises dites  de  Portugal ,  758. 

Stassart,  C. — B. ,  418. 
Statistique,  i3g,  229,  4 '3,  596, 
678. 

—  industrielle  et  commerciale  de 
la  France  ,  25 1. 

—  judiciaire  et   morale   des  îles 
britanniques  ,214. 

Stein  (B.  de).  Voy.  Nominations 

ACADÉMIQUES. 

Stempkovski  (J.).  Voy.  Médaille. 
Sturz.  Reste  de  l'histoire  romaine 

de  Dion  Cassius  ,  1  3o. 
Suéde, 802. 
Suisse,   i33,  229,  401,  jo3  ,  701  , 

3o6. 

—  (La)  savante,   ou  les  écrivains 
du  xixe  siècle  ,  par  Meyer,  809. 

Systematische  Uilder-Gallerie ,  i32. 


Table  démultiplication,  iGj. 
Tableau  chronologique  des  événo- 

57    " 


I     :  TTIQUI 


ir Tacite,  —  enarabe :  du  français,  208. 

le   Fort  il  ,  A,    —  en  danois  :  de  L'islandais 
!  —  en  français  :  de  Falleman 


9. 
1 3  -  —  de  l'an- 

glais, 36.   160.  178,   193,   1 

-■  -    ■■  " ■"■  ::  •  1 

-    |,  --      777,778.  -  de  l'es- 
pagnol, 98,  3jq.  —  du  la: 

1: .  1,  65S.  7^3.  —  du  sans- 
crit. 189. — ce  diverses  langues, 

— •  en  iatm  :  du  grec,  1 3 1 . 

—  eu  polonais  :  du   russe,    6871 
802. 

—  en  russe  :  du  français,   12  \-  — 
du  srec  moderne.  66  5. 

Transactions  cf  the  am encan  philo- 

sophical  sosietr a  etc.,  3~z. 
Translation  c/  ndnk-Oç 

hvd,  c  ii-Ay, 

I2C. 

—  of  the  Kud-Opunishud,   etc.,  by 
s  a  me  ,  îbid. 

—  of  the  Cena-Osunishtid,  etc.,    Vf 
:  .  c  - .    -  -  d. 

—  of  a   Conférence,  etc..  \j  the  sa- 
me ,  ib.d. 

ineoor  -  Tremblement   de  terre  a  la  Mar- 

LOGIE.     r,;v,   5CIE5CE5  KELI-  .     . 

i  Ht'ji-juic.       __  -que,  air. 

ernnis-  fiwufï  ohsckcstgn  istorii  i  en 

:       i  Ses  de  kflo  Prfaj  ■■nnTo.  .     f€-  e:t.  ^  683_ 

Ed.E.F.Poppo,  120.  j^     De  r^v^ement  des  )  en 

Tbueux  (  F.  ).  Les  bains  de  mer,  ' 

poème,  455  • 

en  [-*t  F.  ).  tfcar  oc   H 

koo's'.en,  4 r 4- 
Tieck  (  L.  >  roy.  Solger. 
Tioiemann      F.  \gmi>a- 

Z\      >'S    ACADÉMIQUES. 

.tîû/2    (  William].    Toj.   Eulo- 

giunt. 
Tinbuktou  (  Origine  de  \  d'après 

les  auteurs  arabes,  489. 
Tou^ard.  Guide  des  jurés,  181. 
TsADvenon  : 

en  alema-.d  :  an  français,  39a. 

en  ar.  "<nd,  683, 

».  de  diverses  langues  indiennes, 
iio, 


—  historique ,  chronologiqu 
concot:        _  Kl    de    i  I 

ve;  nfté  ce  Paria  .  etc..  pat  A.  J. 
de  Mancv  .  4-i:- 

Tableaux    "  Les    princâpaaa  .    du 
de  La  Haye,  giaves  au 
trait.  71  x. 

j  ■  chronologi- 

que. 

Taillandier  (  A.  )  C.  —  B..  1  56. 

Taltua      Exhumation    des   restes 
de),  3'  '■ 

r'ECH^OLOGIE.     r<JV.    ARTS    IïCUS- 

n  :els- 

ituie   '  Art  de  la  \  d'api  es   la 
méthode  a:._".   ise,  etc.,  f    :  Bu- 

los.  i"  7. 

Tei.ee  de  Vax   DIE3IE5-.   Situa- 
tion de  cette  colonie,  aia. 

Théâtres  :  de  Paris.  »6i  ,    323  , 

Bai. 

—  armais,  à  Par;;  .  *6a. 

—  de  Tarin,  81  x. 
TteegmuKs  reliquiœ.  Ld.  TÏ'eVie'. t  3 1 . 


Europe,  11S. 
Turin,  f'c.y.  Milan 

TuEQUIE,   Il8. 

T^ojea -  -  B*  '  • Jf  ■*"■ etc-  » 

hr  P.  Cunningham,  3- 3. 


To\ rs.  i3i. 
Universités  de  Russie,  ai6. — 

de   Cracovie.   49^-  —  ^e  *-on- 

Tain  et  de  Groningue,  5 10.  — 

de  Buenos-Ayres,  79  \. 
(Ji  ûm    G.  Fr.   .  Magasin  des  arts 

etdes  métiers,  126. 


\  lccivb  (  Propagation  de  la  )  en 

Russie,  49  \- 

Valcntin  (Ph.  )•  Manuel  du  char- 
pentier, ifi8. 

Van  Bieda  (J.  G.  S.).  Voy.  Nomi- 
nations   V(    U>l  MIQUES. 

I  an  Coppeïlen  {J.  P.).  Bydragen 
tôt  de  Geschiedenis  der  JSederlan- 
den,  i\i6r 

Van-der-Maelen(Ph.).  Voy.  Atlas 
universel. 

Vart-der-Velde.  Voy.  Romans  his- 
toriques. 

Van  Rees  (R.).  Voy.  Nominations 

ACADÉMIQUES. 

Van  Reynsbergen.  Voy.ibld. 

Vapeu/d'eau  (Puissance  de  la  ). 
Voy.  Fourier. 

Varaigne,  C. — M.,  545. 

Vaucheley  (  Th.  ).  L'Académie 
des  beaux-arts  de  Paris  lui  dé- 
cerne le  second  grand  prix  de 
peinture,  a  47- 

Vautier.  Mémoires  sur  la  guerre 
actuelle  des  Grecs  ,  traduits  en 
russe  par  Oreste  Somof ,  124. 

Vergnaud  (A.).,  C.— B.,  73o. 

Veuves  indiennes.  Sur  l'usage  de 
les  brûler  vivantes  sur  le  bû- 
cher de  leurs  maris,  110. 
Vicat.  Observations  physico-ma- 
thématiques sur  quelques  cas 
de  rspture  des  solides,  241. 
Victoire  (  La  )  de  Junin,  chant  à 
Bolivar,  par  J.  J.  Olroedo,  479- 

—  (  Première  )  de  la  lumière  sur 
les  ténèbres  dans  l'église  catho- 
lique de  la  Silésie,  695. 

Vie  et  correspondance  du  major 
Cartwright,  38 1. 

—  de  M.  de  la  Fléchère,  pasteur 
de  Madeley  ,  en  Angleterre  ; 
traduite  en  français,  4°3- 

t—  du  cardinal  Gaspard  Conta- 
rini,  par  L.Beccadelli,  410. 


Dl-,    M  V  1  1I.UF.S.  ft^T 

—  de  Thoddée  Kosciuizko    pai 
Charles  Falkenstein,  696. 

—  politique  et  militaire  <le  Napo- 
Iron,  racontée  par  lui  -  même 

au  tribunal  de  César,  Alexan- 
dre et  Frédéric,  448. 

—  de  Napoléon  Bonaparte,  par 

Waltci  Scott,  A.,  629. 

Vicnnet.  Histoire  des  guerres  de 
la  Révolution  française,  i85. 

Viennet  (J.  P.  G.).  OEuvres,  45; 

Villenave  fils.  Voy.    Walstein. 

Villeneuve  (Eugène  de  ).  Journal 
fait  en  Grèce,  etc.,  4I7« 

Virard.    Alphabet    phonométri- 
que ,7^1. 

Visconti  (E.  Q).  Opère  varie  italianc 
efrancesi,  etc.,  ^îi. 

Vitry  (Urbain).  Voy.  Propriétaire- 
Architecte. 

Volcans.  Voy  Marcel  de  Serres. 

Voltaire  apologiste  de  la  religion 
chrétienne,  175. 

Voyage  (  Esquisses  d'un  )  aux 
lacs  ,  notes  sur  les  Indiens 
chipewas ,  etc.,  par  Th.  L. 
M'Kenny,  673. 

—  métallurgique  en  Angle- 
terre ,  etc.  ,  par  Dufrénoy  et 
Élie  de  Beaumont,  A.,  3r4- 

—  en  Allemagne,  1-28. 

—  dans  les  petits  cantons  et  dans 
les  Alpes  rhétiennes  ,  par  Kas- 
thofer  ,  traduit  de  l'allemand 
par  E.  J.  Fazy-Cazal,  i36. 

pittoresque  dans  le  canton  des 

Grisons,  etc.,  par  J.  J.  Meyer  , 

i34- 

—  aux  Alpes  et  en  Italie,  par  Al- 

bert-Montémont,  194* 

—  de  Naples  à  Amalfi,  par  Cas- 
tellaraare  et  Pompéïa  ,  par  E. 
G.  d'A.,M.,a78. 

—  de  la  Grèce,  par  F.  C.  H.  L. 
Pouqueville,  A.,  74- 

—  à  Athènes  et  à  Constantinopk, 
ou  Collection  de  portraits, 
vues,  etc.,  4°*7- 


868 


TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIERES. 


w 

Walstein  ,  tragédie  de  Schiller  , 
imitée  par  Villenave  fils,  827. 

VVatts'  Literary  Souvenir ,  383. 

Welker.  Ce  qui  nous  reste  de 
Théognis,  i3i. 

Werner.  Voy.  Configliacchi. 

Werner  (J.  C).  Atlas  des  oiseaux 
d'Europe,  420. 

Wibor  Poezyi  Polskiey,  682. 

Wilderspin  (  S.  ).  Sur  les  avan- 
tages de  l'instruction  que  prend 
l'homme  entre  les  bras  de  sa 
nourrice,  210. 


Young(  Thomas  ).  Voy.  Nomiav- 

TIOKS  ACADÉMIQUES. 


z 


Zanole(J.).  Manuel  du  créancier 
hypothécaire,  747* 

Zanth  (  L..).  Architecture  mo- 
derne de  la  Sicile  ,  200. 

—  *—  antique  de  la  Sicile,  20 1 . 

Zapishi  Polkovniha   Vauùer  ,   124. 

Zoologie ,  210. 

Zygénides.  Voy.  Bois-Duval. 


FIJI   DE  LA  TABLE  DU  TOME   XXXVI. 


ERRATA   DU  TOME   XXXVI. 


Cahier  d'OcTOBRE.  Page  3o,  ligue  19,  d'après  les  conseils,  lisez  :  imbus  des 
principes;  p.  32,  1.  3.  le  discours  qu'il  prononça  au  congrès  de  Lyon  /lisez  :  le 
discours  qu 'il prononça  à  l'occasion  du  congrès  etc.  ;  p.  32,  1.  34,  les  sciences 
littéraires y  lisez  :  la  littérature  ;  p.  34,  1.  21,  Chinexico,  lisez  :  Cherico  ;  p.  142  , 
1.  36,  Bucceloni»  lisez  :  Bitcceleni  ;  p.  147, 1.  5,  la  plupart,  lisez  :  quelques- 
unes  ;  ibid. ,  1.  12  ,  a  Vérone,  lisez  :  h  Crémone  ;  p.  i5l  ,  I.  i4>  par  des  honv- 
râbles  ,  lisez  :  par  ses  honorables  ;  p.  184,  ligne  ayant-dernière  ,  bfr.,  lisez  : 
8fr. 

Cahier  de  Novembre.  Page  274>  ligne  20,  jaunâtre,  lisez  :  jaune  -verddtre  ,■ 
p.  2^5,  I.  23  ,  des  principes  immédiats ,  lisez  :  les  principes  immédiats  des  corps 
organisés  dans  la  composition  desquels  l' hydrogène  entre  toujours  comme  élément; 
p.  279  ,1.2,  pèlerinage,  lisez  :  pèlerinage  ;  p.  388,  avant-dernière  ligne  ,  sup- 
primez la  virgule;  p.  389,  1.  6,  Stempkowsky,  lisez  :  Stempkovsky  ;  ibid.,  1.  23, 
fVestnik,  lisez:  Vestnik  ;  ibid.,  1.  37,  cela,  lisez  :  il;  p.  ^o5,  on  a  oubliéle  signe 
de  la  censure  en  tête  de  l'article  sur  l'Histoire  civile  de  Naples ,  par  Giannone  , 
article  qui  avait  été  retranché  par  le  bureau  de  censure  ;  p.  4  r7  »  h  IO  >  de 
Muiden  ,  lisez  :  te  Muiden  ;  p.  440  ,  1.  3q  ,  tome  iv  ,  lisez  :  tome  vi  ;  p.  4S4  , 
1.  22  et  23  ,  33  degrés  Réaumur ,  etc. ,  lisez  :  19,2  degrés  de  Réaumur  à  23,9  le 
jour,  et  x4>5  à  19,2  la  nuit  ;  p.  495, 1.  28,  werste,  lisez  :  werste  ;  ibid.,  1.  29,  on 
a  tiré  ,  des  ,  supprimez  la  virgule;  ibid.,  1.  3o  ,  supprimez  la  virgule  ;  p.  5oo  , 
1.  19,  ajfectation,  lisez  :  affection. 

Cahier  de  Décembre.  Page  568  , 1.  2,  mettez  une  virgule  après  le  mot  cha- 
peaux s  p«  587, 1.3,  humainees,  lisez  :  humaines  ;  p.  687,  1.  II,  il  trouve,  lisez: 
il  en  trouve  ;  p.  737  ,1.  7,  mettez  un  point-virgule  ,  au  lieu  de  la  virgule  après 
le  mot  f.auvre;  ibid.,  1.  8  ,  pour  assister  le  riche,  lisez  :  vous  êtes  pauvre  :  c'est 
pour  assister  le  riche  ;  p.  793  ,  l'article  des  Nouvelles  des  Etats-Unis  ,  intitulé  : 
Mécanique  ,  a  été  inséré  par  erreur  et  avant  la  réception  de  renseiguemens 
exacts  sur  la  prétendue  découverte  qui  s'y  trouve  annoncée. 


1915    4 


AP 
20 

R53 

t.  36 


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